Question écrite n° 6335 :
Situation des mandataires judiciaires à la protection des majeurs indépendants

17e Législature

Question de : Mme Marie-José Allemand
Hautes-Alpes (1re circonscription) - Socialistes et apparentés

Mme Marie-José Allemand attire l'attention de M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice sur la situation préoccupante des mandataires judiciaires à la protection des majeurs exerçant à titre individuel (MJPM). Ces professionnels assurent une mission d'intérêt général essentielle auprès de personnes vulnérables, souvent isolées et dans l'incapacité de défendre elles-mêmes leurs droits. Pourtant, les conditions dans lesquelles ils exercent leur métier demeurent très fragiles, sur deux aspects particulièrement critiques. D'une part, la question de la substitution en cas de cessation d'activité (temporaire ou définitive) reste à ce jour sans réponse structurelle. En l'absence de dispositif clair et anticipé, les mandataires se trouvent dans une insécurité juridique et éthique préoccupante. La continuité des dossiers peine à être exercée, de même que le statut des MJPM en période de congés (cessation temporaire d'activité). Lorsqu'un professionnel cesse son activité, même pour quelques jours, aucun cadre institutionnel ne garantit la continuité de la protection des majeurs confiés, exposant ainsi les personnes protégées à une rupture dans leur accompagnement, voire à des atteintes à leurs droits fondamentaux. D'autre part, le niveau de rémunération des MJPM ne permet pas aujourd'hui de garantir une activité économiquement viable pour nombre d'entre eux, notamment dans les territoires ruraux ou à faible densité. Le barème de financement, reposant sur une logique d'actes standardisés, est inadapté à la réalité des situations prises en charge. Il en résulte une forte précarisation de la profession et un risque croissant de désengagement, alors même que les besoins en protection juridique ne cessent d'augmenter. Elle souhaite donc savoir : quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour garantir un dispositif de substitution automatique et opérationnel en cas d'arrêt d'activité d'un MJPM, afin d'assurer la continuité de la protection des personnes majeures vulnérables ; si une révision du modèle de rémunération des MJPM est envisagée à court terme, afin de prendre en compte les spécificités de leur activité et de rétablir un équilibre économique viable pour ces professionnels. Elle souhaite également qu'il lui indique les pistes de réforme à l'étude sur ce sujet essentiel pour la défense des droits des personnes protégées.

Réponse publiée le 19 août 2025

La mesure de protection étant une charge personnelle (article 452 du code civil), la personne en charge de la mesure ne peut pas, en cas d'indisponibilité, faire intervenir un tiers à sa place pour protéger les intérêts de l'adulte vulnérable. Dans ce cas, le juge doit être saisi pour pouvoir procéder au changement de protecteur et ainsi éviter toute rupture de prise en charge. Pour faire suite à la recommandation du rapport de la mission interministérielle sur l'évolution de la protection juridique des personnes, remis à la garde des sceaux en 2018 (proposition n° 81), le Gouvernement a déposé, dans le cadre des travaux parlementaires sur la loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie, un amendement permettant aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs, en cas d'indisponibilité temporaire, de se faire substituer par un autre mandataire, à condition d'en avertir le juge. Le Gouvernement avait également déposé d'autres amendements pour mieux protéger les adultes vulnérables et leurs familles, comme l'extension de l'habilitation familiale, la création d'un mandat de protection future aux fins d'assistance, ou encore la possibilité de désigner un curateur ou tuteur de remplacement en cas de décès de la personne initialement désignée. Ces mesures n'ont toutefois pas été retenues par le Parlement. Le financement des mesures des protection est très encadré compte tenu à la fois de la diversité des profils des personnes concernées et des modes d'exercice des professionnels en charge des mesures de protection. En effet, les mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM) peuvent exercer, soit à titre libéral, soit comme délégués dans des services ou encore comme préposés dans des établissements publics. Afin d'accompagner la hausse d'activité des MJPM, le Gouvernement a pris des dispositions pour financer des actions visant à :  Améliorer le pilotage, l'interconnaissance et la coordination des acteurs intervenant auprès des majeurs protégés ; Contribuer à l'attractivité du métier de MJPM ; Favoriser la promotion et le soutien aux mesures alternatives aux mesures judiciaires de protection. Ces actions conduites depuis trois ans ont permis de financer 43 projets en 2024 pour un montant total de 1 400 000 €. Pour faire face à la hausse du nombre de mesures confiées aux mandataires individuels (pour information, la hausse était de + 6,2 % entre 2023 et 2024), les services de l'Etat agréent de plus en plus de professionnels exerçant à titre libéral et ce afin de répondre aux besoins des territoires. Ainsi le nombre de mandataires individuels est passé de 2644 mandataires inscrits en 2019 (et 2170 financés) à 2821 inscrits (et 2465 financés) en 2024. Par ailleurs, afin de faciliter les conditions de travail des mandataires individuels, un décret a été publié pour assouplir les règles relatives au recours au secrétariat spécialisé, y compris pour l'élargir à la prestation de service et à l'utilisation de locaux professionnels partagés. Les services du ministère de la justice ont retravaillé, en lien avec les organisations représentatives des MJPM, les propositions non retenues dans la loi du 8 avril 2024 qui auront vocation, lorsqu'un vecteur législatif opportun sera identifié, à être de nouveau soumises à la représentation nationale.

Données clés

Auteur : Mme Marie-José Allemand

Type de question : Question écrite

Rubrique : Professions judiciaires et juridiques

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 29 avril 2025
Réponse publiée le 19 août 2025

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