Première séance du mardi 24 juin 2025
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Questions au gouvernement
- Conclave sur les retraites
- Situation internationale
- Conclave sur les retraites
- Réforme des retraites
- Fraude CumCum
- Politique étrangère de la France
- Enquête sur la mort de Souheil El Khalfaoui
- Financement de la base industrielle et technologique de défense
- Certification des logiciels de caisse
- Enquête sur la mort de Souheil El Khalfaoui
- Insécurité dans les territoires ruraux
- Fraude CumCum
- Défaillances des entreprises du bâtiment
- Conflit avec l’Iran
- Situation sociale et économique des outre-mer
- Prolifération des sargasses dans les outre-mer
- Politique migratoire
- Politique énergétique
- 2. Programmation nationale énergie et climat pour les années 2025 à 2035
- 3. Programmation pour la refondation de Mayotte
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Questions au gouvernement
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.
Conclave sur les retraites
Mme la présidente
La parole est à M. Damien Maudet.
M. Damien Maudet
Monsieur le premier ministre, en 2023, alors que les Français s’appauvrissaient, la Macronie, que vous soutenez, passait en force, sans vote, pour leur voler deux années de vie.
Vous avez voulu faire croire aux Français qu’ils étaient responsables d’un déficit, alors que, s’il existe, c’est bien parce que vous l’avez creusé avec vos cadeaux accordés aux plus riches. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Contre la réforme des retraites, les travailleurs se sont mobilisés par millions : vous les avez écrasés. Sans vote, sans légitimité. (Mêmes mouvements.) Tous les syndicats de travailleurs refusaient votre réforme : vous les avez ignorés. Sans vote, sans légitimité.
Les Français, eux, ont voté et ont fait gagner le Nouveau Front populaire, pour supprimer la réforme des retraites. Mais le président vous a placé là, et vous êtes ici, devant nous, sans légitimité.
L’Assemblée nationale a voté une résolution le mois dernier contre la réforme des retraites, et vous l’avez encore balayée, toujours sans légitimité. (Mêmes mouvements.)
Votre réforme des retraites, c’est une rupture. Une rupture entre les ouvriers, les employés, qui, pendant le covid, de Limoges à Paris, ont tenu le pays, et ceux qui, depuis leurs villas, voyaient leur fortune augmenter. (Mêmes mouvements) ; une rupture entre ceux qui subissent l’inflation et les très riches, qui bénéficient de vos baisses d’impôts et de cotisations ; une rupture entre ceux qui essaient de vivre de leur travail et ceux qui vivent des dividendes et de leur patrimoine ; une rupture dans laquelle vous avez choisi votre camp : le camp de ceux qui ont doublé leur fortune depuis 2017, protégés par des politiques en fin de carrière, dans un gouvernement de millionnaires soutenu par l’extrême droite, et qui sont prêts à tout pour garder leur ministère. (Mêmes mouvements.)
Il y a 117 jours, vous avez promis au Parlement qu’il voterait enfin sur la réforme des retraites (Mêmes mouvements) mais, 117 jours après, sans surprise, toujours rien. Ce sont 117 jours où vous avez donc tenu sur un mensonge ! Ce sont 117 jours de trop !
Monsieur le premier ministre, partez par vous-même, mettez votre réforme des retraites dans vos cartons, ou nous vous censurerons ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Mme Cyrielle Chatelain et M. Benjamin Lucas-Lundy applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi
Je souhaite d’abord saluer le travail mené, ces quatre derniers mois, par les partenaires sociaux, dans le cadre de la délégation paritaire permanente animée par Jean-Jacques Marette, dont la valeur est unanimement reconnue.
Ce format de discussion inédit permet d’aborder, dans un climat extrêmement constructif, des sujets longtemps restés en dehors du débat public. Je pense par exemple à la pension des femmes, à l’usure professionnelle et, bien évidemment, à la soutenabilité financière, pour les générations à venir, de notre régime, dont la Cour des comptes a rappelé que le déficit inquiétant atteindrait 7 milliards en 2030. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
Ce n’est jamais un échec que de dialoguer et de poursuivre le dialogue. Le dialogue social est une richesse démocratique. (Mme Marie Mesmeur s’exclame.)
M. Éric Coquerel
Vous êtes passés en force !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Il permet de mieux comprendre les attentes, les divergences les nuances mais aussi les points de convergence, et ces points de convergence sont nombreux. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Ce sont les femmes, c’est la question également de l’effort partagé ou de l’âge de départ, autant de points sur lesquels les échanges ont été approfondis pour rapprocher les positions.
Hier soir cependant, les partenaires sociaux ne sont pas encore parvenus à un accord. C’est d’autant plus une occasion manquée que nous pensons que nous étions tout près, que vous le vouliez ou non, d’un compromis. C’est pourquoi le premier ministre a, dans une démarche volontariste, décidé d’inviter, ce matin et ce soir, les organisations syndicales et patronales à échanger avec lui.
Nous restons en effet persuadés qu’il existe des points de convergence à approfondir et qu’il existe une voie de passage.
Mme Marie Mesmeur
L’abrogation est la seule voie !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Notre responsabilité collective et de les explorer jusqu’au bout. Il n’est question ni d’intérêts politiques ni d’intérêts partisans mais de l’intérêt du pays, des travailleurs, des retraités et des entreprises de ce pays (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Damien Maudet.
M. Damien Maudet
Si vous aimez le dialogue, laissez-nous voter ! Car, s’il existe un consensus dans le pays, c’est bien sur le rejet de cette réforme. Sans cela, ce sera la censure pour votre gouvernement ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Situation internationale
Mme la présidente
La parole est à M. Gabriel Attal.
M. Gabriel Attal
La France a toujours porté une voix singulière dans le monde : un soutien au droit international – sans naïveté ; un soutien à la sécurité internationale et aux initiatives de paix. Ce rôle, nous devons plus que jamais le tenir, en rappelant une chose claire : l’Iran, depuis des années, viole, matin, midi et soir, toutes les normes du droit international. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Mme Marina Ferrari applaudit également.)
M. Jean-Paul Lecoq
Et Israël ?
M. Gabriel Attal
Le respect de la souveraineté des États, principe cardinal du droit international, est violé par l’Iran, qui finance des milices au Liban, au Yémen, en Irak et en Syrie. La convention de Vienne sur les relations consulaires est violée par l’Iran, qui retient en otages, dans des conditions inhumaines, nos compatriotes Cécile Kohler et Jacques Paris. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem. – MM. Jérôme Guedj et David Habib applaudissent également.) Les accords sur le nucléaire sont violés par l’Iran, qui continue l’enrichissement d’uranium, bien au-delà des seuils autorisés.
L’Iran est multirécidiviste en matière de violations du droit international. Notre devoir est de le rappeler fermement et de rappeler qu’un pays qui piétine toutes les règles du droit international ne peut pas, dans le même temps, s’en prévaloir pour s’abriter derrière elles. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
La voix singulière de la France, c’est aussi celle de la sécurité internationale. Le régime des mollahs est un régime sanguinaire, qui brise son peuple, asservit les femmes et revendique de vouloir détruire l’Occident.
M. Jean-Paul Lecoq
Et Poutine ?
M. Gabriel Attal
Dans ces conditions, peut-on déplorer que les capacités nucléaires iraniennes soient détruites ? Non ! L’Iran doit-elle disposer de l’arme nucléaire ? Jamais ! C’est une condition de notre sécurité collective. (Mêmes mouvements.)
La situation évolue d’heure en heure et de minute en minute, et nous devons éviter l’embrasement. Le cessez-le-feu annoncé cette nuit doit être l’amorce d’un chemin qui mènera l’Iran à enfin comprendre que la politique régionale d’agressions qu’elle mène depuis vingt ans est une impasse. Nous devons, nous Français, peser de tout notre poids pour soutenir toutes les initiatives de paix.
Monsieur le premier ministre, pouvez-vous nous indiquer comment notre pays compte agir pour la sécurité et la paix dans la région ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et plusieurs bancs du groupe DR.)
M. Jean-Paul Lecoq
Avec vous, le droit international est à géométrie variable !
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.
M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique
Tous, sur ces bancs, nous connaissons la situation. Vous avez eu raison de dire que, dans de telles circonstances, le message de la France a toujours été qu’il fallait défendre la paix et le droit à l’intégrité des États, des nations et des communautés.
Ce droit-là a en effet été durement bousculé, menacé et mis en cause lorsque la Russie de Poutine a attaqué l’Ukraine (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR – Mme Michèle Tabarot applaudit également), ce qui a évidemment bouleversé notre vision de l’avenir ; ce jour-là, les principes que nous défendions ont été balayés. Il y a eu ensuite l’attaque, le pogrom, du 7 octobre, destinée, je le crois, à rendre irréversible l’état de guerre et d’affrontements entre Israël et ses voisins palestiniens…
M. Louis Boyard
Ce n’est pas une guerre, c’est un génocide !
M. François Bayrou, premier ministre
…alors que tous les efforts étaient faits, notamment avec les accords d’Abraham, pour installer la paix entre des voisins qui vivent perpétuellement dans la violence des affrontements.
M. Jean-Paul Lecoq
C’est Israël qui a commencé !
M. François Bayrou, premier ministre
Nous avons vu ce qui se passait à Gaza, dont aucun d’entre nous ne peut dire que c’est sans conséquence ni sans importance. Tout le monde est choqué par la situation faite aux Gazaouis.
Ces derniers jours enfin, ce sont les récents événements entre Israël et l’Iran.
Vous avez raison de dire que l’Iran a violé des accords internationaux,…
Mme Sabrina Sebaihi
Israël aussi ! Ce qu’on entend est invraisemblable !
Mme Dieynaba Diop
C’est dingue ! C’est du droit à géométrie variable !
M. François Bayrou, premier ministre
…notamment l’accord sur la prolifération nucléaire, ainsi qu’en a attesté l’Agence internationale de l’énergie atomique.
Reste une position de principe que je tiens à défendre devant vous. La France a conscience de ces manquements. Elle sait que le pouvoir iranien a exécuté par pendaison des centaines de femmes qui ne respectaient pas les codes vestimentaires en vigueur ; elle sait aussi que les femmes n’ont pas le droit d’étudier. Tout le monde le sait, la France le sait. Mais la France ne peut pas être durablement du côté des infractions au droit international. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – M. Stéphane Peu applaudit également.)
Tout en prenant la pleine mesure des manquements que vous indiquez, la France doit réaffirmer que, dans l’avenir, le droit international doit s’imposer.
Mme Sabrina Sebaihi
Et à Gaza ?
M. François Bayrou, premier ministre
J’espère, comme vous, que le cessez-le-feu qui a été annoncé, sans qu’on sache s’il est respecté, sera le commencement d’un nouvel état de paix pour les belligérants et pour la planète, même si nous en sommes, hélas, encore très loin. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
Conclave sur les retraites
Mme la présidente
La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris Vallaud
Nous avons pris acte à regret de l’échec du « conclave » sur les retraites, et nous savons la responsabilité grave et éminente des organisations patronales, du Medef en particulier, dans cet échec. Je rends hommage aux organisations de salariés qui ont loyalement négocié, mais je le dis avec netteté, cet échec est grave et c’est une mauvaise nouvelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Monsieur le premier ministre, ma question sera sans surprise ; elle appelle de votre part une réponse simple et claire. En dépit de cet échec, allez-vous, comme vous vous y êtes engagé, déposer sans délai, d’ici la fin même de cette semaine, pour éviter toute manœuvre dilatoire, un texte de loi ouvrant la voie à une réforme nouvelle, sans totem ni tabou, laissant aux parlementaires la possibilité de débattre de tout, en particulier de la mesure d’âge, c’est-à-dire du retour à l’âge légal de 62 ans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Emmanuel Maurel applaudit aussi.)
M. Charles Sitzenstuhl
C’est irresponsable ! Tous les pays d’Europe sont à 66 ou 67 ans !
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.
M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique
Depuis quatre mois, organisations syndicales et patronales ont travaillé dans un esprit de respect mutuel pour essayer d’améliorer la situation des retraites d’un certain nombre de Français, tout en s’efforçant de garantir l’équilibre budgétaire de notre système de retraites, à quoi tout le monde s’était engagé pour l’horizon 2030.
Hier soir, les organisations syndicales et patronales se sont séparées sans trouver d’accord. La question que cela pose est assez simple : ces quatre mois n’auront-ils servi à rien ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vos exclamations ont le mérite d’être claires : je sais parfaitement que certains, dans cette assemblée, souhaitent l’échec de toute concertation et de toute négociation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) C’est pourtant un mauvais service à rendre à la France.
J’ai donc pris l’initiative d’inviter les organisations syndicales – qui ont travaillé sous la responsabilité de M. Marette, médiateur et animateur remarquable – et les organisations représentant les entreprises, pour qu’elles examinent si les accords partiels qui ont été dessinés – et qui étaient proches d’un accord définitif – pouvaient être sauvés. (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
J’ai la conviction qu’il existe un chemin permettant de sortir de cette impasse.
M. Inaki Echaniz
Le retour au Parlement !
M. François Bayrou, premier ministre
Le but que je me suis fixé, c’est que l’on trouve ce chemin…
M. Thibault Bazin
Un chemin étroit, très étroit !
M. François Bayrou, premier ministre
…qui débouchera sur un texte – qui devrait déboucher sur un texte, dois-je dire – (« Ah ! » sur les bancs des groupes LFI-NFP et SOC – Mme Danielle Simonnet fait la brasse avec les bras) qui pourra être examiné par la représentation nationale.
M. Ugo Bernalicis
Abrogation !
M. François Bayrou, premier ministre
Je veux vous dire des choses claires : quel que soit le chemin législatif ou réglementaire que nous prendrons, il est inacceptable de remettre en cause l’équilibre financier que nous avons si difficilement trouvé et dont nous avons urgemment besoin. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem, HOR et DR.)
Nous ne pouvons pas continuer à compromettre l’avenir des travailleurs d’aujourd’hui (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP) et des générations de travailleurs de demain, en reportant sur ces dernières les déficits que nous causons tous les jours.
Le travail des parlementaires est justifié, tout comme l’engagement de chacun. Mais notre responsabilité, c’est de rétablir l’équilibre du régime des retraites. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris Vallaud
Je vous cite, le 14 janvier 2025 lors de votre déclaration de politique générale : « J’ai la conviction que nous pouvons rechercher une voie de réforme nouvelle sans aucun totem ni tabou, pas même l’âge de départ à la retraite ». Le 16 janvier 2025, je cite une lettre que vous avez écrite à notre groupe : « Si les partenaires sociaux ne parviennent pas à un accord global, nous présenterons néanmoins les avancées issues des travaux des partenaires sociaux. Nous présenterons sur cette base un nouveau projet de loi. (…) Ainsi, l’impératif de réforme pourra être satisfait dans une démarche de justice. Le Parlement aura, en tout état de cause, le dernier mot. »
M. le premier ministre, ma question était simple : le Parlement aura-t-il le dernier mot,…
M. Fabien Di Filippo
Bah oui !
M. Boris Vallaud
…y compris sur la mesure d’âge et sur l’équilibre de notre système de retraite. Vous ne m’avez pas répondu cette semaine, et vous m’avez déjà dit non la semaine dernière. Le respect de la parole donnée est à la base même de notre régime démocratique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR.) Vous avez pris des engagements que vous n’avez pas tenus, sur ce sujet comme sur bien d’autres. Cela nous contraint à déposer une motion de censure contre votre gouvernement. (La plupart des députés du groupe SOC se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et GDR.)
M. Thibault Bazin
Le RN ne la votera pas !
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre.
M. François Bayrou, Premier ministre
Le contenu de la phrase que vous avez citée n’est pas différent de la réponse que je viens de vous faire. (Exclamations sur les bancs des groupes SOC, EcoS, LFI-NFP et GDR.)
Mme Dieynaba Diop
Alors là, non !
M. Jérôme Guedj
Pas d’article 40 alors ? On pourra déposer des amendements ?
M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique
Simplement, vous avez oublié une mention absolument essentielle…
M. Jean-Paul Lecoq
Un astérisque !
M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique
…qui était que cela se fasse dans le respect des équilibres financiers que nous recherchons si désespérément depuis des décennies. (Exclamations prolongées sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS, et GDR.) Je maintiendrai donc, avec le gouvernement – et j’espère avec les parlementaires présents sur ces bancs aussi – l’impératif de responsabilité morale que nous avons à l’égard des générations qui viennent. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR. – M. Philippe Gosselin applaudit également.)
Réforme des retraites
Mme la présidente
La parole est à M. Alexis Corbière.
M. Alexis Corbière
Monsieur le premier ministre, une nouvelle fois, votre gouvernement, battu dans les urnes, mérite d’être censuré. Nous le ferons, dans l’unité du Nouveau Front populaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, SOC et GDR.)
Vous l’avez compris, moi aussi je veux vous parler retraite et de l’opposition déterminée de mon groupe à la scandaleuse réforme Borne, imposée le 16 mars 2023 par l’antidémocratique 49.3, contre l’avis de 90 % des actifs de notre pays, de 70 % de l’ensemble de la population (Mêmes mouvements) et de la totalité des organisations syndicales de travailleurs, que je salue ici.
Monsieur le premier ministre, vous avez échoué, vous êtes bloqué. Sur ce point, je rappelle ce que vous déclariez en 2022 : « il y a un moyen simple pour lever le blocage c’est de dire ce sont les Français qui choisiront ». Vous ajoutiez : « J’ai toujours défendu cette idée du référendum ». (Mêmes mouvements.) François Bayrou 2025 est-il encore d’accord avec François Bayrou 2022 ? Respecterez-vous votre propre parole ? (Mêmes mouvements.)
C’est une loi : ce qui est né dans la brutalité ne peut survivre que dans la brutalité et la ruse. Vous avez interdit que le conclave puisse seulement discuter de l’abrogation de la réforme des retraites. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC.)
Vous avez de facto donné un droit de veto au patronat qui a, évidemment, manifesté sa totale opposition au retrait de la réforme.
Votre dialogue social n’était qu’un monologue antisocial. Pourtant parler de la retraite, c’est parler de la vie concrète de trente millions de salariés, de la jeunesse. Parler retraite, c’est parler du type de société dans laquelle nous voulons vivre. Parler retraite, enfin, c’est parler de la République, qui, pour nous, n’existe que quand elle est sociale, quand elle permet une juste répartition des richesses et non l’accumulation insolente pour quelques-uns et l’allongement de la souffrance au travail pour les autres.
Ma question est simple : quand allez-vous cesser l’antiparlementarisme ?
M. Charles Sitzenstuhl
C’est irresponsable !
M. Alexis Corbière
Quand aurez-vous le courage politique ? Quand aurez-vous la dignité civique ? Quand aurez-vous l’éthique démocratique… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Les députés des groupes EcoS et SOC applaudissent ce dernier.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi
Beaucoup parlent du dialogue social et certains le font. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR.) Depuis quatre mois, nous avons décidé de redonner la parole aux partenaires sociaux… (Exclamations prolongées sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et SOC.)
M. Alexis Corbière
C’est un échec !
M. Ugo Bernalicis
Abrogation !
M. Louis Boyard
C’est quand ça vous arrange ! Avec le 49.3, il n’y avait pas de dialogue !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Vous pouvez crier tant que vous le voulez mais c’est le cas. Un dialogue a eu lieu pendant quatre mois,…
M. Louis Boyard
Ce n’est pas ça, le dialogue social !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
…sur la base d’un diagnostic de la Cour des comptes – que nous partageons – qui rappelle ce qui est peut-être un détail pour vous (Sourires sur les bancs du groupe EPR), mais pas pour nous : le déficit du système des retraites atteindra les 7 milliards d’euros en 2030.
Les partenaires sociaux restés autour de la table ont convenu d’une lettre d’objectifs : le retour à l’équilibre d’ici à 2030, qui était souhaité également par le premier ministre, la correction d’un certain nombre d’injustices telles que celles qui touchent les femmes, telles que l’usure professionnelle, la gouvernance et le sentiment que l’effort doit être partagé. Depuis quatre mois, sous l’animation de M. Marette dont nous saluons le travail, il y a eu des convergences notables.
Le premier ministre vient de dire que ces discussions doivent encore continuer sur la base des convergences identifiées, qui ne sont pas négligeables. Quand on parle des retraites des femmes…
M. Thibault Bazin
Elle a raison, c’est pour les mères de famille qui bossent.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
… de l’usure professionnelle ou de l’âge de départ à la retraite, c’est dans un esprit de responsabilité que l’on aimerait aussi voir sur ces bancs, monsieur Corbière. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.) Nous allons donc continuer, parce que cela concerne l’avenir des retraites, des entreprises et, surtout, des travailleurs et des retraités de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR ainsi que sur quelques bancs du groupe DR.)
Fraude CumCum
Mme la présidente
La parole est à Mme Marine Le Pen.
Mme Marine Le Pen
Le texte du dernier budget, considéré comme adopté par le Parlement, comportait une mesure de lutte contre la fraude dite CumCum, qui permet d’échapper à l’impôt sur les plus-values des actionnaires.
Mme Sabrina Sebaihi
Vous vous y connaissez en fraude !
Mme Danielle Simonnet
Vous êtes experte en fraude ! 4 millions !
Mme Marine Le Pen
Cette mesure, également proposée dans le contre-budget du RN à l’automne, permet de récupérer 2 milliards d’euros, ce qui, vous en conviendrez, n’est pas à négliger par les temps qui courent.
Mme Clémentine Autain
Il fallait voter la taxe Zucman !
Mme Marine Le Pen
Or notre collègue Jean-François Husson, rapporteur général du budget au Sénat, vient de révéler que Bercy, malgré les alertes écrites d’une partie de l’administration, avait pris, sous la pression du lobby bancaire, un décret d’application contraire à la loi votée…
Un député LFI-NFP
Ça ne vous dérange pas d’habitude !
Mme Marine Le Pen
Cette annonce pose deux problèmes démocratiques majeurs : d’une part, le respect du vote du Parlement, en tant que représentation de la souveraineté nationale, d’autre part, le respect de la juste contribution de tous à l’impôt, telle que garantie par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
M. Ugo Bernalicis
C’est vous qui avez laissé passé tout ça ! Vous n’avez pas censuré !
Mme Marine Le Pen
Dans notre État de droit, ce ne sont ni les lobbys, ni les hauts fonctionnaires qui votent la loi, mais le Parlement. Dans notre État de droit, l’administration, sous la responsabilité des ministres, est chargée d’exécuter la loi, pas de l’amoindrir, de la rendre inapplicable ou de la conditionner – comme cela m’a été rapporté lors de mon déplacement en Nouvelle-Calédonie.
Dans notre État de droit, c’est le politique, tirant sa légitimité du vote des Français, qui décide. Dans notre pays, c’est l’intérêt général, (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS)…
Mme Sabrina Sebaihi
Rendez l’argent !
M. Antoine Léaument
Voleuse !
Mme Marine Le Pen
…le bien commun qui doit prévaloir et non les intérêts particuliers.
Monsieur le premier ministre, comment allez-vous refaire de la défense de l’intérêt général la ligne directrice de vos politiques ? Plus concrètement, votre ministre de l’économie a-t-il, oui ou non, pris une décision contraire à la volonté du Parlement et, le cas échéant, quelles conséquences allez-vous en tirer, alors même que se profilent de nouvelles punitions fiscales pour les Français ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Antoine Léaument
Voleurs ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. René Pilato
Allez-vous censurer ?
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.
M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique
Le procédé que vous évoquez, dit CumCum, consiste, pour des détenteurs de titres, à faire porter ces derniers par la banque, le temps du versement des dividendes, donc de ne pas payer l’impôt sur ces titres, et de reverser ensuite à leurs propriétaires le produit de ce procédé.
Mme Christine Arrighi
Il faut répondre ! Pas besoin de nous réexpliquer !
M. François Bayrou, premier ministre
En effet, nous avons, dans le projet de loi de finances, indiqué que ce procédé n’était pas acceptable.
C’est donc à juste titre qu’il y a eu un contrôle parlementaire sur ce texte. Ce procédé n’est certes pas assimilable à une fraude, parce que c’est légal…
Un député LFI-NFP
Grâce à vous !
M. François Bayrou, premier ministre
…mais il est contre l’esprit de la loi. Je ne connaissais pas le décret que M. le rapporteur général Husson a découvert dans son contrôle sur place et sur pièces. J’ai donc l’intention de regarder, avec le ministre de l’économie, sa portée réelle et la dimension légale.
Mais les principes que vous avez évoqués guident l’équipe gouvernementale : respect de l’intérêt général et de la décision du Parlement pour qu’elle soit appliquée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)
Politique étrangère de la France
Mme la présidente
La parole est à M. Bernard Chaix.
M. Bernard Chaix
Savez-vous qu’en Ukraine, « macroner » signifie s’inquiéter sans rien faire ?
Un député EPR
C’est une fake news !
M. Bernard Chaix
Ce mot méprisant est né du « en même temps » diplomatique d’Emmanuel Macron.
Depuis 2017, la France est humiliée. La diplomatie girouette nous a effacés. Notre influence est ruinée, notre crédibilité détruite. En Ukraine, nos revirements nous ont ridiculisés. En Afrique, la France a disparu. À Gaza, nous sommes passés d’une coalition contre le Hamas à la condamnation d’Israël…
M. Jean-Paul Lecoq
Bah oui !
M. Bernard Chaix
…en Syrie, de la guerre à Assad à la paix avec les islamistes.
Face à la menace nucléaire iranienne, vous déshonorez la nation. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Même face à un État terroriste qui a attaqué la France, même contre ceux qui menacent la sécurité du monde, vous osez le « en même temps » !
Pendant qu’Israël et les États-Unis anéantissent les terroristes islamistes et le programme nucléaire iranien (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP), vous dansez la valse du relativisme et du déshonneur.
M. Antoine Léaument
Ah non, pas Valls ! (Sourires sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Bernard Chaix
La faute du président Macron est historique. En mettant sur le même plan la démocratie assiégée d’Israël et un État terroriste, il se rêve en Mandela, mais agit comme Daladier ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Alors, quand retrouverez-vous une doctrine claire, de la constance et de la fermeté face à ceux qui veulent nous détruire ? Quand renoncerez-vous à cet esprit munichois ? De grâce, quittez Munich pour le courage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger.
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger
Vous avez parlé de lignes claires et de constance. C’est précisément ce que défend la voix de la France, non seulement ces derniers jours, dans le contexte du conflit israélo-iranien, mais depuis de très nombreuses années. Comme l’a dit le premier ministre dans sa réponse au président Gabriel Attal, la France sera toujours du côté du respect du droit international. Être constant, c’est cela. Il faut toujours respecter l’intégrité des États et des peuples. Sur ce point, la France n’a jamais varié – en tout cas pas sous la présidence d’Emmanuel Macron.
M. Jean-Paul Lecoq
Menteur !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Nous le disons très clairement : comme vous, nous refusons que l’Iran mène à bien son programme nucléaire et balistique. Mais la France a aussi le courage de dire que la voie militaire ne suffit pas. Il faut aussi et d’abord passer par la voie de la négociation, cette voie diplomatique que vous dénigrez. La France l’a fait avec succès quand elle a permis d’aboutir à un encadrement du programme nucléaire iranien. Vous avez donc raison : la France défend avec constance le respect du droit international.
Elle assure aussi avec constance la protection de ses ressortissants. Quand vous dénigrez notre diplomatie, vous dénigrez tous ceux qui travaillent à Tel-Aviv, à Téhéran, mais aussi dans les pays voisins, pour protéger nos ressortissants. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes DR et Dem.) Le premier avion en provenance d’Amman est arrivé dimanche dernier, avec 180 de nos ressortissants à son bord. Ce matin, un avion militaire A400M à destination de Chypre a décollé de l’aéroport Ben Gourion de Tel-Aviv et atterrira ce soir en France.
Nous protégeons notre population tout en défendant les peuples et le droit international. La voilà, notre constance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem. – M. Vincent Jeanbrun applaudit également.)
M. Jean-Paul Lecoq
N’importe quoi ! De gros mensonges !
Mme la présidente
La parole est à M. Bernard Chaix.
M. Bernard Chaix
Nous demandons au Quai d’Orsay de renforcer les dispositifs de rapatriement de nos compatriotes. Pas moins de 250 000 ressortissants français habitent en Israël, et vous parlez de deux avions de 152 places chacun ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe EPR.)
Enquête sur la mort de Souheil El Khalfaoui
Mme la présidente
La parole est à M. Manuel Bompard.
M. Manuel Bompard
Le 4 août 2021, Souheil El Khalfaoui, un jeune homme de 19 ans, a été tué par balle par un policier lors d’un contrôle routier dans le quartier de la Belle de Mai à Marseille.
Depuis cette date, sa famille, qui demande que toute la vérité soit faite sur les circonstances de ce drame, se heurte à un véritable sabotage.
Aucune enquête de voisinage sérieuse n’a été menée. C’est la famille elle-même qui a dû s’organiser pour trouver des témoins. Des images de vidéosurveillance ont bien été saisies, mais la seule caméra orientée en direction du drame a été négligée, si bien que les images ont été effacées.
Pire encore, il y a quelques jours, l’avocat de la famille a été informé par une nouvelle juge d’instruction que les neuf scellés de l’enquête ont été perdus.
Un député du groupe LFI-NFP
Quelle honte !
M. Manuel Bompard
Ils sont introuvables au sein du tribunal judiciaire de Marseille. Parmi ces scellés figuraient des images de vidéosurveillance, des enregistrements d’appels et même la balle qui a causé la mort de Souheil. Leur disparition est un véritable scandale. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)
Comment peut-on accepter qu’une telle entrave soit faite à la manifestation de la vérité ? La famille et les proches de Souheil El Khalfaoui n’ont-ils pas droit à la justice ? Doivent-ils considérer qu’une enquête sérieuse n’est pas possible dans une affaire mettant en cause un policier ?
En 2010, après la disparition de scellés dans l’affaire Boulin, une enquête diligentée par l’Inspection générale de la justice avait permis de retrouver les scellés perdus.
Monsieur le ministre de la justice, que comptez-vous faire face à ce fiasco judiciaire ? Saisirez-vous l’Inspection générale de la justice pour mettre fin à ces pratiques inacceptables ? (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice
La plainte légitimement déposée par la famille permet en effet aux agents du tribunal de tenter de retrouver ces scellés. S’ils n’y parviennent pas, je compte bien saisir l’Inspection générale de la justice d’ici demain soir. Vous l’avez rappelé, on a procédé ainsi dans d’autres affaires. L’Inspection sera chargée de chercher ces scellés, qui sont nécessaires à la manifestation de la vérité dans cette affaire très importante, mais aussi d’identifier d’éventuels dysfonctionnements dans le traitement des scellés. La justice doit pouvoir faire la lumière sur la mort de cet homme.
Je suis heureux que nous nous retrouvions sur un point : les images de vidéosurveillance aident à la manifestation de la vérité, tout comme le travail de la police technique et scientifique, qui a rendu son rapport balistique. Ce dernier doit permettre de confirmer ou d’infirmer la théorie de la famille. Si des condamnations doivent être prononcées, il ne doit y avoir aucun doute. La présomption d’innocence doit toutefois être respectée : nous la devons à toute personne mise en cause, y compris au policier incriminé. Ces principes doivent être rappelés.
J’espère que la colère légitime qui est la vôtre, et qui fait sans doute écho à celle de la famille, que la justice doit traiter avec considération, n’aboutit pas à remettre en cause l’intégrité des enquêteurs et des magistrats, qui agissent dans l’intérêt de la République. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Manuel Bompard.
M. Manuel Bompard
Ma question était précise et claire : certaines pratiques du parquet de Marseille sont inacceptables. J’espère que l’enquête de l’Inspection générale de la justice que vous diligenterez permettra d’identifier les responsables et de les sanctionner. Il faut remettre de l’ordre : la famille de Souheil El Khalfaoui a droit à la vérité et à la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.)
Financement de la base industrielle et technologique de défense
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Plassard.
M. Christophe Plassard
Il y a trois mois, le 20 mars, vous nous avez réunis avec l’écosystème de la défense pour parler de son financement, conformément aux souhaits du président de la République. Ma question est simple : où en sommes-nous ? Alors que le monde prend feu et que les tensions s’intensifient, en Europe comme au Moyen-Orient, notre base industrielle et technologique de défense, qui représente plus de 4 000 entreprises et 200 000 emplois, est en état d’urgence.
Il y a trois ans, le 13 juin 2022, le président de la République a annoncé qu’il fallait que nos entreprises se préparent à l’économie de guerre. Il disait alors qu’il faudrait « aller plus vite, plus fort, au moindre coût, pour innover plus rapidement ». Le ministère des armées et la direction générale de l’armement sont passés à l’action, ce que je tiens à saluer.
Mais sans financements, fonds propres et bancaires, les efforts de nos entreprises de souveraineté resteront vains. Ce phénomène n’est pas neuf : cela fait des années que les entreprises qui contribuent à notre industrie de défense, souvent des PME, sont discriminées de manière injuste et illégale par le secteur bancaire, sous le prétexte d’une prétendue responsabilité sociale et de traités que notre pays n’a même pas signés. Tout cela est documenté dans plusieurs rapports parlementaires, de l’Assemblée nationale comme du Sénat, des bancs de gauche comme ceux de droite.
Ainsi, ce printemps, dans le cadre de ma mission d’information sur la guerre économique, j’ai auditionné plusieurs PME stratégiques, qui nous ont fait part de ce constat accablant : si vous travaillez dans le secteur de la défense, vous êtes condamnés à ne pas croître, faute d’accès aux crédits, ou à passer sous le contrôle de capitaux étrangers. Ces propos ont été recueillis sous couvert d’anonymat, mais c’est factuel.
Monsieur le ministre de l’industrie, vous avez fixé un objectif global de 5 milliards d’euros de financement. C’est bien, mais quelle somme sera fléchée vers les PME ? La situation se débloque-t-elle ? Où en est le fonds BPIFrance Défense ? Surtout, estimez-vous ces mesures suffisantes pour faire face aux défis de plus en plus grands que doit relever notre industrie de défense ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie
Je vous remercie pour votre question et pour votre engagement sur ce sujet, que je sais constant.
À l’heure où les fracas du monde, les turbulences géopolitiques nous obligent à consolider notre base industrielle et technologique de défense, votre question est d’actualité. La BITD représente 4 000 entreprises et 200 000 emplois. Pour monter en régime, ces entreprises ont besoin d’accéder à des financements qui ne soient pas uniquement publics, mais privés, qu’ils soient français ou européens.
C’est dans cet esprit que les ministres Sébastien Lecornu et Éric Lombard ont rassemblé l’ensemble des acteurs de la filière, le 20 mars, à Bercy. Il s’agissait de trouver des pistes très concrètes pour faire progresser le financement de nos industries de défense.
Lors de cet événement, plusieurs acteurs financiers – banquiers, assureurs – ont annoncé qu’ils procéderaient à un changement de doctrine en matière de financement des industries de défense. Depuis lors, des annonces plus concrètes encore ont été faites. Je pense notamment au groupe BPCE, qui a annoncé vouloir doubler ses encours à destination des entreprises de défense pour atteindre 500 millions d’euros. Cet événement a donc déjà eu une résonance.
Par ailleurs, vous m’interrogez sur les actions concrètes qui ont été menées. Un club des investisseurs créé au sein du ministère des armées a tenu sa première réunion hier. Les réflexions et les travaux techniques menés autour du fonds BPIFrance défense se poursuivent. L’objectif est de trouver des solutions et de faire des annonces dans les prochaines semaines.
Sur ces sujets, il faut changer de doctrine, y compris au niveau européen. La taxonomie européenne en matière d’investissement pénalise les industries de défense. Nous prenons l’engagement de faire bouger les choses.
Soyez assuré que nous sommes déterminés à élargir la palette de financements de nos industriels de la défense. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Plassard.
M. Christophe Plassard
Le Sénat a adopté à une très large majorité une proposition de loi fléchant une partie des fonds du livret A et une autre créant un livret d’épargne défense souveraineté a été déposée. Je regrette qu’elles soient restées lettre morte malgré le souhait exprimé par le président de la République. C’est pourquoi je déposerai également une proposition allant dans ce sens pour favoriser l’épargne populaire et accompagner les PME. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Certification des logiciels de caisse
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie-Laurence Roy.
Mme Sophie-Laurence Roy
Nous nous souvenons tous des conditions dans lesquelles le dernier projet de loi de finances a été voté :…
M. Jean-Paul Lecoq et Mme Danielle Simonnet
Il ne l’a pas été !
Mme Sophie-Laurence Roy
…dans la précipitation, en adoptant des amendements techniques en rafale, souvent sans débat sur leurs conséquences concrètes.
L’abaissement du seuil de TVA pour les autoentrepreneurs a heureusement déclenché un tollé.
Mais une autre mesure, passée inaperçue dans le flot des amendements, risque d’avoir des effets tout aussi ravageurs. Elle concerne des centaines de milliers de commerçants ainsi que des éditeurs de logiciels.
Le 31 août 2025, tous les commerçants qui utiliseront un logiciel de caisse non certifié commettront sans le savoir une infraction : leur outil sera devenu illégal. Le PLF 2025 a supprimé l’autoattestation par les éditeurs au profit d’une certification coûteuse uniquement délivrée par deux organismes agréés, Infocert et LNE, sans véritable concurrence.
Avant le 31 août, les éditeurs devront avoir signé un contrat par lequel ils s’engagent à payer un abonnement mensuel et versé un acompte. Ils répercuteront nécessairement ces coûts sur leurs clients.
Pourtant, en février 2024, votre ministère reconnaissait que rien ne prouvait que les logiciels autoattestés sont plus susceptibles de fraude à la TVA que les autres. Il ajoutait que le surcoût pèserait sur les commerçants et sur les consommateurs.
Nous avons donc voté un verrouillage du marché, une barrière à l’entrée et la mise à mort de milliers de TPE et d’indépendants.
M. Ian Boucard
Elle a raison !
Mme Sophie-Laurence Roy
Monsieur le ministre de l’économie et des finances, il est encore temps de corriger nos erreurs : laisserez-vous deux organismes agréés faire la loi en attendant que les faillites prouvent – mais il sera trop tard – que cette réforme était une erreur ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie
Je voudrais d’abord rappeler les circonstances dans lesquelles cette mesure a été adoptée. Elle est la conséquence d’un amendement déposé par un parlementaire socialiste sur le projet de loi de finances, amendement qui avait recueilli un avis défavorable du gouvernement. Il a cependant été voté par les députés de votre groupe : peut-être aurait-il été utile de réfléchir plus tôt !
M. Jimmy Pahun
Eh oui !
M. Marc Ferracci, ministre
Vous m’interrogez sur les conséquences de la suppression de l’autoattestation par les éditeurs des logiciels de caisse dans le cadre des dispositions de la loi de finances. Nous sommes tout à fait conscients des difficultés que fait naître cette mesure pour de nombreuses entreprises, en particulier de très petites ou des entreprises individuelles. C’est pour cela que le gouvernement avait émis un avis défavorable.
À présent, il nous faut agir en tirant les enseignements de cette mesure. C’est précisément ce que nous avons cherché à faire : dès l’adoption de la loi de finances, les services de Bercy et les ministres ont demandé aux services de la direction des finances publiques d’échanger avec l’ensemble des acteurs intervenant sur le sujet. À l’issue de cette concertation, nous avons décidé d’accorder une tolérance dans l’application de cette mesure : un délai d’un an donnera aux acteurs le temps de se mettre en conformité avec les dispositions de la loi de finances. Cette décision a été publiée dans le bulletin officiel des finances publiques du 16 avril 2025.
Vous nous appelez à corriger cette disposition. Le gouvernement est toujours ouvert au dialogue : nous pourrons avoir ces discussions dans le cadre du PLF 2026. Elles permettront peut-être d’adapter le dispositif, s’il était établi que la tolérance doctrinale que nous avons introduite n’assurait pas une sécurité suffisante aux acteurs.
Enquête sur la mort de Souheil El Khalfaoui
Mme la présidente
La parole est à M. Hendrik Davi.
M. Hendrik Davi
Le 4 août 2021, un jeune homme de 19 ans, Souheil El Khalfaoui, a été tué par un policier à Marseille d’une balle dans le thorax.
Quatre ans après les faits, la famille n’a toujours pas de réponses. Pire, elle vient d’apprendre, par un courrier de la juge d’instruction, que neuf scellés ont été égarés par la justice. Vous avez bien entendu : les images de vidéosurveillance, les enregistrements d’appels aux pompiers et à la police, l’audition filmée du policier qui a tué Souheil ont été égarés !
Ma première question est la suivante : comment des pièces aussi importantes ont-elles pu disparaître ? Une enquête doit être menée immédiatement.
Hélas, le cas de Souheil El Khalfaoui n’est pas isolé. Depuis 2017 : Rayana, 21 ans, tuée à Paris, simple passagère ; Sulivan, 19 ans, tué à Cherbourg, la policière ayant confondu son téléphone avec une arme ; Luis, 47 ans, souffrant de schizophrénie, tué dans le Loiret ; Maïky, 28 ans, tué à Toulouse ; Romain, 26 ans, tué à Paris ; Olivio, 28 ans, tué à Poissy ; Alhoussein, 19 ans, tué à Angoulême ; et évidemment Nahel, 17 ans, tué il y a tout juste deux ans, à Nanterre, à bout portant. Il y a bien un problème systémique en France, chers collègues !
Selon le Comité des droits de l’homme de l’ONU, la France est devenue le pays de l’Union européenne où l’on compte le plus grand nombre de personnes tuées ou blessées par des tirs réalisés par des agents des forces de police. Selon le Syndicat des avocats de France, plus d’une centaine de personnes ont été tuées par la police ou la gendarmerie depuis l’adoption de la loi Cazeneuve du 28 février 2017, qui élargit la légitime défense aux refus d’obtempérer susceptibles de menacer l’intégrité physique d’autrui.
M. Hervé de Lépinau
C’est une très bonne chose !
M. Hendrik Davi
Cette définition est très large et place les policiers dans une situation compliquée. Il n’est pas normal qu’une partie de la population ait peur de sa police et que des contrôles policiers se terminent par des morts. La légitime défense ne doit jamais valoir permis de tuer. D’où ma seconde question : que comptez-vous faire, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice
Je l’ai indiqué à M. Bompard, il y aura une inspection du ministère de la justice sur la disparition inacceptable des scellés, qui doivent permettre à l’autorité judiciaire de faire la vérité sur ce drame qui touche toute une famille. Je fais évidemment droit à sa demande afin que nous retrouvions les scellés et que les responsabilités soient parfaitement établies dans cette affaire.
Mme Clémentine Autain et M. Alexis Corbière
Vous n’avez pas répondu !
M. Hendrik Davi
Et le reste de la question ?
Insécurité dans les territoires ruraux
Mme la présidente
La parole est à M. Guillaume Lepers. (Les députés du groupe DR se lèvent et applaudissent.)
M. Fabien Di Filippo
J’espère que vous aurez un mot pour lui, madame la présidente !
M. Guillaume Lepers
Monsieur le premier ministre, samedi dernier, comme vous le voyez, j’ai été frappé alors que je tentais de protéger un jeune homme agressé par trois individus en marge de la fête de la musique. Au-delà de mon cas personnel, un simple geste citoyen, il y a cette réalité que des millions de Français vivent au quotidien : celle d’un climat d’insécurité qui s’installe doucement mais durablement, y compris dans nos territoires ruraux. Nos villes moyennes et nos villages sont confrontés à des violences nouvelles : rodéos urbains, refus d’obtempérer, trafic de stupéfiants ou de protoxyde d’azote. Cette insécurité n’est plus réservée aux grandes villes, elle s’étend, s’enracine et, malheureusement, se banalise dans nos territoires ruraux. Les bagarres de rue dégénèrent avec une brutalité inédite : armes blanches, voire armes à feu, sont désormais présentes pour solder des comptes, parfois pour un simple regard de travers. Ce phénomène inquiétant, aggravé par une culture de l’ultraviolence promue sur les réseaux sociaux,…
M. Vincent Descoeur
Eh oui !
M. Guillaume Lepers
…désarme les citoyens et fragilise le lien social. Dans nos villes moyennes, nous le savons, nos effectifs de police et de gendarmerie sont sous-dimensionnés, et leur présence trop souvent symbolique, malgré la bonne volonté des agents de terrain. Or sans réactivité, sans dissuasion, sans sanction visible, c’est la République qui recule. Les maires tentent évidemment de pallier le désengagement de l’État par le développement des polices municipales, de la vidéosurveillance et de la prévention, mais ils sont souvent bien seuls dans ce combat.
La sécurité des Français est un droit fondamental. La préserver doit être une priorité absolue. Je remercie, à ce titre, les ministres de l’intérieur et de la justice pour leur volontarisme. Toutefois, si nous avons besoin de fermeté et d’autorité, nous avons aussi besoin de moyens concrets. Ma question est donc simple, monsieur le premier ministre : quand allez-vous donner aux ministères de l’intérieur et de la justice des moyens à la hauteur de leurs ambitions (« Ah ! » sur les bancs du groupe EPR) afin que nos territoires ruraux bénéficient enfin des effectifs, des équipements et des outils nécessaires pour faire reculer durablement la délinquance et la violence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur
Je veux d’abord saluer, non pas un acte de civisme, mais votre courage. (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes RN, EPR, DR et UDR ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC. – Mme Sandrine Rousseau et M. Stéphane Peu applaudissent aussi.) Une chose est certaine, si vous ne vous étiez pas interposé samedi soir, la personne tabassée à terre par trois individus aurait été très grièvement blessée. J’espère qu’elle vous a exprimé sa gratitude. (M. Guillaume Lepers acquiesce.)
Nous avons pu interpeller les trois individus incriminés. Deux sont majeurs et seront jugés jeudi en comparution immédiate. J’espère qu’ils seront lourdement sanctionnés. Le troisième est mineur. Que deviendra-t-il ? Quelle sanction recevra-t-il ?
M. Pierre Cordier
Il sera privé de dessert pendant quinze jours !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
C’est toute la question, après la décision du Conseil constitutionnel il y a quelques jours.
Vous m’interrogez sur la violence qui s’étend partout, pas seulement dans les grands centres urbains mais aussi dans nos villes moyennes et dans nos campagnes. Je crois que nous devons agir à la racine, en nous attaquant au narcotrafic, cause de tant de violences. Depuis le début de l’année, avant même l’application de la loi sur le narcotrafic, nous avons arrêté plus de 20 000 trafiquants. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Nous devons aussi durcir la sanction pénale – le garde des sceaux y travaille – car, au fil des années, s’est créé en France une sorte de droit à l’inexécution des peines, ce qui est insupportable.
Enfin, troisième réponse, que vous avez vous-même évoquée, nous devons améliorer le continuum de sécurité, l’articulation entre la police municipale et la police nationale. Un texte sera soumis en juillet prochain au Parlement pour augmenter les prérogatives des policiers municipaux. J’ai décidé que soit organisé, dès cette année, dans chaque département des concours pour recruter des policiers adjoints, l’objectif étant que ces jeunes servent dans leur propre département et ne craignent plus d’être envoyés loin de chez eux. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et UDR.)
Fraude CumCum
Mme la présidente
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
Monsieur le ministre de l’économie, comment le Gouvernement peut-il demander aux citoyens et aux entreprises de notre pays de contribuer davantage au redressement des finances publiques alors que d’autres refusent de supporter le poids de l’impôt ? Je m’explique.
Lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, nous avons adopté à une très forte majorité, à l’Assemblée nationale et au Sénat, un dispositif visant à lutter contre un détournement de la loi fiscale connu sous le nom de CumCum. Ce mécanisme, utilisé par de très nombreuses banques françaises au profit de non-résidents, leur permet d’échapper à l’impôt sur le revenu dû au titre des dividendes reçus. Le préjudice pour le Trésor public des pratiques d’optimisation fiscale agressive, voire de fraude, pourrait représenter jusqu’à 4,5 milliards d’euros.
Mme Marie Pochon
Ils sont où ?
M. Charles de Courson
Il semblerait, d’après une note commune de la DGFIP et de la DLF de mars dernier, découverte par le rapporteur général et le président de la commission des finances du Sénat, qu’à la demande de la Fédération bancaire française, contre l’avis de vos services et malgré les avertissements répétés de deux collègues sénateurs, vous ayez fait publier le 17 avril dans le Bofip une instruction fiscale créant plusieurs brèches et exceptions au dispositif, et contraires à la volonté du législateur.
Ma question est double : tout d’abord, pouvez-vous confirmer à la représentation nationale que ces informations sont exactes ? Ensuite, envisagez-vous de procéder au retrait immédiat de cette instruction pour respecter la volonté du peuple ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS. – M. Emmanuel Maurel applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie
Vous l’avez dit, le mécanisme CumCum consiste à éviter, pour un non-résident, l’imposition sur les dividendes en transférant des titres à un intermédiaire qui n’est pas soumis au prélèvement à la source. Je le dis avec force : le principe de la disposition adoptée dans le PLF, comme celui qui sous-tend la doctrine de l’administration fiscale, est un principe de lutte contre la fraude et nous n’en démordrons pas. Nous n’avons d’ailleurs pas attendu avant de contrôler ce type de mécanisme.
Mme Léa Balage El Mariky
Vous les faites quand, ces contrôles ?
M. Marc Ferracci, ministre
Je suis tenu au respect du secret fiscal, mais je peux vous dire que les premiers contrôles de ce mécanisme ont débuté en 2017 et qu’ils ont porté sur des opérations de prêt/emprunt de titres réalisés en 2014 et 2015. Cela ne date donc pas d’hier ! Ces contrôles ont fait apparaître un certain nombre de schémas litigieux dans des contrats à terme sur actions ou sur indices. Ils ont conduit à plusieurs dépôts de plainte et à une dénonciation fiscale obligatoire auprès du parquet national financier le 28 mars 2023. Cinq établissements bancaires ont fait l’objet de perquisitions dans le cadre d’enquêtes sur des délits de fraude fiscale aggravée et de blanchiment.
Mme Christine Arrighi
Ce n’est pas le sujet ! Nous voulons changer la loi !
M. Marc Ferracci, ministre
S’agissant du commentaire administratif que vous avez évoqué, il s’inscrit dans l’expression légitime, habituelle, de l’administration fiscale. Au sujet du Bofip publié le 17 avril dernier, je veux donc dire qu’il est normal que l’administration commente les dispositions nouvelles de la loi de finances. Quant aux précisions qui font aujourd’hui polémique, elles avaient déjà été formulées par le gouvernement lors des débats au Sénat. Nous aurions certes pu ne pas les réitérer, mais nous aurions ainsi manqué au devoir de transparence et de clarté dans l’interprétation de la loi que nous devons à tous les contribuables.
Mme Léa Balage El Mariky
N’importe quoi !
M. Marc Ferracci, ministre
Pour finir, je précise qu’un recours en référé a été introduit contre le Bofip. Il appartiendra au juge de dire le droit et, je l’espère, de clore ce débat.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
Dans la note du 20 mars dernier que j’ai mentionnée, voilà ce qui est écrit : « Compte tenu de l’intention du législateur, une exclusion large de ces opérations soulèverait un risque polémique sévère. La direction de la législation fiscale et la direction générale des finances publiques sont d’avis de ne pas répondre à la Fédération bancaire française sur ce point. » Le ministre a le droit de passer outre, mais cette décision est contraire à l’intention du législateur. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
M. Emmanuel Maurel
Il a raison !
Défaillances des entreprises du bâtiment
Mme la présidente
La parole est à M. Daniel Grenon.
M. Daniel Grenon
L’année dernière, la France a enregistré plus de 66 000 défaillances d’entreprises. Les entreprises du bâtiment, particulièrement les plus petites d’entre elles, subissent de plein fouet cette hausse des défaillances et une crise majeure depuis de nombreuses années. En ce milieu d’année 2025, les chiffres tombent : l’activité a reculé de 5 % au premier trimestre, confirmant la spirale négative entamée en 2024. La crise touche tous les corps de métier et toutes les entreprises du secteur. Malgré les alertes des professionnels du bâtiment, qui restent lettre morte, le gouvernement semble convaincu que la seule solution à la crise réside dans la construction neuve. Cette vision simpliste est incomplète et se prive d’un levier majeur pour relever les défis : celui de la rénovation, qui permet de loger nos concitoyens à moindre coût, de revitaliser les territoires et de maintenir les plus âgés, le plus longtemps possible, dans leurs logements.
Actuellement, le dispositif MaPrimeRénov’ est amputé et les entreprises RGE sont oubliées. Avec plus de 620 000 entreprises en France, les artisans du bâtiment sont pourtant essentiels pour l’emploi local et la vitalité territoriale. Le secteur forme plus de 60 000 apprentis chaque année. C’est une filière d’avenir pour notre jeunesse, une filière trop essentielle pour être laissée à l’abandon en raison d’une réglementation qui ne tient pas compte des recommandations des professionnels. Au vu de son importance et de la grave crise qu’elle traverse, qu’attendez-vous pour appliquer des mesures permettant de sauver la filière de l’artisanat du bâtiment ? (M. Sylvain Berrios applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée du logement.
Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement
Le secteur du bâtiment est essentiel à la société française : il représente 450 000 entreprises, dont, comme vous l’avez rappelé, 95 % sont des entreprises artisanales enracinées dans les territoires ; au total, 1,8 million d’actifs y travaillent, générant 200 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Autant dire que nous mesurons l’importance du sujet !
Personne ne conteste l’intensité de la crise qui touche l’artisanat. Elle a pris une ampleur européenne au cours des dernières années, au point que l’Union européenne a décidé de nommer un commissaire européen au logement et à l’énergie, que j’ai rencontré jeudi dernier et auquel j’ai fait part des attentes de l’État français en matière de soutien aux entreprises.
Quand le marché du logement neuf ralentit, en raison d’une baisse de la production, c’est la rénovation qui doit prendre le relais. Vous avez raison, la rénovation énergétique des logements a des effets sur l’artisanat. Nous devons être au rendez-vous de MaPrimeRénov’ et j’ai déjà expliqué comment nous le serons. Après une pause de deux mois pour rattraper le retard dans les délais d’instruction et lutter contre la fraude, nous dépenserons jusqu’au dernier centime les 3,6 milliards investis dans le cadre de ce dispositif en faveur des artisans. Ces 3,6 milliards vont générer 1,8 milliard de chiffre d’affaires par mois, sans oublier l’effet levier sur les territoires. Nous serons donc au rendez-vous ! Malgré la pause de l’été, les travaux monogestes seront maintenus et les artisans pourront poursuivre leur activité.
En outre, le ministère, bien évidemment soutenu par le premier ministre, a décidé d’instaurer le prêt à taux zéro sur tout le territoire et d’exonérer les donations des frais de succession quand les bénéficiaires investissent dans le neuf. Le ministère continue son effort afin d’être au rendez-vous de la relance du logement… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de Mme la ministre.)
Conflit avec l’Iran
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Peu.
M. Stéphane Peu
Ces derniers jours, deux gouvernements sont entrés dans une guerre « préventive », bombardant des sites nucléaires iraniens et violant la charte des Nations unies au nom d’un narratif mensonger. Rien d’étonnant de la part d’un président américain qui méprise l’ONU et d’un premier ministre israélien poursuivi pour crimes de guerre.
Dans un contexte de gangstérisation des relations internationales, il est urgent de restaurer la primauté du droit. Membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, la France a un rôle crucial à jouer et elle ne peut s’en remettre à une Union européenne discréditée par son « deux poids, deux mesures ».
En 2003, notre pays, quand bien même il n’avait alors aucune sympathie pour Saddam Hussein, a su s’opposer à la guerre en Irak et dénoncer la manipulation américaine qui nous a plongés dans le chaos. Aujourd’hui, nous exécrons le régime théocratique des mollahs, capable du pire, et nous soutenons les femmes et les progressistes iraniens qui le combattent. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR, LFI-NUPES et EcoS. – Mme Fatiha Keloua Hachi applaudit également.) Cela étant, comme le disait Jacques Chirac en 2003, on n’exporte pas la démocratie dans un camion blindé.
M. Pierre Cordier
Les communistes qui citent Chirac, on aura tout vu !
M. Stéphane Peu
L’Irak, la Libye et l’Afghanistan sont là pour nous le rappeler.
Contre la loi du plus fort, la France doit condamner sans ambiguïté cette agression illégale et exiger le respect du droit international. Face aux risques vertigineux d’internationalisation du conflit, la France doit exiger, d’une part, une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations unies pour consolider le cessez-le-feu et préparer le jour d’après, d’autre part, des négociations multilatérales pour obtenir, sous l’égide de l’AIEA, le respect par l’Iran de ses obligations nucléaires.
Monsieur le premier ministre, la diplomatie est la seule voie juste pour les peuples israélien, iranien et palestinien, ainsi que pour la sécurité internationale. La France va-t-elle s’exprimer avec plus de force et plus de liberté ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR, LFI-NUPES, SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.
M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique
J’ai une pensée pour les otages Cécile Kohler et Jacques Paris (Applaudissements sur de nombreux bancs. – Mmes Eléonore Caroit, Stella Dupont et Brigitte Klinkert ainsi que M. Inaki Echaniz se lèvent pour applaudir),…
M. Jean-Paul Lecoq
Otages bombardés !
M. François Bayrou, premier ministre
…pour qui nous avons mobilisé absolument tous les moyens diplomatiques à notre disposition. Leur situation doit être rappelée à chaque fois qu’il est question de l’Iran.
Il faut aussi rappeler le caractère inhumain du régime des mollahs, notamment de sa politique à l’égard des femmes. Parce qu’elles ne respectent pas les obligations vestimentaires qu’on leur impose, elles sont écrasées et on leur interdit des activités. Plusieurs centaines d’entre elles ont été mises à mort par pendaison ! Tout cela nous est insupportable et révolte nos consciences.
Vous avez eu raison de rappeler que la France défend le droit international et ses principes. Vous demandez qu’elle le fasse avec plus de force, mais je ne vois pas de chef d’État qui le dise avec autant de force et de cette liberté à laquelle vous appelez, que le président de la République. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem. – Mme Nicole Dubré-Chirat applaudit également.)
M. Pierre Cordier
Ça ne sert à rien, personne ne l’écoute !
M. François Bayrou, premier ministre
Il a manifesté son indépendance de jugement et rappelé de façon éloquente notre attachement aux principes du droit international. C’est la position de la France.
Enfin, nous espérons que le respect du cessez-le-feu permettra d’entrer dans une ère nouvelle. Nous savons combien c’est difficile. Nous espérons aussi que là, comme ailleurs sur la planète, nous puissions un jour sortir de la loi de la force qui cherche à s’imposer à tous et retrouver la force de la loi. Cela ne se fera qu’en respectant le droit, notamment les droits de l’homme, et surtout ceux de la femme. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
Situation sociale et économique des outre-mer
Mme la présidente
La parole est à Mme Béatrice Bellay.
Mme Béatrice Bellay
(L’oratrice prononce quelques mots en créole.) Non, la présence de Kassav’ sous les ors de l’Élysée ne saurait masquer la réalité de nos vies, ni faire taire nos exigences pour les pays des océans, dits d’outre-mer. Nous voulons la justice sociale, sanitaire environnementale, économique et foncière. Nous voulons des actes. Nous voulons des droits. Or le compte n’y est pas.
Il n’y est pas, lorsqu’à l’approche des grandes vacances, des milliers d’étudiants et de familles martiniquaises guadeloupéennes, guyanaises, réunionnaises, etc., vivent un exil contraint, car incapables de regagner leurs territoires, faute de moyens, faute de prix raisonnables des compagnies aériennes, qui ne cessent de s’engraisser sur notre dos. En fait, faute d’une véritable continuité territoriale !
Le compte n’y est toujours pas, et encore moins son esprit, lorsque dans le cadre du protocole d’objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère en Martinique, signé en octobre, alors que l’État s’était engagé à financer le fonds des frais d’approche, lettre de mission est donnée à votre administration en visite chez nous de trouver un nouveau tour de passe-passe, un welto, pour que la consommation locale – nos poches déjà éprouvées – finance le dispositif de l’État. Un comble !Non, une nouvelle péréquation – zéro effort de l’État ! (L’oratrice prononce de nouveau quelques mots en créole.)
Nous ne demandons pas du vèglaj, mais une politique de solidarité nationale, qui réduise les inégalités et qui assure des sécurités. Et sur ce point non plus, malgré la prolixité de votre ministre de l’intérieur, le compte n’y est pas, quand en Martinique nous déplorons plus de quatorze morts par armes à feu depuis le début de l’année. Quatorze ! Une hécatombe !
Ces morts ne tombent pas du ciel. Ils sont le fruit d’une assignation par l’État « républi-nial » à la pauvreté, à résidence, à l’autodestruction. Quand l’État oublie ses responsabilités sociales et territoriales, quand il laisse prospérer les inégalités, il devient le premier artisan de la violence, de l’économie parallèle et du narcotrafic, de la défiance institutionnelle et démocratique, de l’effondrement des repères, de la fragmentation du lien social.
Quand le gouvernement décidera-t-il de mener une véritable politique d’équité territoriale pour la mobilité des dits ultramarins et de s’attaquer enfin aux racines sociales, économiques… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice. – Les députés du groupe SOC applaudissent cette dernière.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, ministre des outre-mer.
M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer
Les questions d’inégalité économique et sociale sont bien présentes dans l’ensemble des territoires ultramarins, notamment en Martinique. C’est incontestable. Il nous faut donc agir, peut-être comme cela n’a pas été fait depuis très longtemps. Par exemple, en dénonçant les pratiques du groupe GBH ou en luttant contre la vie chère – que ce soit en soutenant la proposition de loi dont vous avez été rapporteure, en publiant dans quelques semaines des circulaires et des décrets et en présentant en juillet un projet de loi. Ce dernier est le fruit d’une concertation étroite avec les parlementaires ultramarins et j’espère qu’il sera l’occasion d’un grand débat que vous ne manquerez pas d’enrichir lors de son examen à l’automne. Nous devons agir très concrètement.
Je souhaite une application stricte du protocole signé en Martinique et adopté il y a quelques mois. L’État a pris ses responsabilités concernant la TVA,…
Mme Béatrice Bellay
Non !
M. Manuel Valls, ministre d’État
…il faudra continuer dans ce sens.
Mme Béatrice Bellay
Vous nous avez seulement proposé la péréquation !
M. Manuel Valls, ministre d’État
En ce qui concerne l’insécurité, il faut faire preuve de nuance. Il est incontestable que les sociétés martiniquaise, guadeloupéenne et guyanaise sont confrontées au piège du narcotrafic, mais l’État – la justice et le ministère de l’intérieur – met les moyens pour le combattre, que ce soit sur terre,…
Mme Béatrice Bellay
Non !
M. Manuel Valls, ministre d’État
…en mer…
Mme Béatrice Bellay
Non !
M. Manuel Valls, ministre d’État
…ou dans les airs.
Mme Béatrice Bellay
Toujours pas !
M. Manuel Valls, ministre d’État
Il faut des moyens considérables. Regardons en face ce danger imminent, qui frappe particulièrement la Martinique, et luttons – élus locaux, acteurs économiques et sociaux, État – ensemble contre ce fléau, plutôt que de nous renvoyer à nos responsabilités.
Mme Béatrice Bellay
C’est à l’État de le faire ! Il s’agit d’une compétence régalienne !
Prolifération des sargasses dans les outre-mer
Mme la présidente
La parole est à Mme Maud Petit.
Mme Maud Petit
J’associe à ma question Mickaël Cosson et Frantz Gumbs, ainsi que nos collègues des Antilles et de Guyane.
Monsieur le ministre des outre-mer, dans nombre de nos territoires ultramarins, la situation provoquée par les algues sargasses atteint depuis plusieurs semaines un niveau d’alerte plus que préoccupant. Une crise sanitaire menace.
Les images satellites de Météo-France font état d’une concentration de radeaux de sargasses particulièrement denses et massifs dans l’Atlantique. Les échouements de cette algue brune et toxique sur les côtes ne sont plus un phénomène ponctuel et épars. Ils sont désormais un fait structurel et récurrent, avec des conséquences pour nos territoires et populations, car le rythme d’arrivée dépasse largement les capacités locales d’intervention.
Dans plusieurs communes littorales, des zones entières sont envahies, les habitants sont exposés à des émanations toxiques, les écoles ferment, les bateaux ne circulent plus entre les Saintes et la Guadeloupe, les pécheurs sont touchés de plein fouet et les métaux rongés. Les équipes locales sont mobilisées et déterminées, mais elles manquent cruellement de moyens pour faire face à un phénomène d’une telle ampleur.
Je salue les efforts engagés par le gouvernement, en particulier le troisième plan national de prévention et de lutte contre les sargasses, dit plan sargasses 3, annoncé en mai dernier. Il prévoit notamment la collecte en mer et la création d’un groupement d’intérêt public.
Mais il est urgent que cette dynamique se traduise par des effets concrets sur le terrain, car il manque une ingénierie territoriale adaptée à nos communes, qui n’ont pas toujours les ressources, ni les outils, pour monter des projets dans l’urgence, face à un phénomène naturel irrégulier et imprévisible.
La sénatrice Catherine Conconne travaille à faire reconnaître les échouages comme catastrophe naturelle. Or en l’état actuel du droit, cette qualification ne peut s’appliquer à la situation, parce que les dommages ne résultent pas d’un événement brutal et ponctuel, mais de la décomposition progressive des algues échouées. Ce vide juridique appelle une réponse.
Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à engager une réflexion avec le Parlement afin d’adapter le droit aux nouveaux risques environnementaux que représentent les algues invasives – sargasses ou algues vertes ? Êtes-vous prêt à apporter une réponse durable aux populations concernées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Mme Danielle Brulebois applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, ministre des outre-mer.
M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer
Sur le front de la lutte contre les sargasses, la situation est critique. En Guadeloupe, les îles de Marie-Galante et La Désirade, ainsi que le nord-est de la Grande-Terre, sont particulièrement touchés. En Martinique, la prolifération des sargasses est à son paroxysme. Depuis mars, plus de 4 400 tonnes ont été collectées.
Nous sommes tous mobilisés, collectivités et État. Cette coopération étroite s’inscrit dans le cadre du plan sargasses 2, qui mobilise 36 millions d’euros sur la période 2022-2025.
Avec Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, et M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé, nous avons lancé l’évaluation du plan sargasses 2. Cela contribuera à préparer le plan sargasses 3, dont les axes prioritaires ont été décidés avec le premier ministre lors du comité interministériel de la mer du 23 mai. Le troisième plan s’appuiera sur la prévention sanitaire, le soutien à la collecte en mer – avec l’acquisition de 5 navires de type Sargator –, au stockage et à la valorisation des algues. Il sera présenté dans les prochains mois.
Outre les enjeux opérationnels, à propos desquels j’ai répondu, vous m’interrogez sur le droit applicable, notamment le régime des catastrophes naturelles. Toutes les options doivent être explorées. Nous sommes d’accord avec la direction générale des outre-mer pour travailler avec le Parlement sur ce sujet, afin que nous obtenions, d’ici l’automne, le dispositif le plus complet pour lutter contre ce fléau. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
Politique migratoire
Mme la présidente
La parole est à M. Jordan Guitton.
M. Jordan Guitton
Monsieur le ministre de l’intérieur, selon une note de l’observatoire de l’immigration et de la démographie, révélée par Le Figaro, le coût de l’immigration explose : 100 milliards d’euros par an, soit une perte de 3,4 % du PIB. Quelle victoire idéologique pour Marine Le Pen, qui dresse ce constat depuis des années ! C’est quatre fois le budget de votre ministère, onze fois celui du ministère de la justice. Vous qui avez une parole si ferme sur l’immigration depuis un an, dites-nous pourquoi rien ne change ?
Reprenons vos promesses. Le projet de loi immigration évoqué depuis des mois ? Rien ! Le remplacement de l’aide médicale de l’État par une aide médicale d’urgence ? Rien ! L’interdiction du voile islamique à l’université ? Rien ! Toutes vos promesses contre l’immigration ? Rien, jamais rien ! Où en est la fermeté sur l’Algérie ? Sur les grands événements – finale de la ligue des champions ou fête de la musique ? Avec votre prédécesseur, M. Darmanin, c’était le chaos au stade de France, avec vous c’est le chaos quotidien dans toute la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Il y a un an, vous avez fusionné avec le macronisme. Le gouvernement de Michel Barnier, dont vous faisiez partie, proposait d’augmenter les impôts de 40 milliards d’euros. Vous avez refusé de lever le tabou de la politique migratoire pour faire des économies. Nous vous avons censurés.
Vous êtes ensuite revenu pour gouverner sur un coin de table, avec les socialistes et les macronistes assis chaque semaine à côté de vous, sur le banc des ministres.
Vous avez fait du ministère de l’intérieur un marchepied au service de vos ambitions personnelles et, en même temps, vous parlez comme le Rassemblement national. Pouvez-vous éclairer la représentation nationale ?
Les Français veulent réduire l’immigration. Les chiffres sont là, les économies sont à portée de main et le groupe RN est prêt à voter toute mesure de fermeté : laisserez-vous encore les Français subir ou allez-vous enfin agir ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur
Je vois que je deviens l’obsession du Rassemblement national. (Rires sur les bancs des groupes EPR et DR. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Kévin Mauvieux et M. Frédéric Boccaletti
Quel melon !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
J’en déduis que je ne me trompe pas ! Beaucoup de Françaises et de Français soutiennent la politique du gouvernement en matière d’autorité et de fermeté. Ils savent parfaitement qu’on n’efface pas quarante ou cinquante ans de laxisme avec des propos qui sonnent comme des tracts,…
M. Kévin Pfeffer
Quel aveu !
M. Bruno Bilde
Quels sont vos résultats ?
M. Emeric Salmon
Iriez-vous jusqu’à soutenir que Pasqua était laxiste ?
M. Jordan Guitton
Où étiez-vous pendant les trente dernières années ? Au pouvoir !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
…ou avec quelques vidéos postées sur TikTok. Vous appartenez au grand syndicat du « y a qu’à, faut qu’on » ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR et Dem.)
Si seulement c’était aussi facile que cela ! Je revendique mes résultats.
M. Bruno Bilde
Vos résultats ? Zéro !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Oui, je revendique mes résultats ! Depuis le début de l’année, le nombre de régularisations a diminué de 24 %, tandis que celui des éloignements forcés a progressé de 14 %. Le nombre de naturalisations a reculé de 14 % quand celui des expulsions d’origine préfectorale ou ministérielle a augmenté de 104 %.
M. Théo Bernhardt
Et les visas ? On en délivre plus qu’avant !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Cela vous étonne certainement – peut-être même le regrettez-vous –, mais vous voyez qu’une politique de fermeté peut produire des effets, même quand le gouvernement qui l’applique ne dispose pas d’une majorité à l’Assemblée nationale.
Le débat sur le coût de l’immigration, légitime dans une démocratie, est ouvert.
M. Emeric Salmon
Il n’y a aucun débat à avoir à ce sujet.
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Il est d’autant plus important que la France se trouve dans une situation budgétaire compliquée.
M. Emeric Salmon
C’est le moins qu’on puisse dire ! Au passage, les Français ne vous remercient pas !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Je souhaite que ce débat soit éclairé par la représentation nationale car, oui, l’immigration a un coût.
M. Jean-Paul Lecoq
Combien rapporte-t-elle ?
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
J’ai d’ailleurs dit à plusieurs reprises que parce qu’on ne la maîtrisait plus, l’immigration n’était plus une chance pour la France. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Mme Prisca Thevenot
Oh non !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Il faut être objectif : l’ascenseur social est en panne, l’assimilation et l’intégration aussi. La politique migratoire doit être soumise à un débat démocratique dont je n’ai pas peur.
Ce que je souhaite, c’est que la loi de la République soit respectée et que l’immigration irrégulière puisse reculer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jordan Guitton.
M. Jordan Guitton
Monsieur le ministre, l’obsession du Rassemblement national, c’est la sécurité des Français et ce sont les textes que nous attendons, mais qui ne viennent pas ! Vous resterez la béquille du gouvernement. Depuis la nomination de M. Castaner il y a huit ans, rien n’a changé. Pour cela, les Français vous sanctionneront dans les urnes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Politique énergétique
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Le Feur.
Mme Sandrine Le Feur
J’associe à ma question notre collègue Jean-Luc Fugit, président du Conseil supérieur de l’énergie. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Quand l’écologie figure à l’ordre du jour de nos débats, c’est sans l’enthousiasme d’avant que je prends place dans cet hémicycle, mais la poitrine serrée : je sais qu’on va reculer, encore ; depuis des mois, les abandons écologiques se succèdent ; aucun dispositif n’est épargné, ni les zones à faibles émissions ni l’objectif zéro artificialisation nette.
M. Matthias Renault
Ah !
Mme Sandrine Le Feur
Jeudi dernier, une nouvelle étape, historique dans ce qu’elle a de destructeur, a été franchie.
M. Jean-Yves Bony
C’est sévère, très sévère même !
Mme Sandrine Le Feur
Grâce au vote commun de la droite et de l’extrême droite, l’Assemblée nationale a adopté un amendement qui prévoit l’arrêt de tous les nouveaux projets de développement des énergies renouvelables en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Hervé Berville
Quelle honte !
M. Théo Bernhardt
Où étiez-vous au moment du vote ?
Mme Sandrine Le Feur
Ses défenseurs ont réussi un coup de maître : provoquer une catastrophe écologique, économique, industrielle et sociale !
M. Pierre Cordier
Il y en avait aussi de votre camp !
M. Jordan Guitton
Vous n’étiez pas présente en séance !
M. Kévin Pfeffer
Vous êtes en week-end le jeudi !
Mme Sandrine Le Feur
C’est rare, un désastre aussi complet qui pénalise tout le monde !
M. Maxime Laisney
Où étiez-vous ?
Mme Sandrine Le Feur
Ce vote pourrait déclencher l’un des plus grands plans sociaux découlant du vote des députés : il y va de 80 000 emplois dans les filières de l’éolien, du solaire, de la méthanisation et de l’hydroélectricité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Mme Mathilde Feld
C’est de votre faute !
Un député du groupe RN
C’est ça la souveraineté !
Mme Sandrine Le Feur
L’avenir de centaines d’entreprises et de milliers de salariés, souvent de territoires ruraux ou périurbains, est compromis par cette décision :…
M. Théo Bernhardt
Vous n’étiez pas là ! L’Assemblée nationale, ce n’est pas que les questions au gouvernement !
Mme Sandrine Le Feur
…voilà que ceux qui prétendent porter la voix du vrai peuple signent un texte qui l’attaque lui, son travail et ses perspectives.
Ce populisme est un poison pour le pays !
M. Jean-Claude Raux
Exactement !
M. Théo Bernhardt
Demandez plutôt aux Français ce qu’ils en pensent !
Mme Sandrine Le Feur
Il n’y a ni vision ni responsabilité ; il n’y a qu’un rejet dogmatique du progrès. Affaiblir les énergies renouvelables aujourd’hui,…
M. Théo Bernhardt
Vous voulez parler des énergies intermittentes !
Mme Sandrine Le Feur
…c’est compromettre notre souveraineté énergétique, creuser notre dépendance aux énergies fossiles importées, aggraver notre retard dans la lutte contre le changement climatique et offrir aux pays exportateurs de pétrole un cadeau qu’ils n’auraient même pas osé demander à la France.
Alors que le vote solennel de la proposition de loi portant programmation nationale énergie et climat pour les années 2025 à 2035 est prévu cet après-midi, comment comptez-vous protéger… (Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice, dont le temps de parole est écoulé. – Les députés du groupe EPR applaudissent cette dernière.)
M. Emeric Salmon
Elle n’était même pas dans l’hémicycle au moment du vote !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie
Notre cap, notre stratégie et notre vision en matière énergétique, vous les connaissez. Ils sont clairs : il s’agit de nous décarboner, de sortir de la dépendance aux énergies fossiles qui représentent 60 % de notre consommation énergétique et pèsent pour 70 milliards d’euros dans le déficit de notre balance commerciale.
Nous n’avons que trois mois de stock d’énergie fossile et on voit bien que les fracas que connaît le monde, et plus particulièrement le Proche-Orient, font pendre une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes.
Nous maintenons le cap de la décarbonation et électrifierons nos usages. Cela suppose de produire sur notre sol une électricité décarbonée.
Nous avons fait le choix d’un mix énergétique qui équilibre la part de l’énergie nucléaire et celle des énergies renouvelables. Les nouvelles capacités nucléaires ne seront mises en service qu’en 2038 et, d’ici là, nous aurons besoin des énergies renouvelables. Nous en avons aussi besoin parce qu’elles sont compétitives, quoi qu’en disent ceux qui peinent à comparer les coûts de production des énergies renouvelables et de l’énergie nucléaire.
J’ai visité hier un parc éolien au large de l’île d’Yeu. Une fois autorisé, il a suffi de deux ans pour le mettre en service : j’y vois la preuve qu’on peut développer très rapidement notre capacité installée d’énergies renouvelables.
Ce qui s’est passé la semaine dernière, c’est irresponsable. Je l’ai dit dans cet hémicycle. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem. – Mme Stella Dupont applaudit également.)
M. Emeric Salmon
Mme Le Feur n’était même pas présente ! C’est de sa faute !
M. Marc Ferracci, ministre
Irresponsable car l’application de ce moratoire signerait l’arrêt de mort de la filière des énergies renouvelables, qui représente des dizaines de milliers d’emplois et dont l’empreinte industrielle est réelle dans nos territoires.
Ceux qui ont voté cet amendement n’ont certainement pas pris la mesure de ce qui était en train de se passer.
M. Emeric Salmon
Vos soutiens n’avaient qu’à être là !
M. Pierre Cordier
Certains du groupe EPR l’ont voté ! Vous devriez balayer devant votre porte !
M. Jean-Yves Bony
Mme Le Feur aura égaré son balai !
M. Marc Ferracci, ministre
Dans quelques minutes, le moment venu de s’exprimer une dernière fois sur ce texte, le gouvernement prendra ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
Nous avons terminé les questions au gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Naïma Moutchou.)
Présidence de Mme Naïma Moutchou
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est reprise.
2. Programmation nationale énergie et climat pour les années 2025 à 2035
Vote solennel
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble de la proposition de loi portant programmation nationale énergie et climat pour les années 2025 à 2035 (nos 463, 1522).
Explications de vote
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Brugerolles.
M. Julien Brugerolles (GDR)
Nous arrivons au terme de l’examen d’un texte censé combler l’absence d’une loi de programmation énergie et climat qui n’a jamais été présentée depuis 2023. Les gouvernements successifs se sont en effet dérobés devant leurs responsabilités et ont refusé de fixer le cap stratégique clair dont notre pays et les acteurs de l’énergie avaient besoin pour agir. Le premier ministre s’est résigné à mettre à l’ordre du jour la présente proposition de loi d’origine sénatoriale, tout en confirmant l’objectif d’une publication rapide de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) par décret. Au terme de nos débats, et puisque la fin du parcours de ce texte est plus qu’incertaine, tout porte à craindre qu’il n’en sera pas réellement tenu compte.
Votre tentative de rattrapage de façade ne trompe personne : sans étude d’impact ni travaux préparatoires, sans définition des grandes trajectoires et sans prospectives énergétiques, sans visibilité sur les soutiens publics et budgétaires, les conditions n’étaient pas réunies pour se hisser à la hauteur des enjeux.
Malgré la portée incertaine du texte, le groupe GDR a cherché à ne pas en rajouter en cédant à des logiques d’affrontement qui nous paraissent dépassées, opposant notamment ceux qui défendraient la sortie du nucléaire et le 100 % renouvelable à ceux qui s’acharneraient à miser sur le seul nucléaire en abandonnant toute perspective de développement des énergies renouvelables. Nous ne nous reconnaissons pas dans ces oppositions, surtout dans un contexte où les besoins en électricité – si l’on tient nos engagements climatiques – ne feront que croître et alors que toutes les filières industrielles exigent une planification robuste, sans a priori technologique.
La recherche d’un équilibre, comme l’a montré le travail du rapporteur – que nous saluons –, supposait aussi de ne pas sombrer dans une forme d’« auberge espagnole » énergétique, où toutes les énergies auraient été déclinées sous l’angle d’un pourcentage de mix électrique à atteindre en 2030 et en 2035. On sait par expérience que ce genre d’injonctions ne sont jamais tenues, d’autant moins du fait des incertitudes qui pèsent sur le système énergétique.
Nous savons aussi que nos concitoyens attendent une énergie à des prix accessibles et des mesures d’accompagnement à la hauteur de leurs efforts dans la transition écologique. Aussi nous réjouissons-nous de l’adoption des amendements du groupe GDR destinés à garantir la maîtrise publique de l’énergie et à favoriser la sortie du marché européen de l’énergie, tout comme de ceux visant à sanctuariser les moyens publics dédiés à la rénovation énergétique des logements ou à faire l’acquisition de véhicules propres, notamment dans les territoires ruraux où il ne peut exister de solution alternative crédible à la voiture individuelle. Malheureusement, les plus grandes incertitudes règnent, là aussi, quant au cap souhaité par le gouvernement – j’en veux pour preuve la suspension de MaPrimeRénov’ et les bricolages financiers incessants autour des aides publiques, dont les certificats d’économie d’énergie (CEE) prévus pour faciliter l’achat des véhicules électriques ont fourni un nouvel exemple.
Nous nous réjouissons du rétablissement en séance de l’article 3 relatif aux objectifs de politique énergétique liés à l’énergie nucléaire. Notre groupe a insisté sur la nécessité de développer la recherche et d’aborder enfin, avec volontarisme, la perspective d’un développement industriel des réacteurs électronucléaires de quatrième génération. Parce que cette technologie pourrait jouer un rôle crucial dans la transition et nous permettre de réduire durablement la charge des déchets ainsi que notre stock d’uranium appauvri, nous devons impérativement lui consacrer des investissements.
Cependant, nous avons aussi besoin de renforcer nos filières industrielles et notre production d’électricité renouvelable. L’adoption, à l’initiative du groupe Droite républicaine, avec le soutien du Rassemblement national, d’un moratoire sur tout projet d’énergie renouvelable, a malheureusement complètement déséquilibré le texte et créé de nombreuses incertitudes. Nos objectifs de programmation énergétique, nous le savons, dépendent aujourd’hui en priorité de notre capacité à électrifier massivement les usages, à anticiper les besoins en énergie liés à la nécessaire réindustrialisation du territoire, à réduire massivement nos émissions importées. Tout cela exige des investissements massifs qui ne sont pas mis sur la table.
Aussi ce texte, quel que soit le sort qui lui sera réservé, n’est-il que l’ombre d’un projet de loi de programmation : il est un nuage d’objectifs suspendus au grand vent contraire des injonctions budgétaires.
M. Emmanuel Maurel
C’est très bien dit !
M. Julien Brugerolles
L’urgence climatique nous presse pourtant d’agir avec détermination et cohérence, sans nous réfugier dans des postures ni croire que l’on pourra régler les problèmes au fil de l’eau, dans l’improvisation permanente et sans moyens à la hauteur. Pour toutes ces raisons, les députés du groupe GDR ne voteront pas le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – M. Maxime Laisney applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Michoux.
M. Éric Michoux (UDR)
Nous avons eu de la chance : le gouvernement était prêt à dépenser plusieurs centaines de milliards d’euros par décret, en catimini, sans que nous ayons le moindre débat sur la programmation de l’énergie pour les prochaines années ; cela ne s’est pas produit et c’est heureux. Mais quelle arnaque, quelle indignité ! Vous transformez notre assemblée en un théâtre d’ombres, vous abîmez notre démocratie, méprisez et abandonnez les Français – d’ailleurs, vous les fatiguez. Vous instaurez un monde de la défiance, laquelle engendre de la défiance, qui est la mère de tout déclin, que vous organisez avec la complicité de l’extrême gauche et de leurs idiots utiles, les écolos. (Protestations sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et GDR.)
M. Nicolas Sansu
Mais bien sûr !
Mme Dominique Voynet
C’est vous, les idiots utiles !
M. Éric Michoux
Ces derniers nous expliquent que pour décarboner l’économie, il faudrait importer de Chine des panneaux photovoltaïques et des éoliennes, soit des matériels gorgés de PFAS et de terres rares, issus de l’exploitation des enfants dans des mines, transportés par cargos… (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Jean-Claude Raux
D’où vient l’uranium, à votre avis ?
Mme Julie Laernoes
Vous auriez donc voté pour l’interdiction des PFAS ? Première nouvelle !
M. Éric Michoux
Les éoliennes enlaidissent nos paysages et sont un danger pour la biodiversité, mais cela ne dérange pas les écolos de salon !
Mme Julie Laernoes
Vous, vous êtes un danger pour la biodiversité !
M. Éric Michoux
Pire : ces mâts de ferrailles ont un coût de raccordement au réseau électrique de 130 milliards d’euros.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Vous êtes irresponsables !
M. Éric Michoux
La nature étant ce qu’elle est, nous ne maîtrisons pas la force des vents. Cela n’empêchera pas les écolos de demander, demain, de subventionner des machines à souffler sur les éoliennes pour créer du vent quand il n’y en a pas.
M. Jean-Claude Raux
Vous vous croyez drôle ?
M. Éric Michoux
L’avantage des écolos, c’est qu’ils osent tout ; c’est même à ça qu’on les reconnaît. (Protestations sur les bancs du groupe EcoS. – Brouhaha.)
Mme Christine Arrighi
Continuez ainsi et nous porterons plainte !
Mme Dominique Voynet
Enfin ! Madame la présidente !
M. Éric Michoux
Face à votre dictature verte, l’union large des droites a su se dresser, avec raison, pour dire non à l’éolien. Les Français n’en veulent pas ! Ils ne veulent pas de votre arnaque écologique !
Mme Dominique Voynet
Vos propos sont creux et vulgaires !
M. Jean-Claude Raux
Pitoyable !
M. Éric Michoux
La rhétorique des bobos de boulevard encourageant la fermeture des centrales nucléaires à la faveur des énergies renouvelables ne tient plus.
M. Kévin Pfeffer
Ils obtiennent 5 % des voix lors élections européennes !
M. Éric Michoux
Prenez les Allemands : ils ont arrêté le nucléaire pour se lancer dans l’éolien. À présent, ils ferment des parcs éoliens et rouvrent des centrales à charbons. Le clou du spectacle étant que nous exportons outre-Rhin notre électricité pour zéro euro – c’est le contribuable français qui paie !
Pendant que vous agissez en idéologues, nous agissons au service des Français (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS), de ceux que vous méprisez, que vous considérez comme des gueux et que vous appelez les sans-dents ; nous agissons en faveur de ceux qui ont vu leur facture d’électricité doubler ces dernières années – tendance qui n’est pas près de s’inverser.
Mme Julie Laernoes
Vous voulez supprimer 80 000 emplois, bravo l’UDR ! Vous êtes les idiots utiles du RN ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Un peu de silence s’il vous plaît !
M. Éric Michoux
Les Français comprennent désormais que ces augmentations consistent en un nouvel impôt déguisé destiné à financer l’utopie des éoliennes.
Mme Alma Dufour
Vous êtes un clown, un ignorant !
M. Éric Michoux
Le système est intrinsèquement mal foutu : on paie pour financer des énergies instables, alors même que, d’après Mme Lauvergeon, nous n’utilisons que 67 % des capacités de nos centrales nucléaires.
Dotons-nous de véritables perspectives, avec un prix stable de l’électricité et une véritable vision à long terme, en mettant fin au dogmatisme vert, en relançant le nucléaire, en encadrant les prix de l’électricité afin de rassurer les entreprises.
Mme Alma Dufour
Comment comptez-vous faire en passant par le marché ?
M. Arnaud Saint-Martin
Bel exemple de pensée magique !
M. Éric Michoux
C’est aussi pour tout cela que la droite élargie a voté pour la réouverture de Fessenheim (Exclamations sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP),…
M. Jean-Claude Raux
Encore bravo, félicitations !
Mme Julie Laernoes
Ce truc est infaisable !
M. Maxime Laisney
Ridicule ! Il ose ressortir Fessenheim !
M. Éric Michoux
…que nous avons voté pour le maintien d’une capacité production d’énergie nucléaire de 63 gigawatts, pour une capacité supplémentaire de 27 gigawatts, pour la reconnaissance de la dimension stratégique du nucléaire pour le pays, pour l’arrêt des constructions d’éoliennes.
M. Kévin Pfeffer
Bravo !
M. Éric Michoux
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UDR votera la proposition de loi.
Mme Julie Laernoes
Quelle surprise !
M. Éric Michoux
Il existe deux catégories de doctrine, chers collègues : celle qui œuvre à améliorer le pouvoir d’achat des Français, et celle…
Mme Julie Laernoes
Qui les plonge dans l’abîme !
M. Éric Michoux
…qui creuse le déficit de la France au nom d’une idéologie. Vous, vous creusez ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Paul Lecoq
Après la copie, voici l’original !
M. Jean-Philippe Tanguy (RN)
Rarement une discussion parlementaire n’aura autant confirmé cet adage romain : il n’est point de vainqueur sans l’aveu des vaincus. La victoire idéologique de Marine Le Pen est à la hauteur des aveux de tous nos adversaires défaits, ici réunis après avoir tant brillé par leur absence.
Notre première victoire, c’est d’avoir débusqué votre hypocrisie. L’hypocrisie des mouvements de gauche qui manipulent et abusent des justes inquiétudes de notre peuple face aux périls environnementaux. Où étiez-vous, collègues de gauche et du centre, pour arrêter les fameux cavaliers de l’Apocalypse du réchauffement climatique, de la pollution atmosphérique, du gaspillage des ressources et de notre dépendance aux importations ? Nulle part, et sûrement pas ici ! Vous aimez beaucoup parler et, surtout, vous entendre parler de la fin du monde.
Mme Julie Laernoes
Écoutez-nous, vous pourriez apprendre quelque chose !
M. Jean-Philippe Tanguy
Vous n’avez tellement rien à proposer, sinon des incantations, des malédictions et des anathèmes, que vous ne vous êtes même pas mobilisés pour défendre votre propre programme. Il est bien facile de faire des manifs, des colloques et des happenings pour emmerder la vie des Français et les culpabiliser ! (Sourires sur plusieurs bancs du groupe RN.) En revanche, il vous est totalement impossible d’assumer politiquement votre programme dans un texte qui conduirait à la ruine de l’économie française, à la pénurie générale et à des factures multipliées par quatre. (Sourires sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
M. Maxime Laisney
Allons donc, pourquoi pas par six !
M. Jean-Philippe Tanguy
La gauche votera donc, par idéologie, contre le tarif régulé et populaire du gaz, contre le service public d’EDF et surtout contre la sortie des règles européennes libérales de l’énergie. Mais il est vrai que ces règles ont été créées par les socialistes ; finalement, vous revenez à la niche ! (Sourires sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Notre deuxième victoire, c’est d’avoir débusqué le mensonge. Le mensonge des socialistes et des macronistes, qui ont honte de voter en faveur du lancement de quatorze nouveaux réacteurs, après avoir décidé, ici même, il y a dix ans, la fermeture de quatorze réacteurs. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.) Le « en même temps » aura décidément signifié dire tout et son contraire, faire tout et défaire n’importe quoi, avec une seule constance : à la fin, les Français paieront !
Chers collègues macronistes, vous avez déserté cet hémicycle parce que vous savez avoir perdu la bataille idéologique et technique sur l’énergie. Vous ne défendez plus que des slogans creux et vains, prétendant en public que la France aurait encore besoin d’éoliennes et de panneaux solaires, alors que vous confessez en privé ne plus savoir comment notre système électrique pourrait les absorber et que vous redoutez un effondrement du système à l’espagnole. (Mme Christine Arrighi s’exclame.)
Contre les victoires du Rassemblement national, vous n’avez plus que des torrents de mensonges. Alors que nous demandons, dans ce texte, le déploiement massif des véritables énergies renouvelables que sont l’hydroélectricité, la géothermie, l’aérothermie, le biogaz, la biomasse, les biocarburants et l’hydrogène vert, vous agitez tous les lobbys de France – les seuls électeurs qui vous restent – pour faire croire aux Français que nous serions contre le renouvelable. Vos mensonges sont grotesques et, à la fin, vous disqualifieront.
Votre propre texte contient pourtant une hausse de 200 térawattheures de la part des énergies renouvelables. Vous allez donc voter contre votre propre proposition de loi en arguant qu’elle mettrait fin au développement des énergies renouvelables, uniquement parce que vous refusez qu’on remplace les éoliennes et les panneaux solaires par d’autres formes d’énergie moins chères, plus efficaces et, surtout, capables de fournir des emplois à des industries françaises et non chinoises. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Notre troisième victoire a été obtenue contre la lâcheté. Les LR vont, encore une fois, apporter une grande contribution au débat public français en s’abstenant.
M. Christophe Bentz
Ils ne sont même pas là !
M. Jean-Philippe Tanguy
Chers collègues LR, à force de dire tout et le contraire de tout, vous ne dites plus rien du tout. Sur l’énergie, le Rassemblement national a débusqué votre hypocrisie. Ce texte vient du Sénat, il a été conçu et voté par des sénateurs LR. Or que proposiez-vous dans ce texte ? Le programme d’Emmanuel Macron : davantage d’éoliennes, davantage de solaire, une facture multipliée par deux et quelques réacteurs nucléaires pour amuser la galerie. Mais bien sûr, pour le grand public, dans vos circonscriptions, vous prétendez être alignés sur le Rassemblement national. En campagne électorale, vous êtes évidemment contre les éoliennes ; mais là, vous vous abstiendrez. En campagne électorale, vous êtes contre les règles stupides du marché européen de l’électricité ; mais là, vous allez les défendre. En campagne électorale, vous êtes contre les règles européennes de l’électricité, mais vous n’avez jamais su les réformer. Bref, plus le temps passe et plus Les Républicains apparaissent pour ce qu’ils ont toujours été : une béquille sur laquelle le système ne peut même plus tenir.
Mme Christine Arrighi
Elle vous arrange bien, cette béquille !
M. Jean-Philippe Tanguy
La seule solution réaliste, c’est celle que propose Marine Le Pen. La seule obsession du Rassemblement national, c’est de diviser les prix de l’énergie par deux. Chers collègues macronistes, vous avez fui le débat qui aurait dû se tenir dans cet hémicycle : comment une industrie, des agriculteurs et des artisans auraient-ils pu tenir avec une énergie dont votre texte allait multiplier le prix par deux ? Vous n’avez pas voulu avoir ce débat car vous savez que vous avez tort et que seuls vos mensonges dissimulent votre incompétence. Il est grand temps que Marine Le Pen entre à l’Élysée : là, nous diviserons la facture par deux ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Luc Fugit.
M. Jean-Luc Fugit (EPR)
Au-delà du vote d’aujourd’hui, un défi doit nous rassembler : l’avenir énergétique de notre pays. C’est un défi immense qui demande de la lucidité, de la responsabilité et de la cohérence. L’année 2025 marque les dix ans de l’accord de Paris : dix ans d’engagement collectif pour atteindre la neutralité carbone en 2050 ; dix ans à bâtir une trajectoire face au seul défi qui s’impose, celui de la sortie progressive de notre dépendance aux énergies fossiles. Ces dernières représentent encore 60 % de notre consommation énergétique et pèsent lourdement sur l’économie et le climat.
La France s’est dotée d’une stratégie pour l’énergie et le climat qui repose sur quatre piliers complémentaires : sobriété, efficacité énergétique, énergie nucléaire et énergies renouvelables. Notre pays dispose d’un atout considérable : un mix électrique déjà décarboné à 95 %, reposant sur le nucléaire pour les deux tiers et sur les énergies renouvelables pour près d’un tiers.
Cette proposition de loi, d’initiative sénatoriale, devait fixer un cap et donner une vision pour notre souveraineté énergétique. Pour cela, il fallait un texte fort, cohérent et lisible. Mais les débats en commission puis en séance, les amendements contradictoires adoptés, les logiques dogmatiques et les alliances de circonstance ont privé cette proposition de loi de sa cohérence.
Le comble de l’incohérence revient au Rassemblement national et à son allié UDR, seuls groupes à avoir voté contre la relance du nucléaire en commission, et pour en séance.
Un député du groupe RN
Nous étions présents, nous, au moins !
M. Jean-Luc Fugit
Un double discours opportuniste, révélateur d’une absence totale de cap, si ce n’est peut-être celui de ne pas vouloir sortir de notre dépendance aux énergies fossiles.
Or nous avons besoin d’un cap, d’une trajectoire, d’une vision. C’est à cette condition que les filières, les acteurs, les Français seront pleinement mobilisés pour accomplir la transition énergétique mis en œuvre ces dernières années. Nous leur devons cohérence et constance.
M. Jean-Philippe Tanguy
Vous avez fermé quatorze réacteurs !
M. Jean-Luc Fugit
Ce texte n’y répond pas ; il n’apporte plus aucune vision cohérente et n’est pas à la hauteur des enjeux.
M. Jean-Philippe Tanguy
Ce texte n’est pas macroniste !
M. Jean-Luc Fugit
Le texte issu de nos débats multiplie les caricatures, les dispositions juridiquement fragiles et les mesures techniquement irréalisables, telles que le rétablissement des tarifs réglementés du gaz, la transformation d’EDF en établissement public industriel et commercial (Epic) et la réouverture de Fessenheim.
Nous sommes allés encore plus loin dans l’absurde avec l’adoption d’un amendement du groupe Droite républicaine, soutenu par le RN et l’UDR : un moratoire sur le développement de l’éolien et du photovoltaïque.
M. Julien Guibert
Très bien !
M. Jean-Luc Fugit
Cette décision interdit toute nouvelle autorisation, instruction ou modernisation des projets dans ces filières.
M. Matthias Renault
C’est très bien !
M. Jean-Luc Fugit
Cette mesure est un non-sens industriel, économique, écologique et stratégique. Soyons clairs : elle va à l’encontre de notre souveraineté nationale.
M. Jean-Philippe Tanguy
De la souveraineté chinoise !
M. Jean-Luc Fugit
S’agissant de l’emploi, elle revient à lancer un plan de licenciements massif dans notre pays : des dizaines de milliers d’emplois seront menacés…
M. Frédéric Boccaletti
Menteur comme un arracheur de dents !
M. Jean-Luc Fugit
…et une perte irréparable de savoir-faire sera causée, dans des domaines où la France excelle. Pour les territoires, notamment ruraux, qui se trouvent en première ligne et pleinement engagés dans le développement des énergies renouvelables, ce moratoire représente un manque à gagner majeur en investissements et en ressources fiscales. Dans ma région, en Auvergne-Rhône-Alpes, 1 700 entreprises et 23 000 emplois pourraient ainsi disparaître. Ce moratoire met en danger le tissu économique de la région, engagé dans la transition – une région qui accueille aussi l’Institut national de l’énergie solaire. Je n’imagine pas qu’un seul député d’Auvergne-Rhône-Alpes puisse apporter son soutien à ce texte.
Sur le plan de la souveraineté comme sur le plan climatique, ce moratoire est un renoncement. Il nous expose à une géopolitique mondiale incertaine en accroissant notre dépendance aux énergies fossiles.
Tout au long de l’examen du texte, notre groupe a tenu une ligne claire,…
M. Matthias Renault
Ne pas être là !
M. Jean-Luc Fugit
…constante et cohérente, avec comme perspective le développement des énergies nucléaire et renouvelables, en additionnant les solutions plutôt qu’en les opposant. Par exemple, nous avons soutenu à la fois les dispositions de l’article 3 proposant une relance ambitieuse de la filière nucléaire et l’amendement du groupe socialiste portant à 200 térawattheures la production d’électricité renouvelable en 2030, soit une hausse de 33 % par rapport à 2024.
Chers collègues, nous n’écrivons pas une liste au père Noël, mais la stratégie énergétique qui engagera notre pays pour les dix prochaines années. Ce sont nos vies, nos industries, notre économie qui seront directement touchées par les décisions que nous prenons. La politique énergétique de la France exige rigueur, constance et ambition. Elle doit s’appuyer sur la science, la réalité industrielle et l’intérêt des générations futures. Ne laissons pas le populisme et la démagogie dicter nos choix énergétiques et environnementaux. En responsabilité, en cohérence et en toute lucidité, le groupe Ensemble pour la République appelle à voter contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Mme Laetitia Saint-Paul applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Maxime Laisney.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP)
Nous vivons sans doute l’été le plus frais du reste de notre vie. C’est ce que déclare le climatologue Christophe Cassou, qui ajoute que notre inaction face au changement climatique est suicidaire. Valérie Masson-Delmotte affirme, quant à elle, que l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius à la fin du siècle « n’est plus atteignable ».
Canicules, sécheresses, inondations, incendies : nous allons connaître une augmentation de la fréquence et de l’intensité de ces événements extrêmes. Des gens vont perdre leur maison, des gens vont mourir, des gens meurent déjà.
M. Antoine Golliot
Oh là là !
M. Maxime Laisney
Si la France ne saurait résoudre seule un problème mondial, comment croire que les autres pays s’y consacreront davantage lorsque la sixième économie du globe choisit de reculer ? Cinq ans après la Convention citoyenne pour le climat, jetée aux orties par Emmanuel Macron, nous devons nous prononcer sur un texte qui restera comme une nouvelle gifle flanquée par François Bayrou aux jeunes générations.
M. René Pilato
Eh oui !
M. Maxime Laisney
Plus préoccupé de sauver son poste que l’avenir de la planète, le premier ministre a préféré chercher un nouveau socle avec le Rassemblement national. Refusant de trouver une majorité à gauche pour fixer une programmation énergétique crédible d’ici à 2035, ministre et rapporteur se retrouvent avec une loi tout-nucléaire d’extrême droite. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. René Pilato
Il a raison !
M. Maxime Laisney
Une extrême droite qui aura montré son visage trumpiste, climatosceptique, défendant bec et ongles le vieux monde, celui qui engraisse les capitalistes et détruit notre écosystème. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Jean-Philippe Tanguy
EDF, capitaliste ?
M. Maxime Laisney
Effrayée par sa propre disparition, la droite a encore copié son extrême. C’est pourtant Jacques Chirac qui déclarait, en 2002 : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » Mais la Droite républicaine…
Mme Dominique Voynet
Regarde toujours ailleurs…
M. Maxime Laisney
…l’a compris comme une consigne.
Quant aux députés macronistes, ils demeurent obnubilés par la perte de leurs sièges, même si on ne les y voit plus depuis des mois. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) C’est devenu une stratégie : leur désertion conduit au détricotage de leurs propres textes, les obligeant à les rejeter, laissant ainsi tout pouvoir au Sénat. Le prétendu bloc central n’est qu’une droite honteuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Cette proposition de loi sur l’énergie sera donc rejetée dans quelques minutes. Qu’en retiendra M. Bayrou, nos victoires ou vos régressions ? Conservera-t-il la prise en compte de l’empreinte carbone dans la PPE, le retour d’EDF comme établissement public (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP), le rétablissement des tarifs réglementés du gaz, l’extension des tarifs réglementés de l’électricité à tous les consommateurs et leur calcul sur les coûts du système électrique français ? Voilà des mesures utiles à nos concitoyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Malheureusement, je crains que notre baroudeur en jet privé ne conserve que les aberrations, nous obligeant à voter contre ce texte : affaiblissement de nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, impératif de sobriété divisé par deux, coup de rabot sur les rénovations performantes. En France aussi, on enterre l’accord de Paris.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Eh oui !
M. Maxime Laisney
En ce qui concerne la sortie des énergies fossiles, l’arnaque est totale puisqu’il est proposé un objectif de 58 % d’énergies dites décarbonées, incluant le nucléaire et les énergies renouvelables, pour finalement en exclure les énergies renouvelables.
Celles-ci auront été les grandes victimes de la tornade de mensonges qui a ravagé notre hémicycle. Nous avons bien obtenu 200 térawattheures d’énergies renouvelables d’ici à 2030. Mais sans le photovoltaïque et sans l’éolien, le Rassemblement national peut-il nous dire combien de vallées il compte noyer pour construire ses nouveaux barrages ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
D’ici à 2035, nous ne disposerons d’aucune nouvelle installation nucléaire. Sans nouvelles éoliennes sur terre et en mer, sans nouveaux panneaux solaires, nous allons tout simplement manquer d’électricité. Nous devrons l’importer massivement, ce qui fera exploser les factures. Il n’y aura donc ni électrification des usages, ni décarbonation de l’industrie – cette dernière devra même se délocaliser. Le pouvoir sera alors tenté de prolonger nos vieilles centrales très au-delà de leur durée de vie initiale, augmentant le risque d’accident.
Ce moratoire stupide sur les renouvelables est aussi un gigantesque plan social, supprimant 80 000 emplois. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Le secteur solaire, qui avait mis dix ans à se remettre du précédent coup d’arrêt, est méprisé ; l’éolien terrestre est insulté et l’éolien en mer, filière d’excellence, sacrifié.
M. Jean-Paul Lecoq
Il y a une belle usine au Havre !
M. Maxime Laisney
Fini le « plug, baby, plug », mais Emmanuel Macron pourra continuer à trinquer en russe puisque l’obsession nucléariste nous place chaque jour davantage dans les mains de Poutine pour notre approvisionnement en uranium, au détriment de notre souveraineté.
Nous ne savons toujours rien des délais, des coûts, ni des modèles de réacteurs qui seraient construits et financés dès l’an prochain par nos factures d’électricité. Les piscines de La Hague débordent, aucune solution n’existe pour nos déchets les plus dangereux et EDF est déjà contrainte de réduire sa production à cause de fleuves trop chauds. Ce texte parie pourtant sur un mix électrique encore plus nucléarisé que le plus nucléarisé des scénarios sur la table.
Vous méprisez les experts autant que le réel, un réel dans lequel la guerre a fait son retour, morbide et fracassant, et dans lequel les sites nucléaires civils constituent évidemment des cibles de choix. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Alors, continuez à vous raconter des histoires à dormir debout, mais n’allez pas croire que les générations futures toléreront qu’on leur pourrisse l’avenir. Vos petits-enfants vous détesteront, et vous ne l’aurez pas volé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, dont de nombreux députés se lèvent pour applaudir, et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Karim Benbrahim.
M. Karim Benbrahim (SOC)
Comment réussir la décarbonation de nos activités ? Comment garantir à nos concitoyens et à nos entreprises une énergie à un prix compétitif ? Comment renforcer notre souveraineté énergétique et industrielle ? Voilà trois questions auxquelles cette proposition de loi aurait dû répondre. Mais, après une semaine de débat, force est de constater qu’elle n’est pas à la hauteur des enjeux que je viens d’énoncer.
Durant l’examen de ce texte, le groupe Socialistes et apparentés a défendu une voie exigeante, équilibrée, loin des dogmatismes, et fondée sur la science. La voie que nous vous avons proposée aurait permis de renforcer notre indépendance et notre capacité d’action diplomatique. Nous avons défendu l’idée de réduire nos importations énergétiques en provenance de pays qui menacent nos intérêts fondamentaux. Mais, pour vous y opposer, députés du socle commun, vous avez préféré mêler vos voix à celles de l’extrême droite.
Nous avons également défendu la nécessité d’un engagement clair en faveur de la sobriété, de l’efficacité énergétique, et d’un investissement massif dans les énergies renouvelables (Exclamations sur les bancs du groupe RN), dans une énergie décarbonée, créatrice d’emplois, compétitive, capable de renforcer notre souveraineté si nous soutenons les filières industrielles françaises et européennes, et une énergie déployable plus rapidement que le nucléaire. Nous le savons, nous ne pouvons plus prendre de retard dans la lutte contre le dérèglement climatique.
Mais là encore, vous avez tourné le dos à ces perspectives, refusant même d’inscrire dans la loi l’engagement pris au niveau européen, alors que les scientifiques nous alertent – la trajectoire d’un réchauffement limité à 1,5 °C est désormais hors de portée.
Nous savons que le chemin à parcourir est semé de défis techniques, économiques et sociétaux. Il faut réaffirmer l’objectif d’un mix énergétique renouvelable et décarboné ; mais la préparation de la décennie 2040 nécessitera encore de réduire la part du nucléaire. Nous ne pourrons pas sortir à court ou moyen terme à la fois des énergies fossiles et du nucléaire.
C’est pourquoi nous avons proposé d’investir pour prolonger la durée d’exploitation du nucléaire historique sous le contrôle de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, et de construire huit nouveaux réacteurs d’ici à 2050. Mais vous avez préféré, collègues de la droite macroniste, donner dans l’excès, sans garantie claire sur l’impact de votre stratégie sur les prix de l’électricité, ni sur la capacité financière et industrielle d’EDF à mener à bien le programme que vous proposez. (Mme Anne-Laure Blin s’exclame.)
Monsieur le rapporteur, vous vous êtes laissé emporter au sein d’une coalition trumpiste, allant du groupe Horizons & indépendants au groupe Rassemblement national. Cette coalition a déroulé un agenda simple : supprimer toute référence aux énergies renouvelables et faire du nucléaire le seul vecteur de notre stratégie énergétique.
Pourtant, nous vous avions fait part de propositions de compromis, tant sur le nucléaire que sur les énergies renouvelables. Nous vous avions proposé une clause de revoyure dans cinq ans, pour réévaluer nos choix à la lumière des premiers retours d’expérience. Or vous avez refusé toutes nos propositions, misant sur une majorité de circonstance, allant du centre droit à l’extrême droite.
Vous vous êtes finalement laissés guider dans une impasse : celle du moratoire proposé par le groupe Droite républicaine, qui ne permettrait pas d’atteindre l’objectif de développement des énergies renouvelables, pourtant inscrit dans ce texte grâce à notre collègue socialiste Marie-Noëlle Battistel. Ce moratoire priverait la France de nouveaux moyens de production d’électricité – une folie, au regard de la crise énergétique que nous avons traversée ces dernières années et face aux efforts d’électrification que nous devons déployer.
Ce texte n’a désormais ni queue ni tête : il dit à la fois « noir » et « blanc », et crée une insécurité juridique majeure, au moment où nous avons besoin de clarté et de visibilité pour soutenir nos filières industrielles.
Ce texte est devenu dangereux pour l’environnement, pour les 120 000 emplois créés dans les énergies solaire et éolienne, pour le pouvoir d’achat de nos concitoyens, et pour notre souveraineté.
De populiste, cette proposition de loi est devenue absurde. Ainsi, comment redémarrer les tranches de Fessenheim alors que des opérations irréversibles de démantèlement ont déjà été réalisées ? Ce n’est plus une politique énergétique, c’est une opération de communication populiste.
Nous avions besoin d’un texte ambitieux, écologique et sérieux, et d’une stratégie claire pour répondre aux défis qui sont devant nous.
M. Vincent Descoeur
Il ne fallait pas abandonner le nucléaire !
M. Karim Benbrahim
Ce texte est une occasion ratée ; les députés socialistes et apparentés voteront donc résolument contre.
Mme la présidente
La parole est à M. Jérôme Nury.
M. Jérôme Nury (DR)
Au terme de débats pour le moins animés, la semaine dernière, nous parvenons au vote de cette proposition de loi qui, quoi qu’il en soit, poursuivra son cheminement grâce à la navette parlementaire afin d’être complétée, modifiée et enrichie.
M. Pierre Cordier
Eh oui, il y a la navette !
M. Jérôme Nury
C’est pour moi l’occasion de redire mon étonnement, voire ma stupéfaction, face au manichéisme dont certains font preuve lorsqu’il s’agit d’énergie. Je sais bien que le système médiatico-politique ne pousse guère à la nuance…
M. Pierre Cordier
C’est parce qu’ils en manquent !
Mme Christine Arrighi
Vous, en matière de nuance…
M. Jérôme Nury
…et qu’il est toujours plus simple – et plus profitable en termes de communication – de caricaturer plutôt que d’argumenter sur le fond. Mais les propos tenus par certains donneurs de leçons dans cet hémicycle et tout le week-end, par ceux qui procrastinent – ils repoussent depuis deux ans une loi de programmation de l’énergie censée être adoptée depuis 2023 –, me sidèrent. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Ce sont les mêmes qui ont méticuleusement démantelé notre filière nucléaire d’excellence, qui opérait depuis des décennies,…
Plusieurs députés du groupe DR
Eh oui !
M. Jérôme Nury
…les mêmes qui envisagent ouvertement de contourner le Parlement avant la fin de l’examen de cette proposition de loi, et les mêmes qui expliquent que le « en même temps énergétique » est salutaire, sans étude d’impact et sans analyse sérieuse, objective et à jour.
M. Ian Boucard
Il a raison !
M. Jérôme Nury
Cherchons des éléments positifs pour aller de l’avant. Nous sommes tous convaincus qu’il faut décarboner notre énergie et sortir progressivement des énergies fossiles. Mais nous, sur les bancs de la Droite républicaine, pensons que la priorité doit être donnée à l’accélération de la décarbonation des usages (Mme Alma Dufour s’exclame) – pour la mobilité, dans l’industrie, dans l’habitat.
Plusieurs députés du groupe DR
Très bien !
Mme Julie Laernoes
C’est pour ça que vous avez voté contre l’interdiction des passoires énergétiques ?
M. Jérôme Nury
D’autant que notre électricité est l’une des plus décarbonées au monde grâce au nucléaire et aux énergies renouvelables, qui fournissent une énergie propre à près de 97 %.
Il faut donc réintroduire du bon sens dans notre approche énergétique. (« Exactement ! » sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Mme Christine Arrighi
Le bon sens n’a jamais fait une politique énergétique !
M. Jérôme Nury
Le bon sens, c’est d’abord relancer un programme d’investissement massif dans l’énergie nucléaire, avec une vision claire à long terme, permettant d’augmenter de 27 gigawatts la puissance de notre parc. Je me réjouis que cette mesure, supprimée en commission de manière totalement irresponsable par un vote commun de la gauche et du RN, ait pu être réintroduite.
Mme Anne-Laure Blin
Bravo !
M. Jérôme Nury
Le bon sens, c’est aussi se soucier de la souveraineté de notre électricité et de sa robustesse, tout en veillant au montant de la facture pour les Français et les entreprises. C’est le sens de la mesure suspendant les autorisations d’implantation des énergies renouvelables intermittentes, en attendant les conclusions d’une étude précise et objective.
Mme Alma Dufour
Et RTE, vous en faites quoi ?
M. Jérôme Nury
Une telle étude devrait permettre de calibrer au plus juste nos besoins, tout en préservant certains projets locaux raisonnables – notamment ceux des agriculteurs ou ceux destinés à l’autoconsommation. Elle permettrait de vérifier techniquement les conséquences des stop and go de plus en plus fréquents des centrales nucléaires, au fur et à mesure que les énergies renouvelables sont introduites dans le réseau, et de s’assurer que les risques de blackout, comme en Espagne, sont écartés. (M. Charles Fournier s’exclame.)
Enfin, une telle étude permettrait de calculer les coûts réels du développement de ces énergies sur la facture d’électricité des Français. Il faut en effet tenir compte des projets déjà autorisés et des appels d’offres en cours – non concernés par cette suspension temporaire – qui vont permettre de presque doubler la puissance installée en énergies renouvelables, passant de 50 à 95 gigawatts.
Enfin, il nous faut rester vigilants et mobilisés pour ne pas déstabiliser les filières du renouvelable,…
M. Charles Fournier
C’est pour ça que vous avez voté le moratoire ?
M. Jérôme Nury
…tout en veillant à ne pas alourdir davantage la facture d’électricité des Français, qui a déjà doublé en dix ans et risque encore de doubler si nous surproduisons avec des énergies renouvelables intermittentes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.) Il est par conséquent essentiel d’être informés et éclairés, en toute transparence, avant de lancer des appels d’offres supplémentaires sur ces énergies. Il ne s’agit donc pas d’un big bang, malgré vos cris d’orfraie.
Mme Alma Dufour
C’est n’importe quoi !
M. Jérôme Nury
C’est simplement du bon sens, dans un contexte qui évolue et alors que notre consommation électrique, qu’on pensait en hausse, reste au niveau de celle des années 2000.
Notre approche est responsable. (« Très bien » sur plusieurs bancs du groupe DR.) Elle ne cède rien aux démagogues qui voudraient fragiliser EDF en changeant son statut, ni à ceux qui ont introduit la sortie risquée de la France du marché européen de l’énergie. Ces ajouts dénaturent totalement ce texte, qui ne peut être voté en l’état. (Mme Alma Dufour s’exclame.)
Ce n’est pas en clivant, en jetant des anathèmes, en caricaturant, que nous mettrons la France sur les bons rails. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe EcoS.) Ce n’est pas non plus en hurlant et en sanglotant dans l’hémicycle, en mode tirade TikTokienne, déstructurée et pathétique, que nous ferons avancer la question des énergies, si cruciale pour l’avenir du pays et de la planète.
M. Laurent Wauquiez
Très bien !
M. Jérôme Nury
Une société de décadence, c’est une société qui substitue les moyens aux fins, disait en substance Bernanos.
M. Thibault Bazin
Très belle pensée !
M. Jérôme Nury
Or j’ai parfois eu le sentiment que nos débats nous entraînaient dans cette décadence, tant les moyens d’atteindre les objectifs deviennent une fin en soi.
Il revient désormais aux parlementaires de se hisser à la hauteur des enjeux. En responsabilité, notre groupe se prononcera à l’issue de la navette parlementaire, afin de doter le pays d’une loi de programmation ambitieuse, respectueuse du pouvoir d’achat de nos concitoyens et résolument tournée vers une France souveraine et bas carbone. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme Alma Dufour
Il faut lire les rapports de la Cour des comptes, monsieur Nury !
Mme la présidente
La parole est à Mme Julie Laernoes.
Mme Julie Laernoes (EcoS)
Comment en sommes-nous arrivés là ? La semaine dernière, nous avons franchi une frontière que nous redoutions : les scientifiques annoncent que le seuil de 1,5 o C de réchauffement global sera dépassé. Ce n’est plus un risque mais un signal d’alerte définitif.
Nous avons franchi les dernières balises qui nous laissaient espérer tenir les engagements de l’accord de Paris. Notre pays traverse une canicule exceptionnelle : des fêtes d’école sont annulées, des activités deviennent impraticables. Le dérèglement n’est plus une abstraction – il est là, il frappe à nos portes.
Comment en sommes-nous arrivés là ? Il nous faut nous prononcer sur une proposition de loi de capitulation climatique, d’abdication énergétique – il faut appeler les choses par leur nom.
Vous avez transformé la proposition de loi Gremillet, déjà déséquilibrée à sa sortie du Sénat et calibrée pour le tout-nucléaire, en un véritable manifeste climatosceptique (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS) : relance irréaliste – et irréalisable – de la centrale de Fessenheim ; suppression des objectifs de rénovation thermique, alors que des millions de nos concitoyens vivent dans des logements froids l’hiver, brûlants l’été, ruineux toute l’année (Mêmes mouvements) ; et, surtout, moratoire sur l’éolien, sur le solaire – les seules filières capables de produire une électricité sans carbone, à bas coût, et de réduire rapidement notre consommation d’énergies fossiles.
Un député
Et le nucléaire ?
Mme Julie Laernoes
Rappelons-le : tous les scénarios du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) supposent une baisse massive de la consommation d’énergies fossiles. Certains incluent le nucléaire, d’autres non. Mais aucun ne permet d’atteindre nos objectifs climatiques sans un développement massif des énergies renouvelables. Stopper leur développement, c’est relancer celui des énergies fossiles, c’est précipiter le chaos climatique, faire flamber les factures et menacer directement 80 000 emplois en France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et DR.)
M. Emeric Salmon
Mais regardez ce qui se passe en Allemagne ! Ce n’est pas ce qui s’y passe !
Mme Julie Laernoes
Ce moratoire – une folie – est soutenu par l’alliance d’une droite radicalisée, soumise à ses notables anti-éoliens et partie prenante du gouvernement, avec une extrême droite climatosceptique qui nie le dérèglement climatique et rêve d’un retour à l’âge fossile.
Le programme du RN est limpide : dépendance au gaz, au pétrole et à ses alliés autoritaires, pas de place pour le renouvelable – mais pour des factures qui flambent et un climat hors de contrôle. (Mme Dominique Voynet applaudit.)
Comment en sommes-nous arrivés là ? Comment la France, à la pointe en 2015 de l’accord de Paris, est-elle devenue cette nation à contretemps de l’histoire ?
Je pense à ce syndicaliste de General Electric que j’ai croisé, en juin dernier, sur le marché de Saint-Sébastien-sur-Loire. Il me disait sa crainte de voir le Rassemblement national arriver au pouvoir : « Si ça arrive, c’est la fin des renouvelables. »
Un député du groupe RN
Au moins, il est lucide !
Mme Julie Laernoes
Mais il ne pensait pas que, sans que le Rassemblement national soit majoritaire, son programme serait appliqué et que ceux qui sont censés lui faire barrage allaient lui dérouler le tapis rouge.
M. Pierre Cordier
Le tapis bleu marine, plutôt !
Mme Julie Laernoes
Il ne pensait pas non plus devoir, moins d’un an plus tard, changer de métier.
Pourquoi, alors, en sommes-nous arrivés là ? Parce que les parlementaires macronistes, depuis trois ans, ont fait une croix sur l’écologie et sur le climat. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – M. Maxime Laisney applaudit également.) N’est-ce pas vous, monsieur Attal, qui avez supprimé le ministère de la transition énergétique ?
M. Thibault Bazin
On n’attaque pas les absents !
Mme Julie Laernoes
Vous annoncez aujourd’hui voter contre ce texte : grand bien vous fasse ! Sachez pourtant que ce vote ne vous absoudra pas. Vous avez gommé, depuis trois ans, tout ce qui s’apparente, de près ou de loin, au climat et à l’écologie. (M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit.)
M. Rodrigo Arenas
Ça, c’est vrai !
Mme Julie Laernoes
Vous avez renoncé à présenter un projet de loi avec des objectifs clairs pour les énergies renouvelables. À force de reculer, à force d’avoir les énergies renouvelables honteuses, vous avez cassé des filières entières, dans l’indifférence politicienne qui vous habite. Où étiez-vous, hier, tandis que l’extrême droite écrivait la loi ? Vous étiez absent, vous étiez complice. Monsieur Attal,…
M. Emeric Salmon
Il n’est toujours pas là !
Mme Julie Laernoes
…vous n’avez participé à aucun des scrutins publics lors des débats de la semaine dernière. (Mme Dominique Voynet applaudit.) Vous avez laissé, seuls au front, la gauche et les écologistes porter la voix de la vérité scientifique et des exigences de la transition écologique (Mme Christine Arrighi applaudit. – Exclamations sur les bancs du groupe RN) ainsi que repousser les délires les plus fous de l’extrême droite. Vous les avez laissés faire le sale boulot, afin de ne pas froisser vos partenaires du groupe Droite républicaine – et vous faites maintenant mine de vous offusquer, face à l’ampleur du désastre ? Mais c’est vous qui, sciemment, l’avez laissé prospérer.
Mme Marie-Charlotte Garin
C’est vrai !
Mme Julie Laernoes
Même si, aujourd’hui, vous votez contre ce texte, le mal est fait : vous avez envoyé un message désastreux aux filières industrielles, aux collectivités, aux ONG et à toutes celles et tous ceux qui s’échinent, quand l’État déserte, à tenir les objectifs climatiques. Le climat, notre avenir énergétique, notre souveraineté et les factures des Français méritent mieux que votre jeu politique. Il est temps d’arrêter de jouer, quand nous perdons un temps que nous n’avons plus ! Chaque minute qui passe est volée à la lutte contre le changement climatique – elle est volée aux Français.
Réveillez-vous ! Reprenez vos responsabilités, redevenez dignes de vos mandats et choisissez, enfin, le camp du climat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Je fais annoncer dans l’enceinte de l’Assemblée nationale le scrutin public sur l’ensemble de la proposition de loi.
La parole est à M. Philippe Bolo.
M. Philippe Bolo (Dem)
Alors que nous avons été nombreux à réclamer, avec force, un débat sur les orientations énergétiques de la France, le résultat de nos débats sur cette proposition de loi sénatoriale n’est à la hauteur ni des enjeux, ni des attentes, ni de l’urgence.
La loi « énergie-climat » de 2019 avait donné au Parlement un rendez-vous majeur : celui d’une loi quinquennale sur les objectifs et les orientations de la stratégie énergétique de notre pays. Nous attendions que le Parlement se saisisse pleinement de ce sujet stratégique ; à la place, nous avons obtenu un projet de décret. Nous avons fini, avec cette proposition de loi sénatoriale, par avoir le débat que nous attendions ; mais c’est une déception immense.
Nous avons assisté, ces dernières semaines, à un concours Lépine du non-sens énergétique, à un théâtre d’annonces, à un empilement de contradictions. Comme beaucoup d’autres parmi vous, je le regrette.
Le texte transforme EDF en Epic, comme si les urgences de l’électricien national n’étaient pas ailleurs, industrielles plus que statutaires. Le texte nous fait sortir du marché européen de l’énergie, sans étude d’impact, sans évaluation, sans en mesurer les conséquences – pour EDF, pour le financement de la relance du nucléaire, pour notre sécurité d’approvisionnement et pour les prix payés par les consommateurs. Le texte rêve de rouvrir Fessenheim, dont le démantèlement est désormais inéluctable et irréversible. (Mme Alma Dufour s’exclame.) Le texte promet des tarifs régulés du gaz et de l’électricité ainsi que des travaux de rénovation pour tous, sans aucun chiffrage, alors que chacun sait l’importance des contraintes budgétaires. Pour couronner le tout, le texte introduit un moratoire sur le solaire et le photovoltaïque – un moratoire ! Alors qu’un article affiche un objectif de 200 térawattheures d’énergies renouvelables, un autre nous prive, dans le même temps, de l’éolien et du photovoltaïque.
M. Jean-Pierre Vigier
C’est scandaleux !
M. Philippe Bolo
Chers collègues, comment envisagez-vous d’expliquer une telle contradiction et une telle fabrique, dans vos territoires, de l’impuissance collective ? Comment envisagez-vous de l’expliquer aux entreprises françaises des secteurs concernés et à leur près de 100 000 salariés ? Comment allez-vous l’expliquer aux élus locaux – de tous bords – qui comptent sur les retombées fiscales de ces installations ?
Nous nous tirons une balle dans le pied avec ce texte qui se contredit, saborde un savoir-faire français. Surtout, il passe à côté de l’essentiel en opposant les moyens de production entre eux, quand le vrai match, celui que nous devons jouer et gagner, est celui des énergies décarbonées contre les énergies carbonées. (M. Emeric Salmon s’exclame.) C’est le combat du siècle, le combat contre le réchauffement climatique.
Ce texte, mes chers collègues, est aux antipodes de ce que devrait être la stratégie énergétique de la France. Il n’accompagne pas la décarbonation de notre mix énergétique, il freine – voire supprime – notre capacité d’électrification, il fragilise gravement notre souveraineté énergétique et, avec elle, notre capacité de résilience face aux bouleversements géopolitiques que le monde traverse. Il compromet la maîtrise des coûts de l’électricité et donc celle de son prix, oubliant ainsi la protection des consommateurs comme la compétitivité des entreprises. Il est aussi bien loin des promesses fallacieuses de certains.
Ce texte est une impasse pour la France et pour son ambition en matière énergétique. Le gouvernement a voulu que ce débat ait lieu en l’inscrivant à notre ordre du jour. Le débat, désormais ouvert, doit aller à son terme. Si le gouvernement veut quitter ce chemin, il doit le dire et en assumer les conséquences. Il n’est pas question, pour le groupe Les Démocrates, que le décret sur la PPE 3 soit pris avant la fin du processus parlementaire, qui doit se poursuivre avec une nouvelle navette entre le Sénat et l’Assemblée. Cette navette, j’en suis certain, permettra de corriger ces erreurs graves pour notre pays, nos concitoyens et nos territoires. Aller jusqu’au bout de ce chemin législatif est une question de cohérence et de respect de la démocratie.
Vous l’avez compris : les députés du groupe Les Démocrates ne voteront pas ce texte.
Mme Marie-Charlotte Garin
Ne le voteront pas, ou voteront contre ?
M. Philippe Bolo
Il ne s’agit plus d’une loi de programmation, mais de déprogrammation, et ce texte n’est plus un cap, mais une impasse. L’avenir énergétique de la France mérite mieux : une stratégie claire, ambitieuse, lisible, qui concilie la décarbonation avec la souveraineté – une stratégie qui soit au service des Français, pas au service des postures. Voter ce texte serait faire preuve d’irresponsabilité. Ce serait reconnaître que, à la fin, c’est la démagogie qui gagne. Ce serait reconnaître que, à la fin, ce sont les Français qui en payeront le prix. Ce serait reconnaître que, à la fin, c’est la France qui perd. Nous nous y refusons. Les démocrates veulent une France qui gagne. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Henri Alfandari.
M. Henri Alfandari (HOR)
Au nom du groupe Horizons & indépendants, je rappellerai que notre pays a, plus que jamais, besoin d’une stratégie énergétique stable, ambitieuse et résolument tournée vers le long terme. Le texte qui nous est soumis aurait dû être l’occasion de nous fixer un cap, de sortir, enfin, des revirements permanents – au gré des mandats politiques – et d’assumer des choix clairs.
Depuis des mois, nous signalons que la publication du décret de la PPE repose sur une base juridique incertaine. Alors même que le décret est annoncé pour l’été, la loi exigée par l’article L. 100-1 A du code de l’énergie, attendue pour avant le 1er juillet 2023, n’a toujours pas été adoptée.
Cette situation crée une insécurité juridique autant qu’une incertitude sur le cap à tenir. La PPE mise sur un scénario décroissant et repose sur des travaux rendus obsolètes par les différentes crises internationales. Elle expose notre stratégie nationale à des contentieux, affaiblit la crédibilité de l’État et inquiète, légitimement, les acteurs du secteur – inquiétude portant aussi bien sur la forme que sur le fond.
C’est ainsi dans un esprit de responsabilité que nous avons défendu, dès le mois de mars, l’idée d’instaurer une programmation énergétique à soixante ans : programmation qui serait soumise à une présentation régulière des travaux devant le Parlement, dans le respect de nos institutions et de notre démocratie. Le groupe Horizons & indépendants, à l’occasion de l’examen de ce texte, a présenté de nouveau ce cap énergétique.
Loin des manœuvres politiciennes, ce travail est le fruit d’une démarche de fond selon laquelle nous ne considérons pas l’énergie comme un sujet technique parmi d’autres, mais comme le garant de notre développement, de notre compétitivité et, surtout, de notre sécurité nationale.
Dans le contexte géopolitique actuel, une nation qui ne maîtrise pas son énergie est une nation vulnérable : vulnérable aux chocs extérieurs, vulnérable aux tensions d’approvisionnement, vulnérable aux ambitions de puissances moins scrupuleuses, vulnérable aux prix de marché des énergies fossiles, vulnérable, enfin, par la décrédibilisation de sa parole quant à ses objectifs climatiques.
Une nation qui maîtrise son énergie est une nation qui assume son destin. Elle a besoin d’une volonté claire, pas d’une série d’ajustements administratifs. Nous devons garantir à toutes nos entreprises la stabilité nécessaire pour investir, innover, produire. Nous devons envoyer au monde un signal de puissance – pas une démonstration d’hésitation. Nous ne pouvons pas défendre une stratégie de puissance si nous ne sommes pas même capables de planifier notre énergie : pour cette raison, le texte qui nous est présenté n’est pas à la hauteur. Il a été amendé dans la confusion et détourné de sa vocation initiale. Le résultat est un texte déséquilibré, incohérent et qui met en danger – pour parler franchement – notre avenir énergétique.
Nous ne pouvons pas construire notre avenir énergétique dans la précipitation politique. Nous attendons du gouvernement qu’il s’attelle à une véritable réflexion de fond : qu’il programme sa stratégie à l’horizon de la durée de vie de nos centrales nucléaires, qu’il assure l’équilibre de notre système électrique, qu’il cesse d’opposer entre elles les énergies renouvelables et les énergies décarbonées, qu’il assume la neutralité technologique, qu’il encourage les territoires à aller vers l’autoconsomation et la production d’énergies locales, dans le respect du travail des élus locaux et à travers les zones d’accélération des énergies renouvelables, qu’il assume pleinement le discours de Belfort…
M. Ian Boucard
C’est très bien de citer Belfort !
M. Henri Alfandari
…et qu’il mette tout en œuvre pour développer des usines de traitement des déchets nucléaires, pour lancer les réacteurs de quatrième génération et, enfin, pour en préparer les combustibles.
Cette proposition de loi prévoit tout le contraire et contient des dispositions inacceptables. Le moratoire sur les énergies renouvelables ravive, de manière contreproductive, l’antagonisme entre renouvelable et nucléaire, caricature qui a conduit à exclure – non-sens scientifique – le solaire et l’éolien du nombre des énergies décarbonées.
La transition énergétique doit être juste pour les Français dont le pouvoir d’achat ne doit pas être laminé par des décisions mal calibrées, attractive pour l’investissement industriel qui a besoin d’une visibilité des prix au long terme pour s’engager et innover, et lisible pour les collectivités qui doivent garder la main sur la planification territoriale.
Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons & indépendants votera contre cette proposition de loi, dans sa version actuelle ; non par posture, mais au nom d’une exigence scientifique et économique – une exigence de crédibilité, aussi, face aux enjeux qui nous attendent. Nous espérons que ce texte, une fois transmis au Sénat, pourra y être retravaillé avec sérieux et méthode, de façon à donner à notre pays un cap clair et un avenir solide. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs des groupes Dem et LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à M. Joël Bruneau.
M. Joël Bruneau (LIOT)
Le sujet de l’énergie est un sujet majeur. De l’énergie dépend notre niveau de vie et notre souveraineté – c’est également le premier levier de la transition écologique. Sur un tel sujet, nous aurions pu avoir l’occasion de démontrer que la représentation nationale pouvait, dans sa diversité, s’accorder sur une stratégie sérieuse – ceci d’autant plus que, depuis juillet 2023, le Parlement réclame à juste raison au gouvernement d’être saisi d’une loi de programmation énergétique.
Le texte qui nous est soumis, pourtant, résume à lui seul les dysfonctionnements de notre assemblée. Il n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact ni n’a été précédé d’aucune audition, qui nous auraient – peut-être – permis de mieux en appréhender les enjeux techniques et scientifiques. Comment s’étonner, dès lors, que nos débats aient été bien plus souvent basés sur des présupposés idéologiques que sur des faits avérés et validés par la science ? Sans cibler personne, comment ne pas s’étonner, enfin, que nous attachions plus d’importance à la longueur des prises de parole qu’à la loi du nombre, qui prévaut pourtant dans toutes les assemblées délibérantes ?
Les députés du groupe LIOT voteront contre ce texte, en l’état.
Cette proposition de loi, tout d’abord, nous place en position de rupture avec l’Union européenne…
M. Emeric Salmon
C’est bien ça !
M. Joël Bruneau
…en entérinant le principe d’une sortie des règles de fixation des prix du marché européen de l’énergie, oubliant du même coup que les interconnections, la solidarité et les règles du marché nous garantissent une sécurité d’approvisionnement ainsi qu’une certaine stabilité des prix.
De la même manière, elle rétablit les tarifs réglementés du gaz et transforme EDF en Epic. Ces deux propositions posent de sérieux problèmes de compatibilité avec le droit européen de la concurrence. Il ne s’agit pas d’avoir une confiance aveugle dans ce marché européen, qui est largement perfectible, mais je crois, contrairement à certains sur ces bancs, que c’est plutôt en participant aux institutions européennes que nous pourrons les faire évoluer favorablement. (M. Jean-Philippe Tanguy s’exclame.)
Si, ensuite, nous sommes résolument favorables à la relance du nucléaire, qui a trop longtemps souffert d’atermoiements ou d’accords politiques passés au détriment des intérêts du pays, une approche réaliste s’impose.
M. Joël Bruneau
La construction de six nouveaux réacteurs, puis de huit réacteurs supplémentaires, demande déjà un effort considérable à une filière qui a trop longtemps été mise à l’arrêt. La réouverture de la centrale de Fessenheim, trois ans après sa fermeture, est irréaliste et même irréalisable.
M. Joël Bruneau
J’en viens à la mise en place d’un moratoire sur le déploiement des énergies renouvelables. Il s’agit là du sujet le plus clivant. Je partage l’analyse sous-jacente qui appelle à une nécessaire prudence dans le déploiement des énergies renouvelables, non pas par principe mais par réalisme. À ce stade, l’électrification des usages, pourtant nécessaire à la lutte contre le dérèglement climatique, ne suit malheureusement pas la trajectoire escomptée. Avec les scénarios actuels, nous courons le risque de décorréler les courbes de consommation et de production. Cela ne serait pas sans conséquences pour nos finances publiques ni pour nos factures d’électricité qui garantissent un prix de rachat aux producteurs d’électricité solaire et éolienne.
M. Joël Bruneau
Il importe donc d’atteindre la juste quantité d’électricité à produire. La hausse de la production électrique renouvelable doit remplacer la consommation d’énergies fossiles plutôt que de contraindre à diminuer la production de notre parc nucléaire actuel qui est, par définition, amorti. Il sert pourtant souvent d’ajustement.
M. Joël Bruneau
Pour autant, nous considérons qu’un moratoire serait une solution trop rigide. Il risquerait de mettre en échec certains projets nécessaires dans nos territoires et de mettre à mal l’ensemble de la filière industrielle concernée. Ce n’est sans doute pas la bonne solution.
M. Joël Bruneau
Enfin, soyons lucides : ce texte ne pourra pas servir d’indicateur au gouvernement pour finaliser le décret fixant la nouvelle feuille de route énergétique de la France pour les années 2025 à 2035. Nous lui avons donné la meilleure des justifications pour faire abstraction des débats à l’Assemblée nationale, actant ainsi notre défaite collective. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR et sur les bancs du groupe LIOT.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 566
Nombre de suffrages exprimés 519
Majorité absolue 260
Pour l’adoption 142
Contre 377
(La proposition de loi n’est pas adoptée.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie
Le gouvernement prend acte du rejet de ce texte par l’Assemblée nationale. Ce rejet était nécessaire tant la version initiale du texte a vu ses dispositions dégradées par un certain nombre de mesures industriellement absurdes – le redémarrage de la centrale de Fessenheim – et économiquement dévastatrices pour nos territoires – le moratoire sur les énergies renouvelables.
M. Marc Ferracci, ministre
À présent, le texte va poursuivre son cheminement législatif. Le cap du gouvernement reste le même : décarboner notre économie et sortir de la dépendance aux énergies fossiles en électrifiant les usages et en s’appuyant sur un mix énergétique équilibré entre le nucléaire et les énergies renouvelables.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
3. Programmation pour la refondation de Mayotte
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte (nos 1470, 1573).
Discussion des articles (suite)
Mme la présidente
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 144 à l’article 2.
Mme la présidente
Je vous rappelle qu’à la demande du gouvernement, nous examinons par priorité les articles nos 22 et 22 bis du projet de loi.
Article 22 (appelé par priorité)
Mme la présidente
La parole est à M. Yoann Gillet.
M. Yoann Gillet
L’article 22 du projet de loi crée une nouvelle zone franche globale à Mayotte pour une durée de cinq ans. Il porte à 100 % les taux d’abattement de divers impôts et taxes. Il étend également le champ du régime de la zone franche d’activité nouvelle génération à l’ensemble des secteurs d’activité. Nous allons évidemment soutenir cette mesure.
M. Yoann Gillet
Je tiens à rendre hommage à ma collègue Anchya Bamana, députée de Mayotte, qui défend cette mesure depuis longtemps. Nous ne pouvons que nous féliciter que cette mesure portée par une députée de Mayotte du groupe Rassemblement national soit inscrite dans ce texte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Sur les amendements nos 186 et 516, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Mme la présidente
La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l’amendement no 186.
Mme Élisa Martin
Nous nous interrogeons sur le principe même de ces zones franches et sur leur pertinence. Vu la situation actuelle à Mayotte, elles apparaissent davantage comme une opportunité de bénéficier d’exonérations de cotisations sociales que comme de véritables mesures de soutien. Nous ne croyons pas que ce modèle puisse réellement contribuer à un nouveau développement pour Mayotte. Nous demandons donc la suppression de cet article à travers cet amendement.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles de Courson, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à laquelle la commission des lois a délégué l’examen de l’article 22 du projet de loi ordinaire.
M. Charles de Courson, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
La commission a rejeté cet amendement. Vous souhaitez purement et simplement supprimer l’extension de la zone franche existante. Rappelons quelques faits. Le 14 décembre 2024, Mayotte a été frappée par le cyclone Chido, l’un des plus puissants jamais enregistrés. Les dégâts sont estimés à plusieurs centaines de millions d’euros. L’ensemble de l’économie locale a été touché. La plupart des entreprises mahoraises sont des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME) dont les trois quarts embauchent moins de dix salariés. Elles évoluent souvent dans les secteurs du commerce et de la santé, non concernés par l’actuelle zone franche d’activité nouvelle génération (ZFANG). La nouvelle zone franche doit donc permettre de soutenir tous les secteurs d’activité afin de favoriser la reconstruction du tissu économique mahorais.
M. Charles de Courson, rapporteur pour avis
Par ailleurs, les Mahorais eux-mêmes demandent la mise en œuvre de cette nouvelle zone franche. Le conseil départemental de Mayotte a été consulté et a rendu un avis favorable à ce projet de loi le 10 avril 2025.
M. Charles de Courson, rapporteur pour avis
Enfin, le coût de ce dispositif est limité : il s’élève à vingt-quatre millions d’euros à partir de 2026, contre environ six millions en 2024 pour l’ancienne ZFANG. Au regard du soutien économique qu’apporte cette zone franche, cela semble tout à fait raisonnable au rapporteur général du budget que je suis. Je donne donc un avis défavorable à cet amendement.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, ministre des outre-mer, pour donner l’avis du gouvernement.
M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Yoann Gillet.
M. Yoann Gillet
Tout le monde le sait : l’extrême gauche n’aime pas les entreprises, ceux qui entreprennent ou qui créent de la richesse. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Manuel Valls, ministre d’État
Ils vous diront qu’il n’y a pas d’extrême gauche…
M. Yoann Gillet
Elle veut donc évidemment supprimer cet article. Vous nous le montrez depuis hier : l’extrême gauche n’aime pas non plus Mayotte et les Maorais. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Yoann Gillet
Alors que nous débattons de la nécessité de relancer l’économie de Mayotte, dévastée par le cyclone Chido, la gauche propose de supprimer purement et simplement les aides que nous pourrions donner aux entreprises au prétexte qu’elles pourraient enrichir le grand patronat. Savez-vous seulement de quelles entreprises nous parlons ? Plus de 70 % des entreprises mahoraises comptent moins de 10 salariés ! Il est crucial d’aider ces TPE-PME à se développer pour relancer l’économie de Mayotte, maintenir son tissu économique actuel et ainsi favoriser l’indispensable développement économique de l’île.
M. Yoann Gillet
Nous soutiendrons évidemment cet article et nous nous opposerons à cet amendement de suppression.
M. Yoann Gillet
Nous soutiendrons également l’amendement de notre collègue Anchya Bamana, députée de Mayotte, qui propose d’élargir cette mesure à l’ensemble des professions médicales. L’extension de la zone franche est une mesure d’attractivité qui permettrait d’attirer les professions médicales à Mayotte.
Mme la présidente
La parole est à Mme Élisa Martin.
Mme Élisa Martin
Nous revenons en quelque sorte à nos discussions d’hier soir portant sur la nécessité d’adopter une stratégie globale pour Mayotte. Nous attendions une loi de programmation budgétaire, appuyée sur des certitudes, qui aurait permis de doter Mayotte des services publics et des infrastructures dont les habitants ont besoin.
Mme Élisa Martin
De surcroît, l’inspection générale des finances estime clairement que les zones franches ne fonctionnent pas.
------------------Cette partie de la séance est en cours de finalisation---------------------------------------------
Mme Dominique Voynet
Je crains qu’une mesure trop générale n’envoie pas les bons signaux. En effet, une exonération de la TGAP ciblée sur le seul Sidevam, lequel doit être accompagné, nous aurait semblé plus pertinente. Cela dit, j’ai bien compris, monsieur le rapporteur pour avis, que le nombre de rapports était suffisant et que celui que je viens de proposer avec l’amendement no 430 traiterait aussi de cette question. C’est pourquoi je suis prête à retirer cet amendement.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur pour avis
La commission des finances a repoussé cet amendement dont la rédaction laisse implicitement supposer une suppression de l’exonération de la TGAP avant 2030, à laquelle nous ne pouvons être favorables. De plus, il suffirait de préciser que les rapports déjà prévus étudieront cette question, si le ministre en est d’accord. Ainsi, votre demande serait satisfaite et vous pourriez retirer votre amendement.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Même avis.
Mme la présidente
Madame Voynet, maintenez-vous votre amendement ?
Mme Dominique Voynet
Je le retire.
(L’amendement no 429 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, pour soutenir l’amendement no 694.
M. Manuel Valls, ministre d’État
Il a pour objet de lever le gage financier sur l’article 22 bis.
(L’amendement no 694, accepté par la commission, est adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 22 bis.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 138
Nombre de suffrages exprimés 130
Majorité absolue 66
Pour l’adoption 110
Contre 20
(L’article 22 bis, amendé, est adopté.)
Mme la présidente
Nous en revenons à l’ordre normal de l’examen de ce texte.
Après l’article 2
Mme la présidente
Nous en venons aux amendements portant article additionnel après l’article 2.
L’amendement no 387 de Mme Elsa Faucillon est défendu.
(L’amendement no 387, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 306 de Mme Estelle Youssouffa est défendu.
La parole est à M. Philippe Gosselin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.
M. Philippe Gosselin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Même avis.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 306.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 135
Nombre de suffrages exprimés 133
Majorité absolue 67
Pour l’adoption 57
Contre 76
(L’amendement no 306 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements, nos 398, 147 et 388, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 147 et 388 sont identiques.
La parole est à Mme Estelle Youssouffa, pour soutenir l’amendement no 398, qui fait l’objet d’un sous-amendement.
Mme Estelle Youssouffa
Il vise à supprimer le visa territorialisé. L’enjeu est important et ancien. Cela fait des années que Mayotte demande qu’il soit mis fin au titre de séjour qui, de manière totalement dérogatoire au droit commun, limite le séjour des étrangers en situation régulière au seul département de Mayotte. Ceux-ci ne peuvent pas sortir de l’archipel.
Par ce moyen, l’État, qui a refusé pendant très longtemps de protéger notre frontière, a voulu cantonner le problème migratoire à notre île et a tablé sur notre insularité pour y fixer les étrangers, en les régularisant massivement à la préfecture mais en faisant en sorte qu’ils restent à Mayotte.
Cette situation a contribué au changement démographique qui s’est opéré sur notre île : deux décennies ont suffi pour que plus de la moitié de la population mahoraise soit étrangère. Une grande partie est en situation irrégulière ; ceux qui sont en situation régulière ne peuvent pas sortir de l’île.
C’est pourquoi toutes les associations, tous les partis et tous les élus de Mayotte ont demandé la fin du visa territorialisé. Nous souhaitons son abrogation immédiate. Le gouvernement serait favorable à une suppression de ce titre de séjour territorialisé en 2030 : nous estimons que cette échéance est trop tardive et que cette injustice doit prendre fin le plus tôt possible, c’est-à-dire maintenant.
Mme la présidente
La parole est à Mme Léa Balage El Mariky, pour soutenir le sous-amendement no 716.
Mme Léa Balage El Mariky
L’amendement que vient de soutenir Mme Youssouffa ne concerne pas les titres de séjour mais les documents de circulation pour étranger mineur (DCEM), dont il vise à supprimer la territorialisation en 2030. Je propose d’avancer l’abrogation de cette disposition au 1er janvier 2027, et de poursuivre sereinement en séance les échanges que nous avons eus en commission.
Il est normal que ces mineurs, qui ont parfois de la famille dans d’autres départements français, puissent s’y déplacer, participer à d’éventuels voyages scolaires organisés et y poursuivre leur vie. C’est l’intérêt de l’enfant de mettre un terme aux DCEM territorialisés.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Nosbé, pour soutenir l’amendement no 147.
Mme Sandrine Nosbé
En cohérence avec notre volonté d’abroger le titre de séjour territorialisé, nous demandons la suppression de son équivalent pour les mineurs étrangers.
Mme la présidente
L’amendement identique no 388 de Mme Émeline K/Bidi est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Avis favorable à l’amendement no 398 de notre collègue rapporteure Youssouffa. La déterritorialisation des DCEM est logique, car cohérente avec celle des titres de séjour des adultes.
En revanche, pour les raisons que j’ai déjà invoquées en commission à propos des titres de séjour, aller trop vite risquerait de créer de grandes difficultés. On compte entre 4 500 à 6 000 mineurs non accompagnés à Mayotte, ce qui commence à faire beaucoup dans un territoire dont la population officielle est de 320 000 habitants.
Il convient de se laisser un peu de temps. C’est pourquoi la date d’entrée en vigueur proposée par notre collègue Youssouffa, qui coïncide avec l’échéance de suppression des titres de séjour déterritorialisés, au 1er janvier 2030, paraît la bonne. Avis défavorable sur le sous-amendement no 716 et les amendements identiques nos 147 et 388.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Le gouvernement – notamment le ministre de l’intérieur, je ne vous apprends rien – ne souhaitait pas revenir, dans le cadre de ce projet de loi, sur le principe de validité territoriale limitée des titres de séjour, estimant que la possibilité de rejoindre l’île proche de La Réunion ou le continent européen ne ferait que renforcer le caractère attractif de Mayotte. Toutefois, les quatre rapporteurs de la commission des lois, de manière transpartisane et dans une quasi-unanimité, ont fait adopter une solution médiane : l’abrogation du titre de séjour territorialisé au 1er janvier 2030.
La loi du 10 septembre 2018 – que vous connaissez bien, monsieur le président de la commission des lois – pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie a étendu aux DCEM le principe de validité territoriale limitée. Cette extension était justifiée par le fait que les mineurs ne se voient pas délivrer de titre de séjour dans notre pays. Ainsi, pour garantir une cohérence juridique, le recours aux DCEM permettait de ne pas distinguer la situation de l’étranger résidant à Mayotte, que celui-ci soit mineur ou majeur.
Le gouvernement comprend la logique de l’amendement no 398, cohérente avec la disposition médiane transpartisane, devenue l’article 2 bis A, adoptée à la quasi-unanimité de la commission des lois. Il s’en remet donc à la sagesse de votre assemblée.
En revanche, il est très défavorable aux amendements no 147 et 388 qui visent à supprimer immédiatement la territorialité du document de séjour, ce qui constituerait un risque important. Avis défavorable également sur le sous-amendement no 716.
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Léaument.
M. Antoine Léaument
Nous touchons là à l’incohérence de ceux qui disent toujours pis que pendre de l’immigration. Personne ne nie le phénomène d’immigration qui existe à Mayotte. Il met à rude épreuve les capacités d’accueil des services publics…
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Comme vous le dites si bien !
M. Antoine Léaument
…ainsi que le secteur de l’emploi : le taux de chômage dans le département de Mayotte s’élève à 37 %.
Pourtant, s’agissant de la territorialisation des titres de séjour – en l’occurrence des mineurs –, les points de vue divergent profondément. Certains s’opposent à la déterritorialisation du titre de séjour : c’est la position du Rassemblement national, qui rejette globalement l’immigration et préfère que les personnes en provenance des Comores restent à Mayotte, afin d’éviter leur arrivée dans l’Hexagone.
M. Emeric Salmon
Non, nous voulons qu’ils retournent aux Comores !
M. Antoine Léaument
Nous soutenons la position exactement inverse : nous prônons la prise en charge nationale de la question de l’immigration et souhaitons que l’Hexagone prenne sa part des difficultés de Mayotte. Nous partageons avec les Mahorais une solidarité nationale, que le Rassemblement national, quoi qu’il en dise par ailleurs, n’éprouve évidemment pas.
Enfin, une position intermédiaire consiste à dire « on repousse la décision, on avisera en 2030 ». Mais on ignore quel sera le gouvernement à cette date et rien ne garantit que le futur exécutif maintiendra cette disposition. Agissons donc sans délai pour Mayotte : déterritorialisons immédiatement les titres de séjour. Je vous invite à voter pour l’amendement no 147. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marine Le Pen.
Mme Marine Le Pen
Je comprends tout à fait l’analyse d’une partie des Mahorais, développée ici par notre collègue Estelle Youssouffa. Alors qu’ils sont absolument submergés par l’immigration clandestine et qu’ils éprouvent le besoin d’en alléger la charge, ils considèrent que nous les forçons à la conserver et qu’il faudrait déterritorialiser les autorisations de séjour des majeurs et des mineurs.
Je comprends cette position mais j’affirme qu’il s’agit d’une analyse totalement erronée. Vous allez ainsi aggraver la situation. Monsieur Léaument, vous vous trompez : nous ne souhaitons pas que les clandestins restent à Mayotte, mais qu’ils rentrent chez eux. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) C’est la seule politique susceptible d’arrêter l’appel d’air.
Vous le savez, madame Youssouffa : quand des clandestins comoriens ont été envoyés dans un château des Yvelines, tout le monde l’a su, ce qui a constitué un appel d’air supplémentaire. Si vous autorisez les clandestins à venir en métropole, du fait de l’autorisation du regroupement familial pour les mineurs, vous allez inciter des Comoriens à envoyer leurs enfants seuls à Mayotte, dans l’espoir qu’ils iront en métropole, ce qui aggravera la situation.
C’est une fausse bonne idée. Il faut au contraire faire preuve d’une fermeté totale, renvoyer les clandestins aux Comores en utilisant – je sais que vous êtes d’accord avec moi sur ce sujet – tous les leviers dont dispose l’État français à l’égard du gouvernement comorien. Faire ce que vous proposez, je le répète, non seulement ne règlera pas le problème, mais l’aggravera considérablement. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
J’ai écouté attentivement nos collègues et, hormis le fait que je suis opposé aux amendements, je n’ai quasiment rien à changer à l’intervention de M. Léaument. Il a parfaitement expliqué l’intention qui conduit la gauche à proposer de déterritorialiser les titres, à savoir la volonté de faciliter les flux migratoires. Je ne comprends pas, pour ma part, pourquoi les rapporteurs ou le gouvernement approuveraient la déterritorialisation, puisqu’ils ont indiqué que leur objectif était de réduire l’attractivité migratoire de Mayotte. C’était d’ailleurs le but du ministère de l’intérieur lorsqu’il a instauré la territorialisation, il y a quelques années.
M. Ugo Bernalicis
Un grand succès !
M. Charles Sitzenstuhl
Cette mesure donne à l’État des outils supplémentaires pour contrôler les flux migratoires à Mayotte, ce qui est particulièrement difficile.
M. Ugo Bernalicis
Voilà.
M. Charles Sitzenstuhl
La déterritorialisation des titres affaiblirait les rares outils dont dispose le ministère de l’intérieur pour contrôler les flux migratoires.
Mon argumentation va dans le même sens que celle de M. Léaument, mais j’en tire une conclusion inverse. Il s’agit de réduire autant que faire se peut – Dieu sait que c’est difficile – les flux migratoires à Mayotte, il faut donc maintenir la territorialisation des titres.
M. Ugo Bernalicis
Vous dites la même chose que Mme Le Pen, en somme.
M. Charles Sitzenstuhl
Par conséquent, il faut repousser ces amendements dont je ne comprends pas la logique ; à mon sens, leur adoption aggraverait les problèmes d’immigration à Mayotte. (M. Mathieu Lefèvre applaudit.)
M. Antoine Léaument
Non ! C’est l’inverse.
Mme la présidente
La parole est à Mme Estelle Youssouffa.
Mme Estelle Youssouffa
C’est là que les Athéniens s’atteignirent : on peut faire de superbes scores électoraux à Mayotte mais ne pas écouter les Mahorais ! Madame Le Pen, l’analyse que j’ai présentée n’est pas seulement la mienne, c’est celle de tous les élus à Mayotte, des collectifs qui vous soutiennent et de vos électeurs.
M. Antoine Léaument
Voilà ! Exactement !
Mme Estelle Youssouffa
Tout le monde, même Mme Bamana, demande la suppression du visa territorialisé. Les Mahorais ne sont pas arrivés à cette conclusion par hasard : cela fait des décennies que Paris nous tourne le dos et que notre frontière est grande ouverte, ce qui fait que la population est désormais composée majoritairement de Comoriens.
L’argument est très simple : la continuité territoriale doit s’appliquer. Pour le moment, le problème migratoire est cantonné à Mayotte, et tout le monde prend prétexte de notre insularité pour nous laisser seuls face aux difficultés. Pour que la devise Liberté, Égalité, Fraternité soit vraie, la fraternité doit valoir aussi dans les emmerdes ! Mayotte est laissée seule face à la question migratoire. Tant que les mesures resteront de l’ordre du programmatique, la situation de Mayotte perdurera : la rotation des classes – composées de trente-cinq élèves –, l’insuffisance d’eau, les occupations illégales de terrains… Personne ne fait rien !
Tout le monde s’en tient à des déclarations, mais je demande à chacun de prendre ses responsabilités. L’exécutif promet de prendre des dispositions pour protéger la frontière, mais d’ici là, on laisse entrer qui veut. Et quand nous proposons l’abrogation du visa territorialisé en 2030, nous prenons au mot l’exécutif : comme il aura, selon sa promesse, fermé la frontière de Mayotte, il ne devrait pas voir de difficulté à la rouvrir pour que Mayotte envoie ses migrants à La Réunion ou en métropole.
Pendant longtemps, vous étiez tous à dire qu’il n’y avait pas vraiment de problème migratoire à Mayotte…
M. Emeric Salmon
Nous n’avons pas dit cela !
Mme Estelle Youssouffa
…et que prendre des mesures heurtait vos grands principes. Quand nous, qui sommes face au problème, demandons l’abrogation du droit du sol, cela vous gêne. Quand nous demandons un rideau de fer, cela vous paraît compliqué. Quand nous vous demandons de protéger la frontière, vous trouvez cela difficile. Il est temps de prendre votre part du fardeau migratoire et d’appliquer la continuité territoriale : abrogeons le visa territorialisé !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Manuel Valls, ministre d’État
Les dispositions relatives au visa territorialisé seront examinées plus tard, mais nous pouvons commencer à en débattre. J’ai rappelé la position du gouvernement, défendue notamment par le ministre de l’intérieur – cela est normal, puisque les titres de séjour relèvent de sa responsabilité.
D’abord, l’État ne saurait abandonner les Mahorais à leur sort face aux difficultés liées à l’immigration irrégulière. Pour combattre celle-ci, le ministère de l’intérieur compte recourir à tous les moyens de détection et d’intervention dont il dispose pour atteindre l’objectif, rappelé par le président de la République et le gouvernement, consistant à éloigner 35 000 personnes par an. Il existe aussi un débat plus général quant à l’attitude qu’il convient de tenir envers les Comores pour tarir ces flux – nous pouvons agir par l’aide au développement ou engager le rapport de force. Je l’ai dit hier très clairement, pour refonder Mayotte, nous avons besoin de régler les problèmes liés à l’immigration irrégulière, tels que le développement des bidonvilles et de l’habitat illégal. Si nous ne le faisons pas, nous construirons sur du sable.
Ensuite, il ne faut pas confondre les cas de figure : le visa territorialisé ou le DCEM concernent des personnes en situation régulière.
M. Antoine Léaument
N’est-ce pas, madame Le Pen ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Les personnes en situation irrégulière doivent être reconduites à la frontière et retourner chez elles, mais nous parlons ici des titulaires d’un visa territorialisé ou d’un DCEM, qui sont en situation régulière. La question est difficile et complexe – les députés de La Réunion pourront vous le dire – et ne saurait être balayée du revers de la main. Les élus, les parlementaires, les collectifs, les citoyens de Mayotte sont unanimes – Mme Le Pen a d’ailleurs rappelé la position des députées mahoraises. De ce point de vue, je trouve – j’y mets toutes les précautions nécessaires, c’est pourquoi je m’en suis remis à la sagesse de l’Assemblée – que le travail transpartisan des quatre rapporteurs de la commission des lois a permis d’avancer. L’article 2 bis A issu de la commission n’abroge pas immédiatement le titre territorialisé mais nous laisse presque cinq ans pour endiguer, comme c’est notre volonté, l’immigration irrégulière.
M. Manuel Valls, ministre d’État
Nous avons donc le temps ; d’ailleurs, la date de 2030 correspond peu ou prou à l’instauration définitive de la convergence sociale. Au nom du gouvernement, j’estime que le travail de la commission des lois – il n’avait pas pu être fait au Sénat, il faut le souligner – constitue une avancée et un compromis satisfaisant entre les différentes aspirations, toutes légitimes, de ceux qui demandent la suppression de la territorialisation, de ceux qui s’inquiètent de ses conséquences si elle est immédiatement appliquée et de ceux qui s’inquiètent de ses conséquences sur l’île de La Réunion. Le gouvernement considère que le travail parlementaire a été fructueux et a permis des progrès dans un domaine incontestablement épineux. Puisque nous souhaitons nous montrer attentifs aux aspirations des Mahorais, il faut franchir cette étape.
(Le sous-amendement no 716 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 398.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public à l’initiative de la présidence.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 150
Nombre de suffrages exprimés 124
Majorité absolue 63
Pour l’adoption 37
Contre 87
(L’amendement no 398 n’est pas adopté.)
(Les amendements identiques nos 147 et 388 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l’amendement no 138.
Mme Élisa Martin
Nous sommes attachés à l’égalité réelle de tous et toutes sur l’ensemble du territoire national. Au nom de ce principe, l’étranger conjoint d’un ressortissant français qui demande à ce titre une carte de résident ne devrait pas avoir à « conjoint titre de séjour en qualité de conjoint de Français justifie de ressources stables et régulières. Elle nous paraît d’autant plus paradoxale que le taux de chômage à Mayotte est de 37 % et que 77 % des habitants y vivent sous le seuil de pauvreté. L’argument du Conseil d’État que j’ai cité hier soir s’applique pleinement ici : l’accumulation des critères empêchera 90 % des personnes concernées de régulariser leur séjour. En d’autres termes, nous plongerons dans l’irrégularité un nombre de personnes encore plus important qu’aujourd’hui. Cela ne nous semble ni efficace, ni raisonnable.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Avis défavorable. Les conditions de ressources, par lesquelles l’État s’assure que la personne est en mesure de vivre décemment, s’appliquent déjà aux demandes de carte de résidence de dix ans.
Mme Élisa Martin
Ce n’est pas la même chose !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Certes, mais il serait paradoxal de vouloir entretenir la précarité dans le département le plus pauvre de la République. Il ne serait pas raisonnable de supprimer les critères de ressources.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Taché.
M. Aurélien Taché
Nous touchons là aux limites du débat, comme vient de le montrer l’échange entre Mme Youssouffa et Mme Le Pen. Les habitants de Mayotte subissent la surpopulation de l’île et demandent que des mesures soit prises, soit pour raccompagner les gens, soit pour partager le devoir d’accueil et de solidarité avec l’ensemble du territoire français – Mayotte, je le rappelle, est le seul département où l’obtention d’un titre de séjour légal ne permet pas de se rendre dans un autre département. Par contre, il est parfaitement inutile de compliquer la vie des parents dont l’enfant est né à Mayotte, des personnes ayant un conjoint mahorais. Briser la vie des familles, affaiblir le lien familial en rendant plus difficile l’accès au séjour, alors que le département est le plus pauvre de France, ne fera qu’accroître la précarité sur l’île.
Hier soir, nous avons eu droit à des petites remarques de la part des députés du Rassemblement national, qui soulignaient que la gauche obtenait des résultats électoraux assez faibles à Mayotte. Après l’adoption de ce texte, après l’adoption du texte qui a quasiment supprimé le droit du sol sans apporter la moindre solution aux problèmes des Mahorais, il deviendra clair que, pour régler ceux-ci, la voie à suivre est celle que nous préconisons depuis des années, qui consiste à réaliser des investissements à la hauteur de ceux que perçoivent les autres départements et à mettre fin au droit au séjour dérogatoire. Nous prenons date pour les prochaines élections ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
(L’amendement no 138 n’est pas adopté.)
Article 2 bis A
Mme la présidente
Sur les amendements identiques nos 560 et 661, je suis saisie par les groupes La France insoumise-Nouveau Front populaire et Les Démocrates de demandes de scrutin public.
Sur les amendements identiques nos 150, 220 et 435, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Antoine Léaument.
M. Antoine Léaument
L’article est au cœur de la question de la déterritorialisation des titres de séjour à Mayotte. Les gens qui obtiennent un titre de séjour à Mayotte ne peuvent pas quitter l’île ; nous proposons de supprimer cette disposition pour que, comme le demandent les Mahorais, l’ensemble de la République prenne part à l’accueil. Ainsi, les habitants de Mayotte qui le souhaitent pourront venir dans l’Hexagone.
Cette question est centrale. La mesure est réclamée par les Mahorais depuis l’instauration de la territorialisation du titre de séjour. Le Rassemblement national y est défavorable mais il recèle, en son sein, des divergences : ainsi Mme Bamana est-elle d’accord avec nous. Notre position est logique et rationnelle – c’est ainsi que nous traitons tous les sujets. Ceux qui pensent que l’immigration peut être contrôlée si l’on change, ici ou là, des règles relatives au titre de séjour, au droit du sol ou à je ne sais quoi d’autre font fausse route. D’ailleurs, une note de l’Insee de 2020 disait clairement que personne n’est capable de prévoir les flux migratoires.
La seule chose qui puisse être faite, rationnellement, c’est de mettre les services publics à la hauteur des besoins de la population. Les droits doivent être identiques en tout point du territoire de la République française. La situation à Mayotte est indigente en raison du sous-investissement chronique de l’État, or vous en faites peser la responsabilité sur les Mahorais. C’est honteux ! Il est grand temps d’y appliquer les règles de la République comme partout ailleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Philippe Gosselin, rapporteur
C’est une sorte de truisme !
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Sur l’amendement no 282, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 560 et 661, tendant à supprimer l’article.
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 560.
M. Charles Sitzenstuhl
Il s’agit en effet de supprimer l’article 2 bis A pour maintenir les titres de séjour territorialisés à Mayotte. Nous avons déjà eu ce débat et nous allons le poursuivre.
S’il veut contrôler l’immigration à Mayotte, l’État doit être cohérent. Ce département fait face à des flux migratoires hors norme ; c’est pourquoi le ministère de l’intérieur avait instauré cette disposition dérogatoire, admise par notre droit constitutionnel eu égard aux spécificités de l’île. Le titre de séjour territorialisé vise à limiter les flux migratoires. Si nous le déterritorialisons, nous renforcerons l’attractivité de Mayotte, ce qui serait contradictoire avec la volonté des pouvoirs publics et, au fond, incompréhensible. Je ne comprends pas le point de vue des collègues qui souhaitent lutter contre l’immigration à Mayotte, tarir les flux migratoires légaux et illégaux, et qui en même temps voudraient, à partir de 2030, déterritorialiser les titres de séjour : une telle mesure ne fera que renforcer la volonté des migrants potentiels de venir à Mayotte…
Mme Élisa Martin
Ce n’est pas comme ça que ça marche !
M. Charles Sitzenstuhl
…pour ensuite aller dans d’autres territoires – La Réunion ou la métropole. Pour lutter plus efficacement contre l’immigration à Mayotte, il faut absolument maintenir les titres de séjour territorialisés.
Mme la présidente
La parole est à Mme Brigitte Klinkert, pour soutenir l’amendement no 661.
Mme Brigitte Klinkert
J’abonderai dans le même sens que M. Sitzenstuhl.
Il faut maintenir la territorialisation de certains titres de séjour à Mayotte. Cette mesure n’est pas accessoire mais indispensable pour maîtriser les flux migratoires sur un territoire déjà en très forte tension. Le Conseil constitutionnel avait d’ailleurs validé cette exception. Il est de notre responsabilité de ne pas désarmer juridiquement Mayotte et de ne pas ouvrir une nouvelle filière d’immigration vers la métropole. Il s’agit de protéger l’Hexagone, mais aussi de protéger Mayotte et donc la France. La territorialisation doit être maintenue jusqu’à ce qu’on retrouve le contrôle des frontières. Aujourd’hui, la situation migratoire à Mayotte est hors de contrôle, et c’est un problème majeur. (M. Romain Daubié applaudit.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Nous sommes en désaccord. La territorialisation est un outil qui a servi à éviter les appels d’air…
Mme Élisa Martin
Eh bien, ça a super bien marché !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
…et les transferts entre Mayotte et les autres territoires de la République, notamment La Réunion – cela a été souligné par Mme K/Bidi. Aujourd’hui, cependant, on ne maîtrise rien ou très mal à Mayotte. J’estime donc que la territorialisation ne produit plus aucun effet positif et représente un outil illusoire.
Je propose d’y mettre fin pour contraindre l’État, en matière de lutte contre l’immigration, à endosser une obligation non pas de moyens mais de résultat. Les dispositions qui figurent à l’article 2 comme aux articles 7, 8, 9 ou 11, supprimés, et aux articles suivants, mais aussi les nouveaux investissements – je pense au mur de fer, aux radars, aux contrôles aériens et maritimes – forment un ensemble cohérent qui doit permettre de juguler cette immigration qui représente une cause majeure, sinon unique, des difficultés de Mayotte.
Les politiques que nous voterons et qui, je l’espère, seront appliquées dès la promulgation du texte en juillet, produiront rapidement des effets. D’ici quatre ans, cette obligation de résultat devrait avoir porté ses fruits : c’est pourquoi je propose de faire entrer la disposition en vigueur à partir de 2030, et non de façon immédiate. Nous devons aux Mahorais de les faire entrer dans le droit commun. C’est une demande et une attente forte de la population de l’île comme de ses élus.
La voie médiane que j’ai proposée et qui a été adoptée en commission consiste à mettre fin à la territorialisation, avec les moyens engagés dans la loi de programmation, mais avec un effet différé, à partir du 1er janvier 2030. Dans ces conditions, même si je ne sous-estime pas l’appel d’air, l’argument ne me paraît pas suffisamment convaincant pour emporter mon adhésion.
Avis défavorable sur les amendements de suppression de l’article. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.)
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Chacun a entendu les arguments des auteurs des amendements de suppression, qui font écho à la position du ministère de l’intérieur, que j’ai rappelée il y a un instant. Le gouvernement s’en remet cependant à la sagesse de l’Assemblée, pour deux raisons, comme il l’avait fait s’agissant du travail réalisé par les quatre rapporteurs.
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