- Texte visé : Projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, n° 2115
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des affaires sociales
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Supprimer cet article.
L’article 7 propose de rendre obligatoire, pour les entreprises de transport sanitaire et les entreprises de taxis conventionnés avec un organisme d’assurance maladie, l’équipement de tous leurs véhicules d’un dispositif de géolocalisation certifié et d’un système électronique de facturation intégré.
L’entrée en vigueur massive est prévue pour 2027, bien que, pour les taxis, la convention nationale conclue en 2025 prévoit déjà une obligation d’équipement similaire d’ici le 1er janvier 2027. Pour le transport sanitaire, les professionnels utilisent depuis de nombreuses années des systèmes de facturation électroniques (notamment via le Système Électronique de Saisie de l’Assurance Maladie – SESAM-Vitale), ce qui rend la duplication légale de l’obligation redondante et disproportionnée. Il y a donc une redondance actuelle avec le droit existant. Ainsi, inscrire ces obligations dans la loi même, alors qu’elles sont déjà négociées par convention, rigidifie un cadre contractuel, diminue la souplesse des négociations futures et méconnaît le principe du dialogue conventionnel entre l’assurance maladie et les professionnels du secteur.
À cela s’ajoute une estimation de gains contestable et des incertitudes financières, quand on sait que l’étude d’impact jointe au projet de loi annonce certes une économie d’environ 32 millions d’euros en année pleine grâce à la géolocalisation et à la facturation électronique intégrée mais qu’elle reconnaît explicitement que cette estimation n’est pas fiabilisée. De surcroît, la mesure inclut une « aide à l’équipement » pour les transporteurs sanitaires et les taxis, ce qui signifie un coût initial d’investissement public. L’étude d’impact ne garantit d’ailleurs pas que les montants investis ne dépasseront pas les économies escomptées — le rapport coût/bénéfice réel demeure incertain. Dans ce contexte, inscrire la mesure dans la loi revient à engager un coût structurel pour un gain hypothétique, sans garantie que l’équilibre sera atteint, ce qui ne respecte pas le principe de précaution dans l’usage de l’argent public.
De plus, cette géolocalisation permanente entraînera des risques pour la vie privée ainsi que la souveraineté des professionnels. En effet, obliger à la géolocalisation et à une facturation électronique sur tous les véhicules implique un contrôle en temps réel des trajets : un tel niveau de surveillance peut porter atteinte à la vie privée des patients transportés (lieu de prise en charge, trajets, horaires). L’obligation généralisée d’équipement et de géolocalisation, inscrite dans la loi, place les professionnels de santé et du transport sous un régime de contrôle permanent, sans que le fondement soit une atteinte grave à la sécurité ou des fraudes massives constatées. La vie privée des patient.e.s ne doit pas être sacrifiée sur l’autel des opérations de communication du Gouvernement à propos de la lutte contre la fraude.
En 2024, les dépenses de transport sanitaire remboursées par l’assurance maladie s’élevaient à 6,74 milliards d’euros. Devant ces données, le ciblage prioritaire des taxis et transports sanitaires — via l’article 7 — paraît disproportionné : les économies annoncées (32 M€) représentent moins de 0,5 % des dépenses totales du secteur (6,74 milliards). Dans le cadre global de la dépense, l’impact budgétaire semble marginal, tandis que le coût social pour les patients et logistique pour les professionnels est important.
Au vu de ces éléments — redondance des conventions en place, incertitude sur les économies, coût social et économique pour les professionnels, atteintes possibles à la vie privée, charge disproportionnée pour un gain marginal — l’article 7 ne présente ni la nécessité ni la proportionnalité requises pour justifier son inscription dans la loi. Pour toutes ces raisons, l’amendement de suppression de l’article 7 est non seulement justifié, mais nécessaire si l’on veut garantir que la lutte contre la fraude reste efficace, juste et respectueuse des acteurs du système de santé.