Mandataires judiciaires : gel des rémunérations, urgence sociale et protection
Question de :
M. Ugo Bernalicis
Nord (2e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Ugo Bernalicis attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation dramatique des mandataires judiciaires à la protection des majeurs exerçant à titre individuel (MJPMi). Ces professionnels assurent une mission d'intérêt général essentielle et complexe : ils mettent en œuvre les mesures de protection juridique confiées par le juge des contentieux de la protection au bénéfice de plus de 100 000 personnes majeures qui ne peuvent plus protéger leurs intérêts en raison d'une altération médicalement constatée de leurs facultés mentales ou corporelles. Dans le cadre strict du mandat qui leur est confié, ils protègent à la fois la personne et son patrimoine, garantissent l'accès aux droits, le maintien dans le logement, la gestion budgétaire, l'accompagnement sanitaire et social et préviennent les risques de maltraitance ou d'isolement. Pourtant, malgré la gravité des responsabilités assumées et l'importance cruciale de leur rôle dans la protection des plus vulnérables, leur rémunération est restée strictement gelée depuis 2014, à un coût de référence de 142,95 euros bruts par mesure. Ce gel prolongé sur plus de onze ans survient alors que les charges des MJPMi ont explosé : loyers, salaires, assurances, carburant, frais postaux, maintenance informatique, complexification des démarches administratives et dématérialisation. Cette stagnation, en totale déconnexion avec le coût de la vie et l'évolution de prestations sociales de référence telles que le SMIC ou l'AAH, provoque une crise de l'attractivité et de la soutenabilité économique de la profession. Dans plusieurs territoires, des postes de MJPMi restent vacants, laissant des majeurs protégés sans accompagnement et aggravant les inégalités territoriales. L'enquête de la Fédération nationale des mandataires judiciaires indépendants (FNMJI, février 2025) révèle un épuisement massif, des dossiers de plus en plus complexes et une rentabilité insuffisante pour poursuivre l'activité, situation confirmée par l'étude de la DGCS et de la Fédération nationale des CREAI, qui souligne les « défis multidimensionnels » rencontrés par la profession. Par ailleurs, aucune disposition réglementaire ne garantit la continuité de l'accompagnement en cas d'indisponibilité d'un MJPMi, alors même que la demande sociale et judiciaire explose. L'entrée en vigueur de l'obligation de formation continue (décret du 1er septembre 2025) s'est faite sans aucune mesure de compensation financière, faisant peser de nouvelles charges sur une profession déjà en détresse. Face à cette situation, qui illustre l'abandon des travailleurs sociaux et la mise en danger des personnes vulnérables par l'État, la profession appelle à un dégel immédiat de la rémunération et à la restauration de son indexation sur le SMIC et l'AAH, mécanisme qui existait avant 2014. Elle demande également l'ouverture d'une réforme structurelle ambitieuse de la rémunération, fondée sur des indicateurs socio-économiques pertinents, garantissant la pérennité et l'attractivité de cette fonction essentielle. M. le député souhaite savoir si le Gouvernement entend, dans l'urgence, dégeler la rémunération des MJPMi et restaurer son indexation sur le SMIC et l'AAH ; si une réforme structurelle de leurs émoluments est envisagée pour assurer la survie économique de la profession ; quelles mesures seront mises en place pour garantir la continuité de l'accompagnement des majeurs protégés en cas d'indisponibilité d'un mandataire individuel ; et enfin, comment le Gouvernement entend accompagner financièrement l'obligation de formation continue, afin que cette charge ne retombe pas sur des professionnels déjà fragilisés par plus de dix ans de gel des émoluments.
Auteur : M. Ugo Bernalicis
Type de question : Question écrite
Rubrique : Professions judiciaires et juridiques
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Autonomie et personnes handicapées
Date :
Question publiée le 9 décembre 2025