Première séance du mardi 01 juillet 2025
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Ouverture de la session extraordinaire
- 2. Questions au gouvernement
- Situation des urgences hospitalières face à la canicule
- Examen de la proposition de loi pour lutter contre les mariages simulés et arrangés
- Évolution institutionnelle de la Guyane
- Abaissement du plafond des remises sur les médicaments génériques
- Français détenus à l’étranger
- Politique migratoire
- Réchauffement climatique
- Transition écologique
- Épisode caniculaire
- Abaissement du plafond des remises sur les médicaments génériques
- Lutte contre les déserts médicaux
- Lutte contre l’inceste
- Proposition de loi Duplomb
- Contamination alimentaire dans l’Aisne
- Visite d’État du président de la République au Royaume-Uni
- Budget de la défense
- Industrie du transport routier
- 3. Programmation pour la refondation de Mayotte - Département-région de Mayotte
- 4. Motion de censure
- Mme Estelle Mercier
- M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique
- M. Thibault Bazin
- M. Benjamin Lucas-Lundy
- Mme Geneviève Darrieussecq
- Mme Anne Le Hénanff
- M. Laurent Panifous
- M. Stéphane Peu
- M. Maxime Michelet
- M. Gaëtan Dussausaye (RN)
- M. Stéphane Vojetta (EPR)
- M. Hadrien Clouet (LFI-NFP)
- Suspension et reprise de la séance
- 5. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Ouverture de la session extraordinaire
Mme la présidente
En application des articles 29 et 30 de la Constitution, je déclare ouverte la session extraordinaire convoquée par le président de la République par décret du 11 juin 2025.
2. Questions au gouvernement
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.
Situation des urgences hospitalières face à la canicule
Mme la présidente
La parole est à M. Guillaume Garot.
M. Guillaume Garot
La canicule frappe durement, davantage encore les plus pauvres et les plus fragiles. Les injustices sociales aggravent les effets du climat. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.) Concrètement, ceux qui vivent dans des logements sans isolation – les bouilloires thermiques – comme ceux qui sont les plus vulnérables – les enfants et les personnes âgées – sont les plus exposés.
Il est évidemment utile de conseiller à chacun de boire régulièrement et de rester au frais. Les messages de prévention sont nécessaires, mais vous conviendrez qu’ils sont insuffisants,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Oui, c’est un peu léger !
M. Guillaume Garot
…surtout si les épisodes de canicule se répètent chaque été et s’allongent, constituant ainsi un risque sanitaire majeur, d’autant plus que nos hôpitaux sont déjà sous forte tension. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.) Le président Macron avait promis en avril 2023 de régler le problème des urgences en dix-huit mois : promesse sans lendemain.
Plusieurs députés du groupe SOC
Il n’a rien réglé !
M. Guillaume Garot
En 2024, deux services d’urgence sur trois ont fermé au moins une journée durant les mois de juillet et août. Nous sommes en juillet 2025 et la situation s’est dégradée : des services engorgés, contraints de fermer certains jours et certaines nuits, faute de médecins urgentistes disponibles. (Mêmes mouvements.) Nous savons ce qu’il en est en Mayenne, comme dans bien d’autres départements de France, hélas.
Monsieur le ministre de la santé, comment nos hôpitaux passeront-ils l’été ? Pouvez-vous donner aux Français la garantie qu’ils seront partout bien accueillis aux urgences, maintenant mais aussi tous les jours de toute l’année ? C’est un enjeu de santé et un impératif de justice entre tous les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes EcoS et LIOT. – M. Sacha Houlié applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Votre question est l’occasion de rappeler la nécessité des gestes de prévention à l’égard des plus fragiles, notamment les personnes âgées, handicapées et sans domicile, ainsi que les enfants. Nous avons tous la responsabilité de souligner le rôle essentiel de la prévention. Vous soulevez aussi un enjeu majeur : la capacité d’accueil des patients dans les services d’urgence, tant dans l’Hexagone qu’en outre-mer, dans de bonnes conditions.
Mon ministère a anticipé la situation que nous traversons en renforçant les liens avec les municipalités, les sapeurs-pompiers, la sécurité civile et la Croix-Rouge. Nous nous appuyons tout particulièrement sur la mobilisation des élus locaux et des maires. Grâce à eux, les fichiers des personnes vulnérables sont exploités afin de dispenser les premiers gestes de prévention et de favoriser l’aller vers ce « dernier kilomètre », souvent assuré par les acteurs du domicile, les centres communaux d’action sociale, et complété par des bénévoles.
Ne nous voilons pas la face quant à la situation des urgences et aux difficultés qu’elles rencontrent. Vous avez évoqué une situation qui vous tient particulièrement à cœur et qui vous mobilise, celle de la Mayenne. Je m’y rendrai ce vendredi pour rencontrer les élus des trois sites hospitaliers, ainsi que l’ensemble des organisations syndicales, afin de définir ensemble l’organisation territoriale de la prise en charge des soins, nécessaire tant dans votre département que dans l’ensemble du territoire national. (Mme Valérie Bazin-Malgras applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Guillaume Garot, à qui il reste une seconde. (Sourires.)
M. Guillaume Garot
Cela ne suffira pas, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Examen de la proposition de loi pour lutter
contre les mariages simulés et arrangés
Mme la présidente
La parole est à M. Matthieu Bloch.
M. Matthieu Bloch
Jeudi dernier, lors de la journée réservée au groupe UDR, nous défendions une proposition de loi pour lutter contre les mariages simulés et arrangés, véritables moyens d’obtention frauduleuse de titres de séjour et d’évitement des obligations de quitter le territoire français. Face à nos propositions, la gauche de l’hémicycle a choisi l’obstruction, oscillant, comme à son habitude, entre le burlesque et le grotesque. (M. Jean-Paul Lecoq s’exclame.)
Ce qui est plus grave, c’est que le gouvernement avait les moyens de mettre un terme à cette obstruction. L’article 44, alinéa 2, de la Constitution vous permettait de balayer ces amendements dilatoires. Votre garde des sceaux Gérald Darmanin n’en a rien fait. Pourtant, ce texte reprenait mot pour mot le texte issu du Sénat. En outre, le président de la République avait déclaré à la télévision que le procès dont Robert Ménard fait l’objet était « ubuesque » et qu’il souhaitait voir cette proposition de loi inscrite rapidement à notre ordre du jour. Était-ce un mensonge de plus ?
Pire encore : le garde des sceaux a sciemment laissé filer le temps, pour finir par feindre la surprise dans l’hémicycle. Comble du cynisme, il a osé accuser notre président Éric Ciotti d’avoir mal géré notre journée, ce qui constitue une inversion accusatoire indigne. (Exclamations sur quelques bancs des groupes SOC, EcoS et Dem.)
Monsieur le premier ministre, où étiez-vous ? Avez-vous donné l’ordre à votre ministre de la justice de saborder ce texte tant attendu par les Français ? Avez-vous cautionné ses manigances, trahissant ainsi la parole présidentielle ? Et surtout, que dites-vous aux maires de France, laissés seuls face aux mariages frauduleux parce que votre gouvernement a préféré la tambouille politicienne à l’intérêt des Français ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN. – Mme Dieynaba Diop s’exclame.)
Comment osez-vous prétendre défendre ces maires, alors que le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau a laissé ses propres troupes du groupe DR boycotter purement et simplement le débat et le vote de ce texte ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Mme Dieynaba Diop
C’est vous qui êtes partis !
M. Matthieu Bloch
Enfin, nous demandons que ce texte soit réinscrit, dans les plus brefs délais, à l’ordre du jour de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement
L’épisode de jeudi dernier est, en effet, regrettable. Il est naturel que chaque groupe parlementaire éprouve l’envie et le besoin de faire progresser ses propositions et ses contributions au débat. Toutefois – et je le dis ici en tant que ministre chargé des relations avec le Parlement – la niche parlementaire réservée au groupe présidé par M. Ciotti était extrêmement touffue,…
M. Fabien Di Filippo
Ils ont même retiré le premier texte, ils ne savent même pas ce qu’ils présentent !
M. Patrick Mignola, ministre délégué
…avec de nombreux textes soulevant des débats polémiques, du moins dans l’hémicycle – pour le gouvernement, chaque débat est parfaitement légitime, et il est logique que des forces politiques s’opposent, en particulier sur de tels sujets.
S’agissant du texte que vous mentionnez, même si l’un des principaux articles de votre proposition de loi a été rejeté, le gouvernement – vous le savez, puisque le ministre s’est exprimé en ce sens – était disposé à avancer avec vous, dans le souci de mieux accompagner les maires, tout en veillant à ne pas rompre avec les principes fondamentaux de notre tradition juridique et de l’État de droit.
M. Julien Odoul
Il a bon dos, l’État de droit !
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Naturellement, nous ne pouvons que déplorer que l’obstruction ait empêché d’aller au bout de l’examen de ce texte. Je ne doute pas que, grâce à vos propositions comme à celles d’autres groupes, le débat se poursuivra. Le gouvernement veillera à en garantir la continuité et à en favoriser les conditions.
S’agissant de l’article 44, alinéa 2, le gouvernement ne recourt à cette procédure que lorsqu’une majorité des groupes de l’Assemblée y est favorable. Tel n’était pas le cas ; c’est pourquoi le garde des sceaux, ministre de la justice, ne l’a pas appliquée, bien que le gouvernement l’y ait effectivement autorisé. (M. Emmanuel Fouquart s’exclame.)
Je ne puis que vous inviter, lors de votre prochaine niche parlementaire, à présenter moins de textes. (Mmes Brigitte Liso et Stéphanie Rist applaudissent. – Protestations sur les bancs des groupes UDR et RN.) Sur le fond, je souhaite que le débat se poursuive dans de bonnes conditions.
Mme la présidente
Je vous rappelle, monsieur le ministre, que le nombre de textes inscrits dans une niche parlementaire est une prérogative des groupes politiques, qui constitue un droit sacré de l’opposition. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. Erwan Balanant et M. Patrick Mignola, ministre délégué
C’était une invitation !
Évolution institutionnelle de la Guyane
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Victor Castor.
M. Jean-Victor Castor
Lors du déplacement de M. Manuel Valls en Guyane, il a fallu que la société civile et les élus, lassés du tourisme ministériel de tous les gouvernements, arrachent une réunion consacrée au projet unanime d’autonomie de la Guyane. Le 16 juin dernier, devant l’ensemble des élus réunis en congrès, le ministre a annoncé la reprise du processus d’évolution statutaire, avec une première rencontre au ministère des outre-mer dans la première quinzaine de juillet, suivie dans la foulée d’une seconde entrevue avec le président Macron.
Nous sommes le 1er juillet et aucun élu de Guyane n’a reçu la moindre convocation pour ces réunions de travail. Ma question est donc simple : quand comptez-vous recevoir les élus de Guyane afin de poursuivre les discussions sur l’autonomie ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS. – M. Yannick Monnet applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, ministre des outre-mer.
M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer
Vous l’avez rappelé, lors de mon récent déplacement je me suis exprimé devant le congrès des élus de Guyane et la commission spéciale institutionnelle, composée notamment de représentants de la société civile. J’ai répondu sans délai à l’invitation du président Gabriel Serville. À cette occasion, j’ai proposé d’entamer un travail de fond sur l’ensemble des enjeux propres à la Guyane, auxquels il convient d’apporter une réponse globale.
Sur la question statutaire, j’ai pris l’engagement de renouer le fil du dialogue. Le congrès des élus de Guyane – j’en informe l’ensemble de la représentation nationale – a adopté à l’unanimité plusieurs délibérations en vue de proposer un schéma institutionnel. Je m’engage à ce que le document d’orientation serve de base aux premières discussions. Ainsi que nous en sommes convenus avec le président Gabriel Serville, j’entends réunir, dans les meilleurs délais, une délégation d’élus que le président de la République s’est également engagé à recevoir.
Je récuse l’expression de « tourisme ministériel ». La Guyane est un territoire français, il est donc légitime que les ministres s’y rendent pour étudier les dossiers qui concernent ce département, cette région, ce territoire confronté à des défis considérables que nous devons relever ensemble. J’ai une parole, et ces rendez-vous auront lieu dans les meilleurs délais, dès que chacun sera disponible.
M. Louis Boyard
On le saurait si vous aviez une parole !
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Victor Castor.
M. Jean-Victor Castor
Le ministre ne nous a pas communiqué de dates. Pour sortir la Guyane du marasme administratif, économique, écologique, sanitaire et éducatif dans lequel une gestion normative inadaptée et trop souvent absurde l’a plongée, la question de l’autonomie est vitale. Que l’ensemble de la représentation nationale le sache : le congrès des élus de Guyane réunit les cinquante-cinq élus territoriaux, les quatre parlementaires, les vingt-deux maires des communes et les présidents des quatre établissements publics de coopération intercommunale.
À deux reprises, en 2020 et en 2022, le congrès a voté unanimement. Quoi de plus démocratique qu’une telle demande ? C’est en 2017, à la suite d’un mouvement social qui a réuni plus de 40 000 personnes, que le protocole a été enclenché et publié au Journal officiel. Si nous attendons encore, cela fera bientôt dix ans ! La parole de l’État doit être respectée. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et LFI-NFP. – Mme Danielle Simonnet applaudit également.) Nous avons connu tous les premiers ministres, et les réponses sont toujours les mêmes : elles sont dilatoires. Je rappelle pour finir que nous avions commencé des négociations avec M. Darmanin, mais qu’il a décidé unilatéralement, à Paris, de tout arrêter. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Manuel Valls, ministre d’État
Les élus guyanais, à commencer par le président Gabriel Serville, ont souhaité que je m’exprime devant le congrès ; je l’ai fait. Nous avons pris l’engagement d’organiser des réunions de travail ; elles auront lieu. Cette semaine sera, vous le savez parfaitement, largement consacrée à la Nouvelle-Calédonie. Plutôt que de s’invectiver ou de mettre en cause l’engagement de l’État, je vous propose un dialogue constructif et franc pour déterminer l’avenir politique, institutionnel, économique et social de la Guyane. C’est ce que vous attendez, c’est ce qu’attendent les Guyanais, et je serai au rendez-vous. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
Abaissement du plafond des remises sur les médicaments génériques
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Pierre Bataille.
M. Jean-Pierre Bataille
En tant que pharmacien d’officine, je suis profondément attaché à notre maillage officinal de proximité, désormais gravement menacé. Depuis ce matin, les pharmaciens sont en grève pour dénoncer un projet de réforme brutal : la réduction de moitié des remises sur les médicaments génériques, décidée unilatéralement par la direction de la sécurité sociale, sans concertation préalable avec les représentants de la profession, ceux-ci n’ayant été reçus que le 20 juin alors que la réforme devait s’appliquer dès le 1er juillet. Le plafond actuel de 40 % pourrait chuter à 20 ou 25 %, voire à 2,5 % dès aujourd’hui, faute de texte transitoire.
Cette mesure entraînerait une perte estimée à 600 millions d’euros pour le réseau officinal, soit l’équivalent de 30 000 euros par officine, ce qui représente 30 % de l’excédent brut d’exploitation. Ses conséquences seraient lourdes : 20 000 emplois seraient supprimés, près de 40 % des officines du réseau seraient menacées de fermeture et l’accès aux soins serait dégradé, notamment dans les zones sous-dotées, où les pharmacies sont souvent l’unique recours. Ces effets financiers, matériels et humains vont à l’encontre de l’évolution récente de la profession, qui a joué un rôle fondamental pendant la crise du covid et s’est vu attribuer des missions élargies – dépistage, prévention et coordination des soins à domicile. Les pharmaciens ont su évoluer au service de la santé publique ; ne les oubliez pas.
Cette orientation est d’autant plus incompréhensible qu’elle fragilise un levier de régulation efficace qui permet chaque année des économies substantielles. Quel intérêt y aura-t-il à envoyer des médecins en consultation dans des territoires où les pharmacies auront fermé ? Je rappelle que, depuis cinq ans, 200 pharmacies disparaissent annuellement.
Je poserai deux questions simples. Prendrez-vous, sans délai, un arrêté pour maintenir le plafond de remises sur les génériques le temps d’une véritable concertation ? Êtes-vous prêts à renoncer à cette réforme si elle met en péril l’équilibre économique des pharmacies et l’accès aux soins des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Vous posez la question du maillage des officines de pharmacie dans les territoires et de la difficulté de maintenir la viabilité économique des petites pharmacies de proximité. Celles-ci jouent pourtant un rôle fondamental auprès des patients, à qui elles permettent de s’approvisionner en médicaments non loin de chez eux.
J’ai reçu ce midi les organisations syndicales pour évoquer la réforme des remises sur les médicaments génériques. Un arrêté a été pris pour suspendre la baisse du plafond et pour laisser les négociations se dérouler. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur plusieurs bancs des groupes EPR, SOC, Dem et HOR.) De très nombreux parlementaires m’ont alerté à ce sujet.
Mme Stéphanie Rist
C’est la preuve que la régulation ne marche pas !
M. Yannick Neuder, ministre
Nous sommes en train de progresser en matière de lutte contre les déserts médicaux ; y ajouter des déserts pharmaceutiques n’arrangera rien. Il faut maintenir ouvertes les officines de proximité : près de 300 d’entre elles ferment chaque année. Je salue le travail des syndicats, mais surtout celui des unions régionales des professionnels de santé représentant les pharmaciens. Ensemble, en concertation avec la Caisse nationale de l’assurance maladie, nous réfléchissons à des mécanismes de compensation destinés à préserver les pharmacies de proximité, particulièrement dans les zones rurales. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
Français détenus à l’étranger
Mme la présidente
La parole est à Mme Naïma Moutchou.
Mme Naïma Moutchou
Quand un journaliste français est condamné à sept ans de prison en Algérie, la question n’est pas seulement diplomatique, elle est éminemment politique. En vérité, elle engage toute la France. Christophe Gleizes est collaborateur des magazines So Foot et Society. Il enquête, il écrit, il raconte sa passion du football depuis plus d’une décennie. Il n’est ni un activiste ni un provocateur, mais, sous prétexte qu’il aurait échangé, il y a près de dix ans, avec une figure criminalisée bien des années plus tard par Alger, il se trouve désormais enfermé pour avoir fait son travail. Ce n’est pas une dérive, c’est une instrumentalisation politique de la justice par un régime autoritaire qui bâillonne la critique et qui veut régler ses comptes avec la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR et LIOT.)
L’affaire Boualem Sansal confirme ce climat de tension. Cinq ans de prison – cinq ans, à nouveau –, ont été prononcés ce matin même, en appel, contre l’écrivain français. Boualem Sansal, âgé de 75 ans et malade, a été, lui aussi, assigné au silence pour ses mots. (Les députés des groupes HOR, RN, EPR, SOC, DR, EcoS, Dem, LIOT, UDR, les députés non inscrits ainsi que de très nombreux députés des groupes LFI-NFP et GDR se lèvent et applaudissent longuement.) Même méthode, même arbitraire. Et toujours aucun signe de vie de Cécile Kohler et de Jacques Paris, retenus en Iran depuis bientôt trois ans, deux visages de plus dans cette longue liste de Français détenus par des régimes qui bafouent l’État de droit. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes HOR, EPR et EcoS.)
La France ne peut pas rester timorée. Elle ne peut pas ménager les pouvoirs qui enferment pendant que certains – jusqu’ici, sur ces bancs – choisissent de leur dérouler le tapis rouge, grisés par des honneurs illusoires, quand leurs propres compatriotes croupissent dans l’ombre. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR, RN, EPR, DR, Dem, LIOT et UDR. – MM. Emmanuel Maurel et Stéphane Peu applaudissent également.) Il est temps d’être clair. Protéger nos compatriotes, c’est tenir tête aux régimes qui les emprisonnent injustement. C’est aussi refuser que certains ici servent de caution diplomatique à ces régimes. Je vous demande une parole forte pour les Français détenus illégalement à travers le monde…
Mme Danielle Simonnet
Pour tous les prisonniers politiques !
Mme Naïma Moutchou
…ainsi qu’une stratégie claire pour les défendre et pour défendre nos principes. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR, RN, EPR, DR, Dem et UDR ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
Deux mille trois cents compatriotes détenus à l’étranger bénéficient de l’accompagnement des services consulaires du ministère des affaires étrangères. Certains d’entre eux sont détenus arbitrairement, retenus otages ou pire encore ; alors, la diplomatie française tout entière se mobilise pour obtenir leur libération. C’est ainsi qu’avec un immense soulagement, nous avons accueilli, il y a quelques mois, la nouvelle de la libération de notre compatriote Ofer Kalderon, après quatre cent quatre-vingt-quatre jours passés dans l’enfer des tunnels de Gaza. C’est avec le même soulagement que nous avons appris la libération d’Olivier Grondeau, après huit cent quatre-vingt-sept jours passés dans des prisons iraniennes, ou celle de Théo Clerc, après quatre cent vingt-deux jours de détention en Azerbaïdjan. (Mme Danielle Brulebois applaudit.)
J’ai, comme vous, une pensée particulière pour Cécile Kohler et pour Jacques Paris (Applaudissements sur de nombreux bancs), retenus otages en Iran depuis plus de trois ans, dans des conditions indignes assimilables à de la torture. Après avoir exercé une très forte pression sur les autorités iraniennes, nous avons obtenu que notre chargé d’affaires en Iran leur rende visite aujourd’hui.
Je m’indigne avec vous de la condamnation en appel de notre compatriote Boualem Sansal. Elle est incompréhensible et injustifiable. Maintenant que la procédure est arrivée à son terme, les autorités algériennes se trouvent face à un choix. Elles peuvent faire celui de la responsabilité, de l’humanité et du respect (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN) en permettant à notre compatriote d’être libéré et soigné, compte tenu de son état de santé et de son âge.
S’agissant de Christophe Gleizes, nous sommes à ses côtés depuis le jour de son arrestation, en mai 2024. Nous avons été vivement choqués par sa condamnation extrêmement lourde en première instance – sept ans de prison – et nous nous mobiliserons pour obtenir sa libération. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem. – M. Philippe Brun applaudit également.)
M. Emeric Salmon
Cela ne doit pas rassurer sa famille !
Politique migratoire
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Limongi.
M. Julien Limongi
Monsieur le ministre de l’intérieur, je serai très direct et très sincère : je ne crois pas en vous. Comme beaucoup de jeunes Français patriotes, je n’ai jamais cru en cette droite qui parle fort sur les plateaux télé et disparaît des bancs de l’Assemblée dès qu’il s’agit de voter pour défendre les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et UDR.) C’est pourquoi je me suis engagé au Rassemblement national, aux côtés de Marine Le Pen et de Jordan Bardella – et chaque jour, les faits nous donnent raison.
Les chiffres sur l’immigration publiés par votre propre ministère sont tombés la semaine dernière. Ils sont accablants : plus de 4,3 millions de titres de séjour étaient en circulation en 2024.
M. Antoine Vermorel-Marques
Mensonge !
M. Julien Limongi
Je ferai une seule comparaison : vous en avez octroyé 343 000 en 2024, contre 172 000 en 2007. C’est le double ! Je ne parle même pas de l’immigration clandestine, hors de tout contrôle. Bref, tout explose. Tout cela provoque des bouleversements culturels profonds. Même à Nangis, au cœur des campagnes de la Brie, des fillettes portent désormais le voile. Voilà où mène votre politique : à l’effacement progressif de notre identité. Les Français n’ont jamais voté pour subir cette immigration massive et incontrôlée. Et que faites-vous ? Absolument rien. Votre fameuse réponse graduée face au régime d’Alger ? Inexistante. C’est Boualem Sansal qui en paye aujourd’hui le prix.
M. Antoine Vermorel-Marques
Mensonge !
M. Nicolas Forissier
Tout en nuance !
M. Julien Limongi
En réalité, vous marchez dans les pas du catastrophique Gérald Darmanin qui, la semaine dernière encore, s’est aplati devant l’extrême gauche pour bloquer l’interdiction des mariages blancs avec des clandestins. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.) Vous incarnez les derniers soubresauts d’un système à bout de souffle. À quoi servent donc vos discours de fermeté si, dans les faits, vous soumettez notre pays à l’immigration massive ? L’heure est venue de tourner la page ; et cette page, c’est nous qui l’écrirons. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur
Depuis quelques semaines, vous me gratifiez d’attaques régulières, voire constantes.
M. Patrick Hetzel
Eh oui ! On se demande pourquoi…
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
J’y vois une marque d’intérêt. Comme on dit chez moi, il vaut mieux faire envie que pitié. (Sourires et applaudissements sur quelques bancs du groupe DR. – « Quel melon ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.) Je veux bien être tenu pour responsable, mais seulement de mes propres décisions.
Mme Caroline Colombier
Vous ne faites rien !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
J’ai été nommé au ministère de l’intérieur en octobre 2024 ; pensez-vous sérieusement qu’on peut tout inverser en quelques mois ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.) Je ne le crois pas.
M. Emeric Salmon
Si vous ne le croyez pas, partez !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Je pense, comme beaucoup de mes compatriotes, que la France n’a plus la capacité ni les moyens d’intégrer de plus en plus d’étrangers. Le peuple de France, comme tous les peuples d’Europe, nous demande de reprendre le contrôle. C’est ce que je fais. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN.) À l’échelle internationale, nous multiplions les accords avec les pays d’origine et de transit. À l’échelle européenne, pour la première fois, la désastreuse directive relative au retour des ressortissants de pays tiers sera modifiée. Enfin, à l’échelle nationale, j’obtiens des résultats par des actes et des circulaires très fermes.
Ainsi, la France est, de toute l’Europe des Vingt-Sept, le pays qui a éloigné le plus d’étrangers en situation irrégulière au premier trimestre 2025. Je tire ce chiffre d’Eurostat ; vous pourrez le vérifier. En outre, ces derniers mois, les régularisations ont baissé de 30 %,…
M. Erwan Balanant
C’est bien dommage ! Il y a beaucoup de gens à régulariser !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
…les naturalisations ont baissé de 17 % (Mme Sandrine Rousseau s’exclame) et les éloignements forcés ont augmenté de 17 %. (Vives exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Il reste beaucoup à faire, et ce serait mentir aux Français que de leur dire que tout peut être réglé d’un coup de baguette magique. En tout cas, rien ne sera réglé par des attaques, par des vidéos TikTok ou par des slogans sommaires. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN. – Bruit.) Les choses sont plus compliquées que cela. Nous obtenons des résultats ; mon premier résultat, c’est d’avoir inversé une tendance présente depuis des années ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Limongi.
M. Julien Limongi
Sachant que vous avez confié les clés de votre projet à Jean-François Copé, figure de l’islamodroitisme et du pain au chocolat à 15 centimes, permettez-nous d’avoir quelques doutes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Mme Mathilde Feld fait des mouvements de brasse.)
Réchauffement climatique
Mme la présidente
La parole est à Mme Graziella Melchior.
Mme Graziella Melchior
Notre pays vit une vague de chaleur inédite. Les records s’accumulent : les températures dépassent les 40° C et nous avons vécu les nuits les plus chaudes jamais enregistrées pour un mois de juin. J’adresse une pensée particulière à celles et ceux qui sont aujourd’hui contraints de travailler à l’extérieur, en plein soleil. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem et HOR ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC. – M. Thomas Ménagé applaudit également.)
Au moment où certains sur ces bancs tentent de détricoter les avancées écologiques historiques que nous avons permises (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem – Exclamations et rires sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS),…
M. Sylvain Maillard
Elle a raison !
M. Jean-René Cazeneuve
Eh oui ! La gauche ne les a pas votées !
Mme Graziella Melchior
…l’urgence climatique se rappelle à nous. Au nom de mon groupe Ensemble pour la République, j’affirme que nous ne céderons rien s’agissant de nos ambitions.
Il nous faut construire des réponses de long terme.
J’ai la conviction que l’école doit être le moteur de la transition écologique en formant des citoyens éclairés. En décembre 2023, dans un rapport relatif à l’adaptation de l’école aux enjeux climatiques, nous défendions notamment l’éducation au contact de la nature. (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI-NFP.) En ces temps de canicule, je voudrais inviter les enseignants à faire classe dehors, dans les parcs ou les forêts qui constituent des îlots de fraîcheur. Ce point est d’ailleurs au cœur d’une proposition de loi transpartisane que nous allons déposer avec mes collègues Florence Herouin-Léautey et Jérémie Iordanoff.
L’école doit aussi être exemplaire : la rénovation du bâti scolaire et la végétalisation des cours de récréation sont fondamentales pour affronter les bouleversements climatiques qui vont s’accélérer. Rappelons que, depuis 2020, le président de la République a fait de ce chantier une priorité de l’État en fixant pour objectif la rénovation de 10 000 écoles d’ici à 2027 et de 40 000 d’ici à 2034. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS. – Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Madame la ministre de la transition écologique, pouvez-vous nous indiquer comment vous entendez contribuer à la rénovation du bâti scolaire et plus largement des établissements publics ainsi qu’à la renaturation des espaces ? Plus généralement, pouvez-vous nous détailler vos ambitions pour adapter notre société au changement climatique ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche
Je veux d’abord exprimer tout mon soutien à nos concitoyens qui sont exposés à cette chaleur accablante, notamment aux travailleurs. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – M. Mathieu Lefèvre applaudit.)
Mme Sabrina Sebaihi
Ils le sont à cause de vous !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Nous prenons soin de ces derniers (Protestations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS) :…
Mme Danielle Simonnet
Pipeau !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
…un décret les concernant entre en vigueur aujourd’hui, précisément parce que nous avons anticipé ces épisodes caniculaires liés au dérèglement climatique. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme Élise Leboucher
Vous n’avez rien anticipé !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Je veux aussi saluer l’engagement exemplaire des soignants, des services de secours, des collectivités locales et de toutes celles et ceux qui sont aujourd’hui mobilisés sur le terrain.
Vous avez raison : il est exclu d’attendre ou de reculer. Nous n’avons pas attendu que certains proposent de climatiser des bâtiments pour nous en préoccuper ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Depuis 2004, chaque Ehpad doit disposer d’une pièce rafraîchie. (Mêmes mouvements.) Chaque directeur doit respecter cette obligation ; il y va de sa responsabilité. Depuis 2023, en tant que ministre de la transition énergétique, j’ai fait en sorte que nous soutenions, à travers le dispositif MaPrimeRénov’, les gestes de rénovation qui permettent d’améliorer le confort l’été dans les logements. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme Julie Laernoes
MaPrimeRénov’, ça n’existe plus !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Il y a deux ans, nous avons lancé l’opération EduRénov’, qui permet de rénover thermiquement des écoles avec l’appui du fonds Vert, des collectivités locales et de la Banque des territoires. Cette opération a permis de rénover 5 000 écoles. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Vincent Descoeur
Ce n’est pas l’État qui s’en charge, ce sont les collectivités !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Le président de la République ayant fixé un objectif de 40 000 écoles rénovées en dix ans, nous sommes sur la bonne route et nous poursuivrons nos efforts.
Contrairement à vous, certains se complaisent dans la contradiction en votant contre la programmation pluriannuelle de l’énergie, laquelle prévoit de tripler les réseaux de froid et la climatisation. Nous préférons l’action et nous pouvons compter sur l’appui de votre groupe politique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme Sabrina Sebaihi
Ils détricotent toutes les lois sur l’écologie, vous ne pouvez pas dire ça ! Et quand nous avons commencé à examiner la loi Duplomb, ils n’étaient que quinze !
Transition écologique
Mme la présidente
La parole est à M. Sylvain Carrière.
M. Sylvain Carrière
En 2015, la France se félicitait de signer les accords de Paris. Dix ans plus tard, l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5° C n’est déjà plus atteignable.
En 2019, les marches pour le climat faisaient battre le pavé à des milliers de jeunes.
M. Hervé de Lépinau
D’ailleurs, on voit bien que les températures ont beaucoup baissé depuis !
M. Sylvain Carrière
À ce cri du cœur, vous répondez par une inaction coupable.
La vague de chaleur que nous traversons n’est qu’un avant-goût. Aujourd’hui, les enfants étouffent dans les salles de classe (Exclamations sur les bancs du groupe RN) et les seniors souffrent dans les Ehpad, tout comme l’ensemble des salariés, à qui je tiens d’ailleurs à rendre hommage. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
Un tiers des logements sont des bouilloires thermiques. Aucune route, aucun chemin de fer, aucun système agricole n’est adapté à un monde où il ferait en moyenne 4° C de plus.
Alors que nos garrigues brûlent, la Macronie attise les flammes aux côtés de l’internationale réactionnaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS. – Protestations sur les bancs du groupe EPR.) Le budget alloué à l’écologie a baissé de 20 % l’année dernière. Vous êtes passés en force pour construire de nouvelles autoroutes ou des mégabassines qui assèchent les nappes phréatiques. Je ne parle même pas des pesticides, qui concurrencent le réchauffement climatique dans l’extermination des pollinisateurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
Madame la ministre de la transition écologique, de combien de degrés supplémentaires, de combien d’accidents du travail, de combien de désastres agricoles, de combien d’années d’inaction avez-vous encore besoin pour enfin donner un sens à l’intitulé de votre ministère ? (Mêmes mouvements.)
À La France insoumise, nous sommes prêts à engager la bifurcation écologique.
M. Vincent Descoeur
Vous êtes prêts à faire beaucoup de choses !
M. Sylvain Carrière
Nous sommes prêts pour la grande planification, celle qui découle de l’écologie populaire et prend en compte les besoins. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Notre groupe vient d’ailleurs de publier un plan canicule. Nous y proposons de procéder à des rénovations thermiques massives, d’adapter les villes en luttant contre les îlots de chaleur et de protéger les travailleurs face aux températures extrêmes. Ce sont là de premières mesures ; d’autres suivront, issues du programme jugé le plus écologique de la dernière présidentielle. (Mêmes mouvements.)
Madame la ministre, le monde suffoque : le temps de votre inaction doit cesser. (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent vivement ce dernier. – M. Charles Fournier applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche
Le placement de quatorze départements, dont ceux d’Île-de-France, en vigilance rouge en raison de la canicule nous rappelle avec une acuité brutale que le dérèglement climatique n’est pas une abstraction qui prendra forme demain.
Mme Clémence Guetté
Qui aurait pu prédire ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
C’est une réalité qui touche en premier lieu les plus vulnérables, ceux qui sont mal logés, qui vivent dans des îlots de chaleur et qui subissent de plein fouet cette vague de chaleur. L’écologie populaire (Rires et vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS) que je défends avec ce gouvernement ne se contente pas d’injonctions moralisatrices, mais améliore la vie quotidienne.
M. Jean-Claude Raux
Personne n’y croit !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
L’écologie populaire (Mêmes mouvements) que je défends a permis de rénover thermiquement le logement de plus de 1,2 million de ménages en ciblant d’abord les classes moyennes et populaires.
Mme Julie Laernoes
C’est l’absence d’écologie que vous défendez !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Grâce à l’appui du fonds Vert et de la Banque des territoires, elle a aussi débouché sur la rénovation de 5 000 écoles ces deux dernières années. Elle permet d’accéder à une voiture à faibles émissions de carbone à partir de 100 euros par mois. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Ce leasing social a accompagné 1 million de ménages qui désiraient changer de véhicules. L’écologie populaire (Rires et vives exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP) que je défends a fait baisser les émissions de gaz à effet de serre de 20 % ces sept dernières années.
À La France insoumise, on soutient l’écologie, mais quand il faut voter contre les ZFE, on est toujours présent ! (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Pierre Cordier
Nous aussi !
Épisode caniculaire
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Bonnet.
M. Nicolas Bonnet
Monsieur le premier ministre, nous assistons au rituel du début de l’été : certains s’étonnent de voir le thermomètre dépasser les 30, 35 et parfois 40° C. (MM. François Cormier-Bouligeon et Bertrand Sorre s’esclaffent.)
M. Fabien Di Filippo
Ça s’appelle l’été !
M. Nicolas Bonnet
Mais la seule surprise avec cette chaleur, c’est qu’elle vous surprenne encore !
« Qui aurait pu prédire ? », a dit le président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.) Pourtant, depuis plusieurs décennies, les scientifiques ont annoncé et démontré que la multiplication et l’intensification des vagues de chaleur sont l’une des conséquences directes du réchauffement de notre planète. (Mêmes mouvements.)
Dans ce contexte, on ne peut que constater l’impréparation du gouvernement et de l’État. Alors que Météo-France nous alertait depuis la semaine dernière sur les vagues de chaleur, pourquoi a-t-il fallu attendre dimanche soir pour qu’une cellule de crise interministérielle soit convoquée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – Mme Soumya Bourouaha applaudit également.)
Mais c’est plus qu’une crise : on ne peut plus se contenter d’appeler chacun à rester chez soi et à boire de l’eau. Pour pouvoir faire face aux canicules, notre pays a besoin d’une adaptation structurelle et transformationnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Alexis Corbière
Eh oui !
M. Nicolas Bonnet
Plus d’un logement sur trois devient une bouilloire inhabitable à chaque vague de chaleur.
Face à l’inaction des gouvernements successifs, je tiens à saluer le travail de la Fondation pour le logement des défavorisés, qui a œuvré pour qu’une proposition de loi transpartisane portant des mesures concrètes pour adapter rapidement les logements aux chaleurs extrêmes soit élaborée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
Nous ne sommes pas davantage prêts en ce qui concerne les bâtiments accueillant du public, notamment les personnes les plus vulnérables – personnes âgées, malades, enfants. Dans certaines villes comme Tours, les maires n’ont pas eu d’autre choix que de fermer les écoles, car c’était cela ou assumer la responsabilité de laisser plus de trente enfants par classe dans des salles à 40° C. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Alexis Corbière
Incroyable !
M. Nicolas Bonnet
Je pense également à celles et ceux dont les conditions de travail deviennent insupportables : il est urgent de les protéger en autorisant la modification des horaires et l’arrêt du travail lorsque c’est nécessaire.
Je ne rentrerai pas dans le détail des nombreux trains annulés aujourd’hui, par exemple sur la ligne qui relie Paris et Clermont-Ferrand, que je connais bien, ou encore des centrales nucléaires mises à l’arrêt.
Il est clair que l’adaptation sera de plus en plus difficile et coûteuse. C’est pourquoi il est indispensable de freiner le changement climatique en réduisant drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
Monsieur le premier ministre, je vous invite à regarder en face les enjeux du changement climatique… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Plusieurs députés du groupe EcoS applaudissent ce dernier.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Plusieurs députés du groupe RN
Encore ?
Un député du groupe DR
On est punis ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche
Vous n’avez pas eu le temps de formuler votre question, mais vous mettez le doigt sur la situation à laquelle nous sommes confrontés. L’épisode caniculaire que nous vivons est lié au dérèglement climatique. Face à ce type de phénomènes, il faut mener une politique écologique visant deux objectifs.
Nous devons d’abord continuer à faire baisser les émissions de gaz à effet de serre car elles sont à l’origine du dérèglement climatique. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.) C’est en poursuivant nos efforts que nous pourrons limiter autant que possible la transformation de nos conditions de vie.
Il faut ensuite préparer l’adaptation au changement climatique. Au mois de mars, j’ai présenté un plan en ce sens,…
M. Pierre Cordier
Je, je, je !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
…qui a recueilli le soutien presque unanime du Conseil national de la transition écologique. Je rappelle que cette instance réunit des représentants des entreprises, des syndicats, des associations environnementales, des jeunes – c’est important – ainsi que des élus locaux et nationaux. Ce plan contient une cinquantaine de mesures et 200 actions concrètes qui permettront de répondre point par point aux enjeux de l’adaptation au changement climatique.
Il faut adapter nos infrastructures – énergie, eau, bâtiments –, améliorer notre culture du risque et accompagner les populations, notamment sur le plan sanitaire. En effet, les épisodes de canicule sont propices à l’apparition de nouvelles maladies sur notre territoire – je pense notamment à la diffusion du chikungunya dans l’Hexagone.
Tous ces éléments composent une politique interministérielle à laquelle nous consacrons des investissements massifs : cette année, plus de 2 milliards d’euros sont engagés pour l’adaptation au changement climatique. Vous pouvez compter sur le gouvernement pour agir.
Mme Julie Laernoes
Non, ce n’est pas vrai ! Lorsqu’on coupe dans le fonds Vert, on ne peut pas dire ça !
Abaissement du plafond des remises sur les médicaments génériques
Mme la présidente
La parole est à Mme Géraldine Grangier.
Mme Géraldine Grangier
Le 20 juin, le ministère de la santé annonçait un projet de plafonnement drastique des remises commerciales sur les médicaments génériques, hybrides et biosimilaires – une décision technocratique aux conséquences humaines et sanitaires dramatiques.
Les remises, jusqu’ici plafonnées à 40 %, constituent une part essentielle de la marge des pharmacies donc de leur équilibre économique. Or vous vous apprêtez à abaisser le plafond à 20 ou 25 %, voire à 15 % pour les biosimilaires. Résultat : 6 000 pharmacies sont aujourd’hui menacées de fermeture, soit près de 30 % du réseau. Et ce sont nos territoires ruraux, déjà sinistrés sur le plan médical, qui seront les premiers touchés. Les pharmaciens sont aujourd’hui dans la rue pour vous alerter : jusqu’à 20 % du personnel pourrait être licencié. Cette mesure risque de mettre au chômage des milliers de professionnels qualifiés.
Les premières conséquences se feront sentir dès le 1er juillet : arrêt des gardes, ralentissement administratif des communications avec l’assurance maladie, et, d’ici septembre, suspension de la télétransmission, licenciements, impossibilité d’assurer la vaccination antigrippale ou de délivrer les traitements les plus onéreux.
C’est un effondrement silencieux qui se prépare avec, à très court terme, une désorganisation complète de la prise en charge des patients fragiles, une aggravation des pénuries de médicaments et une rupture du lien social que le réseau officinal incarne au quotidien dans nos villes et nos villages. Les pharmacies françaises accueillent 4 millions de personnes par jour !
Vos prédécesseurs ont mis plusieurs générations à construire le maillage officinal qui fait aujourd’hui la force du système de santé français. Il relève de votre responsabilité de ne pas voir disparaître ce modèle.
Aussi, nous vous demandons solennellement de retirer ce projet et de maintenir strictement la réglementation actuelle, avec une marge réglementée et une remise commerciale plafonnée à 40 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN, sur plusieurs bancs du groupe UDR et sur quelques bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Hervé de Lépinau
Yannick, ne nous déçoit pas !
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Le ministère est en permanence en lien avec les différents professionnels de santé pour assurer un double maillage, à la fois par une action sanitaire de proximité et par la répartition des soins de santé sur tout le territoire. Nous n’avons donc pas attendu votre question pour nous assurer que les pharmacies jouent le rôle essentiel qui est le leur en matière de proximité.
M. Hervé de Lépinau
Pourquoi les pharmaciens sont-ils dans la rue alors ?
M. Yannick Neuder, ministre
Les discussions budgétaires qui ont lieu en ce moment sont très compliquées. Oui, je vous l’annonce, l’arrêté maintenant le plafond de remise sur les médicaments génériques a été signé hier. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.) Il prolonge le plafond actuel et constitue surtout une base de discussion. Car je partage votre analyse : les déserts pharmaceutiques ne vont certainement pas améliorer la lutte contre les déserts médicaux. Nous devons donc travailler avec les pharmaciens, parce qu’ils jouent un rôle de proximité essentiel, en particulier dans les territoires ruraux. Avec les syndicats et les unions régionales des professionnels de santé qui ont travaillé au maillage territorial, nous allons réfléchir à la meilleure manière d’accompagner les pharmacies dans le cadre du PLFSS. Elles sont fondamentales pour la prise en charge de nos patients dans l’Hexagone et dans les outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback applaudit également.)
Lutte contre les déserts médicaux
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Martineau.
M. Éric Martineau
Quelques jours après la présentation par le gouvernement des zones prioritaires en matière d’accès aux soins, je souhaite adresser une question à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, Mme Catherine Vautrin.
Le groupe Les Démocrates tient en premier lieu à saluer le fait que, sous l’impulsion du premier ministre, sous votre impulsion également, madame la ministre, le gouvernement s’est saisi de la question des déserts médicaux,…
M. Antoine Léaument
Menteur !
M. Éric Martineau
…l’une des préoccupations quotidiennes des Français. Dès septembre, les zones identifiées comme les plus fragiles vont ainsi bénéficier de missions de solidarité territoriale : des médecins volontaires, avec le soutien de l’ensemble des acteurs locaux, viendront renforcer l’offre de soins. C’est une mesure concrète, qui va produire des effets rapidement pour 2,5 millions de Français, mais, vous le savez, elle n’est pas suffisante. En effet, de nombreux territoires, pourtant durement confrontés à la désertification médicale, ne figurent pas dans ces zones prioritaires. C’est notamment le cas de la Sarthe, dont je suis élu – j’associe mon collègue Jean-Carles Grelier à ma question –, alors même que je reçois chaque semaine dans ma permanence des concitoyens qui n’arrivent pas à trouver de médecin. Et la situation va s’aggraver avec le vieillissement de la population et les départs à la retraite non remplacés de médecins.
C’est pourquoi il y a urgence à déployer un plan d’ensemble prévoyant davantage de formations pour les médecins, la simplification de l’organisation de leur travail et, disons-le, le renforcement global de l’attractivité des territoires. Ce plan doit s’appuyer sur les initiatives parlementaires, bien souvent transpartisanes, prises pour lutter contre les déserts médicaux. Je pense notamment à la proposition de loi Garot. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
Aussi ma question sera-t-elle double. Tout d’abord, qu’est-il prévu pour les territoires qui, à ce jour, ne figurent pas dans les zones prioritaires mais qui rencontrent de vraies difficultés d’accès aux soins ? Ensuite, comment le gouvernement compte-t-il déployer, dans les prochaines semaines, les autres mesures du plan de lutte contre les déserts médicaux annoncé par le premier ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Il me sera difficile de vous présenter en deux minutes l’ensemble des mesures du pacte de lutte contre les déserts médicaux annoncé par le premier ministre. Nous avons établi une carte avec Catherine Vautrin, les préfets, les directeurs d’ARS, les professionnels de santé et les élus, et défini 151 premières zones prioritaires particulièrement dépourvues sur le plan médical et couvrant environ 2,5 millions d’habitants, zones qui bénéficieront d’une collaboration médicale collective. Cela ne signifie toutefois pas que nous considérons les autres zones comme non concernées par la désertification médicale – je rappelle que 87 % du territoire est touché par ce phénomène.
Nous avons prévu d’autres dispositifs pour accompagner les territoires. Je pense notamment aux 3 700 « docteurs juniors » qui vont s’y installer. Nous déterminons actuellement les lieux de stage avec les médecins qui prendront en charge ces jeunes. Je pense aussi à l’amélioration de la régularisation des praticiens diplômés hors de l’Union européenne. Enfin, vous l’avez dit, nous devons revoir notre objectif de formation, ce que nous avons fait le 18 juin en supprimant le numerus apertus dans la continuité de la suppression du numerus clausus en 2019. Nous pourrons ainsi former plus et bien, selon les besoins, et proposer des voies d’accès aux étudiants partis à l’étranger faire leurs études du fait d’un système beaucoup trop restrictif.
Toutes ces mesures vont se cumuler. Au total, 50 000 médecins supplémentaires vont se déployer dans les territoires d’ici à 2027. La première étape commencera en septembre, mais nous travaillons d’arrache-pied avec tous les acteurs pour faire reculer les déserts médicaux et répondre ainsi à une demande très forte des territoires. La prise en charge des patients est le souci principal des élus locaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Mme Danielle Brulebois applaudit également.)
Lutte contre l’inceste
Mme la présidente
La parole est à M. Christian Baptiste.
M. Christian Baptiste
En France, en 2025, notre code pénal ne reconnaît toujours pas l’inceste comme une infraction autonome : l’inceste n’est qu’une circonstance aggravante, comme si violer son propre enfant ne constituait pas un crime à part entière. Ce vide juridique appelle une réponse éminemment politique. Dans les territoires dits d’outre-mer, cette réalité est d’autant plus criante que les victimes font face à un triple mur : le tabou culturel, l’isolement géographique et le manque de dispositifs adaptés. Contrairement à l’Hexagone, la Guadeloupe ne possède aucune unité d’accueil pédiatrique des enfants en danger. Depuis des mois, je travaille avec des associations comme Femmes d’outre-mer et du monde ou Incesticide France à l’organisation d’un colloque sur l’inceste à l’Assemblée nationale. Des mères, des psychologues, des victimes, tous racontent les mêmes scènes d’effroi : des enfants signalés, placés, puis rendus à leur agresseur présumé ; des mères poursuivies pour avoir voulu protéger leurs enfants. Selon le rapport de la Ciivise, publié en novembre 2023, en cas d’inceste, seulement 1 % des plaintes aboutissent à une condamnation. Cette impunité structurelle n’est plus tenable. C’est pourquoi je prépare une proposition de loi transpartisane pour combler ce vide. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR.)
Monsieur le ministre de la justice, mes questions sont simples. Tout d’abord, quand allez-vous reconnaître l’inceste comme un crime autonome, comme l’ont fait l’Allemagne, la Norvège, la Tunisie et l’Argentine ? (Mêmes mouvements.) Ensuite, pourquoi le témoignage d’un enfant, ses symptômes et sa peur ne suffisent-ils pas pour déclencher une instruction judiciaire ? Enfin, quand allez-vous protéger les victimes, et non les bourreaux, de ce fléau qu’est l’inceste ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EcoS et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, ministre des outre-mer.
Mme Sandrine Rousseau
Mais non, c’est au ministre de la justice de répondre !
M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer
Il n’est pas là ! Que voulez-vous que je vous dise ?
Monsieur Baptiste, votre question porte sur un sujet extrêmement lourd, qui appelle mieux, à mon avis, que la polémique et l’art oratoire, et qui mérite plutôt de rechercher tous les formes possibles de dialogue. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SOC.)
Une première unité d’accueil pédiatrique des enfants en danger a vu le jour en outre-mer, en l’occurrence en Guadeloupe, il y a quelques mois. Cette unité, vous avez raison, doit permettre d’assurer une prise en charge rapide et adaptée des enfants vulnérables et en danger. Installée au sein de l’unité médico-judiciaire, cette structure offre un cadre sécurisé et spécialisé pour la prise en charge médico-psychologique des enfants de 0 à 8 ans confrontés aux drames que vous avez évoqués.
Le gouvernement a confié à Dominique Laurens, procureure générale, une mission relative au renforcement de la coordination des UAPED. Un rapport est attendu le 30 septembre 2025, mais comme nous serons en Guadeloupe mi-septembre avec le ministre de la santé, nous aurons sans aucun doute l’occasion d’en parler avec les acteurs sur place. La mission pourra évidemment se poursuivre afin d’organiser la mise en œuvre rapide des recommandations du rapport.
En complément, pour faciliter l’audition des mineurs victimes, des espaces spécifiques ont été créés dans les unités de gendarmerie et de police et dans les structures hospitalières : les salles Mélanie, que votre collègue Aurélien Rousseau doit connaître, spécialement aménagées et équipées, offrent un cadre adapté au recueil de la parole. La politique volontariste de développement de ces salles répond par ailleurs, vous le savez, à la recommandation formulée par la Ciivise.
Quant à la réponse pénale, la loi du 21 avril 2021 et les modifications concernant les victimes mineures de crimes sexuels en série vont dans le sens de votre préoccupation. Je suis en tout cas disponible pour travailler à toute évolution législative sur le sujet avec le garde des sceaux. (Regagnant sa place, M. le ministre d’État apostrophe Mme Béatrice Bellay.)
M. Christian Baptiste
Nous attendons des actes !
Proposition de loi Duplomb
Mme la présidente
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet
La proposition de loi Duplomb a été, à chaque étape, lourdement influencée par la FNSEA : directement, dès la rédaction du texte, et indirectement, à travers les pressions amicales et les menaces larvées que tous ici nous connaissons bien. Pour ceux qui en doutaient encore, le masque est tombé en CMP. De quoi s’agit-il ? De lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur ? Officiellement. De revenir sur la censure de dizaines d’articles de la loi agricole par le Conseil constitutionnel et de poursuivre la croisade contre l’écologie ? Explicitement.
Retour des néonicotinoïdes (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR), sans limite de temps, pour le traitement des noisetiers attaqués par le balanin et le traitement des semences – les betteraviers vous disent merci ! –, reprise en main de l’OFB, classement des mégabassines en ouvrages d’intérêt général majeur, relèvement des seuils des élevages de porcs et de volailles… N’en jetez plus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – M. François Cormier-Bouligeon rit.) En quoi est-ce que cela va permettre d’enrayer l’évolution vers l’agrobusiness, de rémunérer décemment les nombreux agriculteurs qui cherchent à mieux faire, de garantir la qualité de l’eau nécessaire aux cultures à l’heure où les glaciers fondent à grande vitesse et où l’eau de la Garonne dépasse 28° C à Golfech ?
Vous êtes comme des autruches, le nez dans le sable. Les cancers pédiatriques ? On s’en tape. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.) L’épidémie de Parkinson et d’Alzheimer chez les agriculteurs ? On va faire des statistiques. Le cadmium ? Les alertes scientifiques, ça suffit ! En juin 2023, le tribunal administratif de Paris vous enjoignait de réparer le préjudice écologique résultant de la contamination généralisée des eaux et des sols par les produits sanitaires. Qu’avez-vous fait ? Rien !
M. Nicolas Forissier
Et vous, qu’avez-vous fait quand vous étiez ministre ?
Mme Dominique Voynet
Quand allez-vous vous réveiller et créer les conditions d’une autre agriculture, nourricière et responsable ? Nous avons besoin de règles justes, qui interdisent de faire n’importe quoi ! Mesdames et messieurs les ministres, mesdames et messieurs les députés, un jour, vous serez poursuivis pour inaction criminelle, pour mise en danger de la vie d’autrui. Vous trouverez ça injuste, mais c’est maintenant qu’il faut y penser ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS, dont plusieurs députés se lèvent. – Exclamations sur quelques bancs des groupes RN et DR.)
Mme Marie-Charlotte Garin
L’histoire et la justice vous jugeront !
M. Hervé de Lépinau
Voyous !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
Madame la ministre Voynet, j’emploie votre titre à dessein car il fut un temps où vous étiez dans un gouvernement et où vous aviez la responsabilité…
M. Frédéric Weber
Responsable mais pas coupable !
Mme Annie Genevard, ministre
…de prendre des décisions…
M. Nicolas Forissier
Eh oui ! Et qu’avez-vous fait ?
Mme Annie Genevard, ministre
…qui s’accommodent assez mal de la caricature à laquelle vous venez de vous livrer. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR. – Exclamations sur les bancs du groupe EcoS. – Mme Dominique Voynet lève les bras au ciel.)
J’invite chacun à la rationalité et à regarder ce que les députés et les sénateurs ont voté hier en commission mixte paritaire. Je ne sache pas que des personnalités telles que M. le ministre Marc Fesneau ou Jean-Luc Fugit, très attaché aux questions environnementales, aient fait n’importe quoi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.) De quoi parlons-nous ? D’un texte qui vise à lever les entraves pesant sur le métier d’agriculteur. Nous mettons partiellement fin à la séparation de la vente et du conseil des produits phytopharmaceutiques parce qu’il faut davantage de conseil et moins de vente.
Mme Dominique Voynet et Mme Julie Laernoes
C’est une honte ! Ce sont les lobbys !
Mme Annie Genevard, ministre
Vous dites que nous n’avons rien fait sur les produits phytosanitaires. Franchement ! Avez-vous pris connaissance du plan Écophyto ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme Julie Laernoes
Du poison !
Mme Annie Genevard, ministre
Il est en cours de déploiement et vise à réduire l’usage des produits phytosanitaires…
Mme Julie Laernoes
Ce sont des pesticides, pas des produits phytosanitaires !
Mme Annie Genevard, ministre
…de moitié d’ici à cinq ans.
Vous dites que nous défendons les mégabassines, mais auriez-vous le courage d’aller voir cet arboriculteur d’Occitanie ou des Pyrénées-Orientales, digne devant son champ calciné par la soif parce qu’il n’a pas accès à l’eau ?
Mme Dominique Voynet
Et ceux qui sont morts ? Et les victimes ?
Mme Annie Genevard, ministre
Auriez-vous ce courage ?
Mme Marie-Charlotte Garin
Oui !
Mme Annie Genevard, ministre
Je ne le crois pas, après les mots que vous venez de prononcer ! (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de Mme la ministre. – Plusieurs députés des groupes EPR et DR applaudissent cette dernière.)
Contamination alimentaire dans l’Aisne
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Rambaud.
M. Stéphane Rambaud
Un scandale sanitaire est survenu dans l’Aisne il y a quelques jours. Plusieurs enfants ont en effet été contaminés par la bactérie Escherichia coli, qui a causé la mort d’une fillette de 11 ans. Selon la presse, quatre des cinq boucheries concernées, qui ont toutes été fermées par les autorités, sont halal, cependant on retrouve ces viandes dans les circuits classiques.
Cet épisode soulève un double problème : il montre des failles sanitaires dans certains circuits d’approvisionnement et une opacité persistante sur les viandes issues d’abattage rituel. Ces viandes sont vendues sans mention du mode d’abattage dans les supermarchés et dans les boucheries.
Nos concitoyens veulent consommer en connaissance de cause. Or, dans de nombreuses villes, l’offre devient presque exclusivement halal, privant les Français de leur liberté de choix.
Mme Dominique Voynet
Tu peux aussi devenir végétarien, si tu veux ! (Sourires sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Stéphane Rambaud
Madame la ministre de la santé, comptez-vous rendre obligatoire un étiquetage clair et systématique des viandes issues d’abattage rituel afin de garantir la transparence, la sécurité sanitaire et la liberté de choix des consommateurs ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Hervé de Lépinau
Excellente question !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
Vous l’avez rappelé, le 18 juin dernier, une petite fille, Élise, est décédée à la suite d’une contamination, et trente personnes ont été hospitalisées. La majorité d’entre elles sont de retour à domicile. Cependant, comme vous pouvez l’imaginer, les autorités sanitaires telles que Santé publique France et la direction générale de l’alimentation suivent l’analyse des différents échantillons pour identifier la cause des contaminations. Le ministre Yannick Neuder s’est rendu dimanche 23 juin à l’hôpital de Saint-Quentin pour apprécier la façon dont chacun de ces patients était soigné.
Le temps de l’enquête est désormais venu pour déterminer les causes de la contamination. Nous ne disposons que des premiers résultats et l’analyse de soixante-cinq échantillons supplémentaires est en cours. Pour répondre concrètement à votre question, la direction départementale de la protection des populations suit la situation sur le terrain. Le parquet de Saint-Quentin s’est dessaisi au profit de la procureure de Paris eu égard à l’importance de la contamination et au fait que nous devons en tirer des enseignements. Nous établirons l’ensemble des causes en examinant toutes les conséquences afin de prendre toutes les mesures appropriées pour assurer la traçabilité et la qualité des produits vendus. (Mmes Brigitte Liso et Stéphanie Rist applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Rambaud.
M. Stéphane Rambaud
Il faut préciser l’étiquetage pour améliorer la traçabilité de la marchandise.
Un député du groupe RN
Bien sûr !
M. Stéphane Rambaud
Le groupe Rassemblement national demande tout simplement une bonne information pour le consommateur, pour la viande comme pour tous les autres produits.
M. Hervé de Lépinau
L’information et la traçabilité !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
J’utilise les quelques secondes qu’il me reste pour répondre que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la direction générale de l’alimentation et Santé publique France travailleront et tireront les conséquences de l’enquête pour garantir la qualité de ce qui est vendu en chaque point de notre territoire.
M. Emeric Salmon
Et la traçabilité !
Visite d’État du président de la République au Royaume-Uni
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Caure.
M. Vincent Caure
L’année dernière, nous avons célébré avec fierté les 120 ans de l’Entente cordiale, l’alliance historique qui unit la France et le Royaume-Uni. Au-delà de nos différences et de nos différends, cette amitié profonde a survécu aux guerres du XXe siècle et a vaincu le fascisme. Elle continue d’exprimer une vision commune du monde, qui se manifeste notamment dans notre soutien inébranlable à l’Ukraine.
Pourtant, monsieur le ministre des affaires étrangères, ces célébrations n’ont pas dissipé les profondes inquiétudes des citoyens français expatriés au Royaume-Uni, que je représente. Le Brexit, il y a cinq ans, a eu des conséquences immédiates et durables sur la vie quotidienne des près de 300 000 Français outre-Manche. La France, on l’oublie trop souvent, est une grande nation d’expatriés. Ces Françaises et ces Français qui, aux quatre coins de l’Europe et du monde, font rayonner notre pays et notre langue, sont nos meilleurs ambassadeurs. Ces dernières années au Royaume-Uni, ils ont connu de nouvelles réglementations, des entraves à la libre circulation des biens et des personnes, un accroissement de la complexité de leur vie quotidienne, autant d’obstacles que la crise sanitaire a aggravés.
Les évolutions géopolitiques du monde nous amènent à nous interroger sur l’avenir que nous voulons donner à notre relation avec Londres. Je pense notamment à la coopération en matière de défense avec le traité de Lancaster House ou en matière de gestion migratoire avec les accords du Touquet. Alors que le président de la République s’apprête à effectuer la semaine prochaine une visite d’État – une première depuis dix-sept ans – et que se tiendra le 37e sommet franco-britannique, les Français du Royaume-Uni regardent avec attention ces rendez-vous et nourrissent de grands espoirs.
Quelles avancées concrètes pour faciliter leur vie nos compatriotes établis au Royaume-Uni peuvent-ils espérer de cette visite d’État ? Quels rapprochements spécifiques le gouvernement entend-il promouvoir et défendre lors de ce 37e sommet franco-britannique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
Vous l’avez dit, du 8 au 10 juillet, le président de la République sera au Royaume-Uni pour une visite d’État suivie par un sommet bilatéral au plus haut niveau, dans un contexte international très instable au sein duquel la France et le Royaume-Uni ont montré leur capacité à coopérer ces derniers mois. Ainsi la formation de la coalition des volontaires est-elle pilotée par la France et le Royaume-Uni pour soutenir l’Ukraine. Sur la crise iranienne, avec l’Allemagne et le Royaume-Uni, nous avons ouvert la voie des négociations. La France et le Royaume-Uni ont été en première ligne pour mobiliser la communauté internationale par rapport à la situation au Soudan.
Cette visite d’État et ce sommet bilatéral sont donc l’occasion de faire progresser notre relation dans de multiples directions, à commencer, comme vous l’avez dit, par la défense, où notre coopération est dense. Elle repose sur le traité de Lancaster House qui sera modernisé lors de ce sommet. Dans le domaine économique, nous voulons également approfondir nos liens, notamment dans les secteurs de l’énergie, des transports, des technologies de rupture, notamment l’intelligence artificielle et le secteur spatial. Des coopérations universitaires aboutiront à cette occasion. Nous aurons à cœur de faire progresser les mobilités humaines et les coopérations culturelles et universitaires.
Nous prendrons également en main des sujets plus difficiles dans notre relation, sur lesquels nous avons beaucoup avancé ces derniers mois, à commencer par la question migratoire, grâce aux démarches entreprises par le ministre de l’intérieur avec ses homologues britannique et européens. Nous aborderons aussi la pêche. Nous avons eu la grande satisfaction de voir que l’Union européenne avait obtenu la sécurisation de l’accès des pêcheurs français aux eaux britanniques jusqu’en 2038. Cette rencontre au plus haut niveau, à laquelle vous serez évidemment associé, sera donc l’occasion de progresser dans les domaines de coopération les plus naturels et évidents mais aussi sur les sujets sur lesquels nous avons des discussions plus exigeantes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Budget de la défense
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Saintoul.
M. Aurélien Saintoul
Monsieur le ministre des armées, rien ne va dans la décision prise au sommet de l’Otan de porter les dépenses de défense à 5 % du PIB. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) C’est une décision prise comme une nouvelle preuve d’allégeance à « Daddy » Trump, comme dit Mark Rutte, qui manifeste ainsi une servilité qui devrait tous nous faire rougir et vous faire exiger sa démission. Prise sans aucune consultation du Parlement, cette décision fait voler en éclat la loi de programmation militaire dont vous vantiez tant la cohérence. Vous souteniez vous-même que, dès lors que 5 % du PIB représentaient 146 milliards d’euros annuels, « ce ne serait pas raisonnable » de porter les dépenses à ce niveau.
C’est une décision prise pour offrir des débouchés au complexe militaro-industriel états-unien et pour sauver l’industrie allemande des tarifs douaniers de Trump. (Mêmes mouvements.) Le partenariat entre les entreprises Anduril et Rheinmetall confirme que, dans l’espace européen, Washington a l’intention de sous-traiter son hégémonie à Berlin pour mieux préparer sa guerre à la Chine. Cette décision ne fait qu’alimenter la course aux armements et sera compensée par des coupes budgétaires dans tous les services publics puisque vous êtes incapables de lever les impôts sur les riches. (Mêmes mouvements.) Elle rappelle combien toutes les simagrées sur le prétendu pilier européen de l’Otan n’étaient que des mots creux. Vous auriez pu faire entendre une voix différente et proposer une autre voie, notamment avec l’Espagne de Pedro Sánchez, mais même cela n’était pas à la portée d’Emmanuel Macron.
Il est temps que tout cela cesse. Il faut déployer une stratégie globale pour l’indépendance de la France. Si au moins les 150 milliards que vous projetez de dépenser servaient un véritable plan concerté pour protéger et promouvoir notre souveraineté ! Mais ce n’est pas le cas. Il n’y en a pas l’ombre d’un commencement. Comment comptez-vous encore faire admettre une décision aussi inepte au peuple français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, dont quelques députés se lèvent.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre des armées.
M. Sébastien Lecornu, ministre des armées
Merci pour votre question, qui nous permet de reprendre les débats que nous avions eus pendant la loi de programmation militaire. Premièrement, nous ne concevons pas notre défense sur la base d’injonctions extérieures mais toujours en partant de la menace. Les cibles établies lors des sommets de l’Otan, comme l’objectif d’une augmentation des dépenses de défense à 2 % du PIB lors du sommet précédent, au pays de Galles, ou celui qui s’est tenu récemment à La Haye, doivent être des indications pour nous, la République française, qui consentons un effort croissant – j’y reviendrai.
Ensuite, la manière dont l’agrégat est calculé est sujette à débat, vous le savez. Ainsi, les pensions et surtout la dissuasion nucléaire sont incluses dans les 2 % annoncés. Or il est évident qu’un pays doté de l’arme nucléaire est mieux défendu, en tout cas pour ses intérêts vitaux, qu’un pays qui ne l’est pas. Il faut donc examiner attentivement la manière dont est calculé l’agrégat, sachant que certains pays commencent à y intégrer des dépenses de sécurité civile militaire, celles de la gendarmerie, au titre de la défense opérationnelle des territoires – c’est une piste que nous devrons étudier.
Enfin, je suis en grande partie d’accord avec votre question sur ces sujets, mais vous avez tort d’opposer le modèle social au modèle de défense.
M. Aurélien Saintoul
Je ne les oppose pas !
M. Sébastien Lecornu, ministre
En effet, on ne peut pas défendre la souveraineté, l’autonomie stratégique du pays qui, je crois, peut réunir l’ensemble des sensibilités politiques représentées à l’Assemblée nationale, en n’assumant pas d’augmenter la dépense publique militaire. Cela nous permet pourtant de défendre les PME, les grands groupes, le savoir-faire, l’intelligence artificielle, les technologies quantiques et le New Space. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et Dem.)
M. Sylvain Maillard
Il a raison !
M. Sébastien Lecornu, ministre
Tous ces développements que vous appelez de vos vœux dans vos amendements ou dans vos autres questions au gouvernement passent nécessairement, si on ne veut dépendre ni de Washington, ni de Pékin, ni de Moscou, par un réarmement français, pas pour la guerre, mais pour la paix, pour notre défense et pour notre souveraineté. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Saintoul.
M. Aurélien Saintoul
J’entends bien, mais j’entends que vous avez pris des engagements sans avoir l’intention de les tenir, ou alors vous avez l’intention de tout maquiller. C’est aussi ce genre de méthode qui justifie que nous censurions le gouvernement aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre
Comme depuis 1960, c’est la loi de programmation militaire votée par l’Assemblée nationale et le Sénat qui décidera de l’effort français car, par définition, c’est ici qu’est la souveraineté nationale et nulle part ailleurs. Là encore, pas de faux-semblants : les gouvernements précédents, quelle que soit leur sensibilité politique, ont participé à tous les sommets de l’Otan. La cible de 2 % du PIB consacrés aux dépenses militaires a toujours existé. Elle évolue actuellement vers 3,5 %. Vous le voyez bien, la manière de construire la défense est franchement française. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et Dem.)
Industrie du transport routier
Mme la présidente
La parole est à Mme Josiane Corneloup.
Mme Josiane Corneloup
Le secteur français des poids lourds risque d’être rapidement mis en difficulté si l’idéologie du tout-électrique continue de lui être insidieusement imposée. Penser que les technologies électriques constituent le seul moyen de réduction des émissions de gaz à effet de serre est une grave erreur. En effet, à la fin de 2024, seuls 1,4 % de camions électriques ont été immatriculés. Comment, dans ces conditions, atteindre d’ici 2030 l’objectif de 46 % de camions électriques en circulation en France ? Pourquoi notre pays enferme-t-il les constructeurs de poids lourds dans la seule solution électrique de décarbonation en faisant fi du principe de neutralité technologique pourtant plébiscité par le président de la République lors du sommet Choose France le 19 mai dernier ? Les biocarburants, le bioGNV, gaz naturel pour véhicule, et l’hydrogène vert permettent, comme l’électricité, une réduction de près de 80 % des émissions de CO2 en analyse de cycle de vie.
Autour de Laurent Wauquiez, nous pensons que la France ne doit pas tout miser sur la technologie électrique si elle veut à la fois accélérer la décarbonation du transport routier et ne pas s’isoler en se privant des bénéfices de son excellence industrielle dans d’autres technologies propres. C’est le cas par exemple du groupe FPT Industrial, premier site européen de la motorisation verte, qui emploie 1 600 personnes dans son usine, à Bourbon-Lancy, dans ma circonscription. C’est le leader sur le segment des moteurs à gaz naturel, qui peuvent aussi fonctionner au biométhane, ce qui réduit alors leurs émissions à quasiment zéro. Doit-on, au nom du dogmatisme illusoire du tout-électrique, sacrifier des pans entiers de notre industrie, qui est en mesure, dès lors qu’on lui laisse la liberté d’agir et d’innover, d’atteindre l’objectif réglementaire européen de 43 % de réduction des émissions de CO2 des poids lourds d’ici 2030 ?
Mme la présidente
Merci de conclure.
Mme Josiane Corneloup
Pouvez-vous préciser la position de la France quant à l’application du principe de neutralité technologique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – M. Éric Martineau applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie
Vous m’interrogez sur notre stratégie de décarbonation en matière de transport routier de marchandises et, plus largement, de mobilités lourdes. C’est une question essentielle. Aujourd’hui, le transport routier de marchandises émet 48 millions de tonnes de CO2 par an. Notre objectif, à horizon 2030, est de diminuer ces émissions d’environ un tiers.
Pour aller dans le sens de ce que vous indiquez, je vous dirai qu’il n’existe pas de solution unique. Le principe de neutralité technologique est précisément ce que défend la France, à la fois au niveau national, à travers sa stratégie énergétique, et au niveau européen.
Le tout-électrique n’est certainement pas l’unique solution. (M. Laurent Wauquiez applaudit.) Vous avez fait référence au biocarburant et au biogaz : nous souhaitons multiplier par quatre la production de biométhane injecté dans le circuit d’ici 2030, en portant cette production à 44 térawattheures.
Nous soutenons également le développement des biocarburants, même si ces solutions dépendent forcément de la disponibilité de la biomasse. On ne peut donc pas régler tous les problèmes de mobilité grâce au biocarburant et au biogaz.
C’est la raison pour laquelle nous développons l’hydrogène vert : soixante-quatre projets d’hydrogène en lien avec les mobilités ont été financés ces dernières années, notamment dans le cadre du plan France 2030. Nous continuerons, en essayant de faire émerger des solutions technologiques qui trouvent un modèle économique.
Nous avons la conviction que ce n’est pas dans le véhicule individuel que se trouvent les débouchés de l’hydrogène, mais plutôt dans les mobilités lourdes et, plus généralement, dans les usages intensifs et de longue durée.
Il faut développer un grand nombre de solutions différentes. C’est notre stratégie, incarnée par la programmation pluriannuelle de l’énergie. L’objectif et le cap restent les mêmes : sortir de la dépendance aux énergies fossiles et conquérir ainsi notre souveraineté énergétique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
Nous avons terminé les questions au gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt-cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
3.
Programmation pour la refondation de Mayotte
-
Département-région de Mayotte
Votes solennels
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les explications de vote et les votes par scrutin public sur le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte (nos 1470, 1573) et le projet de loi organique relatif au département-région de Mayotte (nos 1471, 1574).
Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ces deux votes seraient précédés d’explications de vote communes.
Explications de vote communes
Mme la présidente
La parole est à M. Yoann Gillet.
M. Yoann Gillet (RN)
« Mayotte est française et le restera à jamais » : ces mots sont inscrits fièrement, en lettres capitales, à Mayotte. Les Mahorais sont des Français à part entière. Ils ont la France chevillée au corps. Pourtant, là-bas, la France telle qu’on l’imagine ici, depuis Paris, semble bien loin : Mayotte est à bout de souffle. Confronté à une crise migratoire, sécuritaire et sociale, ce territoire français se trouve dans une situation hors norme, que les gouvernements successifs ont laissé dégénérer.
Au cœur de ce chaos vécu par nos compatriotes, il y a l’immigration illégale. Plus de la moitié des habitants de l’île sont étrangers, et parmi eux, un sur deux est en situation irrégulière. À Mayotte, 85 % des titres pour motifs familiaux sont délivrés à des personnes entrées illégalement.
Comment une politique aussi laxiste n’encouragerait-elle pas les entrées clandestines ? Année après année, l’État a couvert, toléré et finalement encouragé une installation illégale de masse. Loin de l’Hexagone, cette situation n’inquiétait guère les gouvernements. Face à la médiatisation de la situation après le passage du cyclone Chido, il a pourtant fallu réagir.
Le gouvernement nous a donc présenté un texte dit de refondation, de programmation et de reconstruction. Il parle de reconstruction, alors qu’en réalité, il y a tout à construire ; de programmation, alors que le texte proposé n’est qu’un catalogue de bonnes intentions, à l’image du plan Mayotte 2025 que vous aviez vous-même présenté, monsieur le ministre des outre-mer, en 2015 – il contenait de nombreuses promesses, qui n’ont jamais été tenues.
Votre texte nous est arrivé fragile et creux : il ne répond pas aux urgences du territoire. Il aura fallu que le Rassemblement national entre dans l’arène pour lui redonner du sens et le renforcer.
S’agissant de la nécessaire lutte contre l’immigration, nous avons considérablement renforcé le texte en obtenant l’accélération de l’éloignement des étrangers en situation irrégulière, la suppression de l’aide médicale de l’État (AME) de la liste des prestations pouvant être étendues au territoire, le renforcement du délit de séjour irrégulier, le rétablissement de la possibilité de placer un clandestin et ses enfants en rétention administrative et l’instauration d’un système de contrôle de la régularité du séjour avant les transferts de fonds vers un pays étranger. Ces mesures sont des victoires du Rassemblement national au profit des Mahorais. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Sur l’économie et la convergence, les victoires sont également majeures. Le gouvernement proposait un alignement du smic à l’horizon 2031. Le Rassemblement national l’a imposé à partir de 2027. Pourquoi un Français de Mamoudzou ne toucherait-il pas le même smic qu’un Français vivant à Lille ? Il en est de même pour l’égalité des prestations.
Monsieur le ministre, nous surveillerons de près ce point. Vous aviez vous-même promis, en 2015, une convergence progressive devant aboutir à l’égalité en 2025. Nous sommes en 2025 : vos promesses n’ont pas été tenues.
Autre victoire du RN au profit des Mahorais : celle de la création d’une zone franche globale. Nous la réclamions, mais la gauche a tenté de la supprimer. Les voix des députés du Rassemblement national l’ont sauvée. Cette mesure est nécessaire pour soutenir la relance de l’économie mahoraise, les entrepreneurs et l’emploi.
Autre victoire déterminante, très suivie à Mayotte : la suppression du fameux article 19. Il aurait créé une disposition dérogatoire au droit commun en matière d’expropriation, entraînant non seulement un risque criant de multiplication des recours, contraire à l’objectif d’accélération affiché, mais aussi un risque de spoliation des Mahorais.
Nous ne pouvions l’accepter. Cette mesure suscitait une trop grande défiance sur place, tant l’État a habitué les Mahorais à des pratiques peu respectueuses de leurs intérêts.
Le droit commun permet d’avancer, mais le préalable reste la régularisation foncière. Il faut accorder des moyens à la commission spéciale en charge d’établir un cadastre. Sans régularisation foncière, Mayotte ne pourra regarder vers un avenir serein.
Vous l’aurez compris, nous voterons ce texte. Toutefois, ne vous reposez pas sur celui-ci, monsieur le ministre : il va dans le bon sens, grâce au Rassemblement national, mais il ne va pas assez loin.
Les victoires que nous avons obtenues, si décisives soient-elles, ne doivent pas masquer l’ampleur du désastre que vous avez laissé se développer, vous et vos prédécesseurs.
Quelque 77 % des habitants de l’île vivent sous le seuil de pauvreté, la moitié ne mangent pas à leur faim ; la République s’écroule chaque jour davantage sous le poids de la submersion migratoire. Par conséquent, monsieur le ministre, le groupe Rassemblement national rappelle ses priorités : stopper l’immigration illégale, assurer la sécurité, un accès quotidien à l’eau potable, régulariser le foncier, assurer l’égalité sociale, garantir l’accès aux soins des Mahorais. Nous ne lâcherons rien. Lors de l’élection présidentielle, les Mahorais ont été 60 % à faire confiance à Marine Le Pen ; nous ne les décevrons pas.
Mme la présidente
Merci de conclure.
M. Yoann Gillet
Je veux leur dire : tenez bon !
Mme la présidente
Merci, monsieur Gillet.
M. Yoann Gillet
En 2027, une fois que nous exercerons ces responsabilités, Mayotte ne sera plus un territoire oublié et sacrifié. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Brigitte Liso.
Mme Brigitte Liso (EPR)
Le projet de loi que nous nous apprêtons à voter n’est pas un texte comme les autres. Il est la concrétisation, que nous devons à Mayotte, de la promesse républicaine. Ces mots, monsieur le ministre, sont les vôtres ; cette promesse, nous l’avons faite nôtre. Elle a guidé nos travaux, nos échanges, nos décisions. Ce projet de loi constitue une réponse non seulement juridique, mais politique, sociale et humaine, à la situation que connaissait l’archipel avant même Chido – et depuis. Il vise, par une politique sociale juste et équitable, à protéger les droits de tous ; il cherche à prévenir les risques migratoires, avec lucidité et fermeté, en accompagnant chacun dans la reconstruction de Mayotte, afin que la République tienne pleinement sa place. Il a été adopté par le Sénat. Nous espérons que notre assemblée saura elle aussi faire le choix de la raison, de la responsabilité, de l’avenir. Telle est en tout cas la décision du groupe Ensemble pour la République, qui votera en faveur du texte.
Je vous le disais, les débats et discussions qui ont eu lieu ici nous ont permis de nous accorder sur un texte solide. En commission des lois comme en séance publique, nous sommes allés plus loin en matière de convergence des prestations sociales : hausse du smic dès le 1er janvier 2026, extension à Mayotte de la protection universelle maladie (Puma), qui garantit à toute personne travaillant ou résidant en France de manière stable et régulière la prise en charge de ses frais de santé.
Nous avons rétabli en séance des dispositions essentielles qui avaient été supprimées en commission : je pense aux articles 8 et 9, portant respectivement sur le retrait du titre de séjour aux parents dont les enfants constituent une menace pour l’ordre public et sur le renforcement des dispositifs de vigilance en matière de transferts de fonds. Ce sont là des outils complétant l’arsenal juridique de lutte contre l’immigration illégale à Mayotte. L’article 8 répond à une réalité claire : en cinq ans, entre 2019 et 2024, la part des mineurs étrangers condamnés a augmenté à Mayotte de 110 %, chiffre plus de neuf fois supérieur à celui concernant l’ensemble du territoire national. L’article 9 vise à imposer aux établissements de paiement, de crédit et de monnaie électronique de vérifier la régularité du séjour des personnes qui ne sont pas des ressortissants de l’Union européenne. Ne soyons pas naïfs : les flux financiers illégaux sont directement à l’origine de multiples trafics – filières de passeurs, importation de produits stupéfiants, blanchiment d’argent.
Notre groupe regrette néanmoins que nous n’ayons pas rétabli en séance les articles 19, 19 bis et 19 ter, visant à autoriser le recours, d’une part, à la prise de possession anticipée dite d’extrême urgence en matière d’expropriation, d’autre part, en vue de l’aménagement de l’aéroport de Mayotte, à la procédure de déclaration d’utilité publique « réserve foncière ». Ces dispositions auraient permis d’accélérer l’implantation à Mayotte de diverses infrastructures.
Chers collègues, soyons à la hauteur des attentes des Mahoraises et des Mahorais, à la hauteur des responsabilités qui sont les nôtres : votons en faveur de ce texte. Je le répète, le groupe Ensemble pour la République soutiendra le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Nosbé.
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP)
« La refondation repose sur une triple ambition : protéger les Mahorais, garantir l’accès aux biens et aux ressources essentiels et développer les leviers de la prospérité de Mayotte », est-il inscrit dans le rapport annexé au projet de loi. Ce sont des ambitions que nous aurions pu faire nôtres si la motivation du texte avait été sociale et non pas xénophobe. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Au lieu d’apporter des solutions aux inégalités socio-économiques criantes qui perdurent depuis trop longtemps à Mayotte, son examen s’est très largement concentré sur l’immigration et l’habitat illégal, définis comme les deux fléaux de l’archipel. La manœuvre peut paraître habile : tant que sont stigmatisés les plus précaires et les Comoriens, le Rassemblement national – prompt à piétiner les droits humains pour assouvir sa haine de l’étranger (Mêmes mouvements), domaine dans lequel le gouvernement lui fait concurrence – est prêt à exonérer l’État de ses responsabilités !
Pourtant, les chiffres sont implacables : Mayotte, c’est 77 % de la population qui vit sous le seuil de pauvreté, un taux de chômage de 37 %, un coût de l’alimentation plus élevé de 40 % que dans l’Hexagone, le smic brut inférieur de 25 % et le RSA de 50 % à ceux du reste du pays. La cause de ces inégalités réside-t-elle dans l’immigration…
Un député du groupe RN
Oui !
Mme Sandrine Nosbé
…ou dans la défaillance de l’État ? Mayotte est un département français depuis 2011, mais les Mahorais sont-ils considérés comme des citoyens à part entière, alors que la République y fait honteusement défaut comme nulle part ailleurs en France ?
Monsieur le ministre, vous avez annoncé que ce projet de loi serait historique, qu’il concrétiserait la promesse républicaine à Mayotte. De quelle promesse républicaine s’agit-il ? Rétention des mineurs, retrait du titre de séjour aux parents des mineurs étrangers qui représenteraient une menace pour l’ordre public, obtention du titre de séjour seulement à la suite d’une entrée régulière sur le territoire, passeport pour la mobilité des études réservé aux élèves de nationalité française, refus de l’AME ; raccordement au réseau d’eau potable de l’ensemble des logements, mais à l’exclusion de l’habitat informel, qui représente 40 % du parc ; voilà ce que vous nommez la promesse républicaine ! Des mesures déshumanisantes dont les migrants sont la première cible, où est établi entre immigration, habitat informel et insécurité un lien xénophobe ; l’égalité sociale hors de portée, l’égalité des droits bafouée, les inégalités structurelles perpétuées, la confiance en la République plus abîmée encore !
L’examen du texte en séance publique s’est certes soldé par quelques victoires : suppression de l’article 19, qui visait à faciliter les expropriations en matière foncière, augmentation de la capacité d’accueil des établissements scolaires, approvisionnement local favorisé dans les marchés touchant la construction scolaire, renforcement du critère de compétence locale ultramarine lors du recrutement des agents publics.
M. Emeric Salmon
Grâce au RN !
Mme Sandrine Nosbé
Les habitants de Mayotte ne peuvent toutefois se réjouir de ces miettes ni s’estimer heureux, car c’est justement tout ce qu’ils ne sont pas – estimés. Le point sur lequel les Mahorais et Mahoraises nous attendent, c’est l’alignement immédiat de Mayotte sur le droit commun. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Or l’alignement total du smic n’aura pas lieu avant 2027, alors que dans la zone franche globale les exonérations de cotisations patronales, elles, seront immédiates ! Pour l’égalité sociale, il faudra donc attendre. Ce que veulent les habitants, c’est la suppression du titre de séjour territorialisé, ce visa d’exception conçu sur mesure pour Mayotte : elle n’aura pas lieu avant 2030. La solidarité nationale devra attendre, elle aussi !
Nous, La France insoumise, avons publié en janvier un véritable contre-plan d’urgence qui permettrait de garantir à Mayotte l’égalité des droits et la satisfaction des besoins fondamentaux (Mêmes mouvements) : accès à l’eau et logement digne pour tous, fin de la pauvreté grâce à l’alignement immédiat du smic sur celui de l’Hexagone, reconstruction d’une école de l’égalité et de l’émancipation, système de santé efficace, accueil digne des migrants, développement d’une économie au service des Mahorais. C’est dans cette optique que nous avons déposé des amendements, au nom de cette vision que nous les avons défendus. Les territoires d’outre-mer, chance et richesse pour notre République, peuvent et doivent être à l’avant-garde de la bifurcation écologique, du progrès social ; au lieu de quoi ce projet de loi ne sera qu’un énième plan qui laissera « Mayotte en sous-France », titre de l’ouvrage de l’économiste mahorais Mahamoud Azihary.
Mme Estelle Youssouffa
Économiste condamné !
Mme Sandrine Nosbé
Une nouvelle fois, vous abandonnez Mayotte…
Mme Estelle Youssouffa et M. Philippe Vigier, rapporteur général de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république pour le projet de loi ordinaire
« Abandonnez » !
Mme Sandrine Nosbé
…et méprisez ses habitants. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Elie Califer.
M. Elie Califer (SOC)
Le projet de loi relatif à la refondation de Mayotte s’inscrit à la fois dans l’urgence et dans l’histoire longue d’un territoire trop souvent relégué aux marges de la République. Ce texte nous a été présenté comme censé relever les défis profonds de l’île – enclavement, saturation des services publics, précarité sociale massive, habitat indigne, explosion démographique, tensions migratoires –, mais aussi comme une réponse politique et budgétaire à la catastrophe provoquée par le cyclone Chido.
Il faut reconnaître qu’il contient des avancées : l’inscription dans la législation d’un cadre programmatique, un effort budgétaire inédit de 4 milliards d’euros, ou encore des engagements touchant la fin de la rotation scolaire et le renforcement du financement hospitalier. Nous saluons l’adoption de plusieurs de nos amendements visant à mieux encadrer, suivre et évaluer les engagements de l’État. Néanmoins, compte tenu de la gravité de la situation, ces avancées restent largement insuffisantes : les Mahoraises et les Mahorais attendent non des intentions, mais des actes. À l’hôpital de Mamoudzou, les femmes accouchent dans les couloirs ; les détenus vivent dans des conditions contraires à la dignité humaine ; la rotation scolaire nie le droit fondamental à l’éducation ; sur le plan social, les écarts avec l’Hexagone sont abyssaux. Pourtant, aucune trajectoire de rattrapage claire n’est inscrite dans le texte, ni pour le RSA, ni pour l’allocation aux adultes handicapés (AAH), ni pour les allocations familiales. L’égalité républicaine reste un horizon flou, non l’exigence ferme que nous souhaitons.
Surtout, le projet de loi est profondément déséquilibré. Son volet migratoire durcit les règles, maintient le régime dérogatoire de séjour territorialisé, pourtant massivement rejeté sur place, et méconnaît les droits fondamentaux, notamment ceux des enfants. Il alimente une logique d’exclusion, renforcée par l’adoption en séance – parfois avec le soutien du socle commun, lorsque ses représentants étaient présents, et du gouvernement – d’amendements du Rassemblement national. Le signal ainsi envoyé est dangereux, à Mayotte comme ailleurs.
Pour notre part, nous avons participé activement aux débats, fait des propositions, obtenu des améliorations : examens en commission et en séance confondus, près de quarante de nos amendements ont été adoptés. Le cœur du texte reste toutefois insuffisant, flou sur les moyens à long terme, ambigu sur la méthode, profondément problématique dans son traitement de la question migratoire. Pour toutes ces raisons, à l’instar de nos collègues sénateurs, nous nous abstiendrons lors du vote du projet de loi – dans une logique d’exigence à l’égard du gouvernement, qui doit passer rapidement à l’action pour répondre aux demandes légitimes de nos compatriotes mahorais. Nous voterons en revanche en faveur du projet de loi organique, qui vise à consacrer l’évolution de la collectivité de Mayotte en département-région. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Marleix.
M. Olivier Marleix (DR)
Depuis près de deux cents ans, un petit peuple insulaire du canal du Mozambique…
Mme Estelle Youssouffa
Il n’est pas petit ! (Sourires)
M. Olivier Marleix
…a décidé de faire cause commune avec la France et, au fur et à mesure, de s’intégrer au peuple français. C’est chose pleinement faite depuis 2011, date de la départementalisation de Mayotte après plus de cinquante ans de persévérance, de résistance aux visées coloniales de ses voisins, l’espoir chevillé au corps que la France était grande, porteuse, par-delà le respect des cultures régionales, d’universalisme, d’égalité, de liberté et de fraternité.
S’agissant de défendre l’outre-mer et les ultramarins, c’est-à-dire une France qui n’est pas réduite à son territoire européen, la famille gaulliste a toujours répondu présent :…
M. Yoann Gillet et M. Emeric Salmon
Où étiez-vous vendredi ?
M. Olivier Marleix
…ce fut notamment le cas pour Mayotte, où nous avons soutenu dès 1974, puis en 1986 et 2011, le choix des Mahorais de rester dans la République et de s’y développer. Je souhaite rendre ici un hommage particulier à notre ancien collègue Mansour Kamardine, qui a si longtemps exprimé avec ferveur dans notre assemblée ce lien charnel entre Mayotte et le reste de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – M. le rapporteur général applaudit aussi.)
M. Patrick Hetzel et M. Laurent Wauquiez
Très bien !
M. Olivier Marleix
Malheureusement, depuis de trop nombreuses années, cette belle histoire se heurte à deux écueils. Le premier réside dans le mépris d’une partie de la classe politique (« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe DR)…
M. Emeric Salmon
Vous n’étiez pas là !
M. Olivier Marleix
…qui semble ne pas se résoudre à admettre que ce peuple mahorais, à 8 000 kilomètres de Paris, aime la France, sa devise, son emblème et son hymne national.
Le second écueil est la submersion migratoire. À Mayotte, l’expression ne souffre pas la discussion. La submersion migratoire est un véritable nœud gordien qu’il convient de trancher avec résolution, car il condamne à l’échec toutes les politiques publiques menées à Mayotte, qu’elles soient sociales, sanitaires, éducatives, environnementales, sécuritaires ou économiques.
Le groupe Droite républicaine soutient donc ce texte, mais avec lucidité. Ce projet ne deviendra réalité que si le « rideau de fer » maritime, impliquant la mobilisation de la marine nationale avec des outils innovants tels que des radars modernes prépositionnés et des balises sonores – autant d’éléments annoncés depuis au moins trois ans –, est réellement mis en place pour barrer physiquement l’accès à Mayotte.
Au terme de nos débats, je tiens à saluer certaines améliorations que notre assemblée a apportées au texte initial.
M. Yoann Gillet
Grâce au RN !
M. Olivier Marleix
Je pense notamment à la fin programmée du titre de séjour territorialisé, à la construction d’une base de la marine nationale obtenue grâce à la mobilisation de notre collègue Philippe Gosselin,…
M. Emeric Salmon
Il était tout seul, il avait bien du courage !
M. Olivier Marleix
…à l’alignement total du smic net à Mayotte sur celui de l’Hexagone dès le 1er janvier 2027. Je salue l’ensemble des rapporteurs, coordonnés par Philippe Vigier, qui ont permis cette avancée importante.
Nous nous réjouissons aussi de l’élévation du port de Longoni au statut de grand port maritime ainsi que de la transformation de l’université de Mayotte en université de l’océan Indien.
M. Yoann Gillet
Encore un amendement du RN !
M. Olivier Marleix
Ces deux éléments sont très importants pour le développement et l’intégration régionale de Mayotte.
La lutte contre l’habitat informel se voit renforcée grâce à de nouveaux outils. De nouvelles mesures ciblent les marchands de sommeil : grâce à un amendement proposé par le rapporteur Philippe Gosselin, leurs biens pourront être saisis sur décision préfectorale.
Nous souhaitons que le vote solennel de ce jour soit unanime. Nous espérons que la commission mixte paritaire (CMP) qui se tiendra à l’issue de celui-ci maintiendra les avancées obtenues. Les Mahorais le méritent. Ils pourront alors être à la pointe du rayonnement économique et culturel français dans le canal du Mozambique, une des zones de développement les plus prometteuses de la zone indo-pacifique. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – M. le rapporteur général applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet (EcoS)
Ce projet de loi sur Mayotte, dévastée par Chido, est le troisième de cette législature âgée d’à peine un an. Ces textes ont un point commun : la capacité de provoquer, sur une partie de ces bancs, cris, vociférations, mensonges, abus de langage, attaques personnelles et agressivité. Mayotte et notre démocratie méritent mieux.
Ici comme souvent, le véritable problème reste le diagnostic. À en croire une bonne partie des députés de cet hémicycle, l’immigré serait l’unique responsable des maux de Mayotte. Suivant ce diagnostic, ils font appel à une doxa ancienne, pourtant à la mode, selon laquelle la répression en matière de politique migratoire permettrait de réduire les arrivées.
Bien des indices nous incitent à penser que Mayotte sert de véritable laboratoire à ceux qui rêvent de transposer les mesures adoptées dans ce département insulaire aux autres départements d’outre-mer puis à l’Hexagone. (Mme Estelle Youssouffa s’exclame.)
Pourtant, aucune preuve n’a jamais étayé l’hypothèse selon laquelle le durcissement des conditions de vie des étrangers, rendues parfois inhumaines à certains égards, réduirait le nombre d’arrivées.
Prenons un exemple : le nombre de naturalisations par le droit du sol a chuté, passant de 2 858 en 2018 – date à laquelle les règles d’acquisition de la nationalité française ont été durcies une première fois – à 860 en 2022. Restreindre le droit du sol fait baisser les naturalisations, mais qui oserait affirmer que cela change quoi que ce soit au nombre d’arrivées ? On risque sa vie dans l’espoir d’une vie meilleure, pas pour des papiers.
De texte en texte, cette obsession nous fait tourner en rond. Des moyens considérables sont alloués à la lutte contre l’immigration clandestine, sur terre ou en mer. La préfecture affiche des bilans toujours plus glorieux : expulsions à cinq chiffres, interceptions de kwassa-kwassa par centaines, opérations spectaculaires de destruction de zones d’habitat informel, à l’instar des opérations Wuambushu et Mayotte place nette – un terme odieux. Ces dernières ont conduit à la destruction de 700 bangas dans le premier cas et de 1 300 dans le second. Leurs occupants, dispersés avant l’évacuation, les ont immédiatement reconstruits à un autre emplacement.
Il est indispensable de questionner l’efficacité d’une politique avant de la durcir. Le renforcement des contrôles en mer a amené les filières de passeurs à se réorganiser constamment, au mépris des vies humaines, et les arrivées continuent.
Je ne cherche pas la polémique. Oui, le comportement du gouvernement comorien est plus que difficile et l’explosion démographique à Mayotte pose de sérieux problèmes. Pour limiter celle-ci, il faut notamment mettre fin à la territorialisation des titres de séjour, une mesure que nous avons soutenue, désormais reportée à 2030.
Aujourd’hui encore, Mayotte souffre du retard de développement préexistant à sa départementalisation et des conditions de sous-investissement et de sous-dotation dans lesquelles s’est opéré le transfert de compétences d’un « département exerçant aussi les compétences d’une région ».
Les difficultés s’accumulent.
Mayotte est le plus important désert médical de France ; elle compte quatre fois moins de médecins pour 100 000 habitants que dans l’Hexagone. Or la construction d’un deuxième hôpital patine depuis des années, malgré une décision prise par le président de la République en 2019, le choix d’un site et le déblocage de financements un an plus tard.
Le système éducatif souffre de classes si chargées qu’une rotation a été mise en place : les élèves alternent matin et après-midi. On manque d’écoles, de professeurs, d’infrastructures périscolaires. Au cours des débats, l’extrême droite est allée jusqu’à proposer la radiation des enfants étrangers de l’école publique. Le Conseil d’État l’a pourtant exclu à plusieurs reprises.
Par ailleurs, 30 % de la population mahoraise n’est pas raccordée au réseau d’eau potable ; une proportion encore plus significative n’est pas raccordée à un système d’assainissement. Pour les chanceux qui bénéficient de l’eau courante, les coupures sont systématiques et régulières. C’est impensable dans un pays développé comme le nôtre ! Pourtant, le projet de troisième retenue collinaire demeure bloqué pour des raisons tenant à la maîtrise foncière.
Le système de gestion des déchets doit être intégralement revu. Aucun système de tri n’existe ; les espaces les plus beaux et les plus sensibles sont devenus autant de décharges sauvages, entraînant d’importantes conséquences sur la santé des habitants et sur l’environnement.
Nous pourrions continuer longtemps encore à décliner les difficultés propres au territoire de Mayotte. Son développement ne doit pas reposer sur sa transformation en base arrière des sites de Total dans le Golfe du Mozambique, dont l’avenir est tout sauf assuré.
Mayotte a besoin d’investissements massifs pour assurer non seulement les besoins vitaux de la population, mais également le développement durable de l’archipel. Cela ne passera pas uniquement par la loi, mais par des crédits qu’il faudra sanctuariser année après année.
L’État, qui s’est longtemps désintéressé de Mayotte, porte une lourde responsabilité dans le retard de développement économique, social et écologique accumulé. Il n’est cependant pas responsable de tout ; bien d’autres causes à ce retard auraient pu et dû être examinées lucidement. Elles n’ont pas pu l’être, car nos débats ont été émaillés d’allégations invérifiables, de généralisations abusives, d’insultes inadmissibles, de semi-vérités et de vrais mensonges.
L’examen de ce texte s’est déroulé dans un climat d’intimidation et de violence destiné à tétaniser les parlementaires réticents à épouser le prêt-à-penser de celles et ceux qui attisent la colère, désignent les étrangers à la vindicte populaire et font leur beurre des harangues sur les barrages depuis des années.
Monsieur le ministre, je veux vous remercier pour votre présence en commission, pour avoir constamment présenté des arguments de fond et pour le calme dont vous avez fait preuve dans presque toutes les circonstances. Ce texte répond partiellement à certaines problématiques bien réelles. Sa tournure réactionnaire et son obsession sous-jacente nous empêchent toutefois de le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – Mme Mathilde Feld applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Maud Petit.
Mme Maud Petit (Dem)
Mayotte, terre d’outre-mer, est depuis 2011 le 101e département français ; mais pour beaucoup, son nom n’évoque qu’une île lointaine dans un océan incertain. Composée de deux îles principales, Grande-Terre et Petite-Terre, Mayotte fait pourtant partie de notre actualité et fait face, depuis de longues années, à de grands défis structurels exacerbés par le cyclone Chido de décembre 2024. Le cyclone a mis en lumière des engagements non tenus et une accumulation d’urgences sanitaires, sociales, économiques et institutionnelles.
Nos compatriotes mahorais ont fait preuve d’une grande résilience. Ils attendent désormais que l’État soit au rendez-vous. Le présent projet de loi est donc capital. Il porte en lui le présent et l’avenir d’un territoire.
La loi d’urgence promulguée en février 2025 a constitué une première étape ; elle a permis l’installation d’une mission interministérielle pour la reconstruction de Mayotte. L’heure n’est plus aux constats, mais à la réalisation des engagements, à la reconstruction et à la construction.
Le projet de loi part d’un constat implacable : si nous ne nous attaquons pas avec force à l’immigration illégale, aux bidonvilles et à l’insécurité, nous ne reconstruirons Mayotte que sur du sable. Cette réalité a des effets concrets : saturation du peu de logements disponibles, tension sur les services publics, pression sociale palpable. C’est un défi réel que nous abordons avec lucidité, fermeté et humanité.
Nous saluons le rétablissement de mesures concrètes au sein du titre II, qui vise à lutter contre l’immigration clandestine. Je pense à la mise en place des unités familiales ou à la fin programmée des visas territorialisés, qui répond à une demande forte et historique des élus et habitants de Mayotte.
Le projet de loi constitue également une étape majeure en matière économique et sociale, grâce à un plan d’investissement de 4 milliards d’euros d’ici à 2031. (M. le rapporteur générl applaudit.) C’est un acte politique fort, un engagement de la République à ne plus considérer Mayotte comme un territoire périphérique mais comme une partie intégrante de notre nation.
Les avancées obtenues au cours des débats ne sont pas anecdotiques, bien au contraire. Il s’agit du renforcement de l’offre de soins grâce à la construction du nouvel hôpital de Combani, de la réalisation et du développement d’infrastructures essentielles comme le grand port maritime – vital pour l’économie locale et la coopération régionale – ou encore de la création d’une deuxième usine de dessalement pour répondre à la crise majeure de l’eau que connaît Mayotte. À cela s’ajoute l’objectif ambitieux de convergence sociale, qui vise à garantir qu’un Mahorais bénéficie des mêmes droits et services qu’un citoyen de l’Hexagone. (M. le rapporteur général applaudit.)
Il était temps ! Ce n’est que justice pour les Mahorais.
D’ici à l’adoption définitive du texte, le groupe Les Démocrates restera attentif à certaines dispositions qui ont été adoptées ou ont disparu de manière inopportune en séance et qui devront être clarifiées. Cela concerne notamment le bornage à l’horizon 2027 de l’alignement du smic, qui soulève des interrogations quant à sa soutenabilité économique. C’est également le cas du découpage de la circonscription unique en treize sections, dont nous redoutons la censure par le Conseil constitutionnel. Enfin, nous regrettons la suppression de l’article 19, qui aurait permis d’acquérir des terrains – aujourd’hui insuffisants – pour le développement d’infrastructures attendues depuis longtemps.
Ce texte est un point de départ. Il est le deuxième point d’ancrage qui permettra de combler un retard social, économique, sécuritaire et institutionnel trop longtemps toléré. Il nous permet, collectivement, d’écrire une nouvelle page avec nos compatriotes mahorais et mahoraises, que je salue, dans un esprit de volonté, de clarté, de respect mutuel et sur le long terme.
Le groupe Les Démocrates votera donc en faveur de ce texte, convaincu qu’il pose les bases d’un nouveau pacte républicain. À nous désormais de le faire appliquer avec exigence et sincérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Mme Brigitte Liso et Mme Justine Gruet applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR)
Mayotte n’a que trop souffert.
Mayotte a terminé l’année 2024 avec un phénomène climatique extrême qui a causé des dégâts humains, matériels et environnementaux sans précédent : le cyclone Chido a touché l’île en plein cœur. Notre nation déplore le décès de 39 personnes, plus de 100 disparus et 5 000 blessés.
Le 101e département français est entré dans l’année 2025 avec encore davantage de difficultés. Moins d’un mois après Chido, le 12 janvier, Mayotte était frappée par les pluies torrentielles de la tempête tropicale Dikeledi.
Dans ce contexte dramatique, l’État a su répondre à l’urgence. La loi du 24 février 2025 d’urgence pour Mayotte a ainsi acté des mesures fortes pour reconstruire l’île en facilitant le rétablissement des conditions de vie des Mahorais ainsi qu’en prévoyant des mesures de soutien aux habitants et aux entreprises.
Cette loi a permis de répondre à l’urgence, d’agir vite et bien. Néanmoins, nos concitoyens attendent autre chose : ils nous demandent de voir loin.
Les Mahorais ont affirmé à plusieurs reprises, et avec vigueur, leur volonté de rester Français. Dernier exemple en date : en 2009, lors du référendum sur la départementalisation, 95 % d’entre eux se sont exprimés en faveur du « oui ».
Quinze ans plus tard, l’attachement indéfectible des Mahorais à notre République demeure. Il s’exprime quotidiennement à travers les demandes de nos concitoyens, qui souhaitent voir se concrétiser des réformes structurelles pour améliorer leur vie quotidienne, lutter contre l’insécurité chronique dans l’île et encourager sa prospérité économique – en somme, de voir sur le long terme. Il nous appartient de répondre à cette aspiration légitime.
L’objectif de ce projet de loi est double ; contrairement à ce que certains de nos collègues pourraient affirmer, il n’est pas paradoxal.
Il s’agit d’une part de sortir progressivement Mayotte du droit dérogatoire qui la caractérise depuis trop d’années. Ce droit dérogatoire est moins-disant par rapport à celui qui s’applique dans l’Hexagone – je pense notamment aux prestations sociales ou au montant du smic. Le travail mené avec le gouvernement sur la convergence sociale est une promesse qui, grâce aux ordonnances comme à l’inscription dans la loi, sera tenue.
Le projet de loi vise, d’autre part, à renforcer les moyens juridiques à la disposition des services de l’État. L’objectif de ces nouvelles dispositions dérogatoires n’est toutefois pas qu’elles soient moins-disantes, mais, bien au contraire, mieux-disantes, afin de renforcer l’efficacité de l’action de l’État. C’est à ce titre que notre groupe se satisfait du rétablissement en séance publique des articles 7, 8, 9 et 11, qui permettront de répondre aux caractéristiques et contraintes propres à l’archipel. Lutter contre l’immigration illégale est bien une absolue nécessité à Mayotte, n’en déplaise à certains.
Le groupe Horizons & indépendants salue également l’adoption, à l’initiative des rapporteurs et du gouvernement, d’articles additionnels qui apportent des mesures complémentaires tout à fait bienvenues. Je pense notamment à l’article 15 bis, que j’avais proposé en tant que rapporteure, avec le gouvernement, et qui vise à étendre à Mayotte la protection universelle maladie. Cette mesure témoigne de la volonté du législateur de rapprocher Mayotte du droit commun. Soyons-en fiers.
Notre groupe tient toutefois à exprimer certains regrets.
Nous regrettons en particulier que certains groupes, qui prétendent pourtant apporter un soutien sans faille aux Mahorais, n’aient pas voté en faveur de l’article 19.
M. Philippe Vigier, rapporteur général
Absolument !
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Cet article, supprimé en séance publique, visait en effet à prévoir une dérogation à la procédure de droit commun en matière d’expropriation ; il aurait permis d’accélérer significativement la reconstruction sur l’île. C’est raté !
Il en va de même de l’amendement du gouvernement à l’article 15, qui a été rejeté alors qu’il instaurait, au 1er janvier 2026, une mesure de soutien à toutes les entreprises mahoraises, sans faire aucun perdant. Cela aurait été bien préférable à une suppression sèche du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et à une introduction progressive du dispositif Lodeom. (M. Jean-Paul Mattei et M. le rapporteur général applaudissent.)
Je salue cette initiative du gouvernement et je regrette qu’elle n’ait pas été votée.
De même, nous regrettons vivement que les mêmes groupes n’aient pas souhaité l’alignement de Mayotte sur le droit commun quant aux autorisations d’ouverture de pharmacies d’officine, mais préféré un retour à la rédaction de l’article 17 issue du Sénat, qui ne permettra pas de développer l’accès aux soins des Mahoraises et des Mahorais.
Le groupe Horizons & indépendants votera en faveur du projet de loi, car ce texte comporte des mesures utiles et nous permettra de tenir la promesse républicaine, ainsi qu’en faveur du projet de loi organique. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe LIOT.)
Mme la présidente
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Estelle Youssouffa.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT)
Ce matin, Mayotte s’est réveillée avec une coupure d’électricité générale. Un défaut du système électrique, sous-dimensionné pour notre île, est vraisemblablement en cause. Sans électricité, pas de téléphone, pas non plus de production d’eau potable : nous voyons donc les coupures d’eau se prolonger. Sans électricité, pas de frigo ni de congélateur : nous allons devoir jeter des denrées alimentaires hors de prix.
Dire que nous vivons l’enfer au quotidien à Mayotte est un faible mot. Avec courage et abnégation, Mayotte endure un calvaire sans fin. La reconstruction publique n’a toujours pas commencé, l’établissement public de reconstruction n’est pas sorti des fonts baptismaux. Les familles mahoraises n’ont reçu quasiment aucune aide directe pour reconstruire, et nos entreprises non plus, alors que plus de 80 % du bâti mahorais a été détruit ou endommagé par les cyclones Chido et Dikeledi il y a six mois.
Oui, avec courage et abnégation, Mayotte endure un calvaire sans fin. Elle souffrait déjà de décennies de sous-investissement structurel et de discrimination systématique pour toute avancée sociale. Oui, trop longtemps, Mayotte a été mise à l’écart de la République et cette loi Mayotte 2 vient enfin réparer cette injustice.
Je veux voir dans ces deux projets de loi un changement de cap. L’État met sur la table 4 milliards d’euros pour investir dans la santé, l’eau, la reconstruction, les écoles et la sécurité – des projets promis avant Chido et dont on peut espérer qu’ils seront enfin réalisés. La trajectoire financière figure désormais dans le corps du texte et non plus seulement dans le rapport annexé.
Monsieur le ministre d’État, si vous êtes encore là cet automne, vous me trouverez sur votre chemin lors de l’examen du projet de loi de finances pour vérifier que pas un euro ne manque pour Mayotte et que la trajectoire budgétaire que nous allons voter est bel et bien respectée.
Le comité interministériel des outre-mer (Ciom) qui se réunira la semaine prochaine sera la première étape de cette concrétisation de la loi de programmation Mayotte 2.
Je salue également la place importante enfin accordée à la lutte contre l’immigration illégale à Mayotte, seul département français habité revendiqué par un pays étranger. Celui-ci instrumentalise les flux migratoires. L’afflux de clandestins est tellement massif qu’en deux décennies, notre archipel a changé de visage. Le recensement exhaustif validé par le projet de loi constatera que bien plus de la moitié de la population de Mayotte est étrangère, et majoritairement en situation irrégulière. Cette population migrante ne reconnaît pas Mayotte comme française et ne respecte pas les règles de la République. Elle ne fuit pas la misère mais agit bien à l’instigation des Comores.
Alors oui, il faut agir. Ce projet de loi renforce la lutte contre les reconnaissances de paternité frauduleuses et contre l’économie illégale ; il permet de retirer leur titre de séjour aux parents d’enfants auteurs de violences.
Il met aussi fin d’ici 2030 au titre de séjour territorialisé, qui fixe les étrangers en situation régulière à Mayotte. C’est la fin d’une politique migratoire à géographie variable appliquée aux dépens de Mayotte. Je ne doute pas que cette mesure vous amènera tous à demander la fin des régularisations massives à Mayotte. Je ne doute pas que la marine nationale y sera enfin déployée, ainsi que Frontex, pour matérialiser notre frontière et durcir le ton avec les Comores. La solidarité nationale jouera enfin pleinement en 2030 et l’Hexagone comme La Réunion assumeront aussi les conséquences du fardeau migratoire.
J’en viens à la question clé de l’égalité sociale, traitée à l’article 15.
Je vous rappelle qu’à Mayotte, seules la moitié des prestations sociales sont versées et que celles qui existent ne s’élèvent qu’à la moitié du montant hexagonal, alors même que le coût de la vie y est plus élevé de 150 %. Ne parlons pas des retraites mahoraises, qui sont de 300 euros en moyenne, avec un excédent de millions d’euros de cotisations envoyées chaque année à Paris. Oui, l’égalité sociale à Mayotte est bien une question urgente de justice sociale.
À cet égard, l’horizon de 2031 fixé par la loi Mayotte 2 nous paraît bien lointain, mais atteignable si l’État donne à nos entreprises les moyens de financer les mesures prévues en mettant en place le dispositif Lodeom tel qu’il existe dans les autres départements ultramarins. Il s’agit là aussi d’assurer une égalité de traitement pour les entreprises mahoraises, qui n’ont pas eu accès à la Lodeom à laquelle Mayotte a pourtant droit depuis sa départementalisation il y a dix ans.
Cette discrimination inexplicable doit prendre fin : il n’est pas question que le gouvernement hypothèque l’égalité sociale à Mayotte en privant nos entreprises d’une manne estimée à 320 millions d’euros. Les 7,6 millions d’euros du CICE d’exception versés à Mayotte ne font pas illusion : c’est une misère. La CMP devra régler ce sujet crucial.
J’appelle aussi votre attention sur les articles 19 et 20, qui ont été supprimés dans cet hémicycle. Nous avons ainsi réussi à empêcher la spoliation des terres mahoraises voulue par le gouvernement. J’espère que la CMP conservera cette protection du droit constitutionnel des Mahorais à la propriété.
Mayotte restera vigilante. Nous voterons ces deux textes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR, DR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Davy Rimane.
M. Davy Rimane (GDR)
Ce texte s’intitule projet de loi de « refondation » de Mayotte. Mais il ne refonde rien du tout. Il enterre des principes, il alimente la stigmatisation, il légitime une dérive inquiétante qui criminalise la misère et affaiblit les élus locaux.
Pour nombre de raisons, le groupe GDR se partagera entre vote contre et abstention sur le premier texte ; il votera pour le projet de loi organique.
La première chose que ce texte consacre, c’est un durcissement inédit de la politique migratoire à Mayotte, une politique migratoire sans humanité, sans logique, sans issue. On généralise l’expulsion. On limite les titres de séjour. On restreint les regroupements familiaux. Certaines mesures visent même des mineurs.
Ma question, posée depuis des mois, reste sans réponse : où allez-vous mettre toutes ces personnes que vous voulez expulser ? Dans des charters ? Dans des centres de rétention ? À la rue ?
M. Pierre Cordier
C’était une idée de Mme Cresson, les charters…
M. Davy Rimane
Allez-vous laisser ces hommes, ces femmes, ces enfants errer sans droits ni protection dans une zone grise de la République ? Cette logique n’est pas une solution. C’est un affichage. (Mme Andrée Taurinya applaudit.)
C’est aussi une manière de détourner l’attention des vraies urgences. Pendant qu’on parle d’expulsions et de centres de rétention, les écoles ferment, les robinets sont à sec, la population vit avec des tours d’eau ; et l’eau, quand elle est accessible, n’est souvent pas potable. Vous avez chaud aujourd’hui ? Pensez donc aux Mahorais, qui subissent des températures insoutenables quasiment toute l’année dans un archipel où les infrastructures hydrauliques sont inexistantes ou, au mieux, vétustes.
Deuxième point d’alerte : les moyens annoncés. Le gouvernement se félicite d’un effort budgétaire inédit pour Mayotte. Mais quand on y regarde de plus près, on constate que, parmi les sommes mises en avant, figurent celles qui doivent être consacrées à la zone franche globale. Or une zone franche, ce n’est pas une dépense ; c’est une exonération, c’est-à-dire un manque à gagner fiscal pour les collectivités, les hôpitaux, les services publics. C’est un habillage comptable : on crée artificiellement un budget d’investissement en ajoutant une ligne « non-recettes ». C’est une manière d’affaiblir l’autonomie financière des territoires tout en prétendant les aider.
Soyons clairs : Mayotte a besoin d’investissements structurels, pas de gadgets fiscaux ni de vitrines. Cette zone franche ne compensera ni l’absence de politique industrielle, ni le désengagement massif de l’État ces dernières années.
Je veux enfin lancer ici une mise en garde très ferme.
Je vois bien que ce texte sert aussi de laboratoire politique ; que certains, dans ce gouvernement ou dans d’autres institutions, rêvent d’en faire un modèle exportable ; et que la Guyane, ma terre, n’est pas loin dans leur viseur.
Mais qu’on ne s’y trompe pas : les réalités ne sont pas transposables. Et surtout, la dignité humaine n’est pas négociable. Je le dis avec force : je m’opposerai de toutes mes forces à toute tentative d’importer en Guyane ce modèle sécuritaire, répressif et inégalitaire. On ne lutte pas contre la précarité en stigmatisant les pauvres. On ne soigne pas un territoire fracturé en lui retirant des droits. On ne construit pas la paix sociale avec des policiers supplémentaires mais avec des médecins, des professeurs, des logements, de l’eau et du respect. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Enfin, je veux répondre à M. le ministre d’État Valls, qui prétend vouloir rompre avec les pratiques du passé et ouvrir une nouvelle relation avec les outre-mer. Mais, dans le même souffle, il explique que la convergence sociale à Mayotte est conditionnée à la résolution du problème migratoire. Autrement dit : on ne vous donnera pas les mêmes droits tant que vous n’aurez pas réglé vos problèmes. C’est une infantilisation politique. C’est aussi une hypocrisie crasse, parce que les inégalités ne sont pas le fruit de l’immigration mais du désengagement de l’État. Et c’est surtout une injustice flagrante. La République ne peut pas poser des conditions à l’égalité. Elle ne doit pas la négocier, elle doit la garantir.
Je m’abstiendrai, non pas par posture, mais parce que ce texte trahit l’idée même de refondation. Mayotte mérite un projet de justice, de solidarité et de dignité ; pas une loi de tri, de contrôle et d’illusion comptable.
Au nom de tous les outre-mer, je dis aujourd’hui : nous sommes vigilants, nous sommes debout, et nous n’accepterons pas d’être les cobayes d’une politique qui piétine les principes fondamentaux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR. – Mme Dominique Voynet applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Ricourt Vaginay.
Mme Sophie Ricourt Vaginay (UDR)
Il est des territoires qui, à eux seuls, posent une question de vérité à la République. Mayotte est de ceux-là. Longtemps perçue comme une périphérie, elle est aujourd’hui au cœur de nos contradictions, entre promesse d’égalité et réalité du délaissement.
Le cyclone Chido, en décembre 2024, a arraché les toitures et emporté les routes, mais surtout révélé une République désorganisée, dépassée, absente. Face à ce constat, nous n’avons plus le droit à l’ajustement timide. Il nous faut refonder.
Refonder, c’est reconnaître que l’urgence à Mayotte n’est pas passagère mais permanente ; c’est rappeler que la République doit protéger partout, également et fermement.
Deux textes nous sont aujourd’hui soumis. Le premier, le projet de loi de programmation, mobilise 3,2 milliards d’euros pour la période 2025-2031. C’est un plan historique pour répondre aux besoins vitaux : l’eau, la santé, l’école, les routes, les infrastructures publiques. Ce texte prévoit aussi une gouvernance resserrée, sous l’autorité directe du préfet, avec un suivi annuel par le Parlement.
Quant au projet de loi organique, il crée le département-région de Mayotte, collectivité territoriale unique dotée d’une assemblée de cinquante-deux membres élus à la proportionnelle, avec prime majoritaire. C’est là un cadre institutionnel clarifié et stabilisé, qui rompt enfin avec les bricolages administratifs successifs. Mayotte sera ainsi organisée sur le même modèle que la Guyane ou la Martinique ; cela lui donnera la cohérence institutionnelle qu’elle n’avait jamais eue.
Ces deux textes agissent en miroir : l’un traite l’urgence matérielle, l’autre refonde le cadre politique. Mais leur succès repose sur un troisième pilier, sans lequel tout échouera : l’autorité républicaine. En effet, Mayotte souffre d’un déséquilibre migratoire sans équivalent en France. Oui, l’immigration irrégulière y est massive. Oui, les fraudes à l’état civil sont systémiques. Oui, la violence, alimentée par des bandes armées, des habitats insalubres et une économie informelle incontrôlée, gangrène le lien social.
Face à cela, les mesures proposées marquent un tournant, grâce au travail et au soutien décisif de notre allié, le Rassemblement national : délit de prête-nom, retrait du titre de séjour pour les parents d’enfants délinquants, centralisation des reconnaissances de paternité, visites domiciliaires dans les bangas. Ces mesures rappellent que l’égalité n’est pas l’indifférenciation, mais l’application des mêmes lois partout, avec la même rigueur.
Toutefois, il faut aller plus loin que ces deux textes, comme nous avons tenté de le faire il y a quelques semaines. Lors de l’examen de la proposition de loi visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte, le groupe UDR a défendu un amendement fixant à trois ans la durée de résidence régulière des parents nécessaire pour qu’un enfant né à Mayotte puisse devenir Français.
M. Matthias Tavel
Vous parliez d’appliquer les mêmes lois partout !
Mme Sophie Ricourt Vaginay
À défaut de la suppression pure et simple du droit du sol demandée à juste titre par nos alliés du Rassemblement national, cet amendement de repli visait à mettre fin à un contournement manifeste du droit. Hélas, sur proposition des Républicains, la commission mixte paritaire est revenue à une durée d’un an.
M. Emeric Salmon
Et voilà !
M. Pierre Cordier
Arrêtez de nous taper dessus en permanence ! C’est toujours la même musique !
M. Emeric Salmon
Arrêtez de faire des bêtises !
Mme Sophie Ricourt Vaginay
Disons-le, se contenter d’ajustements timides n’est pas à la hauteur. Ce qu’il faut, ce n’est pas une adaptation cosmétique du droit du sol, mais sa suppression pure et simple. Certains agitent l’épouvantail constitutionnel ; ce faux débat ne saurait masquer l’exigence d’action. Peut-être la suppression du droit du sol à Mayotte suppose-t-elle une révision constitutionnelle. Et alors ? Les textes sont faits pour être adaptés.
La Constitution n’est pas un carcan, mais une œuvre politique vivante, façonnée par le souffle de l’époque et la volonté du peuple souverain. Nous sommes ici pour légiférer et pour faire évoluer le droit en fonction des réalités. Le droit du sol, qui est devenu un facteur de déséquilibre démographique et de fraude organisée, alimente un sentiment d’injustice profond parmi nos compatriotes mahorais. Le Parlement ne peut éternellement reculer face à cette exigence. C’est une question de courage politique – un courage que le socle central n’a manifestement pas. Disons-le avec gravité et fermeté : le Conseil constitutionnel n’est pas une institution fossilisée. Il n’est pas – et ne doit jamais devenir – un censeur a priori du législateur.
Refonder Mayotte, c’est redonner sens à nos valeurs. Le groupe UDR votera ces textes, mais son soutien est vigilant. Il est conditionné à l’engagement réel des 3,2 milliards, à la publication rapide des ordonnances et à un suivi parlementaire exigeant. Mayotte n’attend pas des discours ; elle exige des actes, de la fermeté, de la clarté. Un jour, le plus rapidement possible, il faudra assumer la suppression du droit du sol. La République ne peut être généreuse qu’à la condition d’être lucide. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Vote sur l’ensemble (projet de loi ordinaire)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 540
Nombre de suffrages exprimés 476
Majorité absolue 239
Pour l’adoption 367
Contre 109
(Le projet de loi est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes RN, DR, Dem et UDR ainsi que sur quelques bancs du groupe EPR.)
Vote sur l’ensemble (projet de loi organique)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi organique relatif au département-région de Mayotte.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 540
Nombre de suffrages exprimés 537
Majorité absolue 269
Pour l’adoption 537
Contre 0
(Le projet de loi organique est adopté.)
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN, SOC et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, minisre des outre-mer.
M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer
Je remercie les députés qui, par ce vote, permettent à Mayotte de franchir une étape importante, un peu plus de six mois après le passage de Chido. Ainsi, ce territoire pourra mieux affronter les fléaux qui, il est vrai, empêchent son développement : l’habitat illégal, l’insécurité et l’immigration irrégulière. Ce projet de loi concrétise surtout des promesses, parfois anciennes et jusqu’ici non tenues, en matière d’infrastructures, de convergence sociale, d’accès à l’eau et aux soins. Ce texte est solide ; il comporte des mesures attendues depuis des années, voire des décennies. Il prévoit surtout 4 milliards d’euros d’investissements sur six ans, ce qui est inédit et puissant.
Je remercie les rapporteurs, Philippe Vigier,…
M. Erwan Balanant
Très bien !
M. Manuel Valls, ministre d’État
…Philippe Gosselin, Agnès Firmin Le Bodo et Estelle Youssouffa pour la commission des lois, Frantz Gumbs pour la commission des affaires économiques et Charles de Courson pour la commission des finances, pour leur engagement, et le président de la commission des lois pour sa présence. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem et HOR).
Je salue les avancées obtenues ici, à l’Assemblée, et le travail transpartisan. Celui-ci a conduit à l’abrogation au 1er janvier 2030 du titre de séjour territorialisé, dont j’espère qu’elle sera maintenue (M. Hervé de Lépinau s’exclame) et à l’accélération de la convergence sociale – avec responsabilité. À l’initiative des rapporteurs, plusieurs mesures figurent désormais dans le texte : la hausse du smic net dès le 1er janvier 2026, pour atteindre 87,5 % du niveau hexagonal, et la mise en place de la Puma. Par ailleurs, la transformation du port de Longoni en grand port maritime a été décidée.
Il revient désormais aux députés et aux sénateurs de trouver un compromis en commission mixte paritaire. Je formule le modeste vœu que celle-ci réintroduise les articles visant à faciliter et à accélérer la construction des infrastructures essentielles, en particulier le port et l’aéroport, et revienne sur certains ajouts regrettables ou inconstitutionnels dans le rapport annexé. Je suis sûr que nos compatriotes mahorais retiendront aujourd’hui l’engagement de l’Assemblée pour leur territoire ; c’est l’expression de la solidarité que nous leur devons de la part de la nation. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue pour cinq minutes.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures trente.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
4. Motion de censure
Discussion et vote
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion et le vote sur la motion de censure déposée, en application de l’article 49, alinéa 2, de la Constitution, par M. Boris Vallaud et soixante-cinq membres de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Estelle Mercier.
Mme Estelle Mercier
Donner sa parole, c’est prendre un engagement, faire une promesse que l’on ne peut rompre sans se déshonorer.
Un député du groupe SOC
Eh oui !
Mme Estelle Mercier
Monsieur le premier ministre, en rompant votre promesse, vous avez choisi le déshonneur. (Exclamations sur les bancs du groupe HOR.)
M. Philippe Vigier
Ne commencez pas !
Mme Estelle Mercier
Cette faute, qui vous engage pleinement, appelle une réponse claire de notre assemblée : la censure de votre gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Un député du groupe SOC
Eh oui !
Mme Estelle Mercier
Le 16 janvier, dans une lettre adressée aux présidents des groupes parlementaires socialistes, vous vous étiez engagé à organiser une concertation sur les retraites avec les partenaires sociaux. Vous aviez pris l’engagement écrit que « si les partenaires sociaux ne [parvenaient] pas à un accord global », vous présenteriez « néanmoins les avancées issues des travaux » à l’Assemblée, et qu’« en tout état de cause, le Parlement [aurait] le dernier mot ».
M. Pierre Cordier
Vous vous êtes fait avoir !
Mme Estelle Mercier
À ce moment-là, souvenez-vous, monsieur le premier ministre, la France n’a pas de budget, les Français sont inquiets, l’économie est en berne – et nous, députés socialistes, nous vous avons tendu la main.
Nous vous avons tendu la main, car nous avons voulu croire que dès lors que l’intérêt des Français était en jeu, un dialogue était possible : un dialogue entre les socialistes et vous, votre gouvernement,…
M. Pierre Cordier
C’est le « en même temps » !
Mme Estelle Mercier
…un dialogue entre les partenaires sociaux pour que s’ouvrent enfin les discussions sur la réforme des retraites, « sans totem ni tabou », comme vous l’avez vous-même dit dans votre discours de politique générale.
Et pourtant ! Depuis lors, vous n’avez cessé de revenir sur vos engagements, d’abord en écartant progressivement l’hypothèse d’un retour de l’âge légal à 62 ans, avant même la fin des discussions entre les partenaires sociaux, puis en annonçant devant cette assemblée, il y a quelques semaines, que si aucun accord n’était trouvé, la réforme Borne s’appliquerait, enfin en refusant de présenter devant le Parlement un texte sur les retraites qui reprenne les avancées, même minimes, de cette concertation.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Faites entrer l’accusé !
Mme Estelle Mercier
En agissant de la sorte, vous avez méthodiquement vidé de son sens le conclave sur les retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Dominique Voynet et M. Emmanuel Maurel applaudissent également.)
M. Erwan Balanant
C’est vous, en mettant une pression inutile !
Mme Estelle Mercier
Vous avez explicitement autorisé le patronat français à ne pas faire de concessions, puisque vous l’avez conforté dans son intransigeance,…
M. Emmanuel Maurel
Exactement !
Mme Estelle Mercier
…et vous n’avez cessé de saboter les initiatives de compromis. Si vous aviez imaginé que les socialistes pourraient se contenter de mesurettes, même positives, intégrées à la va-vite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, mais ne modifiant en rien les équilibres fondamentaux de la loi Borne, vous vous êtes lourdement trompé ! (Mêmes mouvements.)
Monsieur le premier ministre, au lieu d’ériger ce conclave en exemple de dialogue et de concertation, vous en avez fait un simulacre et vous avez fragilisé durablement la démocratie sociale. Pire encore, par vos renoncements successifs, vous avez trahi non seulement la parole donnée aux députés, mais surtout la parole donnée aux Français ! (Mêmes mouvements.)
M. Peio Dufau
Exactement !
Mme Estelle Mercier
À ces millions de citoyens qui se sont massivement mobilisés dans les rues pour dire non à cette réforme injuste ! À ces millions de citoyens qui ont très clairement exprimé leur préférence pour l’abrogation de cette réforme en juin 2024 ! À ces millions de travailleuses et de travailleurs qui, chaque jour, souffrent dans leur corps de leur travail et des conditions dans lesquelles il s’exerce ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes EcoS et GDR.) À ces millions de travailleuses et de travailleurs pour qui attendre deux ans de plus, c’est attendre deux ans de trop ! À ces millions de travailleuses et de travailleurs qui ont espéré en janvier que les choses allaient changer !
Pour eux, cette trahison est une nouvelle brutalité et une nouvelle déception, car ils sont les premières victimes de ce terrible impôt sur la vie qu’est le recul de l’âge de départ à la retraite. Jean Jaurès disait que la colère naît de l’espoir trahi. En agissant ainsi, monsieur le premier ministre, vous ravivez les braises d’une contestation populaire que l’espoir d’une négociation entre les partenaires sociaux et d’une discussion au Parlement avait un temps apaisée.
Pendant que vous cherchez minutieusement à gagner du temps et à rester au pouvoir par des manœuvres dilatoires, c’est aux Français que vous en faites perdre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Emmanuel Maurel applaudit également.)
Vous vous gargarisez d’avoir tenu plus longtemps à Matignon que Michel Barnier ou Bernard Cazeneuve, mais votre seul héritage visible, c’est un arbre ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.) Oui, un arbre planté à la va-vite, à l’image de votre politique ! Sans racines, sans vision, il est déjà en train de dépérir, pendant que les Français subissent les conséquences de votre immobilisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Dominique Voynet et M. Emmanuel Maurel applaudissent aussi.)
Depuis maintenant six mois que vous êtes au gouvernement, nous vivons dans une cacophonie gouvernementale, nous ne voyons ni cap, ni stratégie, ni vision pour la France, et surtout rien qui concerne les préoccupations des Français.
M. Sylvain Maillard
Que proposez-vous à la place ?
M. Erwan Balanant
Franchement, en quoi allez-vous améliorer la situation ?
Mme Estelle Mercier
Au contraire, nous assistons à des régressions historiques en matière de transition écologique et de santé publique : loi Duplomb, moratoire sur les énergies renouvelables, réouverture de Fessenheim. En s’alliant aux voix du Rassemblement national, une partie de votre socle commun sabre à la hache les quelques mesures écologiques prises pendant les mandats d’Emmanuel Macron. (Mêmes mouvements.)
M. Erwan Balanant
Et vous, avec vos alliés qui votent contre les ZFE, ça va ?
M. Philippe Vigier
Anti-environnementalistes !
M. Erwan Balanant
Décidément, on n’est pas près de voir une vraie social-démocratie dans ce pays !
Mme Estelle Mercier
Monsieur le premier ministre, quelle sera donc la prochaine étape ? Quel engagement piétinerez-vous demain ? Quelle promesse oublierez-vous ? Au vu de la préparation du budget, comment croire en votre fiabilité et ne pas penser que vous ferez adopter par 49.3 le budget pour 2026 au mépris, encore une fois, du débat parlementaire ? (M. Inaki Echaniz applaudit.)
Tant par votre posture que par vos propos, vous avez fait le jeu de l’extrême droite. Alors que vous prétendiez œuvrer pour le dialogue et le compromis avec les députés de l’arc républicain, vous avez contribué à lui ouvrir grand les portes. Reprenant ses mots – « submersion migratoire » – et faisant alliance avec elle, vous avez trahi le front républicain ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme Nadège Abomangoli
C’était déjà le cas avant !
Mme Estelle Mercier
Nous ne pouvons nous résoudre à cette inquiétante porosité que vous entretenez avec l’extrême droite ; nous la combattons de toutes nos forces. En trahissant vos promesses, vous avez ouvert la porte à la défiance,…
M. Julien Guibert
Vous avez voté pour eux, pourtant !
Mme Estelle Mercier
…cette défiance qui est le terreau des discours populistes et de l’extrême droite, que nous entendons tenir à distance du pouvoir. Vous aviez le devoir d’être un rempart contre elle. À cela aussi, vous avez échoué ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Dominique Voynet applaudit également.)
Vous qui faites souvent référence au destin d’Henri IV, l’histoire retiendra de vous que tel François Ravaillac, vous avez poignardé la liste de vos engagements ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. Pierre Cordier
On n’est pas sûr que ce soit Ravaillac qui l’ait assassiné, mais celui qui l’a fait était encarté au Parti socialiste, d’après ce qu’on m’a dit !
Mme Estelle Mercier
Et ce n’est pas un geste d’égarement, mais un acte délibéré et méthodique. Vous n’avez pas trahi dans l’instant, vous avez trahi dans la durée. À chaque recul, à chaque renoncement, à chaque silence, vous avez enfoncé un peu plus cette lame funeste. Par vos trahisons, par la crise de confiance que vous avez installée, par votre mépris de la représentation nationale et, à travers elle, de l’ensemble des Français, vous avez montré que vous n’êtes pas l’homme de la situation. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)
Pour tous ces reculs, pour toutes vos concessions qui nourrissent l’extrême droite au lieu de la combattre, pour cette fragilisation organisée du dialogue social et démocratique, nous demandons la censure de votre gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Ni outil de déstabilisation, ni instrument de chaos institutionnel, c’est un acte de clarté et de responsabilité, une main tendue aux républicains sincères,...
M. Pierre Cordier
Sincères, nous l’avons toujours été !
Mme Estelle Mercier
…à celles et ceux qui refusent que la France soit gouvernée en dialoguant davantage avec l’extrême droite qu’avec la gauche républicaine.
Mme Justine Gruet
Vous pensez que La France insoumise est républicaine ?
Mme Estelle Mercier
Parce que notre démocratie et les Français méritent mieux qu’un premier ministre volontairement immobile, qui ne respecte pas ses engagements ; parce que pour nous, socialistes et parlementaires, la démocratie et le pluralisme ont un sens ; parce que la parole donnée aux citoyens est le fondement de notre action politique, que trahir cette parole, c’est renoncer à ses engagements et fragiliser une fois de plus le colosse aux pieds d’argile qu’est notre République, nous appelons à un changement clair.
M. Pierre Cordier
« Le changement, c’est maintenant ! » Ça me rappelle quelque chose !
Mme Estelle Mercier
Nous défendons ici une ambition : celle de retrouver le chemin du progrès, du dialogue sincère et d’un changement de méthode. Nous souhaitons désormais pouvoir trouver à Matignon un interlocuteur responsable, respectueux du parlementarisme, un premier ministre qui travaille sur les sujets qui préoccupent réellement les Français – pouvoir d’achat, justice fiscale, justice sociale, éducation, écologie, accès à la santé et à la culture ; un premier ministre qui fixe un cap, qui nourrit pour la France une autre ambition que le retour au cumul des mandats et le scrutin proportionnel (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC) – autant de sujets hors-sol et hors d’âge qui ne sont pas à la hauteur des enjeux écologiques, économiques et démocratiques auxquels nous faisons face.
M. Laurent Croizier
Si des socialistes avaient jamais été à la hauteur, ça se saurait !
Mme Estelle Mercier
Votre méthode inefficace ne sert qu’un seul intérêt, le vôtre ; qu’une seule ambition, rester au pouvoir. Il est désormais temps d’en changer au profit d’une méthode servant avant tout l’intérêt des Français.
Monsieur le premier ministre, vous vous étiez engagé à ce que le Parlement ait le dernier mot. Comme vous ne semblez pas tenir cette promesse, nous allons vous y aider. Je m’adresse ici à vous, collègues députés qui avez dénoncé la réforme des retraites en 2023, qui l’avez qualifiée d’injuste, brutale et contraire à l’intérêt des Français. Aujourd’hui, vous avez l’occasion de rester fidèles à vos engagements.
M. Erwan Balanant
Vous parlez au RN, là ! Même le PS s’y met !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Le Modem panique !
Mme Estelle Mercier
Voter cette motion de censure, c’est adresser un message clair aux Français : on ne peut impunément piétiner la parole démocratique ou bafouer le dialogue social ! Alors, chers collègues députés, je vous le dis, en votant cette motion de censure, vous aurez le dernier mot ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EcoS et GDR. – Les députés du groupe SOC se lèvent et continuent d’applaudir.)
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.
M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique
Ne croyez surtout pas que je veuille banaliser cet événement, mais il s’agit de la huitième motion de censure que notre gouvernement doit affronter et de la deuxième du groupe socialiste – le tout en six mois et demi.
Mme Dieynaba Diop
C’est mérité !
M. François Bayrou, premier ministre
C’est un rythme, vous l’avouerez, respectable et donc un exercice que je tiens à respecter, même s’il y a parfois des aspects baroques.
Récemment, c’était une censure demandée contre le gouvernement parce que l’Assemblée n’était pas contente de l’Assemblée.
Cette fois, c’est un peu plus complexe encore :…
M. Inaki Echaniz
Vous n’êtes pas au niveau !
M. François Bayrou, premier ministre
…la motion de censure a été annoncée solennellement par le président du groupe socialiste parce que « le gouvernement avait promis un projet de loi sur les retraites présenté devant le Parlement. Il n’y a pas de projet de loi. Donc nous censurons le gouvernement. » (« Oui ! » sur les bancs du groupe SOC.)
Mme Fatiha Keloua Hachi
Bon résumé !
M. François Bayrou, premier ministre
Le problème, c’est qu’il y aura un projet de loi…
M. Jérémie Patrier-Leitus
Eh oui !
M. François Bayrou, premier ministre
…– je l’ai officiellement confirmé –…
Mme Fatiha Keloua Hachi
Pour 2026 ! (M. Erwan Balanant s’exclame.)
M. François Bayrou, premier ministre
…reprenant les avancées principales, et à mes yeux significatives, du travail du conclave, que j’ai entendu Mme Mercier qualifier de « mesurettes » – ce que nous allons vérifier. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – M. Roland Lescure applaudit également.)
Avec le dépôt de ce projet de loi, ne le prenez pas mal, mesdames et messieurs du groupe socialiste, vous vous retrouvez le bec dans l’eau (Exclamations sur les bancs du groupe SOC), ce qui, par les temps de canicule que nous vivons, peut avoir des aspects rafraîchissants (Sourires et applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et Dem), mais n’est pas, nous en conviendrons tous, une position durable.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Nous sommes dans une bouilloire climatique ; vous êtes indécent !
M. François Bayrou, premier ministre
Le but de la motion de censure, le président François Hollande l’a clairement indiqué, n’est donc pas vraiment la censure du gouvernement.
M. Nicolas Sansu
D’une motion de censure à la Hollande ! Monsieur le censeur Hollande !
M. François Bayrou, premier ministre
C’est un signal…
M. Aurélien Le Coq
Flou !
M. François Bayrou, premier ministre
…pour qu’il soit clair aux yeux de tout le monde, et singulièrement aux yeux du Parti socialiste lui-même, qu’il est dans l’opposition, ce dont je lui donne bien volontiers acte. Bien que je n’aie pas de qualification particulière pour le faire, je délivre bien volontiers au Parti socialiste, depuis cette tribune, un certificat d’opposition, de mécontentement, de condamnation, d’indignation, de révolte, de protestation, de sanction, d’accusation, de mise en cause, de dénonciation perpétuelle et continue ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
Mme Fatiha Keloua Hachi
Nous n’avons pas de leçons à recevoir de vous !
M. François Bayrou, premier ministre
Je signe des deux mains autant de certificats autographes que vous le voudrez.
Mme Dieynaba Diop
On n’est pas au spectacle !
M. François Bayrou, premier ministre
Mais souvenez-vous de Galilée. E pur si muove,…
Mme Christine Arrighi
Gardez votre ironie !
M. François Bayrou, premier ministre
…proclamait-il quand, au moyen des pires menaces, l’Inquisition mettait en cause sa vision scientifique, fondée sur le constat indiscutable que, contrairement aux affirmations des théologiens, c’était la Terre qui tournait autour du Soleil et non l’inverse.
M. Inaki Echaniz
Et vous, vous tournez autour du pot !
M. François Bayrou, premier ministre
On le forçait à plier. Et pourtant, elle tourne, marmonnait-il !
Mme Christine Arrighi
Quel rapport ?
M. François Bayrou, premier ministre
Telle est bien la question de fond à laquelle, si vous le permettez, je souhaite m’attacher au cours de cette réponse, oubliant les saillies acides qui viennent naturellement sous la plume de l’enfant d’un pays de rugby : qu’y a-t-il de réel, d’indiscutable, dans la situation des retraites, dans la situation des finances publiques de notre pays, dans la situation respective des générations, qui nous oblige – nous oblige ! –, si nous sommes responsables, comme nous prétendons l’être, à prendre des décisions, même difficiles, pour opérer dans nos affaires une remise en ordre nécessaire ?
M. Inaki Echaniz
Qui a mis le désordre ?
M. Benjamin Lucas-Lundy
Le désordre, c’est vous !
M. Inaki Echaniz
Et le mépris !
M. François Bayrou, premier ministre
Stabiliser, remettre en ordre pour aller de l’avant, voilà le triptyque de l’action gouvernementale.
Alors c’est simple ! Il y a, et vous pouvez enregistrer cette affirmation, que la situation ne peut plus continuer, au risque d’une guerre des générations, au risque d’un péril mortel pour notre modèle social, pour notre économie, pour les finances de notre pays et, au bout du compte,…
M. Ugo Bernalicis
Pour la stabilité mondiale !
M. François Bayrou, premier ministre
…pour notre République. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Christine Arrighi
Mais vous vous entendez ?
M. François Bayrou, premier ministre
Notre système de retraites – je le dis non pas pour vous, qui le savez pertinemment, mais pour ceux qui nous écoutent –…
Mme Christine Arrighi
Plus personne ne vous écoute !
M. François Bayrou, premier ministre
…fonctionne par répartition. La règle d’or qui l’organise voudrait donc que les pensions soient payées, chaque année, chaque mois, par les cotisations des entreprises et des salariés – directement, si j’osais dire, du producteur au consommateur, du cotisant au pensionné.
Mais il y a des décennies que cette règle n’est plus respectée. Pour la part des retraites dévolue à la fonction publique, ce sont quelque 30 à 40 milliards qui manquent chaque année.
M. Matthias Tavel
Ce n’est pas vrai !
M. François Bayrou, premier ministre
Pour les retraites du privé elles-mêmes, ce chiffre atteindra, d’après la Cour des comptes, 6 ou 7 milliards en 2030, 15 milliards en 2035, 30 milliards en 2045.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Numéro complémentaire…
M. François Bayrou, premier ministre
Il augmente chaque année ! Si rien n’est fait, la Cour des comptes estime que pour le seul régime général, 350 milliards d’euros de dettes seraient accumulés dans les vingt années qui viennent. Ces chiffres, que je dénonce depuis des années – souvent seul (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS) –,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Seul, vous allez le redevenir !
M. François Bayrou, premier ministre
…ces chiffres de désinvolture et d’immoralité, ce sont les chiffres de la pénalisation des enfants par les parents,…
M. Inaki Echaniz
Vous n’étiez pas commissaire au plan ?
M. François Bayrou, premier ministre
…des travailleurs qui n’en peuvent mais au profit des pensionnés. (Mêmes mouvements.) Ces sommes, si nous les avions, si nous les financions, il n’y aurait aucun problème ! Un pays riche est bien libre d’affecter à l’usage qu’il choisit l’argent tiré de ses impôts, de ses taxes et des charges qu’il prélève. D’ailleurs, s’agissant du social, ce système est bien connu : c’est le système que l’on appelle beveridgien, du nom de l’économiste anglais qui le définit pour Winston Churchill pendant la guerre, et qui fait payer les pensions par l’impôt et les taxes. L’autre système, celui dans lequel les actifs participent par un système d’assurance mutuelle, c’est le système bismarckien.
Il n’y aurait aucun problème à ce que nous prenions un peu des deux – une partie issue des cotisations, une partie des impôts et des taxes. Mais l’argent que, par milliards, nous sommes obligés de fournir chaque année à notre système de retraites pour l’équilibrer, en dépit de la multiplication des impôts et des charges, cet argent, nous ne l’avons pas.
M. Jérémie Patrier-Leitus
Eh oui !
Mme Christine Arrighi
Il y en a certains qui l’ont !
M. Matthias Tavel
Vous n’avez qu’à taxer le patrimoine de vos ministres !
M. François Bayrou, premier ministre
Et ne l’ayant pas, que faisons-nous ? Nous l’empruntons tous les ans depuis des décennies – tous les ans, tous les mois, tous les jours – et il faudra bien que quelqu’un rembourse. On sait très bien, d’ailleurs, qui remboursera :…
M. Ugo Bernalicis
Vos ministres ?
M. Matthias Tavel
Vos ministres millionnaires !
M. François Bayrou, premier ministre
…ce sont les travailleurs d’aujourd’hui et de demain, les salariés, les entreprises, les indépendants ; tous ceux qui paieront des impôts et des charges pendant les vingt, trente, quarante ans qui viennent, c’est-à-dire les actifs d’aujourd’hui et leurs enfants.
M. Erwan Balanant
Exactement !
M. François Bayrou, premier ministre
S’ils comprenaient le piège dans lequel on les a enfermés depuis quarante ans, tous ceux-là manifesteraient, et spécialement les plus jeunes, contre les gouvernants irresponsables (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS) et contre les démagogues qui plaident pour que l’on continue à creuser toujours davantage le déficit.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Ça, pour creuser, vous creusez !
M. François Bayrou, premier ministre
Acceptez, mesdames et messieurs les députés, que je ne vous parle pas seulement en tant qu’élu. Je vous parle en tant que concitoyen…
Mme Christine Arrighi
Non merci !
M. François Bayrou, premier ministre
…et à travers vous qui les représentez, à tous les citoyens, femmes et hommes, de notre pays, pour vous dire ceci : cette situation est un piège mortel ! Un pays ne peut pas survivre à un tel engrenage. Et si personne n’alerte, si personne n’entend,…
M. Ugo Bernalicis
C’est un lanceur d’alerte !
M. François Bayrou, premier ministre
…nous allons nous perdre dans le surendettement et ce sont tous les actifs de notre pays, puis nos enfants, qui paieront l’addition de notre désinvolture. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
Je ne suis pas là – et le gouvernement non plus – pour être dans le confort, pour être tranquille, pour échapper à des motions de censure…
M. Matthias Tavel
C’est vrai, le gouvernement n’est pas là ; d’ailleurs, il n’est jamais là !
M. François Bayrou, premier ministre
Ne hurlez pas tout le temps ! Personne ne vous entend ! On voit vos gesticulations mais on n’entend pas ce que vous dites. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Matthias Tavel
Donc vous ne servez à rien !
Mme la présidente
Monsieur Bernalicis, monsieur Tavel, s’il vous plaît.
M. François Bayrou, premier ministre
Merci. Je crois que ce sont des questions trop graves pour se contenter de vociférations. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR. – M. Nicolas Forissier applaudit également.)
M. Jérémie Patrier-Leitus
L’extrême gauche, toujours respectueuse !
M. Matthias Tavel
On dirait que vous avez réveillé le socle commun !
M. François Bayrou, premier ministre
Je disais donc que nous ne sommes pas là pour être dans le confort, pour être tranquilles, pour échapper à des motions de censure successives, pour gagner du temps, résignés à la douce lâcheté et aux renoncements pour durer. Nous sommes là pour que les Français sachent ce qu’il en est, où nous en sommes, où nous allons et où nous pouvons aller, et qu’ils prennent ensemble, les yeux ouverts, les décisions qui rendront possible la sauvegarde de notre pays – et ce que je dis sur les retraites vaut aussi pour ce dont nous parlerons dans quelques jours, aussitôt après le 14 juillet, dans le cadre de la réflexion que nous avons à conduire pour nos finances publiques.
M. Jean-Claude Raux
Avec de nouvelles recettes ?
Mme Christine Arrighi
Sur les recettes ?
M. François Bayrou, premier ministre
S’agissant des retraites, parce que nous refusons de renoncer à la mesure d’âge en revenant de 64 à 62 ans – certains voudraient même que nous passions à 60 ans –, alors vous voulez nous censurer. Nous abattrons votre gouvernement, dites-vous, comme nous avons abattu le précédent. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
M. Pierrick Courbon
C’est bien résumé !
M. François Bayrou, premier ministre
Je vous réponds : c’est votre pouvoir ! Je respecte la représentation nationale dans toutes ses compétences ;…
Mme Mélanie Thomin
Pas vraiment !
M. François Bayrou, premier ministre
…je respecte nos institutions et les droits du Parlement, dont le droit de censurer, encore que je pense depuis longtemps que la censure devrait s’accompagner, comme chez nos voisins, de l’obligation de présenter un gouvernement de remplacement (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR. – M. Nicolas Forissier applaudit également) pour qu’il y ait une cohérence – ce que l’on appelle une censure positive ! (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme Christine Arrighi
Pas de problème !
M. François Bayrou, premier ministre
Vous avez de grands droits et je les respecte ; mais nous, nous avons des devoirs. Pour ma part, j’ai un devoir : celui de dire la vérité…
Mme Marie Pochon
Vous ne faites que mentir !
M. Aurélien Le Coq
Il fallait oser !
M. François Bayrou, premier ministre
…au peuple qui nous gouverne, de ne pas le tromper, de ne pas accepter son affaissement et son asservissement aux prêteurs, aux intérêts étrangers, d’être ici, à cette tribune et quel que soit le lieu où je m’exprime, son défenseur véridique, même si ce défenseur doit dire des choses difficiles et se retrouve par voie de conséquence impopulaire, parce qu’il refuse d’être le démagogue applaudi qui conduit à l’abîme. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
Mme Christine Arrighi
Ça tombe bien, personne ne vous applaudit !
M. François Bayrou, premier ministre
Vous avez le pouvoir d’abattre le gouvernement ; personne ne vous le conteste et j’entends tous les jours, plusieurs fois par jour, la menace proférée de tous côtés. Vous avez ce pouvoir mais vous n’avez pas celui de décréter que ce qui est n’est pas ; que ce qui menace, ce qui arrive sur la tête de nos enfants par désinvolture généralisée, n’existe plus ou s’apprête à disparaître, supprimé par votre censure.
M. Nicolas Forissier
Très bien !
M. François Bayrou, premier ministre
Vous avez le pouvoir de renverser le gouvernement, mais ce serait créer une situation qui serait pour notre pays plus grave après qu’avant. (Exclamations sur les bancs des groupes SOC et EcoS.) Veut-on de surcroît prouver que le gouvernement est en position de fragilité ?
M. Inaki Echaniz
Vu votre popularité, il n’y a rien à prouver ! Jamais un premier ministre n’a été aussi bas !
M. Jean-Paul Lecoq
Il n’a même pas le soutien de son gouvernement !
M. François Bayrou, premier ministre
Il n’y a aucun doute à ce sujet. Je vous en donne acte : c’est la première fois dans l’histoire de la Ve République qu’un gouvernement n’a pas de majorité, ni absolue ni relative – et tout cela, je le dis au passage pour nourrir d’autres réflexions, au scrutin majoritaire.
M. Thibault Bazin
Vous voulez empirer la situation avec la proportionnelle ?
M. Pierre Cordier
Ce n’est peut-être pas la peine d’en rajouter !
M. François Bayrou, premier ministre
Il n’y a rien de plus facile que de faire tomber le gouvernement : il suffit d’un seul vote. Vous avez donc tous, et pas seulement ceux d’un bord ou de l’autre, le sort du gouvernement entre vos mains. Mais vous n’avez pas – je vous le dis respectueusement – le pouvoir de faire trahir par ce gouvernement l’intérêt national, l’intérêt général et les Français, leurs vies, leurs familles et leurs enfants.
Mme Christine Arrighi
Que faites-vous pour l’intérêt général ?
M. François Bayrou, premier ministre
Ce devoir-là, pour moi et pour nous, il est plus fort que toutes les menaces, parce que ce n’est pas une question de pouvoir et ce n’est pas une question politique : ce qui est en jeu, ce sont les raisons pour lesquelles nous servons et, au bout du compte, nos raisons de vivre !
M. Ugo Bernalicis
C’est beau !
M. François Bayrou, premier ministre
Or cela nous appartient personnellement. François Mitterrand le disait déjà…
M. Inaki Echaniz
Laissez-le donc tranquille !
M. François Bayrou, premier ministre
…à ceux qui, par la menace, envisageaient de le faire démissionner : « Il n’y a rien d’assez puissant pour forcer la volonté d’un homme. »
M. Benjamin Lucas-Lundy
Il a été président de la République, lui ; pas vous !
M. François Bayrou, premier ministre
Voilà pour la situation du pays et voilà pour notre détermination. Alors quel chemin stratégique avons-nous suivi sur cette question des retraites, après le travail qui a été conduit par les gouvernements précédents – j’ai une pensée pour Élisabeth Borne, qui se trouve au premier rang de l’hémicycle ? Cette question des retraites a été omniprésente dans le débat public.
M. Inaki Echaniz
Oui, puisqu’on n’a pas pu en discuter !
M. François Bayrou, premier ministre
Elle a sous-tendu tous les affrontements qui ont eu lieu depuis le printemps de l’année dernière. Elle explique en partie, c’est vrai, le résultat des élections européennes, suite à la perte de confiance ayant entraîné la dissolution, et les mois de mise en cause qui ont fini par entraîner la chute du gouvernement de Michel Barnier. Au moment de ma nomination, j’avais une indication présente à l’esprit : la quasi-totalité des acteurs de ce dossier complexe m’avaient, au long de ces mois de tension, assuré – la plupart du temps en tête-à-tête – que des marges de progression existaient bel et bien. Il se trouve que même minoritaire, je crois profondément en la démocratie sociale,…
M. Alexis Corbière
Ce n’est pas vrai !
M. François Bayrou, premier ministre
…et que je pense même que l’avenir de notre pays, de notre société, serait mal pris en charge si nous continuions à tenir la démocratie sociale en lisière (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – M. Roland Lescure applaudit également),…
M. Erwan Balanant
La gauche devrait applaudir !
M. François Bayrou, premier ministre
…à la considérer comme un prétexte ou comme un luxe. Je pense que nombre des problèmes d’une société comme la nôtre ne doivent pas remonter systématiquement au politique,…
M. Alexis Corbière
C’est une blague ? L’âge de la retraite, ce n’est pas un sujet politique ?
M. François Bayrou, premier ministre
…sous peine de multiplier les sujets d’affrontement, bloc contre bloc et front contre front. Nombre de ces sujets, je le crois, peuvent se régler par le travail en commun de ceux qui, sur le terrain, connaissent la réalité de la situation,…
Mme Christine Arrighi
Le 49.3, c’est le terrain ?
M. François Bayrou, premier ministre
…sa complexité, et savent saisir les chances que l’innovation de la base offre constamment.
M. Alexis Corbière
Apparemment, là, ils n’y sont pas arrivés !
M. François Bayrou, premier ministre
Vous dites exactement le contraire de la vérité et je vais le prouver !
M. Alexis Corbière
Mais oui, bien sûr !
M. François Bayrou, premier ministre
Très souvent, par exemple, syndicats et représentants des entreprises, alors que nous évoquions le climat social, m’ont assuré que dans les entreprises, à la base, la plupart du temps, ça marche très bien !
M. Alexis Corbière
C’est une blague !
M. François Bayrou, premier ministre
Je ne crois pas que tout soit sujet d’affrontement partisan, spécifiquement lorsque les décisions à prendre sont portées par le constat de la réalité, laquelle n’est pas perpétuellement idéologique.
Mme Christine Arrighi
Vous ne croyez pas à la lutte des classes, alors forcément !
M. Alexis Corbière
Quelle langue de bois !
M. François Bayrou, premier ministre
C’est fort de cette intuition que j’ai proposé aux partenaires sociaux de se saisir du dossier des retraites, dans le cadre de ce que l’on a appelé avec humour le conclave,…
Mme Nadège Abomangoli
Cela n’a rien de drôle !
M. Thibault Bazin
Il n’y a pas eu de fumée blanche !
M. François Bayrou, premier ministre
…pour proposer en trois ou quatre mois (Exclamations sur les bancs des groupes SOC et EcoS) des négociations qui pourraient aboutir.
M. Alexis Corbière
Quel bilan ?
M. François Bayrou, premier ministre
Et c’est ce qui s’est passé. J’ai entendu bien des observateurs prononcer le mot d’échec (« Oui ! » sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS) ;…
M. Benjamin Lucas-Lundy
On préférera « non-réussite » ! (Sourires.)
M. François Bayrou, premier ministre
…mais je nie absolument, à cette tribune, que le conclave ait été un échec (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR),…
M. Alexis Corbière
Bravo !
M. François Bayrou, premier ministre
…même s’il est vrai que certains des participants n’ont pas osé faire – je vais en apporter la preuve –,…
M. Alexis Corbière
C’est comme pour les élections il y a un an !
M. Ugo Bernalicis
Il a remis la fumée dans sa poche !
Mme la présidente
S’il vous plaît !
M. François Bayrou, premier ministre
…que certains des participants, disais-je, n’ont pas osé faire le dernier pas, comme si l’on craignait toujours l’accusation de trahison de la part de son propre camp. En réalité, les progrès ont été déterminants ;…
M. Aurélien Le Coq
Ah !
M. Stéphane Peu
Oh !
M. François Bayrou, premier ministre
…ils ont même été beaucoup plus significatifs qu’on ne pouvait l’imaginer au départ de ce processus. Ce bilan est positif et encourageant. (Sourires et exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Globalement positif, on va dire !
M. François Bayrou, premier ministre
Alors je sais bien qu’il ne plaît pas à tout le monde de voir la démocratie sociale apporter des résultats. Mais allez vérifier vous-mêmes, même si vous ne vous êtes pas intéressés à la question,…
M. Alexis Corbière
Arrêtez avec cette prétention !
M. François Bayrou, premier ministre
…affirmation par affirmation, ce qui s’est passé réellement ; ensuite, chacun prendra ses responsabilités en toute connaissance de cause.
M. Alexis Corbière
Vous avez menti, vous ne voulez pas qu’on vote, c’est tout !
Mme Béatrice Bellamy
La politesse, vous connaissez ?
M. Nicolas Forissier
Un peu de respect !
Mme la présidente
S’il vous plaît !
M. François Bayrou, premier ministre
Je sais bien, donc, qu’il ne…
M. Alexis Corbière
Vous êtes un menteur !
Mme la présidente
Un peu de silence !
M. Alexis Corbière
Ce n’est que du mépris depuis sa nomination !
Mme la présidente
Je demande à tous un peu de silence, sauf à une personne : M. le premier ministre, que j’aimerais que nous puissions continuer à écouter.
Mme Christine Arrighi
Oui, qu’on puisse conclure !
M. Alexis Corbière
Vous avez peur du Parlement !
Mme la présidente
Monsieur Corbière, s’il vous plaît !
M. François Bayrou, premier ministre
Je sais bien qu’il ne plaît pas à tout le monde de voir la démocratie sociale apporter des résultats (Rires sur les bancs du groupe LFI-NFP) et que de nombreux courants, de nombreuses autorités pensent sans le dire – ou même en le disant – pour certains qu’il n’y a rien à attendre des entreprises, toujours réputées égoïstes, et pour d’autres qu’il n’y a rien à attendre des syndicats, toujours réputés démagogues. Je crois exactement le contraire !
Je pense qu’il y a, dans une société comme la nôtre, des marges de progression incroyables ou en tout cas remarquables (Exclamations sur les bancs du groupe SOC) à attendre, pour le plus grand bien de l’esprit civique, de la prise de responsabilité conjointe des représentants des acteurs de terrain. Je veux donc faire devant vous le bilan du conclave. (« Ah ! » sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS) et présenter la stratégie du gouvernement face à cette question des retraites.
M. Ugo Bernalicis
Vous annoncez votre démission, à la fin ?
M. François Bayrou, premier ministre
Je veux d’abord rappeler – peut-être ne l’avons-nous pas fait assez – quels étaient les espoirs et les ambitions du gouvernement pour la délégation paritaire permanente des retraites.
Le premier objectif, le plus important, était de garantir l’avenir de notre système de retraite par répartition en fixant comme condition le rétablissement de son équilibre financier d’ici 2030. C’était la condition préalable et la seule que j’avais fixée aux partenaires sociaux, condition qui a été acceptée par tous.
Le deuxième objectif était d’augmenter autant que nous le pourrons la proportion de nos compatriotes qui choisissent de rester au travail plus longtemps. En effet, la faiblesse de l’emploi des seniors en France est, comparativement à nos voisins, un handicap majeur qui menace l’avenir de notre système de retraites.
M. Jean-Claude Raux
On peut se demander pourquoi !
M. François Bayrou, premier ministre
Le troisième objectif était de garantir une meilleure justice. Meilleure justice tout d’abord à l’égard des femmes, meilleure justice à l’égard de ceux qui sont contraints de travailler plus longtemps et meilleure justice à l’égard des salariés pour qui le travail pénible a des conséquences sur la santé.
Quatrième objectif, ne pas alourdir le coût du travail.
M. Ugo Bernalicis
Le prix du travail ! Le travail, ça se paye !
M. François Bayrou, premier ministre
C’est du coût du travail que dépend l’avenir de nos entreprises dans la compétition mondiale, et c’est de la réussite de nos entreprises que dépend l’emploi.
Cinquième objectif : faire que le débat sur les retraites ne soit plus une fracture politique et sociale et éviter qu’il ne devienne un conflit de génération.
Enfin, sixième et dernier objectif, poser – avec les Français et devant eux – la question de la gouvernance du système.
M. Ugo Bernalicis
Ah !
M. François Bayrou, premier ministre
Sur ces objectifs, les quatre mois de travail, que tous les participants décrivent comme sérieux et respectueux, ont permis de dessiner des accords extrêmement riches. Je veux mentionner devant vous les principaux progrès.
Le premier d’entre eux est la reconnaissance du caractère vital de l’équilibre budgétaire qui doit être trouvé avant 2030. Si cet équilibre n’est pas trouvé, on connaît l’enchaînement dramatique auquel serait soumis notre système de retraites : soit une baisse des pensions, ce qui n’est pas acceptable,…
M. Alexis Corbière
Ce sera le cas !
M. François Bayrou, premier ministre
…soit une hausse des cotisations, c’est-à-dire une baisse du revenu du travail, ce qui ne l’est pas davantage.
M. Christophe Bex
Augmentez les salaires !
M. François Bayrou, premier ministre
Deuxièmement, tous les participants ont admis que dans notre système, la question de l’âge était incontournable. Il suffit de rappeler que le Conseil d’orientation des retraites, le COR, a fait adopter ce mois-ci un rapport à l’unanimité des participants pour faire le constat de l’urgence d’un rééquilibrage qui ne peut, en réalité, être réalisé qu’en déplaçant progressivement l’âge de départ à la retraite.
M. Alexis Corbière
Ce n’est pas vrai ! Vous mentez ! La CGT est contre !
M. François Bayrou, premier ministre
Le troisième progrès est le plus important, parce qu’il touche à la première injustice, la situation faite aux femmes, dont les maternités empêchent souvent l’établissement des droits. Les femmes auront désormais non plus la référence des vingt-cinq meilleures années pour l’établissement des pensions, mais si elles ont un enfant, les vingt-quatre meilleures années, et si elles ont eu deux enfants ou davantage, les vingt-trois meilleures années. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Jean-François Coulomme
Quelle générosité !
M. François Bayrou, premier ministre
Allez donc leur dire que cela ne présente aucun intérêt ! Que ce sont des mesurettes ! Vous êtes scandaleux à l’égard de celles qui travaillent et de celles qui ont besoin qu’on les entende pour prendre leur retraite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Clémence Guetté
La honte ! Et vous osez rigoler !
M. Stéphane Peu
Pas vous ! Pas ça ! Vous rigolez ou quoi ? Il n’y a pas plus scandaleux que cette réforme des retraites !
M. Nicolas Sansu
Quelle honte !
M. François Bayrou, premier ministre
Le quatrième progrès, et c’en est un particulièrement pour les femmes, c’est que l’âge de suppression de la décote sera fixé non plus à 67 ans mais à 66 ans et demi. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Je sais bien que six mois dans la vie, pour vous, n’ont aucune importance (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP) tellement vous êtes en dehors de ces considérations (Les protestations redoublent),…
M. Alexis Corbière
Vous devriez avoir honte !
M. François Bayrou, premier ministre
…mais je persiste à affirmer que si vous dites aux femmes qui travaillent que vous vous opposez à cette mesure de progrès, c’est que vous travaillez contre elles, parce que vous êtes indifférents à leur vie ! Seule la politique électorale vous intéresse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR.) Ce n’est pas notre cas et nous avons l’intention d’aller encore plus loin. (Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
M. Alexis Corbière
Quelle honte ! Vivement que vous partiez !
M. François Bayrou, premier ministre
J’en suis convaincu : pour les métiers usants, dans le domaine de la santé, de la dépendance, du handicap, de la vieillesse ou de la petite enfance par exemple, après des carrières hachées, ce gain de six mois est une vraie reconnaissance. (Mêmes mouvements.)
M. Matthias Tavel
Cela ne vaut pas la carrière complète !
M. François Bayrou, premier ministre
C’est en tout cas ce qu’ont pensé les organisations présentes autour de la table : la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC, le Medef et la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises).
M. Nicolas Sansu
Et les autres ?
M. François Bayrou, premier ministre
À l’unanimité, ils ont accepté ces progrès, et vous qui êtes loin du monde du travail, vous nous expliquez qu’il faut les oublier ! Ce n’est pas du tout notre conception de la vie. (Mêmes mouvements.)
Vous n’êtes pas sur le terrain : vous exploitez les difficultés de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem. – Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
Mme Clémence Guetté
Cela fait quarante ans que vous êtes élu !
M. Nicolas Forissier
Silence ! Un peu de respect !
Mme la présidente
Un peu de silence, s’il vous plaît. Chacun est libre de ses paroles dans l’hémicycle, ne vous en déplaise.
M. Alexis Corbière
Mais c’est un discours de provocation !
M. François Bayrou, premier ministre
Cinquième point : la question, cruciale pour les organisations syndicales, de la pénibilité. Vous le savez, la réforme de 2023 avait conservé six critères de pénibilité : le travail de nuit, le travail en trois-huit, le travail caractérisé par la répétition à une fréquence élevée des mêmes mouvements, l’exposition aux bruits, l’exposition aux températures extrêmes et le travail en caisson hyperbare. Mais elle avait exclu trois critères, qui sont tous les trois très importants dans la vie de tous les jours au travail.
Le premier, c’est le port de charges lourdes,…
M. Stéphane Peu
Qui a fait ça ? C’est la loi de Bruno Le Maire !
M. François Bayrou, premier ministre
…le deuxième, c’est l’exposition aux vibrations et le troisième, ce sont les postures pénibles. Au nombre de ces postures, je retiendrai par exemple le travail des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), le plus souvent des femmes, ou le travail dans les crèches, ou encore le travail dans les Ehpad, avec les problèmes musculo-squelettiques qui se multiplient à mesure que l’on avance en âge.
M. Emmanuel Maurel
Ça, c’est le bilan de Macron !
M. François Bayrou, premier ministre
Le conclave a décidé de réintégrer ces trois critères. Je considère que c’est un progrès déterminant. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
M. Nicolas Sansu
Mais arrêtez ! C’est vous qui en aviez voté la suppression !
M. François Bayrou, premier ministre
Deuxièmement, à partir de ces trois critères, les organisations syndicales demandaient l’établissement d’une cartographie de ces métiers à risques pour mobiliser le plus précocement possible l’attention et la volonté de préserver la santé de ceux qui les assument. Le principe de cette cartographie, définie à partir des critères de pénibilité, a été accepté à l’unanimité.
Troisième demande : la définition des actions collectives que doit induire la reconnaissance de ces critères. La plus prioritaire de ces réponses collectives, qui a fait elle aussi l’unanimité des participants au conclave, c’est une grande politique de prévention, notamment du repérage précoce des troubles musculo-squelettiques. C’est là, en vérité, que se trouve une vraie stratégie de lutte contre l’aggravation de ces troubles.
Et puis reste la question de la réparation, c’est-à-dire la réponse à apporter aux salariés exposés durablement à ces sources de pénibilité. Sur ce point, une divergence n’a pas été résolue. Les représentants des entreprises souhaitent que la réparation soit individualisée, après visite médicale, tandis que les représentants syndicaux veulent au contraire qu’elle soit l’objet d’une reconnaissance collective sans avoir besoin d’apporter de preuve supplémentaire.
Mme Christine Arrighi
Et vous ? Comment arbitrez-vous ?
M. Ugo Bernalicis
Les médecins, il n’y en a déjà pas beaucoup…
M. François Bayrou, premier ministre
C’est une divergence dont je ne sous-estime pas la portée, mais je crois pourtant qu’un chemin existe pour rapprocher les deux points de vue et pour que le gouvernement tranche de manière à réunir tous les acteurs.
Mme Christine Arrighi
Les acteurs du Medef ou des syndicats ?
M. François Bayrou, premier ministre
Car, pendant les débats du conclave, les partenaires sociaux ont avancé sur le sujet des transitions professionnelles en vue d’une réorientation. Ils ont par exemple décidé que cet effort de réorientation commencerait par une visite médicale à 45 ans. Et si l’on se place dans la perspective d’une vie de travailleur, d’une vie de salarié, on peut imaginer que cette visite médicale précoce puisse être le premier pas vers une proposition de réorientation professionnelle pour tous ceux qui sont exposés à ces métiers pénibles.
Le but, en effet, ne peut pas être de prolonger à tout prix ces salariés dans l’exposition aux risques, mais de raccourcir la période pendant laquelle ils sont exposés à ces risques,…
M. Matthias Tavel
Cela s’appelle le départ anticipé !
M. François Bayrou, premier ministre
…de réduire ces risques et de définir avec eux – cela est valable pour le privé comme pour la fonction publique – quel métier, quelle nouvelle étape professionnelle épanouissante, ils pourraient emprunter pour que, riches de leurs expériences, ils trouvent d’autres exercices moins périlleux.
M. Ugo Bernalicis
Premier ministre ?
M. Aurélien Le Coq
Commissaire au plan !
M. Peio Dufau
Cela fait des années que c’est annoncé, mais ce n’est jamais fait !
M. François Bayrou, premier ministre
Impératif d’équilibre financier, acceptation lucide du cadre d’âge, abaissement de l’âge de la décote, reconnaissance de la situation des femmes ayant eu des enfants, reconnaissance des critères de pénibilité, reconnaissance de la cartographie des métiers à risques, reconnaissance des politiques de prévention et approche d’une politique de réparation, ce sont des pas en avant décidés à l’unanimité.
La volonté du gouvernement est d’inscrire dans la loi les avancées réelles qui ont été celles du conclave, que personne, en dépit des hurlements, ne peut nier, et qui nous permet de dessiner ce que doit être une méthode d’association des Français, des entreprises, des salariés et des professionnels à la gestion de leur avenir commun. La démocratie sociale est prise en compte, la démocratie politique prend ses responsabilités et la société française doit en être plus responsable et plus unie.
M. Inaki Echaniz
Vous vivez dans un autre monde !
M. François Bayrou, premier ministre
J’ajoute que d’autres pas en avant ont été permis par ce travail en ce qui concerne le financement par accord des entreprises et des représentants des salariés. L’ensemble de ces dispositions représentant environ 1,4 milliard d’euros, un accord a été trouvé sur les deux tiers, soit 1 milliard, avec les délégations syndicales et des entreprises.
M. Pierre Cordier
Comment finance-t-on ?
M. François Bayrou, premier ministre
Reste à trouver le financement d’environ 400 millions, et le gouvernement prendra ses responsabilités dans le texte qui sera présenté à l’automne pour que cette question reçoive une réponse qui ne pénalise ni les uns ni les autres – et sans augmenter le coût du travail,…
M. Ugo Bernalicis
Le prix du travail !
M. François Bayrou, premier ministre
…dont l’alourdissement serait lourd de conséquences pour la compétitivité des entreprises dans le monde de concurrence sauvage qui est le nôtre, et par voie de conséquence pour l’emploi.
J’ai parlé de 400 millions. Sur 407 milliards d’euros de pensions versées, cela représente un peu moins d’un millième. Je suis persuadé qu’on peut y arriver par des adaptations justes et légères.
M. Matthias Tavel
Des mesurettes !
M. François Bayrou, premier ministre
Il y a un dernier point que je tiens à aborder à cette tribune, qui est pour moi la conséquence logique de la méthode d’articulation entre la démocratie sociale et la démocratie politique dont la France a le plus urgent besoin et qui était que soit ouvertement posée la question de la gouvernance des régimes de base du privé. Si nous croyons à ce que nous avons dit depuis des décennies, alors nous devons approfondir l’idée – et dans la responsabilité qui est la mienne, je la défendrai – de confier aux partenaires sociaux la gouvernance et la gestion de ce régime de retraites de base. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs des groupes EPR et HOR.)
Les partenaires sociaux ont donné, avec la gestion des retraites complémentaires de l’Agirc-Arrco, un exemple remarquable. Ces régimes versent 25 % des pensions des Français. Le financement est assuré et des adaptations ont été faites au fil du temps, avec l’accord de toutes les sensibilités d’entreprises et syndicales ; elles permettent aujourd’hui à ce régime non seulement d’être à l’équilibre, mais d’avoir constitué des provisions importantes qui garantissent son avenir. Les partenaires sociaux ont fait la preuve de leur responsabilité et de leur capacité gestionnaire, en même temps que de leur sensibilité à la situation des salariés. Cette démarche doit être reconnue par tous et doit permettre de faire un pas décisif dans le sens d’un équilibre durable et d’une responsabilité sociétale cohérente avec notre modèle social français.
Ainsi, cette question des retraites, que tout le monde présentait comme irrémédiablement bloquée, prise en charge par la démocratie sociale, relayée dans les derniers mètres par la démocratie politique, peut finalement constituer un prototype d’avancée sociale dans une société de responsabilité.
M. Ugo Bernalicis
Ça n’a abouti à rien !
M. François Bayrou, premier ministre
Les temps sont durs, mais la preuve est apportée que nous pouvons avancer ensemble – ou plus exactement, plus profondément, c’est parce que les temps sont durs que nous devons avancer ensemble. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR ainsi que sur quelques bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
En ce jour caniculaire, nous voici réunis pour une énième motion de censure : la huitième en six mois !
Mesdames et messieurs les députés du groupe socialiste, signataires de cette motion, qui êtes en train de quitter l’hémicycle,…
Mme Justine Gruet
Quel manque de respect !
M. Thibault Bazin
…n’avez-vous pas peur de lasser les Français ? Est-ce le moment de perdre un temps parlementaire précieux ? Vous voulez censurer le gouvernement ; et après ? N’avez-vous pas appris des conséquences de la censure du gouvernement de Michel Barnier ? Le vote du 4 décembre dernier a fait perdre à la France de la croissance économique (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs des groupes EPR, Dem et HOR), a causé de l’instabilité et freiné les investissements, ce qui a ralenti les embauches et donc entraîné des pertes de recettes pour notre système de protection sociale. Vous en portez, avec d’autres, la lourde responsabilité.
M. Inaki Echaniz
C’est vous qui êtes des irresponsables !
M. Thibault Bazin
Ces derniers mois ne vous ont-ils rien enseigné pour que vous en arriviez de nouveau à voter avec La France insoumise une motion de censure dont le succès ne ferait qu’affaiblir encore la France, aggraver l’équilibre des comptes publics – notamment des comptes sociaux – et finalement pénaliser les Français.
Je me souviens d’un temps, pas si lointain – 2015 –, où un président de la République socialiste…
Mme Frédérique Meunier
Il a quitté l’hémicycle !
M. Ian Boucard
Qui était cet homme ?
M. Thibault Bazin
…déclarait : « Nous devons rassurer [les jeunes] en montrant la capacité de notre système de répartition à leur verser les pensions auxquelles ils auront droit par leurs cotisations. […] c’est la plus élémentaire des précautions et c’est même le respect de la promesse de la sécurité sociale […]. C’est très important d’avoir cette vision longue […]. » Votre manœuvre tactique du jour est bien loin de ces propos.
Mesdames et messieurs les députés du groupe socialiste,…
Mme Justine Gruet
Celles et ceux qui sont restés dans l’hémicycle !
M. Thibault Bazin
…nous sommes souvent en désaccord, mais je pensais naïvement que nous partagions un esprit de responsabilité devant les grands défis de notre pays. Je constate, à regret, que je me suis trompé. Il est encore temps de vous reprendre en retirant votre motion. À moins qu’il ne s’agisse d’un faux-semblant et que vous n’espériez l’échec de votre propre motion ? Ce ne serait pas sérieux.
M. Inaki Echaniz
Non, on compte bien faire tomber le gouvernement !
M. Thibault Bazin
Cela étant déploré, abordons maintenant le fond de votre motion de censure. Il est loin le temps où vous défendiez le travail, les travailleurs, le mérite et l’exigence républicaine (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe Dem. – M. Stéphane Vojetta applaudit également.) Concernant les retraites, il y a une forme d’hypocrisie de votre part. Sous le quinquennat de François Hollande, n’avez-vous pas augmenté la durée de cotisation pour la porter à quarante-trois annuités ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe DR.) Cela revenait à se rapprocher d’un départ à la retraite à 64 ans puisque l’âge moyen d’entrée dans la vie active s’est stabilisé à 21 ans depuis trente ans. En effet, 21 plus 43 égale…
Un député du groupe SOC
62 ! (Sourires.)
M. Thibault Bazin
…64 ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
M. Pierre Cordier
Bravo, M. Bazin !
M. Thibault Bazin
Vous devriez revoir vos cours de mathématiques, mes chers collègues !
Cela s’est révélé, sans que vous le disiez, une formidable machine à décote. Or il ne faut pas mentir à nos concitoyens.
Mme Justine Gruet
Ils en ont assez !
M. Thibault Bazin
Nous leur devons la vérité, du moins si l’on veut préserver le pouvoir d’achat de nos retraités et de nos travailleurs !
À présent, vous voulez revenir sur les précédentes réformes. Or, en réalité, vos propositions pour financer ces nouvelles dépenses pénaliseraient une nouvelle fois les travailleurs. En effet, vous proposez d’augmenter les cotisations patronales en diminuant les allègements de charges dont bénéficient les employeurs, ce qui affecterait leur compétitivité et détruirait des emplois.
M. Patrick Hetzel
Bien sûr !
M. Thibault Bazin
Certains voudraient même augmenter encore les cotisations salariales, ce qui diminuerait le salaire net, donc le pouvoir d’achat des travailleurs. En réalité, la solution est simple : il faudrait faire tout le contraire !
Mme Justine Gruet
Faites confiance à la droite !
M. Thibault Bazin
Je reprends de nouveau les mots prononcés à l’époque par le président François Hollande :…
Mme Justine Gruet
Ma parole, il a lu les œuvres complètes !
M. Thibault Bazin
…« il y a des causes démographiques qui de toutes façons nous obligent, d’où le lien qui a été établi entre durée de cotisations et espérance de vie […] ». En effet, au début des années 1970, la France comptait 4 actifs par retraité pour équilibrer son système par répartition. Désormais, il y a 1,7 cotisant par retraité, et la Cour des comptes estime que ce ratio continuera à diminuer jusqu’à 1,54 cotisant par retraité en 2045.
La Cour l’a rappelé, le déficit de notre système de retraites atteindra 25 à 32 milliards en 2045, à périmètre constant, c’est-à-dire en incluant les subventions d’équilibre et les surcotisations vieillesse. Nous devons ouvrir les yeux sur l’ampleur du déficit de notre système de retraites par répartition. Au vu des chiffres, il est évident que ce déficit s’aggravera si nous n’agissons pas sur les deux principaux vecteurs assurant sa pérennité : le taux d’emploi et le renouvellement des générations.
Dans le texte de votre motion de censure, mesdames et messieurs les députés du groupe socialiste, vous n’évoquez pas les perspectives démographiques, qui jouent pourtant un rôle essentiel à moyen terme. Or elles sont inquiétantes : le taux de fécondité a chuté en une décennie à 1,6 enfant par femme, tandis que le désir d’enfant est resté constant, à 2,3 enfants par femme.
Ne faites-vous pas un peu diversion avec votre motion ? La vérité est que vous avez considérablement malmené et fragilisé notre politique familiale, pénalisant les familles de la classe moyenne qui travaillent et ont des enfants à charge. (Mme Justine Gruet et M. Laurent Wauquiez applaudissent.) Ainsi, sous le quinquennat de François Hollande, vous avez porté atteinte à l’un des fondements de la politique familiale menée depuis 1945 en remettant en cause le principe d’universalité des allocations familiales. Les conséquences à moyen terme en sont néfastes pour notre système de protection sociale, car il repose sur le renouvellement des générations. Monsieur le premier ministre, il est urgent de rétablir une véritable politique familiale ! (Mme Justine Gruet et M. Éric Martineau applaudissent.)
Le taux d’emploi est le second vecteur décisif pour l’équilibre de notre système de retraite. Quelle orientation prendre désormais en la matière ? Gardons en tête qu’avec le même taux d’emploi que l’Allemagne, nous aurions 15 milliards d’euros de recettes sociales supplémentaires et 5 milliards d’euros de prestations en moins à verser, ce qui représente au total 20 milliards, soit la moitié de l’effort à fournir. Plutôt que de voter des motions de censure, nous devrions consacrer notre énergie à faire des propositions pour améliorer le taux d’emploi en France. Voilà le principal défi à relever !
Je livre ici plusieurs pistes qui pourraient, parmi d’autres, figurer dans une grande loi travail. La première consisterait à déplafonner pour tous le cumul emploi retraite. Cela permettrait d’améliorer les revenus des personnes qui ont eu des carrières incomplètes et perçoivent souvent une petite retraite. (Mme Justine Gruet applaudit.) Une autre piste serait d’autoriser les parents d’enfants de plus de 3 ans à travailler à temps partiel s’ils le souhaitent, plutôt que de solliciter une disponibilité de droit, choix souvent subi. Nous pourrions aussi développer la retraite progressive et supprimer les trappes à inactivité, qui dissuadent certains Français à temps partiel d’augmenter leur temps de travail car ils y perdraient. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR. – M. Éric Martineau applaudit également.)
Avec mon groupe, présidé par Laurent Wauquiez, …
M. Benjamin Lucas-Lundy
Placement de produit !
M. Thibault Bazin
…je dis au gouvernement : avançons sur ces sujets ! Ne nous cantonnons pas au champ restrictif du budget de la sécurité sociale ! Élargissons le débat et utilisons d’autres vecteurs législatifs !
Si l’augmentation du taux d’emploi doit être une des priorités du financement de notre système de protection sociale, la lutte contre la fraude…
M. Alexis Corbière
Fiscale ?
M. Thibault Bazin
…est également un des grands chantiers à mener, pour toutes les branches de la sécurité sociale, y compris la branche vieillesse. C’est une question de justice sociale, que vous n’évoquez pas dans votre motion. Une fois de plus, je ne résiste pas à la tentation de citer François Hollande :…
M. Alexis Corbière
Thibault Bazin, le dernier hollandais de l’hémicycle !
M. Thibault Bazin
…« [la fraude] est un mal insidieux car cela fait douter de l’équité de la sécurité sociale, fragilise le consentement à la financer. Et c’est la raison pour laquelle la rigueur la plus ferme s’impose contre ceux qui abusent car ils volent bien plus que de l’argent public, ils portent atteinte à l’idée même de la solidarité ». (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
M. Ian Boucard
C’était avant qu’il ne soit élu avec les voix des Insoumis !
M. Thibault Bazin
Je ne saurais m’exprimer plus clairement. En tout cas, monsieur le premier ministre, agissons ! Enfin !
La Cour des comptes a récemment noté que 1,1 million de pensionnés vivent à l’étranger, ce qui représente 3,9 milliards versés par le régime général. Six pays concentrent 70 % de ces retraités, par ordre d’importance : l’Algérie, le Portugal, l’Espagne, l’Italie, le Maroc et la Belgique. La Cour relève que, dans certains de ces pays, en particulier l’Algérie, le taux de retraités centenaires est plus élevé qu’en métropole.
M. Pierre Cordier
Bizarre !
M. Thibault Bazin
Selon les estimations de la Cour, le coût annuel de la fraude est de 40 à 80 millions pour l’Algérie et d’environ 12 millions pour le Maroc. La Cour souligne que les indus et les fraudes relatifs aux pensions versées à l’étranger devraient faire l’objet d’un suivi et d’évaluations spécifiques, ce qui n’est pas le cas actuellement. Il y a donc des marges de manœuvre pour que les organismes de la branche vieillesse communiquent mieux entre eux et renforcent les contrôles.
Au-delà de la branche vieillesse, les chantiers sont immenses : on comptabilise plus de 6 milliards d’indus dans la branche famille, par exemple. La complexification et l’empilement des dispositifs augmentent les risques d’indus, raison pour laquelle nous appelons depuis longtemps à la mise en place d’une aide sociale unique, synonyme de simplification.
Monsieur le premier ministre, un projet de loi sur la fraude sociale serait en préparation.
M. Ian Boucard
Très bien !
M. Thibault Bazin
Pourquoi ne pas l’inscrire à l’ordre du jour de la session extraordinaire de septembre puisque l’examen de la proposition de loi sur la proportionnelle est reporté ?
M. Pierre Cordier
La proportionnelle, on s’en moque !
M. Thibault Bazin
Avec mes collègues du groupe Droite républicaine, présidé par Laurent Wauquiez, nous soutiendrons cette démarche. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)
L’an dernier, la plupart des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) relatifs à la lutte contre la fraude sociale ont été censurés. Nous devons donc agir grâce à ce projet de loi, avant même l’examen des prochains budgets. Monsieur le premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, nous profitons de cette motion de censure pour vous alerter solennellement sur les choix budgétaires à venir. Arrêtons les logiques de rabot, qui sont aveugles et injustes !
Je tiens à rassurer tout le monde : nous ne souhaitons pas voter la motion de censure…
Mme Christine Arrighi
Nous n’étions pas inquiets !
M. Ian Boucard
Nous sommes responsables, nous !
M. Thibault Bazin
…car nous ne souhaitons pas ajouter de l’instabilité au chaos actuel. Mais cela ne signifie pas que nous nous résignons au gel des pensions ou à des hausses de taxes et de cotisations pour financer un modèle social dont la pérennité est menacée par des déficits croissants. À la fin, le risque est grand que les mêmes continuent à payer : ceux qui se lèvent tôt, au bénéfice de ceux qui vivent uniquement des aides sociales. Le risque est grand que, faute de réformes structurelles, ceux qui attendent des revalorisations légitimes en soient privés. Il est urgent de créer un véritable écart entre les revenus du travail et les aides sociales.
En amont des prochains budgets, nous devons aménager l’ordre du jour de notre assemblée pour traiter ces deux grands sujets : la valorisation du travail et la lutte contre la fraude. Tous ces chantiers sont cruciaux et valent mieux que les effets de manche contenus dans cette motion de censure. Dans le texte de cette motion, vous dites souhaiter « le retour à l’équilibre de notre système de retraites », lequel « ne peut se faire que dans la justice ». Alors, travaillons vraiment pour équilibrer les comptes, non en pénalisant ceux qui travaillent ou qui ont travaillé, mais en améliorant le taux d’emploi, en réduisant les dépenses inutiles et en évitant les indus. Là réside la véritable justice sociale ; il y va de notre cohésion nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Benjamin Lucas-Lundy.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Souvenez-vous, c’était un 1er juillet, il y a un an jour pour jour, le lendemain du premier tour d’élections législatives provoquées par la pulsion mégalomaniaque du président de la République : la France se réveillait en se demandant si elle allait basculer à l’extrême droite, du côté de celles et ceux qui voulaient interdire aux binationaux d’exercer des responsabilités publiques et instiller partout – dans nos familles, nos entreprises, nos villes et nos villages – le poison de la haine, du racisme et de la division. Vous vous apprêtiez à perdre la majorité acquise par le président de la République après son élection en 2017 mais déjà rognée par les Français en 2022.
Puis s’est produit le sursaut : par millions, les Françaises et les Français se sont mobilisés pour refuser que la France ne soit plus la France, pour refuser que l’extrême droite ne l’emporte et dirige notre pays. C’était un barrage mais aussi bien davantage : un élan civique démocratique comme la France n’en avait pas connu depuis des décennies.
Un an après, qu’en avez-vous fait, monsieur le premier ministre ? Quel spectacle piteux, affligeant, de voir un disloque commun n’ayant en lui-même aucune forme de cohérence – nous venons encore de l’entendre –, si ce n’est celle d’avoir voulu empêcher la gauche et les écologistes de gouverner. (Mme Christine Arrighi et M. Jean-Claude Raux applaudissent.)
Quel spectacle quand on lit dans la presse votre sévérité envers le président de la République, et la sienne ! Nous venons, là aussi, de l’entendre. Vous avez constitué un cartel de bric et de broc dans le seul but de préserver le bilan d’Emmanuel Macron. De ce point de vue, votre faute est impardonnable : vous avez gâché, trahi un élan civique inédit et historique. C’est une faute irréparable : vous avez brisé la confiance de nos concitoyens dans le vote.
Avant d’y revenir, je veux aborder le sujet qui nous réunit aujourd’hui et que vous semblez sous-estimer dans votre propos : la réforme des retraites conduite par Mme Borne, présente à vos côtés dans l’hémicycle. Pourquoi cette réforme a-t-elle cristallisé l’ensemble des colères, des ressentiments et du rejet dont – vous l’avez vous-même rappelé – votre famille politique a été l’objet, si ce n’est la victime, aux élections européennes et au premier comme au second tour des élections législatives ? Parce que cette réforme est violente.
Elle est d’abord violente socialement, car elle vole deux ans de vie en bonne santé aux Français et, à terme, fera baisser leur espérance de vie en bonne santé : si l’on vit plus longtemps, c’est aussi parce qu’on peut se reposer à l’âge de la retraite. Du fait de cette réforme, des associations et des clubs sportifs de nos villes et de nos villages ne pourront plus bénéficier de l’engagement de ces néoretraités qui, arrivés à la retraite, ont de l’énergie et du temps à consacrer aux autres et au bénévolat. Du fait de cette réforme, des grands-parents ne pourront plus garder leurs petits-enfants ; ils devront travailler deux ans de plus et finiront épuisés.
À cette violence sociale s’ajoute une violence morale car, sur ce sujet comme sur d’autres, vous avez fait le choix politique de faire payer toujours les mêmes : celles et ceux qui travaillent. Vous avez l’indécence de nous expliquer que nous devons financer notre protection sociale et nos retraites sur le dos des travailleuses et des travailleurs sans jamais remettre en cause l’ultrarichesse. C’est une réalité, indécente je le répète, dans notre pays : une infime minorité de privilégiés accumulent les richesses et accaparent les ressources sans que vous lui demandiez jamais rien.
C’est enfin une violence contre la démocratie. Monsieur le premier ministre, vous aimez disserter sur la démocratie – vous avez même présidé un parti dénommé « Mouvement démocrate ».
M. François Bayrou, premier ministre
Je l’ai même fondé !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Vous conviendrez donc que, dans toute démocratie, si l’on veut mener une réforme de cette ampleur, il est nécessaire d’obtenir un consentement. Pour une réforme de cette nature, il y a trois consentements possibles. Le premier est celui des partenaires sociaux. Or nous avons observé, contre cette réforme, une unanimité syndicale et un mouvement social massif et inédit, qui ne s’est jamais démenti au fil des mois. Sur ce premier point, c’est raté.
Deuxièmement, en cas de situation de blocage au Parlement, il est possible de s’appuyer sur le peuple, sur l’opinion publique. Or, comme l’ont démontré tous les sondages ainsi que les mobilisations dans le pays, l’écrasante majorité des Françaises et des Français – plus de sept sur dix – étaient, et demeurent, opposés à cette réforme. D’ailleurs, vous avez, comme Mme Borne, employé le mot « pédagogie ». Eh bien, il se trouve que plus vous expliquiez la réforme, plus les Françaises et les Français la comprenaient, et plus ils la rejetaient.
Restait, troisièmement, le Parlement – ce n’est pas rien dans une démocratie, vous en conviendrez. Or, nous l’avons rappelé à plusieurs reprises, il n’a pas pu voter sur ce texte d’ampleur.
Vous avez donc choisi de recourir à une triple violence. Si nous voulons vous censurer aujourd’hui, c’est parce que nous avons fait le serment solennel, auprès des Françaises et des Français, d’abroger la réforme la retraite à 64 ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
M. Alexis Corbière
Oui, et nous le ferons !
M. Nicolas Forissier
Quelle posture démagogique !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Notre position a été claire alors que d’autres, à l’extrême droite de l’hémicycle, ont opté pour le flou artistique en s’alliant, lors de la campagne des législatives, avec M. Ciotti, partisan de la retraite à 67 ans. (M. Jean-Philippe Tanguy s’exclame.)
M. Alexis Corbière
Oui, collègue Tanguy, avec Ciotti et la droite libérale !
M. Benjamin Lucas-Lundy
En refusant aujourd’hui de voter la censure, ils montrent que leur projet reste, encore et toujours, l’abaissement des droits sociaux et de la protection sociale des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC. – M. Jean-Philippe Tanguy s’exclame.)
À votre arrivée aux responsabilités, monsieur le premier ministre, vous avez cherché à gagner du temps. En réalité, vous en avez fait perdre à la France. Après la fin du conclave, vous avez prononcé un anuncio : « Habemus naufragium. »
M. Alexis Corbière
Sede vacante !
M. Pierre Cordier
M. Bayrou n’a jamais fait de latin !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Vous nous aviez annoncé un résultat formidable mais vous n’avez rien obtenu – vous nous l’avez d’ailleurs montré aujourd’hui.
La vérité, c’est qu’en refusant de faire pression sur le Medef et en lui accordant un droit de veto, vous aviez dès le départ vicié la discussion et ce fameux conclave.
M. Alexis Corbière
C’est clair !
M. Benjamin Lucas-Lundy
C’est pourquoi le groupe Écologiste et social avait voté pour les précédentes motions de censure.
Les Français voient bien la réalité : si vous êtes à cette place aujourd’hui, c’est pour préserver le bilan d’Emmanuel Macron – tout son bilan, rien que son bilan.
M. Alexis Corbière
C’est le dépôt de bilan !
Mme Christine Arrighi
Vous en serez aussi comptables !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Les Françaises et les Français, qui ont voté à trois reprises pour en finir avec la politique d’Emmanuel Macron, se retrouvent aujourd’hui – pardonnez-moi, madame la première ministre – avec Mme Borne et M. Valls, soit les deux anciens premiers ministres les plus détestés dans l’opinion publique,…
M. Nicolas Forissier
Comment peut-on dire cela ? Qu’en savez-vous ?
M. Alexis Corbière
Il y en a eu de pires…
M. Benjamin Lucas-Lundy
…mais aussi avec M. Bayrou, qui fut macroniste avant Emmanuel Macron lui-même. On peut considérer qu’il s’agit d’une forfaiture, d’une trahison du suffrage des Français.
Nous vous censurerons évidemment sur la question des retraites – je n’y reviens pas. Cependant, nous assumons aussi une irrépressible envie de faire tomber le gouvernement pour l’ensemble de son œuvre – si je puis dire.
Quand M. Retailleau, devant une foule fanatisée, excite des militants en criant « À bas le voile ! » et fait lever sur le pays un vent de haine, d’islamophobie et de racisme, nous ne pouvons rester silencieux.
M. Nicolas Forissier
Et votre ami Mélenchon, il ne dit rien ?
M. Benjamin Lucas-Lundy
Quand il salit la mémoire du jeune Nahel, nous ne pouvons rester silencieux. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et SOC.) Quand il reprend les slogans et les propositions de l’extrême droite alors qu’il est au pouvoir, nous ne pouvons rester silencieux.
Quand vous-même parlez de « submersion » migratoire, reprenant la rhétorique de Jean-Marie Le Pen, nous ne pouvons rester silencieux.
M. Philippe Vigier
Oh là là !
M. Nicolas Forissier
N’importe quoi !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Quand Mme Dati cumule les affaires mais que vous préférez, comme toujours – c’est une constante de la Macronie – privilégier le clan à l’intérêt général, à la République et à son exemplarité, nous ne pouvons rester silencieux.
Quand vous mentez sur l’affaire Bétharram, nous ne pouvons rester silencieux.
M. Nicolas Forissier
Ce qui est excessif est insignifiant !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Quand vous préparez une cure d’austérité sans précédent, qui abîmera les services publics – le patrimoine de ceux qui n’ont rien –, nous ne pouvons rester silencieux.
Mme Christine Arrighi
N’est-ce pas, monsieur Lombard ?
M. Benjamin Lucas-Lundy
Quand vous passez en force sur la loi Duplomb, loi d’empoisonnement de nos enfants, de notre santé publique et de nos paysans, nous ne pouvons rester silencieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC. – M. Christophe Bex applaudit également.)
Quand vous êtes, sur tous les sujets ayant trait au climat et à la biodiversité, dans les mains des lobbys ou les complices de ceux-ci, nous ne pouvons rester silencieux.
J’ai beaucoup parlé de vous, monsieur le premier ministre. Toutefois, nous ne voulons pas vous faire tomber simplement pour jouir d’un spectacle qui marquerait une victoire politique – après tout, vous êtes un premier ministre semblable aux autres en Macronie. Nous avons aussi une irrépressible envie de gouverner, non pas pour nous-mêmes, mais pour que la devise de notre République – Liberté, Égalité, Fraternité – trouve une traduction concrète dans la vie de chacune et de chacun (M. Jean-Philippe Tanguy s’esclaffe), pour restaurer la crédibilité de la parole de la France à l’échelle du monde en reconnaissant l’État de Palestine, alors que vous tergiversez et cherchez à gagner du temps, et en assumant une position ferme à l’égard de M. Netanyahou, ce qui passe par la dénonciation du génocide qu’il commet à Gaza.
Nous voulons aussi gouverner pour partager enfin les richesses et pour remettre du bonheur dans la vie de celles et ceux qui peinent ; pour protéger les salariés d’Arcelor, d’Auchan ou de Michelin, les paysans empoisonnés, les allocataires du RSA, que vous contraignez au travail forcé, et les habitantes et habitants des quartiers populaires, victimes du racisme d’atmosphère exalté par M. Retailleau ; pour réinventer l’école de la République afin qu’elle tienne sa promesse d’égalité ; pour renouer, quatre-vingt-dix ans après le premier Front populaire, avec de grandes conquêtes en matière de temps libéré afin que chacun gagne du temps pour sa vie personnelle, pour les loisirs, pour la culture, pour souffler, pour respirer et pour partager, loin de vos discours ringards sur le « travailler plus pour gagner plus », vous qui êtes devenus sarkozystes sur le tard,…
M. Pierre Cordier
Vraiment sur le tard, alors !
M. Benjamin Lucas-Lundy
…loin de vos obsessions qui conduisent les gens à s’épuiser à la tâche.
Je ne peux conclure mon propos sans évoquer ce qui se passe en dehors de ces murs : la canicule. Vous avez invoqué nos enfants – comme souvent lorsque vous parlez de la dette ou des retraites. Or il est toujours possible de rembourser une dette, de l’annuler ou d’en discuter. En revanche, une hausse de la température de 2° C, dans notre vie quotidienne et dans celle de nos enfants, c’est irréversible. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.) Le décès de personnes qui suffoquent en ce moment même dans leur passoire thermique sera irréversible.
Ce matin, je regardais mon fils, qui a 7 mois aujourd’hui,…
M. Boris Vallaud
Et qui est beau !
Mme Marie Pochon
Joyeux anniversaire !
M. Benjamin Lucas-Lundy
…en pensant qu’il vivait actuellement sa première canicule. Malheureusement, il en connaîtra de nombreuses autres au cours de sa vie. Pourtant, lorsque vous vous êtes exprimé à la tribune, vous avez préféré plaisanter à propos de la canicule. Nous voulons vous censurer parce qu’il est temps que nous arrivions aux responsabilités pour appliquer une politique de bifurcation écologique radicale qui permette de mieux vivre et de mieux respirer, de partager les richesses et de faire vivre les solidarités et, finalement, les valeurs de la République.
Voilà pourquoi, sans hésitation, nous vous censurerons. (Mme Christine Arrighi se lève et applaudit. – Les autres députés du groupe EcoS, de nombreux députés du groupe SOC et quelques députés des groupes LFI-NFP et GDR applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Geneviève Darrieussecq.
M. Philippe Vigier
Nous passons aux choses sérieuses !
Mme Geneviève Darrieussecq
Probablement insensible aux urgences, nationales ou internationales, qui devraient nous mobiliser à chaque instant, au service des Français, le Parti socialiste a cru bon de déposer une nouvelle motion de censure,…
M. Mickaël Bouloux
Avec fierté !
Mme Dieynaba Diop
En responsabilité !
Mme Geneviève Darrieussecq
…dont la discussion va occuper cet hémicycle pendant toute une partie de l’après-midi.
Vous estimiez certainement, chers collègues socialistes, qu’il y avait bien trop longtemps qu’une telle initiative n’avait pas été prise. Il faut dire que la précédente motion de censure socialiste remonte à février – la durée qui nous en sépare est une éternité dans le monde politique actuel ! Et peu importe que la dernière motion ne date que de juin et que les députés socialistes ne l’aient pas votée.
Rappelons-nous les termes employés alors – il y a tout juste un mois – par leur oratrice : « Nous considérons que le vote de la motion de censure défendue cet après-midi n’est ni la bonne réponse, ni le message que nous souhaitons faire passer ; nous ne l’avons pas cosignée et nous ne la voterons pas, car nous ne voulons pas voter une motion de censure contre le Parlement. » En un mois, le Parti socialiste a fait du chemin.
M. Mickaël Bouloux
C’est parce qu’il y a un problème !
Mme Geneviève Darrieussecq
En effet, vous vous apprêtez à voter une motion de censure non seulement contre le gouvernement et contre le Parlement, mais également contre la démocratie sociale et les avancées qu’elle permet, par le dialogue et le compromis.
Mme Dieynaba Diop
C’est avec les 49.3 que vous faites avancer la démocratie sociale ?
Mme Geneviève Darrieussecq
Le prétexte ? Le premier ministre ne respecterait pas ses engagements.
M. Pierrick Courbon
Eh oui !
Mme Marie Pochon
Tous les Français sont au courant !
Mme Geneviève Darrieussecq
En voilà, une nouvelle fable ! En février, le dialogue social a été engagé, grâce au premier ministre, sur la réforme des retraites de 2023 et les améliorations à y apporter. Après quatre mois de conclave – ou plutôt, pour employer des mots plus justes, de concertation paritaire –, l’accord total que nous pouvions espérer n’a pas été trouvé, mais les partenaires sociaux se sont accordés sur de nombreuses mesures de justice et d’équilibre, qu’a rappelées M. le premier ministre. Ce n’est pas rien !
Le gouvernement serait-il coupable, à vos yeux, de vouloir que le dialogue social se poursuive afin de parvenir à un accord global plus ambitieux ? Serait-il coupable, à vos yeux, de promettre que les premières mesures issues de l’accord entre partenaires sociaux trouveront une traduction dans les textes budgétaires de l’automne – ce qui est la voie logique et pertinente pour ce type de mesures, car elle permettra au Parlement de se prononcer in fine.
Pour simplifier, disons que le Parti socialiste, jamais à l’abri d’une bonne idée,…
M. Erwan Balanant
Ils ont eu de bonnes idées autrefois !
Mme Geneviève Darrieussecq
…estime qu’il convient de censurer le dialogue social dans la mesure où il n’est pas parvenu à un accord global dans le temps imparti. Naturellement, ajoute-t-il, la faute en revient au gouvernement lui-même, qui aurait posé des bornes trop rigides et serait trop soucieux de l’équilibre budgétaire – un comble !
Et tant pis pour les partenaires sociaux qui échangent depuis plusieurs mois et se sont mis d’accord, par exemple, sur l’âge pivot de 64 ans, sur l’abaissement de l’âge de départ à taux plein à 66 ans et demi, contre 67 actuellement,…
M. Boris Vallaud
Mensonge !
Mme Geneviève Darrieussecq
…sur des mesures plébiscitées concernant les critères de pénibilité ou permettant aux femmes de bénéficier d’un calcul plus juste de leur pension.
Tout cela passerait donc par pertes et profits, au tamis des débats internes du Parti socialiste, tout affairé à paraître plus à gauche que la gauche, plus dans l’opposition que l’opposition, ne cherchant même plus à cacher ses incohérences, votant tour à tour pour une motion de censure en décembre, contre une autre en février, contre la suivante au début du mois de juin et pour celle-ci aujourd’hui, sans que personne comprenne grand-chose à ce positionnement politique erratique.
M. Gérard Leseul
Le respect de la parole donnée !
Mme Dieynaba Diop
Nous allons être cohérents : maintenant, nous allons toujours voter pour !
Mme Geneviève Darrieussecq
Cela ne semble convaincre personne, ni la gauche de la gauche, à en croire les réactions de certains, ni ceux qui pensaient que vous aspiriez à être de nouveau le parti de gouvernement sérieux et responsable que vous avez été. Car l’esprit de responsabilité est aujourd’hui du côté de tous ceux qui tentent de trouver des issues aux difficultés de notre pays et qui redonnent toute sa place au dialogue social en faisant confiance aux organisations syndicales.
M. Ugo Bernalicis
Nous, justement !
Mme Geneviève Darrieussecq
D’ailleurs, celles-ci ne s’y sont pas trompées puisqu’elles ont saisi cette occasion pour faire avancer concrètement et utilement des pans importants de notre politique en matière de retraites – nous en avons parlé.
M. Ugo Bernalicis
Exactement, avec des manifestations !
Mme Geneviève Darrieussecq
Dans leur majorité, elles se tiennent loin des considérations politiciennes dont vous vous faites les chantres aujourd’hui par cette motion.
Car que censurez-vous aujourd’hui ? Le calcul des pensions pour les femmes qui prend en compte les vingt-quatre meilleures années à partir du premier enfant ? La réintroduction, parmi les critères de pénibilité, du port de charges lourdes, des postures pénibles ou des vibrations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)
Mme Dieynaba Diop
C’est du délire, c’est vous qui avez supprimé tous ces critères !
Mme Christine Arrighi
Oui !
Mme Geneviève Darrieussecq
La décote à 66 ans et demi qui permet de toucher plus tôt sa pension à taux plein ?
Finalement, ce que vous censurez par cette motion, c’est le dialogue social et l’esprit de compromis des partenaires sociaux, qui ont permis d’aboutir à des avancées réelles pour les Français. Celles-ci ne vous conviennent peut-être pas, ou ne vous suffisent pas, mais elles ont été obtenues grâce à la confiance accordée aux partenaires sociaux pour améliorer le dispositif tout en prenant en considération les lourdes contraintes, budgétaires en particulier, auxquelles notre pays est confronté. Ils ont démontré par là leur esprit de responsabilité et méritent notre entier respect.
Je constate que vous ne faites pas preuve du même esprit. Tout cela ressemble bien à de petites manœuvres partisanes, quand nous aurions tant besoin de sortir des postures et de nous rassembler autour de ces considérations d’intérêt général.
Mme Christine Arrighi
C’est vous qui êtes dans la posture !
Mme Geneviève Darrieussecq
En définitive, disons-le franchement, cette motion n’a en réalité pas grand-chose à voir avec le conclave, ni avec les propositions du premier ministre, ni même d’ailleurs avec les retraites, qui vous servent de prétexte.
Mme Anne Le Hénanff
Eh oui !
Mme Geneviève Darrieussecq
Il vous faut donner des gages sur votre gauche, en dépit de tous les discours d’indépendance que vous tenez. Dès lors, vous jouez l’indignation et forcez le trait pour apparaître comme des opposants plus vigoureux que les plus vigoureux opposants au gouvernement.
Vous manquez vous-mêmes à votre parole qui devait, disiez-vous, vous conduire à être partie prenante du devenir du pays. Vous affirmez, dans le texte de votre motion, être partisans de l’esprit de responsabilité, mais vous faites l’inverse de ce que vous dites.
Le Parti socialiste se prétend sur une position d’équilibre, mais cet équilibriste finit toujours par tomber du côté de LFI. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et HOR)
M. Gérard Leseul
Mensonge !
Mme Dieynaba Diop
Vous construisez votre majorité avec le RN !
Mme Christine Arrighi
Que c’est médiocre !
Mme Geneviève Darrieussecq
Il n’est cependant jamais trop tard pour bien faire, et chacun doit prendre sa part dans la stabilisation de notre pays. Les échéances politiques sont annoncées et connues. Ne vous inquiétez pas : elles viendront en temps et en heure – vous y prendrez part, comme nous tous. En attendant, notre responsabilité commune est d’agir pour que notre pays, déjà fragile, ne perde pas son énergie dans des combats vains et inutiles.
M. Peio Dufau
Vous agissez beaucoup, en effet !
Mme Geneviève Darrieussecq
C’est cette responsabilité que nous devons assumer ensemble. Je ne désespère pas que le Parti socialiste retrouve le sens de l’intérêt général et renoue avec la tradition du grand parti de gouvernement qu’il a été. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
Mme Christine Arrighi
Pour vous accompagner dans le désastre ?
Mme Geneviève Darrieussecq
Au Modem, nous avons toujours considéré qu’un débat parlementaire fructueux et une démocratie solide ne se résumaient pas à un centre fort, mais nécessitaient aussi une droite et une gauche fortes, libres, responsables, qui ne soient pas sous la coupe des extrêmes. Je sais que, sur vos bancs, certains défendent encore cette exigence.
M. François Rebsamen, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation
Très bien !
Mme Geneviève Darrieussecq
En redonnant la main aux partenaires sociaux, le gouvernement et le socle commun ont accepté de faire bouger leurs propres lignes.
M. Gérard Leseul
Qui vous l’avait demandé ? Les socialistes !
Mme Dieynaba Diop
Exactement !
Mme Geneviève Darrieussecq
Nous devons aller au bout de cette démarche en respectant le dialogue social, qui ne se décrète pas mais s’instaure par la confiance. Chers collègues, ne censurons pas le conclave.
Mme Dieynaba Diop
On ne censure pas les partenaires sociaux mais le gouvernement qui n’a pas tenu ses engagements !
Mme Geneviève Darrieussecq
Ne censurons pas les progrès qu’il a engagés. Défendons-les dans les semaines et les mois à venir. Cela relève de notre responsabilité collective. Cela redonnera à notre pays un peu de la confiance dont il a bien besoin.
J’entends beaucoup affirmer que les Français disent ceci ou cela. Je ne sais pas ce que disent tous les Français mais je sais ce que me disent ceux que je rencontre tous les jours.
M. Pierrick Courbon et Mme Dieynaba Diop
Des Français qui votent Bayrou !
Mme Geneviève Darrieussecq
Ils veulent du calme et estiment que notre assemblée a besoin de renouer avec l’esprit de responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Exclamations sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.) Ce n’est pas aujourd’hui, avec cette nouvelle motion de censure, que cela arrivera ! Bien sûr, nous ne la voterons pas, monsieur le premier ministre. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne Le Hénanff.
Mme Anne Le Hénanff
Nous voici une fois encore réunis dans cet hémicycle pour assister à un spectacle aussi désolant que prévisible : celui de l’examen d’une motion de censure déposée non pas au service de l’intérêt général mais d’une stratégie politicienne qui confond opposition responsable et opposition de démolition.
Depuis 1958, cette assemblée a été saisie de plus de 115 motions de censure. Avant l’année dernière, une seule d’entre elles était parvenue à renverser un gouvernement sous la Ve République :…
Mme Andrée Taurinya
C’est pour cela qu’il faut passer à la VIe !
Mme Anne Le Hénanff
…celle de 1962 contre le premier ministre Georges Pompidou. Elle défendait, rappelons-le, une vision de la démocratie face au projet gaullien d’élection présidentielle au suffrage universel direct. Ironie de l’histoire : ce que les députés de l’époque combattaient au nom de la démocratie représentative, nos concitoyens l’ont massivement approuvé trois semaines plus tard par référendum.
Mme Marie Pochon
Organisez donc un référendum sur les retraites !
Mme Anne Le Hénanff
Parlons vrai : que reprochent exactement les auteurs de cette motion au gouvernement ? D’avoir tenté de conduire une concertation sur les retraites ? D’avoir refusé de céder aux sirènes de la démagogie en maintenant le cap de l’équilibre financier ? D’avoir rappelé que la responsabilité d’un gouvernement est de préserver l’avenir de nos enfants plutôt que de distribuer des promesses impossibles à tenir ?
Le groupe socialiste nous parle de trahison. Mais en quoi le refus de compromettre l’équilibre de notre système de retraites constitue-t-il une trahison ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR.)
Mme Dieynaba Diop
C’est la trahison de la parole donnée !
Mme Anne Le Hénanff
En quoi le fait de rappeler que les lois de la comptabilité publique s’imposent à nous tous, donc aussi à vous, constitue-t-il une trahison ?
Mme Christine Arrighi
Il ne fallait rien promettre, alors !
Mme Anne Le Hénanff
Notre dette publique atteint 114 % du PIB, soit près de 3 300 milliards d’euros. Nos charges d’intérêt s’élèvent quant à elles à 59 milliards d’euros par an : il s’agit du deuxième poste budgétaire après l’enseignement scolaire. Voilà la réalité que ce gouvernement affronte au quotidien – je pense notamment au ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification, Laurent Marcangeli, et à la ministre chargée de l’autonomie et du handicap, Charlotte Parmentier-Lecocq –, quand d’autres préfèrent se réfugier dans l’illusion. (Mme Marie Pochon s’exclame.)
Et que dire des leçons de morale dispensées par un parti qui, il y a quelques semaines à peine, se déchirait publiquement lors de son congrès de Nancy, un parti divisé entre certains qui s’acoquinent avec Jean-Luc Mélenchon et d’autres qui dénoncent l’obsession égotique du leader Insoumis ?
Mme Christine Arrighi
Quel rapport ? C’est vous qui êtes obsédés et qui n’avez pas d’idées !
Mme Anne Le Hénanff
Comment pouvez-vous prétendre à la cohérence gouvernementale quand vous ne parvenez pas à vous accorder ? Comment pouvez-vous invoquer la responsabilité quand vous votez la censure du gouvernement Barnier, précipitant le pays dans l’instabilité ? Comment pouvez-vous parler de brutalité démocratique quand vous vous alliez à l’extrême droite pour faire tomber les gouvernements ?
M. Nicolas Sansu
Respectez les urnes !
Mme Anne Le Hénanff
Alors qu’il y a quelque temps la gauche proclamait son attachement à la stabilité institutionnelle, elle multiplie aujourd’hui les motions de censure, au risque de paralyser le pays.
Mme Christine Arrighi
Vous serez comptables de ce gâchis !
Mme Anne Le Hénanff
Permettez-moi de mettre en question la logique de la posture défendue notamment par le président François Hollande : celui-ci affirme qu’il votera la motion de censure contre le gouvernement, mais seulement si le Rassemblement national ne s’y associe pas. Quelle étrange conception de la responsabilité parlementaire ! Depuis quand la défense de l’intérêt général se mesure-t-elle à l’aune des intentions supposées de l’extrême droite ?
M. Gérard Leseul
C’est un mensonge !
Mme Anne Le Hénanff
Cette position révèle une inquiétante dérive : on ne censure plus un gouvernement pour ses actes mais en fonction de ceux qui pourraient éventuellement voter à ses côtés.
Mme Christine Arrighi
Édouard Philippe est-il conscient qu’il sera comptable de tout cela ?
Mme Anne Le Hénanff
Surtout, chacun le sait ici, cette motion relève d’un exercice de pure façade ! Ceux qui l’ont déposée l’ont fait pour se draper d’une bonne conscience aux yeux de leurs alliés, tout en sachant pertinemment qu’elle ne serait jamais votée.
Mme Christine Arrighi
Donc Édouard Philippe approuve le gouvernement Macron ?
Mme Anne Le Hénanff
C’est le théâtre de la vertu sans le courage de l’action, la mise en scène d’une indignation de circonstance, soigneusement calibrée pour ne rien changer. La République attend de ses représentants du courage dans de telles circonstances, non pas une énième contorsion politicienne. Les Français, nous le croyons, n’ont que faire de ces jeux d’ombres.
M. Gérard Leseul
C’est vous qui manquez de courage !
Mme Anne Le Hénanff
La France mérite mieux que ces manœuvres. Notre pays fait face à des défis considérables : le redressement de nos finances publiques, la transition écologique, la réindustrialisation, la reconstruction de notre système de santé, le pouvoir d’achat et l’emploi – j’en passe et des meilleures ! Ces défis exigent de la constance et une vision de long terme. Ils exigent ce que nos prédécesseurs appelaient le sens de l’État.
Mme Christine Arrighi
C’était la gauche, ça !
Mme Marie Pochon
Souvenez-vous : il y a un an, les Français vous ont défaits dans les urnes !
Mme Anne Le Hénanff
Or de quoi témoigne cette motion ? De l’exact contraire. Nous voyons des représentants de la nation qui préfèrent les polémiques aux réformes, les postures aux propositions, l’agitation stérile au travail législatif. Mais la France sait distinguer ceux qui travaillent pour son avenir et ceux qui s’emploient à le compromettre.
Mme Marie Pochon
Vous avez perdu les élections il y a un an !
Mme Anne Le Hénanff
Le groupe Horizons & indépendants a fait son choix. Nous avons choisi la responsabilité contre la démagogie. Nous continuerons de soutenir ce gouvernement parce qu’il est en mesure de surmonter, tant bien que mal, les épreuves de l’instabilité institutionnelle qui continuera de nous lier pendant encore deux ans.
Cette motion de censure échouera, comme ont échoué toutes les autres tentatives de déstabilisation depuis le début de cette année. Elle échouera parce qu’elle ne promeut aucun projet alternatif crédible et parce que les Français ne se laisseront pas abuser par ces manœuvres. Et quand cette motion aura échoué, rien n’aura changé pour les Français. Ceux qui auront voté en sa faveur auront préféré l’impuissance à la décision, la coalition des résignés à l’audace, le confort de la posture a l’exigence du réel. Pendant que d’autres se contentent de commenter, de douter, de ressasser que tout est perdu, le pays reste suspendu, empêché d’avancer, privé de ce goût du risque et du travail qui seul permettra à la France de se relever.
Voilà ce que produit cette politique du spectacle : une nation qui s’endort à crédit, qui s’abandonne à la facilité et qui laisse filer la confiance et la fierté de son peuple. Les Français attendent des responsables qu’ils affrontent les obstacles, qu’ils refusent le fatalisme et qu’ils ouvrent un chemin, même difficile, vers la puissance retrouvée de notre pays.
Mme Christine Arrighi
Sauf que 80 % des Français ne sont pas d’accord avec vous !
Mme Anne Le Hénanff
La vraie responsabilité politique consiste non pas à multiplier les motions de censure mais à prendre des décisions difficiles pour préparer l’avenir du pays. Mes chers collègues, vous l’aurez compris, je vous invite à rejeter massivement cette motion de censure. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Panifous.
M. Laurent Panifous
Pour vous dire les choses avec clarté, la pression monte, monsieur le premier ministre. Au sein du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, ceux qui jusqu’à présent hésitaient à voter la censure le feront aujourd’hui. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LIOT, SOC et EcoS ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR.) Ceux qui hier s’interdisaient de l’envisager y pensent de plus en plus fréquemment et attendent avec intérêt de voir quelles perspectives budgétaires vous dessinerez pour le pays.
Mme Christine Arrighi
Ils ne vont pas être déçus !
M. Laurent Panifous
Cette motion de censure n’a rien d’anodin et vous ne devez pas la traiter avec détachement.
M. Nicolas Sansu
Ni mépris !
M. Laurent Panifous
En effet, elle traduit une fois encore les difficultés de méthode que rencontre votre gouvernement. Ce conclave que nous avions souhaité et que vous avez lancé se conclut par un échec que nous regrettons mais qui était prévisible eu égard à son cadre trop restrictif. Néanmoins, afin que ce temps de dialogue social n’ait pas été complètement vain, les députés du groupe LIOT prennent acte de potentielles avancées sur la retraite des femmes et sur la question majeure de la pénibilité. À vous maintenant de concrétiser rapidement ces avancées.
Mme Christine Arrighi
La semaine prochaine !
M. Laurent Panifous
Plus largement, si le nombre de députés de notre groupe qui envisagent sérieusement de vous censurer est de plus en plus important, c’est parce que nous refusons de voir notre pays tourner au ralenti, avec un gouvernement qui donne parfois le sentiment de gagner du temps alors que les urgences sociales, écologiques, économiques, financières et géostratégiques sont partout. (M. Jean-Pierre Bataille applaudit.) De petits textes en non-décisions, de motions de rejet en vagues hésitations, la France perd du temps ! Le mal est profond, monsieur le premier ministre. Nombreux sont ceux aux yeux desquels la censure de votre gouvernement paraît inéluctable, même si nous savons que la situation restera tout aussi compliquée par la suite.
Je ne veux pas parler aux observateurs de la vie politique qui se délectent de nos stratégies politiciennes trop souvent inutiles et incompréhensibles. Je veux parler aux gens, aux vraies gens, à ceux qui attendent de nous des solutions concrètes à leurs difficultés. Après la censure du gouvernement Bayrou, un autre prendra sa place. Des noms circulent déjà, qui se ressemblent tous. Ils feront face aux mêmes difficultés, aux mêmes impossibilités et notre pays sera condamné au même immobilisme mortifère. Les hypothèses de sortie de crise sont minces : à la censure succédera la censure !
D’autres nous reparleront de dissolution. Là encore, nous savons qu’elle ne mettrait pas fin à l’affrontement entre trois blocs : cette réalité ne s’éteindra pas. Nous avons noté les résultats catastrophiques de la dissolution ratée du président de la République : instabilité, immobilisme, destruction d’emplois !
La solution est ailleurs. Elle est entre les mains du président de la République. Monsieur le président, réécoutez le philosophe moderne que vous aviez, de manière éphémère, nommé à Matignon et qui a lui aussi été victime de vos caprices orgueilleux. Je fais ainsi référence aux propos de Gabriel Attal : « Tu casses, tu répares ! » (Mme Dominique Voynet sourit.) Monsieur le président de la République, c’est vous qui avez cassé votre mandat, c’est à vous de réparer ! (MM. Jean-Pierre Bataille, Gérard Leseul et Édouard Bénard applaudissent.)
Comme beaucoup, je ne me résous pas à ce que la France soit aphone sur la scène internationale et à ce que son président soit devenu spectateur et commentateur de la vie politique. Descendez donc de Jupiter, monsieur le président, et venez constater la situation inextricable dans laquelle vous avez plongé le pays !
La pression monte, monsieur le premier ministre. Ne vous y trompez pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs des groupes SOC, EcoS et GDR. – M. Andy Kerbrat applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Peu.
M. Stéphane Peu
Il n’y a rien de surprenant à ce que nous nous retrouvions aujourd’hui autour d’une nouvelle motion de censure du gouvernement. La première raison en est que votre légitimité est contestable ; nous le répéterons sans cesse. Comme votre prédécesseur Michel Barnier, vous avez été nommé en lieu et place d’un premier ministre issu du Nouveau Front populaire – tel aurait dû être le cas si le président de la République avait respecté le vote des Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS.)
Sitôt arrivé à Matignon, à la tête d’un gouvernement fait de bric et de broc faisant la part belle à des ministres jamais élus sinon battus aux élections, vous avez, pour vous maintenir, annoncé la création du fameux conclave, un terme bien pompeux pour désigner ce qui s’est avéré une négociation strictement encadrée entre patronat et syndicats. Permettre la tenue d’une conférence sociale et de financement, comme l’intersyndicale ne cesse de le réclamer depuis 2023, aurait témoigné d’une ambition bien plus haute et constitué une marque de confiance d’une plus grande envergure dans le dialogue social. (M. Gérard Leseul applaudit.)
Nous ne nourrissions que peu d’espoirs sur l’issue de ce conclave.
Mme Christine Arrighi
Et vous avez quand même été déçus !
M. Stéphane Peu
La suite nous a malheureusement donné raison : vous avez piétiné les règles les plus élémentaires d’une négociation sociale en intervenant publiquement, notamment pour interdire toute discussion sur un retour de l’âge légal à 62 ans. Avec le soutien direct et public du premier ministre et de son gouvernement, le Medef n’avait plus qu’à jouer la montre. Vous avez même, monsieur le premier ministre, poussé le bouchon jusqu’à lui donner un mode d’emploi pour bloquer les discussions, en affirmant qu’en l’absence d’accord, c’est la réforme Borne-Macron qui continuerait de s’appliquer.
Ironie du sort, c’est vous désormais qui tentez de jouer la montre : vous recevez les organisations syndicales et le patronat ; vous proposez de relancer les discussions ; vous affirmez soudainement que des mesures seront soumises par le gouvernement au Parlement. Tout cela n’est pas sérieux ! La réalité est simple : le conclave est un échec et, contrairement à ce que nos collègues socialistes ont pu écrire, cet échec est non pas celui du dialogue social, mais le vôtre, monsieur le premier ministre. La motion de censure de votre gouvernement est donc la suite logique de vos errements et de votre duplicité.
Je résume la situation à ce stade : les Français ne veulent toujours pas de la réforme des retraites de 2023 et vous avez fait échouer les négociations entre les organisations syndicales et patronales. Quelles que soient les améliorations apportées à cette réforme, elles ne seront jamais suffisantes pour réparer le préjudice qu’elle a fait durement subir aux Français. D’autant moins que, si l’on en croit le relevé de décisions du conclave, nos compatriotes, notamment les retraités, paieront très lourdement ces quelques améliorations éventuelles.
Au sein de ce marasme existe néanmoins un totem – pour reprendre un terme qui vous est cher : c’est le vote qui a eu lieu au sein de notre assemblée le 5 juin dernier, à l’initiative de notre groupe.
M. Emmanuel Maurel
Exactement !
M. Stéphane Peu
Pour la première fois, nous avons pu dans cette assemblée voter sur cette réforme, et une majorité très nette s’est prononcée en faveur de son abrogation. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR. – M. Andy Kerbrat, M. Gérard Leseul et Mme Christine Arrighi applaudissent également.) Monsieur le premier ministre, telle est l’expression des députés, telle est la volonté du peuple.
M. Nicolas Sansu
Le gouvernement s’en fiche !
M. Stéphane Peu
En conséquence, la seule voie de sortie durable pour votre gouvernement serait de respecter la voix des Français et celle de leurs représentants en nous indiquant clairement quand vous allez abroger la réforme de 2023 ou bien quand vous allez créer les conditions d’un référendum pour que les Français s’expriment ! Le démocrate que vous êtes ne peut pas s’asseoir sur le vote de la représentation nationale ; ce serait faire preuve d’une intransigeance coupable. La réforme des retraites de 2023 a été et demeure la plus grande offense sociale et démocratique jamais infligée à notre pays depuis la négation du vote des Français lors du référendum de 2005 sur le traité de Constitution européenne.
Les Français ne sont pas prêts à tourner la page, car jamais une réforme des retraites n’est allée aussi loin dans la régression sociale imposée aux travailleurs : un relèvement de l’âge de deux ans, de 62 à 64 ans, et dans le même temps, une augmentation de la durée de cotisation obligeant chacun à travailler un trimestre de plus tous les ans pour prétendre à une carrière complète. Et jamais la mise en œuvre d’une réforme des retraites n’est allée aussi vite : dès septembre 2023, elle a frappé de plein fouet 50 000 travailleurs qui s’apprêtaient à prendre leur retraite, et davantage encore les années suivantes. Ils ont dû, sans y être préparés, prolonger leur carrière de trois, six ou douze mois, et ce après plus de quarante années déjà passées au travail. Cette réforme représente pour tous ces travailleurs un tribut illégitime et insupportable.
En février dernier, la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) a d’ailleurs indiqué que le nombre d’assurés sociaux qui font le choix de prendre leur retraite sans une carrière complète, donc en subissant une décote à vie, a plus que doublé.
M. Emmanuel Maurel
Eh oui !
M. Stéphane Peu
Jamais une réforme des retraites n’a provoqué autant de dégâts sociaux. Les travailleurs dits seniors ont été particulièrement abîmés : quand le chômage est massif et qu’à l’approche des 60 ans, une personne sur deux est privée d’emploi, repousser de deux ans l’âge de départ à la retraite aggrave mécaniquement le taux de pauvreté de ces travailleurs.
M. Emmanuel Maurel
C’est vrai !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche
Je ne vois pas le rapport.
M. Stéphane Peu
Même la Cour des comptes a enfin admis que reculer l’âge de départ ne signifiait nullement allonger d’autant la durée en emploi. Bien au contraire, un tel recul se traduit par un temps plus long en invalidité ou au chômage. C’est particulièrement le cas, bien sûr, pour les travailleurs les moins qualifiés, aux métiers les plus pénibles ou les plus précaires.
Les femmes ont été elles aussi les grandes victimes de la réforme de 2023 : le report de l’âge légal les conduit à travailler pendant une durée supplémentaire supérieure à celle imposée aux hommes – en moyenne sept mois de plus, contre cinq mois de plus pour les hommes – et, du fait qu’elles ont souvent des carrières plus courtes, notamment en raison des responsabilités éducatives et familiales qu’elles endossent, l’allongement de la durée de cotisation entraîne des difficultés accrues pour qu’elles atteignent la durée exigée pour une pension à taux plein. En 2021 déjà, 52 % des femmes retraitées percevaient une pension mensuelle inférieure à 1 000 euros ; aujourd’hui, les retraites des femmes sont toujours inférieures de 40 % en moyenne à celles des hommes.
Enfin, quelle image du travail, de la solidarité et de l’égalité salariale donnons-nous à la jeunesse quand elle voit ses aînés travailler dur, finir malades ou relégués au chômage, avec au bout du compte une pension de misère ?
Jamais une réforme d’une telle ampleur n’a été promulguée sans un vote du Parlement. Jamais un gouvernement n’a osé récuser ainsi tout un peuple et ses représentants syndicaux et politiques, qui s’étaient unanimement élevés, pendant des mois, contre un projet de loi.
Pour toutes ces raisons, les Français ne veulent toujours pas de cette réforme : plus des deux tiers demandent instamment son abrogation. Et si une très grande majorité d’entre eux ne désarme pas face à l’injustice de la réforme des retraites, c’est aussi parce que votre attitude à leur égard – comme celle de vos prédécesseurs, d’ailleurs – est empreinte de mépris. À cet égard, je mets sur le compte d’une colère – cela peut arriver – les propos que vous avez tenus tout à l’heure, en regardant les bancs de gauche, sur la méconnaissance que nous aurions du monde du travail.
M. Inaki Echaniz
C’est honteux !
M. François Bayrou, premier ministre
Vous savez très bien que cela ne s’adressait pas à vous, monsieur Peu.
M. Stéphane Peu
Je vous adresse donc une invitation, cordiale : venez un jour chez moi, à Saint-Denis, lors d’une réunion de famille. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.) Vous rencontrerez ma femme, mes enfants, mes neveux, mes cousins, mes beaux-frères, ma sœur, toutes sortes de gens qui ont tous commencé à travailler à l’âge de 16 ans et n’ont pas chômé un seul jour dans leur vie ; ils vous expliqueront ce qu’est le travail et comment ils ont vécu cette réforme des retraites. Et si vous avez du temps, nous ferons venir tous les voisins de l’immeuble ; vous verrez, ce sera très sympathique (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC), ce sont des gens polis, cordiaux et respectueux.
Monsieur le premier ministre, ne dites pas à quelqu’un comme moi ni à mes collègues que nous ne connaissons pas le monde du travail ! Dans notre famille, nous le vivons tous les jours, dans notre chair ! (Les députés des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS ainsi que de nombreux députés du groupe SOC se lèvent et applaudissent longuement.)
M. Emmanuel Maurel
C’est du mépris de classe !
M. Stéphane Peu
Bien évidemment, nous voterons la censure.
Mme la présidente
La parole est à M. Maxime Michelet.
M. Inaki Echaniz
Ça, à mon avis, c’est un travailleur !
M. Maxime Michelet
Permettez-moi tout d’abord de répondre au commentaire que je viens d’entendre : sachez que je viens d’une famille ouvrière ; quoi que vous en disiez, je viens d’une famille de travailleurs, et n’en ai aucunement honte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Monsieur le premier ministre, nous sommes saisis cet après-midi de la huitième motion de censure déposée par la gauche contre votre gouvernement, le huitième affrontement entre le socle qui vous soutient et les partis qui formèrent, aux dernières législatives, le Nouveau Front populaire. Vous avez tenté de les désunir en faisant aux socialistes des promesses – que vous n’avez pas tenues. Vous avez tenté de diviser le NFP en leur donnant votre parole – entreprise toujours risquée car, comme le disait l’Empereur, « la meilleure façon de tenir sa parole est de ne jamais la donner ». Vous avez tenté, mais vous avez échoué. L’affrontement est donc revenu entre le bloc de gauche et le bloc du centre, qui plus est à une date symbolique, car l’affrontement n’a pas toujours été la règle entre vous.
En effet, il y a un an très exactement, débutait la campagne d’entre-deux-tours des élections législatives. Le 1er juillet 2024, au journal télévisé de TF1, le prédécesseur de votre prédécesseur, Gabriel Attal, déclarait vouloir « une assemblée nationale plurielle ». J’espère qu’il est content du résultat ! Il affirmait : « Le risque, c’est que le Rassemblement national dispose d’une majorité absolue. Je parle de risque parce que je le dis très sincèrement, du plus profond de mes tripes, ce serait catastrophique pour les Français. » Dès lors, un front supposément républicain s’est construit pour priver la première force politique du pays de l’exercice des responsabilités.
Mme Marie Pochon
Les trois quarts des Français ont voté contre vous !
M. Maxime Michelet
Pour la première fois, une coalition se construisait non pas pour gouverner, mais pour empêcher de gouverner.
Mme Marie Pochon
Les Français ne voulaient pas de vous !
M. Maxime Michelet
Malgré un score de premier tour plus élevé que les macronistes en 2017 ou en 2022, l’union des patriotes était privée de la victoire, au motif que cela aurait été « catastrophique pour les Français ».
Un an plus tard, un an après ce second tour de compromissions et d’alliances contradictoires, vous gouvernez par la seule grâce de cette victoire volée à la droite nationale. Et aujourd’hui, une motion de censure est déposée par ceux qui, il y a un an seulement, autrement dit hier, appelaient à voter pour vos candidats, et pour les candidats desquels vous appeliez à voter. Le front supposément républicain a donc vécu. Il n’aura jamais existé qu’un bref instant, le temps de priver cyniquement la France d’un gouvernement stable et cohérent.
Un an plus tard, à l’occasion de cette motion de censure, l’occasion nous est donnée de nous interroger sur la responsabilité de ceux qui ont fait ce choix délétère et de dire aux Français : n’oubliez pas le nom de ceux qui ont préféré jeter la France dans le chaos et la division plutôt que de laisser l’alternance advenir. Non, il y a un an, l’arrivée à la tête du pays d’une majorité nationale comme il en existe en Italie ou en Suède n’aurait pas été « catastrophique pour les Français ».
Ce qui a été catastrophique pour les Français, c’est de prolonger la faillite du macronisme au prix de la division de cet hémicycle et de la paralysie de notre pays.
Ce qui a été catastrophique pour les Français, c’est d’avoir appelé à « une assemblée nationale plurielle » et de gouverner comme si les macronistes avaient conservé une majorité.
Ce qui a été catastrophique pour les Français, c’est d’avoir sauvé le macronisme en vous soumettant à l’extrême gauche, soumission que vous êtes condamné à réitérer inlassablement, comme votre garde des sceaux l’a réitérée en laissant la gauche tuer la proposition de loi de l’UDR sur l’interdiction du mariage aux clandestins. (« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Ce qui a été catastrophique pour les Français, c’est de priver notre pays d’une majorité solide capable de mener des politiques fortes et d’affronter résolument les immenses défis auxquels la France doit faire face.
Depuis un an, par la faute de ces manœuvres indignes, la France est paralysée, engluée dans l’immobilisme, dont vous êtes devenu l’incarnation. Vous êtes aujourd’hui le premier ministre le plus impopulaire de l’histoire de la Ve République. Ne recueillant que 17 % d’opinions favorables, vous réussissez l’exploit d’être plus impopulaire qu’Emmanuel Macron lui-même. En six mois, vous n’aurez rien accompli, malheureusement. À votre arrivée à Matignon, vous évoquiez « un Himalaya de difficultés ». Il faut bien constater aujourd’hui que vous avez choisi de rester au camp de base.
Face à la pression fiscale et normative qui pèse sur nos contribuables et sur nos producteurs de valeur, vous avez choisi l’immobilisme.
Face à la submersion migratoire qui déstabilise notre modèle social, notre architecture sécuritaire et notre identité nationale, vous avez choisi l’immobilisme.
Face au désordre qui se répand dans nos rues et à la violence qui gâche les plus belles soirées, de la victoire du PSG à la Fête de la musique, vous avez choisi l’immobilisme.
Face au désarroi des Français devant des institutions qu’ils considèrent comme gravement déficientes du point de vue de la représentativité, vous avez choisi l’immobilisme.
Face aux périls internationaux qui se multiplient – je pense notamment à l’Algérie, qui humilie notre pays ; elle vient de le faire une fois de plus aujourd’hui en condamnant en appel notre compatriote Boualem Sansal à cinq ans d’emprisonnement –, vous avez choisi l’immobilisme.
Vous choisissez l’immobilisme car, à l’image de certains animaux qui se figent pour échapper à leurs prédateurs, votre ambition n’est pas dans le mouvement, mais dans la survie. Votre unique ambition est de durer. Vous êtes un peu au macronisme crépusculaire ce que les Rois fainéants furent au déclin des Mérovingiens. Et comme eux, vous vous retrouvez cerné de maires du palais ambitieux, qui attendent, dans l’ombre de votre échec, de jeter les bases de leur propre pouvoir. Ainsi en est-il de Gabriel Attal, de Gérald Darmanin, d’Édouard Philippe, de Laurent Wauquiez, de Bruno Retailleau et de vous aussi, paraît-il, madame la ministre Élisabeth Borne – et même, à en lire la presse du jour, d’Aurore Bergé.
Chaque jour nous fournit une preuve supplémentaire de la désintégration du bloc central, qui n’est structuré par aucune autre idéologie que celle qui consiste à être là et à durer ; un bloc central qui parle comme la droite, mais qui gouverne comme la gauche ; un bloc central qui dit ne servir que les intérêts du pays, mais s’atomise sur les intérêts de ses partis ; un bloc central qui n’a existé que par hasard, et qui disparaîtra aussi vite qu’il s’est constitué.
Le 16 janvier dernier, lors de la première motion de censure dirigée contre vous, je vous déclarais – car j’ai pris une petite habitude, celle de devenir, pour l’UDR, votre interlocuteur lors des motions de censure – que, ne souhaitant pas voter de censure a priori, l’UDR vous jugerait sur pièces, espérant qu’à défaut d’être utile au pays, vous ne l’abîmeriez pas. Malheureusement, vous avez laissé le pays s’abîmer sans rien faire, et juger sur pièces est bien difficile aujourd’hui, tant les pièces manquent. Les rares textes importants de votre gouvernement ont été votés pour une seule et unique raison : le bloc national les a appuyés, et souvent améliorés. L’un des seuls textes majeurs adoptés sous votre gouvernement aura été celui sur la fin de vie – symbole, s’il en fallait un, du rôle qui vous êtes appelé à jouer dans l’histoire du macronisme.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Votre analogie a fait flop !
M. Maxime Michelet
Pourtant, nous ne vous censurerons pas. L’envie ne nous en manque pas, chers collègues de gauche, mais nous n’agirons jamais que dans l’intérêt de la nation. Or son intérêt n’est pas de connaître une crise gouvernementale en plein été, alors que l’année parlementaire s’achève et que de nouvelles élections ne sont pas envisageables. Il n’est pas non plus dans l’ouverture d’un feuilleton inutile qui ne mènerait nulle part. Les Français sont lassés de l’instabilité stérile et du spectacle désolant donné par cet hémicycle,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
C’est vrai que, quand on vous écoute, c’est désolant !
M. Maxime Michelet
…dont l’unique cause est l’alliance contre-nature contractée, il y a un an, entre Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon, laquelle ne pouvait conduire qu’à l’immobilisme gouvernemental, à la paralysie politique et à l’asphyxie institutionnelle.
Il ne faut toutefois pas désespérer. Croyez bien que l’image que donnera l’hémicycle sera tout autre le jour où l’union nationale RN-UDR y détiendra une majorité. Or ce jour approche. Si nous devons vous censurer, nous le ferons à l’heure choisie, et non sur un caprice de socialistes trompés qui se sont laissés berner par votre ruse. Comme dans toutes les affaires de cette assemblée, si nous devons vous censurer, nous le ferons à l’heure que choisira le bloc national, à l’heure où votre chute sera utile au pays et aux Français. Nous ne vous censurerons pas aujourd’hui car cela n’apporterait rien au pays, ni le début d’une espérance ni celui d’une solution.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Car vous êtes d’accord avec la retraite à 64 ans !
M. Maxime Michelet
Bientôt, l’outil de la dissolution sera de nouveau entre les mains du président de la République. Quant à vous, monsieur le premier ministre, vous aurez le devoir de présenter à la représentation nationale le budget de la nation. Ce jour-là, si vous poursuivez sur la voie que vous avez empruntée, celle de l’immobilisme et de l’impuissance, il vous faudra prendre celle de la sortie. La censure n’est pas pour aujourd’hui mais, sans doute, pour bientôt. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Gaëtan Dussausaye.
M. Abdelkader Lahmar
Voilà un autre travailleur ! (Sourires sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Gaëtan Dussausaye (RN)
Monsieur le premier ministre, mesdames et messieurs les ministres encore présents, chers collègues, permettez-moi tout d’abord de saluer la prise de parole de mon collègue et camarade Maxime Michelet,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Non : les camarades, c’est ici ! C’est un trop joli mot pour vous !
M. Gaëtan Dussausaye
…qui a longuement parlé de ce qui s’est passé il y a un an. Je ferai à mon tour quelques rappels : il y a précisément un an, en effet, la France et les Français assistaient au plus grand casse électoral du XXIe siècle.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Et le RN s’y connaît, en matière de casses !
M. Gaëtan Dussausaye
Il y a un an, jour pour jour, nous étions au lendemain du premier tour des élections législatives, consécutives à la dissolution décidée à la suite de la grande et belle victoire du Rassemblement national aux européennes. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Il y a un an, au premier jour de l’entre-deux-tours des législatives, les Français découvraient avec nous, circonscription par circonscription, l’accord contre-nature que fomentaient l’intégralité des partis politiques français qui siègent dans cette assemblée – à l’exception, bien évidemment, du Rassemblement national et de ses alliés.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Il n’y a pas eu d’accord ! Mais les Français étaient d’accord pour vous barrer la route !
M. Gaëtan Dussausaye
Il y a un an, jour pour jour, des LR à La France insoumise en passant par la Macronie, vous avez tous fait le même choix.
M. Inaki Echaniz
Non !
M. Gaëtan Dussausaye
Le choix du parti unique, avec un seul objectif : empêcher le Rassemblement national d’obtenir une majorité, et Jordan Bardella, de devenir premier ministre. J’en entends aujourd’hui encore qui se réjouissent de ce résultat.
Mme Marie Pochon
Nous ferons la même chose la prochaine fois !
M. Gaëtan Dussausaye
Pourtant, en agissant de la sorte, non seulement vous avez bloqué la constitution de la seule majorité stable possible dans le pays, mais vous avez aussi révélé vos véritables motivations. En effet, à aucun moment, ne serait-ce qu’une fraction de seconde, vous n’avez cherché à répondre à cette question primordiale : s’il n’y a pas de majorité RN, qu’y a-t-il à la place ? L’équation est pourtant assez simple pour être comprise par tous : si ce n’est pas le RN qui accède au pouvoir, c’est vous qui le conservez ! Mais qu’en avez-vous fait depuis un an ? Pour sauver vos places, comme d’habitude, il n’y a aucun problème pour trouver du monde. Mais pour sauver le pays et s’occuper du quotidien des Français, il n’y a personne – circulez, il n’y a rien à voir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
À aucun moment, vous n’avez cherché à savoir ce que vous alliez faire pour le pays durant les trois années qui nous séparaient alors de la prochaine élection présidentielle. Les sujets ne manquent pourtant pas. Il n’est pas bien compliqué de trouver des dossiers sur lesquels macronistes et Nouveau Front populaire sont totalement en accord. (M. Stéphane Vojetta s’exclame.) Je peux d’ailleurs donner quelques exemples.
Commençons par le déploiement massif d’énergies intermittentes, au premier rang desquelles l’éolien et le photovoltaïque : Macronie et Nouveau Front populaire sont évidemment pour, quand nous sommes évidemment contre. Vous avez récemment passé des journées entières à vous battre pour les défendre coûte que coûte, contre l’avis majoritaire des Français. Ayez un peu de courage : dites-le, assumez-le !
Mme Marie Pochon
On l’assume !
M. Gaëtan Dussausaye
Vous trouverez même quelques députés DR pour vous donner un coup de main. Je pense notamment au nouveau « M. Écologie » de LR, récemment nommé par Bruno Retailleau,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
C’est bizarre de parler de LR, de Retailleau et d’écologie dans la même phrase…
M. Gaëtan Dussausaye
…qui s’offusquait avec vous, il y a quelques jours, de l’instauration d’un moratoire sur le développement de nouvelles éoliennes et qui irait jusqu’à s’opposer à la suppression des ZFE, ces véritables zones à forte exclusion.
M. Benjamin Lucas-Lundy
L’exclusion, c’est votre truc !
M. Gaëtan Dussausaye
Ses propos ont de quoi faire plaisir sur les bancs écologistes.
M. Erwan Balanant
La météo n’est-elle pas en train de vous punir ?
M. Gaëtan Dussausaye
L’écologie punitive, justement, voilà un second terrain d’accord entre la Macronie et le Nouveau Front populaire !
M. Jean-Claude Raux
Nous, nous ne changeons pas d’avis toutes les cinq minutes.
M. Gaëtan Dussausaye
L’ivresse normative et l’enfer réglementaire : nous sommes contre, mais vous, vous êtes pour. Alors dites-le, assumez-le ! La régularisation des travailleurs clandestins et l’importation massive d’une main-d’œuvre bon marché : nous sommes contre, mais vous tous, de la Macronie au Nouveau Front populaire, vous êtes pour. Alors dites-le, assumez-le ! L’enfer fiscal et l’augmentation continue des cotisations et des impôts pesant sur les entreprises qui, pourtant, créent des emplois : encore une fois, de la Macronie au Nouveau Front populaire, vous êtes pour. Alors dites-le, assumez-le ! La ponction de milliards d’euros sur les contribuables, sur les familles, sur les Français qui travaillent ou ont travaillé,…
Mme Dominique Voynet
Il vient nous parler du travail, lui qui est un apparatchik du RN depuis qu’il est tout petit !
M. Gaëtan Dussausaye
…pour combler des budgets que vous n’avez pas réussi à présenter à l’équilibre une seule fois depuis cinquante ans : Macronie et Nouveau Front populaire sont là encore pour. Dites-le, assumez-le ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Rien n’est bien compliqué, en réalité, quand on a un peu de courage et quand on ne perd pas de vue l’intérêt supérieur du pays et du peuple français.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Où est l’intérêt des contribuables à qui vous avez volé 4 millions d’euros ?
M. Gaëtan Dussausaye
Mais je crains que ces deux qualités vous manquent cruellement à tous. En fin de compte, voilà ce que vous avez fait il y a un an : membres de LR, de la Macronie ou du Nouveau Front populaire, vous avez tous fait le choix du chaos et de l’instabilité qui, depuis, prive le pays de toute projection et le peuple de toute protection.
M. Benjamin Lucas-Lundy
La pluie de sauterelles…
M. Gaëtan Dussausaye
L’instabilité est de la responsabilité du bloc central, c’est-à-dire des macronistes et des LR, qui travaillent main dans la main depuis 2017. L’absence de changement favorable au peuple est de celle des socialistes, des pseudo-écologistes ou écologistes autoproclamés,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Je ne vous permets pas !
M. Gaëtan Dussausaye
…des communistes et des Insoumis.
Mme Marie Mesmeur
Allez-vous censurer aujourd’hui, alors ? Vous êtes des hypocrites !
M. Gaëtan Dussausaye
J’espère que les Français vous le feront bientôt savoir dans les urnes.
M. José Gonzalez
Continue, Gaëtan ! Ça leur fait mal !
M. Gaëtan Dussausaye
Venons-en à la motion de censure que nous propose le groupe socialiste. Fantastique ! Vous savez combien le Rassemblement national est attaché à l’abrogation de l’injuste réforme des retraites d’Emmanuel Macron et Élisabeth Borne. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme Marie Mesmeur
Demandez donc à Jordan Bardella !
M. Gaëtan Dussausaye
Nous avons à cœur de revenir sur une réforme non seulement inutile, mais aussi inefficace en matière de financement du système de retraites et, surtout, profondément injuste, particulièrement à l’encontre des Français qui ont commencé à travailler tôt, le plus souvent dans des métiers pénibles et difficiles.
Mme Dominique Voynet
Qu’est-ce qu’il y connaît, lui qui n’a jamais travaillé ? C’est un apparatchik du RN !
M. Gaëtan Dussausaye
Le Rassemblement national, contrairement à l’extrême gauche, n’a pas manqué un seul rendez-vous ni une seule occasion pour empêcher le passage à la retraite à 64 ans.
Mme Marie Mesmeur
Il n’est jamais venu aux manifs !
M. Gaëtan Dussausaye
En effet, pour dire les choses franchement, si la retraite à 64 ans est d’abord une décision de la Macronie, elle est aussi et surtout le résultat de fautes de la gauche. Qui, par deux fois, au second tour de l’élection présidentielle, a glissé dans l’urne un bulletin Emmanuel Macron, y compris en 2022, quand la seule proposition du président sortant était la retraite à 64 ans ? C’est vous, c’est la gauche ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Ton disque est rayé !
M. Gaëtan Dussausaye
Qui, en 2023, a privé les Français d’un référendum sur cette réforme en refusant de voter la proposition du groupe RN ? C’est encore vous, c’est la gauche ! La liste est longue, accrochez-vous bien ! Qui, toujours en 2023, par ses habituelles méthodes d’obstruction parlementaire, par son éternelle bordélisation de l’Assemblée, contre l’avis des syndicats qui battaient le pavé chaud de la capitale au même moment,…
Mme Marie Mesmeur
On ne te voit jamais en manif !
M. Gaëtan Dussausaye
…a empêché un vote clair sur l’article 7 de la réforme, celui qui actait l’augmentation de deux ans de l’âge légal de départ à la retraite ? C’est vous, c’est la gauche ! (Mêmes mouvements.)
M. Inaki Echaniz
Qui a volé 4 millions d’euros à l’Union européenne ?
M. Christophe Bex
Oui, qui a volé ces 4 millions ?
M. Gaëtan Dussausaye
Qui, en 2024, a préféré faire réélire Élisabeth Borne, l’artisan de la retraite à 64 ans, plutôt que faire élire un député RN, alors qu’une majorité RN aurait abrogé la réforme, comme l’exigeaient des millions de Français ? C’est toujours vous, c’est toujours la gauche !
Mme Marie Mesmeur
Censurez-les !
M. Inaki Echaniz
Oui, qui refuse de voter la censure ?
M. Gaëtan Dussausaye
Soyez un peu attentifs ! Qui, enfin, le 31 octobre 2024, jour de la niche parlementaire du Rassemblement national, a refusé de voter notre proposition d’abrogation de la réforme Borne, reniant toutes les promesses que vous aviez faites durant la campagne ?
Mme Mathilde Panot
Qui a refusé la destitution ?
M. Benjamin Lucas-Lundy
Tartuffes !
M. Gaëtan Dussausaye
C’est toujours vous, c’est définitivement la gauche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Laurent Jacobelli
Implacable !
M. Gaëtan Dussausaye
Le Rassemblement national a comme grand mérite et haute vertu de toujours dire la vérité aux Français, en toutes circonstances.
M. Jean-Philippe Tanguy
Eh oui !
M. Jean-Claude Raux
C’est à géométrie variable : chaque jour, vous changez de vérité !
M. Gaëtan Dussausaye
Or la vérité du jour est que le Parti socialiste a menti au moins deux fois aux Français au cours de la présente législature. Vous avez d’abord menti pendant plusieurs mois en les laissant croire que le conclave sur les retraites pourrait aboutir à l’abrogation de la réforme, alors qu’il n’en était rien.
M. Gérard Leseul
Vous ne croyez pas au dialogue social !
M. Gaëtan Dussausaye
Vous mentez une nouvelle fois aujourd’hui, avec le soutien de l’extrême gauche, en faisant croire aux Français que la censure permettrait par magie de leur rendre les deux années de retraite volées par la Macronie. Osez dire aux Français, en les regardant droit dans les yeux, que votre censure servira à quelque chose ?
Mme Marie Mesmeur
C’est vous qui ne servez à rien !
M. Gaëtan Dussausaye
Elle n’apporte rien, elle ne change rien. Le Rassemblement national n’est pas le seul à le dire : le président François Hollande le fait aussi, alors qu’il siège dans vos rangs. Que se passerait-il si nous faisions tomber le gouvernement ? La retraite à 64 ans serait toujours la règle, en attendant un nouveau gouvernement. Puis un autre gouvernement macroniste et LR prendrait la place de l’actuel,…
Mme Mathilde Panot
C’est vous qui le permettez !
M. Gaëtan Dussausaye
…et la retraite à 64 ans serait toujours en vigueur. Libre à vous, socialistes, de mentir deux, trois ou cent fois si ça vous chante ! Ce que vous faites est d’une hypocrisie crasse, c’est un mensonge qu’aucun Français ne vous pardonnera.
Le Rassemblement national n’a aucune difficulté à censurer le gouvernement. Nous l’avons fait, avec Marine Le Pen, lorsque le gouvernement Barnier a cherché, avec les bénédictions de MM. Retailleau et Attal, à augmenter les taxes sur l’électricité, à désindexer de l’inflation les pensions de retraite, à dérembourser les médicaments ou à réduire les allègements des charges pour les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME).
M. Jean-Philippe Tanguy
Eh oui !
M. Gaëtan Dussausaye
La différence entre vous et nous est que nous censurons quand c’est utile pour le pays, quand cela permet concrètement et immédiatement de protéger les Français de mauvaises décisions prises par le gouvernement. Députés socialistes, les seuls intérêts qui vous animent sont les vôtres, à quoi s’ajoutent vos petites chamailleries – d’une inutilité abyssale – avec les Insoumis au sein du Nouveau Front populaire. Cette préprimaire de la gauche en vue de l’élection présidentielle offre un spectacle affligeant. D’une part, elle n’intéresse que vous. D’autre part, tout le monde sait que vous saurez très bien vous retrouver en temps voulu, les Glucksmann, Ruffin, Mélenchon et Tondelier,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Dites « monsieur » et « madame » !
M. Gaëtan Dussausaye
…avec l’espoir de vous partager les ministères, comme vous l’avez toujours fait.
Mme Dominique Voynet
Parce que tu n’as pas envie d’un ministère, toi ?
M. Gaëtan Dussausaye
Le Rassemblement national, pour sa part, dit la vérité aux Français en toutes circonstances, et rien que la vérité.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Parlez de votre programme !
M. Gaëtan Dussausaye
Or le moment de vérité, vous le savez très bien, c’est le budget !
Mme Marie Mesmeur
Vous avez détourné 4 millions d’euros !
M. Gaëtan Dussausaye
Il concrétise l’ambition politique d’un gouvernement, la direction et l’impulsion qu’il souhaite donner au pays. Il représente bien plus qu’un acte de simple gestion des affaires courantes de l’État et que l’occasion d’un suivi de l’action publique. Il détermine une trajectoire, il fixe un horizon qui permet aux forces vives du pays – aux travailleurs, aux familles, aux créateurs de richesses, au génie français – de se projeter vers un avenir clair et défini.
Il offre aussi l’occasion de corriger les erreurs et les injustices passées. J’ai entendu, monsieur le premier ministre, que vous aviez l’intention d’inscrire à l’ordre du jour un projet de loi visant notamment à réparer certaines injustices commises par votre prédécesseure Élisabeth Borne, désormais ministre de votre gouvernement. Sachez que, comme à son habitude, le Rassemblement national sera très attentif au contenu du texte et qu’il soutiendra toute mesure, même minimale, conforme à l’intérêt des Français. Mais cela ne changera rien : il faudra bien un jour rendre aux Français qui travaillent les deux années qui leur ont été prises.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Ce n’est pas dans votre programme, vous mentez !
M. Gaëtan Dussausaye
Pour cela, je souhaite vivement la victoire de Marine Le Pen et de Jordan Bardella en 2027. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Stéphane Vojetta
Le cas échéant, il n’y en a qu’un seul qui pourra gagner !
M. Gaëtan Dussausaye
Comme je le disais, le budget offrira l’occasion de corriger les erreurs et les injustices passées, de rendre leur argent aux Français (Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS),…
M. Inaki Echaniz, M. Benjamin Lucas-Lundy et Mme Marie Pochon
Rendez les 4 millions !
M. Gaëtan Dussausaye
… d’engager la paix fiscale et de réduire drastiquement les mauvaises dépenses, celles consacrées à l’immigration, au millefeuille administratif ou au train de vie de l’État. (Les exclamations s’amplifient.) Chers collègues du bloc de gauche, vos cris ne disent qu’une chose : que vous êtes minoritaires et que, sans le Rassemblement national, vous ne pouvez emporter aucun scrutin. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Continuez donc de hurler : cela nous rappelle à quel point vous êtes isolés – heureusement – dans cet hémicycle, et davantage encore dans les urnes.
Monsieur le premier ministre, le Rassemblement national a toujours été le plus transparent. (M. Benjamin Lucas-Lundy s’esclaffe.) Nos lignes rouges sont connues de tous les Français. Nous ne voulons pas de décret sur la programmation pluriannuelle de l’énergie, solution qui traiterait en quelques secondes un élément essentiel de la souveraineté française.
Mme Marie Mesmeur
Par contre, l’austérité, vous la voulez !
M. Gaëtan Dussausaye
Nous ne voulons pas d’aggravation de la situation sociale. Nous ne voulons pas que de nouveaux coups soient portés au pouvoir d’achat des Français.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Quelle audace !
M. Gaëtan Dussausaye
Nous ne voulons pas que de nouveaux efforts leur soient demandés tant que vous n’aurez pas eu le courage de vous attaquer au coût de l’immigration.
M. Jean-Philippe Tanguy
Excellent !
M. Gaëtan Dussausaye
Nous ne voulons pas un seul centime d’impôt ou de taxe supplémentaire sur les entreprises tant que vous n’aurez pas réduit le train de vie de l’État…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Et le double salaire de Marine Le Pen, on en parle ?
M. Gaëtan Dussausaye
…et cessé de verser des milliards d’euros à des agences et des opérateurs dont la seule mission, pour certains, est d’entraver toujours plus la liberté de chacun dans notre pays.
Nous n’accepterons ni la TVA sociale, ni le gel des pensions de retraite ou des prestations de solidarité pour tous, ni la fameuse « année blanche » que plusieurs de vos soutiens appellent de leurs vœux depuis quelques semaines. La seule « année blanche » que le Rassemblement national acceptera concerne la contribution nette de la France au budget de l’Union européenne : il ne faut pas un seul centime d’euro supplémentaire pour l’Union européenne issu de l’argent des Français ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Exclamations sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. Inaki Echaniz
Rendez les 4 millions !
M. Gaëtan Dussausaye
Cette exigence n’est pas uniquement celle du Rassemblement national : c’est celle des 11 millions d’électeurs de Marine Le Pen et de Jordan Bardella, celle du peuple dont nous ne sommes ici que les modestes avocats.
Alors, monsieur le premier ministre, engagez la parole du gouvernement et répondez à la seule question que vous devriez vous poser chaque jour : qui devez-vous écouter ? Les députés d’extrême gauche ou les 11 millions d’électeurs du Rassemblement national ? Derrière chaque porte que vous décidez d’ouvrir, seul et en pleine conscience, peut se cacher la censure. Et croyez-moi, lorsqu’il s’agit de défendre la France et les Français, le Rassemblement national, Marine Le Pen et Jordan Bardella n’hésitent jamais.
Mme Mathilde Panot
En attendant, c’est vous qui soutenez la politique macroniste !
M. Gaëtan Dussausaye
Nous censurerons deux fois, cinquante fois, cent fois s’il le faut !
Mme Marie Mesmeur
Hypocrites ! Vous ne censurez jamais !
M. Gaëtan Dussausaye
La balle est dans votre camp : entendez ce que dit le peuple de France ! Rendez-vous lors de l’examen du budget pour déterminer l’espérance de vie de votre gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Vojetta.
M. Inaki Echaniz
C’est dommage, Manuel Valls n’est pas là ! Où est-il, d’ailleurs ?
M. Stéphane Vojetta (EPR)
Nous voici réunis pour examiner une motion de censure déposée par le Parti socialiste. Je dispose de trente-cinq minutes pour dire tout le mal que je pense de cet exercice.
M. Jean-Philippe Tanguy
Ah non !
Mme Constance Le Grip
Ça ne suffira pas !
M. Stéphane Vojetta
Rassurez-vous, je serai beaucoup plus bref, car je déteste perdre mon temps, ce qui n’a pas l’air d’être votre cas.
M. Jean-Philippe Tanguy
Alors, finis ! (Sourires sur les bancs du groupe RN.)
M. Stéphane Vojetta
Puisque nous avons un peu de temps, si vous le permettez, monsieur Tanguy, je souhaiterais d’abord formuler une réflexion personnelle. Chacun d’entre nous ici a l’honneur d’avoir été élu par nos concitoyens. Mais vous demandez-vous parfois pour quoi faire, au juste ? Personnellement, je me le demande régulièrement,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Faites autre chose, alors !
M. Stéphane Vojetta
…particulièrement au vu de notre incapacité à avancer sur quelque sujet que ce soit au cours de ces dernières semaines.
Mme Mathilde Panot
On a la réponse : pour pourrir la vie des Français !
M. Stéphane Vojetta
Je vous le demande : quel est le véritable sens de notre fonction de parlementaire, si nous ne pouvons nous mettre d’accord sur rien, pas même sur des constats ? Ne sommes-nous donc ici que pour mieux préparer notre prochaine élection ou favoriser celle de notre chef ? Ou pour préparer un congrès ?
M. Inaki Echaniz
Et vous, pour assurer la survie du macronisme ?
M. Stéphane Vojetta
C’est hélas souvent l’impression que nous donnons, vous en particulier, monsieur Faure, notamment en déposant cette motion de censure qui témoigne davantage d’un serment d’allégeance à La France insoumise…
M. Inaki Echaniz
Oh !
M. Stéphane Vojetta
…que d’une volonté réelle de faire tomber ce gouvernement ou de proposer des solutions réalistes à la situation des retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Exclamations sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
Ne devrions-nous pas plutôt aspirer à nous saisir de chaque seconde de notre mandat – un mandat qui peut finir demain, nous le savons – pour faire bouger les choses ou, comme l’auraient suggéré vos prédécesseurs sur ces bancs, pour changer la vie ? Mais pour cela, encore faudrait-il que vous soyez capables de sortir de la posture et de regarder la vérité en face.
M. Inaki Echaniz
Vous aussi, sortez de la posture : assumez vos erreurs !
M. Stéphane Vojetta
Chers collègues socialistes, vous reprochez au premier ministre et au gouvernement d’avoir nui aux travaux du conclave, court-circuité le dialogue social et empêché un débat parlementaire sur la réforme des retraites, en écartant d’emblée le retour à la retraite à 62 ans et en imposant une trajectoire d’équilibre financier.
M. Inaki Echaniz
Tout à fait !
M. Stéphane Vojetta
Si une chose a nui à la qualité des travaux du conclave, c’est bien moins l’attitude de François Bayrou que celle de la Cour des comptes, qui nous a refusé le diagnostic impartial qu’elle avait pourtant le devoir de réaliser. Revenons en effet quelques mois en arrière, à la déclaration de politique générale du 14 janvier dernier.
Monsieur le premier ministre, vous nous préveniez alors en ces termes : « Le déséquilibre du financement du système de retraites et la dette massive qu’il a creusée ne peuvent être ignorés ou éludés. » Pour financer les retraites, une fois épuisées les cotisations, « restent 55 milliards, versés par le budget des collectivités publiques, au premier chef le budget de l’État, à hauteur de quelque 40 ou 45 milliards. Or, ces 40 ou 45 milliards annuels, nous n’en avons pas le premier centime. Chaque année, cette somme, le pays l’emprunte. Autrement dit, il a choisi de mettre à la charge des générations qui viennent ou qui viendront » – notamment de l’enfant de M. Benjamin Lucas-Lundy, que je salue –…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Il ne mérite pas ça !
M. Stéphane Vojetta
…« une partie du montant des pensions que nous versons aux retraités actuels ».
Voilà pourquoi, monsieur le premier ministre, vous aviez alors demandé à la Cour des comptes de nous fournir l’état actuel et précis du financement du système de retraites. Ce diagnostic devait ensuite être soumis aux partenaires sociaux – à charge pour eux, dans le cadre du conclave, de nous montrer, à nous parlementaires, le chemin vers une refonte indispensable de notre système de retraites.
Il faut bien le reconnaître : la Cour des comptes a failli dans la mission qui est la sienne, elle qui est censée assister le Parlement et le gouvernement en fournissant de manière indépendante des analyses utiles aux décideurs et susceptibles de contribuer activement à l’amélioration de la gestion publique et de ses résultats.
Oui, la Cour des comptes a failli dans sa mission. En affirmant que le système de retraites a été « légèrement excédentaire » en 2023, elle a choisi de perpétuer une forme de dissimulation comptable au sein de nos finances publiques. Le conclave s’est donc ouvert sur cette base faussée.
Comment, d’ailleurs, évoquer ce conclave et les débats sur les retraites qui nous occupent constamment depuis 2019, sans tenter de comprendre comment notre ignorance collective a été sciemment organisée, précisément pour nous empêcher d’avoir la moindre chance d’arriver à débattre sur des bases saines ?
M. Hadrien Clouet
Parle pour toi !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Complotiste !
M. Stéphane Vojetta
Pour rappel, les pensions de retraite représentent chaque année un quart de nos dépenses publiques et absorbent 14 % du PIB de la nation.
M. Hadrien Clouet
Il a lu le PLFSS !
M. Stéphane Vojetta
Personne, pas même vous, ne conteste ces chiffres. Pourtant, nous ne savons pas mesurer correctement l’impact de ces dépenses sur nos finances publiques. En effet, la comptabilité de ce système de retraites, en particulier le compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions, a été instaurée en 2006 pour que les déficits éventuels soient répartis dans le budget de chaque ministère. Ils se retrouvent donc partout, sauf dans le système de retraites, dans le but d’entretenir, quoi qu’il arrive, la fable d’un système de retraites par répartition juste et à l’équilibre.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Cinq minutes, ressenties trente-cinq !
M. Stéphane Vojetta
Cette fable, vous la connaissez : voilà des années que la Cour des comptes et le COR nous la racontent le soir pour nous endormir, en s’appuyant sur les conventions comptables votées par nos prédécesseurs. Cette volonté systémique de dissimulation est réelle et son implication sur la gestion de nos finances publiques est dangereuse. Je citerai quelques exemples illustratifs.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Ah, merci ! Une version illustrée ! Avec des coloriages ?
M. Stéphane Vojetta
Cette volonté de dissimulation affaiblit la sécurité sociale, notamment ses branches famille, chômage…
M. Hadrien Clouet
L’assurance chômage ne relève pas de la sécurité sociale !
M. Stéphane Vojetta
…et accidents du travail, en leur imposant chaque année une quinzaine de milliards de transferts de cotisations vers la branche vieillesse. Ce mécanisme aboutit désormais à la fragilisation de l’ensemble et à la reconnaissance par la Cour des comptes d’un risque de défaut de paiement de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) en 2027 – mais, bien sûr, pas à la reconnaissance d’un déficit du système de retraites.
Cette volonté de dissimulation contamine également nos débats budgétaires.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Quel gouvernement a menti sur l’ampleur du déficit ?
M. Stéphane Vojetta
Quand nous votons ici le budget de l’éducation nationale, savons-nous vraiment que 28 % de ce budget est absorbé par les cotisations et surcotisations retraite payées par l’État employeur ? Cette part est d’ailleurs en augmentation constante, puisqu’elle était de 22 % en 2006. Lors des débats budgétaires pour 2025, combien d’entre nous pensaient sincèrement consacrer 87 milliards d’euros à l’éducation de notre jeunesse, alors qu’en réalité, 24 milliards d’euros de ces autorisations d’engagement votées étaient ponctionnés pour financer les pensions des enseignants retraités ainsi que certains régimes déficitaires de la fonction publique ?
Vous êtes-vous déjà penchés, ne serait-ce qu’une fois, sur la fiche de paie d’un enseignant ? (« Oui ! » sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Faites-le : vous y verrez un salaire net réduit à la portion congrue, enseveli sous une montagne de surcotisations, salariales et surtout patronales, qui grèvent son pouvoir d’achat et minent l’attractivité du métier.
Cette situation s’aggravera cette année encore, car le taux de cotisation de l’État employeur passera de 74 % à 78 % du traitement brut, contre seulement 28 % dans le secteur privé.
M. Jean-François Coulomme
C’est faux !
M. Stéphane Vojetta
Et cela pèsera davantage encore sur le budget de l’éducation nationale, sans pour autant améliorer la rémunération nette des enseignants, et sans autre justification que d’équilibrer les recettes et les dépenses du CAS Pensions.
Dans la même veine, êtes-vous conscients que, pour faire face à la dégradation des comptes de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), le taux de cotisation patronale des collectivités passera de 32 % en 2024 à 44 % en 2028, sans autre justification que le nécessaire équilibrage des recettes et des dépenses de retraite ?
Ainsi, la masse salariale brute des agents des fonctions publiques territoriale et hospitalière augmentera de 3 % par an et pèsera sur le budget des collectivités et des hôpitaux – qui reviendront vers nous pour évoquer ce problème –, sans aucun effet sur le salaire net de ces agents.
René Magritte nous aurait dit : « Ceci n’est pas une pipe. ». La Cour des comptes, quant à elle, nous dit dans son rapport : « Ceci n’est pas un déficit. »
M. Benjamin Lucas-Lundy
ChatGPT est en surchauffe !
M. Stéphane Vojetta
Selon elle, c’est tout simplement « un besoin élevé de financement qui implique une diversification des ressources au-delà des cotisations sociales ». Une fois cette centaine de milliards de surcotisations, de subventions et de transferts divers pris en compte, le régime des retraites affichait effectivement un excédent comptable de 8,5 milliards en 2023. Et voilà, le tour est joué ! Un miracle comptable digne de Bernadette Soubirous ou un tour de prestidigitation qui évoque Gérard Majax, à moins qu’il ne soit plutôt du niveau de Garcimore.
Le tour est joué, et nous pouvons regarder ailleurs au moment de chercher les postes de dépenses qui pourraient être ciblés dans la tâche pourtant inévitable et inéluctable de réduction du déficit budgétaire.
M. Inaki Echaniz
C’est laborieux !
M. Stéphane Vojetta
Nous faire regarder ailleurs, c’est précisément l’objectif recherché. Reconnaissons-le : ce système est opaque, même pour nous qui débattons et votons le budget de la nation.
Mme Marie Pochon
On ne l’a pas voté, le budget de la nation !
M. Stéphane Vojetta
Ce système, en torturant la langue et les concepts comptables, nous empêche de penser clairement. Le déficit d’un système par répartition devrait être la différence entre les pensions versées et les cotisations perçues. Lorsque les cotisations ne suffisent plus à couvrir le paiement des pensions, le système est en déficit. Pour éviter la cessation de paiement, il faut alors faire appel à une source extérieure de financement : soit l’État, donc le contribuable ; soit, à défaut, la dette.
Or notre système, que l’on dit par répartition et qui est présenté comme étant à l’équilibre, n’est financé qu’aux deux tiers par des cotisations prélevées sur la masse salariale. Le tiers restant provient de l’État. Et à part vous, chers collègues, qui peut encore croire que ces milliards qui sortent des poches de l’État et du contribuable n’ont aucun impact sur notre déficit ni sur notre dette publique ?
Au fond, la réalité est plus simple que tous ces artifices comptables. La réalité, c’est que notre système de retraites hypothèque notre avenir et celui de nos enfants, en creusant chaque année un déficit budgétaire de plus de 50 milliards. Cette accumulation de déficits explique pourquoi les retraites pèsent pour la moitié des plus de 1 000 milliards de dette supplémentaire accumulés par notre pays ces dix dernières années.
M. Inaki Echaniz
D’après vous, qui était au gouvernement ces dernières années ?
M. Stéphane Vojetta
Nous étions au gouvernement, mais la responsabilité est partagée – je vais y revenir.
La réalité, c’est celle d’un système qui nuit au pouvoir d’achat des actifs, qu’ils travaillent dans le secteur public ou le secteur privé. La réalité, c’est celle d’un système qui accélère la paupérisation de notre éducation nationale, de notre système de santé et de nos services publics.
M. Inaki Echaniz
La faute à qui ?
M. Stéphane Vojetta
La réalité, c’est celle d’un système incapable d’assurer l’équité au sein d’une même génération, alors que nous ne savons pas dire combien coûte l’écart de droits entre le système de retraites du public et celui du privé. La réalité, c’est celle d’un système incapable d’assurer l’équité entre les générations, puisque nous savons déjà que les taux de remplacement chuteront.
M. Inaki Echaniz
Vous êtes là depuis 2017 ! Vous aviez huit ans pour changer les choses, vous n’avez rien fait !
M. Stéphane Vojetta
Les retraités actuels touchent 75 % de leur dernier salaire, alors que les actifs actuels, eux, devront se contenter de 54 % lorsqu’ils arriveront à l’âge de la retraite, malgré l’allongement de leur durée de cotisation. La réalité, c’est enfin celle d’un système qui empêche tout pilotage efficace par le gouvernement ou par le Parlement, en nous rendant incapables d’identifier les véritables causes du déficit budgétaire de la France.
Alors que nous faisons face à un déficit annuel de plus de 150 milliards d’euros, nous concentrons nos débats sur des fusions d’agences de l’État qui ne permettront que des économies marginales, ou sur la traque des centenaires algériens dans les bleds, dans l’espoir d’en retirer les 40 millions évalués par la Cour des comptes.
Mme Marie Pochon
La faute à qui ?
M. Inaki Echaniz
Reconnaissez vos erreurs !
M. Stéphane Vojetta
L’attitude de ceux qui, à l’instar de la Cour des comptes, pourraient lever le voile mais choisissent de ne pas le faire, est coupable. Si cette attitude permet d’éviter de reconnaître un déficit comptable, elle favorise aussi l’installation d’un déficit démocratique,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Ce n’est pas la censure de la Cour des comptes !
M. Stéphane Vojetta
…celui qui consiste à laisser les Français, leurs représentants élus et les partenaires sociaux débattre de l’avenir de nos retraites sur la base d’un diagnostic trompeur. Ce système biaisé et non pilotable est la conséquence de la réforme qui a créé le CAS Pensions, menée en 2001 par le gouvernement Raffarin et entrée en vigueur en 2006. Depuis lors, il n’a jamais été remis en cause par aucun des ministres des finances ou du budget qui se sont succédé à Bercy. Alors, vous allez mentionner Bruno Le Maire,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Les grands romanciers d’abord !
M. Stéphane Vojetta
…mais n’oublions pas ses prédécesseurs, dont la liste est longue : Michel Sapin, Pierre Moscovici – tiens, encore lui ! –, François Baroin, Christine Lagarde, Jean-Louis Borloo et Thierry Breton.
M. Inaki Echaniz
Que des gens de droite !
M. Stéphane Vojetta
D’une certaine manière, au fil du temps, nous sommes tous devenus complices de ce déni de réalité. Oui, tous, et nous aussi, chers collègues, car qui, dans cet hémicycle, a un jour levé la main pour exiger que nous mettions fin à cette fable ? Qui a eu le courage de s’insurger face à des conventions comptables qui nous empêchent de voir ou de comprendre la réalité ? Oui, il faut du courage pour accepter de voir la réalité en face,…
Mme Marie Pochon
Nous avons refusé tous vos budgets parce qu’ils étaient mauvais !
M. Stéphane Vojetta
…car il serait alors inévitable et inéluctable de trouver des solutions qui vont à l’encontre soit de certains de vos récits politiques, soit de certains de nos intérêts électoraux.
Je suis désolé de vous le dire, cela va vous choquer,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Vous avez raison d’être désolé !
M. Stéphane Vojetta
…même si je reconnais aisément que l’on peut reprocher des choses à ce gouvernement (M. Inaki Echaniz, M. Benjamin Lucas-Lundy et Mme Marie Pochon applaudissent), le courage que j’évoquais à l’instant, un seul l’incarne ici : François Bayrou. (Rires et applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. Jean-François Coulomme
C’est une incarnation !
M. Hadrien Clouet
Il guérit les écrouelles par imposition des mains !
M. Jean-François Coulomme
C’est de la transsubstantiation !
M. Benjamin Lucas-Lundy
C’est rafraîchissant, quand même !
M. Stéphane Vojetta
Eh oui, jeudi dernier, lors de votre conférence de presse, monsieur le premier ministre…
M. Inaki Echaniz
Rangez la boîte de cirage !
M. Stéphane Vojetta
Écoutez, vous allez apprendre quelque chose !
M. Inaki Echaniz
C’est Shirley ou Dino ?
M. Stéphane Vojetta
Vous nous disiez donc, monsieur le premier ministre : « Tout ça se passe […] dans l’hypocrisie la plus complète » ; « vous croyez qu’il y a un des responsables qui ignore que c’est par le déficit et la dette qu’on finance [les retraites] ? »
M. Yannick Monnet
Le premier ministre n’a jamais été ministre avant…
M. Stéphane Vojetta
Je le demande à M. Faure, je le demande à Mme Le Pen et à M. Tanguy, je le demande à M. Mélenchon et à ses pantins (Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP), à tous ceux qui défendent le statu quo, voire le retour à 62, 60 ou même 56 ans, à ceux qui défendent l’indexation ad vitam aeternam des retraites les plus élevées : ignorez-vous réellement que chaque année que nous laissons passer sans réformer notre système de retraites pour l’adapter à la nouvelle donne démographique creuse le trou dans lequel nous enterrons l’avenir de nos enfants et de la nation ? (M. Benjamin Lucas-Lundy s’exclame.)
M. Yannick Monnet
C’est votre dette !
M. Stéphane Vojetta
En ce qui concerne le groupe Ensemble pour la République, nous sommes conscients des défis qui nous attendent.
M. Inaki Echaniz
Soyez surtout conscients de votre bilan !
M. Stéphane Vojetta
Nous sommes conscients que les solutions aux problèmes que j’ai évoqués seront difficiles à faire accepter et à mettre en œuvre, mais à ce stade, ni nous, ni vous, ni le gouvernement n’avons plus d’autre choix que celui de la responsabilité, qui consiste à regarder la réalité en face et à agir.
M. Benjamin Lucas-Lundy
La réalité, c’est que vous avez perdu les élections et qu’il y a une majorité pour abroger la réforme des retraites !
M. Stéphane Vojetta
En proposant cette motion de censure, chers collègues du Parti socialiste, vous nous invitez au contraire à garder la tête dans le sable,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
C’est ce que vous faites face au changement climatique !
M. Stéphane Vojetta
…à laisser nos enfants, et leurs enfants après eux, régler le problème que nous avons collectivement laissé s’installer. En proposant cette motion de censure, vous nous dites : « Circulez, il n’y a rien à voir ! » Toutefois, ce que nous avons tous laissé faire pendant vingt ans par lâcheté collective – c’est ce dont il s’agit – n’est désormais plus acceptable. La responsabilité est partagée.
M. René Pilato
C’est vous qui êtes au pouvoir !
M. Stéphane Vojetta
Notre avenir et la souveraineté financière de notre nation sont en jeu. Par conséquent, sans surprise, le groupe Ensemble pour la République ne votera pas cette motion de censure.
Mme Zahia Hamdane
Merci, au revoir !
M. Stéphane Vojetta
Nous encourageons le premier ministre et son gouvernement à poursuivre son combat courageux en faveur de davantage de transparence et de justice pour les actifs actuels et pour les générations futures. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur plusieurs bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP)
Monsieur Bayrou, cela fait six mois et quelques jours que vous êtes là. C’est six mois et quelques jours de trop. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Macroniste de la première heure, vous avez applaudi quand le reste de la clique a privé de deux ans de vie les Françaises et les Français. (Mêmes mouvements.)
M. Jean-Philippe Tanguy
Il ne fallait pas voter pour eux !
M. Hadrien Clouet
Mais nous ne sommes pas rancuniers : nous proposons de vous mettre vous-même à la retraite dès ce soir – et à taux plein, c’est dire ! Vous en aurez, de la chance, contrairement aux 10 000 personnes qui meurent chaque année avant la retraite à cause de votre réforme. C’est à elles que nous dédions cette motion de censure. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Vous devez partir car vous n’auriez jamais dû être là.
M. Jean-Philippe Tanguy
Tu as voté pour eux !
M. Hadrien Clouet
Aux élections, vous avez fait 3,8 % : on pourrait confondre votre score avec un taux d’inflation ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Depuis, vous avez multiplié les mensonges et les manigances. La pire, sans doute, concerne une des plus grandes affaires pédocriminelles de notre histoire, celle de Bétharram. (Mêmes mouvements.) Vous saviez, vous aviez les moyens d’agir et vous n’avez rien fait, à part insulter les témoins et mentir sans vergogne à tous les parlementaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également. – Exclamations sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme Danielle Brulebois
C’est insupportable !
M. Hadrien Clouet
Contrairement à M. Vojetta, je ne crois pas que vous soyez un être de lumière et de sainteté descendu sur terre pour guérir les gens par imposition des mains, voire pour les faire ressusciter. Si vous êtes à ce poste, c’est seulement parce que, sur le Titanic qui coule, personne ne voulait être commandant en second. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.) Même Macron – c’est paru ce matin dans Libération – se demande : « Mais pourquoi ils ne le virent pas ? » (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Très bonne suggestion !
M. Hadrien Clouet
Puisque nous parlons de naufrage, revenons à votre conclave, qui vient de finir en eau de boudin.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Habemus papam !
M. Hadrien Clouet
Je rembobine : en janvier 2025, à la tête d’un des pires budgets d’austérité de l’histoire de France, qui ferme des classes dans les écoles, des lits dans les hôpitaux et qui abandonne l’industrie française, vous achetez le soutien du Parti socialiste avec un tour de passe-passe : un conclave sur les retraites. Ce conclave, à bien y regarder, c’est moins Léon XIV que Thatcher II. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.)
Dès le lendemain de sa proclamation et de sa convocation, dès lors que vous êtes sauvé de la première motion de censure, vous faites volte-face : exit les discussions pour trouver de nouvelles recettes, exit la surcotisation sur les très hauts salaires, qui aurait pourtant assuré l’équilibre des caisses. C’est ça, la méthode Bayrou ! On vous imagine en réunion de copropriété, refusant de parler des charges, en réunion syndicale, refusant de parler des salaires, ou encore en réunion de consommateurs, refusant de parler des prix. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.)
On pensait avoir touché le fond, mais pas encore : vous allez ensuite sur les plateaux raconter que « les participants se sont accordés [sur] les conditions d’âge fixées par la loi de 2023 ». Lesquels ? Je ne sais pas dans quel monde parallèle vous vivez !
Mme Clémence Guetté
Écoutez, monsieur Bayrou, ça s’adresse à vous !
M. Hadrien Clouet
Vous avez exclu du conclave la FSU – Fédération syndicale unitaire – et Solidaires, puis la CGT et FO sont partis, puis la CFDT, la CFTC, l’Unsa et la CFE-CGC ont exprimé leur désaccord avec votre borne d’âge. La seule chose que montre le conclave, c’est que tout le monde est hostile à cette réforme des retraites et la déteste. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Benoît Biteau applaudit également.)
Logiquement, pour vous en sortir, vous avez décrété que le Medef aurait un droit de veto sur tout, qu’il s’agisse de l’âge de départ, des annuités ou encore des cotisations – veto partout !
M. Inaki Echaniz
Justice nulle part !
M. Hadrien Clouet
Mais enfin, un conclave où le Medef a droit de veto, ce n’est pas une réunion, c’est de l’extorsion, définie à l’article 312-1 du code pénal ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Les syndicats, eux, avaient le droit de choisir entre le café tiède et le café froid, la soupe étant réservée au patronat.
Je résume : votre conclave, c’est une réunion dont ne peut sortir qu’un texte approuvé par des gens qui sont d’accord avec vous. Eh bien – nous allons vous le rappeler ce soir –, nous ne sommes pas d’accord avec vous. (Mêmes mouvements. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.) Nous ne céderons jamais, nous n’abandonnerons jamais notre tâche historique et populaire consistant à abroger cette réforme inique des retraites. (Mêmes mouvements. ) À 64 ans, un tiers des gens souffrent déjà d’incapacité professionnelle, et vous voulez leur pourrir les années de vieillesse après leur avoir pourri les années de travail ! Et je ne compte pas ceux qui vous écoutent quand vous parlez à l’Assemblée nationale, ce qui constitue un facteur de pénibilité supplémentaire. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
S’il faut vous renvoyer aujourd’hui, c’est aussi pour éviter de vous subir demain. En effet, vous avez prévu d’appliquer à l’automne les « dispositions de compromis » du conclave ; je ne sais pas trop ce que c’est, j’imagine qu’il s’agit du compromis entre l’aile gauche et l’aile droite du Medef. À l’hiver suivra la grande purge : 40 milliards d’euros d’économies annoncés le 29 juin dans l’émission « Grand Jury » de RTL, pour faire plaisir à je ne sais quel gnome de la Commission européenne. Qui paiera ces 40 milliards ? Cela vous fait marrer ? Il faut que les spectateurs de nos débats le sachent : M. Bayrou rigole. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Élise Leboucher
Il n’écoute pas !
M. Hadrien Clouet
Qui paiera ces 40 milliards ? Évidemment pas les actionnaires, qui ont détourné le double l’année dernière, ce qui ne leur vaut guère qu’une petite tape sur l’échine. Non : dans vos classeurs, il y a d’autres projets, que je tiens à faire connaître à tous ceux qui nous écoutent. Ces 40 milliards, c’est l’équivalent d’un million de fonctionnaires – profs, pompiers, infirmiers, aides-soignants –, que vous pourriez supprimer. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) C’est l’équivalent de toutes les prestations de la branche famille de la sécurité sociale, qui pourraient sauter : l’allocation de rentrée scolaire, les aides personnelles au logement (APL), les allocations familiales, la prime d’adoption, l’allocation aux adultes handicapés (AAH), l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), la somme de tout cela représente ce que vous voulez couper à l’hiver.
Mme Andrée Taurinya
Écoutez un peu, monsieur Bayrou, au lieu de discuter avec vos copines !
M. Hadrien Clouet
Françaises, Français, vous voilà avertis : ces gens comptent étrangler le peuple à la rentrée. Dès lors, notre tâche du moment consiste à les empêcher de tenir jusqu’à la rentrée. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Dans vos manœuvres détestables, vous avez un appui certain : les députés du Rassemblement national, qui tentent de se faire oublier – ils sont quatre, en cette fin d’après-midi.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Eh oui !
M. Hadrien Clouet
Si Bayrou est toujours premier ministre ce soir, ce sera à cause d’eux et à cause d’elles. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.)
M. Jean-Philippe Tanguy
Tu as voté pour eux !
M. Hadrien Clouet
Si on part en retraite à 64 ans, ce sera à cause d’eux et à cause d’elles. Au lieu de députés RN, nous avons des répondeurs automatiques qui répètent la même fiche dans toutes les émissions : « on n’a pas d’idées, on verra quand on sera au pouvoir ». (Rires sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Mais Bardella a lâché le morceau, hier soir, à 21 h 38,…
Mme Marie Mesmeur
Exactement !
M. Hadrien Clouet
…sur CNews – une chaîne peu recommandable, mais tant pis.
M. Jean-Philippe Tanguy
Tu l’as regardé ?
M. Hadrien Clouet
Bien sûr : ce n’est pas avec ses interventions au Parlement européen que je vais savoir ce qu’il dit ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.) Quand on lui demande s’il veut abroger la réforme des retraites, M. Bardella répond : « On verra la situation budgétaire dans laquelle on sera dans deux ans ». Il confirme ainsi la confidence qu’il a faite à M. Gattaz, ancien patron des patrons, le 8 avril, au Forum des libertés – encore un machin de l’extrême droite : « On va devoir […] renoncer au retour à l’âge légal à 62 ou 60 ans ». (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Marie Mesmeur
La honte !
M. Hadrien Clouet
Voici l’aveu : le RN n’abrogera pas la réforme des retraites. C’est eux-mêmes qui le disent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
La seule chose étonnante qu’il reste à expliquer, c’est la raison pour laquelle le RN se cache et n’assume pas ses opinions politiques. C’est simple : comme M. Bayrou, le RN veut les retraites par capitalisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Jean-Philippe Tanguy s’exclame.)
Mme Mathilde Panot
Démasqués !
M. Hadrien Clouet
Les hurlements de M. Tanguy ne m’empêcheront pas d’aller au bout du propos ! Thomas Ménagé, rapporteur du texte du Rassemblement national sur les retraites – on s’en souvient, car il était rapporteur pour la première fois –, a déclaré ici même le 31 octobre 2024 : « il faut débattre de la question d’une part de capitalisation collective ».
M. Jean-Philippe Tanguy
Quel rapport ?
M. Hadrien Clouet
Plus récemment, le 28 mai, Éric Ciotti a présenté à un plan pour la capitalisation des retraites (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP)…
M. Jean-François Coulomme
Eh oui ! Le casino !
M. René Pilato
Du Macron pur jus, collègues !
M. Hadrien Clouet
…prévoyant de flécher 11 % des pensions vers des fonds financiers privés, histoire que les économies d’une vie puissent disparaître au premier retournement boursier, quand la finance aura une saute d’humeur. Pour compenser le manque à gagner immédiat, M. Ciotti propose de verser dans le système de retraites deux tiers des fonds du logement social. Les gens n’auront donc plus de retraite et plus de logement. Bravo ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Traduction : avec le Rassemblement national, vous n’aurez plus de maison et l’argent qu’il vous restera sera joué à la Bourse de New York.
Il y a aussi la version coupée d’eau tiède ; je pense à l’interview du député RN Gaëtan Dussausaye. Je l’ai lue hier soir : j’avais fini le dernier Stephen King et je cherchais une autre lecture du même genre. Je le cite : « Si on ne vote pas la censure, ce n’est pas qu’on soutient le texte. »
M. Jean-Philippe Tanguy
La censure ne porte pas sur un texte !
M. Hadrien Clouet
Non : si vous ne la votez pas, c’est que vous soutenez les auteurs du texte et que vous voulez les laisser en écrire d’autres ! C’est encore pire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Je continue : « Changer de projet sur les retraites fait partie d’un tout budgétaire, avec de nouveaux moyens de financement nécessaires […]. » Si vous cherchez vraiment des recettes supplémentaires pour les retraites, pourquoi votez-vous contre la surcotisation sur les hauts salaires ou la mise à contribution des revenus financiers ? (Mêmes mouvements. – Mme Christine Arrighi applaudit également.)
Pour finir, le pompon – tout cela vient de la même interview…
M. Benjamin Lucas-Lundy
C’est un festival !
M. Hadrien Clouet
Tout à fait ! Le pompon, donc : « Est-ce que les Français ont envie d’instabilité à quelques semaines des vacances ? » Laissez-moi vous apprendre que 40 % des gens n’ont pas de vacances ; vous devriez les fréquenter, cela vous ferait du bien. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.) Quant à ceux qui en ont, ils aimeraient bien que ces vacances ne soient pas les dernières qu’ils passent avec leurs proches !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Eh oui ! Exactement !
M. Hadrien Clouet
Bref, le RN parvient à être à la fois le marchepied, le paillasson et la serpillière de la Macronie : ce n’est pas un groupe parlementaire, c’est une quincaillerie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.) Si vous ne votez pas la censure, c’est parce que vous craignez le retour aux urnes, Mme Le Pen ayant été condamnée et déclarée inéligible. (Mêmes mouvements.)
Mme Marie Mesmeur
4 millions !
M. Hadrien Clouet
Ah, il est beau, le parti du peuple qui sacrifie des millions de retraités pour un siège de députée dans un accord de dessous-de-table avec François Bayrou !
M. Jean-Philippe Tanguy
Elle est à plus de 30 % ! Combien faites-vous ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Hadrien Clouet
Bref, contre la réforme des retraites, contre le budget partagé du gouvernement et du RN, il est l’heure de voter la censure, avec en tête les mots du grand écrivain José Saramago : « Il faut quand même persister. L’espoir est comme le sel, il ne nourrit pas, mais il donne de la saveur au pain. » Votre censure, c’est notre sel. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, dont les députés se lèvent, sur plusieurs bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe GDR.)
Mme la présidente
La discussion est close.
Je vais maintenant mettre aux voix la motion de censure. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je rappelle que seuls les députés favorables à la motion de censure participent au scrutin et que le vote se déroule dans les salles voisines de l’hémicycle.
Le scrutin est ouvert pour vingt minutes ; il sera donc clos à 20 h 17.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-sept, est reprise à vingt heures dix-huit.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Voici le résultat du scrutin :
Majorité requise pour l’adoption de la motion de censure, soit la majorité absolue des membres composant l’Assemblée 289
Pour l’adoption 189
La majorité requise n’étant pas atteinte, la motion de censure n’est pas adoptée.
5. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :
Discussion de la proposition de loi visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d’une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures vingt.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra