Question écrite n° 2111 :
Augmentation du nombre des détenus atteints de troubles mentaux

17e Législature

Question de : Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho
Essonne (2e circonscription) - Rassemblement National

Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'augmentation du nombre des détenus atteints de troubles mentaux. Ainsi, selon plusieurs enquêtes, environ 70 % des personnes entrant en prison souffriraient d'au moins un trouble psychiatrique, près d'une sur deux en cumulant plusieurs. Il semblerait même que les troubles sont entre deux et quatre fois plus représentés chez les personnes entrant en prison que dans la population générale. Or la prise en charge de la santé mentale des détenus a été confiée au service public hospitalier et non au service pénitentiaire. Le dispositif actuel repose à la fois sur les secteurs de psychiatrie générale et sur des secteurs spécifiques en milieu pénitentiaire : la psychiatrie générale pour les soins courants est assurée au sein de 175 unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP, ex-UCSA) implantées au sein des établissements ; tandis que la psychiatrie spécifique chargée de la prévention et de la prise en charge des soins psychiatriques en milieu pénitentiaire est assurée au sein de 26 services médico-psychologiques régionaux (SMPR), 8 unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) et 7 unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA). Toutefois, les SMPR sont rattachés à un établissement de santé, bien qu'ils soient situés dans l'enceinte des maisons d'arrêt ou des centres pénitentiaires. D'ailleurs, ils sont animés par une équipe médicale pluridisciplinaire associant psychiatres, psychologues, infirmiers, assistants sociaux, etc. Malheureusement, non seulement ces structures disposent d'un nombre très limité de lits, mais encore, elles assurent essentiellement une prise en charge uniquement de jour, seules deux d'entre elles disposant d'une présence paramédicale nocturne. En outre, dans la mesure où les détenus ne peuvent recevoir de soins psychiatriques en détention qu'avec leur consentement, beaucoup de surveillants constatent un défaut de prise en charge des personnes détenues non consentantes accentué par une présence discontinue du personnel médical et de lien direct avec les détenus. Ainsi, tandis que la voie de l'hospitalisation d'office ne pose pas de difficulté à l'extérieur (parent, maire, préfet pouvant la demander, un médecin devant ensuite la valider), en milieu carcéral de nombreuses difficultés font obstacle malgré les dispositions de l'article D. 398 du code de procédure pénale. Et pour cause, si en pratique l'hospitalisation d'office peut être demandée par un psychiatre de SMPR ou un psychiatre intervenant dans l'établissement pénitentiaire et concerner un condamné ou un prévenu, les surveillants ne peuvent le demander bien qu'ils aient constaté des comportements parfois proches de la démence. Ainsi, au-delà du nombre insuffisant de places pouvant accueillir de telles pathologies, le fait que l'initiative de la demande d'hospitalisation d'office soit laissée au personnel médical (au lieu du personnel pénitentiaire) crée une difficulté. Aussi, elle lui demande quelles mesures le Gouvernement entend mettre en place non seulement pour augmenter significativement le nombre de places dans les SMPR et les UHSA, mais encore, pour que les directeurs des établissements pénitentiaires puissent directement demander l'hospitalisation d'office à charge ensuite au médecin de la valider.

Réponse publiée le 26 août 2025

Si la prise en charge sanitaire des personnes détenues relève d'une prérogative du ministère de la santé depuis la loi du 18 juillet 1994, la question de la prise en charge des personnes détenues souffrant de troubles de santé mentale fait l'objet d'une forte préoccupation pour l'administration pénitentiaire (AP). La direction de l'administration pénitentiaire (DAP) finance actuellement une étude sur la prévalence des troubles psychiatriques en prison intitulée « Épidémiologie PSYchiatrique Longitudinale en prisON (EPSYLON) ». Elle est effectuée par la Fédération régionale de recherche en psychiatrie et santé mentale Hauts-de-France, laquelle est également responsable de l'étude relative à la santé mentale de la population carcérale sortante (SPCS). Elle évalue la santé mentale des personnes incarcérées en maison d'arrêt au cours des 9 premiers mois passés dans l'établissement. Ses résultats seront connus en septembre 2025. En outre, dans le cadre de la politique active de l'AP en matière de prévention et de lutte contre le suicide, l'accès au numéro national de prévention du suicide 3114 pour les personnes détenues fait actuellement l'objet d'une expérimentation en milieu pénitentiaire. S'agissant de la nécessité d'une augmentation significative du nombre de places dans les SMPR et les UHSA, les ministères de la Justice et de la santé et de l'accès aux soins réaffirment leur engagement à œuvrer en ce sens. Afin de densifier l'offre de prise en charge psychiatrique de niveau 3 proposée aux personnes détenues les plus affectées, il a été acté la création de 3 nouvelles UHSA, en plus des 8 UHSA déjà existantes sur le territoire. La création de ces 3 UHSA constitue une action de la feuille de route santé 2024-2028 des personnes placées sous main de justice. Les SMPR relèvent quant à eux du deuxième niveau de soins. En principe, cela implique que la prise en charge en SMPR ne doit pas excéder une durée de 48 heures. Il ne s'agit donc pas d'un service d'hébergement au même titre que les UHSA, qui assurent, elles, une hospitalisation complète. L'augmentation des capacités d'accueil des SMPR et des UHSA ne dépend ainsi pas uniquement de la création de nouvelles places mais repose étroitement sur la disponibilité des ressources humaines. C'est pourquoi un projet commun de groupe de travail, visant à renforcer l'attractivité des métiers de soignants en milieu carcéral, est en cours de préparation. Dans ce même objectif de prise en charge psychiatrique renforcée, la DAP suit avec attention l'expérimentation des équipes mobiles transitionnelles pour les personnes présentant des troubles psychiatriques et sortant de prison (EMOT) menées à Lille, Toulouse et Aix. Ces EMOT sont des équipes pluridisciplinaires qui permettent de faciliter la continuité de prise en charge en santé mentale à la sortie de détention avec un suivi individualisé. S'agissant de la proposition visant à confier aux chefs d'établissements pénitentiaires la faculté de demander une hospitalisation sous contrainte pour une personne détenue souffrant de troubles psychiatriques, sa mise en œuvre impliquerait une révision des cadres législatif et réglementaire. Indépendamment d'une éventuelle évolution du cadre juridique et compte tenu des difficultés opérationnelles fréquemment rencontrées dans la prise en charge des personnes détenues souffrant de troubles psychiatriques, la direction générale de l'offre de soins a piloté l'élaboration d'un guide des bonnes pratiques et de principes fondamentaux relatif à cet accompagnement. Ce guide, dont la rédaction figurait parmi les objectifs de la feuille de route santé précitée, a été diffusé début novembre 2024. Les travaux ayant permis d'aboutir à la rédaction de ce guide ont été effectués dans le cadre d'un groupe de travail réunissant de nombreux partenaires dont des associations de médecins intervenant en milieu pénitentiaire, la commission nationale de psychiatrie (CNP), des représentants d'agences régionales de santé (ARS), la direction de l'administration pénitentiaire et des représentants de familles d'usagers via l'association Unafam.

Données clés

Auteur : Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho

Type de question : Question écrite

Rubrique : Lieux de privation de liberté

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 19 novembre 2024
Réponse publiée le 26 août 2025

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