- Texte visé : Texte de la commission sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant création d'un statut de l'élu local (n°136)., n° 1603-A0 rectifié
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
I. – Après l’article L. 2123‑34 code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2123‑34‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2123‑34‑1. – Lorsqu’un élu local constate une situation de non-conformité réglementaire antérieure à son mandat, il peut solliciter du représentant de l’État dans le département la reconnaissance d’un régime de co-responsabilité.
« Ce régime s’applique aux situations cumulant les conditions suivantes :
« 1° La non-conformité résulte de décisions ou d’omissions antérieures au mandat de l’élu concerné ;
« 2° La mise en conformité immédiate est impossible ou entraînerait l’interruption d’un service ;
« 3° Un plan de mise en conformité a été établi et validé par les services compétents de l’État.
« L’État assume conjointement avec la collectivité la responsabilité des dommages pouvant résulter du maintien temporaire de la non-conformité.
« Le représentant de l’État se prononce dans un délai de deux mois sur la demande de reconnaissance du régime de co-responsabilité. Son refus doit être motivé. »
II. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre I< sup>er< /sup> du livre III du code des impositions sur les biens et services.III. – La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre I< sup>er< /sup> du livre III du code des impositions sur les biens et services.
L'exercice des mandats électifs locaux place régulièrement les élus dans des situations de dilemme juridique particulièrement délicates, notamment lorsqu'ils héritent de leurs prédécesseurs d'équipements ou de services publics présentant des non-conformités réglementaires. Ces situations, fréquentes dans la gestion locale, illustrent la tension permanente entre l'exigence de conformité réglementaire et la continuité du service public.
Un maire nouvellement élu peut ainsi hériter d'un établissement ne respectant pas l'ensemble des normes de sécurité ou d'accessibilité, sans pour autant pouvoir envisager sa fermeture immédiate compte tenu de l'absence d'alternative et du préjudice social qu'entraînerait l'interruption du service.
Cette situation place l'élu dans une position juridiquement intenable : maintenir le service expose sa responsabilité pénale et administrative pour non-respect de la réglementation, tandis que la fermeture immédiate constituerait un manquement grave à ses obligations de service public et porterait atteinte aux droits fondamentaux des usagers.
L'inadaptation du cadre juridique actuel à ces situations de contrainte héritée constitue un facteur significatif de dissuasion à l'engagement électif local. De nombreux témoignages d'élus font état de l'angoisse générée par la découverte, en début de mandat, de non-conformités structurelles nécessitant des investissements considérables et des délais de mise en œuvre incompatibles avec l'urgence réglementaire.
Le principe de co-responsabilité proposé reconnaît que certaines situations de non-conformité dépassent les capacités d'action immédiate des collectivités locales et relèvent d'une responsabilité partagée entre l'échelon local et l'État. Cette approche s'inspire des mécanismes de solidarité institutionnelle déjà existants dans d'autres domaines de l'action publique.
L'exigence d'un plan de mise en conformité échelonnée, validé par les services compétents de l'État, garantit que le régime de co-responsabilité ne constitue pas un blanc-seing pour le maintien durable de situations non conformes. Elle impose aux élus une démarche proactive de régularisation tout en reconnaissant les contraintes temporelles et financières de cette mise en conformité.
La limitation de la responsabilité de l'élu aux seules décisions prises en méconnaissance du plan validé préserve l'exigence de responsabilité tout en sécurisant juridiquement l'élu de bonne foi. L'assumation par l'État de la responsabilité des dommages éventuels reconnaît la dimension d'intérêt général de la continuité du service public.
Le délai de réponse de deux mois imposé au représentant de l'État assure la réactivité du dispositif, indispensable à son efficacité pratique. L'obligation de motivation en cas de refus garantit la transparence de la décision et la possibilité d'un recours contentieux.
Cette mesure s'inscrit dans une logique de pragmatisme institutionnel, reconnaissant que la gestion publique locale s'exerce souvent dans des conditions de contrainte héritée qui échappent à la responsabilité directe des élus en exercice. Elle devrait contribuer significativement à rassurer les élus dans l'exercice de leurs fonctions et à faciliter la gestion des transitions entre équipes municipales.
L'instauration de ce régime de co-responsabilité constitue également un facteur d'amélioration de la qualité de l'action publique locale, en incitant l'État à accompagner plus étroitement les collectivités dans la régularisation des situations problématiques plutôt qu'à adopter une posture purement répressive.