Mesures en faveur de la lutte contre le trafic d'espèces sauvages
Question de :
M. Emmanuel Mandon
Loire (3e circonscription) - Les Démocrates
M. Emmanuel Mandon attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la multiplication préoccupante ces derniers temps des saisies d'espèces sauvages exceptionnellement variées (magot, serval, ouistiti, toucans, ara bleu, cacatoès blanc, ...), signe de l'intensification des transactions issues du trafic illégal d'animaux sauvages protégés, rendues de plus en plus facilement accessibles par internet et les réseaux sociaux. Pour lutter contre le commerce d'espèces protégées, notre pays dispose de l'excellent travail de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP) et d'un réseau de parcs zoologiques et d'associations impliqués dont le refuge Tonga Terre d'accueil de Saint Martin de la Plaine dans la circonscription de M. le député qui recueillent depuis 2008 les animaux sauvages saisis par les autorités le temps de la procédure. La France dispose également de la législation la plus sévère d'Europe. Outre l'extension du recours aux techniques d'enquête dérogatoires du droit commun au trafic d'espèces protégées, la loi du 8 août 2016 a également renforcé les sanctions, les délinquants s'exposant à une peine de 3 ans d'emprisonnement et une amende de 150 000 euros et lorsque ce commerce illicite est commis en bande organisée, l'amende est portée 750 000 euros et 7 ans de prison. Or la saisie de l'animal reste souvent la seule sanction. Elle ne constitue pas une condamnation acceptable, suffisante et dissuasive. Face à la menace directe et croissante que représente le trafic d'espèces sauvages pour la biodiversité et la sécurité sanitaire, il lui demande s'il entend s'emparer de cette problématique et inciter les tribunaux à condamner plus sévèrement les détentions et les trafics illégaux comme la loi le leur permet.
Réponse publiée le 8 avril 2025
Le dispositif législatif français de répression du trafic d'espèces protégés s'inscrit dans un environnement normatif international. La Convention sur le commerce international des espèces de faune et flore sauvages menacées d'extinction, dite Convention de Washington ou CITES, signée à Washington le 3 mars 1973, réglemente le passage en frontières de milliers d'espèces animales et végétales. Les dispositions de cette Convention, qui compte 184 États Parties, s'appliquent aux animaux et plantes des espèces inscrites dans ses annexes. Cette convention a notamment pour objectif de garantir que le commerce international de ces espèces ne nuise pas à la biodiversité. La France y a adhéré le 11 mai 1978 par l'effet de la loi 77-1423 du 27 décembre 1977. Au niveau européen, la directive 2008/99/CE du 19 novembre 2008 relative à la protection de l'environnement par le droit pénal, a demandé aux États membres de l'Union Européenne d'établir des sanctions pénales « effectives, proportionnées et dissuasives ». Parmi les infractions visées par cette directive, aux article 3 et 4, figurent les incriminations suivantes : - « f) la mise à mort, la destruction, la possession ou la capture de spécimens d'espèces de faune et de flore sauvages protégées sauf dans les cas où les actes portent sur une quantité négligeable de ces spécimens et ont un impact négligeable sur l'état de conservation de l'espèce ; g) le commerce de spécimens d'espèces de faune ou de flore sauvages protégées ou de parties ou produits de ceux-ci sauf dans les cas où les actes portent sur une quantité négligeable de ces spécimens et ont un impact négligeable sur l'état de conservation de l'espèce ; h) tout acte causant une dégradation importante d'un habitat au sein d'un site protégé ; » En réponse aux critères établis par cette directive, mentionnés supra, les lois n° 2016-1087 du 8 août 2016 et n° 2019-773 du 24 juillet 2019 ont renforcé le quantum des peines applicables pour les infractions définies à l'article L. 415-3 du code de l'environnement. Le quantum de la peine encourue a ainsi été porté de 2 à 3 ans pour les infractions de ce texte, permettant d'atteindre le seuil de peine nécessaire pour effectuer certaines investigations dans le cadre de commissions rogatoires ou pour recourir aux techniques spéciales d'enquête. Désormais, les faits incriminés par l'article L. 415-3 du code de l'environnement sont punis de trois ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende et, lorsqu'ils sont commis en bande organisée, de 7 ans et 750 000 euros d'amende. Le ministère de la Justice est mobilisé sur la question du trafic des espèces protégés. Il a ainsi rappelé aux parquets dans sa circulaire du 9 octobre 2023 « de politique pénale en matière de justice environnementale » la nécessité de recourir aux techniques spéciales d'enquête afin de lutter contre les trafics, d'espèces protégés notamment, opérés par des réseaux criminels, et l'importance d'appréhender les enjeux financiers inhérents à ce contentieux dans les investigations. En déclinaison, la mise en œuvre des dispositions de ces articles du code de l'environnement fait l'objet d'un traitement soutenu par l'autorité judiciaire avec un taux de réponse pénale moyen de plus de 97 % des affaires entre 2017 et 2022, selon les services statistiques du ministère de la Justice, dont près de la moitié font l'objet de poursuites. S'agissant des condamnations prononcées, elles sont en augmentation, en nombre, sur la période 2015-2022. Elles faisaient l'objet de peines d'emprisonnement à hauteur de 17,7 %, en 2022, et de peines d'amende à hauteur de 93,7 % des condamnations. Face aux phénomènes de délinquance les plus graves, les juridictions spécialisées que sont les pôles régionaux environnementaux et les juridictions interrégionales spécialisées disposent d'une compétence concurrente à celle des juridictions de droit commun. Les pôles régionaux environnementaux exercent ainsi une compétence pour les affaires complexes, notamment à raison de leur technicité, de l'importance des préjudices ou du ressort géographique sur lequel elles s'étendent. Les juridictions interrégionales spécialisées, quant à elles, sont compétentes pour les affaires de grande complexité qui se caractérisent par un grand nombre d'auteurs, l'importance du nombre de victimes, du préjudice, la multiplicité des lieux de commission des faits ou la nécessité d'engager une coopération internationale.
Auteur : M. Emmanuel Mandon
Type de question : Question écrite
Rubrique : Animaux
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 15 octobre 2024
Réponse publiée le 8 avril 2025