Prise en charge des personnes âgées en prison
Question de :
M. Ugo Bernalicis
Nord (2e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Ugo Bernalicis alerte M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la prise en charge des personnes âgées en prison. Dans son récent rapport intitulé « Incarcérations de longue durée et atteintes aux droits », le Contrôle général des lieux de privation de liberté (CGLPL) dénonce un vieillissement mal pris en charge par l'administration pénitentiaire dans les établissements. Au 1er janvier 2022, 8 696 personnes détenues âgées d'au moins 50 ans (dont 2 915 de 60 ans et plus) sont incarcérés dans les prisons françaises. Comme l'indique le CGLPL, la vieillesse se corrèle avec la vulnérabilité, la mise à l'écart - contrainte ou volontaire - et la peur, « peur de la confrontation à la violence, peur d'une population qui est majoritairement jeune, peur d'aller en cours de promenade. Ennui aussi, parce que l'activité professionnelle ne leur est plus accessible et que les activités mises en place ne sont pas en adéquation avec leur âge ». Le rapport décrit une prise en charge insuffisante, inadaptée de ce public en prison. Certains établissements ont mis en place des activités spécifiques (sport, jardinage, atelier de mobilisation cognitive, médiation animale, etc.) mais ces initiatives sont rares et souvent temporaires. L'emploi des personnes âgées reste très marginal et, sauf exceptions, l'organisation de la vie en détention ne prend que très peu en compte l'âge des détenus ou leur état de santé. Au-delà, la vieillesse conduit certaines personnes détenues à des situations de dépendance, dont la prise en charge est lacunaire. Les déplacements hors de la cellule sont difficiles dès lors que de nombreux établissements ne répondent pas aux normes relatives à l'accessibilité : étroitesse des portes, existence de marches ou d'escaliers, dénivellation, absence de rampe, etc. Dans certains établissements, l'accès aux soins est d'autant plus compromis que le personnel de l'unité sanitaire refuse de rendre en détention pour rencontrer les personnes en cellule. Par ailleurs, lorsque l'accessibilité est garantie, il faut souvent être accompagné dans ses déplacements, pour s'orienter ou prendre l'ascenseur. La perte d'autonomie peut se traduire par l'impossibilité d'assurer certains actes de la vie courante. De nombreux établissements ont organisé des partenariats avec des associations d'aide à la personne (services d'aide et d'accompagnement à domicile, SAAD et les services de soins infirmiers à domicile, SSIAD), mais ce n'est pas le cas partout. Face à l'absence de professionnels pour assurer cette mission, ce sont le plus souvent les codétenus - généralement un auxiliaire du service général - qui s'acquittent d'une partie de ces tâches et font office de « tierce personne » ou d'aide-ménagère. Depuis longtemps, le CGLPL indique que l'accompagnement par des codétenus n'est pas acceptable, s'agissant en particulier des soins au corps, en raison de l'absence de formation et de rémunération adaptée, des risques d'abus et des atteintes à l'intimité et à la dignité du détenu dépendant. M. le député s'alarme de ce qu'à ce jour, aucune politique pénale ne soit mise en œuvre et aucune réflexion interministérielle entreprise pour rechercher des prises en charge adaptées alors que le vieillissement de la population pénale est un phénomène connu, à la fois lié à la démographie de l'ensemble de la population française et à l'allongement de la durée des peines et des prescriptions pénales. Comme le souligne le CGLPL, la question de la place de ces personnes en prison se pose d'autant plus que leur « dangerosité » est souvent amoindrie et que les risques de trouble à l'ordre public sont ténus. Le développement de peines alternatives à l'incarcération a pourtant du mal à s'appliquer. Ainsi, M. le député souhaite savoir comment le ministère de la justice entend répondre à la recommandation 19 du rapport précité, selon laquelle « Le respect de la dignité des personnes détenues vieillissantes doit être assuré par tous moyens ». En outre, M. le député souhaite avec des éléments statistiques précis sur les personnes détenues âgées, par tranche d'âge et par établissement. Il souhaite également connaître le nombre des partenariats avec des associations d'aide à la personne (services d'aide et d'accompagnement à domicile, SAAD et les services de soins infirmiers à domicile, SSIAD) conclus par l'administration pénitentiaire et leur cartographie précise sur l'ensemble du territoire.
Réponse publiée le 26 août 2025
Au 1er avril 2025, 3292 personnes de plus 60 ans sont incarcérées, dont 730 ont entre 70 et 80 ans et 105 plus de 80 ans. La tendance au vieillissement de la population française s'observe également au sein des établissements pénitentiaires. La prise en charge du public vieillissant en détention est donc un enjeu majeur pour l'administration pénitentiaire. Afin de renforcer les partenariats entre les services pénitentiaires, les établissements de santé, les conseils départementaux, les maisons départementales des personnes handicapées et les services d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD), un protocole a été instauré par une note interministérielle du 2 juillet 2020. Ce travail conjoint vise à favoriser l'accès des personnes placées sous main de justice aux dispositifs de compensation du handicap et de la perte d'autonomie. La caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) est également associée à cette démarche. En parallèle, une convention relative au développement d'activités physiques et sportives en faveur des personnes détenues vieillissantes et/ou en situation de dépendance a été signée entre la direction de l'administration pénitentiaire (DAP), le ministère en charge du sport et différentes fédérations sportives. Depuis 2023, le développement des activités adaptées est soutenu via des appels à projets annuels sur la thématique « handicap, perte d'autonomie et inclusion ». Certains établissements proposent également un module « bien vieillir en détention ». Dans cette même dynamique, un poste d'auxiliaire aidant a été créé en 2023 et permet à des personnes détenues volontaires d'accompagner une personne détenue en perte d'autonomie dans ses actes de la vie quotidienne. Par ailleurs, la DAP accompagne le déploiement du volet « prison » de l'enquête autonomie de la direction de la recherche, des études et de l'évaluation des statistiques, dont les résultats définitifs seront présentés prochainement. S'agissant plus spécifiquement de l'adaptation des établissements au public vieillissant, la capacité théorique des cellules adaptées aux personnes à mobilité réduite (PMR) est de 600 places opérationnelles au 1er mai 2025. A titre comparatif, il s'élevait à 472 au 1er septembre 2018. Les nouveaux établissements présentent 3 % de cellules PMR, comme prévu par l'arrêté du 4 octobre 2010. Les constructions déjà existantes, elles, développent une cellule PMR accessible pour 100 places, comme en dispose l'arrêté du 29 décembre 2016. S'agissant d'autre part de la sortie de la détention vers les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EPHAD), la DAP travaille au développement de conventions d'accueil. À ce titre, un groupe de travail s'est tenu de 2020 à 2022 et a abouti à la création d'outils de liaison et à la réalisation d'un documentaire de sensibilisation des personnels d'EHPAD : « sortir de la pénombre : de la prison à l'EHPAD ». Un guide de l'accueil des personnes sortant de détention a également été réalisé en partenariat avec la Croix Rouge et signé en novembre 2023. Enfin, dans la même idée que le partenariat actuel avec l'EHPAD de la fondation St Jean de Dieu à Marseille qui accueille depuis plusieurs années des personnes détenues au sein de sa structure, plusieurs projets sont engagés avec des structures gestionnaires d'EHPAD.
Auteur : M. Ugo Bernalicis
Type de question : Question écrite
Rubrique : Lieux de privation de liberté
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 22 octobre 2024
Réponse publiée le 26 août 2025