Première séance du jeudi 15 mai 2025
- Présidence de Mme Clémence Guetté
- 1. Aide médicale de l’État à Mayotte
- 2. Simplification du droit de l’urbanisme et du logement
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Clémence Guetté
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1. Aide médicale de l’État à Mayotte
Discussion d’une proposition de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mme Estelle Youssouffa et plusieurs de ses collègues visant à étendre l’aide médicale de l’État à Mayotte (nos 1239, 1371).
Présentation
Mme la présidente
La parole est à Mme Estelle Youssouffa, rapporteure de la commission des affaires sociales.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure de la commission des affaires sociales
Je viens défendre ce matin devant vous une proposition de loi portant extension de l’aide médicale de l’État (AME) à Mayotte. En réalité, il n’est pas vraiment question de l’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière – ils sont soignés – mais il s’agit de vous alerter sur le désert sanitaire qu’est Mayotte et sur l’injustice qu’y crée l’absence de l’AME.
Vous savez que, par dérogation et par exception, notre seul hôpital, le centre hospitalier de Mayotte (CHM), est financé par une enveloppe unique. Les étrangers en situation irrégulière, non assurés sociaux, représentent 40 % de ses patients ; les soigner coûte 123 millions d’euros par an au CHM et cette somme est directement déduite de notre budget de 320 millions d’euros. Autrement dit, dans le désert sanitaire qu’est Mayotte, 40 % de notre budget de la santé est prélevé pour soigner les étrangers en situation irrégulière alors qu’ils devraient être pris en charge par l’AME et pas par le budget du CHM.
Mayotte paye donc très cher l’absence d’AME. Et ce ne sont pas les étrangers en situation irrégulière qui la payent ; eux sont pris en charge gratuitement à l’hôpital. Ce sont les Français de Mayotte qui payent, et doublement : par leurs cotisations, qui financent la dotation de l’hôpital utilisée à 40 % pour soigner les étrangers en situation irrégulière ; mais aussi par le sacrifice de leur santé.
En effet, l’engorgement de l’hôpital, qui doit prendre en charge ces non-assurés sociaux, entraîne un effet d’éviction scandaleux. Nous, Mahoraises et Mahorais, nous, les assurés sociaux, ne pouvons de facto plus accéder au CHM : celui-ci soigne prioritairement les étrangers en situation irrégulière, car ceux-ci arrivent en très grande détresse médicale, ce que personne ne nie.
Nous, les Mahoraises et les Mahorais, nous, les assurés sociaux, devons nous débrouiller par nous-mêmes pour nous soigner à nos frais. Avec seulement en ce moment trois blocs opératoires fonctionnels pour 450 000 habitants, notre seul hôpital se concentre uniquement sur les urgences vitales et les accouchements. Il n’y a plus de place ni de ressources pour la chirurgie programmée ou toute autre forme de soins spécialisés.
Le ministère de la santé a donc organisé une externalisation de la santé des Mahorais à La Réunion et dans l’Hexagone : pour tous les soins plus complexes, pour voir un spécialiste, nous devons accéder à une évacuation sanitaire (Evasan). Cela signifie que qu’il faut avoir suffisamment de chances de survie pour être sélectionné par un comité médical, puis prendre une ambulance, puis un bateau, puis l’avion pour trois heures de vol jusqu’à La Réunion. Le nombre de places est limité : tout le monde n’est pas sélectionné. Et les étrangers en situation irrégulière occupent 40 % des places des évacuations sanitaires.
Vous devez donc attendre – ou, comme le font les familles mahoraises, vous saigner aux quatre veines et vous cotiser pour envoyer votre malade, pourtant assuré social, se faire soigner à l’extérieur à vos propres frais et sans assistance médicale. C’est cela, la réalité du phénomène d’éviction dans le plus désert de tous les déserts médicaux de France : la population la plus pauvre de France, à la plus faible espérance de vie, au plus mauvais état de santé, la plus éloignée de toute technologie médicale normale, qui cotise à la sécurité sociale, doit payer de sa poche pour aller se soigner à 1 420 kilomètres.
Je vous rappelle que les Mahorais ne peuvent se faire soigner ni à l’hôpital, ni en ville : notre archipel compte, pour environ 450 000 habitants, seulement une vingtaine d’équivalents temps plein de médecins généralistes libéraux et une dizaine de spécialistes.
La mise en place de l’AME permettrait de solvabiliser une partie de la patientèle et de développer la médecine de ville, donc de désengorger l’hôpital grâce à une prise en charge en amont. L’AME à Mayotte permettrait aussi, comme c’est son objectif dans l’Hexagone et dans les autres territoires ultramarins, de lutter contre les épidémies importées par les migrants – vous vous souvenez tous du choléra qui nous a frappés en 2024.
On nous dit que l’AME va créer un appel d’air pour l’immigration clandestine à Mayotte. Mais l’appel d’air est déjà là ! Parce que l’État ne protège toujours pas notre frontière, Mayotte subit une immigration massive qui déstabilise totalement notre département. L’union des Comores mène une politique de colonisation de peuplement de Mayotte pour prendre le contrôle de notre île, qu’elle revendique. Les Comoriens ne viennent pas à Mayotte uniquement pour se faire soigner ou aller à l’école, mais aussi et surtout pour accéder au droit du sol : leur gouvernement les y encourage et leur dit qu’ils y sont chez eux.
Le discours selon lequel la pauvreté serait le principal moteur de l’immigration comorienne a été battu en brèche par le passage du cyclone Chido, qui a épargné les Comores mais totalement détruit Mayotte. Profitant de la destruction des radars, les Comores ont envoyé et continuent d’envoyer leurs migrants en masse sur notre île alors que le système de santé mais aussi les écoles de Mayotte et toute notre économie sont réduits à néant ! L’AME n’y changera rien : les kwassa sanitaires sont déjà là et ils arrivent tous les jours.
Je veux être claire : en demandant l’AME pour Mayotte, je me bats d’abord pour les assurés sociaux qui vivent un calvaire. Les Français de Mayotte n’ont pas les mêmes droits que ceux de l’Hexagone. L’égalité d’accès aux soins est une formule vide de sens à Mayotte ; la rupture d’égalité est au contraire manifeste.
Mes chers collègues, nous devons agir, et il y a urgence. L’état de santé de nos concitoyens de Mayotte, qui était déjà très dégradé avant Chido, est alarmant. Nous, Mahoraises et Mahorais, avons huit ans d’espérance de vie en moins que vous ; des maladies chroniques et des épidémies curables ici sont mortelles à Mayotte. La population vit aujourd’hui dans un état d’anxiété et une souffrance psychique inédite dus aux séquelles visibles et invisibles de Chido, qui nous a atteints dans notre chair.
Je souhaite que le droit commun s’applique à Mayotte. C’est le sens de la promesse républicaine. Ma proposition de loi vise à mettre l’AME en place dans notre département, afin que l’hôpital puisse jouer son rôle d’hôpital, afin que la médecine de ville puisse se développer, afin que les Français assurés sociaux de Mayotte puissent enfin accéder aux soins pour lesquels ils cotisent. Je ne demande pas un traitement de faveur ou une discrimination positive, mais seulement l’application du droit commun – parce que je refuse absolument la détresse médicale des Mahoraises et des Mahorais, notre parcours du combattant pour accéder à ce droit fondamental qu’est l’accès à la santé.
Pour vous faire comprendre le sujet, j’ai lancé un appel à témoignages parce que je veux que résonne ici la voix de vos compatriotes de Mayotte.
« En 2017, mon médecin traitant a découvert une maladie cardiaque, confirmée par les urgentistes du CHM. On m’a prescrit un traitement temporaire, dans l’attente d’un rendez-vous avec un cardiologue au CHM, rendez-vous plusieurs fois reporté, d’un mois à l’autre. Au final, je n’ai rencontré aucun cardiologue. Au troisième mois, avec le soutien de mon médecin traitant et de toute ma famille, j’ai pu partir à Angers pour consulter un cardiologue dans une clinique privée. Tout – transport, billet d’avion, loyer, nourriture, soins – a été entièrement pris en charge par ma famille. »
« Mes enfants, des jumeaux, sont d’anciens grands prématurés, nés à La Réunion en octobre 2016. J’ai dû quitter Mayotte précipitamment car, à l’hôpital, on m’avait confirmé une fausse couche – qui n’avait jamais eu lieu. On s’est rendu compte trois mois plus tard que j’étais en fait toujours enceinte. Aujourd’hui mes jumeaux ont 8 ans, ils sont suivis et traités par hormone de croissance. N’ayant pas de spécialiste à Mayotte, nous devons nous rendre, par nos propres moyens, deux fois par an à La Réunion pour qu’ils puissent consulter le pédo-endocrinologue. »
« Agression par une pierre qui atteint mon œil gauche ; aucun acte médical au CHM, à part des antidouleurs, car zéro spécialiste ; même pas droit à une chambre individuelle ; Evasan quatre jours plus tard à La Réunion ; perte totale de la vue de l’œil gauche. »
« J’ai une rage de dents qui dure depuis trois ans. J’ai contacté tous les dentistes de l’île. Aucun ne prend de nouveaux patients. J’ai passé une journée complète au CHM sans avoir pu voir un dentiste. Je me suis présenté à l’hôpital de campagne après Chido : pas de dentiste non plus. Aujourd’hui, je traîne encore cette dent, je voudrais juste qu’on me débarrasse de cette douleur. »
Tous ces témoignages – j’en ai recueilli des dizaines – figurent dans mon rapport sur la proposition de loi. C’est un message d’alerte sur l’état de santé déplorable de vos concitoyens de Mayotte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Lorsque j’ai pris mes fonctions de ministre de la santé, il y a presque cinq mois, mes premiers mots, mes premières pensées ont été pour Mayotte. Il faut dire que je suis arrivé au gouvernement au lendemain de la journée de deuil national où toute la nation solidaire a rendu hommage aux victimes et montré son soutien à nos compatriotes mahorais touchés par le cyclone Chido, le plus dévastateur depuis quatre-vingt-dix ans.
Je tiens à leur rendre à nouveau hommage, comme je rends hommage au courage et à la détermination de tous ceux qui participent à l’effort national de reconstruction de Mayotte. Je pense tout particulièrement aux équipes soignantes, pleinement mobilisées dans ce contexte exigeant.
Au-delà des hommages, mes premières actions de ministre de la santé ont été pour Mayotte. Je n’ai eu de cesse depuis d’œuvrer pour la reconstruction, mais surtout pour le renforcement à long terme et l’amélioration de l’offre et de l’accès aux soins sur l’île.
Madame la rapporteure, vous étiez présente lors de mon premier déplacement, à Mayotte, à la toute fin du mois de décembre 2024, aux côtés du premier ministre, des blessés, des sinistrés et de toute la communauté soignante. Je vous en remercie.
Nous y avons annoncé ensemble un ambitieux plan Mayotte debout, que nous avons décliné immédiatement sur le terrain.
J’étais de retour sur l’île, il y a trois semaines, aux côtés du président de la République, et j’ai pu, là aussi avec vous, dans la continuité des engagements pris en décembre, annoncer des mesures importantes visant à renforcer l’attractivité et la fidélisation des professionnels engagés sur l’île – je reviendrai sur ce point.
Au quotidien, depuis Paris, je suis personnellement tous les dossiers relatifs à la situation mahoraise, en lien direct avec les élus locaux, les acteurs de santé hospitaliers comme libéraux et avec l’agence régionale de santé (ARS).
Vous le voyez, depuis le premier jour et chaque jour, la situation de Mayotte et la santé des Mahorais sont au cœur de mon action et en haut de la liste de mes priorités. Je continuerai de m’engager pour construire, avec force, pragmatisme et détermination, les meilleures solutions en fonction des besoins et des défis spécifiques de l’île, et en tenant compte de ses particularités démographiques, géographiques et sociales.
Si j’ai tenu à vous rappeler mon investissement sur les enjeux mahorais, c’est pour mieux vous expliquer l’état d’esprit dans lequel j’aborde cette question de l’extension de l’aide médicale de l’État à Mayotte, dont vous avez choisi de débattre aujourd’hui.
Elle est légitime et j’ai pris le temps de l’étudier de façon approfondie, afin d’adopter une position pragmatique, reflet d’une conviction de responsable public et non d’une quelconque idéologie politique.
Cette conviction, c’est que l’extension de l’AME à Mayotte ne permettra pas de résoudre les problèmes de santé et d’accès aux soins auxquels est confronté ce territoire.
Cette extension engendrerait par ailleurs un certain nombre d’effets de bord et risquerait de déséquilibrer une offre de soins déjà fragile.
Madame la rapporteure, j’entends très bien votre argument qui consiste à dire que l’extension de l’AME à Mayotte permettrait de soulager le centre hospitalier de Mayotte auquel les étrangers en situation irrégulière ont recours massivement et parfois tardivement, ce qui implique des prises en charges plus complexes.
Naturellement, nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut désengorger les urgences de Mayotte. L’AME pourrait constituer une réponse, si l’offre de soins locale n’était pas si fortement hospitalocentrée !
M. Philippe Vigier
Eh oui !
M. Yannick Neuder, ministre
Vous le soulignez vous-même dans l’exposé des motifs de votre proposition de loi : « Le CHM assure 72 % de l’offre de soins de l’île […] ». L’offre de ville demeure embryonnaire et saturée.
Si en étendant l’AME à Mayotte, l’objectif est de permettre la prise en charge des personnes sans affiliation sociale en ville, il est fort peu probable que cela se traduise immédiatement ou dans un futur proche dans les pratiques. Il faut regarder la réalité en face – je ne dis pas d’ailleurs qu’elle est satisfaisante : le nombre de soignants en ville est trop faible à Mayotte pour que l’extension de l’AME soit utile ou efficace. Les soignants me l’ont dit eux-mêmes à l’occasion de chacun de mes séjours sur l’île.
Dans cette optique, il conviendrait d’abord de poursuivre les efforts engagés ces dernières années pour développer l’offre de ville, notamment à travers des dispositions du projet de loi d’urgence pour Mayotte, en particulier l’extension de la zone franche d’activité nouvelle génération au secteur de la santé.
Ma position repose sur une idée simple : raisonner dans l’ordre, sans compromettre par des mesures aux objectifs certes louables la satisfaction de besoins qui exigent notre attention et notre mobilisation en priorité.
Je m’adresse ici aux parlementaires mahorais présents ce matin – vous connaissez la situation bien mieux que moi. Ma position est une position de responsabilité et d’humilité face aux grands chantiers qu’il nous reste à mener pour que tous nos compatriotes mahorais puissent bénéficier le plus rapidement possible d’une offre de soins accessible et satisfaisante. Je m’y suis pleinement attelé et c’est ma priorité.
Par ailleurs, nous ne pouvons pas ignorer que l’élargissement de l’AME à Mayotte est, dans le contexte local, de nature à créer un effet d’appel d’air.
Je souhaite que nous puissions travailler ensemble à mettre en œuvre des solutions et des mesures concrètes et efficaces pour renforcer l’accès aux soins de nos concitoyens, avec, à Mayotte, des réponses territorialisées spécifiques.
Je pense naturellement en premier lieu au dispositif d’évacuation sanitaire – les Evasan –, qui, depuis sa création en 1996, est devenu essentiel pour le système de santé mahorais : 1 591 patients ont été évasanés en 2022. Je sais que c’est un sujet sur lequel vous êtes particulièrement mobilisée, madame la rapporteure, et à propos duquel nous avons déjà eu de nombreux échanges nourris.
Sur cette question dont je saisis bien l’importance, ma réponse tient en deux temps.
Premier point : il faut commencer par se demander pourquoi nous avons besoin d’autant d’Evasan. La réponse réside là encore dans l’offre de soins, qu’il faut consolider. Les évacuations sanitaires sont principalement causées par l’insuffisance du plateau technique. Les équipes médicales locales peinent à prendre en charge tous les patients dans des délais raisonnables. Vous avez donné des exemples en cardiologie, en ophtalmologie, en soins dentaires.
Pour remédier à cette situation et moderniser les infrastructures, des travaux de réhabilitation sont en cours, notamment au CHM ; pas moins de 400 millions d’euros ont été sanctuarisés afin de faire avancer le projet du site de Combani.
Par ailleurs, afin de consolider la réponse après le passage du cyclone, des mesures d’urgence ont été prises, comme l’acquisition de six blocs modulaires, pour un montant d’environ 8 millions d’euros. Je sais combien ces blocs étaient une demande forte des médecins : c’est pour cette raison que je m’étais personnellement mobilisé afin qu’ils arrivent le plus vite possible.
Je pense également aux cent logements supplémentaires que nous envisageons de construire pour les soignants.
Le second point porte sur le dispositif Evasan en lui-même. Au titre de l’égalité de prise en charge entre tous les assurés, je pense comme vous, madame la rapporteure, que chaque Mahorais doit pouvoir avoir accès aux soins dont il a besoin, dès lors que la solution de prise en charge n’est pas disponible sur l’île.
Naturellement, l’hôpital continuera de piloter les Evasan qui relèvent de l’urgence, par exemple quand un patient doit subir une opération cardiaque ou une intervention de neurochirurgie.
Mais s’agissant des Evasan programmées après accord préalable, aussi appelées rapatriements sanitaires (Rapasan), je vous annonce aujourd’hui la création d’un guichet unique piloté par la caisse de sécurité sociale de Mayotte, sur le modèle de ce qui existe déjà et fonctionne en Corse.
Les travaux, déjà en cours, mobilisent l’ensemble des acteurs locaux – l’ARS, la caisse de sécurité sociale, l’hôpital et les professionnels de ville –, afin de concevoir un dispositif de guichet unique qui soit facilement identifiable et accessible par la population en cas de besoin, tout en permettant une meilleure coopération avec les services receveurs et un accompagnement renforcé des patients. Je vous propose ni plus ni moins d’organiser un parcours de soins en partenariat avec les services qui accueillent les patients.
Madame la rapporteure, j’ai bien compris l’urgence de la situation, notamment à la suite de nos derniers échanges. Je m’engage donc à ce que ce guichet unique soit mis en place d’ici à la fin du mois de juillet.
M. Philippe Vigier
Très bien !
M. Yannick Neuder, ministre
Parallèlement à la création de ce guichet, la création d’un système d’information dédié, le SI Evasan, garantira à toutes les parties prenantes de la visibilité sur ensemble sur toutes les demandes en cours.
Je suis de très près ces travaux : j’ai demandé qu’ils soient accélérés, entre autres afin de structurer dans les meilleurs délais une filière de recours solide à la Réunion. Cela permettra d’organiser les rendez-vous, par exemple en cardiologie ou pour les PET-scans en ambulatoire. Hier soir encore, j’ai échangé avec les acteurs locaux. Nous ferons tout pour que cette filière permettant d’organiser des Evasan programmées accessibles, prises en charge et gérées par la caisse de sécurité sociale, soit opérationnelle à la fin du mois de juillet.
Au-delà du sujet des Evasan, qui sont nécessaires, ma priorité est de consolider l’offre de soins sur le territoire – je l’ai dit d’entrée. C’est le sens du plan d’attractivité et de fidélisation des professionnels de santé à Mayotte que je défends, et que j’ai annoncé lors de mon déplacement sur l’île en avril, il y a environ trois semaines.
Pour moi, c’est le nerf de la guerre : il faut que toujours plus de soignants rejoignent ceux qui s’engagent à Mayotte, et, surtout, que nous créions les conditions qui leur permettent d’y rester et de s’y projeter sur le long terme.
Ce plan d’attractivité et de fidélisation des professionnels de santé spécifique à Mayotte nous donne véritablement les moyens de valoriser les soignants mahorais, en prévoyant notamment d’améliorer le dispositif de l’indemnité particulière d’exercice (IPE), propre aux personnels hospitaliers mahorais, de créer une prime d’engagement spécifique pour les sages-femmes, de faciliter l’embauche de praticiens contractuels par des mesures dérogatoires, de valoriser l’engagement des personnels non médicaux s’agissant des métiers identifiés comme en tension, et d’exonérer fiscalement les émoluments de garde et d’astreinte pour les libéraux participant à la permanence des soins.
Naturellement, ce grand plan d’attractivité et de fidélisation porte aussi sur la formation. J’ai la conviction que le meilleur moyen de renforcer et d’ancrer nos forces vives sur le terrain est de former plus, mieux et au plus près des besoins.
C’est pourquoi je souhaite lancer prochainement une mission conjointe de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) sur l’opportunité, la faisabilité et les modalités de mise en œuvre d’une première année d’accès aux études de santé ainsi que d’une formation en maïeutique à Mayotte, afin de répondre aux besoins urgents du territoire en matière de professionnels de santé.
Je suis tout aussi mobilisé pour que le deuxième institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) de l’île puisse ouvrir ses portes et proposer quarante places de formation supplémentaires dès 2026, et soixante-cinq places à terme. En 2025, vingt-cinq places supplémentaires ouvriront déjà.
Les défis sanitaires et d’accès aux soins à Mayotte nous obligent. Face à cette situation, une seule boussole guide mes actions et mes décisions : être utile à la population et soutenir des solutions qui produisent des effets concrets.
Madame la rapporteure, je vous remercie d’avoir voulu inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour. Cela m’a permis de défendre clairement devant la représentation nationale des convictions fondées sur ce que j’estime être le plus bénéfique pour les habitants et pour le territoire de Mayotte. Je l’ai toujours dit : à mes yeux, les sujets de santé dépassent largement les divergences politiques et les oppositions partisanes.
C’est pourquoi je suis certain que nous saurons confronter nos points de vue en bonne intelligence, et surtout que nous arriverons à nous rejoindre sur l’essentiel – construire l’avenir de notre système de santé à Mayotte avec ambition et pragmatisme, au service de nos concitoyens mahorais. Nous devons surtout faire en sorte de nous retrouver dans les meilleurs délais pour faire en sorte que le guichet unique voit le jour dès la fin du mois de juillet. Il permettra d’éviter que les situations que vous avez évoquées ne se reproduisent. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. Philippe Vigier applaudit également.)
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à neuf heures vingt-cinq, est reprise à neuf heures trente-cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
M. le ministre de la santé s’étant engagé à faciliter les évacuations sanitaires privées, c’est-à-dire celles que les assurés sociaux mahorais payaient jusqu’à présent de leur poche – dans le désert sanitaire qu’est Mayotte, ils ont la plus grande difficulté à accéder aux remboursements –, le ministre s’étant engagé aussi à ouvrir le guichet unique et à prendre différentes mesures, au bénéfice des assurés sociaux, pour sortir notre territoire du désert sanitaire, je retire ma proposition de loi visant à étendre l’aide médicale de l’État à Mayotte.
Je remercie tous les groupes politiques qui, par leur soutien à gauche, par leur opposition dans le bloc central et à droite (Sourires), ont permis de mettre la pression sur le gouvernement.
M. Fabien Di Filippo
De rien !
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
L’avancée que nous venons d’obtenir est très importante pour les assurés sociaux. Mes propos semblent peut-être amers, mais à Mayotte nous sommes désespérés : l’état de santé des habitants est très mauvais et le CHM est complètement effondré. Je remercie donc le groupe LIOT de m’avoir permis de défendre ce texte en première position dans cette niche. Nous venons d’obtenir une avancée importante pour les assurés sociaux de Mayotte. Chers collègues, il s’agit de la santé de vos compatriotes et je vous remercie sincèrement de votre soutien. Je remercie également notre administratrice, Mme Sicard, qui m’a accompagnée au cours de mes travaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – Mme Annie Vidal, suppléant M. le président de la commission des affaires sociales, et M. Jacques Oberti applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Neuder, ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
Chère Estelle Youssouffa, j’apprécie la façon dont nous avons travaillé, et je remercie le groupe LIOT d’avoir inscrit cette proposition de loi à l’ordre du jour de sa niche parlementaire. Le sujet que vous avez soulevé avec ce texte est un sujet sur lequel je me suis penché à deux reprises, depuis cinq mois que je suis ministre de la santé, en me rendant sur l’île. J’ai conscience des difficultés de l’organisation du système de soins à Mayotte, très hospitalo-centrée. Les projets de reconstruction et de restructuration de l’hôpital, sur le site et à Combani, sont en cours, mais un plan d’attractivité globale est nécessaire pour les professionnels de santé médicaux et paramédicaux. Le cyclone n’a évidemment pas arrangé la situation. Il convient de relever l’organisation du système de soins en développant le tissu des professionnels de santé de ville. Celui-ci est trop insuffisant actuellement pour que le dispositif de l’Evasan hospitalo-centré soit maintenu.
Pour nous, l’intérêt des patients passe avant tout. Les patients hospitalisés qui nécessitent une évacuation sanitaire seront transportés depuis l’hôpital jusqu’à d’autres structures hospitalières, prioritairement à La Réunion, mais aussi en métropole si besoin.
S’agissant des soins programmés – par exemple, un avis en cardiologie ou en ophtalmologie, un bilan de prévention dans le cadre d’une campagne de dépistage du cancer –, il n’est pas acceptable que nos compatriotes mahorais subissent des délais de prise en charge rallongés, qui peuvent nuire à terme à leur santé et à leur pronostic. Je réaffirme donc notre volonté de mettre en place le guichet unique, avant la fin du mois de juillet, sur la base d’une entente préalable et d’une organisation conjointe entre la caisse primaire d’assurance maladie et l’agence régionale de santé. Ce dispositif permettra de remédier au plus vite à la situation.
Je vous remercie pour ce travail constructif ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. Philippe Vigier applaudit également.)
Mme la présidente
Il est pris acte du retrait de la proposition de loi par son auteure en application de l’article 84, alinéa 2, du règlement. En conséquence, il n’y a pas lieu de poursuivre la discussion sur ce texte.
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Yoann Gillet, pour un rappel au règlement.
M. Yoann Gillet
Sur le fondement de l’article 100, concernant la bonne tenue des débats, madame la présidente.
Mme la rapporteure a décidé de retirer sa proposition de loi visant à étendre l’aide médicale de l’État à Mayotte. Nous nous en félicitons, puisque, vous le savez, le Rassemblement national s’oppose avec la plus grande fermeté à cette mesure. Il y a lieu de… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur.)
Mme la présidente
Merci monsieur Gillet, le texte a été retiré. Il n’est donc pas opportun d’entamer la discussion générale. Nous allons passer à la suite.
(La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.)
2. Simplification du droit de l’urbanisme et du logement
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’une proposition de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Harold Huwart et plusieurs de ses collègues de simplification du droit de l’urbanisme et du logement (nos 1240, 1378).
Présentation
Mme la présidente
La parole est à M. Harold Huwart, rapporteur de la commission des affaires économiques.
M. Harold Huwart, rapporteur de la commission des affaires économiques
Je tiens dans mes mains deux versions du code de l’urbanisme que vingt ans séparent – 1 200 pages pour la première, 3 600 pour la seconde. Vingt ans pendant lesquels le législateur a généralisé les plans locaux d’urbanisme intercommunal (PLUI), créé les schémas de cohérence territoriale (Scot) et les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet). Vingt ans pendant lesquels le législateur a multiplié, pour chaque projet, les précautions, les consultations obligatoires, les autorisations obligatoires et les études obligatoires, avec un résultat prévisible et un inconvénient majeur : aujourd’hui, en France, les délais n’ont jamais été aussi longs, les recours n’ont jamais été aussi nombreux, la construction de logements n’a jamais été aussi compliquée, le nombre de logements neufs construits n’a jamais été aussi bas et le nombre de Français en attente d’un logement n’a jamais été aussi élevé.
Quatre millions de ménages sont dans l’attente d’un logement, dont 2,8 millions dans le secteur du logement social. Dans le seul département d’Eure-et-Loir, dont je suis l’élu, les bailleurs sociaux que je présidais n’ont été capables de livrer que 600 logements neufs, pour plus de 30 000 demandes, en 2024. Il faut remonter à 1948 et à la grande crise du logement de l’après-guerre pour retrouver des chiffres équivalents.
Je vous épargnerai la liste des exemples absurdes et extrêmes qui illustrent cette réalité navrante : nous avons perdu la maîtrise des conséquences des législations que nous adoptons. Je ne le ferai pas parce que je crois que ce serait une erreur de rejeter les grands acquis de notre législation. C’est l’intérêt de la France de protéger au mieux ses paysages, sa biodiversité, son patrimoine et la mixité sociale. C’est l’honneur de notre État de droit de garantir à chaque citoyen de larges voies de recours au juge dans ses relations avec la puissance publique.
Toutefois, ces principes une fois posés, dans le cadre nécessairement restreint de cette niche et de cette proposition de loi, nous sommes forcés de constater, en tant qu’élus locaux ou anciens maires, qu’il y a dans les procédures auxquelles nous avons été confrontés des délais et des coûts qui ne sont plus justifiables et dont nous pourrions faire l’économie sans remettre en cause aucune des garanties de notre droit.
C’est le cas de certaines révisions de plans locaux d’urbanisme, qui peuvent être menées sur la base de la procédure simplifiée, faisant ainsi gagner plus de six mois d’enquête publique sur des documents qui ont déjà fait l’objet d’une procédure complète. C’est le cas des reconversions de friches commerciales en logements, qui pourraient bénéficier de la même procédure que celle prévue par notre collègue Romain Daubié pour les reconversions de bureaux, ce qui ferait gagner six à trente-deux mois. C’est le cas des dérogations aux plans locaux d’urbanisme, qui existent déjà dans certaines catégories de communes, mais pas dans celles où la crise du logement est la plus aiguë. C’est le cas du recours gracieux, dont tous les rapports de juristes et du Conseil d’État signalent qu’il ne joue plus du tout son rôle de temps de dialogue et qu’il est systématiquement instrumentalisé dans le cadre de manœuvres dilatoires aboutissant toutes devant le juge administratif.
Je parle de délais et de surcoûts car il ne faut pas oublier que tous ces délais sont aussi des coûts. Quand un Scot devient caduc parce que la collectivité a laissé passer le délai de son évaluation, ce sont 400 000 euros et un an de procédure qui sont nécessaires pour le rétablir. Quand un PLUI doit être révisé, même pour un projet mineur, ce sont entre 200 000 et 500 000 euros et un an de procédure qui sont nécessaires, alors même qu’une procédure identique a déjà été menée, parfois quelques mois auparavant. Il en est de même des obligations de solarisation et de végétalisation. Nous avons eu sur ce point un débat nourri en commission et je remercie nos collègues qui ont majoritairement confirmé notre point de vue selon lequel, en l’état actuel des prix de l’énergie photovoltaïque, un très grand nombre de projets, notamment publics, pourraient être bloqués par ces obligations de solarisation et de végétalisation.
Je sais que les associations d’élus, notamment l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, sont très attachées à l’assouplissement que nous proposons – j’ai eu l’occasion d’échanger avec elles hier encore –, mais je vous proposerai de supprimer cette disposition parce que je considère, avec mes collègues du groupe LIOT, qu’un texte de simplification devrait toujours être un texte de consensus et parce que j’ai la conviction que cette disposition pourra être réexaminée dans un cadre plus approprié, la proposition de loi du sénateur Daniel Gremillet sur la politique énergétique de la France.
Le point de blocage résulte d’abord des obligations et du prix de rachat de l’électricité photovoltaïque. C’est la raison pour laquelle je donnerai un avis favorable aux amendements de suppression de cette disposition. Je le ferai parce que, vous l’avez compris, mes collègues du groupe LIOT, que je remercie d’avoir soutenu le texte, sont très attachés à ce qu’il aboutisse. Je remercie donc Mme la ministre chargée du logement d’avoir inscrit cette proposition de loi à l’ordre du jour du Sénat le 17 juin, en vue d’une commission mixte paritaire le 23 juin et d’une promulgation dans la foulée. C’est un signal important car ce texte est attendu et il y a urgence.
Les principales victimes de notre incapacité à produire des logements neufs ne sont pas les maires, ni les acteurs de l’immobilier ; ce sont les Français les plus modestes, les plus fragiles, dans les zones les plus tendues, notamment dans le secteur du logement social, aujourd’hui le plus attaqué.
Cette situation nous ramène, dans certains territoires, aux années les plus difficiles de l’après-guerre, à une époque que nous n’avons pas connue où les plus grands orateurs de l’Assemblée nationale se succédaient à la tribune pour rappeler cette vérité d’évidence, mais si chèrement acquise, selon laquelle le premier devoir matériel de la République, après l’éducation et la santé, est de garantir à chaque citoyen, pour lui-même et sa famille, le droit à un logement digne et décent. Cet objectif, mes chers collègues, doit plus que jamais nous rassembler et nous mobiliser aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. Philippe Vigier applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée du logement.
Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement
Le constat est clair : la complexité de nos normes est aujourd’hui l’un des principaux freins à la production de logement. Nous savons que sans créer de nouveaux logements, nous ne saurons pas apporter de réponses aux millions de Français qui rencontrent des difficultés à se loger à prix abordables et dans de bonnes conditions. Mais ces projets, c’est un fait, peinent aujourd’hui à se lancer, ralentis par un corpus de règles toujours plus étoffé et des contentieux en série.
Tous les efforts que je mène – que vous menez aussi, parlementaires siégeant sur tous bancs – pour assurer la pérennité du logement et de notre logement social, pour consolider un modèle économique, pour développer l’habitat pour tous, étudiants, seniors, personnes aux revenus faibles, ces efforts, nous devons les prolonger par la simplification des procédures et des règles.
Je tiens à le redire : il est dans l’intérêt de tous de simplifier. Élus des collectivités, professionnels de l’aménagement, du bâtiment et de l’urbanisme, citoyens, tous font partie de cette chaîne d’actions qui fait qu’un projet de logement sort de terre. De l’habitant qui souhaite construire sa maison au maire qui porte un projet d’équipement public, en passant par les chefs d’entreprise, tous plaident pour des règles plus lisibles, un droit plus accessible, un allégement des contraintes administratives et procédurales.
Après plusieurs années de crise sanitaire, économique, immobilière, il reste aujourd’hui difficile d’assurer l’équilibre des projets de construction de logements. J’ai réaffirmé l’engagement de l’État pour soutenir le secteur et la production, grâce aux mesures fiscales de la dernière loi de finances, comme la réduction de loyer de solidarité (RLS) ou le prêt à taux zéro (PTZ) ; grâce aussi à l’aide aux maires bâtisseurs ou aux subventions du programme Territoires engagés pour le logement, qui s’appuie sur les établissements d’aménagement.
Un vrai levier de relance économique, c’est la simplification. Les études qui se multiplient, représentent aujourd’hui jusqu’à 10 % d’augmentation du coût des projets. Des mois de délais d’instruction ou de contentieux, ce sont des frais supplémentaires de portage du foncier et une remise en cause des bilans d’opération.
Les axes prioritaires de simplification sont désormais bien identifiés : faciliter l’évolution des documents d’urbanisme, pour réaffirmer le rôle de la planification sans qu’elle soit perçue comme un obstacle ; donner de la souplesse aux procédures, pour soutenir l’émergence et la réalisation des projets ; faciliter l’accès à l’ingénierie, enjeu majeur pour nos petites communes, notamment rurales ; améliorer et accélérer l’instruction des projets et la délivrance des permis, mais aussi les délais du contentieux, qui restent très longs.
Sur tous ces points, le texte très utilement présenté par le groupe LIOT formule des propositions pertinentes, que je soutiens, et je tiens à le remercier, ainsi que le rapporteur, Harold Huwart, pour ce travail de fond sur ces sujets techniques mais centraux.
Une fois de plus, l’initiative parlementaire a prouvé toute sa pertinence et son efficacité, comme l’avaient déjà confirmé la loi portée par Annaïg Le Meur et Inaki Echaniz sur la régulation des meublés touristiques, ou la proposition de loi de Romain Daubié sur la transformation de bureaux en logement, dont le passage en commission mixte paritaire est imminent.
Je suis convaincue que nous pouvons trouver un espace de consensus pour adopter des mesures concrètes, attendues, de simplification de l’urbanisme et du logement. La simplification du quotidien des Français est notre responsabilité à tous, Gouvernement comme parlementaires, État comme collectivités.
Sachez que je suis à votre écoute pour continuer à travailler ensemble afin d’enrichir cette proposition de loi dans la suite de la navette parlementaire. Je vous remercie d’avance pour les débats que nous allons engager. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
Discussion générale
Mme la présidente
Dans la discussion générale, la parole est à M. Joël Bruneau.
M. Joël Bruneau
Compte tenu de la richesse de la niche parlementaire du groupe LIOT, j’irai à l’essentiel concernant cette proposition de loi présentée par mon éminent collègue Harold Huwart, qui mérite d’être adoptée à un double titre.
D’abord, parce qu’il s’agit d’un texte important et utile en ce qu’il apporte des éléments de réponse pour remédier à la gravissime crise que connaît notre pays en matière de construction de logements – les chiffres ont été rappelés, je n’y reviendrai pas. Tout ce qui peut être entrepris pour faciliter la construction de logements et réduire l’attente de nos concitoyens est un pas en avant.
Ensuite, sans nullement détricoter le droit de l’urbanisme, cette proposition de loi entend redonner confiance aux maires. Premiers à être confrontés aux demandes de nos concitoyens, ils sont souvent désespérés devant la complexité administrative à laquelle ils font face quotidiennement.
Si nous adoptons ce texte, ce sera donc au bénéfice des acteurs de terrain comme de l’ensemble de nos concitoyens, un bénéfice immédiat puisque, vous l’avez compris, le processus législatif engagé devrait permettre à ces mesures de simplification de s’appliquer très rapidement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Brugerolles.
M. Julien Brugerolles
Nous sommes conviés à nous pencher aujourd’hui sur un texte qui repose sur un constat partagé par tous : la complexité des démarches de délivrance des autorisations ou de révision des documents d’urbanisme, qui place nombre d’élus devant des difficultés bien réelles pour faire avancer des projets d’intérêt général.
Nous partageons ce légitime souci de remédier à certaines lourdeurs administratives et de faciliter le travail de nos élus. Néanmoins, le texte qui nous est proposé aujourd’hui soulève un certain nombre de difficultés.
Simplifier n’est pas déréguler, et la facilitation du travail des élus ne saurait se traduire par des coups de canif dans les objectifs de transition écologique ou dans les procédures de participation du public. Nous savons tous ici que l’expertise des projets comme la consultation des citoyens réclament du temps et, sous prétexte d’accélérer, nous pouvons être tentés d’imposer de manière autoritaire des choix qui affectent pourtant directement le cadre de vie de nos concitoyens.
Si nous ne doutons pas un seul instant de la sincérité de votre démarche, monsieur le rapporteur, votre texte comporte un certain nombre de mesures très discutables.
Vous faites, en premier lieu, le choix de revenir sur une disposition votée il y a deux ans, qui impose d’installer des panneaux photovoltaïques ou de végétaliser l’ensemble des bâtiments secondaires et tertiaires non résidentiels ayant une emprise au sol supérieure à 500 mètres carrés. En portant ce seuil à 1 000 mètres carrés, vous videz cette obligation de sa substance, alors que ces surfaces bâties et artificialisées doivent être privilégiées, notamment pour l’installation du photovoltaïque. Cette remise en cause est en contradiction avec nos objectifs énergétiques et climatiques, comme avec la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie.
De même, nous ne sommes pas favorables à l’extension de la possibilité de recourir à une procédure de modification simplifiée des plans locaux d’urbanisme (PLU) par le passage de 20 à 50 % du seuil de majoration de construction. Nous restons convaincus en effet que ce n’est pas en contournant les procédures d’enquête publique pour gagner six mois que l’on améliorera ou affinera l’acceptabilité et la pertinence des projets.
En commission, nous avons longuement débattu également des dispositions de l’article 2, qui viennent assouplir les règles applicables aux résidences hôtelières à vocation sociale pour proposer une offre de logements temporaires dérogatoire, au détriment du droit au logement des publics les plus fragiles. Vous avez fait adopter un amendement qui exclut du dispositif toutes les résidences hôtelières existantes : c’est une position de sagesse que nous saluons. Reste que, dans le contexte actuel de pénurie sans précédent de logements sociaux, la priorité n’est pas de développer des logements temporaires mais bien de construire des logements sociaux en proportion suffisante pour régler la difficulté que vous soulevez en matière de logement des personnes en mobilité professionnelle.
Je voudrais enfin évoquer les mesures dérogatoires au PLU, en particulier celle relative à la possibilité d’autoriser la construction de logements, nonobstant les dispositions du PLU relatives aux zones d’activités économiques (ZAE). Cette évolution nous semble contestable et de nature, comme d’autres mesures, à déréguler le droit de l’urbanisme, au détriment du cadre de vie et de la vitalité économique des territoires. Les ZAE, en raison de leur vocation monofonctionnelle, offrent aujourd’hui aux entreprises la possibilité d’accéder à un foncier accessible. Y autoriser la construction de logements pourrait provoquer un effet d’appel des opérateurs immobiliers, au risque d’une spéculation accrue, notamment dans les zones tendues où nous risquons de voir des entreprises vendre leur terrain pour se délocaliser, au détriment du tissu économique local.
En outre, ces ZAE sont des zones d’activités : voulons-nous que les habitants qui seront logés dans ces zones subissent les nuisances inhérentes à ces espaces, comme le bruit et la pollution, et surtout sans disposer des services publics de proximité essentiels ? En tout état de cause, comme pour d’autres mesures du texte, il nous faudrait disposer d’une étude d’impact approfondie.
Mon collègue Jean-Victor Castor défendra des amendements propres à la Guyane et à la situation particulière de ce territoire.
À ce stade quoi qu’il en soit, nous restons très réservés sur ce texte, et notre vote final dépendra de l’évolution du débat qui s’ouvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Fayssat.
M. Olivier Fayssat
À l’heure où la nation vient de commémorer la fin de la seconde guerre mondiale, nous pouvons rappeler, en écho à la présente proposition de loi, le souvenir de la crise du logement d’une ampleur inédite qui frappa la France à la sortie du conflit mondial. Des villes entières gisaient en ruines ; environ 400 000 immeubles furent détruits et deux millions endommagés. Ce fut l’époque du surpeuplement, de l’insalubrité comme norme. C’est dans ce contexte dramatique que l’État, par une volonté ferme et réformatrice, lança d’ambitieux programmes publics de reconstruction et de logements sociaux, redonnant espoir à une société brisée.
Près de quatre-vingts ans plus tard, la France connaît à nouveau une crise du logement profonde, multiforme et inquiétante. À ce jour, 4,2 millions de personnes sont mal logées ou privées de logement personnel, près de 2,76 millions de ménages patientent, souvent en vain, sur les listes de demandes de logements sociaux.
Cette précarisation rampante du droit au toit s’accompagne d’une chute vertigineuse des constructions neuves : entre février 2024 et janvier 2025, 332 100 logements ont été autorisés à la construction, soit 28 % de moins qu’avant la crise sanitaire – c’est ausi une baisse de 11,4 % en un an.
À cela s’ajoute un fléau plus insidieux mais tout aussi paralysant : celui du blocage administratif. Une prolifération de normes, une complexité des procédures d’urbanisme, des délais dissuasifs : autant d’entraves à la réalisation de projets vitaux, qu’ils soient résidentiels ou tournés vers la transition écologique. Les documents d’urbanisme – PLU, Scot – apparaissent rigides, inadaptés à la réactivité qu’imposent nos enjeux contemporains.
Face à ces obstacles, la présente proposition de loi se veut pragmatique et salutaire. Elle s’inscrit dans une volonté claire : accélérer la production de logements, notamment dans les zones tendues, en assouplissant les règles de révision et de modification des documents d’urbanisme. Elle autorise la dérogation à l’interdiction de construire des logements dans certaines zones d’activités, et permet de délimiter des secteurs où les logements devront être exclusivement à usage de résidence principale, dans une logique de justice sociale et territoriale. Enfin, elle entend réduire le millefeuille réglementaire en clarifiant les cas de révision obligatoire ou facultative des Scot et PLU, en allégeant les procédures pour les collectivités et les porteurs de projet.
Elle renforce aussi l’effectivité du contrôle par un arsenal dissuasif : des amendes rehaussées à 1 000 euros par jour et jusqu’à 100 000 euros en cas d’infraction manifeste.
Nous espérons que les élus locaux auront la volonté d’utiliser les moyens mis ici à leur disposition pour lutter efficacement contre les constructions illégales et notamment contre le phénomène de cabanisation qui défigure et pollue de nombreuses zones rurales.
Nous avons tous vu ces caravanes délabrées ou ces yourtes de plastique installées par des militants pseudo-écologistes, pacifistes mais très agressifs, contestataires de toutes les règles, mais bénéficiaires de toutes les aides publiques qui leur permettent de faire financer par le système leur refus du système et leur oisiveté.
Nous regrettons cependant que ce texte facilite les modifications simplifiées des documents d’urbanisme nécessaires à l’émergence de projets d’énergie renouvelable, ou encore à la création de zones d’accélération de la production d’énergies renouvelables (ZAER). Nous connaissons l’hypocrisie de ces énergies alternatives inadaptées et très contestées, et persistons dans notre certitude qu’il faut encourager le nucléaire.
Conscient de la gravité de la situation, et fidèle à sa vocation républicaine de répondre aux besoins avec pragmatisme, le groupe UDR votera pour cette proposition de loi, qui est un pas dans la bonne direction. Et nous espérons que de nombreuses autres mesures chères au groupe d’Éric Ciotti seront reprises afin de dynamiser le marché de l’immobilier.
Nous sommes en effet convaincus, depuis la fondation de l’UDR, que la suppression des normes saura libérer l’économie : suppression de l’objectif de Zéro artificialisation nette (ZAN), des zones à faibles émissions (ZFE), des SRADDET, des SCoT et des PLUI pour revenir aux PLU communaux. Ajoutons la suppression de l’encadrement des loyers, abrogation des dispositions sur les logements sociaux de la loi dite solidarité et renouvellement urbain (SRU) et du droit au logement opposable (Dalo).
Nous devons rendre aux élus locaux la maîtrise de leur aménagement. Libérons les projets bloqués par des réglementations excessives ! Les communes retrouveront leur liberté de décision et d’attribution.
Le groupe UDR a proposé deux autres mesures : un moratoire sur les diagnostics de performance énergétique (DPE) afin de redonner de la liberté aux propriétaires et de fluidifier le marché immobilier, ainsi que la réduction de 30 % du parc immobilier de l’État sur cinq ans, en louant, cédant ou optimisant les bâtiments sous-utilisés ou inutiles.
Enfin, une baisse de l’imposition sur les plus-values et de la taxation du patrimoine immobilier est indispensable pour motiver les investisseurs privés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric-Pierre Vos.
M. Frédéric-Pierre Vos
Notre droit de l’urbanisme est en souffrance depuis l’arrêt du Conseil d’État du 25 novembre 1991 relatif à la commune de Saint-Palais-sur-Mer, qui avait mis en défaut le système d’occupation des sols élaboré dans les années 1960, et démontré que l’accumulation des normes pouvait, par le biais d’une exception d’illégalité, défaire tout le travail des communes.
Cette exception d’illégalité permettait, en faisant tomber le plan d’occupation des sols (POS), de faire annuler les permis de construire. Beaucoup d’entre vous, et beaucoup de professionnels, ont alors commencé à juger que les recours étaient abusifs, ce qui est faux. Les recours abusifs sont des recours répétitifs voués à l’échec. Les trop nombreuses réformes qui ont visé à limiter les recours, alors qu’ils n’expriment que le droit de mener une action en justice et qu’ils ne constituent qu’une voie de droit, ont abouti à des échecs.
Beaucoup trop de recherches de simplification menées depuis 1994, date de la petite réforme de l’urbanisme, se sont transformées en normes d’accumulation. Elles ont cherché à ronger le cercle de l’intérêt pour agir des auteurs de requêtes, en complexifiant les conditions du dépôt des recours et de leur instruction par le juge.
Mais l’eau trouve toujours son chemin lorsqu’elle veut aller à la mer, si bien que les requérants, comme les avocats, ont trouvé les moyens de continuer de déposer des recours. D’un droit simple, le droit de l’urbanisme est devenu un droit complexe.
Depuis 1994, la loi SRU – une loi technique et très politique – puis les lois Elan et Alur n’ont fait, comme le disait M. le rapporteur, qu’alourdir un code qui, initialement simple, est devenu obèse.
Le Conseil d’État est à l’origine de cette complexification, tout en déplorant d’avoir accouché de ce monstre hybride. Le droit de l’urbanisme, branche du droit administratif, est devenu un droit mutant, dont vous cherchez à montrer qu’il paralyse l’action des promoteurs. Ayant travaillé dans cette branche pendant de nombreuses années, je n’ai en effet vu que des systèmes s’accumuler et se contredire.
Nous sommes les victimes de ce que nous avons laissé faire, et, en tant que législateurs, nous devons à présent reprendre le travail de simplification de la norme. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail mené dans ce sens par notre collègue Huwart.
Pour encadrer les recours prétendument abusifs, il faut imposer le ministère d’avocats – cela n’exclura pas les plus démunis, qui pourront toujours faire appel à l’aide juridictionnelle.
Le mieux est toujours l’ennemi du bien. La simplification que nous cherchons à mener est essentielle, mais restera de l’ordre de la mesurette. J’appelle les pouvoirs publics à engager une véritable réforme de synthèse du code de l’urbanisme, notamment en attaquant les normes obèses que sont devenues les PLU.
Nous nous opposerons à la suppression du droit à déposer un recours gracieux, car il reste une soupape de sécurité citoyenne. Récupérer un permis de construire en mairie ne signifie aucunement qu’on pourra le contester trois jours après : l’étude d’un permis prend du temps, et le recours grâcieux sert à donner ce temps.
En revanche, le législateur ne peut faire l’impasse sur la rationalisation des recours déposés par des associations agréées, dont l’objectif est plus souvent politique que juridique. Trop souvent, ces structures, sous couvert de défense de l’environnement ou du cadre de vie, engagent des procédures sans lien réel avec l’intérêt général. L’affaire de l’A69 vient de le montrer.
Nous devons nous assurer que les associations qui déposent un recours soient vraiment ancrées localement et qu’elles justifient d’un intérêt à agir sincère, pas d’un activisme procédurier et politique.
Mme la présidente
Il faut conclure, monsieur le député.
M. Frédéric-Pierre Vos
Le Rassemblement national sera toujours du côté de la simplification normative et de l’amélioration des rapports entre les citoyens et l’administration, mais aussi résolument contre toute atteinte aux intérêts fondamentaux du justiciable. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie Lebec.
Mme Marie Lebec
Transformer des zones économiques en logements, oser l’expérimentation pour mieux gérer la densité urbaine, créer des infrastructures au sein de leur territoire : tant de projets proposés par nos élus locaux pour améliorer le cadre de vie de leurs habitants. Je le constate sur le terrain, dans ma circonscription des Yvelines. En tant que parlementaire, c’est notre responsabilité de soutenir les mesures qui entendent donner plus d’agilité à nos collectivités.
Au nom du groupe Ensemble pour la République, je souhaite tout d’abord saluer l’ambition soutenue par le groupe LIOT, et particulièrement par vous, monsieur le rapporteur, dans cette proposition de loi.
Simplifier le droit de l’urbanisme et du logement s’inscrit dans la continuité de l’action engagée en matière de simplification par le groupe EPR depuis huit ans. En témoignent le prélèvement à la source pour simplifier la vie des Français, la suppression du Kbis pour nos entreprises, la simplification des procédures environnementales ou encore la réhabilitation des friches industrielles dans nos collectivités.
Nous soutenons la facilitation des procédures d’urbanisme voulue par ce texte. La suppression de la caducité des Scot ou l’élargissement des missions des SPLAIN – sociétés publiques locales d’aménagement d’intérêt national – sont des mesures pragmatiques qui visent à accompagner les territoires et à favoriser leur reconversion. En votant l’élargissement des responsabilités des SPLAIN, nous accompagnons les projets de transformation des espaces urbains dans la durée, par exemple à Marseille, car elles permettent de créer des aménagements de proximité pour les habitants.
Par ailleurs, les dispositions du texte en matière de logement, qui vont au-delà de la question du logement social, sont certes perfectibles, mais elles cherchent à répondre à des difficultés réelles. Les salariés de mon territoire, par exemple, subissent les conséquences d’une pression foncière très forte. Quand les salariés ne peuvent plus se loger, les entreprises partent.
Notre groupe défendra un amendement pour aller plus loin dans la revalorisation de certains de nos territoires comme les secteurs pavillonnaires à requalifier, les ZAE situées en périphérie des villes mais bien reliées aux centres stratégiques. Ces espaces peuvent être transformés et constituent un vivier à revitaliser pour construire des logements abordables. Nous devons soutenir ces solutions concrètes qui permettent d’aider nos territoires et nos habitants.
Soutenir ce texte c’est aussi apporter une réponse à ceux qui croulent sous les recours abusifs et les contentieux. La France est le pays des procédures infinies, qui mènent parfois à l’abandon des projets ; 13 820 requêtes ont été enregistrées par les tribunaux administratifs en 2021. Les procédures juridictionnelles durent vingt-trois mois en moyenne, rien qu’en première instance. Soyons fermes sur les constructions illégales, mais pragmatiques dans l’évaluation des recours.
Nous proposerons par voie d’amendement une procédure préalable de recours qui permettra de gagner du temps. Les chiffres montrent que l’on perd trop de temps à examiner des recours irrecevables, qui ne visent qu’à bloquer les projets, au lieu de développer les activités économiques et de proposer des solutions de logements qui contribueraient notamment au respect de la loi SRU.
Au nom du groupe Ensemble pour la République, je tiens à rappeler que les obligations de végétalisation et de solarisation de nos bâtiments publics sont des mesures ambitieuses, qui permettent de développer nos énergies renouvelables et surtout, de rendre nos collectivités plus autonomes. Elles ne méritent pas d’être abandonnées et notre groupe restera vigilant afin que cette proposition de loi n’engage pas un retour en arrière sur le sujet.
Enfin, certains groupes se saisissent ce texte comme d’un prétexte pour ressasser leur opposition à la loi SRU, alors qu’il n’est pas le véhicule législatif approprié pour en discuter. Ne polluons pas les débats sur un texte doté de solutions durables qui vont dans le sens de la responsabilité et de l’efficacité.
Cette proposition de loi sur la simplification, qui est un chantier complexe, n’est pas parfaite, mais elle propose des mesures concrètes pour alléger la vie de nos élus et renforcer l’attractivité de nos territoires. Le groupe Ensemble pour la République la votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Nous voilà, à nouveau, sur un texte de simplification, une de vos marottes au nom de laquelle nous passons un grand nombre d’heures à taper aveuglément sur… les normes.
Cette fois, il concerne le droit de l’urbanisme et prétend s’attaquer à un problème majeur, central, urgent : la crise du logement.
Rappelons les chiffres : le nombre de personnes sans-abri a doublé en dix ans, 735 personnes sont mortes dans la rue en 2024, le nombre d’expulsions locatives a augmenté de 49 % à cause de la terrible loi Kasbarian, 2,7 millions de ménages attendent aujourd’hui un logement social, et 15 millions de personnes étaient en situation de mal-logement en 2024. À côté de cela, les crédits du logement ont subi des coupes de 1,6 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2025. (M. Maxime Laisney applaudit.)
Face à ce problème titanesque, empiré par huit années de macronisme, qui demanderait de grands investissements, j’aimerais pouvoir vous dire que ce texte manque simplement d’ambition, qu’il est loin du « grand soir », mais le problème est bien plus grave.
Ce texte est, à beaucoup d’égards, dangereux. Peut-être est-ce indépendant de la volonté du rapporteur, mais il s’inscrit dans un grand mouvement de régression écologique et démocratique, que nous voyons déjà à l’œuvre dans le projet de loi dit de simplification de la vie économique. Il ouvre une brèche dans laquelle s’engouffrent volontiers l’extrême droite et la droite extrêmisée.
Dès votre article 1er, on constate que « simplifier » signifie « reculer ». En l’espèce, il s’agit de reculer sur les obligations de solarisation et de végétalisation des toitures des bâtiments publics, obligation votée il y a seulement deux ans, et déjà abandonnée avec l’accord du gouvernement.
Et la droite surenchérit : passons l’obligation à 2 500 mètres carrés, repoussons les échéances, mettons la tête encore plus profondément dans le sable devant les nécessités de l’impératif écologique ! À droite, dans cet l’hémicycle, ils souhaitent bazarder toutes les normes sociales et environnementales (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP), et ce genre de textes leur en donne les moyens.
Avec l’article 2, vous remettez en cause la destination des résidences hôtelières à vocation sociale (RHVS), en voulant en ouvrir l’usage aux travailleurs qui viendraient dans des régions en cours de réindustrialisation. C’est très grave, monsieur le rapporteur, car ces logements sont destinés aux plus précaires des plus précaires, à celles et ceux qui n’ont d’alternative que la rue.
Par ailleurs, nous avons envie d’interroger nos collègues macronistes : de quelle réindustrialisation parlez-vous ? Où a-t-elle lieu ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Nous constatons au contraire aujourd’hui une grave désindustrialisation, avec plusieurs centaines de milliers d’emplois supprimés. Demain, croyez-moi, en l’état des choses, nous aurons bien plus besoin de logements d’urgence pour les plus précaires, les pauvres et les mal-logés que votre politique aura créés, que pour les travailleurs venus réindustrialiser nos régions. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Vous nous servez un antidote empoisonné, disons-le clairement. Nous nous opposerons fermement à la plupart des dispositions de ce texte. Nous dénonçons l’opération qui consiste à se cacher derrière une pseudo-simplification pour introduire des régressions, qu’elles soient écologiques ou sociales. Ce texte contient une série de mesures qui fragilise les documents de planification, alors que les PLU et les Scot sont des outils fondamentaux pour insérer les projets de construction dans un processus démocratique et assurer que le projet ne crée ni conflit ni incompréhension dans les territoires.
Le temps qu’exige la démocratie est vital pour faire aboutir des projets d’intérêt général ; il faut que nous tombions d’accord sur ce point. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Si vous souhaitez résoudre la crise du logement, venez avec des véritables solutions.
En réalité, la simplification est un aveu d’échec : on l’a vu lors de nos échanges en commission au sujet de l’article 1er et de l’obligation de solarisation. On a invoqué le manque de moyens pour mettre en œuvre cette politique pour justifier sa suppression. Si l’on souhaite résoudre la crise du logement, il faut apporter de vraies solutions et investir.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Bien sûr !
Mme Claire Lejeune
Monsieur le rapporteur, si vous souhaitez résoudre la crise du logement, exigez avec nous un budget à la hauteur des besoins (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP), pour rénover et pour construire, sans retirer des logements destinés aux précaires, sans feindre que pour loger Paul, il faudrait déloger Pierre, sans déroger à notre exigence de respect de l’environnement et sans vous dérober face au dérèglement climatique. (Mêmes mouvements.)
Il nous faut beaucoup plus d’ambition et surtout beaucoup plus de moyens. Ce texte de simplification n’est pas une solution ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Andrée Taurinya
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Pribetich.
M. Pierre Pribetich
La proposition de loi que nous examinons est inhabituelle pour une journée de niche parlementaire, tant son potentiel périmètre d’application pourrait être large et source de débats. Le nombre d’amendements déposés sur ce texte, malgré la réserve que les niches parlementaires appellent et que notre groupe a respectée, en est la preuve.
Plus de dix ans après la loi Alur, il est nécessaire, madame la ministre, de dresser un bilan d’étape et de mener une réflexion plus globale sur notre politique d’urbanisme et sur un changement de paradigme afin de passer d’un urbanisme de régulation et de normes à un urbanisme de projet. Les socialistes, forts de leur expérience, sont prêts à s’impliquer dans cette nécessaire évolution vers un urbanisme inventif.
L’objectif est double : mieux prendre en considération les aspirations de nos concitoyens, notamment de tous les acteurs impliqués, et réduire par un dialogue a priori la judiciarisation des procédures d’urbanisme, dont les conséquences nuisent à toutes les parties prenantes et au droit au logement, disons-le clairement. Il nous faut être inventifs pour être plus participatifs, en phase avec une démocratie plus directe et participative.
Vous avez choisi ce texte, parce qu’il y a effectivement une urgence et une nécessité d’apporter à court terme des réponses à certaines situations particulières, notamment pour accompagner les grands projets de réindustrialisation de notre pays.
Les socialistes, forts de leur expérience dans l’exercice de responsabilités locales, seront toujours du côté de l’amélioration et de la simplification intelligente des procédures d’urbanisme, tant qu’elles préservent les intérêts et les droits de toutes les parties et tant que les aménagements sont proportionnés à des objectifs d’intérêt général.
C’est pourquoi nous soutiendrons les aménagements proposés pour accompagner la réalisation de nouveaux grands projets, notamment électronucléaires, ainsi que les autres projets d’intérêt national majeur (PINM). Nous avons néanmoins déposé quelques amendements ou sous-amendements pour mieux encadrer les propositions de nos collègues.
À l’inverse, pour les mêmes raisons, nous nous opposerons à tout allègement de procédure qui reviendrait à faire de la dérogation une forme de droit commun et non plus l’exception.
Nous nous opposerons également aux propositions qui viseraient à étendre la mesure relative aux RHVS à tout projet d’activité économique. On ne peut mettre un réacteur nucléaire ou une usine de batteries électriques sur le même plan qu’un entrepôt logistique. Les enjeux de souveraineté et de réindustrialisation doivent primer dans la réflexion législative.
Enfin, nous nous opposerons aussi aux amendements qui voudraient de manière détournée s’attaquer aux objectifs de réduction de l’artificialisation des sols ou à la loi SRU.
Nous nous satisfaisons du travail réalisé en commission. Je pense notamment à l’introduction dans le texte, grâce l’un de nos amendements, d’un article 1er A qui clarifiera et rationalisera les procédures de révision des PLU et Scot, ou au maintien du principe de caducité de ces derniers grâce au garde-fou que nous avons intégré à l’article 1er. Nous participerons à l’ensemble des débats et nous proposerons de limiter les délais d’instruction des recours gracieux à six mois, puisqu’ils sont une arme perverse, employée notamment contre les projets de logements sociaux.
Le droit au logement est un droit essentiel, fondateur de la liberté individuelle, à condition qu’il soit effectif, et pas seulement narratif. Il doit permettre de loger, ce qui requiert de créer et de réhabiliter des logements. Les documents d’urbanisme et d’aménagement doivent favoriser les conditions de construction de la ville, car les mains font la ville, mais ce sont les femmes et les hommes qui font la cité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Jeanbrun.
M. Vincent Jeanbrun
La proposition de loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement dont nous débattons est attendue et nécessaire. La crise que nous traversons est sans précédent : en 2023, la construction de moins de 380 000 logements a été autorisée en France, contre plus de 500 000 en 2017. Les besoins, eux, ne faiblissent pas : 500 000 logements par an seraient nécessaires, dont près de 200 000 logements sociaux. Ce n’est plus un écart. C’est un gouffre.
Ce gouffre, nous le mesurons tous dans nos territoires. Dans le Val-de-Marne, cher Sylvain Berrios, à L’Haÿ-les-Roses comme ailleurs, les maires, les élus locaux, les habitants, nous disent la même chose : il faut construire, il faut rénover, il faut adapter.
Le code de l’urbanisme a enflé de 40 % en dix ans. L’instruction d’un PLU peut durer jusqu’à huit ans. Les recours contentieux suspendent les projets pendant près de deux ans en moyenne. Dans ma commune, L’Haÿ-les-Roses, le projet Cœur de ville attend depuis plus de dix ans d’être achevé. Il faut rompre avec cette paralysie chronique.
C’est l’ambition de cette proposition de loi, que le groupe Droite républicaine soutient pleinement. Elle propose des mesures concrètes, pragmatiques et équilibrées. D’abord, elle redonne du pouvoir aux collectivités. Harmoniser les régimes des Scot et des PLU, c’est enfin reconnaître la réalité de terrain des élus et leur redonner le moyen d’agir.
Ensuite, elle facilite la construction intelligente. Relever de 20 % à 50 % le seuil de majoration à partir duquel un projet de modification doit être soumis à une enquête publique, c’est simplement permettre à nos villes d’évoluer plus facilement, sans que chaque projet ne devienne un parcours du combattant administratif.
En ce qui concerne les RHVS, il est pertinent, comme vous le proposez, d’élargir les publics accueillis et de les adapter aux besoins temporaires. Notre groupe a déposé une dizaine d’amendements notamment pour aller plus loin et étendre ce dispositif à d’autres besoins de développement économique, afin d’accompagner la revitalisation des territoires. J’espère que nous aurons un large soutien de l’hémicycle, car il est indispensable de loger rapidement une main-d’œuvre mobile, souvent confrontée à une offre locative classique insuffisante et inadaptée.
Enfin, ce texte, modernise sans renoncer à l’ambition écologique. Il maintient les exigences de végétalisation et de solarisation des bâtiments publics, mais relève l’emprise au sol à partir de laquelle elles deviennent obligatoires de 500 à 1 100 mètres carrés, afin de ne pas alourdir inutilement les projets des petites communes.
Soyons vigilants : la simplification ne doit pas se faire sans les maires. L’avis conforme du maire reste, à mes yeux, un pilier de l’acceptabilité locale. Sans lui, aucune politique de l’habitat ne pourra réussir.
Mes chers collègues, ce texte répond aux réalités du terrain, là où l’empilement des normes, au fil des Grenelle et des lois Alur, Elan ou « climat », a parfois produit l’effet inverse de celui recherché.
Notre groupe votera pour cette proposition de loi, parce qu’elle remet les élus locaux au c?ur du jeu, parce qu’elle redonne des marges d’action et parce qu’elle traite enfin la question de l’urbanisme comme une politique de solutions, et non de blocages. Il est temps de redonner aux collectivités les moyens d’agir. Il est temps de bâtir et de rebâtir mieux. (M. Sylvain Berrios applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Julie Ozenne.
Mme Julie Ozenne
La proposition de loi que nous examinons est présentée comme une réponse technique à la crise du logement. Une proposition de loi qui prétend lever les freins, fluidifier les procédures et sécuriser les projets. En somme, une promesse de simplification. Mais derrière cette apparente neutralité administrative, se dissimule en réalité un véritable choix politique : celui d’un urbanisme dérégulé, affranchi des exigences de planification écologique, des impératifs démocratiques et des droits des habitants. Nous sommes contre ce texte.
D’abord, parce qu’il recule sur nos engagements climatiques. L’article 1er revient sur l’obligation introduite dans la loi Aper de 2023 – relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables – de solariser ou de végétaliser les bâtiments neufs ou rénovés de plus de 500 mètres carrés. Ce seuil, déjà haut, est relevé à 1 100 mètres carrés. Une décision qui va à rebours de toutes les urgences climatiques, car le bâtiment est le deuxième secteur émetteur de gaz à effet de serre. Or, au lieu de faire de la solarisation une norme, ce texte l’édulcore. Il prive les collectivités d’un levier concret de transition énergétique et met en danger la transposition d’une récente directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments publics.
Ensuite, ce texte affaiblit les outils de planification territoriale. En supprimant la caducité des Scot après quinze ans sans révision, il fige les documents d’urbanisme dans le marbre. Il crée les conditions d’une planification immobile, alors même que nous avons besoin de documents vivants, capables de s’adapter à la transition écologique, à l’évolution des besoins et à la sobriété foncière imposée par la loi « climat et résilience ». Dans le même temps, il autorise des modifications substantielles des PLU – jusqu’à 50 % de constructibilité supplémentaire – sans réelle concertation, par simple procédure simplifiée. Ce n’est pas de la simplification, c’est un contournement des citoyens.
Ce texte poursuit par ailleurs la logique d’un urbanisme à la découpe, fondé sur les régimes dérogatoires. Il généralise les permis d’aménager multisites, sans garantie d’unité territoriale ou d’évaluation environnementale. Il ouvre la voie à la construction de logements dans les zones d’activité économique, pourtant inadaptées, car ni pensées pour l’habitat ni dotées de services publics. Il crée un nouveau type de logement précaire et temporaire en révisant le statut des RHVS afin d’accueillir des travailleurs. C’est une manière détournée de créer un sous-logement permanent, qui ne respecte pas réellement le droit au logement, sans garantie de qualité, sans encadrement des loyers.
Pour couronner le tout, l’article 4 réduit les droits des citoyens ! Il tend à réduire de deux mois à un seul le délai d’introduction d’un recours gracieux ou hiérarchique à l’encontre de décisions d’urbanisme. Il vise également à rendre ce recours non suspensif, de sorte que les travaux pourraient commencer en dépit de son introduction.
Le dialogue, la conciliation, les voies amiables ? Évacués ! De cette proposition de loi résulteront un encouragement au recours contentieux, une saturation probable des tribunaux et un affaiblissement de l’acceptabilité sociale des projets : la colère des habitants va gronder !
Oui, nous devons répondre à la crise du logement. Oui, il faut produire plus de logements abordables, mais pas au prix d’un effacement des règles, pas au prix d’une dérégulation qui sacrifie la démocratie locale, l’environnement et la justice sociale. Ce que propose ce texte, c’est une régression à marche forcée, inspirée par une vision productiviste de l’aménagement, qui fait fi des enjeux de long terme.
Nous devons au contraire défendre une autre voie, celle de la sobriété foncière et celle de la justice sociale. Nous proposons ainsi une grande loi pour garantir le droit au logement effectif. Il faut défendre également la voie de la démocratie territoriale et celle de l’écologie.
Les solutions, nous les avons déjà. Elles nous sont fournies par des collectivités pionnières, les acteurs du logement social, les associations et les élus locaux qui veulent concilier habitat, climat, résilience et qualité de vie, au bénéfice de leurs administrés.
C’est cette vision que nous devons défendre, pas une vision court-termiste, technocratique et profondément déséquilibrée.
Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste et social rejette cette proposition de loi et nous continuerons à défendre un urbanisme du temps long, ancré dans les territoires, fondé sur la résilience, la solidarité et la participation.
Mme la présidente
La parole est à M. Mickaël Cosson.
M. Mickaël Cosson
Le groupe LIOT nous invite à faire évoluer la loi, pour simplifier le droit de l’urbanisme et du logement. Nous sommes tous conscients de la conjoncture actuelle : la constitution d’un dossier d’urbanisme est de plus en plus complexe et des lenteurs administratives et les difficultés récurrentes sont souvent le quotidien des porteurs de projets.
Il est impératif que l’État retrouve un rôle d’accompagnateur et de facilitateur dans ce domaine, trop souvent abandonné à la jurisprudence et pas assez marqué par le bon sens. Cette proposition de loi arrive donc à un moment crucial, particulièrement dans le contexte de la nécessaire relance de la construction de logements et de la lutte contre l’artificialisation des sols.
La réglementation qui encadre l’urbanisme et le logement forme un véritable labyrinthe et est devenue, au fil du temps, un frein majeur à la réalisation de projets essentiels : elle engendre des délais interminables, des coûts prohibitifs et une complexité qui décourage souvent les initiatives.
La proposition de loi a l’ambition de tailler dans ce maquis, d’apporter de la clarté, de la prévisibilité et de l’efficacité. La démarche est courageuse et absolument nécessaire.
Je tiens à rendre hommage au travail méticuleux et constructif qui a été mené au sein de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Les discussions approfondies et les avancées qui ont été approuvées témoignent d’une volonté partagée de dépasser les clivages et de construire un texte qui réponde aux défis concrets que nous rencontrons.
L’examen attentif de chaque article a permis d’enrichir la proposition initiale et d’améliorer son impact positif.
L’article 1er tend à clarifier significativement les procédures de consultation des différents acteurs. En substance, la commission a œuvré pour rendre ces consultations plus ciblées, plus efficaces et moins chronophages. Cette avancée, apparemment technique, améliorera réellement les délais d’instruction des dossiers et permettra une meilleure coordination entre les services de l’État, les collectivités et les porteurs de projets.
Elle contribuera à éviter les blocages et les redondances, libérant ainsi du temps et des ressources pour la réalisation de projets.
L’article 2 vise à renforcer la sécurité juridique des permis de construire. La commission a souhaité mieux définir les motifs de recours et limiter les possibilités de contestations dilatoires. Cette clarification est essentielle pour sécuriser des investissements, qu’ils soient publics ou privés, et pour permettre aux projets légitimes d’aboutir dans des délais raisonnables. Elle envoie un signal fort aux investisseurs et aux constructeurs : la règle du jeu est plus claire et les risques de blocage sont réduits.
L’article 3 tend à apporter une simplification notable au permis d’aménager multisites. La proposition de loi vise judicieusement à étendre le champ d’application de cet outil, qui permet de traiter en un seul dossier l’aménagement d’unités foncières non contiguës pour un projet unique et cohérent sur le plan architectural et paysager. La commission est même allée plus loin, en introduisant la possibilité de délivrer des autorisations à titre précaire pour des permis d’aménager – cette disposition était jusqu’à présent réservée aux permis de construire.
Cette extension assouplit la gestion des projets complexes et permet une mise en œuvre progressive et adaptée aux spécificités de chaque territoire. Elle facilitera grandement les démarches des collectivités et des porteurs de projets confrontés à des configurations foncières particulières.
L’efficacité de la réforme visée repose en partie sur les dispositions cruciales de l’article 4 qui tend à accélérer le traitement des affaires contentieuses liées à l’urbanisme et au logement. Des recours interminables peuvent anéantir les bénéfices attendus de la simplification administrative.
Des mesures visant à rationaliser les procédures devant les juridictions administratives, à encourager les modes alternatifs de règlement des différends ou à renforcer les moyens des tribunaux constitueraient une avancée déterminante. Un traitement plus rapide et plus efficace des contentieux permettrait de sécuriser davantage les projets et de réduire les incertitudes préjudiciables à l’investissement et à la construction.
Au-delà de ces avancées spécifiques, je me réjouis des orientations de cette proposition de loi en matière de simplification des PLU. Un rapport de la Cour des comptes a souligné la complexité et le coût de leur élaboration, ainsi que les fortes disparités territoriales, puisque près de 9 000 communes sont toujours soumises au règlement national d’urbanisme (RNU) faute de document d’urbanisme idoine. Si cette proposition de loi confirme la volonté de rendre ces documents de planification plus lisibles, plus souples et plus réactifs aux évolutions des territoires, un progrès considérable aura été accompli.
Ce texte offre des solutions concrètes et tend à faciliter l’évolution des PLU en prévoyant de nouveaux cas d’application de la procédure de modification simplifiée. Des PLU simplifiés sont par ailleurs essentiels pour accélérer la mise en œuvre des projets urbains, favoriser une densification intelligente et répondre aux besoins de logement des populations.
Il est également important d’encourager le recyclage urbain, notamment grâce à la reconversion des friches : l’objectif est de produire 29 000 logements sur les 667 friches soutenues en 2024.
Tous ces progrès sont autant de raisons d’accueillir ce texte avec optimisme et de soutenir son adoption rapide. La proposition de loi porte en elle la promesse d’une bouffée d’air salutaire pour le secteur de la construction, d’un accès au logement facilité pour tous, des territoires plus durables et plus agréables à vivre.
Le groupe Démocrates se prononcera donc favorablement à ce texte.
Mme la présidente
La parole est à M. Thomas Lam.
M. Thomas Lam
Dans un contexte marqué par l’accumulation des normes et la complexité croissante du droit, simplifier, c’est permettre à l’action publique de retrouver tout son sens.
Chaque occasion de lever des freins inutiles doit être saisie pour libérer les initiatives et permettre aux projets de voir le jour. En ce sens, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui répond à cet impératif de simplification et à la triple urgence qui l’accompagne. L’urgence, d’abord, de clarifier un droit devenu illisible et qui entrave nombre d’initiatives locales. L’urgence, ensuite, de redonner aux maires et aux élus locaux les moyens d’agir pour développer leurs territoires. L’urgence, enfin, de construire davantage de logements pour répondre à la grave crise que nous traversons.
Depuis des années, élus locaux et porteurs de projets tirent la sonnette d’alarme : le droit de l’urbanisme est devenu la première source de complexité, de retard et, parfois, d’abandon des projets, ce qui affecte directement l’attractivité des territoires. Près de 50 % des collectivités font aujourd’hui de l’urbanisme leur priorité en matière de simplification et il est impératif de les entendre.
Concrètement, cette complexité se traduit par des coûts en forte hausse pour les collectivités territoriales. Les dépenses nécessaires à l’élaboration des documents d’urbanisme atteignent parfois plusieurs centaines de milliers, voire plusieurs millions d’euros. En outre, la multiplicité et l’instabilité des règles d’urbanisme rallongent les procédures et placent tous les acteurs de la chaîne d’instruction des décisions d’urbanisme dans une insécurité juridique permanente.
Le présent texte propose des solutions concrètes, ciblées et proportionnées. Il assouplit les règles pour les établissements publics en charge des Scot, une mesure pragmatique qui permet à la fois de ne pas pénaliser les territoires qui, faute de moyens humains ou techniques, peinent à respecter leurs échéances et de ne pas fragiliser la cohérence des politiques d’aménagement.
Il élargit également la procédure de modification simplifiée des PLU et porte le seuil de majoration constructible de 20 % à 50 %, ce qui offrira un gain de temps considérable – jusqu’à six mois – pour les projets de densification urbaine. Le texte donne aussi plus de souplesse aux communes, notamment en zone tendue, pour déroger ponctuellement au PLU tout en maintenant les garanties nécessaires en matière d’information du public et de protection de l’environnement.
Enfin, les ajustements proposés en matière de contentieux permettront de renforcer la sécurité juridique et d’accélérer les projets. La réduction du délai d’introduction d’un recours gracieux de deux mois à un mois et la fin de son effet suspensif contribueront à sécuriser les démarches engagées par les collectivités et les porteurs de projets, sans remettre en cause le droit au recours.
Les débats en commission ont permis d’enrichir utilement la proposition de loi et d’affiner plusieurs dispositifs, pour les rendre plus opérationnels tout en conservant l’objectif de simplification du texte.
Je pense notamment à la possibilité donnée à nos collectivités de recourir à une procédure intégrée pour mettre en compatibilité leurs documents d’urbanisme avec les schémas régionaux des carrières (SRC). Cette mesure, attendue de longue date, vient répondre aux difficultés rencontrées par les élus locaux face à des obligations de mise à jour souvent complexes et lourdes.
Je pense également à l’extension du régime du permis de construire précaire au permis d’aménager. Ce dispositif de bon sens permettra de mieux concilier les exigences réglementaires avec les réalités économiques de certains chantiers temporaires.
Ce texte, ce n’est pas une révolution, mais c’est une respiration. Le logement est en crise et les territoires sont sous tension. Dans ce contexte, notre responsabilité est de donner aux élus locaux les moyens d’agir.
Cette proposition de loi est un message de confiance envoyé aux maires, aux élus du quotidien et à celles et ceux qui veulent construire la France. Le groupe Horizons & indépendants votera donc en faveur de ce texte, parce qu’il offre des solutions concrètes aux besoins des territoires, parce qu’il offre des solutions concrètes aux besoins des territoires, parce qu’il répond aux attentes du terrain et à l’urgence de bâtir et, enfin, parce qu’il envoie le signal fort d’un État qui fait confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Belkhir Belhaddad.
M. Belkhir Belhaddad
C’est à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi que nous sommes aujourd’hui amenés à discuter d’un sujet important pour nos concitoyens : le droit de l’urbanisme et du logement. Je salue l’initiative du rapporteur Harold Huwart dont le texte contribue à apporter des solutions à la grave crise du logement à laquelle nous faisons face aujourd’hui.
Néanmoins, nous ne pouvons aborder que de manière parcellaire le sujet, tenus que nous sommes par le cadre de la niche parlementaire, alors que c’est d’un véritable plan, d’une stratégie de long terme dont nous aurions besoin pour répondre aux enjeux en matière d’urbanisme et de logement.
La situation est dénoncée par les professionnels du secteur, les associations, les acteurs institutionnels, les élus locaux ou les parlementaires. La crise du logement est bien réelle et affecte des millions de citoyens. Elle a des conséquences très concrètes, notamment un volume de constructions neuves qui s’effondre, des offres à la location en chute, des prix qui ont doublé en vingt ans, un logement social touché par la crise, avec près de 2,5 millions de demandeurs et un nombre de logements vides qui amène à s’interroger.
Ce sont des problématiques importantes. Il faut également prendre en compte la croissance démographique et la mise en œuvre de la rénovation énergétique du bâti.
Dans ce contexte, toute disposition qui permettra de répondre, dans la mesure du possible, aux enjeux de la crise du logement sera bienvenue : celles visant à simplifier le droit de l’urbanisme et du logement, qui font l’objet de la présente proposition de loi, apparaissent nécessaires.
Bien qu’assurer toutes les garanties en matière de sécurité, de salubrité, de respect de l’environnement et d’aménagement du territoire suppose effectivement un cadre juridique, celui-ci ne peut pas être un frein à l’émergence de projets urbains ou de logements. Or les procédures se sont alourdies et le risque de contentieux accru, entraînant des coûts difficilement compréhensibles, alors que nous connaissons une grave crise du logement.
Simplification ne veut cependant pas dire laxisme ; simplifier ne veut pas dire moins réguler, moins protéger, mais au contraire mieux réguler, grâce à des mesures permettant d’atteindre les objectifs fixés. Nous disposons d’un exemple concret de projet ayant récemment bénéficié – pour être réalisé dans les temps annoncés – de dérogations et de simplifications des procédures : le village olympique, réalisé en sept ans au lieu de quinze, grâce notamment au « permis à double état ». En ma qualité de président du groupe de travail chargé du suivi de la préparation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, j’ai pu apprécier les effets des mesures édictées pour prendre en considération les enjeux d’un tel événement.
Simplifier pour mieux légiférer, pour limiter les charges, pour que les projets aboutissent et répondent à l’urgence de la crise du logement : votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, apporte des premiers éléments de réponse, notamment pour faciliter les procédures liées aux projets de construction menés par les collectivités territoriales. Les dérogations, lorsqu’elles sont utiles et efficaces, doivent être généralisées, notamment dans les zones tendues, afin de répondre aux besoins de logement ; il faut faciliter la délivrance des autorisations d’urbanisme ; nous devons accélérer le traitement du contentieux de l’urbanisme et du logement ; et, parce que simplification ne rime pas avec laxisme, il convient aussi de renforcer les sanctions de la police de l’urbanisme.
Néanmoins, s’il est important de soutenir les mesures qui visent à pallier la lourdeur administrative, et à mieux lutter contre les constructions illégales qui nuisent à l’intérêt général en imposant des sanctions plus fortes, cela ne doit pas se faire au détriment des avancées en matière de développement durable et d’aménagement du territoire. En tant que vice-président du groupe d’étude « Énergie durable et hydrogène », je serai très attentif aux enjeux relatifs à la production d’énergies renouvelables, notamment lors de la discussion des articles 1er et 1er A. Je m’interroge en particulier quant aux dispositions remettant en cause les avancées en matière de végétalisation et de solarisation du bâti, dont le déploiement progressif permettra d’accélérer la production d’énergies renouvelables.
La proposition de loi tend à apporter des solutions aux élus locaux, et surtout à ceux de nos concitoyens les plus précaires, afin de garantir un logement digne à chacun. Ainsi, sous réserve de la discussion et des amendements qui seront adoptés, je soutiendrai ce texte.
Mme la présidente
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Mme la présidente
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Article 1er A
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune, pour soutenir l’amendement no 75 tendant à supprimer l’article 1er A.
Mme Claire Lejeune
Il vise à supprimer une disposition introduite dans le texte à l’initiative de nos collègues du groupe Socialistes et apparentés, visant à simplifier les procédures d’évolution des Scot et des PLU.
En réservant la procédure de révision de ces derniers à l’évolution des seuls documents structurants traduisant les évolutions fondamentales du développement d’un territoire, vous commencer à miner ce qui est pour nous l’essentiel, à savoir nos documents de planification.
Ainsi, lorsqu’il s’agira par exemple de réduire un espace boisé classé, une zone agricole ou une zone naturelle et forestière, ou encore de réduire la protection édictée en raison des risques de nuisance, la procédure ne permettra plus une discussion conjointe entre l’État, l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) et la commune concernée. L’information du public, la transparence de la décision prise, le temps nécessaire au contrôle du bien-fondé de cette décision : tout cela passerait à la trappe, ce qui n’est pas souhaitable. Cela ne reviendrait pas à simplifier mais bien à régresser, tant sur le plan démocratique que sur le plan écologique – comme le prouvent les exemples que je viens de citer.
Nous avons évoqué la complexité des documents de planification ainsi que le coût de leur mise en œuvre. Nous devons cependant réfléchir aussi aux moyens alloués aux collectivités, y compris en matière de ressources humaines, pour travailler correctement sur ces documents – et garantir leurs évolutions dans de bonnes conditions. Or quand j’entends le président de la République remettre en cause le statut à vie de la fonction publique territoriale, je doute qu’on donne à nos collectivités les moyens nécessaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Harold Huwart, rapporteur
Défavorable, car l’article introduit en commission simplifie les procédures, en procédant à des distinctions claires selon les évolutions envisagées, tout en apportant des garanties pour ce qui concerne les documents d’orientation, à savoir ceux qui donnent le sens et le cadre des aménagements et de la planification.
Cette disposition permet dans le même temps de raccourcir les délais pour ce qui concerne les modifications mineures, à savoir celles qui sont sans conséquences sur les grandes orientations du Scot ou du PLU concernés. Contrairement à ce que vous affirmez, il y aura toujours des enquêtes publiques et des évaluations environnementales, puisque l’article 1er A ne concerne pas les modifications simplifiées.
Cette évolution est un aménagement minimal et souhaitable, qui a d’ailleurs recueilli un très large soutien de la commission.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
Je partage pleinement la volonté de faciliter l’évolution des documents d’urbanisme, laquelle s’impose fréquemment aux élus locaux, quand ils veulent mettre en œuvre des projets qu’ils soutiennent ou adapter les documents d’orientation afin de respecter les obligations fixées par la loi.
Comme le propose l’article 1er A, nous devons effectivement réserver les révisions lourdes, celles qui sont les plus longues et les plus coûteuses, aux évolutions les plus structurantes de ces documents. Le champ d’application de la mesure ainsi que la rédaction de l’article devront être retravaillés pour être pleinement opérants. Néanmoins, parce que je souscris à l’objectif fixé par l’article, je suis défavorable à sa suppression.
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Pribetich.
M. Pierre Pribetich
J’entends ce que vous dites, madame Lejeune, et je vous rassure : nous poursuivons le même objectif consistant à loger nos concitoyens. Comment faire en sorte que le droit d’accéder à un logement soit effectif ? Les révisions générales des documents d’urbanisme entraînant des délais de trois, quatre, cinq ou six années en cas de recours, quand il s’agit de procéder à des modifications non essentielles, ne constituent pas un moyen efficace pour atteindre cet objectif.
Il ne s’agit pas d’empêcher, par cet article, la révision d’un PLU communal ou intercommunal lorsqu’un projet d’aménagement ou de développement durable la nécessite, mais bien de la réserver à l’évolution des documents structurants, dans le cadre d’une démarche réfléchie et organisée. En ce qui concerne les modifications mineures, le rapporteur l’a clairement indiqué, une enquête publique sera toujours nécessaire lorsque les aménagements entraîneront, par exemple, la suppression d’un espace classé. Je peux partager vos craintes, mais pour bien défendre le droit au logement, il faut raccourcir les procédures et les adapter aux différents projets : soit ils nécessitent une réflexion globale et structurante portant sur l’aménagement des villes et des intercommunalités ; soit il s’agit d’éléments secondaires, et c’est alors la procédure de modification de droit commun qui doit s’appliquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. Charles Sitzenstuhl applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Je reste opposée à l’article. Nous ne devrions pas avoir à choisir entre l’exigence démocratique, l’exigence sociale de construction de nouveaux logements et l’exigence environnementale.
J’ai cité le cas des zones boisées, classées. Les délais de cinq ou six ans que vous indiquez, monsieur Pribetich, sont anormaux – j’en conviens –, mais interrogeons-nous sur les causes : parlons des moyens de la justice, de l’engorgement des tribunaux, des moyens à mettre sur la table pour réduire de telles durées ! Quoi qu’il en soit, réduire les délais ne peut pas se faire au détriment de l’environnement, de la transparence des décisions publiques ou des procédures démocratiques. J’invite nos collègues à voter l’amendement de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
(L’amendement no 75 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 64 de M. le rapporteur est rédactionnel.
(L’amendement no 64, accepté par le gouvernement, est adopté.)
(L’article 1er A, amendé, est adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux demandes de scrutin public : sur les amendements nos 61 et identiques, par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires ; sur les amendements nos 55 et identiques, par le groupe Socialistes et apparentés.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Après l’article 1er A
Mme la présidente
La parole est à Mme Perrine Goulet, pour soutenir l’amendement no 133 portant article additionnel après l’article 1er A.
Mme Perrine Goulet
Par cet amendement, travaillé avec EDF, je propose de simplifier les règles d’urbanisme applicables au développement du nouveau programme nucléaire français portant sur les réacteurs de type EPR 2. C’est un sujet majeur, comme vous le savez, qui engage l’avenir et l’indépendance énergétique du pays, et qui doit surtout permettre de respecter nos engagements en matière de neutralité carbone en 2050.
L’amendement vise à faire en sorte que les grands chantiers et les réacteurs EPR 2 soient automatiquement reconnus comme projets d’intérêt général, afin d’accélérer les procédures d’urbanisme, et ainsi de sécuriser ces projets en les dispensant d’actes supplémentaires.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Harold Huwart, rapporteur
Je comprends l’intention mais la construction d’une centrale nucléaire nécessite une attention particulière. Pour caractériser un projet d’intérêt général, il faut aujourd’hui un décret en Conseil d’État. La mise en compatibilité des documents d’urbanisme ne peut pas être de droit pour un projet d’une telle ampleur. Je vous propose d’aborder cette question lors de l’examen de la proposition de loi Gremillet, portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur de l’énergie, qui portera sur les moyens nécessaires pour atteindre les objectifs fixés en la matière. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
Le cadre des grands chantiers nucléaires a été posé par la loi du 22 juin 2023 d’accélération du nucléaire, laquelle offre de nombreuses facilitations. Elle prévoit notamment que les nouveaux projets d’EPR 2 peuvent être qualifiés de projets d’intérêt général après avoir démontré leur intérêt général – celui-ci doit être justifié et contrôlé par le Conseil d’État, comme l’a rappelé le rapporteur.
Les réacteurs de Penly, par exemple, ont reçu par décret cette qualification en janvier dernier. La rendre, comme vous le proposez, automatique, de surcroît pour des petits réacteurs – à partir de 400 mégawatts de puissance thermique prévisionnelle, alors que la puissance des EPR de Penly atteint 1 600 mégawatts – n’apparaît pas souhaitable. Au reste, la qualification de « grand chantier » qui figure dans votre amendement n’est aucunement définie et son attribution d’office fragiliserait au contraire les projets d’EPR, car cela pourrait constituer une atteinte à la libre administration des collectivités. Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, j’y serais défavorable.
Mme la présidente
Vous le maintenez, madame Goulet ?
Mme Perrine Goulet
Oui.
Mme la présidente
La parole est à M. Maxime Laisney.
M. Maxime Laisney
Voilà un amendement qui propose d’exempter les projets de construction de centrale nucléaire du respect du droit de l’urbanisme et aussi – ce n’est pas une petite affaire – de les dispenser de travaux préparatoires. Vous voulez bien tordre le bras des élus locaux quand il s’agit de nucléaire, mais quand il s’agit de développer les énergies renouvelables, vous soutenez à l’inverse un droit de véto pour les maires !
Or la décision finale d’investissement d’EDF dans ce programme de six nouveaux réacteurs est attendue fin 2026, conformément aux recommandations de la Cour des comptes. En effet, celle-ci a publié en janvier un rapport accablant sur la filière EPR – le constat vaut pour l’ensemble des projets à travers le monde, pas seulement pour celui de Flamanville. Le rapport se montre également très sceptique sur les EPR 2 : leur coût est toujours inconnu, même s’il sera sans doute deux fois plus élevé que le premier chiffrage annoncé par EDF. On ignore également comment ils seront financés et les plans ne sont toujours pas prêts. Des retards et des surcoûts surviennent systématiquement, qui sont liés non pas au droit de l’urbanisme mais à des difficultés technologiques et industrielles. Le président Macron vient d’ailleurs d’annoncer un retard de trois ans, alors que les chantiers n’ont pas commencé.
Je pense que la décision la plus sage, que ce soit sur un plan climatique, technique ou économique, serait de ne pas construire ces réacteurs. Il serait donc dommage d’enclencher les travaux préparatoires, d’exproprier des agriculteurs et de ruiner des terres agricoles pour rien. Sur le site du Bugey, plus de 300 hectares de terres agricoles risquent d’être bétonnées pour conduire ces fameux travaux préparatoires. Il serait stupide d’enclencher des travaux alors que ces EPR ne verront peut-être jamais le jour. (Applaudissements et « Il a raison ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Julie Ozenne.
Mme Julie Ozenne
L’amendement vise à accorder automatiquement la qualification de projet d’intérêt général aux installations et aux travaux préparatoires liés aux nouveaux réacteurs nucléaires, sans passer par un décret en Conseil d’État. Il est difficile d’ignorer l’objectif très ciblé servi par l’amendement : supprimer toute entrave et dérouler le tapis rouge aux projets d’EPR 2.
Cette automaticité pose problème : elle affaiblit le contrôle démocratique en privant les collectivités et les citoyens d’une étape essentielle de débat et de recours. La qualification de projet d’intérêt général doit demeurer une décision motivée, proportionnée et contextualisée, surtout lorsqu’elle a pour effet de rendre des projets automatiquement compatibles avec les documents d’urbanisme locaux. En contournant ainsi les procédures existantes, cet amendement fragilise la sécurité juridique des projets concernés. Cela risque de faire naître des contentieux, précisément en raison de l’absence de débat contradictoire sur leur portée territoriale.
Enfin, l’urbanisme ne doit pas être réduit à un simple outil d’accompagnement de projets industriels. Il vise à trouver un équilibre entre développement, préservation du cadre de vie et respect des territoires. Cet équilibre exige des procédures claires, non des raccourcis. C’est pourquoi nous nous opposons à cet amendement. (Mme Dominique Voynet applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Perrine Goulet.
Mme Perrine Goulet
Monsieur le rapporteur, j’entends votre remarque selon laquelle la mesure devrait être insérée dans un autre texte, mais nous avions déjà essayé de le faire à l’occasion de l’examen du projet de loi de simplification de la vie économique. Cette mesure ne doit pas être sans cesse reportée, d’autant qu’elle correspond bien à l’intitulé de votre texte, à savoir la « simplification du droit de l’urbanisme ».
Chers collègues, j’entends nos désaccords. Cependant, quand vous soulignez que nous ignorons combien coûteront ces réacteurs et quelle sera la durée de leur construction, je vous réponds que c’est précisément l’instabilité des règles d’urbanisme qui empêche une bonne évaluation des coûts et des durées. On le voit bien : certains chantiers se trouvent enlisés, malgré les autorisations. (M. Maxime Laisney s’exclame.)
Il importe de sécuriser ces projets : c’est nécessaire pour l’avenir énergétique du pays et pour atteindre la neutralité carbone. Il est quand même étonnant de devoir recommencer les mêmes procédures pour chaque réacteur ; quand on sait qu’il constitue un projet d’intérêt général à un endroit, on ne voit pas pourquoi il ne le serait pas ailleurs.
Mme Sabrina Sebaihi
Parce que ce sont des endroits différents !
Mme Perrine Goulet
Je pense vraiment que les réacteurs constituent des projets d’intérêt général, c’est pourquoi je maintiens mon amendement.
Mme Dominique Voynet
C’est un amendement de lobbyiste !
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 133.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 117
Nombre de suffrages exprimés 115
Majorité absolue 58
Pour l’adoption 47
Contre 68
(L’amendement no 133 n’est pas adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Article 1er
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani
Je tiens d’abord à remercier notre collègue Huwart et le groupe LIOT. Sa proposition de loi affronte un problème réel et prégnant, celui de la production de logements. Nous partageons la volonté de densifier l’offre.
Ce texte général devra s’appliquer à des territoires aux caractéristiques différentes. Par exemple, la Corse connaît une croissance démographique trois fois supérieure à la moyenne française, une spéculation déchaînée et des prix de l’immobilier hors norme. Il s’agit d’un territoire soumis à des mécanismes de prédation particuliers, que nous devons tenter de maîtriser, tout en produisant de nouveaux logements. Beaucoup d’élus de Corse, dont ceux de la majorité territoriale, sont engagés dans cette lutte difficile contre la spéculation. Si cette proposition de loi poursuit, comme nous le souhaitons, son chemin législatif, il faudra donc l’adapter aux territoires frappés par la spéculation, notamment la Corse. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à M. Sylvain Berrios.
M. Sylvain Berrios
Le logement ne saurait être détaché de l’action des communes ; les élus locaux sont très attachés à cette compétence. En Île-de-France, dans le cadre de la métropole du Grand Paris, les documents d’urbanisme sont nombreux – citons le schéma directeur environnemental de la région Île-de-France (Sdrif-e), le Scot, le schéma régional de l’habitat et de l’hébergement (SRHH), le plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement (PMHH), le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage), le plan de gestion des risques d’inondation (PGRI), le plan de prévention du bruit dans l’environnement (PPBE), le plan climat-air-énergie territorial (PCAET) et le plan des mobilités en Île-de-France (PDMIF). (Sourires.) Je pourrais poursuivre cette litanie.
Une simplification est nécessaire. Surtout, la compétence doit demeurer dans les mains des communes. Si le PMHH devait être adopté, cela emporterait le transfert de la compétence logement des communes franciliennes vers la métropole du Grand Paris. Le gouvernement s’était engagé à corriger cela, et je regrette que notre amendement en ce sens, déposé à l’article 1er, ait été jugé irrecevable. Il s’agit d’une question décisive pour le logement, pour les compétences des communes et pour faire progresser notre cause, celle de la simplification. (MM. Jean-Luc Fugit et Vincent Jeanbrun applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.
Mme Sabrina Sebaihi
Les partisans de l’article 1er se trompent de combat. Alors que sa première version revenait déjà sur nos ambitions, il constitue désormais un grand recul en matière de règles applicables à la construction de logements.
Le problème n’est pas pris du bon côté : si de nombreux logements manquent, ce n’est pas à cause des normes, qui permettent de préparer l’avenir en construisant des logements résilients et de qualité. Le problème vient des maires qui s’obstinent à ne pas respecter la loi SRU, refusent de construire des logements sociaux et se mettent hors-la-loi, parce qu’ils ne veulent pas de mixité sociale sur leur territoire. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.) Il faut exiger de ces maires le respect de la loi, pour mettre fin à la pénurie de logements.
Enfin, si l’on veut vraiment aider les collectivités, ce n’est pas en faisant sauter les normes, mais en les accompagnant et en allouant des moyens aux dispositifs de construction de logements sociaux. Tous les budgets défendus jusqu’à présent par la majorité allaient en sens contraire, en coupant les aides à la pierre et celles qui favorisaient la construction de logements sociaux. (Mme Sandra Marsaud s’exclame.) Au lieu de vous attaquer aux normes, redonnez des moyens pour construire du logement social ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 61 et 76, tendant à supprimer l’article 1er.
La parole est à Mme Julie Ozenne, pour soutenir l’amendement no 61.
Mme Julie Ozenne
L’article 1er incarne à lui seul un triple recul : en matière de planification, de transition énergétique et de démocratie locale.
D’abord, en relevant de 500 à 1 100 mètres carrés au sol le seuil de solarisation obligatoire des bâtiments non résidentiels, il nous éloignera de nos objectifs climatiques. On renoncerait ainsi, sans étude d’impact ni chiffrage, à un levier simple et efficace, qui a déjà fait l’objet d’un vote.
Ensuite, en supprimant la caducité des Scot, on risque de figer des documents stratégiques au lieu de les mettre en mouvement face à l’urgence écologique.
Enfin, s’agissant du PLU, en portant de 20 % à 50 % le seuil de majoration de la constructibilité au-delà duquel doit s’appliquer la procédure de modification de droit commun, on permettra des dérogations massives à l’obligation de concertation. On ouvrira la voie à un urbanisme de contournement, ce qui affaiblira la parole des élus comme celle des citoyens. (Mme Sandra Marsaud s’exclame.)
Simplifier ne doit jamais rimer avec régresser, ni constituer une punition ! C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune, pour soutenir l’amendement no 76.
Mme Claire Lejeune
L’article 1er montre bien à quel point ce texte de simplification, tout comme le projet de loi de simplification de la vie économique, emporte des régressions sur les plans démocratique, social et environnemental. Ce sont là de véritables refus d’obstacle !
Pour répondre à l’immense crise du logement, la solution avancée ici est de revenir sur l’obligation de solarisation et de végétalisation des toits des bâtiments publics. Or cette obligation, adoptée il y a seulement deux ans, se fondait sur des arguments toujours valables : les émissions de gaz à effet de serre produites par le secteur du bâtiment forment une part considérable des émissions globales, et les réduire fait partie du travail à accomplir pour être à la hauteur du dérèglement climatique. Revenir devant la représentation nationale, deux ans seulement après le vote de cette disposition, pour déclarer que, finalement, tout cela n’est pas grave, et que l’obligation peut être assouplie, c’est envoyer un signal catastrophique. D’autant que l’extrême droite, par ses amendements, entend faire reculer davantage encore les seuils à partir desquels l’obligation s’applique. Nous manquerions ainsi à notre obligation morale et politique d’agir face au dérèglement climatique.
Par ailleurs, l’article tend à augmenter, pour le PLU, le seuil de majoration de la constructibilité à partir duquel il est possible de recourir à une procédure de modification simplifiée. On souhaite aller plus vite, mais on se trompe : en diminuant la transparence, en imposant un état de fait, on va créer du conflit et de la complexité. En réalité, les procédures démocratiques, l’évaluation et la transparence permettent de prévenir la conflictualité sociale autour de projets qui ne font pas l’unanimité. Vous n’aiderez donc pas les élus locaux à gérer les situations difficiles.
Nous vous proposons donc de supprimer cet article de régression, qui ne simplifie rien. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?
M. Harold Huwart
En ce qui concerne la solarisation et la végétalisation, je vous propose, comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, de renoncer à l’assouplissement des règles. Non pas que je sois convaincu par vos arguments : comme une majorité des membres de la commission, je considère que l’État a surtransposé la directive européenne sur ce point ; surtout, par le prix de rachat de l’énergie photovoltaïque, il a imposé une obligation sans donner aux collectivités ni aux acteurs de l’immobilier la possibilité d’y répondre. À chaque fois que l’on fixe une règle sans donner aux acteurs les moyens de la respecter, on fragilise l’autorité des lois dont nous sommes les garants, et on compromet l’objectif que l’on s’est fixé.
Par ailleurs, les coûts de la solarisation et de la végétalisation sont redoutables, comme l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) me le rappelait encore hier : ils s’élèvent, pour une surface de 500 mètres carrés, à 700 euros par mètre carré – cela représente, pour une école de 800 mètres carrés, un financement supplémentaire de près de 1 million d’euros. Il ne faut pas prendre cela à la légère : 3,5 millions de bâtiments publics sont soumis à cette obligation et, autant que je le sache, ni le Comité des finances locales ni le Conseil national d’évaluation des normes n’avaient été saisis de cette disposition à l’époque.
Toutefois, ce débat doit avoir lieu dans un cadre plus approprié, celui de la définition de la politique énergétique de la France, qu’abordera la proposition de loi dite Gremillet. Un texte de simplification se doit d’être consensuel et nous proposons de supprimer cet assouplissement, par souci d’ouverture. L’objectif de cette journée n’est pas de refaire entre groupes un énième débat sur la politique du logement ou sur la politique énergétique, mais d’adopter dans les heures qui viennent un texte qui pourra être examiné au Sénat le 16 juin, puis en commission mixte paritaire le 23 juin. De nombreux acteurs l’attendent : notre pays se trouve dans une situation dramatique, due à notre incapacité à construire des logements, alors que nous nous y sommes engagés.
Je suis défavorable à ces amendements de suppression. Je serai favorable aux amendements suivants, nos 65, 55 et 83.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
Comme le rapporteur, je suis défavorable à la suppression de l’article 1er dans son ensemble. Je demande donc le retrait de ces amendements, au profit des amendements nos 65, 55 et 83. En effet, compte tenu des préoccupations soulevées par l’alinéa 1 relatif aux obligations de solarisation, je suivrai l’avis du rapporteur sur ce point également.
Je rappelle toutefois, pour abonder dans le sens du rapporteur, que le droit français, en ce qu’il rend obligatoire d’équiper de panneaux photovoltaïques 40 % de la surface des toitures, surtranspose le droit européen, qui ne prévoit une telle obligation qu’en cas de travaux importants, et pour une partie seulement du stock de bâtiments.
Mme Sabrina Sebaihi
Il n’y a rien de mal à être mieux-disant que l’Europe !
Mme Valérie Létard, ministre
Permettez-moi de donner quelques indications, madame Sebaihi. Le coût moyen de la solarisation d’un bâtiment étant de 1 000 euros par mètre carré, on peut estimer que le surcoût imputable à cette surtransposition se situe entre 80 et 160 milliards. Cela pourrait alimenter votre réflexion. (M. Nicolas Bonnet s’exclame.)
Mme Sabrina Sebaihi
Pourquoi ne parlez-vous pas des bénéfices à court et moyen terme ? Il faut préparer l’avenir !
Mme la présidente
La parole est à M. Joël Bruneau.
M. Joël Bruneau
Je vais tenter, à mon tour, de rassurer Mme Lejeune, qui soulignait que ces mesures pourraient ne pas rendre service aux élus locaux – attention dont je la remercie –, en lui apportant le témoignage d’un ancien élu local.
Vous êtes très attachée, comme nous tous, à la transparence démocratique des procédures de modification des documents d’urbanisme dans une commune. Or la révision globale du PLUI est une procédure très lourde. À l’échelle d’un bassin de population comme celui de Caen la Mer, communauté urbaine que j’avais encore l’honneur de présider il y a quelques mois, nous ne parvenions que difficilement à réunir plus de vingt personnes – sur quelque 275 000 habitants – pour s’intéresser à une telle révision.
Sur un projet ponctuel, en revanche, sur une simple modification concernant tel ou tel quartier, les réunions publiques que nous prenions systématiquement l’initiative d’organiser accueillaient souvent plus de 200 personnes. Cela prouve la fausseté de l’idée selon laquelle la démocratie serait d’autant mieux servie que les procédures sont plus complexes et plus encadrées. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs du groupe Dem. – M. Sylvain Berrios applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandra Marsaud.
Mme Sandra Marsaud
Il convient de restituer, à propos de ces amendements de suppression, les débats constructifs qui ont eu lieu en commission et qui ont permis de faire évoluer la rédaction de l’article 1er, en accord avec M. le rapporteur.
Il est important d’adapter la réglementation sur la solarisation, que nous avons certes votée, si nous voulons rénover le bâti existant et le transformer en logements – c’est bien l’objet de cette proposition de loi.
Vous vous opposez, à la gauche de cet hémicycle, au passage à 50 % du seuil de majoration de la constructibilité obligeant à soumettre un projet de modification à enquête publique ; il faudrait pourtant savoir si nous voulons, ou non, permettre la construction de nouveaux logements. (Mme Anaïs Belouassa-Cherifi s’exclame.) Votre argument est donc totalement désuet, et nous avons fait la preuve, en commission, de notre capacité à échanger sur ce sujet. Les amendements suivants devraient vous inciter à modérer votre position. Essayons de desserrer l’étau pour faciliter la construction de logements.
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune. Retirez-vous ou maintenez-vous votre amendement ?
Mme Claire Lejeune
Il est maintenu, bien entendu. Votre propos, monsieur Bruneau, illustre bien les dangers sur lesquels nous vous alertons. Le passage de 20 % à 50 % du seuil de majoration de la constructibilité déclenchant une procédure de modification complète – et ainsi la prise en compte démocratique de l’avis des citoyennes et des citoyens – risque précisément de faire échapper à la concertation des projets de rénovation ou de construction menés dans un quartier donné. Il est important de prévoir un temps de concertation, y compris pour des sujets bien précis. Nous devons nous méfier de ces prétendues simplifications des procédures : elles touchent aussi à des projets au périmètre restreint. L’exemple que vous avez donné me semble donc plutôt aller dans notre sens.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 61 et 76.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 130
Nombre de suffrages exprimés 129
Majorité absolue 65
Pour l’adoption 25
Contre 104
(Les amendements identiques nos 61 et 76 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements, nos 55, 65, 83 et 25, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 55, 65 et 83 sont identiques.
La parole est à Mme Julie Ozenne, pour soutenir l’amendement no 55.
Mme Julie Ozenne
Nous proposons de supprimer l’alinéa 1 de l’article, qui revient sur une avancée essentielle de la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite loi Aper : l’obligation de solarisation des parkings et de la toiture des bâtiments ayant une emprise au sol supérieure à 500 mètres carrés. Le relèvement de ce seuil à 1 100 mètres carrés n’est pas seulement une mesure de simplification, c’est un recul environnemental majeur, qui n’a été précédé d’aucune étude d’impact et qui affaiblira directement notre potentiel de productivité photovoltaïque.
Alors que les toitures sont des espaces déjà artificialisés et accessibles, que leur solarisation est bien acceptée localement et peu consommatrice d’espaces naturels et agricoles, pourquoi renoncer à un tel gisement ? Pourquoi retarder une mesure rentable pour les collectivités, créatrice d’emplois et indispensable au respect de la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments ?
M. Jean-Victor Castor
Elle a raison !
Mme Julie Ozenne
Cet amendement, élaboré avec France nature environnement, vise à maintenir une trajectoire claire, ambitieuse et cohérente avec nos objectifs climatiques. Ne sacrifions pas l’avenir énergétique de nos territoires sur l’autel d’une fausse simplification !
Pour en revenir à la question de la suppression de l’article dans son ensemble, je voudrais rappeler que la transition écologique n’a pas réellement commencé.
M. Pierre Cazeneuve
Un peu, tout de même !
Mme Julie Ozenne
Non, pas vraiment ! Regardez dans les communes de vos circonscriptions, chers collègues, tous ces bâtiments publics et non résidentiels présentant des surfaces constructibles en photovoltaïque. Regardez, juste à côté, les Enaf – les espaces naturels, agricoles et forestiers. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.) Allez donc expliquer aux élus locaux que vous ne voulez pas proposer vos toitures pour des panneaux solaires et que vous préférez les construire sur des terres agricoles ou dans un espace naturel ou forestier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – Mme Claire Lejeune applaudit également.)
M. Julien Guibert
C’est pourtant bien ce que fait la gauche dans mon département : elle détruit les prairies !
Mme la présidente
La parole est à Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, pour soutenir l’amendement no 65.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Le groupe La France insoumise s’oppose totalement à l’augmentation du seuil rendant obligatoire la solarisation ou la végétalisation des bâtiments. C’est une obligation récente, que vous avez votée en 2023 – on a le sentiment que, dans cet hémicycle, on fait la loi pour la détricoter deux ans après.
L’article 1er tend à faire passer ce seuil de 500 à 1 100 mètres carrés : c’est un recul grave de nos ambitions, à l’heure où la puissance publique, plus que jamais, doit être le moteur de la planification écologique. Nous ne pouvons pas compter sur la seule bonne volonté de quelques acteurs pour atteindre nos objectifs de réduction des émissions de CO2. La puissance publique a la responsabilité de planifier, de réguler et d’engager la transition énergétique.
Votre seul argument est un argument comptable. J’en avance donc un à mon tour : lorsque vous végétalisez un bâtiment, cela fait baisser la température, ce qui crée de potentielles économies d’énergie et réduit les émissions de CO2.
Notre amendement vise donc à préserver l’esprit et la portée du cadre légal en vigueur, afin que nous puissions nous engager sur une trajectoire compatible avec les impératifs de la transition climatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Pribetich, pour soutenir l’amendement no 83.
M. Pierre Pribetich
Nous sommes nous aussi opposés à l’assouplissement des obligations de solarisation et de végétalisation.
Pour la solarisation, la raison en est simple : c’est un investissement qui permettra, à terme, de réduire les charges des propriétaires et des locataires.
Quant à la végétalisation, il faut l’accélérer : c’est un élément essentiel de la qualité du tissu urbain. Je vous rappelle qu’il existe une dérive climatique et qu’il convient de réguler la température afin de rendre les villes vivables en été.
Les socialistes voteront donc en faveur de ces amendements nous permettant de nous inscrire dans la transition écologique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. – Mmes Martine Froger, Sabrina Sebaihi et Dominique Voynet applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Brugerolles, pour soutenir l’amendement no 25.
M. Julien Brugerolles
Je salue l’engagement du rapporteur et de la ministre à soutenir ces amendements.
J’ajoute à ce qui a déjà été dit que ce recul des objectifs de solarisation sur les bâtiments ferait peser le risque d’un report des projets de solarisation sur les surfaces agricoles et naturelles – risque auquel nous sommes très attentifs. C’est essentiellement pour cette raison que nous avons déposé cet amendement : priorité doit être donnée à la solarisation des surfaces artificialisées et constructibles, notamment des parkings.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements ?
M. Harold Huwart, rapporteur
Nous n’allons pas revenir sur un débat qui a déjà eu lieu en commission. Ceux d’entre nous qui, comme moi, élus locaux ou anciens élus locaux, ont eu à porter des projets de solarisation n’ont pu que constater que la rentabilité de ces projets, sur les petites surfaces, n’est plus assurée – pas même par les procédures de mise en concurrence. Aucune solution efficace de tiers financement ne pourra donc être proposée pour ces projets.
Si j’entends vos arguments, et si je donne un avis favorable à ces amendements, nous maintenons notre alerte et nous espérons pouvoir avancer sur cette question. Ce débat important pourra se tenir, dans de meilleures conditions et de manière plus cohérente, dans le cadre de la discussion de la politique énergétique de la France.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée. Si je comprends les préoccupations qui ont été formulées, je voudrais également que nous n’oubliions pas les enjeux sous-jacents à cette question. Le sujet devra être retravaillé pour que nous puissions rendre soutenable, sur le terrain, cette initiative essentielle et tenir ainsi notre engagement.
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Cazeneuve.
M. Pierre Cazeneuve
Je salue, madame la ministre et monsieur le rapporteur, le pas de côté que vous avez fait en donnant à ces amendements un avis favorable. Je soutiens également la suppression de cet alinéa qui tend à rehausser le seuil à partir duquel la végétalisation et la solarisation des toitures sont obligatoires.
Quand nous avons défendu la loi Aper, en 2023, avec le soutien du Parti socialiste – et malheureusement seulement l’abstention des écologistes –, ce seuil a fait l’objet d’un long débat. Si nous avons voulu rendre obligatoire la solarisation ou la végétalisation des bâtiments publics, c’est parce qu’elles s’inscrivent dans le programme plus vaste de la planification énergétique, programme que nous avons soutenu et que le président de la République a détaillé, il y a maintenant quatre ans, dans son discours de Belfort. Ce programme a deux axes majeurs : le nucléaire – nous venons de discuter du lancement des EPR 2 avec l’amendement no 133 de Perrine Goulet – et, bien sûr, le déploiement massif et accéléré des énergies renouvelables.
Nous savons combien est importante, dans un tel contexte, l’énergie solaire. Nous préférons tous installer des panneaux solaires dans des espaces déjà artificialisés et dans des bâtiments que dans des zones forestières ou naturelles. Dès lors, la modification du seuil constituerait un message extrêmement négatif. La filière douterait de la stabilité des normes et nos concitoyens douteraient de notre volonté de nous engager collectivement dans la planification et la transition énergétiques.
Nous avons appris ce matin que la Chine avait, pour la première fois de son histoire – si l’on excepte la période, exceptionnelle, de la pandémie de covid-19 –, inversé sa courbe d’émissions de CO2 : elles ont nettement diminué lors du premier trimestre 2025. Ce résultat s’explique notamment par le déploiement de panneaux solaires. C’est bien la preuve qu’il faut continuer dans cette voie. Le groupe Ensemble pour la République votera pour ces amendements.
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Tavel.
M. Matthias Tavel
Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec l’essentiel de l’argumentation de notre collègue Cazeneuve. (Sourires.)
M. Pierre Pribetich
Houlà !
M. Matthias Tavel
En effet, il y a une incohérence flagrante à refuser de faciliter le déploiement du photovoltaïque sur les toitures, sur les parkings, dans les espaces déjà urbanisés, tout en facilitant son développement au sol dans des espaces naturels ou agricoles malgré les problèmes que cela pose sur le plan de l’artificialisation et de la production agricole. Il est logique de placer les panneaux photovoltaïques là où il y a déjà des constructions et de préserver les espaces naturels ou agricoles pour d’autres fonctions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et Ecos. – Mme Martine Froger applaudit également.) Je sais que certains députés du groupe LIOT sont sensibles à cet argument ; je m’étonne donc qu’une telle mesure soit défendue pendant leur niche parlementaire.
J’invite cependant M. Cazeneuve à la cohérence : s’il est favorable au déploiement du photovoltaïque dans les espaces déjà urbanisés, il devrait être opposé à la baisse du tarif de rachat de l’électricité photovoltaïque produite dans ces espaces, décidée par le gouvernement qu’il soutient ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.) Je compte sur lui pour convaincre son groupe et l’ensemble du soi-disant bloc central qu’il faut soutenir l’ensemble des énergies renouvelables.
Ce n’est pas la direction que prend le gouvernement lorsqu’il annonce qu’il inscrira à l’ordre du jour la proposition de loi Gremillet. Il faudrait plutôt l’en retirer et présenter un projet de loi promouvant une politique de sobriété énergétique et de défense des énergies renouvelables. Allez au bout de votre logique : soutenez le retrait de la proposition de loi Gremillet, qui est un danger pour les énergies renouvelables et pour le pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – Mmes Marie-Charlotte Garin et Dominique Voynet applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Loïc Kervran.
M. Loïc Kervran
Je soutiens moi aussi les amendements. Je suis persuadé que nous devons privilégier les toitures et les zones déjà artificialisées pour l’installation des panneaux photovoltaïques. Je regrette d’ailleurs que le gouvernement ait très fortement réduit le soutien aux dispositifs sur toiture – c’est une forme d’abandon –, alors que, dans le même temps, les projets photovoltaïques au sol, sur des terres agricoles, se développent massivement et de manière anarchique. Je le vois chaque jour dans le Cher. Ce phénomène affecte fortement les paysages, l’utilisation agricole des terres et la vie des riverains.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 55, 65 et 83.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 138
Nombre de suffrages exprimés 131
Majorité absolue 66
Pour l’adoption 86
Contre 45
(Les amendements identiques nos 55, 65 et 83 sont adoptés ; en conséquence, l’amendement no 25 tombe.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux demandes de scrutin public : sur l’amendement no 40, par le groupe Rassemblement national ; sur les amendements identiques nos 26 et 66, par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Sandra Marsaud, pour soutenir l’amendement no 40.
Mme Sandra Marsaud
Il fait suite à nos débats en commission et s’inscrit dans le projet de M. le rapporteur de simplifier les obligations d’évaluation des stratégies territoriales. Il vise à étendre le délai imparti aux élus pour l’évaluation des Scot. Je ne suis pas favorable à la fin de la caducité des Scot, car il faut bien qu’existe une contrainte, mais je propose de porter de six à dix ans la période au bout de laquelle les Scot doivent être évalués. Ces schémas ont été conçus à l’origine pour une durée de vingt ans ; il me paraît souhaitable de les évaluer après dix ans, c’est-à-dire à mi-chemin.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Harold Huwart, rapporteur
Il est favorable. Nous avons trouvé en commission l’équilibre suivant : lorsqu’une collectivité parviendra à l’échéance fixée par la loi, le préfet la mettra en demeure d’évaluer le Scot. Actuellement, lorsqu’une collectivité oublie de l’évaluer, le Scot devient caduc, ce qui entraîne des conséquences ravageuses pour le territoire et très préjudiciables pour la collectivité, à laquelle les procédures et études nécessaires font subir un coût insoutenable et très difficile à justifier. Nous souhaitons donc que l’État joue son rôle, comme l’a proposé en commission, par voie d’amendement, notre collègue socialiste Pierre Pribetich.
La durée théorique d’un Scot étant de vingt ans, il est nécessaire de l’évaluer en cours de route pour intégrer les évolutions – notamment celles de la réglementation environnementale – et s’assurer qu’il continue à jouer son rôle de document d’orientation. L’introduction d’une clause de revoyure à mi-parcours, c’est-à-dire après dix ans, me paraît souhaitable. Cette disposition est d’ailleurs conforme à l’esprit de nos discussions en commission.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
Madame Marsaud, je connais votre engagement en matière d’urbanisme. Même si le gouvernement aurait préféré supprimer la caducité des Scot, comme y tendait le texte initial, la position d’équilibre que vous proposez lui convient. Je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée.
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Pribetich.
M. Pierre Pribetich
Les ministres qui ont créé le schéma de cohérence territoriale – je salue Mme Voynet, ici présente – ont très intelligemment prévu trois espaces : un espace de projet, un espace institutionnel et un espace de cohérence. Rappelons-nous ce travail de nos prédécesseurs. Le Scot relève du troisième espace : son rôle est de mettre en cohérence les grandes politiques publiques dans un espace géographique donné. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
Cétait une démarche anticipatrice en matière d’aménagement du territoire, et prévoir l’évaluation du Scot au bout de dix ans s’inscrit parfaitement dans cette logique. Le groupe Socialistes et apparentés est donc favorable à l’amendement, étant entendu que nous avons clarifié le dispositif : la procédure de modification de droit commun deviendra la procédure standard pour les modifications du Scot, du PLU et du PLUI ; la procédure de révision, plus lourde, sera réservée aux évolutions des documents structurants, donnant l’occasion à l’ensemble des acteurs de réfléchir à des aménagements concertés et intelligents au bénéfice de tous. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. – Mme Dominique Voynet applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Nous devons tous garder à l’esprit la temporalité dans laquelle le dérèglement climatique nous fait basculer. Vu l’ampleur des transformations qu’il nous faut accomplir dans nos villes, dans nos territoires et en matière d’urbanisme pour relever le défi du dérèglement climatique, dix ans, c’est énorme ! Les documents de planification ne peuvent plus, à notre époque, être de simples outils de gestion statiques.
Mme Sandra Marsaud
Elle n’a rien compris !
Mme Claire Lejeune
Ils doivent être des outils de transformation rapide et profonde des territoires. Leur actualisation doit être intensément démocratique et compatible avec l’avis des élus locaux, mais elle doit aller beaucoup plus vite. Le maintien d’une évaluation tous les six ans garantit la mise en cohérence du Scot avec la profonde transformation de l’urbanisme que nous devons mener pour être à la hauteur de l’enjeu écologique. Je m’inquiète qu’on puisse envisager de porter ce délai à dix ans alors qu’il faut conduire le plus rapidement possible les transformations dont je parle.
Mme Sandra Marsaud
C’est le temps de l’aménagement ! Dix ans, c’est un minimum !
Mme Claire Lejeune
Notre groupe était et reste opposé à la fin de la caducité des Scot, car nous avons besoin de cette contrainte pour que les collectivités actent régulièrement, dans les Scot, les évolutions de la réglementation. Il ne nous paraît pas souhaitable non plus que l’évaluation intervienne seulement au bout de dix ans ; c’est une forme de refus d’obstacle face aux immenses défis qu’il nous incombe de relever. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Constance de Pélichy.
Mme Constance de Pélichy
Je comprends parfaitement les arguments de Mme Lejeune et je reconnais l’urgence climatique, mais le délai de quatre à six ans qu’il faut pour élaborer un Scot est, en soi, incompatible avec la temporalité de l’urgence. L’enjeu de fond consiste à penser des procédures de planification permettant à la fois la concertation avec la population – il est fréquent que personne, hormis une vingtaine de militants, ne se rende aux réunions publiques – et la rapidité d’action.
Les élus passent des centaines d’heures à piloter le Scot, le PLU, le PLUI ! Le temps passé en comité de pilotage pour réviser un Scot, voire pour en créer un nouveau – car les territoires évoluent, notamment depuis la loi Notre –, pour créer un PLUI, puis pour évaluer tous ces documents, en tirer le bilan et les mettre à jour finit par occuper le plus clair du mandat d’élu local. Tout cela ne conduit qu’à produire des documents d’urbanisme perpétuellement obsolètes et inopérants, dont la technicité est telle qu’ils ne correspondent même plus à un projet politique visant à aménager le territoire de manière cohérente tout en protégeant les habitants.
Je suis donc très favorable à cette mesure qui, je l’espère, diminuera le nombre d’heures que les élus passent dans de telles réunions. En outre, le délai de six ans est complètement déconnecté des réalités : c’est bien trop court au regard du temps nécessaire pour réaliser un document d’urbanisme. J’irai plus loin : j’appelle de mes vœux une remise à plat totale des méthodes de planification pour nos territoires ; elles correspondent certes à des ambitions légitimes, mais elles ne fonctionnent pas du tout. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Julie Ozenne.
Mme Julie Ozenne
Le Scot est un pur objet politique. Or, dans le monde politique, tout va extrêmement vite. Le Scot doit donc être amélioré en continu ; reporter à dix ans l’échéance de l’évaluation, comme y tend l’amendement, ne permettra pas cette élaboration politique en continu par l’ensemble des acteurs. Cette proposition va à rebours des enjeux actuels d’adaptation rapide des territoires aux transitions écologique, démographique et économique.
Le Scot est l’outil central de planification à long terme. Il structure les grandes orientations territoriales en matière d’habitat, de mobilité, d’environnement ou encore d’activité économique. Cette fonction stratégique suppose une mise à jour régulière pour rester en cohérence avec les réalités locales, les urgences climatiques et les nouvelles obligations légales. Allonger le délai en le portant à dix ans, c’est prendre le risque que les décisions d’aménagement deviennent obsolètes et déconnectées des besoins de la population. C’est aussi affaiblir la capacité de pilotage des territoires en laissant dériver les documents de référence. La souplesse évoquée dans l’exposé sommaire de l’amendement ne saurait justifier une dilution des exigences : ce n’est pas en relâchant les outils de cohérence qu’on renforce la planification.
Nous nous opposons donc à l’amendement. Le délai de six ans permet déjà de s’inscrire dans le temps long.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 40.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 138
Nombre de suffrages exprimés 135
Majorité absolue 68
Pour l’adoption 104
Contre 31
(L’amendement no 40 est adopté.)
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et HOR ainsi que sur quelques bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
Je suis interpellée au sujet du nombre d’orateurs qui interviennent sur chaque amendement. En cette journée de niche parlementaire, je m’efforce d’équilibrer la discussion. Sur l’amendement no 40, j’ai donné la parole à deux orateurs pour et à deux orateurs contre. Par défaut, j’appliquerai la règle « un pour, un contre », pour que la discussion avance suffisamment vite. Si nous constatons un point de blocage politique, par exception, je donnerai la parole à un orateur par groupe.
Plusieurs députés du groupe EPR
Très bien !
M. Hadrien Clouet
Excellente présidence !
Mme la présidente
L’amendement no 63 de M. le rapporteur est rédactionnel.
(L’amendement no 63, accepté par le gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 26 et 66.
La parole est à M. Julien Brugerolles, pour soutenir l’amendement no 26.
M. Julien Brugerolles
À l’alinéa 5, il est proposé d’augmenter de 20 % à 50 % le seuil de majoration des possibilités de construction au-delà duquel une procédure de modification de droit commun doit être réalisée. Cette évolution du seuil nous paraît excessive. Elle privera les citoyens de la possibilité de s’exprimer sur un projet de PLU et de voir leurs préoccupations entendues dans le cadre de cette procédure. Comme nous l’avons déjà souligné lors de l’examen en commission, nous pensons que ce n’est pas en contournant la consultation du public que l’on favorisera l’acceptabilité des projets ou que l’on se prémunira contre des recours potentiels.
Mme la présidente
La parole est à Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, pour soutenir l’amendement no 66.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Nous souhaitons maintenir à 20 % le seuil de majoration des possibilités de construction au-delà duquel une procédure de modification avec enquête publique est obligatoire. Nous considérons que le porter à 50 % constituerait une évolution dangereuse.
En effet, le PLU vise à planifier l’urbanisme à l’échelle de la commune. Il permet d’organiser les équipements publics, de favoriser la mixité sociale et de réguler la construction. Il sert également à planifier l’adaptation au changement climatique par la végétalisation et à organiser la protection de l’air, de l’eau et du sol. Tout le monde se souvient des images terribles des inondations à Valence. Or l’un des facteurs aggravants des inondations était l’artificialisation des sols. Bref, le PLU est un document essentiel de la planification urbaine, d’autant plus s’il est massif.
Il serait très grave que l’on puisse réviser la moitié du PLU sans enquête publique. Non seulement la proposition des collègues du groupe LIOT n’est pas sérieuse, mais elle est aussi dangereuse. (« Oh ! » sur les bancs du groupe LIOT.) La politique communale ne peut pas se faire contre les habitants ; elle doit se faire avec eux, en les consultant. C’est la raison pour laquelle nous nous opposons à l’augmentation de ce seuil à 50 %. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?
M. Harold Huwart, rapporteur
Vous soutenez que ce changement de seuil permettra d’accroître l’artificialisation des sols, mais c’est inexact, car il s’agit d’augmenter la constructibilité de surfaces déjà constructibles. Cette disposition n’affecte donc aucune forme d’espace non construit.
Ensuite, vous affirmez qu’il n’y aura plus aucune garantie, mais la procédure de modification simplifiée nécessite une délibération ; la collectivité compétente doit accomplir une série de travaux préalables, les documents étant mis à disposition du public. C’est donc une procédure suffisamment longue. Par ailleurs, vous évoquez la possibilité de remettre en cause la moitié du PLU. Or la procédure de modification de droit commun s’appliquera dès que le seuil de 50 % est dépassé dans une zone, et non dans l’ensemble de la collectivité concernée par le PLU ou le PLUI.
Enfin, monsieur Brugerolles, quand j’étais plus jeune et que j’usais mes fonds de culotte sur les bancs de l’Union sociale pour l’habitat (USH) et de la Fédération nationale des offices publics de l’habitat, j’ai lu le rapport d’information de Mickaël Cosson et Stéphane Peu sur l’accès des Français à un logement digne et la réalisation d’un parcours résidentiel durable – à titre personnel, je pourrais souscrire à chacune de ses lignes. Or nous ne tiendrons aucun des objectifs fixés dans ce rapport en matière de construction de logements dans notre pays si nous n’adoptons pas des dispositions minimales comme celle-ci. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LIOT et Dem.)
M. Mickaël Cosson
Très bien !
M. Harold Huwart, rapporteur
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
L’argumentation que vient de développer M. le rapporteur est tout à fait conforme à la position du gouvernement. Nous émettons donc un avis défavorable pour ces mêmes raisons.
Mme la présidente
Sur l’amendement no 132, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 26 et 66.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 134
Nombre de suffrages exprimés 127
Majorité absolue 64
Pour l’adoption 28
Contre 99
(Les amendements identiques nos 26 et 66 ne sont pas adoptés.)
(L’article 1er, amendé, est adopté.)
Après l’article 1er
Mme la présidente
La parole est à M. Romain Daubié, pour soutenir l’amendement no 132, portant article additionnel après l’article 1er.
M. Romain Daubié
Je partage avec le rapporteur l’idée que la France a besoin de simplification administrative et économique. Je remercie donc le groupe LIOT d’avoir inscrit à l’ordre du jour cette proposition de loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement.
L’amendement vise à dispenser les projets de construction de réacteurs électronucléaires de deux obligations, déjà satisfaites par les procédures existantes. Nous avons déjà eu ce débat en examinant les articles et amendements précédents. Je crois profondément que la transition écologique est une nécessité. L’électricité doit constituer une part croissante de notre mix énergétique, ce qui ne peut se faire sans l’énergie nucléaire.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Harold Huwart, rapporteur
Je demande le retrait de l’amendement, sans quoi j’émettrai un avis défavorable. Si j’entends la préoccupation que vous exprimez, je ne peux que constater que le vote de cet amendement exonérerait EDF de la quasi-totalité des règles du droit de l’urbanisme qui garantissent la sécurité de nos concitoyens. Une telle disposition relève d’un débat sur la politique énergétique et ses moyens plutôt que d’un débat sur le droit de l’urbanisme.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
L’amendement soulève une question pertinente : les règles classiques de la construction n’ont pas toutes vocation à s’appliquer aux réacteurs électronucléaires, étant donné leurs multiples spécificités. Je partage donc la volonté d’adapter les règles de construction dans ce cas précis. En revanche, la rédaction que vous proposez est trop large. Par exemple, les bâtiments annexes attenant aux réacteurs qui accueilleront des travailleurs doivent répondre aux règles relatives à la prévention des risques ou au confort thermique ; je ne souhaite pas les en dispenser. Il ne me semble pas non plus pertinent de dispenser par principe ces bâtiments et aménagements des obligations de solarisation, d’autant que la loi Aper prévoit déjà des dérogations.
Je vous invite donc à retirer votre amendement. Je m’engage à travailler avec les parlementaires, à la faveur de la navette, à une rédaction recentrée sur les règles et les bâtiments pertinents, en prenant en considération vos préoccupations.
Mme la présidente
La parole est à M. Romain Daubié.
M. Romain Daubié
J’ai entendu les arguments de Mme la ministre. Avec Perrine Goulet, nous retravaillerons cette disposition dans le cadre de la navette. Je retire l’amendement.
M. Matthias Renault
Je le reprends !
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 132.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 132
Nombre de suffrages exprimés 129
Majorité absolue 65
Pour l’adoption 50
Contre 79
(L’amendement no 132 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Max Mathiasin, pour soutenir l’amendement no 9.
M. Max Mathiasin
Il concerne les départements et régions d’outre-mer (Drom), c’est-à-dire la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion et Mayotte. Il vise à simplifier le droit applicable aux schémas d’aménagement régional (SAR), en leur appliquant celui qui existe pour les Sraddet. En effet, le SAR est, pour les Drom, l’équivalent du Sraddet. Ainsi, le SAR ferait l’objet d’une approbation par arrêté du préfet, à la place d’un décret en Conseil d’État après transmission au ministre chargé de l’urbanisme.
Je précise que cet amendement nous a été suggéré par la région Guadeloupe.
(L’amendement no 9, accepté par la commission et le gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Victor Castor, pour soutenir les amendements nos 80 et 74, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Jean-Victor Castor
Je vous parlerai à nouveau de la Guyane – vous savez que distinguer la Guyane du reste du territoire dit national est un sujet essentiel pour moi. Il est très important d’y simplifier les procédures. En Guyane, des squats s’installent partout et par milliers. Des dizaines de milliers de demandes de logement sont en attente. Alors qu’il serait nécessaire de construire 4 000 logements par an, nous ne sommes actuellement capables d’en construire qu’à peine 1 200. Nous avons un retard à rattraper et nous devons anticiper les besoins liés à une croissance démographique hors normes.
L’amendement no 80 tend à accélérer à titre expérimental pour cinq ans la réalisation des projets menés par les acteurs investis d’une mission d’intérêt général, essentiellement les bailleurs sociaux. Il vise à simplifier les démarches : la procédure classique d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme serait remplacée par une simple déclaration de projet en mairie. Il faut savoir qu’il y a environ 60 % de constructions illicites en Guyane.
L’amendement no 74 tend à créer un document unique d’autorisation d’urbanisme pour toutes les autorisations relatives aux constructions, aménagements et démolitions. J’appelle votre attention sur le fait que la construction illégale dans mon pays, en Guyane, installe le chaos. Je comprends qu’ici, nous soyons relativement stricts, compte tenu notamment des enjeux climatiques, mais je rappelle que le territoire guyanais est couvert à 97 % de forêts et que l’essentiel de la déforestation tient à l’orpaillage illégal et aux constructions illégales. Nous avons donc besoin de libérer du foncier, d’avoir des financements pour mieux l’aménager et de simplifier les procédures administratives.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Harold Huwart, rapporteur
Il est défavorable. Je comprends votre intention. Néanmoins, la protection du littoral guyanais est un enjeu de biodiversité et environnemental majeur pour la France. Compte tenu des conditions extrêmement complexes de l’urbanisation et du traitement des dossiers d’urbanisme en Guyane, je redoute que substituer à la procédure normale une simple déclaration de projet n’amène les services instructeurs des collectivités à autoriser des constructions illégales ou à refuser pour des motifs erronés des projets qui, eux, pourraient être légaux. Je pense donc que les effets négatifs pourraient l’emporter sur les effets positifs.
En revanche, je souscris entièrement à votre préoccupation au sujet des constructions illégales. C’est pourquoi nous avons inscrit, à l’article 4, des dispositions permettant de lutter contre celles-ci. En effet, le législateur a conféré aux maires le droit de mettre en demeure les propriétaires ou les bénéficiaires de constructions illégales, mais il ne leur a donné aucun des autres moyens qui inciteraient les propriétaires à régulariser leur situation. En l’absence d’astreintes et d’amendes, nous nous trouvons dans l’incapacité de faire respecter la loi. J’espère que ces dispositions pourront servir aussi un territoire comme le vôtre.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
Même avis. Les arguments que j’allais présenter sont similaires à ceux qu’a exposés M. le rapporteur. Je ne les développerai pas afin de ne pas ralentir les débats.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Victor Castor.
M. Jean-Victor Castor
Monsieur le rapporteur, madame la ministre, je pense que vous n’avez pas compris ce qui se passe en Guyane. Il y a 60 % de constructions illégales sur le littoral. Dans des villes comme Saint-Laurent-du-Maroni, Cayenne, Matoury ou Rémire-Montjoly, il y a des constructions illégales partout.
Ces constructions illégales, qui se comptent par dizaines de milliers, ne sont pas prises en compte dans le recensement de l’Insee. Il en résulte que les dotations globales de fonctionnement ne correspondent pas au nombre réel d’habitants.
Je m’adresse à vous tous : si vous ne votez pas cet amendement, vous empêcherez d’agir les acteurs publics qui pourraient réguler le phénomène et vous laisserez s’étendre les constructions illégales.
La Guyane ne doit pas se retrouver dans une situation aussi tendue que Mayotte, mais c’est ce qui va se passer ! Nous sommes déjà dans une situation chaotique ; si vous ne votez pas ces amendements, elle s’amplifiera. La Guyane, ce n’est pas l’Hexagone : il faut vraiment savoir ce qui s’y passe.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 80.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 117
Nombre de suffrages exprimés 71
Majorité absolue 36
Pour l’adoption 40
Contre 31
(L’amendement no 80 est adopté.)
(MM. Elie Califer et Max Mathiasin applaudissent.)
Mme la présidente
Puis-je considérer que le vote est le même pour l’amendement no 74 ?
Plusieurs députés
Non !
Mme la présidente
Nous allons donc le soumettre à un scrutin public.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 74.
(Il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 115
Nombre de suffrages exprimés 69
Majorité absolue 35
Pour l’adoption 40
Contre 29
(L’amendement no 74 est adopté.)
M. François Cormier-Bouligeon
Pourquoi personne n’a-t-il voté à gauche ?
Mme la présidente
La parole est à Mme Olivia Grégoire, pour soutenir l’amendement no 147, qui fait l’objet d’un sous-amendement no 157.
Mme Olivia Grégoire
L’article 40 de la loi Aper a imposé l’installation, sur au moins la moitié de la superficie des parkings extérieurs de plus de 1 500 mètres carrés, d’ombrières intégrant un procédé de production d’énergies renouvelables, principalement d’origine photovoltaïque.
Si cette disposition est essentielle, la rédaction actuelle de l’article empêche deux types de combinaisons pourtant cohérentes avec les objectifs de la loi : d’une part, l’association d’arbres à canopée large et d’ombrières photovoltaïques sur un même parking ; d’autre part, la combinaison de plusieurs sources d’énergies renouvelables, telles que le photovoltaïque et la géothermie.
Ces interdictions sont contre-productives. Elles entraînent des situations ubuesques où des collectivités locales ou des entreprises ayant déjà végétalisé un parking ne peuvent pas ajouter d’ombrières photovoltaïques sans abattre des arbres. C’est totalement contraire à notre objectif de lutte contre l’artificialisation des sols et le réchauffement climatique.
Par ailleurs, la contrainte de devoir recourir à une seule source d’énergie – le plus souvent, d’origine photovoltaïque – pour respecter les exigences de production empêche une approche optimisée du mix énergétique. À l’inverse, une répartition plus souple entre photovoltaïque et géothermie, par exemple, permettrait d’atteindre les objectifs de la loi de façon plus durable et mieux adaptée à la réalité locale.
Cet amendement s’inscrit totalement dans le texte présenté par les collègues du groupe LIOT : il vise à introduire la possibilité de combiner des dispositifs de végétalisation – arbres à large canopée – et des ombrières photovoltaïques, ou plusieurs sources de production d’énergies renouvelables, comme le photovoltaïque et la géothermie.
L’amendement ne remet pas en cause l’article 40 de la loi Aper, mais il tend à l’améliorer, en laissant un peu de liberté aux collectivités et aux entreprises. L’objectif fixé par la loi demeure inchangé.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Luc Fugit, pour soutenir le sous-amendement no 157.
M. Jean-Luc Fugit
L’amendement de ma collègue Olivia Grégoire relève du bon sens : il cherche à simplifier le droit de l’urbanisme en assouplissant l’article 40 de la loi Aper, sans renier l’objectif fixé par celle-ci.
Le sous-amendement tend à garantir un minimum de 35 % de photovoltaïque dans les projets mixtes. Il est important d’encourager les différentes sources d’énergies renouvelables, notamment la géothermie et le photovoltaïque, qui concourent à l’objectif commun de défossilisation progressive de notre économie.
Le sous-amendement vise à envoyer un signal à la filière du photovoltaïque, énergie à laquelle nous croyons beaucoup. Deux importants projets d’installation de panneaux photovoltaïques sont en cours : HoloSolis dans l’Est et Carbon dans le Sud. Il faut les soutenir pour les années qui viennent.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et le sous-amendement ?
M. Harold Huwart, rapporteur
Je vois à peu près les cas concrets qui pourraient être améliorés par l’amendement. Je m’interroge cependant sur la compatibilité de ces dispositions avec la directive de 2024 sur la performance énergétique des bâtiments, qui n’est pas la plus simple à lire et pour laquelle je n’ai pas l’expertise dont dispose le gouvernement. Je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée, en attendant l’avis de Mme la ministre.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
Vous souhaitez déroger au texte initial ou, du moins, ouvrir des possibilités. Nous souscrivons à la nécessité d’examiner ces assouplissements, qui paraissent de bon sens. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée, étant entendu qu’il nous faudra affiner ces dispositions à la faveur de la navette parlementaire.
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Nous voterons pour l’amendement, qui tend à simplifier le dispositif et à ouvrir de nouvelles possibilités pour l’installation de panneaux photovoltaïques sur les parkings. Le sous-amendement va peut-être un peu trop loin, mais, si j’ai bien compris, des réajustements interviendront dans le cadre de la navette.
J’en profite pour vous interpeller sur la situation du photovoltaïque sur les bâtiments agricoles, alors qu’une baisse des tarifs de rachat est envisagée. Évitons le « deux poids, deux mesures » entre les parkings, où le photovoltaïque se développerait avec souplesse – ce qui peut s’entendre –, et les bâtiments agricoles, pour lesquels le gouvernement resserrerait la vis. Certes, c’est une logique de guichet et on peut considérer qu’il y a un volume non maîtrisé. En tout cas, beaucoup aimeraient des précisions sur ce que compte faire le gouvernement pour ce qui est du photovoltaïque sur les bâtiments agricoles. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Pribetich.
M. Pierre Pribetich
Nous sommes favorables aux évolutions prévues par l’amendement, à condition que le sous-amendement de notre collègue Fugit soit adopté.
(Le sous-amendement no 157 est adopté.)
(L’amendement no 147, sous-amendé, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour soutenir l’amendement no 121.
M. Sébastien Huyghe
L’amendement vise à lutter contre la surtransposition des réglementations européennes. Dans le secteur de la construction neuve, ces surenchères normatives, qui existent depuis de nombreuses années, conduisent à une hausse des prix du logement, empêchant l’accès d’un nombre croissant de ménages à un parcours résidentiel.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Harold Huwart, rapporteur
Mon avis est défavorable, parce que cette règle pourrait amener le législateur à refuser de légiférer sur un point qui l’exigerait. Une telle incompétence négative risque de poser un problème de constitutionnalité. Par ailleurs, j’ai la conviction que l’ensemble de ces dispositions seront réexaminées prochainement. Cet amendement, comme d’autres, a plutôt vocation à être étudié dans le cadre d’un débat sur la politique énergétique.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
Même avis.
Mme la présidente
Monsieur Huyghe, maintenez-vous votre amendement ?
M. Sébastien Huyghe
Oui, madame la présidente.
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Vous vous en doutez, nous nous opposerons à cet amendement. Dans certains cas, le législateur français souhaite faire mieux que ce qui est prévu au niveau européen sur les questions environnementales – qui devraient tous nous préoccuper. Or vous proposez de nous ôter cette possibilité ; c’est quand même terrible ! Nous devrions avoir ici assez d’ambition pour fixer des exigences plus fortes, lorsque nous considérons que la législation européenne ne va pas assez loin.
Par ailleurs, je vous ai alertés sur l’immense régression à venir, dans les prochaines semaines, au niveau européen – je pense aux projets de directives omnibus 1 et 2, dont vous avez connaissance. Si nous cédons dès maintenant, en partant du principe que nous n’irons pas plus loin que le droit européen et que nous suivrons ces régressions, la France ne sera pas à même de relever le défi climatique et ne sera pas au rendez-vous en matière de respect de l’environnement. Nous devrions pourtant toutes et tous le défendre. (Mme Sylvie Ferrer applaudit.)
Mme la présidente
Sur les amendements identiques nos 54, 77 et 84, je suis saisie par les groupes Rassemblement national, La France insoumise-Nouveau Front populaire et Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Julie Ozenne.
Mme Julie Ozenne
L’amendement no 121 vise à interdire toute exigence législative ou réglementaire française qui irait au-delà des critères environnementaux définis par le règlement délégué européen de 2021 sur la taxonomie verte.
Il entend ainsi figer le niveau d’exigence applicable à la construction neuve en France au seuil européen minimal. Ce raisonnement repose sur une forme de subrogation inversée du droit : au lieu de faire en sorte que le droit européen fixe un socle minimal que les États membres peuvent renforcer, l’amendement entend substituer le droit européen au droit national, plafonnant ainsi les normes françaises. C’est une lecture erronée du principe de subsidiarité et des compétences partagées en matière environnementale.
Le règlement européen établit des critères communs pour orienter les investissements durables, mais il ne vise en aucun cas à interdire à un État d’aller plus loin, en particulier dans un domaine aussi essentiel que le bâtiment, premier secteur émetteur de gaz à effet de serre en France.
S’en remettre exclusivement au seuil européen reviendrait à interdire toute ambition environnementale nationale dans un domaine où la France a historiquement été en retard. Cela priverait aussi les collectivités et les filières professionnelles de la possibilité d’innover, d’expérimenter et de tirer vers le haut l’ensemble du secteur.
Enfin, cette proposition passe sous silence les bénéfices à long terme de la performance environnementale : réduction des charges pour les ménages, amélioration du confort et contribution essentielle à la trajectoire climatique nationale.
Pour toutes ces raisons, nous nous opposons fermement à cet amendement, qui confond harmonisation et nivellement par le bas.
(L’amendement no 121 n’est pas adopté.)
Article 1er bis
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 54, 77 et 84, qui tendent à supprimer l’article 1er bis.
La parole est à Mme Julie Ozenne, pour soutenir l’amendement no 54.
Mme Julie Ozenne
Nous demandons la suppression de l’article 1er bis, qui affaiblit profondément le rôle des élus locaux dans l’aménagement de leur territoire. Cet article vise à permettre la mise en compatibilité, de manière descendante, des documents d’urbanisme locaux avec les schémas régionaux des carrières (SRC). La hiérarchie des normes serait inversée au profit de documents sectoriels, élaborés sans vision d’ensemble et, souvent, sous la forte influence des intérêts industriels.
Les maires et les présidents d’intercommunalité sont les garants de l’équilibre entre développement, qualité de vie et protection de l’environnement. Ce sont eux qui élaborent les Scot et les PLU, sur la base de choix construits localement et démocratiquement. Leur retirer la main sur l’implantation et l’extension des carrières, c’est les déposséder de leur pouvoir de régulation.
S’il était maintenu, cet article ferait primer la logique extractiviste sur l’intérêt général ; il menace nos paysages, nos ressources naturelles, notre souveraineté locale. C’est pourquoi nous vous demandons de voter pour notre amendement de suppression.
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune, pour soutenir l’amendement no 77.
Mme Claire Lejeune
Comme l’amendement précédent, il vise à supprimer l’article 1er bis, intégré au texte lors de son examen en commission. Nous pouvons certes avoir des désaccords au sujet de la conception du rôle des élus, par exemple, mais en l’occurrence, nous basculons dans le grand n’importe quoi : au profit d’un seul secteur – disons-le clairement, d’un lobby, celui des carrières –, on inverserait la hiérarchie des normes et le principe de subsidiarité ; on retirerait aux élus le pouvoir qu’ils exercent par leurs documents de planification, fondement de la gestion de leur territoire ! Nous ne pouvons pas accepter cette logique. Passons, encore une fois, sur nos divergences au sujet des précédents amendements : la suppression de cet article importe davantage.
Il est essentiel que les élus gardent la main sur les projets de carrière et que les évaluations environnementales aillent jusqu’au bout ; il est vital que les populations puissent s’exprimer à leur sujet. Je le répète, une dérogation arbitraire au profit de cet unique secteur, parce qu’un amendement a été adopté par mégarde en commission, n’est pas acceptable. Je vous invite à voter pour nos amendements de suppression ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP. – M. Steevy Gustave applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Pribetich, pour soutenir l’amendement no 84.
M. Pierre Pribetich
La simplification prévue par l’article 1er bis n’est pas souhaitable. Les élus du bloc communal ne sont pas associés en amont de l’élaboration d’un schéma régional des carrières ; seules interviennent les collectivités régionale et départementale. En d’autres termes, cette mesure irait à rebours des autres dispositions du texte. Nous, députés du groupe Socialistes et apparentés, souhaitons maintenir la procédure grâce à laquelle les élus locaux sont pleinement considérés, et proposons donc la suppression de cet article. (MM. Jacques Oberti et Max Mathiasin applaudissent.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?
M. Harold Huwart, rapporteur
En commission, j’avais émis des réserves au sujet de cette disposition, qui a néanmoins été adoptée. Au vu des conséquences qu’elle pourrait avoir, il me paraît indispensable de la supprimer. Je suis donc favorable aux amendements.
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur l’article 1er bis, par le groupe Horizons & indépendants ; sur les amendements identiques nos 58 et 78, par les groupes Rassemblement national, La France insoumise-Nouveau Front populaire et Libertés, indépendants, outre-mer et territoires ; sur les amendements identiques nos 53, 60 et 67, par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis du gouvernement sur les amendements de suppression nos 54, 77 et 84 ?
Mme Valérie Létard, ministre
Avis favorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit
À titre personnel, en tant que député du groupe Horizons & indépendants, je m’opposerai à ces amendements de suppression.
Dans notre pays, la filière des carrières et matériaux de construction reste très fragile. En Bretagne, où se situe ma circonscription, élus locaux, parlementaires, collectivités font tout ce qu’ils peuvent pour soutenir l’extraction et surtout l’utilisation du granit. La filière française du granit est concurrencée par des pays européens – le Portugal, par exemple – ou plus lointains – en particulier la Chine. Il y a un réel problème : l’incapacité de notre industrie des carrières et des matériaux à exploiter les ressources naturelles de notre sous-sol. Les PLU et les Scot sont des documents de planification ; il est tout à fait logique qu’en accord avec ces documents, le schéma régional des carrières permette de trouver des possibilités d’extension de l’activité. Sinon, c’est toute la filière qui disparaîtra !
Ce débat me rappelle celui que nous avons, en commission des affaires économiques, au sujet des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et des élevages. Hier soir, nous en avons discuté jusqu’à minuit, soulignant le fait que certaines filières, comme celles de la poule pondeuse ou de la volaille de chair, sont en train de disparaître. Si nous n’y prenons pas garde, l’industrie des carrières, je le répète, disparaîtra elle aussi ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes HOR, RN et EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Létard, ministre
Étant donné votre intervention, monsieur Benoit, je me permets de rappeler que cet article, introduit en commission, prévoit d’ouvrir, spécifiquement au profit des carrières, la procédure intégrée qui figure dans le code de l’urbanisme – les Scot et PLU seraient modifiés d’office pour y inscrire les créations ou extensions de carrière et, par conséquent, les autoriser. Or le droit en vigueur comporte, pour procéder en ce sens, nombre d’outils mieux encadrés, nécessitant l’accord de la collectivité concernée. Les documents d’urbanisme peuvent ainsi faire l’objet d’une modification classique, voire simplifiée – selon les cas. En outre, lorsque la création ou l’extension d’une carrière est d’intérêt général, il est possible de recourir à la procédure de déclaration de projet. Celle-ci permet, aussi facilement que la procédure intégrée, de mettre en compatibilité les Scot et les PLU. Je ne souhaite pas complexifier le droit en créant des voies spécifiques de modification au bénéfice des carrières, et confirme donc mon avis favorable à la suppression de l’article 1er bis.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 54, 77 et 84.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 138
Nombre de suffrages exprimés 133
Majorité absolue 67
Pour l’adoption 71
Contre 62
(Les amendements identiques nos 54, 77 et 84 sont adoptés ; en conséquence, l’article 1er bis est supprimé.)
(Mmes Claire Lejeune, Sabrina Sebaihi et Dominique Voynet applaudissent.)
Article 2
Mme la présidente
La parole est à Mme Anaïs Belouassa-Cherifi.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
À la lecture de l’article 2, chers collègues, on a l’impression que vous considérez que simplifier, c’est sacrifier. L’article vise à adapter à l’accueil temporaire de travailleurs le cadre de la résidence hôtelière à vocation sociale (RHVS). Concrètement, vous souhaitez détourner les RHVS d’une de leurs finalités, à savoir le logement de personnes en grande difficulté sociale, fonction pourtant essentielle face à la crise du logement et à l’explosion du sans-abrisme. Comment osez-vous introduire une telle mesure dans une loi dite de simplification ?
Nous refusons qu’au nom de la redynamisation de certains territoires, on remédie au manque de logements accessibles aux travailleurs aux dépens d’autres populations en détresse. Le véritable problème réside dans la baisse de 1,6 milliard d’euros du budget consacré au logement : compte tenu de cette austérité imposée par le gouvernement, comment pouvez-vous dévoyer l’une des rares structures d’accueil qui restent ? D’autant que vous utilisez l’argument de l’industrialisation. De quelle industrialisation parlons-nous ? Je ne vois que des usines qui ferment : ArcelorMittal, Vencorex, Michelin, Valeo ! Plus que jamais, nous avons besoin de loger les personnes en grande difficulté : dans une vie, le logement est le point de départ de tout !
Cet article tend aussi à étendre le champ d’application des dérogations au PLU. En matière d’urbanisme, si les décisions cessent d’être organisées au sein de ce document public et accessible, elles seront, sans ligne directrice, à la discrétion des élus locaux. Nous en sommes convaincus, l’extension de ces dérogations est susceptible de faciliter les mécanismes de corruption et de prise illégale d’intérêts. Le PLU, approuvé par les conseils municipaux lors d’une délibération publique, constitue un cadre démocratique.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes fermement opposés à l’article 2.
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 58 et 78, tendant à supprimer l’article 2.
La parole est à Mme Julie Ozenne, pour soutenir l’amendement no 58.
Mme Julie Ozenne
L’article 2 affaiblirait gravement à la fois nos outils de planification territoriale et les garanties fondamentales du droit au logement. Autoriser des logements dérogatoires afin de répondre aux besoins liés à la réindustrialisation reviendrait à créer un dangereux précédent : une normalisation de l’hébergement précaire hors des standards du logement social, donc sans encadrement des loyers, sans accompagnement, sans garantie de qualité. Cette réponse à court terme risque d’enfermer les plus précaires dans une instabilité durable.
Par ailleurs, le même article permettrait de court-circuiter les PLU par une simple décision motivée, c’est-à-dire de glisser de l’urbanisme de projet à un urbanisme d’exception, où la concertation démocratique deviendrait facultative. À l’heure des urgences sociale et écologique, nous devrions renforcer les règles collectives, non les contourner. D’où notre amendement de suppression.
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune, pour soutenir l’amendement no 78.
Mme Claire Lejeune
À la suite de notre collègue, je souligne la gravité de la mesure et son caractère en quelque sorte déplacé, puisqu’il ne s’agit nullement de simplifier le droit de l’urbanisme en vue de faciliter la construction, mais de mettre en concurrence deux catégories de population en butte à des problèmes graves, quoique très différents. D’un côté, un public très précaire, parfois désigné par l’expression « public préfectoral ». Ces personnes sont dirigées vers les RHVS notamment par les services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO). Elles y passent une nuit, une semaine, ou plusieurs semaines lorsqu’elles en ont besoin. Comme option alternative, répétons-le, elles n’ont que la rue. De l’autre, des travailleuses et des travailleurs, qui ont aussi besoin de se loger. Ne serait-ce que pour des raisons morales, une telle mise en concurrence serait absolument inacceptable !
En outre, la seconde catégorie, celle des travailleurs amenés par la réindustrialisation, demeure très floue. Comment définir le périmètre géographique concerné par cette situation ? Correspondra-t-il aux endroits où les RHVS seraient moins nécessaires au public précaire ? Rien ne le garantit, d’autant que la vacance à laquelle vous vous référez pour légitimer cette disposition est justement vouée à permettre que les RHVS accueillent dans l’urgence des personnes en grave danger ou en situation de grande précarité, leur évitant ainsi de dormir sur un trottoir.
Encore une fois, c’est très grave et cela n’a absolument rien à faire dans une proposition de loi de simplification, quelle que soit la manière dont nous entendons ce terme. Vraiment, je vous invite, chers collègues, à adopter nos amendements de suppression !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?
M. Harold Huwart, rapporteur
Il est défavorable. Dans un certain nombre de territoires, des entreprises, notamment industrielles, s’installent. Ces industriels nous demandent des solutions de logement à court terme pour des techniciens et ingénieurs en mobilité, pour des apprentis, des intérimaires, des stagiaires, des étudiants. Or le code de l’habitat nous interdit de mobiliser le logement social pour répondre à ces besoins. Nous ne pouvons pas davantage promettre aux entreprises la construction de logements locatifs : le marché, les délais de construction, ne le permettent pas.
Cela fait des années et des années que nous débattons à ce sujet. Avant d’être élu, j’ai assisté ici même aux discussions de nos prédécesseurs, je les ai entendus remettre en cause le fait que le code de l’habitat réserve strictement, sans possibilité de dérogation, le logement social au public qui y est éligible, dans les conditions fixées pour ce type de logement. Il n’existe pas la moindre possibilité de le louer en meublé pour répondre à un besoin temporaire, à moins de passer par le préfet – lequel accorde des dérogations au compte-gouttes, par exemple pour loger un ou deux gendarmes, alors qu’on peut avoir besoin de trouver des logements pour une centaine de personnes.
On pourrait citer un très grand nombre d’endroits en France où ce besoin existe. Je l’ai vu. Il y a, dans nos territoires, des logements sociaux vacants – et contrairement à tout l’argumentaire que vous avez développé, ces logements ne peuvent être mobilisés ni au profit des publics que vous mentionnez, ni au profit des entreprises pour des implantations industrielles.
Il y a un aller-retour depuis des années sur cette disposition. Les ministres du logement successifs nous ont toujours dit qu’ils entendaient cette préoccupation et qu’il était pertinent d’évoluer sur ce point. Madame la ministre, lorsque le prédécesseur de votre prédécesseur a annoncé cette mesure au congrès de l’USH, il a été applaudi par la totalité des représentants des bailleurs sociaux présents.
Il y a un sujet humain, mais ce n’est pas celui que vous décrivez, qui résulte d’une lecture complètement erronée de cette disposition. Le sujet, aujourd’hui, est de trouver des solutions, là où le code de l’habitat nous l’interdit. Ce n’est pas de ma faute si les codes dont nous avons hérité sont pétris d’interdictions et n’offrent aucune alternative. Il faut donc pouvoir trouver des solutions transitoires et équilibrées. Celle-là en fait partie, et elle a été largement discutée avec les acteurs du secteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. Romain Daubié applaudit également.)
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
L’article 2 vise à accorder des dérogations au volume minimal de places en RHVS pour les publics en difficulté. C’est une mesure qui répond au besoin temporaire de logements abordables pour les travailleurs mobilisés sur des grands chantiers. Même si elle n’est pas pleinement satisfaisante, vous en comprenez tout le sens. M. le rapporteur vient très justement de vous rappeler ce qu’il en est. Elle représente une solution en attendant l’accélération du développement de logements sociaux pérennes. Nous nous y attelons, et vous le savez.
D’ailleurs, les territoires et les collectivités ont la possibilité d’opter pour des RHVS d’intérêt général, qui accueillent 80 % de publics prioritaires. Cela permet de sanctuariser des solutions pour des publics plus ciblés.
L’article 2 vise en outre à étendre les possibilités de dérogations au PLU à l’ensemble des communes situées en zone tendue. Pour répondre à la crise du logement, il est pertinent d’ancrer ces dérogations dans le zonage ABC, dont l’objectif est précisément de développer l’offre nouvelle là où les tensions sont les plus fortes.
Enfin, l’article tend à autoriser la réalisation de logements dans les zones d’activité économique. Certaines zones en déclin constituent des opportunités pour accueillir des logements dans une logique de sobriété foncière. Les collectivités conservent la maîtrise de leur planification et décident de l’opportunité de déroger à leurs propres règles.
Pour toutes ces raisons, je souhaite un retrait de vos amendements de suppression.
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Nous n’allons absolument pas les retirer.
Votre proposition est symptomatique d’une vraie dérive : du fait de l’échec des politiques publiques menées au cours des dernières années, on arrive au pied du mur, et on est contraint de se contenter de solutions qui n’en sont pas. Vous nous proposez de fausses solutions qui, je le répète, mettent en concurrence des catégories de population qu’on ne devrait pas opposer.
A-t-on pléthore de logements sociaux ? A-t-on pléthore de logements d’urgence ? A-t-on pléthore de logements disponibles pour les travailleuses et travailleurs qui contribuent à la réindustrialisation ? La réponse est non.
Les questions du logement des personnes vulnérables et des travailleurs temporaires sont deux problèmes séparés. Ce sont deux catégories de population bien distinctes, qui soulèvent des problématiques sociales, économiques et industrielles différentes. Vouloir mélanger les deux de cette manière-là, c’est vraiment très problématique.
Dans certains territoires, il existe un fort besoin à la fois de logement social et de logement d’urgence. Il faut alors mobiliser les RHVS, puisqu’elles ont été créées pour cela. Que se passe-t-il si, dans ces mêmes territoires, l’implantation d’un projet industriel crée de nouveaux besoins de logement pour les travailleurs ? Faut-il alors faire un choix entre ces deux populations ? C’est à ce genre de décisions que vous nous préparez.
Je maintiens mon invitation à voter ces amendements de suppression. Réfléchissons ensemble à une véritable politique publique d’investissement pour la construction de logements sociaux et à une véritable politique publique du logement d’urgence, qui se trouve actuellement dans une situation catastrophique. En notre qualité de députés, nous sommes sollicités par des familles qui vont être expulsées et vont se retrouver à la rue. Je vous invite donc à réfléchir avant d’appuyer sur le bouton pour ce scrutin ! (M. Maxime Laisney applaudit.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 58 et 78.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 131
Nombre de suffrages exprimés 131
Majorité absolue 66
Pour l’adoption 27
Contre 104
(Les amendements identiques nos 58 et 78 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 53, 60 et 67.
Nous commençons par l’amendement no 53 de Mme Sandrine Runel.
M. Pierre Pribetich
Je le retire, madame la présidente.
(L’amendement no 53 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Julie Ozenne, pour soutenir l’amendement no 60.
Mme Julie Ozenne
Cet amendement vise à supprimer une dérogation dangereuse, introduite à l’article 2, qui permettrait de réduire le quota de 30 % de logements réservés aux personnes en difficulté dans les RHVS.
Ce quota n’est pas un luxe ; il est une bouée de sauvetage pour des publics fragiles comme les travailleurs pauvres, les jeunes en insertion, les femmes victimes de violences ou encore les demandeurs d’asile. Ces personnes sont déjà trop souvent invisibles dans nos politiques de logement. Opposer leur droit à un toit à l’hébergement temporaire de salariés mobilisés pour des projets industriels, c’est créer une concurrence indigne entre ces deux besoins, tout aussi légitimes l’un que l’autre.
M. Matthias Tavel
Absolument !
Mme Julie Ozenne
C’est acter que, dans certains territoires, les impératifs économiques peuvent primer la solidarité et l’urgence. Nous refusons que la réindustrialisation se fasse au prix de la cohésion sociale. Les RHVS doivent rester fidèles à leur vocation. C’est pourquoi nous appelons vraiment à voter pour cet amendement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Nosbé, pour soutenir l’amendement no 67.
Mme Sandrine Nosbé
Nous souhaitons conserver la mission des RHVS : l’accueil des personnes éprouvant des difficultés particulières. Nous y sommes profondément attachés.
Les RHVS doivent réserver au moins 30 % de leurs logements à des personnes précaires. L’article 2 prévoit que, par dérogation, dans des territoires présentant des enjeux particuliers d’industrialisation, ce pourcentage pourra être abaissé pendant cinq ans après que l’immeuble a acquis le statut de RHVS. L’objectif est de faire place nette pour accueillir des travailleurs qui viendraient redynamiser ces zones, plutôt que d’accueillir des personnes en situation précaire, dont le groupe LIOT estime manifestement qu’elles seraient moins productives, moins dignes d’un toit, moins prioritaires.
Alors que nous connaissons déjà des situations de détresse chronique dans notre pays, cette mesure fragiliserait davantage de personnes éprouvant des difficultés. Nous manquons déjà de places dans ces établissements. De manière générale, nous manquons partout de places pour loger dignement chaque citoyen et citoyenne de notre pays.
Les RHVS ne sont pas prévues pour accueillir uniquement des travailleurs de manière temporaire. Votre mesure affaiblirait considérablement la portée du dispositif. Nous demandons donc sa suppression. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?
M. Harold Huwart, rapporteur
Je ne peux que désapprouver à la fois le raisonnement et les termes que vous employez. Nous parlons de la possibilité d’utiliser un statut qui existe déjà, pour un besoin qui n’est pas satisfait. Si nous avions nommé différemment ce statut, en parlant par exemple de « résidence hôtelière à vocation économique », vous n’auriez fait absolument aucune remarque sur le sujet.
Mme Sabrina Sebaihi
Si, si.
M. Harold Huwart, rapporteur
Ce que nous vous proposons aujourd’hui, ce n’est pas de retirer des personnes en difficulté des résidences hôtelières existantes, comme vous le prétendez de façon erronée. Les résidences existantes sont exclues.
Nous proposons que, dans une zone où un besoin industriel est constaté et sous l’autorité du préfet de département, les RHVS puissent accueillir une proportion de salariés bénéficiant d’un emploi sur le territoire potentiellement supérieure à celle des personnes défavorisées qui sont traditionnellement acceptées dans ce type de résidence.
Je le répète, si nous avions intitulé ce statut « résidence hôtelière à vocation économique », ce débat n’aurait peut-être même pas eu lieu.
Revenons au sujet : nous n’avons pas souhaité remettre en cause la règle du code de l’habitat qui veut que le logement social soit réservé au seul logement social, sans aucune dérogation – y compris pour l’hébergement des personnes défavorisées dont vous parlez. Nous n’avons pas non plus voulu créer un autre statut dérogatoire qui n’inclurait pas les personnes défavorisées. Nous prenons donc un statut qui existe, qui fonctionne bien dans un certain nombre de cas, mais qui doit être adapté à la diversité des besoins.
Contrairement à tout ce que vous expliquez, je vous redis qu’il y a des logements sociaux vacants en France dans un très grand nombre de territoires. Vous êtes peut-être les représentants de territoires urbains, mais il y a sur ces bancs énormément de représentants de territoires ruraux où la situation est extrêmement différente de celle que vous décrivez. (Mmes Sabrina Sebaihi et Anaïs Belouassa-Cherifi s’exclament.) Vos interventions sont à des années-lumière de la réalité que nous vivons dans d’autres territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
Pour prolonger les propos de M. le rapporteur et dans la continuité des débats qui ont déjà eu lieu en commission, je précise qu’il s’agit bien de nouveaux programmes ; nous n’allons pas prélever des places sur des équipements existants.
Nous allons créer de nouveaux programmes RHVS, qui pourront être financés pour partie par les entreprises qui ont besoin de ces places supplémentaires pour des travailleurs temporaires. Je précise que ces travailleurs ne sont pas nécessairement les plus aisés, vous le savez bien. Ce concours financier des entreprises pourra donc accompagner l’effort consenti par les pouvoirs publics pour développer des places en RHVS, et ainsi permettre à des travailleurs modestes d’en bénéficier. Au bout du compte, ces places reviendront aux ménages les plus précaires, qui ont effectivement besoin d’un habitat adapté.
Je vous rappelle que ce dispositif concernera seulement quelques dizaines de places, dans des territoires très ciblés, qui connaissent des tensions liées à la conduite de grands projets industriels. Les nouveaux projets de RHVS dont nous parlons se développeront en complément des places existantes, et les entreprises contribueront à leur financement.
En d’autres termes, il s’agit d’un compromis temporaire, qui développera à terme l’offre de places. Ce n’est pas tout blanc ou tout noir. Cela peut paraître insatisfaisant à première vue, mais c’est une voie qu’il faut considérer avec attention.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.
Mme Sabrina Sebaihi
Je vous rassure, j’ai très bien entendu l’argumentaire de M. le rapporteur et de Mme la ministre. En réalité, cela montre le peu de considération que vous avez pour les travailleurs et les ouvriers. (Protestations sur les bancs du groupe LIOT.)
M. Jean-Luc Warsmann
Un peu de respect pour les collègues !
Mme Sabrina Sebaihi
Ce que vous proposez, c’est de faire du logement bas de gamme, temporaire, pour accueillir des travailleurs qui seront utilisés dans des territoires sans avoir le droit à un logement de qualité, y compris dans le cadre du logement social !
On pourrait construire des logements financés par le prêt locatif aidé d’intégration (PLAI), ou d’autres types de logements accessibles, mais ce n’est pas ce que vous proposez. Vous proposez de créer des résidences temporaires pour accueillir des salariés sur des territoires où on en a besoin, pour une durée maximale de cinq ans. Ces résidences ne leur permettraient donc pas de s’installer, de construire une vie de famille ou de bâtir leur avenir dans ces territoires.
M. Harold Huwart, rapporteur
C’est faux !
Mme Sabrina Sebaihi
Vous pouvez dire non, mais c’est la réalité de ce que vous proposez ! Vous n’avez pas de considération pour les gens qui travaillent ; c’est ce que montre cet article. (Protestations sur les bancs du groupe LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Létard, ministre
Madame Sebaihi, la mesure proposée est complémentaire de la mobilisation en cours dans les territoires pour développer, dans les meilleurs délais, l’offre de logement sociaux. Cette mobilisation s’appuie sur les collectivités locales et sur des engagements conjoints que nous avons pris avec l’USH et Action logement, notamment sur une feuille de route prévoyant la production de 116 000 logements neufs et la rénovation thermique de 130 000 logements existants.
Mme Sabrina Sebaihi
Construisez plus de logements sociaux alors !
Mme Valérie Létard, ministre
En outre, nous avons réévalué les plafonds de ressources et les montants de la réduction de loyer de solidarité – qui ne l’avaient pas été depuis 2017. Les fonds propres des bailleurs sociaux en bénéficieront cette année.
Enfin, la baisse du taux du livret A leur permettra de mobiliser 850 millions d’euros de plus pour soutenir la production de logements sociaux destinés aux salariés.
Tous ces efforts démontrent notre engagement collectif. La mise en œuvre des différents projets, qui ont chacun leur temporalité, nous permettra de répondre aux attentes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LIOT. – M. Mickaël Cosson applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Harold Huwart, rapporteur
Pour garantir la bonne tenue de nos débats, il serait préférable que vous évitiez de nous lancer à la figure que nous n’avons aucune considération pour les travailleurs.
Mme Sabrina Sebaihi
C’est la vérité ! Il s’agit de logements bas de gamme !
M. Harold Huwart, rapporteur
J’ai été maire, président d’un organisme de logement social, et j’ai consacré des milliers d’heures à recevoir des personnes en difficulté. Les solutions que nous proposons, approuvées par une large majorité des membres de la commission des affaires économiques, ne manifestent aucun mépris à l’égard des travailleurs de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs du groupe EPR et HOR.)
Mme Sabrina Sebaihi
Si !
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Tavel.
M. Matthias Tavel
Monsieur le rapporteur, madame la ministre, on pourrait vous créditer de votre bonne foi. Mais où sont, dans ce texte et dans la politique du gouvernement, les mesures qui contraindraient les communes qui ne respectent pas la loi SRU à construire des logements sociaux ? Il n’y en a pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Pierre Pribetich applaudit également.)
Vous parlez de territoires de réindustrialisation. Je suis député de Saint-Nazaire : où sont les dispositions qui obligeraient Pornichet ou La Baule à construire du logement social ? Il n’y en a pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Sabrina Sebaihi
Oui, ils vont faire des logements bas de gamme, pas construire de vrais logements !
M. Matthias Tavel
Vous vous contentez d’opposer les plus vulnérables aux ouvriers, car vous refusez de remettre en question les privilèges et le séparatisme des plus riches en matière de logement. (M. Maxime Laisney applaudit.)
Mme Sabrina Sebaihi
Certaines villes de droite ne construisent rien !
M. Matthias Tavel
Où sont les instructions aux préfets pour réquisitionner les logements vacants ? Il n’y en a pas ! Où sont les moyens pour rénover l’habitat ancien dégradé ? Il n’y en a pas !
Vous rabotez tous les dispositifs de rénovation énergétique. Vous avez ponctionné les bailleurs sociaux dès l’arrivée au pouvoir de M. Macron, et aujourd’hui, ils manquent de ressources pour mener à bien leur mission. Vous créez ainsi les conditions d’une situation intenable, puis vous nous expliquez que la réduction du nombre de logements destinés aux personnes en grande vulnérabilité permettra de loger les travailleurs, ouvriers ou employés. Certes, il faut les loger.
Mme Sabrina Sebaihi
Dans des logements pérennes !
M. Matthias Tavel
Mais ce n’est pas en opposant les pauvres entre eux que nous réglerons le problème. Il faut enfin s’attaquer aux vraies questions, celles qui ne sont traitées ni par ce texte, ni par la politique du gouvernement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Les problèmes viennent notamment de la spéculation foncière, et du prix exorbitant des logements. Rien qu’à Saint-Nazaire, 800 logements sont prêts à être construits – les permis sont purgés –, mais les acheteurs manquent, faute de moyens. Où êtes-vous sur ce sujet ? Quelle est la politique du gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Valérie Létard, ministre
Que faites-vous du PTZ ?
M. Matthias Tavel
Quelles mesures permettent d’aider les citoyens à acquérir ces logements ou les bailleurs sociaux à les racheter ? Vous faites tout le contraire de ce qu’il faudrait, et ensuite vous opposez les précaires entre eux ; c’est inacceptable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Sabrina Sebaihi applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Mickaël Cosson.
M. Mickaël Cosson
Nous sommes dans le cadre d’une niche législative ; ce texte n’a donc pas vocation à résoudre le problème du logement – si c’était le cas, nous l’aurions réglé depuis longtemps. (M. Matthias Tavel s’exclame.)
M. René Pilato
Il faut juste avoir de la volonté politique, collègue !
M. Mickaël Cosson
C’est incroyable cette faculté que vous avez de parler mais de ne pas écouter…
Mme la présidente
Allez-y, monsieur Cosson, c’est vous qui avez le micro.
M. Mickaël Cosson
Quelle est la réalité actuelle ? Le parcours résidentiel est totalement grippé. Quel est le résultat des politiques du logement menées par les gouvernements successifs depuis trente à quarante ans ? Les gens sont confrontés à un problème de logement à plusieurs moments de la vie : quand ils sont jeunes, quand ils deviennent actifs, quand ils deviennent seniors.
L’article 2 a pour particularité de connecter le logement à l’activité professionnelle, même si cela vous déplaît, alors que l’urbanisme a façonné des territoires où les zones dédiées à la vie professionnelle sont séparées des zones résidentielles, elles-mêmes souvent éloignées des services. (Mme Julie Ozenne s’exclame.)
Mme Sabrina Sebaihi
Et donc, les salariés vont vivre dans des hôtels ! Magnifique !
M. Mickaël Cosson
Bien sûr, cet article 2 ne résoudra pas tout, mais il met en lumière les faiblesses de l’urbanisme depuis trente ans : ce qui était un outil de développement territorial est devenu un système plombé, complexe à manœuvrer, entravant la construction de logements.
Il est devenu très difficile de construire des logements en France, en se conformant aux réglementations et jurisprudences qui se sont accumulées. Il faut produire davantage. Alors, plutôt que de ressasser les problèmes, laissons le gouvernement proposer, dans les semaines et mois à venir, des solutions concrètes pour répondre à cette crise du logement.
M. Matthias Tavel
Mais ça fait huit ans !
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 60 et 67.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 124
Nombre de suffrages exprimés 93
Majorité absolue 47
Pour l’adoption 24
Contre 69
(Les amendements identiques nos 60 et 67 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Pierre Bataille, pour soutenir l’amendement no 127.
M. Jean-Pierre Bataille
N’en déplaise aux collègues qui siègent à gauche de cet hémicycle, j’estime qu’il faut encore assouplir cette dérogation dans les territoires en réindustrialisation, notamment dans l’arrondissement de Dunkerque dont je suis issu.
Nos projets de réindustrialisation – des gigafactories et les deux réacteurs de type EPR de Gravelines, dont j’espère que la construction débutera en 2026 pour s’étendre jusqu’en 2036 ou 2038 – mobiliseront 8 000 emplois sur une décennie.
C’est pourquoi je propose d’étendre à dix ans – au lieu de cinq – la durée maximale de la dérogation. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Harold Huwart, rapporteur
Compte tenu de la nécessité de rester dans un cadre transitoire, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, sans quoi mon avis sera défavorable – étant entendu que la discussion pourra se poursuivre au Sénat.
La durée de cinq ans me semble raisonnable : si certains territoires ne disposent pas de solutions à court terme, il peut y en avoir à moyen terme, et il appartient à la puissance publique, notamment par l’intermédiaire des bailleurs sociaux du territoire, de mobiliser les moyens nécessaires pour construire des logements. J’en conviens, dans certains cas, il faut faire vite.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
Même avis.
Mme la présidente
Sur l’amendement no 125, je suis saisie d’une demande de scrutin public par les groupes Rassemblement national, Socialistes et apparentés et Droite républicaine.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Évidemment, nous nous opposerons à cet amendement, qui vient aggraver une disposition que nous jugeons déjà très sévèrement.
Je tiens à rassurer M. Cosson : il n’y a aucune volonté de notre part de ralentir ces débats. Cependant, les dispositions que vous introduisez sont très graves. Nous avons avancé nos arguments, et nous n’allons pas nous priver de pointer les manquements flagrants de la politique du logement ces dernières années. Ce sont précisément ces manquements qui vous amènent à présenter aujourd’hui un texte de pseudo-simplification qui, en réalité, n’est qu’un renoncement. Lorsque, pour répondre à des besoins économiques et industriels, on en vient à détourner de son objet le logement à vocation sociale alors même que nous sommes en pleine crise du logement social, c’est bien l’aveu d’un immense échec !
Nous continuerons à le souligner, et je le fais à l’occasion de l’examen de cet amendement, contre lequel il faut voter, car il ne ferait que prolonger la durée de cette dérogation qui, dans sa version initiale, est déjà une catastrophe. (M. Maxime Laisney applaudit.)
M. Jean-Pierre Bataille
Je retire l’amendement.
(L’amendement no 127 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Jeanbrun, pour soutenir l’amendement no 125.
M. Vincent Jeanbrun
L’article 2 vise à élargir l’accès aux RHVS pour les travailleurs en mobilité dans les territoires présentant des enjeux de réindustrialisation. Avec mon groupe, Droite républicaine, je propose d’aller plus loin en étendant le bénéfice de ces dispositions aux territoires présentant des enjeux de développement économique.
L’ouverture plus large de l’accès aux RHVS peut se révéler un outil pertinent pour des manifestations de grande ampleur – il l’aurait été en région parisienne pendant la période des Jeux olympiques – ou d’autres projets économiques. C’est pourquoi nous espérons un soutien massif à notre amendement. (MM. Jean-Pierre Vigier et Romain Daubié applaudissent.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Harold Huwart, rapporteur
Dans le dispositif tel qu’il a été adopté par la commission, c’est le préfet, autorité chargée de délivrer l’agrément, qui peut fixer un taux dérogatoire. L’enjeu est donc de fournir aux préfets une base juridique suffisamment claire pour leur permettre de prendre une décision.
La commission a rejeté l’amendement, mais à titre personnel, j’y suis favorable. Si certains territoires présentent des enjeux évidents d’industrialisation, d’autres présentent des enjeux économiques autres qui peuvent également justifier le recours à cette mesure, pour répondre aux besoins de logement temporaire d’étudiants ou des salariés en mobilité dans le cadre de leur contrat.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
La mobilisation à titre temporaire du dispositif des RHVS peut constituer une réponse utile pour les salariés des territoires concernés par de grands chantiers industriels. Au terme de cette dérogation temporaire, les publics en difficulté pourront bénéficier des résidences ainsi créées – c’est l’objet de notre débat.
Cependant, l’extension du dispositif à des territoires présentant des enjeux particuliers de développement économique me semble trop large. Je sais l’attention que vous prêtez, depuis longtemps, au logement des salariés. Je comprends le sens de votre initiative, mais la rédaction que vous proposez ne permettrait pas d’identifier précisément les territoires concernés. Continuons à travailler ensemble pour mieux loger les travailleurs ; je reste à votre disposition pour explorer d’autres leviers.
Votre amendement ouvrirait un peu trop le champ d’application de la mesure. Le compromis trouvé par le rapporteur dans le cadre de la discussion est satisfaisant à ce stade. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Julie Ozenne.
Mme Julie Ozenne
Cet amendement est-il un bien pour un mal ? Savez-vous réellement ce qu’est un hôtel social ? Envisagez-vous d’y loger des salariés pour créer de la mixité sociale au sein de ces logements temporaires ?
Nous, députés, avons la possibilité de séjourner dans des hôtels, de vagabonder pour travailler ici ou là. (Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback s’exclame.)
M. Emmanuel Mandon
Soyez précise dans les termes que vous employez !
Mme Julie Ozenne
C’est notre fonction, et nous le faisons parce que nous sommes convaincus qu’il faut changer les choses. Mais les personnes précaires, que croyez-vous qu’elles fassent ? Elles vagabondent aussi, mais c’est pour passer d’un hôtel social à un autre. C’est la réalité : du vagabondage, des situations précaires. Connaissez-vous la réalité de ces hôtels sociaux ?
M. Harold Huwart
Ce n’est pas ce dont on parle !
Mme Julie Ozenne
Si, c’est exactement cela, monsieur le rapporteur. La question est simple : voulez-vous vraiment faire vivre les ouvriers, les salariés dans ces hôtels sociaux ?
Mme Valérie Létard, ministre
J’ai demandé le retrait de l’amendement !
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Jeanbrun.
M. Vincent Jeanbrun
Je tiens à dire à notre collègue que nous sommes nombreux à disposer d’une expérience du terrain, et que nous n’avons pas de leçon à recevoir, en tout cas certainement pas sur ce qu’est une résidence sociale.
Mme Sabrina Sebaihi
Je crois que si…
M. Vincent Jeanbrun
Pendant dix ans, j’ai été maire de L’Haÿ-les-Roses, où nous avons accueilli un chantier du Grand Paris Express. Les ouvriers spécialisés, par exemple ceux qui conduisaient les tunneliers, avaient les plus grandes difficultés à se loger dans un logement classique. Ils auraient été très heureux de pouvoir accéder, comme le proposent les auteurs de ce texte, à une résidence sociale.
D’ailleurs, certaines de ces résidences sont très bien tenues, et il y aurait un réel intérêt à favoriser la mixité entre des personnes en grande précarité et des personnes en emploi. Sur ce point, je pourrais presque vous rejoindre. Par contre, nous nous passerons de vos leçons de morale. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et HOR et sur quelques bancs du groupe LIOT.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 125.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 101
Nombre de suffrages exprimés 96
Majorité absolue 49
Pour l’adoption 49
Contre 47
(L’amendement no 125 est adopté ; en conséquence, l’amendement no 37 tombe.)
Mme la présidente
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
3. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion de la proposition de loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement ;
Discussion de la proposition de loi visant à lutter contre la mortalité infantile ;
Discussion de la proposition de loi visant à créer une croix de la valeur des sapeurs-pompiers volontaires et professionnels ;
Discussion de la proposition de loi visant à généraliser la connaissance et la maîtrise des gestes de premiers secours tout au long de la vie ;
Discussion de la proposition de loi visant à lutter contre la pédocriminalité ;
Discussion de la proposition de résolution visant à prendre en compte la cherté de la vie en outre-mer dans le calcul de la retraite des fonctionnaires ultramarins ;
Discussion de la proposition de résolution relative à la mise en place d’un comité des métiers du secteur social et médico-social visant à organiser le pilotage de la revalorisation des personnels exclus des « accords du Ségur et Laforcade » et de l’attractivité du secteur sanitaire, social et médico-social.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra