Question écrite n° 1060 :
Recours à des sociétés d'audit par le ministère de la justice

17e Législature

Question de : M. Ugo Bernalicis
Nord (2e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

M. Ugo Bernalicis interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le recours par le ministère à des sociétés d'audit. En décembre 2020, l'école nationale de la magistrature (ENM) a décidé d'avoir recours à une société d'audit pour élaborer sa stratégie pour les prochaines années. Cet appel d'offres portait sur un montant maximal de 90 000 euros HT (108 000 euros TTC) et devait permettre, pour le 31 juillet 2021, d'« accompagner la direction de l'école dans la déclinaison opérationnelle des grandes orientations stratégiques retenues », en élaborant « un catalogue et un calendrier de mesures concrètes de mise en œuvre de celles-ci ». Plus de 6 mois après cette date butoir, aucune des missions de cet audit n'a été réalisée. Pire, la société d'audit a cessé d'assumer ses fonctions et l'école élabore, seule, les orientations stratégiques pour les années à venir. Pourtant, la société d'audit a effectivement perçu l'intégralité des sommes demandées. L'une des spécificités de cet appel d'offres est qu'il est entouré par une certaine publicité. Ce n'est pas le cas d'autres hypothèses où le ministère a recours à des sociétés d'audit : ainsi de l'organisation des états généraux de la justice, où se sont succédés différents prestataires sans grande publicité le ministère ayant opportunément eu recours à des accords-cadres ministériels ou interministériels, ou bien à des achats ponctuels et non-récurrents d'un montant inférieur à 40 000, par le biais d'un découpage des diverses prestations ; de même du domaine informatique, où le recours à différentes sociétés d'audit et de prestataires ne s'est pas avéré fructueux - preuve en est du récent rapport de la Cour des comptes sur le sujet ; enfin du recours très fréquent des cabinets spécialisés sur la qualité de vie au travail ou les risques psychosociaux. Ces quelques sujets sont ceux où la présence de cabinets d'audit peut être identifiée par des acteurs extérieurs. Cela ne signifie nullement que ce soit une liste exhaustive. Ces tendances sont symptomatiques de la tendance décrite dans l'ouvrage de Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre du recours de plus en plus fréquent aux cabinets d'audit et concernent l'ensemble des branches de l'action de l'État. Il semble à M. le député néanmoins évident que si « la Société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration », ce droit concerne également le droit de demander à l'administration un compte rendu exhaustif des dépenses qui ont été engagées, surtout lorsqu'il s'agit pour l'administration de déléguer à des sociétés de conseil la définition d'une politique publique, notamment lorsque c'est une mission par essence régalienne. En conséquence, il lui demande que soit précisé l'ensemble des dépenses engagées par le ministère, ainsi que les opérateurs publics qui en dépendent, pour le recours à des cabinets de conseil pour l'année 2021, l'année 2022, l'année 2023 ainsi que pour l'année 2024 (qu'il s'agisse de recours lancés ou de simples projets) ainsi que les différents domaines affectés.

Réponse publiée le 26 août 2025

La société d'audit retenue par l'École nationale de la magistrature (ENM) afin d'élaborer sa stratégie pour les prochaines années a dûment rempli ses obligations suite à l'appel d'offre émis. En effet, de janvier 2021 à janvier 2023, le prestataire retenu a permis d'aider et accompagner la direction de l'ENM dans l'écoute, le dialogue et la définition progressive des grandes lignes de la réforme de l'École, et pour élaborer des pistes d'évolutions concrètes pour l'aider à mieux remplir ses missions. Les avancées de cet audit ont été évoquées à chaque conseil d'administration de l'ENM sur la période. L'audit a abouti à 12 grandes propositions pertinentes d'évolution, partagées avec l'ensemble des acteurs. Plus de la moitié de ces propositions a d'ores et déjà été mise en œuvre. Les autres sont intégrées dans les travaux en cours pour être appliquées dès que possible. Concernant le recours au conseil extérieur, et conformément aux différentes directives [1] [2] [3], il n'en est fait usage que dans des cas bien précis, à savoir : Acquérir des compétences et expertises dont l'administration ne dispose pas à un instant donné pour mettre en œuvre les transformations attendues de nos concitoyens ; Faire face à un besoin ponctuel en expertises complémentaires dans la conduite d'un projet lorsque les capacités des services ne permettent pas d'absorber la charge nécessaire à sa mise en œuvre dans les délais impartis ; Eclairer les décideurs publics d'un regard extérieur afin d'intégrer les innovations identifiées dans d'autres pays ou dans le secteur privé. D'un point de vue financier, les dépenses engagées par le ministère pour le recours à des cabinets de conseil ont été sensiblement réduites depuis 2021 et se répartissent par type d'intervention comme suit :


Nature de la prestation de conseil

2024

2023

2022

2021

Conseil communication

90 216 €

79 972 €

37 593 €

23 739 €

Audit comptes financiers

11 266 €

14 280 €

58 320 €

33 246 €

Conseil stratégique en organisation

378 744 €

565 981 €

2 072 394 €

2 928 901 €

Conseil recrutement RH

- 252 771 €

54 820 €

24 974 €

38 751 €

Conseil métier

451 538 €

306 949 €

1 049 405 €

1 454 269 €

Conseil expertise juridique

500 879 €

950 821 €

863 211 €

689 090 €

Conseil expertise assurance

105 861 €

64 050 €

4 682 €

3 891 €

Etude technique métier

164 290 €

107 731 €

0 €

0 €

TOTAL

1 702 794 €

2 144 604 €

4 110 579 €

5 171 886 €
[1] Circulaire du Premier ministre n° 6329/SG du 19 janvier 2022 ; [2] Circulaire ministérielle du 31 mars 2022 relative à l'encadrement du recours aux prestations intellectuelles et à la mise en place d'un CME pour les prestations de conseil relevant des ACIM de la DITP ; [3] Note ministérielle du 13 juillet 2023 portant actualisation de la circulaire du 31 mars 2022 avec un nouveau plafond d'AE réduit.

Données clés

Auteur : M. Ugo Bernalicis

Type de question : Question écrite

Rubrique : Administration

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 22 octobre 2024
Réponse publiée le 26 août 2025

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