- Texte visé : Texte de la commission sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant création d'un statut de l'élu local (n°136)., n° 1603-A0 rectifié
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Le titre III du livre Ier du code électoral est ainsi modifié :
1° L’article L. 200 est abrogé.
2° Le 2° de l’article L. 230 est abrogé. »
Le présent amendement vise à favoriser l’engagement des personnes en situation de handicap, notamment les personnes en régime de tutelle ou curatelle, dans la vie politique en levant l’interdiction pour ces dernières d’être élues au conseil municipal ou départemental (les autres élections ne pouvant être concernées par cet amendement, relevant de la loi organique).
Si la possibilité de voter est, depuis 2019, effective pour les personnes en tutelle ou curatelle, il ne leur est toujours pas possible d’accéder à un mandat électoral.
Cette rupture d’égalité majeure est le vestige d’une approche paternaliste du handicap, caractéristique d’un pays qui ne sait nullement tirer les leçons des alertes soulevées par les Nations Unies quant au maintien d’une logique qui privilégie l’exclusion à l’autodétermination des personnes.
A ce titre, exclure une partie de la population de la possibilité d’accéder à un mandat électif est non seulement discriminant mais cela contrevient directement aux engagements pris par la France en ratifiant la Convention des Nations Unies : « faire en sorte que les personnes handicapées puissent effectivement et pleinement participer à la vie politique et à la vie publique sur la base de l’égalité avec les autres, que ce soit directement ou par l’intermédiaire de représentants librement choisis, notamment qu’elles aient le droit et la possibilité de voter et d’être élues »
Comme le rappelle la commission nationale consultative des droits de l’homme, la négation de ce droit aux personnes en tutelle / curatelle au motif qu’elles seraient plus influençables ne reflète pas la réalité. Alors que cet argument était déjà invoqué entre la fin du XIXème siècle et le début du XXème siècle pour refuser l’accès au droit de vote des femmes, les études montrent que ces risques sont faibles voire nuls. En Grande-Bretagne, où les personnes peuvent jouir de leurs droits politiques quel que soit leur handicap, la Commission électorale ne fait pas état d’un nombre significatif de votes considérés comme influencés parmi cette population.
Il est également, à tort, argué que les personnes en tutelle ou curatelle ne disposeraient pas des capacités nécessaires pour réaliser les tâches liées à un mandat électif. Cette interdiction ne tient pas compte de la réalité et de la diversité des situations. Une personne bénéficiant d’un régime de protection peut tout à fait être capable d’exprimer des choix de politiques éclairés. A ce titre, les personnes bénéficiant d’une habilitation familiale -qui est bien une mesure de protection au même titre que la tutelle ou la curatelle- ne sont pas visées par ces critères d’éligibilité, soulignant, de fait, l’incohérence de choix juridiques infondés. Une personne interdite bancaire ou condamnée pour abus de biens sociaux peut quant à elle accéder à un mandat, pourquoi alors imposer un régime d’exception paternaliste aux personnes en tutelle ou curatelle ?
Ce n’est pas aux personnes concernées de pâtir d’une citoyenneté dégradée mais à l’Etat de garantir par tout moyen l’accès aux aides humaines et techniques nécessaires pour que la personne puisse pleinement exercer au mandat. La citoyenneté s’exerce par la pratique. Interdire sa pratique à certaine personne revient à les considérer comme des citoyens de seconde zone, ce qui est intolérable au pays des droits humains, alors même que la France a ratifié la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies, qui appelle les Etats Parties à « protéger le droit qu’ont les personnes handicapées […] à se présenter aux élections », et ce, sans aucune distinction.
Nous devons sans plus attendre davantage abroger cette disposition qui catégorise et exclut sans aucune légitimité une partie de notre population.
Tel est l’objet du présent amendement, issu de recommandations de l’association Handéo et de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme.