Protection de la rémunération des agriculteurs: adoption de la proposition de loi

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Séance publique
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Jeudi 24 juin 2021, les députés ont adopté en séance publique la proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs.

La proposition de loi a pour objet de renforcer certaines dispositions de la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (dite EGAlim).

Trois ans après l’adoption de la loi, Gregory Besson-Moreau, rapporteur, a reconnu devant la commission des Affaires économiques que « nous faisons face à trop de contournements de la loi EGAlim » et qu’il y a « une contradiction entre le caractère stratégique de l’agriculture française et le peu de considération qui est porté aux agriculteurs ». Il a insisté sur le fait que la proposition de loi a pour vocation « à la renforcer afin que s’organise un système où la valeur doit revenir, pour une juste part, à celles et ceux qui produisent, commercialisent et distribuent ».

Elle s’inscrit dans la continuité de travaux de l’Assemblée nationale dont notamment ceux de la commission d’enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec fournisseur, dont le rapport a été adopté à l’unanimité le 25 septembre 2018, ainsi que des travaux de la mission d’information sur le suivi des recommandations de la commission d’enquête qui a remis son rapport le 24 mars 2021.

« La juste rémunération des agriculteurs est l’enjeu le plus important de l’agriculture. Elle sous-tend toutes les questions agricoles : souveraineté alimentaire, renouvellement des générations, transition vers des modèles plus vertueux » a souligné le rapporteur devant les députés de la commission, en mettant en avant la nécessité de donner des perspectives aux jeunes agriculteurs et les possibilités de financer la transition du modèle agricole et la montée en gamme.

Dans son article 1er, la proposition de loi vise à généraliser les contrats écrits et pluriannuels de vente de produits agricoles, le minimum étant fixé à trois ans. Ce « changement de paradigme », selon les termes du rapporteur, doit inverser la tendance prévalant actuellement afin de donner plus de visibilité aux producteurs agricoles et créer de la confiance entre ces derniers et les premiers transformateurs. Lorsque le contrat conclu est à prix fixe, le document doit prévoir une formule de révision automatique des prix appuyée sur les catégories d’indicateurs rendus obligatoire par la loi EGAlim.

En commission, les députés ont renforcé l’obligation de faire apparaître clairement la pondération des indicateurs de référence ayant permis de calculer le prix dans les clauses qui précisent les modalités de détermination du prix. Ils ont, par ailleurs, interdit les clauses prévoyant la modification du prix en fonction de l’environnement concurrentiel.

L’article 2 s’attache aux relations entre fournisseurs et distributeurs. Il crée l’obligation d’indiquer, dans les conditions générales de vente de produit alimentaire, le prix ou les critères et modalités de détermination du prix d’achat des matières premières agricoles et les modalités de prise en compte de ce prix d’achat dans l’élaboration du tarif proposé. Ces éléments seront dorénavant exclus de la négociation commerciale entre le fournisseur de produit alimentaire et son acheteur. Les contrats entre fournisseurs et distributeurs devront prévoir une clause de révision automatique du prix en cas de variation du coût des matières premières.

Les députés ont renforcé, en commission l’obligation de transparence, en introduisant des sanctions administratives en cas de manquement sanctionné par une amende administrative. En outre, afin de rééquilibrer les relations commerciales, ils ont plus strictement encadré les négociations commerciales entre fournisseurs et distributeurs qui devront s’achever au plus tard le 1er mars, contre le 31 mars actuellement, et ont renforcé l’obligation du distributeur de motiver par écrit le refus des conditions générales de vente du fournisseur.

En commission, les députés ont également créé, dans un nouvel article, une expérimentation pour cinq ans de l’affichage à destination du consommateur de l’impact des prix des produits agricoles et alimentaires sur la rémunération des producteurs.

L’article 3 prévoit le renforcement des pouvoirs du médiateur créé par EGAlim. Le texte crée un comité de règlement des différends qui délibèrera publiquement et pouvant prendre des astreintes et des mesures conservatoires.

L’article 4, traitant de l’étiquetage, permet d’assurer compatibilité entre droit français et européen en précisant que l’obligation d’indication du pays d’origine pour les produits agricoles, alimentaires et les produits de la mer est limité aux produits pour lesquels il existe un lien avéré entre certaines de leurs propriétés et leur origine. En commission, les députés ont élargi la notion de propriété aux dimensions de sécurité sanitaire et de traçabilité et ont étendu l’obligation aux ingrédients primaires des produits alimentaires constitués de plusieurs ingrédients.

L’article 5 prévoit que toutes les opérations promotionnelles visant à écouler une surproduction de produits alimentaires (opération de dégagement) sera soumise à autorisation de l’autorité administrative, après avis de l’interprofession concernée.

Les députés ont par ailleurs imposé aux « dark kitchen », qui sont des établissements de restauration sans salle de consommation sur place et proposant seulement des repas à emporter ou à livrer, devront clairement faire apparaître l’origine des viandes proposées.

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