Question écrite n° 6416 :
Requalification pénale du vol d'un animal de compagnie

17e Législature

Question de : Mme Valérie Rossi
Hautes-Alpes (2e circonscription) - Socialistes et apparentés

Mme Valérie Rossi attire l'attention de M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'augmentation préoccupante des vols de chiens en France et sur l'inadéquation du cadre juridique actuel pour appréhender ce phénomène. Chaque année, on estime à environ 75 000 le nombre de chiens volés en France. Bien que ces données soient difficiles à quantifier précisément, comme le souligne la brigade de protection animale (BPA), les témoignages se multiplient et la tendance est alarmante. Ces actes sont souvent motivés par la valeur marchande croissante des chiens, dont la revente illicite constitue un marché particulièrement lucratif. Certains vols s'apparentent désormais à des agressions, réalisés à l'arraché ou avec usage de ruse. Pourtant, le code pénal continue de considérer le vol d'un chien comme un vol de bien meuble, au même titre qu'un objet ou un appareil électronique. Cette approche entre en contradiction avec l'évolution du droit civil, qui depuis la loi du 16 février 2015, reconnaît les animaux comme des « êtres vivants doués de sensibilité ». Cette avancée reste malheureusement sans incidence sur la qualification pénale applicable, qui réduit encore ces faits à une simple appropriation frauduleuse. Or les conséquences de ces actes sont bien plus graves qu'un simple préjudice matériel. L'animal volé subit un stress intense, avec des répercussions comportementales et psychologiques importantes. Quant aux propriétaires, ils vivent ces disparitions comme de véritables traumatismes, souvent comparés à des enlèvements. De nombreux témoignages de familles concernées confirment la violence émotionnelle de ces situations. Face à cette réalité, Mme la députée interroge M. le ministre sur l'opportunité de faire évoluer le droit pénal afin que le vol d'un animal de compagnie, en particulier d'un chien, puisse être qualifié de vol aggravé, avec des peines plus lourdes, reflétant la sensibilité de l'animal et la gravité de l'impact subi par ses maîtres. Une telle évolution permettrait de renforcer la protection juridique des animaux de compagnie et de dissuader plus efficacement ces actes. Elle souhaiterait donc connaître les intentions du Gouvernement sur ce sujet et notamment si une modification législative est envisagée pour mieux prendre en compte la nature particulière du lien entre un animal et son propriétaire dans le traitement pénal de ces infractions.

Réponse publiée le 19 août 2025

La lutte contre la délinquance, quelles que soient ses formes, sa gravité, ou son type, constitue une priorité du ministère de la justice qui porte une politique pénale ferme face à l'ensemble des comportements délictueux. Celle-ci ne peut se faire, tel que rappelé dans la circulaire de politique pénale générale du 27 janvier 2025 sans une prise en compte des victimes « de tous les instants à tous les stades de la procédure pénales » afin qu'elles « soient mieux accueillies, informées, et accompagnées tout au long du parcours pénal, y compris la phase post-sentencielle ». S'agissant de la répression des vols de chiens, les infractions existantes permettent d'appréhender tant le trouble à l'ordre public qu'ils occasionnent que leurs conséquences pour les propriétaires ou les atteintes éprouvées par l'animal. Ainsi, le vol simple d'un chien est réprimé de 3 ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende. Depuis la loi du n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes, les peines sont portées à 5 ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende lorsque le vol est destiné à alimenter le commerce illégal d'animaux. Ces faits sont susceptibles d'être accompagnés, cumulativement, de sévices graves ou actes de cruauté envers un animal, ou de mauvais traitements ou encore d'atteintes volontaires ou involontaires à l'intégrité de l'animal et d'être poursuivis, à ce titre, sous des qualifications distinctes. Ces infractions sont, en effet, fondées par la prise en compte de la nature sensible de l'animal. Ainsi, les sévices graves et les actes de cruauté sont punis de 3 ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. Ces faits peuvent, en outre, faire l'objet de circonstances aggravantes propres, relatives à la qualité de l'auteur ou s'agissant de faits commis en présence d'un mineur. Les peines encourues sont alors portées à 4 ans d'emprisonnement et 60 000 euros d'amende. Enfin, et indépendamment de ces circonstances, lorsque ces faits ont entraîné la mort de l'animal, les peines sont portées à 5 ans d'emprisonnement et à 75 000€ d'amende. La prise en compte par des qualifications différentes de ces faits distincts de maltraitance animale, y compris dès lors qu'ils sont commis simultanément au vol de l'animal, favorise une réponse pénale adaptée, tenant compte de la spécificité de chacun des faits. Au contraire, la prise en compte à la fois des faits de vol et de la souffrance animale au sein d'une seule et même infraction serait de nature à complexifier les investigations et à apporter de la confusion dans la défense des valeurs protégées par ces qualifications distinctes. Le traumatisme vécu par les propriétaires est quant à lui apprécié par les magistrats au cas par cas indifféremment de la qualification pénale des faits et indemnisé sans plafond selon le principe de la réparation intégrale prévu par l'article 1240 du code civil. Enfin, afin de renforcer les moyens de lutte contre les vols d'animaux, la loi du 30 novembre 2021 précitée impose un signalement automatique de ces vols d'animaux à l'organisme agréé pour la collecte et le traitement des données relatives à l'identification des animaux. La chancellerie n'envisage donc pas, à ce stade, de modifier les dispositions législatives en vigueur s'agissant de l'infraction de vol.

Données clés

Auteur : Mme Valérie Rossi

Type de question : Question écrite

Rubrique : Crimes, délits et contraventions

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 6 mai 2025
Réponse publiée le 19 août 2025

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