Première séance du mercredi 29 janvier 2025
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Questions au gouvernement
- 2. Prévention des litiges relatifs aux obligations de décence énergétique et sécurisation de leur application en copropriété
- 3. Restriction de la vente de protoxyde d’azote aux seuls professionnels
- 4. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quatorze heures.)
1. Questions au gouvernement
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.
Immigration
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Pauget.
M. Éric Pauget
M. le premier ministre a déclenché hier les cris d’orfraie de la gauche parce qu’il a parlé de submersion migratoire à Mayotte et il a eu raison !
Mme Ayda Hadizadeh
Mais non, jamais !
M. Éric Pauget
La France ne contrôle plus son immigration. Dire le réel, c’est le chemin qu’avait ouvert Péguy en invitant à « toujours dire ce que l’on voit, mais surtout à toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit ». (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)
M. Pierre Cordier
Mais oui, il faut aller sur le terrain !
Mme Ayda Hadizadeh
Nous y sommes, sur le terrain !
M. Éric Pauget
Monsieur le premier ministre,…
Mme Christine Arrighi
Il n’est pas là, il a honte !
M. Éric Pauget
…les Français ne pardonnent plus à ceux qui parlent, dénoncent, mais ne font rien.
M. Julien Odoul
Parole d’expert ! (Sourires sur les bancs du groupe RN.)
M. Éric Pauget
Autour de Laurent Wauquiez et avec mes collègues du groupe de la Droite républicaine, nous sommes attachés à la parole tenue. À ceux qui, dans cet hémicycle, souhaitent que le débat sur la situation migratoire de la France soit suivi d’effet, nous disons : chiche ! En effet, le jeudi 6 février prochain, une initiative de notre groupe proposera d’agir concrètement contre la submersion migratoire.
Nous leur disons aussi que nous ne pourrons lutter efficacement contre l’immigration illégale que si nous rétablissons le délit de séjour irrégulier. Alors, serez-vous au rendez-vous que nous vous donnons et que nous donnons à ceux qui souhaitent que la parole politique soit ferme et suivie d’actes concrets ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – M. Bernard Chaix applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Je tiens à excuser Bruno Retailleau, retenu au Sénat pour l’examen de la proposition de loi relative au narcotrafic. La question migratoire est extrêmement difficile, parce que chacun essaie de l’utiliser dans son intérêt, alors qu’il s’agit d’un sujet de fond, qui devrait être dépassionné et analysé en tenant compte des situations telles qu’elles se manifestent et que nous devons gérer.
M. Thibault Bazin et Mme Stéphanie Rist
Très bien !
M. Pierre Cordier
Il faut être pragmatique, c’est tout !
M. François-Noël Buffet, ministre
Vous preniez l’exemple de la situation mahoraise. En d’autres temps, j’ai été rapporteur d’une commission d’enquête sur l’immigration clandestine. Les constats que ce premier rapport avait établis s’agissant de Mayotte n’ont pas beaucoup changé.
M. Julien Odoul
Ça fait vingt ans qu’on fait des constats !
M. François-Noël Buffet, ministre
La situation s’est même plutôt aggravée, ce qui montre qu’en matière migratoire, nous avons besoin d’un discours de clarté et de fermeté : clarté à l’égard de ceux que l’on veut accueillir sur le territoire dans le cadre de l’immigration régulière, clarté sur la volonté du gouvernement de combattre l’immigration irrégulière – l’asile constituant un autre sujet. À cet égard, le ministre de l’intérieur a déjà pris des mesures et des dispositions pour maintenir et renforcer notre fermeté, de manière à envoyer un message clair aux réseaux mafieux qui profitent de la situation, et afin que les choses soient clairement dites et parfaitement établies.
M. Thibault Bazin
Très bien !
M. François-Noël Buffet, ministre
Si je prends l’exemple de Mayotte pour traduire la fermeté que vous demandez, les mesures prises relèvent de la détection, puis du traitement et de la rétention, enfin du renvoi. Les procédures s’appliquent, même si le cyclone Chido a détruit une partie de notre dispositif désormais rétabli. Enfin, s’agissant du rétablissement du délit de séjour irrégulier, la proposition de loi que vous avez déposée sera débattue. Ce n’est pas le seul levier pour traiter l’immigration irrégulière, mais il en fait partie. Le débat est ouvert. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Mme Danielle Brulebois applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Pauget.
M. Éric Pauget
L’immigration ne doit être ni un sujet tabou ni un gros mot.
Mme Ayda Hadizadeh
Vous en parlez tous les jours !
Mme Christine Arrighi
Vous ne parlez que de cela, c’est votre obsession !
M. Éric Pauget
Comme vous l’avez dit, c’est une politique publique qu’il faut conduire avec courage, détermination et fermeté dans l’intérêt de la France et des Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)
M. Kévin Mauvieux
C’est donc au RN de la conduire ! On arrive !
Mme Ayda Hadizadeh
L’humanité, ça existe aussi !
Programme d’éducation à la vie affective
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin.
Mme Marie-Charlotte Garin
« Les filles, je les aime jusqu’à 17 ou 18 ans, après elles commencent à réfléchir. » : Claude François. « Une fille très jeune est plus gentille. » : Gabriel Matzneff.
M. Nicolas Meizonnet
Et Cohn-Bendit ?
Mme Marie-Charlotte Garin
Il y a un mois encore, Geoffroy Lejeune, directeur du Journal du dimanche, parlait de « parties fines » pour désigner des viols sur des fillettes de 13 ans. Ces propos monstrueux ne sont pas des dérapages, mais reflètent une culture qui minimise, euphémise et parfois excuse les violences sexuelles sur les enfants.
Mme Émilie Bonnivard
Alors, il fallait voter l’imprescriptibilité !
Mme Ayda Hadizadeh
Chut !
Mme Émilie Bonnivard
Je fais ce que je veux !
Mme Marie-Charlotte Garin
Face à cela, l’éducation est notre première arme. Aujourd’hui, le programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle est examiné par le Conseil supérieur de l’éducation. Beaucoup de fausses informations circulent à son sujet. Pourtant, de quoi s’agit-il ? D’apprendre aux enfants à reconnaître les situations de danger et à en parler ; de comprendre et respecter le consentement ; d’identifier les stéréotypes ; de se protéger des dangers d’internet, notamment de l’exposition à la pornographie. Non, il ne s’agit pas de parler sexualité aux tout-petits, mais de leur apprendre l’empathie et le respect mutuel, de leur donner des clés pour se protéger (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR), de savoir dire « Puis-je m’asseoir à côté de toi ? » ou « Puis-je te prendre dans mes bras pour te consoler ? », et de savoir reconnaître une situation inappropriée, qu’elle vienne d’un autre enfant ou d’un adulte. Et il ne s’agit pas non plus d’encourager les enfants à « changer de sexe », comme on peut l’entendre dans des délires complotistes. Ces fausses informations sont criminelles,…
Mme Ayda Hadizadeh
Tout à fait !
Mme Marie-Charlotte Garin
…dans un pays où un enfant est victime de viol, d’agression sexuelle ou d’inceste toutes les trois minutes. La loi existe depuis 2001. Depuis lors, combien d’enfants avons-nous laissé devenir victimes à cause de ces mensonges ?
Mme Émilie Bonnivard
Et vous avez voté contre l’imprescriptibilité, c’est hallucinant !
Mme Marie-Charlotte Garin
Votre gouvernement est-il prêt à garantir que le programme d’éducation à la vie sexuelle, affective et relationnelle sera appliqué dès l’école maternelle ? (Exclamations sur de nombreux bancs des groupes RN et UDR.)
M. Julien Odoul
Pourquoi pas dès la crèche ?
M. Vincent Descoeur
In utero !
Mme Marie-Charlotte Garin
Est-il prêt à former et à soutenir les enseignants et les associations dans son déploiement, et à garantir que chaque enfant, enfin, bénéficie des trois séances annuelles, obligatoires depuis 2001 ? Il est plus que temps : protégeons nos enfants. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche
Élisabeth Borne est retenue au Conseil supérieur de l’éducation, pour parler justement du sujet essentiel que vous venez d’évoquer. Alors que toutes les trois minutes, un enfant fait l’objet d’une agression sexuelle,…
M. Pierre Cordier
Cela vient d’être dit. Philippe Hetzel nous manque !
M. Philippe Baptiste, ministre
…alors que chaque mois, 2,3 millions de mineurs fréquentent des sites pornographiques dès l’âge de 12 ans, alors que 94 % des femmes âgées de 15 à 24 ans estiment qu’il est difficile d’être une femme, l’école ne peut pas rester les bras croisés. Le programme d’éducation à la vie sexuelle, affective et relationnelle porte en lui des enjeux forts de santé publique, d’égalité entre les filles et les garçons et de construction de la citoyenneté et du respect d’autrui. Pendant trop longtemps, nous sommes restés éloignés de l’objectif prévu par la loi, à savoir trois séances d’éducation à la sexualité par niveau et par an. Aujourd’hui, seuls 15 % de nos élèves bénéficient de cet enseignement.
Sans doute l’absence de programme clair et d’un document précis, décrivant les contenus d’enseignement adaptés à chaque âge, de la maternelle au lycée, a-t-elle freiné le déploiement de ces séances. Aussi avons-nous souhaité avancer de manière déterminée et concrète : le Conseil supérieur des programmes a été pleinement mobilisé, des concertations ont eu lieu et le programme a été relu par les services compétents du ministère. Des propositions et des évolutions ont suscité des questions, des interrogations et des débats, voire des polémiques médiatisées et fortement alimentées par de fausses informations. Le gouvernement est déterminé à aboutir à un texte à la fois ambitieux, cadrant et apaisé…
Mme Marie-Charlotte Garin
Avec des financements ?
M. Philippe Baptiste, ministre
…qui puisse recueillir une adhésion large, garantissant un déploiement efficace et serein de cet enseignement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem. – MM. Olivier Faure et Boris Vallaud applaudissent aussi.)
Souveraineté industrielle et sanitaire
Mme la présidente
La parole est à M. Hubert Ott.
M. Hubert Ott
Je voudrais vous alerter sur la situation de l’entreprise Hartmann localisée à Lièpvre, dans ma circonscription alsacienne. Dernière en France à fabriquer des compresses stériles pour les officines, elle a fait le choix de stériliser ses compresses à la vapeur, un procédé exigeant qui garantit l’absence d’agents cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques – les fameux CMR. Lors de la crise covid, elle a démontré son rôle stratégique en augmentant sa production pour répondre aux besoins du pays.
Pourtant, Hartmann est aujourd’hui très menacée par une concurrence déloyale liée à l’importation de compresses chinoises stérilisées à l’oxyde d’éthylène – un agent CMR –, qui couvrent 80 % du marché français et bénéficient d’un remboursement identique par l’assurance maladie : ainsi, les modes de production respectueux de nos normes ne sont pas valorisés. Cette situation met en péril non seulement l’entreprise, mais aussi notre capacité à fabriquer sur notre sol des produits répondant à nos standards sanitaires et environnementaux. Elle illustre un enjeu absolument essentiel de souveraineté industrielle mais aussi sanitaire – c’est pourquoi j’appelle aussi l’attention du ministre de la santé.
Notre capacité à produire en France, notre lutte contre la désindustrialisation et notre combat pour protéger nos savoir-faire sont en jeu. C’est aussi de notre capacité à réagir face à nos concurrents internationaux tout en répondant aux défis économiques, sanitaires et environnementaux, qu’il est question. Quelles mesures concrètes entendez-vous prendre pour protéger nos acteurs industriels stratégiques, comme Hartmann, et valoriser les dispositifs médicaux respectueux des normes françaises et européennes ? Plus globalement, quelles sont les grandes orientations que le gouvernement entend privilégier pour bâtir la reconquête de notre souveraineté industrielle, en réinvestissant dans des secteurs stratégiques, en garantissant des emplois qualifiés en France et en donnant à notre pays les moyens de redevenir un acteur industriel de premier plan ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Pierre Cordier
Un socialiste !
M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
La souveraineté sanitaire est une des priorités de notre gouvernement. Elle fait l’objet d’un soutien massif, notamment dans le cadre du plan France 2030, comme en témoignent les relocalisations des médicaments essentiels annoncées ce mois de janvier. Vous m’alertez à juste titre sur la situation de l’entreprise Hartmann, qui fabrique en Alsace des dispositifs médicaux selon une technologie plus respectueuse de l’environnement que celle de nos concurrents asiatiques. Il s’agit à la fois d’un enjeu industriel et environnemental, qui pose la question du juste prix de nos produits de santé. Avec mes collègues Marc Ferracci, Geneviève Darrieussecq et Yannick Neuder, nous sommes mobilisés pour trouver une solution qui préserve la production de Hartmann.
Vous m’interrogez plus largement sur les orientations du gouvernement en matière de souveraineté industrielle. Nous avons dit à la Commission européenne – j’étais moi-même à Bruxelles la semaine dernière – qu’après l’adoption du budget, qui naturellement nous occupe, la souveraineté industrielle constituait une de nos priorités, d’ailleurs complémentaire de notre volonté de préserver et d’augmenter l’emploi dans l’ensemble des territoires de la République. Vous le constatez : le gouvernement est pleinement mobilisé pour défendre une vision ambitieuse de la souveraineté industrielle. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Reconstruction de Mayotte
Mme la présidente
La parole est à Mme Estelle Youssouffa.
Mme Estelle Youssouffa
Monsieur le ministre des outre-mer, je souhaite vous interroger sur la reconstruction de Mayotte et sur la faiblesse des budgets annoncés en la matière. Le Sénat a voté 100 millions d’euros en autorisations d’engagement au titre de la mission Outre-mer, 60 millions en crédits de paiement, 20 millions dans le cadre du plan Mayotte et 2,5 millions pour les écoles. C’est vraiment bien maigre pour reconstruire 375 kilomètres carrés totalement détruits par la catastrophe naturelle du siècle.
Avec quel budget comptez-vous construire le deuxième hôpital promis, le nouvel aéroport, le deuxième centre pénitentiaire, les routes et autres infrastructures comme le commandement de gendarmerie prévu en Grande-Terre ? Où sont les milliards nécessaires pour Mayotte ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR. – M. Ian Boucard applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, ministre des outre-mer.
M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer
J’ai déjà eu l’occasion de le dire ici en séance, en commission ou encore au Sénat, qui examinera lundi prochain le projet de loi d’urgence pour Mayotte, il y a plusieurs temps. Il y a d’abord celui de l’urgence vitale ; je me rends demain à Mayotte avec ma collègue Élisabeth Borne pour regarder de près comment s’appliquent les choix et les directions politiques déjà donnés. Il y a le temps du projet de loi en discussion, qui doit aider à accélérer les procédures. Enfin, il y aura une autre loi – j’espère qu’elle pourra être débattue au printemps – qui permettra d’aborder la sécurité, l’immigration, le développement économique, l’urbanisme ou encore l’éducation.
Nous avons déjà engagé des financements. Une mission interinspections est en train d’achever l’évaluation des coûts et livrera sans doute ses résultats en fin de semaine ; je vous en informerai directement. C’est sur cette base que l’État, j’en prends l’engagement, sera financièrement au rendez-vous, comme il l’a été depuis plusieurs mois pour la Nouvelle-Calédonie. Je ne peux pas encore annoncer un coût précis, mais il sera très élevé, et l’État devra répondre présent pour la reconstruction de Mayotte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Estelle Youssouffa.
Mme Estelle Youssouffa
Votre collègue Amélie de Montchalin a expliqué au groupe LIOT que l’État compte sur l’Europe pour financer la reconstruction de Mayotte. Quand on connaît la très mauvaise, voire catastrophique, gestion des fonds européens à Mayotte par les services de l’État, on peut être inquiet.
M. Pierre Cordier
Ça, ça fait mal !
Mme Estelle Youssouffa
Enfin, le renvoi de toute rallonge budgétaire pour Mayotte à un budget rectificatif très hypothétique est lui aussi inquiétant.
Je le dis ici, Mayotte n’acceptera pas une reconstruction au rabais. Nous ne laisserons pas l’État fuir ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur plusieurs bancs des groupes RN, SOC et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Manuel Valls, ministre d’État
Je suis d’accord avec vous : il faut reconstruire, refonder Mayotte sur de nouvelles bases, sachant que du retard avait déjà été pris avant le cyclone Chido. Nous en avons l’ambition et le devoir envers les Mahorais ; d’ailleurs, le monde et la région nous regardent.
L’Union européenne doit nous aider. Pour cela, tous les dossiers doivent être prêts avant début mars. Tous les services, notamment ceux de la ministre chargée des comptes publics, sont totalement mobilisés à cette fin. Nous serons au rendez-vous, nous n’avons pas d’autre choix. L’ensemble des ministères seront mobilisés pour aider à ce financement. Ce n’est pas un engagement personnel, mais un engagement de la France et de la République : nous le devons aux Mahorais et à des élus courageux comme vous. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LIOT.)
Accord franco-algérien de 1968
Mme la présidente
La parole est à M. Sylvain Berrios.
M. Sylvain Berrios
Il ne peut y avoir de vertu à l’immigration légale si, dans le même temps, l’immigration illégale progresse de façon exponentielle. La récente circulaire du ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, apporte les précisions nécessaires à l’application de la loi du 26 janvier 2024 portant sur le contrôle de l’immigration, en priorisant notamment les travailleurs dans les filières en tension, dont la définition doit d’ailleurs être précisée. Cette circulaire qui vise à mettre un terme au désordre migratoire doit, pour être pleinement efficace, se conjuguer avec des engagements clairs avec les pays d’origine afin de faciliter le retour des personnes faisant l’objet d’une OQTF, notamment lorsqu’elles sont auteures de délits.
Dans ce contexte, le refus croissant des autorités algériennes de coopérer en matière migratoire nécessite une réponse appropriée. En effet, l’Algérie bénéficie d’un régime spécifique instauré par l’accord de 1968, qui octroie des dispositions dérogatoires plus favorables aux ressortissants algériens s’agissant de la délivrance de titres de séjour ou de l’entrée sur notre territoire. Hier encore, un incident diplomatique entre la France et l’Algérie a eu lieu avec la convocation de l’ambassadeur de France à Alger.
Dès lors, monsieur le ministre des affaires étrangères, pouvez-vous nous dire si, comme le souhaite le groupe Horizons & indépendants, la remise en cause de l’accord franco-algérien de 1968 est envisagée par la diplomatie française pour engager un dialogue ferme face aux obstacles que met l’Algérie à nos mesures d’éloignement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
L’accord de 1968 crée un statut unique pour les ressortissants algériens en matière de séjour, de travail et de mobilité entre la France et l’Algérie. Il fixe des conditions plus favorables que le droit commun pour certains profils et plus défavorables pour d’autres profils. Depuis sa signature il y a soixante ans, la situation a pu évoluer, c’est d’ailleurs pourquoi l’accord a été modifié à trois reprises, en 1985, en 1994 et en 2001.
M. Kévin Pfeffer
Il fallait le dénoncer !
M. Julien Odoul
Allez-vous le dénoncer ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Rien n’empêche qu’il évolue à nouveau à l’avenir. D’ailleurs, lorsque le Comité intergouvernemental de haut niveau entre la France et l’Algérie s’est réuni en octobre 2022, les deux pays se sont mis d’accord pour réactiver le groupe technique bilatéral de suivi de l’accord,…
M. Julien Odoul
Mais stop, arrêtez ! Vous êtes ridicule !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
…en vue de l’élaboration d’un quatrième avenant. Il est donc tout à fait envisageable de faire évoluer l’accord, à condition que nos relations avec l’Algérie retrouvent de la sérénité.
M. Julien Odoul
Quelle faiblesse ! C’est incroyable !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Le moment venu, nous pourrons aborder une telle évolution avec précision, avec sérénité et en veillant à défendre au maximum les intérêts de la France et des Français.
Mme la présidente
La parole est à M. Sylvain Berrios.
M. Sylvain Berrios
Si d’aventure il se révèle impossible de revoir l’accord par l’échange bilatéral, il serait bon d’en envisager la suspension.
M. Kévin Pfeffer
Édouard Philippe a été premier ministre, au cas où vous l’auriez oublié !
AESH
Mme la présidente
La parole est à Mme Soumya Bourouaha.
Mme Soumya Bourouaha
Le 11 février marquera les 20 ans de la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Son article 2 vise « l’accès de l’enfant, de l’adolescent ou de l’adulte handicapé aux institutions ouvertes à l’ensemble de la population et son maintien dans un cadre ordinaire de scolarité, de travail et de vie ».
La scolarisation des enfants en situation de handicap a progressé, et c’est heureux. Entre 2004 et 2022, le nombre de ces élèves en milieu ordinaire est passé de 134 000 à 430 000. Néanmoins, cette augmentation ne s’est pas accompagnée des moyens nécessaires pour assurer la scolarisation de chaque enfant. Rien qu’en Seine-Saint-Denis, il manque environ 2 500 accompagnants d’élèves en situation de handicap. Ce chiffre est évalué à plus de 11 000 sur l’ensemble du territoire, ce qui est bien supérieur aux 2 000 postes supplémentaires envisagés par le gouvernement et bien loin de répondre à l’ensemble des notifications envoyées par les maisons départementales des personnes handicapées.
De plus, le manque d’attractivité de la profession risque de laisser ces nouveaux postes non pourvus. En effet, le métier d’AESH est attaché à une forte précarité. Parmi les 132 000 AESH, 93 % sont des femmes. Leur salaire moyen est de 850 euros, bien en deçà du seuil de pauvreté.
Le 16 janvier dernier, de nombreux AESH se sont mobilisés pour obtenir la hausse des salaires, la création d’un corps de fonctionnaires de catégorie B, la fin des pôles inclusifs d’accompagnement localisé et la reconnaissance d’un temps complet sur la base d’un accompagnement de vingt-quatre heures. Allez-vous enfin répondre à ces revendications et reconnaître le travail remarquable que réalisent les AESH auprès de nos enfants ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche
Chaque enfant de France doit avoir sa place dans l’école de la République. C’est une exigence à laquelle nous continuerons d’être attentifs. Depuis 2017, le budget dédié à l’inclusion scolaire a plus que doublé, atteignant désormais 4,6 milliards d’euros en 2025. Cet effort inédit se poursuit dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025, qui prévoit la création de 2 000 postes supplémentaires d’AESH, de 300 emplois dédiés aux unités localisées pour l’inclusion scolaire et de 100 emplois pour renforcer les pôles d’accompagnement à la scolarité.
À la rentrée 2024, 519 000 élèves en situation de handicap étaient scolarisés en milieu ordinaire, soit une hausse de 7 % en un an. Parmi eux, 65 % bénéficiaient d’une prescription MDPH. Un cap a été franchi : l’école inclusive est devenue une réalité pour des centaines de milliers d’élèves et pour leurs familles. Pour accompagner ce mouvement, le nombre d’AESH a augmenté de plus de 67 % depuis 2017.
M. Thibault Bazin
Pas partout ! Il y a quand même des difficultés !
M. Philippe Baptiste, ministre
Deux AESH sur trois sont désormais en CDI, et tous ont bénéficié d’une revalorisation salariale de 13 % en 2023. Ils forment le deuxième corps des métiers de l’éducation nationale, juste après les professeurs.
Cependant, nous le savons, nous devons aller encore plus loin pour améliorer l’attractivité de cette carrière. C’est tout le sens de la loi Vidal promulguée en mai 2024, qui étend à la pause méridienne le financement public de l’accompagnement par les AESH. Depuis trois ans, près de 1 000 dispositifs supplémentaires ont été créés, et 300 autres verront le jour grâce au PLF pour 2025. Nous avons demandé aux recteurs d’accroître la capacité d’accueil grâce au rétablissement annoncé de 4 000 emplois. Vous pouvez compter sur le ministère de l’éducation nationale pour maintenir un engagement sans faille au service des élèves à besoins particuliers. Nous continuerons à avancer ; chaque enfant doit trouver sa place dans l’école de la République.
Mme Marie-Charlotte Garin
Avec quels moyens ?
Relations entre la France et l’Algérie
Mme la présidente
La parole est à M. Marc Chavent.
M. Marc Chavent
La France est bafouée, offensée, humiliée. Des puissances étrangères cherchent à lui imposer leur loi, convaincues que notre nation pliera sous l’arrogance. Lorsque Paris expulse ceux qui sèment la haine, Alger les renvoie, piétinant notre souveraineté. Et que fait la France ? Rien. Des discours, des postures, mais aucune action ! Rien.
L’Algérie, État hostile, profite pourtant de privilèges insensés : des centaines de milliers de visas accordés, des centaines de millions d’euros d’aide au développement et un accord de 1968 devenu un fardeau pour notre nation. Trop longtemps, notre pays a subi l’abandon, la faiblesse, la soumission. Mais le peuple français, lui, ne s’y trompe pas : 74 % des Français réclament la fin de cet accord injuste.
Alors, que fait-on ? Allons-nous rester passifs ? Non : l’Algérie ne respecte que la force. Elle méprise la faiblesse et ne comprend que la fermeté. D’autres ont pourtant montré la voie : lorsque la Colombie refuse de reprendre ses clandestins, le président Trump impose des sanctions immédiates. Et que fait la Colombie ? Elle s’exécute.
M. Emmanuel Duplessy
C’est faux !
M. Marc Chavent
Il est temps d’en finir avec l’illusion du dialogue stérile. La France doit imposer le respect. Cessez ces accords d’un autre temps ! Rétablissez notre souveraineté ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.) La France doit retrouver sa grandeur. Ceux qui nous haïssent ne cesseront jamais de nous défier ; ils ne respectent que ceux qui leur opposent la force et la détermination. Monsieur le premier ministre, quand défendrez-vous enfin la France ? (Mêmes mouvements.)
M. Maxime Michelet
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Julien Odoul
Ça va trembler à Alger !
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
Vous avez évoqué l’influenceur connu sous le pseudonyme de Doualemn, renvoyé par les autorités algériennes après s’être rendu coupable sur internet d’appels à la violence et au meurtre. Ce sont des faits d’une extrême gravité ; il sera poursuivi et, je l’espère, lourdement sanctionné. Je sais que le ministre de l’intérieur y veille, dans ce cas précis comme dans d’autres.
Toutefois, je ne suis pas de ceux qui croient que la France est offensée par des influenceurs, qu’ils soient algériens ou d’une autre nationalité. La France est trop grande pour que cela l’atteigne. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.) Chacun son avis.
Un député du groupe RN
La France n’est pas une carpette !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Ensuite, vous me parlez de la Colombie et des États-Unis de Donald Trump en suggérant que c’est par l’escalade, l’invective et la menace que des solutions peuvent être trouvées. Or en politique internationale comme en politique nationale, c’est par le dialogue et le respect (Vives protestations sur les bancs des groupes RN et UDR), que nous trouvons des solutions, sans renoncer à la fermeté.
M. Kévin Pfeffer
Lamentable !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Regardez ce qu’il s’est passé avec l’Algérie, puisque vous me parlez de la reconduite des étrangers en situation irrégulière : c’est lorsque nous avons rétabli la coopération et le dialogue, dans la fermeté et le respect, que nous avons obtenu des résultats. (Vives protestations sur les bancs des groupes RN et UDR. – M. Julien Odoul mime un joueur de violon.)
Mme Caroline Parmentier
Vous vous couchez !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
En 2020, 828 étrangers en situation irrégulière, puis, en 2021, 754 autres ont été reconduits.
M. Kévin Pfeffer
Il y en a des milliers à renvoyer !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
En 2022, nous avons rétabli la coopération et nous avons multiplié par trois les reconduites à la frontière d’étrangers en situation irrégulière : 1 876 en 2022, 2 562 en 2023.
M. Hervé de Lépinau
Ridicule !
Plusieurs députés du groupe RN
Quelle honte !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Vous le voyez, c’est par la coopération, le respect et la fermeté qu’on obtient des résultats, non par l’outrance et l’invective. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem. – Vives protestations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Plusieurs députés du groupe RN
Zéro !
M. Erwan Balanant
C’est de plus en plus le bazar !
Mme la présidente
La parole est à M. Marc Chavent.
M. Marc Chavent
Ce qui m’attriste, c’est moins votre discours que votre déconnexion et votre mépris. (Applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs des groupes UDR et RN.) Je vous invite à écouter ce que vous venez de soutenir. Les Français sont témoins et ils attendent des actes ; ce n’est pas avec des discours comme celui-ci que nous nous en sortirons. (Nouveaux applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Industrie et écologie
Mme la présidente
La parole est à M. Eddy Casterman.
M. Eddy Casterman
Interdiction des véhicules thermiques en 2035, loi « climat et résilience », directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments, directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, directives RED I, RED II, RED III relatives à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, stratégie « de la ferme à la fourchette », et j’en passe. Toutes ces législations européennes qui condamnent la France et l’Europe à devenir un désert industriel et agricole, sont issues du pacte vert, pour lequel des ONG d’extrême gauche et antinucléaires, comme Friends of Europe, directement missionnées et financées pour cela par la Commission européenne de Mme von der Leyen, ont mené un lobbying auprès des parlementaires européens et des États membres.
M. Erwan Balanant
Vous n’avez pas remarqué que ça brûle et qu’il y a des inondations partout ?
M. Eddy Casterman
Après le Qatargate, qui avait gravement compromis la vice-présidente socialiste du Parlement européen, place désormais au Greengate. Oui, mes chers collègues, on parle ici d’un pacte de corruption, dont le seul objectif est de saborder nos entreprises et nos agriculteurs, déjà asphyxiés par le tsunami réglementaire et fiscal de la législation nationale.
M. Erwan Balanant
Les écolos, vous ne dites rien, là ?
M. Eddy Casterman
Grâce à l’action conjointe de Marion Maréchal, Jean-Paul Garraud et Jordan Bardella, les autorités judiciaires ainsi que la présidente du Parlement européen ont été saisis, et la création d’une commission d’enquête a été demandée. Cet activisme salutaire tranche singulièrement avec le mutisme de votre gouvernement qui n’a pas daigné réagir officiellement à ce scandale. Pourquoi un tel silence, madame la ministre de la transition écologique, alors que dans son discours de politique générale, le premier ministre avait fait preuve d’une lucidité bienvenue sur l’impasse que constitue l’écologie de la pénitence et de la décroissance ?
« Il faut d’abord savoir ce qu’on veut ; quand on le veut, il faut avoir le courage de le dire, et, quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire », professait Georges Clemenceau.
M. Emmanuel Maurel
Laissez Clemenceau tranquille !
M. Eddy Casterman
Aurez-vous le courage de faire entendre la voix de la France sur le scandale du « Greengate » et de demander des comptes à Mme von der Leyen ? Enfin, allez-vous tirer toutes les leçons de ce fiasco bruxellois en demandant, comme l’a fait Jordan Bardella, la suspension immédiate du Green Deal et de toutes ces mesures d’écologie punitive qui menacent notre continent d’un décrochage agricole et industriel sans précédent ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Un député du groupe EcoS
Ils ne doutent de rien !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche
Nombre de Français sont en ce moment même victimes d’inondations liées au dérèglement climatique. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.) Le département du Pas-de-Calais, où je suis élue, a affronté pendant un an inondation sur inondation.
M. Nicolas Meizonnet
Ce n’est pas la question !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Les Pyrénées-Orientales traversent le pire moment de leur histoire climatique, puisque leur situation est désormais qualifiée de climat désertique.
M. Hervé de Lépinau
Répondez à la question ! Quid de la corruption ?
M. Jean-Claude Raux
Mais écoutez un peu !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Les agriculteurs sont les premières victimes du dérèglement climatique.
M. Erwan Balanant
Exactement !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Il a également des conséquences pour les industriels, qui voient le prix des matières premières s’envoler, car celles-ci deviennent rares. Les pêcheurs voient leurs ressources disparaître du fait de l’augmentation de la température des océans et de la pollution. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Kévin Mauvieux
Et pour la question ?
Plusieurs députés du groupe RN
Répondez sur la corruption !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Au moment où surviennent tous ces événements du fait du dérèglement climatique, ce que vous demandez, c’est que nous nous désarmions face à ce risque qui impacte le pouvoir d’achat des Français, l’industrie et l’économie. Nous ne partageons pas votre vision de l’écologie. Nous voulons une écologie des solutions. C’est ce que j’ai soutenu personnellement, notamment en défendant le nucléaire au niveau européen. Nous saurons porter la voix de la France pour défendre ses intérêts et ceux de l’Europe à un moment où la transition écologique est un enjeu de souveraineté, de réindustrialisation et d’emploi. En le refusant, vous êtes contre les Français, tandis que nous les soutenons. (Vives protestations et « Zéro ! » sur les bancs des groupes RN et UDR. – Mme Sophie Mette, M. Emmanuel Mandon et M. Erwan Balanant applaudissent.)
M. Hervé de Lépinau
Les ministres doivent répondre aux questions des parlementaires !
Émeutes à Mâcon
Mme la présidente
La parole est à M. Benjamin Dirx.
M. Benjamin Dirx
La semaine dernière, la ville de Mâcon a été le théâtre de violences urbaines, qui ont choqué l’ensemble des Français et profondément touchés les Mâconnaises et les Mâconnais.
Un député du groupe DR
C’est inacceptable !
M. Benjamin Dirx
Ces violences, sur fond de narcotrafic, ne sont pas sans rappeler les émeutes de 2023, qui avaient touché le même quartier de la ville et détruit partiellement une école, de sorte qu’elle n’a pas pu rouvrir ses portes. Monsieur le garde des sceaux, je vous remercie de votre soutien immédiat à la ville de Mâcon, tout comme je remercie le ministre de l’intérieur pour le déploiement rapide de CRS en renfort des policiers et des gendarmes.
M. Pierre Cordier
Très bien !
M. Benjamin Dirx
Depuis la semaine dernière, cinq individus ont été interpellés, quatre jeunes majeurs et un mineur. Ces faits surviennent alors que deux propositions de loi importantes arrivent au Parlement, la première sur le narcotrafic et la deuxième sur la justice des mineurs, défendue par le groupe Ensemble pour la République, en particulier par Gabriel Attal et Jean Terlier. Monsieur le garde des sceaux, pouvez-vous nous expliquer en quoi ces propositions de loi apporteront des avancées concrètes et des réponses aux attentes des Français ?
Outre ces mesures, la ville de Mâcon aura besoin de soutien humain et financier pour reconstruire ce quartier. De quelle manière comptez-vous nous aider ?
Un député du groupe RN
C’est de la lèche !
M. Benjamin Dirx
Enfin, en 2017, un projet de cité judiciaire a été débloqué dans notre préfecture. Il symbolise une justice rapide, efficace et proche de nos concitoyens. Pouvez-vous nous confirmer sa réalisation imminente ? Alphonse de Lamartine écrivait que le vrai citoyen est celui qui s’oublie dans l’intérêt public. Souvenons-nous en et rappelons sans cesse les vertus de notre République. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice
Je veux vous témoigner, ainsi qu’au maire de Mâcon, le soutien du gouvernement. Vous avez souligné le travail accompli par le ministre de l’intérieur. Le procureur de la République mène l’action judiciaire et, de façon plus générale, le ministère de la justice s’efforce de traiter les interpellations, puis, une fois les preuves exposées, de procéder à des condamnations fermes. En effet, vous l’avez très bien dit, ces faits relèvent manifestement de la lutte contre le narcobanditisme, et ils se produisent après des menaces contre les élus, dont vous-même et le maire de Mâcon avez été la cible, car tous les deux avez réussi à lutter contre le narcotrafic dans votre territoire. Les représailles ne peuvent évidemment pas être laissées impunies.
Vous avez mentionné à raison deux textes très importants. J’espère que nous étudierons le premier très rapidement. Il s’agit de la proposition de loi du président du groupe EPR Gabriel Attal, dont Jean Terlier est le rapporteur, sur la violence qui touche les mineurs. Elle vise à autoriser la comparution immédiate pour les mineurs inculpés des délits les plus graves, comme attaquer un commissariat, menacer un élu ou trafiquer de la drogue. Elle tend à atténuer l’excuse de minorité : un mineur n’est pas un majeur, mais un mineur d’aujourd’hui n’est pas un mineur de 1945. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Nous y sommes également favorables, afin que nous puissions imposer des sanctions adéquates, car les mineurs sont tout autant auteurs que victimes, vous le savez ; ne pas le voir, c’est faire preuve de naïveté.
M. Pierre Cordier
Il a raison !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
La question de la responsabilité des parents se pose également. Il ne faut pas généraliser mais elle est en cause dans certains cas. Le drame que nous avons vécu ce week-end à Paris nous pousse aussi à regarder la vérité en face.
Un député du groupe DR
Très bien !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Par ailleurs, le Sénat examine une proposition de loi très importante sur le narcotrafic, qui crée un parquet spécialisé et prévoit également la spécialisation des policiers, des magistrats et de la détention. Elle prévoit de consacrer des moyens très importants à la captation, à l’information et à la lutte contre le blanchiment, le produit du produit. C’est en luttant contre le blanchiment d’argent que nous gagnerons la bataille contre la drogue. Je suis sûr que le Parlement nous y aidera. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR et LIOT.)
Situation en République démocratique du Congo
Mme la présidente
La parole est à M. Carlos Martens Bilongo.
M. Carlos Martens Bilongo
Dans l’indifférence généralisée de la communauté internationale, le bruit des balles siffle au Nord-Kivu. L’est du Congo est dévasté depuis trente ans par une guerre au cours de laquelle ont été commis des crimes contre l’humanité et qui a causé des millions de morts. C’est un désastre humanitaire : les chiffres de l’ONU sont accablants, avec 7 millions de déplacés internes en 2024, 500 000 déplacés pour le mois de janvier 2025. Les causes du conflit sont économiques : le sous-sol congolais regorge de minerais stratégiques, tels que l’or ou le coltan, minerais de sang, tant leurs présences ont causé de morts.
Nous ne pouvons pas fermer les yeux face aux violations du droit international (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP), demeurer silencieux face au soutien militaire du Rwanda au M23, rester sourd face aux appels des civils du plus grand pays francophone au monde. Des casques bleus des forces onusiennes sont morts. Les États-Unis demandent à leurs ressortissants de quitter la République démocratique du Congo. Le Royaume-Uni et la France appellent leurs ressortissants à quitter Goma, une ville de deux millions d’habitants.
Mais où iront les civils ? Alors que leur coltan continue d’être acheminé pour la fabrication de nos téléphones, resterons-nous immobiles face à la crise subie par le pays disposant de l’une des plus grandes forêts du monde ? Resterons-nous sans rien faire alors qu’il y a des Français sur place ? Nos compatriotes engagés dans des ONG pour venir en aide aux déplacés de guerre sont à présent eux-mêmes bloqués par la guerre. Nous leur apportons notre soutien.
L’aéroport de Goma est sous le contrôle de l’armée rwandaise et du M23. À Kinshasa, notre ambassade a été attaquée ; nous témoignons notre soutien à nos diplomates et aux agents. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe SOC.) À l’international, la parole de la France est devenue diplomatiquement inaudible à cause du « en même temps » du président. En mars 2023, Macron, une bière à la main, faisait la fête à Kinshasa et s’exprimait timidement concernant ce qui se passait à l’est du Congo. En 2024, le président Macron encensait Paul Kagame et parlait de francophonie, de médiation et de paix. Monsieur le ministre, dénoncerez-vous l’accord de coopération militaire signé le 6 avril 2024 entre la France et le Rwanda ? Imposerez-vous des sanctions économiques et diplomatiques au Rwanda comme l’a fait l’Allemagne ? (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
D’abord, je vous remercie pour vos mots de soutien à l’égard des agents et des diplomates qui sont sur place, après l’attaque et l’incendie de notre emprise diplomatique hier.
La France condamne avec la plus grande fermeté l’offensive menée par le M23 soutenu par les forces armées rwandaises à l’est de la République démocratique du Congo. Nous déplorons la prise des villes de Goma, Sake et Minova. L’escalade militaire dans la région du lac Kivu provoque une crise humanitaire supplémentaire, alors que cette région connaissait déjà la deuxième crise humanitaire la plus grave dans le monde, avec plus de 400 000 personnes déplacées depuis le début de l’année, qui s’ajoutent aux 2 millions de personnes qui ont été déplacées dans le courant de l’année 2024.
Vous l’avez rappelé, la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo et les casques bleus qui s’interposent pour sauver les populations civiles, ont été pris à partie de façon totalement inacceptable. Trois casques bleus ont payé de leur vie leur engagement au service des populations civiles. Tout cela doit cesser.
L’Angola a conduit une médiation dans cette région. Nous l’avons soutenu autant que nous avons pu. Le Kenya mène également une médiation entre la RDC et les groupes rebelles dont le M23 fait partie.
Depuis l’escalade de ces derniers jours, le président de la République s’est entretenu le week-end dernier avec les deux chefs d’État ainsi qu’avec d’autres chefs d’État de la région pour essayer de recréer les conditions du dialogue. Nous nous sommes également mobilisés au Conseil de sécurité des Nations unies en soutenant la RDC dans l’organisation de deux réunions d’urgence et en endossant une déclaration qui condamne avec la plus grande fermeté les agissements du M23 et l’appelle à y mettre fin. Avant-hier, nous avons obtenu de la haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité qu’elle aussi dénonce avec la plus grande fermeté les agissements du M23 soutenu par les forces armées rwandaises. Nous poursuivrons en ce sens. C’est par le dialogue qu’une solution sera trouvée à la crise.
Adultes-relais
Mme la présidente
La parole est à Mme Fanny Dombre Coste.
Mme Fanny Dombre Coste
Ma question s’adresse à M. le premier ministre. Les quartiers populaires se préparent à subir une véritable hémorragie sociale avec la suppression annoncée des 5 000 postes d’adulte-relais. À Montpellier, à Rouen, à Marseille et dans tant d’autres territoires, ces emplois essentiels permettent de soutenir des projets, d’accompagner les habitants et de mobiliser des financements. Leur disparition aura un effet domino désastreux pour nos territoires. Ces emplois ne sont pas de simples lignes budgétaires : ils incarnent une présence humaine indispensable dans des quartiers où la fracture sociale ne cesse de se creuser. Avec cette suppression, vous portez un coup dur à votre propre stratégie « Quartiers 2030 ».
M. Jérôme Guedj
Ils ont abandonné les quartiers !
Mme Fanny Dombre Coste
En effet, depuis plusieurs années, l’État a amorcé son désengagement de nos quartiers. Le plan Borloo ? Aucune suite. Les engagements qui ont suivi la mort du jeune Nahel ? Aucune suite. Les propositions de la commission nationale Participation citoyenne des quartiers en 2024 ? Aucune suite. Pire, les financements de l’Agence nationale de la cohésion des territoires et de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine sont eux aussi sous pression, alors même que ce sont deux outils essentiels pour améliorer le quotidien de millions de citoyens.
Les socialistes demandent avec force que le gouvernement revienne sur les suppressions d’emplois d’adultes-relais car ces derniers sont indispensables pour renforcer la cohésion sociale dans nos quartiers populaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS. – Mme Soumya Bourouaha applaudit aussi.) Supprimer ces 5 000 postes, c’est non seulement affaiblir les associations et les collectivités déjà en difficulté, mais aussi désespérer les habitants qui ont encore foi en l’action publique, malgré un fort sentiment d’abandon.
Allez-vous écouter les élus locaux, les associations et les habitants ? Allez-vous rétablir ces emplois, maintenir les financements de l’ANCT et de l’Anru, et respecter enfin les engagements de l’État envers nos quartiers populaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la ville.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville
Comme vous le savez, le projet de loi de finances initial pour 2025 était particulièrement dur pour la politique de la ville, notamment pour le programme 147 dont j’ai la charge.
M. Jean-Paul Lecoq
Nous avons bien fait de le censurer ! Heureusement que nous étions là !
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée
Il avait été envisagé une diminution de 15 % des crédits, mais François Bayrou, François Rebsamen et moi-même nous sommes mobilisés pour redonner à ce programme les moyens de son ambition : une relative stabilité par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Nous avons proposé de l’augmenter de 65 millions d’euros. L’examen en première lecture au Sénat a permis d’ajouter 60 millions aux 549 millions initialement prévus, dont 50 millions supplémentaires pour le nouveau programme national de renouvellement urbain, 5 millions pour les cités éducatives et 5 millions pour sécuriser le dispositif des adultes-relais dans son format actuel. Bien sûr, j’ai confiance en votre grande sagesse…
M. Erwan Balanant
Pour ne pas censurer le budget !
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée
…pour confirmer cette augmentation demain en CMP et, surtout, pour nous accorder les 5 millions d’euros supplémentaires dont nous avons besoin pour déployer les contrats de ville outre-mer, en particulier à Mayotte.
Concernant les adultes-relais, je sais votre grande préoccupation et peux vous confirmer que si la loi de finances est adoptée en ces termes,…
M. Jean-Paul Lecoq
On n’achète pas les députés !
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée
…ils continueront à œuvrer dans les mêmes conditions qu’en début d’année 2024. Le gouvernement est très engagé…
M. Jean-Paul Lecoq
Et soucieux de son avenir !
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée
…et investi sur le sujet. La nomination d’un ministre de la ville en est l’éclatante démonstration. (Murmures sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
Nous avons terminé les questions au gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quatorze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Nadège Abomangoli.)
Présidence de Mme Nadège Abomangoli
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est reprise.
2. Prévention des litiges relatifs aux obligations de décence énergétique et sécurisation de leur application en copropriété
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’une proposition de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de MM. Bastien Marchive, Inaki Echaniz, Boris Vallaud, Jean-Luc Fugit et plusieurs de leurs collègues visant à prévenir les litiges relatifs aux obligations de décence énergétique et à sécuriser leur application en copropriété (nos 546, 629).
Présentation
Mme la présidente
La parole est à M. Bastien Marchive, rapporteur de la commission des affaires économiques.
M. Bastien Marchive, rapporteur de la commission des affaires économiques
Garantir l’accès à un logement durable, décent et abordable à tous les Français, sur l’ensemble du territoire national, est un impératif. C’est un impératif environnemental, d’abord, à l’heure où 18 % de nos émissions de gaz à effet de serre émanent encore du secteur du bâtiment, ce qui compromet notre capacité à atteindre notre objectif de neutralité carbone à l’horizon de 2050. C’est un impératif social, ensuite, à l’heure de la crise du logement, alors que les locataires peinent à se loger. C’est un impératif économique, enfin, pour tous les propriétaires qui souhaitent rénover leur bien mais qui n’y parviennent pas, du fait des freins qu’ils peuvent rencontrer.
C’est conscient de ces enjeux qu’après le rapport Vidal-Louwagie et la proposition de loi de Guillaume Vuilletet, qui n’a pu aboutir du fait de la dissolution de l’Assemblée nationale, nous vous présentons, Inaki Echaniz et moi-même, cette proposition de loi. Elle vise à répondre dans l’urgence au risque bien réel de voir de nombreux logements sortir du parc locatif, ce qui aurait plusieurs conséquences négatives : ces logements ne seraient pas rénovés, la filière de la rénovation énergétique, en pleine structuration, serait fragilisée et les locataires concernés auraient du mal à se reloger.
Le diagnostic de performance énergétique, le fameux DPE, a été créé il y a une vingtaine d’années, sous l’impulsion de l’Union européenne. Même si les modalités de son élaboration sont régulièrement contestées – et elles sont certainement perfectibles –, le DPE est désormais reconnu comme un véritable outil de mesure du niveau de rénovation d’un logement ou d’un bâtiment. Et c’est encore plus vrai ces dernières années où, avec l’augmentation du prix de l’énergie, il est même devenu un moyen pour les propriétaires de valoriser leur bien et, pour les locataires comme pour les acquéreurs, un élément déterminant dans le choix de leur logement.
Lorsque le législateur a défini, en 2021, un calendrier relatif à la décence énergétique fondé sur cet indicateur, il a été à la hauteur de ces impératifs environnementaux, sociaux et économiques. Depuis le 1er janvier 2025, les logements loués doivent désormais présenter un DPE supérieur à G ; ce DPE devra être supérieur à F en 2028 et à E en 2034. Si le cap fixé est le bon, toutes les garanties ne sont pas encore réunies. C’est face à ce constat que nous avons souhaité vous présenter cette proposition de loi initialement inscrite à l’ordre du jour du 4 décembre 2024 et dont la motion de censure n’a pas permis l’examen. Je tiens à saluer l’esprit transpartisan qui a guidé nos travaux en commission des affaires économiques et qui a permis sa réinscription rapide à l’ordre du jour.
Vous le savez, il y a urgence à légiférer pour clarifier les obligations de décence énergétique et, ce faisant, mieux protéger les locataires, comme les propriétaires. Nous vous proposerons ainsi de rappeler que ces dispositions s’appliquent, non pas aux baux en cours, mais aux baux nouveaux, tacitement reconduits ou renouvelés, afin d’éviter que les contrats de location ne s’arrêtent du jour au lendemain. Et parce que la volonté de rénover, lorsqu’elle est avérée, ne doit évidemment pas être cassée, nous vous proposerons également de préciser les situations dans lesquelles l’atteinte des niveaux de performance énergétique se révèle impossible, que ce soit pour des raisons techniques, administratives ou du fait d’un refus du syndic de copropriété de laisser un propriétaire faire des travaux chez lui.
Une fois ces situations légitimement prises en compte, nous n’oublions pas celles où la rénovation du logement, bien que possible, n’a pas été réalisée. Nous proposerons, pour ce cas de figure, la création d’une réduction de loyer spécifique à l’indécence énergétique, destinée à mieux protéger le locataire et à sécuriser la relation locative. À l’inverse, lorsque le locataire fait obstacle à la réalisation des travaux, nous préciserons qu’il ne peut se prévaloir de ces dispositions devant le juge, et ce pour des raisons évidentes.
Plusieurs amendements, issus de différents bords politiques, ont permis de préciser ces dispositions et je ne doute pas que nous puissions encore améliorer le texte sur plusieurs points, par exemple l’encadrement dans le temps des différentes exceptions proposées, le cas où la copropriété refuse de réaliser des travaux, ou encore la rétroactivité de ces mesures.
Chers collègues, cette proposition de loi ne réglera pas, à elle seule, la crise du logement, mais elle répond à des problèmes concrets, auxquels nos concitoyens vont être de plus en plus confrontés dans les semaines et les mois qui viennent. Je souhaite qu’un esprit transpartisan et constructif continue de guider nos travaux et j’en appelle à la sagesse de chacun pour que ce texte soit adopté le plus largement possible. (M. Inaki Echaniz, rapporteur de la commission des affaires économiques, et Mme la ministre chargée du logement, applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à M. Inaki Echaniz, rapporteur de la commission des affaires économiques.
M. Inaki Echaniz, rapporteur de la commission des affaires économiques
Non, nous ne reculerons pas sur le calendrier des obligations relatives à la décence énergétique inscrit dans notre droit depuis 2021. Ce texte vise à maintenir un cap en clarifiant certaines situations spécifiques concernées par ces obligations.
La rénovation énergétique des logements est indispensable non seulement pour la vie des gens, mais aussi pour notre environnement et pour notre souveraineté.
D’abord, parce que sans logements rénovés, des femmes, des hommes et des enfants continueront à avoir froid et à tomber malades dans des habitats impossibles à chauffer qui, sans les protéger des conditions météorologiques, se dégradent rapidement. Ne pas rénover les logements aujourd’hui, c’est les rendre inhabitables demain. En 2023, 26 % des Français ont eu froid chez eux, contre 20 % en 2020. C’est la conséquence de factures d’énergie insensées et d’un coût du logement de plus en plus déconnecté des revenus. Ces chiffres sont inadmissibles, intolérables dans notre pays.
Ensuite, parce que le changement climatique nous affaiblit et nous menace. En responsabilité, nous devons économiser nos ressources et réduire notre impact environnemental. Le réchauffement climatique atteindra 1,5 degré Celsius avant 2040, avec son lot de conséquences graves. Chauffer des passoires thermiques est un luxe que nous ne pouvons pas nous permettre. Pour ceux qui seraient tentés de minimiser la crise actuelle, je rappelle que, d’après l’Agence de la transition écologique (Ademe), les conséquences économiques du réchauffement climatique représenteront une perte de près de 1,5 point de PIB en 2030 et de 5 points en 2050 – une facture plus salée que tout investissement en faveur du climat.
Enfin, parce que les tensions internationales et la fragilité de notre pays en matière de souveraineté énergétique, mises en lumière à l’occasion du début de la guerre en Ukraine en 2021, commandent de réduire nos besoins de consommation énergétique, en particulier dans le parc résidentiel, qui représente 25 % de la consommation.
Pour toutes ces raisons, tout recul en matière de rénovation énergétique des logements serait coupable. Ce texte vise à apporter des clarifications concernant certaines situations qui n’avaient pas été traitées dans la loi « climat et résilience ». Ces écueils ne pourront plus être un prétexte pour réclamer, comme le font certains, la fin du calendrier DPE.
En commission, le débat a été riche et constructif et nous avons pu apporter un certain nombre de précisions et de sécurisations juridiques. Par exemple, si des freins techniques, administratifs ou liés à la copropriété empêchent la rénovation complète d’un bien, l’obligation de décence énergétique sera réputée satisfaite, même si la bonne étiquette n’est pas atteinte. Mais – j’insiste sur ce « mais » –, le propriétaire aura la charge de démontrer sa bonne volonté. Ainsi, une attestation par un homme de l’art sera indispensable pour démontrer une impossibilité technique, et une décision défavorable de l’architecte des bâtiments de France (ABF) pour démontrer une impossibilité patrimoniale.
Pour les logements situés dans une copropriété ayant engagé un projet de rénovation énergétique, le texte a également été consolidé, puisqu’il prévoit la conclusion obligatoire d’un contrat de maîtrise d’œuvre, l’élaboration d’un audit énergétique et un délai raisonnable de réalisation des travaux. Il n’est pas question de lever temporairement l’obligation d’atteindre la bonne étiquette dans les logements situés en copropriété sans l’assurance ferme que la copropriété effectuera bien les travaux à son niveau. Si ces exigences sont réunies, il est justifié que le propriétaire bénéficie d’un délai. Par exemple, on ne va pas lui demander d’isoler par l’intérieur si la copropriété s’est engagée dans un projet visant à isoler par l’extérieur.
Ce texte prévoit également de créer une faculté pour le juge de baisser le loyer sur le fondement de la mise en conformité énergétique, à compter du moment où le locataire l’a demandé à son propriétaire et jusqu’au terme des travaux. Cette rétroactivité est une nouveauté ; elle incitera le propriétaire à trouver un accord avec le locataire avant que celui-ci saisisse le juge. Cette baisse sera proportionnée au préjudice. Dans le cas des logements classés G+, elle se prolongera après la réalisation des travaux et aussi longtemps que le logement ne sort pas du statut G+, quelles que soient les raisons invoquées par le bailleur. Enfin, la commission a intégré un rapport sur l’opportunité de proposer une révision du calcul du diagnostic de performance énergétique afin d’y inclure la notion de confort d’été et de bouilloire thermique.
La même exigence de clarté et d’équilibre nous guidera en séance pour voter ce texte d’urgence, pragmatique et technique, cohérent avec nos objectifs de rénovation énergétique, qui sont injustement remis en cause dans le débat public. Le budget en cours d’examen devra aussi être le reflet de ces ambitions et il est crucial que les aides de MaPrimeRénov’ soient maintenues – c’est le minimum. Elles sont indispensables pour les propriétaires occupants et les bailleurs modestes.
Ce texte est la preuve qu’un travail transpartisan est possible pour relever les défis du logement. (Applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS. – M. Bastien Marchive, rapporteur, applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée du logement.
Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement
Nous voici enfin réunis pour traiter d’un sujet de préoccupation fort depuis la date du 1er janvier : la sécurisation des propriétaires et des locataires de logements classés G. La loi « climat et résilience » de 2021, issue des propositions de la Convention citoyenne pour le climat, avait une ambition claire : réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici à 2030, dans un esprit de justice sociale. Nous devons atteindre la neutralité carbone dans nos bâtiments en 2050 : nous n’avons pas de temps à perdre.
Alors qu’est scrutée notre responsabilité dans les dérèglements planétaires du climat et leurs conséquences sur des dizaines de millions de personnes, je rappelle que les bâtiments représentent près de 44 % des consommations d’énergie de la France. Pour satisfaire notre ambition climatique, la loi a prévu l’impossibilité de mettre en location les passoires thermiques les moins bien isolées, classées G, dès 2025, et le reste des passoires, classées F, dès 2028. À partir de 2034, ce sont les logements classés E qui seront interdits à la location.
Je le dis très clairement : il n’est pas question, aujourd’hui, de remettre en cause cette loi. Ce n’est pas l’objet de cette proposition de loi transpartisane, que ses deux rapporteurs viennent de présenter, et qui fait suite à celle de Guillaume Vuilletet. Il s’agit d’abord de justice sociale : ce sont les personnes les plus vulnérables qui subissent les logements énergivores. Les passoires sont financées sur le dos des locataires, via leurs factures d’énergie. Une passoire de classe G consomme trois fois plus qu’un logement de classe C. Et ce, sous réserve que les habitants se chauffent car, bien souvent, ils n’en ont pas les moyens. D’ailleurs, selon l’Insee, en 2022, 27 % de la dépense de consommation des ménages sont alloués au logement : c’est de loin la première dépense devant l’alimentation ou les transports. Ce taux était de 20 % seulement en 2017.
Bien sûr, ces dépenses comprennent le coût du loyer ou du crédit immobilier ; reste que, de plus en plus, ce sont les charges énergétiques qui alourdissent le total. En dépit de 900 millions d’euros de chèques énergie, nous avons battu en 2023 le record de plus de 1 million de factures d’énergie impayées. S’y ajoute le fait qu’un logement mal chauffé est un logement humide, dont les risques pour la santé des habitants vont des problèmes respiratoires jusqu’aux infections.
Je tiens à l’affirmer, ce texte n’est pas dirigé contre les propriétaires bailleurs, dont l’investissement est essentiel pour le logement. Nous les accompagnons afin qu’ils aient accès à MaPrimeRénov’ dans les mêmes conditions que les propriétaires occupants, la prise en charge allant jusqu’à 90 % du montant des travaux, avec en moyenne 22 000 euros de subvention. En outre, MaPrimeRénov’ Copropriété soutient chaque année la rénovation de 30 000 logements ; l’éco-prêt à taux zéro ou éco-PTZ, accessible à tous les ménages, finance jusqu’à 30 000 euros de travaux sans avance de frais.
J’ai par ailleurs confié à un groupe de travail réunissant acteurs privés, parlementaires et Banque des territoires la tâche de réfléchir à une banque de la rénovation qui faciliterait le financement du reste à charge pour les propriétaires les plus modestes. Le président Stéphane Delautrette, très sensible à cette question, y est tout associé. La rénovation énergétique est devenue populaire, comme en témoignent les excellents résultats enregistrés en 2024 par l’Agence nationale de l’habitat (Anah) : 340 000 logements ont fait l’objet d’une aide dans le cadre de MaPrimeRénov’, dont 91 000 – une hausse de 27 % – au titre d’une rénovation globale. Depuis 2020, année de sa création, MaPrimeRénov’ a porté sur 2,5 millions de logements !
S’il n’est pas question de remettre en cause les dispositions de la loi « climat et résilience », force est de constater que leur application ne va pas sans défis, car la tension du parc immobilier n’a jamais été aussi forte. Là encore, considérons les chiffres : l’échéance du 1er janvier concerne 750 000 logements classés G, dont 250 000 situés dans des copropriétés. Ce dernier cas mérite quelques ajustements de bon sens. Tel est l’objet du texte, qui repose sur une évidence : il n’est pas acceptable qu’un propriétaire de bonne foi ne puisse pas louer son logement parce que la copropriété tarde à engager les travaux nécessaires, ou refuse de les voter, ou parce que le locataire s’oppose à leur réalisation. Par ailleurs, nombre de propriétaires et de locataires ne maîtrisent pas encore pleinement leurs droits et devoirs en matière de rénovation énergétique. Cela engendre quelquefois des incompréhensions, voire des tensions, qu’il est de notre devoir de résoudre.
Aussi, cette proposition de loi vise à détailler de façon concrète, pragmatique et équilibrée certaines modalités d’application des obligations de décence énergétique, en commençant par une précision essentielle concernant le calendrier : un logement classé G n’est pas forcément sorti le 1er janvier du parc locatif. La loi « climat et résilience » s’applique à la signature d’un bail, à son renouvellement ou à sa reconduction tacite, généralement au bout de trois ans ; les propriétaires et locataires en cours de bail ne sont pas concernés. Cela va mieux en le disant.
Le texte dispose ensuite que l’obligation de mise en conformité énergétique est réputée satisfaite si le propriétaire a réalisé tous les travaux qui lui étaient possibles, mais se heurte désormais à des contraintes techniques ou administratives, par exemple le refus d’une assemblée générale de copropriété ou des architectes des bâtiments de France. Je me suis engagée à travailler à la facilitation des rénovations du bâti ancien, en lien avec la ministre de la culture. (M. Bastien Marchive, rapporteur, applaudit.) Il est également prévu que les obligations pesant sur les bailleurs soient temporairement suspendues si la copropriété s’engage dans un projet de rénovation énergétique, ce qui favorisera une approche globale, cohérente, plutôt qu’une juxtaposition peu efficace de travaux individuels.
Le texte renforce évidemment les droits des locataires : il leur sera possible de demander au juge une réduction de loyer proportionnée à la surconsommation énergétique de leur logement, jusqu’à ce que les travaux aient été réalisés. En revanche, s’ils n’ont pas laissé le bailleur procéder à ces travaux, ils ne pourront se retourner contre lui, ce qui sécurise leur relation.
L’intérêt général consiste à sauver la planète, mais aussi à faire en sorte que les gens dépensent moins pour se chauffer et continuent de trouver des logements de qualité. Cette qualité constitue une question sociale, sanitaire, environnementale et économique. Pour autant, et par souci de crédibilité, nous devons faire montre de pragmatisme. C’est pourquoi, messieurs les rapporteurs, le gouvernement soutient pleinement votre initiative ; cette proposition de loi très attendue contribuera au respect du Parlement, sa coproduction répondant à la volonté que ces enjeux, qui concernent toute notre société, fassent l’objet d’un consensus au sein de votre assemblée. Bravo pour votre travail ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EcoS et GDR ainsi que sur les bancs des commissions.)
Discussion générale
Mme la présidente
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Julie Laernoes.
Mme Julie Laernoes
L’an dernier, 1 million de nos concitoyens ont subi des coupures d’électricité faute de pouvoir acquitter leurs factures ; une telle situation est inédite. Il y a une triple urgence – écologique, sociale, climatique – à rénover les logements.
Crise climatique, d’abord : le logement représente 80 % des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur du bâtiment. Dès lors, nous n’avons d’autre option que la rénovation énergétique. La loi « climat et résilience » a fixé un cap, un calendrier connu des professionnels, des particuliers ; nous y souscrivons, en vertu de notre ambition collective d’atteindre la neutralité carbone dès 2050. Les étiquettes énergétiques transforment d’ores et déjà les secteurs de l’immobilier et de la rénovation : le système a ses limites, parfois ses dérives, mais obéit très majoritairement à une dynamique positive, portant ses fruits et améliorant la situation de nombreuses personnes.
En effet, la rénovation constitue également un remède à la crise sociale, aggravée depuis deux ans par la flambée des prix de l’énergie. Face aux marchands de déni qui peuplent les plateaux de télévision et même une partie de notre assemblée, je tiens à le redire : la rénovation est une question non seulement de climat, mais aussi de pouvoir d’achat, d’habitabilité, de santé. Quoi que répètent les fauteurs de troubles d’extrême droite, il ne s’agit pas d’écologie punitive. La vraie punition, pour 5 millions de nos compatriotes, c’est une habitation mal isolée, bouilloire l’été, passoire l’hiver, où l’on vit mal, où l’on tombe malade, où l’on meurt : en 2023, 10 000 décès ont ainsi été imputés à l’inefficacité énergétique des logements.
Rénover, c’est faire passer la santé et le pouvoir d’achat des Français avant toute autre considération. Pour les occupants de logements indécents, lesquels comptent déjà parmi nos concitoyens les plus fragiles, ceux qui cumulent les difficultés, le prix à payer est double : le montant de la facture de gaz ou d’électricité explose, et s’y ajoute le coût des maladies chroniques, bronchite, asthme, dépression. Nous ne répéterons jamais assez que l’éradication des passoires énergétiques aurait fait, cette année, économiser 700 millions d’euros à notre système de soins.
Vous comprendrez donc notre profond attachement à l’ambition originelle de la loi « climat et résilience », que nous avons toujours défendue contre les coups de boutoir des climatosceptiques présents à l’extrême droite, mais aussi dans une partie de la droite, et qui ont tenté à plusieurs reprises de revenir sur son calendrier. Ses objectifs ne sont pas révisables. Nous ne négocierons ni avec l’urgence climatique ni avec la précarité énergétique.
Le groupe Écologiste et social est donc prêt à soutenir, à certaines conditions, le texte présenté par MM. les rapporteurs en vertu d’une intention légitime : préciser des points que n’explicitait pas la loi « climat et résilience », sans en remettre en cause le principe fondamental ni le calendrier des obligations de rénovation. Ces nuances visent à tenir compte des spécificités de certaines catégories de logements : limites imposées par les règles de préservation du patrimoine bâti, délais plus longs que nécessitent les décisions des copropriétés, ce que notre ancienne collègue Marjolaine Meynier-Millefert et moi-même avions souligné en 2023 dans notre rapport d’information consacré à la rénovation énergétique des bâtiments.
Néanmoins, bien que l’esprit de cette proposition de loi soit, je le répète, parfaitement louable, deux mesures adoptées en commission constituent pour nous des lignes rouges, car elles permettraient de reporter aux calendes grecques des travaux urgents et nécessaires.
Tout d’abord, pour qu’un propriétaire bailleur soit quitte de ses obligations légales concernant la décence énergétique du logement, il suffirait que la copropriété vote contre les travaux ; autrement dit, il deviendrait intéressant pour un propriétaire malhonnête de s’opposer à ces derniers ! Cet ajout ouvre la boîte de Pandore, d’autant que les copropriétaires, une fois les travaux votés, bénéficieront d’aménagements en matière de délais de réalisation.
C’est là notre seconde ligne rouge : la mention d’« un délai raisonnable » pour réaliser les travaux de copropriété. On pourrait objecter qu’il s’agit déjà d’un progrès par rapport au vide actuel, mais l’absence de cadre temporel clair crée le risque d’une accumulation de contentieux.
Nous vous demandons, chers collègues, non seulement de continuer à repousser toute tentative de remise en cause du calendrier, mais de revenir sur ces mesures délétères, qui, en laissant présager fraudes et abus, font perdre son sens au texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et GDR, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC. – M. Inaki Echaniz, rapporteur, applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Mickaël Cosson.
M. Mickaël Cosson
Le logement ne doit pas être une variable d’ajustement. C’est un problème que nous souhaitons voir résoudre par notre ambition collective. Trop de textes budgétaires au cours des dernières décennies ont semé d’embûches, outre-mer plus encore que dans l’Hexagone, le parcours résidentiel des Français. L’année 2024 a vu le nombre de permis de construire chuter, les chantiers différés faute d’acquéreurs ; accumulation des normes, inflation des prix du foncier et des matériaux, hausse des taux d’emprunt ont fait dégringoler l’offre face à une demande grandissante. Le parcours résidentiel était grippé ; il est devenu quasi impossible. Il nous faut le faciliter en assouplissant les cadres financier, réglementaire, fiscal, en créant un statut de bailleur privé, en redonnant confiance aux propriétaires, afin que l’investissement dans la pierre relance le marché du logement.
Cette proposition de loi va dans ce sens, mais il importe qu’elle soit suivie d’autres textes. Représentant 18 % des émissions de gaz à effet de serre et 45 % de la consommation d’énergie finale, le secteur du logement est appelé à jouer un rôle crucial dans la transition énergétique : le texte s’inscrit dans cette dynamique en apportant des précisions concernant la réalisation des travaux de rénovation et l’interdiction de louer des passoires thermiques. Visant la neutralité carbone d’ici à 2050, la loi « climat et résilience » a fixé l’entrée en vigueur de cette interdiction à 2025 pour les logements classés G+ et G, 2028 pour les F, 2034 pour les E : il s’agit de soutenir cette ambition en répondant aux questions pratiques et juridiques que suscitent ces mesures.
Précisément, le texte tend à allier ambition écologique et pragmatisme en prévoyant d’exonérer de leurs obligations les propriétaires qui, malgré leurs efforts, ne peuvent s’y conformer, les travaux étant quelquefois bloqués par décision de l’assemblée générale ; nous avions du reste soutenu une mesure similaire pour les copropriétés dégradées. Par ailleurs, la disposition selon laquelle un locataire ne peut invoquer un manquement du bailleur s’il s’oppose lui-même aux travaux marque une avancée en matière de sécurité juridique : chaque acteur en sera responsabilisé.
Le groupe Les Démocrates estime toutefois que certaines dispositions mériteraient d’être davantage encadrées, afin de garantir l’efficacité du texte.
Ainsi, nous suggérons de limiter à cinq ans les délais d’exécution des travaux votés en assemblée générale de copropriété, pour que l’objectif de rénovation énergétique reste prioritaire.
Ensuite, la réduction de loyer prévue pour les logements non conformes ne doit pas reposer uniquement sur le préjudice subi par le locataire ni sur les efforts réalisés par le bailleur pour effectuer les travaux. Nous demandons que la capacité financière des propriétaires soit également prise en considération, en particulier s’agissant des petits propriétaires dont les loyers sont une source de revenus indispensable pour couvrir des emprunts ou des charges.
Par ailleurs, les dispositifs d’aide, tels que MaPrimeRénov’, doivent être simplifiés, afin de les rendre plus accessibles.
Il nous semble également important de lier l’obligation de décence énergétique à la réalisation effective des travaux. Trop souvent, en effet, la simple signature d’un contrat de maîtrise d’œuvre ou d’études préliminaires est considérée comme étant une étape suffisante pour justifier une mise en conformité. L’obligation de décence doit reposer sur des actions concrètes et mesurables, garantissant une meilleure efficacité dans l’amélioration énergétique des logements, notamment dans les copropriétés.
Enfin, nous nous réjouissons de l’introduction, en commission, d’une demande de rapport sur l’opportunité d’inclure la notion de confort d’été dans le diagnostic de performance énergétique. Il faut, en effet, repenser les outils d’évaluation face à l’augmentation des vagues de chaleur et, de manière générale, aux aléas climatiques.
En conclusion, notre groupe soutiendra ce texte, ainsi que toutes les initiatives qui permettront de faciliter le parcours résidentiel des Françaises et des Français. (M. Bastien Marchive, rapporteur, applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thomas Lam.
M. Thomas Lam
Alors que nous nous apprêtons à nous prononcer sur cette proposition de loi, notre débat est marqué par une double crise qui affecte nos concitoyens et qui nous impose de trouver des solutions équilibrées.
En premier lieu, une crise écologique, dont l’ampleur nous interdit de rester inactifs. Rappelons à ce titre les conclusions du rapport Pisani-Ferry, qui estimait que « le coût économique de l’inaction excède de loin celui de l’action ». Or le logement est un enjeu important, puisque le secteur résidentiel tertiaire représente 17 % des émissions de gaz à effet de serre. Il est donc nécessaire d’agir contre les logements énergivores.
En parallèle de cette crise écologique qui appelle des actions résolues, il faut souligner la véritable bombe sociale qu’est devenue la crise du logement. L’année dernière, le nombre de logements vendus a baissé de 12 % par rapport à l’année précédente, tandis que 3,8 millions de Français souffrent de mal-logement. Derrière ce constat chiffré se cache une triste réalité : celle d’une jeunesse incapable d’accéder à un logement, sésame pour gagner son indépendance et s’épanouir dans la vie adulte.
En raison de l’application de la loi « climat et résilience » depuis le 1er janvier, 600 000 logements classés G risquent d’être écartés du marché. Très concrètement, dans ma ville d’Asnières-sur-Seine, 13 % des logements sont concernés. Comme je l’ai déjà évoqué lors des questions au gouvernement, de nombreux étudiants et travailleurs en mobilité professionnelle poseront leur préavis au printemps prochain et quitteront leur habitation. Qu’adviendra-t-il alors de ces appartements libres devenus impropres à la location, en raison de la nouvelle réglementation ? Les situations ubuesques sont déjà légion en région parisienne, où les standards téléphoniques des agences immobilières explosent à chaque nouvelle annonce publiée. Tout le monde a en tête ces images de plusieurs dizaines de personnes faisant la queue pour visiter un appartement, leur dossier sous le bras.
Alimenter cette bombe sociale en continuant d’imposer trop de contraintes aux petits propriétaires serait donc une grave erreur. C’est souvent pour eux une double peine, puisque les travaux d’isolation qu’ils réalisent leur coûtent de l’argent, tout en réduisant souvent la surface à louer.
Par ailleurs, de nombreux agents immobiliers de ma circonscription ont appelé mon attention sur la fuite des investissements à l’étranger. Le risque, si l’on n’assouplit pas l’application de la loi « climat et résilience », est que le parc locatif ne soit plus détenu par des petits propriétaires, mais par de grands groupes monopolistiques. Nous connaissons déjà le résultat, qui sera le même que pour les bailleurs sociaux : perte de réactivité, travaux au rabais et matériaux de mauvaise qualité. Tout le monde sera perdant.
Face à cette double crise écologique et sociale, le groupe Horizons & indépendants juge la proposition de loi, qui vise à prévenir les litiges énergétiques et à clarifier le droit en vigueur, équilibrée. Non seulement elle permet la réalisation des travaux nécessaires, mais elle évite aussi une sortie sèche du marché locatif de nombreux biens immobiliers, lorsque les obligations prévues par la loi interviendront. C’est pourquoi notre groupe soutiendra ce texte.
Cependant, celui-ci reste perfectible. Nous saluons quelques ajustements de bon sens obtenus en commission, notamment sur les questions liées aux copropriétés. D’autres améliorations nous semblent judicieuses, afin de rendre la loi plus souple pour tenir compte des spécificités propres à chaque logement. C’est le sens des amendements qui seront défendus par mes collègues Henri Alfandari et François Jolivet. De manière générale, nous soutiendrons, sans sectarisme, tous les amendements permettant d’assouplir le calendrier d’application de l’interdiction des logements énergivores. À l’inverse, nous nous opposerons à ceux qui visent à pénaliser injustement les propriétaires qui ont pourtant tout fait pour rénover leur bien. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – MM. Joël Bruneau et Michel Guiniot applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani
Les lois « énergie et climat » et « climat et résilience », votées respectivement en 2019 et en 2021, répondent à un enjeu trop longtemps ignoré, le mal-logement, en introduisant l’obligation minimale de performance énergétique pour la location des logements.
L’interdiction de louer des passoires thermiques représente un progrès considérable pour la protection et le bien-être des locataires, ainsi qu’un outil majeur contre la déperdition énergétique. En effet, interdire la location des logements trop énergivores, c’est avant tout garantir un minimum de confort pour les locataires, qui sont trop nombreux à souffrir du mal-logement : cet hiver, 12 millions de personnes – soit 5,4 millions de ménages – ont souffert du froid dans leur logement. Selon un rapport publié par Emmaüs, ce chiffre a doublé ces cinq dernières années. Ces millions de nos concitoyens souffrent à la fois de la déperdition énergétique et de l’impossibilité de chauffer leur logement, en raison du prix de l’énergie – l’année dernière, 68 % des foyers ont déclaré une hausse de leur facture d’électricité. Évidemment, ces phénomènes touchent plus durement les foyers les plus précaires et qui perçoivent les revenus les plus faibles, alors même que le poids des loyers par rapport aux revenus a plus que doublé depuis les années 1970.
Ces deux textes représentent donc, avant tout, un enjeu de justice sociale et de soutien du pouvoir d’achat. C’est pourquoi nous souhaitons associer à la présente proposition de loi des mesures effectives permettant d’apporter des aides financières aux foyers concernés.
Ces lois répondent également à un second défi, celui de la transition environnementale. Rendre obligatoire la rénovation thermique des logements les plus énergivores permet à la fois de réduire la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre du secteur résidentiel. Rappelons qu’avec 27 % des émissions à lui seul, le secteur du bâtiment représente en France le deuxième émetteur de CO2. Rendre ces lois plus opérantes et apporter des précisions sur la manière de répondre aux défis sociaux et environnementaux majeurs auxquels nous sommes confrontés est donc une nécessité. La proposition de loi s’inscrit dans cette logique et nous nous en réjouissons.
Les nouvelles mesures inscrites dans ce texte permettront, nous en sommes convaincus, d’améliorer l’acceptabilité sociale des dispositions prévues par les deux lois que je viens d’évoquer. Ainsi, le fait de ne pas les appliquer aux contrats en cours évitera de créer des situations de précarité pour les foyers ne disposant pas d’autre solution de logement, dans un marché locatif très tendu.
Nous nous réjouissons également de l’instauration d’une protection du propriétaire bailleur, dans le cas où le locataire s’opposerait à la tenue de travaux dans son appartement.
De même, des précisions nécessaires sont apportées pour les logements situés dans une copropriété : en cas de désaccord de celle-ci concernant la réalisation de travaux sur les parties communes pouvant affecter l’aboutissement de travaux individuels, le propriétaire bailleur n’en sera pas tenu pour responsable. De plus, un propriétaire pourra désormais louer son logement si les travaux de rénovation énergétique dans la copropriété sont en cours de réalisation.
Nous sommes également favorables à la disposition qui permet au juge de prononcer une minoration du loyer jusqu’à l’exécution des travaux découlant de l’obligation de décence énergétique. Plafonnée au coût théorique de chauffage supporté par le locataire, cette minoration permettra d’inciter le propriétaire à s’engager dans les travaux, tout en tenant compte du préjudice subi par l’occupant du logement.
Ces dispositions ont montré leur efficacité : l’interdiction de louer des passoires thermiques est un puissant moteur de transformation du parc locatif. C’est pourquoi nous sommes favorables à son maintien, considérant que seuls des correctifs mineurs et de nature à rendre l’interdiction plus opérante doivent être apportés.
Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires votera donc la proposition de loi qui s’inscrit dans cette logique en apportant des précisions nécessaires à la réalisation des objectifs, tout en limitant les dispositions de nature à aggraver la crise du logement.
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Peu.
M. Stéphane Peu
Faute d’une politique du logement ambitieuse, notre pays s’enfonce, année après année, dans une crise toujours plus profonde. Dans son rapport de février dernier, la Fondation Abbé Pierre évaluait à 4,2 millions le nombre de personnes en situation de mal-logement, soit parce qu’elles sont privées de logement, soit parce qu’elles vivent dans un logement insalubre.
Les demandes de logement social sont quatre à cinq fois supérieures à l’offre disponible annuellement et le parc locatif privé se rétrécit, compte tenu de l’emprise croissante des meublés touristiques et des résidences secondaires en zones tendues – nous avons déjà abordé ce sujet.
Dans le même temps, 5 millions de nos concitoyens vivent dans des passoires thermiques ou des logements mal isolés : 26 % des ménages ont eu froid chez eux l’an passé et 84 % des foyers considèrent que les factures d’énergie représentent une part beaucoup trop importante de leurs dépenses.
Ce contexte nous impose à la fois de garantir le respect des obligations en matière de décence énergétique et d’éviter que leur application ne se traduise par la sortie brutale du parc locatif de centaines de milliers de logements.
Nous avions proposé, il y a quelques mois, lors de l’examen du projet de loi sur la rénovation de l’habitat dégradé, de reporter le calendrier fixé par la loi « climat et résilience ». Nous considérons en effet qu’il faudrait créer un instrument de financement ad hoc pour accompagner les propriétaires et les copropriétés dans la mise en œuvre du calendrier. Dans le même temps, il faut reconnaître que la rénovation énergétique de certains logements peut se heurter à des difficultés techniques insurmontables ou encore à l’exigence préalable de travaux dans les parties communes des immeubles en copropriété.
La proposition de loi cherche à répondre à ces difficultés en proposant des ajustements. Les débats en commission ont permis d’améliorer significativement sa rédaction initiale et nous nous réjouissons de l’adoption de nos amendements qui visaient à prévenir les tentatives des propriétaires ou des copropriétés de se soustraire à leurs obligations. L’impossibilité d’atteindre les critères de décence fixés par la loi devra désormais être attestée par un homme de l’art. Les copropriétés qui auront voté des travaux devront fixer un délai raisonnable pour leur réalisation. Nous proposerons, au cours du débat, de préciser ce point, en fixant ce délai à trois ans maximum. Cela semble amplement suffisant pour que les fonds de travaux aient été réglés par les copropriétaires et perçus par le syndic. En outre, si ce délai s’avérait objectivement trop court dans une situation donnée – ce qui peut arriver –, il sera toujours possible au juge de ne prononcer aucune sanction.
Nous proposerons également la suppression des dispositions de l’alinéa 8 de l’article 1er, qui prévoient que le locataire ne puisse réclamer une réduction de son loyer s’il fait volontairement obstacle aux travaux. En effet, nous persistons à juger cette précision inutile, puisque le droit prévoit déjà que le locataire ne peut s’opposer à l’exécution de travaux en cours de bail.
En conclusion, si nous approuvons dans les grandes lignes les équilibres trouvés dans ce texte d’urgence, ainsi que les précautions prises pour pallier les stratégies d’évitement des propriétaires de mauvaise foi, nous resterons attentifs, c’est normal, au sort qui sera réservé à nos amendements restant en discussion. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS. – M. Inaki Echaniz, rapporteur, applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Michoux.
M. Éric Michoux
Nous voici confrontés à une énième proposition de loi créant des normes. Vous parlez de décence énergétique : j’y vois avant tout une indécence législative et normative. Les objectifs de clarification et de limitation des contentieux peuvent paraître louables, mais le texte n’allège pas les contraintes : il les alourdit. Il impose de nouvelles charges sur les épaules déjà surchargées des propriétaires et il aggrave une situation économique et sociale déjà critique. Dès l’introduction en commission, M. le rapporteur déclarait que le diagnostic de performance énergétique représenterait une opportunité pour les bailleurs. Quelle plaisanterie ! Avez-vous seulement demandé leur avis aux premiers concernés ?
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Eh oui !
M. Éric Michoux
Le DPE ne valorise pas, il dévalorise. Il ne résout pas la crise du logement, il l’aggrave. Il a des effets dévastateurs sur les zones rurales et les petites villes. Depuis le 1er janvier 2025, 25 % des logements situés en zone rurale, classés G, sont interdits à la location. Résultat : nos centres-villes se vident, les commerces ferment…
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Se rénovent !
M. Éric Michoux
…et le premier mal-logement en France devient l’impossibilité même de se loger.
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Caricature !
M. Éric Michoux
Par ailleurs, vous créez un avenir inaccessible pour la jeunesse : les jeunes, déjà fragilisés par la conjoncture économique, n’ont plus accès aux financements bancaires. Le coût des devis énergétiques, exigés pour obtenir des prêts, s’ajoute au prix des biens eux-mêmes, ce qui rend l’accès à la propriété illusoire pour une grande partie de notre jeunesse. Le secteur de l’artisanat est en danger. Les artisans, poumon de notre économie locale, sont étranglés par les délais insoutenables pour obtenir les aides du dispositif MaPrimeRénov’. La Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) nous alerte au sujet des trésoreries exsangues, des délais de paiement de huit à douze mois et des entreprises ainsi mises en péril. À force de complexité, nous étouffons ceux qui devraient être les moteurs de la transition.
Vous ouvrez la porte aux abus. Les arnaques aux pompes à chaleur en sont l’exemple criant : des dizaines de millions d’euros sont dilapidées et l’argent public est perdu dans des fraudes. Vous renforcez un déclassement social insupportable : ceux qui ne peuvent financer ces travaux, souvent des ménages modestes ou des retraités, sont contraints de brader leurs biens. C’est l’amorce d’un déclassement silencieux, mais profond. La lutte contre les passoires thermiques est indispensable,…
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Ah !
M. Éric Michoux
…mais pas au prix d’une méthode aussi brutale et inadaptée. Le DPE repose sur des critères techniques souvent déconnectés de la réalité des logements anciens ou atypiques. Allez expliquer aux propriétaires d’immeubles haussmanniens comment isoler leurs façades ! Allez dire aux défenseurs de notre patrimoine comment appliquer vos normes aux arcades médiévales de Louhans ou aux bâtiments de Le Corbusier !
Pendant ce temps, rien n’est fait pour assouplir un calendrier irréaliste, totalement déconnecté des réalités économiques et humaines. Pire encore, le texte alourdit les exigences : il impose un contrat de maîtrise d’œuvre, rend obligatoire un audit énergétique préalable, fixe des délais arbitraires, source de nouveaux contentieux. Enfin, et c’est la cerise sur le gâteau, il donne au juge la possibilité d’imposer une réduction de loyer, ce qui alimente la confrontation entre propriétaires et locataires.
Mme Julie Laernoes
Eh oui !
M. Éric Michoux
Ce texte ajoute de la complexité à la complexité, sans jamais écouter les artisans ni les propriétaires – et encore moins les jeunes. Nous ne pouvons plus avancer ainsi. La France meurt étouffée sous 400 000 normes, qui coûtent 4 % de points de PIB, contre 0,4 % en Europe – le premier ministre l’a souligné.
M. Jean-Claude Raux
Il n’en a jamais parlé !
M. Éric Michoux
Ce dont la France a besoin, c’est de liberté. Osez enfin une réforme réfléchie et équilibrée, qui associe les acteurs de terrain, qui propose des solutions pragmatiques et viables,…
M. Jean-Claude Raux
Le pragmatisme !
M. Éric Michoux
…et qui encourage au lieu de sanctionner.
Pour toutes ces raisons, le Groupe UDR votera contre le texte. Nous refusons d’aggraver la crise du logement et de sacrifier des secteurs entiers de notre économie.
Mme Julie Laernoes
Au moins !
M. Éric Michoux
Nous appelons à repenser une politique énergétique juste, adaptée et concertée. Supprimons 100 000 normes en 5 ans.
Mme la présidente
Il faut conclure.
M. Bastien Marchive, rapporteur
Cela suffit !
Mme Julie Laernoes
On en a assez entendu !
M. Éric Michoux
Les normes liberticides et les dérives bureaucratiques coupées du terrain sont les cercueils du rebond français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Guiniot.
M. Michel Guiniot
Nous parlons d’un sujet très grave, le logement de millions de Français, et des conséquences de la confusion entre l’indécence et l’insalubrité, notions malheureusement liées par la loi « climat et résilience » de 2021. L’insalubrité est définie en référence à des notions objectives – non établies par des éléments normatifs –, la santé publique et la sécurité physique, que l’occupant vive ou non dans le logement. De son côté, l’indécence est réputée contraire aux usages. Il ne s’agit pas d’une notion mais d’un agglomérat de critères subjectifs. Le logement doit répondre à des critères de sécurité, complémentaires à l’impératif de salubrité publique, disposer d’équipements et d’éléments de confort, avoir une surface et un volume habitables, et, depuis la fameuse loi « climat et résilience », ne peut avoir une consommation énergétique importante.
La confusion entre les critères de salubrité et de décence d’un logement est lourde de conséquences pour le marché immobilier. Dans un premier temps, le nouveau critère de consommation énergétique, devrait, d’ici la fin du mandat d’Emmanuel Macron, rendre indécents près de 7,2 millions de logements sur un total de 37,2 millions, soit 20 % du parc immobilier – la proportion est importante. La lettre même de l’article 160 de la loi « climat et résilience » visant les classes G, F et E définit 40 % des logements français comme indécents, à terme.
Combien de personnes se retrouveront sans abri en raison de l’impossibilité de louer ces logements ? Ceux-ci, pourtant disponibles et salubres, ne pourront être le nouveau foyer de familles, qui devront alors attendre, comme deux millions d’autres personnes, un logement social, faute de pouvoir acquérir un bien. L’impact, qui sera durable, risque de plonger la France dans une crise sociale bien plus que foncière. Pour maintenir un marché immobilier locatif suffisant et accessible, il convient d’empêcher que les charges des petits propriétaires bailleurs ne soient supérieures à leurs revenus locatifs, compte tenu de la pression fiscale sur les propriétaires – il n’est pas ici question des gros bailleurs sociaux.
Dans un second temps, pour tenter de maintenir leurs locataires dans les lieux, les petits propriétaires bailleurs devront assumer une grande partie des travaux au moyen de fonds propres, non issus de leurs revenus fonciers, qui tendent à se réduire. La majeure partie des propriétaires bailleurs louent un logement, rural souvent, dont le loyer est faible, afin de disposer d’un complément de revenu à leur retraite. La réalisation des travaux, parfois parallèlement au remboursement de leur prêt immobilier, ne peut être une solution viable. Ils devront se dessaisir de leurs biens en acceptant une décote due à l’impossibilité de louer, ou, s’ils renoncent à louer, payer les taxes sur les logements vacants. L’écologie punitive met une fois de plus en péril la stabilité de la société française : à vouloir imposer l’impossible, on aggrave la crise du logement.
L’article 1er du texte précise les conditions dans lesquelles les obligations de décence énergétique sont satisfaites. Le texte ne résout pas le cœur du problème : il est juste décalé dans le temps. Il faut abroger l’article 160 de la loi « climat et résilience », et non l’adapter. Laissons la possibilité aux locataires de choisir un logement sain et habitable, même s’il est un peu énergivore. Plusieurs dispositions visent à créer des exonérations ou à décaler dans le temps les effets de l’interdiction et des sanctions, mais cela ne résout pas le problème. L’article 3, qui demande un rapport, ne fera qu’ouvrir la réflexion pour aggraver encore les contraintes liées au diagnostic de performance énergétique. Nous ne pouvons y être favorables.
Combien de ménages se retrouveront sans habitat en raison de la loi « climat et résilience » que vous consolidez ? Les propriétaires ne doivent pas être sanctionnés pour avoir mis à disposition des logements sains et salubres, qui contribuent à réduire la crise du logement. Il est préférable de pouvoir dormir sous un toit convenable plutôt que sous un pont ou sur un trottoir. Ce ne sont tout de même pas les bailleurs qui sont responsables des prix de l’énergie, mais plutôt l’Europe et le gouvernement.
En conséquence, et dans l’intérêt de millions de Français, le Rassemblement national s’opposera à ce texte en l’état. Toutefois, il pourrait faire évoluer sa position si les alinéas 9, 10 et 11 de l’article 1er étaient supprimés et si le calendrier d’application était modifié. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Luc Fugit.
M. Jean-Luc Fugit
Nos concitoyens ne veulent pas vivre dans des passoires thermiques et les locataires ne veulent pas, hiver après hiver, alimenter, à leur frais, le réchauffement climatique et contribuer ainsi à faire croître la facture CO2. D’aucuns reprochent à la France de ne pas tenir ses engagements pour le climat et aux précédentes majorités de ne pas avoir assez fait pour l’écologie. Pourtant, c’est bien la majorité à laquelle notre groupe appartenait en 2019 qui a fait le pari d’interdire la location des passoires thermiques. C’était du jamais-vu à l’échelle de l’Union européenne – et même des pays occidentaux, où aucune réglementation de ce type n’existe.
Cinq ans après l’introduction en droit de la notion de « passoire thermique » par la loi « énergie climat » de 2019, suivie de l’instauration d’un calendrier d’interdiction de location en fonction de la classe du bien par la loi « climat et résilience » de 2021, l’interdiction de louer des logements classés G est effective depuis le 1er janvier 2025. Suivront les logements classés F en 2028 puis ceux classés E en 2034.
Comme toutes les réformes d’ampleur, l’interdiction de louer des passoires thermiques a soulevé des questions d’ordre technique et politique. Son application concrète nécessite des ajustements réglementaires. Le texte vise à assurer une meilleure sécurité juridique en précisant plusieurs points qui sont source d’inquiétude pour les propriétaires bailleurs.
D’une part, il précise que l’interdiction de louer ne s’applique qu’au moment de la conclusion, du renouvellement ou de la tacite reconduction du bail – et non en cours de bail. D’autre part, il traite de cas de figure spécifiques, comme l’impossibilité de réaliser les travaux en raison de contraintes techniques. Dans ce cas, la proposition de loi suspend l’interdiction de louer, tout en encadrant cette possibilité afin d’éviter les abus. Par ailleurs, lorsque des travaux ont été votés en assemblée générale, l’interdiction de louer est suspendue jusqu’à leur réalisation.
Enfin, le texte crée un régime de sanction de l’indécence énergétique différent du régime de droit commun actuellement en vigueur. Cette mesure nous semble bienvenue. En effet, le régime de sanctions proposé prévoit qu’en cas de location d’une passoire thermique au mépris de la réglementation en vigueur, le loyer pourra être réduit d’un montant qui ne peut pas dépasser le préjudice financier subi par le locataire en raison de l’étiquette du logement. Ce régime spécifique vise à mieux distinguer les logements indécents énergétiquement de ceux qui le sont pour d’autres motifs. En effet, on ne peut pas demander la même échelle de sanctions pour un logement classé F et pour un logement infesté de cafards ou d’une superficie de neuf mètres carrés.
Je tiens à souligner que le texte a fait l’objet de débats sérieux et constructifs en commission des affaires économiques, dans un esprit transpartisan, ce qui a permis l’adoption d’amendements émanant de nombreux groupes de notre assemblée. Nous avons ainsi réussi à trouver des points d’équilibre sur de nombreuses questions, notamment s’agissant des motifs justifiant l’impossibilité d’effectuer certains travaux, ou encore de la mention de l’impossibilité d’effectuer certains travaux du fait d’une décision de refus du syndicat des copropriétaires. Je fais le vœu que les débats en séance publique se déroulent avec le même esprit de coconstruction.
Notre groupe sera naturellement favorable à ce texte mesuré et utile qui permet d’appliquer sans report les mesures de la loi « climat et résilience » de 2021 tout en les adaptant aux contraintes rencontrées par les bailleurs, conformément aux attentes de nos concitoyens – ils souhaitent que nous adaptions les textes législatifs et réglementaires à la réalité de ce qu’ils vivent. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Nous voilà, une fois encore, devant une conséquence des échecs macronistes et devant une proposition de loi qui les entérine. Le bilan des gouvernements d’Emmanuel Macron en matière de logement et de rénovation est sans ambiguïté et n’appelle aucune nuance : 4 millions de personnes sont mal-logées, 12 millions souffrent de précarité énergétique, 6,6 millions de logements sont des passoires thermiques, 18,5 % du parc privé reste classé G ou F et 30 % des Françaises et des Français ont froid dans leur logement, chiffre qui a plus que doublé en dix ans. Enfin, le nombre de coupures pour factures impayées a explosé ces deux dernières années.
En matière de rénovation énergétique, le gouvernement est des plus lents : au rythme qu’il a fixé, il faudrait trente ans pour éradiquer les passoires thermiques et trois siècles pour atteindre les objectifs globaux de rénovation pourtant prévus pour 2050. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Il s’agit d’une forfaiture sur le plan écologique à un moment où le chaos climatique coûte déjà des vies humaines et d’un échec dramatique sur le plan de la santé publique. Pour des Françaises et des Français déjà pris à la gorge, cela revient à alourdir encore le coût du logement car les factures d’énergie demeureront excessives en raison de l’absence de travaux de rénovation.
La raison de cet échec est finalement assez simple. Les gouvernements macronistes ont été incapables de planifier correctement l’action publique, incapables d’aider les filières à s’organiser et incapables de donner à l’État les moyens d’accompagner les rénovations. Ils ont préféré dilapider l’argent public en aides aux grandes entreprises et en cadeaux fiscaux aux plus riches, jusqu’à nous mettre dans l’intenable situation budgétaire actuelle, qui sert à justifier de nouvelles coupes dans des investissements essentiels comme la rénovation thermique. Ainsi, les crédits ouverts pour MaPrimeRénov’ sont divisés par plus de deux : on passe de 4 milliards d’euros en 2024 à seulement 1,6 milliard pour 2025.
Nous aurions pu discuter aujourd’hui d’une proposition de loi ambitieuse qui aurait eu pour buts de massifier la rénovation des logements et de sortir les Français de la précarité énergétique. (Mêmes mouvements.) Mais même si ses auteurs se targuent de pragmatisme, nous débattons d’un texte qui, en l’état, est régressif sur plusieurs points et qui risque de nous faire reculer par rapport aux objectifs fixés par la loi « climat et résilience » alors que l’urgence climatique appelle non des pas en arrière ou de côté mais de grands bonds en avant. Par ailleurs, il reflète une politique de classe puisqu’il facilite la vie des propriétaires plutôt que celles des locataires,…
M. Bastien Marchive, rapporteur
C’est marrant, l’extrême droite a dit l’inverse !
Mme Claire Lejeune
…alors que la crise du logement aggrave la domination des premiers sur les seconds.
Il est exact que le rythme des rénovations dans les copropriétés pose problème, surtout lorsque la rénovation de logements de propriétaires bailleurs dépend de travaux impliquant les parties communes et nécessitant donc un vote en assemblée générale des copropriétaires. Mais la proposition de loi ne règle en rien cette difficulté car, loin d’imaginer un dispositif permettant d’encourager ces travaux dans les copropriétés, elle crée des dérogations possibles à la loi « climat et résilience » qui sont autant de portes de sortie pour les propriétaires. Pour massifier la rénovation thermique des logements, il faut encourager les travaux en les finançant, en les accompagnant, et non permettre de déroger à la loi. (Mêmes mouvements.)
En l’état, le texte n’est pas acceptable et nos collègues socialistes commettent une erreur en le cosignant. Ils offrent ainsi un véhicule législatif à la remise en cause des objectifs de rénovation des logements. (Mêmes mouvements.) J’en veux pour preuve le fait que les amendements déposés viennent pour la plupart de la droite et de l’extrême droite, trop heureuses de se voir offrir une occasion de saborder les objectifs pourtant précieux de la loi « climat et résilience ».
Vous l’aurez compris, en l’état, nous ne pouvons soutenir un texte qui n’a d’autre fonction que d’entériner les échecs immenses des politiques macronistes en matière de logement et de rénovation thermique, et qui vient encore fragiliser les locataires dans leurs relations avec les propriétaires bailleurs. Le rôle historique de la gauche est non d’organiser les renoncements mais de concevoir pour l’État un rôle stratégique dans l’urgente bifurcation écologique, seule voie vers une véritable justice. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Karim Benbrahim.
M. Karim Benbrahim
Sécheresses après inondations, la multiplication et l’intensification des catastrophes rappelle l’urgence à agir contre le dérèglement du climat. Parallèlement à la crise climatique, nous connaissons une grave crise sociale. En France, 12 millions de personnes souffrent de précarité énergétique, 30 % des ménages déclarent souffrir du froid dans leur habitation, 1 million de coupures énergétiques sont réalisées chaque année pour factures impayées et les logements représentent près de 30 % de la consommation d’énergie ainsi que 10 % des émissions de gaz à effet de serre.
Ces quelques chiffres démontrent que la crise écologique et la crise sociale ne peuvent être dissociées. Le combat contre l’une ne sera pas gagné si nous ne menons pas le combat contre l’autre. La France compte près de 5 millions de passoires thermiques. Il s’agit là d’un fardeau social et écologique mais aussi d’un enjeu de santé publique car vivre dans un logement mal chauffé peut avoir des conséquences sanitaires. Il s’agit également d’un enjeu de souveraineté puisque nous importons une large part de l’énergie primaire nécessaire au chauffage de nos logements. Enfin, il s’agit d’un enjeu et d’une opportunité économiques pour les entreprises du bâtiment, aujourd’hui confrontées à un ralentissement historique de leur activité.
Bien qu’insuffisante, la loi « climat et résilience », avec son calendrier d’interdiction de mise en location des logements énergivores, est nécessaire tant pour sortir les foyers les plus fragiles de la précarité énergétique que pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de la France. Les acteurs du secteur du logement attestent toutefois de difficultés, d’imprécisions et de manquements relatifs à l’application de ce calendrier dans les copropriétés. En corrigeant cette loi, le texte que nous examinons la renforce et conforte le cadre de sa mise en œuvre.
Il précise la réduction de loyer dont peut bénéficier le locataire d’un logement ne respectant pas les critères de performance énergétique requis. Par ailleurs, il permettra à un propriétaire de continuer à louer son logement si la non-atteinte de ces critères est indépendante de sa volonté, par exemple si des travaux votés par la copropriété n’ont pas encore été réalisés. Les députés socialistes soutiendront l’idée selon laquelle le délai accordé pour réaliser les travaux doit être limité. Un propriétaire pourra aussi continuer à louer son logement si la copropriété refuse les travaux nécessaires à l’atteinte des niveaux de performance requis à condition qu’il ait réalisé les aménagements possibles sur son périmètre. Enfin, un propriétaire pourra poursuivre la mise en location si le locataire refuse de le laisser réaliser les travaux nécessaires. Il s’agit de mesures de bon sens qui viendront limiter les risques de litiges.
Le texte permet ainsi de réaffirmer le cadre de la rénovation des logements tout en apportant les souplesses, aménagements et précisions juridiques qui permettront la mise en œuvre effective de la législation en copropriété. En ce sens, les mesures qui nous sont proposées concourent à l’atteinte de nos objectifs en matière de sobriété énergétique et de transition écologique. Le groupe Socialistes et apparentés, qui souligne la qualité du travail de MM. les rapporteurs Echaniz et Marchive, votera en faveur de la proposition de loi.
Alors qu’il y a urgence à agir contre le dérèglement climatique, l’heure n’est pas au report du calendrier de la rénovation thermique des logements. Le décider enverrait aux propriétaires un mauvais signal, susceptible de les encourager à différer les travaux de rénovation thermique. Mon groupe s’opposera donc aux amendements visant à reporter l’entrée en vigueur des dispositions de la loi « climat et résilience ». (Mme Dieynaba Diop et M. Jean-Claude Raux applaudissent.)
Au contraire, le cadre de sa mise en œuvre doit être renforcé, tout comme le contrôle et la responsabilisation des plateformes numériques qui publient des annonces de locations ne respectant pas les critères de performance requis par la loi.
Bien qu’utile, le cadre juridique donné par la loi « climat et résilience » ne suffira pas pour répondre à l’enjeu crucial de la rénovation des bâtiments. Il doit être accompagné d’une volonté politique et d’un soutien massif à l’investissement dans l’isolation de tous les bâtiments. C’est un chantier dont notre assemblée devra se saisir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jérôme Nury.
M. Jérôme Nury
Nombre d’aspects de la loi « climat et résilience » ont des conséquences violentes pour nos territoires – je pense particulièrement au délirant objectif de zéro artificialisation nette (ZAN). Ainsi, depuis le 1er janvier, cette loi inique rajoute une couche au délire législatif en interdisant à la location les logements classés G.
Alors que chacun sait que les critères des DPE sont totalement incohérents et dépourvus de bon sens…
M. Pierre Pribetich
Mais non !
M. Jérôme Nury
…et que le nombre de logements en France est insuffisant au regard des besoins, nous allons assister à une réduction massive du parc d’habitations.
La proposition de loi présente quelques avancées qui témoignent d’une reconnaissance timide de certaines contraintes freinant les rénovations de logements en location situés dans des copropriétés.
Notre groupe vous alerte de longue date sur ce sujet. Au sein des copropriétés, les décisions de rénovation dépendent notamment des assemblées générales, ce qui peut entraver les efforts individuels des propriétaires pour se conformer aux normes de décence énergétique.
M. Pierre Pribetich
Il faut un peu d’allant !
M. Jérôme Nury
Si l’examen en commission a permis de faire évoluer positivement le texte, notre groupe souhaite aller plus loin en défendant la mise en place d’un plan de travaux sur dix ans qui donnerait plus de souplesse pour leur réalisation dans certaines copropriétés complexes et qui, en conséquence, faciliterait une rénovation globale du bâtiment, en lieu et place d’une rénovation au fil de l’eau.
Par ailleurs, si l’examen en commission a amélioré le dispositif initial, il n’a pas permis de prévoir un délai suffisant pour que les propriétaires puissent effectuer les travaux.
Ensuite, bien que le texte cible 250 000 logements classés G inclus dans des copropriétés, nous estimons que les progrès réalisés en commission sont insuffisants face aux réalités du marché locatif. La loi de finances pour 2024 n’a pas permis de rénover toutes les passoires thermiques et il faudra plusieurs années pour traiter tous les logements classés G, interdits à la location depuis janvier. Au total, plus de 750 000 logements pourraient sortir du marché locatif, ce qui aggraverait la crise du logement_.
Par ailleurs, pour certains propriétaires, la hausse des taux d’intérêt ainsi que les pénuries de matériaux et de main-d’œuvre compliquent davantage encore les travaux de rénovation.
Face à ces difficultés et afin de prendre en compte les contraintes qui pèsent sur les propriétaires, nous présentons deux mesures essentielles à nos yeux. En premier lieu, nous proposons de remplacer la notion de contrat de maîtrise d’œuvre par celle de contrat ayant pour objet la réalisation de travaux de rénovation. Plus souple, cette notion officialise la mission de travaux et supprime l’exigence de réalisation d’un audit énergétique. En second lieu, nous proposons de suspendre le classement énergétique des monopropriétés divisées en plusieurs logements dès la signature par le propriétaire d’un contrat ayant pour objet la réalisation de travaux de rénovation.
Enfin, je déplore que ce texte ne résolve pas toutes les incertitudes juridiques. Qu’allons-nous faire des logements situés dans des copropriétés classés G, et donc interdits à la location depuis janvier ? Comment s’assurer que les mesures que nous adopterions aujourd’hui s’appliqueraient de manière rétroactive aux baux conclus entre le 1er janvier 2025 et la date de promulgation de la présente loi ?
Malgré ces difficultés et ces manques, malgré l’approche punitive du logement dont témoigne ce texte, mais parce qu’il essaye de corriger quelque peu une des innombrables erreurs de la loi « climat et résilience », notre groupe devrait en principe voter en sa faveur, tout en veillant à ce que les débats permettent d’intégrer les propositions de bon sens que nous défendons. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – M. Joël Bruneau applaudit également.)
Mme la présidente
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Mme la présidente
J’’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi
Article 1er
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Falcon.
M. Frédéric Falcon
Si nous ne sommes pas opposés à l’idée de rendre les logements mieux isolés, moins coûteux en énergie et plus vertueux pour l’environnement, nous rejetons fermement cette intrusion bureaucratique aveugle (Exclamations sur les bancs du groupe SOC), ce diktat technocratique qui impose des règles uniformes à tous, sans tenir compte des réalités locales, sociales ou économiques.
M. Pierre Pribetich
C’est pour lutter contre la précarité énergétique !
M. Frédéric Falcon
Ces normes, quoiqu’habillées du noble manteau de l’écologie, sont une menace pour la propriété privée. Les propriétaires, déjà accablés par les taxes et par les réglementations, se voient désormais sommés de rénover, d’isoler et de moderniser, souvent à des coûts exorbitants et suivant les critères d’un DPE qui a prouvé son manque de fiabilité.
Qui paiera pour ces rénovations ? Ce ne sont pas les législateurs, ce sont les familles, les retraités, les petits propriétaires, qui peinent déjà à joindre les deux bouts et qui sont essorés après huit années de macronisme. Est-ce là votre vision de la justice sociale : un système qui force certains à vendre leur patrimoine à bas prix parce qu’ils n’ont pas les moyens de se conformer à vos normes ; un système qui, sous prétexte de vertu environnementale, détruit des logements abordables pour y substituer des bâtiments aux loyers inabordables ?
Nous croyons à la responsabilité individuelle, à la créativité des citoyens et en leur capacité à faire ce qui est juste, sans que l’État vienne leur dire comment vivre. C’est pourquoi nous disons : « Laissez les propriétaires décider ».
Le gouvernement brandit cette proposition de loi comme une marque de flexibilité, alors qu’il refuse obstinément de revoir le calendrier des normes DPE, pourtant responsable de l’effondrement de l’offre locative – pour mémoire, les offres de locations ont chuté depuis 2024 de 50 % en France, et de 75 % rien qu’à Paris.
La France a toujours été un pays de liberté et de créativité. Refusons les normes qui étouffent les initiatives et faisons confiance aux Français. C’est ainsi que nous bâtirons un avenir solide et juste : non par la contrainte, mais par la liberté. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur les amendements nos 29 et 33, par le groupe Socialistes et apparentés ; sur les amendements identiques nos 25 et 28, par les groupes Rassemblement national, Socialistes et apparentés et Horizons & indépendants.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jérôme Nury, pour soutenir l’amendement no 29.
M. Jérôme Nury
Nous souhaitons supprimer l’alinéa 2 afin de laisser au gouvernement la possibilité de réviser par décret le calendrier de la mise en œuvre de la décence énergétique.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bastien Marchive, rapporteur
Nous avons déjà eu ce débat en commission. L’amendement pose un problème de coordination juridique : vous proposez de déterminer par décret le calendrier de rénovation énergétique alors même que ce dernier est, en l’état, déjà fixé par la loi. Quand bien même le gouvernement fixerait par décret un autre calendrier, cette disposition serait inopérante.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
Même avis, pour les mêmes raisons.
Le texte législatif s’imposant au pouvoir réglementaire, les marges de manœuvre du gouvernement pour adapter le calendrier d’application de la décence énergétique apparaissent particulièrement réduites. Prévoir un décret supplémentaire n’aurait pas beaucoup de sens.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 29.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 84
Nombre de suffrages exprimés 84
Majorité absolue 43
Pour l’adoption 34
Contre 50
(L’amendement no 29 n’est pas adopté.)
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Frédérique Meunier, pour soutenir l’amendement no 33.
Mme Frédérique Meunier
Il vise à reporter au 1er janvier 2028 l’interdiction de la mise en location des logements qualifiés de passoires thermiques, initialement prévue à partir de 2025, pour les raisons évoquées précédemment, à savoir la situation de l’artisanat et des personnes susceptibles de réaliser les rénovations. Il convient de leur donner plus de temps.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bastien Marchive, rapporteur
Nous avons eu de longs débats en commission sur le sujet, car c’était un des points les plus marquants sur le plan politique.
La question est de savoir quelles sont nos ambitions environnementales. L’enjeu est de les concilier avec les impératifs sociaux et économiques que j’ai évoqués tout à l’heure. Certes, ce n’est pas facile, et cela suppose de revoir les modalités d’application de la loi que nous avions adoptée. En l’état, nous l’avons reconnu, cette application soulève des difficultés, et ce sont ces difficultés que nous avons pour objectif de rectifier grâce à la proposition de loi.
Je ne pense pas que la solution soit de revoir le calendrier. Cela reviendrait à se donner rendez-vous dans trois ans pour faire exactement la même chose. On ne peut pas traiter la question de la transition énergétique en reportant systématiquement les objectifs environnementaux. La neutralité carbone à l’horizon 2050 est, je crois, un objectif que nous partageons tous ; si l’on ne fait que repousser les choses, on n’y arrivera jamais.
D’autre part, ne venons pas casser la dynamique de la filière. Nombre d’entreprises ont investi, recruté ; la filière commence à se structurer pour répondre à une demande qui est de plus en plus importante, grâce en particulier aux aides de l’État et des collectivités, comme MaPrimeRénov’, dont on parle beaucoup, ou d’autres plus anciennes, telles que les Opah, les opérations programmées d’amélioration de l’habitat, ou les dispositifs fiscaux conçus pour soutenir la rénovation, en particulier dans les centres anciens, avec le dispositif Malraux. Les propriétaires ne sont pas seuls pour réaliser ces travaux.
N’oublions pas non plus qu’ils auront eu au minimum sept ans, pour un logement de classe G, afin de se conformer aux obligations, en recourant si besoin à ces aides, à partir du moment où ils ont été informés – sachant de surcroît que les travaux devront avoir été réalisés à la fin du bail en cours, la disposition ne s’appliquant pas, je le répète, à ce dernier. En outre, il est précisé dans la proposition de loi que lorsque les travaux de mise en conformité sont engagés, l’obligation de décence énergétique est réputée satisfaite. Nous pensons donc qu’on leur laisse un temps suffisant ne serait-ce que pour lancer le chantier.
Je crois que nous sommes dans cet hémicycle tous ou presque d’accord sur plusieurs points : il faut prendre en considération certains aspects sociaux – nous en avons parlé – et économiques, notamment la nécessité de ne pas retarder la structuration de la filière, et disposer d’un calendrier qui fixe un cap et donne de la visibilité aux investisseurs et aux propriétaires. Tout cela est prévu dans le texte. Reporter la mise en œuvre des dispositions ne réglera rien, cela ne fera que brouiller le message envoyé aux propriétaires et aux locataires, qui se retrouveront en définitive fragilisés dans le cadre du cap environnemental fixé.
Pour toutes ces raisons, je demande, comme en commission, le retrait de l’amendement ; à défaut, mon avis serait défavorable.
Je me suis permis d’être un peu long sur le sujet, vu que plusieurs amendements vont dans le même sens. J’émettrai un avis défavorable sur l’ensemble d’entre eux.
M. Pierre Pribetich
Très bien !
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
Je prendrai moi aussi un peu de temps pour répondre à l’ensemble des amendements qui tendent au report du calendrier. Ce report n’est pas souhaitable, au nom de la crédibilité de l’action publique et pour protéger les locataires de la précarité énergétique.
C’est d’abord une question de justice sociale : ce sont les personnes les plus vulnérables qui vivent dans les logements énergivores, des passoires financées souvent sur le dos des locataires, par l’intermédiaire de leur facture d’énergie : dans une passoire thermique, on peut vite payer cent euros de plus par mois, parfois plusieurs milliers d’euros par an.
Ce serait ensuite envoyer un très mauvais signal, notamment par rapport aux engagements internationaux de la France en matière climatique. Nous devons atteindre la neutralité carbone dans nos bâtiments d’ici à 2050. Nous n’avons pas de temps à perdre.
Continuer à autoriser la location des passoires thermiques reviendrait aussi à mettre un coup d’arrêt aux chantiers et à l’activité des entreprises qui profitent de cet élan – votre rapporteur, Bastien Marchive, l’a souligné. Ce serait une erreur sur le plan tant social qu’économique.
Enfin, cela conduirait à la multiplication des chèques énergie versés par l’État.
Nombre de dérogations et d’assouplissements ont d’ores et déjà été accordés, notamment pour les petites surfaces. La proposition de loi, équilibrée, vise à prévoir des adaptations pour les cas problématiques. Cette initiative, préparée en concertation avec les différents acteurs, va dans le bon sens. C’est pourquoi je demande le retrait des amendements visant à reporter le calendrier ; à défaut, l’avis du gouvernement serait défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Karim Benbrahim.
M. Karim Benbrahim
Il ne serait pas raisonnable de reporter le calendrier.
Je rappellerai quelques chiffres : 12 millions de personnes souffrent de précarité énergétique ; 30 % des ménages déclarent souffrir du froid dans leur logement. On voit qu’il est urgent, du point de vue social, de rénover nos bâtiments.
Si l’on décale le calendrier, ce ne sera pas uniquement pour donner un second souffle aux propriétaires qui n’auraient pas suffisamment anticipé – le calendrier est connu depuis bien longtemps ; ce sera en réalité pour permettre à certains propriétaires de reporter leur investissement. On entretiendra ainsi la précarité dans laquelle vivent un trop grand nombre de nos concitoyens.
En outre, on sait l’urgence qu’il y a à agir contre le réchauffement climatique.
Pour toutes ces raisons, le groupe Socialistes et apparentés votera contre l’amendement no 33, puis contre les amendements identiques nos 25 et 28. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Je voudrais souligner, dans ces amendements et dans ces prises de parole, l’immense hypocrisie de l’extrême droite et de la droite.
Le collègue du Rassemblement national commence son intervention en disant que son groupe n’est pas contre le fait d’avoir des logements décents et rénovés mais qu’il est contre le DPE – thermomètre qui nous permet de savoir si la rénovation thermique a bien été effectuée ou non – et contre toutes les normes, lois ou règlements qui peuvent nous permettre d’avancer dans cette direction. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Nous sommes parlementaires ; nous votons la loi ; nous devrions croire un minimum en elle et en son effectivité – vous aussi, monsieur. À chaque fois que nous proposons une hausse de budget de MaPrimeRénov’, pour permettre aux petits propriétaires et aux Françaises et aux Français de financer sans reste à charge des rénovations, vous êtes contre. (Mêmes mouvements.)
M. Emeric Salmon
C’est faux !
M. Michel Guiniot
Nous avons voté pour. Ne mentez pas !
Mme Claire Lejeune
L’hypocrisie, ça suffit ! Vous n’êtes que mépris envers les Français qui souffrent de la précarité énergétique, envers les Français qui vont être les victimes du dérèglement climatique.
De même, la droite a voté systématiquement contre les mesures visant à augmenter le budget de MaPrimeRénov’. Il est assez hypocrite de demander à décaler le calendrier alors que vous n’avez pas voulu fournir les moyens nécessaires pour le respecter.
J’appelle à rejeter en bloc tous ces amendements. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Falcon.
M. Frédéric Falcon
Nous étions favorables à une suppression pure et simple de ces contraintes mais, à défaut, nous nous réjouissons qu’une partie de l’hémicycle soit gagnée par le principe de réalité et propose de réviser le calendrier – on ne peut faire autrement.
M. Raphaël Arnault
Il faut que les bourgeois respectent la loi.
M. Frédéric Falcon
Quel pays au monde retire des logements du marché alors qu’il en manque ? Seule la France en retire des centaines de milliers du marché locatif malgré la pénurie, l’absence de nouvelles constructions et la pression supplémentaire qu’exercent les flux migratoires entrant dans nombre de grandes villes. (Protestations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Faute de supprimer ces contraintes, il n’y a pas d’autre solution à nos yeux que de revoir le calendrier. Vous y serez contraints, le principe de réalité s’imposant à vous. Ce qui se passe depuis le 1er janvier 2025 augure d’un carnage : à Paris, 15 % des logements ne sont plus louables parce qu’ils sont jugés indécents du fait de l’application stricte de la loi « climat et résilience ». (Mêmes mouvements.)
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Une majorité de propriétaires font les travaux, arrêtez !
M. Frédéric Falcon
Il faudra supprimer une loi qui a déjà fait trop de dégâts : zones à faibles émissions (ZFE), ZAN, DPE. C’en est trop de cette loi « climat et résilience », qui nuit à notre compétitivité et pose tant de problèmes aux Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Julie Laernoes.
Mme Julie Laernoes
L’interdiction progressive des passoires énergétiques et thermiques est la seule mesure de décarbonation proprement dite directement issue de la Convention citoyenne pour le climat et inscrite dans la loi « climat et résilience » à ce titre. Grâce à cette interdiction, nous parvenons enfin à toucher les propriétaires bailleurs, que les différents dispositifs existants laissaient insensibles. Force est donc de constater l’efficacité d’une loi, tout juste entrée en vigueur. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
Les climatosceptiques et autres climatonégationnistes…
M. Kévin Mauvieux
N’importe quoi !
Mme Julie Laernoes
…n’ont que faire des occupants de passoires énergétiques, de leurs souffrances, de leur santé ou des factures qu’ils n’arrivent plus à régler. Ils se rangent du côté des 3,5 % de propriétaires qui possèdent plus de la moitié du parc de logements – nous ne parlons pas des petits propriétaires qui ne pourraient s’acquitter des charges imputées sur leurs loyers. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)
Si ténue soit-elle, cette mesure de la loi « climat et résilience » reste fondamentale pour réduire l’émission de gaz à effet de serre. Il s’agit de ne pas repousser les échéances quand elles arrivent. Rejetons avec force ces amendements honteux, contraires à la préservation du climat, aux mesures sociales et au bon sens, tout simplement. La crise climatique est là, ouvrez les yeux et réveillez-vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Ian Boucard.
M. Ian Boucard
Je regrette que les uns et les autres se jettent des anathèmes au cours d’un débat si intéressant et lourd de conséquences pour le quotidien de nos concitoyens, ceux qui vivent dans des passoires thermiques d’abord, mais aussi ceux qui se retrouveront sans logement puisqu’il y en aura moins de disponibles sur le marché.
Vous avez raison d’affirmer, madame la ministre, qu’il faut lutter contre les passoires thermiques, que ceux qui y vivent sont les plus précaires, qu’ils ont froid et que l’explosion de leur consommation d’énergie grève leur pouvoir d’achat. Vous avez raison : le DPE est un outil intéressant. Mais c’est un outil qui fonctionne mal.
Mme Dominique Voynet
On ne le laisse pas fonctionner !
M. Ian Boucard
Tout le monde en convient, non pas seulement la droite et l’extrême droite, comme vous le prétendez : le Conseil d’analyse économique a publié une étude qui montre un décalage entre les résultats issus du DPE et la consommation énergétique réelle des logements ; et l’UFC-Que choisir a publié une analyse intitulée « Diagnostics de performance énergétique. Du grand n’importe quoi, encore et toujours » – vous ne pouvez pas qualifier cette association d’officine de la droite. Reconnaissez qu’il existe un décalage problématique : en fonction des organismes certificateurs, les étiquettes énergétiques ne sont pas les mêmes. Nous disposons en effet d’un outil très intéressant, mais qui fonctionne mal. Il faut donc nous poser la question de son encadrement.
Mme Dominique Voynet
Vous appelez à améliorer le DPE ?
M. Ian Boucard
N’oublions pas, en outre, qu’au moment où le législateur arrêtait un calendrier dans le cadre de la loi « climat et résilience », ni la guerre en Ukraine ni la crise du covid n’avaient commencé, sans parler de la motion de censure que vous avez adoptée avec vos amis d’extrême droite,…
Mme Marie-Charlotte Garin
Ce sont eux qui ne vous sanctionnent pas !
M. Emeric Salmon
Ian Boucard élu avec les voix de l’extrême gauche !
M. Ian Boucard
…empêchant le gouvernement d’augmenter les fonds alloués à MaPrimeRénov’ pour réaliser les travaux nécessaires dans les logements. Ces impondérables ont bien eu lieu. L’amendement proposé par notre collègue Thibault Bazin vise à décaler le calendrier en conséquence ; c’est le moins que nous puissions faire puisque 15 % des logements risquent de sortir du parc locatif, alors que nous manquons déjà de logements dans le pays et que le budget ne facilite pas la construction. Par ailleurs, nous sommes prêts à travailler avec le gouvernement afin d’accélérer les rénovations.
Mme la présidente
La parole est à M. Henri Alfandari.
M. Henri Alfandari
J’interviens dès à présent, puisque nous avons une sorte de discussion commune.
Monsieur le rapporteur, nous avons effectivement eu ce débat en commission, mais nos analyses divergent. Pour notre part, nous considérons, comme le rapport sénatorial, que la mesure conduirait à exclure 18 % des logements du parc, ce qui est d’une grande importance. Quant au calendrier, l’ensemble des organisations professionnelles – vous les avez mentionnées – et des artisans le disent : ils ne sont pas capables de réaliser ce volume de travaux dans les délais que prévoit le texte. Les fonds sont disponibles ; s’il s’agissait seulement de cela, nous aurions accéléré conformément aux objectifs fixés. Par ailleurs, à concentrer les travaux à faire dans des délais excessivement courts, vous créez un effet inflationniste, renchérissant leurs coûts. S’il est nécessaire de ne renoncer à aucun objectif, il convient de laisser un peu plus de temps pour s’y conformer.
L’amendement no 25, qui n’est pas identique à celui-ci, vise à substituer à l’interdiction de louer l’obligation de diminuer les loyers à due proportion du surcoût induit par la précarité énergétique. Je souligne la différence avec ce que vous proposez : vous souhaitez interdire de relouer ; nous affirmons qu’il faut pouvoir le faire, afin d’éviter que trop de logements ne sortent du parc. Ce dernier point est essentiel.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bastien Marchive, rapporteur
Il importe de préciser une chose : on entend souvent que nos décisions de législateurs feraient sortir des logements du parc locatif ; cela est faux, éviter de telles sorties constitue même l’une des raisons ayant conduit au dépôt de cette proposition de loi et à son présent examen. Aucune disposition de la loi actuelle, ni à plus forte raison du texte que nous vous proposons, n’interdit de louer les logements dont le classement indique qu’ils ne sont pas conformes à ce qui est prévu. Rien ne dit cela ! J’invite ceux qui le pensent à relire le texte.
Celui-ci prévoit que si un locataire occupe un bien dont le classement indique qu’il ne respecte pas l’obligation de décence énergétique, il peut solliciter de son propriétaire qu’il réalise des travaux de mise en conformité et qu’il lui accorde une réduction de son loyer à due concurrence du préjudice énergétique qu’il subit. Si le propriétaire n’en est pas d’accord, le locataire peut adresser sa demande au juge, qui fera injonction au propriétaire de réaliser les travaux et de diminuer le loyer du montant dudit préjudice. Telle est la réalité du droit.
J’entends ceux qui craignent une sortie massive du parc.
M. Christophe Barthès
C’est la réalité !
M. Bastien Marchive, rapporteur
Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, le risque de surinterprétation existe. Notre texte a justement pour objectif de clarifier ce point en précisant que cela ne s’applique pas aux baux en cours mais uniquement aux contrats tacitement reconduits ou nouvellement signés et que l’obligation de décence sera considérée comme satisfaite pour peu que le propriétaire ait fait tout ce qu’il pouvait pour réaliser les travaux, même s’ils ne peuvent aboutir sans qu’il y ait de sa faute ou que sa diligence soit en cause. Le texte encadre également les cas dans lesquels le locataire peut se prévaloir auprès du propriétaire d’un manquement de sa part.
Par ailleurs, si vous croyez qu’existe un scénario dans lequel, à la fin de cette journée, une version de ce texte prévoyant un report est adoptée, vous vous trompez : il n’y en aura pas, une telle version ne verra pas le jour car mon corapporteur et moi-même retirerions le texte, si les amendements à cet effet venaient à être adoptés. Je vous le dis clairement. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
J’imagine que c’est ce que veulent certains d’entre vous. Cela prolongerait toutefois la situation actuelle, dans laquelle les propriétaires de logements classés G ne savent pas exactement quel est le droit applicable. Par la faute de ceux qui auront maintenu ces amendements et de ceux qui les auront votés, ils resteront donc plongés dans une situation complexe, obscure et lourde d’insécurité juridique. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Christophe Bentz
On est encore libre de voter !
M. Bastien Marchive, rapporteur
Vous assumerez ce vote ; vous leur expliquerez pourquoi on ne leur permet pas de continuer à louer leur bien quand c’est l’assemblée générale de copropriété qui a refusé d’engager les travaux,… (Vives exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Mme Julie Lechanteux
Nous expliquerons surtout votre incompétence !
Mme la présidente
S’il vous plaît ! Nous allons bientôt procéder à la mise aux voix, soyez bref.
M. Bastien Marchive, rapporteur
…alors que nous voulons le leur permettre ; vous leur expliquerez pourquoi ils sont à la merci du refus de l’administration ou de la première contrainte technique ; vous leur expliquerez aussi pourquoi ils sont exposés à un recours de la part des locataires, même dans le cas où ces derniers s’opposent à la réalisation des travaux. J’invite donc ceux qui sont raisonnables et dont je sais qu’ils partagent nombre d’objectifs du texte à retirer ces amendements ou à ne pas les voter s’ils sont maintenus. (Protestations continues.)
M. Michel Guiniot
Alors être raisonnable, c’est ne voter que ce que vous voulez ?
M. Bastien Marchive, rapporteur
Oui. En tout cas, ne pas voter ces amendements !
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
Voici quelques chiffres pour compléter les propos de M. Marchive. Je rappelle qu’entre 2023 et 2024, on a recensé 500 000 passoires de moins, classées F et G, et que, sur les 37 millions de logements, environ 600 000 logements loués sont classés G : nous sommes donc loin des 18 % évoqués. Vu la masse de passoires thermiques rénovées entre 2023 et 2024 et le nombre de celles qui restent à requalifier, l’objectif ne semble pas inatteignable. Il faut que nous progressions, que nous restions mobilisés, mais avec les souplesses introduites par cette initiative parlementaire, on voit que c’est possible.
Il faut aussi balayer devant sa porte : que faisons-nous au quotidien, avec l’Agence nationale de l’habitat et tous les acteurs, si ce n’est d’essayer d’améliorer la formation, de renforcer les contrôles, dont nous avons triplé le nombre avec les organismes certificateurs.
M. Frédéric Falcon
Assez de bureaucratie !
Mme Valérie Létard, ministre
On peut toujours faire mieux, mais les résultats que je viens d’évoquer montrent que nous progressons, bien que nous ayons le devoir d’améliorer encore les choses.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 33.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 133
Nombre de suffrages exprimés 125
Majorité absolue 63
Pour l’adoption 48
Contre 77
(L’amendement no 33 n’est pas adopté.)
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Henri Alfandari, pour soutenir l’amendement no 25.
M. Henri Alfandari
Ce que vous venez de faire est très habile, madame la ministre : quand nous disions 18 %, nous rapportions le nombre de logements classés G à celui des logements loués et non au nombre total de logements. Or c’est ce dernier chiffre que vous venez d’indiquer. Du reste, le rapport sénatorial est assez exact à ce sujet.
Pour ma part, j’en reviens à la question suivante : y a-t-il une crise du logement, de la production de logements et des parcours résidentiels ou n’y en a-t-il pas ? Si on répond par l’affirmative, notre première préoccupation doit être d’éviter de faire sortir des logements du parc.
En outre, sans renoncer à nos objectifs climatiques ni remettre en cause le DPE, il convient d’envoyer un bon signal à ceux qui ont réalisé les travaux et d’inciter ceux qui ne les ont pas faits à agir. C’est pourquoi nous préférons substituer une baisse de loyer à l’interdiction de louer. Monsieur le rapporteur, le mécanisme que vous avez rappelé concerne les logements occupés mais, une fois partie la personne qui l’occupait, ce mécanisme cesse de s’appliquer au profit d’une interdiction de relouer le bien. Outre la diminution de loyer, vous prévoyez que celui qui occupe le logement puisse demander à son propriétaire de réaliser les travaux, mais où ce locataire résidera-t-il pendant les travaux ?
Revenons à un principe de réalité : nous n’avons pas les moyens humains et matériels de faire les travaux dans un temps aussi court, il faut en décaler le calendrier ; cela évitera également un effet inflationniste sur leurs coûts. Il convient donc de substituer à l’interdiction une diminution des loyers. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – M. Ian Boucard applaudit également.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bastien Marchive, rapporteur
Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
Comme M. le député me reprenait sur les chiffres, je serai très précise. Effectivement, les 37 millions correspondent à l’ensemble du parc. Reste que les 600 000 logements classés G peuvent être rapportés aux 10 millions de logements privés loués ou aux 17 millions de logements loués, sociaux et privés. Voilà les chiffres, monsieur le député, pour être exacte dans mes propos. Même avis.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 25.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 133
Nombre de suffrages exprimés 133
Majorité absolue 67
Pour l’adoption 56
Contre 77
(L’amendement no 25 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jérôme Nury, pour soutenir l’amendement no 32.
M. Jérôme Nury
Nous proposons qu’un logement situé dans une copropriété ayant adopté un plan pluriannuel de travaux (PPT) ne soit plus considéré comme indécent, et donc que l’interdiction de location pesant sur lui soit suspendue pendant la durée des travaux.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bastien Marchive, rapporteur
Nous voulons tous que le plan pluriannuel de travaux devienne un dispositif beaucoup plus structurant qu’il ne l’est aujourd’hui pour les copropriétés. En ce sens, votre logique est la bonne et dans la version initiale du texte, nous avions d’ailleurs introduit – dans un article 2 – une mesure visant à mieux articuler le PPT avec les objectifs de rénovation énergétique.
Il y a cependant une difficulté qui explique que nous soyons revenus sur cette proposition, à la suite de mises en garde exprimées par nombre des acteurs que nous avons rencontrés, en particulier les syndics de copropriété qui, vous en conviendrez, sont experts en la matière. La mesure pose en effet un problème d’articulation entre la loi de 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis et celle de 1989 sur le contrat de louage d’ouvrage.
En outre, au-delà de ce problème de coordination juridique, vous proposez que le simple fait, pour une copropriété, de prévoir des travaux en adoptant un PPT, suffise à considérer comme remplie l’obligation de décence énergétique. Selon nous, ce n’est pas suffisamment engageant : à ce stade, on ne connaît pas le montant ni la teneur des travaux, et on ne sait pas s’ils permettront d’atteindre les objectifs de rénovation énergétique, puisqu’aucun audit énergétique préalable n’est mentionné.
Votre amendement pose une autre difficulté. Vous souhaitez supprimer les alinéas 3 à 8 de l’article 1er, ce qui ferait disparaître la précision selon laquelle l’obligation de décence énergétique est satisfaite quand le logement a atteint le niveau de performance exigible à la date à laquelle le contrat de location a été conclu, renouvelé ou tacitement reconduit ; c’est tout de même dommage, parce que nous avons reçu de nombreuses demandes de clarification à ce sujet.
Serait également supprimée la possibilité de considérer l’obligation de mise en conformité comme remplie quand les travaux se sont révélés impossibles – là aussi, c’est dommage, car de nombreux acteurs nous ont demandé de mieux prendre en compte la situation de ces propriétaires diligents, qui veulent rénover mais font face à des difficultés. Vous feriez enfin disparaître la mention précisant que le locataire ne peut se prévaloir d’un manquement du bailleur s’il fait obstacle aux travaux, ce qui me surprend un peu de votre part. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
Même avis, pour les mêmes raisons.
Mme la présidente
Sur les amendements nos 39, 37 et 3, je suis saisie par le groupe Écologiste et social de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
(L’amendement no 32 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jérôme Nury, pour soutenir l’amendement no 40.
M. Jérôme Nury
Il vise à prévoir explicitement que les niveaux de performance permettant d’accéder au statut de logement décent s’appliquent aux contrats de location conclus ou renouvelés à compter des dates d’entrée en vigueur des obligations de décence énergétique, et donc à l’exclusion des baux en cours et des reconductions tacites de baux.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bastien Marchive, rapporteur
Vous souhaitez revoir le champ d’application des obligations de décence énergétique. Le fait d’exclure en particulier les baux tacitement reconduits présente un risque, car il arrive qu’un même locataire reste dans son logement pendant dix, vingt voire trente ans, donc que son bail soit reconduit sur une période très longue. Dans ces cas-là, l’obligation de décence énergétique ne s’appliquerait au logement qu’une fois le locataire parti, soit des dizaines d’années plus tard.
En outre, cela reviendrait à créer une forme d’inégalité entre les différents propriétaires : un propriétaire qui aurait la « chance » qu’une même personne reste locataire pendant des décennies ne serait pas tout de suite concerné par l’obligation de rénovation énergétique ; il ne le serait qu’à la fin du contrat ! Vous conviendrez que ce n’est pas très satisfaisant, du point de vue de l’égalité devant la loi. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
Le présent amendement soulève une question délicate : doit-on légiférer sur la relation entre bailleur et locataire dès lors qu’il n’y a pas de nouveau bail signé et que la relation est paisible ? Cependant, si on ne légifère pas, une passoire thermique risque de ne pas être rénovée avant longtemps ; or il paraît normal qu’un propriétaire se soucie de la qualité de son logement. Par ailleurs, les reconductions ne peuvent pas s’accumuler indéfiniment.
Le sujet doit donc être examiné avec attention. Il est difficile de donner un avis favorable à votre proposition en l’absence d’étude d’impact, car une telle mesure ne serait pas sans conséquences. C’est pourquoi je demande, à ce stade, le retrait de votre amendement.
(L’amendement no 40 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Julie Laernoes, pour soutenir les amendements nos 39 et 37, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
Mme Julie Laernoes
Mme la ministre l’a dit, il importe de borner le dispositif dans le temps, afin que le propriétaire sache dans quels délais il devra avoir effectué les travaux. Je rappelle que l’entrée en vigueur, en 2025, de nouvelles obligations de performance énergétique en vertu de la loi « climat et résilience », n’était pas totalement inconnue aux propriétaires. Certains s’en étaient d’ailleurs émus et leur lobbying – nommons les choses – nous a valu des tentatives de recul. Je l’ai dit lors de la discussion générale : le vote du groupe Écologiste et social dépendra de ce que nous ferons pour éviter qu’il soit possible de reporter ad vitam æternam l’application de la loi. Nous parlons de climat et de résilience mais si nous ne cessons de repousser l’échéance, nous ne passerons jamais véritablement à l’action.
L’amendement no 39 vise à donner un an supplémentaire aux bailleurs physiques et trois ans supplémentaires aux bailleurs personnes morales, c’est-à-dire aux SCI – sociétés civiles immobilières – qui louent des logements, pour atteindre le niveau de performance permettant de satisfaire à l’obligation de décence énergétique.
Dans l’amendement no 37, qui est un amendement de repli, nous ne faisons plus de distinction entre les différents types de bailleurs : nous appliquons indifféremment un délai de trois ans, ce qui semble amplement suffisant. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Je comprends parfaitement votre analyse et je partage votre volonté d’avancer vite en matière de rénovation énergétique. Pour faire écho à ce qui a été dit précédemment, le fait de tenir compte des contraintes techniques subies par les propriétaires, qui sont réelles, nous permet de couper l’herbe sous le pied de ceux qui veulent le report du calendrier. Je le dis à Mme Lejeune : si j’ai accepté de travailler sur ce texte, tout en restant critique à l’égard de l’action passée et actuelle du gouvernement, notamment en ce qui concerne le manque de moyens consacrés au sujet, c’est aussi pour éviter l’offensive de l’extrême droite et d’une partie de la droite sur le calendrier. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Le texte sur lequel nous allons voter doit combler les failles juridiques et techniques de la loi « climat et résilience », afin de saper les arguments de ceux qui s’opposent à cette loi dans son ensemble et forment une sorte d’alliance antirénovation énergétique.
Pour en revenir aux amendements nos 39 et 37, il importe en effet de compléter l’alinéa 5, pour rendre le texte plus précis et pour maintenir le cap de la rénovation énergétique en incluant les baux en cours. Le flou juridique actuel pouvait introduire une exception les concernant. Plusieurs situations sont cependant déjà prises en compte dans le texte : s’agissant des baux meublés, qui sont de plus en plus nombreux – on peut le regretter –, le délai d’un an est en vigueur. Votre amendement est donc en partie satisfait, puisque la reconduction intervient annuellement.
S’agissant du bail nu, dont la durée est de trois ans, tout dépend de la date de signature du contrat : pour certains baux, la mise en conformité du DPE devra intervenir dès 2025 ; pour d’autres, il est proposé d’attendre la fin du bail avant de lancer de lourds travaux de rénovation. Les locataires pourront ainsi anticiper et préparer leur changement de logement en cas de travaux ; cela permet d’introduire une flexibilité qui s’avère nécessaire sur des marchés tendus, comme il y en a dans de nombreux territoires. Le texte introduit en outre une voie spécifique – nous en parlerons tout à l’heure – en prévoyant une réduction de loyer en cas de non-conformité aux règles énergétiques.
Je demande le retrait de l’amendement no 39 au profit de l’amendement no 37, auquel nous donnons un avis favorable. En effet, les baux longs conclus par une personne morale le sont pour une durée étendue de six ans : pour éviter le contournement de la loi et dans un souci d’égalité, nous sommes favorables à l’introduction d’un délai de trois ans.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
Comme M. le rapporteur, je partage votre préoccupation. Compte tenu de la durée moyenne des baux, je vous demande de retirer votre amendement no 39 au profit du no 37, qui précise que le niveau de performance retenu pour l’obligation de mise en conformité énergétique est celui qui est exigible au plus tard trois ans après la conclusion du bail, pour éviter qu’en cas de bail long, le bailleur soit dispensé pendant six ans de toute obligation de rénovation énergétique.
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Falcon.
M. Frédéric Falcon
Je suis heureux que nos collègues du groupe Écologiste aient déposé ces amendements, parce que j’avais envie d’évoquer les questions climatiques. Depuis les années 1990, la surface du parc immobilier a progressé de 50 % en France, mais on chauffe ce parc 50 % plus grand avec 5 % d’énergie en moins.
Vous le voyez : les Français ne vous ont pas attendus. Ils n’ont pas attendu la loi « climat et résilience » pour s’engager dans un projet global de rénovation énergétique des logements, tout simplement parce qu’ils font preuve de bon sens. Quand les prix de l’énergie augmentent, ils font des travaux à leur rythme, comme ils le souhaitent.
M. Erwan Balanant
Ça fait vingt ans qu’il y a des aides, des crédits d’impôt !
M. Frédéric Falcon
De telles contraintes nous paraissent donc absolument inacceptables : il est hors de question d’imposer un calendrier aussi contraint. Mes collègues vous ont expliqué quelles en seraient les conséquences, notamment l’inflation et la saturation du marché des artisans labellisés RGE – reconnu garant de l’environnement –, sollicités pour réaliser ces travaux.
Vous vous êtes trompée de pays, madame Laernoes : la France émet à peine 0,8 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR) et l’immobilier représente 0,1 % des émissions mondiales ! Allez aux États-Unis ou en Chine : ces deux pays sont responsables de 45 % des émissions de CO2 ! Je crois que vous vous êtes trompée de continent. (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
La parole est à M. Erwan Balanant.
M. Erwan Balanant
Je veux simplement répondre à notre collègue du Rassemblement national. Les chiffres, on les connaît : ils sont le résultat de politiques publiques menées depuis trente ou quarante ans. La prise de conscience est ancienne : s’ensuivirent des mesures visant à prendre en compte les effets du changement climatique et, avant cela, à améliorer le confort des citoyens. Une multitude de programmes ont été financés par les pouvoirs publics pour mener à bien ces rénovations thermiques : avant la loi « climat et résilience » et le lancement de France Rénov’, il existait des crédits d’impôt qui permettaient de changer une chaudière en étant largement subventionné par les pouvoirs publics !
Vous voulez faire croire qu’en ne faisant rien et en laissant la main magique du changement climatique régler la question, on y arrivera : mais non ! Nous avons besoin de politiques publiques fortes et engagées. Il suffit de vous entendre, vous et votre collègue qui est intervenu lors de la séance de questions au gouvernement, pour se rendre compte que si on vous laisse faire, le climat sera la dernière des préoccupations. C’est peut-être très bien à moyen terme, sur le plan électoral, mais à long terme, pour notre planète et pour notre pays, c’est une catastrophe.
Mme la présidente
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.
Mme Cyrielle Chatelain
Je veux à mon tour répondre aux arguments climatosceptiques de notre collègue du Rassemblement national qui, apparemment, connaît bien mal notre beau pays, la France. Certes, nous produisons moins de 1 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, mais c’est le cas de 99 % des pays du monde ! Si personne ne fait rien, nous continuerons à aller dans le mur. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC.) Les 200 pays, à peu près, dont les émissions sont, comme nous, inférieures à 1 % du total, constituent ensemble le deuxième émetteur mondial.
M. Emeric Salmon
N’importe quoi, ces chiffres !
Mme Cyrielle Chatelain
Ce qui montre aussi que vous connaissez bien mal notre pays, c’est qu’il y a de nombreux produits que nous ne produisons plus en France et qui sont donc importés par exemple de Chine, du Brésil ou du Maghreb. Les émissions chinoises sont aussi imputables à la consommation des Français ! Nous polluons ailleurs, mais c’est bien notre empreinte carbone qui est en cause (Mêmes mouvements), et l’empreinte carbone des Français est bien évidemment supérieure à ce que vous dites.
Il ne vous est plus possible de dire aux gens que le réchauffement climatique n’existe pas ; vous êtes donc arrivés au deuxième stade du climatoscepticisme : « Surtout, ne vous inquiétez pas, ne faites rien ! »
Autrement dit, vous êtes en train de démobiliser…
M. Erwan Balanant
Exactement !
Mme Cyrielle Chatelain
…dans la lutte contre le réchauffement climatique, lequel affecte pourtant fortement nos concitoyens, avec les inondations à Rennes, à Givors – dans le Rhône – ou dans le Nord, et avec les vagues de chaleur dont nous souffrons chaque été. Si l’on vous écoute, il fera, demain, quatre degrés de plus en France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. François Jolivet.
M. François Jolivet
Messieurs les rapporteurs, le délai prévu par l’amendement no 37 a-t-il vocation à s’appliquer aux organismes HLM ?
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
J’appuie la réponse apportée par ma collègue du groupe Écologiste et social aux collègues du groupe Rassemblement national, et m’adresse à mon tour à eux. Une fois de plus, vous nous donnez la preuve que vous n’avez cure des 12 millions de Françaises et de Français en situation de précarité énergétique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
En réalité, les personnes qui vivent dans un logement indécent ou une passoire thermique ne sont pas toujours en mesure de financer des travaux de rénovation énergétique, dès lors que, dans notre pays, le reste à charge n’est pas nul.
Quant aux locataires qui sont dans cette situation, si nous n’imposons pas aux propriétaires une contrainte de calendrier pour réaliser les rénovations, ils continueront à vivre dans une passoire thermique ou un logement indécent,…
M. Thomas Ménagé et M. Emeric Salmon
Avec vous, ils sont dehors !
Mme Claire Lejeune
…alors que cela favorise le développement de maladies respiratoires, voire de maladies psychologiques. Vous n’avez strictement rien à faire du climat, ni de la santé de nos concitoyennes et concitoyens les plus précaires, ni des classes populaires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
(L’amendement no 39 est retiré.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 37.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 130
Nombre de suffrages exprimés 130
Majorité absolue 66
Pour l’adoption 83
Contre 47
(L’amendement no 37 est adopté ; en conséquence, l’amendement no 3 tombe.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune, pour soutenir les amendements nos 21 et 23, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
Mme Claire Lejeune
L’amendement no 21 vise à supprimer l’alinéa 6, aux termes duquel une passoire thermique pourra être considérée comme un logement décent si « les travaux devant permettre l’atteinte du niveau de performance requis [se sont révélés] impossibles pour des raisons techniques attestées par un homme de l’art ou [ont] été refusés par une décision administrative ou par une décision du syndicat de copropriétaires ».
De notre point de vue, c’est la faille la plus importante que le texte introduirait dans le dispositif issu de la loi « climat et résilience ». La formulation de l’alinéa 6 nous paraît beaucoup trop large. En particulier, il nous semble très dangereux qu’une décision du syndicat des copropriétaires puisse permettre au propriétaire de se défausser de son obligation de réaliser des travaux de rénovation énergétique. Cela inciterait les propriétaires réunis en assemblée générale à voter systématiquement contre de tels travaux, chaque propriétaire pouvant ensuite s’appuyer sur les décisions de l’assemblée générale pour ne rien faire.
L’amendement no 23 tend à remplacer « raisons techniques attestées par un homme de l’art ou ayant été refusés par une décision administrative ou par une décision du syndicat des copropriétaires » par « contraintes architecturales et patrimoniales attestées par un homme de l’art ». La formulation que nous proposons nous paraît beaucoup plus précise. Surtout, elle exclurait la possibilité qu’un propriétaire puisse se prévaloir d’une décision du syndicat des copropriétaires pour se défausser de ses obligations en matière de rénovation énergétique.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur chacun de ces deux amendements ?
M. Inaki Echaniz, rapporteur
S’agissant de l’amendement no 21, madame Lejeune, j’entends vos inquiétudes, que d’autres collègues partagent légitimement. En commission, nous avons renforcé l’encadrement de la disposition prévue à l’alinéa 6 en y ajoutant la mention « attestées par un homme de l’art ». C’est une garantie, car un homme de l’art est engagé et doit respecter un code de déontologie ; il ne peut donc pas faire n’importe quoi. Nous aurons l’occasion de renforcer encore cet encadrement grâce à l’amendement no 30 de M. Taupiac, qui vise à graver dans le marbre la nécessité de « diligences constantes du propriétaire ».
Dans l’ancien ou dans les zones soumises à l’accord de l’ABF, l’atteinte de l’étiquette DPE requise peut se révéler un parcours du combattant, quand elle n’est pas quasi impossible. Il est indispensable de prendre ces cas en considération. Même s’ils sont rares, sinon anecdotiques, il ne faut pas les négliger.
En outre, en supprimant l’alinéa 6, on supprimerait aussi l’obligation pour le bailleur de faire tout ce qu’il peut malgré ces contraintes.
Vous imaginez que des copropriétaires pourraient se mettre d’accord, en assemblée générale, pour voter contre des travaux, et vous jugez cela injuste. Toutefois, dans cette hypothèse, le propriétaire devra prouver qu’il a fait tout ce qu’il pouvait, y compris à l’intérieur de son bien, pour se conformer à ses obligations. C’est seulement à cette condition qu’il pourra bénéficier de l’exception prévue à l’alinéa 6.
La visée de l’alinéa est de prendre en compte les contraintes techniques ou juridiques et de définir les travaux « impossibles », tout en imposant au propriétaire de réaliser tous les travaux possibles.
Prenons l’exemple d’un propriétaire qui doit réaliser des travaux d’isolation. S’il s’entend avec les autres copropriétaires pour que l’assemblée générale vote contre des travaux d’isolation par l’extérieur, tout en émettant lui-même un vote pour de pure façade, il devra néanmoins se conformer à ses obligations en réalisant une isolation de son propre domicile par l’intérieur, ce qui lui reviendra plus cher encore. Les efforts devront être accomplis : le propriétaire n’aura pas la possibilité de s’abriter derrière la décision de l’assemblée générale.
J’essaie de faire preuve de pédagogie à propos de cet alinéa 6. De prime abord, on peut penser qu’il permettra de petits arrangements. Or, à moyen ou long terme, les propriétaires seront forcés de réaliser les travaux, soit à l’échelle de la copropriété – ce qui est dans leur intérêt du point de vue économique –, soit individuellement.
Qui plus est, pour les cas dans lesquels le syndicat des copropriétaires a conclu un contrat de maîtrise d’œuvre, nous allons vous proposer tout à l’heure de préciser que le « délai raisonnable » pour la réalisation des travaux – notion introduite en commission grâce à un amendement de M. Peu – ne pourra excéder cinq ans.
Je demande donc le retrait de l’amendement no 21, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.
Il en va de même pour l’amendement no 23, essentiellement pour les mêmes raisons. J’ajoute que, si l’on supprime la mention de la « décision administrative » – il peut s’agir, par exemple, d’une décision de l’ABF – et celle de la « décision du syndicat des copropriétaires », ces chaînons feront défaut et la disposition perdra en lisibilité technique.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
Monsieur Jolivet, le délai prévu à l’amendement no 37 s’appliquera bel et bien aux bailleurs sociaux. Nous travaillons avec eux à ce sujet.
L’objectif visé par la présente proposition de loi, auquel le gouvernement souscrit, est de maintenir sur le marché des logements dans lesquels les propriétaires ont déjà réalisé tous les travaux possibles au vu des contraintes techniques ou administratives. L’alinéa 6 permet d’éviter les sanctions contre les propriétaires bailleurs et le recours au juge en cas de travaux impossibles ou refusés par une autorité administrative ou par la copropriété. Il s’agit d’éviter que des logements sortent du parc locatif lorsque les bailleurs ont fait leur meilleur effort, et que celui-ci est attesté, pour améliorer l’efficacité énergétique de leur bien, sans pour autant pouvoir atteindre les niveaux requis, du fait de contraintes extérieures – ce n’est donc nullement de l’inaction. Je demande donc le retrait de l’amendement no 21, sans quoi mon avis sera défavorable.
L’amendement no 23 vise à rétablir en partie une rédaction issue de la loi « climat et résilience ». Le gouvernement est ouvert à une évolution de la rédaction visant à mieux encadrer la notion de « raisons techniques » afin d’éviter qu’elle ne fasse l’objet d’interprétations juridiques trop extensives. Néanmoins, l’un des objectifs de la proposition de loi est d’éviter qu’un propriétaire de bonne foi soit empêché de mettre en location son logement parce que les travaux de la copropriété mettent du temps à être engagés, parce que la copropriété refuse de voter des travaux indispensables ou parce que le locataire s’oppose à la réalisation des travaux. Il s’agit là de décisions administratives. La notion de « décision administrative » englobe aussi les refus de travaux liés à des contraintes d’urbanisme. Je demande donc le retrait de l’amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Malgré vos arguments, monsieur le rapporteur, nous pensons toujours que la formulation de l’alinéa 6 pose un énorme problème. D’ailleurs, votre réponse conforte l’idée selon laquelle des travaux de rénovation par l’extérieur pourraient bel et bien être bloqués par des votes successifs de l’assemblée générale des copropriétaires. Or, comme nous n’avons pas connaissance des votes de chacun, il n’y a pas moyen de prouver la bonne volonté de tel ou tel propriétaire.
Par ces amendements, nous entendons cibler le verrou que pourrait constituer une décision du syndicat des copropriétaires. Tel sera aussi le cas des amendements identiques suivants, le no 4 de Mme Chatelain et mon amendement no 20.
(Les amendements nos 21 et 23, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Nous en venons à deux amendements identiques, nos 4 et 20.
Sur ces amendements, je suis saisie par le groupe Écologiste et social d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Julie Laernoes, pour soutenir l’amendement no 4.
Mme Julie Laernoes
Il vise à supprimer, à l’alinéa 6, la mention « ou pour une décision du syndicat des copropriétaires ». En effet, toutes celles et ceux qui ont travaillé sur la rénovation énergétique – ce fut mon cas pendant huit ans en tant que vice-présidente à la transition énergétique dans une collectivité territoriale – savent qu’il est particulièrement ardu d’inciter ou d’obliger les propriétaires bailleurs à réaliser une rénovation énergétique.
En interdisant la mise en location des passoires énergétiques, la loi « climat et résilience » a changé la donne dans les assemblées générales des copropriétaires : les propriétaires bailleurs, qui freinaient souvent le vote de travaux dans la copropriété, deviennent des moteurs en la matière, puisqu’ils ont une obligation légale de mettre en conformité leur logement pour pouvoir le proposer à la location.
Si nous prévoyons une exception lorsque l’assemblée générale des copropriétaires a voté contre des travaux de rénovation, les propriétaires pourront eux-mêmes s’exempter de cette obligation légale. En effet, si nous acceptons cette disposition, même modifiée par l’amendement de M. Taupiac tendant à rendre publiques les positions exprimées en assemblée générale, un propriétaire pourra faire preuve de duplicité, en votant lui-même pour les travaux tout en demandant à ses voisins de voter contre.
Pour nous, vous l’aurez compris, c’est une ligne rouge absolue : si le présent amendement n’est pas adopté, nous voterons contre la proposition de loi. (Mme Cyrielle Chatelain applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune, pour soutenir l’amendement no 20.
Mme Claire Lejeune
Il est identique à celui que vient de défendre ma collègue Julie Laernoes. De notre point de vue, la possibilité de s’abriter derrière une décision du syndicat des copropriétaires est la faille majeure de la proposition de loi. Elle représente un risque immense par rapport aux objectifs que nous nous sommes fixés grâce à la loi « climat et résilience ». Je vous incite donc très fortement, mes chers collègues, à voter pour ces deux amendements. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Dans le prolongement des échanges précédents, je comprends les inquiétudes exprimées, d’autant que j’ai eu les mêmes lorsque nous avons commencé à travailler sur la proposition de loi.
Lors des auditions, nous avons discuté longuement avec des acteurs de la rénovation et des associations engagées, comme nous, en faveur de la rénovation énergétique. Je le répète, la disposition en question n’est pas un faux nez qui permettrait à certains de s’arranger ou de tenter de frauder. Pour que l’exception soit admise, tous les travaux possibles dans les parties privatives devront avoir été effectués. La disposition vise les cas, rares au demeurant, où toutes ces actions ne suffiraient pas à atteindre l’étiquette énergétique requise et où toute amélioration supplémentaire – par exemple, le changement d’un chauffage collectif, des travaux sur la ventilation ou l’isolation – nécessiterait un accord de la copropriété. Il est difficile d’exiger du propriétaire qu’il soit tributaire d’une décision négative de la copropriété, s’il a lui-même été diligent et a fait le nécessaire.
À l’inverse, comme vous le soulignez, il est hors de question que les propriétaires se cachent derrière la décision de la copropriété sans avoir tout fait pour rénover leur bien individuel. En tout état de cause, du fait de la publicité des comptes rendus d’assemblée générale, le juge pourra apprécier leurs diligences.
En ce qui concerne les travaux impossibles à réaliser à titre individuel sans accord des copropriétaires, il nous semble important de prévoir une exception pour le bailleur de bonne foi qui a réalisé tous les travaux qu’il pouvait et qui peut apporter la preuve de sa diligence pour atteindre la conformité énergétique de son bien.
Nous avons renforcé l’alinéa 6 en ce sens en commission et il sera amélioré par l’amendement de M. David Taupiac.
J’entends votre argumentaire ; je souhaite que le texte soit voté afin de couper l’herbe sous le pied de ceux qui instrumentalisent quelques cas litigieux pour remettre en cause la loi « climat et résilience ». À titre personnel, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée sur ces amendements.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
Je comprends le sens de vos amendements qui visent à éviter les contournements du dispositif via un vote négatif de copropriétaires.
Même si ce n’était pas l’intention de la commission, la rédaction de la proposition de loi, telle qu’elle est issue de ses travaux, pourrait inciter les copropriétaires bailleurs à voter contre les travaux de rénovation. Comme vous, je pense qu’il faudrait améliorer la rédaction du texte afin d’éviter cet écueil et de s’assurer que les copropriétaires ont fait preuve de toutes les diligences possibles pour faire voter les travaux concernés.
D’autres amendements tendront à préciser la notion de diligence des bailleurs, aussi vous proposerai-je, sans ignorer votre appel, de retirer vos amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable pour les raisons évoquées.
Mme la présidente
La parole est à M. Bastien Marchive, rapporteur.
M. Bastien Marchive, rapporteur
Après l’avis de sagesse donné par mon corapporteur, je précise qu’à titre personnel, je serai défavorable à ces amendements pour les raisons évoquées par Mme la ministre et notamment parce qu’un prochain amendement de M. David Taupiac…
Mme Valérie Létard, ministre
…qui sera sous-amendé.
M. Bastien Marchive, rapporteur
…visera à garantir que seul le bailleur de bonne foi puisse invoquer le refus de l’assemblée générale de copropriété.
L’objectif de ce texte est de tenir compte des difficultés auxquelles les personnes qui s’engagent dans des projets de rénovation peuvent être confrontées. Notre but est que les biens soient rénovés.
Aiderons-nous le bailleur ou le locataire en condamnant le propriétaire victime d’un refus de son assemblée générale, à percevoir un loyer réduit alors qu’il a fait tout son possible pour rénover son bien ? Cela n’aidera ni l’environnement, ni le propriétaire bailleur qui verra ses capacités financières pour engager des travaux de rénovation largement obérées – l’amendement de M. Taupiac lui enjoignant de prouver les diligences accomplies pour le matérialiser –, ni le locataire qui demeurera dans un logement indécent sur le plan énergétique.
Si je comprends et partage la volonté de mieux encadrer les choses pour éviter les dérives, je ne crois pas que l’adoption de cet amendement, à la différence de celui de M. David Taupiac, permettrait d’atteindre l’objectif visé. Pour toutes ces raisons, avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Falcon.
M. Frédéric Falcon
Un critère important n’est jamais évoqué : celui de la solvabilité. Je ne connais aucun propriétaire qui refuse par principe de faire des travaux d’amélioration dans sa copropriété. Simplement, tous ne sont pas solvables.
M. Bastien Marchive, rapporteur
Ils sont solvables puisqu’ils sont propriétaires !
M. Frédéric Falcon
Vous me direz qu’il y a MaPrimeRénov’ mais c’est une usine à gaz qui, de surcroît, fonctionne mal puisqu’elle ne permet pas de supporter les coûts globaux des travaux requis par la loi « climat et résilience ».
J’insiste sur ce point car la période est compliquée pour nos compatriotes : nous frôlons la récession, le chômage augmente et le pouvoir d’achat s’effondre. Je ne comprends pas que le contexte soit occulté à ce point et que l’on nous renvoie sans cesse au dispositif MaPrimeRénov’ pour lequel des milliards sont stockés sur une ligne de crédit budgétaire, sans être intégralement consommés en raison de la complexité du schéma. Il faudra bien un jour se pencher sur le sujet.
Les Français souhaiteraient tous pouvoir rénover leur logement mais ils n’en ont pas toujours les capacités financières. Il nous faut l’entendre dans cet hémicycle et arrêter de penser que la France a les moyens de s’accommoder de toutes ces normes contraignantes qu’aucun autre pays ne s’impose. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Julie Laernoes.
Mme Julie Laernoes
Monsieur Falcon, le pouvoir d’achat des multipropriétaires, qui composent la majorité des propriétaires bailleurs de notre pays, s’effondre-t-il au point qu’ils ne puissent réaliser de travaux dans les passoires thermiques ? (M. Frédéric Falcon proteste.) Qu’en est-il des occupants locataires qui souffrent, tant du fait du montant des charges à payer que des soins de santé qu’ils endurent parce qu’ils habitent dans un logement dégradé ? Il faut arrêter de se moquer du monde !
Plus sérieusement, si j’ai entendu votre argumentation, madame la ministre, mon expérience d’élue locale me conduit à ne pas la partager. Le moyen le plus simple pour obtenir des résultats n’est pas d’encadrer le vote des assemblées générales de copropriété, pour savoir qui a voté quoi, mais de ne pas en tenir compte du tout.
C’est un enjeu fondamental. La réglementation thermique a porté ses fruits mais des milliers de logements ont été construits avant son entrée en vigueur et dans ces copropriétés, il est très difficile de remporter les votes en faveur de la rénovation. Si l’on n’interdit pas de louer les logements qui ne seraient pas conformes, on ne parviendra pas à convaincre, à renverser les votes et à accélérer la rénovation énergétique.
Je le répète : si l’amendement no 4 n’est pas voté, nous ne pourrons plus soutenir cette proposition de loi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. François Jolivet.
M. François Jolivet
Je voudrais rappeler aux intervenants de tous les bancs qu’au sein des assemblées générales de copropriétaires, ce ne sont pas les propriétaires bailleurs qui sont majoritaires mais les propriétaires occupants.
Je fais partie de ceux qui n’ont pas voté la loi « climat et résilience » en raison de ses dispositions relatives au DPE, à l’hydroélectricité et au ZAN. Sur au moins deux, voire sur les trois sujets, je pense que j’avais raison.
On aboutirait à ce paradoxe que la loi autoriserait le propriétaire d’un logement classé G à y vivre mais pas à le louer s’il n’a pas obtenu de l’assemblée générale, au sein de laquelle sa voix est sans doute très minoritaire, l’autorisation d’engager les travaux de rénovation nécessaires !
L’une des failles de la loi « climat et résilience » est de distinguer le propriétaire occupant du locataire occupant. Le premier peut polluer, contrairement au second qui doit imposer à son propriétaire de réaliser des travaux. Cela peut se comprendre dans une maison individuelle mais plus du tout dans un immeuble où la très large majorité des propriétaires occupent leur logement et n’ont pas toujours la possibilité de financer ces travaux : le bailleur, qu’il soit multipropriétaire ou pas, est alors condamné à perdre !
M. Stéphane Peu
Non !
M. François Jolivet
Étant donné la crise que traverse le secteur du logement, je vous laisse imaginer les conséquences d’une telle mesure. Je voterai donc contre ces amendements et j’espère avoir éclairé mes collègues du groupe Écologiste. (M. Henri Alfandari applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Je soutiens ces amendements et les réponses que vous y avez apportées ne me satisfont pas. Admettre que le refus, par une assemblée de copropriétaires, d’engager des travaux de rénovation, constitue un motif valable pour ne pas les réaliser, sera source de nombreux litiges entre propriétaires et locataires alors même qu’en période de crise du logement, le rapport de force est défavorable aux locataires. Or ce sont eux qui subissent les risques de loger dans une passoire thermique.
La preuve de la bonne foi sera, de toute manière, difficile à apporter. Comment voulez-vous retracer l’historique des votes à mains levées ? Vous allez aboutir à des situations ubuesques, en général au détriment des locataires.
Au demeurant, pour progresser significativement dans le classement du DPE, il ne faut pas se contenter de réaliser des travaux au sein du logement mais en engager à l’échelle de la copropriété. Nous devrions donc plutôt réfléchir au moyen d’encourager les propriétaires à les réaliser plutôt que de chercher à ménager des portes de sortie aux récalcitrants. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Enfin, si vous vous souciiez vraiment de la solvabilité des petits propriétaires, vous soutiendriez le zéro reste à charge que nous défendons au lieu de vous opposer aux amendements visant à augmenter les crédits de MaPrimeRénov’ pour diminuer le reste à charge ! Depuis le vote de la loi « climat et résilience », les multipropriétaires ont eu sept ans pour anticiper. Et nombre d’entre eux ont les moyens de financer une partie des travaux.
La transition écologique est un enjeu de justice sociale et de redistribution des richesses mais ce n’est pas vous, uniquement préoccupés de défendre les intérêts de la bourgeoisie et des propriétaires, qui en prendrez conscience ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 4 et 20.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 121
Nombre de suffrages exprimés 119
Majorité absolue 60
Pour l’adoption 49
Contre 70
(Les amendements identiques nos 4 et 20 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Joël Bruneau, pour soutenir l’amendement no 30, qui fait l’objet d’un sous-amendement.
M. Joël Bruneau
L’amendement de mon collègue David Taupiac a déjà été évoqué par M. le rapporteur. Il vise à permettre à un propriétaire de bonne foi qui se heurte à un vote négatif en assemblée générale de ne pas être soumis à l’obligation de réaliser immédiatement des travaux.
Compte tenu des réflexions entendues, je voudrais vous faire part d’une expérience que j’ai vécue lorsque, alors maire de Caen, je me suis attelé à la rénovation de l’habitat de l’îlot Saint-Jean, qui datait de l’après-guerre. Alors même que nous disposions de moyens importants, nous nous sommes heurtés à la difficulté de motiver les assemblées de copropriétaires composées, non de multimillionnaires mais de personnes qui avaient investi, pour assurer leurs vieux jours, dans un appartement destiné à la location et répugnaient à engager de nouveaux travaux dès lors que le locataire ne demandait rien. Il s’agissait d’une sorte de procrastination que l’on retrouve dans d’autres milieux, dans notre assemblée par exemple.
Finalement, si nous avons réussi à les convaincre, ce n’est pas en brandissant toutes sortes de prescriptions législatives ou réglementaires, mais parce que des notaires, présents dans la salle, leur avaient démontré que faute d’engager de tels travaux, leurs biens allaient perdre de la valeur. Ainsi, selon moi, les dispositifs qui auraient pour conséquence de dévaloriser les biens en question sont les plus efficaces.
Cela n’empêche pas qu’il faille s’attaquer à la difficulté de réunir une majorité en assemblée de copropriétaires comme M. Taupiac au travers de son amendement.
Mme la présidente
La parole est à M. Bastien Marchive, rapporteur, pour soutenir le sous-amendement no 52 des deux rapporteurs.
M. Bastien Marchive, rapporteur
Ce sous-amendement rédactionnel tend à préciser la formulation de l’amendement no 30 et à en élargir la portée en supprimant la mention des parties communes.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 30 ?
M. Bastien Marchive, rapporteur
Avis favorable sous réserve de l’adoption du sous-amendement.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
Je suis favorable à l’amendement no 30 sous réserve de l’adoption du sous-amendement.
Mme la présidente
Je mets aux voix le sous-amendement no 52. (Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.).
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 95
Nombre de suffrages exprimés 93
Majorité absolue 47
Pour l’adoption 50
Contre 43
(Le sous-amendement no 52 est adopté.)
(L’amendement no 30 sous-amendé est adopté.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 48, je suis saisie par le groupe Les Démocrates d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. François Jolivet, pour soutenir l’amendement no 24.
M. François Jolivet
Cet amendement du groupe Horizons & indépendants vise à libérer le propriétaire bailleur de ses obligations lorsque le logement est, malheureusement pour lui, situé dans une copropriété et que son statut ne lui permet pas d’être majoritaire.
Pour convaincre les propriétaires occupants de la nécessité d’engager des travaux, il est souhaitable que le syndic délibère favorablement en procédant à un appel de fonds. Car, vous le savez, les copropriétés disposent d’un fonds spécifique destiné à financer d’éventuels travaux – gros entretien, réparation importante, changements de composants, isolation par l’extérieur. Dès lors, la copropriété serait libérée de ses obligations.
Nous invitons donc les copropriétés à ouvrir un fonds dédié aux travaux de rénovation énergétique. Je rappelle que les propriétaires – occupants et bailleurs – déduisent ces travaux de leur base imposable. On aura donc la certitude que l’opération ira jusqu’à son terme et que les travaux seront engagés dans un délai raisonnable puisque, à défaut, les propriétaires occupants subiront un redressement fiscal.
Par ailleurs, grâce à ce dispositif, qui apaisera les relations entre les uns et les autres, les copropriétés disposeront d’un temps ô combien nécessaire. En effet, il faudra s’armer de patience avant de réaliser une étude thermique car les bureaux d’études seront extrêmement sollicités. De même, il faudra disposer du temps nécessaire pour lancer une consultation et trouver des entreprises disponibles tant la demande sera forte – tous les bras disponibles dans notre pays n’y suffiraient pas.
J’ajoute que, si cet amendement était adopté, Mme Lejeune serait satisfaite puisqu’il permettrait d’aboutir au même résultat que celui qu’elle visait au travers de l’amendement no 21, avec la certitude que les travaux seront faits.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bastien Marchive, rapporteur
Suffit-il de procéder à un appel de fonds pour s’assurer que l’objectif de décence énergétique sera atteint ? Certes, cela garantit que la copropriété a la volonté et la capacité financière de réaliser des travaux.
Cependant, la copropriété ne précise pas de quels travaux il s’agit. Vous expliquez qu’ils doivent permettre d’atteindre les objectifs de performance énergétique. Or rien ne dit qu’ils seront suffisants pour que les logements passent sous le seuil d’indécence énergétique.
C’est pourquoi la proposition de loi, telle qu’elle est rédigée actuellement, prévoit la réalisation d’un audit énergétique préalable. D’une part, celui-ci indique quels types de travaux doivent être effectués pour que l’obligation de décence soit satisfaite. D’autre part, un contrat doit être signé, sur la base de l’audit, afin d’engager matériellement, financièrement et juridiquement les travaux. Si l’on se passe d’un tel audit, il manque une garantie. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
Votre amendement vise à suspendre l’interdiction pour les propriétaires bailleurs de mettre en location un logement indécent dès lors que le syndicat de copropriétaires a décidé de constituer un fonds dédié au financement de travaux de nature à permettre le respect des niveaux de performance sans spécification sur le délai de réalisation de tels travaux.
Or la constitution d’un fonds de travaux ne crée pas d’obligation de réaliser lesdits travaux et encore moins dans des délais imposés.
Je vous invite à retirer l’amendement et j’émettrai à défaut un avis défavorable, étant donné que la proposition de loi introduit déjà des dérogations substantielles à la loi en vigueur.
Mme la présidente
La parole est à M. François Jolivet.
M. François Jolivet
Monsieur le rapporteur, vous avez expliqué qu’un audit énergétique était nécessaire car, selon vous – en l’état actuel de vos connaissances –…
M. Bastien Marchive, rapporteur
Vous pourriez vous passer de ce type de remarque !
M. François Jolivet
Je me mets simplement à la place du syndic ! Vous affirmez que l’audit thermique garantirait l’efficacité des travaux engagés. Or on ne sait pas à quel moment il intervient.
M. Bastien Marchive, rapporteur
Au moment de la conclusion d’un contrat de maîtrise d’œuvre !
M. François Jolivet
Oui mais quand les travaux sont-ils lancés ? Il me semble que vous parlez d’une matière que vous méconnaissez.
M. Bastien Marchive, rapporteur
Allez-y, continuez dans cette voie…
M. François Jolivet
Imaginez que vous devez faire des travaux sur un IGH (immeuble de grande hauteur) de 600 logements. Pensez-vous qu’ils seront engagés dans un délai de trois ans ? Réponse : non.
M. Bastien Marchive, rapporteur
Ce n’est pas le propos de votre amendement !
M. François Jolivet
L’audit thermique ne garantit pas la qualité des travaux puisque ces derniers n’ont pas encore été réalisés. Il faut attendre un an après la fin des travaux pour réaliser un audit thermique. On peut ainsi étudier le fonctionnement de l’immeuble pendant cette période et savoir si les travaux ont été faits correctement.
D’ailleurs, des immeubles Pinel livrés en 2020 – il y a donc cinq ans – ne disposent toujours pas du diagnostic relatif à la réglementation environnementale 2020 (RE2020).
Madame la ministre, votre réponse me surprend davantage même si j’ai bien compris qu’il était hors de question que mon amendement soit adopté.
Dès lors qu’un propriétaire bailleur a déduit de sa base imposable les appels de fonds destinés aux travaux de rénovation thermique, pourquoi n’aurait-on pas la certitude que les travaux seront bien réalisés ? Si vous considérez que mon amendement est mal rédigé, il est toujours possible de le sous-amender.
Par ailleurs, il est vrai que mon amendement n’offre aucune garantie concernant la bonne tenue des travaux mais on pourrait en dire autant de l’amendement précédent ou même de la proposition de loi dans son ensemble. De ce point de vue, il n’est ni meilleur ni pire. En revanche, avec mon amendement, un financement est assuré alors qu’avec votre proposition de loi, ce n’est pas le cas.
Mme la présidente
La parole est à Mme Marina Ferrari.
Mme Marina Ferrari
Je soutiens cet amendement. Monsieur le rapporteur, vous prétendez qu’il n’existe pas de certitude que les fonds provisionnés seront bien utilisés pour des travaux de rénovation énergétique. Or lorsqu’une copropriété lance un appel de fonds, l’assemblée générale de copropriétaires se positionne en fonction non seulement du montant des travaux mais aussi de leur nature. C’est un amendement de bon sens que nous devrions soutenir. (M. Henri Alfandari applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Julie Laernoes.
Mme Julie Laernoes
Vous ne serez pas surpris, nous sommes résolument contre cet amendement qui prévoit, une fois encore, une dérogation à l’obligation de rénovation des passoires thermiques. Vous avez trouvé cette fois un nouveau subterfuge : l’appel de fonds permettrait de se passer du contrat de maîtrise d’œuvre dont les modalités sont fixées à l’alinéa 7. C’est une manière d’affaiblir encore un peu plus les obligations de rénovation, ce qui est inacceptable.
Monsieur Jolivet, vous avez dit à plusieurs reprises qu’il ne fallait surtout pas engager trop de travaux de rénovation trop vite, car la filière ne le supporterait pas – cela me rappelle l’histoire de la poule et de l’œuf.
Avec notre ancienne collègue Marjolaine Meynier-Millefert, du groupe Renaissance, j’avais auditionné pendant six mois des représentants de l’ensemble de la filière. Eh bien ils ne tiennent pas de tels propos.
Vous n’êtes pas sans savoir que la filière du bâtiment est en difficulté parce que la construction de logements neufs est insuffisante.
M. Henri Alfandari
C’est la réalité !
Mme Julie Laernoes
Les professionnels expliquent qu’ils peuvent donc transférer leurs compétences sur le marché de la rénovation. On soutiendrait ainsi les filières qui créeraient de l’emploi dans chacune de nos circonscriptions, dans chacune de nos régions. Je rappelle au passage que, pour les copropriétés, dans tous nos territoires, les travaux de rénovation énergétique et thermique, de niveau BBC – bâtiment basse consommation –, constituent déjà un défi, y compris s’agissant du recours à certains métiers ou à la création de filières.
Nous pourrions ainsi poursuivre un processus qui a déjà été lancé. En effet, un fonds spécial avait été créé – pas cette année, je vous rassure – pour accompagner les bailleurs sociaux lors des opérations de rénovation. Puisqu’ils connaissent la situation énergétique de leur parc de logements, ces bailleurs pourraient tirer vers le haut les filières de rénovation. Cela permettrait de créer des emplois mais aussi, peut-être, d’atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, y compris au niveau européen – mais on estime peut-être ici que cet adjectif est un gros mot.
Si nous voulons parvenir à nos fins, il faut cesser de vouloir amoindrir les effets de la loi et de prétendre que nos filières économiques ne sont pas à la hauteur. Au contraire : si nous nous fixons des objectifs clairs et que nous nous y tenons, nos filières gagneront en maturité et deviendront championnes du développement économique dans tous nos territoires.
Mme la présidente
La parole est à M. Bastien Marchive, rapporteur.
M. Bastien Marchive, rapporteur
Je ne reviendrai pas sur les propos condescendants qui ont été tenus. Monsieur Jolivet, vous affirmez que ce n’est pas parce que l’on commande un audit énergétique et que l’on conclut un contrat de maîtrise d’œuvre que le financement est assuré et qu’un délai est fixé. Je tiens à vous préciser que l’article mentionne bien que les travaux doivent être réalisés dans un délai précis alors que votre amendement prévoit de supprimer cette condition. Si celui-ci est voté, il suffira au syndic d’adopter un PPT pour s’exonérer des obligations de décence énergétique.
Mme Valérie Létard, ministre
C’est ça !
M. Bastien Marchive, rapporteur
La rédaction que nous proposons prévoit un délai, une date butoir, un moment à ne pas dépasser pour le lancement des travaux – nous y reviendrons lorsque nous discuterons d’amendements à venir.
Lorsqu’on signe un contrat de maîtrise d’œuvre, on a bien à l’esprit qu’il faudra ensuite payer l’architecte et le bureau d’études. Si la copropriété s’engage juridiquement dans une relation contractuelle avec un bureau d’études, elle devra nécessairement verser de l’argent. Dès lors, il faut forcément procéder à un appel de fonds. Si elle signe un tel contrat, c’est pour ensuite réaliser des travaux. Elle sera conduite à signer un devis, donc à verser un acompte. C’est un engagement.
Je comprends la logique de votre amendement, cette idée que l’appel de fonds permettrait de réaliser les travaux tels qu’ils ont été prévus par le PPT – puisqu’on ne disposera pas d’audit énergétique. Cependant j’estime que votre dispositif, d’une part, est moins engageant que celui que nous proposons et, d’autre part, n’offre pas la garantie que les travaux seront réalisés dans des délais raisonnables – puisque la mention a disparu – et qu’ils permettront de sortir de l’indécence énergétique.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 24. (Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.).
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 98
Nombre de suffrages exprimés 94
Majorité absolue 48
Pour l’adoption 47
Contre 47
(L’amendement no 24 n’est pas adopté.)
(M. Bastien Marchive, rapporteur, applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Mickaël Cosson, pour soutenir l’amendement no 48.
M. Mickaël Cosson
Il s’agit de répondre à la situation particulière des immeubles ne relevant pas du statut de la copropriété, voire de certains logements individuels, qui n’est pas traitée dans le texte. Ainsi, le propriétaire d’un ou plusieurs logements ne dépendant pas du statut de la copropriété pourrait voir son logement considéré comme décent le temps de la réalisation de travaux globaux de rénovation thermique.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bastien Marchive, rapporteur
Vous proposez d’étendre aux bailleurs de logements ne faisant pas partie d’une copropriété l’exception prévue à l’alinéa 7 pour les copropriétés ayant conclu un contrat de maîtrise d’œuvre afin de réaliser des travaux. Nous en avons longuement parlé tout à l’heure : en raison de la complexité de la gouvernance d’une copropriété, les travaux qui y sont menés sont affectés par des difficultés spécifiques qu’il est nécessaire de prendre en compte – de nombreux acteurs nous ont alertés sur ce point.
Les travaux dans un logement ne faisant pas partie d’une copropriété sont soumis à moins de contraintes. Si le bailleur d’un logement individuel était confronté à une contrainte technique imprévue ou à un refus administratif, il pourrait l’invoquer pour expliquer pourquoi il n’a pas pu réaliser les travaux. Les autres cas sont déjà prévus – par exemple celui où un locataire fait obstacle à la réalisation des travaux. Je comprends votre objectif, que je partage, mais votre amendement est satisfait. Si les travaux sont simples, le propriétaire aura le temps de les faire réaliser avant qu’un éventuel recours du locataire aboutisse. En cas de travaux de plus grande ampleur, le bailleur pourra invoquer le cas échéant des contraintes techniques spécifiques ou une décision administrative ayant empêché les travaux. Je vous demanderai donc de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Mickaël Cosson.
M. Mickaël Cosson
On pourrait en effet considérer qu’un bailleur propriétaire de l’ensemble d’un bâtiment ne rencontre pas de difficultés particulières lorsqu’il doit réaliser des travaux. Il peut cependant se heurter à l’indisponibilité des entreprises ou à celle des locataires, nécessaire au bon engagement des travaux. Même avec un dispositif comme MaPrimeRénov’, il faut aussi prendre en considération le délai d’instruction du dossier. Or il faut disposer d’un accord préalable avant d’engager les travaux, et cela peut prendre du temps.
M. Xavier Breton
Des années !
M. Mickaël Cosson
Ainsi, certaines entreprises préfèrent ne pas travailler avec des propriétaires qui bénéficient de MaPrimeRénov’, car le paiement n’intervient qu’après que la prime a été attribuée au bénéficiaire, ce qui peut être long. Il faut éviter ce genre de difficultés, qui entravent l’accélération de la rénovation thermique.
Mme la présidente
La parole est à M. Bastien Marchive, rapporteur.
M. Bastien Marchive, rapporteur
Nous avons beaucoup réfléchi à la question, nous avons notamment envisagé de sous-amender votre amendement, mais ces sous-amendements risquaient de ne pas être recevables. Nous n’allons donc pas jusqu’au bout de ce qu’il serait possible de faire. La rédaction que vous proposez prête le flanc à une interprétation large, qui ouvrirait la porte à des exemptions non souhaitables. Dans les faits, votre amendement est satisfait – c’est le plus important.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 48.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 112
Nombre de suffrages exprimés 110
Majorité absolue 56
Pour l’adoption 52
Contre 58
(L’amendement no 48 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 47 et 50.
La parole est à M. Jérôme Nury, pour soutenir l’amendement no 47.
M. Jérôme Nury
Ce texte précise que l’obligation de décence énergétique est réputée satisfaite lorsque le syndicat des copropriétaires a conclu un contrat de maîtrise d’œuvre portant sur un projet de rénovation associé à un audit énergétique. Or la conclusion d’un contrat de maîtrise d’œuvre ne débouche pas toujours sur des travaux. Nous proposons donc de substituer au « contrat de maîtrise d’œuvre » un « contrat ayant pour objet la réalisation de travaux de rénovation ». Cette expression nous paraît plus opérationnelle, plus claire et moins ambiguë.
Mme la présidente
La parole est à M. Mickaël Cosson, pour soutenir l’amendement no 50.
M. Mickaël Cosson
Entre la signature d’un contrat de maîtrise d’œuvre et la réalisation des travaux, il y a différentes phases. C’est lors de la présentation de l’avant-projet définitif que le montant définitif des travaux est fixé, puisque c’est le moment où l’on dispose des devis. Les deux parties s’engagent alors quant au coût définitif des travaux. Mais ce montant peut avoir évolué par rapport à ce qui était prévu initialement et les propriétaires ne peuvent parfois plus réaliser les travaux, faute de moyens suffisants. Nous souhaitions donc préciser la rédaction de cet alinéa pour que chacun s’engage en connaissance de cause au bon moment et que personne ne se retrouve pris en étau.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Serait-ce possible de suspendre la séance pour une durée de cinq minutes ?
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Vous proposez de remplacer l’exigence d’un contrat de maîtrise d’œuvre par celle d’un simple « contrat ayant pour objet la réalisation de travaux de rénovation énergétique » ; c’est très flou, et cela produira de l’insécurité juridique.
En prévoyant l’obligation de signer un contrat de maîtrise d’œuvre, point qui a été discuté en commission, nous voulions nous assurer de l’engagement réel et financier de la copropriété pour réaliser les travaux ; en effet, une assemblée générale peut tout à fait voter le principe de travaux sans pour autant prendre un engagement quant au délai de réalisation. Or votre amendement n’évoque ni engagement, ni délai.
Supprimer la nécessité de procéder à un audit énergétique contribue aussi à créer de l’incertitude quant aux travaux entrepris. Comment prouver qu’ils seront de nature à améliorer le diagnostic de performance énergétique, s’ils ne s’appuient plus sur un tel audit ?
Notons enfin que l’exigence d’une maîtrise d’œuvre n’est pas propre à ce texte ; on la retrouve dans d’autres procédures relatives à la rénovation énergétique. C’est notamment le cas pour bénéficier du dispositif MaPrimeRénov’ Copropriété lorsque le coût des travaux dépasse 100 000 euros. Dans le cas où aucune maîtrise d’œuvre n’est mandatée, en cas de travaux simples, pouvant donc être réalisés rapidement, et n’étant pas de nature à empêcher la copropriété d’atteindre ses objectifs en matière de décence énergétique, il est évident qu’un juge considérera les obligations de la copropriété comme satisfaites si les travaux ont été menés à bien. Ajoutons que le délai pour réaliser ces travaux court depuis 2021.
La signature d’un contrat de maîtrise d’œuvre étant une garantie importante pour prouver la diligence du bailleur, j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
Vous proposez qu’on ne considère plus un logement en copropriété comme indécent si le syndicat des copropriétaires a conclu un contrat de travaux plutôt qu’un contrat de maîtrise d’œuvre. Si le recours à une maîtrise d’œuvre est largement répandu pour la réalisation de travaux de rénovation d’ampleur, il n’est pas obligatoire ; la copropriété peut décider de conclure directement un contrat avec l’entreprise de travaux. En outre, la signature d’un contrat de maîtrise d’œuvre, si elle témoigne de la volonté de la copropriété de s’inscrire dans une démarche de rénovation, n’entraîne pas nécessairement la réalisation de ces travaux. La référence à un « contrat ayant pour objet la réalisation de travaux » apporte peut-être plus de sécurité juridique. C’est pourquoi je m’en remets à la sagesse de cette assemblée.
Mme la présidente
La parole est à M. Mickaël Cosson.
M. Mickaël Cosson
L’amendement visait à préciser ce qu’il en était, mais j’ai entendu l’avis défavorable de la commission et l’avis de sagesse du gouvernement. Si vous considérez qu’en l’état du texte, on est assuré que tout se passera bien au moment des travaux, je le retire.
(L’amendement no 50 est retiré.)
(L’amendement no 47 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 45 de M. Inaki Echaniz, rapporteur, est rédactionnel.
(L’amendement no 45, accepté par le gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur l’amendement no 31, par le groupe Rassemblement national et sur les amendements nos 9 et 5, par les groupes Rassemblement national et Écologiste et social d’une part, et par le groupe Écologiste et social d’autre part.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jérôme Nury, pour soutenir l’amendement no 31.
M. Jérôme Nury
L’absence de définition du temps donné aux copropriétaires pour réaliser les travaux est pour le moins ambiguë. L’alinéa 7 mentionne « un délai raisonnable pour leur réalisation ». Or il ressort du comportement adopté parfois par certains dans cet hémicycle que nous n’avons pas tous la même notion de ce qui est raisonnable. Par conséquent, afin d’éviter ce flou, nous proposons de supprimer cette formulation.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bastien Marchive, rapporteur
Mais ce n’est pas nous qui jugerons, mais le juge. Et vous conviendrez que les juges français sont par nature raisonnables…
M. Jérôme Nury
Oh là !
M. Bastien Marchive, rapporteur
…et bien placés pour apprécier ce qui l’est ou ce qui ne l’est pas. On a eu beaucoup de débats en commission sur ce sujet parce que ce n’est pas si évident d’intégrer toutes les situations possibles et imaginables dans une seule rédaction, sachant qu’il faut que celle-ci soit valable pour des copropriétés de 200, 300, 400 ou 500 lots et aussi pour une copropriété ne comprenant que 2 lots. Si on prévoyait un délai qui soit une date butoir, par exemple un délai maximum de trois ans, ce serait court pour une copropriété de 200 lots ou a fortiori davantage, mais beaucoup plus qu’il n’en faut pour une copropriété de 2 ou 3 lots, ce qui risquerait de produire l’effet inverse à celui recherché en reportant des travaux qui pourraient être faits dès maintenant, sous prétexte que les copropriétaires disposeraient encore de trois ans pour les mener à bien. La notion de délai raisonnable est intéressante parce qu’elle permettra au juge de statuer, sachant qu’elle ne sera utilisée qu’en cas de contentieux. Et celui-ci sera tout à fait apte à le faire puisque la notion de délai raisonnable est un concept juridique qui est déjà prévu dans beaucoup d’autres situations.
Par ailleurs, il y a un risque de dérogation permanente si on ne prévoit rien d’autre. Or vous proposez de supprimer la notion de délai raisonnable, mais sans la remplacer par une autre. Il suffirait alors d’engager les travaux, sans jamais les terminer, ce qui n’aurait aucune conséquence.
M. Jérôme Nury
Cela relève des copropriétaires.
M. Bastien Marchive, rapporteur
Si je ne m’inquiète pas de ce qui se passerait avec l’extrême majorité des propriétaires, qui sont de bonne foi et ne se heurteront pas à des contraintes trop problématiques, il existera des situations où la bonne foi est moins évidente ou bien dans lesquelles la complexité des travaux peut nécessiter un délai beaucoup plus long qu’initialement prévu. Il faut donner au juge un outil législatif lui permettant de vérifier que le délai est bien raisonnable, sachant que des amendements déposés respectivement par M. Peu et par Mme Morel tendent à en fixer la limite. C’est donc une demande de retrait ou, à défaut, un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
Même avis.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 31.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 92
Nombre de suffrages exprimés 92
Majorité absolue 47
Pour l’adoption 32
Contre 60
(L’amendement no 31 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 46 de M. Inaki Echaniz, rapporteur, est rédactionnel.
(L’amendement no 46, accepté par le gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 9, 5, 16 et 49, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain, pour soutenir l’amendement no 9.
Mme Cyrielle Chatelain
Je défendrai également l’amendement no 5, madame la présidente.
Ces amendements ont pour objectif de fixer un délai maximal pour l’engagement des travaux de rénovation thermique. En effet, la notion de délai raisonnable est extrêmement imprécise alors qu’il s’agit d’être efficace, c’est-à-dire de donner du temps aux propriétaires mais sans leur permettre de repousser sine die les travaux. Il nous semble donc important que la loi établisse un cadre extrêmement clair. En tant que groupe écologiste, nous souhaiterions laisser deux ans maximum aux propriétaires mais, dans un esprit de compromis, nous avons déposé un second amendement qui propose trois ans. En tout cas, prévoir un délai fixe nous semble important afin de concilier le temps pour les propriétaires de lancer les travaux et leur réalisation effective.
Mme la présidente
L’amendement no 5 a été défendu.
La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir l’amendement no 16.
M. Stéphane Peu
L’amendement vise à borner dans le temps les obligations en matière de travaux de décence énergétique en fixant leur réalisation à trois ans au plus. Ce délai nous semble raisonnable pour recueillir les votes, collecter les fonds et engager les travaux. Il aurait l’avantage de donner du temps à la copropriété tout en fixant des limites, ce qui nous semble impératif en l’occurrence.
Mme la présidente
La parole est à M. Mickaël Cosson, pour soutenir l’amendement no 49.
M. Mickaël Cosson
Cet amendement s’inscrit dans la même logique que les précédents, mais en proposant un délai un peu plus long : cinq ans maximum. Il s’agit de tenir compte des éventuelles difficultés pouvant advenir, d’ordre administratif, technique ou autre.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Ce sujet a nourri nos débats en commission. Tous ces amendements sont tout à fait pertinents, mais ils suppriment la notion de délai raisonnable qui a été retenue pour permettre au juge de statuer en adaptant sa décision au cas par cas, notamment lorsqu’il s’agit de travaux complexes. A contrario, des délais fixes risquent d’être considérés comme des délais standards, ce qui pourrait dans certains cas faire traîner des travaux qui auraient pu être réalisés plus rapidement. Ce serait un effet de bord : fixer un délai maximal de deux ou trois ans comme le prévoient les amendements de Mme Chatelain inciterait certains à attendre deux ou trois ans. J’en demande donc le retrait au profit de l’amendement no 16 de M. Peu qui est dans le même esprit, mais dont la rédaction est plus satisfaisante en termes légistiques et surtout en termes d’efficacité. Par conséquent, l’amendement no 49 serait satisfait.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
Ces amendements proposent de limiter les délais raisonnables à deux, trois ou cinq ans. Je demande le retrait des trois premiers au profit de l’amendement no 49 en rappelant que la proposition de loi prévoit que l’obligation de décence énergétique d’un logement situé dans un immeuble en copropriété est réputée satisfaite lorsque le syndicat des copropriétaires a conclu un contrat portant sur un projet de rénovation, sous réserve que la délibération de l’assemblée générale des copropriétaires ait fixé un délai raisonnable pour la réalisation des travaux. Si préciser le délai apporte plus de clarté pour l’ensemble des parties prenantes, une durée de deux ou de trois années peut être insuffisante pour la réalisation de travaux en copropriété qui peuvent être de grande ampleur : je pense notamment aux grandes copropriétés, dont les travaux peuvent prendre de nombreuses années. Pour autant, je comprends la volonté de ne pas renvoyer le délai à un temps indéfini. Aussi, je donnerai un avis favorable à l’amendement no 49 limitant le délai à cinq ans.
Mme la présidente
La parole est à Mme Julie Laernoes.
Mme Julie Laernoes
Je retire l’amendement no 9 dont j’étais l’auteure, de même que Mme Chatelain retire le sien, c’est-à-dire l’amendement no 5, car je reconnais que M. Peu nous a dépassées dans la légistique et que le sien est mieux rédigé.
M. Stéphane Peu
C’est l’expérience !
M. Erwan Balanant
Il a été commissaire aux lois !
Mme Julie Laernoes
Je sais que les travaux peuvent prendre du temps dans les copropriétés, mais je pense qu’il ne faut pas aller jusqu’aux cinq ans proposés par l’amendement no 49 de Mme Morel.
(Les amendements nos 5 et 9 sont retirés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Mickaël Cosson.
M. Mickaël Cosson
Nous proposons en effet cinq ans. Ayant été conducteur d’opérations pour le compte de l’État auprès de différents maîtres d’ouvrage, je suis bien placé pour rappeler les délais auxquels on est confronté lorsqu’une opération est lancée. Tout d’abord, la réalisation du programme prend six à sept mois minimum. Ensuite, il y a la consultation des maîtres d’œuvre potentiels, dont la durée de publicité varie selon le montant des travaux, soit à peu près six mois de plus. Au bout d’un an, on ne s’est donc pas encore penché sur le moindre début d’étude. Puis vient le phasage des études du maître d’œuvre, jusqu’à son forfait définitif qui arrive au moment de l’avant-projet définitif où est fixé le montant des travaux et déposée la demande d’autorisation d’urbanisme s’il y a lieu – ladite autorisation entraînant un délai d’instruction. On en est alors à peu près à deux années… et avant même le premier coup de pioche. Et c’est seulement après que vont commencer les travaux, et s’ils sont importants, il faut compter au mieux douze mois. Mais si l’indicateur de performance énergétique entre en ligne de compte, qu’il faut procéder à des remplacements de menuiserie ou encore tenir compte de l’occupation des lieux et donc faire des opérations à tiroirs – sans parler du système de sécurité incendie qu’il faut assurer s’il s’agit de grands immeubles –, on arrive facilement à au moins quatre ans de travaux. L’objectif n’est pas de fixer un délai de trois années qui serait impossible à tenir, mais de tenir compte de tous les types de travaux au nom du principe de réalité. Et on sait qu’en France, il y a beaucoup de procédures à respecter pour que les travaux puissent être menés en conformité avec la réglementation en vigueur, et ce sans compter le diagnostic final qui démontrera qu’ils sont bien conformes à ce qui était prévu sur la copie. C’est pourquoi nous avons proposé cinq ans, sachant que, pour mener de telles opérations en France, un délai de trois ans est très court.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 16.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 106
Nombre de suffrages exprimés 105
Majorité absolue 53
Pour l’adoption 52
Contre 53
(L’amendement no 16 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Ce vote modifie-t-il l’avis de la commission sur l’amendement no 49 ?
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Avis favorable.
(L’amendement no 49 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jérôme Nury, pour soutenir l’amendement no 27.
M. Jérôme Nury
Nous proposons d’intégrer les monopropriétés, qui sont les oubliées de ce texte, comme cela a été dit lors de la discussion générale. Dans de nombreuses villes, elles sont divisées en plusieurs logements que cet amendement vise à considérer comme décents pendant la durée d’exécution des travaux, si toutefois le propriétaire a bien conclu avec un maître d’œuvre un contrat, dans lequel il s’engage à réaliser les travaux de rénovation énergétique.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bastien Marchive, rapporteur
Nous avons eu le même débat il y a un instant avec M. Cosson, à propos de l’amendement no 48. Avis défavorable, pour les raisons précédemment exposées.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
Même avis, tout en ayant conscience qu’il faudrait approfondir le sujet des monopropriétés.
(L’amendement no 27 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 15 et 22.
La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir l’amendement no 15.
M. Stéphane Peu
La loi prévoit déjà une procédure de référé à l’encontre des locataires qui refusent la réalisation des travaux et qui risquent alors une condamnation sous astreinte à obtempérer. Dès lors, un locataire ne peut faire obstacle à l’exécution de travaux de rénovation énergétique et les dispositions de l’alinéa 8 nous semblent superfétatoires. C’est pourquoi nous proposons de le supprimer.
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune, pour soutenir l’amendement no 22.
Mme Claire Lejeune
Cet amendement est identique à celui de M. Peu. La question des rapports entre les propriétaires et les locataires et des pressions exercées par les premiers sur les seconds a été peu évoquée lors de nos débats. Or cet alinéa nous semble très problématique, puisqu’il fait courir le risque d’une telle pression et ne protège pas les locataires.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Vous proposez de supprimer l’alinéa 8, qui précise que le locataire ne peut se prévaloir d’un manquement du bailleur s’il fait obstacle aux travaux. Au cours des auditions a été soulevé le risque d’une entente tacite entre le bailleur et le locataire pour repousser la réalisation des travaux sous la possible pression du bailleur, et de la position délicate dans laquelle se retrouveraient des locataires contraints d’accepter des travaux lourds.
Nous avons entendu vos préoccupations exprimées en commission, c’est pourquoi nous avons fait adopter un amendement visant à renforcer les dispositions de l’alinéa 8 en s’appuyant sur le droit positif. Ainsi, le locataire est plus sécurisé, puisque le propriétaire devra avoir respecté à la lettre la procédure déjà prévue au e) de l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989, à savoir une information par lettre recommandée de la nature des travaux et des modalités d’exécution, supposant la réalisation d’un devis, ainsi que l’obligation de proposer des travaux non abusifs et non vexatoires. En cas de non-respect de la procédure, le locataire pourra refuser l’exécution des travaux. La référence à cet article de loi apporte donc des garanties maximales en matière de protection des locataires. C’est pourquoi je vous demande de retirer vos amendements ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
Même avis.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 15 et 22.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 110
Nombre de suffrages exprimés 110
Majorité absolue 56
Pour l’adoption 30
Contre 80
(Les amendements identiques nos 15 et 22 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain, pour soutenir l’amendement no 7.
Mme Cyrielle Chatelain
Cet amendement vise à faire constater par le juge l’existence d’un obstacle à l’exécution des travaux. En effet, en cas de litige entre le locataire et le bailleur, la caractérisation et la qualification d’un tel obstacle à l’exécution doivent être déterminées par une tierce personne, qui ne peut être que le juge compétent, puisque le propriétaire ne peut à lui seul faire état d’un obstacle. En apportant des garanties juridiques, nous entendons protéger le locataire et permettre la réalisation des travaux en présence d’un bailleur récalcitrant.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Nous poursuivons les débats engagés avec les deux amendements précédents. En faisant référence au e) de l’article 7 de la loi de 1989, la nouvelle rédaction de l’alinéa 8 sécurise la procédure pour le locataire : le bailleur ne pourra se prévaloir d’un refus de son locataire que s’il l’a informé, par lettre recommandée, de la nature et des modalités d’exécution des travaux, ce qui suppose au moins qu’il lui ait fourni un devis précis. En outre, le locataire pourra refuser les travaux – sans relever le bailleur de ses obligations – s’ils présentent un caractère abusif ou vexatoire. Cette procédure, qui s’appuie sur le droit existant, est ainsi la plus encadrée possible, et permet d’éviter tout abus et toute pression de la part du bailleur envers son locataire. Votre demande est donc satisfaite par l’amendement adopté en commission.
(L’amendement no 7, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur les amendements nos 26 et 35, je suis saisie par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Henri Alfandari, pour soutenir l’amendement no 26.
M. Henri Alfandari
Le calendrier relatif à la décence énergétique ne sera donc pas décalé. En revanche, afin de ne pas sortir des logements du parc locatif, nous proposons de substituer à l’interdiction de mise en location la possibilité de dégrever du loyer le surcoût induit par la précarité énergétique. Ainsi, nous conservons un signal positif à l’égard des propriétaires qui ont réalisé les travaux et nous enjoignons aux autres de les engager le plus vite possible.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bastien Marchive, rapporteur
Comme je l’ai expliqué au début de nos débats, aucune interdiction de mise en location n’engendrera la sortie immédiate du logement du parc locatif.
M. Henri Alfandari
Mais si !
M. Bastien Marchive, rapporteur
Je ne peux pas revenir en détail sur toutes les dispositions prévues par le texte. La sanction à laquelle s’expose un propriétaire qui ne respecte pas les obligations de décence énergétique est non l’interdiction totale de mettre son bien sur le marché, mais le fait de se voir ordonner par le juge la réalisation de travaux. Si nous adoptions votre amendement, le juge ne pourrait plus ordonner celle-ci.
M. Henri Alfandari
Ce n’est pas vrai, on ne parle pas de la même chose !
M. Bastien Marchive, rapporteur
Je souscris en revanche au principe de la réduction de loyer, mais rendre celle-ci automatique supposerait soit d’avoir affaire à un propriétaire qui s’autosanctionne, si je puis dire, ce qui reste possible dans le cadre légal que nous proposons, soit de saisir le juge pour qu’il prononce l’automaticité du versement de la réduction. Ainsi, votre proposition ne change pas grand-chose par rapport à la réduction de loyer proposée par le texte. Votre amendement est donc en partie satisfait, mais son adoption ne permettrait plus au juge d’ordonner les travaux. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
Même si votre amendement était voté, le locataire devrait saisir le juge en cas de refus du bailleur d’exécuter les travaux. Or, en l’état actuel de la réglementation, le locataire qui se trouve en situation de précarité énergétique peut déjà saisir directement le juge aux fins d’obtenir une mesure de réduction ou de suspension du loyer. Par ailleurs, déterminer une révision du loyer à due proportion du surcoût induit par la non-décence énergétique du logement serait sans doute techniquement complexe, source de différends et sans doute de contentieux. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Henri Alfandari.
M. Henri Alfandari
Vous répondez à côté. Ma proposition supprime l’interdiction de louer.
M. Bastien Marchive, rapporteur
Il n’y en a pas !
M. Henri Alfandari
Mais si, elle existe ! Si votre logement est classé F et G et ne satisfait pas aux exigences requises, vous ne pourrez plus le relouer une fois que votre locataire actuel l’a quitté.
M. Bastien Marchive, rapporteur
Ce n’est pas vrai !
M. Henri Alfandari
C’est la réalité, ne dites pas que ce n’est pas vrai ! Or nous refusons cela, nous ne voulons pas sortir des logements du parc locatif !
Mme la présidente
La parole est à Mme Julie Laernoes.
Mme Julie Laernoes
Voilà exactement les biais du détricotage systématique que nous avons à maintes reprises dénoncé ! Le groupe Horizons s’est définitivement placé du côté des climatonégationnistes (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – M. Inaki Echaniz, rapporteur, applaudit également. – Protestations sur les bancs du groupe HOR.) Vous abandonnez donc les locataires à leur précarité énergétique, sans nous expliquer comment ils toucheront la compensation ni comment la facture sera présentée aux propriétaires. Surtout – et vous l’avez rappelé –, la loi « climat et résilience », qui visait à interdire la location de passoires énergétiques, produit des effets positifs et concrets : des propriétaires vendent leur bien et davantage de rénovations énergétiques et thermiques sont effectuées dans les biens en location.
Rappelons que les logements sont responsables d’une partie de nos émissions de gaz à effet de serre et que l’amélioration de leur performance énergétique et thermique est donc une nécessité absolue, y compris d’ailleurs en matière de souveraineté énergétique, dans l’objectif de consommer moins d’énergie sur notre sol. Le groupe Horizons persiste et signe dans cette dérive qui consiste à nier les objectifs climatiques de la France. C’est assez grave pour être souligné et c’est pourquoi je vous invite, si vous croyez à la lutte contre le réchauffement climatique, à résolument voter contre cet amendement honteux. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et LFI-NFP. – M. Arnaud Simion applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Thiébaut.
M. Vincent Thiébaut
Je réponds à notre collègue, qui est députée depuis 2022. La plupart d’entre nous étions là avant elle et avons voté la loi « climat et résilience », ainsi que toutes les lois reconnues comme majeures dans la lutte contre le changement climatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)
Mme Julie Laernoes
Moi, j’ai agi comme élue locale pendant huit ans !
M. Vincent Thiébaut
La différence entre vous et nous, c’est que nous regardons ce qui se passe sur le terrain et dans la réalité. La rénovation des appartements s’accompagne de véritables difficultés. (Mme Julie Laernoes s’exclame.) Je vous ai écoutée en silence, je vous remercie d’avoir un peu de respect en m’écoutant de la même manière. Nous constatons que les trajectoires que nous avons nous-mêmes souhaitées et votées se traduisent difficilement sur le terrain pour de multiples raisons : constitution problématique des dossiers MaPrimeRénov’, détournement frauduleux du dispositif à hauteur de plus de 400 millions d’euros – nous avions posé une question au gouvernement sur ce sujet il y a quelques mois –, débats autour du diagnostic de performance énergétique et ainsi de suite.
Il faut adopter une approche pragmatique et utile. L’amendement vise à proposer aussi une solution aux tensions du marché locatif. De trop nombreuses personnes sont en attente d’un logement, et la baisse de natalité est peut-être aussi liée au fait qu’il est difficile de passer d’un F2 à un F3 ou à un F4.
Il est vrai que l’amendement no 26 aurait été encore plus pertinent si l’amendement no 24 de M. Jolivet avait été adopté, car ce dernier aurait apporté des solutions à une problématique que personne parmi vous n’évoque : celle du financement.
Mme Julie Laernoes
C’est étonnant, on ne vous a pas entendu défendre l’augmentation du financement de la transition écologique !
M. Vincent Thiébaut
Nous avons simplement choisi, pour atteindre les objectifs en la matière, une approche plus pragmatique que dogmatique. En effet, au-delà du changement climatique, c’est aussi la vie et le pouvoir d’achat des Français qui sont en jeu, à commencer par leur besoin de se loger.
M. Pierre Pribetich
Votre raisonnement ne tient pas la route !
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Je vous invite à voter contre l’amendement, qui tend à accepter et à entériner la persistance de passoires thermiques en France. Ce n’est pas un hasard si on parle de décence énergétique : les conditions de vie qu’offre une passoire thermique sont indécentes. Elles affectent tant la santé des habitants que leur facture énergétique, qui continuera à être élevée même si le loyer baisse.
Si l’amendement est adopté, il conduira à l’apparition d’une catégorie particulière de biens locatifs, avec un loyer au rabais, et ce sont les plus précaires qui seront contraints de se tourner vers ces logements indécents. La trajectoire que nous vous proposons, qui consiste à maintenir le calendrier prévu et à abonder le financement public de MaPrimeRénov’ pour massifier les travaux de rénovation thermique, correspond à l’ambition d’offrir à tous les Français un logement décent, rénové, situé dans une classe énergétique acceptable. Elle nous permettra aussi, du même coup, de tenir nos engagements en matière de transition climatique. Je vous invite donc tous à rejeter l’amendement. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Falcon.
M. Frédéric Falcon
Les propos tenus par ma collègue n’ont aucun réalisme. Votre discours montre que vous êtes complètement formatés par votre fanatisme écologiste. (Vives exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Oh, ça va !
Mme Ayda Hadizadeh
C’est mieux que le fascisme !
M. Frédéric Falcon
Nous sommes, nous, très cartésiens. Je voudrais donc que vous répondiez à une question que je ne cesse de poser. La Cour des comptes indique que 60 % des passoires thermiques ayant fait l’objet d’une rénovation énergétique demeurent, après travaux, des passoires thermiques au sens du DPE, c’est-à-dire que ces logements appartiennent toujours aux catégories E, F ou G. Que va-t-on faire de ces logements qui, malgré tous les efforts du monde, resteront des passoires thermiques selon votre définition ?
M. Pierre Pribetich
Les rénover !
M. Frédéric Falcon
Appliquer cette mesure, c’est donc condamner les bailleurs à percevoir ad vitam aeternam des loyers réduits, les paupériser, les obliger à vendre à perte. C’est un vrai problème de dépossession immobilière, et vous refusez de le traiter, alors qu’il concerne des millions de logements et des millions de propriétaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marina Ferrari.
Mme Marina Ferrari
Je comprends la logique de l’amendement, qui vise à répondre à la tension du marché locatif. Je serai moins sévère que ma collègue écologiste, car l’amendement protégerait tout de même le locataire en réduisant le montant des loyers ; quant au propriétaire, il devrait de toute façon s’engager à effectuer des travaux.
En revanche, je ne soutiendrai pas l’amendement, car sa rédaction signifie que la réduction des loyers exige un jugement. Or, en cas de changement de locataire, qui prononcera un jugement ? Compte tenu de cette interrogation, j’estime préférable de retravailler l’idée dans l’optique d’une deuxième lecture.
Mme la présidente
La parole est à M. Bastien Marchive, rapporteur.
M. Bastien Marchive, rapporteur
Je ne reviendrai pas sur les propos tenus par le Rassemblement national qui, selon sa méthode habituelle, manipule les chiffres.
Pour ma part, je suis convaincu de l’engagement du groupe Horizons en matière d’environnement et de transition énergétique, démontré à plusieurs reprises. Je crois important de le souligner.
Mme Anne-Cécile Violland
Ah ! Merci !
M. Bastien Marchive, rapporteur
Je souhaite simplement revenir sur la notion d’interdiction de location, qui constitue un enjeu important du débat. Si nous en sommes là, c’est parce que s’est répandue l’idée selon laquelle il y aurait une interdiction absolue ; c’est en raison de cette interprétation que nous avons dû expliquer, par exemple, que le texte ne s’appliquerait pas aux baux en cours. Nous avons aussi dû rappeler que la sanction encourue en cas de location d’un bien qui ne respecte pas les obligations de décence énergétique, c’est l’injonction par le juge d’effectuer des travaux et une réduction de loyer, que nous vous proposons de préciser. Voilà ce que prévoit la loi. Loin de remettre en cause ces dispositions, nous les réaffirmons.
Il est légitime que vous formuliez la crainte de l’interdiction, monsieur Alfandari, car bon nombre d’acteurs l’ont exprimée lorsque nous les avons rencontrés dans le cadre des travaux préparatoires. De nombreuses personnes pensaient qu’il serait absolument interdit de louer un logement considéré comme passoire thermique dès que le dispositif entrerait en vigueur, ce qui ferait nécessairement sortir le bien du marché locatif. Ce n’est pas le cas – d’ailleurs, la proposition de loi prévoit plusieurs cas dans lesquels le logement restera sur le marché. Le propriétaire sera simplement exposé à l’injonction de réaliser des travaux et à une réduction de loyer. Il me semblait utile de le rappeler pour éclairer votre vote.
Mme la présidente
La parole est à M. Henri Alfandari. Maintenez-vous votre amendement ?
M. Henri Alfandari
Je le maintiens. Je répondrai également à Mme Ferrari, qui a évoqué le cas d’un changement de locataire. Si le propriétaire signe un nouveau bail, pourquoi ne prendrait-il pas d’ores et déjà en considération l’éventualité d’une baisse de loyer, puisqu’il sait qu’il risque un procès ?
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 26.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 126
Nombre de suffrages exprimés 84
Majorité absolue 43
Pour l’adoption 9
Contre 75
(L’amendement no 26 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jérôme Nury, pour soutenir l’amendement no 35.
M. Jérôme Nury
Il tend à supprimer les alinéas 9 à 11, car il ne semble pas nécessaire d’introduire une nouvelle possibilité de réduire le loyer.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bastien Marchive, rapporteur
Nous avons créé une mesure spécifique de réduction de loyer, car le régime général de réduction déjà existant peut aller jusqu’à la suspension totale du loyer. Or nous souhaitons ici circonscrire la réduction au montant du préjudice énergétique subi – concrètement, le montant de la diminution possible correspond au surcoût de la facture énergétique.
Par ailleurs, la loi en vigueur dispose que la réduction de loyer s’applique à compter du moment où le juge prononce cette mesure, ce qui peut prendre du temps. Nous souhaitons qu’elle s’applique à partir du moment où le locataire demande au propriétaire la réalisation des travaux, car le propriétaire manque alors, par définition, à ses obligations énergétiques.
La mesure proposée est donc plus protectrice à la fois pour les bailleurs, parce qu’il est tenu compte de leur diligence et que la diminution du loyer est plafonnée, et pour les locataires, car le préjudice lié à la moindre performance énergétique est compensé et que la réduction du loyer est rétroactive. C’est pourquoi nous demandons le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
Dès lors que, comme le prévoit la proposition de loi, l’obligation de décence énergétique est réputée satisfaite dans les cas où les travaux sont impossibles à réaliser, ces cas n’ont plus à être examinés par le juge au titre de l’article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989. Le texte précise que le juge qui prononce une réduction de loyer doit tenir compte de la diligence du bailleur et que ladite réduction ne saurait excéder le préjudice subi par le locataire. Il nous paraît donc pertinent de la conserver dans son principe. C’est pourquoi je demande le retrait de l’amendement.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 35.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 132
Nombre de suffrages exprimés 132
Majorité absolue 67
Pour l’adoption 56
Contre 76
(L’amendement no 35 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain, pour soutenir l’amendement no 8.
Mme Cyrielle Chatelain
Le texte prévoit que la réduction du loyer résultant du préjudice subi par le locataire faute de travaux de rénovation tient compte de la « diligence du bailleur », mention obscure que nous proposons de supprimer. En effet, la réduction de loyer doit constituer une protection garantie par la loi aux locataires des passoires ou bouilloires thermiques, dans lesquelles il fait très froid l’hiver et très chaud l’été – les deux situations sont dangereuses pour la santé et affectent la vie quotidienne des personnes. C’est pourquoi une réduction de loyer est nécessaire, notamment l’hiver, pour compenser les surcoûts énergétiques.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Je répondrai à l’amendement tout en précisant les propos de M. le rapporteur Marchive et de Mme la ministre au sujet de la réduction de loyer. Cette réduction rétroactive, applicable à compter de la date à laquelle le locataire a demandé au propriétaire de faire des travaux, vise à éviter que le locataire pâtisse de la longueur des procédures. La baisse de loyer est permanente pour les logements classés G+.
Avis favorable sur l’amendement de Mme Chatelain, car nous avons toute confiance dans le juge pour tenir compte des éléments constitutifs de la réduction des loyers.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
S’il est nécessaire de compenser par une réduction de loyer tout ou partie du préjudice subi par le locataire lorsque son logement ne répond pas aux exigences de décence énergétique, il est également pertinent de prendre en considération les actions et la diligence du bailleur afin de chiffrer cette réduction. Inscrire dans la loi cette précision permet de clarifier le cadre d’appréciation du juge. Toutefois, étant donné le contexte général du débat, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée nationale, dans un esprit de compromis.
M. Pierre Pribetich
Oh là !
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 8.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 131
Nombre de suffrages exprimés 122
Majorité absolue 62
Pour l’adoption 74
Contre 48
(L’amendement no 8 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 38.
M. Thibault Bazin
Je suis un peu déçu par la tenue des débats, que j’ai suivis à distance.
M. Pierre Pribetich
Oh !
M. Erwan Balanant
Il vient juste de revenir dans l’hémicycle !
M. Thibault Bazin
Il est clair que la volonté d’améliorer la donne n’est pas au rendez-vous. Par l’alinéa 11, vous prévoyez encore de sanctionner par une réduction de loyer pérenne la location des logements classés G+. Imaginez le cas où un propriétaire de bonne foi, qui a fait tout son possible pour réaliser des travaux, n’a pas réussi à améliorer significativement l’étiquette énergétique de son logement. Il pourrait être sanctionné par une réduction pérenne de loyer ! Vous savez bien, monsieur Marchive, que l’impossibilité d’améliorer l’efficacité énergétique peut être due à des contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales dont les propriétaires ne sont en rien responsables.
M. Pierre Pribetich
Oh ! Calimero !
M. Thibault Bazin
Je vous propose donc de supprimer cette disposition qui va trop loin. La culture du compromis consiste à favoriser la rénovation tout en remédiant à la crise du logement. Il importe de tenir un discours équilibré vis-à-vis des bailleurs ; cela implique de ne pas les sanctionner quand ils sont de bonne foi.
Mme la présidente
Sur l’article 1er et sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par les groupes Ensemble pour la République et Socialistes et apparentés de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 38 ?
M. Bastien Marchive, rapporteur
Vous arrivez à pic, monsieur Bazin : nous comptons sur vous pour soutenir l’amendement suivant, no 36, qui a trait à la rétroactivité des mesures proposées.
Par l’amendement no 38, vous nous présentez le cas d’école où un logement classé G+, après réalisation de tous les travaux possibles – pas seulement les travaux possibles à titre individuel, compte tenu des contraintes techniques et sans accord de la copropriété, mais tous les travaux imaginables : changement de fenêtres, isolation par l’intérieur et par l’extérieur, changement du mode de chauffage, etc. –, resterait dans la catégorie G+.
Sincèrement, je ne suis même pas sûr que cela existe, mais formons cette hypothèse. Dans la rédaction actuelle de la proposition de loi, ce qui met un terme à la réduction de loyer, c’est la réalisation effective de travaux qui rendent décent le logement. Vous faites l’hypothèse d’une situation dans laquelle des travaux ont bien été réalisés, mais sans permettre au logement de devenir décent. Nous prévoyons évidemment que si le logement reste indécent, la réduction de loyer continue de s’appliquer, mais cela ne vaut que pour les logements classés G+, car nous considérons que ce sont des passoires thermiques très importantes – et si, malgré tous les travaux possibles, ils restent classés comme tels, peut-être faudra-t-il s’interroger à terme sur leur destination. Nous ne voulons pas aller jusqu’à une interdiction totale, néanmoins nous souhaitons pousser les propriétaires à s’interroger à nouveau sur la destination du bien. En effet, un logement classé G+ qui le resterait après tous les travaux possibles est indécent sur le plan énergétique, c’est le moins qu’on puisse dire.
M. Erwan Balanant
Oui, ce n’est pas une passoire, mais une raquette de tennis !
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
La proposition de loi prévoit que la réduction de loyer prononcée par le juge en cas d’indécence énergétique prend fin une fois les travaux de rénovation énergétique réalisés. Elle exclut toutefois les logements qui, malgré ces travaux, demeurent classés G+ : la réduction de loyers pour ces logements perdure alors au-delà de la fin des travaux. Cette disposition de la proposition de loi se justifie dans la mesure où, dans cette catégorie de logements, dont la performance énergétique est très mauvaise, le préjudice financier subi par les locataires peut être important. Cependant, le cas dont nous débattons est très théorique : on peut vraiment se demander dans quelles situations faire tous les travaux ordonnés par le juge ne permet pas de sortir de la catégorie G+ !
Je comprends votre position qui vise à ne pas envoyer un message négatif aux propriétaires de bonne foi qui ont fait réaliser tous les travaux possibles pour améliorer la performance énergétique d’un logement qu’ils louent. Sans étude d’impact et pour laisser place au débat, le gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée, car la question que vous posez suscite sans doute de l’interrogation pour de nombreuses personnes.
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Falcon.
M. Frédéric Falcon
Je rebondis sur les propos du rapporteur, qui minimise le nombre de logements qui restent des passoires thermiques malgré tous les efforts possibles et imaginables fournis par le bailleur.
M. Bastien Marchive, rapporteur
Nous ne parlons pas de la même chose ! Il est question ici de logements qui restent classés G+ après les travaux.
M. Frédéric Falcon
Je vous renvoie au rapport de la Cour des comptes : cela concerne 60 % des passoires thermiques. Madame la ministre, vous allez encombrer les tribunaux de contentieux avec des locataires qui assigneront leur bailleur pour avoir une réduction de loyer… Comme si les tribunaux n’avaient pas déjà assez de problèmes à gérer ! Que feront les bailleurs ? Ils donneront congé à leurs locataires pour vendre leur bien, en faisant une offre de prix qui souvent ne permettra pas aux locataires d’acheter le logement.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Les conditions de vie des locataires, ça n’a pas d’importance ?
M. Frédéric Falcon
Alors on aura tout gagné, car il y aura encore moins de logements sur le marché locatif ! Vous êtes formidables ! (Applaudissements et sourires sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Bastien Marchive, rapporteur.
M. Bastien Marchive, rapporteur
Encore une fois, vous manipulez les chiffres. (Protestations sur les bancs du groupe RN.) Sur 100 000 logements classés G+, il y a eu en tout et pour tout deux contentieux – je parle sous le contrôle des services du ministère du logement. Nous parlons de logements qui, après tous les travaux possibles, malgré toute la technique que les entreprises peuvent déployer, restent classés G+. Arrêtez de nous faire croire à chaque fois que le monde va s’effondrer…
M. Erwan Balanant
Ils sont climatosceptiques !
M. Bastien Marchive, rapporteur
…sous prétexte que nous expliquons que les logements qui resteraient classés G+ après les travaux continueraient d’être exposés à une réduction potentielle de loyer. Nous ne soutenons pas que ces logements doivent sortir du marché et que les gens vont se retrouver à la rue. Ne caricaturez pas nos propos.
(L’amendement no 38 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 36 et 42, deuxième rectification, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 36, qui fait l’objet du sous-amendement no 51.
M. Thibault Bazin
Nous sommes le 29 janvier. Depuis le 1er janvier, les logements classés G sont interdits à la location, si je ne me trompe pas. (Exclamations sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. Pierre Pribetich
Tant mieux !
Mme la présidente
Laissez parler l’orateur, s’il vous plaît. Nous arrivons bientôt à la fin de l’examen de ce texte.
M. Thibault Bazin
Cette proposition de loi avait été déposée sous la précédente législature afin qu’elle soit promulguée avant le 31 décembre. Du fait de la dissolution, le texte est tombé. Il a été redéposé, mais à cause de la censure, il n’a pas été adopté dans l’hémicycle.
M. Matthias Tavel
Vous ne manquez pas d’air ! Elle a bon dos, la censure !
M. Thibault Bazin
Les dispositions prévues au début de l’article 1er concernent par exemple, selon les termes de la proposition de loi initiale, les cas où « le logement est situé dans un immeuble relevant du statut de la copropriété et l’assemblée générale des copropriétaires a voté des travaux de nature à permettre le respect du niveau de performance exigible ». Pensons à tous ceux qui ont signé des baux depuis le 1er janvier et qui en signeront avant l’examen de la proposition de loi au Sénat – qui ne l’a pas inscrite immédiatement à son ordre du jour, à ma connaissance, de sorte que quelques semaines s’écouleront encore avant son adoption. Quel message envoyons-nous aux propriétaires, alors que nous faisons face à une crise du logement ?
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Ça n’a rien à voir !
M. Thibault Bazin
Comment sécurisons-nous leurs baux ? Leur délivrons-nous le message suivant : « Ne louez plus ! » ou leur permettons-nous de louer, puisqu’ils sont inscrits dans une démarche vertueuse ? Tel est l’objet de l’amendement. Je sais bien que c’est compliqué, madame la ministre, mais si nous ne remédions pas à cette incertitude, nous risquons de pousser de nombreux propriétaires de logements classés G à ne plus louer, car c’est actuellement interdit, alors que, si cette proposition de loi était adoptée, ce serait de nouveau autorisé.
Certes, je trouve que le texte ne va pas assez loin, mais sécurisons au moins la situation pour ceux que vous voulez maintenir sur le marché locatif. La rédaction actuelle ne le permet pas. Il y a un vrai problème de calendrier. Plus de 2 000 logements sortent du marché chaque jour – c’est ça, la réalité. Tous ceux qui, la main sur le cœur, disent qu’il faut remédier à la crise du logement doivent traiter cette insécurité juridique.
Mme la présidente
La parole est à M. Bastien Marchive, rapporteur, pour soutenir le sous-amendement no 51.
M. Bastien Marchive, rapporteur
Je suis d’accord sur le principe : il ne faut pas créer une situation d’inégalité entre les logements qui auraient été reloués ou renouvelés ou tacitement reconduits entre le 1er janvier et le moment où cette proposition de loi, si vous voulez bien l’adopter, sera promulguée, et ceux qui seraient dans une situation comparable par la suite. Il est donc essentiel de prévoir la rétroactivité de l’ensemble des mesures que nous avons prévues.
Néanmoins, nous avons une réserve : un risque d’inconstitutionnalité se pose si nous n’excluons pas les modalités de sanctions énoncées aux alinéas 8 et 9 de l’article 1er, car les sanctions ne peuvent pas être rétroactives. Le sous-amendement no 51 vise à éviter ce risque. S’il est adopté, je retirerai l’amendement no 42, deuxième rectification. (Mme Christine Arrighi s’exclame.)
Mme la présidente
L’amendement no 42, deuxième rectification, de M. Bastien Marchive, rapporteur, est défendu.
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre
L’amendement no 36 de M. Bazin est plein de bon sens et permettra de sécuriser la situation à partir du 1er janvier 2025, avec la précaution introduite par le sous-amendement no 51 de M. Marchive pour éviter le risque d’inconstitutionnalité. L’avis du gouvernement est favorable sur l’amendement no 36 ainsi sous-amendé ainsi que sur l’amendement no 42, deuxième rectification.
(Le sous-amendement no 51 est adopté.)
(L’amendement no 36, sous-amendé, est adopté ; en conséquence, l’amendement n° 42, deuxième rectification, tombe.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 1er, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 152
Nombre de suffrages exprimés 137
Majorité absolue 69
Pour l’adoption 65
Contre 72
(L’article 1er n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Bastien Marchive, rapporteur.
M. Bastien Marchive, rapporteur
La proposition de loi étant vidée de son sens, nous la retirons.
Application de l’article 84, alinéa 2, du règlement
Mme la présidente
Il est donc pris acte du retrait de la proposition de loi par son auteur, en application de l’article 84, alinéa 2, du règlement.
En conséquence, il n’y a pas lieu de poursuivre la discussion.
(La discussion de la proposition de loi est interrompue.)
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à dix-neuf heures dix.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
3. Restriction de la vente de protoxyde d’azote aux seuls professionnels
Discussion d’une proposition de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Idir Boumertit et plusieurs de ses collègues visant à restreindre la vente de protoxyde d’azote aux seuls professionnels et à renforcer les actions de prévention sur les consommations détournées (nos 580, 846).
Présentation
Mme la présidente
La parole est à M. Idir Boumertit, rapporteur de la commission des affaires sociales.
M. Idir Boumertit, rapporteur de la commission des affaires sociales
Cela fait plus de deux ans que je travaille sur le protoxyde d’azote, sujet qui m’interpelle en tant que citoyen et député, mais aussi en tant que père de famille. Beaucoup m’ont dit que c’était une question marginale, sur laquelle il ne fallait pas chercher à agir. Cependant, à chaque fois que je retourne dans ma circonscription, je constate qu’il s’agit d’un problème important pour la santé de nos enfants, notre environnement et la société dans laquelle nos concitoyens veulent que leur famille s’épanouisse. Je persévère donc en présentant ce texte, car je souhaite que notre assemblée protège nos concitoyens et agisse sur leur quotidien immédiat. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Nous sommes très attendus sur le sujet explosif du protoxyde d’azote, plus connu sous le nom de gaz hilarant – je dis bien explosif, car la consommation récréative de protoxyde d’azote est exponentielle, séduisant de plus en plus d’adeptes, notamment chez les jeunes. La presse regorge d’articles, de témoignages et de reportages sur ce phénomène qui s’est largement répandu depuis plusieurs années. De nombreuses villes ont récemment adopté des mesures pour y faire face. À Nantes, à Montpellier, à Marseille, à Paris ou encore à Lyon, des arrêtés ont interdit la consommation et la détention du protoxyde d’azote sur la voie publique, allant parfois jusqu’à proscrire la vente de nuit dans les commerces.
La loi de 2021, qui a interdit la vente de protoxyde d’azote aux mineurs, montre aujourd’hui ses limites : ce produit est encore en libre accès dans les épiceries, en supermarché et sur internet. Il s’agit d’un problème majeur de santé publique, qui doit s’appréhender à grande échelle. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire et urgent de restreindre la vente de protoxyde d’azote aux seuls professionnels et de renforcer la prévention auprès du public.
À l’origine, le protoxyde d’azote est utilisé comme gaz propulseur pour les siphons à crème chantilly et comme anesthésiant médical, lorsqu’il est mélangé avec de l’oxygène. Il connaît également d’autres applications dans le milieu industriel. Ce qui préoccupe nombre de citoyens, de parents et d’élus, c’est le détournement massif du protoxyde d’azote à des fins récréatives. Inhalé à l’aide de ballons, il provoque des effets euphorisants de courte durée. Les jeunes sont particulièrement attirés par cette substance, pour plusieurs raisons : elle est très facilement accessible, bon marché, indétectable après consommation et, surtout, elle est perçue comme légale et peu dangereuse. Pourtant, ce gaz est un danger immédiat. Je le souligne, car peu de personnes semblent en avoir réellement pris la mesure – même au sein des administrations compétentes, des flous subsistent, entretenus par la loi précédente.
D’après l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), le protoxyde d’azote a des effets neurotoxiques et altère les capacités reproductives. Or il s’agit de la troisième substance la plus consommée en France après le tabac et l’alcool, selon la préfecture de police de Paris. Sur le moment, le gaz hilarant peut entraîner une perte de connaissance, des chutes, des vertiges, une asphyxie et des brûlures par le froid. À moyen terme, il provoque l’inhibition de la vitamine B12 dans le corps et des complications neurologiques – lésions de la moelle épinière et des nerfs périphériques. Les consommateurs peuvent être complètement ou partiellement paralysés, de manière temporaire ou permanente. La consommation de protoxyde d’azote peut aussi causer des thromboses, des embolies pulmonaires et des AVC (accidents vasculaires cérébraux), ainsi que la mort, dans certains cas. On dénombre au moins trois décès directs en France et une cinquantaine en Angleterre, sans parler des accidents mortels indirectement liés à ce gaz. Eh oui, le protoxyde d’azote, ça paralyse et ça tue ! La situation est d’autant plus dramatique que la population touchée est très jeune. D’après les données qui nous ont été fournies, la moyenne d’âge des consommateurs est de 22 ans. De plus, 5,4 % des élèves de troisième en auraient déjà consommé – ce taux s’élèverait à plus de 13 % pour les 18-24 ans.
Le protoxyde d’azote pose également un grave problème environnemental. Les capsules et les bonbonnes qui jonchent les trottoirs, les routes et les parcs – notamment après les festivités – laissent les collectivités dépassées. S’ils ne sont pas collectés, ces déchets explosent dans les incinérateurs, mettent en danger les agents et perturbent les chaînes de recyclage. Chaque année, des tonnes de bonbonnes s’accumulent : 30 tonnes ont été récupérées à Lille et 20 tonnes à Lyon. Les coûts de traitement, qui peuvent atteindre 115 euros par bonbonne, représentent une charge croissante pour les collectivités et, par conséquent, pour les citoyens.
Le moyen le plus efficace pour protéger notre jeunesse et nos rues de ce fléau étant de limiter drastiquement l’accès à ce produit, il est essentiel de restreindre sa vente aux seuls professionnels habilités. Je propose donc d’instaurer un interdit protecteur pour l’ensemble des particuliers. Alors que la toxicité de ce produit est pleinement reconnue et que son mésusage ne fait aucun doute, il n’est pas normal qu’il soit encore en libre accès : nous devons fermer le robinet. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Stéphane Peu applaudit également.)
Cette interdiction enverra aux jeunes un signal sur la dangerosité de ce produit. Les opérations de contrôle seront alors très simples : sans preuve d’un usage professionnel, les cartouches saisies seront considérées comme illégales par défaut. Un arrêté ministériel déterminera les circuits de distribution spécifiques pour les secteurs professionnels qui en ont besoin – c’est déjà le cas pour les hôpitaux. Quant aux amateurs de crème chantilly, je leur dirai qu’il n’y a rien de meilleur qu’une crème fouettée à la main. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Cette position me semble juste et adaptée à la situation.
Mon objectif n’est pas de faire classer le protoxyde d’azote dans la catégorie des stupéfiants, ce qui ouvrirait un autre débat, ou de réprimer les consommateurs, mais de faire en sorte que son usage détourné soit clairement reconnu comme illégal et que nos enfants risquent aussi rarement que possible d’être tentés par l’usage détourné de ce produit. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
L’interdit protecteur permettra de lever l’ambiguïté actuelle, qui tient au statut trop flou de ce produit auprès du grand public et qui porte préjudice à nos jeunes.
Il est crucial de se doter de véritables moyens de contrôle pour appliquer la loi et mettre fin au marché en ligne du protoxyde d’azote. Les auditions ont révélé qu’à cause du statut légal du produit, trop peu d’actions ont été entreprises. De plus, ce flou juridique n’aide pas les autorités – douanes, police, ministère de la santé, ministère de l’économie et Union européenne – à faire de ce combat une priorité.
Cette proposition de loi offre l’occasion d’instaurer une véritable coopération interministérielle visant à lutter efficacement contre ce fléau, tant sur le terrain que sur internet.
Comme je l’ai déjà souligné, nos concitoyens connaissent trop peu les risques du protoxyde d’azote et c’est pourquoi cette proposition de loi tend à agir sur un levier essentiel, celui de la prévention.
La prévention est l’un des principaux piliers du texte. En renforçant le cadre législatif, nous pourrons mener des actions de sensibilisation ambitieuses pour décourager les usages potentiels et informer les consommateurs déjà exposés à ces risques.
En amont, l’article 3 prévoit une prévention annuelle dans les collèges et les lycées. Tous les acteurs de la santé le confirment : sensibiliser les élèves et renforcer leurs compétences psycho-sociales réduit, entre autres, les risques d’expérimentation du gaz hilarant et de développement de comportements addictifs. En aval, l’article 2 traite de la montée en compétences des acteurs sanitaires et tend à placer le réseau des centres d’addictovigilance et la mission interministérielle de lutte contre les drogues et addictions (Mildeca) au cœur du dispositif de veille et de diffusion sanitaires.
Nos débats fournissent également au ministère de la santé l’occasion de lancer une grande campagne nationale sur le protoxyde d’azote, alors que seules les agences régionales de santé (ARS) étaient mobilisées jusqu’à présent.
Enfin, la remise du rapport prévu à l’article 4 remplit deux objectifs : compenser le manque de données scientifiques et médicales sur le protoxyde d’azote pour améliorer l’efficacité de la prévention, mais aussi et surtout s’assurer que le gouvernement engagera tous les moyens nécessaires pour faire respecter cette loi. Nous ne pouvons plus nous permettre une loi inefficace et symbolique comme celle de 2021 : la situation est désormais critique dans de nombreux territoires et appelle des mesures immédiates et concrètes.
Pour tous les élus représentants de quartiers populaires, comme moi, le phénomène n’est que trop visible. Au quotidien, je constate les ravages que provoque le gaz hilarant dans ma circonscription, à Vénissieux, à Saint-Fons ou à Saint-Priest, comme partout en France.
De nombreux jeunes, livrés à eux-mêmes, trouvent refuge dans la consommation de cette substance dangereuse, qui n’a toujours pas fait l’objet d’une réelle prise de conscience collective. Il est urgent de renforcer la prévention, en mobilisant les associations locales et en sensibilisant les parents au danger de ce gaz, ces derniers se trouvant trop souvent démunis face à ce phénomène.
Je vous invite à soutenir cette proposition de loi concrète, qui tend à s’attaquer à un problème que subissent nos concitoyens au quotidien.
Associations, citoyens, pouvoirs publics : il est temps d’agir collectivement et de prendre à bras-le-corps ce problème, pour protéger notre jeunesse ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR. – Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Si nous sommes présents ce soir, c’est que nous partageons l’objectif de protéger notre jeunesse : protéger les jeunes des conduites addictives et des substances pouvant nuire à leur santé – tant physique que mentale – et provoquer des risques pour eux-mêmes et pour les autres.
Le texte proposé à notre examen s’attaque à un phénomène en particulier, qui a pris de l’ampleur ces dernières années : l’usage détourné des produits dits du quotidien qui, lorsqu’ils sont consommés pour leurs effets stimulants ou euphorisants, deviennent de véritables drogues.
Le protoxyde d’azote, aussi appelé « gaz hilarant » ou « proto », est représentatif de ces détournements. Depuis plusieurs années, on assiste à la recrudescence de son usage, principalement par les lycéens et parfois même par de très jeunes collégiens. Par son appellation évoquant l’hilarité spontanée qu’il induit, ce produit peut paraître inoffensif, voire bon enfant, mais il ne faut pas s’y tromper ! Ses risques pour la santé sont majeurs et il ne faut pas les sous-estimer : aux symptômes et dangers que vous avez déjà mentionnés, on peut ajouter les chutes, les traumatismes, les brûlures, l’asphyxie, la paralysie jusqu’au décès, mais aussi l’isolement et la dépendance, sans compter les risques associés d’accidents de la circulation et de mise en danger de la vie d’autrui.
Même si le phénomène reste difficile à quantifier, les pouvoirs publics y ont réagi dès les premières alertes reçues par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ou l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT).
D’initiative sénatoriale, la loi du 1er juin 2021, dite loi Létard, a permis d’interdire strictement la vente du protoxyde d’azote aux mineurs, quelles que soient les circonstances, d’en interdire plus généralement la vente dans certains commerces – tabacs et débits de boissons, par exemple – et de prohiber certains dispositifs facilitant son usage détourné, comme les crackers, et de renforcer les contrôles.
Le ministère de la santé a adopté dans la foulée plusieurs mesures réglementaires pour compléter ce texte. L’arrêté du 19 juillet 2023 limite fortement les ventes aux particuliers ; il interdit la commercialisation de bouteilles et bonbonnes, limite le poids des cartouches à 8,6 grammes au plus et les ventes à dix unités par acte d’achat. Le décret du 20 décembre 2023 précise les informations légales, avec l’obligation d’afficher un message sanitaire sur les emballages mettant en garde contre les risques associés à l’inhalation.
Si j’ai pris le temps d’être précis sur ces évolutions législatives et réglementaires, c’est pour vous rappeler que contre le mésusage du protoxyde d’azote, nous disposons déjà d’un arsenal législatif important, équilibré et proportionné.
Je conçois la difficulté d’encadrer la consommation d’un tel produit, à la fois utilisé dans le champ médical – mélangé à de l’oxygène, pour son action anesthésiante et analgésiante –, dans le domaine culinaire – pour les siphons à chantilly –, et comme une drogue récréative par les adolescents.
L’intention dans laquelle la proposition de loi que nous examinons a été conçue est tout à fait louable, mais son adoption affecterait sensiblement l’emploi légitime d’un produit d’usage courant.
Le principe de proportionnalité est l’un des fondements de notre droit. La vente aux particuliers de protoxyde d’azote a déjà été fortement encadrée par les textes récents que je viens de mentionner. Interdire purement et simplement sa commercialisation aux particuliers semble donc excessif.
Cette interdiction totale créerait une insécurité juridique et pourrait se révéler incompatible avec le droit européen, ce qui la rendrait inapplicable et inopposable aux tiers ! Je partage le souci des auteurs de la proposition, mais le gouvernement sera défavorable à ce texte qui, en l’état, emporte plus de risques que d’avancées.
Soyez toutefois assurés que si je pensais, en tant que médecin, que l’arsenal juridique et réglementaire était insuffisant et qu’il fallait prendre davantage de mesures pour protéger la jeunesse, je soutiendrais ce texte !
Forts d’un arsenal législatif et réglementaire déjà riche et récemment renforcé contre l’usage détourné du protoxyde d’azote, nous devons désormais mener le combat sur le terrain, pour que les interdictions y soient respectées et que les contrôles y soient effectifs.
C’est surtout en matière de prévention que nous devons progresser, en allant vers les jeunes, en diffusant largement des ressources accessibles, en allant dans les écoles, les collèges et les lycées et en proposant un accompagnement adapté. Je sais que plusieurs initiatives ont été prises localement et que les ARS se mobilisent.
Je veux m’appuyer sur ces actions pour que nous réussissions collectivement à détourner les jeunes de cette substance qui n’a rien d’un divertissement léger et sans conséquences. Un travail de fond nous attend, qui nécessite actions de proximité et pédagogie, mais qui est indispensable pour réussir à faire changer le regard sur le protoxyde d’azote.
Je soutiendrai d’ailleurs le lancement par le ministère de la santé d’une campagne sur le mésusage du protoxyde d’azote. Je pense aussi mobiliser la communauté éducative, mobiliser l’ensemble des élus locaux – sensibles à cette cause – et je sais qu’ensemble, nous réussirons l’information et la sensibilisation de notre jeunesse. (Mme Joséphine Missoffe applaudit.)
Discussion générale
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Taché.
M. Aurélien Taché
La proposition de loi que présente notre collègue Idir Boumertit est aujourd’hui indispensable. La consommation détournée de protoxyde d’azote pose désormais un problème de santé publique majeur : l’utilisation de ce produit de consommation courante comme psychotrope s’est répandue ces dix dernières années à une vitesse alarmante, au point de devenir aujourd’hui un fléau pour notre jeunesse.
Il est urgent de prendre les mesures nécessaires et pragmatiques et c’est le but de la proposition de loi : réserver aux seuls professionnels ce produit destiné à un usage médical ou culinaire. À cet égard, nous examinons une proposition de loi de bon sens.
Dans ma circonscription, à Cergy-Pontoise, le problème s’est généralisé ces dernières années. Pas un matin ne se passe sans que je voie ces bonbonnes et ces cadavres de bouteilles dans les parkings et les rues de cette ville – ces déchets sont encore plus répandus le week-end. Chaque semaine, je reçois des courriels et des courriers de parents angoissés dont les enfants consomment en soirée ce gaz hilarant. Ils se font un sang d’encre, à juste titre, pour la santé de leurs enfants et n’en peuvent plus : on ne peut que les comprendre !
La consommation de capsules de protoxyde d’azote dans un but récréatif est prépondérante chez les jeunes. La moyenne d’âge chez les consommateurs est de 22 ans et c’est même la première substance consommée par les jeunes âgés de 12 à 16 ans qui s’essaient pour la première fois aux psychotropes.
On ne parle pas d’un produit inoffensif. L’inhalation de ce gaz peut avoir des conséquences sur le système nerveux et la moelle osseuse, et occasionner diverses lésions, allant du simple mal de tête à la mort par asphyxie. Les jeunes en consomment parfois avant de prendre leur véhicule – deux-roues ou voiture – et les accidents sont réguliers. On voit d’ailleurs trop souvent sur les réseaux sociaux des images de jeunes se mettre en danger en consommant du protoxyde d’azote. Cette substance peut également provoquer des troubles respiratoires ou cardiovasculaires définitifs.
Ce gaz hilarant n’a donc rien de drôle, et nous devons aller plus loin que la législation actuelle, qui l’interdit aux mineurs, mais peut être très facilement contournée. L’accès à ce produit reste libre pour les jeunes majeurs, qui en sont aussi consommateurs, et les mineurs peuvent s’en procurer avec la complicité d’un adulte ou sur un site internet peu regardant sur l’âge de ses clients.
Pour toutes ces raisons, empêcher la vente à tous les particuliers est absolument nécessaire. Au-delà des dispositions visant à restreindre la vente, je souhaite insister sur l’importance de la prévention.
Notre premier objectif doit être de protéger notre jeunesse, particulièrement vulnérable à ce fléau. Pour cela, le gouvernement devrait lancer des campagnes de prévention, car la loi Létard et les annonces importantes faites dans la foulée ont été suivies de peu d’effets. Où sont les campagnes de prévention pour alerter sur le fléau que représente ce gaz, dont l’usage est de plus en plus répandu ?
En revanche, tous les amendements ne vont pas dans le bon sens. Certains tendent ainsi à ce que le protoxyde d’azote soit considéré comme un stupéfiant, ce qui en empêcherait l’usage alimentaire : une catastrophe pour la filière concernée ! D’autres prévoient de très fortes amendes en cas d’incitation à sa consommation, mesure inapplicable, tous les acteurs de terrain – à commencer par la préfecture du Val-d’Oise, avec laquelle je discute souvent de ce sujet – signalant que l’incitation est, en pratique, quasiment impossible à caractériser.
Nous souhaitons tous un texte opérationnel, produisant de réels effets : tel est le sens de l’article 1er, qui prévoit la restriction de la vente à des circuits professionnels spécialisés. L’adoption de la rédaction de mon collègue ferait honneur à l’Assemblée. En considérant qu’elle pénaliserait la filière de la restauration, vous n’êtes pas au rendez-vous, monsieur le ministre : le jeu, ou plutôt l’enjeu en matière de santé publique, en vaut la chandelle. Ne prenons pas ce sujet à la légère ; notre jeunesse mérite d’être protégée. À tous les collégiens, lycéens, jeunes adultes qui nous écoutent, je voudrais dire que la vie est fragile. Ne la mettez pas en danger inutilement : ne consommez pas de protoxyde d’azote. Prenez soin de vous, prenez soin d’eux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Lhardit.
M. Laurent Lhardit
En forte hausse dans l’ensemble du territoire national, la consommation de protoxyde d’azote est d’abord le fait d’adultes de plus en plus jeunes, avec une moyenne d’âge de 21 ans et une part croissante de mineurs, qui représentent désormais 20 % des cas signalés par les centres antipoison. L’inhalation de ce produit, dont la dangerosité est scientifiquement bien documentée, met leur santé en péril : toxique pour le système nerveux, le protoxyde d’azote peut entraîner des séquelles graves, voire la mort. Cette pratique a aussi des conséquences néfastes en matière de sécurité publique, d’accidents de la route, enfin d’environnement, aucune procédure à ce jour ne permettant de collecter, recycler ou détruire les contenants jetés en quantité n’importe où.
À Marseille, où se situe ma circonscription, ce fléau ne cesse d’empirer ; élus, habitants, comités d’intérêt de quartier m’interpellent régulièrement. Par conséquent, de même qu’à Lyon, Cannes, Nantes ou Paris, si je ne m’abuse, la municipalité a dernièrement pris un arrêté interdisant la consommation de protoxyde d’azote et l’abandon des cartouches sur la voie publique. C’est un premier pas, mais pour endiguer le phénomène, il faut un cadre législatif bien plus contraignant – la législation actuelle est en échec, ce dont nous aurons l’occasion de reparler lors de l’examen des premiers amendements.
Cette proposition de loi va dans le bon sens : restriction de la vente du produit aux professionnels des secteurs qui en font un usage légal, c’est-à-dire principalement la restauration et l’hôpital ; interdiction de le détourner ; actions d’étude, de prévention et de sensibilisation. Il est temps d’agir en vue du bien-être de nos concitoyens en fixant, je le répète, un cadre clair et contraignant, et en prenant les moyens d’une prévention à destination des plus jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Stéphane Peu et M. le rapporteur applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller.
Mme Virginie Duby-Muller
Connu sous le nom de gaz hilarant, le protoxyde d’azote est utilisé dans les domaines médical – par exemple en anesthésie, lorsqu’il est mélangé à de l’oxygène – et culinaire, dans les siphons à chantilly. Pour éviter qu’il ne soit consommé à des fins récréatives, la loi de 2021, visant les vendeurs mal intentionnés ou les trafiquants, a interdit sa vente et son offre aux mineurs, sous quelque conditionnement que ce soit, dans les commerces, les lieux publics, sur internet.
Nous devons désormais aller plus loin, la France étant en butte à une augmentation significative, en particulier chez les jeunes citadins, du détournement de ce gaz, dont les effets euphorisants ont fait le troisième produit psychoactif le plus consommé par les adolescents. Dans l’espace public, il n’est désormais plus rare de retrouver les cartouches métalliques qui le contenaient. Or cette absorption peut avoir sur la santé des conséquences graves, parfois même immédiates, a fortiori en cas de forte dose ou de doses successives : manque d’oxygène entraînant l’asphyxie, perte de connaissance, brûlures dues au froid du gaz expulsé de la cartouche, altération du réflexe de déglutition, désorientation, risque de chute.
Les consommateurs réguliers s’exposent à des troubles susceptibles d’engager le pronostic vital : complications cardio-vasculaires comprenant des perturbations du rythme cardiaque, pertes de mémoire, hallucinations, troubles moteurs, convulsions, détresse respiratoire quelquefois mortelle, troubles psychiques comme l’addiction, ou atteintes neurologiques allant jusqu’à la paralysie. En août 2024, les autorités sanitaires recensaient plus de 450 incidents graves, contre moins d’une dizaine de cas d’intoxication avant 2018. Selon l’Association française des centres d’addictovigilance, les cas de complications sanitaires graves liés au protoxyde d’azote ont été multipliés par dix depuis 2019.
D’une enquête publiée par Santé publique France en octobre 2023, il ressort en effet que plus de 10 % des jeunes de 18 à 24 ans ont déjà consommé du protoxyde d’azote – dans la moitié des cas, la consommation est quotidienne, jusqu’à une dizaine de bouteilles. L’enquête EnClass, conduite par l’OFDT, a établi que 5,5 % des élèves de troisième disent avoir consommé ce gaz ; 3 % à 6 % des étudiants en absorberaient régulièrement. Ces dernières années, plusieurs accidents de voiture, certains mortels, impliqueraient des personnes ayant inhalé du protoxyde d’azote.
Le groupe Droite républicaine considère donc que la proposition de loi cherche à atteindre des objectifs légitimes : la protection des mineurs, celle de la santé publique. Face à ce nouveau fléau, à la consommation croissante, massive, d’une drogue qui n’en porte pas le nom, une réponse législative forte est indispensable. Le texte, inscrit dans la continuité de la loi de 2021, vise à conjuguer de manière équilibrée la protection des consommateurs et la responsabilisation des industriels, des commerçants ; nous regrettons néanmoins l’absence de volet répressif, notamment que ne soit pas alourdie la sanction encourue par un majeur incitant un mineur à inhaler le gaz.
Nous souhaiterions l’inscription de ce produit sur la liste des stupéfiants, l’aggravation des peines si l’infraction a été commise sous son effet, enfin la pénalisation de sa détention et de sa consommation, afin d’accroître l’effet dissuasif du texte et de permettre aux forces de l’ordre d’agir de manière efficace ; ces mesures figuraient dans la proposition de loi visant l’interdiction totale de la vente, de la détention et de la consommation du protoxyde d’azote pour les particuliers, déposée en 2023 par Fabien Di Filippo. Malgré ces réserves, notre groupe votera pour la proposition de loi, car elle va, je le répète, dans le sens de la protection des Français et de la santé publique.
M. Romain Daubié
C’était très clair !
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Peu.
M. Stéphane Peu
En 2023, selon une enquête de Santé publique France, 13,7 % des individus de 18 à 24 ans déclaraient avoir consommé au moins une fois du protoxyde d’azote. Cette pratique constitue un véritable fléau : député de Saint-Denis, Pierrefitte-sur-Seine et Villetaneuse, je ne compte plus les familles endeuillées, les jeunes handicapés définitivement. Je dois vous dire, monsieur le ministre, que j’ai été un peu surpris de vous entendre sous-estimer le phénomène. Ma voisine du dessous, âgée d’une vingtaine d’années, se retrouve aujourd’hui en fauteuil roulant pour une seule et unique raison : elle inhalait du protoxyde d’azote, lequel a attaqué son système nerveux !
Une telle menace pour la santé publique nécessite des actions fortes. Alerté par les professionnels de santé et les structures de veille sanitaire, le législateur s’est déjà saisi du sujet, d’où, en 2021, la loi tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d’azote. Force est de constater qu’elle n’a pas suffi. Si elle a contribué à la prévention en obligeant les industriels à mentionner les dangers d’un usage détourné du produit, en prévoyant que collégiens et lycéens soient informés des dangers des conduites addictives, nous n’avons eu connaissance d’aucune baisse de la consommation, bien au contraire. Le centre d’addictovigilance de Lille a ainsi constaté une hausse exponentielle des incidents graves liés à ce gaz : dix-sept en 2019, quatre-vingt-un en 2022.
De même, si la loi interdit la vente et l’offre du gaz aux mineurs, les majeurs ne sont pas concernés : rappelons que les consommateurs ont en moyenne 22 ans. Même pour les mineurs, il reste possible d’acheter en quantité chez des revendeurs qui se gardent bien de réclamer au client une preuve de son âge – nouveau trafic, nouvelle source de profits pour des voyous. Résultat, les rues de nombreuses villes, comme Saint-Denis, sont jonchées de cartouches. Nantes, Montpellier, Paris ont interdit par arrêté la détention et la consommation sur la voie publique de protoxyde d’azote, mais de toute évidence, il convient de renforcer le cadre législatif.
Le texte que nous nous apprêtons à examiner vise à remédier à ces défauts de la loi de 2021 en interdisant à tout particulier, mineur ou non, la vente et l’importation de protoxyde d’azote. C’est une initiative très positive : nous pouvons espérer que la difficulté de se procurer cette substance contribuera à modifier sa perception au sein de la jeunesse et à mettre fin à la banalisation des risques qu’implique sa consommation. Nous saluons de surcroît la sensibilisation des plus vulnérables, lycéens et collégiens, par des séances d’information annuelles.
Les enseignants, les médecins, le personnel hospitalier, les policiers nous alertent ; les pompiers me parlaient récemment des comportements dangereux, délictueux, des accidents de la route causés par des gens qui, tout en conduisant, respiraient leur protoxyde. Il importe de prévenir, mais aussi de sévir contre les contrevenants : ce n’est pas uniquement leur propre vie qu’ils mettent en péril ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS. – M. Romain Daubié applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Croizier.
M. Laurent Croizier
Le détournement d’usage qui fait du protoxyde d’azote une drogue récréative, notamment chez les jeunes, est particulièrement préoccupant : ce composé constitue en effet un véritable poison neurologique, si bien que ce que l’on croyait un divertissement anodin peut se solder par des séquelles irréversibles.
En dépit des avancées législatives obtenues en 2021 avec l’interdiction de la vente du protoxyde d’azote aux mineurs, force est de constater que l’usage détourné de ce produit demeure largement répandu. À titre d’illustration, à Besançon, dans ma circonscription, 100 à 150 bonbonnes de grande capacité sont ramassées chaque mois sur la voie publique. Ces chiffres témoignent de la nécessité de renforcer la législation.
Le groupe Les Démocrates partage l’idée de restreindre la vente de protoxyde d’azote aux professionnels, lorsqu’il est vendu en conditionnement de grande capacité.
Nous convenons également de la nécessité de renforcer les actions de prévention et de sensibilisation, en particulier auprès des jeunes.
Notre unique objectif doit être de lutter contre une utilisation détournée du protoxyde d’azote, sans en interdire les usages légitimes. De ce point de vue, ce texte nous semble trop restrictif. Il présente des lacunes importantes et difficilement soutenables en l’état. Il prévoit ainsi d’interdire la vente des petites cartouches aux particuliers, y compris pour un usage culinaire, alors qu’il n’existe à ce jour aucune solution alternative suffisamment qualitative. Nous ne souhaitons pas punir les Français qui l’utilisent à bon escient et sans le moindre danger.
Ensuite, ce texte ne comporte aucune sanction à l’égard des consommateurs. Nous ne partageons pas ce choix ! Si la prévention est certes nécessaire, elle n’est pas suffisante. Une interdiction n’a de sens que si elle s’accompagne de sanctions.
Enfin, le volet environnemental n’est pas du tout abordé ; il a même été repoussé en commission, ce qui est assez surprenant. Il n’existe pourtant aucune filière de traitement et de recyclage pour les cartouches et les bonbonnes de protoxyde d’azote. Nous proposerons donc plusieurs amendements qui nous paraissent de bon sens.
M. Romain Daubié
C’est une bonne chose !
M. Laurent Croizier
Le premier exclut de l’interdiction les petites cartouches qui sont régulièrement utilisées en cuisine, sans aucun danger, par de très nombreux Français. (M. Gabriel Amard s’exclame.) Il faut légiférer, mais arrêtons d’interdire de manière généralisée et aveugle : les Français sont des adultes !
Nous proposerons également plusieurs amendements qui visent, légitimement, à sanctionner l’incitation, la détention et la consommation détournée du protoxyde d’azote en tant que drogue récréative.
Nous défendrons ensuite l’application du principe de pollueur-payeur, en intégrant les bonbonnes et les cartouches dans la filière de responsabilité élargie des producteurs, pour en assurer le traitement et le recyclage. En effet, l’élimination de chaque bonbonne de protoxyde d’azote revient à un coût estimé entre 20 à 30 euros, actuellement supporté par les collectivités qui ramassent parfois des dizaines, voire des centaines, de bonbonnes chaque mois.
M. Gabriel Amard
Des milliers !
M. Laurent Croizier
Il est donc légitime de rendre les producteurs responsables du financement et de l’organisation de la gestion des déchets issus de ces produits en fin de vie.
Par conséquent, nous vous proposons une approche plus pragmatique et plus équilibrée que ce texte très insatisfaisant et juridiquement fragile issu des travaux de la commission. Nous espérons que la raison l’emportera au cours de l’examen du texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Michel Brard.
M. Jean-Michel Brard
Nous connaissons tous le protoxyde d’azote : il est utilisé en cuisine, sous la forme de petites capsules, par exemple pour faire de la chantilly avec un siphon. Étant moi-même commerçant dans l’art de la table et l’art culinaire, j’en vends malheureusement tous les jours.
Cependant, nous ne pouvons plus ignorer que son usage est désormais détourné. Il est devenu un produit récréatif, un gaz hilarant qui, en réalité, n’a rien de drôle. Sa consommation explose, notamment chez les adolescents et les jeunes adultes. Ainsi, les centres d’addictovigilance et les centres antipoison nous alertent : en cinq ans, les cas d’intoxication ont fortement augmenté – et, avec eux, les conséquences graves, parfois irréversibles.
Les chiffres sont clairs : les consommateurs sont principalement de jeunes adultes, âgés en moyenne de 21 à 22 ans, et, de plus en plus, des mineurs, dont certains commencent dès l’âge de 12 ans, par effet de mode ou sous la pression du groupe.
Les conséquences sont bien connues. À court terme, ce sont des vertiges, des nausées, des pertes de conscience ou encore des troubles de la perception, et autant de risques d’accidents domestiques ou routiers, surtout lorsque le gaz est consommé avec de l’alcool. À long terme, c’est encore pire : des lésions neurologiques graves, pouvant entraîner une paralysie. Des jeunes sont ainsi devenus tétraplégiques, après une consommation régulière. Ce sont aussi des carences graves en vitamine B12, induites par l’inhalation du produit, qui provoquent des troubles cognitifs et psychiatriques. Et les effets ne s’arrêtent pas là : ce gaz entraîne des comportements à risque, notamment en soirée ou au volant.
Il dégrade aussi les espaces publics, en raison des cartouches qui jonchent les rues, les parcs ou les abords des lycées.
Les élus locaux nous alertent : le phénomène s’aggrave, se banalise et inquiète.
En 2021, nous avons réagi en interdisant sa vente aux mineurs et dans les débits de boissons et de tabac. Toutefois, force est de constater que cela ne suffit plus. C’est pourquoi nous voterons l’article 1er, qui interdit la vente de protoxyde d’azote en dehors des circuits professionnels.
Nous souhaitons néanmoins aller plus loin : avec les groupes Ensemble pour la République et Les Démocrates, nous proposons un durcissement des sanctions, nous appuyant pour ce faire sur la proposition de loi visant à lutter contre la consommation de protoxyde d’azote à des fins psychoactives, déposée au Sénat par Valérie Létard en 2022. Il faut agir et stopper ces dérives qui touchent les jeunes et plongent des familles entières dans l’angoisse.
Le protoxyde d’azote n’est pas une mode ; c’est un poison. Par notre vote, nous enverrons un message clair : nous sommes aux côtés des parents, des soignants, des enseignants et de tous ceux qui constatent les ravages de sa consommation. L’État ne détournera pas le regard. Nous ne laisserons pas ce gaz transformer nos rues et nos vies en laboratoire d’addictions et de drames. Nous disons stop !
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Viry.
M. Stéphane Viry
L’usage du protoxyde d’azote, plus connu sous le nom de gaz hilarant, est un problème de santé publique qui ne saurait être pris à la légère. Ce gaz, dont l’effet euphorisant est aussi rapide qu’éphémère, entraîne des conséquences potentiellement dramatiques pour ses consommateurs.
À mesure que son usage se banalise, en particulier chez les jeunes, on constate des pratiques de plus en plus répandues et fréquentes, parfois quotidiennes, qui s’accompagnent de risques majeurs : troubles neurologiques graves, atteintes psychiatriques, complications cardiaques et comportements à risque.
Le protoxyde d’azote est une substance à la toxicité multiple. Neurotoxique et reprotoxique, il présente également une toxicité vasculaire. De nombreux autres effets restent encore méconnus, faute de recul suffisant sur les niveaux de consommation observés.
La moyenne d’âge des consommateurs est actuellement de 22 ans ; plus de 5 % des enfants âgés de moins de 13 ans et des élèves en classe de troisième auraient déjà expérimenté ce gaz hilarant ; enfin, parmi la tranche d’âge des jeunes de 18 à 24 ans, le taux d’usage grimpe à plus de 13 %. Ces chiffres révèlent donc l’urgence d’une action renforcée et coordonnée.
Conscient du danger d’une telle situation, le Parlement avait interdit dès 2021 – cela a déjà été rappelé –, sous l’impulsion de notre collègue Valérie Létard, la vente de protoxyde d’azote aux mineurs et encadré les quantités pouvant être achetées. Cependant, force est de constater que l’efficacité de ces mesures sur le terrain reste très limitée. Non seulement la consommation ne diminue pas, mais elle continue d’augmenter,…
M. Gabriel Amard
Eh oui !
M. Stéphane Viry
…ce qui incite certaines municipalités – telles que Nantes, Marseille, Montpellier, Paris ou Lyon – à prendre des arrêtés locaux interdisant jusqu’à la simple détention de ce gaz par les mineurs.
C’est dans ce contexte que nous examinons cette proposition de loi, qui vise à renforcer les outils de prévention et de contrôle. La gravité des effets du protoxyde d’azote, non seulement sur la santé mais aussi sur l’environnement, doit être connue de tous. Nous devons rompre avec une forme d’innocuité de cette substance, dont la facilité d’accès fait désormais une drogue légale, d’un usage malheureusement banalisé.
M. Gabriel Amard
Il a raison !
M. Stéphane Viry
Ce texte, que nous soutenons sans réserve, prévoit une mesure essentielle : l’interdiction de la vente du produit aux particuliers, à l’exception des utilisations qui sont strictement encadrées, notamment celles à des fins culinaires ou médicales. Cette avancée permet de restreindre davantage les canaux de diffusion de la substance.
En commission des affaires sociales, nous avons également rétabli une mesure coercitive prévue dans la loi de 2021, à savoir une amende de 3 750 euros en cas de violation de l’interdiction de vente du protoxyde d’azote aux mineurs. Ce retour à une sanction dissuasive est une avancée indispensable pour garantir le respect des règles existantes.
Cependant, il est permis de s’interroger sur l’absence, dans la proposition de loi, d’une disposition permettant de verbaliser la détention de protoxyde d’azote par un mineur. En effet, une telle mesure constituerait un levier supplémentaire pour lutter contre ce fléau, en s’attaquant directement à la consommation elle-même.
Le travail réalisé est important. Si ce texte est adopté par notre assemblée, il marquera une étape importante et engagera une responsabilité collective : faire en sorte que les mesures prises ce soir trouvent une application concrète et efficace. C’est dans cet état d’esprit que nous continuerons à porter une attention particulière et exigeante à ce sujet crucial pour la santé de nos jeunes et plus généralement pour la santé publique.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.
Mme Sabrina Sebaihi
« Franchement, ça ne vaut pas le coup du tout, j’ai failli mourir, ce n’est même pas dangereux, c’est la mort en personne. Ça m’a détruit la vie, ça a détruit mon lien avec ma famille, ça a tout détruit ». Voici ce que déclare une victime du protoxyde d’azote, paralysée et aveugle d’un œil. Elle a seulement 17 ans.
Il y a quelques mois, à Nanterre, dans ma circonscription, c’était un jeune qui était tué, sur fond de prise massive de protoxyde d’azote. Dans d’autres régions de France, la consommation de ce gaz est responsable du handicap ou de la mort de nombreux jeunes. C’est inacceptable.
Le protoxyde d’azote est devenu un véritable enjeu de santé publique. Combien de vies brisées et de familles endeuillées faudra-t-il avant de réagir collectivement ? Combien de jeunes asphyxiés, marqués à vie, devrons-nous voir chuter avant de prendre la mesure du problème avec gravité ?
La consommation de protoxyde d’azote est devenue systémique dans notre société, si bien que les mesures locales ne sont plus le bon échelon pour l’enrayer. Quelques arrêtés d’interdiction ou de restriction d’usage n’y feront rien. Il nous faut une réelle politique coordonnée, structurée et centralisée par l’État, pour lutter contre ce fléau.
En ce sens, permettez-moi de remercier mon collègue, Idir Boumertit, d’avoir déposé cette proposition de loi, qui nous permettra d’avancer sur le sujet. La lutte et la prévention contre la drogue, contre les produits dangereux pour la santé, doivent relever de l’État. Et c’est à notre assemblée qu’il revient de légiférer pour durcir drastiquement l’accès au protoxyde d’azote, encadrer sa vente aux seuls professionnels habilités et, enfin, engager une véritable politique de prévention sur les risques et les dangers du produit.
Permettez-moi de m’adresser à certains de nos collègues qui, en commission, ont fait le choix de criminaliser toujours davantage les consommateurs. J’ai déjà eu l’occasion de le dire, mais je le répète à cette tribune : cela n’a pas marché hier, cela ne marchera pas aujourd’hui ni demain.
M. Gabriel Amard
Absolument !
Mme Sabrina Sebaihi
Depuis cinquante ans, tous les sept mois en moyenne, nous modifions le droit en matière de drogue dans le sens d’une répression toujours plus forte. Toutefois, pour quel bilan ? Malgré la réglementation la plus répressive d’Europe, la consommation n’a jamais montré de signes de faiblesse. En 1992, 12,7 % de Français avaient testé le cannabis ; ils étaient plus d’un sur deux en 2023. En 2017, 5 % de nos compatriotes déclaraient avoir consommé de la cocaïne au moins une fois dans leur vie ; ils sont près de 10 % actuellement. En ce qui concerne le protoxyde d’azote, près de 7 % des Français reconnaissent en avoir consommé au moins une fois dans leur vie. Je ne peux énumérer toutes les drogues et substances illicites diverses et variées, ni leurs statistiques qui sont toutes en augmentation dans notre territoire.
Le chiffre d’affaires du secteur de la drogue s’élève ainsi en France à près de 3 milliards d’euros, soit un peu plus de 0,1 point de PIB, et l’on ne compte plus les assassinats liés aux trafics de drogue. En 2023, le nombre d’homicides et de tentatives d’homicide dans le cadre du trafic de drogue a bondi de 57 %, s’étendant à tout le territoire et à tous les profils. Votre politique a failli ; votre vision a failli.
Si je m’aventure à évoquer votre politique de lutte contre la drogue, c’est pour vous alerter : le renforcement brutal de l’arsenal vers le tout répressif n’est pas le bon moyen pour lutter contre la consommation de protoxyde d’azote, comme il ne l’est pas pour lutter contre la drogue.
Nous devons maintenant mettre des moyens sur la politique de santé publique – le protoxyde d’azote est avant tout un problème de santé publique, qui doit être traité comme tel. Il faut développer une politique volontariste de réduction des risques, pilotée et centralisée par l’État. L’approche punitive actuelle ne dissuadant ni la consommation ni le trafic, nous devons adopter une politique plus raisonnée, alliant prévention, accompagnement et sanctions adaptées. Pour lutter contre le trafic de drogue – de tout type, y compris le protoxyde d’azote –, nous devons cibler les trafiquants, plutôt que les consommateurs.
Enfin, lors de l’examen du texte en commission, j’ai été particulièrement choquée d’entendre certains orateurs souligner à quel point les particuliers seraient affectés par l’interdiction des bombes à protoxyde d’azote, au motif qu’ils ne pourraient plus faire leur propre crème chantilly.
M. Laurent Lhardit
Très bien !
Mme Sabrina Sebaihi
On parle ici d’adolescents qui meurent ou qui conservent des séquelles à vie. Un peu de décence ! Je regrette que de tels propos aient été tenus en commission. Le protoxyde d’azote est un produit dangereux pour la santé – et même mortel dans certains cas. C’est pourquoi le groupe écologiste votera ce texte qui permettra de sauver des vies. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC.)
Mme la présidente
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
4. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi visant à restreindre la vente de protoxyde d’azote aux seuls professionnels et à renforcer les actions de prévention sur les consommations détournées ;
Discussion de la proposition de résolution visant à condamner l’oppression et la terreur imposées aux femmes iraniennes, et à réaffirmer leur liberté absolue ;
Discussion de la proposition de résolution européenne, relative à l’adoption et à la mise en œuvre d’exigences à l’importation pour le respect de normes de production équivalentes aux normes de production essentielles, en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal applicables dans l’Union européenne ;
Discussion de la proposition de résolution européenne invitant le gouvernement de la République française à refuser la ratification de l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra