Première séance du mardi 02 décembre 2025
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Questions au gouvernement
- Liberté de la presse
- Nationalisation d’ArcelorMittal
- Ukraine
- Certificats d’économie d’énergie
- Double évasion à la maison d’arrêt de Dijon
- Remboursement intégral des fauteuils roulants
- Agence de soutien et d’acquisition de l’Otan
- Crise de la viticulture
- Morts au travail
- Conférence nationale sur les retraites et le travail
- Menaces contre des militants écologistes
- Double évasion à la maison d’arrêt de Dijon
- Prix de l’électricité
- Temps de l’enfant
- Liberté de la presse
- Crise de la viticulture
- Liberté de la presse
- Accessibilité des bâtiments recevant du public
- 2. Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025
- 3. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
- Présentation
- Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées
- M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités
- Mme Amélie de Montchalin, ministre de l’action et des comptes publics
- Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l’autonomie et des personnes handicapées
- M. Thibault Bazin, rapporteur général de la commission des affaires sociales
- M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
- Motion de rejet préalable
- Explications de vote
- Discussion générale
- Présentation
- 4. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Questions au gouvernement
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.
Liberté de la presse
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Didier Berger.
M. Jean-Didier Berger
Victor Hugo décrivait la presse comme « l’arme de la vérité dans les mains du peuple ». Or, le 19 novembre, le président de la République déclarait, face aux lecteurs de La Voix du Nord : « Je pense que c’est important qu’il y ait une labellisation faite par des professionnels [afin de] dire : "ça, c’est des gens sérieux" ; "ça, c’est pas des gens qui informent" ».
M. Éric Bothorel
Et il a raison !
M. Jean-Didier Berger
Monsieur le premier ministre, dans notre démocratie, on ne saurait instaurer une labellisation, considérer qu’il y a de bonnes et de mauvaises informations, de bons et de mauvais médias.
M. Erwan Balanant
Et les fake news ?
M. Jean-Didier Berger
En matière de liberté de la presse, il ne peut y avoir deux poids, deux mesures et aucun jugement de valeur n’est possible.
Un message, posté sur le compte X officiel de l’Élysée, a achevé d’inquiéter les défenseurs de la liberté de la presse. Il pointe du doigt une chaîne d’information en particulier : CNews.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Il faut interdire CNews !
M. Jean-Didier Berger
On peut y voir un montage vidéo accompagné d’un texte qui indique que les contenus de la chaîne seraient de la « désinformation ».
Mme Dieynaba Diop
C’est d’utilité publique !
Dans notre démocratie, il existe déjà une loi qui encadre, protège et limite la liberté de la presse : celle de juillet 1881, héritière de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Dans notre démocratie, le quatrième pouvoir ne doit subir aucune ingérence de la part de l’exécutif. Il faut uniquement assurer l’équilibre des pouvoirs.
C’est la raison pour laquelle j’aimerais vous entendre, monsieur le premier ministre, confirmer solennellement devant la représentation nationale qu’aucune labellisation ne sera instaurée, qu’aucun professionnel ne sera désigné par on ne sait qui, que la liberté de la presse sera encore et toujours d’actualité et que vous continuerez à laisser « l’arme de la vérité » entre les mains du peuple. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – M. Roger Chudeau applaudit également.)
M. Fabien Di Filippo
On n’a jamais labellisé une proposition d’Emmanuel Macron, il change trop souvent d’avis !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture
Je vous remercie de poser cette question qui me donne l’occasion de rétablir les faits. Tout d’abord, jamais – j’insiste – le président de la République…
M. Pierre Cordier
Il ne faut pas prendre sa défense, ça ne sert à rien !
Mme Rachida Dati, ministre
Monsieur le député, je suis encore libre de mes propos !
M. Pierre Cordier
Moi aussi !
Mme Rachida Dati, ministre
Jamais, donc, le président de la République ni le gouvernement n’ont émis l’idée ni formulé la moindre proposition d’une labellisation des médias par l’État. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.) J’espère que c’est clair et net.
Nous faisons face aujourd’hui à un défi. Nos médias traditionnels, qu’ils soient d’ailleurs de droite ou de gauche, sont confrontés à la prégnance de plus en plus forte des réseaux sociaux mais aussi des influences étrangères dans le débat public. Ils sont le réceptacle de contenus viraux qui ne respectent rien, pas même la déontologie journalistique.
Nos médias traditionnels, d’un bord politique ou de l’autre, résistent face à ces bouleversements. Notre rôle est de les aider à maintenir leur exigence déontologique et journalistique. En revanche, jamais l’État ni le gouvernement n’auraient l’idée de labelliser des médias.
Certains groupes de presse, par exemple Ebra, ont décidé de recourir à une procédure de certification – mais à leur initiative et non à celle de l’État.
Je vous remercie donc de m’avoir permis de rétablir la réalité des faits en m’exprimant en toute liberté – n’est-ce pas, monsieur Cordier ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Didier Berger.
M. Jean-Didier Berger
Je vous remercie pour votre réponse qui pourrait rassurer la représentation nationale. Cependant, la meilleure protection de la liberté de la presse, c’est son exercice : il faut faire confiance aux journalistes pour rétablir toutes les vérités.
M. Erwan Balanant
Il y a deux lois en France : celle de 1881 et celle de 1986 !
Nationalisation d’ArcelorMittal
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
Le Jeudi 27 novembre, lors de la niche de La France insoumise, l’Assemblée nationale a adopté, pour la première fois depuis 1982, une loi de nationalisation, en l’occurrence celle d’ArcelorMittal. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.)
Ce vote a été obtenu malgré l’obstruction honteuse du Rassemblement national, bras armé des actionnaires, ennemi de toujours de la classe ouvrière, qui renouait ainsi avec la tradition d’une extrême droite briseuse de grève. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Rires sur les bancs du Rassemblement national.)
Ce vote est le résultat de deux ans de lutte des ouvriers sidérurgistes de Dunkerque, Fos-sur-Mer, Florange et d’autres sites. Une lutte pleine de sacrifices, entre les petits matins dans le froid des piquets et les fins de mois de grève pendant lesquels il devient difficile de se nourrir.
Cette proposition de loi est la leur. Elle est celle des familles de métallos, de génération en génération, aux corps brisés par le travail de l’acier. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Depuis jeudi, un vent d’espoir souffle dans toutes les industries du pays. Les ouvriers relèvent la tête. Les sidérurgistes, trahis par Sarkozy à Gandrange, puis par Hollande à Florange, pourraient enfin retrouver leur dignité. (Mêmes mouvements.)
M. Sylvain Maillard
Et vive Zola !
M. Aurélien Le Coq
Vos gouvernements ont gavé Arcelor d’argent public – 300 millions par an – pour que, finalement, le voyou Mittal déverse des milliards de dividendes, supprime 1 000 emplois en un an, délocalise en Inde et en Pologne et jette à la poubelle le projet de décarbonation de Dunkerque.
Monsieur le premier ministre, votre gouvernement a été humilié, 80 000 emplois sont menacés, notre souveraineté est bafouée et notre industrie, en passe de s’effondrer.
Mme Nicole Dubré-Chirat
C’est de la com’ !
M. Aurélien Le Coq
Votre ministre Martin a osé déclarer : « Je ne souhaite pas qu’on perde du temps avec ce sujet. » La représentation nationale a voté, vous devez vous plier à sa volonté. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Je vous pose donc solennellement la question : allez-vous respecter le vote de l’Assemblée nationale ? Allez-vous inscrire la proposition de loi visant à nationaliser ArcelorMittal à l’ordre du jour du Sénat ? (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe EPR.) Puis donnerez-vous le dernier mot à l’Assemblée ? La République est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.
M. Sébastien Martin, ministre délégué chargé de l’industrie
J’ai en effet eu le plaisir d’échanger et de débattre avec vous pendant neuf heures, la semaine dernière, sur la proposition de loi, issue de vos bancs, qui vise à nationaliser ArcelorMittal – autrement dit à aller chercher en 1982 les solutions aux problèmes que rencontre la France en 2025.
En procédant à une nationalisation, vous priveriez l’industrie française, en l’espèce ArcelorMittal France, de ce dont elle a besoin en amont et en aval.
M. Aurélien Le Coq
Nous connaissons votre point de vue mais l’Assemblée a voté !
M. Sébastien Martin, ministre délégué
D’un côté, il resterait les hauts-fourneaux, mais vous ne disposeriez plus des mines ni des matières premières nécessaires pour produire de l’acier ; de l’autre, vous couperiez l’entreprise de ses clients puisqu’ils font partie, pour l’essentiel, du groupe ArcelorMittal.
Surtout, vous feriez un magnifique cadeau à M. Mittal, ce qui me surprend de votre part…
Mme Mathilde Panot
Allez-vous respecter le vote de l’Assemblée ? Nous ne vous demandons pas de donner votre point de vue ! (Exclamations sur les bancs du groupe Rassemblement national.)
M. Sébastien Martin, ministre délégué
…puisque vous offririez un chèque de 5 milliards à ArcelorMittal – sans compter les pertes annuelles, qui s’élèveraient à 300 millions, le tout aux frais du contribuable.
M. Aurélien Le Coq
Et le vote de l’Assemblée ?
M. Sébastien Martin, ministre délégué
Vous vous inspireriez ainsi du modèle libéral britannique puisque la nationalisation de l’industrie sidérurgique au Royaume-Uni coûte environ 700 000 livres chaque jour au contribuable – un très beau modèle économique !
M. Manuel Bompard
Et le vote de l’Assemblée ?
M. Sébastien Martin, ministre délégué
Nous avons d’ailleurs noté, au terme des débats, que c’est l’alliance de LFI et du Rassemblement national qui a permis de faire passer ce texte.
M. Thierry Tesson
Quel argument ! C’est du haut niveau !
M. Sébastien Martin, ministre délégué
Cela montre que la politique économique du Rassemblement national est la même que celle de LFI, ce qui est inquiétant, non pas pour LFI mais pour le Rassemblement national. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Aurélien Le Coq
Et le vote de l’Assemblée ?
M. Pierre-Yves Cadalen
La question concernait l’inscription du texte à l’ordre du jour du Sénat. Respectez les parlementaires !
Ukraine
Mme la présidente
La parole est à Mme Natalia Pouzyreff.
Mme Natalia Pouzyreff
Ma question, à laquelle j’associe M. Gabriel Attal, président du groupe d’amitié France-Ukraine, s’adresse au ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Hier, le président ukrainien était une nouvelle fois reçu à Paris par le président de la République. Ils se sont longuement entretenus avant d’échanger avec les principaux dirigeants européens et avec les négociateurs en chef américain et ukrainien.
Le chef de l’État a notamment réaffirmé que les garanties de sécurité ne pouvaient être discutées ni négociées sans les Ukrainiens ni les Européens.
Cette rencontre s’inscrit dans la continuité du plan de l’administration Trump en vingt-huit points, inacceptable en l’état, des contre-propositions européennes de Genève et des négociations menées dimanche, à Miami, entre le secrétaire d’État américain et le chef de la délégation ukrainienne.
Pendant ce temps, la Russie se réarme massivement et poursuit ses attaques en bombardant les populations civiles en Ukraine.
Il faut aussi se souvenir que, depuis février 2022, quatre journalistes français ont péri sur la ligne de front dans l’exercice de leurs fonctions. Le 3 octobre, le photojournaliste Antoni Lallican aurait ainsi été ciblé volontairement malgré son gilet « presse ». Je souhaite ici leur rendre hommage. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem et sur quelques bancs des groupes RN, SOC et DR. – M. Stéphane Peu applaudit aussi.)
Aussi peut-on s’interroger sur la volonté réelle de la Russie d’avancer sur le chemin d’une paix juste et durable.
Dans ce contexte, et alors que des discussions entre les États-Unis et la coalition des volontaires sont prévues dans les prochains jours et que la délégation américaine se trouve aujourd’hui à Moscou, pouvez-vous revenir sur l’état des négociations ? En l’absence de cessez-le-feu, quels sont les leviers envisagés par la France et par ses partenaires européens pour maintenir la pression sur le Kremlin ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
Hier était le jour anniversaire du référendum sur l’indépendance de l’Ukraine. Il y a trente-quatre ans, le 1er décembre 1991, les Ukrainiens se sont prononcés, dans leur immense majorité, y compris dans le Donbass et en Crimée, en faveur de la sortie de l’Union soviétique.
C’est ce 1er décembre que le président de la République a reçu le président Zelensky pour lui réaffirmer tout notre soutien et lui dire que la paix en Ukraine ne pouvait passer par la capitulation de l’Ukraine et que les Européens devaient être associés à toute initiative qui engagerait la sécurité européenne.
Ces négociations diplomatiques ne doivent cependant pas nous faire oublier le coût de la guerre, les stigmates et les cicatrices qu’elle laisse dans les corps et dans les esprits.
C’est la raison pour laquelle nous avons lancé hier, au Quai d’Orsay, en présence des deux premières dames, Brigitte Macron et Olena Zelenska, et de plusieurs parlementaires, la saison culturelle ukrainienne en France, qui nous offre l’occasion de témoigner, pendant quatre mois, sur l’ensemble du territoire national, de la richesse de la culture ukrainienne et des liens qui unissent les artistes, intellectuels et journalistes français et ukrainiens.
Lors de son lancement, hier, avec la ministre de la culture, nous avons souhaité dédier cette manifestation aux 200 artistes morts depuis le début de la guerre d’agression russe en Ukraine ainsi qu’aux 16 journalistes, dont quatre de nos compatriotes, qui ont été tués depuis 2022. Parmi eux figure – vous l’avez cité – Antoni Lallican, photojournaliste français de 37 ans, très certainement ciblé délibérément par un drone russe le 3 octobre dans le Donbass. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, SOC et Dem et sur plusieurs bancs des groupes DR et EcoS.) De tels crimes ne peuvent bénéficier d’aucune impunité. Soyez assurée que le gouvernement y veillera.
Certificats d’économie d’énergie
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Boccaletti.
M. Frédéric Boccaletti
Au troisième trimestre, le pouvoir d’achat s’est replié de 0,3 %, pénalisé par l’augmentation des impôts et des cotisations. L’Insee vient ainsi confirmer ce que nous disent tous les jours nos compatriotes sur le terrain : leur pouvoir d’achat se dégrade.
Ce problème est également souligné par une étude récente indiquant que 35 % des Français souffrent de précarité énergétique.
Alors que nous entamons le deuxième round des discussions budgétaires, il n’est pas trop tard pour redresser la barre.
Notre groupe propose, vous le savez, de considérer l’énergie comme un produit de première nécessité et donc de lui appliquer le taux réduit de TVA à 5,5 %. L’impact de cette mesure serait immédiat, comme l’a encore confirmé, la semaine dernière, en commission des affaires économiques, un patron du secteur de la grande distribution.
Ma question a trait à une nouvelle attaque contre le pouvoir d’achat des Français, une attaque dont le gouvernement, comme à son habitude, n’assume pas la responsabilité. Je veux bien sûr parler du décret modifiant les critères et les objectifs des certificats d’économie d’énergie, les fameux CEE. Depuis près de trois ans, nous vous alertons au sujet de ce dispositif et c’est à la suite d’une demande du groupe RN que la commission des finances a sollicité l’avis de la Cour des comptes. Celle-ci a bien constaté que cette modification se répercutait en intégralité sur les prix de l’énergie. Alors si, formellement, ce n’est pas une taxe, ça y ressemble furieusement car la mesure aura un impact sur le pouvoir d’achat des Français. On parle tout de même de plus de 2 milliards d’euros !
Même lorsqu’ils sont déguisés, les Français savent reconnaître les taxeurs : ce sont souvent ceux qui accusent les autres de leurs propres turpitudes !
Monsieur le premier ministre, allez-vous annuler ce décret ou continuerez-vous à faire les poches des Français ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique.
M. Roland Lescure, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique
Je ne reviendrai pas – je ne vais pas le faire toutes les semaines ! – sur les dizaines de milliards d’impôts nouveaux que vous avez votés ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – Exclamations prolongées sur les bancs des groupes RN et UDR. – M. Julien Odoul imite un joueur de pipeau.) C’est le taxeur taxé !
Je réponds directement à votre question : voilà trois jours que, lancés par le président de votre parti, vous racontez tous n’importe quoi sur les CEE. Il ne s’agit ni d’impôts, ni de taxes – merci de le reconnaître enfin, monsieur le député ! Par ailleurs, comme vous le savez et devriez vous en féliciter, les décrets relatifs à ce dispositif font l’objet de consultations. Le Conseil supérieur de l’énergie, au sein duquel je crois que M. Tanguy est votre représentant – j’espère qu’il y a exprimé votre position – a notamment rendu un avis à leur sujet.
Ces certificats permettent de financer des politiques sociales de transition énergétique, tels le leasing social – 100 000 Français ont pu acheter un véhicule électrique grâce aux CEE –, la rénovation thermique ou encore la méthanisation agricole, soit la production de biométhane par les agriculteurs, à laquelle vous vous attaquez à présent, monsieur Tanguy ! Vous êtes contre toutes les politiques sociales de transition écologique ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Il n’en reste pas moins, mesdames et messieurs les députés, que le premier ministre m’a demandé de travailler sur les enjeux de tarification de l’électricité, et je vais le faire ! (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe RN.)
M. Julien Odoul
Il serait temps de travailler !
M. Roland Lescure, ministre
Nous aurons l’occasion d’échanger à ce sujet dans le cadre du débat budgétaire.
Mais arrêtez de vouloir baisser la TVA sur tout et n’importe quoi : vous savez bien que c’est inopérant (Protestations sur les bancs du groupe RN), que ça se retrouve la plupart du temps dans les différents maillons de la chaîne, que ça coûte une fortune et que ça a très peu d’impact.
Attaquons-nous aux vrais problèmes !
M. Julien Odoul
C’est vous, le vrai problème !
M. Roland Lescure, ministre
Arrêtons les fausses nouvelles, liberté de la presse ou pas, et travaillons ensemble pour que le pouvoir d’achat des Français s’améliore, comme il le fait cette année. Arrêtez de raconter n’importe quoi et regardez les chiffres de l’Insee : aujourd’hui, il est hausse et nous continuerons d’agir en ce sens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Boccaletti.
M. Frédéric Boccaletti
Encore une fois, vos réponses sont affligeantes ! En réalité, c’est vous qui avez ruiné la France, vous qui avez mis les Français à genoux ! Honnêtement, vous devriez tous avoir honte et démissionner pour donner la parole aux Français ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Pierre-Yves Cadalen
Et toi, tu n’as pas honte de ta librairie ? De tes livres négationnistes ?
Double évasion à la maison d’arrêt de Dijon
Mme la présidente
La parole est à Mme Océane Godard.
Mme Océane Godard
J’associe à cette question mes collègues députés dijonnais Catherine Hervieu et Pierre Pribetich.
Monsieur le ministre de la justice, jeudi dernier, la maison d’arrêt de Dijon a été le théâtre d’une évasion spectaculaire. Deux détenus se sont enfuis en plein jour, exploitant les failles d’un établissement en situation de forte surpopulation carcérale, sous-doté et dont les bâtiments souffrent de malfaçons, tout comme ceux des établissements pénitentiaires de Gradignan, Rennes, Riom, Ducos ou encore Remire-Montjoly.
Certaines synchronicités sont stupéfiantes : j’avais prévu de visiter ce jour-là la maison d’arrêt de Dijon, aux côtés des personnels et des syndicats. Cette visite faisait écho au plan de lutte contre les objets illicites en prison que vous aviez annoncé et qui constituait une réponse plus qu’urgente, bien que tardive, pour Dijon, Rennes et d’autres prisons.
Vous avez également parlé de choc de sécurité. Il faut vous dire le choc qu’ont ressenti les personnels pénitentiaires et les syndicats suite à cette double évasion, qui s’est produite malgré les alertes nombreuses qu’ils avaient lancées ces derniers mois. Je tiens ici à saluer le professionnalisme des agents pénitentiaires et la dignité dont ils font preuve pour maintenir ce service public essentiel. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Erwan Balanant et M. Jean-Victor Castor applaudissent également.) Je salue également les forces de l’ordre, toujours à la recherche du second détenu.
Monsieur le ministre, je note une injonction paradoxale dans vos propos et interventions récents : en réponse aux évasions, vous restreignez les sorties collectives pensées pour préparer la réinsertion et limiter les récidives. Dans le même temps, vous semblez inciter à des libérations anticipées, faute de places et de moyens.
C’est donc votre cohérence que je mets en question. Rassurez les personnels pénitentiaires et les Français en nous précisant clairement quels moyens et quelles mesures vous entendez déployer à court, moyen et long terme, pour que « la conception de la prison [soit], bien sûr, la sanction, mais aussi l’amendement et la réinsertion », comme le disait avec force Robert Badinter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux, ministre de la justice
Je veux dire comme vous mon soutien aux agents pénitentiaires, notamment ceux de la maison d’arrêt de Dijon, qui travaillent en effet dans une prison particulièrement vétuste, dont les difficultés qui caractérisent les conditions de vie des détenus et surtout les conditions de travail des agents pénitentiaires ne sont pas dignes d’une grande démocratie comme la nôtre.
C’est d’ailleurs pour cela qu’il y a cinq semaines, avant même cette évasion, j’ai obtenu de M. le premier ministre, notamment pour la maison d’arrêt de Dijon – cela a alors fait l’objet de publications, y compris dans la presse locale –, que soient menés des travaux d’urgence. Six millions d’euros y seront consacrés pour le seul établissement de Dijon. Il s’agit de lutter contre les drones et les projections de drogue, de téléphones et de couteaux en céramique dont pâtissent les agents pénitentiaires, dans une prison vétuste qui, comme beaucoup de prisons françaises, n’a pas connu de travaux depuis longtemps.
Vous dites, madame la députée, que nous devons disposer de moyens supplémentaires. Je ne peux que vous encourager à soutenir le budget du ministère de la justice pour l’année prochaine (M. Ugo Bernalicis s’exclame), qui prévoit 1 000 agents supplémentaires alors qu’il en manque 4 000. Ne pas le voter, c’est priver les agents pénitentiaires de la maison d’arrêt de Dijon et de toutes les prisons de France de collègues qui les soutiendraient et les encourageraient.
Ce budget augmente également de 300 millions d’euros les montants consacrés aux travaux et à la construction de prisons qui nous manquent. S’il y a une injonction paradoxale, madame la députée, c’est la vôtre : vous faites malheureusement partie d’un groupe politique représentant un parti qui, lorsqu’il était aux responsabilités sous le président Hollande, a instauré un moratoire sur toutes les constructions de places de prison. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
M. François Hollande
Ce n’est pas vrai !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux
Vous n’en avez ouvert que 923 alors que, depuis six ans, les gouvernements qui se sont succédé en ont créé plus de 6 000.
M. Ugo Bernalicis
Régulation carcérale !
M. Pierre-Yves Cadalen
Vous fermez les écoles et vous ouvrez des prisons ! Bravo !
Remboursement intégral des fauteuils roulants
Mme la présidente
La parole est à M. François Gernigon.
M. François Gernigon
Madame la ministre déléguée chargée de l’autonomie et des personnes en situation de handicap, une réforme de taille est entrée en vigueur hier : le remboursement intégral des fauteuils roulants pour les personnes en situation de handicap. C’était une promesse du président de la République, lors de la Conférence nationale du handicap d’avril 2023.
M. Sylvain Maillard
Eh oui ! Excellent président !
M. François Gernigon
Depuis, votre ministère s’est penché sur un véritable casse-tête, qui requérait de réviser toute une nomenclature et d’embarquer l’ensemble des acteurs d’un secteur protéiforme comprenant un grand nombre d’intermédiaires. Cela laisse imaginer le parcours du combattant que devaient suivre les personnes concernées ! Celles-ci ne demandent pourtant qu’une chose : que leur soit garanti le droit le plus élémentaire de tout être humain, celui de se rendre à la boulangerie, à la mairie, à son lieu de travail et même de son salon à sa salle à manger, sans avoir à payer le reste à charge pour l’achat d’un fauteuil dont le coût peut s’élever à plusieurs dizaines de milliers d’euros.
Mme Marie-Charlotte Garin
Merci, Sébastien Peytavie !
M. François Gernigon
La solidarité nationale n’est pas un mot vide de sens. Ce n’est pas un idéal abstrait. Elle a une mission et des objectifs : faire en sorte que tous les citoyens vivent dans la dignité, quelles que soient les étapes de leur vie et les épreuves qu’ils traversent.
Mme Sandrine Rousseau
Merci, Sébastien Peytavie !
M. François Gernigon
Chaque année, 100 000 fauteuils sont achetés et 500 000 sont loués. Ce sont autant de dossiers qui étaient jusqu’ici source de problèmes, de stress et de coûts. Depuis hier, la solidarité nationale facilite la vie des plus de 1 million de Français qui utilisent un fauteuil roulant.
Mme Karine Lebon
Grâce à Sébastien Peytavie !
M. Alexis Corbière
Ce n’est pas très élégant de ne pas le citer !
M. François Gernigon
Comment se passera concrètement cette prise en charge intégrale ? Tous les modèles, même électriques, les plus sophistiqués et les plus récents, seront-ils remboursés ?
Merci, madame la ministre, pour la détermination et la ténacité dont vous avez fait preuve pour faire aboutir cette réforme essentielle. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR et DR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie et des personnes handicapées.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l’autonomie et des personnes handicapées
Merci, monsieur le député, pour votre engagement sur les questions liées au handicap. Permettez-moi de remercier également Paul Christophe mais aussi Geneviève Darrieussecq et Fadila Khattabi, mes prédécesseures, qui ont également œuvré pour cette réforme,…
M. Jean-Claude Raux
Et Sébastien Peytavie, aussi !
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée
…et de saluer l’engagement de tous les parlementaires ici présents, particulièrement de Christine Le Nabour et Sébastien Peytavie (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem), en faveur de cette réforme très importante. Le président de la République s’était engagé à la mener en 2023 ; elle est pleinement concrétisée aujourd’hui.
Des fauteuils manuels aux fauteuils électriques, les fauteuils de tous types seront concernés, pour peu qu’ils satisfassent aux critères de certification qui garantissent la qualité que requièrent nos concitoyens en situation de handicap et qu’ils répondent à tous leurs besoins. Un travail de négociation, très important et riche, a été mené avec le secteur des fabricants et des prestataires pour prendre en compte une très large gamme de fauteuils roulants. La prise en charge sera intégrale ; elle se fera sans avance de frais et dans les meilleurs délais possible.
Mme Marie-Charlotte Garin
Si c’est plafonné, ce n’est pas intégral !
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée
Cette réforme est aussi source d’une importante simplification puisque nos concitoyens n’auront désormais plus à composer plusieurs dossiers pour l’assurance maladie, la maison départementale des personnes handicapées, leur mutuelle et d’autres financeurs, voire à ouvrir des cagnottes. Ils pourront, en ayant pour unique interlocuteur l’assurance maladie, déposer un seul dossier pour bénéficier de cette prise en charge intégrale qu’ils ont tant attendue. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Agence de soutien et d’acquisition de l’Otan
Mme la présidente
La parole est à M. Édouard Bénard.
M. Édouard Bénard
Madame la ministre des armées, le 31 octobre, je vous alertais au sujet d’un scandale qui en dit long sur la vassalisation de nos finances publiques par l’Otan. Un consortium international de journalistes a mis en lumière un système de marchés truqués d’armement, dans le cadre duquel des agents corrompus de la NSPA, l’Agence de soutien et d’acquisition de l’Otan, et des industriels ont manipulé sciemment des appels d’offres de plusieurs milliards d’euros. On parle là de valises de billets et de pots-de-vin entre marchands de canons, ni plus, ni moins !
Dans le même temps, les efforts de Donald Trump et de son administration pour étouffer l’affaire ont porté leurs fruits : les poursuites contre les principaux instigateurs de ce scandale ont été abandonnées.
Elle est là, la réalité otanienne : un appareil militaire qui a troqué le blindage pour des portes battantes ouvertes aux lobbys et aux deals sous le tapis !
Pendant des années, l’Otan nous a sommés de consacrer chaque année 2 % de notre PIB à la défense. Plus récemment, Trump exigeait d’atteindre 5 %. Et, au sommet de La Haye, les États européens, tous en chœur, ont acquiescé et offert un succès diplomatique à Washington. Cette affaire nous conduit à nous interroger sur la transformation progressive d’un effort de défense en injonction au tribut.
Après nous être inclinés devant l’Itar et le Cloud Act, voilà que nous finançons le complexe militaro-industriel américain, qui plus est au détriment de notre base industrielle de technologie et de défense, alors que – vous le savez – nos TPE et PME de défense sont déjà largement fragilisées et endettées.
Par-delà notre contestation de fond de l’architecture globale de l’Alliance atlantique, au nom de notre défense nationale et de ses fleurons, je vous le demande solennellement : la France compte-t-elle exiger à tout le moins un audit indépendant des marchés de la NSPA, saisir la Cour européenne de justice et déposer plainte ? La résilience impose la transparence. C’est bien là de notre souveraineté qu’il s’agit. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre des armées et des anciens combattants.
Mme Catherine Vautrin, ministre des armées et des anciens combattants
Vous m’interrogez sur cette agence de l’Otan qui s’occupe du soutien et de l’acquisition de moyens pour les trente-deux pays membres et dispose de plusieurs bureaux dans différents pays du monde, notamment en Europe – en Italie, en Hongrie et en France –, ainsi qu’à ses portes – je pense par exemple au Kosovo.
Sur le fondement d’enquêtes internes, la directrice générale de la NSPA a transmis à la justice des éléments très précis relatifs à différents pays. Au moment où je vous parle, la justice agit. Dans différents pays concernés, des perquisitions et des arrestations ont été menées. Les enquêtes ont donc lieu. C’est le premier élément sur lequel je souhaite insister : à chaque fois que le moindre doute existe, il doit bien évidemment y avoir des enquêtes, qu’il revient à la justice de mener.
Second volet de votre question : comment exiger de la NSPA qu’elle fasse la police, qu’elle fasse preuve de la plus grande vigilance sur la manière dont sont traitées les acquisitions qui relèvent de sa compétence ? C’est bien évidemment ce que la France a demandé à cette agence.
En outre, vous avez évoqué notre base industrielle et technologique de défense. La position de la France est très claire : à chaque fois que l’Otan acquiert des matériels, elle peut le faire au niveau européen. C’est le sens d’ailleurs de la liste dont nous défendons le principe auprès de l’Otan : avec de l’argent européen, nous faisons travailler les bases industrielles de défense européennes, y compris la BITD française. De même, le budget de la défense nous permettra d’acquérir du matériel et de faire travailler nos entreprises. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)
Crise de la viticulture
Mme la présidente
La parole est à M. David Taupiac.
M. David Taupiac
Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’agriculture.
La filière viticole française est confrontée à une situation de crise structurelle multifactorielle qui affecte la trésorerie de nombreuses entreprises. C’est dans ce contexte que vous avez annoncé, il y a quelques jours, un plan de sortie de crise et une enveloppe de 130 millions d’euros, une première étape bienvenue. Parmi les mesures envisagées figure l’extension des prêts structurels garantis, une question essentielle au sujet de laquelle je vous ai écrit en octobre. Lors de l’examen du projet de loi de finances, mon amendement prévoyant 200 millions d’euros pour financer de nouveaux prêts garantis par l’État a été adopté en commission des affaires économiques puis en commission des finances, mais la discussion budgétaire ne nous aura pas permis d’aborder la mission Agriculture en séance publique, et je le regrette.
Deux critères d’obtention sont particulièrement problématiques parce qu’ils ne permettent pas de prendre en considération la situation très critique des viticulteurs : le ratio excédent brut d’exploitation sur chiffre d’affaires et la consommation des fonds propres.
Les prêts consolidés réservés aux exploitants et utilisés exclusivement par les viticulteurs en cave particulière sont plafonnés à 200 000 euros par bénéficiaire. Leur ouverture aux caves coopératives devra s’accompagner de modalités et de plafonds adaptés à leurs besoins. Si je prends l’exemple de la cave de Condom, dans ma circonscription du Gers, la consolidation des prêts pour 6 millions d’euros peut paraître élevée, mais elle concernerait 100 producteurs, soit un montant de 60 000 euros par exploitant, plus de trois fois inférieur aux aides individuelles.
Pouvez-vous nous préciser les critères et le délai retenu pour l’extension de ces prêts ? Les trésoreries sont au plus bas, il y a urgence. Les prêts doivent être opérationnels au plus tard en janvier. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – Mme Marie Récalde applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la souveraineté alimentaire
Vous le savez mieux que quiconque, la viticulture française est confrontée non seulement à des menaces climatiques, mais aussi à des perturbations du commerce mondial de divers ordres – droits de douane, taxes anti-dumping… Depuis 2019, à l’initiative de mes prédécesseurs, l’État a mobilisé de très importants moyens pour répondre à la crise viticole qui, hélas, continue de sévir : la viticulture fait face à la fois à une surproduction et à une déconsommation ; cet effet ciseaux est ravageur pour certains vignobles.
J’ai donc en effet inauguré la semaine dernière le salon de la viticulture, le Sitevi, à Montpellier, où j’ai annoncé un plan de sortie de crise qui s’articule autour de plusieurs mesures. La première est une aide à l’arrachage de 130 millions, parce qu’il faut réduire le potentiel de production. J’ai annoncé également la prorogation en 2026 des prêts structurels, destinés aux viticulteurs, mais aussi à l’ensemble des agriculteurs, et vous avez raison de dire que les critères pour en bénéficier sont des éléments bloquants qu’il va falloir lever, ce à quoi je me suis engagée. De même, je me suis engagée à ce que les caves coopératives puissent accéder à ces prêts structurels, selon des modalités que nous vous présenterons à l’occasion d’une future réunion. Il y a également l’allégement des charges sociales…
M. René Pilato
Des cotisations sociales !
Mme Annie Genevard, ministre
…car des viticulteurs sont dans d’immenses difficultés personnelles et il faut pouvoir les aider, notamment en réduisant ces charges.
M. Jean-Paul Lecoq
Ces cotisations !
Mme Annie Genevard, ministre
Au-delà de mesures d’urgence, nous devons aider la viticulture à sortir durablement de la crise dans laquelle elle s’enfonce déjà depuis plusieurs années. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
M. Patrick Hetzel
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à M. David Taupiac.
M. David Taupiac
Pour votre information, en 2024, dans le Gers, les viticulteurs ont connu une perte de 30 000 euros par exploitation – de 75 hectares en moyenne. Les difficultés sont là depuis plusieurs années. Ils ne tiendront pas beaucoup plus longtemps. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
Morts au travail
Mme la présidente
La parole est à Mme Ségolène Amiot.
Mme Ségolène Amiot
Cette année, un travailleur de ma circonscription, à Saint-Herblain, est mort écrasé par un engin de levage. Il avait 35 ans. Nous vivons une hécatombe invisible : entre 2004 et 2018, on dénombrait 550 morts au travail par an ; depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, cette moyenne a atteint 725.
M. Stéphane Buchou
Quel rapport avec Emmanuel Macron ?
Mme Ségolène Amiot
Selon le rapport annuel de l’assurance maladie, qui vient de paraître, il y a eu 764 morts en 2024, soit 5 de plus qu’en 2023. La France demeure championne d’Europe des morts au travail. C’est d’autant plus grave que ce chiffre est largement sous-évalué : les morts dans la fonction publique ou dans les secteurs relevant du régime agricole ou des autres régimes spéciaux ne sont pas pris en compte. En réalité, ce sont plus de 3 personnes qui meurent au travail chaque jour !
Ces morts ne sont pas des faits divers. Leur invisibilisation est politique (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP) : elle est la traduction concrète de la casse des services publics, de la réduction du contrôle des conditions de travail, de la casse du code du travail et de la suppression des CHSCT, les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Édouard Bénard et M. Hendrik Davi applaudissent également.)
Je m’adresse à vous, monsieur le ministre du travail, car vous ne réagissez pas ! Les effectifs des inspecteurs du travail ont été réduits de 16 % depuis 2021. Alors qu’il faudrait recruter 400 inspecteurs supplémentaires, vous ne prévoyez aucune hausse du nombre de postes dans le budget 2026. Pourtant, sans eux, plus de contrôle, donc plus de recensement des accidents du travail ni de prévention. Il est aussi grand temps d’acter l’échec des ordonnances Macron et les conséquences mortifères de la suppression des CHSCT. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.) Il est temps de vous saisir de la question des morts au travail et d’arrêter de croire qu’il ne s’agit que d’accidents sans responsable ! Rendez à l’inspection du travail sa mission de recensement des accidents mortels ainsi que tous les moyens nécessaires pour les éviter ! (Mmes et MM. les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – M. Aurélien Rousseau applaudit également.)
M. Jean-Paul Lecoq
C’est l’héritage d’Édouard Philippe !
M. Jean-François Coulomme
Le Macron tue !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre du travail et des solidarités.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités
Je vous remercie de poser cette question essentielle et de mettre en lumière certains accidents mortels – et on pourrait étendre le propos aux accidents graves – qui ont lieu dans notre pays. Je tiens tout d’abord à vous affirmer que personne dans ce gouvernement, personne dans mon ministère, pas plus que dans cet hémicycle, n’accepte comme une fatalité qu’un salarié puisse mourir dans l’exercice de son travail. Chaque mort ou blessé grave est un drame, pour la victime, bien évidemment, mais aussi pour sa famille, pour ses proches, pour ses collègues et pour l’entreprise où elle était salariée. J’ai moi-même éprouvé ce sentiment : en tant que président de la SNCF, j’ai eu malheureusement à connaître de ces drames et je sais l’effet que cela produit dans une entreprise.
M. René Pilato
Rétablissez les CHSCT !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Je ne veux pas laisser penser que les entreprises ne feraient rien pour protéger leurs salariés : elles font tout leur possible avec conviction, avec engagement. Et les marges de progression, si elles existent, ne doivent nous faire oublier les chiffres : les accidents mortels ont certes augmenté,…
M. Jean-François Coulomme
Pourquoi ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
…mais les autres accidents ont baissé, eux, en trois ans, ce qui montre bien que les actions de prévention ont lieu. Il faut préciser que presque la moitié des accidents mortels est due à des malaises un gros quart à des accidents professionnels. Il y a aussi des accidents sur le trajet domicile-travail.
Est-ce que nous baissons les bras ? La réponse est non, bien évidemment. Je vous rappelle qu’un plan de maîtrise et de lutte contre les accidents du travail mortels est en cours d’application,…
M. Jean-Paul Lecoq
Quel échec !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
…que nous renforçons pour la période 2025-2030. Nous allons lancer une campagne de sensibilisation à la prévention parce que celle-ci est plus que jamais nécessaire.
Mme Mathilde Panot
Rétablissez les CHSCT ! Recrutez des inspecteurs du travail !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
En tout cas, compter sur notre mobilisation avec l’ensemble des acteurs, entreprises, salariés, préventeurs et syndicats, pour que ces accidents se réduisent. Tout le monde va travailler en ce sens.
Mme la présidente
La parole est à Mme Ségolène Amiot.
Mme Ségolène Amiot
Le plan que vous évoquez est le cinquième : les quatre premiers n’ont fait qu’augmenter le nombre de morts. (« Eh oui ! »sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Conférence nationale sur les retraites et le travail
Mme la présidente
La parole est à Mme Annie Vidal.
Mme Annie Vidal
Monsieur le ministre du travail, lors de l’examen du budget de la sécurité sociale, que nous reprenons cet après-midi en nouvelle lecture, les questions du travail, de l’emploi et de la retraite ont souvent animé nos débats. Notre président de groupe, Gabriel Attal, a proposé un système plus universel et plus lisible, dans lequel un euro cotisé ouvrirait les mêmes droits pour tous, sans âge légal de départ à la retraite mais avec un socle minimal de pension garanti et l’introduction d’une part de capitalisation. Cette proposition s’inscrit dans la volonté d’adapter notre modèle social à une transition démographique d’ampleur : nous constatons un vieillissement de la population mais aussi une baisse de la natalité, et donc une tendance à l’inversion du rapport entre le nombre d’actif et le nombre de retraités. Nous devons aussi faire face à des enjeux d’usure au travail et de reconversion professionnelle. Dans le même temps, certains prônent toujours l’abrogation de la nécessaire réforme des retraites…
M. Pierre-Yves Cadalen
De l’injuste réforme des retraites !
Mme Annie Vidal
Mais c’est bien parce que nous devons travailler de manière apaisée et avec les partenaires sociaux que vous avez lancé, le 4 novembre, la Conférence nationale sur les retraites et le travail. Aussi, monsieur le ministre, je vous demande de préciser quelle est la philosophie de cette conférence nationale, quelles en seront les grandes orientations et le calendrier, et comment, selon vous, elle pourra contribuer à faire évoluer notre rapport au travail mais aussi à la retraite. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe EPR. – M. Jean-Paul Mattei applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre du travail et des solidarités.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités
J’ai en effet lancé le 4 novembre, à la demande du premier ministre, une conférence dite TER – travail, emploi, retraite – pour mettre les retraites sur les rails, si j’ose dire. (Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, SOC et Dem.)
M. Pierre Cordier
Il est vrai que ça avait sérieusement déraillé à l’époque !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Les partenaires sociaux se réuniront vendredi prochain en séance plénière, au Conseil économique, social et environnemental, autour de trois thèmes principaux. Il s’agit d’abord de travailler mieux – d’améliorer la prévention des risques professionnels, de prendre en considération la pénibilité et les conditions de travail, car c’est peut-être l’angle mort des deux réformes précédentes. Il sera aussi question de l’emploi, de la productivité et de la compétitivité. Les entreprises le demandent : nous sommes prêts à y travailler. Il y a bien sûr un lien évident et direct entre travail, emploi et compétitivité de nos entreprises. Et puis on abordera les thèmes qui me sont chers : la promotion interne, le parcours professionnel. Qu’est-ce qui fait que l’on reste en forme jusqu’à la fin de sa carrière ? Voilà une manière peut-être un peu plus moderne d’aborder cette dernière partie du parcours.
Les partenaires sociaux ont toute leur place pour discuter de ces sujets. Ils n’ont pas été très loin par le passé d’aboutir à une conclusion partagée, peut-être y arriveront-ils ce coup-ci dans la mesure où on leur laisse le temps de discuter et de dialoguer en élargissant les thèmes du débat.
En fait, cette conférence nationale vise à redonner un espoir au dialogue social. C’est important parce qu’on a besoin d’apaisement, de prendre le temps du débat. C’est d’ailleurs un des points positifs de la suspension de la réforme des retraites – dont nous allons peut-être parler cet après-midi – que de permettre le retour de ce temps du dialogue social et du débat politique. Vous l’avez dit : certains partis s’emparent déjà du sujet et font des propositions, assez innovantes il est vrai, pour réformer le système de retraite.
Sur des sujets aussi lourds, le temps de la discussion est important ; il faut en approfondir toutes les facettes. On voit bien que la convergence entre les Français n’est pas suffisante sur la question de l’avenir du système de retraite, mais espérons que dans les mois qui viennent, et par le dialogue social, et par le débat politique, nous arrivions à donner aux Françaises et aux Français le régime de retraite qu’ils attendent. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – M. Philippe Vigier applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Annie Vidal.
Mme Annie Vidal
Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre volonté de valoriser le travail mais aussi la retraite, particulièrement dans le contexte démographique que nous connaissons. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR. – M. Marc Fesneau applaudit également.)
Menaces contre des militants écologistes
Mme la présidente
La parole est à M. Benoît Biteau.
M. Benoît Biteau
Monsieur le ministre de la justice, l’appel à la violence contre les écologistes n’a pas sa place dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.) Les récentes déclarations de Bertrand Venteau, nouveau président de la Coordination rurale, illustrent un basculement extrêmement grave : « Les écolos, nous devons leur faire la peau. » Un responsable syndical agricole appelant publiquement à « faire la peau » de citoyens militants ou élus, cela n’a rien d’un dérapage : c’est un appel à la violence, clair, assumé et même applaudi. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs du groupe SOC.) La Coordination rurale scandait : « Ne venez pas chez nous, ça va mal se passer ! » en organisant dans le Lot-et-Garonne une « chasse à la femme » à l’encontre de Marine Tondelier. Il y a aussi eu les menaces perpétrées contre Sandrine Rousseau, des insultes proférées dans le Finistère et près de Perpignan. J’ai moi-même été victime de tirs d’armes à feu dans la cour de ma propre ferme !
Qu’avez-vous fait devant ces menaces de mort qui tombent sous le coup de la loi ? Rien ! Qu’avez-vous fait pour protéger les élus, légitimes représentants des citoyens, de ces agissements inacceptables ? Rien !
Nous ne pouvons pas laisser passer ça. C’est pourquoi plusieurs parlementaires écologistes, dont je suis, ont exercé leur responsabilité en effectuant un signalement à la procureure d’Auch, au titre de l’article 40 du code de procédure pénale. L’ouverture d’une enquête est une première étape, nous attendons la suite.
Nous continuerons à défendre une conception du débat public où l’on s’affronte par les idées, jamais par les menaces, ainsi qu’une agriculture respectueuse du vivant et des générations futures, conformément aux exigences de plus de 2 millions de citoyens qui ont signé la pétition contre la loi Duplomb. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, SOC et GDR.) Et vous, quand allez-vous mettre fin aux méthodes mafieuses de la coordination rurale ?
Mme la présidente
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux, ministre de la justice
Comme homme politique, je condamne évidemment toutes les agressions, dont celles visant Mme Rousseau, celles vous visant ou celles visant des militants écologistes, qu’ils soient ou non physiquement menacés. Cette condamnation s’applique aux propos de certains responsables syndicaux nouvellement élus. Toutefois, en me demandant ce que j’ai personnellement fait à ce sujet, vous semblez omettre qu’en 2013, le Parlement a expressément demandé au ministre de la justice de ne plus jamais intervenir dans une procédure pénale.
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux
Je suis même le seul citoyen français dans l’impossibilité d’agir au nom de l’article 40 du code de procédure pénale. Si je le faisais, il serait considéré, en vertu de la Constitution et d’une loi organique, que j’exerce une pression sur le parquet. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.) En revanche, depuis mon arrivée à la Chancellerie, j’ai pris des circulaires de politique pénale, notamment à propos des violences faites aux personnes. Je me réjouis qu’après votre signalement, la procureure, en application des circulaires du gouvernement, ait ouvert une procédure. Je laisserai la justice et les services d’enquête faire leur travail.
Moralement, je ne peux que soutenir les personnes qui, comme vous, se font agresser. En revanche, constitutionnellement, le ministre est le garant de l’institution judiciaire et je n’imagine pas que votre groupe politique lui demande d’intervenir dans les enquêtes en cours. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem. – Mme Estelle Youssouffa applaudit également.)
Double évasion à la maison d’arrêt de Dijon
Mme la présidente
La parole est à M. René Lioret.
M. René Lioret
« Double évasion surréaliste à la maison d’arrêt de Dijon », titrait Le Bien public vendredi dernier, après l’évasion, la veille au petit matin, de deux détenus, dont l’un particulièrement dangereux, qui avaient scié les barreaux de leur cellule respective. Cet événement a stupéfié la population du département, mais pas le personnel pénitentiaire ni moi car, après avoir visité cet établissement le mois précédent, j’ai écrit le 11 décembre 2024 au garde des sceaux pour attirer son attention sur la vétusté de cette maison d’arrêt, sur la surpopulation qu’elle connaît et sur la livraison régulière de matériel par drones jusqu’aux fenêtres des cellules.
Qu’a-t-il été concrètement fait depuis un an ? Rien ! Il a fallu attendre le 26 novembre pour que soit annoncé un plan de fouilles, dit XXL alors qu’il ne prévoit même pas celle des détenus sortant de parloir. Pensez-vous que les 29 millions d’euros prévus soient suffisants pour 180 établissements pénitentiaires, dont bien plus que six posent problème ? En effet, un seul filet antidrones coûte plusieurs centaines de milliers d’euros et, compte tenu d’une sophistication croissante, la technologie de brouillage antidrones est hors de prix. C’est bien peu, 29 millions d’euros. C’est tout juste le coût annuel des mineurs non accompagnés dans un grand département. (Exclamations sur les bancs des groupes EcoS et GDR.)
M. Jean-Paul Lecoq
Ça n’a rien à voir !
M. René Lioret
Au-delà de l’épisode dijonnais, mes questions sont sérieuses. Comment allez-vous désengorger les prisons ? Allez-vous renvoyer dans leur pays d’origine les délinquants et les criminels à la fin de leur peine, ce qui éviterait la récidive ? Allez-vous enfin construire les places de prison promises par votre camp politique ? Allez-vous prendre des décisions fermes pour rétablir les fouilles sur les détenus à la sortie des parloirs ? Enfin, que comptez-vous faire pour garantir la sécurité d’un personnel pénitentiaire exténué ? (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Les députés des groupes RN et UDR applaudissent ce dernier.)
Mme la présidente
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux, ministre de la justice
Je ne vois pas très bien le lien entre des enfants en danger et les moyens qu’on doit consacrer aux prisons (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR. – M. Damien Girard applaudit également), mais je vais répondre à la question portant sur l’évasion évidemment inacceptable de deux détenus du quartier disciplinaire de la maison d’arrêt de Dijon. Qu’avons-nous fait ?, me demandez-vous. En onze mois, nous avons inauguré 3 000 places de prison, nous avons changé totalement le modèle carcéral pour construire trois fois plus vite et deux fois moins cher de nouvelles places et, surtout, nous avons créé deux prisons de haute sécurité. Votre camp politique ne cesse d’ailleurs de répéter sur les plateaux de télévision qu’il soutient cette dernière décision.
M. Sylvain Maillard
C’est vrai !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux
De récentes affaires de narcotrafic ont montré l’intérêt de rassembler les criminels les plus dangereux dans les prisons de haute sécurité de Condé-sur-Sarthe et de Vendin-le-Vieil. Avec un nouveau régime carcéral, validé par le Conseil constitutionnel, et de nouvelles prisons, nous avons été, ces six derniers mois, à la hauteur de ce qu’attendent les agents pénitentiaires et les Français.
Désormais, nous devons nous attaquer aux problèmes que connaissent l’ensemble des maisons d’arrêt : la surpopulation carcérale, que vous avez soulignée, mais aussi l’extrême vétusté de bâtiments tels que ceux de Dijon, construits il y a cinquante, cent ou cent cinquante ans, bien avant qu’on imagine l’existence des téléphones portables ou des drones. Les 29 millions d’euros que M. le premier ministre m’a permis de débloquer – bien avant les évasions – pour commencer dès cette année des travaux dans les six maisons d’arrêt les plus vétustes, y compris dans celle de Dijon, permettront, dans les prochaines semaines, de rendre étanches ces six établissements. Puis nous généraliserons ces mesures. Pour y contribuer, il ne faut pas pratiquer la politique du pire mais voter le budget de la nation. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – Mme Sophie Mette applaudit également.)
Prix de l’électricité
Mme la présidente
La parole est à M. Raphaël Schellenberger.
M. Raphaël Schellenberger
Qu’il s’agisse du gaz, de l’électricité ou des carburants, les factures d’énergie pèsent lourd sur le pouvoir d’achat. M. le premier ministre a demandé la semaine dernière aux membres de son gouvernement des propositions pour réduire la facture d’électricité des Français. L’Allemagne a décidé de subventionner l’électricité pour certains gros consommateurs, les entreprises électro-intensives, à hauteur de 50 euros du mégawattheure. Le prix de cette électricité subventionnée restera toutefois plus élevé que celui pratiqué sur le marché en France. Pourtant, les Français ne s’en rendent pas compte, car leurs factures sont plombées par des taxes et des accises.
Monsieur le premier ministre, quelles propositions entendez-vous mettre en œuvre pour réduire les accises sur l’électricité, afin que les Français bénéficient du prix particulièrement compétitif qu’offre notre système de production ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.
M. Sébastien Martin, ministre délégué chargé de l’industrie
Vous connaissez très bien les questions d’énergie, comme en atteste la précision de votre question. Je tâcherai d’être aussi précis que vous, alors que le débat sur l’énergie est souvent assez flou. Je vous remercie d’avoir rappelé que la France bénéficie d’une électricité dont le prix est largement plus compétitif que celui de l’énergie en Allemagne. Si, en France, l’électricité est de 20 à 30 % moins chère qu’en Allemagne, c’est grâce à des prix de gros plus bas, à une fiscalité inférieure et à une moindre dépendance aux énergies fossiles ou intermittentes.
Cela ne signifie pas qu’il faille cesser d’investir. Pour donner de la visibilité à notre système énergétique, il faut travailler sur une programmation pluriannuelle de l’énergie et, notamment, confirmer la construction de six réacteurs EPR, avant les huit suivants.
Par ailleurs, comme vous l’avez indiqué, le premier ministre a demandé à Roland Lescure de conforter cette compétitivité, alors que les industriels présents en France, notamment les très gros consommateurs, bénéficient déjà d’un prix plus bas que celui qui résultera des subventions décidées en Allemagne, où elles coûteront 2 à 3 milliards d’euros par an. Comme vous le suggérez, nous allons continuer de travailler sur les accises, c’est-à-dire sur les différentes fiscalités qui pèsent sur l’électricité. Nous ne manquerons pas de faire part à la représentation nationale des résultats de ce travail, qui est engagé, notamment dans le cadre du débat sur le budget pour 2026.
Mme la présidente
La parole est à M. Raphaël Schellenberger.
M. Raphaël Schellenberger
Je remercie M. le ministre pour sa réponse. Toutefois, la question des accises n’est pas uniquement fiscale, puisqu’elles financent des déséquilibres du système de production d’énergie. Pour les baisser, il faut donc traiter ces déséquilibres. J’aurai sur ce sujet trois propositions simples. Il faut s’assurer que l’électricité solaire couvre la pointe de consommation du soir, notamment grâce à du stockage. Il faut également s’assurer que le mécanisme de capacité ne finance pas tout et n’importe quoi. Il doit être consacré à éviter le black-out en cas de forte pointe de consommation. Enfin, les surcapacités doivent être éliminées par un plan massif d’augmentation de la consommation d’électricité ciblant notamment la transition industrielle par l’électrification des procédés.
Temps de l’enfant
Mme la présidente
La parole est à Mme Florence Herouin-Léautey.
Mme Florence Herouin-Léautey
« Nous sommes une génération pleine d’envie, mais qui manque de temps. » Ces mots sont ceux de Sofiane, jeune participant à la Convention citoyenne sur les temps de l’enfant, qui a réuni 133 citoyens et 20 enfants que je remercie pour leur engagement et pour la clarté de leurs constats (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Dem) : notre société fait l’impasse sur ses enfants et sur ceux qui ont pour mission de les accompagner.
Tous les scientifiques disent que la semaine de quatre jours décrétée sous la présidence de Nicolas Sarkozy est une aberration qui épuise les élèves et leur impose des journées à rallonge. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme Marie-Christine Dalloz
Ce n’est pas comme si Hollande avait fait tellement mieux…
Mme Florence Herouin-Léautey
Jean-Michel Blanquer le disait en 2010 : « Le monde des adultes s’est entendu sur le monde des enfants. » Les socialistes avaient mis fin à cette absurdité avec la réforme des rythmes scolaires de 2013. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. Guillaume Garot
Très bien !
Mme Florence Herouin-Léautey
C’est pourtant le même Jean-Michel Blanquer qui, devenu ministre de l’éducation nationale, a détricoté cette réforme positive. Ce choix est le symbole d’une société qui manque de considération et de visée enthousiasmante pour ses enfants.
Huit ans après, la Convention citoyenne nous fait plusieurs propositions : restructurer les rythmes scolaires selon les besoins des enfants – qu’en pensez-vous ? ; créer un ministère de l’enfance capable de coordonner tous les acteurs des temps de l’enfant – qu’en pensez-vous ? ;…
Mme Marie-Christine Dalloz
Vous en avez, des idées pour dépenser de l’argent ! Comme sous François Hollande !
Mme Florence Herouin-Léautey
…redonner aux enseignants la dignité et la reconnaissance que la République leur doit – qu’en pensez-vous ? (Mêmes mouvements.)
Je vous le demande, monsieur le premier ministre, parce que, depuis le 23 novembre, vous êtes resté curieusement silencieux. Peut-être est-ce parce que les conclusions rendues ce jour-là ne sont pas celles qu’espérait le président de la République et qu’elles soulignent l’absence de politique éducative de sa part. La Convention citoyenne nous appelle à penser l’éducation et la lutte contre les inégalités au-delà des murs des établissements scolaires, à redonner toute leur place aux loisirs et à l’éducation populaire, à remettre l’intérêt supérieur des enfants au cœur de notre projet. Qu’en pensez-vous ? (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice. – Les députés du groupe SOC ainsi que quelques députés du groupe EcoS applaudissent cette dernière.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Édouard Geffray, ministre de l’éducation nationale
Je vous remercie pour votre question et partage l’hommage que vous avez adressé aux 133 citoyennes et citoyens qui se sont mobilisés dans le cadre de la Convention citoyenne. J’y associe le Conseil économique, social et environnemental.
Sur le fond, certaines conclusions de la convention sont des points intéressants ou consensuels. Elle a dénoncé à juste titre la fragmentation des temps de l’enfant, qui sont mal articulés entre eux, quand ils le sont. Or les apprentissages se poursuivent au-delà des murs, le temps d’apprentissage ne se limitant pas au temps d’enseignement. Tout ce qui se passe en dehors de l’école constitue un temps d’apprentissage d’une autre nature qui contribue aussi à la construction de l’enfant. Je souscris donc à l’idée qu’il faut mieux articuler le temps de l’école avec ces temps-là, notamment avec le travail des 18 000 associations d’éducation populaire qui collaborent avec les collectivités territoriales.
Votre question m’amène aussi à parler des vacances, dont le problème tient plus au contenu qu’à l’organisation.
Vous savez comme moi que deux mois de grandes vacances en zone d’éducation prioritaire font perdre l’équivalent d’un mois d’apprentissage : on retrouve des enfants qui ont le niveau qu’ils avaient le 30 mai au lieu de celui du 1er juillet. C’est pourquoi nous travaillons notamment sur les stages de réussite, qui permettent chaque année à plusieurs centaines de milliers de jeunes de poursuivre leurs apprentissages et leur évitent par conséquent de subir cette perte de chances.
Le troisième point que vous avez évoqué est celui de la semaine de quatre jours, dont vous savez qu’elle n’est pas consensuelle. Assez difficile, sa mise en œuvre creuse certaines inégalités, territoriales, sociales, mais aussi entre les femmes et les hommes, puisque les parents doivent organiser la prise en charge de l’enfant en dehors du temps scolaire. Il s’agit donc d’une question sur laquelle nous travaillons, même si nous ne prendrons pas de mesures dans l’immédiat, car les choses sont malheureusement un peu plus compliquées que cela.
Liberté de la presse
Mme la présidente
La parole est à M. Matthieu Bloch.
M. Matthieu Bloch
Les Français découvrent avec stupéfaction le projet d’instauration d’un label de fiabilité des médias réputés dignes de confiances défendu par l’Élysée. Le président de la République entend distinguer les bons médias des mauvais, en une dérive illibérale historique et grave.
Hier soir, dans le cadre de sa croisade cathodique, l’Élysée a publié une vidéo caricaturale, révélant surtout l’obsession du chef de l’État à l’égard des médias qui refusent de repeindre en rose le bilan exécrable des gouvernements macronistes : chaos sécuritaire et migratoire, isolement diplomatique, services publics affaiblis, soumission à Mme von der Leyen, faillites massives d’entreprises, disparition de notre souveraineté alimentaire, effondrement du pouvoir d’achat des Français, crise budgétaire et démocratique profonde. La Macronie en déliquescence cherche aujourd’hui à obtenir par un label officiel l’image que les faits ne lui ont jamais accordée.
Comment ne pas souligner l’incohérence d’un président qui, à l’international, se pose en défenseur de la liberté des peuples, tout en envisageant, en France, d’instaurer un mécanisme qui reprend des logiques du Glavlit, organe chargé de filtrer, de surveiller et de censurer l’information en Union soviétique ?
Sommes-nous prêts, sous couvert de lutter contre la désinformation, à créer une version française du ministère de la vérité décrit par George Orwell il y a soixante-quinze ans et tristement illustré par l’histoire ?
Monsieur le premier ministre, allez-vous renoncer à ce nouveau nutri-score macronien, dangereux pour la liberté et le pluralisme ? L’Élysée va-t-il retirer son tweet insultant une chaîne de télévision privée et présenter des excuses ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture
Présenter des excuses, rien que ça ! Mais c’est vous qui insultez la démocratie et les institutions ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.) Vous parlez de dictature et d’autoritarisme, mais ne prenez pas vos rêves pour une réalité ! Nous en sommes loin.
Je pense avoir été claire, mais je vais le répéter encore plus clairement – et de façon très autoritaire (Sourires) : jamais le président de la République ou le gouvernement n’ont eu le projet, ou l’idée, de labelliser un média – jamais ! Je ne sais comment vous le dire : cela n’a jamais été notre projet. Peut-être est-ce le vôtre, ce n’est pas le nôtre. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes UDR et RN.) Telle est la réalité.
Quelle est la priorité du président de la République ? Avez-vous vu ce à quoi il s’intéressait ? Aux effets néfastes des réseaux sociaux et de certains contenus qui y sont diffusés sans aucun contrôle sur la santé et la santé mentale de notre jeunesse. Êtes-vous pour ou contre la défense de notre jeunesse ? Je suis pour qu’on la défende cette jeunesse, qu’elle soit préservée de ces contenus fous et viraux dont la diffusion résulte parfois d’ingérences étrangères. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.) Là est le scandale. Vous devriez être avec nous, dénoncer ces contenus et défendre cette politique. En tout cas, jamais de labellisation de la part de l’État !
Certains groupes de presse ont souhaité la création d’une certification – est-ce à notre initiative ? – qui garantisse le respect d’une certaine déontologie. Cela vaut pour tous les médias traditionnels, qu’ils soient de droite ou de gauche. Nous devrions donc être ensemble pour défendre la liberté de la presse et garantir la protection de la déontologie des journalistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Matthieu Bloch.
M. Matthieu Bloch
Madame la ministre, la vidéo d’hier soir n’évoquait pas le contrôle des réseaux sociaux pour protéger la jeunesse, mais elle s’en prenait précisément à un média télévisuel. Ce n’est pas du tout notre propre projet que de labelliser les médias ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Crise de la viticulture
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Barthès.
M. Christophe Barthès
Madame la ministre, le 15 novembre, des milliers de viticulteurs se sont rassemblés à Béziers pour crier leur détresse. Quelques jours plus tard, vous vous êtes rendue dans l’Hérault pour leur répondre et vous avez annoncé des mesures, dont une aide à l’arrachage de 130 millions d’euros.
Je salue cette réponse rapide, mais permettez-moi d’exprimer au nom des viticulteurs audois une inquiétude légitime. Cette aide doit être inscrite dans le projet de loi de finances. Or, dans le climat politique actuel, le risque d’un rejet pur et simple du budget est réel. Si cela devait arriver, ces 130 millions d’euros s’envoleraient.
Concrètement, comptez-vous garantir que ces crédits seront bien versés, même en cas de rejet du budget ? Quelles voies alternatives avez-vous prévues ? Un décret ? Un fonds d’urgence spécifique ? Les viticulteurs ont besoin de certitudes, non d’espérances !
L’arrachage n’est qu’un pansement. Il permet à ceux qui le souhaitent de partir dignement, ce qui est indispensable, mais il ne résout rien pour ceux qui veulent continuer. Où sont les mesures d’accompagnement ? Où est le grand plan de reconversion que nous appelons de nos vœux ? Ces questions sont sur la table depuis bien longtemps. Les viticulteurs ont réclamé de la simplification et la suppression pure et simple de l’Anses. Qu’en est-il de ces demandes ?
Soyons toutefois lucides : le cœur du problème, c’est que les Français boivent de moins en moins de vin. La consommation s’effondre et nous laissons faire. Le vin est mis sur le même plan que les que les alcools forts. On lui colle des messages sanitaires terrifiants. La quasi-totalité des publicités pour cette boisson sont interdites, alors même que la promotion de la bière ou des alcools forts est autorisée. C’est une aberration économique, mais aussi culturelle. (Mme Caroline Parmentier applaudit.)
Quand défendrez-vous enfin, aux niveaux national et européen, la spécificité du vin, qui est un produit de terroir et de modération et non un alcool comme les autres ? Face à la stigmatisation permanente, quand lancerez-vous une véritable campagne de valorisation de notre patrimoine viticole ?
Madame la ministre, pouvez-vous donner à nos viticulteurs l’assurance que même si le budget n’est pas adopté, l’État ne les abandonnera pas ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la souveraineté alimentaire
Je partage vos préoccupations concernant la viticulture. Une précédente question m’a donné l’occasion de rappeler quelles avaient été les mesures annoncées lors du Sitevi. Je vous ai rencontré dans l’Aude après les incendies qui ont ravagé les Corbières et qui nous ont plongés dans la plus grande des consternations. Il s’agit en effet d’un malheur de plus pour la viticulture française, déjà confrontée à la surproduction et à la déconsommation.
Le vin, c’est une éducation ; il faut évidemment pouvoir éduquer à ce merveilleux patrimoine que constituent les vins français.
Vous vous inquiétez du sort des 130 millions d’aide que j’ai annoncés au Sitevi et qui ont pour objet de réduire le potentiel de production, excédentaire, de la vigne française. Vous vous préoccupez de savoir si cet argent sera effectivement disponible au cas où le budget ne serait pas adopté ? Mais, monsieur le député, votez le budget ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.) Je sais ce qu’il en a coûté à l’agriculture de voir le budget rejeté l’an dernier : elle y a beaucoup perdu. Il vous appartient d’éviter que cela ne se reproduise. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
Liberté de la presse
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian
Il y a deux ans, après le rachat du Journal du dimanche par Vincent Bolloré, le président de la République promettait une grande loi sur la liberté de la presse et réunissait des États généraux de l’information, qui ont formulé des dizaines de propositions – pour l’indépendance éditoriale, la lutte contre la concentration, la protection du secret des sources, le renforcement du service public de l’audiovisuel, etc.
Depuis lors, la situation s’est aggravée. Les réseaux sociaux deviennent un terrain d’ingérence étrangère et de manipulation politique. Le militantisme prend le pas sur le journalisme, sur CNews notamment,…
Mme Caroline Parmentier
Ça vous va bien de dire ça !
Mme Sophie Taillé-Polian
…alors que le pluralisme interne est pourtant censé être la règle sur la TNT.
L’extrême droite exerce une pression excessivement forte sur le service public de l’audiovisuel. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.) À Challenges, Bernard Arnault exige de mettre à la poubelle la charte de déontologie, jusqu’à présent en vigueur pour protéger les journalistes des ingérences de leur propriétaire.
M. Alexis Corbière
C’est honteux !
Mme Sophie Taillé-Polian
Et que fait le gouvernement ? Rien, sinon affaiblir l’audiovisuel public. Pendant que la liberté de la presse recule, le président de la République fait sa tournée de la presse quotidienne régionale et propose une labellisation des médias. Les esprits honnêtes auront compris qu’il ne s’agit pas pour l’État de les labelliser. Faut-il pour autant confier à des experts le soin de dire quels médias seraient bons ou mauvais ? Le risque est évident. Nous préférons faire confiance aux journalistes et les soutenir face à leurs actionnaires, en leur donnant des droits collectifs pour protéger leur déontologie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.) Tel est le sens du droit d’agrément que nous défendons depuis plusieurs années.
Madame la ministre, où en est le projet de loi issu des États généraux de l’information ? Nous vous voyons, candidate à Paris sur Instagram, mais où est la ministre de la culture, pour soumettre enfin au Parlement sa copie en matière de protection de la liberté de la presse, indissociable d’une démocratie en bonne santé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs du groupe GDR. – Mme Anna Pic applaudit aussi.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture
Soit je suis trop présente, soit je ne le suis pas assez ! (Sourires.) N’en déplaise à certains, je suis encore là, madame la députée.
Lancés à l’initiative du président de la République, les États généraux de l’information ont rendu des conclusions, présentées par Bruno Patino. Nous les avons intégralement reprises dans un projet de loi, qui a été transmis au Conseil d’État et vient de nous être retourné. Ce texte sera présenté très prochainement en Conseil des ministres et il abordera tous les sujets que vous avez cités.
Cette question comporte en fait deux enjeux étroitement liés : le contrôle des concentrations et les difficultés financières qui touchent le secteur des médias et de la presse. Ils figureront tous les deux dans le projet de loi, qui sera présenté en conseil des ministres très prochainement et dont vous aurez tout loisir de débattre au Parlement.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian
Cela fait des mois que je vous entends dire que le projet de loi sera présenté « très prochainement ». Nous attendons. Je vous demande en outre de nous transmettre le texte. Si nous pouvions l’étudier dès maintenant, ce serait formidable.
M. Patrick Hetzel
Il faut d’abord voter le budget, vous le savez bien !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Rachida Dati, ministre
Accélérez la discussion budgétaire, madame la députée ! Dès que le budget est adopté, je suis à vous. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR.)
Accessibilité des bâtiments recevant du public
Mme la présidente
La parole est à Mme Geneviève Darrieussecq.
Mme Geneviève Darrieussecq
Je fais écho aux propos de notre collègue Gernigon : il faut saluer les bonnes nouvelles et les avancées concrètes pour nos concitoyens. Ce 1er décembre est une date importante, qui marque le remboursement intégral des fauteuils roulants pour les personnes handicapées. Le président de la République avait fait de cette mesure une priorité en 2023, lors de la 6e Conférence nationale du handicap (CNH), que j’ai eu l’honneur de préparer.
Vivre avec un fauteuil adapté, pour les personnes concernées, c’est tout simplement vivre – vivre avec plus d’autonomie, avec plus de moyens de se déplacer. Le remboursement de ces fauteuils est donc une véritable avancée.
J’éprouvais un peu de honte, je dois l’avouer, en voyant toutes les demandes de financement en ligne que les personnes en situation de handicap devaient formuler pour obtenir de l’aide, dans une France où la solidarité est pourtant une valeur première. Aussi importait-il de tenir cette promesse.
Je veux vous saluer, madame la ministre chargée du handicap, vous et tous ceux qui ont contribué à prendre cette mesure – ils ont été nommés tout à l’heure, je n’y reviens pas.
Qu’en est-il de l’accessibilité, notamment celle des espaces publics et des commerces, à laquelle il était prévu de consacrer 1,5 milliard à l’issue de cette conférence nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – M. Philippe Brun applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie et des personnes handicapées.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l’autonomie et des personnes handicapées
Merci à vous, madame la députée, d’avoir soutenu avec le président de la République cette proposition très forte, attendue depuis plus de vingt ans par nos concitoyens en situation de handicap. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et EPR.) Le fauteuil roulant est en quelque sorte un prolongement du corps et il est donc indispensable au plein exercice de la citoyenneté. C’est donc une réforme d’autonomie et de justice sociale que vous avez rendue possible.
Vous m’interrogez à juste titre sur l’enjeu de l’accessibilité : il n’y a pas de citoyenneté sans capacité à se déplacer partout librement. C’est la raison pour laquelle l’ancien premier ministre François Bayrou en avait fait la thématique prioritaire du comité interministériel du handicap (CIH) du 6 mars 2025. Il avait encouragé l’ensemble du gouvernement à réaffirmer ses engagements. Nous sommes, dans tous les ministères, pleinement mobilisés : le ministre des transports œuvre par exemple à rendre accessibles l’ensemble des gares, comme les autres ministres le font pour l’ensemble des bâtiments prioritaires – les hôpitaux, les prisons ou les tribunaux, par exemple –, qui font l’objet de travaux d’accessibilité.
Nous avons par ailleurs voulu donner aux élus locaux tous les moyens pour développer des solutions d’accessibilité en fournissant une boîte à outils sur cette thématique. Les élus locaux proposent en effet partout des solutions très intéressantes et très concrètes. Dans la perspective des prochaines élections municipales, il me semble indispensable que chaque projet comporte un volet consacré à l’accessibilité. C’est la condition sine qua non d’une société pleinement inclusive.
Mme la présidente
Nous avons terminé les questions au gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Clémence Guetté.)
Présidence de Mme Clémence Guetté
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est reprise.
2. Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025
Commission mixte paritaire
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025 (no 2146).
Présentation
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur de la commission mixte paritaire.
M. Philippe Juvin, rapporteur de la commission mixte paritaire
Le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) est avant tout – je le rappelle – un texte technique (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP) : il ne modifie ni les recettes ni la politique fiscale.
M. Aurélien Le Coq
Les recettes, on avait compris !
M. Philippe Juvin, rapporteur
Mais il est essentiel puisqu’il ajuste les crédits votés à la réalité des besoins. Toutefois, au-delà des ajustements techniques qui constituent, je le répète, l’essentiel du texte, le PLFG nous éclaire aussi sur la trajectoire de désendettement ; c’est évidemment capital car le désendettement doit être notre obsession à tous.
En effet, lorsque les intérêts de la dette deviennent le premier poste de dépense – ce pourrait être le cas dans les années qui viennent –, ce n’est plus le Parlement qui tranche : c’est la dette qui gouverne. La France avance comme un navire dont les voiles sont pleines mais dont l’ancre – la charge de la dette – frotte le fond. Et quand l’ancre accroche, c’est tout le navire qui perd sa capacité de manœuvre. Voulons-nous conserver une capacité de manœuvre ? La dette, c’est un impôt sans débat parlementaire, payé chaque année avant tout autre choix. Pour parvenir à moins de 3 % du PIB de déficit en 2029, il fallait atteindre 5,4 % en 2025. C’est fait : ce texte l’entérine et c’est aussi ce sur quoi vous voterez.
Pour revenir au texte lui-même, la commission mixte paritaire (CMP) a trouvé des solutions d’équilibre article par article : c’est une CMP conclusive. L’article liminaire ainsi que l’article 1er ont été adoptés dans la rédaction du Sénat. L’article 2 respecte la trajectoire des taxes affectées aux chambres de commerce et d’industrie (CCI) pour un montant de 30 millions d’euros. Quant à l’article 3, il a trait au financement des instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) par les régions ; nous avons sécurisé juridiquement le dispositif en ajoutant 1 million d’euros au profit des régions afin d’éviter tout risque de cavalier financier. L’article 4 a été retenu dans la rédaction de la CMP et les articles 6, 7 et 8 dans la version issue du Sénat.
L’article 5 est au cœur du compromis : des amendements du Sénat et de l’Assemblée nationale ont été retenus. S’agissant des amendements du Sénat, 10 millions d’euros ont été ajoutés pour la vidéoprotection des collectivités locales ; 16,2 millions pour honorer les engagements des contrats de plan État-région (CPER) ; 52 millions pour la mission d’aménagement du territoire assurée par La Poste ;…
M. Aurélien Le Coq
Des miettes.
M. Philippe Juvin, rapporteur
…enfin, 9 millions pour les pôles de compétitivité ainsi que 112 millions pour la dynamique de la prime d’activité et 366 millions pour corriger une erreur de reversement de recettes à Natixis.
La CMP a également intégré plusieurs demandes formulées à l’Assemblée nationale : 10 millions d’euros en soutien aux viticulteurs ; 5 millions pour l’hébergement d’urgence ; 8 millions pour les oubliés du Ségur, les personnels des centres municipaux de santé (CMS) ; et 15 millions pour des places supplémentaires de service civique. S’y ajoutent 3 millions pour le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) et 20 millions pour le Centre national d’études spatiales (Cnes), dans le respect des demandes émanant, en l’occurrence, des deux chambres.
Enfin, trois propositions ont été adoptées respectivement pour l’aide publique au développement (APD), pour le financement de la lutte contre les violences conjugales et pour ouvrir des crédits destinés à soutenir les actions en faveur de la forêt.
Au total, ces différents mouvements modifient le solde budgétaire de 683 millions d’euros, et il faut souligner qu’une fois mises de côté les mesures gouvernementales dont j’ai parlé, les initiatives parlementaires n’ont qu’un impact limité sur la dégradation du solde : entre 95 à 258 millions d’euros, selon le mode de calcul et le périmètre retenus. Ces montants demeurent compatibles avec l’objectif primordial de déficit à 5,4 % du PIB : le texte reste responsable et cohérent.
Rejeter le PLFG élaboré l’an dernier par Michel Barnier puis par François Bayrou aurait des conséquences concrètes : des prestations sociales non versées en décembre, des engagements de défense et de sécurité civile reportés, des universités fragilisées et des collectivités qui, pour certaines, seraient plongées dans l’incertitude. Vous pourriez me répondre, à raison, que le gouvernement pourrait recourir à un décret d’avance. Mais chacun sait ici que cet outil est limité, partiel et surtout hors de contrôle du Parlement. La CMP est parvenue à un texte équilibré, transpartisan et efficace. J’y insiste : il s’agit non d’un texte d’orientation mais d’un texte de gestion et de consensus.
M. Aurélien Le Coq
C’est pourquoi nous n’allons pas le voter !
M. Philippe Juvin, rapporteur
Dans ce compromis que nous avons bâti et auquel chacun était convié, aucun groupe politique n’a gagné ou perdu. Il s’agit simplement d’assurer au pays une fin d’année stable et conforme aux engagements que nous avions votés. Vous aviez demandé que le Parlement trouve un compromis : le voilà. Pour toutes ces raisons, je vous invite à adopter les conclusions de la commission mixte paritaire. (M. Jean-Yves Bony, Mme Marie-Christine Dalloz et Mme Maud Petit applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’action et des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre de l’action et des comptes publics
Le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025 est un texte que vous connaissez bien car vous l’avez examiné il y a deux semaines. Dans l’intervalle, il a été adopté par le Sénat puis retravaillé ces derniers jours, comme l’indiquait le rapporteur général, par une commission mixte paritaire qui s’est avérée conclusive.
Alors que l’Assemblée nationale l’avait rejeté en première lecture le 18 novembre dernier, des compromis ont été trouvés, des accords ont été passés. C’est bien la preuve qu’un chemin existe et que la France n’est pas condamnée à l’impuissance budgétaire que certains professent. Cette CMP conclusive le montre : après avoir fait valoir vos positions, après avoir exprimé vos différences légitimes, vous avez pu vous mettre d’accord sur l’essentiel. J’y vois non un satisfecit mais un encouragement pour la suite de la procédure budgétaire.
Je vous l’avais dit il y a deux semaines : le projet de loi de finance de fin de gestion est un texte technique qui retrace les principaux événements survenus en cours d’année et qui permet d’ajuster la répartition de certains crédits pour répondre aux imprévus auxquels nous avons fait face pendant l’année. C’est donc un texte qui nous permet de terminer l’année sereinement, en garantissant entre autres le paiement pour le mois de décembre de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et de la prime d’activité, en permettant de maintenir ouvertes les 203 000 places d’hébergement d’urgence dont nous disposons actuellement, ou encore en nous donnant les moyens de régler certains surcoûts opérationnels sur la mission Défense, dans le contexte de tensions internationales que vous connaissez. Il n’y a ici aucune économie supplémentaire, aucun coup de rabot que vous pourriez découvrir…
M. Nicolas Sansu
Ah bon ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…ni sur les budgets des ministères ni sur les prestations. Nous avons fait tout au long de l’année le choix de la transparence, notamment dans le cadre des comités d’alerte qui se sont réunis en avril et en juin. Bien que ce texte soit avant tout technique, les débats qui ont eu lieu ici à l’Assemblée nationale, puis au Sénat, enfin en commission mixte paritaire, ont permis de l’enrichir.
Vous avez choisi d’ouvrir des crédits sur certaines politiques prioritaires. Vous l’avez fait en particulier pour donner des moyens supplémentaires à l’aide humanitaire, alors que les crises qui ont lieu au Soudan, à Haïti, au Liban, au Proche et au Moyen-Orient entraînent des besoins immenses. Vous avez aussi choisi de soutenir davantage les collectivités locales, notamment pour qu’elles puissent assurer leur sécurité – le rapporteur général vient de l’évoquer ; de protéger la présence territoriale de La Poste ; d’accroître les moyens de l’hébergement d’urgence, alors qu’arrive la période hivernale ; de soutenir les centres municipaux de santé, comme Éric Coquerel nous y avait invités pendant le débat ;…
M. Aurélien Le Coq
8 millions sur 10 milliards !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…et d’avancer sur l’égalité entre les hommes et les femmes – où tant de progrès restent à accomplir, comme nous l’avons rappelé la semaine dernière lors des questions au gouvernement. Vous avez aussi choisi d’ouvrir des crédits pour adapter nos forêts durement touchées par le changement climatique,…
M. Pierre Cazeneuve
Grâce au président Fesneau !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…pour aider nos viticulteurs à surmonter la crise qu’ils traversent actuellement, enfin pour donner des moyens supplémentaires, en cette fin d’année, au service civique.
Toutes ces avancées sont possibles en respectant l’engagement qu’au nom du gouvernement, nous avions pris devant vous, Éric Lombard et moi-même, en février dernier : grâce à la mobilisation de chacun, l’objectif de déficit à 5,4 % du PIB est tenu. Je vous l’ai dit et je le répète, nous ne pouvons bien sûr pas nous satisfaire de ce niveau de déficit. Nous devons, je l’affirme à nouveau, poursuivre les efforts engagés pour redresser nos finances publiques à l’horizon 2029, pour reprendre notre destin en main et surtout pour arrêter de faire augmenter notre dette.
Ce que ce PLFG démontre, c’est que nous sommes capables de piloter la dépense en faisant preuve de vigilance et de transparence, et ce tout au long de l’année. C’est bien un gage de crédibilité et cela confirme une chose : ce que le Parlement vote, le gouvernement l’applique.
Mme Ségolène Amiot
Vous allez donc nationaliser Arcelor ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je vous invite donc à voter ce texte, qui permettra de bien finir l’année 2025, et de soutenir jusqu’au 31 décembre les politiques publiques qui en ont le plus besoin. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Coquerel, vice-président de la commission mixte paritaire.
M. Éric Coquerel, vice-président de la commission mixte paritaire
Ce texte n’est pas technique ; il ne s’impose pas à nous. Il faut que cesse la politique du fait accompli. Le projet de loi finances de fin de gestion a déjà été rejeté par cette assemblée le 10 novembre ; il nous revient dans une version issue de la commission mixte paritaire mais il poursuit toujours le même objectif : faire avaliser par les parlementaires des annulations de crédits qui aggravent l’état de budgets déjà fortement réduits par le projet de loi de finances.
Madame la ministre, en reprenant les mêmes arguments d’autorité que vos prédécesseurs, budget après budget, vous ne m’avez pas convaincu. L’an dernier, la loi de fin de gestion avait annulé 6,4 milliards d’euros de crédits de paiement. Cette année, vous projetez d’en annuler 10,3 milliards, qui s’ajoutent aux 23,5 milliards d’euros de coupes du budget Bayrou et aux 2,7 milliards annulés par décret en avril, soit un total de 36,5 milliards d’euros de coupes effectives pour l’année 2025.
Depuis que vous n’êtes plus majoritaires, vous faites adopter des budgets dont vous savez déjà que vous les transformerez profondément en cours d’année. Vous prétendez que le projet de loi de fin de gestion ne fait qu’entériner un état de fait en fin d’année alors qu’en réalité, vous avez décidé dès le mois d’avril des annulations et des gels ; ensuite, tout au long de l’année, vous vous assurez que l’argent mis en réserve n’est pas dépensé. C’était le cas pour le budget 2024 ; c’est aussi le cas pour 2025 et cela risque de l’être encore pour 2026,…
Mme Ségolène Amiot
Il a raison !
M. Éric Coquerel, Vice-Président
…si toutefois vous parvenez à faire passer votre budget – ce que je n’espère pas. Cette méthode spécieuse ne m’a donc pas convaincu et vous ne me convaincrez pas non plus que ces milliards d’euros n’étaient pas utiles : ils auraient pu être utilisés soit cette année, soit l’an prochain.
La commission mixte paritaire a concédé de maigres reculs sur certains points. Il ne s’agit là que de quelques dizaines de millions d’euros qui sont sans commune mesure avec vos coupes budgétaires et ne changent rien à la dynamique générale de baisse des budgets, qui représente des centaines de millions voire des milliards d’euros. Autrement dit, le compte n’est pas bon.
La CMP, par exemple, a concédé 5 millions d’euros à l’hébergement d’urgence. Ce n’est rien comparé aux 163 millions d’euros d’annulations de crédits qui sont toujours prévus dans le texte pour 2025 ; ce n’est rien comparé à la baisse de 1,1 milliard prévue pour la mission Logement en 2026.
La CMP a concédé 10 millions d’euros à l’aide publique au développement. Ce n’est rien comparé aux 159 millions d’euros d’annulations d’autorisations qui sont toujours prévus dans le texte pour 2025 ; ce n’est rien comparé aux 730 millions qui risquent d’être retirés l’an prochain. Hier, nous commémorions la journée mondiale de lutte contre le sida. Selon le Programme commun des Nations unies sur le VIH/sida (Onusida), l’arrêt de l’aide internationale états-unienne risque de causer plus de 4,2 millions de morts en quatre ans ; la France ne suit pas un chemin différent puisqu’elle réduit de 52,3 % en deux ans le budget de l’APD. Alors que de nombreux pays cessent leurs contributions et menacent le soutien humanitaire, nous pourrions suivre une autre voie. L’annulation de ces 159 millions est une tache difficilement acceptable. (M. Pierre-Yves Cadalen applaudit.)
La CMP a concédé 10 millions d’euros au soutien des viticulteurs. Ce n’est rien comparé aux 118 millions d’euros d’annulations de crédits qui sont toujours prévus pour 2025 ; ce n’est rien comparé à la baisse de 253 millions prévue en 2026 pour la mission Agriculture.
La CMP a concédé 8 millions d’euros pour les soignants des centres municipaux de santé. Les rapporteurs ont repris mon amendement et je souhaite leur rendre hommage, notamment au rapporteur général du budget : ils ont eu la classe de le faire alors que je leur avais indiqué que cela ne changerait rien au fait que je voterais contre le PLFG. Je leur en sais gré mais comment oublier que le budget Lecornu prépare 7,2 milliards d’euros de baisses pour les collectivités l’an prochain ?
Vous clamez qu’il n’y a pas de besoins mais vous annulez 1,5 milliard d’euros sur l’enveloppe dévolue au plan France 2030, alors que cette somme aurait pu servir à financer pour moitié la nationalisation d’ArcelorMittal, votée par notre assemblée la semaine dernière. Le gouvernement présente ces annulations de crédits comme des mesures techniques. C’est insuffisant : je ne suis pas convaincu. Qui peut être convaincu par une politique qui aggrave la pauvreté comme nulle part ailleurs en Europe et n’enraye en rien la désindustrialisation ? Qui peut être convaincu par une politique qui ampute de moitié la croissance, limitée à 0,7 % alors que, selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), elle aurait pu atteindre 1,4 % spontanément ?
Un gouvernement minoritaire ne peut imposer tout cela : il doit rétablir le Parlement dans ses prérogatives. L’exécutif ne peut garder la main sur les budgets en les imposant puis en les aggravant à sa guise, par décret, avant de les faire avaliser par la loi tout en prétextant des mesures techniques.
J’ai d’ailleurs recommandé dans le rapport de la commission d’enquête que j’ai présidée, de réduire à 0,5 % le montant cumulé des crédits pouvant être annulés par décret et de conditionner la signature des décrets d’annulation à un avis conforme des commissions des finances. Ce plafond obligerait le gouvernement à déposer un projet de loi de finances rectificative, ce qui serait plus démocratique.
Cette proposition est entre les mains du gouvernement mais je doute qu’il s’en saisisse car il n’a cure que d’une chose : baisser par tous les moyens les dépenses afin d’éviter que l’on pose la question des recettes. C’est là l’objectif du fatalisme sans alternative et de la politique du fait accompli qui contourne chaque jour davantage la démocratie parlementaire.
Motion de rejet préalable
Mme la présidente
J’ai reçu de Mme la présidente Mathilde Panot et des membres du groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire, une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
Mme Geneviève Darrieussecq
Tiens, il y avait longtemps, ça nous manquait !
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Tout l’exercice, pour vous, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi de fin de gestion, consiste à faire comme si tout était normal, comme si vous aviez la moindre légitimité à être là où vous êtes, comme si le budget de l’an dernier avait été adopté dans des conditions régulières, comme si vous n’étiez pas à cette minute même dans les préparatifs d’un nouveau coup de force sur le prochain budget. Tout ça est une comédie.
Vous pensez que si vous arrivez à faire tenir cette fable d’un pays bien géré jusqu’en 2027, vous réussirez d’une manière ou d’une autre à vous sauver. Vous croyez que si vous faites assez de chantage à la responsabilité ou à la dette, en gonflant mensongèrement le poids de sa charge comme vous l’avez fait en 2025 et comme on le découvre dans ce PLFG, ça suffira à couvrir le reste.
M. Pierre-Yves Cadalen
Eh oui !
Mme Claire Lejeune
Mais vous croyez mal. Les gens voient tout ça. Ils voient la duplicité, la malhonnêteté. Le budget de cette année, ils n’ont pas besoin d’un tableau comptable pour le comprendre, ils l’ont vécu dans leur chair, au quotidien, à chaque fin de mois (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP), à chaque passage à la caisse d’un supermarché, à chaque journée de travail, à chaque nouveau coup que vous leur assénez par les politiques que vous menez.
Nous déposerons autant de motions de rejet qu’il le faudra, jusqu’à temps que vous ne soyez plus là. Et à chaque motion de rejet, nous vous rappellerons que vous n’avez aucune légitimité pour présenter le moindre bilan, texte budgétaire ou projet de loi. L’acte fondateur du budget de l’an dernier n’est pas un vote de l’Assemblée, mais un 49.3. Et ce texte que vous nous soumettez à présent n’est ni un bilan neutre, ni un tableau objectif, ni un document technique : c’est la suite logique de votre opération de liquidation de la puissance publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Si nous n’agissions pas ainsi, si nous ne déposions pas de motion de rejet ou si nous ne la votions pas, si nous validions ce PLFG ou si nous nous abstenions comme si tout cela nous laissait indifférents, nous nous rendrions coupables de participer à la banalisation du coup de force à répétition, qui est la marque de fabrique du président Macron.
Accepter ce PLFG reviendrait à entériner une méthode de gouvernement qui normalise l’austérité car remplacer le projet de loi de finances rectificative par un projet de loi de fin de gestion n’est pas une simple formalité.
M. Hadrien Clouet
Eh oui !
Mme Claire Lejeune
Si vous nous enlevez la possibilité de débattre des recettes, vous nous privez d’une discussion sur la justice fiscale et sociale et la répartition et vous faites du budget une série de coupes dans des dépenses qui pourtant permettent aux Français de vivre dignement, de se soigner, se loger, se nourrir, se déplacer, se protéger des conséquences du dérèglement climatique.
Voyant que vos fables ne passent plus et que le suffrage souverain vous rejette, vous cherchez à faire entrer vos politiques par la fenêtre. Vous entérinez dans la pratique institutionnelle les habitudes malsaines que vous avez prises et qui vous caractérisent : faire payer toujours les mêmes, prendre les services publics pour une variable d’ajustement des cadeaux que vous faites aux plus riches et aux grandes entreprises, protéger les plus fortunés, continuer à prendre les députés et les gens que nous représentons pour des serpillières ou des benêts. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NFP.)
Mais la démocratie, ce ne sera jamais d’avoir à choisir entre se faire couper la main ou le pied, et ce n’est pas vous, madame la ministre, pas plus que votre gouvernement, qui nous dicterez ce qu’il est possible ou non de faire, ce qui est responsable ou non de décider. Rappelons qu’ici même, jeudi dernier, nous avons voté, avec fierté, pour que le Mercosur soit rejeté, pour que l’égalité soit respectée dans les territoires d’outre-mer et pour qu’ArcelorMittal soit nationalisé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Oui un autre monde est possible, une autre économie est possible, un autre budget est à portée de main.
Revenons à ce PLFG dans lequel, comme à votre habitude, vous proposez de couper la main après avoir coupé le pied en février dernier. Pour ceux qui seraient tentés de valider ou de s’abstenir, rappelons les coupes dont vous vous êtes rendus coupables. Il s’agit bel et bien de coupes car ce sont des sommes que vous avez gelées en cours d’année, que vous avez décidé de ne pas utiliser en vue des annulations que vous prévoyez aujourd’hui.
Les politiques d’accès et de retour à l’emploi accusent près de 1 milliard d’euros d’annulations de crédits, soit 1 milliard en moins pour les politiques que vous auriez pu mener afin de soutenir les personnes privées d’emploi. Hélas, cette décision tombe au moment où, malgré vos politiques malsaines de massification de l’apprentissage et des contrats précaires, le chômage repart à la hausse.
La recherche et l’enseignement supérieur se voient amputés de 250 millions d’euros. Comprenons bien de quoi il retourne : alors qu’il vous est impossible de toucher à un cheveu du crédit d’impôt recherche, lequel déverse quasiment 10 milliards sur les grands groupes privés, vous n’hésitez pas à priver d’un quart de milliard le budget de la recherche publique et de nos universités.
L’enseignement scolaire perd 130 millions d’euros. Dans quel pays vivez-vous pour penser que ces millions n’auraient pas été utiles pour nos écoles et nos enseignants qui galèrent ? Comment pouvez-vous croire que l’on peut supprimer des millions à la légère ?
Pire, c’est encore 1,5 milliard d’euros que vous enlevez au financement des investissements stratégiques. Voilà donc 1,5 milliard qui part en fumée, alors que cet argent aurait pu servir à la nationalisation d’Arcelor que nous venons de voter. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Si ce que nous avons voté a une quelconque valeur à vos yeux et a vocation à s’appliquer, laissez cet argent où il est.
Et la liste est encore longue. On croirait entendre Louis de Funès qui s’exclamait, dans la Folie des grandeurs : « Cette année, la récolte a été très mauvaise, alors il faut payer le double. C’est normal ! Les pauvres, c’est fait pour être très pauvres et les riches, très riches. »
La récolte, en effet, est mauvaise mais vous en êtes responsables : vous avez gâté les blés et provoqué les orages. Vous avez beau jeu de demander ensuite aux Français de payer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Hadrien Clouet
Scandaleux !
Mme Claire Lejeune
Quant à la pauvreté qui explose et devrait encore s’aggraver, lisez au moins les documents budgétaires que vous publiez plutôt que de balayer d’un revers de la main ceux que nous vous présentons : 5 milliards d’euros de recettes de TVA en moins par rapport à vos prévisions.
M. Pierre-Yves Cadalen
Eh oui !
Mme Claire Lejeune
Voilà la preuve du chaos que vous avez suscité et le prix à payer pour nos concitoyens. Dans la France du président Macron, les gens ne peuvent plus consommer, ni se nourrir, se vêtir, sortir. Ils sont essorés. Et la situation empire de jour en jour. Selon les comptes publiés par l’Insee, vendredi dernier, le pouvoir d’achat recule de 0,4 point ce trimestre, la consommation baisse, en particulier sur les achats alimentaires, et le taux d’épargne chute à nouveau après s’être redressé.
Voilà donc ce qu’il en est de votre bilan. Mais il faut aussi parler de ce que vous avez retiré du bilan budgétaire et que les Français paient au prix fort. Ce bilan est bien malhonnête, en effet, et même si ce que vous nous présentez n’est qu’un tableau, pour reprendre votre expression, c’est un tableau partiel et partial. Car ce que vous arrêtez de financer, ce qui disparaît de vos comptes d’apothicaires, pèse directement sur les classes moyennes et populaires. Les mesures que vous prenez dans le cadre de la transition énergétique suffisent à elles seules à montrer que vous n’avez qu’une idée en tête : débudgétiser et reporter le coût sur le dos des Français – et dans leur dos, qui plus est !
Prenons le temps d’expliquer car le RN n’a visiblement pas compris. M. Bardella nous gratifie de vidéos pleines de mensonges et d’approximations – avant de s’exprimer, il aurait mieux fait d’utiliser les 130 millions d’euros d’argent public pour connaître ses sujets, plutôt que pour apprendre à sourire et parler. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Mme Ségolène Amiot
Rendez l’argent !
M. Jean-Yves Bony
Plus vous parlez de lui, plus vous lui faites de la publicité !
Mme Claire Lejeune
Ce n’est pas d’une taxe qu’il s’agit dans le décret de début novembre, mais de l’augmentation du volume des certificats d’économie d’énergie. Le gouvernement les utilise à présent pour débudgétiser certaines dépenses et donc se dédouaner de ses responsabilités sur la transition énergétique. Pour que tous ceux qui nous écoutent comprennent bien, je vais le dire autrement : vous retirez du budget des actions qui devraient être financées par l’argent public – la rénovation des bâtiments, l’achat de voitures électriques par exemple – pour les faire prétendument payer par les énergéticiens. Mais à ce jour, aucun contrôle n’est exercé sur la manière dont ces changements sont répercutés sur les prix. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Résultat : selon un rapport de la Cour des comptes, en 2024, chaque ménage a payé 164 euros de plus sur ses factures à cause de ce dispositif. Voilà ce qu’il est en est de votre bilan !
Et le même scénario se répète pour toutes les missions de service public et d’intérêt général : vous reculez et vous vous désengagez, ce qui a un coût puisque c’est le privé et le marché qui se substituent au public, ce même privé qui trie en fonction de la taille du porte-monnaie, ce marché qui n’en a que faire, de la justice et de l’égalité.
Le terme « bilan » nous vient de l’italien et signifie aussi « équilibre », balance. Ce n’est donc pas un bilan que vous nous présentez car il n’a rien d’équilibré. Ce serait plutôt une balance dont le poids pèse intégralement d’un côté, une nouvelle facture, une sentence, une saignée continue. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Nous n’avons été élus ni pour consentir, ni pour nous abstenir, ni pour nous taire. Nous n’avons pas davantage été élus pour céder aux miettes que le gouvernement voudrait bien nous concéder, comme cela s’est produit en commission mixte paritaire. La ficelle est par trop grossière : une petite ligne par groupe en guise de cadeau pour nous amadouer.
Le mandat était clair et il vaut pour tous les députés du Nouveau Front Populaire : débarrasser le pays de ce que la Macronie lui fait subir depuis huit ans. Il n’est pas question pour nous de livrer le monde aux « assassins d’aubes ». Avec Aimé Césaire, nous nous opposerons à ce PLFG et nous vous invitons à en faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP dont plusieurs députés se lèvent.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je suis heureuse de vous retrouver après les travaux au Sénat mais permettez-moi de reprendre quelques points. Le président Coquerel nous soupçonne de faire en sorte que les textes budgétaires ne soient pas respectés. Or la version initiale du gouvernement, que vous avez complétée, respectait, à 300 millions près, le périmètre des dépenses de l’État, qui s’établit à 490 milliards d’euros. Voilà pour les dépenses.
Pour ce qui est des recettes, nous avons respecté notre cible à 700 millions d’euros près. On ne peut donc pas dire que le gouvernement ait complètement dénaturé sa copie en réalisant des économies en cachette pour bafouer la volonté du Parlement. Ce serait erroné de le croire.
Le président Coquerel nous dit encore…
M. Hadrien Clouet
Il a raison !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…que dans le PLF 2026, le gouvernement a prévu une baisse de 7,2 milliards d’euros pour les collectivités. Vous le savez, nous avons arrêté de nous baser sur le tendanciel, qui est un peu comme le dahu, personne ne l’a jamais vu. Nous travaillons donc par rapport au réel. Et le PLF pour 2026 prévoit bel et bien d’augmenter de 2,4 milliards d’euros les dépenses de fonctionnement des collectivités.
Certains peuvent considérer qu’avec 2 % de croissance et 2 % d’inflation, les collectivités en seraient à 8 ou 9 milliards d’euros de dépenses de fonctionnement si elles n’avaient pas pris de mesures d’économie. Et il est vrai que le budget du gouvernement propose une hausse de 2,4 %. Choisissez donc entre ce 2,4 % et les 8 ou 9 milliards que vous appelez de vos vœux, certes mirifiques mais jamais tenus. Je m’inscris donc en faux : il n’y a pas 7,2 milliards d’euros de coupes pour les collectivités, mais 2,4 milliards de hausses proposées.
Enfin, madame Lejeune, si je ne relève pas le fond de votre argumentation politique qui tient aux réelles divergences d’appréciation qui nous opposent, je crois que les termes de chantage, de comédie et de coup de force dépassent et de loin la réalité de ce projet de loi de fin de gestion. Nous avons dans notre pays un Haut Conseil des finances publiques qui veille à ce que le travail rendu par le gouvernement ne procède ni de l’illusion, ni du chantage, ni du coup de force.
M. Hadrien Clouet
Un an de travail pour ça !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Nous sommes une République et nous avons des institutions indépendantes qui éclairent le Parlement pour que ce que vous votiez reflète la réalité. Dans ces conditions, il vaut mieux nous en tenir au réel plutôt qu’à ce que certains voudraient voir advenir. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. le vice-président de la CMP.
M. Éric Coquerel, vice-président
Si les termes de « coup de force » et de « chantage » qui ont été utilisés pour défendre la motion de rejet sont certes un peu vifs, il n’était pas très délicat de votre part, madame la ministre, d’indiquer que notre demande tendant à faire payer aux multinationales ce qu’elles doivent à l’État fleurait bon l’URSS.
M. Hadrien Clouet
Exactement ! Große Karikatur !
M. Éric Coquerel, vice-président
C’est un prêté pour un rendu.
Je ferai deux observations. D’abord, pourquoi faire voter des réserves si vous estimez qu’on ne doit pas les examiner en fin d’année ? Je suis convaincu que, si les réserves n’ont pas été dépensées en cours d’année alors qu’il existait des besoins – par exemple en matière d’hébergement d’urgence – c’est parce que vous aviez donné des instructions en ce sens dès le mois d’avril.
Ensuite, vous défendez l’idée que votre vision correspondrait au réel tandis que ceux qui utilisent un budget tendanciel seraient dans l’abstraction. Non ! Que vous ayez choisi pendant plusieurs années de ne pas définir de budgets tendanciels, contrairement à MM. Barnier et Bayrou, pourquoi pas ! Il n’en demeure pas moins que le tendanciel est au plus près de la réalité. Il représente le budget nécessaire pour effectuer les mêmes dépenses que l’année précédente en fonction de l’augmentation des besoins de la population. Cela correspond à quelque chose de très concret. Le choix de MM. Barnier et Bayrou était aussi proche du réel que le vôtre. Nous ne sommes pas dans le rêve : dans la réalité, 7 milliards d’euros ont été ôtés aux collectivités – elles-mêmes le disent.
M. Hadrien Clouet
En effet, elles le disent !
Mme la présidente
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Nous en venons aux explications de vote de deux minutes maximum par groupe.
Explications de vote
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault (RN)
Nous voterons en faveur de la motion de rejet pour deux raisons. Premièrement, contrairement à ce que le gouvernement affirme, ce PLFG, – texte qui a remplacé l’ancienne loi de finances rectificative – n’est ni un texte technique, ni un texte de pure gestion. Pour preuve, il comporte des annulations et des rallonges de crédits qui sont tout sauf anecdotiques. Ainsi, le PLFG prévoit 1 milliard d’euros supplémentaire pour les énergies intermittentes. Compte tenu de notre opposition aux charges de service public d’électricité pour ces énergies, ce seul fait pourrait justifier le vote de la motion de rejet.
En second lieu, le texte consacre des dérives budgétaires inacceptables : hausse des dépenses, augmentations d’impôts pour limiter – légèrement – l’augmentation du déficit et disparition de 10 milliards d’euros de TVA – les explications données à cet égard n’étant pas convaincantes. Nous voterons donc cette motion de rejet préalable et, si elle est rejetée, nous compléterons nos explications sur le PLFG. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR)
Le groupe Ensemble pour la République votera contre la motion de rejet préalable.
Par la voix de M. Renault, le Rassemblement national vient de faire savoir qu’il allait, une nouvelle fois, voter en faveur d’une motion de rejet présentée par La France insoumise.
M. Matthias Renault
Et alors ?
M. Charles Sitzenstuhl
Voici de manière étonnante – mais au vrai pas si surprenante – que se reconstitue l’arc LFI-RN ! (Protestations sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Nous savons qu’avec cette motion, LFI souhaite complexifier et ralentir le fonctionnement de nos institutions.
M. Aurélien Le Coq
Non, l’accélérer !
M. Charles Sitzenstuhl
Ce PLFG n’est pas le projet de loi de finances (PLF). Il y a un an, nous avons débattu du PLF qui a ensuite été adopté dans le respect des dispositions constitutionnelles en vigueur. La loi organique exige le vote du PLFG pour procéder aux derniers ajustements de crédits en clôture d’exercice budgétaire. Le PLFG ne permet pas de discuter de la fiscalité et ne rouvre pas le débat général que nous avons eu dans le cadre du PLF. C’est un texte indispensable à la bonne marche de l’État et des services publics : nous souhaitons son adoption. Nous appelons l’ensemble des députés, qu’ils appartiennent au socle commun ou qu’ils siègent dans l’une des oppositions, à voter contre la motion de rejet. (M. Michel Lauzzana applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP)
Oui, madame la ministre, pour reprendre les propos de notre collègue Claire Lejeune, vous nous proposez ici un chantage – vous êtes d’ailleurs passée maître en la matière ! Selon vous, nous devrions choisir entre laisser dormir à la rue celles et ceux qui bénéficient de l’hébergement d’urgence ou agir en faveur des élèves, choisir entre les élèves et les étudiants, entre ces derniers et les agriculteurs, entre les associations, entre les sports. Telle est la réalité de votre PLFG ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Non, il ne s’agit pas d’un texte technique : il représente 10 milliards d’euros de coupes budgétaires sur 2025, soit 28 % de l’ensemble des suppressions de crédits de l’année. Voilà qui est la marque symbolique des textes financiers de la Macronie : couper toujours plus dans les services publics pour garantir des cadeaux aux plus riches de ce pays.
Je le dis à tous les collègues : le vote du budget – en l’espèce, le vote du dernier acte d’un budget d’austérité passé en force l’an dernier grâce à l’usage de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution – détermine si l’on se positionne dans la majorité ou dans l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Le vote sur le budget marque le soutien au gouvernement d’Emmanuel Macron ou l’opposition à celui-ci. Dès lors, il ne doit pas manquer une voix pour faire battre ce PLFG qui est un texte austéritaire. Face à 10 milliards d’euros de coupes budgétaires, aucune abstention ne pourrait être comprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Vincent Descoeur
Il donne des conseils à ses amis !
M. Aurélien Le Coq
Je n’imagine pas que des députés élus pour s’opposer à la Macronie puissent entonner la petite musique du 49.3. Rejetons ce texte ! Adoptons la motion de rejet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP dont plusieurs députés se lèvent.)
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Ray.
M. Nicolas Ray (DR)
Nous en avons un peu assez de ces motions de rejet systématiques de La France insoumise : deux pour ce seul après-midi. Elles n’ont aucun sens, si ce n’est d’empêcher le Parlement de voter.
Mme Marie-Christine Dalloz
Ils nous empêchent de travailler !
M. Nicolas Ray
Si vous êtes défavorables à ce texte, vous aurez tout loisir de voter contre dans quelques minutes. La motion de rejet n’a donc aucun sens. Elle fait par ailleurs perdre un temps précieux à notre assemblée dont l’emploi du temps est chargé alors que nous devons entamer la deuxième lecture du PLFSS, texte majeur. À ce titre, elle est malvenue dans le déroulement de nos débats.
Nous sommes très étonnés de découvrir que le Rassemblement national va de nouveau voter avec La France insoumise dans une alliance des contraires à laquelle, naturellement, le groupe Droite républicaine ne participera pas.
M. Antoine Vermorel-Marques
Eh oui : ce sont les ingénieurs du chaos !
M. Nicolas Ray
Nous voterons bien sûr contre la motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Eva Sas.
Mme Eva Sas (EcoS)
Dans la droite ligne de l’ensemble des textes budgétaires présentés depuis 2017, ce PLFG met en œuvre une politique fiscale budgétaire délétère qui exonère les plus riches de l’effort collectif et sous-finance les services publics, la solidarité et la transition écologique.
Il ouvre néanmoins des crédits attendus et indispensables : crédits d’hébergement d’urgence pour loger les plus vulnérables, allocation aux adultes handicapés (AAH) pour permettre une vie digne, prime d’activité pour boucler les fins de mois. Ces ajustements de dernière minute, désormais habituels, traduisent une mauvaise anticipation des besoins lors du vote du PLF. Ces politiques essentielles méritent mieux qu’un colmatage de brèches à la fin du processus budgétaire. Elles nécessitent un budget qui protège, anticipe et stabilise.
En CMP, le texte a été amélioré à la marge : les crédits en faveur de l’hébergement d’urgence ont été augmentés de 5 millions d’euros et, sous l’impulsion de notre collègue Karim Ben Cheikh, la réduction de 10 millions de l’aide publique au développement a été supprimée afin que la France puisse honorer ses engagements humanitaires à Gaza. Pour ces raisons, il nous paraît utile d’aller jusqu’au vote du texte issu de la CMP. Aussi, nous abstiendrons-nous sur cette motion de rejet préalable.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson (LIOT)
Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT) votera contre cette motion de rejet car nous sommes pour le dialogue et la discussion : le Parlement est là pour ça. En second lieu, contrairement à ce que pensent certains, le PLFG n’est pas une loi de finances rectificative : il ne comprend aucune mesure fiscale nouvelle et vise simplement à ajuster les crédits.
S’il est rejeté, comment le gouvernement pourra-t-il faire face aux engagements pris à l’égard des producteurs d’énergies renouvelables à hauteur de 1,1 milliard d’euros pour compenser la chute des prix du marché ? Comment le gouvernement maintiendra-t-il le nombre actuel de places en hébergement d’urgence sans le crédit de 130 millions inscrit dans le PLFG ? Comment paiera-t-il des allocations à nos concitoyens handicapés ? Pour toutes ces raisons, le groupe LIOT, je le répète, votera contre cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Mette.
Mme Sophie Mette (Dem)
Malgré l’accord obtenu en CMP, le groupe LFI-NFP a de nouveau déposé une motion de rejet pour empêcher le débat.
Mme Mathilde Panot
Non pas une mais deux motions de rejet !
Mme Sophie Mette
Le PLFG n’est pourtant qu’un texte technique qui vise à garantir une exécution budgétaire sincère et maîtrisée.
Mme Mathilde Panot
Non !
Mme Sophie Mette
Son adoption enverrait le signal que nous maîtrisons nos comptes, ce qui est susceptible de faire baisser les taux d’intérêt qui pèsent lourdement sur les ménages, les entreprises et même sur nos services publics.
M. Hadrien Clouet
Mensonges !
Mme Sophie Mette
Le PLFG le démontre : bien que dégradée, la situation de nos comptes est meilleure que l’an passé. L’exécution 2025 est conforme aux prévisions du gouvernement de François Bayrou et le déficit public a baissé. Ainsi, le redressement des comptes publics est engagé. Ce résultat s’explique par l’application tout au long de l’année d’une méthode destinée à surveiller recettes et dépenses en continu, de manière à agir rapidement en cas de besoin. Poursuivons en ce sens ! Le redressement budgétaire s’explique aussi par une croissance légèrement meilleure qu’attendu, signe de résilience de notre économie.
Nous nous réjouissons des avancées obtenues lors de la navette parlementaire, notamment de l’augmentation, à notre initiative, à hauteur de 70 millions d’euros, des crédits consacrés à la forêt afin de donner à l’Office national des forêts (ONF) et à la filière bois les moyens dont ils ont besoin.
À ceux qui seraient tentés de voter la motion de rejet avant tout débat, je dis qu’ils empêcheraient la discussion et le vote sur l’application de mesures indispensables, telles que le rétablissement des moyens nécessaires à la création de places en institut de formation en soins infirmiers, l’augmentation des crédits pour les missions Défense et Sécurités ou le versement de la prime d’activité, essentielle pour le pouvoir d’achat des travailleurs. Pour ces raisons, le groupe Les Démocrates votera contre cette motion de rejet. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Félicie Gérard.
Mme Félicie Gérard (HOR)
Sur tous les textes, nous sommes désormais appelés à nous prononcer sur une motion de rejet préalable de l’extrême gauche.
Cette fois, elle porte sur le PLFG pour 2025 et vise à empêcher son examen avant même que le débat n’ait commencé. Le PLFG n’est pourtant ni accessoire ni secondaire. Il est essentiel car il ajuste les crédits en fonction de la réalité de l’exécution budgétaire et il garantit le financement des dépenses indispensables à la continuité des politiques publiques. Refuser de l’examiner, c’est prendre le risque de laisser des dispositifs sans bases budgétaires solides, c’est fragiliser la gestion de l’État en fin d’année, et, in fine, aggraver le déficit de la France.
De plus, cette motion de rejet préalable a été déposée sur un texte ayant fait l’objet d’un compromis entre députés et sénateurs. Vous qui ne cessez de réclamer qu’il soit mieux considéré, vous voudriez rejeter sans débat un texte du Parlement ! Cette mascarade ridicule nous fait perdre un temps précieux. Soyez sérieux, les Français nous regardent. Le groupe Horizons & indépendants votera contre la motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Fayssat.
M. Olivier Fayssat (UDR)
Un seul mot suffirait à résumer ce PLFG : résignation. La CMP n’a pas transformé la nature du texte ; elle s’est bornée à l’aménager à la marge. Pour utiles qu’ils soient à certains secteurs – je pense aux viticulteurs, aux CCI ainsi qu’aux collectivités – ces aménagements ne doivent pas masquer l’essentiel : ce texte consacre l’échec budgétaire du macronisme, échec que nous avions déjà dénoncé lors de la première lecture. Absolument rien n’a changé depuis.
Approuver le PLFG reviendrait à donner quitus à une politique alimentant les déficits et remettant à plus tard toute décision courageuse. Le groupe UDR votera donc la motion de rejet d’un texte que nous n’aurions de toute façon pas voté. Nous espérons ainsi gagner du temps, temps que nous pourrons consacrer au PLFSS – projet de loi de financement de la sécurité social – dont nous pourrions commencer immédiatement l’examen. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
Je mets aux voix la motion de rejet préalable.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 381
Nombre de suffrages exprimés 361
Majorité absolue 181
Pour l’adoption 150
Contre 211
(La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)
Discussion générale
Mme la présidente
Dans la discussion générale, la parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Ce projet de loi de fin de gestion est un bilan financier d’Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron, c’était évidemment le Mozart de la finance – mais pas seulement ! Ouvrons le bal des citations et faisons le tour des qualificatifs dithyrambiques que le Tout-Paris lui a accolés dans la presse alors qu’il prenait d’assaut l’Élysée.
« Beau, jeune, riche, ce haut fonctionnaire surdiplômé, Mozart de la finance, Emmanuel Macron n’est pas n’importe qui. Un esprit brillantissime. » (Mme Josy Poueyto s’exclame.)
M. Louis Boyard
C’est Bardella, à l’expérience professionnelle près !
M. Matthias Renault
« C’est aussi un Mozart du clavier. Très bon pianiste, il a obtenu le troisième prix du conservatoire d’Amiens. »
M. François Cormier-Bouligeon
C’est sûr que certains préfèrent Wagner à Mozart !
M. Matthias Renault
« C’est probablement l’appréciation de son prof en histoire et droit des États qui anticipe le mieux le potentiel du jeune Macron : beaucoup d’intelligence et d’élégance morale, une vraie générosité, des qualités intellectuelles hors du commun. »
« Ce qui frappe, quand on le rencontre, c’est qu’il est hors-norme. » (Sourires sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Je pourrais continuer ainsi longtemps le déluge de flatteries qu’a reçu notre Mozart. (Mêmes mouvements.) Si je parle de flatteries, c’est parce que, comme avait prévenu La Fontaine, « tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute ». Il faut bien dire qu’en 2017, flatter Emmanuel Macron constituait un bon investissement. D’autant que le Tout-Paris est une terre fertile : on y plante des flatteries, on y récolte des carrières. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Aujourd’hui, hélas, flatter Emmanuel Macron n’est plus un exercice rentable, au contraire. Les premiers soutiens s’empressent, tels les protagonistes du Crime de l’Orient-Express, de lui asséner, chacun à leur tour, leur petit coup de couteau. Gabriel Attal, ici présent, désireux de reprendre le flambeau de la rente électorale macroniste, a dénoncé « le chaos » créé par Emmanuel Macron. Édouard Philippe, maire du Havre devenu premier ministre,…
M. Emmanuel Mandon
Ça n’a rien à voir !
M. Matthias Renault
…a expliqué que le président avait abîmé les institutions. Bruno Le Maire, ministre avant de devenir professeur d’économie (Sourires sur les bancs du groupe RN), a quant à lui fustigé ce qu’il a appelé le « saccage » de la dissolution.
Que s’est-il donc passé ? Certes, comme l’écrivait Céline,…
M. Emmanuel Mandon
Que de références !
M. Matthias Renault
…« les gens se vengent des services qu’on leur rend » – cruauté de la politique ! Pour espérer poursuivre sa carrière, il faut désormais se débarrasser de l’héritage d’Emmanuel Macron – l’écorner, le pointer, le dénoncer.
Quel est cet héritage ? Peut-être le saurons-nous en 2027 : « Emmanuel Macron, l’homme qui a passé le relais au Rassemblement national sur le perron de l’Élysée ». Il paraît qu’il en cauchemarde, hanté par la perspective que ce soit là tout ce que les livres d’histoire retiennent de lui. (Rires sur les bancs du groupe RN.)
Pourtant, on lira sans doute dans ces mêmes livres une autre ligne : « Emmanuel Macron, l’homme aux 1 100 milliards d’euros de dettes » – peut-être 1 300, 1 400 ou 1 500, nous le verrons bien en 2027. Ou encore : « Emmanuel Macron, l’homme qui a ruiné la France ». Ou peut-être : « Emmanuel Macron, gloire et chute d’un banquier rattrapé par l’escroquerie ». (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Jean-Paul Lecoq
C’est l’hôpital qui se moque de la charité !
M. Matthias Renault
Les plus ennuyeux, dans cette histoire, c’est peut-être que certains de nos concitoyens y ont cru : cette France des winners, comme il les appelait, qui pensait récupérer quelques dividendes de sa gloire personnelle en votant pour lui ; cette France entrepreneuriale et libérale qui voyait en lui un bon investissement ; cette France prudente qui le considérait comme une assurance tous risques. Qu’a-t-on promis à cette France-là en cas d’arrivée au pouvoir du Rassemblement national ? La ruine, la crise et l’instabilité. La ruine, la crise et l’instabilité, c’est pourtant le bilan d’Emmanuel Macron. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Et la faute n’en revient pas au covid ou à l’Ukraine : car si nos voisins européens ont aussi subi les conséquences du covid et de l’Ukraine, le mauvais élève de l’Europe est bien la France d’Emmanuel Macron. Ce n’est pas l’Italie de Georgia Meloni, ni la Pologne, dirigée des années durant par nos amis nationalistes, ni la République tchèque, ni la Slovaquie, ni la Finlande, ni bien entendu la Suisse, dirigée par nos amis de l’Union démocratique du centre (UDC). (M. Emmanuel Maurel s’exclame.)
Partout en Europe, là où les gouvernements comptent des partis patriotes et nationaux, les choses sont mieux gérées que dans la France macroniste. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Avis aux entrepreneurs, aux milieux économiques et aux milieux d’affaires : ouvrez les yeux sur la nullité macroniste ! Regardez froidement ce qui se passe ailleurs et n’ayez pas peur, car nous arrivons. En attendant, nous rejetterons cet énième bilan financier de la Macronie. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
La commission mixte paritaire qui s’est réunie jeudi dernier a abouti à un compromis sur le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025. Dans le climat actuel d’éclatement du paysage parlementaire, il faut saluer cet accord. Je remercie plus particulièrement le rapporteur général Philippe Juvin, qui a contribué à cette issue positive. Le groupe Ensemble pour la République votera en faveur de ce texte.
Il remplit son objectif premier – boucler la fin de gestion de l’année en cours –, rien de plus ni rien de moins. Il n’est pas question de refaire le budget ; ce n’est pas la raison d’être du PLFG.
Dans le détail, nous avons retenu la rédaction du Sénat pour l’article liminaire et pour les articles 2, 6, 7 et 8. Nous avons voté la suppression de la baisse des taxes affectées aux chambres de commerce et d’industrie ainsi que la hausse de 1 million d’euros des ressources affectées aux régions, afin de prévenir toute censure par le Conseil constitutionnel pour cavalier législatif.
Nous avons également voté plusieurs mouvements de crédits d’ajustement de fin d’année : 5 millions d’euros pour l’hébergement d’urgence ; 8 millions pour les personnels des centres municipaux de santé ; 15 millions pour le service civique et 10 millions pour les viticulteurs – nous tenions à cette mesure de soutien à une profession confrontée à d’importants aléas de production.
Plusieurs propositions émanant de différents bancs de cette assemblée – de la majorité comme de l’opposition – ont également été reprises : majoration de 5,3 millions d’euros pour le financement des centres d’information sur les droits des femmes et des familles, ainsi que des associations accueillant les femmes victimes de violence ; 70 millions en autorisations d’engagement et 10 millions en crédits de paiement en faveur de la planification écologique de la forêt ; retour, à hauteur de 10 millions, sur l’annulation de crédits du programme Solidarité à l’égard des pays en développement – retour que plusieurs groupes de gauche avaient demandé avec force.
L’adoption de ce PLFG enverrait un signal positif dans la période budgétaire actuelle. Face à l’éclatement de l’Assemblée nationale et à l’absence de majorité, nous ne pouvons avancer que par compromis entre les groupes du socle gouvernemental et les groupes d’opposition. Je suis convaincu que les voies et moyens d’avoir un budget pour Noël existent.
M. Pierre-Yves Cadalen
Sacré cadeau !
M. Hadrien Clouet
Ça sent le sapin !
M. Charles Sitzenstuhl
Les Français nous demandent de donner un budget au pays. Ils nous demandent de ne pas déclencher une énième crise politique. Un rejet de ce budget serait, a contrario, un formidable cadeau aux extrémistes et aux populistes en tout genre. Il acterait l’irresponsabilité du Parlement et ne ferait que renforcer un antiparlementarisme déjà bien assez fort dans notre pays.
Ce PLFG témoigne également de l’amélioration de nos comptes publics en 2025. Le déficit, établi à moins de 5,4 % du PIB conformément aux prévisions du début d’année, est en baisse.
Ce déficit reste néanmoins excessif. De plus, et contrairement aux promesses de l’automne 2024, sa réduction n’a pas été le fait d’une baisse des dépenses, mais exclusivement de hausses d’impôt. Je dois reconnaître qu’il y a là un motif de déception. Les éclairages du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), dont ont bénéficié le travail des députés ainsi que celui des personnes qui suivent nos travaux budgétaires, devraient à l’avenir conduire les gouvernements à faire preuve d’un peu plus de prudence. Ils pourraient notamment éviter d’ouvrir les débats budgétaires par des déclarations tonitruantes sur la répartition, dans l’effort de réduction du déficit, entre baisse des dépenses et hausse de la fiscalité – même si vous n’êtes pas concernée, madame la ministre, s’agissant de l’exercice dont nous débattons.
La réflexion en tendanciel a également d’étroites limites ; j’estime pour ma part qu’il vaut mieux raisonner en chiffres bruts. Je salue à ce titre que ce gouvernement entende procéder de cette manière, sans extrapolation risquant de conduire à des déceptions.
Notre incapacité à réduire les dépenses publiques reste néanmoins un sujet d’inquiétude. Beaucoup de Français ne comprennent pas qu’un État dont les dépenses s’élèvent à presque 57 % du PIB ne parvienne pas à les réduire – ne serait-ce qu’un peu. On ne pourra pas continuer à éluder cette question qui sera, selon moi, un des thèmes majeurs de l’élection présidentielle de 2027 – mais nous n’y sommes pas encore.
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre-Yves Cadalen.
M. Pierre-Yves Cadalen
Quel désastre ! Ceci n’est pas un projet de loi de finances de fin de gestion. Ceci est le résultat, le bilan et la promesse d’une mauvaise gestion. Si seulement c’en était la fin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Nous pousserions alors des soupirs de joie et d’allégresse, mais vous persistez avec obstination dans l’échec de votre politique économique.
M. Hadrien Clouet
C’est vrai !
M. Pierre-Yves Cadalen
Madame la ministre, vous lanciez en 2020, dans un discours enthousiaste sur le futur de l’action publique : « L’État de demain, c’est celui qui donne plus de pouvoir aux acteurs, celui qui sait dire oui. » Il y a, depuis, un éléphant dans votre salon : ceux que vous appelez les acteurs – les citoyens et les citoyennes en français courant – ont, à chacune des trois dernières élections, dit non à votre politique économique.
Vous avez été défaits dans les urnes ; vous ne l’avez pas reconnu. Vous avez préféré dire : votez toujours, vous ne nous intéressez pas. À ne servir que les plus riches de ce pays, vous en avez ruiné l’économie. Vous avez prétendu qu’il fallait chercher l’origine du déficit dans les dépenses et non dans les recettes. Permettez-moi de vous lire, mis bout à bout, trois intertitres de la note publiée en juillet par l’OFCE : « Anatomie d’une dérive du déficit public qui s’explique par la baisse des prélèvements obligatoires et non par une dérive des dépenses publiques. »
L’Insee établit que les recettes publiques sont passées de 54,3 % du PIB, en 2017, à 51,4 %, en 2024 – soit 90 milliards d’euros de moins. Vous avez donc menti. Vous avez nié cette conséquence directe de la multiplication des cadeaux fiscaux aux plus fortunés et de l’échec de votre politique. Vous avez voulu contenter l’ensemble du capitalisme français en baissant les prélèvements tout en multipliant allègrement les aides publiques aux entreprises, sans condition. Le banquet a régalé tous les milliardaires, qui ont doublé leurs patrimoines en sept ans. Il a appauvri l’État et abandonné les citoyens, laissant plus d’1 million de personnes tomber dans la pauvreté : c’est insupportable.
M. Hadrien Clouet
C’est scandaleux !
M. Pierre-Yves Cadalen
Vous prétendiez que la politique de l’offre allait stimuler l’investissement dans les capacités productives. Aucun gain de productivité ces dernières années n’a pourtant été observé, au contraire. Bilan : la productivité a baissé de 5 % et vous n’avez fait que subventionner, par la dette, l’explosion des grandes fortunes. Vous nous demandez désormais à tous de la payer en rognant sur ce qui fait le quotidien et notre avenir : le sport, les associations, l’hôpital, l’école et la recherche.
C’est ici que Bernard Arnault, Vincent Bolloré et les autres vont se heurter à un mur. Baisser les ressources de l’État sans investir dans la production et compter sur des aides publiques toujours plus massives est un comportement d’enfant gâté. S’ils viennent un jour à manquer de salariés qualifiés et bien formés, en bonne santé et motivés, ils ne pourront s’en prendre qu’à eux-mêmes et à leur courte vue. Le capitalisme français scie la branche sur laquelle il est assis. Cette branche s’appelle l’État et, en République, son peuple.
Une dépense augmente au service des plus riches : les intérêts de la dette. Vous empruntez aux riches l’argent que vous refusez de taxer. Avec vous, à l’entrée comme au dessert, chez les nantis, tout le monde est servi. Par cette loi, vous nous privez de 10 milliards d’euros. Vous auriez tout à fait pu les engager ailleurs. Par exemple, vous auriez pu nationaliser ArcelorMittal, conformément à la proposition de loi insoumise votée la semaine passée par cette Assemblée, et sauver ainsi la métallurgie française. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Au lieu de servir ici ou là quelques intérêts particuliers dans des tractations de couloir, comme nous en avons eu écho, vous auriez pu servir l’intérêt général. Mais vous n’avez rien fait. Vous intensifiez la catastrophe industrielle qu’est la politique de l’offre menée par Emmanuel Macron, et d’autres avant lui.
Voter pour ce projet de loi, ou s’abstenir, c’est valider une saignée totale de 36,5 milliards en 2025 : une folie ! Personne n’a été élu à gauche de cette Assemblée pour servir de béquille au macronisme finissant. C’est notre devoir de nous opposer à une logique de grande coalition, qui reconduit la violence sociale infligée par Emmanuel Macron au pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Que certains y pensent au lieu de pousser le ridicule jusqu’à demander l’usage de l’article 49.3.
La rupture avec cette politique dépassée par les événements est impérative. Taxer les riches, reconstruire la puissance publique, arrêter de tout jeter par la fenêtre : voilà l’alternative. L’avenir de l’industrie, la possibilité de la bifurcation écologique et la République sociale sont en jeu. Pour cela, je dis à ceux qui nous écoutent en dehors de cet hémicycle : ne comptez pas un seul instant sur l’extrême droite, qui fait déjà les yeux doux au Medef, comme nous l’avons entendu tout à l’heure.
Pour la rupture et l’ouverture d’un horizon positif, seule l’opposition résolue à votre politique est raisonnable. Nous ne voterons pas votre loi de fin de gestion. Nous nous y opposerons. Nous voulons voter la fin de votre gestion et le plus tôt sera le mieux. Vivement la censure ! Les mauvais jours finiront. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Brun.
M. Philippe Brun
Il y a quelques semaines, j’ai expliqué à cette tribune, au nom des socialistes, pourquoi nous ne pourrions pas soutenir ce projet de loi de finances de fin de gestion. Il traduit une politique budgétaire et une politique économique que nous réprouvons. Elles portent une responsabilité dans le trou de 10 milliards d’euros dans les recettes de TVA. Une austérité absurde et l’absence de relance par la consommation ont porté atteinte au pouvoir d’achat des ménages, ont fait bondir le taux d’épargne et ont amené les difficultés que nous connaissons.
Nous ne pouvons donc pas soutenir ce projet de loi,…
M. Aurélien Le Coq
Votez contre !
M. Philippe Brun
…et avaliser 4,2 milliards d’annulations de crédits supplémentaires, dont 1,3 d’investissements pour l’avenir. Pourtant, notre croissance est molle, nous avons plus que jamais besoin d’exister dans la compétition internationale. Pourtant les crédits d’investissement de l’État se limitent à 23 milliards d’euros, quand les crédits de fonctionnement dépassent les 450 milliards. Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons pas soutenir ce projet de loi.
Il est le symptôme de votre politique et, en le votant, vous nous demandez d’accepter une forfaiture démocratique,…
M. Aurélien Le Coq
« C ’est pourquoi nous voterons contre ! »
M. Philippe Brun
…en tout cas une blessure – je vous le dis dans les yeux, madame la ministre.
En février dernier, notre non-censure a permis l’adoption d’un budget pour la France. Nous avons âprement négocié des crédits. Vous vous souvenez de ces échanges avec les socialistes et tous ceux soucieux de défendre les services publics et certains crédits, que ce soit dans votre bureau ou, tard, en commission mixte paritaire. Or, quelques semaines plus tard, le 25 avril 2025, vous avez contresigné le décret du premier ministre annulant 3,051 milliards de ces crédits, sans en informer le Parlement ni consulter la commission des finances. Comment pouvez-vous maintenant nous demander notre blanc-seing sur ce qui reste pour nous une blessure ? Comment nous demander de la confiance après avoir négocié des crédits supplémentaires dans la seconde partie du PLF pour les annuler quelques semaines plus tard par décret, sans aucune consultation ?
Les socialistes ne pourront donc pas voter pour ce projet de loi de finances de fin de gestion.
Il comprend cependant des ouvertures, auxquelles aucun homme sensé ne peut s’opposer. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Pierre-Yves Cadalen
Un peu de respect !
M. Philippe Brun
Qui ici pourrait s’opposer…
Mme Claire Lejeune
L’opposition !
M. Philippe Brun
…à ce que l’allocation aux adultes handicapés (AAH) soit dotée des moyens nécessaires pour terminer l’année, 100 millions d’euros ? Qui pourrait s’opposer à ce que l’on ajoute au budget 112 millions pour la prime d’activité, dont tant de femmes et d’hommes, salariés pauvres, ont besoin pour la fin de l’année ? Qui pourrait s’opposer à un fonds d’aide spéciale de 10 millions pour les viticulteurs, en grande difficulté ? Qui pourrait s’opposer à ce que l’hébergement d’urgence soit doté de 5 millions supplémentaires,…
M. Aurélien Le Coq
Seulement 5 millions sur 3 milliards !
M. Philippe Brun
…au moment où nous-mêmes, députés, sommes saisis dans nos permanences de tant de cas de sans-domicile fixe qui se retrouvent à la rue, en hiver, sans aucune solution proposée par le 115 ? Comment s’opposer à l’amendement signé par notre collègue et président Éric Coquerel, qui prévoit de donner 8 millions supplémentaires aux communes pour que les personnels des centres municipaux de santé bénéficient de la prime Ségur ? Comment s’opposer à l’augmentation de 300 millions de nos moyens de défense, pour verser des primes à nos soldats, qui défendent chaque jour la France à l’étranger, au péril de leur vie ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.) Comment s’opposer aux 5,3 millions obtenus pour les CIDFF – centres d’information sur les droits des femmes et des familles – et aux 10 millions pour Gaza ?
Pour toutes ces raisons, madame la ministre, nous ne voterons pas ce projet de loi de finances de fin de gestion, mais nous ne nous y opposerons pas non plus,…
M. Aurélien Le Coq
Socialistes, courage !
M. Philippe Brun
…car nous souhaitons que ces ouvertures de crédits soient faites, que les quelques moyens qui subsistent soient donnés aux ministères qui en ont grand besoin. Nous vous donnons rendez-vous…
M. Aurélien Le Coq
À la censure !
M. Philippe Brun
…lors de la discussion du projet de loi de finances, afin que ce qui s’est passé l’an dernier ne se reproduise plus jamais. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Ray.
M. Nicolas Ray
Nous nous prononçons aujourd’hui sur les conclusions de la commission mixte paritaire, qui a permis d’aboutir à un texte de compromis entre l’Assemblée nationale et le Sénat sur le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025. Je salue le travail réalisé par les membres de cette commission, à commencer par notre rapporteur général, Philippe Juvin, qui a conduit ces travaux pour l’Assemblée nationale et le groupe Droite républicaine.
Le projet de loi sur lequel nous devons nous prononcer est avant tout un texte technique, qui se limite à des ajustements de crédits de fin de gestion, pour pourvoir aux besoins de l’État. Cependant, comme je l’avais souligné lors de la discussion générale il y a quinze jours, la portée limitée de ce projet de loi ne nous dispense pas de porter un regard lucide sur la gestion de l’exercice 2025.
Certes, madame la ministre, le déficit est moindre qu’en 2024, mais très légèrement. Il reste à un niveau trop élevé pour s’en réjouir : 5,4 % du PIB. Surtout, comme l’a dit le Haut Conseil des finances publiques, cette réduction du déficit repose exclusivement sur une hausse des prélèvements obligatoires. Le taux de prélèvement a augmenté de 0,8 point et reste de 4 points supérieur à la moyenne européenne. Notre conviction est que notre pays prélève et dépense plus qu’aucun autre en Europe.
M. Antoine Vermorel-Marques
Oui, tristement !
M. Nicolas Ray
Cela ne peut pas être une voie durable de redressement budgétaire et un modèle de bonne gestion.
M. Antoine Vermorel-Marques
Il a raison.
M. Nicolas Ray
Car si les prélèvements obligatoires augmentent, c’est également le cas des dépenses : en 2025, nous dépenserons 45 milliards de plus qu’en 2024.
Comme je l’ai également dit il y a quinze jours, nous restons également préoccupés par la qualité des prévisions en matière de recettes : il manquera au moins 5 milliards d’euros de TVA dans les caisses par rapport aux prévisions de la loi de finances. Une commission d’enquête s’est d’ailleurs penchée, il y a quelques mois, sur le sujet des prévisions fiscales et budgétaires. Nous attendons des améliorations. Nous sommes également surpris par l’insuffisance de certaines prévisions de dépenses, comme la sous-estimation de 600 millions d’euros du FCTVA – fonds de compensation pour la TVA. Vous auriez dû les anticiper, en particulier en cette année de fin de mandats municipaux, caractérisée par des investissements plus élevés.
Pour autant, le texte qui nous est soumis n’est pas le véhicule pour réécrire et infléchir la trajectoire budgétaire pour 2025 : il est beaucoup trop tard pour cela. Ce sera l’objet du projet de loi de finances pour 2026 : lors de son examen le groupe Socialistes et apparentés défendra ses convictions et ses propositions. Vous les connaissez : il s’agira de baisses de dépenses et d’économies, pour éviter des hausses d’impôts pesant sur nos concitoyens et nos entreprises.
Ce projet de loi de fin de gestion vise avant tout à atteindre, par des annulations de crédits, la cible du déficit. Il permet également de pourvoir à des besoins urgents, notamment pour nos forces de l’ordre, notre armée et nos outre-mer. Son examen lors de la commission mixte paritaire a également permis de dégager des marges de manœuvre supplémentaires essentielles car on sait que, dans les zones rurales, nos viticulteurs sont confrontés à des aléas ; que la mission d’aménagement du territoire de La Poste doit être renforcée avec les CCPDT, les commissions départementales de présence postale ; que des caméras de vidéoprotection doivent être déployées dans nos communes, et que le financement des chambres de commerce doit être maintenu – sa remise en cause prévue par le texte initial contrevenait à la parole de l’État.
Ce vote n’équivaut pas à l’approbation d’une gestion passée – ce sera l’objet de la loi de règlement dans quelques mois. Il ne s’agit pas non plus du choix d’une orientation budgétaire pour l’année à venir – nous en débattrons dans quelques jours à l’occasion du retour du projet de loi de finances dans notre hémicycle. L’adoption de ce texte garantit simplement que notre pays puisse terminer correctement l’année en cours et que le déficit soit contenu à 5,4 %. Comme l’absence de loi de fin de gestion risquerait d’aggraver la situation de nos finances publiques, en responsabilité, nous voterons pour le texte issu des travaux de la CMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Eva Sas.
Mme Eva Sas
Nous devons émettre un avis sur le projet de loi de fin de gestion issu de la CMP. Ce PLFG met un point en évidence : ce gouvernement est incapable de prévoir ses propres recettes ! Madame la ministre, vous ne nous avez apporté que des explications hasardeuses sur les 5 milliards d’euros qui manquent à la part État de la TVA, sur les 101 milliards prévus par la loi de finances initiale, un écart plus que sensible.
La TVA n’en reste pas moins, avec l’impôt sur le revenu, l’une des principales sources de financement de nos dépenses publiques : 208 milliards de TVA contre seulement 113 pour l’ensemble des prélèvements sur le patrimoine. Votre doctrine est aussi simple qu’injuste : faire reposer l’essentiel des recettes fiscales sur les ménages modestes grâce à la TVA, et épargner les plus riches, quoi qu’il en coûte.
Enfermés dans le dogme de l’offre et d’un ruissellement qui ne ruisselle jamais, vous répétez en boucle que les Français paient trop d’impôts, oubliant au passage qu’il y a eu 62 milliards d’euros de baisse d’impôts depuis 2017. Vous usez surtout habilement de l’amalgame : je ne sais pas si les Français paient trop d’impôts, mais une chose est sûre, les ultrariches, eux, n’en paient pas assez ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
Nous ne sommes plus les seuls à le dire. Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) vient de publier un rapport qui confirme exactement ce que nous dénonçons depuis des années : votre fiscalité sur le patrimoine est déséquilibrée, incapable de réduire les inégalités, à la fois inefficace économiquement et injuste socialement.
Le CPO plaide pour « renforcer l’acceptabilité et l’équité de l’impôt, par une contribution accrue des plus hauts patrimoines destinée à corriger le caractère régressif de l’imposition de leurs revenus économiques ».
Ces recommandations rejoignent d’ailleurs nos propositions : remettre en cause le pacte Dutreil, élargir l’assiette de l’impôt sur la fortune, réduire les niches successorales et, surtout, instaurer un impôt différentiel sur le patrimoine. C’est un tel impôt que nous soutenons en proposant la taxe Zucman.
Le Conseil des prélèvements obligatoires dresse un constat implacable. En France, le patrimoine est massivement concentré : les 1 % les plus riches détiennent 27 % du patrimoine, et la fiscalité devient régressive au sommet de cette pyramide. En effet, si la pression fiscale augmente jusqu’au 99,9e centile, elle s’effondre ensuite – les soixante-dix ménages les plus riches ne supportent plus qu’un taux d’imposition de 20,2 %. Plus on est riche, moins on paie en proportion, voilà votre modèle.
La raison en est simple : les ultrariches optimisent massivement car ils sont mieux informés et mieux conseillés, et vous les laissez faire.
En outre, le CPO confirme un point central que vous refusez d’admettre : l’importance d’inclure les biens professionnels dans la base d’imposition. Il fait ainsi trois constats. Premièrement, la quasi-totalité des biens professionnels est concentrée entre les mains des ultrariches – ils détiennent 99 % de ce patrimoine. Deuxièmement, une taxation des ultrariches qui exclurait les biens professionnels resterait dérisoire. Troisièmement, contrairement au récit que vous entretenez, le Conseil constitutionnel n’interdit absolument pas l’inclusion de ces biens dans une taxe sur le patrimoine.
Et le CPO de conclure : « Ces biens constituent pourtant une clé de la participation des très hauts patrimoines à l’équité verticale du système fiscal. » C’est pourquoi il propose à la fois un impôt différentiel sans plafonnement et une meilleure taxation des biens professionnels au moment de la transmission, confirmant précisément ce que nous affirmons depuis le début.
Vous persistez cependant à ne rien faire, même si vous êtes de plus en plus isolés dans votre défense des ultrariches.
Pour revenir au projet de loi de finances de fin de gestion, ce texte ajuste les crédits de fin d’année afin de vous permettre de remplir vos engagements – notamment en matière de tarifs de rachat des contrats d’énergie renouvelable et s’agissant du maintien des 203 000 places d’hébergement d’urgence, qui sont, comme chaque année, sous-budgétées, tout comme la prime d’activité et l’allocation aux adultes handicapés.
Nous observons que la CMP a permis de supprimer l’annulation de 10 millions d’euros d’aide publique au développement, ce que nous réclamions pour permettre l’envoi rapide d’une aide humanitaire, urgente et indispensable, à Gaza.
Nous nous félicitons de l’adoption de cet amendement de notre collègue Karim Ben Cheikh, ainsi que des 5 millions supplémentaires pour la lutte contre les violences sexistes et sexuelles – preuve qu’il est parfois utile d’écouter les propositions que nous vous faisons.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Tout à fait.
Mme Eva Sas
Considérant que ces ouvertures de crédits sont nécessaires, notamment pour les associations qui les attendent en fin d’année, mais que ce projet de loi de fin de gestion reste le produit d’une politique budgétaire injuste et inefficace, le groupe Écologiste et social s’abstiendra.
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Mandon.
M. Emmanuel Mandon
Le groupe Les Démocrates se réjouit de l’heureux dénouement des travaux de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025, et s’en félicite pour la qualité du travail parlementaire.
La réussite de la CMP constitue la preuve, par l’action, qu’il est possible d’aboutir à des compromis satisfaisants, pourvu que chacun y mette du sien.
Nous constatons que le solde qui se dégage de ces compromis correspond au double impératif d’assurer la bonne fin de gestion et de respecter la trajectoire budgétaire.
L’exécution 2025 a été conforme à ce que le gouvernement de François Bayrou avait présenté en début d’année – c’est la démonstration que ce premier compromis trouvé par le Parlement a été utile.
Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des points d’accord dégagés au cours des travaux de la CMP, rappelés par notre rapporteur général. Le Sénat, fidèle à sa vocation constitutionnelle, a su nous convaincre de reprendre les dispositions favorables aux collectivités territoriales qu’il avait adoptées en première lecture.
Je relève en particulier l’augmentation des crédits alloués à la vidéosurveillance et, au titre de l’aménagement du territoire, l’encouragement de la mission spécifique de La Poste ou l’accroissement des crédits accordés au fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT) et aux pôles de compétitivité.
M. Marc Fesneau
Très bien !
M. Emmanuel Mandon
Mentionnons également la hausse des crédits destinés à préserver le pouvoir d’achat et la solidarité, notamment par l’ajustement de la prime d’activité et de l’allocation aux adultes handicapés – hausse bienvenue et nécessaire, tout comme le soutien indispensable à l’effort de défense nationale.
Sur quatre points correspondant aux priorités de notre groupe, la CMP a abouti à des résultats positifs. Nous avons par exemple soutenu l’amendement de nos collègues socialistes en faveur de l’aide publique au développement.
M. Alain David
Très bien !
M. Emmanuel Mandon
Le maintien des ressources des chambres de commerce et d’industrie, que nous avions fermement demandé en première lecture à l’Assemblée, a été assuré.
Avec plusieurs collègues, j’avais fait adopter un amendement en faveur des associations accompagnant les femmes victimes de violence ; un amendement de même inspiration a été adopté en commission mixte paritaire.
Enfin, vous me permettrez d’évoquer un sujet qui m’est cher, ainsi qu’au président de notre groupe, Marc Fesneau : notre forêt.
Cette forêt française, en première ligne du combat pour l’adaptation climatique en métropole et en outre-mer, bénéficie désormais des dispositions de notre amendement destiné à encourager son adaptation à ces difficultés grâce à un soutien résolu à l’Office national des forêts (ONF) et d’un accompagnement des propriétaires forestiers privés. Cet amendement a été retenu et nous nous en réjouissons car il permettra la continuité des engagements pris depuis 2022 pour soutenir les maillons stratégiques de la filière bois, assurer la planification écologique et mieux préserver la biodiversité forestière.
Le groupe Les Démocrates salue donc ces ajustements significatifs, qui sont la traduction respectueuse par le gouvernement des compromis auxquels nous sommes parvenus.
Pour autant, nous sommes conscients qu’il ne faudrait pas en exagérer la portée. L’enjeu politique essentiel reste l’aboutissement – avant la fin de ce mois – du processus budgétaire. C’est une étape indispensable pour notre crédibilité aux yeux des investisseurs, pour notre capacité à réduire les taux d’intérêt et pour assurer la maîtrise de notre destin collectif.
Nous souhaitons donc que la démarche transpartisane et l’esprit de compromis qui ont présidé aux travaux de la CMP retrouvent toute leur vigueur au moment de ces discussions essentielles. Il y va de l’avenir de la France et des Français, qui attendent un accord responsable.
Le groupe Les Démocrates votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Félicie Gérard.
Mme Félicie Gérard
Après des débats à l’Assemblée nationale et au Sénat, nous arrivons au terme de l’examen du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025, avec un accord trouvé en commission mixte paritaire.
Nous l’avons précédemment rappelé : ce texte n’a rien de cosmétique ou de secondaire. Il permet au contraire d’assurer le financement des dépenses obligatoires qui ont évolué en cours d’année et d’ajuster les crédits budgétaires à la réalité.
L’objectif de déficit pour 2025 avait été fixé dans la loi de finances initiale à 5,4 % du PIB. Le groupe Horizons & indépendants l’a souvent répété : maintenir cet objectif de baisse du déficit public est vital pour la crédibilité de notre pays. Maintenir cet objectif, alors que le poids de la dette publique nous fragilise sur les marchés, c’est précisément ce que permet ce texte.
En février dernier, notre groupe avait également plaidé pour un effort de réduction du déficit plus exigeant, plus proche de celui consenti par nos voisins européens.
Il reste que cette trajectoire à 5,4 % nous permet enfin d’engager un premier mouvement vers des principes de bon sens : un pilotage plus précis de la dépense publique et un retour à une dette et à un déficit soutenables.
De manière concrète, ce projet de loi de finances de fin de gestion sécurise le financement de dépenses non compressibles telles que l’allocation aux adultes handicapés. Il assure des financements pour la sécurité civile et la gestion des crises – incendies, tempêtes, inondations – et complète les crédits nécessaires au versement de la solde de nos militaires.
Lors de l’examen de ce texte au Sénat, des compléments utiles ont été apportés : je pense notamment à l’ajout de 10 millions d’euros pour la vidéoprotection, afin de garantir la sécurité de nos compatriotes. Je pense aussi à l’augmentation de 16,2 millions d’euros des crédits alloués à l’aménagement et au développement de nos territoires.
Enfin, je salue le maintien des dotations des chambres de commerce et d’industrie, qui accompagnent nos entreprises au quotidien – maintien que nous avions proposé dans cet hémicycle.
L’accord conclu en commission mixte paritaire est un bon accord. Il complète utilement le projet de loi de finances de fin de gestion tout en préservant notre cible de déficit. C’est un premier pas utile vers le rétablissement de nos comptes publics, et nous voterons en faveur de ce texte.
Mais soyons lucides : il ne suffira pas, à lui seul, à retrouver une dette soutenable. Nous devons poursuivre et amplifier les efforts de maîtrise de la dépense publique.
Notre responsabilité est immense : il faut faire du projet de loi de finances pour 2026, qui reviendra ici dans quelques jours, un texte de sérieux budgétaire et de responsabilité. C’est ce que les Français attendent de nous, et c’est ce que fera le groupe Horizons & indépendants. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Merci beaucoup.
Mme la présidente
Avant de donner la parole aux trois derniers orateurs inscrits, je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé qu’il serait procédé à un scrutin public sur le projet de loi tel qu’il résulte du texte de la commission mixte paritaire.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
Jeudi matin, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord sur le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025. Cet accord n’allait pas de soi car nos deux assemblées étaient parties de positions parfois très différentes, mais le dialogue a permis d’aboutir à un texte plus équilibré que celui qui nous était initialement soumis, même si de nombreuses fragilités demeurent, notamment dans la trajectoire des finances publiques.
En effet, le déficit public reste attendu à 5,4 % du PIB – niveau extrêmement élevé et préoccupant. La légère amélioration affichée du solde repose en grande partie sur des éléments conjoncturels : la détente des taux d’intérêt à court terme, qui réduit la charge de la dette de 1,1 milliard d’euros, ou encore des recettes exceptionnelles, comme celles de Natixis pour 366 millions d’euros, qui ne peuvent être considérées comme pérennes. Les fondamentaux restent donc fragiles et les risques de dérapage ne doivent pas être sous-estimés.
Pour financer les 132 milliards de déficit du seul budget de l’État et rembourser 168 milliards de dette, il faudra recourir à 300 milliards d’euros de prêts cette année. La République française est ainsi devenue le premier emprunteur en Europe.
Pour autant, la CMP n’avait pas vocation à réécrire une stratégie budgétaire complète, mais à sécuriser l’exécution de la fin de gestion 2025 et à corriger les déséquilibres les plus manifestes.
À cet égard, plusieurs apports substantiels ont été conservés ou renforcés, en particulier sur des programmes dotés de crédits notoirement insuffisants dans le projet de loi de finances initial pour 2025.
Je commencerai par l’hébergement d’urgence. Le Sénat avait proposé une première augmentation des crédits, et la CMP a jugé indispensable non seulement de la confirmer, mais aussi de l’amplifier.
Les crédits passent ainsi de 119,5 millions d’euros dans le texte sénatorial à 124,5 millions d’euros dans le texte final, soit 5 millions supplémentaires. C’est une progression modeste mais importante, qui permettra d’éviter des fermetures de places d’ici à la fin de l’année et de garantir un minimum de continuité dans la prise en charge des personnes les plus vulnérables.
L’effort consenti pour lutter contre les violences faites aux femmes est encore plus significatif. Le Sénat avait amorcé un renforcement de ces crédits, mais la CMP a décidé d’aller beaucoup plus loin, considérant que la gravité de la situation impose des moyens à la hauteur. Les crédits passent ainsi d’à peine plus de 1 million d’euros dans la version adoptée par le Sénat à plus de 4,272 millions d’euros dans le texte de la CMP, soit une hausse de plus de 3 millions. Ces moyens permettront de renforcer l’accompagnement, l’hébergement, les dispositifs d’alerte, la formation et l’appui aux associations chargées de la lutte contre les violences faites aux femmes.
J’en viens à la situation des chambres de commerce et d’industrie qui jouent un rôle essentiel dans l’accompagnement de nos entreprises, la structuration des territoires et l’appui aux transitions numériques ou écologiques. La CMP a tenu compte des risques pesant sur leur fonctionnement et a sécurisé leurs moyens pour l’année 2025, conformément aux engagements pris par écrit – mais non respectés – par le gouvernement, afin d’éviter des ruptures brutales de service. Cet ajustement de 30 millions d’euros est indispensable pour soutenir le tissu économique local.
Le groupe LIOT abordera avec lucidité le vote sur ce texte de compromis issu de la CMP. Depuis le début de l’examen budgétaire, nous n’avons cessé d’appeler à plus de sincérité, de responsabilité et de cohérence dans la gestion des finances publiques. Nous l’avons fait sans dogmatisme, en soutenant ce qui allait dans le bon sens et en alertant lorsque les objectifs nous semblaient insuffisants ou mal calibrés. La situation budgétaire du pays impose une vigilance permanente, mais elle impose aussi de ne pas ajouter de l’instabilité à l’instabilité, surtout en fin d’exercice.
Le texte de la CMP ne correspond pas totalement à ce que nous aurions voulu, mais il contient des améliorations réelles sur plusieurs priorités essentielles et sécurise l’exécution 2025. Dans ce contexte, et parce que nous entendons agir comme un groupe d’opposition responsable, nous resterons cohérents avec ce que nous avons toujours défendu : nous reconnaîtrons les progrès obtenus, tout en maintenant notre vigilance sur la situation globale des finances publiques. Nous aborderons le vote sur les conclusions de cette CMP en suivant cet équilibre, sans caricature ni excès, donc en ne votant pas contre. (M. Jean-Pierre Bataille applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Maurel.
M. Emmanuel Maurel
Aucun texte soumis à l’Assemblée nationale n’est strictement technique. La gestion, c’est toujours de la politique, qu’elle soit bonne ou bien mauvaise, comme c’est le cas ici. Nous ne pourrons pas approuver un texte qui entérine une politique n’ayant permis ni le retour à la croissance ni celui de l’équilibre de nos finances publiques.
Le gouvernement l’a admis avec beaucoup de candeur, il y a quelques semaines, par la voix de M. Serge Papin : les recettes ne rentrent pas parce que les Français ne consomment pas. En effet, c’est la troisième année consécutive que les recettes de la TVA sont surestimées.
C’est une singularité française : le taux de pauvreté augmente depuis dix ans, à rebours de ce qui est observé dans les autres pays européens. Mais surtout, la sous-consommation est structurelle, si bien les Français souffrent de privations ou bien font des achats ultra low cost, ce qui grève nos finances publiques de plusieurs milliards d’euros de recettes fiscales.
D’ailleurs, la surestimation des recettes de TVA est apparue il y a trois ans, au moment où l’inflation était forte – notamment dans les secteurs de l’alimentation et de l’énergie – et où les salaires ne suivaient pas. C’est le résultat d’une politique délibérée de ce gouvernement, qui continue de croire à la théorie du ruissellement et pense que la France a principalement un problème d’offre, et non, comme nous l’avons toujours dit, de faiblesse de la demande. Le taux de marge des entreprises, par exemple, est supérieur à la période pré-covid, mais les investissements ne concernent que le renouvellement, et pas l’augmentation des capacités. Je rappelle que les fermetures d’usines dépassent les ouvertures pour la deuxième année consécutive. Pour le dire plus clairement, notre économie tourne au ralenti. Or si nos entreprises sont en difficulté, avec un taux de défaillances record, c’est surtout par manque de débouchés.
Pourtant, par ce budget 2025, dont nous sommes en train d’examiner le résultat, vous avez commis l’erreur de ne pas adopter les mesures nécessaires pour soutenir le pouvoir d’achat et l’investissement public. Vous avez même fait le contraire, en annulant plus de 7 milliards d’euros de crédits qui auraient été bien utiles à notre économie. Je pense aux crédits de la mission Travail et emploi – sujet qui tient à cœur à beaucoup d’entre vous –, drastiquement baissés cette année comme ils l’avaient été l’année dernière. Derrière les lignes comptables, il y a une réalité : dans les missions locales de vos circonscriptions, moins de jeunes seront suivis (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR), moins de chômeurs seront accompagnés, moins d’apprentis seront pris en charge.
M. Jean-Paul Lecoq
Exactement !
M. Emmanuel Maurel
Je pourrais aussi parler de l’annulation de crédits pour la recherche et l’enseignement supérieur, ou pour le plan France 2030. Ces investissements d’avenir sont sacrifiés alors qu’ils sont cruciaux pour la croissance économique et l’équilibre des comptes sociaux.
Mais je voudrais revenir sur un sujet important, abordé par le président de la commission. S’il est de plus en plus difficile de boucler les comptes publics dans une loi de fin de gestion, alors que ce devrait être une formalité, c’est parce que des régulations budgétaires comme celles de 2024 et de 2025 ne relèvent pas simplement, comme le prétend le gouvernement, de la gestion courante des aléas. Ces milliards d’euros d’annulations de crédits deviennent une composante à part entière de la loi de finances.
Nous savons donc que, dès que le budget aura été voté, plusieurs milliards ne seront pas exécutés. Nous sommes en droit de nous interroger sur cette pratique qui flirte avec l’insincérité, et qui ne met pas beaucoup d’huile dans les rouages des relations entre l’exécutif et le législatif et, plus grave, entre l’administration et les administrés. Je vous demande de réfléchir à cela : les gels, les surgels ou les mises en réserve ne peuvent ni ne doivent continuer.
Ces derniers jours ont montré que le gouvernement ne sait pas où il va : vous comprendrez que, dans ces conditions, il ne nous soit pas possible de le suivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – M. Jérôme Guedj applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Fayssat.
M. Olivier Fayssat
Comme je l’ai dit à l’occasion de la motion de rejet préalable, ce PLFG n’est qu’une résignation. La CMP n’a pas transformé sa nature, elle s’est bornée à l’aménager à la marge. Même si certains aménagements sont utiles, notamment pour les viticulteurs, les CCI ou les collectivités, ils ne doivent pas masquer l’essentiel : ce texte consacre l’échec budgétaire du macronisme, que nous avions déjà dénoncé lors de la première lecture. Rien n’a changé depuis. (Bruit de conversations.)
Le gouvernement s’est félicité de maintenir le déficit à 5,4 % du PIB. Mais nous l’avons dit et répété : ce n’est pas une performance, c’est un accident statistique car cette stabilisation repose sur des recettes exceptionnelles, notamment la hausse de 5 milliards d’euros de l’impôt sur les sociétés, qui ne fait que compenser la baisse de 5 milliards d’euros des recettes de la TVA due à l’effondrement de la consommation. Ici réside la gravité de la situation économique de notre pays : les Français ne parviennent plus à consommer et l’économie tourne au ralenti.
Le texte de la CMP confirme que cette moins-value massive était non seulement prévisible, mais déjà constatée par l’exécution 2025. Le gouvernement persiste pourtant à bâtir les budgets suivants sur des prévisions que tout le monde sait intenables. La CMP elle-même reconnaît que la France reste sur une trajectoire très éloignée de celle qu’elle s’était fixée : déficit structurel de 5,1 % et dette publique à 116 % du PIB, un taux jamais atteint hors période de crise sanitaire. Sauf qu’en 2025 nous ne sommes pas en crise sanitaire, mais en crise de pilotage budgétaire.
Pendant que nos voisins reprennent le contrôle, l’Allemagne étant revenue à une dette équivalant à 64 % de son PIB et l’Espagne ayant baissé la sienne, la France s’enfonce dans l’isolement, au point de voir ses taux souverains dépasser ceux de l’Italie, situation impensable il y a encore quelques années. Le PLFG, même révisé par la CMP, confirme cette dérive. C’est un document qui constate, mais ne corrige pas.
La dépense publique atteint désormais 56,8 % du PIB, soit 1 697 milliards d’euros. Elle augmente de 1,7 % en volume, soit plus vite que notre croissance potentielle. La CMP a bien ajouté quelques crédits utiles, notamment 10 millions pour la vidéoprotection, 16 millions pour les territoires ou 10 millions pour nos viticulteurs. Mais convenons que cela n’a rien à voir avec l’ampleur de la dérive globale.
Ce texte se présente comme une simple photographie de l’exécution budgétaire, mais nous ne pouvons pas faire semblant d’ignorer ce qu’il révèle : il fige, entérine et valide la trajectoire budgétaire du gouvernement. C’est là que se situe notre désaccord. En approuvant ce PLFG, nous viendrions donner quitus à une politique qui alimente les déficits et renvoie à plus tard toute décision courageuse. Nous ne pouvons pas endosser les choix qui ont conduit à une dette à 116 % du PIB, niveau qui était censé rester exceptionnel.
Les choix qui ont conduit à un déficit structurel figé à 5,1 %, sont révélateurs de l’absence d’une réforme de fond. Ces choix ont conduit à une exposition accrue aux taux d’intérêt qui fait de la charge de la dette l’un des tout premiers postes de dépense de l’État, car la France vit désormais sous contrainte, non par nécessité économique, mais par absence de stratégie.
Nous devons regarder les chiffres tels qu’ils sont mais nous n’avons pas à valider la ligne politique qui en est à l’origine. Et nous refusons d’endosser la logique globale qui conduit chaque année à constater les écarts, à les recouvrir par des dettes exceptionnelles, puis à faire comme si rien ne s’était passé. Cette mécanique empêche de préparer l’avenir. Voter pour ce PLFG reviendrait à dire que cette trajectoire est acceptable. Or nous pensons l’inverse. C’est pourquoi, sans méconnaître les aspects techniques utiles contenus dans ce texte, le groupe UDR ne peut l’approuver. La France mérite mieux qu’une politique faite d’improvisations. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La discussion générale est close.
Texte de la commission mixte paritaire
Mme la présidente
J’appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire.
Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d’abord appeler l’Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisie.
Sur les amendements nos 1 et 2, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir les amendements nos 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Lors de l’examen en première lecture de ce projet de loi de fin de gestion, nous avions dû faire une très longue pause pour reconstruire le texte après que plusieurs votes l’avaient déconstruit.
Le gouvernement propose sept amendements qui ne reviennent pas sur l’accord de la CMP. Le premier est un amendement qui vise à ce que l’article liminaire reflète les nouvelles ouvertures de crédits que la CMP a décidées. L’amendement no 2 à l’article d’équilibre entérine la dégradation du solde budgétaire de l’État de 97 millions d’euros par rapport au texte issu de la CMP, du fait des amendements nos 3, 4, 5, 6 et 7, qui lèvent le gage pour que les décisions de la CMP aboutissent à l’ouverture des crédits. L’amendement no 3 porte sur la forêt, l’amendement no 4 sur l’augmentation des crédits du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT) et de l’hébergement d’urgence, l’amendement no 5 sur La Poste et les pôles de compétitivité, l’amendement no 6 sur les concours aux collectivités et aux centres municipaux de santé, l’amendement no 7 sur la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, et donc sur l’accompagnement des victimes de violence.
Autrement dit, ces amendements prennent acte des décisions de la CMP, mettent à jour les tableaux, et lèvent le gage pour que ces décisions puissent s’appliquer. Il est essentiel que ces amendements soient votés, sinon je devrai suspendre pour vous proposer des amendements nos 1 et 2 mis à jour. Vous avez entre vos mains la bonne conduite de cette opération technique.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission mixte paritaire ?
M. Philippe Juvin, rapporteur
J’ai déjà évoqué la totalité de ces amendements dans ma prise de parole lors de la présentation. Je leur donne un avis favorable.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 381
Nombre de suffrages exprimés 219
Majorité absolue 110
Pour l’adoption 219
Contre 0
(L’amendement no 1, modifiant l’article liminaire, est adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 381
Nombre de suffrages exprimés 216
Majorité absolue 109
Pour l’adoption 216
Contre 0
(L’amendement no 2, modifiant l’article 4, est adopté.)
(Les amendements nos 3, 4, 5, 6 et 7, modifiant l’article 5, sont successivement adoptés.)
Mme la présidente
Nous avons achevé l’examen des amendements.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements adoptés par l’Assemblée.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 514
Nombre de suffrages exprimés 430
Majorité absolue 216
Pour l’adoption 217
Contre 213
(L’ensemble du projet de loi est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Ce résultat nous rappelle que la majorité, c’est la majorité plus une voix ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Mme Blandine Brocard
Exactement !
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Yaël Braun-Pivet.)
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est reprise.
3. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Nouvelle lecture
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (nos 2141, 2152).
Présentation
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées.
Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées
En première lecture, grâce au compromis, vous avez adopté la partie recettes du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et la plupart des articles de sa troisième partie. Les débats, qui reprennent en nouvelle lecture, seront suivis de près par nos concitoyens, nos soignants et tous ceux attachés à notre modèle social. C’est pourquoi je souhaite revenir sur quelques mesures qui concernent leur quotidien et dont nous débattrons dans les prochains jours.
En votant ce PLFSS, vous avez d’abord l’occasion d’améliorer la situation des hôpitaux. Au cours des débats, le gouvernement a pris ses responsabilités. Grâce à votre soutien, un amendement a été introduit pour majorer de 1 milliard d’euros l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam). L’intention est simple : donner plus de moyens là où les besoins sont les plus forts.
Sur ce milliard, 850 millions sont dédiés aux hôpitaux, afin d’y assurer des tarifs stables. Concrètement, les financements hospitaliers ne baisseront pas et permettront de couvrir l’activité. Au total, ce sont près de 2 milliards d’euros de crédits supplémentaires qui permettront d’accompagner l’évolution des charges des établissements et de soutenir l’activité hospitalière, alors même qu’elle retrouve enfin son niveau d’avant crise, notamment dans le secteur public – une très bonne nouvelle pour nos concitoyens. Si ce PLFSS est adopté, cela changera la donne pour les hôpitaux, les soignants et les patients.
Je souhaite également rappeler que, parmi les 2 milliards évoqués, le texte initial prévoit 190 millions d’euros pour investir dans la formation et les ressources humaines à l’hôpital, afin de soutenir nos soignants et d’attirer de nouveaux talents.
L’Ondam hospitalier prévoit en outre 65 millions d’euros de mesures nouvelles pour soutenir les actions en santé mentale. Nous mobilisons aussi des moyens pour l’offre de soins dédiée aux personnes en situation de handicap, aux soins critiques, à la recherche et à l’innovation, à la lutte contre les cancers et les maladies neurodégénératives ainsi qu’aux soins palliatifs.
Enfin, le PLFSS intègre une mesure importante pour soutenir les hôpitaux dans leur contribution à une meilleure efficience du système de santé.
En votant ce PLFSS, vous avez ensuite l’occasion d’améliorer l’accès aux soins. D’abord, en revalorisant les rémunérations des professions de santé libérales : 750 millions d’euros sont prévus pour reconnaître leur engagement et leur rôle essentiel sur le terrain.
La création et le déploiement du réseau France Santé, annoncé par le premier ministre, apporte deux progrès majeurs. Plus de lisibilité et de proximité : il permettra de structurer l’offre existante, de clarifier les parcours et de rendre l’accès aux soins réellement plus simple pour chacun. Un financement adapté aux réalités locales : chaque structure bénéficiera en moyenne de 50 000 euros pour renforcer sa capacité d’action et apporter des réponses concrètes aux besoins locaux.
En votant ce PLFSS, vous pouvez aussi améliorer la place de la prévention. Ainsi de la vaccination obligatoire, de la santé des femmes avec la création d’une consultation longue pour les femmes sujettes à la ménopause, du renforcement des prises en charge des violences sexistes et sexuelles (VSS) et de la soumission chimique. Je pense également au projet très structurant de création d’un statut à destination des assurés en risque de développer des affections de longue durée (ALD), qui permettra la mise en place de nouveaux parcours préventifs pour éviter l’apparition ou l’aggravation de pathologies chroniques.
En votant ce PLFSS, vous pouvez enfin améliorer la vie des familles, grâce à la création, très attendue, d’un congé de naissance supplémentaire et mieux rémunéré.
M. Hadrien Clouet,, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la branche autonomie
Nous avions voté son entrée en vigueur au 1er janvier 2026 !
Mme Stéphanie Rist, ministre
Il permettra aux parents de prolonger le temps dont ils disposent pour entrer dans la parentalité et construire avec leur enfant une relation de qualité dans les premiers mois de sa vie. C’est aussi une avancée concrète pour l’égalité entre les femmes et les hommes.
Au-delà de ces mesures, il nous faudra débattre, dans les semaines et les mois à venir, de l’évolution du financement de notre modèle social. L’enjeu est de renforcer notre efficience collective et de renforcer la protection des assurés. C’est pour nourrir ce débat que j’ai souhaité lancer une mission sur une meilleure articulation entre organismes complémentaires et assurance maladie.
Pour l’avenir de notre modèle social et pour introduire des avancées dans le quotidien des Français, il vaut mieux un budget que pas de budget du tout. Le compromis est entre vos mains. Le gouvernement sera là pour vous accompagner sur ce chemin. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre du travail et des solidarités.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités
Nous y sommes ! Nous entrons enfin dans la phase décisive du débat budgétaire sur le financement de la sécurité sociale. Sans majorité absolue et sans 49.3, chaque voix compte et chacun devra clarifier sa position.
Nous avons toutes et tous conscience de vivre une discussion budgétaire inédite. C’est la première fois depuis des années que le PLFSS est à ce point entre les mains du Parlement. C’est sans doute aussi la première fois depuis des années qu’un gouvernement est aussi ouvert au compromis. Le Parlement construit le budget de la sécurité sociale pas à pas. Il tient une occasion unique de montrer sa capacité à s’élever au-dessus des logiques partisanes pour construire un budget d’intérêt général.
Cette deuxième lecture nous offre une deuxième chance pour parvenir à un compromis majoritaire. Il passe par la suspension de la réforme des retraites de 2023,…
M. Nicolas Sansu
Son décalage !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
…qui est décisive pour obtenir la stabilité voulue par les Françaises et les Français, dont des chefs d’entreprise qui attendent avant d’investir et d’embaucher.
Ce qui se joue maintenant, c’est le redressement des comptes de la sécurité sociale. Il faut être clair sur un point : si nous ne parvenons pas à une copie commune pour financer le système de sécurité sociale, son déficit s’aggravera inexorablement, pour atteindre 29 milliards d’euros. Ainsi seront posées les bases d’une crise de trésorerie majeure, qui compromettra son avenir. Nous ne devons pas mettre en danger la sécurité sociale, l’année de ses 80 ans. Le compromis majoritaire est une nécessité absolue pour éviter cette crise : c’est notre seul moyen pour faire adopter le budget de la sécurité sociale pour 2026.
Nous avons entendu les réactions qu’ont suscitées chez vous les mesures relatives aux retraites. Nous sommes à l’écoute de vos propositions au sujet du périmètre du gel des pensions et des minima sociaux. Vous aviez rejeté le principe d’une année blanche en première lecture, mais le Sénat a rouvert le débat, en excluant du gel les retraites inférieures à 1 400 euros brut par mois. Des options intermédiaires ont été proposées par plusieurs groupes parlementaires et peuvent encore être discutées. Il s’agit d’équilibrer l’effort budgétaire et de faire participer les retraités qui le peuvent à l’effort général. Ce PLFSS contient également des mesures en faveur de la retraite des femmes qui ont eu des enfants. À ce sujet, les deux chambres du Parlement sont d’accord pour réduire l’écart entre les pensions des hommes et celles des femmes, preuve que le consensus est possible et que l’intérêt général peut et doit l’emporter.
Vous aurez également à examiner l’article 39, qui tend à assurer une meilleure reconnaissance des maladies professionnelles. Le temps nous avait manqué pour en parler ici en première lecture, alors même que les mesures prévues par cet article font l’objet d’un consensus et qu’elles marquent un progrès social.
Mesdames et messieurs les députés, les positions du gouvernement ont évolué au fil de l’examen du texte ; les vôtres aussi. Le compromis majoritaire est possible. La copie finale sur laquelle vous voterez sera celle du Parlement et non celle du gouvernement. Aussi, voter ce budget, ce n’est pas voter le soutien au gouvernement, c’est voter pour la sécurité sociale.
La suspension de la réforme des retraites de 2023 sera un marqueur fort du texte. Le débat sur une suspension jusqu’au 1er janvier 2028 est utile ; le lancement de la conférence sur le travail et les retraites constitue la première étape du dialogue social. Il faut dire clairement les choses : la proposition du gouvernement a ravivé l’espoir de trouver des solutions grâce au dialogue social. Les partenaires sociaux sont prêts à travailler ensemble et tiennent des pistes très concrètes d’amélioration des conditions de travail et de l’égalité entre femmes et hommes, de prise en compte de la pénibilité, de gestion des fins de carrière et de développement de l’emploi des jeunes et des seniors.
Nous ne perdons pas de temps sur ce sujet crucial pour la vie des Françaises et des Français, puisque nous réunirons les partenaires sociaux dès ce vendredi au Conseil économique, social et environnemental (Cese), pour la grande réunion plénière d’ouverture de la conférence. La démocratie sociale joue pleinement son rôle.
Je le disais en introduction de mon propos : cette nouvelle lecture est une seconde chance qu’il faut saisir. Le compromis est toujours le chemin le plus difficile. Bâtir des convergences suppose de sortir des logiques de bloc contre bloc, du tout ou rien, selon lesquelles chacun campe sur ses positions et est plus attentif à ce qu’il cède qu’à ce qu’il gagne. Nous devons réussir. Il n’y a pas de solution alternative, il n’y a pas de plan B, pas de loi spéciale pour la sécurité sociale. Bâtir un compromis et, finalement, ne pas voter le budget de la sécurité sociale, c’est comme bâtir sa maison sans vouloir y habiter. À quoi bon se battre pour améliorer le texte, en gommer les aspérités, revendiquer des évolutions positives, si, en définitive, c’est pour ne pas le voter ?
Je ne vous demande pas un vote de soutien au gouvernement, mais il faut que l’Assemblée nationale se rassemble le temps d’un vote, pour le budget de la sécurité sociale. C’est dans cet état d’esprit que je suis venu ouvrir la discussion parlementaire aujourd’hui, avec mes collègues ministres. Je sais que vous êtes nombreuses et nombreux ici à partager notre volonté de dialogue au service de l’intérêt général. Le compromis majoritaire est à votre portée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’action et des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre de l’action et des comptes publics
Nous ouvrons aujourd’hui une nouvelle lecture décisive du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026. Décisive, parce que nous entrons dans la phase la plus importante, celle lors de laquelle peut se construire un vote inédit dans cette assemblée. Un vote de toutes les forces politiques qui veulent travailler pour la santé des Français et pour notre sécurité sociale, ici et maintenant, au-delà de leurs différences – pour que 2026 ne soit pas une année d’inaction et de chaos social, dont les extrêmes des deux bords se frottent déjà les mains à l’approche de la campagne de 2027.
C’est dans les jours qui viennent que se jouera la capacité de ce texte à rassembler ces forces, non pas par un vote d’adhésion intégrale – ce texte de compromis est par nature imparfait pour chacun –, mais par responsabilité – par devoir, devrais-je même dire – partagée au service de tous.
Vous avez les moyens de préserver notre protection sociale. Si aucun budget n’est adoptable, si aucun compromis n’émerge ou si ce compromis se fait au prix de l’abandon de toute ambition pour nos comptes sociaux, la protection sociale des Français ne sera financée que par la dette. Ce serait alors tourner le dos au principe fondateur énoncé en 1945 : celui d’une dette sociale qui n’est acceptable que si elle est temporaire. Personne ne veut, dans ce pays, d’une sécurité sociale fragilisée durablement. Hors période de crise, la sécurité sociale a été conçue pour être à l’équilibre et la trajectoire de redressement de nos finances publiques, dans leur ensemble, n’est possible à moyen terme qu’avec une sécurité sociale à l’équilibre.
Ce que nous demandent les Français et toutes celles et tous ceux qui sont attachés à ce modèle social, c’est que nous puissions bâtir ici un texte de compromis, qui permettra à chacun, par sens des responsabilités, de voter ce texte en fin de semaine. Un texte qui préserve l’essentiel, qui garantit la soutenabilité de notre modèle social et qui laisse à celles et ceux qui nous succéderont la liberté de faire encore des choix qui n’auront pas été rendus impossibles par l’accumulation de déficits insoutenables.
Je souhaite que nous gardions le cap que nous nous étions fixé en première lecture : celui d’un déficit de la sécurité sociale, avant mesures de transfert, contenu autour de 20 milliards d’euros. C’est peu ou prou l’équilibre du texte transmis par le Sénat et dont vous n’étiez pas très éloignés à l’issue de la première lecture, si on neutralise l’effet des mesures de transfert votées en faveur de l’Unedic et des départements. Je le dis avec beaucoup de solennité : cet objectif n’est pas inatteignable. Il suppose, de la part de l’ensemble de cet hémicycle, d’accepter des mesures de redressement dans le domaine des recettes – nous débattrons de la contribution des revenus du capital et des compléments de salaire – et des mesures de redressement dans celui des dépenses – je pense à la régulation du système de santé et à l’évolution des prestations sociales.
Sans compromis et sans budget de la sécurité sociale, nous n’aurions pas les moyens de créer de nouveaux droits et, partant, de tenir la promesse républicaine de progrès social à laquelle nous sommes tous et toutes attachés. Sans ce PLFSS, il n’y aurait pas de moyens nouveaux pour l’hôpital, comme l’a dit Stéphanie Rist, et l’Ondam hospitalier ne progresserait pas de 3,2 %, soit de 3,4 milliards d’euros. Il n’y aurait pas de nouveaux investissements structurants, de renforcement des effectifs des Ehpad, de nouvelles solutions dans le champ du handicap et de moyens nouveaux pour développer l’habitat intermédiaire au bénéfice de nos aînés.
Sans compromis et sans PLFSS, de nouveaux droits ne pourraient pas être ouverts. Sans devancer le résultat de vos votes, je pense à ce que le compromis que vous pourriez construire aurait de nouveau et de positif.
De nouveau et de positif pour le parcours de prévention devant permettre de réduire le risque de maladies chroniques.
De nouveau et de positif avec le nouveau congé de naissance.
De nouveau et de positif avec la consultation longue pour les femmes de 45 à 65 ans.
De nouveau et de positif grâce à l’amélioration des droits à la retraite des femmes, pour mieux prendre en compte les conséquences de la maternité sur les carrières.
Sans PLFSS, les heures supplémentaires dans les entreprises de plus de 250 salariés ne pourront pas être éligibles à déduction forfaitaire de cotisations patronales.
Sans PLFSS, l’application de la loi pour le développement économique des outre-mer (Lodeom) ne pourrait pas être étendue à Mayotte dès juillet 2026.
Sans PLFSS, la situation des conjoints collaborateurs agricoles devenant chefs d’exploitation ne pourra pas être améliorée.
Sans PLFSS, c’est la promesse du réseau France Santé pour lutter contre les déserts médicaux qui ne pourra être tenue.
Sans PLFSS, ce sont les nombreuses réformes d’organisation qui doivent permettre un meilleur fonctionnement du système de sécurité sociale qui ne pourront pas être appliquées. Je pense au renforcement de la politique vaccinale, à la réforme pour une adéquation des financements aux parcours des personnes handicapées dans les services et les établissements (Serafin-PH) – qui doit permettre une meilleure allocation des moyens dans le champ du handicap –, à la simplification des procédures de reconnaissance des maladies professionnelles ou encore à la réforme de la sécurité sociale des artistes auteurs.
Sans PLFSS, ce sont aussi des mesures importantes pour la solidité financière et le financement des hôpitaux, pour les soignants, pour les retraités, pour les familles, qui ne pourraient pas voir le jour. La hausse du plafond d’endettement de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) ou le transfert vers la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) ne pourraient pas être appliqués. Les compensations entre l’État et la sécurité sociale, sujet dont nous avons longuement parlé, ne pourraient pas évoluer.
Sans PLFSS, et sans PLFSS de compromis, nous ne pourrions pas engager les réformes d’efficience indispensables et qui sont soutenues, ici, par une majorité d’entre vous. Celles-ci concernent la lutte contre les rentes dans certaines spécialités – notamment la radiothérapie –, l’encadrement de certains dépassements d’honoraires qui pèsent sur les ménages, les mécanismes de régulation du médicament – pour donner une meilleure prévisibilité aux acteurs tout en renforçant la contribution de l’industrie pharmaceutique, avec près de 1,6 milliard d’euros de baisses de prix –, la lutte contre le gaspillage des produits de santé, la substitution des biosimilaires et des génériques, la réforme du cumul emploi-retraite des professionnels de santé, le renforcement du recouvrement social et la lutte contre la fraude.
Enfin, sans PLFSS voté, l’âge de départ à la retraite sera automatiquement et très mécaniquement décalé d’un trimestre l’année prochaine.
Le premier ministre a pris ici l’engagement de laisser le Parlement débattre. Les débats ont eu lieu. Nous avions pris l’engagement de tenir des débats ouverts et nous l’avons respecté.
Il vous revient de construire ensemble un compromis, pour aller au vote. Un texte déséquilibré, illisible ou irresponsable ne doit pas être voté. Mais un texte qui fédère une majorité, bien qu’il ne soit idéal pour personne, doit être voté. Nous ne vous demandons pas une adhésion immédiate, nous ne vous demandons pas de vous prononcer par oui ou par non maintenant. Nous vous proposons de travailler pendant une semaine à trouver le chemin du compromis. En le suivant, vous pourrez voter, à l’issue de nos débats, un texte soutenable, juste et qui préserve la capacité des générations futures à choisir leur modèle social.
Construire le compromis, c’est accepter que chaque vote compte dans l’équilibre général : à la fin des débats, c’est bien l’ensemble du texte qui doit recueillir une majorité.
J’ai suivi avec attention les débats de la commission des affaires sociales. À compter d’aujourd’hui, plus de « tirs à blanc », selon l’expression de son président, et plus de « tour de chauffe ». J’en appelle donc à votre sens des responsabilités et à l’attachement commun à notre sécurité sociale – je l’ai mesuré lors de nos débats – pour travailler ensemble.
C’est dans cet esprit que le premier ministre a pris d’emblée devant vous des engagements forts sur les retraites, les minima sociaux, l’hôpital et l’évolution de l’année blanche – autrement appelée année de stabilité.
Lors les prochains jours et les prochaines nuits que nous passerons dans cet hémicycle, Jean-Pierre Farandou, Stéphanie Rist, Charlotte Parmentier-Lecocq et moi n’aurons qu’une seule responsabilité. Celle de travailler à préserver notre modèle social, pour que les Français d’aujourd’hui continuent d’en bénéficier et pour que ceux de demain puissent en bénéficier à leur tour.
Avec mes collègues du gouvernement et sous l’autorité du premier ministre, je veux y travailler avec vous tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie et des personnes handicapées.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l’autonomie et des personnes handicapées
Nous commençons la nouvelle lecture d’un texte essentiel. Concrètement, malgré un contexte budgétaire contraint, ce PLFSS contient 1,5 milliard d’euros de moyens supplémentaires pour l’autonomie. Dans le détail, à destination de nos concitoyens en situation de handicap, cela représente 250 millions d’euros pour créer 7 000 nouvelles solutions dans le cadre du plan 50 000 solutions ; 360 millions pour cette réforme structurelle qu’est le projet Serafin-PH afin de mieux accompagner la transformation des établissements sociaux et médico-sociaux ; 28 millions au soutien de la stratégie pour les maladies neurodégénératives ; mais c’est aussi le déploiement de la guidance parentale pour mieux accompagner les familles des enfants en situation de handicap.
Par ailleurs, 260 millions d’euros sont prévus pour recruter 4 500 professionnels supplémentaires en Ehpad, poursuivre les créations de places de service de soins infirmiers à domicile (Ssiad) et renforcer les centres de ressources territoriaux ; 110 millions pour l’expérimentation de la fusion des sections soins et dépendance au sein du budget des Ehpad dans 23 départements ; 100 millions pour l’habitat partagé, qui permettront la création de 10 000 places supplémentaires afin d’offrir une vraie alternative entre le maintien à domicile et l’entrée en Ehpad ; et enfin 300 millions à destination des établissements médico-sociaux pour faire face à l’inflation et garantir la continuité de l’accompagnement.
L’enjeu est simple : sans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, aucune de ces nouvelles mesures attendues par le secteur ne verra le jour ; il n’y aura pas de professionnels supplémentaires dans les Ehpad, pas de nouvelles solutions pour les personnes handicapées, bref pas de réponses à des besoins pressants.
Ce texte indispensable ne sera pas celui du gouvernement ni d’un seul groupe. Il ne peut être que le fruit d’un compromis. Le gouvernement est pleinement mobilisé pour y parvenir avec vous. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin, rapporteur général de la commission des affaires sociales.
M. Hadrien Clouet, rapporteur
Un opposant, enfin !
M. Thibault Bazin, rapporteur général de la commission des affaires sociales
Nous abordons cette nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 alors que le pays a plus que jamais besoin de stabilité et de visibilité. Voter le PLFSS ne consiste pas uniquement à se livrer à un exercice budgétaire. C’est s’engager envers les Français et les acteurs qui font vivre la sécurité sociale au quotidien. Or certains, dans cet hémicycle, contestent son utilité même.
M. Hadrien Clouet, rapporteur
C’est vrai ! Cela ne sert à rien !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Je rappellerai quelques évidences. Un PLFSS n’est pas une œuvre bureaucratique mais la colonne vertébrale financière de notre pacte social. Il fixe des trajectoires : celles des dépenses de santé avec l’Ondam, celles des recettes sociales dont dépend chaque jour la trésorerie de l’Acoss, celles des branches vieillesse, famille, autonomie et accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) – lesquelles nous engagent sur le court, le moyen et parfois le très long terme.
M. Hadrien Clouet, rapporteur
C’est l’étatisation de la sécu !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Sans loi de financement de la sécurité sociale au 1er janvier, les hôpitaux et les établissements pour personnes âgées et personnes handicapées ne seront plus en mesure de connaître leurs tarifs – ou plutôt ils sauront qu’ils seront négatifs ! ; les assurés ne seront plus en mesure de comprendre l’écart entre les mesures annoncées et le droit applicable, tandis que les organismes de sécurité sociale devront naviguer à vue dans un océan d’incertitudes. Quant à nos entreprises, en premier lieu les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME), elles ne pourront plus anticiper leurs charges, gèleront leurs investissements et retarderont leurs embauches, induisant une baisse de la masse salariale, donc une perte des recettes sociales.
Avoir une loi de financement de la sécurité sociale au 1er janvier, c’est à l’inverse garantir de la stabilité à des millions d’assurés sociaux et d’opérateurs économiques – là où rejeter le PLFSS serait accepter l’imprévisibilité, c’est-à-dire la pire des politiques.
M. Philippe Vigier
Très bien !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Cependant, comme chacun le sait dans cet hémicycle, pour aboutir à un texte susceptible d’être adopté, il faut tenir compte des équilibres politiques, éviter les impasses – par exemple sur les franchises et participations – et accepter une part de compromis. Nos discussions en première lecture ont montré que cela impliquait de refuser les gels aveugles, les coups de rabot indifférenciés ou les mesures qui dégradent les recettes sans améliorer de manière tangible le pouvoir d’achat de ceux qui travaillent ou ont travaillé. Il nous faut aussi protéger les plus malades.
La première lecture nous force aussi à reconnaître que certaines mesures, même lorsqu’elles ne faisaient pas partie des priorités initiales des groupes qui sont les plus proches du gouvernement – ou des groupes d’opposition ouverts à la discussion –, sont devenues des conditions sine qua non pour qu’un PLFSS puisse être voté. Je pense naturellement au décalage de la réforme des retraites, à l’article 45 bis, mesure consentie aux socialistes à l’égard de laquelle j’ai exprimé des réserves, car elle pèsera sur la trajectoire de la branche vieillesse et dégradera les finances sociales. Selon moi, il faudrait plutôt prendre des mesures pour améliorer le taux d’emploi. Cependant, chacun doit voir la réalité telle qu’elle est : aujourd’hui, aucun PLFSS ne peut rassembler une majorité sans un ajustement sur les retraites.
M. Hadrien Clouet, rapporteur
Si, le nôtre !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Je prends acte de cette réalité et, pour éviter à la nation de débuter l’année sans un cadre financier pour la sécurité sociale, nous avons la responsabilité d’aboutir à un compromis. D’autres mesures font d’ailleurs partie de l’équation d’un compromis possible, en particulier celle, défendue par le groupe Droite républicaine, qui, à l’article 8 septies, étend la déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires aux entreprises de plus de 250 salariés, dans le but de récompenser l’effort des travailleurs et de leur redonner du pouvoir d’achat, le tout à un coût modeste pour les finances sociales.
M. Vincent Descoeur
Eh oui !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Je pourrais en citer d’autres. Construire un texte de compromis revient à accepter que chacun renonce à une part de sa pureté doctrinale et ne s’oppose pas au fait d’y intégrer des mesures qu’il ne défendrait pas instinctivement ; c’est aussi renoncer à des mesures nouvelles qui constituent des irritants pour d’autres, telles que la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) patrimoine qui pénaliserait également des travailleurs ayant mis un peu d’épargne de côté sur un plan d’épargne logement (PEL) ou un livret d’épargne populaire (LEP).
M. Sylvain Berrios
Très bien !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Une loi de financement de la sécurité sociale ne fixe pas seulement une trajectoire financière, c’est un instrument de l’action publique. Si ce texte n’est pas parfait, il apporte des réponses immédiates et attendues dans plusieurs domaines. Par exemple, il tend à préserver le modèle économique des pharmacies de proximité dans nos territoires – qu’il faudra encore renforcer grâce à d’autres dispositions l’an prochain.
Alors que la lisibilité et l’équité des règles d’affiliation, de cotisation et de prestations du régime social des agriculteurs demeurent un enjeu vital pour ces derniers, il prévoit des mesures portant sur leur cumul emploi-retraite, sur l’extension du capital-décès à leurs ayants droit, ou encore sur les bailleurs à métayage, sans parler des dispositions relatives aux conjoints collaborateurs et aux entreprises de travaux forestiers.
En matière d’accompagnement à la parentalité, l’article 42 crée un congé supplémentaire de naissance indemnisé en fonction du salaire – mesure que nous appelions tous de nos vœux depuis plusieurs années, en espérant de la souplesse pour s’adapter aux besoins des familles et favoriser ainsi le recours à ce droit.
Le texte prévoit également d’améliorer la retraite des femmes, en prenant mieux en compte la maternité dans le calcul des droits à la retraite, qu’il s’agisse de la retraite anticipée pour carrières longues ou du montant de la pension des mères fonctionnaires.
Je citerai enfin le sujet de la prévention en santé, avec la création d’un parcours d’accompagnement préventif contre les maladies chroniques ou encore l’instauration d’une consultation longue, prise en charge par l’assurance maladie, au moment de la ménopause.
En somme, ce PLFSS pour 2026 comporte des mesures utiles et répond à des attentes concrètes, dans un cadre budgétaire que chacun sait contraint. Ne pas le voter reviendrait à refuser ou reporter ces avancées.
Nous n’en avons pas moins la responsabilité collective d’aboutir à un texte qui permette un début de redressement. Le déficit des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss) pour 2025 pourrait atteindre environ 23 milliards d’euros ; dans la version transmise au Sénat, il s’élevait à environ 24 milliards – je l’avais indiqué à l’issue de nos travaux en première lecture, avec la nécessaire précaution qui s’attache à ce genre d’estimations. À ce stade de la navette, nous ne pouvons pas bâtir un PLFSS qui accepterait comme horizon une aggravation de ce niveau, ou même une stagnation – pas simplement pour le plaisir de réduire les déficits, mais parce qu’il y va de l’avenir de notre modèle social, un héritage vieux de quatre-vingts ans dont on souhaite qu’il vive au moins quatre-vingts ans de plus.
Le texte adopté en fin de parcours devra améliorer cette trajectoire, ne serait-ce que modestement. Il devra démontrer que nous tenons compte des inquiétudes de la Cour des comptes, des partenaires sociaux et, à vrai dire, de tous nos concitoyens qui s’interrogent légitimement sur la pérennité de notre modèle social. Il faudra plus d’un texte et plus d’une année pour aboutir à son redressement, mais cela commence maintenant. Démontrons notre esprit de responsabilité, faisons la preuve de la crédibilité de la parole publique.
À cet égard, alors que nous célébrons les 80 ans de la sécurité sociale, je demande solennellement au gouvernement de respecter la loi Veil en compensant les exonérations ciblées, en particulier sur les heures supplémentaires – cela apporterait 2,5 milliards d’euros à la sécurité sociale. Compensez également totalement les allégements généraux de cotisations sociales – les 1,6 milliard pour 2025 et les 3 milliards pour 2026 induits par la réforme de ces derniers. Laissez ces milliards dans les caisses de la sécurité sociale : son solde final en sera largement amélioré.
Je rappellerai pour conclure une autre évidence : le PLFSS ne peut à lui seul relever tous les défis du pays. Il doit donc être accompagné d’une stratégie plus large et volontariste.
Il convient tout d’abord de valoriser davantage le travail, de faire en sorte que, à situation familiale identique, le travail paie davantage que l’inactivité. Je suis personnellement convaincu que nous devons créer une allocation sociale unique, plafonnée, autour d’un revenu social de référence, qui simplifie un système devenu illisible et qui renforce l’incitation au travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) À cet égard, l’annonce, lors des assises des départements, du dépôt prochain d’un projet de loi sur le sujet va dans le bon sens. Nous nous investirons pleinement lors de l’examen de ce texte ; il est urgent de s’y atteler.
Il convient ensuite d’accélérer la lutte contre la fraude : fraude aux prestations, fraude aux cotisations, entreprises éphémères, travail dissimulé…
M. Antoine Léaument
Fraude fiscale !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
C’est une question de justice et d’équité autant que de rendement budgétaire. Certaines mesures du présent texte contribuent à cette lutte, mais nous aurons surtout l’occasion de la renforcer très prochainement, lors de l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales.
M. Antoine Léaument
Ah !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Il nous faut aussi simplifier notre architecture administrative, au service de l’amélioration de la gouvernance et du bon usage des deniers publics – je travaille moi-même depuis plusieurs mois à une proposition de loi visant à simplifier le modèle de formation continue des professionnels de santé.
Nous devons en outre lutter contre les excès de la financiarisation. La santé, le handicap, l’autonomie ne peuvent pas devenir des actifs spéculatifs. Nous devons préserver une logique de service et d’intérêt général – dans laquelle certaines mesures du présent PLFSS s’inscrivent certes, mais dont il nous faudra débattre en nous appuyant sur un texte ad hoc, qui ne soit pas contraint par la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
Enfin, il faut faire des économies intelligentes. Soyons clairs, il ne s’agit pas de couper pour couper, mais de réduire ce qui est superflu ou même, parfois, dangereux : les actes médicaux inappropriés, les prescriptions redondantes, les protocoles obsolètes – autant de marges d’efficience qui ne dégradent pas l’accès aux soins, au contraire.
Le texte que nous examinons n’est pas parfait,…
M. Hadrien Clouet, rapporteur
Ça, non !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
…mais je vais vous faire une révélation : aucun PLFSS ne l’a jamais été, et aucun ne le sera jamais. Celui-ci offre toutefois un cap, apporte des réponses utiles et pourrait même améliorer la trajectoire pour 2026 par rapport à l’exercice 2025 – à condition que notre assemblée y travaille collectivement. Que chacun de nous s’en souvienne à chaque fois qu’il votera. Tâchons d’élaborer un PLFSS pour 2026 qui ne soit ni le texte du gouvernement ni celui d’aucun groupe parlementaire, mais un budget pour la France et ses assurés sociaux. Alors personne ne pourra le revendiquer, mais il profitera à tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
Comme en première lecture, la commission des affaires sociales a rejeté le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. Hadrien Clouet, rapporteur
Excellent !
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
Il serait toutefois injuste de réduire nos travaux à ce vote final et je salue d’ailleurs l’engagement de l’ensemble des groupes : samedi dernier, vos commissaires se sont mobilisés pour examiner le texte, discuter, confronter et parfois rapprocher des positions éloignées. Ce long marathon n’a pas été un théâtre d’obstruction ni d’irresponsabilité ; les divergences exprimées relevaient d’orientations politiques contraires, mais toujours assumées avec loyauté et sérieux. Je remercie tous les commissaires pour leur attitude constructive. Je rends également hommage au travail de notre rapporteur général, Thibault Bazin.
M. Fabien Di Filippo
Le professeur Bazin !
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
Grâce à son expertise et à son sens de la pédagogie, nous avons tâché de trouver des voies de passage, même lorsque les positions paraissaient difficilement conciliables. Ainsi, samedi dernier, en dix heures et demie de travaux jusqu’au vote final, 505 amendements ont pu être examinés et 164 ont été adoptés. Ce résultat, notable, témoigne de l’ouverture des débats et de la capacité des commissaires à parfois s’entendre sur des questions qui dépassent les affiliations partisanes.
Nous abordons à présent cette nouvelle lecture en séance publique avec en perspective les 169 articles issus des travaux du Sénat. Le travail qui nous attend reste donc considérable, alors que le temps court et que l’urgence est là. Nous l’avons répété inlassablement : avec un déficit de 23 milliards d’euros attendu à la fin de l’année – plus que le niveau estimé il y a un an par le gouvernement de François Bayrou et proche de celui atteint en 2021 alors que la France sortait à peine de l’épidémie de covid –, la situation de la sécurité sociale est critique.
Soyons lucides : à moyen terme, si nous ne redressons pas une trajectoire devenue hors de contrôle, l’existence même de la sécurité sociale pourrait être remise en cause.
Nos sensibilités politiques sont différentes ; nous ne retenons pas les mêmes priorités et nous n’avons pas la même définition de ce qui est nécessaire et de ce qui est opportun. Tel est le défi du pluralisme démocratique, que cette législature porte à son plus haut degré. Cependant, au-delà de ces divergences nombreuses, une majorité peut se dégager : celle qui est attachée à la sécurité sociale et aux valeurs qui la fondent.
Donner un budget à la sécurité sociale n’est ni un acte technique ni un rituel annuel, mais bien un acte politique : celui du gouvernement qui, à partir des priorités qu’il identifie, donne un cadre d’intervention aux politiques sanitaires et sociales. Nous sommes nombreux à vouloir un budget porteur de sens, marqué par une réduction volontariste du déficit, par une priorité donnée aux économies, par la volonté de protéger les plus faibles et les plus fragiles, par des réformes structurelles. Nous sommes nombreux à réclamer un budget qui recherche l’efficacité et une régulation plus ferme de la dépense publique, sans aller chercher encore et encore de nouvelles recettes dans la poche des entreprises, des épargnants ou des malades.
M. Hadrien Clouet
Il reste les super-riches !
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
L’équilibre qui se dessine au terme des premières lectures à l’Assemblée et au Sénat répond-il à ces exigences ? Nous sommes nombreux à considérer que du chemin reste à faire. Tenir compte de ces impératifs pour construire des compromis demeure pourtant une condition essentielle au bon fonctionnement de notre modèle social.
Nous attendons de cette nouvelle lecture l’expression d’une vision d’ensemble. Or, dans notre République où les pouvoirs d’initiatives du Parlement restent très encadrés, cette vision d’ensemble ne peut résulter que de l’expression du gouvernement. Ce dernier ne peut se cantonner au rôle revendiqué de spectateur des débats parlementaires. Chacun le sait, les procédures parlementaires, les contraintes fixées par la loi organique, les règles qui encadrent les débats en commission et dans l’hémicycle – examen article par article, amendement par amendement, des recettes avant les dépenses –, tout cela oblige à travailler au fil de l’eau et rend impossible la construction d’un compromis global et équilibré. Seul le gouvernement peut coordonner et veiller à la cohérence d’un compromis large. C’est lui qui a rédigé le texte initial et c’est lui qui sera chargé de mettre en œuvre le texte qui sera voté.
À défaut d’un accord préalable entre les différents groupes et alors que s’engage la nouvelle lecture, nous attendons d’y voir clair quant au bornage des compromis qui ont été discutés avec les uns et les autres.
M. Michel Barnier
Très bien !
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
Je forme le vœu que l’Assemblée nationale soit, dans les prochains jours, capable de trouver des réponses à la hauteur de l’enjeu. Nous en avons le devoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – Mme Sandra Marsaud et M. Michel Barnier applaudissent également.)
Motion de rejet préalable
Mme la présidente
J’ai reçu de Mme Mathilde Panot et des membres du groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Ils aiment ça !
Mme la présidente
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
La peste ou le choléra : voilà entre quoi vous nous demandez de choisir, entre un texte de la droite macroniste et un texte de la droite sénatoriale. Faux dilemme, puisqu’une autre solution demeure : rejeter ce projet mortel pour la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Entre deux maux, nous n’en choisissons aucun. Les Insoumis ne veulent pas choisir entre taxer des malades ou fermer des lits d’hôpital, entre baisser le salaire des soignants ou baisser celui des apprentis. Nous ne voulons pas discuter de la manière de plumer les gens dans un pays où une poignée de super-riches se gavent. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mmes Karine Lebon et Sandrine Rousseau applaudissent également.)
D’où cette motion de rejet. En réalité, depuis le début, aucune discussion politique n’a été possible. Alors que le premier ministre Lecornu avait annoncé que le Parlement aurait le dernier mot, il a choisi pour concrétiser cette annonce de nous couper la parole : en première lecture, la ministre, Mme de Montchalin, a monologué jusqu’à minuit pour faire en sorte que le délai du vote soit dépassé. Magnifique démocratie parlementaire ! On bavasse, on bavasse, puis vous partez avec l’urne.
M. Sylvain Berrios
Et vous, là, que faites-vous ?
M. Hadrien Clouet
Ensuite, vous nous prenez pour des buses en jouant des allers-retours entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Puisqu’aucun député – vous avez parfois obtenu zéro voix – ne voulait du texte initial, qui comportait, pour mémoire, le gel des pensions de retraite et des déremboursements en cas d’affection de longue durée, vous l’avez envoyé à vos complices du Sénat qui, évidemment, ont fait encore pire – c’était leur cahier des charges : augmentation de douze jours de la durée de travail annuelle et report d’un an du congé supplémentaire de naissance. Cette petite blague terminée, certains députés recevant la copie se lamentent : revenons au texte du gouvernement, car celui-ci est encore pire… Et les voilà qui s’apprêtent à voter un texte dont ils ne voulaient pas au départ : formidable tour de passe-passe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe GDR.) Procéder ainsi ne relève pas d’un travail parlementaire sérieux, mais d’une arnaque de première catégorie.
Prenons un exemple concret : le projet initial du gouvernement prévoyait une taxe de 2,25 % sur les mutuelles, qui, traduisons pour ceux qui nous écoutent, aurait été reportée sur les cotisations. Nous avons rejeté cette taxe. Le Sénat l’a rétablie et, dans un geste humanitaire incroyable, a abaissé son taux à 2,05 %. Et certains vont dire : c’est génial, je vote pour prendre un coup sur la tête au lieu de deux ! Or nous ne sommes pas d’accord pour recevoir un coup sur la tête, et encore moins deux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe GDR.) Ce texte est exclusivement composé de ce type de manœuvres : vous faites une horreur, elle part au Sénat et devient une abomination, puis elle revient chez nous et vous votez pour l’horreur initiale en prétendant combattre une abomination.
Comme les ministres l’ont révélé, ce texte n’a d’autre sens que de faire des économies. Pourtant, faire des économies n’a jamais constitué un projet de vie, contrairement au fait de soigner les gens, de développer la recherche médicale ou de protéger les enfants.
M. Antoine Léaument
C’est vrai !
M. Hadrien Clouet
Pour une raison simple : il existe plusieurs manières de faire des économies. Mais ce n’est pas pour faire des économies que vous imposez une taxe sur les mutuelles, car vous en feriez davantage en intégrant les complémentaires privées à la sécurité sociale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Je rappelle que pour 100 euros de cotisation à une complémentaire privée, 20 euros partent en frais de gestion, contre 4 euros dans le cas d’une cotisation à la sécurité sociale. (Mêmes mouvements.) Vos politiques de « déprotection sociale » coûtent cher au pays : lorsqu’on transfère une charge de la sécurité sociale à une assurance privée, 16 euros sont perdus pour chaque tranche de 100 euros de cotisation.
M. Jean-François Coulomme
Ils ne sont pas perdus pour tout le monde !
M. Hadrien Clouet
En réalité, c’est parce que vous voulez dérembourser des soins que vous mimez la recherche d’économies. Or vos coupes coûtent très cher : dépouiller l’hôpital public et refouler des gens aux urgences, comme on le voit par exemple au centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse, cela coûte très cher.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Il a raison !
M. Hadrien Clouet
Abandonner des entreprises de production médicale ou sanitaire, cela coûte également très cher. J’ai une pensée pour l’entreprise LDR Médical, située près de Troyes : alors qu’elle représente une référence mondiale dans la production de prothèses de disque cervical, avec 150 brevets à son actif, elle vient d’être liquidée par un fonds de pension nord-américain et complètement abandonnée par le gouvernement. (« Quelle honte ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Jean-François Coulomme
Beau résumé de la Macronie !
M. Hadrien Clouet
À chaque fois, vous vous félicitez d’économiser 1 million d’euros par-ci, quand cette économie coûte 10 millions d’euros par-là.
Vous vous fichez complètement des équilibres budgétaires ; ce texte n’a pas d’autre but que de gaver des fonds de pension et quelques grandes fortunes.
Je sais que, pour reprendre la formule du grand écrivain Kateb Yacine, « l’absence d’itinéraire abolit la notion du temps », et que vous pensez nous perdre en nous faisant oublier les délais. Mais nous avons bien en tête le calendrier : dans une semaine, vous pourrez procéder par ordonnances pour imposer le budget que vous voulez. Et d’ici là, vous négociez un 49.3 avec ceux qui discutent encore avec vous.
Certes, nous avons entendu, sinon vu, d’obscures négociations entre le gouvernement et des socialistes, destinées à amuser la galerie. Quel en est le bilan ? Le gouvernement n’a pas bougé et le PS – Parti socialiste – a gobé les propositions macronistes : la taxe sur les mutuelles que j’évoquais ; la diminution des dotations de l’Établissement français du sang (EFS), qui a pourtant déjà bien du mal à sauver des vies ; les sanctions financières aux hôpitaux qui acceptent trop de patients. Alors que le PS était opposé à ces mesures il y a encore deux semaines, il a voté en leur faveur samedi dernier.
M. Jean-François Coulomme
Quelle honte !
M. Hadrien Clouet
Ce n’est pas de la négociation : c’est de la macronisation aggravée par l’enthousiasme des nouveaux convertis…
M. François Cormier-Bouligeon
Vous allez faire comment aux prochaines élections avec eux ?
M. Hadrien Clouet
Vous expliquerez votre position après – n’hésitez pas à prendre le micro si votre groupe vous laisse faire.
M. François Cormier-Bouligeon
Ça intéresse vos électeurs !
M. Hadrien Clouet
Pour négocier, il faut parler à des ministres de la République, pas à des interlocuteurs qui mentent de façon pathologique et portent la procuration de toute la bourgeoisie française. Les engagements pris dans cet hémicycle ont été systématiquement rompus quelques heures plus tard. Vous avez déclaré respecter les votes ; c’est faux. Ainsi, alors que nous nous sommes battus, avec les pharmaciens, pour sauver le plafond de remise sur les médicaments génériques, qui leur permet de dégager des revenus suffisants pour survivre.
M. François Cormier-Bouligeon
Ce n’est pas vous qui l’avez sauvé, c’est nous !
M. Hadrien Clouet
Le gouvernement a déposé un amendement pour supprimer ce plafond. Vous dites que c’est vous qui l’avez sauvé, or c’est le gouvernement que vous soutenez qui en demande la suppression ! Lisez au moins ce que vous faites, à défaut de le comprendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe GDR.)
Autre exemple. L’hiver dernier, la ministre de la santé, Mme Vautrin – ex-ex-ex-ministre de la santé, pour ceux qui suivent –, proposait un deal aux entreprises pharmaceutiques : si vous baissez le prix des médicaments, vous ne paierez que 1,6 milliard d’euros d’impôt au titre de la clause de sauvegarde, spécifique au secteur. La même ministre, en juin, annonce qu’elle n’est pas parvenue à un accord. Pourtant, vous leur signez le chèque ! Lorsqu’on négocie aussi mal, il faut arrêter ! Vos enfants sont sans doute contents, cela n’a pas l’air difficile d’obtenir de l’argent de poche avec vous ; mais en l’espèce, il s’agit de nos impôts qui filent dans les caisses du patronat pharmaceutique.
Le bilan est connu : des pénuries générales de médicaments, qui ne sont pas dues aux très petites entreprises (TPE). Il manque actuellement du Praluent, pour les personnes à risque cardiaque, ou du Rifater, contre la tuberculose, tous deux produits par Sanofi – une entreprise qui préfère gaspiller 5 milliards d’euros en dividendes versés aux actionnaires plutôt que de faire son boulot : produire des médicaments qui soignent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Il faut donc s’extraire d’un débat pourri sur l’industrie pharmaceutique, consistant à se demander si on doit la gaver ou l’arroser. Ni l’un, ni l’autre : il faut créer un pôle public du médicament. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Voyez ce qui se fait aux États-Unis, où une centaine d’hôpitaux se sont associés de façon coopérative et non lucrative pour fabriquer eux-mêmes des médicaments. Regardez le Brésil, où le gouvernement par une fondation publique produit des médicaments génériques et des vaccins. Ces pays n’arrosent pas des multinationales qui délocalisent ou dorlotent des actionnaires ; ils paient eux-mêmes les lignes de production, recrutent des chercheurs, des ouvriers et des techniciens, pour fabriquer ce dont ils ont besoin.
Avec tout votre passif, vous osez encore présenter un texte budgétaire dont la moitié des dispositions dépendent d’un décret – c’est-à-dire de ce que vous déciderez vous-mêmes, dans des alcôves, derrière des rideaux. Taxe sur les médicaments ? Par décret, à la main de la ministre. Durée des arrêts de travail ? Par décret, à la main du ministre. Niveau des cotisations sociales ? À la main des ministres. Réforme du budget des établissements médico-sociaux ? Par décret, à la main des ministres. Vous devez comprendre que nous n’avons pas confiance en vous : même lorsqu’on vous serre la main, on recompte nos doigts ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Emmanuel Mandon
C’est réciproque !
M. Hadrien Clouet
Nous n’allons donc pas confier à vos décrets l’ensemble des choix important du pays ni mettre nos compatriotes à votre discrétion, soumis à votre arbitraire et à vos choix personnels.
Au contraire, la journée réservée au groupe La France insoumise, le 27 novembre, a montré que la victoire politique ne dépendait pas de magouilles de salon, mais de la mobilisation déterminée au-dehors et de la lutte implacable ici. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Emmanuel Mandon
Quel cinéma !
M. Hadrien Clouet
Nous n’avons rien retiré de nos ambitions politiques lorsque cette assemblée a voté contre le traité de libre-échange du Mercosur, pour l’égalité du tarif postal en outre-mer et pour la nationalisation d’ArcelorMittal. Nous n’avons rien rabattu, mais nous nous sommes battus de bout en bout et nous avons gagné !
Pour conclure…
Plusieurs députés des groupes EPR et Dem
Ah !
M. Hadrien Clouet
Je vois que certains ont des problèmes de concentration – pourtant le débat risque de durer !
Selon le grand écrivain José Saramago, « ce sont les rêves qui maintiennent le monde sur son orbite ». Commençons par dissiper nos cauchemars, et rejetons votre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, dont les membres se lèvent. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR. – Mme Sandrine Rousseau applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Pensez-vous que les Français attendent de nous que nous arrêtions là ce débat ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Un député du groupe LFI-NFP
Ils attendent que vous partiez !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Un débat crucial…
M. Jean-François Coulomme
Un débat pourri !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
…puisqu’il s’agit ni plus ni moins que de donner un budget et un cadre économique à ce qu’ils ont de plus précieux : la sécurité sociale. Au contraire : il faut poursuivre ce débat, qui est bien lancé. L’Assemblée nationale est le lieu de la discussion et de la fabrication de la loi ; or la loi de financement de la sécurité sociale en est bien une.
Un long chemin a été parcouru : le texte initial du gouvernement a été examiné à l’Assemblée en commission des affaires sociales – je remercie le rapporteur général et les membres de cette commission pour leur travail de qualité –, puis amendé en séance publique lors de la première lecture ; il a ensuite été examiné et modifié au Sénat, puis soumis à la commission mixte paritaire, avant de revenir ici. Nous sommes aujourd’hui tous prêts pour cette deuxième lecture du texte – enfin presque tous, si j’ai bien compris.
La copie initiale a évolué. Elle a fait l’objet de nombreuses discussions, suscité des débats de qualité. Comme l’a rappelé le président de la commission, des solutions de compromis commencent à émerger, même si rien n’est facile.
À l’évidence, l’heure n’est pas au rejet mais à la poursuite du travail parlementaire, à la recherche d’un compromis – la tâche est difficile, je suis d’accord avec le président de la commission, mais nous pouvons y arriver – afin de donner un budget pour 2026 à la sécurité sociale de notre pays.
Les délais d’examen du PLFSS étant déjà très contraints, je vous propose d’écarter cette motion de rejet et de poursuivre l’examen du texte. Le pays a besoin d’un budget de la sécurité sociale et d’un Parlement qui sait se hisser au-delà des blocages. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Explications de vote
Mme la présidente
Nous en venons aux explications de vote. La parole est à M. Éric Michoux.
M. Éric Michoux (UDR)
Le groupe UDR votera contre cette motion de rejet préalable. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Nous ne sommes pas favorables à ce PLFSS, une potion bien amère…
M. Antoine Léaument
C’est vous qui êtes amers !
M. Éric Michoux
…préparée par le docteur Lecornu…
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Il n’est pas docteur !
M. Éric Michoux
…et ses complices.
Nous pensons toutefois qu’il est nécessaire de prendre le temps du débat s’agissant d’un texte si important. L’examen du PLFSS – aussi mauvais soit celui-ci – doit nous permettre de débattre de mesures importantes pour nos soignants, pour tous ceux qui travaillent, pour nos retraités, bref pour les Français.
Aux hommes et femmes politiques d’extrême gauche – disons-le ainsi – (« Il n’y a pas d’extrême gauche ! » et exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP) qui veulent continuer à censurer et à museler l’Assemblée nationale, je réponds : non, nous ne sommes pas au Soviet suprême ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Bentz.
M. Christophe Bentz (RN)
Le groupe Rassemblement national votera contre la motion de rejet préalable du projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous examinons en nouvelle lecture, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord – nous le répétons –, nous voulons toujours que le débat de fond puisse avoir lieu. Nous souhaitons débattre de ce texte – et même le combattre – ici même. Dès lors, nous refusons de le rejeter ce soir. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Antoine Léaument
Pourtant, cet après-midi, sur le précédent texte, vous avez voté pour la motion de rejet !
M. Christophe Bentz
Nous avons été élus pour débattre sur le fond, c’est ce que les Français attendent de nous. Tel est notre rôle, telle est notre mission.
Deuxièmement, ce texte, qui était très irritant au départ, l’est encore plus puisque les sénateurs ont ajouté, dans leur version, de nouvelles mesures irritantes. Au fond, la droite sénatoriale a fait du macronisme, mais en pire. Nous, au sein du groupe Rassemblement national, nous combattrons donc vigoureusement dans l’hémicycle, article après article. Nous aborderons différemment cette deuxième lecture – nous ne voulons pas avoir les mêmes débats qu’en première lecture – en débattant principalement des fameux « irritants » ajoutés par les sénateurs.
Nous protégerons les Français face à un texte profondément injuste socialement et délétère économiquement. Nous essaierons de limiter les dégâts. En définitive, nous tenterons d’aboutir à une version du PLFSS un peu moins mauvaise, au service des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme Karine Lebon
Le texte sera mauvais de toute façon !
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-François Rousset.
M. Jean-François Rousset (EPR)
Une nouvelle fois, nous allons nous retrouver face à nos responsabilités. Après de longues heures de débats en première lecture, le projet de loi de financement de la sécurité sociale est de retour dans l’hémicycle. Jusqu’à présent, tout le monde a souhaité s’atteler à l’examen du texte et aboutir à un résultat afin qu’il soit adopté par une majorité d’entre nous. Nous devons poursuivre dans cette voie.
Or le groupe La France insoumise nous propose de faire le contraire. Leur seul objectif est d’éviter le débat, de balayer du revers de la main la discussion menée depuis plus d’un mois sur ces bancs.
Le groupe Ensemble pour la République choisit la responsabilité collective. Nous voulons proposer, amender, parfois même contester mais toujours construire. Nous devons trouver un chemin commun afin d’aboutir à un texte solide, équilibré, qui répondra aux besoins du pays. Tel est l’objectif de cette deuxième lecture.
Ce texte est indispensable pour garantir le financement de la santé des Françaises et des Français. Son rejet aurait de lourdes conséquences sur la situation du pays : aggravation du déficit de la sécurité sociale – qui pourrait atteindre plus de 30 milliards – et blocage du financement de projets essentiels pour nos territoires.
Ce texte prévoit ainsi le financement des docteurs juniors, ces médecins qui, après avoir obtenu leur thèse, viendront irriguer les territoires…
M. François Cormier-Bouligeon
C’est très important !
M. Jean-François Rousset
…mais aussi la création des maisons France Santé qui doivent améliorer l’accès aux soins. En rejetant le texte, nous écarterions d’office, sans discussion, tous ces dispositifs.
Je pourrais aussi citer l’exemple de la maladie d’Alzheimer – le groupe d’étude Alzheimer et maladies neurodégénératives s’est réuni ce matin – à laquelle le PLFSS pour 2026 prévoit de consacrer 28 millions d’euros. Si le PLFSS n’est pas voté, ces sommes ne seront pas versées. (M. Stéphane Mazars applaudit.)
Nous devons nous saisir de cette seconde chance et ne pas renoncer. Je reste convaincu qu’un accord est possible à la fin de la semaine à condition que nous acceptions le débat. C’est pourquoi le groupe Ensemble pour la République votera contre cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
Je vous informe que, sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Damien Maudet.
M. Damien Maudet (LFI-NFP)
Pourquoi avons-nous été élus ? Nous avons été élus pour stopper la folie macroniste qui affaiblit l’État et la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Nous avons aussi été élus pour éviter l’autre folie : celle qui veut nous faire croire que l’étranger serait coupable de tous les maux dont souffre la sécurité sociale. Les uns comme les autres, les macronistes comme ceux qui veulent stigmatiser les étrangers, ont le même objectif : protéger une poignée de privilégiés, que l’on gave et à cause desquels nous n’avons pas les moyens de soigner tout le monde. (Mêmes mouvements.)
Aujourd’hui, vous nous parlez de compromis. Nous n’y sommes pas forcément opposés. Le problème, c’est que le seul compromis que vous nous proposiez consiste à choisir qui, des malades, des jeunes, des retraités, des travailleurs ou des personnes modestes, devra se serrer la ceinture et payer pour protéger ceux que vous soutenez depuis des années. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Vous voulez que nous choisissions qui, de Catherine, qui souffre d’une affection longue durée, Laetitia, aide-soignante en Ehpad, ou Mohamed, apprenti, devra se serrer la ceinture pour que vous puissiez continuer d’offrir des cadeaux et des exonérations de cotisations sociales aux plus grandes entreprises. (Mêmes mouvements.)
On ne peut pas parler de compromis lorsqu’on propose, comme vous, de réduire de 6 milliards d’euros les ressources d’un système de santé déjà à l’agonie. On ne peut pas parler de compromis lorsqu’on demande, comme vous, à Lilia, qui cumule deux emplois à Boisseuil, de choisir entre se chauffer et manger.
On ne peut pas non plus parler de compromis quand Mathieu, à Ambazac, a peur de sortir sa voiture car, si celle-ci tombe en panne, il se retrouvera en difficulté financière, ou quand Nevine qui a, elle aussi, deux emplois, ne peut se nourrir qu’une fois par jour et se verra imposer une taxe sur ses frais de santé. (Mêmes mouvements.)
Non, on ne peut parler de compromis mais d’une véritable dégradation des conditions d’existence de nos compatriotes. Ce texte doit donc être renvoyé là d’où il vient. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Emmanuel Fernandes se lève pour applaudir.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Océane Godard.
Mme Océane Godard (SOC)
Après de nombreuses heures – pour ne pas dire des dizaines d’heures – passées en commission puis dans l’hémicycle, jour et nuit, pendant plusieurs semaines, nous avons modifié la copie budgétaire initiale du gouvernement, à force de dialogue et de débat. Les socialistes ont fait preuve de responsabilité et d’exigence (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. – M. François Cormier-Bouligeon applaudit également. – «Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Ils ont prouvé qu’ils avaient une conscience fine de ce dont les Françaises et les Français ont besoin : de la stabilité, un budget, de l’écoute et de l’apaisement.
Nous n’avons donc pas le compromis honteux. Je dirai même plus : aujourd’hui nous pouvons regarder calmement les Français et leur dire que 3,5 millions d’entre eux pourront partir à la retraite trois à six mois plus tôt car nous avons suspendu (« Décalé ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP) la réforme des retraites, un totem de la politique d’Emmanuel Macron. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Nous pourrons leur dire que nous protégeons leurs pensions de retraite et évitons aux 17 millions de retraités une perte de pouvoir d’achat – celle-ci aurait atteint 257 euros par an pour les retraités dont la pension moyenne s’élève à 1 500 euros mensuels net.
Nous pourrons leur dire que l’année blanche a été supprimée (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC), ce qui signifie, concrètement, que, pour les allocataires du RSA – qui perçoivent 646 euros par mois –, le gain s’élèvera à 81 euros en 2026.
Nous pourrons leur dire que l’enveloppe dédiée à l’hôpital public sera augmentée d’1 milliard d’euros, que la CSG sur le patrimoine des plus aisés sera relevée d’1,4 point, ce qui permet un rendement de près de 3 milliards sans que les petits épargnants soient touchés, que les aides à l’emploi et à l’apprentissage versées aux territoires d’outre-mer – dans le cadre de la Lodeom – ne seront pas réduites, que les franchises médicales ne doubleront pas et que les salariés continueront de bénéficier des chèques-vacances et des titres-restaurant.
Je pourrais encore citer bien d’autres avancées qui protègent les Français et ne font pas peser la réduction de la dette sur les épaules des plus vulnérables.
Alors oui, le texte est imparfait. Non, ce n’est pas le grand soir. Tel est d’ailleurs bien le sens du mot « compromis ». Toutefois, qu’irez-vous dire aux Français si cette motion de rejet est adoptée ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.) Comment leur expliquerez-vous ce choix ? Car la conséquence d’un tel vote sera la suppression de toutes les avancées que je viens de citer. Votre intransigeance mènera au rejet du budget… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice. – Plusieurs députés du groupe SOC applaudissent cette dernière.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sylvie Bonnet.
Mme Sylvie Bonnet (DR)
Alors que la Cour des comptes nous a encore alertés, le mois dernier, sur l’accumulation des déficits, le travail des parlementaires consiste précisément à répondre à l’urgence budgétaire grâce à des choix clairs et courageux. Faut-il le rappeler : sans loi de financement de la sécurité sociale, le déficit de la sécurité sociale passerait, en 2026, de 17 à 30 milliards d’euros ?
Face au mur du déficit, La France insoumise propose une énième motion de rejet qui empêcherait tout examen du PLFSS dans l’hémicycle. La stratégie de bordélisation des institutions, menée par LFI et Jean-Luc Mélenchon n’a donc aucune limite. (M. Maxime Laisney rit.)
M. Antoine Léaument
Il vous manque !
Mme Sylvie Bonnet
C’est évidemment irresponsable (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP) car notre travail de parlementaire consiste à discuter et à trouver un compromis. Faisons ce pour quoi nous avons été élus d’autant plus que le gouvernement a donné toute liberté au Parlement.
Dans la droite ligne de ce qu’il a défendu en première lecture, le groupe Droite républicaine plaidera pour une baisse des dépenses du fonctionnement de l’État et de ses opérateurs mais aussi pour une baisse de la fraude et des revenus de l’assistanat.
Nous préserverons les acquis de la première lecture, notamment le retour au dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires en vigueur en 2007.
Nous voulons évidemment qu’ait lieu ce débat budgétaire au cours duquel nous refuserons toute augmentation de taxe ou d’impôt. C’est pourquoi nous voterons contre cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS)
Dans les prochains jours, nous allons discuter du PLFSS tel qu’il a été adopté au Sénat – c’est-à-dire une copie qui est encore pire que celle qu’avait présentée le gouvernement en première lecture.
J’annonce aux collègues Insoumis que nous nous abstiendrons sur cette motion de rejet préalable afin que nous puissions discuter des recettes – nous ne désespérons pas de trouver des recettes supplémentaires.
Car il est temps de rappeler que notre système de sécurité sociale repose avant tout sur les recettes. Les différentes lectures du texte jusqu’à présent comportaient un biais : ce système a été envisagé uniquement à l’aune des dépenses, du coût qu’il représente pour la collectivité. Jamais, ou presque, nous n’avons évoqué les besoins en matière de santé ou de retraites ; jamais, ou presque, nous n’avons réellement examiné le volet recettes du PLFSS.
Les mesures et les horreurs s’accumulent, telles les perles sur un collier : gel des prestations sociales, nouvelles franchises sur les soins dentaires, création d’une taxe sur les mutuelles qui entraîne une augmentation des tarifs plus marquée pour les personnes qui paient entièrement leur mutuelle ou encore hausse de l’Ondam insuffisante alors que le système hospitalier s’effondre.
Cependant je ne parlerai pas d’« irritants » mais de lignes politiques différentes. Oui, nous voulons des recettes. Oui, nous voulons maintenir notre système de sécurité sociale. Oui, nous voulons agir en partant des besoins. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Turquois.
M. Nicolas Turquois (Dem)
L’examen du PLFSS a débuté il y a un mois dans l’hémicycle et il y a un peu plus longtemps en commission. Ceux qui me connaissent bien pourraient en témoigner : j’appréhendais la discussion de ce texte et la violence des échanges qu’elle pouvait susciter.
Or il n’en a rien été. Contrairement à la tonalité de la motion de rejet préalable, les débats dans l’hémicycle, en première lecture, puis en commission, samedi dernier, en nouvelle lecture, ont été marqués par la qualité des échanges et le respect mutuel. J’en profite pour saluer le président de la commission Frédéric Valletoux et le rapporteur général, Thibault Bazin, qui ont animé les débats avec talent.
Bien sûr, les convictions ne sont pas les mêmes sur tous les bancs. Cependant j’ai noté des points de convergence majeurs. Nous sommes tous, ici, attachés à notre sécurité sociale et nous constatons tous qu’elle est en danger.
Certes, nous ne partageons pas les mêmes analyses s’agissant des solutions à apporter. D’aucuns souhaitent augmenter les recettes, d’autres préfèrent baisser les dépenses. Certains veulent étendre le périmètre de la protection sociale, d’autres le limiter à l’essentiel.
Quoi qu’il en soit, examinons les articles et les amendements, argumentons, convainquons-nous les uns les autres ! Tel est le principe même de la démocratie représentative auquel il nous appartient de redonner toute sa force.
Pour la première fois depuis trois ans, l’examen du budget de la sécurité sociale aura lieu sans majorité absolue, sans que l’ombre du 49.3 plane au-dessus de nos débats, bref : sans qu’un gouvernement nous tienne la main ou la plume.
Alors, mes chers collègues, faisons ce pour quoi les électeurs nous ont désignés pour les représenter. Débattons et votons, essayons de trouver un compromis salvateur pour notre sécurité sociale. Mais, de grâce, ne rejetons pas ce texte sans même l’avoir examiné. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. François Gernigon.
M. François Gernigon (HOR)
Nous examinons une motion de rejet préalable déposée par La France insoumise. Chacun voit bien que le moment politique et budgétaire que connaît notre pays exige du sérieux, du dialogue et un Parlement capable de faire son travail jusqu’au bout. C’est précisément pour cette raison que le groupe Horizons et indépendants ne soutiendra pas cette motion.
Ne faisons pas mystère de nos réserves à l’égard du texte issu de la première lecture : elles sont réelles et sérieuses et nous ne manquerons pas de les exprimer sur le fond. Mais mettre un terme à l’examen avant même de le commencer reviendrait à renoncer à tout travail utile. Ce serait s’interdire de corriger ce qui doit l’être, de réorienter ce qui peut l’être et de retrouver le sérieux budgétaire nécessaire.
Refuser ce débat, ce serait accepter que le texte reste en l’état, sans confrontation, sans travail et sans possibilité d’enrichissement. Cela ne correspond pas à notre conception du rôle du Parlement. Notre responsabilité est de mener l’examen jusqu’au bout, d’entendre toutes les positions, de proposer des modifications et de contribuer à la clarté du texte.
Pour ces raisons, le groupe Horizons & indépendants votera contre cette motion de rejet préalable. Nous voulons un débat utile, rigoureux, qui permette d’améliorer ce texte avant que chacun prenne sa décision finale. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac (LIOT)
Nous ne sommes pas favorables à tous ces artifices de procédure qui empêchent notre assemblée de décider, de voter, de discuter. Nous le sommes d’autant moins que, dans la configuration actuelle. Alors qu’il n’y a pas de majorité et un gouvernement en minorité, qui a le pouvoir ? Nous ! Et il faudrait donc qu’on le laisse à je ne sais qui d’autre, au Sénat, au gouvernement ? Eh bien non ! Discutons ! Le peuple nous a donné ce pouvoir collectif. Exerçons-le !
Nous voterons évidemment contre cette motion de rejet (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem. – M. Olivier Faure applaudit également) parce que nous voulons discuter des retraites, de l’indexation, de la suspension, de l’augmentation de l’Ondam, de la taxe sur les mutuelles. Oui, nous le voulons ! Et j’espère que nous trouverons un compromis, car un compromis, ça vaut toujours mieux qu’une bonne querelle ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Karine Lebon.
Mme Karine Lebon (GDR)
En examinant un texte pour la deuxième fois, nous devrions corriger les erreurs et réparer les injustices, mais avec ce PLFSS, c’est l’inverse ! Le texte, issu de l’examen mené par une droite sénatoriale dure, est tout simplement cataclysmique pour les assurés sociaux : c’est un choc frontal !
Alors que l’Assemblée avait supprimé de nombreuses dispositions dangereuses de la version initiale du gouvernement, le Sénat a ajouté une couche de brutalité sociale en ciblant toujours les mêmes : les malades, les personnes âgées, les familles populaires, les étrangers. C’est plus de franchises, plus de contrôles, plus de suspicion, moins de droits et moins de soins ! Le Sénat nous renvoie un texte démesuré, gonflé comme jamais : ce sont trois fois plus d’articles, d’exceptions, de cavaliers législatifs et d’incantations électoralistes !
Tout le monde sait que nous n’irons pas au bout de l’examen. On nous demande d’approuver en urgence un texte hypertrophié, illisible pour les citoyens et truffé de mesures régressives que nous n’aurons même pas le temps de débattre sérieusement ! Notre assemblée s’en trouve réduite à cocher des cases dans un budget écrit ailleurs, au mépris de votre promesse d’un moment parlementaire.
Heureusement, personne n’est revenu sur la suppression de la réforme de la Lodeom. Les territoires ultramarins ont déjà payé un lourd tribut aux politiques mal calibrées, instables, décidées loin de leur réalité. Le maintien de cette suppression constitue un minimum, un point d’appui pour l’emploi et la production locale. Mais ce maigre progrès ne compense en rien la violence globale de ce texte pour l’hôpital, la ville, la psychiatrie, les retraités et la jeunesse ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et LFI-NFP.)
Refuser ce PLFSS et faire adopter cette motion de rejet permettrait d’empêcher qu’un budget bâclé, allongé à l’excès et durci par la droite dure abîme encore davantage notre sécurité sociale. (M. Jean-Victor Castor applaudit.) Pour toutes ces raisons, les députés du groupe GDR voteront très majoritairement pour cette motion de rejet, parce que cesser le débat vaut mieux que de continuer à mener un simulacre de débat. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Je mets aux voix la motion de rejet préalable.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 373
Nombre de suffrages exprimés 367
Majorité absolue 184
Pour l’adoption 56
Contre 311
(La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)
Discussion générale
Mme la présidente
Dans la discussion générale, la parole est à M. Éric Michoux.
M. Éric Michoux
Madame la présidente, monsieur le premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes biens chers collègues, 20 milliards d’euros ! À partir d’un certain montant, tout le monde écoute. Je le répète donc : le déficit de la sécurité sociale en 2026 s’élèvera à au moins 20 milliards d’euros supplémentaires. Ils s’ajouteront aux 23 milliards de déficit de 2025, qui s’ajoutent eux-mêmes aux 15 milliards de déficit de 2024, qui s’ajoutent encore aux 11 milliards de déficit de 2023, et ainsi de suite !
C’est une méthode bien française pour ruiner une affaire – ou un pays – qui marche : la confier à des technocrates, de préférence socialo-centristes ! Car, oui, le budget que vous présentez aujourd’hui est un budget de technocrates contre les travailleurs : contre les anciens travailleurs, contre les travailleurs actuels, contre les futurs travailleurs – et même contre les malades, surtout s’ils ont travaillé ! La voilà, votre cible : les salariés, les entreprises, les apprentis, les petits épargnants, les retraités et même les malades. Vous n’avez aucune limite ! Vous avez décidé de leur faire les poches : c’est du racket organisé !
En bref, vous faites passer à la caisse le monde du travail : les pensions de retraite, les cotisations des mutuelles, les médicaments génériques, les apprentis, les cotisations patronales et la CSG. Vous ciblez également les médecins et les radiothérapeutes. Lorsque l’on force les médecins à baisser leurs tarifs à ce point, il ne faut plus s’étonner qu’il y ait des déserts médicaux !
Du haut de votre déconnexion, vous oubliez une chose essentielle : le consentement de nos concitoyens à l’impôt. Pour paraphraser le mot d’Audiard, bientôt, les Français n’auront plus que l’impôt sur les os.
Un déficit supplémentaire de 20 milliards pour la sécurité sociale, mais rien sur les économies nécessaires ! Pourtant, ce ne sont pas les pistes qui manquent. On pourrait intensifier la lutte contre la fraude sociale, rationaliser l’aide médicale de l’État (AME), supprimer les agences qui ne servent à rien – sinon à recaser les copains, socialistes de préférence – ou encore lutter contre le trafic des cartes Vitale. Au lieu de ça, on taxe ceux qui bossent, ceux qui cotisent et les malades, encore et toujours. Bravo les Mozart de la finance, ou plutôt les bizarres de la finance ! À ce niveau d’incompétence, ça devient gênant. Si on devait taxer la bêtise fiscale, nous n’aurions plus de problème de déficit !
Le tout dans un pays où 65 % des Français ont déjà renoncé à se soigner, où 87 % du territoire est classé désert médical, où 65 % des médecins refusent de nouveaux patients, où 19 % des Français vivent sous le seuil de pauvreté.
Tout cela est le résultat de petites magouilles du gouvernement socialo-centriste. Après nous avoir inventé France Services, France Travail et France Santé, vous nous proposez France Magouilles pour espérer sauver vos postes de députés ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UDR et RN.) Ceux qui dictent le budget ont réalisé la performance – écoutez bien ce chiffre ! – d’obtenir 1,75 % des suffrages aux dernières élections présidentielles. Bravo la légitimité !
Ce budget de la sécurité sociale, c’est le budget de ceux qui n’aiment pas le travail, qui n’aiment pas l’entreprise, qui, en fait, n’aiment pas la France. Tout le monde les a reconnus : c’est l’extrême gauche ! (Mêmes mouvements.)
Pourtant, la France est belle, généreuse, éternelle ! Elle mérite mieux que vos magouilles de couloirs et vos alliances de circonstance.
M. Antoine Léaument
Et la France est républicaine, contrairement à vous !
M. Éric Michoux
À ceux qui l’aiment encore : vive la République et vive la France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Joëlle Mélin.
Mme Joëlle Mélin
L’élaboration du PLFSS pour 2026 – et plus encore celle du projet de loi de finances – a montré à quel point nous sommes au bout du système de construction de nos textes législatifs français. Vous, monsieur le premier ministre, et vous, mesdames et messieurs les ministres, ne cessez de clamer qu’il faut un compromis à tout prix, de dire aux députés et aux sénateurs qu’ils doivent prendre leurs responsabilités, qu’ils ont la main, tandis que vous n’avez aucune responsabilité dans ce fiasco.
Pourtant, ce sont bien vos gouvernements Hollande-Macron successifs qui ont, depuis treize ans, laissé filer la dette et n’ont pas réagi alors nous dépensons tous les ans 13 milliards d’euros de plus que nous n’en engrangeons. Cette moyenne est bien connue et nous amène toujours à déplacer les plafonds d’emprunt. Cette année, c’est au tour du plafond de l’Acoss qui a augmenté de 70 milliards d’euros depuis 2013, dont 20 milliards depuis l’année dernière. La Cades ne sera bien évidemment pas close en 2033, puisque nous l’avons encore chargée cette année, et cela à des taux de plus en plus élevés.
L’article liminaire devient donc pathétique tant il ne rassure plus personne : il suffit d’écouter les agences de notations. Vos tableaux d’équilibre passés et à venir doivent subir des deltas de rattrapage importants, ce qui marque une incapacité de contrôler, non une dette, mais un surendettement auquel personne ne peut vraiment s’attaquer. Vous ne cessez de couvrir des déficits multiples par des transferts qui, entre autres, ont déjà englouti en deux ans les réserves de certains régimes spéciaux de retraite.
Concernant les recettes, vous restez aveugles à la réalité. Comme l’impôt tue l’impôt, vos taxes et prélèvements finissent par saper les richesses productives, c’est-à-dire celles de demain. Il en va ainsi des jeunes entreprises innovantes, qui vont mourir dans l’?uf ou se jeter dans les bras des étrangers si elles ne sont pas aidées dès les premières années, ou du soutien fort à l’apprentissage, que l’on a pourtant délégué au privé du fait de l’incurie de notre enseignement professionnel.
Cela ne vous gêne pas de diminuer les petits avantages du quotidien – je pense aux compléments de revenu comme les chèques-vacances ou cadeaux –, de prendre le risque de voir flamber durablement le montant des assurances complémentaires ou de puiser dans les plans d’épargne retraite (PER) et les plans d’épargne populaire (PEP) !
Le pire, c’est que certaines dispositions rejetées par l’Assemblée nous sont revenues partiellement du fait du Sénat, qui a opéré cette année un virage à 180 degrés par rapport à ses positions de 2025. Vous êtes par ailleurs trop contents que la gauche, de manière compulsive, demande à taxer, taxer toujours plus ce qui finit par ressembler à un petit brin de laine sur un mouton.
Quant à vos économies sur les dépenses, qui ciblent majoritairement la santé, elles sont aussi pathétiques. Vous fragilisez grandement les lourds plateaux techniques des radiologues, des radiothérapeutes, des vasculaires ou des officines pharmaceutiques pour quelques centaines de millions. Si on les rapporte aux 666 milliards de la sécurité sociale, on voit bien que nous sommes au bout du bout. Il est clair que, pour le cas où l’Assemblée voterait à nouveau contre ces mauvaises économies, vous avez déjà préparé vos décrets de rétablissement, je pense aux remises pharmaceutiques ou au doublement des franchises.
Concernant les retraites, vous taxez du coût de l’inflation tous les retraités de France, dont la grande majorité se trouve au seuil de pauvreté, soit 60 % du salaire médian. Comme si vous aviez le droit de les rendre encore plus pauvres !
Quant aux familles, la restriction du soutien de l’État à leur égard est à l’origine évidente de la baisse des naissances. Si le coût d’un enfant s’amortit dans un budget actuel de classe moyenne, celui de deux enfants nécessite des sacrifices, et celui de trois n’est même plus envisagé malgré le désir de naissances. Est-il normal que notre pays soit amené à distribuer 150 milliards d’euros d’aides et de prestations non contributives pour un ou plusieurs membres de chaque famille nombreuse, en tout cas pour les plus précaires ?
Le destin de nos retraites par répartition, lui aussi, est scellé !
Votre responsabilité est donc totale à court, moyen ou long terme. Pourtant, vous auriez des marges de manœuvre dans une gestion beaucoup plus efficace des comptes, à commencer par la mise en place de logiciels fiables et congruents, et de règles comptables communes à toutes les branches ; cela devient une évidence quand il s’agit de la lutte contre les fraudes de toutes sortes et de la lutte contre l’immigration. In fine, vos projections pour les années à venir sont entachées d’incertitudes graves puisque vous ne maîtrisez même plus les leviers économiques nationaux : flambée de la dette de l’État, chute vertigineuse du commerce extérieur, perte de souveraineté alimentaire, fragilité diplomatique, etc. Merci donc pour toutes vos leçons de droit fiscal ou d’économie budgétaire… Mais non merci ! Nous préférons écouter les Français et trouver des solutions de bon sens et surtout efficaces, plutôt que suivre vos propositions. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Annie Vidal.
Mme Annie Vidal
Nous abordons l’examen de la nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale après son examen au Sénat. Le bicamérisme, c’est le dialogue certes, mais souvent aussi le constat de divergences.
Sur ce PLFSS, il y a des points de convergence, à commencer par la réintroduction des articles obligatoires. En effet, supprimer ces articles, c’est méconnaître l’article 34 de la Constitution qui prévoit que « les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et […] fixent ses objectifs de dépenses ». Je pense également aux avancées en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes à la retraite, ou encore à la nécessité de ne pas modifier la prestation de compensation du handicap ou l’allocation de solidarité aux personnes âgées en cas d’indemnisation.
Il y a aussi des points de désaccord majeurs qui concernent notamment la suspension de la réforme des retraites, le gel des pensions de retraite et des prestations, la fiscalité comportementale, la remise en cause du soutien à la politique d’apprentissage que nous avons mise en place en 2018 et différentes taxations issues de nos débats en première lecture. Je ne dresserai pas une liste complète. Cela a conduit à une commission mixte paritaire non conclusive, comme souvent d’ailleurs sur les textes budgétaires.
M. Jérôme Guedj
Elle était conclusive l’année dernière, et Barnier était tombé ; ce sera le contraire cette année.
Mme Annie Vidal
J’exprime un regret : en première lecture, le débat a été empêché, suite à la suppression d’articles pourtant essentiels, notamment celui sur le gel des pensions de retraite, et j’espère que cette nouvelle lecture nous offrira la possibilité de débattre de tous les articles.
Chers collègues, je veux le dire ici solennellement : nous portons une lourde responsabilité aujourd’hui et dans les jours à venir. Serons-nous collectivement capables de doter la sécurité sociale d’un budget ? Et vous le savez toutes et tous : il n’y a pas de loi spéciale pour la sécurité sociale.
Ne pas voter ce PLFSS et ce sont des moyens supplémentaires qui ne seront pas mobilisés pour nos hôpitaux, pour les structures du médico-social et pour la politique vaccinale, entre autres.
Ne pas voter ce PLFSS, c’est priver les Français d’avancées pour mieux lutter contre les déserts médicaux, pour mieux reconnaître les maladies professionnelles, pour mieux recouvrir les pensions alimentaires, pour mieux accompagner les parents grâce au congé de naissance et pour mieux protéger les femmes.
Ne pas voter ce PLFSS, c’est l’absence d’augmentation de l’Ondam.
Ne pas voter ce PLFSS, c’est un déficit encore plus grand.
L’absence de loi de financement de la sécurité sociale affaiblirait ainsi durablement notre système de protection sociale. Il nous appartient donc de proposer au vote, à l’issue de nos débats, un budget de compromis. Le groupe EPR restera attentif aux impacts des mesures proposées sur le travail et sur l’emploi, et donc à l’équilibre des cotisations qui financent pour partie la sécurité sociale.
Nous pensons, et cette conviction est partagée au sein du bloc central, qu’il est possible de soigner aussi bien en dépensant mieux grâce à des mesures pertinentes qui ne dégradent pas la qualité de la prise en charge des patients, à laquelle nous sommes tous ici très attachés.
Enfin, permettez-moi d’insister sur le réseau France Santé qui va utilement soutenir les professionnels de santé dans l’amélioration de l’accès aux soins, particulièrement dans les zones rurales, et donner ainsi aux patients une meilleure visibilité de l’offre de soins à proximité de leur lieu de résidence. Rappelons que nous nous trouvons dans un contexte budgétaire particulièrement contraint puisque depuis l’après crise sanitaire, nous constituons, d’année en année, une dette sociale qui pèsera mécaniquement sur les générations futures.
Nous, nous suivons une ligne, celle de la responsabilité, de la justice et du compromis, et je suis convaincue qu’il y a dans cet hémicycle, beaucoup de députés, voire une majorité, qui souhaitent qu’un budget puisse être voté. Ce ne sera pas le budget du gouvernement, ni celui de la droite, ni celui de la gauche, ni celui du centre, mais le budget établi par les parlementaires, au prix de certains renoncements, pour les Françaises et les Français parce que nous le leur devons !
Au-delà de ce budget, une réflexion profonde sur le financement de la protection sociale s’impose pour que dans quatre-vingts ans, la sécurité sociale soit toujours aussi universelle, solidaire et protectrice, comme nous l’aimons aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Ségolène Amiot.
Mme Ségolène Amiot
Il y a quatre semaines, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale commençait. Je rappelais alors, au nom du groupe La France insoumise, à quel point ce budget serait un désastre. Le gouvernement avait en effet décidé de taper sur les malades, sur les accidentés du travail, sur les jeunes, sur les femmes, sur les retraités, sur les travailleuses et les travailleurs, sur les personnes handicapées, sur les fonctionnaires de la santé et du social, ainsi que sur les familles.
Quatre semaines plus tard, je recommence.
Le gouvernement a toujours décidé de taper sur 68 millions de personnes, sauf évidemment sur les 500 premières fortunes de France avec la complicité, évidemment, de la majorité LR du Sénat. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Antoine Vermorel-Marques
Toujours dans la finesse !
Mme Ségolène Amiot
Nous ne devons pas voter un budget qui affecte les personnes en affection longue durée. Plus généralement, il frappera toutes les personnes qui tomberont malades en 2026 en portant le reste à charge au titre des franchises jusqu’à 350 euros par an, notamment les malades les plus précaires, ceux qui ne peuvent pas accéder à des complémentaires, et jusqu’aux mineurs de l’aide sociale à l’enfance dont le Sénat supprime le bilan de santé !
Non contents de précariser les malades, le gouvernement et le Sénat ont décidé de s’attaquer aussi aux agents de l’hôpital – qui les soignent pourtant – en reportant l’ouverture d’une complémentaire santé pour le personnel soignant d’une part, et en imposant la pire cure d’économies que l’hôpital ait connue depuis 2010 d’autre part. Les hôpitaux se voient imposer 7 milliards d’économies supplémentaires, ce qui se traduira par des soignants en moins et des soins de moins bonne qualité – comme au CHU de Nantes où les soins dentaires s’effectuent maintenant avec une seule demi-dose d’anesthésiant, faute de moyens. Voter ce budget, c’est donc porter le coup de grâce à l’hôpital et à celles et ceux qui le font tenir.
Les travailleuses et les travailleurs vont devoir faire plus d’efforts que les entreprises pour augmenter les recettes. D’ailleurs, le Sénat a voulu allonger le temps de travail annuel de douze heures – bien entendu sans majoration ! Chassez la suppression de deux jours fériés, elle revient par la fenêtre sénatoriale. Elle a bon dos votre valeur travail alors qu’il s’agit en réalité d’exploitation.
Taper sur les familles, sur les retraités ou encore sur les privés d’emploi, voilà l’objectif que vous ne pouvez plus cacher car vous allez geler les aides sociales. Dans les fantasmes de M. Farandou, les foyers qui vivent des minima sociaux vivraient mieux que les foyers qui travaillent. Remercions à nouveau l’institut du doigt mouillé pour la précision de cette affirmation mensongère.
M. Antoine Léaument
Bien dit !
Mme Ségolène Amiot
La réalité, c’est que les aides sociales permettent à peine de vivre. Surtout quel aveu : si les travailleurs sont très mal payés, augmentons-les, imposons l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, et tout cela financera la sécu !
Vous entendez aussi geler les pensions de retraite. Grâce à la mascarade du décalage de la réforme des retraites – que le Sénat a rejeté –, le PS est prêt à toutes les compromissions pour garder cette mesurette qui sera payée, soyez-en certains, par tous et toutes, par tous les retraités actuels et futurs. Pire, ce décalage acterait la validation par l’Assemblée Nationale de la retraite à 64 ans. Ce n’est pas le mandat qui nous a été confié par les Françaises et les Français ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Pendant ce temps, les grandes entreprises sont chouchoutées. Le Sénat a ainsi supprimé les cotisations sociales sur les revenus de ceux qui ne produisent rien : les actionnaires. Il a aussi créé de nouvelles exonérations sociales, pour les armateurs par exemple – les amis de M. Retailleau, comme M. Saadé et compagnie, doivent s’en frotter les mains. Enfin, il a créé des exonérations pour la SNCF, la RATP et les industries électriques et gazières afin de compenser leur ouverture à la concurrence, c’est-à-dire pour limiter la casse due à la seule loi qui vaut à leurs yeux : la loi du marché. Au total, 88 milliards d’euros d’exonérations sont prévus dans ce budget, dont au moins 5 milliards non compensés qui vont donc immédiatement alourdir la dette.
Il faudrait à l’inverse, pour redresser notre système de solidarité, partir des besoins : 3,4 milliards d’euros supplémentaires pour la psychiatrie publique et 3,5 milliards supplémentaires pour l’hôpital public ; le financement de la santé et de la sécurité des travailleuses et des travailleurs ; le financement adéquat pour le handicap et pour l’autonomie ; l’accompagnement des familles, notamment des mères isolées, par la défiscalisation des pensions alimentaires – que le RN nous a empêchés de voter durant notre niche – ; l’abrogation de l’infâme réforme des retraites ; aller chercher les recettes afférentes auprès de ceux qui évitent à tout prix de cotiser : les plus riches et les multinationales ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Voilà un budget que nous aurions pu voter, un budget qui part de la base : les besoins du peuple.
Mais, avec celui qui nous est soumis, il n’en est rien ! Nous voterons contre. Et au besoin, nous censurerons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jérôme Guedj.
M. Jérôme Guedj
Ce n’est jamais la bonne manière de répondre aux besoins des Français de le faire dans le cadre de ce que sont devenus les PLFSS depuis quelques années. En effet, comme à chacune des discussions générales qui en ouvrent l’examen, je veux redire qu’on ne peut plus continuer ainsi. Et peut-être est-ce encore moins possible cette année, car il n’est pas bon de ne pas avoir une vision qui parte des besoins de la population, des objectifs de santé publique, des attentes de la politique familiale, et aussi des attentes de la politique des retraites.
Or il n’y a pas de programmation en matière de grand âge ni de programmation en matière de politique de santé. Nous ne disposons pas non plus les leviers que nous appelons de nos vœux, à savoir des réformes structurelles de notre système de santé à partir notamment de la territorialisation ou du questionnement de la répartition entre assurance maladie obligatoire et assurance maladie complémentaire. Cela fait pourtant partie des sujets qui ont été beaucoup évoqués à l’occasion de ce PLFSS. Dans ce texte, il n’y a pas non plus le fameux virage de la prévention.
Bref, depuis des années, au gré des PLFSS, nous adoptons une approche à la fois pointilliste et impressionniste des politiques sociales qui se décline finalement en des dizaines d’articles. Ils forment une sorte d’inventaire à la Prévert et ne nous permettent pas d’avoir une vision globale.
Pourtant, il y a bien des lois de programmation en matière de défense, en matière de justice ou en matière de police. Je rêve d’un jour où tout le monde considérera que le social, c’est du régalien (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LIOT. – Mme Josy Poueyto applaudit également) et que, comme sur les autres sujets régaliens, on doit pouvoir programmer. Je l’aurais dit au premier ministre s’il était encore parmi nous, François Bayrou avait pris l’engagement dans son discours de politique générale de réfléchir à une loi de programmation en santé. Il ne l’a pas fait.
M. Philippe Vigier
C’est vrai !
M. Jérôme Guedj
Sébastien Lecornu n’a pas pris cet engagement,…
M. Philippe Vigier
Il va le faire ! (Sourires.)
M. Jérôme Guedj
…alors qu’il le fasse. Et si l’année prochaine peut être utile à préparer le grand rendez-vous de 2007, c’est pour qu’elle nous offre l’opportunité de vraiment réfléchir à l’assurance maladie obligatoire (AMO) et à l’assurance maladie complémentaire (AMC), de vraiment réfléchir sur une loi de programmation en santé et sur une loi de programmation en matière de grand âge.
J’ai pris deux minutes de mon temps de parole pour lever la tête du guidon, mais l’actualité consiste à chercher une voie d’atterrissage du PLFSS pour 2026. Le Sénat a décidé de se dépouiller de ses prérogatives de construction du compromis avec nous. C’est son choix. Il nous revient donc, à l’occasion de la nouvelle lecture qui débute, de le construire, autour de quelques principes.
Oui, nous souhaitons réduire le déficit de la sécurité sociale et le ramener vers la borne d’environ 20 milliards d’euros qu’a indiquée Mme la ministre et qui nous paraît pertinente. C’est le cadre dans lequel nous devons évoluer.
Nous avons la conviction que, dans la palette des outils, celui que constituent les recettes ne peut être balayé d’un revers de la main. Nous accueillons donc avec intérêt des éléments qui ont émergé de la discussion même s’ils sont parfois passés un peu sous les radars. Si le PLFSS aboutissait à la compensation intégrale des exonérations, que demandent nos amis écologistes et tant d’autres, ce serait un élément très important que je vous inviterais à plus et mieux valoriser. Sur ce sujet, Thibault Bazin a mené le combat pour les 2,5 milliards d’euros correspondant à la part salariale du dispositif en faveur des heures supplémentaires.
M. Jean-Paul Mattei
Absolument !
M. Jérôme Guedj
La baisse des exonérations de cotisations sociales amorcée l’année dernière va dans la bonne direction. Nous pourrions peut-être l’amplifier. Mme la ministre a parlé d’agir sur les compléments de salaire. Nous considérons que cela va dans la bonne direction et j’espère que tout le monde aura la sagesse de comprendre que c’est indispensable. Enfin, nous avons ouvert le chantier de l’élargissement de la CSG sur les revenus du capital, non par dogmatisme mais parce que nous pensons qu’une telle contribution serait juste.
Nous souhaitons que le texte comporte des avancées. À nos yeux, la principale est évidemment la suspension de la réforme des retraites, mais je pourrais aussi citer les mesures concernant les femmes, le congé de naissance ou les moyens supplémentaires que nous avons pu obtenir pour l’hôpital.
Au cours de cette nouvelle lecture, nous souhaitons continuer à écarter les mesures qui nous posent problème, de l’année blanche à la création de nouvelles franchises, ou de la retouche de la Lodeom aux apprentis en passant par le gel du barème de la CSG. Nous assumons aussi vouloir faire des économies et lutter contre la fraude.
Dans les dix secondes qui me restent, je vais évidemment parler des deux ou trois sujets du dernier kilomètre, ceux à régler pour que nous puissions construire le compromis que nous appelons de nos vœux. Ils renvoient aux prérogatives de l’exécutif. Le doublement des franchises, qui soulève beaucoup d’objections, relève d’un décret. Nous avons besoin de connaître, alors que nous commençons nos débats, le sort qui sera fait à cette mesure. Il en va de même pour les allégements généraux, à propos desquels nous voulons savoir s’il existe une marge de manœuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La suite de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale est renvoyée à la prochaine séance.
4. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinq.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra