Première séance du lundi 10 février 2025
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Élection d’une députée
- 2. Motion de censure
- Suspension et reprise de la séance
- 3. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
- 4. Amélioration de la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique et d’autres maladies évolutives graves
- 5. Élection du maire d’une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet
- 6. Dépôt d’une motion de censure
- 7. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quatorze heures.)
1. Élection d’une députée
Mme la présidente
J’ai reçu du ministre de l’intérieur une communication m’informant que Mme Élisabeth De Maistre a été élue hier, dimanche 9 février 2025, députée de la neuvième circonscription des Hauts-de-Seine. (M. Thibault Bazin applaudit.)
M. Thibault Bazin
Elle est applaudie par la Droite républicaine !
2. Motion de censure
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion et le vote sur la motion de censure déposée, en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, par Mme Mathilde Panot et soixante-dix membres de l’Assemblée nationale, le premier ministre ayant engagé la responsabilité du gouvernement sur l’adoption en nouvelle lecture de la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
La parole est à Mme Nadège Abomangoli.
Mme Nadège Abomangoli
Nous sommes ici pour censurer le gouvernement le plus antisocial et le plus réactionnaire de la Ve République. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) qui nous est présenté poursuit la même logique destructrice que celui dévoilé en décembre dernier par Michel Barnier. D’ailleurs, il s’agit du même texte, puisque vous êtes partis des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP), dans le but de nous empêcher d’en débattre et de l’amender, par peur d’être de nouveau minoritaires. (Mêmes mouvements.) Vous ne pouvez plus recourir qu’à des manœuvres antidémocratiques pour vous maintenir et imposer votre vision, selon laquelle il n’y a pas de solution alternative à l’austérité.
Vous ne cessez d’invoquer le déficit prévisionnel pour justifier la réduction des dépenses. Cependant, vous vous gardez bien de préciser que celui-ci est dû, avant tout, à votre politique, qui assèche volontairement les finances sociales (Mêmes mouvements), à coups de niches fiscales et d’exonérations de cotisations patronales !
Ces allégements privent la sécurité sociale de 90 milliards de recettes par an. Pour quel résultat ? Aucun ! La littérature scientifique a démontré que les exonérations de cotisations n’avaient aucun effet notable sur l’emploi et la compétitivité. Ce sont des cadeaux accordés, sans contrepartie, au patronat et aux très riches.
Et puisque vous ne voulez pas y renoncer, il ne vous reste plus qu’à passer un coup de rabot sur les dépenses et à faire payer le peuple. Ainsi, vous prévoyez 4 milliards de coupes budgétaires en matière de santé, alors que l’été 2024 a vu deux structures d’urgences sur trois fermer au moins une ligne médicale ; le gel des pensions de retraite, alors que plus de 2 millions de personnes âgées vivent sous le seuil de pauvreté ; la taxation des salaires des apprentis, alors qu’ils gagnent en moyenne 356 euros de moins que le smic – cela représentera pour ces jeunes en situation précaire 24 euros en moins par mois ;…
Mme Mathilde Panot
Quelle honte !
Mme Nadège Abomangoli
…l’instauration d’une deuxième journée, dite de solidarité, soit sept heures de travail gratuit. Vous êtes, en réalité, solidaires avec le patronat, que vous gavez sur le dos des salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Antoine Léaument
Exactement !
Mme Nadège Abomangoli
Certains, au Parti socialiste, expliqueront que des compromis ont été trouvés et que le texte est plus acceptable que celui présenté par Michel Barnier.
M. Thibault Bazin
C’est vrai ! Il a raison, Jérôme Guedj ! Il faut faire des compromis !
Mme Nadège Abomangoli
Balivernes ! Ce budget multiplie les trompe-l’œil. Ainsi, on nous indique que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) augmentera de 3,3 % ; néanmoins, c’est moins que l’évolution tendancielle ! En définitive, cette prétendue augmentation revient à opérer une coupe budgétaire de 4 milliards. On nous explique aussi que le reste à charge pour les soins ne sera pas revu à la hausse, mais les cotisations des complémentaires santé, elles, augmenteront, puisque 1,1 milliard d’euros seront prélevés sur les mutuelles. Vous donnez d’une main et reprenez de l’autre. Bref, vous ne changez rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Nous savons que nous pouvons faire autrement et qu’un autre budget de la sécurité sociale est possible.
Mme Danièle Obono
Tout à fait !
Mme Nadège Abomangoli
Grâce aux amendements que nous avions fait adopter lors de l’examen du texte en première lecture, nous avons prouvé qu’il était possible de dégager 17 milliards de recettes nouvelles, pour réparer ce que vous avez cassé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Cet argent aurait pu financer la création d’un pôle public du médicament, un grand plan de recrutement et de revalorisation des salaires dans le secteur médical et médico-social, une loi grand âge, une réelle politique de lutte contre les accidents et les risques de décès au travail et, surtout, l’abrogation de la réforme de la retraite à 64 ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Danièle Obono
Eh oui !
Mme Nadège Abomangoli
Il faut gouverner en partant des besoins. Pour vivre mieux.
Au fond, la question qui se pose n’est pas tant celle du budget de la sécurité sociale que celle du respect de la volonté du peuple. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Car ce budget est le fruit d’un péché originel : le vol des élections législatives des 30 juin et 7 juillet derniers. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Des élections au cours desquelles le Nouveau Front populaire l’a emporté et au cours desquelles le peuple a balayé le macronisme ainsi que l’extrême droite.
Et voilà qu’après un tour de passe-passe, nous nous retrouvons avec un gouvernement macroniste, soutenu par l’extrême droite, et qui a obtenu le soutien sans participation du Parti socialiste. Jamais nous n’accepterons un tel déni de démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
La question qui est posée, c’est celle de la défense de la République contre un pouvoir qui la piétine ; un pouvoir qui parle et qui agit comme le Rassemblement national. (« Exactement ! » et applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Un jour, il parle de submersion migratoire ; le lendemain, il remet en cause le droit du sol ; le surlendemain, il évoque la préférence nationale pour les allocations familiales.
Mme Danièle Obono
Quelle honte ! Honte sur vous, Bayrou !
Mme Nadège Abomangoli
Enfin, il ouvre un débat sur l’identité française. Il divise le peuple sur la base du racisme, afin d’organiser la bataille pour les miettes de l’austérité, entre les pauvres et les précaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Il propose un contrat racial au lieu du contrat social. (Mêmes mouvements.)
Jamais nous ne laisserons détruire ainsi les principes qui fondent notre République et unissent notre peuple. Il y a péril en la demeure républicaine et notre devoir est d’utiliser tous les outils à notre disposition pour la sauver. L’outil de ce jour, c’est la censure du projet de loi de financement de la sécurité sociale : la vraie censure, celle qui sert à faire tomber le gouvernement et non une fausse censure, a posteriori, qui n’a aucune chance d’aboutir et qui n’est qu’une manœuvre lâche. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Jamais nous n’accepterons une telle duperie !
Loin de ces faux-semblants, le choix qui est devant nous est clair. Ne pas censurer, c’est laisser passer des mauvais budgets, c’est choisir de supprimer 15 millions dévolus à la recherche sur les cancers pédiatriques – cela a été entériné la semaine dernière dans le projet de loi de finances –, de livrer les soignants et les malades au chaos de l’hôpital dégradé, avec des soins toujours plus chers, ou encore de satisfaire Bernard Arnault et de céder à son chantage à la délocalisation.
Ne pas censurer, c’est laisser un gouvernement illégitime agir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) C’est accepter le hold-up antidémocratique contre le résultat des élections législatives, renier l’engagement pris devant les électeurs en juillet dernier, choisir une nouvelle forfaiture après le référendum de 2005 et après le quinquennat de M. Hollande, discréditer de nouveau la gauche et cracher au visage du peuple.
Ne pas censurer, c’est laisser faire ceux qui détruisent la République, divisent le peuple et rabougrissent la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) C’est choisir d’adouber ceux qui pensent que le problème de l’hôpital public est non pas son manque de moyens, mais le fait qu’il soit « rempli de Mamadou » – comme l’a déclaré Emmanuel Macron. C’est ouvrir les vannes de la parole réactionnaire et d’une politique raciste.
Ce serait donc cela, la responsabilité et la stabilité ? Pour nous, la réponse est claire. Nous refusons de nous laisser emporter par la lâcheté de ceux qui cèdent au chantage – la bassesse des petites ambitions sur le dos du peuple – et qui finiront au mieux dans l’oubli, au pire dans la honte. Nous ne tremblerons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Il s’agit non pas de pureté, mais de solidité pour qui reste fidèle au programme du Nouveau Front populaire, c’est-à-dire un programme de rupture, rejetant tout compromis avec la politique d’Emmanuel Macron. Il s’agit tout simplement de clarté, pour qui se proclame attaché aux principes de la République : Liberté, Égalité, Fraternité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
La censure était impérative en décembre. Elle l’est davantage encore aujourd’hui. Léon Blum disait que « la moralité consiste essentiellement en le courage de faire un choix ». Collègues députés, choisissez ! Collègues socialistes, soyez courageux ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jérôme Guedj.
M. Jérôme Guedj
En cette année 2025, la sécurité sociale a 80 ans. J’ai cru comprendre que vous vous interrogiez, monsieur le premier ministre, sur ce qui fonde l’identité française. Elle se fonde, d’abord et avant tout, sur l’identité républicaine de la nation, car c’est bien la République qui forge le pacte national. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Les pères fondateurs issus du Conseil national de la Résistance (CNR) ont fait de ce principe inédit et incompris dans le monde qu’est la sécurité sociale, à un moment où le pays était meurtri par quatre années d’occupation et où la reconstruction était non seulement matérielle mais aussi morale, l’un des piliers de notre République.
Alors que vous ouvrez le débat sur l’identité nationale, ma modeste contribution consiste donc à vous rappeler qu’au cœur de l’identité républicaine, il y a, conformément au principe de fraternité inscrit dans notre devise, cette idée de solidarité qui est garantie par la sécurité sociale et à laquelle les Français adhèrent massivement. En matière d’identité nationale, il faut en revenir aux fondamentaux. « L’identité nationale n’appartient pas aux politiques. […] Rien n’est pire que d’en faire un sujet d’affrontement ». Vous connaissez cette phrase, monsieur le premier ministre, puisque c’est ce que vous aviez déclaré pour décrier le débat sur l’identité nationale lancé, à l’époque, par Nicolas Sarkozy. Alors, revenons-en aux sources. Intéressons-nous aux principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité qui sont au cœur de l’identité républicaine.
Pour en revenir aux fondamentaux, en matière de sécurité sociale, il faut d’abord partir des besoins. Année après année, nous expliquons à cette tribune que le projet de loi de financement de la sécurité sociale n’est plus le bon outil pour réfléchir aux besoins de solidarité et d’intervention publique en matière de politique familiale, de vieillesse, d’assurance maladie ou encore d’accidents du travail. Cette logique exagérément comptable fait peser une chape de plomb sur les besoins de la population.
Partir des besoins, c’est réfléchir, par exemple, à l’accès aux soins – cela tombe bien, puisque nous défendons des propositions très consensuelles, notamment grâce à la proposition de loi transpartisane de mon collègue Guillaume Garot contre les déserts médicaux. C’est également formuler des propositions sur la santé mentale ou encore remettre les enjeux de santé publique au cœur des préoccupations – ce qui ne passe pas uniquement par de la fiscalité comportementale, même si elle peut être utile. C’est aussi s’appuyer sur le pilier de notre identité républicaine qu’est l’hôpital public, qui a besoin d’être défendu, encore et toujours.
Le PLFSS n’est donc plus le bon outil. Dans votre discours de politique générale, monsieur le premier ministre, vous avez indiqué qu’il fallait le dépasser et vous avez ouvert la piste d’une loi de programmation pluriannuelle en matière de santé. C’est heureux, car elle est demandée sur tous ces bancs. Nous devons désormais savoir comment nous nous y prendrons pour élaborer ce qui sera non pas une loi calicot – j’ai lu dans la presse que vous n’aimiez pas les grandes lois, les lois « banderoles » ou « calicots ». Pourtant, nous avons besoin d’un cadre, en particulier en santé, afin de partir des besoins de la population, de disposer d’indicateurs de santé publique ou de réduction de la prévalence pour, en face, dégager les moyens correspondants – j’y reviendrai.
Je pourrais vous parler également – cela ne vous surprendra pas, madame la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles – du grand âge. Un consensus s’est dégagé dans cette assemblée et les parlementaires ont voté à l’unanimité une obligation faite au gouvernement de légiférer sur ce sujet. Cela devait se faire, en théorie, avant le 31 décembre 2024 et il est regrettable que les gouvernements qui se sont succédé n’aient pas respecté la volonté du législateur…
M. Jean-François Coulomme
La volonté du peuple !
M. Jérôme Guedj
…d’examiner une loi de programmation sur le grand âge, qui partirait des besoins de la population et octroierait les financements nécessaires : pour les Ehpad, les services à domicile, pour lutter contre l’isolement des personnes âgées ou encore pour accompagner les aidants.
Voilà deux exemples qui illustrent les béances des PLFSS depuis des années. Vous n’échappez malheureusement pas à la règle, puisque votre projet de loi ne part pas suffisamment des besoins et se focalise exagérément sur les moyens. Lorsque vous appréhendez la sécurité sociale sous le seul prisme des moyens, vous n’avez comme seules solutions que de dégager des ressources ou de faire des économies. Vous avez opté de manière brutale et indifférenciée pour la logique des économies…
M. Antoine Léaument
Censure !
M. Jérôme Guedj
…sans que celles-ci soient ciblées ou intelligentes, oserais-je dire.
M. Louis Boyard
Cela mérite donc une censure !
M. Jérôme Guedj
Nous ne sommes pas hostiles à questionner l’efficience de la dépense publique – comme il se doit pour toute dépense publique. Assurément, des économies sont possibles. Il y a des rentes de situation et une financiarisation du monde de la santé et du secteur médico-social. Il n’est pas acceptable que l’argent public permette à certains opérateurs de dégager des marges de profit. Certaines prescriptions sont redondantes et la pertinence de certains soins n’est pas questionnée. Nous sommes prêts à travailler sur tous ces sujets, mais le chantier n’est pas ouvert comme il devrait l’être.
M. Louis Boyard
Et le 49.3 ?
M. Jérôme Guedj
Et puis, il y a l’éléphant dans la pièce.
M. Antoine Léaument
Il y en a quelques-uns !
M. Jérôme Guedj
Vous allez présenter un budget de la sécurité sociale dans lequel le déficit a dérapé – il s’élève à environ 22 ou 23 milliards d’euros. Au lendemain de la crise du covid, nous avons collectivement décidé de dégager des ressources supplémentaires pour améliorer la rémunération des soignants. D’après le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale et l’annexe du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le déficit de l’assurance maladie correspond, quasiment à l’euro près, au Ségur de la santé qui n’a pas été financé. Le coût du Ségur, qui représentait initialement 9 milliards, s’élève aujourd’hui à 14 milliards.
Quel gestionnaire de collectivité locale ou de la nation peut décider d’une dépense aussi importante sans prévoir les recettes pour la financer ? C’est pourtant ce qui a été fait depuis 2020 et de manière continue depuis, de PLFSS en PLFSS. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Aurélien Le Coq
Une bonne raison de censurer !
M. Jérôme Guedj
On a abouti à une situation aberrante : pour renforcer l’attractivité de l’hôpital, nous avons amélioré la rémunération des soignants, mais nous avons dégradé leurs conditions de travail.
Nous n’avons donc pas amélioré l’attractivité de l’hôpital. Des lits demeurent fermés. Monsieur le premier ministre, la priorité, c’est de poser la question du financement juste de la sécurité sociale. Nous avons besoin, même si je n’aime pas les termes grandiloquents, d’un Grenelle du financement de la sécurité sociale (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP) pour poser tous les sujets sur la table :…
M. Aurélien Le Coq
On a déjà un conclave !
M. Jérôme Guedj
…celui des exonérations de cotisations sociales, qui représentent un manque à gagner de plus de 80 milliards d’euros – un « pognon de dingue » –, sans garantie d’efficacité pour l’emploi et la compétitivité.
Mme Sarah Legrain
Censurez donc !
M. Jérôme Guedj
Hélas, vous n’avez pas eu l’audace dans ce PLFSS de revenir sur ces exonérations. Vous avez même été plus timide que votre prédécesseur Michel Barnier qui envisageait de les réduire de 4 milliards d’euros.
Il faut questionner les niches sociales, ces compléments de salaire qui échappent aux cotisations de sécurité sociale, comme les distributions gratuites d’actions.
Et puis il faut rechercher d’autres sources de financement : les successions et le patrimoine, par exemple, ne devraient-ils pas contribuer au financement de la sécurité sociale ? Les actifs et les entreprises doivent évidemment cotiser : c’est le beau principe des cotisations salariales et patronales. En mettant sur la table les sept heures de travail non rémunéré, d’une certaine manière, vous aviez fait la moitié du chemin :…
M. Antoine Léaument
Il faut rappeler au premier ministre qu’il a perdu les élections !
M. Jérôme Guedj
…vous aviez admis le principe d’une augmentation de la cotisation patronale des entreprises en échange d’une journée de travail non rémunéré, ce que par ailleurs nous refusons.
Toutes ces questions doivent être posées,…
M. Louis Boyard
Avec un 49.3 ?
Mme Sarah Legrain
Elles doivent être censurées !
M. Jérôme Guedj
…y compris celle de la participation des retraités au financement de la sécurité sociale dans une logique de justice – ce n’est pas un sujet tabou.
Un autre sujet est devant nous, monsieur le premier ministre : la dette sociale.
Mme Sarah Legrain
Demandez un rendez-vous !
M. Jérôme Guedj
Nous aurons dans quelques mois à débattre d’une loi organique pour la reprise de dette sociale, qui s’est accumulée à hauteur de 90 milliards en raison des déficits successifs.
Monsieur le premier ministre, nous avons négocié ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. Louis Boyard
Ah, bravo !
M. Jérôme Guedj
Nous n’avons pas la négociation honteuse, nous n’aurons donc pas la non-censure honteuse. Ce texte est moins mauvais que celui de votre prédécesseur (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP), mais il n’est pas bon pour autant. La censure et la négociation ont abouti à des évolutions à hauteur de 6 milliards d’euros. (Mêmes mouvements.) Le gel des prestations de retraites et le déremboursement des médicaments ont été évités ; nous avons obtenu 1 milliard de plus pour l’hôpital et le triplement du fonds d’urgence pour les Ehpad.
Le compte n’y est toujours pas, cependant. Ce budget n’est pas juste, c’est juste un budget. C’est la raison pour laquelle nous ne le censurerons pas. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Mais nous vous le disons les yeux dans les yeux, monsieur le premier ministre : à tout moment, nous pouvons censurer votre gouvernement s’il s’éloigne de votre promesse originelle de construire un compromis avec celles des forces qui le veulent bien, mais sans céder une seule parcelle de terrain à l’extrême droite qui veut prendre le point dans la période. (Mêmes mouvements.)
Mme Sarah Legrain
Chaque jour, elle gagne du terrain !
M. Aurélien Le Coq
Retailleau est toujours au gouvernement !
M. Jérôme Guedj
Nous ne censurons pas…
M. Aurélien Le Coq
La honte !
M. Jérôme Guedj
…mais nous demeurons vigilants et exigeants. Nous le serons dès la semaine prochaine autour d’un sujet essentiel, celui par lequel j’ai commencé : les valeurs républicaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Jean-François Coulomme
Lui, au moins, a des raisons de ne pas censurer ! Il est cohérent !
M. Thibault Bazin
Nous voici à nouveau réunis en séance publique pour examiner une énième motion de censure déposée par La France insoumise,…
M. Aurélien Le Coq
Après un énième 49.3 !
M. Thibault Bazin
…la troisième en sept jours. Bien que je doive leur reconnaître une certaine abnégation, une certaine constance…
M. Louis Boyard et M. Antoine Léaument
Merci !
M. Thibault Bazin
…dans la recherche du chaos budgétaire – je dirais même du chaos institutionnel –, ce comique de répétition serait risible si nous ne parlions pas du budget de la protection sociale, qui vise à répondre aux besoins des Français et à les aider à faire face aux risques de la vie, qu’il s’agisse de la maladie, des accidents, du handicap ou de la perte d’autonomie, sans oublier les risques heureux d’accueillir la vie. Et l’heure est grave pour nos finances publiques – je dirais même menaçante pour notre protection sociale.
Les Français sont très inquiets depuis la censure du gouvernement de Michel Barnier, qui a privé la France de budget. Il est de notre devoir d’apaiser cette inquiétude en faisant preuve de responsabilité. Voilà l’état d’esprit qui anime le groupe Droite républicaine présidé par Laurent Wauquiez.
Comment en sommes-nous arrivés à examiner un budget de la sécurité sociale en février ? Il a fallu l’adoption d’une motion de censure le 4 décembre, sur les conclusions d’une CMP pourtant conclusive. Un tel vote a eu, pour le budget de l’État et celui de la sécurité sociale, un coût qu’il ne faut ni oublier ni minimiser.
Le dérapage budgétaire s’est aggravé, tout comme la situation socio-économique. Ainsi, le déficit prévisionnel pour 2025 est passé de 18 milliards dans le texte de la CMP à plus de 22 milliards dans celui qui nous est soumis, et la prévision de croissance pour 2025 a été revue à la baisse, à 0,9 % au lieu de 1,1 % – certains économistes jugent l’hypothèse encore un peu optimiste.
La censure du gouvernement de Michel Barnier a généré un climat d’incertitude néfaste pour le pays. Les entreprises et leurs salariés sont dans le flou le plus complet s’agissant du calcul des cotisations au bas de l’échelle des salaires. Les difficultés perdurent dans certains secteurs comme l’emploi saisonnier agricole ou la distribution de médicaments. Des semaines entières ont été perdues pour améliorer le parcours de soins gynécologiques, maîtriser les stocks de médicaments ou résoudre les difficultés financières des maisons de retraite. Les investissements publics et privés sont en pause, les embauches gelées, les projets reportés. Telles sont les conséquences de la censure.
Ce climat général favorise la dégradation de la croissance et entraîne donc une baisse des recettes de la sécurité sociale. Il nous faut au plus vite créer les conditions d’une reprise de la confiance, et ainsi d’un rebond de la croissance.
M. Aurélien Le Coq
Censurez !
M. Thibault Bazin
Cela passe par l’adoption dans les meilleurs délais…
M. Aurélien Le Coq
…de la motion de censure !
M. Thibault Bazin
…de ce budget de la sécurité sociale, pour redonner à la France une visibilité.
La censure du gouvernement de Michel Barnier a également empêché l’adoption de mesures qui auraient généré des économies. Le déficit de toutes les branches de la sécurité sociale, hors fonds de solidarité vieillesse (FSV), s’élevait à 15,7 milliards d’euros dans la version du Sénat avant la censure. Après l’actualisation du tableau d’équilibre et des chiffres fournis par le gouvernement, le texte que nous examinons en nouvelle lecture affiche un déficit de plus de 22 milliards d’euros.
Le solde de la branche maladie s’est creusé de plus de 2 milliards d’euros. Pour la branche vieillesse, le déficit s’est aggravé de 3 milliards d’euros en deux mois. Plus inquiétant encore, les projections pour les années à venir se dégradent également. Le déficit de l’ensemble des branches, en incluant le fonds de solidarité vieillesse, se dégraderait ainsi de 1 milliard d’euros supplémentaires en 2026 et de 2 milliards d’euros d’ici à 2028.
Une telle trajectoire est inquiétante, d’autant qu’elle ne prend pas en compte les éventuels événements exogènes qui pourraient la bousculer. Il est donc urgent de modifier la donne et de redresser nos finances sociales : lorsque les déficits s’accumulent, c’est la dette qui devient insoutenable. Il faudra d’ailleurs, monsieur le premier ministre, nous interroger sur le cadre organique actuel de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) – nous seront peut-être appelés à revoir les échéances afin d’appréhender 2026 dans des conditions davantage supportables.
Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) l’a pudiquement rappelé il y a quelques jours dans son avis : ce budget « offre peu de marges de sécurité » et il repose sur des leviers « peu documentés ». Ce que veut dire concrètement le Haut Conseil est très simple et nous devons voir la réalité en face : en cas de crise, de pandémie ou de dégradation de l’environnement macroéconomique, le déficit pourrait devenir hors de contrôle. Serions-nous capables de faire face à une pandémie comme celle du covid-19 en injectant autant d’argent que par le passé, si une telle crise survenait demain ? Je le dis avec tristesse : je ne le crois pas.
Par conséquent, il est tout à fait évident que si cette nouvelle motion de censure venait à être adoptée, la France en serait encore davantage affaiblie.
M. Aurélien Le Coq
Pas la France, juste Macron !
M. Thibault Bazin
Nous ne pouvons pas l’accepter. Il y va de notre responsabilité. La France a besoin d’un budget de la sécurité sociale.
Selon certains d’entre vous, le PLFSS n’est qu’un texte technique, qui ne contient que des objectifs de dépenses. C’est faux. Cela justifierait, aux yeux de certains, de le sacrifier sur l’autel de la politique politicienne.
M. Aurélien Le Coq
Oh là là !
M. Thibault Bazin
Le budget de la sécurité sociale est pourtant indispensable pour fixer les tarifs dans les établissements et pour permettre à Urssaf Caisse nationale de se présenter plus sereinement devant ses prêteurs. La dette contractée par l’ex-Acoss permet tout simplement à ceux qui ont cotisé de toucher les aides auxquelles ils ont droit : allocations familiales, pensions d’invalidité, indemnités journalières.
C’est également un outil de pilotage de nos finances publiques. Ne pas adopter un budget revient à dire solennellement à nos créanciers et au monde entier que la France n’est pas un pays sérieux…
M. Aurélien Le Coq
Parce qu’elle n’a pas de gouvernement sérieux !
M. Thibault Bazin
…car elle ne dispose d’aucune trajectoire de déficit de la sécurité sociale prévue et adoptée par le Parlement.
Pour toutes ces raisons, et même si je ne suis pas convaincu par toutes les mesures qu’il contient, je préfère un budget imparfait à l’absence de budget.
Ce budget de près de 644 milliards en recettes a évolué à la marge depuis celui soumis début décembre – les contraintes sont telles qu’il ne pouvait en être autrement, n’en déplaise aux Insoumis.
Malgré cela, nous pouvons nous réjouir que la position de certains groupes parlementaires – je regarde Jérôme Guedj – ait enfin évolué (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP) et qu’ils acceptent désormais de discuter avec le gouvernement.
Il y a une nuance de taille entre s’opposer à un gouvernement et aller jusqu’à empêcher la France de fonctionner correctement en la privant d’un budget. Ne pas censurer le gouvernement tout en restant dans l’opposition, c’est faire le choix de la responsabilité, pour ne pas rajouter du chaos au chaos. C’est ce que la majorité des Français attendent de nous.
Mme Sarah Legrain
Un nous qui inclut les socialistes ?
M. Thibault Bazin
Certains le font peut-être par calcul. Peu importe, même si on peut s’interroger sur les motivations qui les animent, surtout si leurs positions sont susceptibles d’évoluer en fonction non de ce que contient le budget mais d’intérêts partisans purement conjoncturels.
Par contraste avec la responsabilité retrouvée des uns – ceux qui ne censureront pas aujourd’hui –, je soulignerai l’incurie des autres. Nous avons des désaccords profonds avec La France insoumise, signataire de cette motion. Les Insoumis proposent des taxes, toujours des taxes, dont les Français qui travaillent ou qui ont travaillé seraient bien souvent les victimes. Évitons cela.
Mme Sarah Legrain
Et les apprentis ?
M. Thibault Bazin
La France insoumise propose également chaque année de ne pas rembourser la dette sociale en n’affectant pas de ressources à la Cades. C’est pourtant une caisse bien gérée, qui remplit la mission qui lui est confiée. La sécurité sociale ne doit-elle pas montrer l’exemple en honorant ses engagements ?
Nous n’avons décidément pas la même vision de l’avenir de la sécurité sociale que celle que vous défendez dans cette motion de censure. Je ne reviendrai pas sur la sémantique utilisée par Nadège Abomangoli – ce qui est excessif est insignifiant ; je préfère m’en tenir au fond. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Car si votre motion était adoptée, ce que je ne souhaite pas, des mesures tant attendues seraient encore reportées – ce n’est pas acceptable.
Nous avons obtenu des avancées concrètes pour les Français…
M. Rodrigo Arenas
Sur les Ehpad, les écoles ?
M. Thibault Bazin
…grâce au travail des membres du groupe Droite républicaine et de son président Laurent Wauquiez. Je pense aux mesures en faveur des agriculteurs, qui ont été préservées. Dès 2026, les retraites agricoles seront calculées sur les vingt-cinq meilleures années – c’est l’aboutissement du combat mené par mon collègue Julien Dive. Le cumul de l’exonération applicable aux jeunes agriculteurs et des taux réduits de droit commun des cotisations maladie et famille sera désormais possible grâce à l’article 5. C’est ce que veulent supprimer les auteurs de la motion. Le dispositif travailleur occasionnel demandeur d’emploi (TODE), que l’article 4 tend à pérenniser et dont il porte de 1,20 à 1,25 smic le plafond de rémunération mensuelle facilitera l’embauche de travailleurs saisonniers. Vous voulez aussi le censurer. Une telle mesure est pourtant nécessaire face à une concurrence déloyale persistante.
Soutenir ainsi nos producteurs de fruits est vital pour notre souveraineté alimentaire. À cet instant, j’ai une pensée pour les producteurs de mirabelles de Lorraine.
Le travail, surtout, n’est pas dévalorisé et ceux qui se lèvent tôt sont protégés par ce budget.
M. Éric Coquerel
Et les apprentis ?
M. Thibault Bazin
Nous avons obtenu, avec d’autres, la suppression de la deuxième journée de solidarité, qui aurait conduit les Français à travailler gratuitement sept heures de plus. En effet, ce n’est pas en procédant ainsi, sans négociation entre les partenaires sociaux, que nous relèverons les défis de notre protection sociale.
Le point crucial concerne notre taux d’emploi qu’il faut améliorer : imaginez que s’il était similaire à celui de l’Allemagne, nous aurions 15 milliards de recettes sociales supplémentaires et 5 milliards de prestations de moins à verser, soit une différence de 20 milliards de nature à combler l’essentiel du déficit de la sécurité sociale. Voilà le principal levier à utiliser !
Nous saluons la rédaction de l’article 6, relatif à la réforme des allègements de cotisations patronales, qui s’en tient à la version de compromis issue de la commission mixte paritaire en limitant l’alourdissement des charges pour les entreprises. À l’avenir, il faudra veiller à ne pas pénaliser nos industries. L’ouvrage reste sur le métier.
Les hausses de taxes, même si elles demeurent trop élevées de mon point de vue, ont été contenues dans cette deuxième partie du PLFSS, aux articles 9 bis et 9 ter B. Le groupe Droite républicaine a notamment contribué à exclure la filière hippique du champ de la taxe sur les paris sportifs. Il faut en effet préserver le sport et les acteurs qui le soutiennent.
Plus que jamais, notre groupe, présidé par Laurent Wauquiez, veut être utile aux Français. Chacun pourra le constater grâce à ces quelques exemples de mesures que nous avons obtenues, auxquelles nous pourrions ajouter les outils pour mieux lutter contre la fraude. Malgré tout, l’épisode budgétaire dont nous vivons – je l’espère – l’épilogue, doit nous permettre de tirer des enseignements pour les années à venir. Il n’est pas possible, il n’est plus possible pour le bien du pays de naviguer au gré des gouvernements et de préparer un budget en quelques semaines à partir de mesures purement paramétriques.
Je souhaite donc que nous nous remettions dès demain au travail, non seulement pour réussir l’exécution du budget de cette année mais aussi pour préparer celui de l’année prochaine, en identifiant plus précisément les sources d’économies et les doublons, notamment au sein des opérateurs de l’État, pour éviter les coups de rabot effectués sans discernement et peu lisibles ; en ciblant prioritairement les baisses de dépenses au lieu des hausses de taxes – la France a déjà le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé d’Europe ; en offrant une vision pluriannuelle pour donner de la visibilité aux acteurs économiques et institutionnels ; en s’attaquant au déficit abyssal de notre système de retraite.
Comme vous l’avez rappelé lors de votre discours de politique générale, monsieur le premier ministre, la moitié du déficit de la France accumulé ces dix dernières années est imputable aux retraites. Comme chacun le sait, le faible déficit de la branche vieillesse de la sécurité sociale est un trompe-l’œil qui masque un niveau des cotisations vieillesse plus faible dans le public que dans le privé. Par cet artifice comptable, la véritable dette de notre système de retraites est répartie dans la masse salariale des ministères, au lieu d’apparaître dans la branche vieillesse. Comme l’écrivait Chateaubriand dans ses Mémoires d’outre-tombe, « le péril s’évanouit quand on ose le regarder ». Osons donc regarder en face le véritable déficit de notre système de retraite. Nous devons donner les vrais chiffres, pour guider les responsables politiques dans les réformes structurelles qu’ils auront à mener dans les prochaines années.
Bien évidemment, tous ces efforts doivent être accompagnés d’une réflexion plus générale sur notre taux d’activité ou sur notre natalité qu’il faut relancer, alors que le désir d’enfant est supérieur de 40 % au taux de fécondité constaté. Notre système de protection sociale est fondé sur le travail et la solidarité intergénérationnelle, deux principes fondamentaux de plus en plus dévoyés. Avec Laurent Wauquiez et nos collègues du groupe Droite républicaine, nous voulons les remettre à l’honneur, en rétablissant davantage de justice sociale.
Aussi voulons-nous créer un écart significatif, à situation familiale identique, entre la famille dont les parents travaillent et celle dont les parents ne travaillent pas. Ainsi, exercer un emploi – quand on le peut, naturellement – doit redevenir systématiquement plus rémunérateur que le cumul des aides. Supprimons ces terribles trappes à inactivité dans lesquelles la reprise d’un travail ou l’augmentation de son volume horaire fait moins gagner de salaire que perdre de prestations ou de tarifs sociaux.
L’instauration progressive d’une allocation sociale unique constituerait une simplification pour les bénéficiaires et permettrait dans le même mouvement de lutter contre le non-recours et de réduire les frais de gestion. Elle devrait aller de pair avec le rétablissement des allocations familiales dès le premier enfant aux familles qui travaillent et qui ont été pénalisées par la mise sous condition de ressources, coup de rabot effectué sous la présidence de M. Hollande.
Voilà notre priorité pour la France : mieux valoriser ceux qui travaillent afin d’assurer la pérennité de notre protection sociale. Il y va de notre cohésion et de l’avenir de notre nation. Notre boussole a toujours été et restera la France.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
Mme Sandrine Rousseau
Monsieur le premier ministre, vous jouez avec la démocratie comme un chat joue avec une souris. Je vous en veux d’agir ainsi. Je vous en veux d’avoir comme seul et premier objectif de fracturer la gauche, comme si c’était le seul horizon de vos ambitions politiques : fracturer la gauche pour gagner de l’espace.
Quel est votre projet politique, à part durer ? Quelle est votre ambition politique, si ce n’est votre ambition personnelle ? Qui représentez-vous, si ce n’est l’ersatz d’un président en perte de vitesse ? Nous, nous avons un projet clair, celui du Nouveau Front populaire : ce projet politique, sur lequel les Français nous ont élus, ne vous sied pas, alors vous mettez toute votre énergie à le bloquer. Mais qu’en est-il de votre cap ? Qu’en est-il de votre camp ? Qu’en est-il des glissades, plus rapides que celles des pingouins sur la banquise, vers l’extrême droite ?
Vous jouez. Depuis le premier mandat d’Emmanuel Macron, c’est votre marque principale : vous jouez. Vous jouez avec les articles de la Constitution qui vous permettent de contourner le Parlement ; vous jouez avec le Parlement et la démocratie ; vous jouez avec la gauche ; vous jouez avec l’extrême droite. Au fond, vous jouez avec le peuple et à la fin, vous vous jouez de lui.
Vous parlez d’identité nationale et remettez en cause le droit du sol. Vous adoptez leurs mots, vous adoptez leurs idées, au fond parce que les mots ne sont que le reflet de la ligne. Vous avez le racisme décomplexé. Vous l’érigez en une opinion politique comme une autre. Quand votre ministre de l’intérieur parle des Noirs et des musulmans, vous ne le reprenez pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.) Vous diminuez l’aide médicale de l’État (AME), alors même que 49 % des personnes qui pourraient la recevoir ne la demandent pas, comme un gage supplémentaire à l’extrême droite pour le cas où elle en manquerait.
Vous connaissez cette expression : pour manger avec le diable, il faut une longue cuillère. Vous mangez à sa table, matin, midi et soir. Vous ne vous posez pas la question des conséquences d’un tel comportement. Vous faites le pari naïf de penser que parler comme eux, c’est parler à leurs électeurs. Mais au fond, vous n’êtes pas si loin d’eux. Au fond du fond, vous aussi pensez qu’il y a trop d’immigrés, trop d’Arabes et de Noirs, que leurs descendants sont trop présents et pas assez Français.
C’est pourquoi vous parlez de « submersion », alors même qu’une bonne partie de ceux que vous stigmatisez sans cesse dans vos discours sont ceux qui nettoient nos hôpitaux ou en gardent l’entrée (Nouveaux applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR), sont aides-soignants ou aides-soignantes, ou aides à domicile. Ceux que vous accusez de nous submerger sont ceux-là même qui, par leur travail, font tenir le modèle social français et donnent de leur corps pour que les personnes les plus vulnérables – malades, personnes âgées ou dépendantes – mais aussi les personnels soignants vivent dignement et soient protégés. (Mêmes mouvements.)
Celles et ceux que vous présentez comme le grand danger de notre identité fantasmée se sont levés à cinq heures du matin, voire avant, pour faire fonctionner l’hôpital public que vous démantelez soigneusement. (Mme Dominique Voynet applaudit.) Ces mêmes personnes que vous stigmatisez font des tournées partout, même dans les territoires délaissés, pour prendre soin des personnes dépendantes. Loin des regards exaltés sur l’intelligence artificielle, ils mettent à profit leur intelligence – une intelligence émotionnelle et empathique – pour aller travailler dans les Ehpad, qui sont aujourd’hui en difficulté majeure.
Ces mêmes professionnels de santé continueront à se mobiliser pour lutter contre les cancers, s’inquiéteront des cancers digestifs qui arrivent trop tôt et pour les enfants à qui il faudra administrer des chimiothérapies puissantes. Ils feront de leur mieux pour guérir leurs patients, pendant que vous autorisez les pesticides et les épandages aériens et luttez contre toutes les mesures restrictives visant à protéger notre santé, comme l’interdiction des substances polyfluoroalkylées ou perfluoroalkylées (PFAS) dans les ustensiles de cuisine. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et GDR.)
Vous laisserez attaquer en sous-main les agences indépendantes du pouvoir qui alertent sur les risques et produisent des données et des recherches sur l’état de notre planète, comme l’Agence de la transition écologique (Ademe) mais aussi le Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Vous laisserez les critiques s’abattre sur les personnes chargées du contrôle des déversements dans l’environnement, comme l’Office français de la biodiversité (OFB), dont la seule mission est de nous protéger.
Vous parlerez de stabilité et de la nécessité d’avoir un budget, vous nous mettrez dans le camp du chaos en oubliant bien vite que la dissolution a été décidée un soir de victoire du Rassemblement national, que nous avons – nous, la gauche – joué le jeu du barrage républicain, et que nos électeurs ont été citoyens et républicains car même si le bulletin de vote portait le logo Renaissance ou Les Républicains, ils l’ont mis dans l’urne.
Mme Sophie Taillé-Polian
Eh oui !
M. Thibault Bazin
Il n’y avait pas le logo LR !
Mme Sandrine Rousseau
Vous vanterez du matin au soir la valeur travail mais vous ne direz pas que ceux que vous ravissez par vos politiques fiscales sont davantage les rentiers que les travailleurs. Vous attaquerez La France insoumise que vous placerez en dehors du champ républicain, mais vous compterez sur le fait que le Rassemblement national vous soutienne.
M. Jean-François Coulomme, Mme Danielle Simonnet et Mme Sophie Taillé-Polian
Absolument !
Mme Sandrine Rousseau
Si l’on met tout cela bout à bout comme les perles d’un collier, se dessine alors un chemin, pavé de bonnes intentions ou d’un prétendu pragmatisme et qui conduit directement la France vers l’extrême droite.
M. Thibault Bazin
Et vous, vers l’extrême gauche !
Mme Sandrine Rousseau
Dans des périodes troubles, il est important d’y voir clair sur les valeurs que nous défendons et pour lesquelles nous nous battons. Je me bats, avec mon camp politique, contre la montée du fascisme. Notre principe supérieur commun est inscrit au fronton de tous les bâtiments publics : Liberté, Égalité, Fraternité. Ces mots ont un sens et s’opposent en tout point à la France que vous dessinez.
La solidarité n’est pas un vain mot, c’est un combat. Là est la France ; là sont les valeurs de la France qui compte parmi les pays les plus solidaires au monde, parmi ceux qui ont fait le choix radical et ambitieux, à l’issue de la guerre et pour sortir définitivement du fascisme, de mettre une partie de notre richesse en commun afin d’assurer à chacun – où qu’il vive, quelle que soit sa richesse, qu’il soit bien né ou qu’il le soit moins – le socle de biens et de services indispensables à ce qu’il se sente inclus dans la société et à ce qu’il dispose de toutes les chances de s’en sortir et de s’épanouir. Tout cela constitue notre modèle social et nos services publics (Mme Cyrielle Chatelain applaudit), qui furent alors jugés plus importants que la richesse individuelle, parce qu’ils étaient collectifs et ne laissaient personne au bord du chemin, pour que nous n’ayons pas à revivre les heures sombres de notre histoire.
Nous en sommes là, monsieur le premier ministre. Et vous, où en êtes-vous exactement ?
Nous voterons la censure. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et GDR. – M. Jacques Oberti applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Turquois.
M. Nicolas Turquois
Disons-le franchement : l’intention de cette nouvelle mention de censure des députés du groupe La France insoumise n’a rien à voir spécifiquement avec le contenu de la seconde partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Mme Andrée Taurinya
Si, relisez le texte de la motion !
M. Nicolas Turquois
Ils n’ont pas la volonté de construire un meilleur projet. Il faut le dire et le redire : ils visent à saper systématiquement nos institutions et toute tentative de dialogue ou de compromis. C’est leur projet depuis des années et il contribue grandement à la crise que traverse notre pays.
Mme Sophie Taillé-Polian
On se souvient de votre sens du compromis !
M. Nicolas Turquois
En l’occurrence, ce travail de sape…
Mme Andrée Taurinya
C’est vous qui sapez la sécurité sociale !
M. Nicolas Turquois
…concerne plus précisément la deuxième partie du PLFSS, celle qui aborde le financement de la sécurité sociale. Symboliquement, c’est très intéressant : beaucoup, dans cet hémicycle, semblent réduire la protection sociale aux dépenses qu’elle représente, au point de mesurer l’efficacité de leur propre action politique à leur capacité à augmenter le montant de celles-ci par rapport à l’année précédente. Mais tel n’était pas l’esprit qui animait les créateurs de la sécurité sociale. L’ambition, alors, était bien sûr de prendre en charge les malades, d’assurer un revenu aux plus âgés sans qu’ils n’aient besoin de travailler et de faciliter, en accompagnant les familles avec enfants, la reconstruction démographique d’un pays exsangue après deux conflits majeurs. Mais cette ambition devait être financée par les cotisations issues du travail, dans la recherche d’un équilibre acceptable entre l’effort de contribution des uns et les besoins des autres.
Mme Andrée Taurinya
Et le système devait être géré par les syndicats !
M. Nicolas Turquois
C’est pourquoi censurer la deuxième partie du PLFSS reviendrait d’une certaine manière à nier les fondements même de la sécurité sociale.
M. Thibault Bazin
Il a raison !
M. Rodrigo Arenas
Il faut travailler un peu !
M. Nicolas Turquois
Le groupe Démocrates – cela ne vous surprendra pas – tient profondément au modèle de la sécurité sociale tel qu’il a été pensé par des femmes et des hommes de tous bords politiques à la fin de la seconde guerre mondiale – un modèle d’œuvre commune érigé par toutes celles et tous ceux qui, au-delà de leurs différences de sensibilités et parfois de leurs désaccords, s’étaient retrouvés autour d’une certaine idée de l’intérêt général ; un modèle de grande solidarité, également, essentiellement financé par les fruits du travail. (Mme Andrée Taurinya s’exclame.)
Le projet de loi présenté par le gouvernement répond-il à cette ambition ? Partiellement seulement, parce qu’il est le fruit d’un compromis et que nous partons d’une situation initiale très dégradée. Il constitue cependant une première étape fondamentale pour retrouver une situation conforme au modèle que j’ai rappelé – fondamentale, car l’existence même d’un budget est vitale pour la préservation de notre modèle de solidarité et de notre système de santé.
Chaque jour passé sans budget ou, en l’absence d’un vote formel de celui-ci, sous le régime des services votés, ce sont des recrutements qui n’aboutissent pas à l’hôpital…
Mme Andrée Taurinya
Vous dites vraiment n’importe quoi !
M. Nicolas Turquois
…ou dans les établissements médico-sociaux, ce sont des investissements pourtant cruciaux qui sont bloqués. Or sans ces recrutements, sans ces investissements, nous nous rapprochons chaque jour un peu plus de l’effondrement général du système.
Mme Andrée Taurinya
Parce qu’il ne s’est pas déjà effondré ?
M. Nicolas Turquois
Ce budget est fondamental, car il prévoit l’augmentation à hauteur de 1 milliard d’euros de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, le fameux Ondam, qui progresse même de 3,6 % en ce qui concerne l’hôpital. Il est fondamental car il intègre un accord majeur avec l’industrie du médicament visant à concilier l’approvisionnement en médicaments et la maîtrise des dépenses. Il est fondamental car il jette les bases d’une politique structurelle de la prévention, grâce à la réforme de la taxe sur les boissons sucrées, dont la consommation constitue un véritable fléau sanitaire. Il est fondamental car il prévoit le triplement du fonds d’urgence dédié aux Ehpad en difficulté.
Il est fondamental, enfin, car il comporte des avancées significatives dans de nombreux domaines. On peut citer, par exemple, la santé mentale (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS), grande cause de Michel Barnier que vous avez, monsieur le premier ministre, reprise ; les soins palliatifs, pour lesquels il est indispensable de développer une politique spécifique, parallèle à la réflexion sur la fin de vie que nous aborderons prochainement sous l’impulsion d’Olivier Falorni ; l’accompagnement des victimes de soumission chimique, dont notre collègue Sandrine Josso a fait son combat ; l’indemnisation des victimes d’accident du travail, sujet sur lequel Philippe Vigier, rapporteur du PLFSS pour cette branche, mais aussi François Ruffin ont beaucoup travaillé ; le déploiement du service public de la petite enfance ; l’alignement du calcul des retraites agricoles sur celui du régime général, un sujet qui m’est cher, comme il l’est à Julien Dive ou à André Chassaigne ; la santé des femmes et leur inclusion dans la vie professionnelle ; la prise en charge adaptée de la maladie de Charcot, et ainsi de suite.
Ce budget, tel que vous et votre gouvernement le présentez, nourrit des ambitions que nous saluons. Bien sûr, il est loin de pouvoir relever tous les défis auxquels notre sécurité sociale est confrontée, mais il est le fruit d’un compromis visant à concilier des avancées sociales nouvelles et une meilleure maîtrise des déficits. C’est la première pierre d’une reconstruction ambitieuse de notre modèle de sécurité sociale. L’ambition, s’agissant de cette dernière, ne consiste pas à dépenser toujours plus ; elle consiste assurément à guérir mieux et, avant cela, à prévenir mieux. Elle devrait aussi consister à mieux accompagner les personnes âgées et, avant cela, à créer les conditions pour qu’elles puissent mieux vieillir.
Il va nous falloir réinterroger notre conception de la politique. L’efficacité d’une politique publique ne saurait se mesurer uniquement à l’aune des dépenses supplémentaires consenties mécaniquement chaque année. L’important, c’est de définir des priorités pour nos politiques publiques, d’en adapter l’organisation en conséquence et de mieux évaluer leur effet sur la vie quotidienne des Français.
L’enjeu numéro un est la prévention. En effet, 60 % des dépenses de santé sont liées aux 20 % de personnes en affection longue durée (ALD). Le nombre de ces patients croît de façon quasi exponentielle : ils sont près de 14 millions actuellement, contre 10 millions il y a dix ans et 6,5 millions il y a vingt ans. Nous croyons qu’il est possible d’assurer une prise en charge efficace et humaine de ces personnes tout en luttant mieux contre la survenue des ALD.
Agir en amont est même crucial pour faire face au mur du vieillissement démographique. D’autres pays le font. Nous devons travailler notamment, comme notre collègue Cyrille Isaac-Sibille s’y emploie depuis des années, à faire évoluer les comportements, à tous les âges de la vie, pour que diminue la consommation de tabac, de sucre ou encore d’alcool. Travaillons aussi à favoriser la détection précoce des maladies génétiques, en soutenant la recherche, comme Philippe Berta en avait l’ambition. Il existe au bas mot une cinquantaine de maladies génétiques rares qui, si elles étaient détectées dans les premières semaines de vie,…
Mme Christine Arrighi
Pour cela, il faut consacrer de l’argent à la prévention !
M. Nicolas Turquois
…pourraient être non seulement identifiées, ce qui éviterait aux familles des années d’errance médicale, mais surtout guéries ou, au moins, traitées de manière à en limiter les conséquences dramatiques.
Nous devons par ailleurs généraliser le dépistage aux âges clés. Frédéric Valletoux, le président de la commission des affaires sociales, a lancé avec Stéphanie Rist une très intéressante série de conférences portant sur les spécificités de la santé des femmes. J’y ai appris que de simples tests pour déterminer la densité osseuse, effectués à la cinquantaine, pouvaient apporter des informations précieuses et éviter des affections lourdes quelques années plus tard, le tout pour seulement 39 euros. Je ne multiplierai pas les exemples : la prévention est une source potentielle d’économies considérables et doit surtout permettre de rester en bonne santé et de mieux vieillir.
L’enjeu numéro deux est l’organisation. Les institutions médicales sont sclérosées par la suradministration, par le contrôle à tous les étages et, paradoxalement, par une forme de déresponsabilisation. Il faut redonner du sens au fonctionnement de ces structures, notamment à l’hôpital. Laisser un service plus libre de son organisation, en le tenant responsable de son équilibre financier, est source d’efficacité. Pourquoi certains établissements s’en sortent-ils mieux que d’autres ? Pourquoi les problèmes de prise en charge des urgences sont-ils mieux traités ici que là ? Regardons ce qui marche, rendons nos organisations plus agiles, et nous fournirons un meilleur service médical aux Français. C’est cela, la vocation première de nos professionnels de santé.
M. Thibault Bazin
Très bien !
M. Nicolas Turquois
Enfin, l’enjeu numéro trois est le renouveau du dialogue politique. C’est à dessein que j’ai cité plusieurs collègues ou anciens collègues qui défendent des convictions fortes en matière sociale. J’aurais encore pu évoquer Guillaume Garot pour son travail sur les déserts médicaux, Jérôme Guedj pour sa maîtrise des enjeux médico-sociaux ou Christine Le Nabour pour son engagement en faveur de l’insertion des jeunes dans le monde du travail. Bref, je tenais à souligner l’écart entre, d’une part, la richesse de la contribution de députés de tous bords – je dis bien de tous bords, même si je ne pouvais pas citer tout le monde – aux débats de la commission des affaires sociales et, d’autre part, la caricature et la violence qui caractérisent les débats en séance et qui contribuent à discréditer totalement notre démocratie parlementaire. Si je m’éloigne du contenu du PLFSS pour évoquer les conditions de son examen, c’est parce que je crois que les enjeux de la sécurité sociale font partie de ceux qui révèlent le plus de points communs entre nous. Ne pas voter la censure, chers collègues, c’est non seulement donner à la France un budget vital pour l’hôpital, pour les maisons de retraite ou pour le handicap, mais c’est aussi mettre en pratique de nouvelles méthodes de travail et de dialogue, entre nous et avec le gouvernement. Or le sillon politique que vous avez, monsieur le premier ministre, tracé dans la vie politique française depuis des dizaines d’années…
M. Jean-Paul Lecoq
Depuis le millénaire dernier !
M. Nicolas Turquois
…démontre que vous pouvez largement contribuer à ce renouveau. Le groupe Les Démocrates vous soutiendra dans cette démarche.
Mme la présidente
La parole est à M. François Gernigon.
M. François Gernigon
Nous sommes réunis pour débattre d’une motion de censure, déposée par le groupe La France insoumise en réponse à l’engagement de la responsabilité du gouvernement sur la deuxième partie du PLFSS pour 2025. Sans surprise, le groupe Horizons & indépendants ne la votera pas. En effet, au-delà des divergences, au-delà des querelles politiques, il y a des enjeux qui nous dépassent, des vies qui dépendent de nos décisions ; c’est là tout le sens de l’engagement public et de l’humilité qu’il impose. (M. Rodrigo Arenas s’exclame.)
Je parle d’humilité, car si elle était davantage partagée sur l’ensemble de ces bancs, la démocratie et le débat parlementaire s’en trouveraient sûrement plus sains et plus apaisés. L’humilité, d’abord, d’accepter, eu égard aux enjeux inédits, de participer aux concertations proposées par le gouvernement, malgré votre opposition. L’humilité face à la complexité de notre système de protection sociale, qui ne saurait se résumer à des slogans ou à des postures idéologiques.
M. Rodrigo Arenas
Le 49.3, c’est de l’humilité ?
M. François Gernigon
L’humilité devant les défis démographiques et économiques que nous devons affronter avec sérieux, plutôt qu’avec des incantations déconnectées des réalités budgétaires. L’humilité face aux professionnels de santé, aux retraités, aux familles, aux travailleurs, qui attendent de nous non des surenchères partisanes et des lignes rouges, mais des solutions crédibles et viables.
M. Frédéric Valletoux
Bravo !
M. François Gernigon
L’humilité, aussi, de reconnaître que vous n’avez pas la majorité absolue dans cet hémicycle…
M. Rodrigo Arenas
Vous non plus !
M. François Gernigon
…et qu’aucune majorité relative ne peut se permettre l’arrogance de décider seule.
M. Rodrigo Arenas et Mme Mathilde Feld
Et le 49.3 ?
M. François Gernigon
L’humilité, enfin, devant les Français eux-mêmes, qui savent que les équilibres financiers de notre protection sociale ne tiennent que par des efforts collectifs, et qui n’acceptent pas que certains jouent avec ces enjeux à des fins purement électorales.
M. Rodrigo Arenas
Ce n’est pas très gentil pour Macron…
M. François Gernigon
La situation de la France nous oblige à faire preuve d’humilité, sans perdre nos convictions ni nos ambitions pour le pays. C’est dans cet esprit que mon groupe a abordé les débats budgétaires, avec responsabilité, à l’inverse de ceux qui, plutôt que de dialoguer, préfèrent la censure sur tout et tout le temps.
Mme Mathilde Feld
Quel dialogue avec le 49.3 ?
M. François Gernigon
Le PLFSS n’est pas seulement un texte budgétaire, c’est un pacte social, un engagement envers les plus modestes. C’est grâce à sa deuxième partie, relative aux recettes, que nous pouvons soigner, accompagner, soutenir. C’est grâce à elle que nous pouvons dire à chaque citoyen : tu ne seras jamais seul face à la maladie, face à la vieillesse, face aux aléas de la vie.
Nous soutenons ce PLFSS car il est nécessaire. Il n’est pas parfait, certes, mais ce qui compte, c’est l’action, c’est le progrès, c’est la volonté de préserver un système social dont nous sommes fiers, tout en sachant qu’il devra être réformé en profondeur.
Cette motion de censure, à l’inverse, est l’incarnation de l’inaction, du blocage intéressé de nos institutions, de l’affaiblissement des valeurs et du pacte social qui nous lient tous. (Mme Mathilde Feld s’exclame.) Le gouvernement a pris ses responsabilités ; il a fait des choix difficiles et courageux. Par ce 49.3, il a choisi de garantir les recettes nécessaires pour financer nos besoins sociaux.
Lors de l’examen du texte, le groupe Horizons & indépendants a fait valoir ses propositions et ses réticences sur certains points, en refusant toujours de fixer des lignes rouges qui auraient pour seul effet de figer le débat. Lorsque nous avons examiné diverses mesures d’économie, nous sommes toujours restés attentifs à ce que la justice sociale préside à l’effort budgétaire et à ce que celui-ci préserve la force et l’attractivité de l’économie française.
Le gouvernement a choisi de renoncer à une mesure qui aurait alourdi la charge pesant sur les actifs : la contribution de solidarité par le travail, introduite au Sénat, qui prévoyait sept heures de travail supplémentaires dédiées au financement de la sécurité sociale. Si le principe d’un effort collectif pour financer notre protection sociale est défendable, il est essentiel de ne pas imposer une contrainte supplémentaire à ceux qui travaillent déjà dur.
C’est cette même volonté d’équilibre qui a guidé notre position sur l’article 6 du PLFSS, relatif à la baisse des allègements de cotisations patronales. Initialement, le gouvernement Barnier proposait une réduction substantielle de ces allègements pour dégager 4 milliards d’euros d’économies. Cette mesure répondait à une nécessité budgétaire, mais risquait d’augmenter le coût du travail et donc d’affecter la compétitivité des entreprises. La commission mixte paritaire a ramené cette réduction à 1,6 milliard d’euros, limitant ainsi son impact sur les entreprises tout en renforçant les recettes de la sécurité sociale. Ce souci du compromis et du juste équilibre a déterminé notre position : nous avions voté contre cet article en première lecture, mais nous constatons que les enjeux économiques et sociaux sont désormais mieux pris en considération. Le gouvernement a ainsi fait le choix de l’équilibre et de l’écoute.
Par ailleurs, nous tenons à rappeler que l’équilibre financier de notre protection sociale a dû être appréhendé dans sa globalité. Il ne peut être question d’examiner les comptes de la sécurité sociale sans y inclure l’une de ses composantes majeures, à savoir le système de retraite. Les pensions de retraite représentent plus de 40 % du total des prestations sociales et 14 % du PIB. Le déséquilibre du système, bien que partiellement compensé par l’impôt et par des transferts, constitue un défi majeur pour la pérennité de notre modèle. Les annonces que vous avez faites, monsieur le premier ministre, vont dans le sens d’une préservation de l’équilibre des retraites. C’est pourquoi nous serons particulièrement attentifs à ce que les constats et les choix budgétaires que nous faisons aujourd’hui dans le cadre du PLFSS ne soient pas profondément remis en cause par une prochaine réforme.
Ne nous trompons pas de combat. Ne nous égarons pas dans des pièges stériles et préconçus tendus par l’extrême gauche. Ne laissons pas les divisions nous aveugler, ni les querelles partisanes nous détourner de l’essentiel. L’essentiel, c’est le soutien à notre système de solidarité ; c’est de retrouver une France unie, debout, et crédible.
Mme Christine Arrighi
Comme c’est beau ! On en pleurerait…
M. François Gernigon
Nous sommes convaincus que, pour que la France se relève de cette crise politique et budgétaire, elle doit d’abord répondre aux urgences, puis se réformer en profondeur. Le PLFSS répond à l’urgence et vise à garantir la continuité et la qualité des services publics jusqu’à la fin de l’année. Nous ne voterons pas cette motion de censure, car nous croyons au débat, au compromis. Nous croyons en la France, en sa capacité intemporelle à surmonter les épreuves, à relever les défis auxquels elle fait face.
Mme Zahia Hamdane
Oh ! Que c’est beau ! (Sourires sur les bancs du groupe GDR.)
M. François Gernigon
Plutôt qu’à l’illusion des promesses irréalistes de l’extrême gauche, le groupe Horizons & indépendants croit en la France et en son avenir, un avenir de progrès, de justice et de solidarité, un avenir que ceux qui voteront cette motion de censure n’incarnent ni pour les Français ni pour la France et – je l’espère et je le crois – un avenir qu’ils n’incarneront jamais. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Viry.
M. Thibault Bazin
Il n’appartient pas au socle commun, mais j’applaudis quand même par solidarité. (Sourires.) Il y a de beaux mirabelliers du côté d’Épinal !
Mme la présidente
Les mirabelles sont meilleures chez moi ! (Sourires.)
M. Stéphane Viry
Le groupe LIOT avait abordé les débats sur le budget de la sécurité sociale avec responsabilité. Nous devons effectivement faire preuve de responsabilité non seulement au sujet des comptes publics dont l’état est très préoccupant, mais aussi envers les citoyens qui attendent de nous des réponses fortes pour pérenniser notre couverture sociale et notre modèle de protection sociale. Cet esprit de responsabilité nous conduit à constater avec lucidité les faibles marges de manœuvre dont nous disposons pour renouer avec une trajectoire des comptes sociaux moins dégradée. Depuis la crise covid, nous n’avons jamais réussi à infléchir cette tendance.
Cette année ne fera pas exception. Les déficits sont immenses et les perspectives jusqu’en 2028 ne sont guère réjouissantes. Ce discours de lucidité, de responsabilité, nous l’entendons volontiers et nous le partageons. Il est vrai que la situation ne nous permet pas de nous projeter avec sérénité. Cependant, nous ne voyons pas non plus advenir de réformes structurelles qui permettraient de changer la donne. Les exercices budgétaires s’enchaînent sans vision de long terme sur les recettes. Certes, l’absence de majorité à l’Assemblée nationale et plus généralement l’absence de stabilité empêche tout travail de fond et de long terme.
Pour une fois, pourtant, ce PLFSS tentait de dégager des recettes nouvelles ; nous devons en convenir. En premier lieu, il entreprenait une réforme des exonérations des cotisations sociales. Comme cela a été dit, il s’agit d’une piste intéressante, étant donné qu’elles représentent plus de 80 milliards d’euros de dépenses chaque année, et que plusieurs rapports ont conclu à la faible efficacité de certaines exonérations sur l’emploi. C’était une mesure courageuse, qu’il fallait recalibrer pour ne pas pénaliser les bas salaires. En renonçant à augmenter les cotisations pour les personnes rémunérées au smic et en prévoyant une sortie du dispositif à 2,05 smic, le Sénat avait proposé des évolutions plus adaptées aux réalités du travail, tout en garantissant un haut niveau d’économies. Le gouvernement a fait le choix regrettable de revenir au compromis moins ambitieux de la CMP.
De celle-ci, vous n’avez pourtant pas tout gardé, car le texte sur lequel vous avez fait usage du 49.3 a supprimé une disposition qui aurait permis de calculer les allègements généraux accordés aux entreprises relevant d’une branche dont les salaires minimaux sont inférieurs au smic sur ces salaires minimaux et non plus sur le smic. Cette mesure étant de nature à soutenir les salaires, nous ne comprenons pas votre décision.
D’autres nouvelles recettes suscitent des interrogations. Ainsi, vous choisissez d’assujettir les rémunérations des apprentis, au-delà de 50 % du smic, à la contribution sociale généralisée (CSG), à la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) et aux cotisations sociales. Cela entraîne une perte de pouvoir d’achat pour les apprentis, alors qu’il s’agit d’une voie d’inclusion par le travail qui aurait mérité, même dans le PLFSS, d’être mieux soutenue. Nous avons besoin de nouvelles recettes, mais pas à n’importe quel prix, surtout lorsqu’il s’agit de mettre à contribution le travail, qui contribue déjà en France de manière abusive.
C’est la raison pour laquelle il fallait supprimer la contribution de solidarité pour l’autonomie, basée sur sept heures de travail supplémentaires non rémunérées. Il n’est effectivement pas souhaitable que seuls les salariés soient mis à contribution, d’autant qu’un grand nombre d’entre eux ont du mal à vivre des fruits de leur travail. Nous le savons tous : nous ne pourrons plus faire l’économie d’une vraie réflexion sur le financement de notre couverture sociale, de la protection apportée à nos concitoyens. On l’a dit, nous fêtons les 80 ans de la sécurité sociale ; il faut reconnaître que les temps ont changé : ni les besoins ni l’écosystème ne sont les mêmes. Le vieillissement de la population, l’augmentation du nombre de personnes atteintes d’une maladie chronique, les nouveaux risques environnementaux et sociaux nous obligent à faire table rase pour pouvoir faire œuvre de construction.
Soyons objectifs : il faudra cesser un jour ce bricolage permanent et nous pencher sur la nécessité d’élargir le financement de la sécurité sociale.
M. Jean-Paul Lecoq
Nous le disons tous les jours !
M. Stéphane Viry
À défaut, nous allons à l’échec : devant le déficit, nous devrons baisser les droits et nous irons vers la suppression de la grande conquête qu’a été la sécurité sociale, édifiée en 1945. Monsieur le premier ministre, nous sommes au bout d’un chemin. Vous le connaissez, vous en avez parlé lors de votre discours de politique générale. Il est grand temps, au-delà du PLFSS, qu’ensemble, avec les hommes et les femmes de bonne volonté, nous entamions un chantier en remettant les choses à plat afin de conserver ces droits absolus aux hommes et aux femmes de notre pays.
Nous pensons qu’il faut mettre davantage les revenus du capital à contribution.
M. Jean-Paul Lecoq
Waouh !
M. Emmanuel Maurel
C’est osé !
M. Stéphane Viry
D’autres pistes existent ; nous devons les étudier toutes sans tarder, sans réserve.
M. Emmanuel Maurel
Quelle audace !
M. Stéphane Viry
Sans cela, nous ne serons pas à la hauteur de nos responsabilités.
Nous avions voté le principe d’une loi de programmation sur l’autonomie, qui aurait dû être présentée l’an dernier. Celle-ci a, encore une fois, été abandonnée. Par conséquent, le problème du sous-financement de la branche autonomie demeure, cinq ans après sa création. J’avoue éprouver devant cette situation une forme de honte et j’ai le sentiment d’une duperie : la loi du 7 août 2020 a créé la cinquième branche mais, ensuite, nous peinons à la rendre crédible et à en assurer le financement. Ce problème demeurera tant que nous ne nous pencherons pas sérieusement ensemble sur ce sujet.
Pour notre système de retraite, le problème se pose à l’évidence dans les mêmes termes et avec la même acuité. Le principe d’une conférence de financement réunissant les partenaires sociaux a été acté. Nous mettons beaucoup d’espoir dans ce travail : nous devons renouer avec davantage de justice sociale pour les retraites, en trouvant des solutions de financement qui nous permettent de ne plus mentir et de ne plus faire reposer la charge des retraites actuelles sur les générations futures.
L’esprit de responsabilité nous oblige donc à être lucides sur l’état de nos comptes sociaux, cependant c’est en vertu de ce même esprit que nous devons dire et dénoncer les carences de notre système pour nos concitoyens. Cela fait huit ans que je suis parlementaire et que je constate que chaque PLFSS nous est présenté comme un document comptable, alors qu’il devrait être un document de protection : il devrait apporter une vision sur la façon de protéger nos concitoyens en matière de santé et de protection sociale.
Les Français placent la santé au premier rang de leurs préoccupations. Force est de constater que l’accès aux soins dans notre pays se dégrade depuis plusieurs décennies sans que ni les uns ni les autres ne parviennent à inverser la tendance. La crise de l’hôpital public est symptomatique d’une crise bien plus large du système de santé tout entier, marquée par la dégradation des services hospitaliers et une désertification médicale qui s’aggrave et qui éloigne, partout, de plus en plus de nos concitoyens d’un accès à des soins de qualité.
Le groupe LIOT a renouvelé son vœu de lancer une commission d’enquête sur ce sujet, car nous estimons que la santé doit être une priorité nationale. Cela implique sans doute de revoir notre modèle de gouvernance, d’organisation, de financement, mais surtout d’investissement en matière de santé. L’Ondam prévu dans la rédaction initiale de ce texte était insuffisant : il était loin d’être à la hauteur des besoins, pour les établissements de santé comme pour les Ehpad. Vous le savez, un Ondam insuffisant entrave l’accès aux soins, empêche des investissements utiles et interdit les recrutements, alors que la dynamique exige un Ondam plus important. Vous avez corrigé le tir ; il était urgent de revoir la copie.
Les territoires insulaires et ultramarins connaissent des surcoûts structurels sans que les coefficients géographiques applicables aux tarifs nationaux de prestations des établissements soient systématiquement revus ni revalorisés. Il faut être attentifs à la situation de ces territoires.
Attention, surtout, à ne pas faire du soin une variable d’ajustement budgétaire. L’abandon de la hausse du ticket modérateur était nécessaire. D’autres mesures soulèvent toutefois des inquiétudes, comme la baisse du plafond de rémunération des indemnités journalières. Les dispositions pour s’assurer de la pertinence des prescriptions répondent à la même logique : elles visent à limiter les coûts en prenant le risque de fragiliser la santé des patients et de rompre le secret médical, sans qu’il soit mené de réflexion profonde sur les difficultés d’accès aux soins. Si nous pouvons comprendre les mesures de régulation des dépenses, leurs conséquences dans certains secteurs seront loin d’être anodines.
Les baisses de tarifs envisagées par le gouvernement afin de réaliser ces économies auront un impact considérable pour les taxis en milieu rural car il leur est difficile de compenser les pertes attendues par une augmentation du volume d’activité en raison d’un habitat très dispersé. Les patients seront les premiers à pâtir de ces baisses.
Monsieur le premier ministre, j’ai fait de la responsabilité le principe de mon intervention. Faire preuve de responsabilité, ce n’est pas seulement éviter les déficits, c’est aussi garantir l’exigence qui caractérise notre modèle social : celle d’un accès aux soins pour tous, d’une prévention efficace, d’une attention aux plus fragiles et aux plus précaires, et d’une prise en charge de qualité pour tous, en particulier les petits et les aînés.
Nous ne nous satisfaisons jamais d’abandonner nos prérogatives de législateurs. Si nous ne votons pas les motions de censure qui accompagnent chacun de vos 49.3, cela ne signifie pas pour autant que nous soutenons ce PLFSS. Par rapport au texte initial, nous avons réussi à obtenir des avancées qui étaient nécessaires pour nos citoyens ; c’est heureux, mais cela ne suffit pas à créer une situation satisfaisante à long terme.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Victor Castor.
M. Jean-Victor Castor
Comme Élisabeth Borne, comme Michel Barnier, François Bayrou use et abuse de l’article 49.3 de la Constitution.
M. Thibault Bazin
Michel Barnier ne l’a utilisé qu’une fois !
M. Jean-Victor Castor
Cette utilisation abusive a pour unique objectif de bâillonner le Parlement, attitude révélatrice de votre peur du vote. Vous craignez non l’absence de budget, mais l’expression de la voix de la majorité et le vote d’un autre budget face à la minorité que vous êtes. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP.)
M. Thibault Bazin
Pas sûr qu’il y ait une majorité alternative !
M. Jean-Victor Castor
C’est scandaleux mais ce n’est malheureusement pas surprenant. Comment pourrait-il en être autrement quand le président de la république refuse de respecter le choix des urnes ? Dès lors, quelle légitimité possèdent les gouvernements qui se succèdent ? Aucune. Ce mépris des choix du peuple caractérise la gouvernance d’Emmanuel Macron. Il a passé des années à imposer la politique d’une minorité à la majorité. En maintenant envers et contre tous la réforme des retraites ou en refusant de taxer les superprofits (M. Nicolas Sansu applaudit), Emmanuel Macron dénie le suffrage universel et renie le pouvoir législatif.
Les gouvernements macronistes successifs ont instauré la dictature du 49.3. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 est dans le droit fil de cette attitude antidémocratique. En refusant de mettre réellement en débat le volet des recettes, vous assumez la recherche d’économies dans un domaine qui devrait être sanctuarisé, la santé. En faisant le choix de repartir du texte du Sénat, vous empruntez une ligne politique que nous contestons, qui consiste à vouloir faire supporter aux assurés sociaux, aux établissements de santé et à leurs personnels, les mauvais choix budgétaires des gouvernements Macron et autres. Le déficit public est important. Le nouveau gouvernement devrait donc y apporter des réponses en rupture avec les méthodes de gestion précédentes. C’est un principe de cohérence et d’intelligence.
Cependant, vous préférez prôner un pseudo-sérieux budgétaire aux conséquences délétères. Ce sérieux budgétaire, qui a essentiellement consisté à organiser le désarmement fiscal de la France au profit des plus riches, n’a pas fonctionné : aucun ruissellement n’a eu lieu ; les travailleurs se sont appauvris ; le chômage, les faillites et les plans de licenciement s’envolent ; le déficit s’est creusé. Ce sérieux budgétaire qui consiste à faire de la sécurité sociale une variable d’ajustement du déficit public a conduit à l’effondrement du système de soins : le déficit des hôpitaux devrait culminer à 3,5 milliards d’euros en 2024 ; le déficit des Ehpad cumulé sur 2022 et 2023 atteint 1,3 milliard. Six Français sur dix renoncent à se faire soigner.
Au nom de ce sérieux budgétaire, les gouvernements macronistes ont consciencieusement organisé le déficit de la sécurité sociale. Année après année, ils ont sous-financé les établissements sociaux et de santé, ce qui a abouti à la non-compensation des primes Ségur, de l’inflation et des déprogrammations de soins pendant le Covid. Ils ont aussi perfidement asséché les ressources de la sécurité sociale : la perte de recettes sur les seules niches sociales, c’est-à-dire le contournement des salaires, est estimée à 19,3 milliards d’euros en 2023, soit 9,4 milliards d’euros supplémentaires, non compensés par l’État, en cinq ans. Les allègements généraux de cotisations sociales accordés aux entreprises sans aucune contrepartie sociale ou environnementale représentent 80 milliards d’euros. Le PLFSS que vous voulez imposer est donc le prolongement – en pire – de celui de M. Barnier. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Édouard Bénard applaudit aussi.)
Il aggravera – comme à l’accoutumée, dans cette situation de majorité relative – les inégalités et l’incurie sanitaire dans les territoires dits d’outre-mer. S’agissant de Mayotte, le budget n’est pas à la hauteur des besoins, notamment en termes de prévention des épidémies, alors que les infrastructures ont été gravement endommagées par le cyclone Chido et qu’on constate un manque criant de moyens et de personnels. Votre choix idéologique, qui consiste à faire des économies sur la santé, relève non du sérieux budgétaire, mais de l’irresponsabilité politique. En le mettant en œuvre, vous ne faites qu’amplifier et accélérer la dégradation de l’offre et de la qualité des soins.
Chez moi, en Guyane, la population en paye déjà les conséquences dramatiques. La Guyane est le plus grand désert médical de France : elle compte à peine 150 médecins de ville – dont la moitié est proche de la retraite – pour une population qui devrait passer de 329 000 personnes en 2023 à 442 000 en 2030, selon l’Insee. Le marasme sanitaire est particulièrement visible dans la dégradation et l’obsolescence de l’hôpital de Cayenne, où les personnels doivent se débrouiller pour pallier, dans la mesure du possible, le manque de moyens humains et matériels. On entre dans cet hôpital avec la crainte d’y contracter une maladie plus grave que celle pour laquelle on a été hospitalisé. Alors que vous savez que le site est irrécupérable, aucune ligne du budget ne prévoit le moindre début d’étude pour la construction d’un centre hospitalier régional universitaire. Vous préférez vous entêter à rafistoler et à mettre des cache-misères – c’est irresponsable de votre part. En Guyane, l’enclavement et l’absence de plateau technique ne laissent d’autre choix que les évacuations sanitaires, qui coûtent environ 6 millions d’euros par an. Or non seulement vous ne prévoyez pas de construire un nouvel hôpital, mais vous souhaitez limiter ces évacuations, condamnant ainsi, faute de soins, au nom d’un prétendu sérieux budgétaire, de nombreux Guyanais à la mort – car il s’agit bien de la mise en danger de la vie d’hommes, de femmes et d’enfants.
S’il faut bien voter rapidement un budget, cela ne doit pas occulter d’autres urgences tout aussi impérieuses : le financement des besoins sociaux et sanitaires, ainsi que l’organisation d’un débat réel sur les enjeux de santé publique et d’accès aux soins, au lieu de traquer la moindre réduction de dépenses, sans souci de ce que sera à long terme le système de soins. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR. – Mme Dominique Voynet applaudit également.)
Monsieur le premier ministre, tous ces éléments confirment que vous vous inscrivez dans les pas de vos prédécesseurs. Ce PLFSS relève d’une idéologie irresponsable, selon laquelle la protection de ceux qui détiennent les finances compte plus que la vie humaine. Il est possible de faire autrement, mais comme vous préférez passer en force, nous assumons de vous censurer. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP, ainsi que sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Maxime Michelet.
M. Maxime Michelet
Le débat est sans enjeu ni suspense : le gouvernement ne sera pas censuré, car il ne l’a pas été mercredi dernier, à l’issue d’une discussion qui portait, bien au-delà de l’article liminaire et de la première partie du PLFSS, sur l’ensemble du texte. Ce nouvel engagement de responsabilité du gouvernement n’est dû qu’à l’organisation de nos délibérations qui fractionne le débat sur le PLFSS en trois délibérations. Il s’agit donc du même texte, qui appelle les mêmes conclusions que celles qui ont été défendues à cette tribune par mon estimé collègue de l’UDR, Olivier Fayssat, il y a cinq jours. Mon propos sera donc nécessairement bref ; je me contenterai de vous redire que nous regrettons l’insuffisance de ce texte qui n’affronte pas les défis auxquels notre système de sécurité sociale est confronté.
En effet, le PLFSS se défile sur de nombreux sujets. Certes, la hausse du ticket modérateur est abandonnée, mais le coût induit par cette mesure est reporté sur les mutuelles, donc, inévitablement, sur les Français. Certes, des allègements de cotisations sont réalisés à hauteur de 1,6 milliard d’euros, mais le texte en prévoyait 4 milliards en première lecture. Certes, la lutte contre la fraude sociale est renforcée, mais la perspective d’une carte Vitale biométrique n’est toujours pas à l’ordre du jour. Votre texte, qui manque d’audace, inscrit notre système de sécurité sociale dans une trajectoire de déficit structurel, comme l’a affirmé la Cour des comptes elle-même devant la commission des affaires sociales.
Au rang des audaces nécessaires, l’Union des droites pour la République continuera notamment de défendre l’introduction d’un pilier de capitalisation dans notre système de retraites. C’est la seule solution qui puisse répondre à la dégradation du contexte budgétaire, tout en garantissant à chacun la liberté de préparer ses vieux jours et à tous la dignité à laquelle une vie de travail donne un droit inaliénable. Cette audace nécessaire est aussi essentielle : au regard de l’importance des pensions de retraite, il s’agit d’un des principaux combats à mener pour défendre notre modèle de sécurité sociale.
Permettez-moi de rappeler une vérité trop souvent oubliée, bien qu’évidente : un système de redistribution et de solidarité ne fonctionne que dans la limite des ressources disponibles, ce qui implique d’instaurer une politique de prélèvements en cohérence avec le niveau des salaires, de la croissance et de l’emploi. Ainsi, toute politique de prélèvement qui attenterait aux salaires, à la croissance ou à l’emploi, serait insensée. Oui, nous avons des devoirs vis-à-vis des générations qui ont travaillé, et nous entendons y demeurer fidèles, car les promesses faites doivent être tenues. C’est la raison pour laquelle l’UDR et le RN se sont battus pour que la désindexation des pensions soit abandonnée – et elle l’a été. Toutefois, nous ne devons jamais oublier les devoirs que nous avons aussi vis-à-vis des nouvelles générations qui entrent sur le marché du travail ; elles sont l’avenir du pays. Nous ne pouvons pas nous contenter de leur offrir un système fatalement en repli, qui leur offrira moins de droits qu’à leurs parents ou à leurs grands-parents, tout en les privant toujours plus du fruit de leur travail. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.) Nous devons donc relever le défi d’une sécurité sociale qui garantisse les droits de toutes les générations et qui, fidèle aux promesses du passé, protège le présent, tout en préservant l’avenir.
Contrairement aux auteurs de la motion de censure, nous ne condamnons pas la politique qui consiste à libérer le travail des Français du poids des charges et des cotisations sociales. Une telle politique n’a cependant aucun sens, sans recherche de financements alternatifs – telle est l’impasse dans laquelle Emmanuel Macron et ses gouvernements ont amené, année après année, notre système de sécurité sociale, faute du courage d’assumer les choix politiques nécessaires. Le texte s’entête dans cette direction. Notre système de santé et les Français méritent mieux que cette fuite en avant de gouvernements successifs qui font payer au prix fort – tout particulièrement aux actifs – le coût de leurs erreurs, de leurs échecs et de leurs lâchetés. L’Union des droites pour la République se réjouit du recul sur l’inacceptable proposition qui entendait imposer aux Français sept heures de travail non rémunéré. Le travail et le fruit du travail des Français appartiennent non aux ministres ou aux bureaucrates, mais aux Français – et aux Français seuls. Nous ne le rappellerons jamais assez.
Ce texte est insuffisant, mais il est le seul que nous aurons, car aucun gouvernement issu du bloc central ne sera capable de faire mieux, faute de courage, de vision et d’ambition. Nous avons eu huit ans pour nous en convaincre et, depuis huit mois, dans le crépuscule d’une interminable fin de règne, la preuve nous en est inlassablement donnée. Il est pourtant urgent de rompre avec les vieilles recettes et les faux remèdes, dont la seule constance aura été d’échouer depuis trente, voire quarante ans. Cette rupture, par nature, votre gouvernement ne peut pas la porter. Nous la ferons, avec nos amis et alliés du Rassemblement national, pour la France et les Français.
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Jacobelli.
M. Laurent Jacobelli
Jamais deux sans trois, les jours se suivent et se ressemblent : une fois de plus, nous sommes réunis pour statuer sur une nouvelle prolongation de votre période d’essai, monsieur le premier ministre – la période d’essai d’un gouvernement sans cap ni vision, construit de bric et de broc, dépourvu d’assise démocratique et donc réduit à l’impuissance politique. En juin et juillet derniers, aux élections européennes comme aux législatives, les Français ont clairement exprimé un choix : celui d’en finir avec la politique d’Emmanuel Macron. Pourtant, ils sont plongés dans un cauchemar, contraints de voir revenir ces visages qu’ils voulaient oublier,…
M. Thibault Bazin
C’est un peu de votre faute ! Si vous n’aviez pas censuré M. Barnier…
M. Laurent Jacobelli
…ces visages associés à quarante ans de faillite budgétaire, à l’ensauvagement, à la submersion migratoire, à la casse sociale et à l’effondrement de nos services publics. La situation est tellement critique, monsieur le premier ministre, que vous avez vous-même parlé d’Himalaya budgétaire pour faire adopter vos textes. Pour arriver au sommet de cet Himalaya, en plein cœur de l’hiver technocratique dans lequel Emmanuel Macron nous a plongés, vous avez fait de bien curieux choix en prenant François Hollande comme sherpa et le Parti socialiste comme boussole. L’histoire a prouvé que le socialisme ne pouvait mener qu’à une montagne de dettes, à un gel des investissements et à une fonte accélérée du pouvoir d’achat des Français. Il n’est donc pas surprenant que le budget de la sécurité sociale ne fasse preuve d’aucune ambition ni d’aucun courage, et qu’il refuse de s’attaquer aux totems et aux tabous.
On n’y trouvera rien contre le fléau de la fraude sociale et fiscale, qui coûte une fortune : au bas mot, 20 milliards d’euros pour la seule fraude aux prestations sociales, qui gangrène le RSA, la prime d’activité et les aides au logement. Quant à la fraude aux fausses cartes Vitale, elle concerne 2,5 millions de faux assurés sociaux, dont beaucoup vivent à l’étranger. Enfin, l’État continue de payer les pensions fictives de retraités âgés de plus de 120 ans, résidant en Algérie et, en réalité, morts depuis longtemps.
Un député du groupe RN
Rendez l’argent !
M. Jean-Paul Lecoq
Parole de spécialiste !
M. Laurent Jacobelli
Que dire des 90 millions d’euros de dette laissés aux hôpitaux de Paris par des patients étrangers qui, une fois soignés, ont pris la poudre d’escampette ? (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Christophe Bentz
Très juste !
M. Laurent Jacobelli
Vous ne proposez rien non plus contre la mauvaise dépense et la bureaucratie. La création des agences régionales de santé a engendré une explosion du nombre de technocrates, paralysant le système au lieu de l’améliorer. Il n’est donc pas étonnant que 43 000 lits d’hôpitaux aient été fermés en dix ans, à mesure que les blouses blanches laissaient la place aux costumes gris.
Un député du groupe RN
Scandaleux !
M. Laurent Jacobelli
Ce budget de punition cède à la paresse intellectuelle en demandant encore un effort à la France qui travaille, sans jamais réduire le train de vie d’un État devenu obèse, qui aurait bien besoin d’une liposuccion salutaire.
M. Jean-Paul Lecoq
On se calme !
M. Laurent Jacobelli
Prenons l’exemple des retraites. Le taux d’emploi des seniors en France est l’un des plus bas de l’OCDE. Alors que deux tiers des 60-64 ans sont déjà sans emploi, votre seule réponse pour équilibrer notre système est de reculer encore l’âge de la retraite. À quoi bon le faire quand, dans les faits, tant de Français sont mis sur la touche bien avant ? On dirait que vous reculez inlassablement la ligne d’arrivée, en oubliant que la course s’arrête bien plus tôt pour beaucoup de participants. La réforme que nous proposons, plus juste, repose sur le bon sens : un départ à 60 ans avec quarante annuités pour ceux qui ont commencé à travailler tôt, et jusqu’à 62 ans et quarante-deux annuités pour ceux qui sont entrés plus tard dans la vie active. Cette réforme s’appuie sur trois leviers essentiels.
Premièrement, la hausse de la productivité de nos entreprises doit être soutenue, en libérant leur potentiel de croissance et d’innovation.
M. Julien Odoul
Très bien !
M. Laurent Jacobelli
Deuxièmement, le retard du taux d’emploi de nos jeunes par rapport à l’Allemagne doit être comblé par une incitation à entrer plus tôt sur le marché du travail.
M. Alexis Corbière
Vous aimez l’Allemagne !
M. Laurent Jacobelli
Enfin, il faut relancer la natalité en soutenant les familles françaises qui doivent retrouver les moyens d’envisager sereinement l’avenir. Ce n’est qu’en élargissant l’assiette des cotisations que nous réglerons la question du financement des retraites. Mais comme vous ne le faites pas, chaque année, vous reviendrez devant les Français avec la même rengaine, en expliquant qu’il faudra consentir à travailler encore un peu plus, payer encore davantage et accepter toujours plus d’immigration pour équilibrer le système.
Avec ce budget, c’est encore la saignée que vous promettez à tout le monde : aux salariés, aux chefs d’entreprise, aux retraités, aux agriculteurs, aux taxis, aux autoentrepreneurs. Comble de l’inhumanité, vous avez même un instant imaginé faire des économies sur le dos des enfants atteints de cancer pour grappiller 15 millions d’euros (M. le premier ministre fait un signe de dénégation) comme s’il s’agissait d’une simple ligne sur un tableau Excel.
Mme Mathilde Feld
Il fallait censurer le PLF, alors !
M. Laurent Jacobelli
Vous vous attaquez à tout le monde – ou presque ! En effet vous semblez avoir décerné un totem d’immunité à deux catégories de personnes, devenues intouchables. D’abord, les profiteurs du bas, ceux qui n’ont jamais participé à l’effort collectif et qui estiment que tout leur est dû à partir du moment où ils arrivent en France. Aujourd’hui, 40 % du minimum vieillesse est versé à des étrangers et un demi-million de clandestins bénéficient de l’aide médicale de l’État, c’est-à-dire de soins gratuits, tandis qu’un Français sur quatre renonce à se soigner. (Mmes Elsa Faucillon et Sandrine Rousseau s’exclament.)
M. Arnaud Le Gall
Mensonge !
Mme Mathilde Feld
N’importe quoi !
M. Laurent Jacobelli
Je saisis cette occasion pour l’affirmer au ministre socialiste des finances, du matraquage fiscal et de la dette, M. Lombard : non, l’immigration n’est pas une chance pour la France. C’est un coût faramineux. Chaque année, un demi-million de migrants arrivent légalement sur notre sol. Un demi-million ! Or seuls 17 % d’entre eux viennent pour travailler. Que font les 83 % restant ? Qui finance leur santé, leur retraite, leur logement ? Les Français, bien sûr, ces Français qui travaillent, qui cotisent, qui gagnent trop pour être aidés et pas assez pour vivre bien.
Et puis, il y a une autre catégorie qui bénéficie d’un totem d’immunité : les profiteurs d’en haut, cette caste d’anciens premiers ministres et de présidents qui, après avoir quitté le pouvoir, refusent d’en abandonner les privilèges. Logement de fonction, voiture avec chauffeur, protection rapprochée, bureau cossu à vie et, bien sûr, retraite confortable ! Alors que le Sénat avait décidé de mettre fin à ces passe-droits, vous avez choisi de les maintenir. Pourquoi ? Pour protéger vos petits arrangements entre copains ou pour être sûrs d’en profiter quand votre tour viendra ? (Applaudissements et sourires sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Alexis Corbière
Vous êtes bien silencieux au sujet des grands patrons !
M. Laurent Jacobelli
Vous le voyez, il y a des pistes d’économies réelles et des solutions existent. Mais ce budget n’en prend pas le chemin : il est un affront à la France qui cotise, à ceux qui se lèvent tôt, qui ne demandent rien et qui, avec vous, d’ailleurs, n’obtiennent jamais rien, pas même la reconnaissance, pas même le respect qui leur est dû ! Je parle de cette France qui produit des richesses et que vous appauvrissez, de cette France qui fait vivre le pays et que vous étouffez : nos entrepreneurs, nos commerçants, nos artisans, nos agriculteurs, ceux qui soutiennent l’économie à bout de bras pendant que vous leur passez la corde fiscale au cou. Parce que, pour vous, la seule réponse aux problèmes que vous avez créés, c’est l’impôt, encore l’impôt, toujours l’impôt !
Mme Danielle Simonnet
Vous ne voulez pas vous attaquer aux riches !
M. Laurent Jacobelli
Maintenant que ce constat est fait, maintenant que nous savons que votre budget est un mauvais budget – vous le dites vous-mêmes –, la vraie question n’est pas de savoir si l’on doit le censurer – nous aurions mille raisons de le faire et, pour ne rien vous cacher, nous en aurions très envie… Non, la vraie question est la suivante : pouvons-nous espérer un meilleur budget dans les semaines à venir, si jamais nous décidions de censurer ? Chers collègues, soyons lucides : la réponse est non. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Nous savons que censurer ce gouvernement et ce budget désastreux ne ferait que plonger à nouveau le pays dans un interminable vaudeville, avec son lot de courtisans prêts à tous les compromis, son lot de partis moribonds prêts à vendre leurs électeurs – je pense à M. Wauquiez et à M. Faure –, son lot de vieilles gloires déchues, avides de retrouver la lumière. Un spectacle ridicule, dont on connaît déjà la chute : la constitution d’un gouvernement sans queue ni tête, le bricolage d’une majorité introuvable, la négociation d’un budget sans cap ni cohérence.
Soyons francs : aucun Français ne veut revivre cette mascarade.
M. Alexis Corbière
Quand on vous écoute, on ne regrette rien !
M. Laurent Jacobelli
À quoi bon voter une censure…
M. Alexis Corbière
À quoi bon le RN ?
M. Laurent Jacobelli
…qui changerait le casting de ce mauvais mélo, mais pas son scénario, un scénario macroniste, dont les Français ne veulent plus ? Je sais, chers collègues d’extrême gauche, que notre décision de ne pas censurer vous irrite, mais laissez-moi vous rappeler une vérité que vous semblez oublier. La différence fondamentale entre le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire, ou ce qu’il en reste,…
M. Emmanuel Duplessy
C’est que nous ne sommes pas des fascistes !
M. Laurent Jacobelli
…c’est que, contrairement à vous, nous n’avons pas la censure expiatoire ! Nous n’avons pas à nous racheter du péché originel qui vous hante : celui d’avoir fait élire Emmanuel Macron en 2017, puis en 2022 (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe UDR), puis de l’avoir sauvé, lors des législatives, en vous désistant pour M. Gérald Darmanin et Mme Élisabeth Borne. Honte à vous ! Oui, c’est la vérité ! (Mêmes mouvements.) D’ailleurs, une censure aujourd’hui serait impossible à cause de vos alliés socialistes, ceux-là mêmes que vous avez fait élire dans des dizaines de circonscriptions, avant qu’ils ne se précipitent pour vendre leur âme contre un plat de lentilles à Emmanuel Macron. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
M. René Pilato
Vous maintenez la Macronie en place !
M. Laurent Jacobelli
Aviez-vous oublié qu’avec les socialistes, c’est la grande braderie permanente ? Convictions en solde, principes au rabais ! L’histoire du PS n’est qu’un éternel recommencement : toujours socialiste trahit, bien fol est qui s’y fie !
Un député du groupe DR
Vous êtes socialistes dans les idées !
M. Jean-Paul Lecoq
L’histoire des nationalistes est elle aussi un éternel recommencement !
M. Laurent Jacobelli
Prenons soin de notre Ve République, celle du général de Gaulle et de Michel Debré. La censure n’est pas un jouet politique que l’on agite comme un enfant capricieux. On ne la manie pas à la légère ; on ne la brandit pas pour le spectacle, aussi piteux soit-il !
M. René Pilato
Un peu de cohérence !
M. Laurent Jacobelli
On ne s’en saisit que d’une main tremblante, conscient de la gravité de l’acte et du poids qu’il fait peser sur la stabilité du pays. Nous, nous sommes une opposition déterminée et responsable, et les Français savent pouvoir compter sur le Rassemblement national pour les défendre.
Grâce à nous, les retraités ont vu leurs pensions indexées sur l’inflation. Grâce à nous, certains médicaments continueront d’être remboursés.
M. Christophe Bentz
Tout à fait !
M. Alexis Corbière
C’est faux !
M. Laurent Jacobelli
Grâce à nous, la facture d’électricité a baissé de 15 % dès le début de ce mois.
M. René Pilato
Arrêtez de mentir !
M. Laurent Jacobelli
Du début à la fin, nous avons tenu bon. Nous avons, avec nos alliés de l’UDR,…
M. Thibault Bazin
Et vos alliés Insoumis !
M. Laurent Jacobelli
…été fidèles à notre promesse : être le bouclier des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Une députée du groupe SOC
Bla bla bla !
M. Laurent Jacobelli
Contrairement aux cheguevaristes d’opérette,…
M. Alexis Corbière
Mieux vaut être cheguevariste que pinochetiste !
M. Laurent Jacobelli
…aux révolutionnaires subventionnés, aux porte-voix du Hamas, des Comores ou de l’Algérie (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP), nous nous sommes battus pour sortir les Français des griffes fiscales qui rongent leur pouvoir d’achat et sclérosent leurs initiatives.
Mme Danielle Simonnet
Vous protégez les riches, les évadés fiscaux !
M. Laurent Jacobelli
Vous, collègues d’extrême gauche, si vous votez cette censure, c’est parce que vous voulez toujours plus noyer les Français sous les taxes, les tondre jusqu’à la dernière mèche.
M. Alexis Corbière
Vincent Bolloré vous remercie !
M. Laurent Jacobelli
Pour vous, la prospérité est suspecte, le mérite est un sacrilège, la réussite est un délit. Vous ne voyez dans le peuple qu’une masse à cornaquer, des contribuables à ponctionner. (Mêmes mouvements.) Nous, au contraire, nous croyons en une nation de travailleurs, d’entrepreneurs, de bâtisseurs. Nous voulons que chaque Français puisse récolter le juste fruit de son labeur, que l’initiative individuelle soit encouragée, que la transmission du patrimoine ne soit plus une spoliation d’État.
Mme Dominique Voynet
Et les héritages ?
M. Laurent Jacobelli
Votre modèle à tous semble être non l’enrichissement collectif, mais la misère partagée. Le nôtre, c’est la liberté économique, la valorisation de la réussite, un État fraternel qui accompagne les plus fragiles, un État fort au service de tous.
M. Jean-Paul Lecoq
Voilà : l’exploitation fraternelle par les patrons paternalistes !
M. Laurent Jacobelli
Entre l’enfer fiscal et le sursaut national, entre l’idéologie confiscatoire et la prospérité retrouvée, entre la préférence étrangère et la priorité nationale,…
M. Alexis Corbière
Vous devriez avoir honte, monsieur Jacobelli !
M. Laurent Jacobelli
…notre choix est clair, nous le faisons sans hésitation : c’est le choix des Français, le choix de la France ! L’alternance salutaire est pour demain. Nous n’attendons plus rien de vous. Partout en Europe, les peuples se libèrent, ils se lèvent. Épris de liberté, ils reprennent leur destin en main. La France ne fera pas figure d’exception. Elle retrouvera avec Marine Le Pen, présidente de la République, son rang, sa souveraineté, sa grandeur.
Mme Zahia Hamdane
Vous rêvez !
M. Laurent Jacobelli
Elle constatera, avec Jordan Bardella, premier ministre, que l’on peut vaincre l’immobilisme et respecter la parole donnée au peuple…
M. Jean-Paul Lecoq
Vous serez le ministre de l’idéologie et de la fermeture des frontières ?
M. Laurent Jacobelli
…sans jamais avoir la main qui tremble ! Le chemin est tracé, le rendez-vous est pris. Et je le dis ici aux Français : nous ne vous abandonnerons jamais. Nous irons jusqu’à la victoire. Alors, plus loin que la censure, vivement le retour aux urnes ! (Vifs applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs du groupe RN, dont plusieurs députés se lèvent, et sur plusieurs bancs du groupe UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Metzdorf.
M. Nicolas Metzdorf
Encore une motion de censure de La France insoumise ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Il est désormais de notre devoir de dénoncer les comportements et les postures qui fragilisent notre démocratie,…
M. René Pilato
Ce sont huit ans de macronisme qui l’ont fragilisée !
M. Nicolas Metzdorf
…notre cohésion nationale et notre souveraineté. Ce n’est pas par plaisir, mais par responsabilité, que je me dois de mettre en lumière le rôle nuisible du groupe La France insoumise et le chaos qu’il orchestre.
Un chaos parlementaire, d’abord. Depuis maintenant trois ans, La France insoumise s’est distinguée, non par sa capacité à proposer des alternatives crédibles, mais par sa stratégie systématique de blocage et de déstabilisation. (« C’est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. René Pilato
Vous ne connaissez que le 49.3 !
M. Nicolas Metzdorf
Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les chiffres : plus de trente motions de censure déposées depuis juin 2022 ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vous avez voulu empêcher trente fois la France d’être gouvernée et d’être réformée. Plus d’une fois par mois, vous avez voulu priver les Français d’un gouvernement. Ajoutons à cela quarante-trois motions de rejet, que vous avez déposées systématiquement sur chaque texte.
M. Yoann Gillet
Ce sont des irresponsables !
M. Nicolas Metzdorf
Vous passez plus de temps à réfléchir à la manière de bloquer le parlement qu’au moyen d’améliorer le quotidien des Français.
M. Thibault Bazin
Eh oui !
M. René Pilato
Excusez-nous de nous opposer à la politique macroniste !
M. Alexis Corbière
Vous voulez interdire l’opposition ?
M. Nicolas Metzdorf
Et cela vous perd, chers collègues. Depuis le début de la législature, huit sanctions disciplinaires ont été prononcées à l’encontre de vos députés, dont des rappels à l’ordre avec inscription au procès-verbal et des exclusions temporaires. De tels chiffres sont sans précédent : ils font de vous le groupe le plus sanctionné de l’histoire de notre assemblée…
M. Alexis Corbière
Vous, vous êtes sanctionnés dans les urnes !
M. Nicolas Metzdorf
…et témoignent d’une volonté assumée de semer la confusion et le chaos.
Ce chaos parlementaire, vous le prolongez au plan national en divisant les Français sur les fondements mêmes de notre pacte républicain et en adoptant une posture clairement communautariste.
M. Thibault Bazin
Eh oui !
M. Nicolas Metzdorf
Alors que la République repose sur les principes d’universalité, de fraternité et d’égalité entre tous les citoyens, ce glissement est évident dans vos prises de position publiques, où l’appartenance communautaire est sans cesse mise en avant, au détriment de la citoyenneté commune.
M. Alexis Corbière
On dirait Jacobelli qui poursuit son discours !
M. Nicolas Metzdorf
Alors que la gauche traditionnelle défendait l’émancipation individuelle et l’égalité des droits, La France insoumise encourage désormais une logique de concurrence des mémoires et des communautés. Cette stratégie vise à diviser la société en catégories opposées et à entretenir des tensions qui affaiblissent la cohésion nationale : entre riches et pauvres, Blancs et racisés, entrepreneurs et salariés, agriculteurs et écologistes, colons et colonisés, etc… Loin d’être un appel à l’unité, vos discours attisent les tensions, notamment dans les quartiers populaires, où La France insoumise se présente comme le porte-parole des exclus, tout en exacerbant les antagonismes.
M. Alexis Corbière
C’est quoi, le rapport ?
M. Nicolas Metzdorf
Ce n’est plus l’égalité républicaine que vous défendez, mais une forme de reconnaissance différenciée selon les identités, un modèle importé, wokiste, de mouvements radicaux étrangers. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) La France n’a jamais été une mosaïque de communautés ; c’est une nation unie par une histoire, une langue et des valeurs communes. (Mêmes mouvements.)
Mme Danielle Simonnet
C’est toujours le RN qui a la parole ? Je n’ai pas bien compris…
M. Nicolas Metzdorf
Ce que La France insoumise propose, c’est une France fragmentée, où la communauté ethnique, sociale, sexuelle, l’emporterait sur la citoyenneté une et indivisible.
M. René Pilato
Et le PLFSS ? Et la santé ?
M. Nicolas Metzdorf
La France insoumise, c’est enfin le chaos sur la scène internationale. Lors de l’agression de l’Ukraine par la Russie, il a fallu près de huit mois pour que La France insoumise condamne clairement les actions de Vladimir Poutine,…
M. Arnaud Le Gall
Mensonge !
M. Nicolas Metzdorf
…tandis que plusieurs députés du groupe accusaient les démocraties occidentales de provoquer l’escalade.
Sur la question de Mayotte, territoire français depuis 1841, La France insoumise adopte une posture inacceptable. Plutôt que de défendre la souveraineté française sur l’île, certains de vos élus n’ont pas hésité à apporter un soutien tacite aux revendications du gouvernement des Comores, qui continue de contester l’appartenance de Mayotte à la République.
Une députée du groupe LFI
Je crois que vous vous trompez de texte !
M. Nicolas Metzdorf
Cette attitude affaiblit nos positions diplomatiques et constitue une trahison envers les Mahorais, citoyens français à part entière, qui se battent pour leurs droits et leur sécurité.
M. René Pilato
Ça mérite un zéro !
M. Nicolas Metzdorf
Enfin, et c’est sans doute l’un des éléments les plus préoccupants, certains de vos membres ont également manifesté un soutien à des élus sécessionnistes et séparatistes locaux, proches du régime azerbaïdjanais, connus pour leur volonté d’instrumentaliser des mouvements séparatistes dans le but de déstabiliser la France. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Arnaud Le Gall
Mensonge ! Avez-vous des preuves, des chiffres, des faits ?
M. Nicolas Metzdorf
Plutôt que de condamner fermement ces ingérences, vous choisissez de maintenir des liens ambigus avec ces acteurs politiques favorables au régime d’Ilham Aliyev, qui poursuit une stratégie d’influence agressive envers la France et l’Europe. Ce choix va à l’encontre des intérêts de notre pays et fragilise une fois encore notre cohésion nationale. La France insoumise n’est finalement insoumise qu’envers la France.
M. René Pilato
Elle est belle votre majorité, monsieur le premier ministre !
M. Nicolas Metzdorf
Alors, mes chers collègues, puisqu’aimer la France, ce n’est pas chercher à la fragiliser ou à la diviser, puisqu’aimer la France, c’est défendre ses institutions, sa souveraineté et son unité, puisqu’aimer la France c’est la respecter et la sortir des turbulences politiques inutiles, puisqu’aimer la France, c’est revendiquer son histoire et la projeter dans l’avenir, alors aimer la France, c’est refuser toutes les censures, à commencer par celle-ci, et le groupe Ensemble pour la République ne la votera pas.
M. Jean-Paul Lecoq
Il n’y a eu aucun argument au sujet du PLFSS !
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.
M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique
Nous voilà devant la troisième haie de ce parcours un peu long :…
M. Alexis Corbière
Courage, François Bayrou !
M. Jean-Paul Lecoq
Vous êtes bien seul.
M. François Bayrou, premier ministre
…la troisième motion de censure consécutive (« Le troisième 49.3 ! » sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et GDR), laquelle fait suite au troisième recours au 49.3, visant à doter notre pays des budgets dont il a besoin pour vivre. (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme Danielle Simonnet
De mauvais budgets !
M. François Bayrou, premier ministre
À entendre les orateurs qui ont présenté cette motion avec modération et nuance, on n’avait guère le sentiment d’un enjeu immédiat touchant la totalité de nos concitoyens, en particulier les plus fragiles, en difficulté ou frappés par la maladie.
M. René Pilato
Vous ne faites rien pour eux !
M. François Bayrou, premier ministre
Eux ont un besoin urgent, immédiat que les dépenses sociales soient financées. Tel est exactement le but du travail conduit par le gouvernement, par les parlementaires de la majorité…
M. René Pilato
Leurs bancs sont vides !
M. François Bayrou, premier ministre
…et par ceux qui, sans faire partie de la majorité, ont accepté de dialoguer, de sorte que nous obtenions enfin le texte et les décisions dont nous avons besoin.
Je remercie particulièrement les membres du gouvernement qui ont accompli ce travail : Catherine Vautrin, Yannick Neuder, Astrid Panosyan-Bouvet, Charlotte Parmentier-Lecocq et Amélie de Montchalin. (M. Roland Lescure applaudit. – Quelques députés du groupe LFI-NFP affectent d’applaudir également.) Tous, avec leurs collègues, ont inlassablement recherché les voies d’un accord, afin que notre pays ne devienne pas le seul d’Europe à n’avoir pas de budget, notamment pas de budget de la sécurité sociale. Parmi ceux qui se sont exprimés à la tribune, beaucoup ont rappelé à juste titre que la sécurité sociale constitue le pilier central de notre société, de son idéal, de ses institutions. C’est la raison pour laquelle, souhaitant que ce texte soit adopté dans les plus brefs délais, nous ne sommes pas repartis, après la censure du gouvernement de Michel Barnier, d’une page blanche : cela nous aurait privés de budget jusqu’au mois d’avril,…
Mme Élise Leboucher
Et la loi spéciale, à quoi sert-elle ?
M. François Bayrou, premier ministre
…état de fait qu’aucun parlementaire responsable ne devrait envisager même à titre d’hypothèse. (M. Roland Lescure applaudit.)
M. Alexis Corbière
Ce que vous dites est effrayant ! Vous théorisez la négation du Parlement, le fait que l’on ne discute plus du budget !
M. Thibault Bazin
On en a discuté en commission…
M. François Bayrou, premier ministre
En aucune façon, monsieur Corbière : vous disposez de tous les moyens de vous exprimer, et le moins que l’on puisse dire est que vous l’avez fait longuement ! Vous allez d’ailleurs pouvoir voter,…
Mme Danielle Simonnet
Ce n’est pas le vote du budget, monsieur le premier ministre !
M. François Bayrou, premier ministre
…et le décompte des voix révélera l’exacte dimension de la place tenue par votre « coalition » au moment du vote des Français. En d’autres termes, il suffira de regarder le résultat de ce scrutin pour savoir ce que vous représentez !
M. René Pilato
On verra qui est dans l’opposition et qui est dans la majorité !
M. Alexis Corbière
Ce qui signifie que votre majorité inclut le RN ? Est-ce bien ce que vous venez de dire, monsieur le premier ministre ?
M. François Bayrou, premier ministre
Le texte sur lequel nous avons engagé la responsabilité du gouvernement, après le vote…
M. Aurélien Le Coq
Quel vote ?
M. François Bayrou, premier ministre
…de l’article d’équilibre,…
M. Paul Vannier
Quel vote ?
M. François Bayrou, premier ministre
…porte sur la partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale consacrée aux recettes, dont le montant s’élève à 644,5 milliards d’euros.
M. Thibault Bazin
C’est cela !
M. François Bayrou, premier ministre
Je rappelle à ceux qui n’en ont pas la notion que 644 milliards, ce sont 644 000 millions d’euros. (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme Élise Leboucher
Pour qui nous prenez-vous ?
M. René Pilato
Waouh !
M. François Bayrou, premier ministre
Beaucoup n’y croient pas, mais il s’agit d’arithmétique élémentaire, dont je prétends que c’est une des sciences fondamentales avec lesquelles nous devons vivre. Reste que ces recettes ne suffiront pas à faire face aux dépenses, qui représentent 666 milliards,…
M. Thibault Bazin
En effet !
M. François Bayrou, premier ministre
…d’où un déficit de 22 ou 23 milliards,…
M. Thibault Bazin
De 22,20 milliards, exactement.
M. François Bayrou, premier ministre
…somme considérable et en progression.
M. Aurélien Le Coq
Et pouvez-vous nous dire à combien se monte la fortune de Bernard Arnault ?
M. François Bayrou, premier ministre
Ce constat me permet de donner raison à tous ceux qui, à la tribune, ont plaidé pour que notre vision soit différente à l’avenir, que nous envisagions autant que possible des trajectoires de retour à l’équilibre, du moins de quête d’un équilibre d’année en année amélioré et non détérioré. Je l’affirme avec certitude, nous devrons entamer ce travail dès le lendemain de l’adoption du texte.
Mme Sandrine Rousseau
Le droit du sol !
M. François Bayrou, premier ministre
Nous avons devant nous une tâche immense : penser pour l’avenir, je le répète, des trajectoires budgétaires différentes de celles que nous avons connues jusqu’à présent.
M. Thibault Bazin
Qu’est-ce qui a donc été fait depuis sept ans ?
M. François Bayrou, premier ministre
En quelques mots, les mesures nouvelles prévues par ce projet de loi consistent en une nouvelle étape des allégements généraux concernant les bas salaires, pour 1,6 milliard ; une hausse des taxes sur les boissons sucrées, qui, si la part du sucre dans certaines boissons ne diminue pas, rapportera 200 millions ;…
M. Jérôme Nury
Ça pénalisera le cidre !
M. François Bayrou, premier ministre
…une hausse également, pour le même produit, des taxes sur les jeux ; enfin une imposition portant sur les attributions d’actions gratuites, pour environ 500 millions.
M. Jérôme Guedj
C’est un bon début, mais il faut aller plus loin.
M. Thibault Bazin
Non, Jérôme Guedj !
M. Jérôme Guedj
Je pensais aux compléments de salaire ! (Sourires.)
M. François Bayrou, premier ministre
Ces montants nous permettent d’envisager un effort important en matière de prévention, une politique déterminée de lutte contre la fraude, une meilleure mutualisation des informations entre organismes de sécurité sociale,…
M. Jérôme Nury
Ce sont des vœux pieux !
M. François Bayrou, premier ministre
…un élargissement du droit de communication aux organismes de recouvrement, notamment afin de lutter contre le travail dissimulé.
Comme cela a été dit plusieurs fois, le gouvernement n’a pas souhaité reprendre la proposition, émise au Sénat, d’une nouvelle journée de solidarité, en dépit du fait que celle-ci aurait rapporté 1,8 milliard : nous n’aimons pas l’idée d’un travail non rémunéré.
M. Louis Boyard
Et la réforme du RSA ?
M. François Bayrou, premier ministre
Il nous faudra toutefois poser un jour réellement la question, non résolue, du financement de l’autonomie et de la dépendance. Enfin, en raison de ce que l’on appelle en termes parlementaires la règle de l’entonnoir, nous n’avons pu intégrer au texte le prélèvement sur les complémentaires santé qui visait à compenser la hausse des tarifs de ces dernières, conséquence du projet d’augmentation du ticket modérateur. Cette question, elle aussi, sera de nouveau posée lorsque nous considérerons l’avenir de notre système de santé.
M. Jérôme Guedj
Ah ?
M. François Bayrou, premier ministre
Voilà pourquoi il convenait d’engager la responsabilité du gouvernement sur ce texte, et pourquoi l’Assemblée, nous le croyons, n’adoptera pas la motion de censure. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La discussion est close.
Je vais maintenant mettre aux voix la motion de censure.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je rappelle que seuls les députés favorables à la motion de censure participent au scrutin, et que le vote se déroule dans les salles voisines de l’hémicycle.
Le scrutin va être ouvert pour vingt minutes : il sera donc clos à seize heures douze.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures quinze.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Voici le résultat du scrutin :
Majorité requise pour l’adoption de la motion de censure, soit la majorité absolue des membres composant l’Assemblée 289
Pour l’adoption 115
La majorité requise n’étant pas atteinte, la motion de censure n’est pas adoptée.
En conséquence, la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 est considérée comme adoptée.
3. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
Nouvelle lecture (suite)
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (nos 622, 869).
Troisième partie
Mme la présidente
Nous abordons la troisième partie du projet de loi, concernant les dispositions relatives aux dépenses pour l’exercice 2025.
Application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.
M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique
Nous venons donc de franchir le troisième obstacle de ce parcours qui, non sans raison, paraîtra interminable à certains.
Mme Nathalie Oziol
C’est votre mandat qui est interminable !
M. François Bayrou, premier ministre
Il ne reste qu’un texte à adopter pour que la France se trouve pourvue de budgets, l’un pour l’action publique, l’autre pour la sécurité sociale.
Mme Nathalie Oziol
Il y a la loi spéciale !
M. Thibault Bazin
La loi spéciale n’est pas un budget !
M. François Bayrou, premier ministre
Cette troisième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 a trait aux dépenses.
Ce cycle s’est avéré aussi difficile que long, mais les efforts de dialogue qui ont été consentis ont porté leurs fruits et abouti à un meilleur équilibre.
Mme Mathilde Panot
Ah, c’est pour ça que vous avez besoin d’un 49.3 ?
M. François Bayrou, premier ministre
On peut en retenir trois points saillants. D’abord, en matière de dépenses, il n’y a pas eu de désindexation des pensions de retraite sur l’inflation.
Mme Mathilde Panot
Grâce à la censure !
M. François Bayrou, premier ministre
Ensuite, il n’y a eu déremboursement ni des consultations médicales ni des médicaments.
Mme Mathilde Panot
En revanche, il y a eu une augmentation des tarifs des mutuelles !
M. François Bayrou, premier ministre
Enfin, madame la ministre Catherine Vautrin, le soutien aux hôpitaux publics et aux Ehpad a été acquis par une augmentation de l’Ondam – l’objectif national de dépenses d’assurance maladie – de 3,4 % et même, pour les hôpitaux, de 3,6 %.
La discussion parlementaire a permis d’autres avancées, par exemple un effort en faveur des personnes victimes de violences sexuelles, un accès facilité à la kinésithérapie et une amélioration de la pertinence des soins ou encore de la lutte contre les pénuries de médicaments.
Cette ultime étape est très importante. Si elle n’était pas franchie, tous les efforts consacrés à l’élaboration du budget de la sécurité sociale seraient vidés de leur sens.
C’est pourquoi, sur le fondement de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP), j’engage la responsabilité du gouvernement sur la troisième partie et sur l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, dans sa version adoptée par le Sénat et modifiée par les amendements déposés par le gouvernement figurant dans l’annexe du courrier adressé à Mme la présidente de l’Assemblée nationale. (M. Nicolas Turquois applaudit. – Les députés du groupe LFI-NFP quittent l’hémicycle.)
Mme la présidente
L’Assemblée nationale prend acte de l’engagement de la responsabilité du gouvernement conformément aux dispositions de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. Le texte sur lequel le premier ministre engage la responsabilité du gouvernement sera inséré en annexe au compte rendu de la présente séance.
En application de l’article 155, alinéa 1er, du règlement, le débat sur ce texte est immédiatement suspendu. Ce texte sera considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée avant demain, seize heures vingt, est votée dans les conditions prévues à l’article 49 de la Constitution.
Dans l’hypothèse où une motion de censure serait déposée, la conférence des présidents fixera la date et les modalités de sa discussion.
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Roland Lescure.)
Présidence de M. Roland Lescure
vice-président
M. le président
La séance est reprise.
4. Amélioration de la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique et d’autres maladies évolutives graves
Discussion d’une proposition de loi adoptée par le Sénat
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi pour améliorer la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique et d’autres maladies évolutives graves (nos 456, 910).
Présentation
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap
Avant toute chose, je veux avoir une pensée pour le sénateur Gilbert Bouchet qui, aux côtés du président de la commission des affaires sociales du Sénat Philippe Mouiller, a coécrit et promu cette proposition de loi. Je lui adresse mon soutien et ma reconnaissance pour son combat contre la maladie. Je salue par ailleurs la présence dans cet hémicycle des représentants de l’Arsla, l’association pour la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique, ou SLA. (Mme Anne Stambach-Terrenoir applaudit.)
Nous nous réunissons pour examiner cette proposition de loi dans la version issue de son adoption en première lecture au Sénat. Elle est le produit de l’initiative parlementaire et concerne un sujet majeur : nous ne saurions tarder davantage à améliorer la prise en charge des personnes atteintes de la SLA, ou maladie de Charcot, et d’autres pathologies à évolution rapide, qui causent des handicaps sévères et irréversibles. Ce texte ne porte aucune étiquette politique. Il dépasse les clivages pour nous permettre d’agir au plus vite et d’accélérer la prise en charge des personnes atteintes.
Comme on l’a dit au Sénat et en commission, l’objet de ce texte est surtout de mener une bataille contre le temps, car l’espérance de vie des personnes atteintes de la maladie de Charcot s’élève en moyenne à deux ans. La SLA est une affection neurodégénérative irréversible qui entraîne une dégénérescence des motoneurones, une perte de mobilité et d’importantes difficultés respiratoires pour plus de 6 000 personnes en France. Derrière ces trois lettres se trouvent donc des patients et, derrière chaque patient, une famille, des proches aidants, des professionnels qui luttent et s’adaptent pour faire face tant sur le plan de la santé qu’aux points de vue administratif et humain.
Le temps d’évolution rapide de la maladie se heurte à un temps administratif trop long, particulièrement quand les jours sont comptés, qui n’autorise pas l’accompagnement des personnes dans le respect de leur dignité.
Ce texte concerne aussi l’âge, particulièrement l’âge auquel se déclare la maladie, c’est-à-dire 68 ans en moyenne. À 68 ans, on peut prétendre à bénéficier de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, à domicile. Elle est accessible à partir de 60 ans, pour un montant compris entre 762 et 1 955 euros, selon l’état de santé du bénéficiaire. Lorsque la maladie se déclare avant 60 ans, les personnes malades peuvent bénéficier de la prestation de compensation du handicap, la PCH, qu’elles peuvent demander avant ou après l’âge de 60 ans.
La proposition aborde précisément ces deux enjeux : les délais de traitement des dossiers déposés auprès des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et la barrière d’âge de la PCH, pour qu’il soit possible d’en bénéficier même si la SLA, ou une autre pathologie visée par le présent texte, se déclare après 60 ans.
Je partage le constat suivant : les délais de traitement des dossiers soumis aux MDPH sont souvent longs, trop longs. Une personne atteinte de la SLA, compte tenu de l’évolution rapide et irréversible de sa situation et de ses besoins, ne peut se permettre d’attendre plusieurs mois le traitement de son dossier. À cet égard, soyez assurés de l’engagement total de l’État et du gouvernement.
Lors de la dernière Conférence nationale du handicap, le président de la République a rappelé l’enjeu prioritaire que constitue la réduction des délais de traitement et de l’hétérogénéité dans l’accès aux droits. Plusieurs dispositifs qui portent leurs fruits ont été créés à cette fin et sont encore en cours de déploiement dans les MDPH, notamment avec l’appui de la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
J’ai aussi décidé de créer une task force dédiée à la simplification et à l’accélération des démarches auprès des MDPH, dont les travaux commenceront dans les prochains jours et se fonderont sur l’expression des usagers pour définir des modalités améliorées.
Cependant, pour les personnes atteintes des pathologies qui nous préoccupent, les délais demeurent souvent trop longs et ne permettent pas l’accompagnement et l’équipement des patients. Pour répondre à cette difficulté, l’article 1er du texte vise notamment à favoriser la coordination entre les MDPH et les centres de référence pour les maladies rares, afin de repérer les dossiers des personnes souffrant d’une pathologie à évolution rapide en amont des demandes faites aux MDPH.
Mieux accompagner les personnes atteintes de la maladie de Charcot et d’autres maladies à évolution rapide, c’est aussi garantir l’accès rapide à un fauteuil roulant. À cet égard, conformément à l’annonce faite par le président de la République et au discours de politique générale du premier ministre, nous avons publié l’arrêté de réécriture de la nomenclature qui permettra la prise en charge intégrale par l’assurance maladie de l’ensemble des fauteuils roulants, manuels et électriques, par l’intermédiaire d’un guichet unique, sans reste à charge et dans des délais plus courts pour tous les modèles qui répondent à un besoin identifié par un professionnel de santé.
Mme Andrée Taurinya
C’est grâce au député Sébastien Peytavie !
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée
Cette réforme est une réussite collective grâce à un travail de nombreuses années accompli par mes prédécesseurs, par les parlementaires et par les associations d’usagers que je remercie.
Concernant la dérogation à la barrière d’âge de 60 ans pour l’octroi de la PCH, la proposition renvoie à la distinction initiale entre la prestation de compensation du handicap et l’allocation personnalisée d’autonomie, qui ne relèvent pas originellement de la même logique d’assurance et de prise en charge. S’il est essentiel de pouvoir faire évoluer notre système de droit pour garantir une prise en charge adaptée aux besoins de chacun, revenir sur cette dérogation ne peut se limiter aux pathologies dont nous discutons. Si le gouvernement reste favorable aux ambitions de la proposition de loi, ce moyen d’y parvenir peut en effet conduire à une rupture d’égalité avec l’ensemble des personnes concernées par une autre pathologie ou par un autre handicap, ce qui n’est pas satisfaisant.
C’est un débat majeur qui revient avec d’autant plus d’insistance que nous sommes aujourd’hui à la veille du vingtième anniversaire de la loi du 11 février 2005, à l’origine du système actuel d’accès aux droits. Si j’émets donc des réserves sur la méthode retenue pour renforcer l’accompagnement et la prise en charge des patients atteints de SLA, il n’en demeure pas moins que ce texte est une initiative parlementaire essentielle. Et je partage avec vous, madame la rapporteure, l’objectif que ce texte aboutisse pour offrir aux patients, à leurs proches et aux professionnels la dignité et le soutien qu’ils méritent. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)
M. le président
La parole est à Mme Josiane Corneloup, rapporteure de la commission des affaires sociales.
Mme Josiane Corneloup, rapporteure de la commission des affaires sociales
Je suis particulièrement ravie que nous puissions nous retrouver aujourd’hui afin d’examiner cette proposition de loi visant à améliorer la prise en charge des patients atteints de sclérose latérale amyotrophique et d’autres maladies évolutives graves, car, souvenez-vous, nous aurions dû l’examiner au début du mois de décembre 2024, avant que la censure ne vienne ajourner nos travaux. En préambule, permettez-moi d’avoir une pensée en notre nom à tous pour Gilbert Bouchet, sénateur de la Drôme et coauteur de la proposition de loi, qui se bat actuellement contre la maladie dont ce texte est l’objet. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes DR et UDR.) Nous pensons ainsi également à tous ceux de nos concitoyens qui se battent contre la maladie de Charcot et d’autres maladies semblables. Beaucoup reste à faire pour améliorer leur accompagnement et leur prise en charge. Ce texte nous en donne aujourd’hui la possibilité.
Je reviendrai tout d’abord sur les constats que j’ai pu faire au cours de mes travaux, avant de présenter succinctement les apports réels de la proposition de loi.
La sclérose latérale amyotrophique, aussi connue sous le nom de maladie de Charcot, est une pathologie neurologique qui affecte le système nerveux central et périphérique. Maladie neurodégénérative grave, elle se traduit par une paralysie progressive des muscles impliqués dans la motricité volontaire : elle affecte peu à peu la phonation, la déglutition et les muscles respiratoires. Toutefois, le rythme de progression de l’atteinte motrice est spécifique à chaque patient, ce qui empêche toute anticipation des besoins de compensation du handicap. Elle touche en France près de 6 000 individus, dont l’espérance de vie est en moyenne de deux ans après le diagnostic.
Si certains traitements expérimentaux contre la maladie de Charcot sont aujourd’hui porteurs d’espoir pour les patients et pour leurs proches, il appartient à la puissance publique d’apporter sans attendre des solutions concrètes aux difficultés de prise en charge que les malades rencontrent. En effet, malgré l’investissement et le travail considérable des acteurs sanitaires et sociaux pour accompagner les malades – je pense, par exemple, à la Filière nationale de santé maladies rares sclérose latérale amyotrophique et maladies du neurone moteur (FILSLAN) ou encore aux maisons départementales des personnes handicapées –, les difficultés persistent et sont principalement de deux ordres.
La première difficulté, ce sont les délais d’instruction tant des demandes d’attribution des droits et prestations que des demandes d’adaptation du plan personnalisé de compensation du handicap. Ces délais s’avèrent inadaptés pour les personnes atteintes de la maladie de Charcot ou d’autres pathologies de même nature. La procédure de demande et d’instruction des droits auxquels les personnes handicapées peuvent prétendre est conduite au sein des MDPH, et ce notamment pour la prestation de compensation du handicap ; une équipe pluridisciplinaire est chargée d’évaluer les besoins et, sur cette base, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées – la CDAPH – prend les décisions d’attribution et d’adaptation.
Si les MDPH sont tenues de statuer dans un délai de quatre mois selon le code de l’action sociale et des familles, dans les faits le délai est variable d’un département à l’autre : de six mois en moyenne, il peut atteindre jusqu’à neuf mois. Certes, une procédure d’urgence existe, mais celle-ci est inégalement appliquée et ne permet bien souvent pas d’apporter une réponse rapide et adéquate. Dans les cas des pathologies d’évolution très rapide que nous traitons aujourd’hui, ces délais sont dramatiques : il n’est pas rare que la réponse rendue soit déjà obsolète ou, pire, que les personnes décèdent avant même d’avoir reçu une réponse. Ainsi, un délai d’attente de neuf mois pour une décision administrative quand plus de la moitié des personnes atteintes de la maladie de Charcot décèdent dans les deux ans qui suivent le diagnostic signifie que près de la moitié d’entre elles passeront les derniers moments de leur vie sans le bon matériel ou sans le bon accompagnement.
La seconde difficulté, c’est la prise en charge des dépenses liées à l’accompagnement humain et technique des patients, laquelle demeure très largement perfectible. Vous le savez, mes chers collègues, les personnes handicapées ne sont plus éligibles à la PCH après l’âge de 60 ans. Si deux exceptions existent – lorsque le handicap est apparu avant l’âge de 60 ans ou lorsque la personne poursuit une activité professionnelle –, l’existence de cette barrière d’âge semble tout à fait inadaptée dans le cas de la maladie de Charcot et d’autres pathologies similaires : selon les auditions que nous avons conduites, près de quatre patients sur cinq seraient atteints après 60 ans. Il en résulte que ces personnes ne percevront que l’allocation personnalisée d’autonomie, laquelle est peu adaptée aux spécificités de leur maladie.
En effet, dans le cadre de l’APA, un montant global d’aides est attribué mensuellement en fonction de la dépendance de la personne : or, rappelons-le, la maladie de Charcot n’altère pas les fonctions cognitives et les personnes concernées vont donc percevoir des montants d’aides beaucoup plus faibles. L’association pour la recherche sur la SLA estime ainsi à plus de 8 000 euros la différence de reste à charge entre un bénéficiaire de l’APA et un bénéficiaire de la PCH, soit un reste à charge de 16 000 euros au lieu de 8 000 euros. Une trentaine d’aides techniques étant nécessaires au cours de la vie du patient à compter du diagnostic, le fait de percevoir l’APA plutôt que la PCH a des répercussions directes sur ses conditions de vie et sur ses choix thérapeutiques. Il est important de supprimer cette iniquité.
Face à ces constats, il me semble que le législateur doit agir. Cette proposition de loi nous en offre aujourd’hui l’occasion.
Pour répondre à la première difficulté concernant les délais d’instruction, l’article 1er prévoit une procédure dérogatoire accélérée pour les demandes d’attribution des droits et prestations ainsi que pour les demandes d’adaptation du plan personnalisé de compensation du handicap devant les MDPH. Cette procédure dérogatoire spécifique permettrait d’identifier, dès le stade du dépôt, les demandes liées à ces pathologies, et les commissions départementales des droits et de l’autonomie des personnes handicapées seraient tenues de rendre une décision au cours de leur première réunion suivant la réception de la demande.
Pour pallier la seconde difficulté, l’article 2 prévoit la création d’une nouvelle dérogation à la barrière d’âge pour bénéficier de la PCH, en faveur des pathologies d’évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles, dont la maladie de Charcot. Ainsi, les patients atteints par ces affections pourraient bénéficier à titre dérogatoire du régime de compensation de la PCH, plus favorable que celui de l’APA, ce qui diminuerait leur reste à charge.
Enfin, l’article 3 met à la charge de la CNSA les dépenses supplémentaires engendrées par l’article 2. Une telle compensation apparaît justifiée pour préserver nos conseils départementaux qui supportent d’ores et déjà des dépenses sociales à l’évolution très dynamique.
Je sais que certains aspects de cette proposition de loi ont pu interroger certains d’entre vous. Je sais aussi, et vous ne manquerez pas de me le dire dans quelques instants, que ce texte est perfectible,…
Mme Ségolène Amiot
On peut toujours faire mieux.
Mme Josiane Corneloup, rapporteure
…que nous pourrions faire davantage encore ou bien mieux faire. Je le sais bien et peux en partie partager vos propres constats. Pour autant, cette proposition de loi que les sénateurs ont d’ores et déjà sensiblement améliorée est une occasion que nous devons saisir. C’est la volonté majeure des acteurs sanitaires et associatifs qui ont pu être auditionnés, et cette volonté, je la fais mienne. Soyons honnêtes : si la navette parlementaire devait se poursuivre, nul ne sait quand et même si le texte reviendrait devant notre assemblée… Les sénateurs nous ont montré la voie le 15 octobre dernier en adoptant le texte par 335 votes favorables sur 335 suffrages exprimés. Récemment, notre assemblée a, elle aussi, trouvé de larges consensus, que chacun a encore à l’esprit.
Lors de l’examen de la proposition de loi en commission, nous avons fait le choix à une très large majorité, et c’est heureux, de ne pas amender le texte. Je remercie l’ensemble des commissaires aux affaires sociales et j’ai aujourd’hui confiance en votre capacité, chers collègues, à faire de même. C’est pourquoi je défendrai l’adoption conforme de ce texte, qui permettra d’améliorer la vie des malades et de leurs proches. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, EPR et HOR.)
Discussion générale
M. le président
La parole est à M. François Gernigon.
M. François Gernigon
La sclérose latérale amyotrophique, plus communément appelée maladie de Charcot, est une pathologie implacable, marquée par une dégénérescence irréversible des cellules qui gouvernent nos muscles volontaires. Elle prive progressivement ceux qui en sont atteints de leur motricité, sans jamais altérer leur lucidité ni leur perception du monde ; c’est une maladie du corps qui enferme l’esprit dans une prison dont les murs se resserrent inexorablement. Chaque année, en France, environ 1 700 nouveaux cas sont diagnostiqués. Si elle survient le plus souvent entre 50 et 70 ans, elle touche tous les âges. Sa forme sporadique demeure majoritaire, sa forme familiale, plus rare, ne représentant que 10 % des cas, et la cause environnementale est inconnue.
Qu’elle s’attaque à la moelle épinière, entravant la mobilité des membres, ou qu’elle touche le tronc cérébral, affectant la parole et la déglutition, son évolution est toujours chronologiquement imprévisible et profondément invalidante. Face à cette maladie, l’urgence se traduit en termes de temps de vie préservé, de dignité maintenue. Mais à ce jour, aucun traitement curatif n’existe. L’espérance de vie varie d’un patient à l’autre, mais tous ont en partage une certitude : la progression sera rapide, et l’accompagnement vital.
Derrière la structuration actuelle de la prise en charge, une faille persiste : les aides indispensables à la vie quotidienne ne sont pas toujours couvertes, et les délais administratifs restent un obstacle insupportable. C’est précisément pour pallier ces lacunes que la proposition de loi, défendue par Gilbert Bouchet et Philippe Mouiller au Sénat, vise à renforcer l’accompagnement des personnes atteintes de SLA. Alors que la maladie progresse rapidement, les délais de traitement des demandes d’aide auprès des MDPH, souvent de six mois, ne sont pas adaptés à l’évolution rapide de la maladie. Ce texte propose donc une procédure dérogatoire permettant aux patients atteints de maladies à évolution rapide d’obtenir en priorité l’allocation de la prestation de compensation du handicap. L’autre injustice que ce texte entend corriger concerne l’âge car aujourd’hui, après 60 ans, un patient atteint de SLA n’a plus accès à la PCH et doit se contenter de l’APA, souvent moins avantageuse.
Nous voterons naturellement en faveur de la proposition de loi, car il est de notre devoir d’apporter une réponse concrète aux personnes atteintes de la maladie de Charcot.
Toutefois, dans la continuité des propos que Paul Christophe avait tenus au Sénat en tant que ministre des solidarités, nous nous devons de rappeler qu’il est essentiel de maintenir un cadre équitable pour l’ensemble des personnes en situation de handicap ou souffrant de pathologies entraînant une perte d’autonomie. Il conviendra sans doute, à terme, de réfléchir à une réforme plus globale de leur accompagnement afin de préserver la cohérence de notre système de protection sociale.
Le texte qui nous est soumis, pragmatique et profondément humain, constitue une réponse indispensable à la détresse des malades et de leurs familles. Le groupe Horizons & indépendants votera en faveur de cette proposition de loi. Il espère que son examen en séance publique aboutira à son adoption unanime et conforme à la version issue du Sénat, comme cela a été le cas en commission des affaires sociales le 5 février. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes HOR et EPR.)
M. le président
La parole est à M. Stéphane Viry.
M. Stéphane Viry
La sclérose latérale amyotrophique, aussi appelée maladie de Charcot, est une pathologie très grave qui prive progressivement les patients de leurs capacités motrices et de leur autonomie, jusqu’à les empêcher de parler, de se nourrir et de respirer. En France, elle touche environ 6 000 personnes, dont l’espérance de vie après le diagnostic se situe la plupart du temps entre deux et cinq ans.
Pour ces patients et pour leurs familles, qui doivent affronter une réalité d’une violence inouïe, chaque jour compte. Passé le diagnostic s’enclenche un compte à rebours dont l’issue, faute de traitement curatif, est la mort. C’est un combat physique et psychique terriblement éprouvant. De plus, les patients et leurs familles sont confrontés aux obstacles que constituent des lourdeurs administratives insoutenables. Il est impensable d’accepter que des familles déjà éprouvées, submergées par l’angoisse et par le temps qui passe, doivent mener des combats supplémentaires pour obtenir un soutien.
Le texte qui nous est soumis apporte une réponse concrète et attendue à ces problèmes en instaurant une procédure dérogatoire qui permettra d’accélérer le traitement des dossiers par les MDPH et de simplifier les démarches que doivent engager des familles déjà frappées de plein fouet par la maladie. Il garantit également une meilleure coordination avec les centres de référence, qui disposent d’une expertise précieuse pour évaluer la progression de la maladie et ajuster les aides en conséquence.
Mais nous devons aller plus loin. Dans cette bataille, les malades ne sont pas seuls. Les aidants familiaux, qui assistent et entourent leur proche atteint de SLA, y occupent une place très importante, souvent au prix de sacrifices personnels et professionnels considérables. En effet, à la différence d’autres pathologies chroniques, la maladie de Charcot impose une présence permanente de l’aidant, ce qui crée une détresse et une fatigue extrêmes. Le dispositif de répit pour les aidants tel qu’il existe est inadapté à une maladie à évolution rapide. Nous devons proposer des solutions plus flexibles tenant compte de la spécificité de la SLA, avec des répits de courte durée mais plus réguliers, adaptés à la réalité des aidants.
Nous ne pouvons pas non plus parler de la maladie de Charcot sans évoquer l’innovation médicale et la recherche. Un traitement novateur, le Qalsody, qui cible la cause génétique d’une forme rare de la maladie, représente une avancée scientifique majeure. Pourtant, malgré l’autorisation de mise sur le marché prononcée par l’Agence européenne des médicaments (AEM) en février 2024, la Haute Autorité de santé (HAS) a refusé, le 10 octobre de la même année, d’accorder un accès précoce à ce médicament en France.
Cette décision incompréhensible constitue une rupture d’égalité entre les patients français et leurs voisins européens, notamment allemands et italiens, pour qui ce traitement est déjà accessible. Nous devons comprendre pourquoi cette décision de refus a été prise et analyser ses conséquences sur l’accès aux innovations thérapeutiques en France. J’ai interpellé le gouvernement à ce sujet et j’attends toujours sa réponse.
Au-delà de la maladie de Charcot, toute la politique de prise en charge des maladies rares doit être renforcée. Le troisième plan national maladies rares (PNMR3) est arrivé à son terme il y a deux ans. Depuis, malades, chercheurs et familles attendent sa reconduction ou la mise en application d’un nouveau plan. Les avancées scientifiques et l’innovation médicale ne doivent pas être freinées ou stoppées par l’inertie administrative. Les turbulences politiques que connaît notre pays ne sauraient justifier un tel retard. Un nouveau PNMR ambitieux et doté de financements à la hauteur des enjeux est indispensable. Nous avons le devoir moral et politique de faire avancer cette cause.
Je souhaite également avoir une pensée pour l’ensemble des patients et des familles qui traversent cette épreuve et, plus particulièrement, pour le sénateur à l’origine de la proposition de loi dont nous débattons.
J’avais traduit toutes ces observations en amendements. Toutefois, puisque la commission des affaires sociales n’a pas modifié le texte adopté au Sénat et pour que nous ne le fassions pas non plus en séance, évitant ainsi de rallonger le parcours législatif de la proposition de loi, je les ai retirés. L’objectif est clair : en permettre une promulgation rapide, car le temps de la loi n’est pas celui du malade. (Mmes Sophie Panonacle et Marie Pochon applaudissent.)
J’en ai fini avec les quelques observations que je tenais à formuler avant d’indiquer que le groupe LIOT votera naturellement en faveur du texte. J’appelle l’ensemble des députés à faire de même pour que nous puissions avancer très rapidement vers sa promulgation. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, SOC, DR et Dem.)
M. le président
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Dans le cadre de l’une de ses campagnes de sensibilisation à la sclérose latérale amyotrophique, l’Arsla nous interpellait ainsi en 2023 : « Parce que le combat contre la maladie de Charcot est infernal, nous demandons un engagement politique fort et des actions d’envergure. » Plus précisément, l’association poussait l’État à intervenir urgemment sur quatre enjeux clés : l’accélération du diagnostic pour mettre fin à l’errance des patients, l’amélioration de la compensation du handicap, le renforcement de la coordination du parcours de soins et, enfin, le perfectionnement de l’évaluation comme du financement des thérapeutiques nouvelles.
C’est dans ce contexte que les députés communistes et des territoires dits d’outre-mer du groupe GDR accueillent très favorablement la proposition de loi. Elle ne répond certes pas à tous les besoins des malades et de leur entourage, mais elle permet des avancées essentielles. Le texte propose en effet de réformer la procédure d’accès aux prestations de la MDPH, inadaptée aux réalités vécues par les personnes atteintes de la maladie de Charcot ou de maladies rares similaires.
Dans une tribune publiée en juin 2023 dans Le Monde, Valérie Goutines Caramel, présidente de l’Arsla, soulignait que « le temps nécessaire à l’administration pour statuer sur des dossiers ne coïncide pas avec le temps des malades, qui voient leur situation se dégrader inexorablement ». En effet, le délai moyen de traitement des demandes de PCH est d’au moins six mois, durée difficilement compatible avec des maladies aussi rapidement évolutives. Dans ce cadre, la procédure dérogatoire prévue par la proposition de loi devrait permettre un traitement des demandes plus rapide et plus en phase avec les évolutions de la maladie et les besoins des malades. Il s’agit là d’un indéniable progrès.
La proposition de loi prévoit également la création d’une exception pour les personnes atteintes de la maladie de Charcot afin qu’elles bénéficient de la PCH après 60 ans. La suppression de cette barrière d’âge constitue également un réel progrès pour les malades, dont nous espérons qu’il en entraînera à terme un plus grand : la suppression généralisée de la condition d’âge pour bénéficier de la PCH. Ce n’est, ni plus ni moins, que ce qui est prévu – sans être mis en application – par l’article 13 de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui aura 20 ans demain.
Nous soutiendrons le texte en raison de ces deux avancées essentielles pour les patients et leurs familles. Nous espérons toutefois qu’il ne fasse pas oublier les attentes, encore colossales, des malades et de leurs entourages, médical et familial, pour être mieux accompagnés. Ainsi, les progrès que permettra l’adoption de cette proposition de loi ne doivent pas occulter les difficultés qu’elle met en exergue et qui appellent également des réponses urgentes : la diminution du reste à charge, encore trop important, même pour les personnes qui reçoivent la PCH ; l’augmentation du financement de la recherche portant sur ces maladies fortement invalidantes ; un meilleur accompagnement des aidants et, enfin, la préservation et le renforcement des MDPH.
En cette période où les débats sur le financement de la sécurité sociale ont, une fois de plus, été confisqués au Parlement et où, plus que jamais, les députés communistes et des territoires dits d’outre-mer plaident pour que soit débattue une loi de santé publique, je conclurai en rappelant le rôle primordial de l’hôpital public pour ces malades et leur entourage. Dans une tribune parue dans Le Monde remontant à novembre 2021, les représentants des principales associations de patients atteints de maladies neuromusculaires et neurodégénératives alertaient sur le manque de personnel soignant et sur les délais de prise en charge que les malades subissent dans les services publics spécialisés.
Ces associations exprimaient en peu de mots la nécessité de soutenir les hôpitaux : « N’oublions pas que l’hôpital public est un acteur majeur dans la mise en application de soins hautement techniques, dans l’évolution des connaissances à l’origine d’innovations pour les malades de demain ou encore dans la délivrance d’une expertise hautement spécialisée. […] En fait, jamais les patients ne se sont sentis aussi fragiles et en danger face à un système hospitalier public lui-même exsangue. » (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Éric Michoux.
M. Éric Michoux
La maladie de Charcot nous met face à l’injustice des pathologies rares pour lesquelles il n’y a malheureusement aucun traitement curatif. Les médicaments existants ne permettent que de gérer les symptômes.
Aujourd’hui, en tant que députés, nous avons l’occasion d’améliorer concrètement la prise en charge des malades qui en sont atteints. Nous sommes devant un texte de bon sens qui sert l’intérêt des patients, de leurs soignants et de leurs proches. J’ai une pensée pour toutes celles et tous ceux dont la vie a basculé à l’annonce du diagnostic, et particulièrement pour le sénateur Gilbert Boucher, dont le témoignage, déjà évoqué, nous a tous bouleversés.
N’oublions pas que, derrière ce texte et nos débats, se trouvent des femmes et des hommes qui se battent au quotidien contre une terrible maladie et qui, parfois, se retrouvent seuls. L’évolution de la maladie et de ses symptômes différant d’une personne à une autre, il est important non seulement de faciliter sa prise en charge, mais surtout de s’assurer que les dispositifs de cette prise en charge soient personnalisés.
Il est crucial de changer la réglementation en matière de prise en compte administrative et financière du handicap. Nous le devons aux patients. C’est pourquoi le groupe UDR votera en faveur de cette proposition de loi. Cependant, nous ne pouvons que déplorer le manque d’une réelle politique de prévention et de dépistage, souvent tardif en zone rurale. Madame la ministre, vous avez tout à l’heure parlé de « bataille contre le temps ». C’est encore plus vrai à la campagne. Retarder le diagnostic et la prise en charge des patients, c’est perdre des jours, voire des semaines, dans la lutte contre la maladie.
Il est urgent de mettre en place une politique ambitieuse de communication et de sensibilisation à propos de cette maladie dont 90 % des cas ne sont pas héréditaires. La prise en charge de la maladie de Charcot met en lumière les déserts médicaux auxquels nous sommes confrontés dans nos circonscriptions rurales et souligne le manque de soignants pour accompagner les malades.
Un simple rendez-vous chez le dentiste ou chez l’ophtalmologue doit être pris plusieurs mois à l’avance. Les médecins généralistes sont débordés et les services d’urgences, saturés. Nous en sommes arrivés à devoir déclencher un plan Blanc chaque hiver. Dans de telles conditions, comment mener une politique de prévention et d’information à propos des maladies rares ? Beaucoup de nos concitoyens se découragent, ne font plus de dépistages et ne vont plus se soigner. Ce manque de professionnels et de moyens se voit jusque dans les services de soins palliatifs, qui sont les grands absents de la politique de santé publique.
Pour nécessaire qu’elle soit, cette proposition de loi doit s’accompagner d’un engagement en faveur des soins palliatifs et d’une lutte contre les déserts médicaux, particulièrement dans les territoires ruraux – bien que le phénomène commence à toucher certaines grandes villes.
Enfin, le texte qui nous est présenté aujourd’hui met en avant une grande faiblesse de notre système de santé : sa complexité administrative. À la douleur et à l’isolement des patients vient s’ajouter un véritable calvaire bureaucratique, marqué par la lenteur des procédures. Ce fonctionnement de notre système de santé ne garantit en rien une meilleure prise en charge ; pire, il est souvent à l’origine d’un stress supplémentaire pour les malades, qui évidemment n’en ont pas besoin. Il est plus que nécessaire d’accélérer les procédures et de renforcer la collaboration entre les services : c’est une mesure de bon sens, et le groupe UDR y est favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR et sur quelques bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such.
Mme Sandrine Dogor-Such
Le texte que nous examinons, voté à l’unanimité en première lecture au Sénat, aborde le délicat sujet de la maladie de Charcot, qui touche en France environ 7 000 personnes. Il s’agit d’une maladie rare, incurable, due à une dégénérescence progressive des motoneurones. Le rythme de la progression de la SLA est propre à chaque patient et empêche toute anticipation des besoins de compensation du handicap. Il faut donc qu’une fois le diagnostic posé, les pouvoirs publics prennent en charge les différents symptômes, tels que la douleur, les crampes ou l’anxiété des patients, le plus rapidement possible. Or, à l’annonce du diagnostic, le patient et les familles sont terrassés et se retrouvent très isolés. Il faut les accompagner au mieux.
Cet accompagnement est d’autant plus nécessaire dans une époque de désertification médicale et d’absence d’offre de soins de longue durée dans certains secteurs, comme la kinésithérapie. Nous déplorons notamment une réelle carence en matière de soins et de services à domicile.
Le traitement de la maladie est essentiellement symptomatique et passe par une prise en charge multidisciplinaire, du fait de la complémentarité indispensable des différents intervenants, chacun avec ses compétences propres : pneumologues, kinésithérapeutes, diététiciens, orthophonistes, ergothérapeutes, psychologues, assistantes sociales. Cette prise en charge spécifique de la SLA est idéalement faite au sein d’un centre dédié, couvrant toutes les facettes de la maladie. Depuis 2003, elle s’organise autour des centres régionaux, dans l’objectif d’améliorer la qualité de vie des malades, la formation et, bien sûr, la recherche.
Les malades espèrent vivre au mieux jusqu’au terme de la maladie, être bien accompagnés tout au long de la pathologie et être reconnus dans leur dignité propre. Rappelons que seuls 35 % des patients atteints de la SLA sont pris en charge dans le cadre des soins palliatifs, ce qui est nettement insuffisant. Il est indispensable de mettre en place une véritable politique de développement de ces soins, afin que tous les malades qui en ont besoin puissent réellement en bénéficier.
Le défi, pour notre société, est de répondre au mieux aux besoins des malades en s’intéressant au combat qu’ils mènent au jour le jour. Or les procédures de prise en charge sont en décalage complet avec la temporalité de cette pathologie. C’est pourquoi la proposition de loi que nous examinons entend instaurer une priorité pour les dossiers des patients atteints de SLA dans le cadre de leur examen par les maisons départementales des personnes handicapées, chargées de l’attribution des dispositifs d’aide et des prestations, notamment la prestation de compensation du handicap.
Bien sûr, les MDPH font un travail remarquable, mais elles doivent faire face à un nombre de dossiers très important. Les délais de réponse, qui dans les faits oscillent entre six et neuf mois, sont loin de correspondre aux besoins des personnes atteintes de la SLA, le rythme d’évolution de la maladie étant plus rapide que la validation des dossiers censés leur attribuer les aides techniques dont ils auraient besoin. Il en résulte des situations très difficiles, où les patients ne bénéficient pas des dispositifs adéquats ou sont obligés de les acheter eux-mêmes sans aucune aide.
Ce texte entend donc instaurer une procédure dérogatoire auprès des MDPH, permettant un traitement accéléré, quasi immédiat, des dossiers de pathologies rapides et causant des handicaps sévères et irréversibles. Cette procédure dérogatoire permettra d’identifier, dès le stade du dépôt, les demandes liées à ces pathologies. Cela vaudra pour la SLA, mais je profite de l’examen de cette proposition de loi pour demander instamment au gouvernement de mettre tout en œuvre afin de réduire les délais d’instruction de l’ensemble des dossiers, pour éviter d’infliger aux personnes handicapées des attentes trop importantes. Il est indispensable d’adapter notre système de santé afin d’apporter des réponses concrètes et rapides aux patients atteints de ces pathologies, mais aussi de renforcer le financement de la recherche sur les maladies rares.
Le groupe Rassemblement national votera évidemment ce texte, qui va dans le bon sens. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à Mme Sophie Panonacle.
Mme Sophie Panonacle
Nous sommes réunis pour examiner une proposition de loi porteuse d’espoir pour les personnes atteintes de la sclérose latérale amyotrophique et d’autres maladies évolutives graves.
Il y a quelques mois, avant de rencontrer Lorène, je n’avais qu’une connaissance très limitée de la maladie de Charcot. Cette jeune femme courageuse et engagée m’a profondément émue. Elle est, comme environ 8 000 personnes en France, frappée par cette maladie incurable, qui évolue très rapidement, avec une espérance de vie de deux à cinq ans. J’ai, grâce à elle, pris contact avec l’Arsla pour apporter mon soutien à l’association et mettre mon mandat de députée au service de cette cause.
Comme vous l’avez parfaitement exprimé, madame la rapporteure, en l’absence d’un traitement visant à les guérir, les malades ne peuvent compter que sur des dispositifs techniques et des aides humaines pour améliorer leur confort de vie. À ce jour, l’examen de leurs dossiers par les MDPH n’est pas prioritaire, alors que la prescription tardive d’un matériel se révèle inutile. En effet, les procédures, d’une durée de six mois en moyenne, sont en décalage total avec le rythme très rapide de l’évolution de la maladie. Autre problème, qui n’est pas le moindre : après 60 ans, le malade ne peut pas bénéficier de la prestation de compensation du handicap. Il fallait changer cela.
Cette proposition de loi est le fruit d’un travail entre les parlementaires, les associations et la communauté des chercheurs. Elle a été déposée, avec le soutien du gouvernement, par les sénateurs Philippe Mouiller et Gilbert Bouchet, atteint de la maladie de Charcot en phase avancée. Elle a été votée le 15 octobre par le Sénat et vient maintenant en discussion à l’Assemblée nationale, avec la volonté partagée, en commission des affaires sociales, d’une adoption en procédure accélérée, conforme au texte sénatorial. L’urgence face à cette maladie très invalidante et à évolution rapide nous impose un vote unanime : nous saurons dépasser nos sensibilités respectives pour servir la cause des malades et de leurs proches. Vous pouvez évidemment compter sur le groupe Ensemble pour la République, qui associera ses voix aux vôtres pour porter les couleurs de l’espoir et de la solidarité.
Je souhaite profiter de ces instants de débat pour faire connaître le travail remarquable qu’accomplit l’Arsla. Les représentants de cette association sont avec nous dans les tribunes, et je les salue. Je connais leur émotion en ces instants de victoire, après des mois de mobilisation, et je les remercie infiniment de m’avoir éclairée sur ce que vivent les malades atteints de la SLA.
En votant cette proposition de loi, nous allons accomplir un acte fort. Toutefois, nous ne devrons pas en rester là : le combat continue pour le soutien des malades et contre la maladie. Mes chers collègues, nous détenons des moyens de persuasion pour relayer, chacun dans son territoire, un message de sensibilisation et un appel à la collecte de dons. Faisons-le ! La communauté de la maladie de Charcot – malades, familles et soignants – a besoin de nous.
Je veux aussi rendre hommage à une autre association incroyable, Les Invincibles, créée en juin 2023 par trois hommes, John, Olivier et Ludovic, touchés par la maladie de Charcot à des stades d’évolution différents. Invincibles : le nom de leur association sonne comme une provocation à la vie, alors qu’ils savent que leurs jours sont comptés. Invincibles : ce nom sonne comme un cri de guerre, car ils ne veulent rien céder à la maladie – ni leur humour, ni la joie échangée avec leurs amis, ni l’amour partagé jusqu’au bout avec leurs familles. Leur combat est celui de la dignité et de la solidarité, celui de la générosité pour que les générations futures aient enfin un remède.
Nous le savons toutes et tous, le financement de la recherche est le nerf de la guerre : pas de moyens, pas de guérison. Ceux qui le savent encore mieux que nous, parce qu’ils le vivent au quotidien, ce sont les chercheurs. Je pense notamment à celles et ceux de l’Institut du cerveau, présidé par Gérard Saillant, qui partage une sincère complicité avec Olivier Goy. Je sais, pour avoir assisté à la remise de bourses qui financeront les travaux de recherche, que ces doctorants sont incroyablement intelligents, volontaires et pragmatiques. « Mieux comprendre pour mieux soigner », telle pourrait être la devise de ces combattants. Début novembre, j’ai eu un échange avec Lionel Collet, président de la Haute Autorité de santé, à propos du médicament Qalsody dont l’autorisation de mise sur le marché a été accordée par l’Agence européenne des médicaments en février 2024. Il faut que l’on avance. Sachez qu’il ne reste plus que quelques jours avant la fin de l’accès compassionnel. La loi ne fait pas tout, mais elle peut faire beaucoup ; aussi, j’espère que nous nous retrouverons très prochainement pour examiner et voter la loi sur le libre choix de la fin de vie.
« Au milieu de l’hiver, j’apprenais enfin qu’il y avait en moi un été invincible. » Cette citation d’Albert Camus doit nous rappeler que l’invincibilité ne se décrète pas, elle se vit. L’invincibilité nous appartient, elle est en nous. Elle se partage aussi, et prend tout son sens quand elle se met au service de l’intérêt général. Aujourd’hui, c’est bien la solidarité qui triomphe dans nos travées : nous avons gagné ensemble. (Mmes Nadège Abomangoli et Sylvie Bonnet, et MM. Olivier Falorni et Jean-Pierre Taite applaudissent.)
M. le président
La parole est à Mme Ségolène Amiot.
Mme Ségolène Amiot
Pour les patients atteints de sclérose latérale amyotrophique, comme pour ceux atteints de toutes les autres maladies évolutives graves, chaque jour est un combat, un combat pour leur dignité. Il est inacceptable que les personnes malades ou en situation de handicap aient à se battre non contre leur pathologie, mais pour faire valoir leurs droits à l’autonomie. Dans le cas de la maladie de Charcot, qui nous occupe aujourd’hui, le temps de vie qui reste aux patients est d’autant plus précieux, et il est de notre devoir de faire en sorte qu’il soit vécu dans le respect, avec la garantie de prestations rapides et suffisantes pour couvrir les coûts liés au handicap, sans reste à charge. Nous devons leur offrir des solutions concrètes et urgentes ; c’est pourquoi le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire soutiendra les mesures proposées, bien que le texte ne réponde pas à certaines exigences que nous estimons fondamentales.
Le premier manquement que je voudrais souligner est relatif à l’accès aux soins. Cette proposition de loi ne prévoit pas la formation des personnels soignants aux gestes indispensables, ni l’augmentation des effectifs. Elle ne garantit pas non plus une amélioration des soins à domicile et ne traite pas la nécessité de développer les centres spécialisés offrant une prise en charge adéquate, essentiels pour améliorer concrètement la vie des malades et de leurs familles.
Mme Nadège Abomangoli
C’est important !
Mme Ségolène Amiot
Cela m’amène au deuxième manquement du texte : l’absence de volonté de prendre en charge le handicap de façon générale. Il nous paraît essentiel d’assurer une prise en charge égalitaire sur tout le territoire en accordant aux MDPH des moyens à la hauteur des besoins, en fonction de critères objectifs.
Après des décennies d’assauts néolibéraux, les MDPH, comme tous nos services publics, se retrouvent exsangues, et les délais de traitement des dossiers explosent. Faut-il le rappeler, chers collègues : le temps des malades n’est pas celui des administrations. Pendant que les factures de matériel se multiplient et que les handicaps croissent, les dossiers dorment. Six mois, parfois neuf, pour traiter un dossier – quelle honte pour la septième puissance mondiale !
Mme Nadège Abomangoli
C’est vrai !
Mme Ségolène Amiot
Chaque jour d’attente supplémentaire aggrave la précarité du patient. Or les études de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) révèlent une augmentation constante de la charge de travail des agents des MDPH depuis 2015. Les services sont saturés.
Trouver une solution nécessite de faire un pas de côté : au-delà de cette proposition de loi sur la SLA, promouvoir une augmentation générale des moyens humains et financiers des MDPH est possible. Voilà un exemple de volonté politique d’agir rapidement et efficacement. Comment manifester clairement une telle volonté ? Souffrez que je donne une réponse simple : en votant des lois de finances à la hauteur des besoins des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Évidemment, cela implique de laisser la représentation nationale discuter, amender et voter, exercices incompatibles avec le recours au 49.3, dont la Macronie s’est fait une spécialité, que dis-je, une marque de fabrique, puisque le vingt-huitième vient d’intervenir. (Applaudissements plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Nadège Abomangoli
Tout à fait !
Mme Ségolène Amiot
Pendant ce temps, les budgets des collectivités, en particulier ceux des départements, font l’objet de coupes, taillant dans le financement des MDPH, et la recherche est moins financée chaque année, notamment celle portant sur des maladies comme la SLA.
Ce soir, je pense à l’avenir : c’est demain la date anniversaire de la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances des personnes handicapées, qui visait à assurer aux personnes handicapées une compensation des conséquences de leur handicap. Depuis des années, nous proposons de prendre une mesure imposant 100 % de logements accessibles dans les constructions neuves, mais aussi de rendre automatique le versement des prestations de compensation du handicap, indépendamment de l’évaluation des besoins. En outre, il est nécessaire de financer intégralement les dépenses liées au handicap et de mettre fin au plafonnement annuel des prestations. L’immense travail qui reste à accomplir ne peut plus attendre.
Au moment d’entamer les débats sur cette proposition de loi, il m’est impossible de ne pas penser au sénateur Gilbert Bouchet, à Charly, ce camarade engagé dans notre lutte et à toutes les personnes atteintes, qui nous rappellent les défauts criants de ce texte, premier pas, timide mais – espérons-le – annonciateur de progrès à venir. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Arnaud Simion.
M. Arnaud Simion
Permettez-moi de saluer les membres de l’Arsla présents ce soir.
Parmi les maladies évolutives graves, la maladie de Charcot n’est pas seulement irréversible, mais aussi particulièrement invalidante. Je tiens à saluer notre collègue, le sénateur Gilbert Bouchet : bien qu’atteint de cette maladie, se déplaçant en fauteuil roulant et muni d’un appareil respiratoire, il a tenu à défendre au Sénat cette proposition de loi le 15 octobre dernier, rappelant l’urgence de légiférer, la prise en charge de droit commun se révélant malheureusement inadaptée pour ce type de pathologie.
En effet, en complément de la prise en charge à 100 % de leurs frais de santé par l’assurance maladie, les personnes dont la maladie a été diagnostiquée avant l’âge de 60 ans doivent s’adresser à leur MDPH pour solliciter le versement de la PCH. Or le délai moyen de traitement des demandes, qui est de six mois pour cette prestation, paraît difficilement compatible avec l’évolution rapide de la maladie, obligeant souvent les familles à avancer des frais.
Par ailleurs, on constate d’injustes différences de prise en charge selon l’âge auquel la maladie est diagnostiquée : à partir de 60 ans, les personnes atteintes ne peuvent, en règle générale, bénéficier de la PCH, mais doivent solliciter l’APA, dont le montant est nettement inférieur. Or le reste à charge total pour les malades bénéficiant de la PCH s’élève à 8 000 euros, contre 16 000 pour ceux bénéficiant de l’APA, alors même que près de 80 % des personnes touchées ont plus de 60 ans.
Aussi la proposition de loi vise-t-elle à améliorer la prise en charge sociale de la maladie de Charcot et d’autres maladies du même type. Elle tend d’abord à accélérer le traitement des dossiers par les MDPH, en prévoyant qu’un membre de leur équipe propose à la CDAPH l’attribution des droits, les prestations et les adaptations du plan personnalisé de compensation du handicap et que ladite commission statue dès sa première réunion suivant la réception de la demande. Elle crée, en outre, une exception à la limite d’âge de 60 ans pour bénéficier de la PCH et prévoit que la CNSA apporte son concours financier aux départements, afin de compenser le surcroît de dépenses en PCH occasionné par le dispositif.
Le groupe Socialistes et apparentés ne peut que soutenir une proposition de loi consensuelle, transpartisane et porteuse de telles évolutions législatives et souhaite l’adoption conforme de la version adoptée par le Sénat, afin de clore la navette parlementaire, ce qui permettra de promulguer le texte rapidement, dans l’intérêt des malades.
Il convient toutefois de s’interroger plus globalement sur le fonctionnement des MDPH, qui connaissent un engorgement de dossiers déposés, sur l’insuffisance des montants versés au titre de l’APA et sur la nécessité d’aller plus loin dans la recherche et le dépistage de ces maladies graves.
Ce soir, l’occasion nous est donnée d’être utiles à nos concitoyens, aux malades, à leurs familles, aux aidants. Ne les décevons pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à Mme Sylvie Bonnet.
Mme Sylvie Bonnet
Cette proposition de loi a été déposée en avril dernier par les sénateurs LR Philippe Mouiller et Gilbert Bouchet, lui-même atteint de la maladie de Charcot. Avec mes collègues de la Droite républicaine, nous tenons à lui rendre hommage pour son courage dans cette terrible épreuve et à l’assurer de notre sympathie.
La sclérose latérale amyotrophique, aussi appelée maladie de Charcot, est une maladie neurodégénérative rare due à une dégénérescence progressive des motoneurones. Elle concerne 4 500 à 6 000 personnes et on recense environ 1 000 nouveaux cas par an. Si l’espérance de vie est de deux ans en moyenne après le diagnostic, 10 à 15 % des malades ont une durée de vie supérieure à cinq ans après le diagnostic et 5 % d’entre eux une durée de vie supérieure à dix ans.
La chronologie et le rythme de progression de l’atteinte motrice sont propres à chaque patient, ce qui empêche toute anticipation des besoins de compensation du handicap. La prise en charge sanitaire des patients est organisée dans des centres de référence maladies rares labellisés. Dans chaque centre, les patients sont accompagnés par une équipe pluridisciplinaire qui suit l’évolution des déficiences causées par la maladie.
En complément de la prise en charge à 100 % de leurs frais de santé par l’assurance maladie, les personnes dont la SLA a été diagnostiquée avant l’âge de 60 ans peuvent demander des aides auprès de la MDPH, notamment la PCH, pour faire face à leurs besoins d’aides humaines, techniques, ainsi qu’à la nécessité d’adapter leur véhicule et leur logement.
L’attribution de la PCH relève de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées ; celle-ci fonde ses décisions sur l’évaluation de l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH. Toutefois l’application de ces procédures s’avère problématique dans le cas de la SLA. En effet, qu’il s’agisse de l’ouverture des droits ou de leur actualisation, les délais de traitement des demandes sont difficilement compatibles avec une maladie dont l’évolution est aussi rapide.
M. Thibault Bazin
C’est vrai !
Mme Sylvie Bonnet
Si la réglementation donne un délai de quatre mois à la CDAPH pour statuer, ce délai est variable selon les départements en pratique et peut s’élever à six, voire neuf mois. Or le protocole national de diagnostic et de soins sur la SLA recommande « des bilans réguliers adaptatifs tous les trois mois », des adaptations plus fréquentes étant même nécessaires dans certains cas. Dans ces conditions, non seulement les familles doivent souvent avancer les frais occasionnés par la compensation des handicaps, mais les besoins de la personne peuvent avoir changé avant même que sa demande ait abouti.
M. Thibault Bazin
Elle a raison !
Mme Sylvie Bonnet
De plus, la procédure se révèle complexe pour les familles qui doivent constituer un nouveau dossier de demande, chaque fois qu’une adaptation est nécessaire. Il existe certes des procédures d’urgence, mais elles n’apportent pas suffisamment de garanties aux personnes concernées et restent très inégalement appliquées.
Le bénéfice de la PCH est actuellement limité aux personnes dont l’âge est inférieur à une limite fixée par décret à 60 ans. Lorsque le diagnostic de la SLA intervient à un âge plus élevé, la personne atteinte de la maladie ne peut pas bénéficier de la PCH et doit demander l’APA pour améliorer sa prise en charge.
Cependant, à compter du diagnostic, une trentaine d’aides techniques sont nécessaires au cours de la vie du patient. Ces aides ont un coût, dont l’Arsla évalue le reste à charge total à 8 000 euros pour les bénéficiaires de la PCH, contre 16 000 pour ceux qui perçoivent l’APA. C’est pourquoi il est essentiel de permettre aux personnes atteintes par la SLA de bénéficier de la PCH même lorsque le diagnostic est posé au-delà de 60 ans.
Le texte adopté au Sénat est équilibré et ne fait pas peser la charge financière induite par le dispositif sur les départements. Nous défendrons donc une adoption conforme, comme nous l’avons fait en commission des affaires sociales la semaine dernière, en espérant ainsi parvenir à l’entrée en vigueur la plus rapide possible.
Il s’agit d’une première étape, car il y a encore beaucoup à faire, notamment pour la création de places de répit offrant un accueil adapté aux personnes atteintes de cette pathologie, d’autant plus nécessaire que le maintien à domicile est difficile, en raison du manque de personnel formé, que la famille doit souvent pallier.
En attendant un prochain texte concernant les aidants et à la veille de l’anniversaire de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances des personnes handicapées, le groupe Droite républicaine votera en faveur de cette proposition de loi. Nous le devons à toutes celles et tous ceux qui sont frappés par cette terrible maladie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
M. le président
La parole est à Mme Marie Pochon.
Mme Marie Pochon
On ne peut commencer l’examen de cette proposition de loi sans rendre un hommage ému et sincère à notre collègue parlementaire Gilbert Bouchet ; sénateur de la Drôme – j’en suis députée –, lui-même lourdement malade, il est à l’initiative de cette proposition de loi. Avec la dignité dont seuls peuvent faire preuve ceux que touche cette maladie évolutive, il mène ce combat, malgré ce qu’il endure, pour tous les autres. Il a décidé de défendre, pour tous les autres, cette proposition de loi visant à ce que tous les malades puissent bénéficier d’un soutien renforcé et rapide lorsque le diagnostic est posé. Au nom du groupe Écologiste et social, d’une simple collègue drômoise, de nous toutes et tous, je lui renouvelle notre plein soutien dans son combat contre la maladie. (Applaudissements sur divers bancs.)
Combattre pour tous les autres, c’est aujourd’hui à nous que cela revient, chers collègues, en examinant ce texte. Adopté à l’unanimité au Sénat, celui-ci est porteur d’espoirs pour les malades et leurs familles. La sclérose latérale amyotrophique, mieux connue sous le nom de maladie de Charcot, est une maladie rare. Ou plutôt, comme le souligne l’Arsla, il s’agit de la moins rare des maladies rares, puisque 8 000 personnes sont touchées dans notre pays. Affectant les neurones moteurs, évoluant très rapidement, faisant l’objet de traitements encore trop limités, cette terrible maladie nécessite une prise en charge médicale mobilisant de nombreux professionnels : neurologues, ergothérapeutes, pneumologues ou encore psychologues.
La maladie de Charcot, c’est une conscience intacte, une raison qui regarde impuissante le corps s’affaiblir sans rien pouvoir y faire : une épreuve pour les malades, enfermés dans leur corps ; une épreuve pour leurs proches, qui les accompagnent dans un quotidien bouleversé ; une épreuve face à laquelle tant d’aidants et de malades sont bien seuls aujourd’hui : face à l’horreur, on dirait presque qu’on a préféré fermer les yeux, ou regarder ailleurs. Mais les malades – Gilbert, Florence, Marie, Sofia – ne peuvent pas regarder ailleurs. Je ne peux que déplorer qu’il faille que l’un d’entre nous soit malade et qu’il combatte pour tous les autres pour qu’enfin nos assemblées légifèrent en vue d’apaiser leur douleur et leur peine, et d’adoucir les épreuves.
Adoucir les épreuves, c’est d’abord réduire les délais de prise en charge. En moyenne, le traitement des dossiers met six mois ; pour des personnes à qui ne restent parfois que deux ans d’espérance de vie, qui souffrent d’une maladie à l’évolution si rapide, c’est inacceptable. La procédure prévue par l’article 1er constitue donc un progrès notable qui permettra aux malades et à leurs familles de bénéficier d’un soutien plus rapide et plus adapté à leurs besoins. Adoucir l’épreuve, c’est également diminuer la lourdeur administrative, en dérogeant à la règle interdisant l’accès à la PCH après 60 ans. À l’heure où la majorité des personnes à qui on diagnostique une maladie de Charcot ont plus de 60 ans, celle-ci devait être modifiée. Voilà qui sera fait.
Chers collègues, aujourd’hui nous adoucirons un peu les épreuves – et c’est déjà quelque chose de bien, de rare et de précieux, parce que ce n’est pas toujours ce que l’on fait dans cette assemblée.
M. Jean-Pierre Taite
Exactement !
Mme Marie Pochon
Les Écologistes y joindront bien évidemment leurs voix, sans déposer d’amendements, qui ralentiraient le processus d’adoption, quand l’enjeu est d’aller vite.
Tout cela ne sera bien évidemment pas suffisant : cette proposition de loi n’est qu’une étape. Elle doit nous mener à revoir les modalités de notre soutien aux associations – notamment l’Arsla, que je tiens à saluer –, qui accompagnent les patients et leur fournissent des solutions adaptées à leur pathologie, prêtent du matériel médical et lancent des appels à projets de recherche. Mais il faut préciser que les associations ne peuvent pas tout ;…
Mme Sylvie Bonnet
Eh oui !
Mme Marie Pochon
…quant à l’État, il doit jouer son rôle. Nous devons également encourager le renforcement du soutien public à la recherche fondamentale, pour voir éclore de nouveaux projets de recherche dans nos CHU – centres hospitaliers universitaires – et pour que de jeunes doctorants puissent apporter leur aide précieuse au combat contre la maladie.
Dans les quinze prochaines années, le nombre de personnes atteintes par la maladie pourrait augmenter de 20 %. On sait peu de choses sur ses déclencheurs, qui peuvent être environnementaux ou génétiques. Ce que nous savons, nous le devons à la science et à la recherche sur la prévention des pathologies neurologiques. Ce que nous ne savons pas, peut-être ne le saurons-nous jamais parce que nous aurons amputé de 1 milliard d’euros, en 2025, le budget de la recherche. (Mme Christine Arrighi applaudit.)
Tout cela, enfin, sera vain si nous ne sommes pas capables de garantir l’accès aux soins pour toutes et tous. Je pense ici aux patients isolés dans des déserts médicaux, qui doivent parfois faire deux heures de route, après des mois d’attente, pour se rendre à un rendez-vous chez un spécialiste ou simplement pour réaliser une IRM – imagerie par résonance magnétique.
M. Hadrien Clouet
Elle a raison !
Mme Marie Pochon
Si ce texte représente une avancée majeure pour les patients atteints de la maladie de Charcot, nous appelons de nos vœux la pérennisation de ces efforts, afin que toutes les personnes atteintes d’un handicap, sous toutes ses formes, bénéficient d’une nette amélioration du délai de traitement de leurs dossiers, de la préservation de leur dignité au cours des démarches administratives qu’elles doivent effectuer, et d’un accès libre et facilité partout, tout le temps, aux soins, tel que le formule la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances – dont nous fêterons les 20 ans d’inapplication demain. Lorsque nous aurons fait tout cela, nous aurons été à la hauteur de ce digne combat. Cela commence aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC, DR et GDR.)
M. le président
La parole est à M. Olivier Falorni.
M. Olivier Falorni
Ce que nous nous apprêtons à faire aujourd’hui, ce n’est pas seulement le vote d’une loi. Nous réparons une injustice ; nous affirmons un droit fondamental, celui de vivre dignement, quel que soit l’âge auquel la maladie de Charcot nous frappe. Mais ce texte, aussi important soit-il, ne doit pas être une fin en soi : au contraire, il doit être le début de quelque chose.
En effet, nous devons nous poser une question simple : et si c’était nous ? Si un médecin nous annonçait que nous sommes atteints de la SLA, cette maladie implacable qui détruit le corps tout en laissant l’esprit intact, jusqu’à une mort inévitable, alors que voudrions-nous ? Des droits ? Oui, bien sûr ! Mais aussi les moyens de vivre réellement ces quelques mois, ces quelques années, dans la dignité.
Ce texte est donc une avancée importante. Mais pour qu’il le soit concrètement pour les malades, il faudra des moyens humains. À l’heure actuelle, les auxiliaires de vie sont sous-payés, sous-reconnus et en nombre insuffisant. Nous devons revaloriser ces métiers, les rendre plus attractifs et leur assurer une formation solide. En effet, sans eux, toutes les lois du monde resteront de simples textes sur de simples feuilles de papier.
Et que dire des aides techniques ? Aujourd’hui, seule l’Association pour la recherche sur la SLA, dont je veux saluer le travail absolument admirable, assure un prêt gratuit de matériel permettant aux malades de recevoir ce dont ils ont besoin dans les quinze jours, et non après des mois d’attente. Ce modèle permet à l’État de faire des économies et bénéficie à l’environnement, en limitant le gaspillage, mais combien de temps encore cette association pourra-t-elle tenir seule ?
J’invite donc vraiment le gouvernement à soutenir cette initiative de l’Arsla, qui couvre l’ensemble du handicap généré par la maladie : bouger mais aussi communiquer. Il doit être possible de vivre dignement la SLA, mais il faut aussi pouvoir la combattre. Un traitement existe, le Qalsody, qui ralentit certaines formes génétiques de la maladie. Mais dans vingt jours, l’accès compassionnel à ce médicament pourrait prendre fin : le silence de l’ANSM – Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé – à ce sujet est glaçant.
Nous allons voter pour améliorer l’accompagnement des patients, mais nous ne pouvons pas, dans le même temps, leur retirer leur seul espoir thérapeutique ! L’Arsla a interpellé le ministère de la santé en urgence, pour trouver une solution durable. Chaque jour qui passe est un jour de perdu ; le gouvernement a donc le devoir de lui adresser une réponse très rapidement.
Mais l’enjeu n’est pas seulement l’accès aux traitements existants : il s’agit aussi d’en découvrir de nouveaux. La SLA n’est pas seulement une maladie tragique ; elle est un modèle. Comprendre la SLA, c’est comprendre comment les neurones meurent…
Mme Marie Pochon
Et le budget de la recherche ?
M. Olivier Falorni
…et c’est ouvrir des perspectives pour toutes les maladies neurodégénératives – Parkinson, Alzheimer et tant d’autres. Nous avons besoin d’une politique forte en matière de recherche,…
Mme Christine Arrighi
Ah bon ? Et qu’avez-vous voté dans le PLF ? C’est insupportable !
M. Olivier Falorni
…et nous avons une occasion unique, aujourd’hui (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS)… Mes chers collègues, franchement ! La polémique, sur des sujets pareils !
M. le président
C’est vrai !
Mme Ségolène Amiot
Ce n’est pas de la polémique !
M. le président
Pouvez-vous écouter l’orateur, s’il vous plaît ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée
Ce n’est pas possible !
M. Olivier Falorni
Franchement, je crois que ceux qui nous regardent depuis les tribunes n’attendent surtout pas ce genre de polémique ; vraiment pas ! Vous n’êtes pas à la hauteur.
Mme Christine Arrighi
C’est vous qui n’êtes pas à la hauteur !
Mme Ségolène Amiot
Et vous, vous mentez !
M. Hadrien Clouet
C’est le budget qui n’est pas à la hauteur !
M. le président
S’il vous plaît, peut-on écouter M. le député dans le calme ? Ce sujet appelle à la fois calme et respect.
Mme Sylvie Bonnet
Tout à fait !
Mme Ségolène Amiot
Le respect de la vérité, ce serait bien !
M. Thibault Bazin
Il faut leur prescrire une tisane !
M. le président
Maintenant, on arrête ! Et cela vaut pour tout le monde. Monsieur le député, continuez.
M. Olivier Falorni
Grâce à cette loi, disais-je, nous allons commencer à rendre justice aux malades de Charcot. À cet instant, je veux avoir une pensée particulière pour trois d’entre eux, à qui nous devons beaucoup : je pense à notre collègue sénateur Gilbert Bouchet, qui, malgré la maladie, a défendu ce texte au Sénat avec courage et détermination ; à Loïc Résibois, qui s’est battu contre la maladie et tout autant pour tous les autres malades avec une force incroyable, et qui s’est éteint il y a quelques mois sur cette île de Ré qu’il aimait tant ; et enfin à Charles Biétry, dont je viens de lire l’admirable témoignage, dans son livre La Dernière vague – j’invite chaque membre de la représentation nationale non seulement à le lire, mais aussi et surtout à le prendre en considération.
Parce que nous allons prouver aujourd’hui – je l’espère malgré tout – que nous savons nous unir autour d’une cause juste, l’adoption de cette loi doit être le point de départ d’un véritable engagement collectif. Je souhaite que ce vote, davantage qu’un aboutissement, soit un élan, pour que nous puissions dire demain : nous avons fait plus que voter une loi, nous avons changé des vies. Car au-delà des chiffres, des amendements, des discours et des polémiques, ce qui doit nous guider, c’est le respect de la dignité, de la justice et de l’humanité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs des groupes EPR et HOR.)
M. le président
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Josiane Corneloup, rapporteure
Je suis très sensible aux propos de tous nos collègues et au souci unanimement exprimé de voter conforme la proposition de loi, car il me paraît essentiel que nous puissions avancer rapidement.
Je veux simplement répondre à quelques-unes des observations formulées. S’agissant de l’harmonisation des délais de traitement des dossiers MDPH, nous souhaitons tous qu’il y ait une véritable équité de traitement et que les délais soient réduits au maximum. C’est un travail qui est en cours et la CNSA a déjà beaucoup soutenu les MDPH pour les aider à y parvenir ; en outre, des préconisations ont été faites notamment en faveur d’un système d’information national, dont l’interopérabilité permettrait de faciliter les évaluations et de partager les bonnes pratiques.
Des recommandations ont également été formulées en matière de gestion des flux, notamment pour améliorer la formation des personnels de santé au sein des MDPH mais aussi concernant de nombreux autres axes. Enfin, un rapport de l’Igas, publié en décembre dernier, dresse un bilan très précis des problèmes rencontrés et formule aussi de nombreuses préconisations. Nous avons donc de la matière pour faire avancer les choses vers davantage d’équité, et je m’en réjouis car c’est essentiel.
D’autres avancées ont été constatées, comme l’attribution de droits à vie, sans limitation de durée, à la RQTH – reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé – et à l’AAH – allocation aux adultes handicapés –, pour les personnes dont le handicap n’est pas susceptible d’évoluer favorablement.
Le député Stéphane Viry nous a interpellées sur le répit des aidants, dont je souhaite moi aussi voir la situation s’améliorer. C’est une question tout à fait centrale, qui dépasse le champ de la maladie de Charcot ; l’Assemblée nationale a d’ailleurs adopté en 2019 la proposition de loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants, ce qui a permis un recours accru au congé de proche aidant. Je partage tout à fait votre volonté d’aller plus loin, parce que le besoin est réel : la France compte plus de 9 millions d’aidants naturels et il est de notre devoir de les préserver, en prévenant leur épuisement. Nous pouvons tout de même nous réjouir que la PCH, grâce à la dérogation qui a été évoquée, permette de concentrer davantage de moyens humains et financiers sur les aidants ; ceux-ci devraient ainsi bénéficier d’un répit plus important.
Certains ont évoqué le souhait d’impulser une nouvelle dynamique autour des maladies rares. Je partage cet objectif et je pense que nous devons proroger le plan national contre les maladies rares 2018-2022 ; les malades, leurs familles et les chercheurs l’attendent. Deux ans sont passés depuis la fin de ce troisième PNMR et j’appelle de mes vœux sa reconduction.
S’agissant du Qalsody, que vous avez été nombreux à mentionner, j’ai été moi-même à la fois surprise et contrariée d’apprendre que la HAS avait refusé le remboursement et l’accès précoce à ce médicament, d’autant plus que l’Agence européenne des médicaments a quant à elle autorisé, en février 2024, sa mise sur le marché, et qu’il est présent et prescrit dans plusieurs pays. Parce qu’ils sont privés de ce traitement, les patients français atteints de SLA ne disposent pas des mêmes chances que les malades issus d’autres pays. Après avoir été sollicitée par un habitant de ma circonscription qui s’interrogeait à ce sujet, j’ai d’ailleurs saisi les services de la HAS.
Le député Monnet a évoqué l’article 13 de la loi du 11 février 2005, qui prévoyait en effet que « dans un délai maximum de cinq ans, les dispositions de la présente loi opérant une distinction entre les personnes handicapées en fonction de critères d’âge en matière de compensation du handicap […] [seraient] supprimées. » Cette disposition est malheureusement restée un vœu pieux, ce que je regrette moi aussi, car nous devons favoriser l’équité de traitement et l’uniformisation des mesures.
L’exigence de formation a également été évoquée. Nous avons auditionné les représentants des centres de référence maladies rares (CRMR) et des centres de compétence maladies rares (CCMR). Ils accomplissent un travail remarquable à tous les niveaux, dans le cadre d’un excellent partenariat avec les MDPH, mais cela n’empêche pas que les aidants, tout comme les professionnels intervenant dans les MDPH, aient besoin d’être formés – je vous rejoins sur ce point.
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée
Je veux d’abord, à nouveau, saluer le travail de l’Arsla. M. Falorni a évoqué l’appui du gouvernement à cette association, or mon cabinet a reçu ses représentants vendredi dernier et nous sommes en train de chercher des solutions pour mieux les accompagner ; de façon plus large et parallèlement à la réforme de la prise en charge des fauteuils roulants, nous nous efforçons de trouver des solutions pour que des locations plus simples et plus fluides soient mises à la disposition des personnes atteintes de ces maladies.
Vous avez été nombreux à souligner la longueur excessive des délais de traitement des demandes par les MDPH et des amendements ont d’ailleurs été déposés pour répondre à ce problème. Je tiens à réaffirmer devant vous l’engagement du gouvernement, et tout particulièrement le mien, à y travailler. La CNSA a initié des démarches en ce sens, tandis que l’Igas étudie plusieurs pistes de travail. La task force que j’ai évoquée tout à l’heure est en train de se mettre en place ; elle partira des besoins de chacun ainsi que des propositions émanant aussi bien des usagers que des agents des MDPH, dont je salue le travail car ils ont, eux aussi, le souci de répondre au plus vite aux personnes concernées, malgré la complexité et le carcan des procédures que nous sommes parfois amenés à leur imposer.
Des améliorations sont possibles, nous le savons, car les délais peuvent varier grandement d’une MDPH à l’autre sans autre raison que celle d’une différence d’organisation ou de mode de traitement des dossiers.
Pour ce qui est de la prévention et de l’accès aux soins des personnes en situation de handicap, les 10 ans de la charte Romain Jacob sont l’occasion, pour le ministre Yannick Neuder et moi-même, de lancer une mission chargée de recenser les bonnes pratiques et les dispositifs qui donnent des résultats, afin de réfléchir à la manière d’accélérer l’accès aux soins. Je rappelle au passage que le PLFSS pour 2025 prévoit des mesures très importantes en ce domaine, en particulier l’extension aux ESMS – établissements et services sociaux et médico-sociaux – de l’application du programme Handigynéco, qui vise à améliorer le suivi gynécologique des femmes en situation de handicap. Ce n’est pas tout : le PLFSS permettra également de financer une enveloppe dédiée aux 15 000 nouvelles solutions pour mieux accompagner les personnes en situation de handicap, dont une partie sera dédiée aux aidants, en particulier pour leur accorder des moments de répit.
Ce sont des propositions qui dépassent l’objet de cette proposition de loi, mais qui concourront à renforcer l’efficacité des réponses que nous apporterons aux besoins des personnes en situation de handicap.
Enfin, je remercie M. Viry d’avoir retiré ses amendements et j’invite les députés qui en auraient déposé d’autres à faire de même afin que ce texte soit adopté conforme et s’applique le plus rapidement possible. Si des amendements étaient maintenus, je me verrais contrainte d’émettre un avis défavorable les concernant.
Discussion des articles
M. le président
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Article 1er
M. le président
La parole est à M. Paul Christophle.
M. Paul Christophle
Il me tenait particulièrement à cœur de m’exprimer à l’occasion de l’examen de la proposition de loi qui vise à améliorer la prise en charge des personnes atteintes de la maladie de Charcot. Cette maladie frappe chaque année plusieurs milliers de personnes en France. L’annonce du diagnostic est un choc pour les malades comme pour leurs familles. Il était urgent de légiférer. Même si ce texte ne suffira pas à résoudre tous les problèmes, il représente déjà un progrès.
Je suis député de la première circonscription de la Drôme, où vit Gilbert Boucher, qui a pris l’initiative de ce texte. Son nom a déjà été cité à plusieurs reprises cet après-midi mais il mérite de l’être encore, ne serait-ce que pour souligner son courage, sa ténacité, son engagement sans faille malgré sa maladie. Ni les intempéries de l’automne ni la froidure de l’hiver ne lui font manquer le moindre événement public destiné à faire connaître cette maladie rare, qu’il s’agisse de cérémonies de vœux ou d’inaugurations, aux côtés des Drômois et des Drômoises, des élus de la circonscription. Son témoignage est d’autant plus important qu’il permet de porter la voix de tous ceux qui ne peuvent s’exprimer aussi librement, mais qui n’en souffrent et n’en pensent pas moins. Qu’il en soit remercié. Je suis heureux, au nom du groupe Socialistes et apparentés, de soutenir sans réserve cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Jean-Michel Brard applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such, pour soutenir l’amendement no 2.
Mme Sandrine Dogor-Such
J’ai bien entendu vos propos, madame la ministre, concernant le délai de traitement des dossiers. La souffrance morale décuple la souffrance physique et ce texte est un premier pas dans le renforcement de l’accompagnement des personnes atteintes de cette maladie incurable et mortelle. J’ai bien compris que vous vous engagiez à prendre toutes les mesures nécessaires pour réduire les délais pour ces malades et, plus généralement, pour toutes les personnes atteintes de maladies rares et handicapantes. Aussi vais-je retirer l’amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Jean-Pierre Taite applaudit également.)
(L’amendement no 2 est retiré.)
(L’article 1er est adopté.)
M. le président
Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par les groupes Ensemble pour la République, Droite républicaine et Horizons & indépendants d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Article 2
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
(L’article 3 est adopté.)
Explications de vote
M. le président
La parole est à Mme Sophie Panonacle.
Mme Sophie Panonacle (EPR)
Je remercie l’ensemble de mes collègues qui vont permettre que soit adopté un texte indispensable. Le combat est encore long pour soutenir les personnes atteintes de la maladie de Charcot, mais nous avons gagné une première bataille.
S’agissant du médicament Qasoldy, la Haute Autorité de santé avait indiqué que l’évaluation était toujours en cours et qu’un nouvel argumentaire présenté par le laboratoire conduirait à ce qu’un nouvel avis soit formulé. Il faut absolument que ce médicament soit autorisé en France, d’autant plus que l’Agence européenne des médicaments a autorisé sa mise sur le marché en février 2024.
Enfin, même si nous avons remporté cette première bataille, nous veillerons, madame la ministre, à ce que les décrets d’application soient publiés sans délai et à ce que les financements nécessaires soient débloqués.
M. le président
La parole est à Mme Ségolène Amiot.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP)
J’insiste à mon tour sur la nécessité de prendre très rapidement les décrets d’application pour que les mesures de ce texte se concrétisent au plus vite. C’est un rappel d’autant plus nécessaire que nous en attendons encore pour des propositions de loi adoptées l’année dernière et il y a deux ans ! Le gouvernement le doit aux patients.
J’en profite également pour vous alerter sur le retard qui pourrait être pris dans le traitement des dossiers des autres malades, qui passeraient après les patients atteints de la maladie de Charcot à qui vous accordez une sorte de coupe-file. Il est grand temps d’envisager une amélioration du financement des MDPH afin que tout le monde puisse recevoir une réponse rapidement, quelle que soit la gravité de son handicap. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Vote sur l’ensemble
M. le président
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 92
Nombre de suffrages exprimés 92
Majorité absolue 47
Pour l’adoption 92
Contre 0
(La proposition de loi est adoptée.)
(Applaudissements sur tous les bancs.)
5. Élection du maire d’une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’une proposition de loi adoptée par le Sénat
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à permettre l’élection du maire d’une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet (nos 457, 909).
Présentation
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la ruralité.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité
Nous allons débattre à présent d’un problème propre aux communes nouvelles, que les différentes lois successivement adoptées à leur sujet n’ont pas pu traiter. François Rebsamen, et tout le gouvernement à travers lui, s’est engagé à ce que la loi prenne en compte les particularités du terrain et s’y adapte. Nous allons donc nous attacher à remédier à une situation singulière, dont on n’aurait pu imaginer la survenue lorsque nous avons pris les premières dispositions pour les communes nouvelles.
La commune nouvelle est une innovation institutionnelle très importante au service de la différenciation et de la survie de communes fortes et innovantes, si nécessaires à notre territoire. Dans le domaine législatif, on peut voir ces communes comme de rares pépites de liberté territoriale.
Ce dispositif donne des résultats, même si nous n’avons fixé aucun objectif quantitatif, puisqu’il s’agit là d’une sorte de révolution silencieuse, à la main des élus locaux.
Depuis le premier dispositif relatif aux communes nouvelles, pas moins de 2 673 communes se sont regroupées volontairement pour créer 844 communes nouvelles. C’est un succès. En 2024, 46 communes nouvelles ont encore été créées, grâce à un soutien renforcé de l’État depuis la loi de finances pour 2024.
Je salue à cet égard le travail engagé à l’époque par Dominique Faure, le Sénat et l’Assemblée nationale pour sécuriser le devenir des communes nouvelles. Ce travail transpartisan fut très apprécié.
Vous le savez, les communes nouvelles ne se sont pas développées de manière régulière dans tout le territoire. Elles sont ainsi particulièrement nombreuses dans l’ouest, en particulier dans le Maine-et-Loire – je sais combien les députées Nicole Dubré-Chirat et Stella Dupont y sont engagées – ou en Normandie, notamment dans la Manche. Je salue au passage le travail du président de la délégation aux collectivités et à la décentralisation de l’Assemblée nationale, Stéphane Delautrette.
Certains des amendements présentés ce soir sont des propositions intéressantes en ce qu’ils visent à ajuster le cadre juridique pour favoriser le développement de communes nouvelles, qui relèvent, j’y insiste, de la liberté de décision des conseils municipaux.
Le texte que nous examinons traite d’une situation particulière, que personne n’avait prévue. Il ne s’agit nullement de réformer le droit des communes nouvelles, qui appellerait un travail concerté plus long, que nous avons néanmoins entrepris ensemble, avec des associations d’élus ainsi que des députés et des sénateurs, dans le cadre d’un groupe de travail que j’ai relancé en janvier dernier.
Le cas qui nous préoccupe aujourd’hui est celui de Rives-du-Fougerais, commune nouvelle de Vendée, qui a vu le jour le 1er janvier 2024, après la fusion de trois communes de moins de 1 000 habitants. On pourrait se demander pourquoi il convient de légiférer pour une commune si récente. Je vais vous l’expliquer très précisément, d’autant plus que, je le répète, la création d’une commune nouvelle relève de la liberté des élus locaux.
Le code général des collectivités territoriales (CGCT) contient des dispositions transitoires qui permettent aux élus des communes dites historiques, c’est-à-dire préexistant à une commune nouvelle, d’intégrer le nouveau conseil municipal.
Afin d’assurer un alignement progressif sur le droit commun, des dispositifs dérogatoires perdurent à l’issue du premier renouvellement du conseil. Ainsi est-il prévu que la commune nouvelle dispose d’un nombre de conseillers municipaux égal à celui prévu pour une commune appartenant à la strate démographique immédiatement supérieure.
Dans ce cadre, Rives-du-Fougerais est confrontée à une situation très particulière, à savoir la perspective d’une diminution significative des effectifs de son conseil municipal, qui passerait, quelques mois seulement après sa création, de trente-sept à vingt-trois membres. Comment l’expliquer ? Cela tient aux obligations de complétude du conseil municipal imposées aux communes nouvelles – comme à toutes les communes. Pour élire le maire, le conseil municipal doit être complet. Or, dans cette commune de Vendée créée le 1er janvier 2024, le maire est décédé quelque temps après la première réunion du conseil municipal. Ce dernier s’est donc trouvé de facto incomplet et, dans ces circonstances précises, il convenait, en application du droit en vigueur, de procéder à de nouvelles élections générales quelques mois à peine après la création de la commune nouvelle – situation ubuesque et impossible à gérer. Si le décès du maire – dont je salue la mémoire et l’engagement – était intervenu à un autre moment, cette obligation ne se serait pas appliquée.
M. Thibault Bazin
On ne choisit pas la date de sa mort !
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée
Les auteurs de la proposition de loi se sont appuyées sur la disposition de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale – la loi « 3DS » –, qui autorise de manière dérogatoire les communes de moins de 500 habitants à procéder à l’élection du maire malgré un conseil municipal incomplet. Mme Annick Billon, sénatrice de Vendée, et les coauteurs de la proposition de loi proposent d’étendre l’application de cette « exception d’incomplétude » aux communes nouvelles qui auraient à élire leur maire entre leur création et le premier renouvellement de leur conseil municipal. Une telle mesure serait de nature à assurer une stabilité institutionnelle très précieuse. C’est pourquoi le gouvernement soutient cette proposition de loi – et je tiens à saluer l’engagement du rapporteur, qui s’est immédiatement emparé du sujet afin d’y apporter une réponse adaptée.
À l’occasion de l’examen des amendements, nous aurons l’occasion d’évoquer le sujet du temps de lissage de l’effectif des conseils municipaux. Si je suis très attentive à cette question – qui concerne notamment le Maine-et-Loire et la Normandie, où les communes nouvelles se sont constituées à partir d’un grand nombre de communes historiques –,…
M. Thibault Bazin
Il y en a aussi en Lorraine !
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée
…elle ne relève pas directement du débat d’aujourd’hui, car la proposition de loi qui nous est soumise se borne à traiter du cas de l’incomplétude du conseil municipal. Nous pourrons évoquer le sujet dans d’autres circonstances. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Latombe, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Philippe Latombe, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, visant à permettre l’élection du maire d’une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet.
Ce texte technique, court et pragmatique, propose d’assouplir le régime juridique applicable aux modalités d’élection du maire et des adjoints dans les communes nouvelles en cas de conseil municipal incomplet : il s’agit d’éviter que la vacance du maire dans une commune nouvelle venant d’être créée ne conduise nécessairement à une chute brutale de l’effectif du conseil municipal.
Le code général des collectivités territoriales pose le principe de la complétude du conseil municipal : pour procéder à l’élection du maire et des adjoints, le conseil municipal doit être complet au moment de l’élection, sous peine d’annulation du scrutin par le juge administratif. Ce principe garantit que la commune est administrée par un conseil municipal suffisamment nombreux et que le maire est élu par une assemblée qui reflète fidèlement la volonté des électeurs.
Ce principe est essentiel dans le contexte actuel, puisque les conseils municipaux vont devoir procéder à une mise en conformité de la sécurité de leurs systèmes d’information à l’occasion de la transposition de la directive concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de cybersécurité dans l’ensemble de l’Union européenne, dite NIS 2. Les appels d’offres et les décisions qui en découlent doivent être pris par un conseil municipal complet, dans le respect des choix des électeurs.
Lorsque quelques sièges seulement sont vacants, la loi prévoit des procédures qui permettent de compléter le conseil municipal, comme l’organisation d’élections complémentaires ou le recours au « suivant de liste ». Ces procédures permettent d’éviter de procéder au renouvellement intégral du conseil municipal en cours de mandat pour élire un nouveau maire. Toutefois, elles ne peuvent s’appliquer dans une commune nouvelle venant d’être créée. Ainsi, en cas de vacance du maire nouvellement élu dans la période qui suit la création d’une commune nouvelle, les règles en vigueur conduisent généralement au renouvellement intégral du conseil municipal.
Or, dans les communes nouvelles, l’effectif du conseil municipal dans la période qui suit la fusion obéit à des règles dérogatoires. Juste après la fusion, le conseil municipal est composé de l’ensemble des conseillers municipaux des communes fusionnées. Son effectif diminue après le premier renouvellement, pour atteindre l’effectif de droit commun à l’issue du deuxième renouvellement général qui suit la fusion. Cette règle vise à assurer une transition harmonieuse et à permettre aux élus qui ont promu le projet de regroupement territorial de participer à sa mise en œuvre et à son suivi technique et politique.
À l’inverse, en précipitant le renouvellement intégral du conseil municipal, une vacance inattendue conduit à réduire immédiatement et brutalement les effectifs de ce dernier et à évincer une partie des équipes ayant soutenu le projet de rapprochement territorial.
Afin d’éviter une baisse trop rapide du nombre de conseillers municipaux dans les communes nouvelles, la loi du 1er août 2019 a prévu une première exception au principe de complétude du conseil municipal, lorsque la vacance d’un ou de plusieurs conseillers municipaux se produit juste après la création d’une commune nouvelle. Cette dérogation s’est avérée trop restrictive. Elle est en effet limitée à la très courte période qui s’étend de la date de publication de l’arrêté préfectoral prononçant la création de la commune nouvelle à la première réunion de son conseil municipal. Le droit en vigueur ne couvre notamment pas le cas où une vacance survient peu de temps après la première réunion du conseil municipal.
Certes, cette hypothèse n’est pas la plus fréquente, mais elle se vérifie parfois et correspond très exactement à la situation dans laquelle s’est trouvée la commune nouvelle de Rives-du-Fougerais – située dans mon département de Vendée – à la suite du décès du maire quelques mois à peine après la création de la commune nouvelle.
Le texte que nous examinons répond à ces difficultés pratiques. Il étend la dérogation déjà prévue autorisant l’élection du maire d’une commune nouvelle et de ses adjoints par un conseil municipal incomplet jusqu’au premier renouvellement général des conseils municipaux suivant la création de la commune nouvelle, et non plus jusqu’à la première réunion du conseil municipal. Il répond ainsi à un besoin exprimé sur le terrain et corrige une imperfection du cadre actuel qui fragilise les conseils municipaux et nuit à l’attractivité du modèle de la commune nouvelle.
Plusieurs amendements, visant à maintenir ou à renforcer la représentativité des communes historiques au sein des organes délibérants des communes nouvelles, ont été déposés. Le prochain renouvellement général, en 2026, conduira en effet à une diminution des effectifs des conseils municipaux des communes nouvelles bénéficiant encore du régime transitoire. Le rapport de la mission flash de nos collègues Stéphane Delautrette et Stella Dupont s’en est fait l’écho : cette échéance suscite des craintes légitimes, relayées par l’AMF, l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité.
Il me semble que ces propositions nécessiteraient une analyse approfondie et un débat de fond, car elles touchent à la composition des assemblées délibérantes des communes nouvelles, donc au fonctionnement de la démocratie locale. Elles soulèvent des enjeux qui vont bien au-delà de la présente proposition de loi, qui est technique et ciblée. Je demanderai donc le retrait de ces amendements. Toutefois, comme je m’y suis engagé en commission, je souhaiterais, madame la ministre, que nous trouvions à brève échéance un véhicule législatif permettant une discussion sérieuse sur le sujet.
En conclusion, il me semble important d’encourager l’adoption rapide de cette proposition de loi utile et bienvenue, dont l’examen a été ralenti par la dissolution de juin dernier puis par la censure du précédent gouvernement. Je vous invite à adopter ce texte sans modification. (Mmes Stella Dupont et Laetitia Saint-Paul applaudissent.)
Discussion générale
M. le président
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Elsa Faucillon.
Mme Elsa Faucillon
L’adoption de cette proposition loi au terme de son parcours législatif ne fait guère de doute et c’est heureux !
Ce texte, quoique nécessaire, soulève néanmoins des questions concernant notre vision de l’administration des communes.
Pour rappel, la proposition de loi vise à faciliter le fonctionnement des communes nouvellement créées dont le conseil municipal est incomplet en leur permettant d’élire un maire. Cela semble logique et le groupe GDR adhère à cette solution. En effet, organiser une élection au sein d’une commune nouvellement créée contredit les raisons de sa création, à savoir une administration du territoire plus efficace.
Toutefois, nous regrettons que la présente proposition de loi n’aille pas plus loin. Après la période faste des années 2016 à 2019, l’Inspection générale de l’administration, face à la diminution des créations de communes nouvelles, a évoqué en 2022 un « bilan décevant » et des « perspectives incertaines ». Il est donc revenu au législateur la charge d’établir le bilan du dispositif législatif. La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a confié le 8 mars 2023 une mission flash sur le sujet à nos collègues Stella Dupont et Stéphane Delautrette – dont je salue le travail. Ils ont rendu leur rapport en octobre 2023. Dans leurs quinze recommandations, ils soulignent l’importance de mieux accompagner la création des communes nouvelles, tant par la mobilisation des services déconcentrés de l’État que par un meilleur financement des processus.
En 2010 et en 2015, lors de l’examen des précédents textes relatifs aux communes nouvelles, les députés du groupe GDR vous avaient déjà mis en garde contre la logique comptable qui inspire les démarches conduisant aux fusions des communes ; une telle philosophie est bien éloignée de notre attachement aux élus de proximité, dont le travail, qui fait vivre la République au plus proche des administrés, doit être valorisé – tout particulièrement dans une période comme celle que nous vivons, marquée par une crise démocratique.
Nous étions sceptiques quant à cette vision réductrice des élus les plus proches de nos concitoyens et nous le demeurons. Cela est souvent dit et c’est une réalité : les communes sont les premiers maillons de la chaîne démocratique. Nous continuerons à lutter pour qu’elles disposent d’un financement leur permettant de fonctionner.
Si nous ne nous opposerons pas à ce texte – nous voterons même en sa faveur car il apporte une réponse cohérente à un problème déterminé –, nous restons persuadés qu’il convient de revoir l’ensemble du dispositif de création des communes nouvelles à l’aune des connaissances apportées par le rapport d’octobre 2023 et forts de l’expérience des élus municipaux. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – M. Stéphane Delautrette applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme Sophie Ricourt Vaginay.
Mme Sophie Ricourt Vaginay
Il est des lois que l’on croit discrètes, techniques et presque anodines. Pourtant, derrière l’apparente neutralité de ce texte, c’est une part de notre organisation républicaine qui se joue, une page de l’histoire de nos territoires que nous devons écrire avec clairvoyance.
La France est un pays de villages et de clochers (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP), de places ombragées et de conseils municipaux où, depuis des siècles, la République s’enracine. Avec ses 34 000 communes, elle conserve le visage d’une nation de proximité, tissée de liens humains et d’engagements partagés.
Pourtant, cette organisation, née d’un autre temps, vacille sous le poids des réalités contemporaines : les ressources se raréfient, les responsabilités s’alourdissent, les élus s’essoufflent, parfois renoncent. C’est pour répondre à ces défis qu’a émergé l’idée des communes nouvelles, fusion volontaire de territoires, mariage d’histoires et de destins locaux.
Si, au 1er janvier 2024, elles étaient 844, rassemblant 2 575 communes et 2,5 millions d’habitants, le souffle des débuts s’épuise, la dynamique ralentit et, trop souvent, des blocages administratifs viennent freiner l’élan de ceux qui veulent faire vivre cette nouvelle réalité communale.
L’objet de ce texte est simple et pourtant fondamental : permettre au conseil municipal incomplet d’une commune nouvelle d’élire son maire sans convoquer une élection générale.
Il s’agit là d’un gage de stabilité, d’un acte de confiance envers ceux qui ont bâti ces nouveaux territoires municipaux. Une mairie sans maire, c’est un navire sans capitaine et qui risque de sombrer. À l’heure où les communes nouvelles peinent déjà à séduire, devons-nous vraiment leur imposer l’instabilité, l’incertitude et la rigidité des procédures ? La présente proposition de loi est une bouée lancée aux communes nouvelles, une main tendue aux élus qui, jour après jour, font vivre la République à l’échelle du village.
Cependant, cette mesure ne suffira pas à ranimer l’engagement local. Si elle va dans le bon sens, elle ne saurait masquer une réalité plus grave et plus inquiétante : la lassitude grandissante des élus locaux, l’érosion de l’engagement citoyen, le sentiment d’abandon qui gagne nos territoires.
Les maires et conseillers municipaux ne sont pas seulement les rouages administratifs d’une mécanique républicaine ; ils sont nos veilleurs, les sentinelles de nos quartiers, les artisans du quotidien. Pourtant, combien sont ceux qui, aujourd’hui, se découragent, hésitent à briguer un nouveau mandat ou renoncent face aux obstacles ?
En effet, les défis se font plus lourds, plus nombreux, plus pesants, à commencer par le désengagement citoyen. Autrefois, être élu municipal était une fierté, un devoir, un honneur. Aujourd’hui, trop souvent, c’est une charge dont on se détourne tant la fonction semble ingrate et éprouvante.
Je pense, deuxièmement, à la complexité administrative, avec les normes qui s’accumulent et les responsabilités qui s’empilent. Ce qui relevait autrefois du simple bon sens devient un labyrinthe de règlements et d’injonctions contradictoires.
Je citerai également les transferts de compétences non compensés, avec un État qui se déleste et des communes qui assument – mais avec quelles ressources, quels moyens ? Les dotations ne cessent de diminuer ; comment investir, moderniser et bâtir l’avenir quand il faut gérer le présent avec des budgets chaque année plus contraints ?
Il y a enfin la peur de la responsabilité pénale. Combien d’élus hésitent désormais à signer un arrêté, à lancer un projet, de crainte qu’un détail juridique ne se retourne contre eux ?
Ce texte est donc utile mais insuffisant. Un réveil est nécessaire. Le groupe UDR votera pour la proposition de loi parce qu’elle apporte une solution concrète à un problème précis. Cependant, nous devons aller plus loin. Il ne suffit pas de stabiliser l’édifice, encore faut-il que nous ne laissions pas ses fondations s’effriter. Nous devons redonner à nos élus la confiance, les moyens et la sérénité nécessaires pour exercer leur mandat. Nous devons alléger leurs charges, simplifier leur quotidien, renforcer leur soutien financier et moral. Sans eux, c’est tout l’édifice républicain qui vacille.
Si ce texte constitue une avancée, il doit être le signal d’un engagement plus vaste, plus ambitieux, plus déterminé en faveur de nos territoires et de ceux qui les font vivre. Ne l’oublions jamais : avec chaque commune qui s’éteint, chaque maire qui renonce, chaque citoyen qui se détourne de son engagement, ce sont des pierres de la République qui se fissurent. Avec le groupe UDR et Éric Ciotti, nous ne laisserons pas notre démocratie locale s’effacer dans le silence et l’indifférence. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à Mme Monique Griseti.
Mme Monique Griseti
C’est dans nos territoires, nos villages, nos villes, nos hameaux, en somme nos communes que s’incarne la France et que s’exerce, en premier lieu, la démocratie. Aux bourgs de l’Ancien Régime ont succédé les municipalités et aux municipalités, les communes. L’échelon local le plus proche des citoyens a toujours fait l’objet d’adaptations tout en gardant ses spécificités et son objectif premier : encadrer la vie des administrés dans un ressort territorial donné.
La commune est donc un maillon historique de l’État, un héritage administratif. Elle constitue également une singularité française par rapport à nos voisins européens. C’est pourquoi il faut la préserver et garantir son fonctionnement, ses compétences et, surtout, son rôle essentiel en matière d’expression de la démocratie locale. Néanmoins, cet échelon indispensable doit s’adapter à notre temps, aux nouveaux défis, aux enjeux locaux auxquels il est confronté.
La loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales a créé une structure administrative supplémentaire : les communes nouvelles. Ce dispositif, qui a eu du mal à convaincre les municipalités, rencontre désormais un certain succès. On compte 845 communes nouvelles, fusionnant plus de 2 500 communes. Elles restent soumises aux règles des communes, entre autres celle qui impose que le conseil municipal soit complet pour que le maire et les adjoints puissent être élus.
Ce principe de complétude connaît déjà une exception au profit des communes nouvelles depuis la loi du 1er août 2019, laquelle permet l’élection du maire et de ses adjoints en cas de vacance de siège au conseil municipal survenant avant la première réunion de ce dernier, à condition que la vacance soit inférieure au tiers des sièges.
La proposition de loi du Sénat visant à permettre l’élection du maire d’une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet, aujourd’hui présentée devant la représentation nationale, prévoit une extension de la dérogation de 2019 dans l’hypothèse où la vacance surviendrait peu de temps après la première réunion du conseil municipal.
La modification des dispositions du CGCT aboutirait à assurer l’élection d’un maire d’une commune nouvelle par un conseil municipal incomplet jusqu’au premier renouvellement des conseils municipaux. Une diminution trop soudaine du nombre de sièges occupés et un renouvellement prématuré dans un conseil municipal d’une commune nouvelle pourraient complexifier l’action future de la commune. Cette extension de la dérogation au principe de complétude vise donc à prévenir de telles instabilités alors que des conseillers municipaux ont soutenu, le cas échéant, la création de la commune nouvelle.
Originales, les communes nouvelles deviennent de moins en moins marginales dans l’organisation territoriale. La proposition de loi est pertinente parce qu’elle vient apporter une réponse fonctionnelle à des enjeux et problèmes locaux tout en assurant une continuité dans la gouvernance des communes nouvelles.
Ce texte doit avoir un seul objectif : faciliter l’implantation des communes nouvelles en évitant un renouvellement trop prématuré du conseil municipal. La dérogation au principe de complétude du conseil municipal doit être limitée dans le temps afin que, au terme de la période transitoire d’adaptation, le régime auquel sont soumises les communes nouvelles et celui applicable à toute commune convergent.
Il ne serait pas justifié que des communes nouvelles puissent déroger de façon trop prolongée au quantum légal des conseillers municipaux par strate démographique du seul fait de la fusion, alors que les communes du régime de droit commun doivent s’y soumettre. Le dispositif proposé prévoit des modalités d’adaptation et d’accompagnement des communes nouvelles. Il ne nécessite pas de modification et doit donc être voté dans sa version initiale.
Le groupe Rassemblement national, qui soutient le dispositif des communes nouvelles dès lors que les administrés ont été consultés et s’y sont déclarés favorables, votera en faveur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. François Gernigon.
M. Hadrien Clouet
Il n’y a que lui, aujourd’hui, au groupe Horizons ?
M. le président
C’est l’homme-orchestre !
Mme Christine Arrighi
C’est le Thibault Bazin d’Horizons ! (Sourires.)
M. Thibault Bazin
Ce qui compte, ce n’est pas la quantité, c’est la qualité !
M. François Gernigon
Depuis près de cinquante ans, le législateur s’efforce de lutter contre l’éparpillement communal et d’encourager les regroupements de communes. La diminution du nombre de communes permet aux collectivités territoriales de rationaliser leur gestion, de mutualiser leurs ressources et, surtout, d’apporter plus de services et de proximité à l’échelle d’un territoire.
Je citerai quelques chiffres éclairants : on dénombre en France près de 35 000 communes, contre 12 000 en Allemagne et 8 000 en Italie ou en Espagne ; parmi elles, 83 % comptent moins de 2 000 habitants.
Cependant, cela ne signifie pas que chaque commune doive intégrer une commune nouvelle. Celle-ci doit être encouragée et accompagnée lorsque les femmes et les hommes élus dans leur commune en expriment l’envie.
Je connais bien cette démarche pour l’avoir moi-même entreprise : en ma qualité de maire, j’ai eu le plaisir d’être à la manœuvre lors de la fusion de la commune de Saint-Sylvain-d’Anjou avec celle de Pellouailles-les-Vignes, fusion qui donna naissance à la commune nouvelle de Verrières-en-Anjou – qui compte 8 000 habitants. Dans le Maine-et-Loire, le nombre de communes est passé de 360 à 170 depuis le 1er janvier 2016.
Cette expérience m’a montré toute la richesse et le potentiel de ces regroupements, même s’il est parfois nécessaire de lever certains obstacles pour assurer leur réussite. Celle-ci dépend de la volonté des hommes et des femmes en place, qui doivent rechercher non pas le pouvoir, mais l’efficacité de l’action publique au service d’un territoire.
La présente proposition de loi vise à lever l’un de ces obstacles. Elle introduit une dérogation au principe de complétude du conseil municipal en permettant l’élection du maire et des adjoints d’une commune nouvelle même en cas de conseil municipal incomplet.
Cette mesure peut paraître purement technique mais sa portée est en réalité bien plus large. Ceux qui, dans cette assemblée, ont comme moi exercé un mandat local savent que des imprévus peuvent survenir à tout moment, par exemple un décès ou une démission – un cas de figure qui, malheureusement, devient de plus en plus fréquent.
Dans le cadre des communes nouvelles, ces situations peuvent rapidement provoquer une réduction de l’effectif du conseil municipal et nécessiter l’organisation d’élections complémentaires. Or, loin de garantir la continuité démocratique, de telles élections peuvent écarter les élus des communes historiques, souvent ceux-là mêmes qui avaient défendu la création de la commune nouvelle. Ce phénomène risque de créer une désincitation au regroupement de communes, ce que nous devons éviter.
La proposition de loi trouve le bon équilibre : elle préserve la démocratie locale tout en offrant la souplesse nécessaire pour accompagner les communes nouvelles dans leur développement. Concrètement, elle autorise l’élection du maire et des adjoints sans qu’il soit nécessaire de renouveler intégralement le conseil municipal, et ce jusqu’au prochain renouvellement général des conseils municipaux.
La dérogation reste encadrée : elle ne s’appliquera pas si plus d’un tiers des sièges du conseil est vacant et ne concernera que les communes nouvelles créées après 2020 et n’ayant pas encore organisé d’élections complémentaires.
Le groupe Horizons & indépendants votera en faveur de cette proposition de loi, qui répond à des difficultés de terrain identifiées et constitue un levier supplémentaire pour encourager les fusions de communes, tout en garantissant l’équilibre démocratique auquel nous sommes tous attachés. Nous formulons le souhait que le texte soit adopté conforme afin d’assurer sa promulgation rapide et d’apporter une réponse concrète aux territoires concernés.
M. le président
La parole est à M. Christophe Bex.
M. Christophe Bex
Nous examinons une proposition de loi visant à déroger au principe de complétude du conseil municipal d’une commune nouvelle pour élire un maire. Nous ne sommes pas favorables à la philosophie de ce texte.
Vous dites qu’il permettra d’éviter la multiplication des élections partielles suivant la création d’une commune nouvelle, ainsi que la diminution trop rapide du nombre de conseillers municipaux et l’éviction des élus qui étaient à l’origine du projet de commune nouvelle.
Pour rappel, le statut de commune nouvelle a été créé pour lutter contre l’émiettement communal. Vous forcez l’intercommunalité en imposant par le haut des objectifs de rationalisation, de mutualisation et de réduction. Nous n’avons rien contre la libre association des communes tant qu’elles le souhaitent et que les citoyens partagent ce choix. Il faut que l’intercommunalité et la fusion naissent d’un désir.
Cela soulève la question de la libre administration des collectivités territoriales, un principe à valeur constitutionnelle qui n’est évidemment pas respecté lorsqu’elles sont empêtrées dans de profondes difficultés financières. D’ailleurs, les élus locaux ne s’y trompent pas. Permettez-moi de rappeler le bilan très décevant de la politique de fusion des communes : trente-trois communes nouvelles seulement ont été créées entre 2019 et 2024 !
Certes, compte tenu des difficultés rencontrées ces dernières années par les communes, de la baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF), des suppressions d’impôt, de la complexification des compétences, la prime financière accordée au terme de la fusion peut faire céder certains élus, qui cherchent ainsi à obtenir de meilleures dotations. Toutefois, ces mouvements de fusion et de réduction des budgets affaiblissent les communes – socles de la République, héritées de la Révolution et gardiennes des services publics au plus près des citoyens et des citoyennes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) La concentration, la fusion, la métropolisation, les mégarégions brisent les services publics, complexifient la répartition des compétences, allongent les distances entre le domicile, le travail et les services, vident les campagnes des emplois qualifiés et éloignent toujours davantage les citoyens.
M. Jean-Pierre Taite
Il faut être maire pour comprendre !
M. Christophe Bex
On ne connaît plus les élus des assemblées ainsi créées, ce qui pose de sérieux problèmes démocratiques. Or l’enjeu est bien là ! Des contre-exemples au modèle communal actuel existent, qui mettent en avant le respect de la citoyenneté et la participation de tous au processus décisionnel : c’est le cas à Kingersheim, en Alsace, où des conseils participatifs sont organisés, pour une démocratie de construction. Ce dont nous avons besoin, ce sont des élus et des institutions au plus près des citoyens et des citoyennes.
En commission, vous avez pointé du doigt les difficultés techniques pour organiser de nouvelles élections. Nous considérons que les élections ne sont pas un problème. Au contraire, le vote et le consentement sont au fondement de la légitimité ! Dans de trop nombreux cas de fusion, les citoyens n’ont pas été consultés, puisque ce n’est pas une obligation légale. Vous considérez les élections comme des freins aux ambitions municipales, mais la consultation des électeurs est une nécessaire respiration – surtout sachant que certaines communes nouvelles sont contraintes de défusionner en raison de désaccords.
En commission, M. le rapporteur craignait que notre pays soit submergé par l’organisation d’élections partielles permanentes. Permettez-moi de le rassurer : seules vingt-huit communes sont actuellement concernées !
Imaginons que le statut de commune nouvelle vienne à s’étendre : nous nous retrouverions avec des dizaines de communes qui n’auraient potentiellement pas le droit de se prononcer avant des élections générales ni sur leurs conseillers municipaux ni sur le bien-fondé de la fusion.
D’autres points ont été soulevés en commission par ma collègue Élisa Martin. Une phrase, en particulier, m’interpelle dans ce texte dont l’objectif est de lever l’obstacle qui empêche les élus d’exercer leurs fonctions « dans de bonnes conditions ». Il faut s’interroger sur les raisons de la disparition des maires ; on note un désintérêt des citoyens envers l’engagement et le nombre croissant des maires qui démissionnent doit nous alerter.
La mission flash réalisée par nos collègues Stéphane Delautrette et Stella Dupont formulait des recommandations qui mettaient en avant l’absence de mécanisme de financement spécifique et pérenne, et non pas la technicité du mode d’élection du maire. La complétude ne serait qu’une solution minimale, qui détourne l’attention de la crise que connaissent les élus locaux.
Il est temps de lancer un grand projet de refondation de nos institutions, de la structure de l’État local comme de l’État national, en partant des communes. C’est pourquoi nous ne voterons pas pour ce texte en l’état. Il s’agit d’un vote de lanceur d’alerte pour les communes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Hadrien Clouet
Excellent !
M. Jean-Pierre Taite
Vous ne savez même pas ce qu’est une commune ! Heureusement que votre collègue Boyard n’a pas gagné les élections à Villeneuve-Saint-Georges. Cela aurait été pire !
M. le président
La parole est à M. Stéphane Delautrette.
M. Stéphane Delautrette
La proposition de loi que nous examinons vise à répondre à une situation bien spécifique, à laquelle les législateurs que nous sommes n’avaient pas pensé. En effet, actuellement, une commune nouvelle dont le conseil municipal n’est pas complet ne peut pas procéder à l’élection d’un nouveau maire en cas de vacance du poste, à la suite d’une démission ou d’un décès. La législation lui impose d’organiser une élection municipale, sans autre possibilité.
Or il n’est pas rare que le conseil municipal d’une commune nouvelle soit incomplet avant le premier renouvellement.
M. Jean-Pierre Taite
Bien sûr !
M. Stéphane Delautrette
Il est également de plus en plus fréquent de voir des maires ou des élus démissionner, ce qui, en tant que président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, m’inquiète tout particulièrement. Face au malaise grandissant de nombreux élus locaux qui voient leur capacité d’agir s’affaiblir et leur charge de travail continuellement augmenter, il est impératif – au-delà du texte que nous examinons ce soir – de travailler au plus vite sur une réforme du statut de l’élu local. Une proposition de loi en ce sens, déjà adoptée par le Sénat, pourrait nous servir de véhicule législatif.
Pour en revenir à la présente proposition de loi, le sujet touche particulièrement les communes de moins de 1 000 habitants, qui sont d’ailleurs les plus concernées par la création de communes nouvelles et qui ne peuvent faire appel au suivant de liste en cas de démission, puisqu’il n’y en a pas ; cela les contraint, de facto, à organiser une nouvelle élection en cas de vacance du maire.
C’est pourquoi, afin de limiter la multiplication d’élections partielles dans la période qui suit la création d’une commune nouvelle et de ne pas décourager les élus intéressés par ce dispositif, il est nécessaire de régler le problème. Cette proposition de loi, issue du Sénat, prévoit une solution parfaite et le groupe Socialistes et apparentés votera en sa faveur.
J’aimerais cependant appeler votre attention, madame la ministre, sur un autre sujet inhérent aux communes nouvelles qui nécessitera également de prendre une disposition législative. Dans le cadre d’une mission d’évaluation sur les communes nouvelles, que nous avions menée avec ma collègue Stella Dupont, nous avions été alertés par des maires et des associations d’élus sur la nécessité d’attribuer de manière permanente, et dans une certaine limite, un siège de conseiller municipal supplémentaire pour chaque commune déléguée, à compter du premier renouvellement du conseil municipal de la commune nouvelle.
L’objectif est simple : garantir qu’aucune commune ne soit lésée dans la composition du conseil municipal, en permettant de représenter toutes les communes déléguées. Cette proposition, conforme au rapport que nous avions produit avec ma collègue Stella Dupont, n’est finalement que la continuité du système dérogatoire existant et compléterait utilement notre arsenal législatif sur le sujet.
C’est pourquoi, avec Stella Dupont, nous avons déposé des amendements en ce sens. Nous avons bien compris néanmoins la volonté du rapporteur et du gouvernement d’aboutir à une adoption conforme du texte ; nous sommes donc prêts à retirer nos amendements, sous réserve d’obtenir des engagements de votre part, madame la ministre, sur le sujet – je sais que vous y êtes attentive, puisque vous avez récemment créé un groupe de travail élargi, réunissant députés, sénateurs, associations d’élus et toutes personnes qui travaillent avec vous sur la question. Nous attendons donc de savoir comment il sera possible de remédier à ce problème. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Stella Dupont applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Hadrien Clouet
Le seul LR présent !
M. Thibault Bazin
Non, ce n’est pas vrai !
M. Hadrien Clouet
Ah oui, pardon ! Vous êtes deux !
Mme Élise Leboucher
Mais vous êtes le seul à intervenir à la tribune !
M. le président
C’est qu’on ne se lasse pas de l’écouter ! (Sourires.)
M. Thibault Bazin
Ces dernières années, dans nos régions, des communes et leurs élus ont fait le choix, librement, de créer des communes nouvelles. En France, le statut de commune nouvelle, instauré par l’article 21 de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales – que Mme la ministre connaît bien – est celui d’une commune issue de la fusion de plusieurs communes précédentes. Ce régime remplace les dispositions relatives aux communes associées, issues de la loi Marcellin du 16 juillet 1971.
Le dispositif a connu un certain engouement après l’adoption de la loi du 16 mars 2015 relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes, en raison d’une incitation financière à la création de communes nouvelles. Au 1er janvier 2022, on en dénombrait 784, regroupant 2 561 communes déléguées – c’est loin d’être marginal.
La commune nouvelle n’est pas une simple exception institutionnelle. Elle représente une transformation en profondeur du paysage local, fondée sur un principe constitutionnel essentiel : la subsidiarité – vous avez parlé, madame la ministre, de différenciation des territoires. Ce principe n’est ni technocratique ni abstrait. Il est profondément humain, territorial et démocratique. Il affirme que chaque collectivité doit être responsable de son avenir et organiser ses moyens en mutualisant uniquement ce qui est nécessaire. Il s’agit non pas d’imposer un modèle uniforme, mais de donner aux élus locaux les outils adaptés aux réalités du terrain.
Pourtant, la constitution d’une commune nouvelle s’accompagne de défis spécifiques, notamment en matière de gouvernance. L’élection du maire et des adjoints dans les premières années qui suivent la création peut poser des difficultés, surtout lorsque le conseil municipal se retrouve incomplet. Dans certains cas, cela freine l’exécution des projets municipaux et entrave la continuité de l’action publique locale.
Face à cette situation, un renouvellement intégral du conseil municipal pourrait s’avérer une réponse inadaptée. Cela entraînerait des dépenses importantes, complexifierait les procédures administratives et allongerait inutilement les délais. En définitive, ce sont les habitants qui en subiraient les conséquences, avec une commune fragilisée au moment où elle a le plus besoin de continuité et de stabilité.
Dès 2019, ce problème avait été identifié et des dérogations avaient été introduites pour permettre l’élection du maire, même en cas de vacance de siège, avant l’installation du conseil municipal. La jurisprudence du Conseil d’État ayant empêché le recours au suivant de liste, il était nécessaire d’aller plus loin.
Tel est précisément l’objectif de la présente proposition de loi, déposée au Sénat le 25 avril 2024 par Mme Annick Billon, M. Bruno Retailleau, qui connaît bien le département de la Vendée,…
M. Hadrien Clouet
Ah ça oui !
M. Thibault Bazin
…et Mme Françoise Gatel : permettre l’élection du maire par un conseil municipal incomplet, jusqu’au premier renouvellement général. Cette mesure garantit la continuité institutionnelle et assure la stabilité dont les communes nouvelles ont besoin pour fonctionner efficacement. Elle garantit également que les élus à l’origine du projet, véritables bâtisseurs du territoire, seront en mesure de poursuivre leur engagement en faveur de la commune nouvelle, en disposant du temps et des moyens nécessaires pour en assurer l’ancrage et la réussite.
En renforçant l’adaptabilité des communes nouvelles, nous affirmons notre engagement en faveur d’une organisation territoriale fondée sur la proximité, la responsabilité et l’efficacité. Cette approche de terrain – mon collègue Jean-Pierre Taite pourrait en témoigner – repose sur une conviction forte : les territoires sont les mieux placés pour répondre aux défis locaux, bien mieux qu’une gestion centralisée et uniformisée – vous ne direz pas le contraire, madame la ministre.
C’est pourquoi, avec Laurent Wauquiez et les collègues du groupe Droite républicaine, nous soutenons pleinement cette proposition de loi de bon sens, qui apporte une réponse pragmatique et nécessaire aux enjeux de gouvernance des communes nouvelles.
M. Hadrien Clouet
Cela se voit : ils sont mobilisés ! (Sourires.)
M. Thibault Bazin
Vous savez, monsieur Clouet, le plus important c’est d’être là au moment du vote !
Mme Élise Leboucher
Nous verrons !
M. Jean-Pierre Taite
Ne vous inquiétez pas. Nous ferons comme à Villeneuve-Saint-Georges ! Nous voterons au bon moment !
M. Thibault Bazin
Il s’agit maintenant d’obtenir un vote conforme avec le Sénat. Adoptons, ensemble, cette extension d’une dérogation existante, car elle permettra de mieux garantir la continuité de la gouvernance des communes nouvelles et de renforcer l’attractivité de celles-ci.
M. Hadrien Clouet
Il n’y a pas de LR dans l’hémicycle !
M. Thibault Bazin
Mettez-vous à la page ! Il n’y a plus de groupe LR ; désormais, c’est la Droite républicaine !
M. le président
Chers collègues, il serait quand même dommage que les échanges se tendent sur cette proposition de loi…
M. Hadrien Clouet
Il n’y a aucune tension, monsieur le président.
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Duplessy.
M. Emmanuel Duplessy
Nous examinons un texte qui est issu du Sénat et traite d’un problème précis : l’élection du maire d’une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet après seulement une réunion sous l’égide de la commune nouvelle.
Nous sommes toutes et tous amenés à discuter régulièrement avec les élus locaux dans nos circonscriptions. Les élections municipales de l’an prochain confirmeront sans doute un constat que nous faisons sur tous les bancs de cet hémicycle : il est de plus en plus difficile de trouver des citoyens prêts à s’engager dans la vie démocratique locale, notamment au sein des conseils municipaux des communes rurales. (Mme Marie Pochon applaudit.)
Le manque d’attrait flagrant pour la fonction d’élu local constitue un sujet de préoccupation constant. Cette situation affecte la vie démocratique en complexifiant la formation de listes et prive parfois de choix nos concitoyens. Nous devrons nous pencher collectivement sur cet enjeu dans les mois à venir.
Nous légiférons aujourd’hui sur la base du cas particulier de la commune vendéenne de Rives-du-Fougerais, créée il y a un an environ par la fusion de trois communes de moins de 1 000 habitants. Le décès du maire étant survenu deux mois après la première réunion du conseil municipal, elle a l’obligation de renouveler intégralement son conseil. Cela aura pour conséquence d’en ramener l’effectif de trente-sept membres à vingt-trois, ce qui est source de frustration pour les élus ayant défendu la fusion.
Au-delà des complexités organisationnelles majeures, du coût des élections et des difficultés de constitution des listes, il apparaît inopportun d’empêcher les élus ayant participé à la création de la commune nouvelle d’œuvrer à son développement jusqu’aux prochaines élections. La logique veut d’ailleurs que les élus qui ont engagé la fusion suivent le lancement des communes nouvelles.
Même s’il est étrange de légiférer sur la base d’un seul exemple, au moins vingt-huit communes nouvelles pourraient se trouver dans une situation similaire. Nous apprécions donc que le Sénat se soit emparé du sujet. Nous voterons ce texte conforme afin qu’il puisse entrer en vigueur le plus rapidement possible. (Mme Marie Pochon applaudit.)
Toutefois, je profite de l’occasion pour rappeler que le groupe Écologiste et social milite pour une réforme d’ampleur du statut de l’élu local. Nous devons aller plus loin et proposer une formation, une protection et des indemnités adéquates pour tous les élus et, surtout, la sanctuarisation des moyens tant financiers qu’humains. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – M. Stéphane Delautrette applaudit également.)
Nous plaidons aussi en faveur d’une meilleure articulation entre la vie professionnelle et la vie d’élu. Le fonctionnement de la démocratie locale repose beaucoup trop sur l’engagement de milliers de nos concitoyens et de nos concitoyennes qui sacrifient des pans entiers de leurs vies, personnelles et professionnelles, pour faire vivre nos institutions locales et la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Marie Pochon applaudit également.)
Nous appelons également de nos vœux un meilleur accompagnement des élus, par la systématisation d’une période de formation en début de mandat, l’octroi de droits spécifiques aux primo-élus et une formation continue aux enjeux environnementaux, à la prévention des violences sexistes et sexuelles, aux outils numériques, à la déontologie, à la prévention des conflits d’intérêts ainsi qu’à la gestion des risques.
Les travaux lancés par Stéphane Delautrette, en tant que président de la délégation aux collectivités territoriales, ont d’ores et déjà permis de trouver des points de convergence entre les groupes politiques. (Mme Marie Pochon et M. Roger Vicot applaudissent.) Nous espérons qu’une réforme verra rapidement le jour afin de faciliter le travail et l’engagement des élus locaux et de permettre aux collectivités de fonctionner le mieux possible pour enfin répondre aux besoins de leur population.
Je souhaite enfin réagir aux rumeurs qui circulent dans la presse s’agissant de la réforme du mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille, seulement un an avant les prochaines élections municipales. Modifier le mode de scrutin d’une élection quelques mois avant que les électeurs soient appelés aux urnes n’est pas un idéal de démocratie. On ne change pas les règles du jeu juste avant le début de la partie. (Mme Marie Pochon applaudit.)
Mme Marie Pochon
Eh oui !
M. Emmanuel Duplessy
Cette réforme ne faisant l’unanimité ni à l’Assemblée nationale ni au Sénat, je veux interpeller le gouvernement : prenez le temps du consensus, du dialogue et de la sérénité ; repoussez l’éventuel examen de la réforme à une date ultérieure aux prochaines élections municipales.
Mme Christine Arrighi
Le gouvernement ne cherche pas le consensus !
M. Emmanuel Duplessy
Il ne faut pas changer des règles complexes, mais qui ont le mérite d’être connues. Un changement de mode de scrutin à la veille des élections risquerait une fois encore d’être perçu comme de la tambouille politicienne, comme on l’a constaté lors de certains redécoupages électoraux. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – MM. Stéphane Delautrette et Hadrien Clouet applaudissent également.)
M. le président
La parole est à Mme Anne Bergantz.
Mme Anne Bergantz
La présente proposition de loi vise à lever des difficultés d’ordre technique liées à l’élection du maire dans les communes nouvelles lorsque le conseil municipal est incomplet. Il s’agit ainsi de déroger au principe de complétude du conseil municipal, prévu par le code général des collectivités territoriales. Ce principe impose que, pour qu’un conseil municipal puisse élire un maire et ses adjoints, aucun siège ne soit vacant, ou bien qu’un élu démissionnaire ait été remplacé au préalable par son suivant de liste.
Appliqué aux communes nouvelles, le principe de complétude s’avère source de blocages lorsqu’une démission intervient avant l’élection du maire, dans la mesure où il n’est pas possible de faire appel au suivant de liste afin de pourvoir le siège vacant. En effet, la commune nouvelle possède non pas une liste unique de remplaçants, comme n’importe quelle autre municipalité, mais plusieurs listes issues des différentes élections municipales des collectivités d’origine.
En l’état actuel du droit, la seule porte de sortie pour remédier à ce problème de siège vacant est le déclenchement de nouvelles élections municipales. Du point de vue de la rationalité politique et administrative, ce retour aux urnes n’est pas une solution satisfaisante. Il n’est pas légitime d’imposer un processus électoral à une commune qui vient de se former et qui n’aspire qu’à la stabilité.
Cela est d’autant plus vrai que dans les communes nouvelles, la loi prévoit une diminution de l’effectif du conseil municipal à chaque renouvellement intégral de ce dernier, l’objectif étant de donner du temps à la collectivité pour arriver progressivement au nombre d’élus correspondant à sa strate. Convoquer de nouvelles élections dans une commune qui n’a pas pu se choisir de maire à cause d’un seul siège vacant revient à amputer d’emblée le conseil d’une partie de ses membres et à la priver d’un processus d’accompagnement. Nous ne pouvons pas nous résoudre à cette situation profondément injuste.
Face à ce constat, une première dérogation avait été introduite en 2019. Il s’agit ici d’aller plus loin et de remédier aux difficultés qui subsistent lorsque la vacance survient peu de temps après la première réunion du conseil municipal.
Tel est le cas de la commune de Rives-du-Fougerais, dont la situation a motivé la proposition de loi. Grâce à la dérogation prévue par la loi de 2019, cette commune nouvelle avait pu se réunir pour désigner son maire malgré deux sièges vacants. Le décès du maire peu de temps après sa désignation a rendu impossible toute élection d’un remplaçant, car le premier conseil municipal dérogatoire au principe de complétude avait déjà eu lieu.
Même si la configuration rencontrée par cette commune est très particulière, il est de notre devoir d’assurer un cadre juridique sécurisé à l’ensemble des communes nouvelles, donc de parer à toute éventualité de ce type. Nous devons cette rigueur aux élus locaux qui, un peu partout sur le territoire national, acceptent de s’engager dans une démarche courageuse de fusion de communes. Tel est l’esprit de l’article unique de ce texte très attendu par les élus et les habitants de la commune concernée. Bien entendu, dans le cas où plus d’un tiers du conseil municipal serait vacant, un retour aux urnes demeurerait nécessaire avant de procéder à l’élection du maire.
Je salue le travail effectué par mon collègue rapporteur Philippe Latombe, qui, en défendant ce texte en provenance du Sénat, nous permet de préserver la stabilité institutionnelle des communes nouvelles. Le groupe Les Démocrates votera naturellement en faveur de cette proposition de loi qui garantit à la fois la continuité de la gouvernance municipale et l’exercice des responsabilités locales dans un cadre juridique sécurisé.
M. le président
La parole est à M. Vincent Caure.
M. Vincent Caure
Nous examinons la proposition de loi sénatoriale visant à permettre l’élection du maire d’une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet. Son article unique donne à un tel conseil municipal la possibilité d’élire le maire d’une commune nouvelle avant le premier renouvellement suivant sa création.
Comme en commission, le groupe Ensemble pour la République votera pour ce texte, parce que nous soutenons les élus locaux et que nous pensons que les communes nouvelles et les incitations à rationaliser la carte communale française au profit de communes plus fortes et plus efficaces vont dans le sens de l’histoire.
Il importe de favoriser ce phénomène, qui, loin d’être anodin, réunit déjà 2 680 anciennes communes et presque 3 millions de Français dans plus de 800 communes nouvelles. Rappelons que la moitié des communes françaises compte moins de 500 habitants. Il y a un vrai travail à mener pour améliorer la qualité de l’action communale, au plus près de nos concitoyens.
Regardons hors de nos frontières : le sentiment d’efficacité du bloc communal n’y est pas moindre – il est parfois supérieur. Il existe 10 000 communes au Royaume-Uni et 300 en Suède, là où notre carte communale en compte plus de 35 000.
Le principe de complétude du conseil municipal, mentionné à l’article L. 2122-8 du code général des collectivités territoriales, implique que le maire et les adjoints d’une commune ne peuvent être élus que par un conseil municipal complet. Des règles existent pour les communes anciennes et installées pour pourvoir les sièges vacants. Ces règles, qui varient en fonction de la strate démographique de la commune concernée, ne fonctionnent pas pour les communes nouvelles, en particulier pour les plus petites. En effet, en conduisant à un renouvellement général, elles entraînent une diminution anticipée et brutale du nombre d’élus, alors que l’esprit du législateur était de favoriser une réduction progressive. Elles nuisent à la stabilité des communes nouvelles et à l’engagement des élus qui ont défendu les projets de fusion.
Eu égard à ces écueils, l’état positif du droit ne rend pas suffisamment attractif le modèle de la commune nouvelle. Une réforme est plus nécessaire encore en milieu rural, où il est de plus en plus difficile de constituer des listes complètes dans la perspective du renouvellement des conseils municipaux.
Pour remédier à ces difficultés contre-productives pour nos élus locaux, donc pour assurer la bonne marche de la démocratie locale et encourager la création de communes nouvelles, le législateur a légitimement introduit une première dérogation en août 2019. Elle visait à permettre à l’exécutif d’une commune nouvelle d’être élu par un conseil municipal incomplet en cas de vacance de siège intervenant avant la première réunion du conseil municipal suivant la création de la commune nouvelle. Il nous revient de prolonger cette mesure positive et nécessaire afin de rapprocher l’état du droit de la réalité vécue par les élus locaux.
Ce premier pas demeure en effet incomplet : le régime dérogatoire ne couvre qu’une trop courte période, de la création de la commune nouvelle à la première réunion de son conseil municipal. Il convient que nous complétions notre arsenal législatif. L’article unique de la proposition de loi étend l’exception introduite par la loi de 2019. Alors que la première dérogation était centrée sur la seule première réunion du conseil municipal, nous étendrons, je l’espère, cette dérogation jusqu’au premier renouvellement général des conseils municipaux dans les communes nouvelles.
Pour toutes ces raisons et conformément aux débats que nous avons eus en commission, le groupe Ensemble pour la République considère que ce texte, qui allie pragmatisme et efficacité, est nécessaire et utile pour faciliter la transition des anciennes communes vers les communes nouvelles et garantir l’attractivité de leur modèle. Nous y sommes donc favorables et le voterons conforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à Mme Stella Dupont.
Mme Stella Dupont
Il y a dix ans, la loi Pélissard visait à encourager la création de communes nouvelles afin d’offrir aux élus un cadre plus adapté pour organiser leurs territoires tout en maintenant une proximité avec les habitants. Après la dynamique observée dans les années 2016-2019, le rythme de création des communes nouvelles s’est essoufflé.
C’est pourquoi, en 2023, mon collègue Stéphane Delautrette et moi-même avons conduit une mission, au sein de la délégation aux collectivités territoriales, à l’issue de laquelle nous avons formulé quinze recommandations en vue de lever les freins constatés à la création et au bon fonctionnement des communes nouvelles. Certaines d’entre elles sont déjà appliquées, notamment l’évolution des dotations aux communes nouvelles de plus de 10 000 habitants, très nombreuses désormais en Maine-et-Loire, département qui comptait 363 communes avant le mouvement de constitution des communes nouvelles contre 176 aujourd’hui – ce qui constitue une dynamique très forte en matière d’organisation territoriale.
En tant que parlementaires, il nous revient d’écouter les élus qui nous signalent les obstacles susceptibles de freiner ces projets territoriaux et d’apporter les ajustements nécessaires. La proposition de loi que nous examinons vise à permettre l’élection du maire et des adjoints d’une commune nouvelle même si son conseil municipal est incomplet, sans passer par un renouvellement intégral des sièges vacants. Je soutiens évidemment cette mesure.
Permettez-moi néanmoins de formuler une autre proposition, déjà évoquée par d’autres orateurs : il s’agit d’attribuer durablement un siège supplémentaire de conseiller municipal par commune déléguée. En effet, la loi prévoit une phase transitoire dans laquelle le nombre de conseillers est temporairement augmenté : « le conseil municipal comporte un nombre de membres égal au nombre prévu […] pour une commune appartenant à la strate démographique immédiatement supérieure. […] » – je m’arrête là car la disposition est technique. Ce bonus, appelé « bonus Gatel » en hommage, madame la ministre, à votre engagement pour la promotion de ces regroupements de communes, est pleinement en vigueur,…
M. Thibault Bazin
Heureusement que ce n’est pas le « malus Gatel » ! (Sourires.)
Mme Stella Dupont
…mais le droit positif prévoit un retour à l’effectif légal à partir du deuxième renouvellement général, soit à compter de 2026 s’agissant des communes constituées avant 2020. Pour certaines communes nouvelles, il pourrait s’agir d’une perte de la moitié de l’effectif du conseil municipal, ce qui risque d’affaiblir la représentation locale et la proximité entre les élus et les citoyens – enjeu évoqué par plusieurs orateurs.
Prenons un exemple évocateur, celui d’une commune du Maine-et-Loire. Avant leur regroupement, les douze communes historiques de Chemillé-en-Anjou comptaient un total de 198 conseillers municipaux. Dans la phase transitoire, avec le « bonus Gatel », ce nombre a été ramené à 67 conseillers. À partir du deuxième renouvellement, en 2026, si la loi en vigueur n’est pas modifiée, ce nombre devrait chuter à 35. Vous comprendrez qu’en l’absence d’évolution législative, il deviendrait alors plus difficile, voire impossible, d’assurer la représentation démocratique des territoires historiques au sein d’un conseil municipal – objectif illusoire si plusieurs listes sont en concurrence.
Monsieur le rapporteur, madame la ministre, j’ai bien noté votre souhait d’un vote conforme à la version du Sénat afin que la loi soit promulguée avant mars. Je ne comprends pas une telle nécessité : dans la mesure où le gouvernement a engagé la procédure accélérée sur la proposition de loi, une nouvelle lecture rapide est tout à fait possible au Sénat. Je trouve regrettable que ce texte qui traite des communes nouvelles n’aborde pas l’enjeu que représente l’effectif de leur conseil municipal, surtout dans la proximité de l’échéance de mars 2026 : il y a urgence à légiférer rapidement pour apporter des réponses aux nombreuses communes nouvelles, qui veulent que leur conseil municipal soit pleinement représentatif des communes historiques.
Chez moi, on a l’habitude de dire qu’un tiens vaut mieux que deux tu l’auras. C’est pourquoi j’espère que nos débats permettront de dégager une solution de compromis qui rassurera les communes nouvelles dans la perspective des futurs scrutins et qui leur donnera de la visibilité et de la lisibilité. (M. Emmanuel Duplessy applaudit.)
M. le président
La discussion générale est close.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Latombe, rapporteur
Cette proposition de loi déposée au Sénat a pour origine la situation dans laquelle s’est trouvée la commune nouvelle de Rives-du-Fougerais, créée à partir de la fusion, préparée avec les services préfectoraux – pratique courante dans le département de la Vendée –, de trois communes de moins de 1 000 habitants qui, dans un projet territorial travaillé de longue haleine, ont décidé de poursuivre leur chemin ensemble. Malheureusement, le décès du maire, deux mois après la première réunion du conseil, a plongé cette commune nouvelle dans des difficultés juridiques incommensurables.
En effet, les questions étaient nombreuses. Quand organiser de nouvelles élections ? Avec quel corps électoral ? Selon quel mode de scrutin, puisque, la commune nouvelle dépassant les 1 000 habitants, il fallait constituer des listes selon la règle de la parité – principe que je ne remets pas en cause mais qui, dans l’urgence et dans les communes rurales, peut s’avérer problématique ?
Mme Karen Erodi
Ça dépend !
M. Philippe Latombe, rapporteur
Beaucoup d’autres communes nouvelles en Vendée sont fondées sur le principe de la construction territoriale et sur l’objectif de réaliser un projet territorial pour les habitants. Cette proposition de loi ne vise pas à éloigner les citoyens du vote.
Mme Zahia Hamdane
Mais si !
M. Philippe Latombe, rapporteur
Elle tend à faciliter les projets de construction territoriale et les réflexions sur les objectifs de la commune nouvelle – par exemple en matière de travaux à réaliser sur l’ensemble du territoire communal –, qui demandent une vision à long terme de la part d’élus qui vivent très mal, ce qu’on peut comprendre, les difficultés dans lesquelles ils sont plongés. En partant d’un cas particulier vendéen, le Sénat et l’Assemblée ont estimé à vingt-huit le nombre de communes susceptibles de se trouver dans une situation similaire.
La proposition de loi initiale comportait un second article, retiré à bon escient par la commission des lois du Sénat et qui n’a pas été réintroduit en séance ; nous n’avons pas voulu le reprendre parce qu’il soulevait un problème de constitutionnalité. Le texte qui vous est finalement présenté est donc circonscrit à un cas très spécifique mais il permettra de simplifier la vie des élus sans pour autant changer la démocratie locale. Comme je l’ai dit lors de la présentation, il est très technique et ciblé.
Vous avez aussi exprimé le souhait d’aborder les conclusions de la mission conduite par M. Delautrette et Mme Dupont, s’agissant des modalités de la modification du statut des communes nouvelles ou de l’élection de leur conseil municipal. Je l’entends parfaitement, mais ce n’est pas l’objet de la proposition de loi déposée au Sénat. Chacun d’entre vous l’a noté – Mme Faucillon la première : cette mission est un élément important de notre réflexion. Je l’avais dit en commission des lois et je le redis : même si ce n’est pas le sujet de la proposition de loi, il convient de souligner, à l’occasion de notre discussion, l’importance du travail fourni et du rapport réalisé dans le cadre de cette mission flash, en particulier l’ensemble des recommandations qui ont été formulées.
À cet égard, les trois amendements déposés, dont nous allons débattre dans un instant, proposent des solutions distinctes, illustrant ainsi trois visions des choses légèrement différentes et démontrant surtout l’utilité d’un débat de fond : voulons-nous prendre des mesures provisoires ou définitives ?
Vous avez presque tous évoqué la question du statut de l’élu territorial, de son découragement et de la difficulté de l’engagement citoyen. Là encore, cette question demande un débat spécifique, auquel je suis prêt, ainsi que Mme la ministre – elle est une des premières à avoir soulevé l’importance du sujet au Sénat et elle nous le confirmera probablement dans un instant. Ce n’est pas l’objet de cette proposition de loi, qui – je le répète – répond à un problème très spécifique.
S’agissant de la question de la démocratie, évoquée par plusieurs d’entre vous, il est vrai que les fusions de communes peuvent ne pas correspondre à la volonté de la population, voire résultent parfois de la volonté d’élus qui décident dans leur coin. Cela est arrivé dans ma circonscription, pas très loin de Rives-du-Fougerais, à Essarts-en-Bocage, commune nouvelle créée par la fusion de quatre communes. À la fin du premier mandat du conseil, des habitants ont souhaité la séparation. J’ai été le premier à écrire au préfet à ce sujet. Une consultation publique et une enquête publique ont été réalisées et une décision de modification de la géographie communale a acté le détachement de deux communes déléguées. Là encore, ces questions devront faire l’objet d’un débat, dans un cadre plus global.
D’autres textes sont d’ailleurs déjà en discussion au Sénat ; nous pourrons certainement y introduire des amendements qui seront l’occasion de débattre des modifications que vous proposez, dans le cadre d’une réflexion de fond, au-delà du seul sujet qui nous réunit aujourd’hui, à savoir la possibilité d’élire le maire d’une commune nouvelle avec un conseil municipal incomplet.
Notre principal enjeu est d’aider les élus à sécuriser leur décision. Le cas de Rives-du-Fougerais illustre le risque, pour l’élu qui fait office de maire en attendant la nouvelle élection, de prendre des décisions juridiquement contestables et fragiles. Or les communes nouvelles ont besoin de décisions juridiquement solides, d’autant plus que la directive européenne NIS 2 – que j’ai rapidement évoquée et qui vise à renforcer la cybersécurité des organisations – aura des répercussions sur les communes qui souhaitent se regrouper mais dont les systèmes d’information sont très différents. Quand un élu connaît bien le sujet des systèmes d’information et qu’il est garant de la protection des données personnelles des citoyens de la commune, il est absolument nécessaire qu’en cas de décès du maire, la commune ne soit pas à la merci d’une nouvelle élection qui fragiliserait le travail de cet élu.
C’est pourquoi, pour sécuriser juridiquement les décisions des communes nouvelles, il est nécessaire de reporter l’élection du maire et du conseil municipal complet au renouvellement intégral suivant et non de la provoquer, comme ce qui est arrivé à Rives-du-Fougerais, à la suite d’un décès, qui n’est pas une démission et qui, de surcroît, constitue un drame. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre et nous proposons donc de voter le texte conforme à la version du Sénat.
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Nous avons droit à un « bonus Gatel », comme disait Mme Dupont ! (Sourires.)
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée
En écho à ce qu’a dit très justement le rapporteur, dont je partage la totalité du propos, je vais essayer de répondre à chacun des orateurs.
À Mme Faucillon, je veux dire que la constitution des communes nouvelles n’a rien d’une logique comptable. C’est d’abord et avant tout – plusieurs l’ont dit – un projet de territoire, conduit souvent courageusement par des hommes et des femmes et qui construit un avenir pour beaucoup de communes. Je ne suis pas déçue du bilan en la matière. Je ne sais pas s’il est satisfaisant ou pas, mais je constate qu’un certain nombre d’élus ont engagé d’eux-mêmes une évolution en décidant que leur avenir allait se faire à plusieurs. Cette démarche est, dans le droit français, la seule pépite de liberté qui permette à des collectivités et à des élus de décider eux-mêmes de leur avenir. C’est bien un signe de confiance dans leur responsabilité.
Madame Ricourt Vaginay, vous avez parlé de la France comme d’une « nation de proximité ». Vous avez raison, mais les Français y ajoutent une exigence d’efficacité. Autrefois, des générations entières vivaient et même décédaient dans le même village. Ce n’est plus le cas : aujourd’hui, nos concitoyens choisissent le lieu où ils vont habiter en fonction des services qu’ils vont y trouver – l’école, le service de garderie ou l’emploi. Dieu sait si la proximité, qui est la force des maires, est nécessaire dans notre démocratie, mais il faut l’allier à l’efficacité, qui peut venir de l’intercommunalité et de la mutualisation, mais aussi de la commune nouvelle qui permet d’envisager un avenir commun et d’être plus fort. J’ai aimé votre expression de « mariage de destins ». C’est souvent un mariage de raison, mais c’est aussi un mariage d’amour parce que si l’on ne s’entend pas et si l’on ne partage pas un projet commun, ça ne marchera pas.
Beaucoup d’entre vous ont évoqué les questions financières. Curieusement, la plupart des communes nouvelles qui ont été créées avant 2019 ont été motivées par la frugalité budgétaire.
Mme Nathalie Oziol
Ben tiens !
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée
En effet, il fut une époque où les dotations des collectivités ont diminué de 40 % ; beaucoup d’entre elles ont donc cherché naturellement à améliorer leurs recettes. De plus, avec la covid en 2020, les élus ne pouvaient même pas se réunir physiquement et encore moins, évidemment, définir un projet. De ce point de vue, les projets reprennent un élan nouveau.
Vous l’avez souligné : il faut ranimer l’engagement local. Nous avons avancé dans ce domaine grâce à la loi « engagement et proximité » de 2019 et à la loi « 3DS » de 2022. Nous avons travaillé ensemble – je pense à Dominique Faure, à Stella Dupont, à Stéphane Delautrette ou encore à d’anciens collègues sénateurs – pour sécuriser les finances des communes nouvelles. Grâce aux dispositions du projet de loi de finances pour 2024, la dotation des communes nouvelles ne peut plus diminuer. Je crois pouvoir dire que nous avons tous été au rendez-vous.
Madame Griseti, vous avez raison de parler de la singularité française : la France est le pays d’Europe qui compte le plus de communes. Nous devons respecter cette réalité et renforcer les communes en leur donnant des garanties d’avenir. Toutefois, comme vous l’avez dit, cet échelon local doit s’adapter à notre temps. Ainsi, il pourra conserver la force de la proximité grâce à laquelle, à toute heure du jour ou de la nuit, il se trouve un élu local pour venir au secours de ceux qui sont dans le désarroi.
La formation d’une commune nouvelle résulte d’une démarche concertée. On lui reproche parfois de se faire sans consultation des élus, mais c’est oublier que cette consultation peut se faire de différentes manières. Une telle démarche doit associer les élus, les personnels municipaux et la population. Il faut informer les gens sur les évolutions fiscales qu’elle entraîne, sur l’organisation à venir de la commune ou encore sur le devenir des associations. La fusion constitue donc une démarche collective, s’appuyant souvent sur une logique de vie ou sur une logique associative.
Monsieur Gernigon, vous avez souligné la nécessité de lever certains obstacles pour assurer la réussite d’un regroupement de communes. Comme l’a indiqué M. le rapporteur, tel est l’objet de la proposition de loi. Il s’agit de résoudre une difficulté technique qui empêche certains élus de mener à bien le projet dans lequel ils se sont engagés. Il existe certes d’autres difficultés plus importantes, mais celles-ci nécessitent une réflexion plus approfondie pour être résorbées.
Monsieur Bex, l’esprit de la commune nouvelle réside dans le principe de libre administration. Les élus décident de cette démarche de leur propre initiative. Il n’y a pas de plus grande marque de respect envers les élus que de leur faire confiance.
Nous devons traiter toutes les questions, y compris les questions financières. Je rappelle que le projet de loi de finances pour 2025 prévoit l’augmentation de la DGF, le maintien de la dotation d’équipement des territoires ruraux – DETR – et l’augmentation de la dotation de soutien aux communes pour les aménités rurales. (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Comme certains d’entre vous, j’ai participé à la création d’une commune nouvelle, selon une démarche très pragmatique. Forte de cette expérience, je pense sincèrement que soutenir les communes nouvelles, c’est soutenir l’engagement des élus dans un contexte où il est difficile. S’il devient si compliqué de s’engager, c’est parce que nos concitoyens sont devenus beaucoup plus exigeants qu’ils ne l’étaient. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Où qu’ils habitent, ils demandent certains services que la commune nouvelle est souvent plus à même de fournir que les communes historiques.
Monsieur Delautrette, je salue le travail que vous avez mené avec Stella Dupont. Je crois que nous partageons beaucoup d’idées en la matière. Les communes nouvelles ont évolué. Nous avons engagé, en collaboration avec les associations d’élus, avec des sénateurs et avec des députés, un travail visant à évaluer les dispositifs utilisés et à y apporter des améliorations. De plus, je rappelle qu’aucune commune nouvelle ne pourra être créée avant 2027, puisque cette opération est impossible un an avant les élections municipales. Cela nous laissera le temps d’aborder la question du dispositif dérogatoire. Les amendements déposés sur le texte posent la question de la durée de cette dérogation : doit-elle être pérenne ou temporaire ? La nuance est d’importance, car en l’état actuel du droit, la commune nouvelle est appelée à devenir à terme une commune comme les autres.
Je crois avoir répondu à peu près à tout le monde.
M. Thibault Bazin
Pas à moi !
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée
Je vais vous répondre, monsieur Bazin ! J’ai aussi noté votre copie. (Sourires.) Pour cette transformation qui s’engage, vous avez raison de parler de responsabilité. Je me retrouve dans votre propos : il faut saluer le courage des élus qui entreprennent de bousculer leur quotidien pour préparer l’avenir. À ceux qui me demandaient pourquoi je créais une commune nouvelle, j’ai souvent répondu en citant cette phrase de Lamartine : « Je lis dans l’avenir la raison du présent ». C’est pour donner un avenir à sa commune qu’on peut vouloir en bousculer le présent. C’est un principe de responsabilité. Vous avez qualifié les élus engageant un tel projet de « bâtisseurs du territoire » ; cela me semble tout à fait vrai.
M. Duplessy a déploré le manque d’attrait de la fonction d’élu local. D’ailleurs, vous l’avez tous dit ! Je suis d’accord sur le fait que nous devons soutenir l’engagement des élus locaux, qui est d’ailleurs plus citoyen que politique. Des initiatives parlementaires ont été engagées en la matière.
Un acteur célèbre disait : « Il est temps de conclure. » (Rires.) Il est temps de conclure sur le statut de l’élu – et je vais conclure, moi aussi. Il faut que nous avancions.
Madame Bergantz, vous dites qu’il faut préserver la stabilité. Telle est la volonté des auteurs de la proposition de loi.
Monsieur Caure, vous appelez, à raison, à éviter de fragiliser des projets audacieux et courageux dans lesquels il est difficile de s’engager. C’est pourquoi nous avons, en 2019, prévu à titre dérogatoire l’incomplétude des conseils municipaux, dérogation que le texte vise à prolonger.
J’en viens à Stella Dupont, la spécialiste du sujet. Comme vous l’avez souligné, la commune nouvelle n’est pas une mesure anticommune ; bien au contraire, c’est Jacques Pélissard, alors président de l’Association des maires de France, qui a été à l’origine de la loi de 2015 pour des communes fortes et vivantes. Nous serons sans doute en désaccord au moment où il faudra voter les amendements. Nous aurons l’occasion d’en reparler, mais je souscris aux propos du rapporteur : l’objet de la présente proposition est précis et technique. Vos amendements méritent qu’on y prête attention ; ils méritent surtout d’être approfondis et débattus. Pour cela, il nous faut encore un peu de temps, sans reporter aux calendes grecques les dossiers qui doivent avancer.
M. Antoine Léaument
Bien dit !
Discussion des articles
M. le président
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique de la proposition de loi.
Article unique
M. le président
Sur l’article unique de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat.
Mme Nicole Dubré-Chirat
Le texte a certes pour objet de revenir sur l’obligation de constituer un conseil municipal lorsque celui-ci est incomplet, mais il témoigne plus largement de l’importance de la représentation municipale dans les communes nouvelles. C’est pourquoi nous voulons utiliser ce véhicule législatif afin de défendre nos propres communes nouvelles, pour lesquelles le retour au droit commun, qui doit se faire en 2026, pose des difficultés vu le nombre d’élus restants.
Le texte vise à permettre la poursuite d’un projet territorial. Ma circonscription est composée à 85 % de communes nouvelles issues de la fusion de huit à douze communes en milieu rural. Si cette fusion a d’abord été encouragée par le préfet, elle a été mise en œuvre par des élus attachés à leur territoire, à leur histoire et à leur identité, convaincus de mener un projet constructif qui ferait avancer leur commune. Pour cela, ils ont pu s’appuyer sur des aides financières importantes. Or ces élus, par la voix de l’AMF, demandent désormais l’évolution de la taille des conseils municipaux. Ces conseils, qui comptaient autrefois 169 conseillers, n’en compteront bientôt plus que 39, ce qui complique particulièrement la vie des élus municipaux.
Nous avons donc besoin de cette évolution. Nous avons deux possibilités : prolonger la dérogation actuelle sur la durée d’un mandat, ce qui ne me paraît pas satisfaisant, ou bien, comme le demandent les maires, garantir la présence d’un élu municipal par commune déléguée. À chaque proposition de loi, cette mesure est renvoyée à un prochain texte toujours incertain ; or nous avons moins d’un an devant nous.
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
L’article unique de la proposition de loi répond à un besoin concret et urgent des communes nouvelles.
M. Ian Boucard
Un besoin essentiel !
M. Thibault Bazin
Lorsqu’un maire disparaît ou démissionne peu de temps après la création d’une commune nouvelle, l’obligation d’avoir un conseil municipal complet pour procéder à une nouvelle élection peut entraîner une dissolution prématurée – nous, députés, mesurons bien ce que cela représente – et une diminution brutale du nombre d’élus.
M. Jean-Pierre Taite
Il a raison !
M. Thibault Bazin
Le texte vise à substituer au renouvellement intégral du conseil municipal une solution simple et pragmatique. Il permet l’élection d’un maire et de ses adjoints par un conseil municipal incomplet, tout en garantissant que la majorité des sièges restent occupés. Il s’agit donc non de la remise en cause du principe démocratique, mais d’un ajustement technique visant à assurer la continuité des exécutifs locaux et à éviter des élections inutiles et coûteuses. Le groupe de la Droite républicaine soutiendra donc cet article unique qui apporte une réponse rapide et efficace à un problème bien réel.
M. Hadrien Clouet
« Groupe » ? C’est vite dit !
M. Thibault Bazin
Puisque nous parlons de problèmes réels qui appellent une réponse rapide et efficace, je profite de votre présence, madame la ministre chargée de la ruralité, pour sonder vos intentions. Des maires m’interrogent souvent au sujet du transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération, qui doit se faire au plus tard le 1er janvier 2026. De nombreux territoires appellent à un assouplissement. Qu’envisagez-vous ?
Vous venez de citer Lamartine : « Je lis dans l’avenir la raison du présent ». Vous avez également indiqué que vous aviez vous-même créé une commune nouvelle, signe que vous êtes une élue de terrain. En faisant la synthèse de vos propos, je me demande s’il ne faudrait pas, pour rétablir la confiance et retisser un lien de proximité, un texte visant à rétablir le cumul des mandats. (Exclamations et huées sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
Mme Elsa Faucillon
C’est tellement prévisible !
M. Thibault Bazin
Je parle de cumuler non pas quinze fonctions, mais seulement un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale !
M. Jean-Pierre Taite
On va reconnecter les territoires aux mandats nationaux, enfin ! Il y aura moins de bordel à l’Assemblée nationale.
M. Thibault Bazin
Vous qui lisez dans l’avenir la raison du présent, je souhaiterais vous entendre sur ce point, car il importe de savoir comment nous allons remédier à la crise de confiance qui touche notre démocratie représentative. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. le président
La parole est à Mme Stella Dupont.
Mme Stella Dupont
J’ai longtemps été maire dans le Maine-et-Loire, mais je n’ai pas constitué de commune nouvelle ; il s’en est constitué autour de moi. Je suis une observatrice privilégiée, sans parti pris, du phénomène qui s’est développé dans mon département. Il serait d’ailleurs intéressant que notre assemblée mène une mission sur la démarche qui a motivé la formation de communes nouvelles dans le Maine-et-Loire, car celles qui se sont constituées dans ma circonscription ou dans celles de mes collègues Nicole Dubré-Chirat et Denis Masséglia se sont regroupées en une communauté d’agglomération rurale. Celle-ci, la seule de France à ma connaissance, représente 120 000 habitants et couvre une grande partie du département. Elle possède une capacité d’action hors norme qui lui permet, par exemple, de constituer son propre réseau de gaz agricole à l’aide de petits méthaniseurs. Une telle organisation territoriale confère à de petites communes une force de frappe exceptionnelle sur le plan de la transition écologique.
Les élus ont fait un choix risqué et ambitieux. Tous ont d’ailleurs été réélus en 2020, ce qui montre que la fusion de communes n’a pas entraîné de rupture avec la population. Ce n’est certes pas un long fleuve tranquille, et des difficultés subsistent au quotidien, mais c’est un défi relevé collectivement.
Je comprends pourquoi M. le rapporteur et Mme la ministre souhaitent un vote conforme, mais j’insiste : puisque la procédure accélérée a été engagée sur ce texte, la convocation d’une commission mixte paritaire, voire une deuxième lecture, permettrait d’aboutir très rapidement. Nous pourrions même en avoir fini au début du mois de mars. Dans ces conditions, pourquoi ne pas adopter nos amendements ? (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’oratrice.)
M. le président
La parole est à M. Christophe Bentz.
M. Christophe Bentz
La proposition de loi porte sur les collectivités territoriales. Thibault Bazin a évoqué un sujet très important : le transfert – pour l’heure obligatoire – des compétences eau et assainissement vers les EPCI, les établissements publics de coopération intercommunale. Vous le savez, les maires sont très inquiets à ce sujet, en particulier en zone rurale. Nous devions travailler et légiférer sur la question. Pouvez-vous nous garantir que nous pourrons l’examiner avant le 31 décembre prochain ? Surtout, quelle est la position du gouvernement sur ce point ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
M. le président
Madame la ministre déléguée, voulez-vous répondre ? (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée
Nous sommes ici pour examiner une proposition de loi qui porte sur un objet précis, mais cela ne me dérange pas d’évoquer deux ou trois autres sujets qui vous importent. Sans vouloir allonger les débats ni refaire le monde avec vous, je répondrai donc rapidement sur la question de l’eau et de l’assainissement.
Mme Marie Pochon
Pourrons-nous accélérer, ensuite ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée
Préserver la ressource en eau relève de notre responsabilité collective. Nous devons gérer l’eau de manière sage : nous avons des réseaux, qui doivent être renouvelés dans de nombreux endroits ; cependant, nous devons tenir compte du fait que l’eau coule selon des bassins versants, et non selon des périmètres administratifs. La proposition de loi adoptée par le Sénat sur le sujet me semble être d’une grande sagesse, puisqu’elle allie le principe de responsabilité des élus avec le réalisme et l’effort pour adapter les solutions aux différentes situations locales.
J’espère que ma réponse vous convient. (Sourires.)
M. Thibault Bazin
Quid du cumul des mandats ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée
Je ne peux pas tout faire. Je reviendrai !
M. le président
Je mets aux voix l’article unique.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 97
Nombre de suffrages exprimés 97
Majorité absolue 49
Pour l’adoption 73
Contre 24
(L’article unique est adopté.)
Après l’article unique
M. le président
Je suis saisi de trois amendements, nos 3, 2 et 1, portant article additionnel après l’article unique et pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Stéphane Delautrette, pour soutenir l’amendement no 3.
M. Stéphane Delautrette
Pourquoi aborder la question du nombre des membres du conseil municipal dans le cadre d’une proposition de loi qui traite d’un autre sujet, lequel concerne cependant aussi les communes nouvelles ? C’est tout simplement que nous sommes à un an des élections municipales. Si nous ne réglons pas rapidement certaines questions, leur solution ne pourra pas être effective lors des prochaines élections.
Je prendrai de nouveau l’exemple de la commune nouvelle qu’est Chemillé-en-Anjou. Avant leur regroupement, les communes historiques comptaient 198 conseillers ; lors du premier renouvellement, ce nombre a été ramené à 67 ; en l’état actuel du droit, il devrait chuter à 35 en 2026. Les élus, qui acceptent la réduction du nombre d’élus total, nous demandent légitimement d’assurer que chaque commune historique sera représentée dans le nouvel ensemble.
Les trois amendements sont certes différents, mais en fait les amendements nos 2 et 1 sont des amendements de repli par rapport à l’amendement no 3. Ce dernier vise à doter le conseil municipal d’un siège supplémentaire par commune déléguée. Cette disposition est issue des travaux que Stella Dupont et moi avons menés dans le cadre de notre mission flash au sein de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, et qui a donné lieu à une proposition de loi, laquelle n’a pas encore pu être inscrite à l’ordre du jour.
Si nous ne réglons pas cette question dans le cadre de la présente proposition de loi, avons-nous l’assurance que le calendrier législatif autorisera l’inscription à l’ordre du jour d’un texte qui permettra l’application de ces dispositions avant les prochaines élections municipales ? M. le rapporteur a fait état d’une proposition de loi issue de l’Assemblée nationale qui devrait arriver en discussion au Sénat. Serait-il possible d’utiliser ce support législatif ?
M. le président
La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat, pour soutenir l’amendement no 2.
Mme Nicole Dubré-Chirat
Ces amendements ne sont pas contradictoires, mais les amendements nos 2 et 1 sont de repli par rapport à l’amendement no 3.
L’amendement no 2 vise à garantir une représentation plus adaptée, avec un élu supplémentaire par commune déléguée, dans les communes nouvelles regroupant au moins cinq communes. Il s’agit d’une demande des maires. Cela concernerait 112 communes nouvelles, au lieu de l’ensemble des communes nouvelles, au nombre de 845, si nous ne retenions pas ce seuil.
Il s’agit donc d’accompagner les communes nouvelles afin qu’elles puissent envisager la situation après 2026 de manière plus confortable, en maillant mieux le territoire et en maintenant une proximité avec les habitants. Même si je comprends la volonté d’obtenir un vote conforme sur la proposition de loi, nous avons besoin que le gouvernement s’engage à prendre en considération les dispositions prévues par ces amendements dans un délai qui permettra leur application avant les prochaines élections municipales. En effet, cette disposition est très attendue par les maires, qui, sinon, verront les conseils municipaux se réduire drastiquement et rencontreront des difficultés pour revenir sur cette disposition dans une énième proposition de loi.
C’est le moment d’écouter les maires et d’assurer la proximité des élus municipaux !
M. le président
La parole est à Mme Stella Dupont, pour soutenir l’amendement no 1.
Mme Stella Dupont
Ces trois amendements sont complémentaires et ne s’opposent pas, monsieur le rapporteur. Nous les avons élaborés ensemble.
L’amendement no 1 est également un amendement de repli. Ce qui nous importe est d’avoir une solution ; pour cela, nous vous présentons le champ des possibles. L’amendement no 1 tend à proroger pour un mandat supplémentaire la phase transitoire. Reprenons l’exemple de Chemillé-en-Anjou : il y avait 198 élus avant la fusion ; ils sont actuellement 67 et ce nombre devrait chuter à 35 si nous ne changeons pas la loi.
L’amendement no 3 tend à changer la loi de manière permanente, en augmentant le nombre d’élus pour les communes nouvelles. Si cela ne vous convient pas, l’adoption de l’amendement no 1 permettrait de prolonger la période transitoire en maintenant l’effectif actuel à l’issue des élections de 2026,…
Mme Élisa Martin
Si l’on bricole, on ne résout pas le problème !
Mme Stella Dupont
…de sorte que le Parlement ait le temps d’évaluer pleinement les difficultés rencontrées sur le terrain et de proposer un texte plus élaboré, comme Mme la ministre le demande.
Toutefois, il y a urgence – Thibault Bazin le rappelait pour la proposition de loi déposée par Mme Annick Billon, mais cela vaut aussi pour le scrutin municipal qui a lieu l’an prochain. Il est urgent de présenter une solution à ces élus, sinon nous courons le risque, majeur pour la démocratie, que les communes historiques ne soient plus représentées au sein du conseil municipal. Si nous voulons donner des perspectives à ce type d’organisation territoriale, il faut tenir compte de cette demande des élus, qui est légitime.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Philippe Latombe, rapporteur
Pour les raisons que j’ai avancées en commission, je vous demanderai de retirer ces amendements ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
Comme je l’ai dit lors de la présentation du texte, la proposition de loi que nous examinons a un objet très ciblé. Elle vise à répondre à une incohérence du cadre juridique actuel ; elle n’a pas pour objet de réformer le statut des communes nouvelles ou d’en modifier les équilibres.
La question s’était déjà posée au Sénat, où des amendements similaires à ceux que vous présentez avaient été déposés. Les sénateurs les ont retirés pour éviter de multiplier les sujets abordés, car ils souhaitaient eux aussi que la proposition de loi soit adoptée rapidement.
En outre, les amendements que vous déposez ont des conséquences importantes. Ils doivent donc faire l’objet d’un débat de fond et d’une expertise.
Mme Élisa Martin
Bah oui, quand même !
M. Philippe Latombe,, rapporteur
Ils ne peuvent donc être adoptés dans le cadre de cette proposition de loi. Le fait que vous ayez déposé plusieurs amendements qui, s’ils ne sont pas incompatibles les uns avec les autres, proposent des visions différentes, montre bien qu’une question de fond se pose. En effet, les amendements nos 2 et 3 tendent à créer une dérogation pérenne pour les communes nouvelles, en créant un siège supplémentaire par commune déléguée au sein du conseil municipal, ce qui pose deux difficultés, certes pas insurmontables, mais qui nécessitent de discuter. Premièrement, une telle disposition remet en cause l’idée d’une convergence vers le droit commun qui correspond à l’intention initiale du législateur. Deuxièmement, les amendements tendent à augmenter l’effectif du conseil municipal, mais ils ne garantissent pas pour autant la représentation des communes déléguées, puisque les listes des candidats sont composées à l’échelon de la commune nouvelle et qu’il doit y avoir une liberté de composition de la liste. Les amendements ne répondent donc pas entièrement aux objectifs énoncés dans leur exposé sommaire.
Enfin, je vous l’ai dit, les sénateurs, qui avaient déposé des amendements similaires, ont reconnu que cette proposition de loi n’était pas le lieu adéquat, qu’il fallait avoir une discussion consacrée à ce sujet. Ils avaient renvoyé ces questions de fond à la proposition de loi issue de l’Assemblée nationale qui doit être examinée par le Sénat. Mme la ministre vous répondra à ce sujet.
L’amendement no 1 tend à allonger la période transitoire jusqu’au troisième renouvellement général qui suit la fusion. L’effectif du conseil municipal pourrait alors être supérieur au droit commun pendant dix-huit ans au maximum, au lieu de douze si nous ne modifions pas la disposition. Cela pose de vraies questions. L’exposé des motifs de la proposition ayant conduit à l’adoption de la loi du 16 mars 2015 justifie la dérogation par sa nature « exceptionnelle, facultative et limitée dans le temps ». Telle est la rédaction que le Conseil constitutionnel a validée. En outre, ce dernier estime que les assemblées élues au suffrage universel direct doivent l’être « sur des bases essentiellement démographiques » et il exerce un contrôle très strict en la matière. Cela nécessite donc vraiment que nous y consacrions un débat, que nous disposions d’un avis du Conseil d’État…
Mme Élisa Martin
Voilà une idée qu’elle est bonne !
M. Philippe Latombe,, rapporteur
…et que nous puissions interroger le Conseil constitutionnel. La proposition de loi que nous examinons ne le permet pas, car elle a vocation à régler un problème technique et ponctuel, pour lequel une promulgation rapide est essentielle.
Je vous demande donc de retirer les amendements, non parce qu’ils n’auraient pas leur place dans le débat, mais parce que ces dispositions ne l’ont pas dans ce texte-là.
Je laisserai Mme la ministre prendre d’éventuels engagements devant vous. Sachez cependant que nous serons là pour travailler avec vous sur ces sujets. Si nous pouvons avancer rapidement avec le Sénat sur le présent dossier, bien évidemment, je travaillerai avec vous et avec tous les élus qui se sont exprimés lors de la discussion générale.
M. Florent Boudié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Beau signe d’ouverture !
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée
J’abonderai dans le sens du rapporteur.
Je rappelle que l’objet de la présente proposition de loi est d’étendre une disposition existante, qui permet l’élection du maire d’une commune nouvelle en cas d’incomplétude du conseil municipal.
Comme le rapporteur, je considère vos amendements comme des réponses à de vraies questions. Sans doute le lissage de l’effectif des conseils municipaux aboutit-il parfois à des conseils trop resserrés, par exemple quand une commune nouvelle se crée deux ans avant un renouvellement. Je partage donc votre interrogation.
Toutefois, je veux faire quelques commentaires. Chers Stéphane Delautrette et Nicole Dubré-Chirat, vous voulez faire quelque chose d’énorme dans une proposition de loi, en créant un statut particulier de commune à travers la pérennisation d’un dispositif dérogatoire, par l’amendement no 3 pour l’ensemble des communes nouvelles ou, par l’amendement no 2, pour les communes nouvelles composées d’au moins cinq communes – c’est en effet à partir de ce seuil que le problème se pose réellement. Inscrire une telle disposition dans une proposition de loi ne me semble pas équilibré.
Ensuite, je rejoins ce qu’a dit le rapporteur : nous devons prendre le temps d’évaluer, d’apprécier la question et d’associer l’ensemble des acteurs.
L’amendement no 1 tend à allonger la période provisoire, qui prévoit un siège supplémentaire par commune historique. Néanmoins, comme l’a dit le rapporteur, cela ne garantit pas que tous les villages seront représentés.
J’entends avec intérêt cet amendement.
Un député du groupe LFI-NFP
Moins long !
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée
Vous serez moins enthousiaste à la fin…
Je vois bien que vous avez compris que, sans débat sur le fond, il n’était possible de prendre en la matière que des dispositions provisoires. Toutefois, je le répète avec conviction, je ne pense pas qu’il faille inscrire une telle disposition dans ce texte, qui est une proposition de loi. Cependant, je mesure comme vous que le temps presse. Nous en avons parlé : je pense qu’arrivera au Sénat, dans des délais raisonnables, compatibles avec vos souhaits et avec le calendrier des élections municipales, une proposition de loi portant sur le scrutin de liste paritaire.
Je m’engage personnellement à travailler avec vous pour que vos propositions prospèrent et qu’on essaie de faire avancer les choses. Je ne me prononcerai pas à la place du Sénat, naturellement, mais cela me semble possible. Les amendements font écho aux activités du groupe de travail sur les communes nouvelles.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
(Les amendements nos 3 et 2 sont retirés.)
M. le président
Madame Dupont, retirez-vous vous aussi votre amendement ?
Mme Stella Dupont
J’entends les soupirs des collègues, mais le sujet est d’une importance majeure.
Nous tenons particulièrement à cet amendement de compromis, qui ne vise pas à modifier de manière pérenne la loi. Comme l’a expliqué Mme la ministre, la période transitoire serait allongée, passant de six ans d’effectif majoré à douze ans, soit un mandat de plus – cela ne fait donc pas dix-huit ans, monsieur le rapporteur. Si le nombre de conseillers pose problème, la décroissance n’est brutale que pour les très grandes communes nouvelles ; les plus petites, qui en comptent moins de cinq, sont moins affectées.
Il y a six mois, on nous avait dit que le sujet serait évoqué dans le cadre de la proposition de loi de Mme Jacquier-Laforge et que l’on soutiendrait nos propositions. Nous sommes très inquiets – on ne sait jamais de quoi demain sera fait. Certains collègues souhaitent que je maintienne l’amendement, d’autres que je le retire. (Exclamations sur divers bancs.)
M. le président
Le suspense est insoutenable ! (Sourires.)
Mme Stella Dupont
J’entends qu’il faut que la présente proposition de loi soit rapidement adoptée et appliquée – j’ai d’ailleurs échangé à ce sujet avec Annick Billon – et j’ai pris bonne note de ce qu’avait dit Mme la ministre.
M. René Pilato
Il ne faut jamais croire ce que dit une ministre macroniste. Vous le savez, quand même !
Mme Stella Dupont
J’espère que tous les collègues comprendront les difficultés rencontrées par les communes nouvelles et que nous parviendrons rapidement à un accord, au Sénat et à l’Assemblée, dans le cadre d’un autre texte. Ce n’est que partie remise !
(L’amendement no 1 est retiré.)
Explications de vote
M. le président
Sur l’ensembe de la proposition de loi, je suis saisi par les groupes Ensemble pour la République, La France insoumise-Nouveau Front populaire et Horizons & indépendants d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
J’ai reçu des demandes d’explication de vote. (« Oh ! Non ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
La parole est à M. Vincent Caure.
M. Vincent Caure (EPR)
Le groupe Ensemble pour la République votera pour cette proposition de loi qui étend la dérogation introduite en 2019 – valable jusqu’à la première réunion du conseil – au premier renouvellement des conseils municipaux après la création de la commune nouvelle.
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
On le sait déjà !
M. Vincent Caure
Je sais que vous le savez, chers collègues, mais souffrez de m’écouter encore quelques instants.
Cette extension est nécessaire : elle préservera la stabilité des communes nouvelles en évitant un renouvellement général prématuré qui réduirait brutalement le nombre d’élus – phénomène qui est loin d’être anodin, nous l’avons tous rappelé.
Nous nous associons donc aux déclarations des autres groupes et défendons le texte pour deux raisons. D’abord, il permet de soutenir les élus locaux, notamment ceux qui font le choix de s’engager dans des territoires plus difficiles, en milieu rural par exemple. Ensuite, nous sommes convaincus que les communes nouvelles sont un modèle d’avenir et nous souhaitons encourager leur développement en France. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – M. Ian Boucard applaudit également.)
M. Gabriel Attal
Bravo !
M. le président
La parole est à Mme Élisa Martin.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP)
Ces discussions m’étonnent. D’abord, contrairement à ce qui a été dit, elles ne sont pas techniques, elles revêtent un caractère démocratique. On nous répète que les communes nouvelles sont formidables, sans jamais expliquer pourquoi. D’ailleurs, les élus locaux ne se laissent pas prendre à ce dispositif, qui reste très minoritaire. En effet, dans notre pays, l’intercommunalité repose de moins en moins sur des projets, sur une volonté issue de concertations ou sur une vision partagée par les habitants, mais de plus en plus sur une rationalisation forcée. Les termes employés sont révélateurs. Si les élus locaux se soumettent et adoptent ces dispositifs, c’est parce qu’ils n’arrivent plus à faire autrement, notamment pour des raisons financières. Comme on leur dit de ne pas s’inquiéter, qu’ils bénéficieront pendant quelques années de plus de moyens, ils y vont. Le problème, c’est qu’il ne reste très vite que la fane de la carotte financière.
M. Jean-Pierre Taite
Ne nous prenez pas pour des imbéciles !
Mme Élisa Martin
Ensuite, nous savons compter. Avec l’AMF, nous avons bien repéré que 7,5 milliards d’euros manqueraient aux dotations des collectivités. Ce n’est pas une paille ! Le comportement du gouvernement à l’égard du fait budgétaire a validé cette tendance : les maires sont sans cesse confrontés à l’austérité, ce qui laisse la part belle au privé – cela doit vous plaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Emmanuel Duplessy applaudit également.)
Enfin, permettez-moi de rappeler que nous ne sommes pas opposés à la démocratie et au vote, surtout quand il s’agit de mesures fondamentales prises dans le dos des citoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin (DR)
Le groupe de la Droite républicaine soutiendra cette proposition de loi, qui répond à une difficulté concrète rencontrée par une commune de Vendée mais pouvant concerner d’autres communes nouvelles. Si, lorsque des élus locaux rencontrent des difficultés, la représentation nationale ne les prend pas en considération, elle n’incitera pas à la création de communes nouvelles, alors même que ce dispositif est perçu comme intéressant par les premiers concernés.
M. Ian Boucard
C’est un réel problème !
M. Thibault Bazin
Il me semble que les collègues Insoumis confondent les communes nouvelles avec les intercommunalités, alors que ce sont deux choses totalement différentes.
Mme Élisa Martin
C’est vrai : c’est pire !
M. Thibault Bazin
Parmi les députés qui ont pris la parole, certains sont engagés dans des intercommunalités ; et s’ils l’ont fait, ce n’est pas uniquement pour des raisons financières, c’est aussi parce que cela avait du sens, parce que les communes étaient contiguës, qu’elles faisaient partie d’un même bassin de vie ou pour régler certains problèmes du quotidien. C’était la solution la plus pertinente pour les habitants, pour les citoyens.
Mme Élisa Martin
Ils ne sont pas consultés, les citoyens !
M. Thibault Bazin
Je suis désolé de vous le dire, mais vous vous trompez. Vous ne connaissez pas le terrain ! (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vous affirmez que ce dispositif ne concerne presque personne, mais on dénombrait 784 communes nouvelles au 1er janvier 2022.
On a besoin aujourd’hui d’apporter des solutions, problème par problème, et ce texte y contribue. Soyons au rendez-vous !
Nous avons mentionné d’autres problèmes. Nous espérons, madame la ministre, qu’ils seront inscrits à l’ordre du jour de l’Assemblée dans le trimestre qui vient. Évitons les chicayas politiciennes : il y a urgence à remédier à la crise de confiance que traverse notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme Marie Mesmeur
Si vous voulez remédier à la crise de confiance, respectez les élections !
M. le président
La parole est à M. Nicolas Turquois.
M. Nicolas Turquois (Dem)
Je tiens à réagir aux propos de notre collègue de la France insoumise. Avant la loi créant les communes nouvelles, la loi Marcellin de 1971 prévoyait déjà un dispositif d’association de communes, suivant la même philosophie. Ma commune a ainsi été associée à des villages voisins en 1973 et j’ai été l’un de ses maires délégués à partir de 2014.
Si elle répond à une dynamique de projet et qu’elle est voulue, une telle association a du sens. Le problème, c’est lorsque ce mouvement est imposé. Comme je l’ai dit en commission, quand le mariage est le fruit d’un projet, il peut apporter beaucoup. Je m’oppose donc aux propos tenus par Mme Élisa Martin.
Mes collègues du Maine-et-Loire, au nord de mon département, se trouvent dans une situation différente de celle que je viens de décrire, du fait de l’association de nombreuses communes. Ils soulèvent un problème réel : ces très grands regroupements risquent d’être confrontés à un oubli démocratique si une partie des communes qui les constituent n’est pas représentée. Ce n’est pas l’objet de cette proposition de loi, qui a vocation à être adoptée conforme, mais il faudra être sensible à la question dans les textes à venir.
Nous soutiendrons cette proposition de loi, qui règle un problème factuel. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Mme Stella Dupont applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme Laetitia Saint-Paul.
Mme Laetitia Saint-Paul (HOR)
Madame la ministre, je tiens à vous exprimer ma gratitude pour tout ce que vous avez fait pour les communes nouvelles. Mieux que quiconque, vous savez qu’il s’agit de communes à part entière, mais pas comme les autres – un clocher n’est pas un quartier.
Mme Karen Erodi
Une mairie, ce n’est pas un clocher !
M. Christophe Bex
On parle de communes, non de paroisses !
Mme Laetitia Saint-Paul
Le groupe Horizons & indépendants soutient la proposition de loi, comme il soutiendra, le moment venu, la proposition formulée par Stella Dupont par voie d’amendement. La distance entre deux villages d’une commune nouvelle dépassant parfois trente kilomètres, il est en effet nécessaire d’assurer la représentativité de chaque commune historique. Toutes les communes de ma circonscription le demandent. Je sais, madame la ministre, que vous serez à nos côtés dans ce combat, comme vous l’avez été pour maintenir les dotations aux communes nouvelles. Je compte sur votre soutien à tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR, ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)
Vote sur l’ensemble
M. le président
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 97
Nombre de suffrages exprimés 97
Majorité absolue 49
Pour l’adoption 78
Contre 19
(La proposition de loi est adoptée.)
6. Dépôt d’une motion de censure
M. le président
La présidente de l’Assemblée nationale a pris acte du dépôt, aujourd’hui, à dix-sept heures, d’une motion de censure en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, par Mme Mathilde Panot et soixante-treize membres de l’Assemblée nationale, le premier ministre ayant engagé la responsabilité du gouvernement sur l’adoption en nouvelle lecture de la troisième partie et de l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
7. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Discussion de la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra