XVIIe législature
Session ordinaire de 2024-2025

Deuxième séance du lundi 23 juin 2025

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Deuxième séance du lundi 23 juin 2025
Avertissement: version provisoire établie à 20:06

Présidence de M. Roland Lescure
vice-président

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1. Programmation pour la refondation de Mayotte

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte (nos 1470, 1573).

    Discussion des articles

    M. le président

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    J’appelle, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte.
    Je vous rappelle que le titre Ier est réservé à la demande du gouvernement. Nous abordons donc directement l’article 2.

    Article 2 (appelé par priorité)

    M. le président

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    La parole est à M. Yoann Gillet.

    M. Yoann Gillet

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    Mayotte est un territoire de la République française qui vit une crise sans précédent, principalement causée par la submersion migratoire. Face à cette situation critique, ce texte, et en particulier cet article, apportent un tout petit début de réponse aux dérives de l’immigration familiale incontrôlée.
    Chaque année, des milliers de cartes de résident pour parent d’enfant français, ou au titre des liens personnels et familiaux, sont accordées à Mayotte : 13 500 en 2023, plus de 15 000 en 2024. Près de 85 % des titres délivrés pour des parents d’enfants français, et plus de 90 % de ceux délivrés au titre des liens personnels et familiaux, concernent des étrangers entrés en situation irrégulière. Notre législation encourage donc la fraude et l’installation clandestine.
    L’article 2 vient poser quelques garde-fous, insuffisants, certes, mais qui ont le mérite d’exister. Il conditionne l’accès à ces titres à une entrée régulière par le biais d’un visa de long séjour. Il renforce la durée de présence sur le territoire de trois à cinq ans pour les cartes de résident des parents d’enfants français. Il introduit une condition de sept ans pour les cartes de séjour au titre des liens personnels et familiaux. C’est du bon sens.
    Pourtant, avec son habituel aveuglement idéologique, la gauche, fidèle à elle-même, propose de supprimer purement et simplement cet article, nous expliquant d’un ton grave que ces mesures seraient injustes. Or, ce qui est injuste, c’est de laisser Mayotte s’effondrer sous le poids de ces 85 % de titres délivrés à des étrangers entrés sans visa dans un territoire déjà submergé par l’immigration.
    Au demeurant, cet article ne va pas assez loin. Il faudrait être plus ferme en matière d’immigration. C’est, rappelons-le, ce que réclament les Mahorais. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    Sur les amendements nos 131, 206, 297, 378, 375, 132, 10, 214, 54, 139, 133, 140 et 376, je suis saisi par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Léa Balage El Mariky.

    Mme Léa Balage El Mariky

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    J’aimerais que nous commencions les débats sur de bonnes bases –⁠ celles de la vérité. J’ai entendu des propos inexacts de la part des rapporteurs, et cela m’inquiète un peu. Vous, plus que quiconque ici, devriez faire preuve de rigueur dans vos propos quand il s’agit des faits.
    L’article 2 porte sur l’immigration. Voici donc quelques définitions et quelques chiffres qui devraient éclairer nos débats –⁠ et peut-être la lanterne de certains ici. Une personne immigrée est une personne née étrangère dans un pays étranger. Les immigrés représentent 34,7 % des habitants à Mayotte, 31,4 % en Seine-Saint-Denis. Ce sont les chiffres de la direction générale des étrangers en France (DGEF) –⁠ ils sont vérifiables. Et parmi ces personnes immigrées, la moitié serait en situation irrégulière –⁠ et non la grande majorité, comme l’a affirmé le rapporteur Gosselin.

    M. Hervé Berville

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    L’excellent rapporteur Gosselin !

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Une personne étrangère –⁠ pardonnez-moi de devoir le rappeler – est une personne qui vit en France sans en avoir la nationalité. À Mayotte, cela concerne une personne sur deux. Il ne s’agit pas, monsieur le rapporteur général Vigier, d’une personne sur deux en situation irrégulière, comme vous l’avez indiqué. Parmi ces personnes étrangères, un tiers sont nées à Mayotte.
    Que signifient ces confusions que vous avez tenté d’introduire –⁠ peut-être involontairement ?

    Mme Élisa Martin

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    Tu parles !

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Ce sont des amalgames, un obscurantisme qui gangrène vos esprits et fait reposer nos politiques publiques sur des sensations, des représentations, voire des fantasmes, au lieu des faits et de la réalité –⁠ qui, eux, les rendraient véritablement efficaces.
    Ces confusions sont le signe d’un vent mauvais qui souffle sur notre pays et emporte votre lucidité. Alors, réveillez-vous ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    Je suis saisi de quatre amendements identiques, tendant à supprimer l’article 2, nos 131, 206, 297 et 378.
    La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l’amendement no 131.

    Mme Élisa Martin

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    À Mayotte, 77 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Ce territoire se caractérise avant tout par un manque criant d’infrastructures et de services publics –⁠ écoles et hôpitaux, par exemple. Qui en est responsable ? Les étrangers, comme vous voudriez nous le faire croire, afin de pouvoir vous servir de Mayotte comme d’un laboratoire où vous voulez expérimenter des mesures que nous osons qualifier de xénophobes ?
    Le Conseil d’État lui-même lève l’hypocrisie en soulignant que les mesures que vous proposez rendent toute régularisation impossible, d’autant qu’après le passage du cyclone Chido, nombre d’habitants de Mayotte ont tout perdu, y compris leurs documents administratifs.
    Au lieu de nous proposer une véritable loi de programmation budgétaire et de convergence sociale immédiate, vous préférez ériger un mur technologique, destiné à empêcher toute personne d’arriver. Ce sera vain –⁠ autant se le dire maintenant –, car c’est la misère, et rien d’autre, qui pousse les gens à migrer.
    Ce n’est pas ce que nous attendions. Nous attendions une loi de programmation budgétaire et certainement pas un rideau de fer, comme vous l’appelez vous-même. Il est d’ailleurs scandaleux d’oser utiliser une telle expression, car le rideau de fer auquel vous faites indirectement référence a fracturé l’humanité en deux pendant des dizaines d’années.
    C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 2. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Léa Balage El Mariky, pour soutenir l’amendement no 206.

    Mme Léa Balage El Mariky

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    L’article 2 crée un régime d’exception à Mayotte, en restreignant l’accès au séjour pour motif familial. Cela revient à dire que les parents d’enfants français à Mayotte n’auraient pas les mêmes droits que ceux de l’Hexagone, et que les enfants de Mayotte n’ont pas les mêmes droits que les enfants de l’Hexagone.
    Le droit au respect de la vie familiale est fondamental. En conditionnant ce droit à un visa de long séjour, on exclut de nombreuses familles de la possibilité de disposer d’un titre de séjour légal, y compris lorsque leurs enfants sont français, scolarisés, enracinés.
    Or cette logique punitive ne dissuade pas les migrations. Elle plonge simplement les personnes dans la précarité. Un exemple : en 2022, Mayotte comptait plus de 4 500 mineurs non accompagnés et 87 % d’entre eux l’étaient en raison de l’expulsion de leurs parents.
    Est-ce cela, votre horizon –⁠ des enfants abandonnés ? Est-ce vraiment cela, la République ?

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Naillet, pour soutenir l’amendement no 297.

    M. Philippe Naillet

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    Cet amendement vise aussi à supprimer l’article 2, qui porte de trois à cinq ans la durée de résidence régulière exigée pour la délivrance de la carte de résident de parent d’enfant français, et crée une condition de résidence habituelle de sept ans pour la délivrance de la carte de séjour temporaire au titre des liens personnels et familiaux.
    Plus précisément, l’alinéa 13 vise à modifier l’article L. 423-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), et donc à modifier le droit commun en portant de trois à cinq ans la durée de résidence régulière exigée pour la délivrance de la carte de résident de parent d’enfant français. L’alinéa 15 crée une condition de résidence habituelle de sept ans pour la délivrance de la carte de séjour temporaire au titre des liens personnels et familiaux.
    Le principal défi migratoire à Mayotte ne réside pas dans l’octroi trop généreux de titres de séjour pour motif familial, mais bien dans la proportion massive de personnes en situation irrégulière, estimée à environ 50 % de la population. La plupart des arrivées s’effectuent par voie maritime, en dehors de tout cadre légal, sans contrôle effectif aux frontières, et en dépit des reconduites à la frontière.
    Dans ce contexte, renforcer les critères pour les rares personnes qui cherchent à régulariser leur situation par les voies légales est largement déconnecté des enjeux de fond. Cette mesure risque même de produire l’effet inverse de celui recherché : en rendant l’accès au séjour régulier encore plus difficile, elle peut contribuer à accroître le nombre de personnes sans statut, aggravant la précarité sociale et le non-recours aux droits.

    M. le président

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    L’amendement no 378 de Mme Émeline K/Bidi est défendu.
    La parole est à M. Philippe Gosselin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

    M. Philippe Gosselin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    À ceux qui demandent la suppression de cet article, je rappellerai en quelques mots la situation migratoire à Mayotte –⁠ que vous n’ignorez pas. L’immigration irrégulière dépasse les 50 %, c’est pourquoi j’ai estimé qu’elle était très majoritaire. Vous vous appuyez sur les chiffres de l’Insee, mais ils sont, semble-t-il, très largement sous-évalués. Vous vous fondez sur une population de 320 000 habitants mais, en réalité, on est plus proche des 380 à 400 000 et, sur ces habitants non comptabilisés, la part d’immigrés irréguliers est vraisemblablement encore plus importante. Je maintiens donc le terme « majoritaire ».
    Il existe bien un problème d’immigration irrégulière sur l’île. À Mayotte, les titres de séjour sont délivrés –⁠ ou renouvelés – à 80 % pour motif familial, quand on est à 36 % en métropole. Ce n’est quand même pas rien ! Or l’article 2 vise plus particulièrement les parents d’enfants français et les liens personnels et familiaux. Remettons les choses à leur place car, je le répète, l’immigration est un véritable sujet à Mayotte.
    Je n’ai jamais prétendu que c’était le seul sujet, mais c’est l’une des grandes causes des difficultés de l’île et de l’embolisation des services publics –⁠ santé, école et autres services au public. Cela soulève aussi le problème des logements insalubres, avec les bangas. Il faut donc lutter sur ce point.
    Cela dit, ce texte –⁠ je parle sous le contrôle du rapporteur général et des autres rapporteurs – n’est pas que répressif. Il vise aussi le développement économique, les grands équipements et la convergence économique et sociale –⁠ smic et aides sociales, sur lesquels nous reviendrons. Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à ces amendements de suppression.

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre d’État, ministre des outre-mer, pour donner l’avis du gouvernement.

    M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer

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    Je veux prendre le temps de donner différents éléments d’informations qui expliquent la position du gouvernement s’agissant de l’article 2 que ces amendements visent à supprimer.
    Je rappellerai tout d’abord quelques chiffres qui nourriront notre réflexion tout au long de ces débats, y compris lorsque nous aborderons d’autres sujets. Entre 1956 et 2024, la population de Mayotte a été multipliée par quatorze –⁠ ce qui n’est évidemment pas dû qu’à l’immigration –, passant de 23 000 à 320 000. Je précise que je m’en tiens aux chiffres officiels, même si j’entends que certains souhaitent engager un débat sur ce point.
    À Mayotte, 50 % de la population est étrangère, 50 % a moins de 18 ans –⁠ M. le rapporteur général l’a rappelé – et 77 % vit sous le seuil de pauvreté.
    Même si les données peuvent bien sûr évoluer dans le temps, en fonction par exemple du nombre d’enfants par femme –⁠ c’est un argument que j’entends parfaitement –, la population pourrait atteindre, à horizon 2050, entre 440 000 et 760 000 habitants.
    Nous le voyons bien, la reconstruction du territoire constitue donc un défi, non seulement pour les années à venir, mais aussi à plus long terme. Cela doit nous inciter à débattre, dans la mesure du possible, de façon sereine.
    Ces amendements de suppression me posent différents problèmes. Comme vous le savez, les dispositions de l’article 2 visent à répondre, de façon pragmatique, à une situation migratoire qui, sur ce territoire, est spécifique, exceptionnelle, pour des raisons que vous avez exposées.
    Au vu de la part prépondérante des titres de séjour « parent d’enfant français » (PEF) et « liens personnels et familiaux » (LPF) délivrés à Mayotte –⁠ plus de 60 % –, il me semble parfaitement justifié d’adopter des mesures visant à juguler leur attractivité, sans pour autant qu’on soit accusé de manquer d’humanité.
    Comme je l’avais dit en commission des lois, la mesure –⁠ que certains veulent supprimer – visant à conditionner à la présentation d’un visa de long séjour la délivrance de la carte PEF ou LPF ne porte pas atteinte de manière disproportionnée à l’article 8 de la CEDH, la Convention européenne des droits de l’homme. Le Conseil d’État l’a d’ailleurs clairement rappelé dans son avis.
    Puisque certains ont établi des comparaisons, j’insiste sur le fait que les titres « parent d’enfant français » sont prépondérants à Mayotte, puisqu’ils représentent 40 % de l’ensemble des titres qui y sont délivrés, alors que ce chiffre est de 2 % pour l’ensemble du territoire français. J’ajoute qu’ils sont quasi exclusivement délivrés à des étrangers entrés irrégulièrement à Mayotte.
    Si l’on supprimait la condition de contribution effective du parent français à l’entretien et à l’éducation de l’enfant depuis la naissance de ce dernier ou depuis au moins trois ans, selon ses capacités contributives, ainsi que le passage de trois à cinq ans de la durée de séjour régulier exigée pour l’obtention de la carte PEF, le nombre de titres délivrés augmenterait encore.
    Le texte actuel prévoit aussi d’inscrire dans la loi que la durée de résidence habituelle doit désormais être de sept ans pour l’obtention du titre de séjour LPF, alors que la jurisprudence constante admet qu’une durée minimale de cinq ans est suffisante pour en bénéficier. Ce durcissement spécifique des conditions d’accès à ce titre constitue, selon le gouvernement, une réponse adaptée.
    Par ailleurs, tout refus de séjour, assorti d’une mesure portant obligation de quitter le territoire français, est édicté après vérification du droit de séjour, mais aussi en ayant pris en considération la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, la nature et l’ancienneté de ses liens avec la France ainsi que les raisons humanitaires pouvant justifier un tel droit.
    Enfin, il convient de souligner que le préfet peut user, à titre exceptionnel, de son pouvoir discrétionnaire, reconnu par la jurisprudence, pour délivrer un titre de séjour et procéder ainsi à la régularisation du séjour d’un étranger lorsque l’examen de sa situation personnelle le justifie, ce qui garantit le respect des principes d’équité et de proportionnalité, en cohérence avec les engagements conventionnels de la France.
    Tous ces éléments permettent, me semble-t-il, de relativiser les arguments excessifs que j’ai entendus. Nous sommes confrontés à une situation exceptionnelle, à laquelle nous apportons des réponses certes exceptionnelles, mais aussi pragmatiques, afin de résoudre un vrai problème tout en traitant avec la plus grande humanité les nombreuses situations individuelles que nous connaissons à Mayotte.
    Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, je suis défavorable à ces amendements de suppression.

    M. Hervé Berville

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à M. Yoann Gillet.

    M. Yoann Gillet

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    Comme toujours lorsqu’on parle d’immigration, la gauche préfère fermer les yeux. Tout au long de l’examen du texte, elle nous proposera donc des amendements visant à supprimer tous les articles et toutes les mesures qui concernent, de près ou de loin, cette question.
    Il n’est guère étonnant qu’à Mayotte l’ensemble de la gauche n’ait obtenu que 3 % aux élections législatives en juillet dernier. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Olivier Marleix

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    Un peu comme Hidalgo à la présidentielle !

    M. Yoann Gillet

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    Je rappellerai quelques vérités. Mayotte connaît une croissance démographique sans équivalent, largement alimentée, nous le savons, par l’immigration clandestine, ce qui entraîne d’ailleurs une saturation de tous les services publics de l’île. Le taux de pauvreté y dépasse les 70 %, en grande partie à cause d’une population étrangère en situation irrégulière qui vit dans des conditions précaires, ce qui a d’ailleurs pour conséquence l’apparition d’épidémies liées à l’insalubrité.
    L’arrivée incontrôlée de clandestins alimente des tensions communautaires, la délinquance et les violences urbaines –⁠ voilà encore une vérité.
    Les établissements scolaires sont débordés par l’afflux d’enfants, souvent non francophones, sans papiers, parfois non vaccinés ni suivis médicalement.

    Mme Dominique Voynet

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    Ceux-là ne vont pas à l’école !

    M. Yoann Gillet

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    L’immigration irrégulière bouscule les équilibres de l’île, suscitant un sentiment de dépossession chez les Mahorais. Le passage des kwassa-kwassa est organisé par les réseaux criminels, au détriment de la sécurité des migrants eux-mêmes. La pression démographique alimente une urbanisation sauvage, des bidonvilles poussent un peu partout, tandis que la déforestation et une pollution massive mettent en péril l’écosystème fragile de l’île.
    Pour faire face à ce défi, la population réclame depuis des années un sursaut de l’État.
    Chers collègues de gauche, Mayotte n’est pas un territoire à oublier. Elle subit une immigration de masse –⁠ on peut même parler de submersion migratoire. Il faut l’entendre et accepter de regarder le problème en face. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    Monsieur le ministre, vous avez dit qu’il fallait se montrer pragmatique. Eh bien, soyons-le ! Songez que, malgré tout l’argent que vous allez gâcher en bâtissant un rideau de fer afin d’empêcher les personnes d’arriver à Mayotte –⁠ une mesure qui n’aura aucun effet, sinon de mettre ces hommes et ces femmes encore plus en danger –, nous constaterons, dans quelques années, que rien n’aura avancé.
    De surcroît, un tel outil ne doit pas cacher la réalité, qui n’est pas tout à fait celle que vous avez décrite. La réalité, c’est, depuis plusieurs années, le manque endémique de services publics et d’infrastructures. D’ailleurs, cette situation dit quelque chose du rapport qu’entretient l’Hexagone, la métropole –⁠ j’emploie le terme à dessein – avec Mayotte.
    Changeons de stratégie, changeons de cap. Considérons qu’il faut investir massivement dans ce territoire qui est le nôtre, car nous devons traiter avec une égale dignité l’ensemble des citoyens français. Créons de bonnes conditions d’accueil. Allons même au bout du raisonnement et imaginons d’autres types de coopération avec les Comores pour que le destin de certains de ces jeunes gens ne soit pas uniquement de fuir la misère.
    Écoutez-moi, monsieur le ministre, car c’est important. En tant que ministre chargé des outre-mer, vous avez une responsabilité particulière. Vous devez donc répondre aux députés qui vous interpellent sur ce sujet. Ne pensez-vous pas qu’il est temps de changer de stratégie et de mobiliser les moyens financiers et réglementaires nécessaires pour changer la vie à Mayotte –⁠ y compris pour ceux qui veulent s’y rendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Léa Balage El Mariky applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Estelle Youssouffa.

    Mme Estelle Youssouffa

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    Puisque certains veulent rappeler des vérités, corrigeons immédiatement certains propos. Par exemple, le ministre et certains députés parlent de la régularisation d’enfants français. Or il s’agit d’enfants qui ne sont pas français, mais qui pourraient le devenir. Ils sont protégés. Ils ne sont pas français tant que leur dossier n’a pas été examiné –⁠ et le cas échéant, accepté – par l’administration lorsqu’ils atteignent l’âge de 18 ans.

    Mme Dominique Voynet

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    Lorsqu’ils ont 13 ans, 16 ans ou 18 ans !

    Mme Estelle Youssouffa

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    Voilà quelle est la réalité. Cela signifie que ces enfants servent de protection pour leurs parents : ce sont des bébés papiers. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Pardonnez-moi, chers collègues, mais j’ai subi vos inepties sans protester, vous voudrez bien faire preuve de la même politesse !
    Vous validez un système que vous déplorez par ailleurs, car vous n’êtes pas toujours parfaitement cohérents, en estimant qu’il faut laisser entrer un maximum d’étrangers et en affirmant que l’immigration est uniquement motivée par la misère –⁠ ce sont vos mots.
    Au passage, vous faites totalement abstraction de la revendication territoriale des Comores. C’est plus commode pour vous de ne pas mentionner que cette immigration, ce trafic humain, sont encouragés et sponsorisés par les autorités comoriennes.
    La démographie de Mayotte en a été totalement transformée, à tel point que 80 % des naissances sont le fait de parturientes étrangères. Les enfants concernés permettent à leurs parents de ne pas être expulsables grâce au titre de séjour délivré aux parents d’enfants potentiellement français.
    Pour une fois que l’État se met au travail pour lutter contre l’immigration clandestine à Mayotte, il va falloir faire preuve d’un peu de cohérence ! Nous allons donc nous battre pour protéger l’article 2. Le fait de demander à une personne, qui prétend être le parent d’un enfant, de fournir des justificatifs qui prouvent qu’elle a contribué à son éducation, qu’elle l’a nourri, nous semble constituer une mesure de bon sens –⁠ c’est même la base. Voilà pourquoi nous avons besoin des dispositions prévues par l’article 2.

    M. Jean Terlier

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à Mme Dominique Voynet.

    Mme Dominique Voynet

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    Le diable se niche souvent dans les détails. Les chiffres donnés tout à l’heure par Léa Balage El Mariky sont issus soit de l’Insee, soit de la direction générale des étrangers en France. Or, à ma connaissance, lorsqu’on cite des statistiques du ministère de l’intérieur, on ne se situe pas dans le registre de la pure idéologie.
    Certes, la moitié de la population de Mayotte est sans doute de nationalité comorienne mais, à l’intérieur de ce groupe, seules 50 % des personnes sont en situation irrégulière. D’autre part, s’il est vrai que 80 % des enfants qui naissent à Mayotte ont une maman étrangère –⁠ je préfère ce terme à celui de « parturiente » –, il faut signaler que 55 % des nouveau-nés ont au moins un parent français.
    Bien sûr, nous sommes confrontés à un problème, mais comment imaginer que nous pourrions le résoudre simplement en durcissant la réglementation actuelle ? Nous devons étudier la situation dans le détail et accompagner la population.
    Il faut savoir qu’à Mayotte, le taux d’irrégularité administrative de la population comorienne baisse avec l’âge. Il se situe à un niveau très élevé chez les 18-24 ans, puisque dans cette tranche d’âge environ trois personnes sur quatre sont en situation irrégulière. En revanche, la grande majorité des plus de 45 ans, qui sont installés depuis longtemps, travaillent et ont mis au monde des enfants, sont en situation régulière.
    On peut toujours se lancer des noms d’oiseaux à la figure mais, contrairement à la collègue qui vient de s’exprimer, je n’accuse personne de dire des sottises : nous pouvons être en désaccord, mais il faut argumenter.
    Avec les mesures prévues par cet article, vous revenez sur des droits acquis depuis longtemps et vous remettez en cause une tradition française sans pour autant régler les problèmes, contrairement à ce que vous prétendez. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 131, 206, 297 et 378.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        95
            Nombre de suffrages exprimés                95
            Majorité absolue                        48
                    Pour l’adoption                30
                    Contre                65

    (Les amendements identiques nos 131, 206, 297 et 378 ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    Je suis saisi de trois amendements, nos 375, 132 et 10, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à Mme Émeline K/Bidi, pour soutenir l’amendement no 375.

    Mme Émeline K/Bidi

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    Cet amendement ne vise pas à supprimer l’article 2 dans son intégralité, mais seulement certains alinéas –⁠ même si, au fond, nous souhaitons obtenir le même résultat.
    Puisque j’ai bien compris que les arguments humanistes ne rencontraient que peu d’écho, j’évoquerai des raisons plus pragmatiques. Vous restreignez les conditions d’accès à la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » pour les étrangers parents d’un enfant français.
    Or, en procédant ainsi, vous risquez d’aggraver un autre problème : celui des mineurs isolés à Mayotte. En effet, le parent d’un enfant français, qui ne pourra que très difficilement obtenir ce titre de séjour, aura deux options alternatives : retourner dans son pays avec l’enfant –⁠ c’est alors un enfant français qui sera privé de la possibilité de vivre dans son pays et de bénéficier des droits dont il jouirait à ce titre – ou partir et laisser l’enfant –⁠ c’est malheureusement souvent ce qui arrive à Mayotte –, car il est persuadé qu’il vaut mieux pour cet enfant qu’il reste dans l’archipel et jouisse des droits et des conditions de vie qui y sont offerts plutôt que de rentrer dans son pays. Cela suscite un autre phénomène, celui des mineurs isolés, qui engendre de l’insécurité et que l’on a des difficultés à endiguer.
    Vous ne mesurez pas les conséquences de l’application de cet article, dont la présence dans le texte ne résout pas les problèmes, mais au contraire les aggrave.

    M. le président

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    La parole est à M. Aurélien Taché, pour soutenir l’amendement no 132.

    M. Aurélien Taché

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    Cet article ne réglera rien s’agissant du départ des personnes concernées. En revanche, il ne cessera d’augmenter le nombre de personnes dépourvues de titre de séjour. Nous parlons de parents d’enfants qui sont sur le point de devenir français ou le sont déjà –⁠ c’est le cas d’un certain nombre d’entre eux, madame Youssouffa. Si l’article est adopté, pratiquement plus aucun des 3 000 titres de séjour délivrés au titre des dispositions existantes ne le sera demain. Que se passera-t-il alors ? Encore une fois, des milliers de personnes se trouveront dans la précarité au regard du droit au séjour, resteront dans l’archipel de Mayotte avec leurs enfants et ne trouveront aucune solution à leurs problèmes.
    Ne tournons pas autour du pot. Il y a une mesure simple à prendre pour régler la question de la surpopulation à Mayotte : supprimer le visa territorialisé. Il n’y a rien d’autre à faire ! Tout le reste ne servira qu’à détricoter les droits des familles, les droits fondamentaux, et –⁠ nous l’avons dit et nous le redirons autant de fois que nécessaire – à s’attaquer au code de la nationalité française et au code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. C’est précisément ce qui est prévu et cela ne réglera aucun des problèmes des Mahorais.
    Par pitié, n’ajoutons pas des difficultés aux difficultés. Laissons les parents avec leurs enfants. Nous parlons d’un département français, d’une partie d’un pays qui a ratifié il y a bien longtemps la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) et, même sur un sujet aussi fondamental que celui qui nous occupe, nous ne sommes plus capables de la moindre once de réalisme et d’humanité. C’est tout de même absolument déplorable ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    La parole est à M. Arnaud Bonnet, pour soutenir l’amendement no 10.

    M. Arnaud Bonnet

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    Les alinéas 2 et 3 de l’article 2 constituent un recul fondamental pour notre République et notre État de droit. La CIDE s’impose à nous, qui en sommes signataires. Je vous donne lecture de son article 8 : « Les États parties s’engagent à respecter le droit de l’enfant de préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales tels qu’ils sont reconnus par loi ». En supprimant les dérogations dont bénéficient les parents d’enfants français pour la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », cet article affirme que l’on ne peut pas faire famille à Mayotte.
    Cela engendrera deux situations catastrophiques : une partie des enfants français, privés de leurs parents après l’expulsion de ces derniers, se trouveront à la rue ou confiés à l’aide sociale à l’enfance –⁠ on sait dans quel état elle est ! –, tandis que d’autres seront obligés de quitter le territoire de leur propre pays ! En quoi transformez-vous notre pays ? Vous choisissez sciemment de mettre en péril la vie d’enfants.
    Mayotte a besoin de moyens pour se reconstruire et que s’y épanouisse la devise de notre nation, non de mesures qui la rabougrissent.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements en discussion commune ?

    M. Philippe Gosselin, rapporteur

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    L’exposé des motifs de l’amendement no 375 invoque l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, relatif au droit au respect de la vie privée et familiale. Or, dans le cadre de l’instruction de recours existants, le juge administratif s’appuie sur cet article pour confirmer qu’il n’y a pas d’atteinte à la vie privée et familiale. C’est donc à juste titre que vous invoquez cet article, mais cela joue plutôt en votre défaveur !
    J’ajoute quelques mots au sujet du passage de trois à cinq ans de la durée préalable de résidence régulière exigée pour l’obtention d’une carte de résident « parent d’enfant français » : je rappelle que les personnes déjà résidentes depuis trois ou quatre ans ne perdront pas leur droit au séjour, mais le conserveront à titre temporaire ou pluriannuel. Cette disposition ne privera donc pas des enfants de leurs parents et il ne faudrait pas laisser penser que le nombre des mineurs non accompagnés pourrait s’envoler à cause d’elle. Aujourd’hui, on compte déjà à Mayotte 4 000 mineurs non accompagnés. Peut-être seront-ils un peu plus nombreux demain, mais cette augmentation ne sera en tout cas pas nécessairement liée à cette mesure. Elle procédera sans doute plutôt de ce que les uns et les autres ont évoqué, à savoir des dispositions si favorables qu’il est sans doute préférable pour les enfants d’habiter à Mayotte plutôt qu’aux Comores –⁠ je le conçois volontiers. Nous voulons en tout cas éviter d’accueillir les enfants de familles qui constitueraient une partie non négligeable de la population de l’archipel.
    Pour ces raisons, mon avis sur les trois amendements est défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Je partage l’avis du rapporteur, s’agissant en particulier de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. J’ai déjà eu l’occasion de répondre à l’ensemble des arguments.
    Monsieur Taché, vous avez raison au sujet du visa territorialisé. Nous en débattrons plus tard lorsque nous examinerons l’amendement déposé sur ce point par les quatre rapporteurs, qui a été adopté en commission. Il s’agit d’une avancée importante, de l’un des éléments marquants de ce texte.
    Évidemment, il est nécessaire de construire un autre rapport avec les Comores –⁠ chacun d’entre nous l’a dit et Mme Youssouffa le rappelait tout à l’heure.
    Sur l’essentiel, je réponds à Mme Élisa Martin que je suis, d’une manière générale, favorable à l’établissement d’une relation différente entre nos territoires ultramarins et l’État –⁠ ou bien l’Hexagone, ou encore la métropole, pour reprendre tous les termes que vous avez utilisés. Je crois profondément que l’instauration d’une telle relation est nécessaire, s’agissant notamment des questions économiques et sociales, de la lutte contre le sentiment d’abandon et les inégalités ainsi que de l’état d’un certain nombre de services publics, même si les responsabilités sont parfois partagées. Or, précisément, si nous voulons créer ce lien différent entre Mayotte et la métropole, nous devons nous montrer pragmatiques et donner à l’archipel les moyens de sa construction ou de sa refondation en matière de sécurité, d’école, de santé, de transport ou encore de convergence sociale. C’est là le cœur de ce texte.
    Pour que cet avenir ne se construise pas sur du sable, il est fondamental de régler préalablement deux problèmes, évidemment liés l’un à l’autre et que chacun peut s’accorder à estimer très épineux : l’immigration irrégulière et l’habitat illégal. D’où les dispositions que contient ce texte de loi, qui sont respectueuses de l’État de droit et me paraissent utiles et pragmatiques. Elles ne règlent pas tous les problèmes, mais constituent une somme de mesures qui nous permettront d’avancer.

    M. le président

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    Conformément à notre règlement, je laisserai s’exprimer un orateur pour et un orateur contre par amendement ou série d’amendements. La parole est à M. Yoann Gillet.

    M. Yoann Gillet

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    Chers collègues d’extrême gauche (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP),…

    Mme Élisa Martin

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    Il n’y a pas d’extrême gauche, revoyez la décision du Conseil d’État !

    M. Hervé de Lépinau

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    Pas très crédible !

    M. Yoann Gillet

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    …nous n’acceptons pas vos leçons. Vous répétez toujours la même chose…

    Mme Dominique Voynet

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    Toi aussi, tu dis toujours la même chose !

    M. Yoann Gillet

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    …en nous accusant de manque d’humanisme. Mais de quel côté est le manque d’humanisme ?

    Mme Andrée Taurinya

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    Le manque d’humanisme, c’est vous !

    M. Yoann Gillet

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    Quand on encourage l’immigration comme vous le faites, des dizaines, des centaines de migrants meurent lorsqu’ils tentent de passer des Comores à Mayotte en kwassa-kwassa. Voilà la réalité ! Vous devriez avoir bien du mal à vous regarder dans un miroir, car vous êtes responsables de tous ces drames qui se déroulent en mer !

    Mme Andrée Taurinya

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    C’est faux !

    M. Yoann Gillet

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    Qu’avons-nous à offrir à ces Comoriens qui viennent illégalement à Mayotte, territoire français ? Rien ! Ils deviennent désœuvrés, vivent dans la grande précarité et la misère. De plus, vous faites vivre un enfer aux Mahorais, car les services publics s’y effondrent et plus personne, en situation régulière ou irrégulière, ne peut vivre dignement dans l’archipel. Le manque d’humanisme, vous pouvez donc vous le garder : il est de votre côté ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    Notre discussion me semble presque gênante, car elle donne le sentiment qu’aucune restriction ne s’applique aujourd’hui aux parents d’enfants français. Or ce n’est pas vrai : à Mayotte, les conditions dans lesquelles vivent ces parents ne sont pas de même nature que dans le reste du pays. Cela est-il efficace ? Non, cela ne règle rien !
    Vous vous apprêtez à donner un nouveau tour de vis –⁠ d’une manière peut-être un peu démagogue, pardon de vous le dire –, détournant de ce fait l’attention des services publics. Nous venons d’entendre que ces derniers s’effondrent ; encore aurait-il fallu qu’ils existent avant cet effondrement ! Nous n’en croyons rien : nous pensons qu’hier déjà, les services publics et les infrastructures faisaient cruellement défaut !
    Ayons au moins l’honnêteté de reconnaître que la loi qui s’applique à Mayotte restreint d’ores et déjà considérablement les droits des parents d’enfants français, que cela ne règle rien et que nous allons redonner un tour de vis qui ne réglera rien non plus.
    Je ne donne de leçons à personne : je livre des arguments et nous expliquons tranquillement ce que nous pensons. Il y a néanmoins une petite certitude à garder à l’esprit : un bébé papiers, c’est quand même un bébé ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 375.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        92
            Nombre de suffrages exprimés                92
            Majorité absolue                        47
                    Pour l’adoption                28
                    Contre                64

    (L’amendement no 375 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 132.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        89
            Nombre de suffrages exprimés                89
            Majorité absolue                        45
                    Pour l’adoption                27
                    Contre                62

    (L’amendement no 132 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 10.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        91
            Nombre de suffrages exprimés                91
            Majorité absolue                        46
                    Pour l’adoption                28
                    Contre                63

    (L’amendement no 10 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Léa Balage El Mariky, pour soutenir l’amendement no 214.

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Cet amendement de repli nous permettra peut-être de sauver le titre de séjour portant la mention « parent d’enfant français » ou « liens personnels et familiaux ». L’article 2 tend à imposer une autre condition à son obtention : la possession d’un visa de long séjour, ce qui conduira à dénaturer ce titre de séjour. Il faut observer la réalité humaine, celle de parents qui élèvent leurs enfants, de personnes insérées depuis longtemps sur notre sol. Vous voulez créer une nouvelle contrainte administrative, comme pour nier la réalité affective qui lie les personnes qui résident sur le territoire de Mayotte à leurs enfants et leurs familles.
    Le gouvernement le disait : il s’agit de rendre Mayotte moins attractive. Mais voilà déjà vingt-cinq ans que des politiques exceptionnelles, de plus en plus dures, s’appliquent à l’archipel. L’immigration a-t-elle diminué ? Non ! Les expulsions ont-elles été plus nombreuses ? Oui, toujours plus, à tel point qu’il y en a eu quasiment autant ces vingt dernières années qu’il y a d’habitants aux Comores ! La situation est ubuesque : vous allez toujours plus contrôler les frontières,…

    M. Philippe Gosselin, rapporteur

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    Toujours plus mal !

    Mme Léa Balage El Mariky

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    …celles et ceux qui demandent des titres de séjour, sans comprendre la réalité des liens qui les attachent au territoire de Mayotte et sans jamais obtenir de résultat ! J’en appelle, si ce n’est à votre lucidité, au moins à votre honnêteté intellectuelle et à votre sens de l’efficacité des politiques publiques. On s’apprête à dépenser 52 millions pour contrôler les frontières et celles et ceux qui souhaitent disposer d’un titre afin d’être régularisés et de pouvoir élever correctement leur famille. Encore une fois, vous allez droit dans le mur de l’inefficacité !

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Philippe Gosselin, rapporteur

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    Il y a une confusion, chère collègue, car l’alinéa que vous vouliez supprimer n’a plus la même numérotation. Vous parlez des visas de long séjour alors qu’il s’agit ici de la fin de la dérogation à Mayotte de la délivrance des titres de séjour aux étrangers en état de polygamie. Inutile de vous dire que c’est un avis défavorable à la suppression de l’alinéa 4.
    Mais pour revenir sur ce que vous avez dit à propos du contrôle aux frontières, il me paraît important qu’un État contrôle les siennes, à plus forte raison lorsque l’une d’elles est très perméable : je pense à Anjouan évidemment, qui est située à moins de 70 kilomètres des côtes de Mayotte. Il est sain qu’un État, la République française en l’occurrence, se préoccupe de ne pas être l’annexe d’un autre État qui refuse de reconnaître qu’une partie de son territoire lui appartient, en l’espèce Mayotte dans la République. Depuis le XIXe siècle, plusieurs référendums ont rappelé l’attachement de sa population à la France, aboutissant à la départementalisation. Et c’est dans ce chemin que nous nous inscrivons aujourd’hui. Il faut écouter la voix des Mahorais.

    M. Rodrigo Arenas

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    Ajoutez un peu de Bob Denard là-dessus !

    M. Philippe Gosselin, rapporteur

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    Cela me paraît plus important que de satisfaire les demandes de citoyens comoriens qui viennent évidemment à Mayotte pour y trouver une vie meilleure, mais qui n’est pas celle que nous souhaitons pour eux. La République se doit d’être accueillante, mais la République se doit aussi de protéger d’abord et avant tout ses propres citoyens.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Même avis.

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Je retire mon amendement.

    (L’amendement no 214 est retiré.)

    M. le président

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    La parole est à M. Yoann Gillet, pour soutenir l’amendement no 54.

    M. Yoann Gillet

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    La langue française, ce n’est pas une simple formalité ni un détail administratif, ce n’est pas une option, mais le cœur même de notre cohésion nationale, le fondement de notre république. Et pourtant à Mayotte, il existe une dérogation particulière qui permet aujourd’hui d’adapter l’exigence de maîtrise de la langue française lors de la délivrance des cartes de résident, et cette dérogation est évidemment susceptible d’affaiblir les critères d’assimilation et de porter atteinte à l’exigence républicaine commune à l’ensemble de notre territoire national.
    Mayotte, vous le savez tous, est devenue un véritable carrefour migratoire : un habitant sur deux y est étranger. Cet amendement vise à supprimer purement et simplement cette dérogation pour Mayotte afin d’imposer une exigence linguistique uniforme lors de la délivrance des cartes de résident. Il s’agit de rappeler que, partout en France, la maîtrise du français est un passage obligatoire pour qui souhaite s’intégrer durablement. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Philippe Gosselin, rapporteur

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    Votre amendement, qui vise à adapter à Mayotte le niveau de langue exigé pour l’obtention d’un titre de séjour, me paraît satisfait : le niveau A2 y est requis comme partout ailleurs. Le ministre pourra vous répondre lui-même s’il le souhaite, mais l’étude d’impact ne montre aucune volonté du gouvernement de déroger à ce principe : il n’y a pas de distinguo sur ce point entre Mayotte et le reste de la France. Par conséquent, demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. Aurélien Taché.

    M. Aurélien Taché

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    C’est tout de même incroyable qu’après nous avoir expliqué qu’il connaissait la réalité mahoraise et que nous, nous étions des gens hors-sol, le même collègue nous dise que la maîtrise de la langue française à Mayotte doit reposer sur les mêmes critères que dans le reste du territoire, quand on sait qu’aucun service public ne fonctionne et que les enfants ne vont à l’école qu’une demi-journée par semaine.

    Mme Andrée Taurinya

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    Exactement !

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Oh là là !

    M. Aurélien Taché

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    Quand on s’intéresse à Mayotte et que l’on ne se contente pas de débiter des propos d’estrade tels que « problèmes d’intégration », « immigration massive », etc., on sait les difficultés qu’ont les personnes concernées pour accéder à des cours de français –⁠ M. le ministre d’État ne peut les ignorer, ayant occupé précédemment des responsabilités éminentes en tant que ministre de l’intérieur. Alors qu’on a dû se battre pour obtenir un tout petit peu plus de cours de français pour les gens qui arrivent en métropole, il faudrait se montrer absolument intransigeant concernant la maîtrise du français, qui devrait être irréprochable pour les personnes souhaitant obtenir un titre de séjour à Mayotte ! Je rappelle que ces personnes peuvent venir de beaucoup plus loin que des Comores –⁠ très souvent de la Corne de l’Afrique et de toute d’Afrique de l’Est, notamment anglophone. En fait, vous venez de nous prouver que vous ne connaissez absolument rien au sujet que vous prétendez traiter ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe SOC.)

    Mme Andrée Taurinya

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    Bravo !

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 54.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        91
            Nombre de suffrages exprimés                91
            Majorité absolue                        46
                    Pour l’adoption                39
                    Contre                52

    (L’amendement no 54 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandrine Nosbé, pour soutenir l’amendement no 139.

    Mme Sandrine Nosbé

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    Commencer l’examen de ce texte par l’article 2, qui vise à durcir les conditions d’accès au séjour en les adaptant à la situation particulière de Mayotte, est très révélateur. La volonté du gouvernement est clairement de faire croire que la situation socio-économique catastrophique à Mayotte serait due à l’immigration.

    M. Hervé de Lépinau

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    Bah oui !

    Mme Sandrine Nosbé

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    Cela contente évidemment les députés du Rassemblement national, qui préfèrent stigmatiser les migrants au lieu de vraiment s’attaquer aux problèmes structurels qui sont la cause de la situation catastrophique à laquelle sont confrontés nos concitoyens mahorais. En réalité, cette situation est due surtout à l’inaction de l’État, mais le gouvernement ne veut évidemment pas l’admettre, et lors de la discussion générale on a entendu les uns et les autres affirmer d’un ton satisfait que l’État a toujours été là, que les milliards ont été mis sur la table. Pourtant, force est de constater, vu la situation dans laquelle se trouvent nos concitoyens mahorais, que l’État a abandonné Mayotte pendant bien trop longtemps –⁠ mais évidemment, on préfère s’attaquer aux migrants, c’est bien plus simple.
    Mayotte, à coups de dérogations et de spécificités, fait toujours l’objet d’un traitement particulier alors qu’elle est française depuis 1841, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre. Et pourtant, vous ne prévoyez une convergence sociale et économique que d’ici 2036.

    M. le ministre d’État et M. le rapporteur

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    Non, 2031 !

    Mme Sandrine Nosbé

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    Quand les Mahorais seront-ils vraiment considérés comme des Français ?
    Par cet amendement, plutôt que d’ajouter de nouvelles dérogations, il est proposé de supprimer celle qui prévoit l’allongement de la durée de deux à trois ans durant laquelle l’étranger parent doit contribuer à l’entretien et à l’éducation de l’enfant pour l’obtention de la carte de séjour au motif « étranger parent d’un Français ». Cet amendement permettrait au moins de faciliter la régularisation des personnes étrangères parents d’enfants français afin qu’elles bénéficient des mêmes droits que dans l’Hexagone. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ M. Philippe Naillet applaudit également.)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Philippe Gosselin, rapporteur

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    Je peux vous assurer qu’il n’y a pas de volonté de faire un exemple à Mayotte en stigmatisant les migrants. On ne peut nier l’existence d’un sujet relatif à l’immigration à Mayotte, mais je ne suis pas monomaniaque : j’ai toujours dit et répété que ce n’est pas le seul sujet. C’est tout de même un sujet majeur, parce qu’il en découle toute une suite de conséquences sur l’accès aux services publics et au logement ainsi que sur l’environnement. Ainsi, quand l’habitat est insalubre, on sait très bien que l’assainissement collectif est égal à zéro : ce sont donc la mangrove et les autres milieux naturels qui sont directement atteints. Je ne vais pas dire que tout est dans tout et réciproquement, mais en l’occurrence les faits sont têtus et vous avez les éléments statistiques en main.
    Quand vous parlez de l’inaction de l’État, il est vrai, je n’ai pas peur de le dire, que celui-ci s’est parfois intéressé de trop loin à Mayotte, mais vous voyez bien que les choses sont en train de changer et vous devriez vous réjouir de voir arriver en discussion ce texte sur la refondation, après celui sur la reconstruction. Voici un projet de loi qui met sur la table non seulement des éléments régaliens –⁠ dont nous débattons actuellement –, mais aussi des éléments économiques et sociaux tels que la perspective de convergence et les projets de grands équipements –⁠ le réaménagement du port, de l’aéroport, de la base navale et de la prison ainsi que la construction d’un second hôpital, etc. –⁠ un aspect auquel je suis très attaché, comme vous le savez.
    Il ne s’agit pas non plus de faire la révolution.

    M. Antoine Léaument

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    Ah, on pourrait !

    M. Philippe Gosselin, rapporteur

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    En l’occurrence, faire passer de deux ans à trois ans la durée durant laquelle le parent étranger doit contribuer à l’entretien et l’éducation de l’enfant pour la carte de séjour pour Mayotte au motif « étranger parent d’un Français » nous paraît tout à fait justifié en raison de la situation particulière de ce territoire. Je rappelle que 50 % des titres délivrés ou renouvelés à Mayotte le sont au titre d’étranger parent d’un enfant français, soit proportionnellement dix fois plus que dans l’Hexagone, où c’est 5 % –⁠ au total, cela a tout de même représenté 10 000 titres en 2024. Il y a donc bien des conditions particulières dont nous devons tenir compte et un phénomène qu’il convient de juguler, d’où la nécessité d’augmenter la durée d’un an. C’est pourquoi l’avis est défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à Mme Estelle Youssouffa.

    Mme Estelle Youssouffa

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    Il faut savourer ce moment magique où l’on voit la gauche s’oppose à garantir l’entretien et l’éducation d’un enfant pendant une année de plus… Après nous avoir expliqué en long, en large et en travers, à quel point ils sont préoccupés par le sort de ces gamins, nos collègues ne sont pas gênés de s’opposer à un texte qui va pourtant garantir qu’ils seront nourris et éduqués une année de plus.

    Mme Andrée Taurinya

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    Vous êtes dans la caricature !

    Mme Frédérique Meunier

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    Elle habite à Mayotte, pas vous !

    Mme Estelle Youssouffa

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    C’est un peu comme quand vous nous expliquez que Mayotte est un laboratoire –⁠ car, c’est bien connu, nous autres Mahorais sommes des cochons d’Inde –…

    M. Rodrigo Arenas

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    Mais ça va pas la tête, on n’a jamais dit ça !

    Mme Estelle Youssouffa

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    … ou que les étrangers n’auraient d’autre choix que d’abandonner leurs enfants –⁠ alors qu’en réalité, si les autorités procèdent à des expulsions, tout parent a évidemment non seulement la possibilité, mais même l’obligation de partir avec son enfant.

    Mme Frédérique Meunier

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    Elle a entièrement raison !

    Mme Estelle Youssouffa

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    Vous êtes, chers collègues, dans une position assez fascinante, qui vous conduit à nous expliquer que certains parents doivent abandonner leurs enfants pour obtenir des papiers et, dans le même temps, que nous devons voter un amendement visant à limiter dans le temps l’entretien et l’éducation des enfants à Mayotte. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) C’est très très fort !

    Mme Andrée Taurinya

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    Caricature !

    Mme Estelle Youssouffa

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    Le comble, c’est quand vous nous expliquez que Mayotte a toujours été un enfer. J’ai 46 ans et je me souviens qu’enfant, il n’y avait pas 36 à 40 élèves dans les classes, dont 80 % d’étrangers. (Mêmes mouvements.)

    M. Rodrigo Arenas

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    Arrêtez, vous n’habitez même pas à Mayotte ! Vous êtes parisienne !

    Mme Estelle Youssouffa

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    Je ne défends pas le sous-investissement chronique de l’État : au contraire, je le dénonce régulièrement ici. Mais nier la saturation des maigres services publics de Mayotte par la population immigrante, c’est un déni complet de la réalité. (Mêmes mouvements.) Quand toute la population dit qu’on ne peut pas continuer comme cela, entendre une collègue nous expliquer qu’il suffit d’abolir les frontières avec les Comores pour régler le problème, cela revient à s’entendre dire qu’il faut revenir sur le choix de Mayotte de rester française.

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Voilà la vérité !

    Mme Estelle Youssouffa

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    En fait, on en revient toujours à votre argument principal : Mayotte est comorienne. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR. –⁠ Mme Frédérique Meunier applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    Il s’agit avec cet article d’accentuer le caractère dérogatoire du régime applicable aux parents étrangers d’enfants français en leur demandant de faire la preuve du bon entretien de leur enfant non pas pendant deux ans, mais pendant trois ans. C’est le serpent qui se mord la queue. En effet, si on ne fournit pas un minimum de stabilité aux parents, ils seront évidemment en difficulté dans leur rapport au travail, au droit ou à l’habitat pour pourvoir à l’entretien de leurs enfants dans de bonnes conditions : on ne fait donc qu’accentuer les difficultés, à la fois pour les enfants et pour les familles.
    La dérogation à deux ans ne réglant rien, comment pouvez-vous imaginer que poussée à trois ans –⁠ ce que vise à supprimer notre amendement –, elle réglera quoi que ce soit ? Il faut changer de stratégie et s’efforcer d’avoir une vision globale du problème plutôt que de zoomer sur telle ou telle situation –⁠ l’hôpital, la prison, ou encore ce que vous appelez le rideau de fer, un point sur lequel je reviendrai. En tout état de cause, nous attendons de voir comment tout cela va se traduire dans le projet de loi de finances (PLF) et nous serons très attentifs à ce que toutes vos déclarations deviennent réalité. À l’inverse, toutes les mesures que vous voulez nous faire adopter afin de limiter les migrations vont s’appliquer très vite, je n’ai aucun doute sur ce point. Mais je vous le dis, en vous attaquant au problème sous ce seul angle, vous ne réglerez rien, et Mayotte n’ira pas mieux.

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 139.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        90
            Nombre de suffrages exprimés                90
            Majorité absolue                        46
                    Pour l’adoption                22
                    Contre                68

    (L’amendement no 139 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandrine Nosbé, pour soutenir l’amendement no 133.

    Mme Sandrine Nosbé

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    Je trouve extraordinaire qu’au lieu de débattre des mesures que nous devrions instaurer pour corriger les inégalités sociales à Mayotte, nous parlions de restrictions des droits des parents et des enfants. Ce n’est pas ce qu’attendent les Mahorais et les Mahoraises. Lorsque je me suis rendue à Mayotte, les gens m’ont dit qu’ils voulaient l’alignement du montant du smic et des prestations sociales avec celui de l’Hexagone. Il n’était pas question d’immigration dans leurs propos. Vous, en revanche, préférez stigmatiser les migrants et ne pas parler des problèmes structurels. C’est tellement plus simple…
    Par cet amendement de repli, nous proposons de supprimer la disposition prévoyant d’empêcher la délivrance d’une carte de séjour d’un an pour motif de vie privée et familiale à un parent d’enfant français en l’absence de preuve de sa contribution à l’entretien et à l’éducation de cet enfant ou en l’absence d’une décision de justice. La mesure prévue menace des familles de séparation. Elle est donc contraire au droit de mener une vie familiale normale, qui a une valeur constitutionnelle et qui est reconnu par l’article 8 de la CEDH. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Philippe Gosselin, rapporteur

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    Comme M. le ministre, j’ai déjà eu l’occasion de rappeler la jurisprudence, administrative notamment, selon laquelle la mesure dont il est ici question ne contrevient nullement à l’article 8 de la CEDH. Vous parlez d’inégalités sociales : rassurez-vous, nous y viendrons, mais plus tard, après l’examen des titres II et III du texte. Pour l’heure, le débat porte sur des dispositions de portée régalienne concernant la lutte contre l’immigration, qui est un vrai sujet. Compte tenu de la situation à Mayotte, il a été jugé nécessaire que la contribution effective des parents y soit jugée sur trois ans et non sur deux comme ailleurs en France. Ce n’est tout de même pas si extraordinaire !

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Qu’est-ce que ça change ?

    M. Philippe Gosselin, rapporteur

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    Cela montre la continuité du lien parental. Comme pour le droit de la nationalité, cette mesure est conforme à la possibilité d’adaptation prévue par l’article 73 de la Constitution et appropriée à la situation spécifique de Mayotte. Rester sur une durée de trois ans et ne pas revenir à deux, pour s’aligner sur le droit commun dans l’Hexagone comme vous le proposez, nous paraît la bonne décision. J’émets donc un avis défavorable à l’amendement.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Même avis.

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 133.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        95
            Nombre de suffrages exprimés                95
            Majorité absolue                        48
                    Pour l’adoption                28
                    Contre                67

    (L’amendement no 133 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Aurélien Taché, pour soutenir l’amendement no 140.

    M. Aurélien Taché

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    Les nombreuses dérogations au droit commun que vous avez introduites pour rendre plus difficile l’établissement de la preuve du lien entre parents et enfants –⁠ dérogations que nous essayons d’amender – prouvent votre échec à Mayotte depuis des décennies. Faute de moyens suffisants pour les services publics, le développement économique et les droits sociaux, on a rendu la vie impossible et on a empêché les parents de fournir à leurs enfants le nécessaire. Vous essayez de reprendre la main par le biais de la question migratoire et de la manière la plus basse possible, en vous attaquant aux liens entre des parents et leurs enfants. C’est indigne.
    Nous avons eu un texte qui s’est attaqué au droit du sol. Nous en avons maintenant un autre, avec lequel M. le rapporteur et M. le ministre essaient de nous faire un peu rêver en nous promettant des services publics, un hôpital, une prison, etc. Mais il n’y a pas besoin de loi pour ça ! Vous pouvez le budgéter ou le mettre dans un PLF quand vous voulez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Rodrigo Arenas

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    Absolument !

    M. Aurélien Taché

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    Vous ne proposez une loi que pour vous en prendre au droit au séjour, et de la manière la plus pernicieuse qui soit, en vous attaquant aux liens entre des enfants et leurs parents. Cela ne réglera rien. Vous allez créer je ne sais combien d’enfants privés de leurs parents, et finalement aboutir à tout ce que vous exécrez : des difficultés sociales supplémentaires qui rendront la réponse de l’État encore plus indispensable.
    Enfin, monsieur le rapporteur, vous avez dit que la République devait d’abord protéger ses citoyens. Vous rompez ainsi un des principes fondamentaux de la République française depuis 1789 : son universalité. Elle garantit des droits à tous ceux qui sont sur son territoire et non seulement à ses citoyens. (Mêmes mouvements.) Il s’agit d’une lecture que vous promouvez depuis quelque temps alors qu’elle ne fait pas partie de l’ADN de la droite républicaine et qu’elle ressemble plutôt à ce qui est proposé sur d’autres bancs. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Philippe Gosselin, rapporteur

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    Premièrement, le délai de trois ans figure dans le Ceseda depuis la loi « immigration ».

    M. Rodrigo Arenas

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    C’est pourquoi nous avons combattu cette loi !

    M. Philippe Gosselin, rapporteur

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    Deuxièmement, vous m’accusez d’abandon de principes et de valeurs. Or je connais à peu près mes classiques et leur suis très fidèle. Je pense notamment à l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui établit que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». Je vous rappelle toutefois que ce texte de portée universelle concerne non seulement les droits de l’homme, mais aussi la citoyenneté. Le lien à la nation est donc également important (M. Aurélien Taché proteste) et les non-citoyens n’ont pas nécessairement des droits équivalents à ceux des citoyens. Cela aussi est un principe à valeur constitutionnelle.

    Mme Élisa Martin

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    C’est chez les Grecs anciens que s’appliquait ce principe !

    M. Philippe Gosselin, rapporteur

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    D’ailleurs, en validant il y a quelques semaines la loi sur la nationalité, le Conseil constitutionnel a jugé que les mesures prises pour Mayotte étaient adaptées et proportionnelles aux circonstances locales.
    Il n’a rien trouvé à redire au texte. En revanche –⁠ et cela doit vous gêner –, dans le neuvième point de sa décision, il rappelle que le droit du sol n’est pas un principe fondamental reconnu par les lois de la République,…

    Mme Andrée Taurinya

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    Nous avons déposé une proposition de loi à ce sujet !

    M. Philippe Gosselin, rapporteur

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    …ce qui n’est pas rien, mais je vous trouve assez peu diserts sur le sujet. Pour les raisons que je viens d’évoquer et pour celles énoncées précédemment, avis défavorable sur l’amendement.

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur général, puis M. le ministre d’État donnera l’avis du gouvernement. On peut aussi faire le contraire, si vous préférez –⁠ à moins que vous ne souhaitiez qu’on procède par ordre alphabétique…

    M. Philippe Vigier, rapporteur général de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Ainsi que l’excellent Philippe Gosselin l’a très bien expliqué, le texte n’introduit aucun changement ou durcissement. Le passage de deux à trois ans, sur lequel les derniers amendements visent à revenir au motif qu’il n’y aurait pas de raison que le régime soit plus dur à Mayotte que dans l’Hexagone, a été instauré par la loi « immigration ». Il faut tordre le cou à l’idée selon laquelle le projet de loi de refondation de Mayotte introduirait en la matière une mesure plus répressive.
    Par ailleurs, vous ne pouvez pas nier que les reconnaissances frauduleuses de paternité ou de maternité constituent un problème qui doit être traité. La disposition dont nous débattons et d’autres, qui seront examinées un peu plus tard, le permettent. On ne peut être attaché à des valeurs, comme vous l’êtes et comme nous le sommes, et laisser prospérer la fraude.

    M. Rodrigo Arenas

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    C’est un mauvais sophisme !

    M. Philippe Vigier, rapporteur général

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    En tout état de cause, il n’y a aucun tour de vis supplémentaire. Comme l’a très bien dit Philippe Gosselin, il n’y a que l’application de lois que vous connaissez toutes et tous, qui ont été validées par le Conseil constitutionnel et auxquelles s’ajoute le sujet des reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité.

    M. Rodrigo Arenas

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    Ce que vous faites, ça s’appelle de la manipulation !

    M. le président

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    Monsieur le ministre, vous avez cette fois la parole pour donner l’avis du gouvernement sur l’amendement no 140.

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Nous n’aurons donc pas suivi l’ordre alphabétique ! Plus que moi encore, en classe, M. Vigier était parmi les derniers cités lors de l’appel.

    Mme Dominique Voynet

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    Que devrais-je dire… (Sourires.)

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    C’est vrai, madame Voynet. Pardon de vous avoir oubliée ! Je ne reviendrai pas sur les arguments développés par MM. les rapporteurs, mais je vais répondre à M. Taché sur un point. Même si la situation de Mayotte est extrêmement difficile depuis le passage de Chido et même si le cyclone a révélé des situations insupportables dans bien des domaines –⁠ services publics, école, santé, sécurité, etc. –, il ne faut pas exagérer et chacun doit s’efforcer de rester équilibré dans son expression.
    Ainsi, je peux vous répondre sur la question des rotations scolaires, car j’ai obtenu la communication de chiffres. Dans le premier degré, 2 923 classes sur 3 023 ont pu accueillir des élèves après Chido et 91 % fonctionnent normalement. Seules 8,9 % d’entre elles restent en dessous des deux tiers du temps scolaire classique. La situation est déjà suffisamment difficile pour qu’on ne l’exagère pas et qu’on ne joue pas à faire peur. À vous écouter, on a l’impression que rien n’est fait, qu’il n’y a pas d’hôpital, de centres de santé, d’écoles, de collèges, de lycées, de gendarmes, de policiers,…

    Mme Élisa Martin

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    Ça, des gendarmes et des policiers, il y en a !

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    …de mairies, etc. La situation est assez difficile pour qu’il soit inutile de la dépeindre comme désastreuse. Il est incontestable que le texte contient des mesures en matière d’immigration, de sécurité ou de lutte contre l’habitat illégal. Mais comme l’ont dit les rapporteurs et comme j’ai eu l’occasion de le souligner, nous examinerons aussi toute une série de décisions concernant la convergence sociale ou des investissements en faveur d’équipements indispensables au développement de l’île.

    Mme Élisa Martin

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    On verra dans le PLF !

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    C’est dans ce genre d’interventions que je vois une contradiction. En effet, au regard du sentiment d’abandon des Mahorais, de l’abandon qu’ils ont connu, du fait qu’ils ne croient plus en la parole publique,…

    M. Rodrigo Arenas

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    Ce ne sont pas les seuls !

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    …tous les articles du projet de loi –⁠ notamment l’article 1er, que nous examinerons à la fin des débats mais qui a été adopté en commission –…

    Mme Andrée Taurinya

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    Hélas !

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    …visent à recréer un rapport de confiance entre la représentation nationale et les Mahorais. Si tous les sujets étaient renvoyés au PLF, si nous n’inscrivions pas dans le projet de loi de programmation les équipements qui seront ensuite soutenus par une stratégie que proposera le général Facon…

    M. Aurélien Taché

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    C’est un chantage à la motion de censure !

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Monsieur le député, écoutez-moi comme je vous ai écouté et ne répétons pas à l’infini ce petit jeu ! Je vous réponds sur la contradiction que je vois dans votre position. Le projet de loi comporte des éléments essentiels pour les Mahorais dans tous les domaines. Cela est vrai pour la lutte contre l’immigration illégale, ainsi que vous l’avez souligné, mais aussi pour tous ses autres aspects. La grandeur de ce texte tient au fait qu’il prévoit des engagements qui devront être mis en œuvre. Ne dédaignez pas le travail fait par les parlementaires pour les Mahorais !

    M. le président

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    La parole est à M. Hervé de Lépinau.

    M. Hervé de Lépinau

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    J’ai entendu tout à l’heure les mots « stratégie pernicieuse ». Je renvoie le compliment à nos collègues d’extrême gauche.

    Mme Sandrine Nosbé

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    Nous ne sommes pas d’extrême gauche !

    M. Hervé de Lépinau

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    Votre instrumentalisation des enfants est assez indécente. Nous avons bien compris que vous comptiez utiliser le sujet de leurs droits pour tenter d’empêcher toute réforme de l’immigration à Mayotte. J’ai été particulièrement choqué de vous entendre dire que si les parents étrangers d’un enfant né à Mayotte étaient expulsés, cet enfant resterait sur l’archipel.

    Mme Léa Balage El Mariky et Mme Dominique Voynet

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    C’est ce qu’il se passe !

    M. Hervé de Lépinau

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    Mais quelle est cette vision de la cellule familiale ?

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Ce n’est pas ce qu’on dit, c’est ce qu’il se passe !

    M. Hervé de Lépinau

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    Si, avec mon épouse, nous n’avions plus de carte verte valable pour rester aux États-Unis, y laisserions-nous notre enfant au prétexte qu’il y est né ? C’est ce que vous avez dit, collègue Taché ! Notre débat doit retrouver de la décence. Il ne faut pas chercher à jouer sur la corde sensible pour tenter d’empêcher une réforme indispensable et demandée par l’écrasante majorité des Mahorais. Il faut faire cesser l’immigration illégale. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Un député du groupe RN

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    La gauche, là-bas, c’est 3 % !

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Nous verrons tout à l’heure si le Rassemblement national veut faire ce que les Mahorais demandent, puisque nous allons parler de la déterritorialisation du titre de séjour, sur laquelle son groupe est divisé. En commission des lois, sa députée de Mayotte a voté avec nous en faveur de cette mesure tandis que le reste du groupe, qui a un problème avec l’immigration, s’est exprimé contre.

    Mme Andrée Taurinya

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    Eh oui !

    M. Antoine Léaument

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    Nous en reparlerons et aurons peut-être alors des points d’accord avec Mme Youssoufa, ce qui sera assez peu commun dans ce texte.
    Cela démontrera que les députés de La France insoumise et du reste de la gauche sont fidèles à des valeurs. Nous avons une ligne de conduite simple : nous voulons que les lois de la République soient les mêmes partout et que, si des mécanismes d’adaptation à des situations particulières sont nécessaires, ils ne remettent pas en cause de principes. C’est là un point de désaccord fondamental avec M. Gosselin, qui n’a sans doute pas bien lu la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, quoiqu’il prétende en connaître les grands principes.

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Ah, ça faisait longtemps !

    M. Antoine Léaument

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    Monsieur Gosselin, l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen énonce que les hommes, et non les citoyens, naissent et demeurent libres et égaux en droits : l’universalisme, tel que le conçoivent les Français, consiste précisément à considérer qu’il existe des droits pour l’humanité tout entière. Voilà pourquoi ceux qui se prétendent universalistes tout en oubliant que l’universalisme est celui des droits menacent la République française et ses valeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Murmures sur les bancs du groupe RN.) S’agissant de principes aussi fondamentaux que celui du droit du sol, né avec la République en 1793 –⁠ un étranger pouvait d’ailleurs, à l’époque, devenir Français au bout d’un an –, vous nous trouverez toujours fermes, sur nos deux pieds, forts de ces valeurs simples…

    M. Théo Bernhardt

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    C’est infernal !

    M. le président

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    Merci, monsieur le député.

    M. Antoine Léaument

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    …en vertu desquelles nous considérons que certains droits doivent être… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 140.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        95
            Nombre de suffrages exprimés                94
            Majorité absolue                        48
                    Pour l’adoption                21
                    Contre                73

    (L’amendement no 140 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Sur les amendements no 377, no 134 et identique, no 142, no 135 et identique, nos 337 rectifié, 55, 309 et 144, je suis saisi par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Émeline K/Bidi, pour soutenir les amendements nos 376 et 377, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    Mme Émeline K/Bidi

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    La délivrance des cartes de séjour « vie privée et familiale » est d’autant plus difficile qu’il est nécessaire d’établir non seulement la preuve du lien de filiation mais aussi celle de la contribution du parent à l’éducation de l’enfant. La suppression du second alinéa de l’article L. 423-8 du Ceseda, qui prévoit que si l’on n’y parvient pas, le droit au séjour du demandeur s’apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant, restreint plus encore l’accès au séjour. La Défenseure des droits la considère d’ailleurs comme un recul et se demande si elle n’est pas contraire à la Convention européenne des droits de l’homme. L’amendement no 376 vise à revenir sur cette suppression.
    L’amendement no 377 tend pour sa part à supprimer les alinéas qui précisent que les preuves de la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant doivent être nominatives. En effet, de quel nom parle-t-on ? S’il s’agit de celui du parent, une facture à son nom renvoie peut-être aux dépenses effectuées pour un autre enfant que celui pour lequel le titre est demandé. S’il s’agit de celui de l’enfant, cela signifie que chaque fois qu’on effectue une dépense pour lui, il faut l’amener, muni de sa pièce d’identité. La disposition n’est pas très claire.
    Quoi qu’il en soit, l’exigence de preuves nominatives est déconnectée des réalités de Mayotte. Les tickets de caisse, lorsqu’on fait les courses ou qu’on acquiert des fournitures scolaires, ne mentionnent pas le nom du client. Quel type de preuve pourra-t-on donc présenter ? Les factures de cantine scolaire ? Mais à Mayotte, seuls 6 % des enfants du premier degré mangent à la cantine. Les factures de bus scolaire ? Mais tous les enfants ne prennent pas le bus. Les factures d’activités périscolaires ? Mais il n’y a pas d’activités périscolaires. La preuve que vous exigez est donc impossible à fournir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Mme Léa Balage El Mariky applaudit également.)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

    M. Philippe Gosselin, rapporteur

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    Monsieur Léaument, vous et vos collègues du Rassemblement national revendiquez à qui mieux mieux la fin de la territorialisation des titres de séjour. Je vais vous mettre d’accord : cette disposition a été votée en commission grâce à l’adoption d’un amendement que j’avais déposé, cosigné par les corapporteurs. Je suis désolé, vous en avez peut-être rêvé, mais la Droite républicaine l’a fait. Je vous renvoie donc dos à dos sur ce point –⁠ mais je ne doute pas que vous rebondirez dans la suite de nos débats.
    Sur les amendements qui viennent d’être présentés, pour les mêmes raisons que précédemment, j’émets un avis défavorable. On ne reviendra pas sur le délai de trois ans ni sur la nécessité de présenter des preuves de la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant. Dès aujourd’hui, certains éléments sont considérés comme plus probants que d’autres : tickets de caisse parfois, mais aussi factures de cantine lorsqu’elles existent –⁠ je ne vais pas contester le chiffre de 6 %, mais certains enfants vont bien à la cantine –, factures de garderie, preuves de pension alimentaire versée. On ne fait que généraliser ce qui nous paraît souhaitable, non pour faire de Mayotte un exemple, mais pour tenir compte de la situation locale, celle d’une immigration mal maîtrisée. Pour se voir délivrer une carte de séjour « vie privée et familiale », il faudra donc présenter des éléments plus concrets et plus convaincants que jusqu’à présent.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à Mme Estelle Youssouffa.

    Mme Estelle Youssouffa

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    En effet, madame K/Bidi, les tickets de caisse servent de justificatif pour recevoir des papiers en préfecture. Lorsqu’on fait ses courses dans un supermarché à Mayotte, des clandestins viennent vous demander vos tickets pour les verser à leurs dossiers de régularisation.

    M. Romain Daubié

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    Eh oui ! C’est ça la réalité. Prenez des notes !

    Mme Estelle Youssouffa

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    Nous demandons donc, et nous trouvons pertinent, que l’administration demande enfin de vrais justificatifs. (Mme Dominique Voynet s’exclame.) Lorsqu’on utilise des tickets de caisse récupérés dans les poubelles des supermarchés,…

    Mme Dominique Voynet

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    Oh là là…

    Mme Estelle Youssouffa

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    …on ne prouve rien quant au fait de pourvoir aux besoins de ses enfants. Vous parliez de réalité ; la voilà ! On a besoin de vrais justificatifs. N’importe quel commerce doit pouvoir délivrer une facture –⁠ cela n’a rien de délirant –, un document comptable qui permet de justifier réellement de votre rôle de parent qui pourvoit aux besoins de son enfant. Cela me paraît relever du bon sens. Cette demande est basée sur la réalité de ce qui se passe à Mayotte.

    M. le président

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    La parole est à Mme Léa Balage El Mariky.

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Ce que nous venons d’entendre est absolument honteux.

    Mme Estelle Youssouffa

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    Ah bon ?

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Comme s’il était automatique, en présentant un ticket de caisse, de se voir délivrer un titre de séjour ;…

    Mme Danielle Brulebois

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    Elle n’a pas dit ça !

    Mme Estelle Youssouffa

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    Je vous ai décrit la réalité de ce qui se passe !

    Mme Léa Balage El Mariky

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    …comme si ces personnes qui luttent déjà pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants devaient encore être stigmatisées dans le débat public. Il faut revenir à la raison !
    Monsieur le ministre, vous avez évoqué le contrat d’engagement entre la représentation nationale et Mayotte quant à la prétendue nécessité d’une politique migratoire ferme que vous souhaitez mener. Certes, il est bon de tenir ses engagements. Cependant, lorsqu’en 2018, nous avons restreint l’accès à la nationalité à Mayotte, avons-nous observé des effets sur les flux migratoires ? Depuis 2000, il n’y a eu pas moins de douze rapports parlementaires sur la politique migratoire –⁠ 500 pages, 77 préconisations : durcissement des contrôles aux frontières, restriction de l’accès à certains titres de séjour… Toutes ces mesures, pensées comme des expérimentations, se sont retrouvées dans le droit positif national. Ont-elles produit des effets ? Toujours pas. Ce contrat d’engagement, je serai prête à le signer quand le gouvernement livrera un véritable bilan sur vingt-cinq ans de politiques migratoires toujours plus restrictives et toujours plus inefficaces ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 376.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        99
            Nombre de suffrages exprimés                99
            Majorité absolue                        50
                    Pour l’adoption                29
                    Contre                70

    (L’amendement no 376 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 377.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        92
            Nombre de suffrages exprimés                92
            Majorité absolue                        47
                    Pour l’adoption                28
                    Contre                64

    (L’amendement no 377 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 134 et 299.
    La parole est à Mme Andrée Taurinya, pour soutenir l’amendement no 134.

    Mme Andrée Taurinya

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    Il s’agit de supprimer les alinéas qui prévoient de faire passer de trois à cinq ans la durée de résidence exigée pour obtenir la carte de résident « parent d’enfant français ». En effet, cette disposition durcit la législation existante. La loi « asile et immigration » de Gérald Darmanin, à laquelle nous étions opposés, prévoit déjà une mesure particulière à Mayotte, qui impose, pour obtenir cette carte, de justifier de ressources stables et régulières, alors que le taux de chômage dans le département avoisine 40 %. Vous créez là une fabrique de sans-papiers, au mépris des droits fondamentaux –⁠ tant la Constitution que la CEDH, en son article 8, reconnaissent le droit à mener une vie familiale normale. Vous piétinez les valeurs constitutionnelles –⁠ ce ne serait pas la première fois.
    Mayotte n’est pas un laboratoire de cochons d’Inde, mais le laboratoire où s’expérimentent des mesures qui pourraient ensuite s’étendre à l’Hexagone –⁠ on y reviendra avec la suppression de l’aide médicale de l’État (AME).
    Si je cite l’article 8 de la CEDH, c’est pour montrer votre manque d’humanisme. Et je ne laisserai pas l’extrême droite nous donner des leçons en cette matière (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR. –⁠ Mme Marie Mesmeur applaudit), elle qui n’avait montré aucune empathie lorsque notre député Carlos Martens Bilongo avait, lors de questions au gouvernement, évoqué l’ Ocean Viking et les migrants qui mouraient en Méditerranée ; l’extrême droite s’était alors exclamée : « Qu’il retourne en Afrique ! » (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Marie Mesmeur

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    La honte !

    Mme Andrée Taurinya

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    Vous n’avez jamais aucune empathie pour les migrants qui meurent en Méditerranée, vous n’avez jamais aucune empathie pour le genre humain… (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Protestations sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. Théo Bernhardt

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    Taisez-vous !

    M. le président

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    Merci, madame la députée.

    M. Emeric Salmon

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    C’est à cause de vous qu’ils meurent, les migrants !

    Mme Andrée Taurinya

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    C’est vous qui… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’oratrice.)

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Naillet, pour soutenir l’amendement no 299.

    M. Philippe Naillet

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    Il vise lui aussi à supprimer les alinéas 12 et 13, qui portent de trois à cinq ans la durée de résidence régulière exigée pour la délivrance de la carte de résident « parent d’enfant français ».
    Dans le contexte actuel, renforcer les critères pour les rares personnes qui cherchent à régulariser leur situation par voie légale semble déconnecté des enjeux de fond. Cela aura pour conséquence une augmentation du nombre de personnes sans statut et une aggravation de la précarité sociale et du non-recours aux droits. Enfin, l’effectivité de cette disposition demeure incertaine tant que les moyens humains et logistiques de l’administration, notamment ceux de la préfecture de Mayotte, resteront structurellement insuffisants pour traiter les demandes dans les délais raisonnables et assurer un contrôle réel du séjour sur le territoire.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Philippe Gosselin, rapporteur

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    Vous connaissez les chiffres –⁠ à force de les répéter, tout le monde les a bien en tête : actuellement, 10 000 étrangers résidant à Mayotte sont titulaires d’une carte de séjour pluriannuelle « parent d’enfant français ». Ce n’est pas rien ! Il ne s’agit pas de reconduire automatiquement des situations de fait pour les transformer en situations de droit ; on augmente donc la durée de résidence exigée de trois à cinq ans. C’est un changement non négligeable ; cependant, il s’agit, sans cynisme, d’apprécier l’intégration de l’étranger dans la société française. (Mme Dominique Voynet s’esclaffe.)

    Mme Léa Balage El Mariky

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    On ne juge pas l’intégration à cela !

    M. Philippe Gosselin, rapporteur

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    Je suis étonné, madame Taurinya, que vous trouviez indéfendable de devoir justifier de ressources stables et régulières ; c’est tout de même l’un des éléments de l’intégration.

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Non !

    M. Philippe Gosselin, rapporteur

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    Si l’on ne peut pas subvenir aux besoins de sa famille, sans doute est-ce regrettable sur le plan humain ; toutefois, je suis désolé, mais je vais paraphraser un ancien premier ministre aujourd’hui décédé :…

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Ah non, pas ça !

    M. Philippe Gosselin, rapporteur

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    …Mayotte ne peut pas accueillir toute la misère du monde !

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Elle doit en prendre sa part !

    M. Rodrigo Arenas

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    Dites la citation en entier !

    M. Philippe Gosselin, rapporteur

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    Il était un précurseur : à cette époque, Mayotte ne comptait pas 320 000 habitants, dont la moitié d’étrangers.
    Quant à l’article 8 de la CEDH, j’ai déjà eu l’occasion de répondre à cet argument : oui, la CEDH peut parfois être légitimement invoquée, et c’est heureux, mais, sur ce point, la jurisprudence administrative ne vous donne pas raison.
    Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur général.

    M. Philippe Vigier, rapporteur général

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    Je tiens à compléter ce que vient de dire le rapporteur. Dans les exposés sommaires des amendements, il est écrit que les nouvelles dispositions relatives à la délivrance de la carte de résident allaient créer des situations irrégulières ou priver des enfants de leurs parents. Or les étrangers qui ne satisferont pas à la nouvelle durée de résidence pourront prétendre au renouvellement de leur carte de séjour.

    M. Aurélien Taché

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    Quel cynisme !

    M. Philippe Vigier, rapporteur général

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    On ne peut donc pas écrire cela. Ce n’est pas ce que dit le droit ; ils pourront toujours demander un renouvellement de leur carte de séjour.

    M. Rodrigo Arenas

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    La fabrique des sans-papiers !

    M. Philippe Vigier, rapporteur général

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    Je me permets d’insister. Chacun ici connaît le retard structurel de Mayotte –⁠ M. le ministre d’État vient de l’évoquer. Nul ne peut le nier. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Je vous ai écoutés, ayez la gentillesse de me laisser terminer mon propos !

    M. le président

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    S’il vous plaît, chers collègues !

    M. Philippe Vigier, rapporteur général

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    Un effort majeur est consenti, mais comment traiterez-vous tous les autres problèmes –⁠ ceux du logement, de l’accès aux soins, des mobilités – si vous ne traitez pas celui de l’immigration ? Que pourra-t-on faire pour le traitement des déchets ou les circuits courts, que je sais chers à votre cœur ?

    Mme Mathilde Feld

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    Commencez par ça, on verra ensuite !

    M. Philippe Vigier, rapporteur général

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    Comment garantira-t-on la souveraineté alimentaire ? Nous nous devons de prendre des mesures de régulation de l’immigration. Il ne s’agit pas de prendre des mesures dérogatoires, car elles ne seront pas acceptées, bien au contraire : le Conseil constitutionnel s’est prononcé à plusieurs reprises sur les mesures que nous avons pu adopter, notamment dans le cadre de la loi « immigration ».
    Je ne peux pas vous laisser écrire des choses qui n’existent pas : on peut toujours demander des titres de séjour annuels. En prétendant le contraire, vous suscitez en quelque sorte la peur. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Cela ne me semble pas opportun ; il faut susciter au contraire de la confiance et rassurer. Les mesures que nous proposons sont pleinement dans les clous.

    M. le président

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    La parole est à Mme Estelle Youssouffa.

    Mme Estelle Youssouffa

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    Les conditions de laboratoire, ce sont des conditions comparables. En cela, Mayotte n’est pas un laboratoire, non seulement parce que nous ne sommes pas des animaux, mais aussi parce que notre situation n’est pas du tout comparable avec celle du continent : nous vivons sur une île, dans le canal du Mozambique, à plus de 10 000 kilomètres d’ici.

    M. Rodrigo Arenas

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    Personne n’a dit ça ! Nous n’avons pas parlé de laboratoire.

    Mme Estelle Youssouffa

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    Vous êtes en train de créer un fantasme ; vous prétendez que Mayotte est un laboratoire et vous le répétez à l’envi.

    M. Rodrigo Arenas

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    Non, nous n’avons pas dit ça !

    M. le président

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    S’il vous plaît !

    Mme Estelle Youssouffa

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    Je vous explique donc pourquoi ce n’est pas possible : Mayotte ne peut pas être un laboratoire, car des conditions de laboratoire doivent être transposables. Or le phénomène à l’œuvre à Mayotte est unique en son genre dans la République. Il s’agit d’un territoire insulaire dont, en quelques décennies, la population est devenue étrangère pour moitié ; d’un territoire français revendiqué par une puissance étrangère, qui instrumentalise les flux migratoires ; d’une population migrante qui ne reconnaît pas les règles de la République lorsqu’elle arrive à Mayotte, pas plus qu’elle ne veut s’intégrer, puisqu’elle considère qu’elle prend le contrôle de ce territoire. Voilà ce que vous ne voulez pas comprendre.
    Qui plus est, nous légiférons dans le cadre de l’article 73 de la Constitution, qui reconnaît nos spécificités et prévoit donc la possibilité de modifier la loi pour en tenir compte, dans la mesure où elles justifient un traitement particulier.
    Voilà pourquoi nous ne sommes pas un laboratoire. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Andrée Taurinya

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    Si ! Ces mesures pourront s’appliquer dans l’ensemble des territoires !

    Mme Estelle Youssouffa

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    Non ! Ça, c’est le petit jeu politique, fait de calculs électoraux, auquel vous…

    M. le président

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    Adressez-vous à la présidence, s’il vous plaît, madame Youssouffa.

    Mme Estelle Youssouffa

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    …vous livrez en dépit de notre réalité et de notre souffrance ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, EPR, DR, Dem et HOR.)

    M. le président

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    Chers collègues, je vous rappelle qu’afin d’éviter les invectives personnelles, on s’adresse à la présidence aussi bien pour présenter un amendement que pour défendre une position pour ou contre.
    La parole est Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    Je rappellerai d’abord qu’à la suite du passage de l’ouragan…

    Mme Estelle Youssouffa

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    Du cyclone !

    Mme Élisa Martin

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    …ou du cyclone, c’est la même chose…

    Mme Estelle Youssouffa

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    Non, ce n’est pas la même chose.

    Mme Élisa Martin

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    …–⁠ j’aime la langue française, donc j’aime la pratiquer dans toute son ampleur –, nombre de personnes ont perdu leurs documents administratifs. Il serait bon de le prendre en considération.
    De surcroît, les critères que nous sommes en train d’examiner sont cumulatifs. En conséquence, pour obtenir vos papiers en tant que parent d’enfant français, il faudra prouver non seulement que vous résidez depuis cinq années de façon ininterrompue, stable et régulière sur place, mais aussi que vous avez été capable de subvenir effectivement aux besoins de vos enfants –⁠ et quand on dit « prouver », en réalité ce n’est pas si clair. D’ailleurs, les dispositions présentées par M. Gosselin ne contribueront en rien à faire cesser les comportements signalés par Mme Youssouffa –⁠ la récupération de tickets de caisse, etc.
    Au fond, tous ces critères visent à accorder moins de titres de séjour en complexifiant les démarches. Or, même s’il est décidé d’en accorder moins, les gens ne s’envoleront pas. Loi après loi, vous durcissez les conditions d’accès au séjour régulier, sans rien résoudre pour autant. Changez de stratégie ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    Une députée du groupe RN

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    C’est vraiment parler pour ne rien dire ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Élisa Martin

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    Qui a dit ça ? Faut être polie !

    M. le président

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 134 et 299.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        100
            Nombre de suffrages exprimés                100
            Majorité absolue                        51
                    Pour l’adoption                28
                    Contre                72

    (Les amendements identiques nos 134 et 299 ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    La parole est à M. Rodrigo Arenas pour défendre l’amendement no 142.

    M. Rodrigo Arenas

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    Je trouve assez cocasse d’entendre dire qu’à Mayotte, on ne pourrait pas reconstruire rapidement. Je rappelle que la région Île-de-France, où nous nous trouvons, comptait des bidonvilles parmi les plus grands d’Europe et qu’à l’époque, nous avions su faire vite, fort et bien pour aménager des espaces de vie, en construisant des habitations, à loyers modérés d’ailleurs, qui ont changé la vie de millions de nos concitoyens. À Mayotte, nous pouvons faire ce que nous avons fait en Île-de-France : faire en sorte que tout le monde vive dignement.
    Donc, oui, nous savons faire vite, fort et bien. Rappelez-vous le bidonville de Nanterre ou le plus grand bidonville d’Europe, à Champigny-sur-Marne, où vivaient des Portugais : tous ces gens sont aujourd’hui nos concitoyens et certains de leurs descendants siègent dans l’hémicycle. Nous avons su faire vite, fort et bien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Ce que nous avons su faire dans l’Hexagone, nous avons la légitimité et le pouvoir de le faire à Mayotte. Il n’y a pas de territoire d’exception. Je vous le disais tout à l’heure, Madame Youssouffa : Mayotte n’est pas un laboratoire, puisque c’est la France.

    Mme Estelle Youssouffa

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    C’est ce qu’a dit votre collègue !

    M. Rodrigo Arenas

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    Le gouvernement aura tout notre soutien s’il consacre dès maintenant les moyens nécessaires pour que les enfants aillent à l’école, pour que les gens puissent se soigner et pour faire en sorte que l’État retrouve ses fonctions régaliennes, à Mayotte comme ailleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vous n’avez pas besoin d’une loi pour ce faire !
    Monsieur le ministre, vous avez affirmé qu’une loi était nécessaire pour montrer aux Mahorais qu’ils avaient le soutien du gouvernement et de l’Assemblée –⁠ mais les Mahorais ont notre soutien !

    Une députée du groupe RN

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    Ils ne veulent pas de vous !

    M. Rodrigo Arenas

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    Encore une fois, si vous voulez construire des écoles, des hôpitaux, des routes, des logements, nous vous soutiendrons. N’attendez pas le projet de loi de finances ! Faites-le ! Parlez-en à vos collègues du gouvernement : ils vous donneront une partie du budget pour cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Yoann Gillet

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    Et les 3 % ?

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Philippe Gosselin, rapporteur

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    Le gouvernement n’est pas Sisyphe ! On peut allouer des moyens, encore des moyens, toujours des moyens,…

    M. Rodrigo Arenas

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    Ça s’appelle le budget !

    M. Philippe Gosselin, rapporteur

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    …mais si l’on ne tarit pas l’immigration,…

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Ce sont des gens !

    M. Philippe Gosselin, rapporteur

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    …nous aurons beau fournir perpétuellement de nouveaux moyens, ce ne sera jamais assez ! Il faut donc mettre un frein à l’immigration. Or cet amendement –⁠ que l’on pourrait qualifier de repli – tend à limiter les effets des dispositions en vigueur pour les personnes résidant en France depuis leurs treize ans. Pour les raisons déjà évoquées et parce que l’on ne peut accepter cette sorte de course sans fin, j’émets un avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. Marc de Fleurian.

    M. Marc de Fleurian

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    Je voudrais revenir sur un phénomène récurrent dans cet hémicycle : les leçons d’humanité que nous prodiguent les collègues d’extrême gauche.

    Mme Marie Mesmeur

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    Il est clair qu’il vous en faudrait, vu l’héritage de votre parti et ce que vous postez sur les blogs !

    M. le président

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    Écoutez l’orateur, s’il vous plaît.

    M. Marc de Fleurian

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    Je vais vous poser une question –⁠ la fameuse question rhétorique à laquelle vous avez normalement été formés : d’où parles-tu, camarade ? Qu’est-ce qui vous permet de donner des leçons ? Que savez-vous de ce que nous, qui ségeons sur ces bancs, avons fait ?
    Pour un certain nombre d’entre vous, vous venez d’associations gavées d’argent public, ce qui vous permet de vous acheter une bonne conscience en venant en aide aux clandestins et en jouant les sauveurs de l’humanité. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme Marie Mesmeur

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    Et les 4 millions d’euros que vous avez détournés ?

    M. Marc de Fleurian

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    Mais, sur nos bancs, nous sommes quelques-uns à avoir risqué notre vie pour sauver des gens qui n’avaient ni la même nationalité, ni la même couleur de peau, ni la même religion, ni la même langue que nous !

    Mme Andrée Taurinya

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    Et vos propos racistes ?

    M. Marc de Fleurian

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    Qu’ils soient pompiers, gendarmes, militaires ou sauveteurs en mer, aucun de ces gens du Rassemblement national n’a de leçon à recevoir de vous, qui vivez gavés d’argent public depuis des décennies –⁠ comptez sur nous pour y mettre fin ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme Marie Mesmeur

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    Vous faites des blagues et tenez des propos racistes, sexistes et homophobes ! (« Tais-toi ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    S’il vous plaît, chers collègues !
    La parole est à M. Rodrigo Arenas, qui semble désireux de répondre.

    M. Rodrigo Arenas

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    Non, je ne vais pas répondre : lors des dernières élections législatives, la candidate du RN qui me faisait face promouvait des lectures antisémites. Restons-en là !
    Monsieur le rapporteur, s’agissant des questions migratoires, vous n’en aurez pas fini lorsque ce texte sur Mayotte sera adopté, car les questions que vous posez se posent aussi pour la Guyane, territoire situé dans un autre continent, sur lequel nous n’avons pas de prise. Les situations qui provoquent ce type de migration surviennent en effet à l’échelle planétaire, de sorte que ce n’est pas par des moyens administratifs que nous pourrons régler ces questions-là.
    Quand je vous dis, comme tout à l’heure –⁠ de façon tranchée, car on entend ici des propos assez désagréables, il faut bien le reconnaître –, qu’il faut restaurer le pouvoir régalien à Mayotte comme ailleurs, c’est précisément pour permettre l’intégration des nouveaux arrivants. Il s’agit non pas de faire de l’universalisme à la petite semaine, mais de se souvenir que la République, ça s’apprend, que les règles s’apprennent. C’est bien pour cela que l’on envoie les enfants à l’école. Nous parlions tout à l’heure de citoyenneté ; je ne vous apprendrai pas qu’elle s’exerce notamment à l’école : les parents d’élèves peuvent élire des représentants indépendamment de leur nationalité, puisque la seule condition à remplir est d’avoir des enfants scolarisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Quand il n’y a pas d’école, mettre un pied dans la République est donc particulièrement difficile pour les parents dont vous parlez. Or parmi nous siègent des députés dont les parents ont traversé les Pyrénées ou les Alpes ; nous avons su les accueillir bien qu’ils fussent sans papiers. (Mêmes mouvements.) Nous accueillons dans l’hémicycle des hommes d’État qui viennent de là.

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Arrêtez de parler de moi ! (Sourires.)

    M. Rodrigo Arenas

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    Par conséquent, si vous appliquez ces règles administratives pour régler du point de vue administratif une question qui ne peut l’être que du point de vue humain, vous ne réglerez rien.
    Pour conclure et illustrer ce que j’essaie de vous faire entendre, voici le cas de l’un de nos concitoyens qui vit dans ma circonscription –⁠ vous le connaissez certainement, il s’appelle Luis Rego (Mêmes mouvements)  : à deux reprises, il a demandé la naturalisation ; à deux reprises, elle lui a été refusée. Vous ne réglerez rien avec cette fabrique à sans-papiers, que les préfets excellent à multiplier. Je vous invite, au contraire, collègue Vigier, à m’accompagner à la préfecture de Paris afin de faire en sorte que ceux qui travaillent obtiennent les papiers que leur refusent les préfectures. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    Rappel au règlement

    M. le président

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    La parole est à M. Arthur Delaporte, pour un rappel au règlement –⁠ sur le fondement de quel article ?

    M. Arthur Delaporte

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    Rappel au règlement sur le fondement de l’article 70, alinéa 3.
    Un collègue nous a expliqué que la gauche,…

    M. Hervé de Lépinau

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    L’extrême gauche !

    M. Arthur Delaporte

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    …qui défend simplement les droits de l’homme, serait gavée d’argent public ; que les députés de gauche le seraient. Il a oublié de dire que ce sont les députés d’extrême droite qui se gavent de l’argent public du Parlement européen.

    M. Antoine Léaument

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    Eh oui ! C’est à Mme Le Pen que nous faisions allusion tout à l’heure –⁠ au cas où vous n’auriez pas compris.

    M. le président

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    Il ne s’agit pas d’un rappel au règlement.

    M. Arthur Delaporte

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    On ne peut accepter de tels propos dans l’enceinte de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP et EcoS.)

    Mme Élisa Martin

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    Rappel au règlement !

    Article 2 (suite)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 142.

    Mme Élisa Martin

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    J’avais demandé la parole pour un rappel au règlement !

    M. le président

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    J’ai déjà ouvert le scrutin, madame Martin. Je vous donnerai la parole ensuite.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        101
            Nombre de suffrages exprimés                101
            Majorité absolue                        51
                    Pour l’adoption                30
                    Contre                71

    (L’amendement no 142 n’est pas adopté.)

    Rappel au règlement

    M. le président

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    La parole est à Mme Élisa Martin, pour un rappel au règlement –⁠ sur le fondement de quel article ?

    Mme Élisa Martin

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    Rappel au règlement sur le fondement de l’article 70, alinéa 3.
    Monsieur le président, je vous invite à tourner plus souvent la tête vers nous : vous auriez ainsi noté que nous avions demandé en temps et en heure un rappel au règlement.

    M. Philippe Gosselin, rapporteur

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    Mise en cause de la présidence !

    M. Philippe Vigier, rapporteur général

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    Le président va se fâcher !

    Mme Élisa Martin

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    Si l’on veut pouvoir débattre tranquillement et avancer –⁠ c’est aussi notre souhait –, il ne sert à rien de nous insulter, comme cela vient d’être fait à l’instant, en affirmant que nous nous gaverions d’argent public. (M. le président coupe le micro de l’oratrice.)

    M. le président

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    Madame Martin, je vous ferai deux remarques.
    D’abord, je le répète : il est d’usage de s’adresser à la présidence au début de son intervention, qu’il s’agisse d’un rappel au règlement ou d’un débat sur un amendement, et cela afin d’éviter les invectives personnelles. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN, EPR, DR, HOR et UDR. –⁠ M. le rapporteur général et Mme Estelle Youssouffa applaudissent également.) Comme c’est la quatrième fois que cela se produit dans votre cas, je me permets respectueusement de vous faire ce rappel.
    Pour le reste, mon attention a sans doute été accaparée par le geste de M. Delaporte et je n’ai pas vu votre demande de rappel au règlement. J’espère que vous m’en excuserez –⁠ il nous a tous éclairés.

    M. Philippe Gosselin

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    Et boum !

    Article 2 (suite)

    M. le président

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    Nous en venons à deux amendements identiques, nos 135 et 298.
    La parole est à M. Aurélien Taché, pour soutenir l’amendement no 135.

    M. Aurélien Taché

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    Cher collègue Gosselin, quand je vous entends dire, au contraire de ce que vient de déclarer M. le ministre, qu’il n’y aura pas d’argent public pour Mayotte…

    M. Philippe Gosselin, rapporteur

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    Je n’ai pas du tout dit ça !

    M. Aurélien Taché

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    Vous venez de dire qu’il n’y aura jamais assez d’argent public, qu’on ne pourra pas tout régler de cette façon, qu’il va falloir s’attaquer à l’immigration –⁠ pourtant, le département de Mayotte ne dispose que d’un seul hôpital et nous avons rappelé son déficit en services publics scolaires et les difficultés qu’il connaît dans l’accès à l’eau potable. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, il faudrait accorder vos violons !
    La situation locale que vous évoquez, c’est vous qui l’avez créée, en refusant des investissements au même niveau que dans les autres départements et en instaurant un titre de séjour territorialisé, dérogatoire au droit commun. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Rappelons, pour celles et ceux qui ne suivent les débats que partiellement, ce qu’est ce visa territorialisé : il s’agit de dire à quelqu’un qui possède, à Mayotte, un titre de séjour valable, qu’il ne peut pas se rendre dans un autre département français. Qu’est-ce que cela signifie, dans un territoire qui s’est tant battu pour entrer dans la République, qui est un département depuis 2011, de dire aux gens à qui l’on délivre un titre de séjour : vous devez rester ici ? Vous créez, avec vos dérogations aux droits fondamentaux, les difficultés que vous prétendez résoudre. Ça suffit !
    Cet amendement vise à revenir sur une disposition encore plus inique que toutes celles que vous avez proposées jusqu’à présent : une condition de résidence habituelle de sept ans pour obtenir une carte de séjour « liens personnels et familiaux ». Nous en avons déjà parlé, monsieur Gosselin, au moment de la restriction du droit du sol : les femmes qui traversent l’océan Indien pour accoucher et mettre leur enfant à l’abri, croyez-vous qu’elles repartiront avec leur enfant sous le bras faute de compter sept ou cinq ans de résidence sur le territoire mahorais ? Vous rendez-vous compte de l’absurdité d’une telle mesure ?
    Vous ne faites qu’une seule chose : enfermer les gens dans la précarité administrative, ajouter des difficultés aux difficultés, alors que vous pourriez régler les choses simplement, sans attendre le prochain projet de loi de finances pour allouer des moyens supplémentaires et en supprimant le visa territorial. Faites quelque chose qui ressemble vraiment à du droit républicain ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    L’amendement no 298 de M. Philippe Naillet est défendu.
    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Philippe Gosselin, rapporteur

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    Je n’ai jamais dit que l’État ne mettrait pas d’argent à Mayotte : il en consacre déjà beaucoup et il le fera encore davantage, et dans la durée –⁠ c’est l’objet même de ce texte. Quatre milliards d’euros seront investis. Certes, il faudra y veiller lors de l’examen de chaque projet de loi de finances, et nous le ferons –⁠ mais ne nous faites pas des procès d’intention alors que nous en sommes au cadre général de la programmation.
    Je rappelle les investissements que ce cadre prévoit, en matière scolaire, universitaire et sécuritaire, ainsi qu’en matière de santé, avec un deuxième hôpital, en matière de transports, avec le port en eaux profondes et la piste longue tant attendue pour l’aéroport. Il prévoit aussi la convergence des prestations sociales. Vous ne pouvez donc pas me faire dire que l’État ne mettra pas d’argent dans ce territoire français –⁠ qui est, qui plus est, un département.
    Cependant, il ne s’agit pas d’en faire un open bar,…

    M. Rodrigo Arenas

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    Un open bar ?

    M. Philippe Gosselin, rapporteur

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    …un guichet ouvert, sans contrepartie. L’une des premières contreparties est de maîtriser l’immigration. On ne peut pas considérer que chacun est le bienvenu à Mayotte.
    Je suis d’accord avec vous sur le fait que plusieurs des dispositions proposées ne suffiront pas. Ce sont les pièces d’un puzzle, qui doivent s’additionner : les articles 2, 3, 4 et 5 ainsi que l’article 7 que vous avez supprimé en commission, les articles 8 et 9, et l’article 11 que vous avez également supprimé en commission et que nous allons essayer de rétablir. Ces pièces du puzzle permettront de mieux maîtriser l’immigration, qui n’est sans doute pas le seul problème rencontré par ce territoire, mais qui en constitue l’un des principaux.
    Encore une fois, cela ne suffira pas : il faudra aussi travailler en étroite relation avec les Comores,…

    M. Antoine Léaument

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    Bah alors ?

    M. Philippe Gosselin, rapporteur

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    …de façon coercitive ou plus contractuelle, pour parvenir à se faire entendre. Nous ne pouvons pas accepter qu’un État bafoue le droit international…

    M. Aurélien Taché

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    Vous êtes sûr de vouloir aborder ce sujet ?

    M. René Pilato

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    Vous parlez d’Israël ?

    M. Antoine Léaument

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    Attention si vous évoquez le droit international !

    M. Philippe Gosselin, rapporteur

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    …et celui de la France, qui est chez elle à Mayotte, parce que les Mahorais l’ont souhaité. Ils sont chez eux dans la République !

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur général.

    M. Philippe Vigier, rapporteur général

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    Un mot pour compléter ce que vient de dire Philippe Gosselin. J’ai regardé attentivement ce que nous avions fait ces dernières années dans les territoires ultramarins. Je vous invite à considérer l’effort qui est consenti et qui s’étalera sur une bonne dizaine d’années.
    Cependant, il ne s’agit pas uniquement d’un problème d’argent. Il faut d’abord parvenir à endiguer la vague d’immigration : le ministre d’État a rappelé les chiffres de l’évolution de la population à Mayotte ; selon l’Insee, ce territoire comptera bientôt 500 000 à 600 000 habitants si nous ne faisons rien. Pourquoi ? Parce que le PIB des Comores est trois fois plus faible que celui de Mayotte, rendant cette dernière naturellement plus attractive.

    M. Antoine Léaument

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    C’est ça, le sujet !

    M. Philippe Vigier, rapporteur général

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    Vous évoquez la protection des populations, mais vous n’en avez pas le monopole. Nous aussi, nous nous en préoccupons ! Nous défendons un projet en matière d’eau, si difficile à réaliser : avec quelle ingénierie, avec quels savoir-faire, avec quels moyens financiers le faire aboutir ? Ceux que nous déployons ! Mais l’État ne le réalisera pas tout seul ; cela se fera avec la participation des acteurs locaux, des établissements publics, des collectivités territoriales, du département. Tout le monde montera en puissance et relèvera les défis.
    Prenons l’exemple de l’aéroport. On a raconté tout et n’importe quoi à ce sujet pendant quinze ans. Nous avons le courage de dire : il n’est pas possible de le construire à Petite-Terre, il faut le faire à Grande-Terre. Nous avons provisionné 1,2 milliard d’euros pour cela. Vous connaissez bien les sujets d’infrastructures aéroportuaires : si, avec cette somme, nous ne parvenons pas à bâtir une plateforme de 350 hectares, parfaitement connectée, pour desservir nationalement et internationalement Mayotte, alors nous serons passés à côté.
    Considérez les mobilités à Mayotte, au sens large du terme : sont-elles calibrées ? Elles ne le sont pas. C’est pourquoi nous mènerons à son terme l’élaboration du schéma d’aménagement régional.
    Il faut jouer sur tous les tableaux. Il faut traiter le sujet de l’immigration, parce que vous ne scolariserez pas les 8 000 gamins qui se retrouvent chaque jour dans la rue. Qui construit les écoles ? Ce sont les communes. Comment le font-elles ? Avec l’argent qu’on leur donne. Peut-on faire plus ?

    Mme Mathilde Feld

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    Oui ! Beaucoup plus !

    M. Philippe Vigier, rapporteur général

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    On va déjà faire des efforts considérables. Ce qu’on ne fera pas, ce sont de nouvelles promesses qu’on ne pourra pas tenir. Il n’en est pas question et, si c’est cela que vous voulez, ne comptez pas sur nous.

    Mme Ségolène Amiot

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    Et la promesse républicaine ? On essaie de la tenir ?

    M. Philippe Vigier, rapporteur général

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    En revanche, si vous souhaitez une coconstruction, nous pourrons la faire ensemble.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    J’irai évidemment dans le sens des rapporteurs en rappelant que les dispositions de cet article, que vous entendez supprimer, sont liées au caractère exceptionnel de la situation migratoire, que le Conseil constitutionnel a d’ailleurs reconnue. Il est justifié d’adopter des mesures visant à limiter l’attractivité de la carte de séjour délivrée au titre des liens personnels et familiaux.
    Pourquoi opposer une politique migratoire, qui peut tout à fait être contestée dans cet hémicycle mais qui comporte des choix attendus par les Mahorais, et la volonté qui est la nôtre d’inscrire dans la loi et dans la durée un programme de construction d’écoles ? Je réponds à M. Arenas, qui connaît bien ces sujets : vous avez raison, mais n’opposons pas cette politique scolaire à la politique migratoire compliquée, dans une région marquée par la proximité des Comores, notamment l’île d’Anjouan, avec une mer plutôt calme, même si elle ne l’est pas toujours. L’existence de circuits financiers organisés, qui favorisent cette immigration, a été démontrée.
    Si nous voulons rattraper le retard, nous devrons effectivement, dans les choix d’investissement que nous ferons parmi les 4 milliards d’euros évoqués, construire une centaine d’écoles primaires dans les années qui viennent –⁠ des écoles de type T 16, avec de nombreuses classes. À quoi s’ajoutera la question de la restauration scolaire, qui sera peut-être évoquée au cours des débats. Nous devons nous montrer vigilants à l’égard de l’apprentissage du français, de la lutte contre l’illettrisme, de la qualité des formations et des enseignants, qui doivent trouver de meilleures conditions de travail sur place.
    C’est vrai, beaucoup de retard a été pris, ce n’est pas digne de la République. Un effort doit être fait, dans le temps, avec méthode : c’est la stratégie proposée par ce texte, avec 4 milliards d’euros engagés dans les prochaines années. Les parlementaires auront l’occasion de mener une évaluation permanente de cet effort, en liaison avec les élus locaux. Je crois à ce projet de loi et aux objectifs que nous nous sommes fixés. Cependant, pour atteindre ces objectifs en matière de convergence sociale, d’éducation et de santé, nous devons les asseoir sur un terrain le plus solide possible. Sur ce terrain se pose la question du foncier, celle –⁠ complexe – de l’habitat et celle de la lutte contre l’immigration illégale. Si nous ne les traitons pas, nous n’y arriverons pas. Il n’y a pas de formule magique ni de solution unique : nous défendons un tout, une cohérence d’ensemble.

    M. le président

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    La parole est à Mme Léa Balage El Mariky.

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Ces amendements tendent à supprimer la condition de sept ans de résidence habituelle pour obtenir la carte de séjour « liens personnels et familiaux ». Je pose, pour la troisième fois, la question de l’efficacité de ces politiques de gestion des flux migratoires. Vous défendez la cohérence du dispositif avec, d’un côté, la fermeté, de l’autre, l’humanisme, vu et revu –⁠ mais pour maîtriser les flux migratoires, la restriction de l’accès aux titres de séjour est-elle efficace ? Je n’ai entendu aucune réponse sur ce point, que ce soit de la part du rapporteur Gosselin, du rapporteur général ou de votre part, monsieur le ministre. Or, quand il s’agit de légiférer, vous conviendrez qu’il faut se soucier de l’efficacité.
    D’autre part, j’ai entendu le rapporteur Gosselin affirmer qu’il faudrait juger de l’intégration d’une personne à l’aune de la durée de son séjour : c’est du Kafka ! Cela consiste à dire : restez le plus longtemps possible là où nous ne voulons pas que vous soyez, afin d’obtenir un titre que nous ne souhaitons pas vous donner, et vous serez intégré. Il n’y a aucune logique, ni dans votre proposition ni dans la défense que vous en faites. (Mme Dominique Voynet applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à M. Yoann Gillet.

    M. Yoann Gillet

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    Je n’ai même pas envie de répondre aux arguments –⁠ qui n’en sont d’ailleurs pas – lancés par nos collègues d’extrême gauche.

    Mme Andrée Taurinya

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    Il n’y a pas d’extrême gauche ! (Rires sur les bancs du groupe RN.)

    M. Yoann Gillet

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    Je souhaiterais néanmoins préciser certaines choses. J’entends le collègue Vigier et M. le ministre nous dire toutes les trente secondes : attention, vous allez voir ce que vous allez voir, ce sont 4 milliards d’euros qui seront investis, dont 54 millions pour lutter contre l’immigration clandestine. Or je vous rappelle que vous aviez fait des promesses, monsieur le ministre ; j’ai sous les yeux votre plan de 2015 : « Mayotte 2025, une ambition pour la République ». Tout ce dont nous parlons y était déjà mentionné et aucune des promesses qu’il contient n’a été tenue.
    En second lieu, vous mentionnez 4 milliards d’euros d’investissements sur dix ans, dont 54 millions d’euros pour lutter contre l’immigration –⁠ or 54 millions sur 4 milliards, ce n’est rien ! Quand on sait, par exemple, qu’il faut investir dans des radars pour couvrir l’ensemble des côtes de Mayotte afin d’empêcher les clandestins d’entrer, et que ces radars coûtent plusieurs millions d’euros pièce, on se dit que le budget que vous consacrez dans ce texte à la lutte contre l’immigration irrégulière, c’est peanuts ! Vous devez en avoir conscience. Il faut des moyens beaucoup plus importants pour lutter efficacement contre l’immigration irrégulière.
    Vous pouvez rire autant que vous voulez, monsieur le ministre,…

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Je ne ris pas !

    M. Yoann Gillet

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    …mais la vérité, c’est que vous avez présenté il y a plusieurs années un plan que vous n’avez pas suivi. Vous avez menti aux Mahorais. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    Après l’ open bar du rapporteur, les peanuts de M. Gillet : parlons français, s’il vous plaît !

    Mme Andrée Taurinya

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    Bravo !

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre d’État.

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Monsieur Gillet, faisons en sorte que le débat reste convenable. J’ai, en effet, présenté ce plan en 2015 –⁠ je l’ai même signé, cela m’est souvent rappelé par le sénateur Saïd Omar Oili, dit SOO, qui était alors aux responsabilités et qui a toujours souligné qu’il s’agissait d’un plan ambitieux. J’ai quitté mes fonctions en 2016. Je pourrai vous répondre que je reviens dix ans après pour enfin mettre ce plan en œuvre, et que vous devriez vous en féliciter ! (Sourires.)

    M. Hervé de Lépinau

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    La traversée des dix années fut longue !

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Oui, je vous le confirme –⁠ mais certains attendent d’accéder au pouvoir depuis très longtemps et peuvent encore attendre ; il faut être modeste en la matière ! (M. Jean Moulliere applaudit.)

    ------------------Cette partie de la séance est en cours de finalisation---------------------------------------------