Question écrite n° 6274 :
Instrumentalisation du droit de visite des grands-parents

17e Législature

Question de : M. Guillaume Bigot
Territoire de Belfort (2e circonscription) - Rassemblement National

M. Guillaume Bigot attire l'attention de M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice sur les dérives constatées dans l'application de l'article 371-4 du code civil qui peut contraindre des parents à accepter des droits de visite et d'hébergement de leurs enfants par des grands-parents parfois malveillants. L'article 371-4 du code civil dispose que « l'enfant a le droit d'entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. Seul l'intérêt de l'enfant peut faire obstacle à l'exercice de ce droit ». Si l'intention du législateur était louable, la pratique révèle des situations dramatiques où des parents, eux-mêmes victimes de maltraitances de la part de leurs propres parents, se retrouvent assignés en justice par ces derniers pour obtenir un droit de visite de leurs petits-enfants. Une enquête menée par l'association La Dérive 371-4 sur 300 appelants entre 2019 et 2023 révèle que 87 % des parents confrontés à cet article 371-4 déclarent avoir été victimes de maltraitance infantile. Cette association, qui a écouté plus de 900 parents depuis sa création en 2017, témoigne de situations insoutenables où des grands-parents utilisent cette disposition légale comme instrument de maintien d'emprise sur leurs descendants. Les témoignages recueillis sont édifiants : menaces, chantage affectif et financier, harcèlement psychologique... « Nous allons vous détruire, vous serez à la rue financièrement » ou encore « Ta vie va être un enfer tant que tu ne nous donneras pas tes gosses », sont quelques exemples des propos rapportés par les victimes. Ces parents, déjà fragilisés par leur passé, doivent affronter à nouveau leurs agresseurs dans le cadre de procédures judiciaires longues et coûteuses. Ils se heurtent à la difficulté majeure de devoir prouver des faits de maltraitance souvent anciens et psychologiques, survenus dans le huis clos familial. La justice, faute de moyens suffisants et d'une définition précise de « l'intérêt de l'enfant », place le fardeau de la preuve sur les parents, instaurant de facto une présomption de bienveillance en faveur des grands-parents, même lorsque le passé judiciaire a démontré leur malveillance. M. le député souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour mieux encadrer l'application de l'article 371-4 du code civil, notamment par l'établissement d'une circulaire ministérielle à destination des juges aux affaires familiales. Il demande également s'il envisage d'intégrer cette problématique dans la formation des magistrats à l'École nationale de la magistrature, afin de les sensibiliser aux dérives possibles et aux situations d'emprise familiale sous-jacentes à ces procédures.

Réponse publiée le 19 août 2025

Lorsque le juge aux affaires familiales est saisi d'un litige portant sur les relations personnelles de l'enfant avec ses ascendants, il est tenu de trancher celui-ci en considération du critère exclusif de l'intérêt de l'enfant puisque l'article 371-4 du code civil souligne que « Seul l'intérêt de l'enfant peut faire obstacle à l'exercice de ce droit ». Ce critère a remplacé le précédent selon lequel « Seuls des motifs graves peuvent faire obstacle à ce droit ». Il suffit donc que ces relations soient contraires à l'intérêt de l'enfant pour refuser aux grands-parents la possibilité d'exercer ce droit. La rédaction de l'article 371-4 du code civil conduit à placer la préservation de l'intérêt de l'enfant, et non le droit des grands-parents, au cœur du dispositif. Le critère de l'intérêt de l'enfant est mobilisé de manière quotidienne par le juge aux affaires familiales, auquel il incombe, lorsqu'il rend une décision concernant un enfant, de veiller à la préservation de son intérêt, conformément aux dispositions nationales (article 373-2-6 et 371-4 du code civil) et supranationales en matière de droits de l'enfant (Convention de New-York du 26 janvier 1990). Il revient ainsi au juge, spécialement formé à cet effet tant dans le cadre de la formation initiale que continue dispensée par l'Ecole nationale de la magistrature, d'apprécier in concreto l'intérêt de l'enfant à rencontrer ses grands-parents. La mésentente familiale pourrait constituer un motif de refus de droit de visite si elle rejaillit sur l'enfant et risque de le perturber (Civ.1ère, 26 juin 2019, n° 18-19.017). Lorsque les parents s'opposent à ces relations, le juge dispose, afin d'apprécier au mieux cet intérêt de l'enfant, d'instruments, tels que les enquêtes sociales, les expertises psychologiques ou médico-psychologiques ou encore l'audition du mineur discernant. En outre, sa prise de décision est encadrée par plusieurs garanties procédurales : d'une part, les parties doivent être obligatoirement assistées d'un avocat et, d'autre part, l'avis du ministère public est obligatoire (article 1180 du code de procédure civile). Cet avis permet d'éclairer utilement le juge, notamment lorsqu'il conduit à porter à sa connaissance des éléments de nature pénale relatifs aux grands-parents. Cette procédure prévue à l'article 371-4 du code civil assure donc un juste équilibre entre, d'une part, la prise en considération de l'intérêt supérieur de l'enfant apprécié souverainement par les juridictions et d'autre part, la préservation du lien familial dans le cadre du droit des grands-parents au respect de leur vie privée et familiale. Dès lors, aucune évolution textuelle n'est envisagée.

Données clés

Auteur : M. Guillaume Bigot

Type de question : Question écrite

Rubrique : Famille

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 29 avril 2025
Réponse publiée le 19 août 2025

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