- Texte visé : Texte de la commission sur le projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, de programmation pour la refondation de Mayotte (n°1470)., n° 1573-A0
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Après le 5° de l’article L. 761‑8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un 5° bis ainsi rédigé :
« 5° bis L’article L. 741‑5 est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
« « Lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision, l’étranger accompagné d’un mineur qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731‑1 peut, pour le temps strictement nécessaire à l’organisation de l’éloignement et qui ne peut excéder quarante‑huit heures, être placé dans des lieux spécialement adaptés à la prise en charge des besoins de l’unité familiale.
« « Les caractéristiques de ces lieux, indépendants des lieux de rétention et qui garantissent aux membres de la famille une intimité adéquate, dans des conditions qui tiennent compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, sont définies par décret en Conseil d’État.
« « En cas d’impossibilité matérielle de procéder à l’éloignement pour une raison étrangère à l’administration, l’autorité administrative peut proroger ce placement pour un nouveau délai de vingt‑quatre heures.
« « L’étranger qui fait l’objet d’une décision de placement ou de prorogation de placement en application des deuxième et quatrième alinéas du présent article peut la contester devant le magistrat du siège du tribunal judiciaire dans un délai de quarante‑huit heures. Le magistrat du siège du tribunal judiciaire statue, par ordonnance, dans les quarante‑huit heures suivant sa saisine.
« « Sous réserve de ces adaptations, les chapitres Ier à IV du titre IV du livre VII sont applicables. » ; ».
I bis (nouveau). – Le III de l’article 86 de la loi n° 2024‑42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration est ainsi rédigé :
« III. – Le 1° de l’article 40 s’applique à Mayotte à compter du 1er janvier 2027. Le 3° du même article 40 s’applique à Mayotte à compter du 1er juillet 2028. »
II. – Le I entre en vigueur le 1er juillet 2028.
La suppression du placement des familles dans les centres de rétention est une mesure forte portée par le Gouvernement lors de l'examen de la loi du 26 janvier 2026 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration. Cette interdiction de placer des mineurs en rétention administrative est effective depuis le 24 janvier 2024 sur l’ensemble du territoire.
La composition spécifique des flux migratoires vers Mayotte, majoritairement familiale, a cependant nécessité une exception temporaire à Mayotte : le législateur a ainsi choisi de laisser le temps à l’exécutif de s’adapter à cette situation tout à fait exceptionnelle du département.
L’objet même de cet article est de créer les conditions permettant la bonne mise en œuvre de l’interdiction du placement des mineurs en centre de rétention administrative sur le territoire de Mayotte.
En effet, le nombre de mineurs accompagnant leurs parents est particulièrement élevé au centre de rétention administrative de Pamandzi : il avoisine chaque année les 3 000 depuis 2019, avec 2 909 mineurs accompagnants en 2023, contre 87 en 2023 pour l'ensemble de la France hexagonale cette même année. Ces chiffres sont la preuve qu’il faut continuer de disposer à Mayotte d'infrastructures spécifiques permettant d'éloigner les familles.
Pour autant, ces infrastructures seront d’une toute autre nature que les centres de rétention administrative. Les unités familiales seront justement des bâtiments indépendants des CRA, c'est-à-dire sur une emprise distincte, où l'intimité de chaque famille familiale sera préservée.
Cette garantie figure dans le texte même de l'article. La présence de matériel dédié à l’accompagnement des mineurs permettra sur place de garantir une adaptation aux besoins des mineurs. Comme l'énonce l'étude d'impact, qui a valeur juridique, le régime de surveillance y sera plus léger : il n’y aura aucun policier à l’intérieur des emprises, pas de grillage, pas de barbelés, pas de hauts-parleurs. De telles unités existent dans des pays européens comme la Belgique.
Cinq arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme du 12 juillet 2016 concernant précisément la France ont rappelé que la rétention de famille avec mineurs ne méconnaît pas, par principe, les articles 3, 5 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ils rappellent simplement que cette rétention doit constituer une mesure de dernier ressort, si aucune autre mesure n'apparaît suffisante pour la mise en œuvre des décisions de retour. Je vous invite à lire l'arrêt de la CEDH, A.B. contre France, du 12 juillet 2016 : si la France a été condamnée, c'est que les durées de rétention étaient trop élevées, elles étaient en l'espèce supérieures à une semaine. La durée moyenne de rétention des familles à Mayotte n'est que de 1,2 jour.
Ce dispositif est en outre conforme à la directive dite "retour" de 2008, dont l'article 17 dispose que les familles placées en rétention dans l'attente d'un éloignement disposent d'un lieu d'hébergement séparé qui leur garantit une intimité adéquate.