Première séance du mardi 18 mars 2025
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Questions au gouvernement
- Port du voile islamique lors de manifestations sportives
- Réforme des retraites
- Loi sur l’immigration
- Réforme des retraites
- Relations entre la France et l’Algérie
- ZFE
- Réforme des retraites
- Relations entre la France et l’Algérie
- Réforme de l’audiovisuel public
- Discussions sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie
- Droits de douane sur le champagne et les vins français
- Insécurité dans le monde agricole
- Nouvelle ambition pour les Ardennes
- Suppression de postes chez Thales et Airbus
- Fermetures de classes en zone rurale
- Soutien aux entreprises industrielles en difficulté
- Situation au Proche-Orient
- Programmation pluriannuelle de l’énergie
- 2. Renforcement de la sûreté dans les transports
- 3. Sortir la France du piège du narcotrafic - Statut du procureur de la République national anti-criminalité organisée
- Discussion générale commune (suite)
- Discussion des articles (proposition de loi ordinaire)
- Article 1er
- M. Laurent Mazaury
- M. Michaël Taverne
- M. Ugo Bernalicis
- M. François Ruffin
- M. Florent Boudié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
- M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur
- Amendement no 28
- M. Roger Vicot, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
- Amendement no 835
- Sous-amendement no 968
- Amendements nos 180, 240, 946, 362, 527 et 616
- Après l’article 1er
- Amendement no 454
- Article 1er bis
- M. Ugo Bernalicis
- Amendement no 40
- Article 2
- Article 1er
- 4. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Questions au gouvernement
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.
Port du voile islamique lors de manifestations sportives
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Odoul.
M. Julien Odoul
Monsieur le premier ministre, la lutte contre l’entrisme islamiste est-elle une priorité de votre gouvernement ? (« Ah ! » sur les bancs du groupe EPR.) D’un côté, votre ministre des sports, soutenue par votre ministre de l’éducation nationale, décrète que le port du voile islamique dans le sport n’est pas de l’entrisme religieux. Et votre allié Édouard Philippe refuse son interdiction ; les Frères musulmans applaudissent : Horizons rime avec soumission. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
De l’autre côté, du côté droit, votre ministre de l’intérieur déclare être en « désaccord radical » avec cette position et votre ministre de la justice menace même de démissionner en cas de recul sur la laïcité. Quatre ministres, deux discours, zéro ligne politique ! (Mêmes mouvements.)
Pendant que votre gouvernement affiche ses divisions, l’islam politique avance sans opposition, avec le soutien et la complicité de La France insoumise. (« Eh oui ! » et applaudissements sur quelques bancs du groupe RN – M. Antoine Léaument s’exclame.) Dernièrement, le Sénat a adopté une loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport. Dans le même temps, un rapport que j’ai rédigé avec ma collègue macroniste Caroline Yadan vous a rappelé la réalité des dérives islamistes dans le sport.
Alors que 73 % des Français se disent favorables à l’interdiction du voile en compétition, il faut une réponse ferme et déterminée. Monsieur le premier ministre, il est temps de trancher les graves divergences au sein de votre gouvernement. Allez-vous enfin expulser les islamistes de nos stades, de nos gymnases et de nos piscines ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.) Mettez fin à ces dérives inacceptables en inscrivant la proposition de loi du Sénat à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations
Il n’y a qu’une seule ligne au sein du gouvernement (Sourires sur les bancs des groupes RN et UDR) : c’est celle que défend le premier ministre, et elle est très claire. (M. Julien Odoul trace un quatre de la main.) Il s’agit évidemment de lutter avec détermination contre toute forme d’entrisme islamiste et de soutenir la proposition de loi qui a été examinée et amendée au Sénat. Cette ligne politique est très claire : nous disons explicitement qu’aucun signe religieux ostentatoire ne doit être porté lors des compétitions sportives. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)
Face à vos tentatives de déstabilisation (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN), la ligne du gouvernement est claire et consiste en ceci : refus de l’entrisme islamiste, de l’intégrisme religieux et des signes religieux ostentatoires lors des compétitions sportives ; soutien à la proposition de loi adoptée par le Sénat, dont vous pourrez débattre. Je rappelle que, sur d’autres textes, les voix de votre groupe ont malheureusement manqué (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN) : je pense notamment à la loi relative au séparatisme islamiste, que vous n’avez pas voulu voter, alors que c’est un élément essentiel de la lutte contre l’islamisme. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Odoul.
M. Julien Odoul
En matière de lutte contre l’islamisme, comme sur tous les autres sujets, vous n’avez aucune volonté, aucun courage, aucune ligne politique. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée
La ligne politique est claire (« Non ! » sur les bancs du groupe RN) : elle consiste à ne jamais transiger sur les valeurs et sur les principes républicains. (Mme Anne-Cécile Violland applaudit.) La ligne politique est claire : elle consiste à défendre le principe de la laïcité, qui est associé à celui de la liberté, et non à celui de la séparation. Le principe de la laïcité, tous les membres du gouvernement le défendent. (« Non ! » sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.) Vous, vous le dévoyez (Mêmes mouvements) quand vous voulez l’utiliser contre certains de nos concitoyens, alors que nous, nous le mettons au service de la liberté et de l’égalité, notamment entre les femmes et les hommes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – Mme Anne-Cécile Violland applaudit également. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
Réforme des retraites
Mme la présidente
La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme Clémentine Autain
Monsieur le premier ministre, comment vous exprimer toute notre révolte, notre défiance, notre écœurement ? En une déclaration, vous venez de renier vos propres engagements et de ruiner l’espoir de millions de Françaises et de Français de ne pas subir un départ à la retraite à 64 ans. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS, SOC et GDR ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Alors que le conclave avec les syndicats est au travail, vous venez de fermer la porte à un retour de l’âge de départ à 62 ans, et d’enterrer ainsi tout effort démocratique sur cet enjeu décisif pour la qualité de nos vies, en particulier de celles et ceux qui ont les métiers les plus pénibles.
Lors de votre déclaration de politique générale, ici même devant la représentation nationale, vous disiez pourtant que toutes les questions devaient pouvoir être posées, que rien n’était fermé. Je sais que les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent, mais là, vous abîmez encore davantage une parole institutionnelle déjà agonisante ; vous écrasez la volonté des Français ; vous piétinez les syndicats ; vous méprisez l’avis de l’Assemblée nationale, qui aurait dû être saisie depuis fort longtemps. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et SOC. – M. Stéphane Peu applaudit également.)
Au fond, la stratégie du choc, aujourd’hui, avec votre « économie de guerre », a encore frappé. Si nous devons nous défendre, c’est d’abord contre une vision du monde qui repose sur la loi du plus fort, la marchandisation de tout et n’importe quoi, la violation de la démocratie. (M. Alexis Corbière applaudit.) Face à Trump et à Poutine, c’est précisément un autre choix de société que nous devons affirmer et donner à voir, celui du progrès humain, de la passion de l’égalité, de la mise en commun, de la démocratie active, de ce que j’appelle l’esprit public. C’est aussi la vérité contre les faits alternatifs. Non, il n’y a pas de déficit caché de notre régime de retraite. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et SOC ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) La justice sociale, nous pouvons la financer.
Monsieur le premier ministre, allez-vous revenir sur votre déclaration, qui sonne comme une nouvelle déflagration ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.
M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique
Votre intervention pose deux questions. La première, qui est souvent posée, est la suivante : est-il légitime que les partenaires sociaux soient associés à la réflexion sur un volet aussi important de notre protection sociale que celui des retraites ?
Mme Christine Arrighi
Ce n’est pas du tout la question !
M. François Bayrou, Premier ministre
J’ai considéré depuis le début que leur légitimité était naturelle et qu’elle devait être reconnue. C’est la raison pour laquelle je les ai invités à participer à ce travail, qui est en cours.
M. Inaki Echaniz
Ce n’est pas la question !
M. François Bayrou, premier ministre
On m’a par ailleurs demandé, au détour d’une interview, s’il était à mes yeux possible de revenir à l’âge de départ à 62 ans, c’est-à-dire d’abroger la réforme des retraites. J’ai répondu que cela ne me paraissait pas possible, pour de multiples raisons. Je rappelle que ceux qui sont autour de la table se sont engagés – ou, en tout cas, qu’ils ont été engagés – à ne pas dégrader l’équilibre financier du système de retraite.
M. Alexis Corbière
Des solutions existent !
M. François Bayrou, premier ministre
Je rappelle que le contexte démographique actuel déséquilibre le système des retraites. Par ailleurs, la réforme des retraites a accordé 7 milliards d’avantages aux femmes et à ceux qui ont eu une carrière longue ou dont l’activité présentait une pénibilité particulière. Supprimer la réforme des retraites reviendrait à supprimer ces 7 milliards. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
M. Maxime Laisney
C’est faux !
M. Alexis Corbière
Ah là là ! C’est malhonnête !
M. François Bayrou, premier ministre
C’est la raison pour laquelle, lorsqu’on m’a demandé s’il était possible d’abroger la réforme et de ramener l’âge de départ à 62 ans, j’ai dit que ce n’était pas possible.
M. Fabien Di Filippo
Il vous a bien eus !
M. François Bayrou, premier ministre
C’est comme citoyen, comme observateur,…
M. Maxime Laisney
Mais vous êtes premier ministre !
M. François Bayrou, premier ministre
…que je dis que ce n’est pas possible. D’après le rapport de la Cour des comptes, le déficit s’élève déjà à 7 milliards, sans compter les dizaines de milliards liés aux retraites de la fonction publique. J’ai répondu en conscience et je crois que quiconque a travaillé sur ce sujet sait que l’on ne peut pas revenir à la retraite à 62 ans. (« Si ! » sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
M. Inaki Echaniz
Quand on veut, on peut !
M. François Bayrou, premier ministre
Et je suis persuadé que les partenaires sociaux, dans leur ensemble, arriveront à une conclusion de cet ordre. Je leur ai tendu la main ; nous verrons leurs propositions, mais il n’est pas possible de dégrader l’équilibre financier du système de retraite, qui est déjà profondément abîmé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Hendrik Davi
Il suffit d’augmenter les cotisations !
Loi sur l’immigration
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Wauquiez.
M. Laurent Wauquiez
Monsieur le premier ministre, il y a quelques semaines, vous êtes venu échanger avec les députés de la Droite républicaine. Vous avez indiqué à cette occasion qu’il n’y aurait pas de grande loi sur l’immigration, mais que vous étiez prêt à travailler à plusieurs textes, afin de reprendre la main sur une immigration incontrôlée. Et nous étions prêts à travailler avec vous, texte par texte. Les sujets ne manquent pas : réinstauration du délit de séjour irrégulier ; renforcement du contrôle du regroupement familial ; renforcement du contrôle de l’accès aux aides sociales pour les étrangers.
Entre-temps, nous avons reçu le programme législatif de votre gouvernement pour le semestre à venir, et il n’y a rien : votre gouvernement n’a inscrit aucun texte relatif à la régulation de l’immigration. (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Matthias Renault
C’est ballot…
M. Laurent Wauquiez
Ce n’est pas à la hauteur de l’enjeu, sachant que le nombre de titres de séjour délivrés l’an dernier dans notre pays a battu un record historique. Est-il besoin de rappeler que le seul texte relatif à l’immigration qui a été adopté dans cet hémicycle depuis le mois de juin a été déposé par les députés de la Droite républicaine ? Il s’agit de la proposition de loi visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Vous avez eu des propos forts : vous avez parlé de submersion migratoire et mis en garde contre le danger de voir l’identité de notre pays remise en cause par une immigration massive. Mais les Français n’attendent pas des paroles (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN), ils n’attendent pas des discours, ils attendent des actes et des résultats.
Vous le savez, notre groupe apporte un soutien exigeant, texte par texte, à votre gouvernement. Or l’une de nos exigences, c’est que vous nous soumettiez rapidement un texte portant sur l’immigration.
Êtes-vous déterminé à intégrer rapidement à notre programme législatif un tel texte ? Êtes-vous déterminé à donner à votre gouvernement les moyens d’agir face à une immigration incontrôlée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.
M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique
L’idée d’une « grande loi » sur la question a été défendue devant cette assemblée à de multiples reprises au cours des décennies passées. Des grandes lois, il y en a eu trente au cours des trente dernières années.
Un député du groupe Dem
Onze sous Sarkozy !
Mme Marine Le Pen
Et combien de petites ?
M. François Bayrou, premier ministre
De ces grandes lois, qu’est-il advenu ? Vous-même, vous faites régulièrement le constat que les choses n’ont pas assez changé.
Je me méfie des grandes lois (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe RN) : vous l’avez très justement rappelé, mieux vaut agir texte par texte, afin d’opérer avec précision les changements nécessaires. Pour des raisons liées au règlement interne des chambres, l’Assemblée connaît des embouteillages qui rendent difficile d’y faire examiner un texte,…
M. Nicolas Meizonnet
C’est trop injuste !
M. François Bayrou, premier ministre
…en particulier durant les mois – ce sera cette année le cas d’avril – où le gouvernement ne dispose pour cela que d’une semaine ; nous avons souvent l’occasion d’évoquer de possibles modifications. Néanmoins, contrairement à ce que vous affirmez, deux textes ayant trait à l’immigration ont été déposés au Sénat ;…
M. Fabien Di Filippo
Les inscrirez-vous à l’ordre du jour de l’Assemblée ?
M. François Bayrou, premier ministre
…ils seront examinés, et je reste persuadé qu’à chacune des questions qui se posent, par exemple au sujet de la rétention de sûreté, nous sommes en mesure de trouver au Parlement des réponses de nature à améliorer grandement la situation, à assurer à nos concitoyens…
M. Nicolas Meizonnet
Voilà une réponse précise !
M. François Bayrou, premier ministre
…que loin de laisser incontrôlé, comme vous le dites, le domaine de l’immigration, nous progressons en la matière.
Un député du groupe RN
Il y a du boulot !
M. François Bayrou, premier ministre
C’est là tout l’objectif du gouvernement, et je suis prêt à discuter de ces textes avec vous. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. Fabien Di Filippo
On peut tromper quelques personnes tout le temps, tout le monde un certain temps, mais non tout le monde tout le temps, disait Lincoln. Allez-vous inscrire ces textes à notre ordre du jour ?
Réforme des retraites
Mme la présidente
La parole est à M. Joël Aviragnet.
M. Joël Aviragnet
Le 16 janvier, monsieur le premier ministre, vous vous êtes engagé à ce que la concertation au sujet de la réforme des retraites ait lieu « sans aucun totem et sans aucun tabou », laissant ainsi toute latitude aux partenaires sociaux. Il s’agissait là de l’un des compromis destinés à améliorer la vie des Français, obtenus par les députés socialistes en contrepartie du fait qu’ils ne voteraient pas la censure. Or, dimanche, vous avez publiquement fermé la porte à un rétablissement à 62 ans de l’âge légal de départ, rompant ainsi la promesse de laisser les partenaires sociaux négocier sans entrave.
Ces huit dernières années ont profondément abîmé notre démocratie sociale. Depuis les syndicats jusqu’aux associations, les corps intermédiaires n’ont que trop souvent été malmenés par Emmanuel Macron et sa méthode jupitérienne. Le passage en force de la réforme des retraites laisse subsister depuis 2023 une blessure démocratique, des plaies béantes au sein de la société, un accroissement de la défiance de nos concitoyens envers le gouvernement, la classe politique ; nous le constatons chaque jour. Ne revenez pas sur votre engagement, laissez travailler les partenaires sociaux, leur donnant ainsi toutes les chances de succès ! À l’issue de leur négociation, le Parlement, vous l’avez assuré, aura le dernier mot : je suis sûr que la représentation nationale se montrera à la hauteur de cette occasion de s’exprimer, enfin, au sujet des retraites, ce qui lui avait été refusé il y a deux ans. Pouvez-vous nous assurer que vous n’allez pas créer d’interférences dans le travail des partenaires sociaux…
Mme Marine Le Pen
Trop tard !
M. Joël Aviragnet
…et que vous transmettrez au Parlement l’accord qu’ils concluront éventuellement, même si celui-ci implique le retour à l’âge légal de 62 ans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Stéphane Peu applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi.
M. Inaki Echaniz
Pourquoi n’est-ce plus le premier ministre qui répond ?
M. Nicolas Meizonnet
Personne ne veut y aller !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi
Le premier ministre l’a indiqué lors de sa déclaration de politique générale : nous voulons faire confiance au dialogue social et aux partenaires sociaux.
M. Jérôme Guedj
Très bien !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Comme il vient de le redire, leur légitimité est naturelle, nécessaire, renforcée. C’est pourquoi nous nous sommes engagés dans une démarche absolument inédite : d’abord, interroger la Cour des comptes, dont les conclusions, incontestées, rappellent le caractère préoccupant – d’ores et déjà 7 milliards d’euros de déficit ! – de la trajectoire du régime par répartition, auquel nous sommes tous profondément attachés. Ensuite, adresser aux partenaires sociaux une lettre de mission, dans laquelle le premier ministre précisait qu’ils pouvaient discuter de tout sous réserve d’un retour à l’équilibre financier en 2030, condition sine qua non pour que les actifs qui cotisent aujourd’hui perçoivent une pension de retraite. Enfin, organiser des réunions hebdomadaires dont ces partenaires définissent l’ordre du jour. Nous entendons les laisser travailler, afin que se poursuive ce processus indispensable à la consolidation de la trajectoire financière, mais aussi à l’amélioration des dispositions concernant la carrière des femmes ou les métiers pénibles. En outre, compte tenu du durcissement de la situation économique, notamment sur le front de l’emploi, nous avons également besoin d’eux pour améliorer et simplifier les dispositifs de reconversion. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Joël Aviragnet.
M. Joël Aviragnet
Pour la population, il importe que le processus aille jusqu’à son terme, que le sujet revienne devant le Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Relations entre la France et l’Algérie
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne Genetet.
Mme Anne Genetet
Monsieur le premier ministre, la relation entre la France et l’Algérie, profondément ancrée dans l’histoire, a été tissée par des liens humains, culturels, économiques ; comme tout partenariat, elle doit reposer sur un principe d’équilibre et de respect mutuel. Force est de constater que les autorités algériennes remettent en cause cette exigence, remettent en question notre capacité à avancer ensemble. La détention arbitraire de l’écrivain Boualem Sansal, défenseur de la liberté d’expression, incarcéré depuis plus de quatre mois en violation des engagements internationaux de l’Algérie, constitue l’exemple même de cette dérive. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR, ainsi que sur quelques bancs du groupe RN.)
Un déséquilibre bien plus large a gagné notre relation. En vertu de l’accord de 1968 (MM. Jean-Louis Thiériot et Laurent Wauquiez applaudissent), la France accorde aux Algériens des avantages spécifiques en matière de séjour, d’emploi, de prestations sociales ; en vertu de celui de 2007, les détenteurs d’un passeport diplomatique algérien peuvent entrer sans contrôle sur notre territoire et y circuler librement. Pendant ce temps, Alger refuse obstinément de récupérer ses ressortissants ayant fait l’objet d’une OQTF, même s’ils représentent une menace pour notre sécurité nationale. Cette semaine encore, l’expulsion de France de soixante individus s’est heurtée à une fin de non-recevoir des autorités algériennes. Une telle situation est inacceptable ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
Gabriel Attal, président de notre groupe, l’a rappelé avec clarté : « Nous devons revenir à un principe de bon sens : quand on ne respecte pas la France, on ne profite pas de la France. » (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.) C’est pourquoi nous soutenons la décision du gouvernement de suspendre l’accord de 2007. Monsieur le premier ministre, vous avez annoncé, par l’intermédiaire, je crois, de M. Retailleau, « une riposte graduée » vis-à-vis de l’Algérie. Concrètement, à quelles mesures fortes le gouvernement est-il prêt en vue de rétablir une relation équilibrée, un cadre qui respecte les intérêts de chacune des parties, au profit des Français comme des Algériens ? Pour coopérer, il faut être deux : le temps est venu d’agir ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
La France aspire effectivement à une relation équilibrée et constructive avec l’Algérie, afin de faire valoir les intérêts des Français en matière d’économie, mais aussi de lutte contre l’immigration irrégulière et contre le terrorisme.
M. Thierry Tesson
De l’autorité !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Or, vous venez de le dire, il faut être deux pour coopérer, et ce n’est pas la France qui détient arbitrairement l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal ou refuse de réadmettre ses ressortissants.
Un député du groupe EPR
Eh oui !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Nous ne sommes pas à l’origine des tensions entre nos deux pays ; en revanche, personne n’ayant intérêt à ce qu’elles durent, nous souhaitons les résoudre, de manière exigeante et sans aucune faiblesse. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.)
M. Thierry Tesson
Je le répète : de l’autorité !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
C’est pourquoi nous déplorons que les autorités algériennes aient rejeté la liste de soixante Algériens en situation irrégulière qui leur a été présentée vendredi, conformément aux annonces faites par le premier ministre à l’issue du comité interministériel de contrôle de l’immigration. Ce rejet porte atteinte à nos intérêts ; il contrevient aux accords que vous avez mentionnés et qui régissaient jusque-là nos relations. La ligne du gouvernement étant claire,…
M. Laurent Jacobelli
Et concrètement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre
…nous nous y tiendrons et travaillerons à ce dossier avec la plus ferme détermination, afin, encore une fois, de défendre les intérêts des Français, notre seule boussole. (Mmes Sophie Mette et Danielle Brulebois applaudissent.)
M. Nicolas Meizonnet et M. Alexandre Sabatou
Il n’a rien dit !
ZFE
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Meurin.
M. Pierre Meurin
Monsieur le premier ministre, vous êtes le garant du pacte républicain. Or, en 2026, les zones à faibles émissions feront considérer comme délinquants 13 millions d’automobilistes qui n’exerceront pourtant que leurs droits élémentaires : se rendre au boulot, se soigner, emmener les enfants à l’école, accéder aux services publics, aux commerces de proximité. Ils peuvent remercier Édouard Philippe d’avoir instauré ce dispositif dans le cadre de la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) En moins de quatre jours, la pétition pour l’abrogation des ZFE, lancée par M. Alexandre Jardin et l’association 40 millions d’automobilistes, a récolté plus de 20 000 signatures. Nous la soutenons, d’autant que trois propositions de loi transpartisanes ont par ailleurs été déposées en vue d’abroger ou d’assouplir le dispositif. Quant à nous, authentiques défenseurs des automobilistes, cela fait quatre ans que nous nous époumonons à réclamer la fin de cette ségrégation, cet apartheid social, selon les termes de Marine Le Pen ! (Mêmes mouvements.) Quand sera-t-elle inscrite à l’ordre du jour de notre assemblée ? Quand cessera-t-on de pomper l’air des automobilistes, des Français qui travaillent ? (Nouveaux applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche
En France, la pollution de l’air, ce sont chaque année 48 000 décès précoces (Protestations sur les bancs des groupes RN et UDR),…
M. Julien Odoul et M. Matthias Renault
C’est faux !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
…soit quinze fois la mortalité routière, et 30 000 enfants de plus atteints d’asthme,…
M. Jean-Claude Raux
Il faut croire que ce n’est pas un problème !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
…sans compter les pathologies cardiaques, respiratoires,…
M. Laurent Jacobelli
Oh là là !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
…les bronchiolites déclarées par des bébés. Cette pollution touche surtout les plus grandes agglomérations en raison de la circulation automobile, qui émet des particules fines. La science, la santé, les médecins nous le disent !
M. Jean-Philippe Tanguy
Ce n’est pas vrai !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Les drames dont je viens de parler ne surviennent pas dans les familles aisées mais parmi les plus modestes, celles qui n’ont pas les moyens de se loger loin des principaux axes de circulation, dans la verdure, dans les quartiers bourgeois. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.) Comment éviter cela, sinon en réduisant la pollution ? Tel est le but des ZFE : par la qualité de l’air, améliorer la santé des Français,…
M. Laurent Jacobelli
Cessez d’importer des produits chinois !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
…surtout des plus vulnérables, dont vous ne donnez guère le sentiment de vous préoccuper. Si les maires fixent les règles des ZFE, l’État en a établi le cadre, qui concerne quarante-deux agglomérations présentant une qualité de l’air inférieure aux recommandations de l’OMS. Seules deux comportent des restrictions de circulation, figurant dans la loi et ciblant les véhicules âgés de plus de quinze ans s’ils roulent au diesel, de vingt ans s’ils roulent à l’essence. Nous voilà bien loin des 13 millions de Français que vous mentionnez ! Vous n’ignorez d’ailleurs pas que la loi prévoit également des dérogations, afin, précisément, que tous ceux qui ont besoin de leur voiture puissent continuer de circuler. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.)
Nous tenons compte des Français ! La loi permet à chaque commune… (Mme la présidente coupe le micro de Mme la ministre.)
Mme la présidente
Je suis désolée, votre temps de parole est largement écoulé.
La parole est à M. Pierre Meurin.
M. Pierre Meurin
Merci pour vos fiches ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe EPR.) Comment osez-vous parler de santé publique alors que vous êtes responsable des pénuries de médicaments dans ce pays ? En revanche, il n’est, à ce jour, absolument pas démontré que les ZFE améliorent la qualité de l’air ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Réforme des retraites
Mme la présidente
La parole est à M. René Pilato.
M. René Pilato
Affaire Benalla : le secrétaire général de l’Élysée, entendu sous serment par les sénateurs, leur ment. Gilets jaunes : Macron promet qu’il ne touchera pas à la retraite à 62 ans, qu’il prendra en compte les doléances exprimées par les citoyens, y compris la demande d’un référendum d’initiative citoyenne – mensonge !
Convention citoyenne : ses propositions devaient être reprises sans filtre. Mensonge !
Affaire des crèches privées : une ministre ment sous serment à l’Assemblée nationale !
École privée Notre-Dame de Bétharram : mensonges, à trois reprises, du premier ministre – c’est-à-dire vous ! – ici même !
Dans une république laïque, on n’est pas absous de ses mensonges en récitant un Notre père et trois Je vous salue Marie. Nous ne sommes pas en conclave. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Parlons-en, justement, du conclave sur les retraites, qui visait à renouer avec le dialogue social, bla bla bla ! Foutaises ! Vous vouliez simplement garder votre place. Les députés élus pour rompre avec la Macronie, connaissant tous les faits évoqués et qui, complices, ne vous ont pas censuré, ont trahi leurs électeurs ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Deux tiers des Français veulent la retraite à 62 ans (Mme Laure Lavalette s’exclame), en particulier ceux qui souffrent en fin de carrière et n’en peuvent plus d’aller mourir au travail. Pour toutes ces personnes, c’est un nouveau mensonge ! En Macronie, le respect de la parole donnée n’existe pas. Le pire de la politique est ce grand foutage de gueule, cette gouvernance par le mensonge, au plus haut sommet de l’État, qui déshonore la République, bafoue la démocratie et méprise les élus du peuple. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Quinze mille personnes supplémentaires seront mortes avant d’arriver à la retraite, mais ce n’est pas votre problème, votre mission étant de protéger les plus fortunés. Ce conclave n’était qu’une arnaque. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Ma question est donc simple : proposerez-vous enfin au vote de l’Assemblée nationale l’abrogation de la réforme des retraites ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Sylvain Berrios
La réponse est non !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi
Nous n’avons de leçon à recevoir de personne en matière de démocratie sociale et de dialogue social. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem et HOR.) En effet, trois accords ont été signés ces derniers mois, qui portent sur l’assurance chômage, l’emploi des seniors et la représentation syndicale et professionnelle dans les entreprises.
Le premier ministre a lancé dernièrement une démarche totalement inédite. Il a d’abord sollicité l’expertise, qui est incontestable, de la Cour des comptes ; celle-ci a démontré que le régime français par répartition, qui est un bien commun, ne se porte pas bien. Il a ensuite demandé aux partenaires sociaux de se pencher sur tous les éléments de la réforme, en fixant pour seule condition un retour à l’équilibre dès 2030 – à défaut, monsieur le député, vous ne pourriez vous-même percevoir de pension lorsque vous serez à la retraite.
M. Fabien Di Filippo
Il faudra capitaliser !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
C’est pourquoi nous devons absolument revenir à l’équilibre. Nous ne modifions pas les règles du jeu : nous laissons les partenaires sociaux travailler sereinement, selon un ordre du jour défini par eux et qu’ils continuent de suivre : ils abordent ainsi des sujets aussi variés que l’âge, la pénibilité, la situation des femmes, les carrières hachées, la gouvernance ou encore l’épargne retraite. Que cela vous plaise ou non, ils poursuivront ce travail et les règles du jeu, j’y insiste, n’ont pas changé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. René Pilato.
M. René Pilato
Nous, Insoumis, respectons notre serment et finirons par abolir cette réforme de malheur qui a volé deux ans de vie aux Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe EPR.)
Relations entre la France et l’Algérie
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Ciotti.
M. Éric Ciotti
Jusqu’à quand, monsieur le premier ministre, accepterez-vous l’humiliation que fait subir chaque jour davantage l’État voyou algérien à notre pays ?
M. Jean-Paul Lecoq
C’est toi qui es un voyou !
M. Éric Ciotti
Ce week-end encore, l’État algérien a refusé la toute petite liste transmise par le ministre de l’intérieur des personnes les plus dangereuses – radicalisés, criminels, délinquants – qui menacent notre pays au quotidien. Ce week-end encore, un ressortissant algérien – je dis bien algérien, malgré la version officielle – a attaqué aux cris de « Allah akbar » des policiers devant le commissariat de Cannes. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UDR et RN.) De plus, cet État voyou retient en otage l’un de nos ressortissants, Boualem Sansal.
Or quelle est la réaction face à cela ? Nous avons entendu la non-réaction du ministre des affaires étrangères, cette ligne Maginot de papier, cette ligne Maginot diplomatique. Mais de quoi avez-vous peur, monsieur le premier ministre ? De quoi le président de la République a-t-il peur ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Les Français attendent désormais des actes très clairs et non des coups de menton ou des paroles. Comptez-vous, oui ou non, révoquer les accords de 1968 ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UDR et RN.)
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Jamais !
M. Éric Ciotti
Interromprez-vous, oui ou non, dès à présent, l’attribution de tout visa aux ressortissants algériens ? Mettrez-vous un terme, oui ou non, à tous les transferts financiers opérés par des ressortissants algériens vers l’Algérie ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN, dont plusieurs députés se lèvent.)
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.
M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique
J’ai écouté attentivement votre question (« Oh ! » sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR)…
Mme la présidente
S’il vous plaît ! Pourrions-nous écouter M. le premier ministre ?
M. François Bayrou, premier ministre
…et il y a deux affirmations sur lesquelles je ne peux vous rejoindre. Nous parlons de gouvernement à gouvernement et, dans ce cadre, je ne peux pas employer l’expression d’État voyou.
Mme Fatiha Keloua Hachi
C’est honteux ! Indigne d’un républicain !
M. François Bayrou, premier ministre
En interrompant la délivrance de tout visa aux ressortissants algériens, vous feriez porter sur le peuple le poids des décisions qui ont été prises et auxquelles ils sont totalement étrangers. (Protestations sur les bancs du groupe RN.) Vous leur feriez subir la pénalisation, la punition qu’ils ne méritent pas.
Un député du groupe RN
Quelle lâcheté !
M. François Bayrou, premier ministre
Un grand nombre de nos concitoyens sont d’origine algérienne ou détiennent la double nationalité – algérienne et française. Je ne leur ferai pas porter la responsabilité des décisions prises par le gouvernement algérien. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
Mme Hanane Mansouri
Quel rapport ?
M. François Bayrou, premier ministre
Ensuite, vous avez raison de souligner que l’État algérien ne respecte pas certains des engagements pris, qui figurent d’ailleurs non pas dans les accords de 1968, mais dans des accords ultérieurs. Nous n’acceptons pas qu’entre États qui entretiennent des relations aussi étroites que celles qui ont été consignées dans ces quatre accords successifs, les engagements ne soient pas respectés. (« Ah ! sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.) Nous avons donc fait savoir que nous étions déterminés à réviser les accords si l’Algérie n’acceptait pas, dans un bref délai, de récupérer ses ressortissants, lorsqu’ils sont détenteurs de papiers attestant de leur nationalité algérienne – c’était d’ailleurs un engagement pris en 2022.
M. Laurent Jacobelli
Oh là là !
M. Alexandre Sabatou
Ils doivent trembler !
M. François Bayrou, premier ministre
Telle est notre détermination et c’est précisément ces décisions que nous ferons respecter. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem. – M. François Hollande applaudit aussi.)
Réforme de l’audiovisuel public
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian
Le gouvernement vient d’inscrire à l’ordre du jour la proposition de loi relative à la fusion des médias publics, pour créer une nouvelle strate administrative, plongeant nos médias dans une longue, difficile et coûteuse réforme de gouvernance, alors que nous nous trouvons dans un contexte international catastrophique où l’accès à l’information est crucial pour les citoyens.
La politique belliciste de la Russie ne se limite pas à la guerre en Ukraine ; elle s’étend à une guerre informationnelle contre la France et l’Europe. Vladimir Poutine finance allègrement des campagnes de désinformation déstabilisant nos démocraties ou inversant la responsabilité qui est la sienne dans l’invasion de l’Ukraine.
Les pratiques d’Elon Musk ne font qu’aggraver cette guerre de l’information et, hier, la folie autoritaire de Donald Trump s’est attaquée aux médias publics américains à l’étranger.
Vladimir Poutine et Elon Musk peuvent, par ailleurs, compter sur des alliés intérieurs : la galaxie médiatique du groupe Bolloré a pris parti pour la Russie. (Rires sur quelques bancs du groupe RN.) Ces médias multicondamnés ne s’embarrassent ni des faits, ni de l’information, ni de la déontologie. (M. Damien Girard applaudit.) Dans cet hémicycle, le Rassemblement national s’en fait également largement l’écho lorsqu’il minimise la menace russe.
Dans ce contexte, comment comprendre que l’appel à renforcer les dépenses militaires ne s’accompagne pas d’annonces en faveur d’un réarmement démocratique ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et SOC.)
Plutôt que d’une réforme dangereuse de la gouvernance de l’audiovisuel public, nous avons besoin d’investir dans l’information et le reportage. Nous avons besoin de faire vivre dans le paysage audiovisuel un journalisme rigoureux, basé sur des principes déontologiques sans concession. Renoncez à cette réforme et accordez, dans les textes budgétaires que vous préparez, de nouveaux moyens aux médias publics, qui sont essentiels à la démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
M. Laurent Jacobelli
C’était la Pravda !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture
Je ne comprends pas votre opposition à la réforme de l’audiovisuel public, qui est attendue et souhaitée. Nous visons pourtant le même objectif : nous voulons préserver et protéger l’audiovisuel public, dont les forces sont actuellement très dispersées.
Vous avez raison, les enjeux et les dangers que vous soulevez sont réels. C’est précisément pour protéger l’audiovisuel public que nous souhaitons rassembler ces forces. Pour ce faire, nous devons instaurer une gouvernance unifiée. Il s’agit non pas d’une fusion, mais de créer une holding exécutive, qui permettra de rassembler les forces, de disposer de davantage de visibilité et de faciliter les coopérations, qui sont pour l’heure très difficiles à engager – je parle en présence de la présidente de la commission des affaires culturelles.
Le numérique ne fonctionne pas. En ce qui concerne les audiences, force est de constater que le public vieillit ; les jeunes n’y ont pas accès. L’audiovisuel public permet d’accéder à la culture dans l’ensemble du territoire, y compris dans des lieux où il n’y a rien d’autre.
C’est pourquoi je vous invite plutôt à travailler ensemble…
M. Jérémie Iordanoff
Quel rapport ?
Mme Rachida Dati, ministre
…à la réforme de cette gouvernance, qui n’est pas une fusion, je le répète. Les identités des entreprises seront préservées, dans un contexte très concurrentiel et profondément transformé. Rassemblons les forces, préservons les identités, facilitons les coopérations. Je rappelle d’ailleurs que c’est ce gouvernement qui a sanctuarisé le mode de financement de l’audiovisuel public, qui devait disparaître au 1er janvier 2025. (M. Franck Riester applaudit.)
M. Inaki Echaniz
C’est un peu fort de café !
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian
C’est ce gouvernement ou son prédécesseur qui l’avait fragilisé ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et SOC.) Votre politique, c’est l’affaiblissement et l’appauvrissement du service public de l’audiovisuel ! Vous ne trouverez aucune voix à gauche pour soutenir cela (Mêmes mouvements), mais vous le ferez passer avec le Rassemblement national, comme les démocraties dites illibérales le font. C’est scandaleux ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC – M. Laurent Jacobelli forme un cœur avec ses doigts et plusieurs députés du groupe RN saluent de la main.)
Discussions sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Tjibaou.
M. Emmanuel Tjibaou
Ma question porte sur les avancées des discussions concernant l’avenir de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Permettez-moi, pour commencer, de saluer la méthode et l’engagement du ministre des outre-mer pour renouer le dialogue avec les acteurs de la politique calédonienne, tant la défiance était grande pour nous sous les gouvernements précédents.
Vous avez souligné l’importance de garantir la sécurité et la stabilité au pays pour nos compatriotes, autant que sur le processus de dialogue et de concertation entre les différents partenaires, qu’il s’agisse de la société civile et coutumière ou des acteurs économiques.
Le gouvernement a assuré que les décisions prises pour l’avenir de notre pays respecteront les engagements pris dans les accords de décolonisation successifs, de Matignon Oudinot en 1988 à celui de Nouméa en 1998, afin d’accompagner nos compatriotes vers un nouveau statut de pleine émancipation.
À l’issue des premières phases de discussion, nous avons suggéré que l’Assemblée nationale se prononce sur une proposition de résolution garantissant, au nom de la représentation nationale, un cadre juridique et politique stable pour les discussions à venir.
J’aurais donc deux questions à vous soumettre. Afin de pérenniser la difficile dynamique engagée pour asseoir de nouveau les partenaires autour de la table sur l’accord de sortie, comment comptez-vous sécuriser l’avancée des discussions institutionnelles ? Dans ce nouvel accord, quelles modalités permettront de garantir l’exercice du droit d’autodétermination des peuples colonisés au pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – M. Jean-Louis Roumégas applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement
Je répondrai au nom du ministre d’État, actuellement en déplacement aux Antilles, qui vous prie d’excuser son absence.
La sécurisation des discussions repose sur une méthode fondée sur le dialogue, la responsabilité et la transparence, afin de restaurer la confiance – le premier ministre l’a rappelé dans sa lettre adressée aux forces politiques le 28 janvier. Dès son arrivée à Matignon, il a confié cette mission, dont il a fait l’une des priorités gouvernementales, au ministre d’État.
Manuel Valls a souhaité rétablir les conditions d’un dialogue apaisé en garantissant un cadre stable – le rôle de l’État est précisément d’assurer la stabilité et de favoriser des échanges constructifs. Le Parlement est pleinement associé à ce processus par l’intermédiaire des présidents des deux assemblées et des groupes de contact sur la Nouvelle-Calédonie. Le gouvernement veille à la continuité des discussions, en s’appuyant sur des principes clairs et partagés, tout en maintenant un calendrier de travail structuré pour préserver les avancées obtenues.
S’agissant des modalités d’exercice du droit à l’autodétermination, comme l’indique le document d’orientation présenté par le gouvernement le 28 février, il est un droit inaliénable, protégé par la Constitution et inscrit dans les textes internationaux, notamment la Charte des Nations unies. Toute évolution du cadre institutionnel devra donc respecter ce droit en veillant à ce qu’il puisse s’exercer dans des conditions démocratiques.
Droits de douane sur le champagne et les vins français
Mme la présidente
La parole est à M. Thomas Cazenave.
M. Thomas Cazenave
Ma question, à laquelle j’associe mes collègues mobilisés de façon constante aux côtés de la viticulture dans leurs territoires, s’adresse à M. le ministre chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger. Dans la folie trumpienne qui s’abat sur le monde, chaque jour apporte son lot de nouvelles provocations et de nouvelles menaces. Aujourd’hui, ce sont les vins, les champagnes et les spiritueux français qui se retrouvent avec une cible au milieu du front en raison du projet d’augmenter de 200 % des droits de douane.
S’attaquer à notre viticulture, c’est menacer près de 500 000 emplois, mais aussi la première filière agricole à l’export, ainsi qu’un savoir-faire admiré et imité dans le monde entier. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem.) S’attaquer à notre viticulture, c’est menacer nos paysages, façonnés par des générations de vignerons. En définitive, c’est menacer tous nos territoires : le Bordelais, la Bourgogne, l’Alsace, le Languedoc, la Provence, la Loire, le Rhône, la Champagne, la région de Cognac, le Gers et d’autres encore,…
Mme Émilie Bonnivard
Et la Savoie !
M. Alexandre Portier
Et le Beaujolais !
M. Thomas Cazenave
…sans oublier le Jurançon. (Se tournant vers l’orateur, M. le premier ministre tend le pouce vers le haut. – Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.) Je salue celles et ceux qui, au quotidien, se battent pour la défendre – cet engagement est d’ailleurs largement partagé sur ces bancs.
Les gouvernements successifs ont répondu présents face aux difficultés récentes de la filière : ils ont lancé un plan d’arrachage, apporté un soutien aux exploitations en difficulté, décidé d’aides exceptionnelles face au mildiou, défendu nos appellations. Mais cette fois, il ne s’agit pas seulement d’une hausse de droits de douane mais de la volonté de fermer purement et simplement le marché américain, crucial pour la filière. Il est impératif que la France, aux côtés de ses partenaires européens, parle d’une seule voix pour protéger ses intérêts.
Quelles démarches la France a-t-elle engagées, tant au niveau européen qu’auprès des autorités américaines, pour prévenir la hausse des droits de douane et protéger nos producteurs, nos emplois et notre excellence viticole ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs des groupes DR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger.
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger
Je vous remercie pour votre question qui prouve une fois encore votre engagement total pour la filière viticole – vous l’avez démontré en citant non seulement le Bordelais, mais toutes les régions viticoles. Vous avez raison et je vous répondrai en trois points.
D’abord, nous devons soutenir fermement et fortement la filière des vins et spiritueux, qui est une filière d’excellence à l’export, pour laquelle, vous l’avez souligné à juste titre, le marché américain est un débouché commercial prioritaire – il convient donc de la protéger.
Ensuite, rappelons la principale raison pour laquelle nous nous trouvons dans cette situation : nous ne souhaitons pas une guerre commerciale avec les États-Unis ni avec aucun autre pays au monde. Une telle guerre a pour seul effet l’inflation, le ralentissement des exportations et de l’économie en général.
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Nous tiendrons toujours ce discours à nos amis et alliés américains. Il y a quelques jours, Éric Lombard et moi-même avons encore rappelé à mon homologue américain Howard Lutnick ce principe et les valeurs que nous partageons avec les Européens. Cela étant dit, si nos amis et alliés américains imposent effectivement des hausses de droits de douane, il faut que l’Europe sache répondre. C’est une question de rapport de force et de puissance européenne ; nous devons nous montrer unis.
Enfin, vous avez raison, nous ne pouvons pas laisser la filière des vins et spiritueux en première ligne face à la guerre commerciale. Nous la défendrons donc. Nous avons engagé des discussions avec la Commission européenne pour protéger cette filière. La Commission a annoncé une première mesure de rétorsion ; la deuxième, en cours de préparation, concernera 18 milliards d’euros d’exportations américaines. Nous le disons régulièrement à la filière et Mme la ministre de l’agriculture le rappellera jeudi lors de son déplacement en Gironde. Je profite de votre question pour vous dire que nous menons la même bataille vis-à-vis du marché chinois pour la filière cognac et armagnac. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs des groupes DR et Dem. – Mme Agnès Poussier-Winsback applaudit également.)
Insécurité dans le monde agricole
Mme la présidente
La parole est à M. Robert Le Bourgeois.
M. Robert Le Bourgeois
Madame la ministre de l’agriculture, ce dimanche, dans le village d’Auffay, dans ma circonscription de Seine-Maritime, un hangar agricole de 900 mètres carrés est parti en fumée et trente-cinq bêtes sont mortes. Cela s’était déjà produit auparavant dans plusieurs villages de ma circonscription : à Tôtes, à Bacqueville-en-Caux, à Saint-Mards et à Lammerville. Les onze enquêtes en cours piétinent, malgré le travail acharné de la gendarmerie. Le caractère intentionnel des incendies, lui, est avéré.
Ainsi, l’insécurité vient s’ajouter à la longue liste des urgences du monde agricole. De la Normandie au Tarn, en passant par la Drôme, les agriculteurs déplorent le vandalisme, les intrusions sur leurs exploitations, le vol de leur production ou de leurs outils de travail. Le 4 mars, la gendarmerie annonçait par exemple le démantèlement d’un réseau spécialisé dans le vol de GPS agricoles – trois Roumains ont été interpellés.
Même si les statistiques restent vagues, nous savons que les vols de GPS ont augmenté de 25 % entre 2023 et 2024 et que 16 000 affaires d’atteintes aux biens sur les exploitations agricoles ont été recensées en 2022. La psychose s’installe. Lorsque ce n’est pas la survie financière des exploitations qui est en jeu, c’est le moral des agriculteurs et de leurs familles qui est sapé. Demain, les assurances pourraient tout bonnement se retirer – certaines ont commencé à le faire.
Ne peut-on pas offrir un autre horizon à nos agriculteurs que des rémunérations trop faibles et, désormais, une insécurité galopante ? La loi d’orientation agricole avait pourtant élevé l’agriculture au rang d’intérêt fondamental de la nation. Mais les faits sont là et ils sont têtus. Au diable les grandes déclarations : il faut des actes ! Engagerez-vous enfin, avec votre collègue ministre de l’intérieur, les moyens nécessaires pour garantir la sécurité des agriculteurs et des éleveurs et éviter le désert assurantiel qui s’annonce ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur
Je répondrai également au nom de ma collègue Annie Genevard. Vous avez raison : depuis la fin de l’année 2023, une dizaine d’exploitations ont été incendiées, vraisemblablement volontairement. Malheureusement, dimanche soir, un incendie très grave a provoqué la mort de trente-cinq taurillons. Un incendie est déjà un énorme choc ; voir mourir ses animaux est un profond traumatisme pour un agriculteur.
Dès hier, au lendemain de l’incendie, à Lammerville, le préfet de région a réuni la procureure de Dieppe, le général commandant le groupement de gendarmerie, la chambre d’agriculture, les sapeurs-pompiers et les professionnels. Plusieurs dispositions ont été prises, y compris d’ailleurs avec ces derniers. D’abord, nous démultiplierons les patrouilles. Ensuite, nous augmenterons le nombre d’enquêteurs : outre les deux brigades de recherche, la section de recherche de Rouen sera mobilisée en renfort. Enfin, l’État prendra en charge les coûts d’équarrissage pour les taurillons qui ont péri dans l’incendie de dimanche soir.
Nous suivons de très près la question assurantielle pour les agriculteurs qui ont connu des incendies, en particulier le plus récent. Par ailleurs, le préfet, les collectivités locales et moi-même avons souhaité que les permis de construire pour les reconstructions soient accordés dans des délais minimum.
Enfin, s’agissant de l’insécurité dans les campagnes et du vol de GPS ou de matériel agricole, il y a eu un très gros coup de filet il y a quelques jours : la gendarmerie nationale a démantelé un réseau de vols, notamment de GPS. La gendarmerie fait un énorme travail sur le terrain ; nous punirons les coupables. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Nouvelle ambition pour les Ardennes
Mme la présidente
La parole est à M. Lionel Vuibert.
M. Lionel Vuibert
Monsieur le premier ministre, je souhaite appeler votre attention sur le plan Nouvelle ambition pour les Ardennes. À l’automne 2022, lorsque j’avais rencontré le cabinet d’Élisabeth Borne, alors première ministre, en vue de construire ce plan, nous avions partagé le constat que le département des Ardennes, idéalement situé à mi-chemin entre la région parisienne et le Benelux, désormais desservi par une autoroute gratuite, une ligne TGV et la fibre en tous lieux, était à un moment clé pour son rebond et qu’il convenait de se mobiliser afin de valoriser ses atouts.
Depuis, services de l’État, collectivités territoriales, élus et acteurs du territoire ont contribué à l’élaboration de ce plan qui permettra notamment au département des Ardennes de valoriser ses friches et d’optimiser son foncier économique, d’organiser la mobilité de manière plus efficace, de gérer de façon optimale ses ressources telles que l’eau et le bois, de donner aux jeunes Ardennais les moyens de se former localement, ou encore d’accroître son attractivité touristique.
Mais ce plan pourrait être encore plus ambitieux : l’agriculture pourrait bénéficier d’expérimentations innovantes au sein de ses EPCI ruraux, en en faisant des territoires d’agriculture, à l’instar du dispositif territoire d’industrie, qui pourrait également être renforcé – la part de ce secteur d’activité dans le département représente une fois et demie la moyenne nationale.
La dissolution de l’Assemblée nationale et le changement de gouvernement n’ont pas encore permis à ce plan d’aboutir. Pourtant, les Ardennes traversent des difficultés économiques et sociales significatives. Ce plan est plus qu’une nécessité économique : c’est une question de solidarité nationale envers un territoire en voie de retournement. Les Ardennais attendent l’annonce de ce plan et son application concrète. Nous espérons avoir l’honneur de vous accueillir très prochainement dans les Ardennes pour son lancement. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la ruralité.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité
François Rebsamen, actuellement retenu au Sénat, aurait souhaité répondre à votre question, qui porte sur un territoire particulier où les élus, l’État et les acteurs locaux se mobilisent pour construire un avenir positif ; il vous prie de l’excuser. Le premier Pacte Ardennes, signé en 2019, témoin de cette volonté partenariale, a été déployé. Les soixante-trois actions réalisées et les trente-trois en cours de réalisation représentent 65 millions d’euros de financements de l’État. Le département des Ardennes a été désigné comme territoire d’expérimentation pour plusieurs projets. L’expérimentation territoires d’agriculture a suscité mon intérêt. La feuille de route pour une nouvelle ambition définie avec les élus locaux mérite encore d’être affinée. Le préfet consulte les élus locaux et entend leurs propositions – il les réunira à la mi-avril. Le gouvernement et moi-même sommes très sensibles à votre engagement. Je salue également celui de vos collègues Pierre Cordier et Jean-Luc Warsmann.
M. Alexandre Portier
Excellent !
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée
Sachez que M. le ministre François Rebsamen suit avec intérêt l’avancement du plan Nouvelle ambition pour les Ardennes et veillera à ce qu’il soit conclu le plus rapidement possible.
Suppression de postes chez Thales et Airbus
Mme la présidente
La parole est à M. Jacques Oberti.
M. Jacques Oberti
Les sociétés Thales Alenia Space et Airbus Defence and Space, fleurons de l’industrie spatiale, seules sociétés productrices de satellites reconfigurables et dont l’État est actionnaire à hauteur respectivement de 26 % et 11 %, prévoient des suppressions de postes massives. Chez Thales Alenia Space, 1 300 postes seront supprimés en Europe d’ici à fin 2025, dont 1 124 en France, notamment à Toulouse et à Cannes. Airbus Defence and Space a annoncé la possible suppression de 2 500 postes d’ici à mi-2026. Ces suppressions sont d’autant plus incohérentes que le secteur spatial est en pleine croissance : les carnets de commandes sont pleins, entraînant un besoin accru de personnel qualifié.
Plusieurs milliers d’emplois sont ainsi menacés pour l’ensemble d’une filière stratégique, risquant d’entraîner une perte irréversible de compétences essentielles à notre souveraineté nationale et européenne. La menace pèse également sur la santé des salariés dont la charge de travail croît de façon exponentielle.
M. Inaki Echaniz
C’est vrai !
M. Jacques Oberti
Avec plusieurs collègues députés, nous avons rencontré des salariés et nous partageons leurs vives inquiétudes. Nul besoin de vous rappeler à quel point le contexte international souligne l’importance de l’industrie spatiale pour les opérations militaires, le renseignement et les communications sécurisées. Laisser disparaître ces emplois, c’est affaiblir nos capacités de production et notre indépendance dans des domaines cruciaux. Il ne faudrait pas que de telles manœuvres reviennent à n’enrichir que quelques-uns sur le dos de l’intérêt national.
Ma question est simple : comment le gouvernement entend-il user de son rôle d’actionnaire, de son autorité politique et de la force de la commande institutionnelle pour empêcher ces suppressions de postes injustifiées et préserver notre souveraineté industrielle dans le secteur spatial ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
La filière spatiale est essentielle : il n’échappe à personne que dans le monde d’aujourd’hui, l’Europe doit retrouver sa souveraineté dans toutes ses dimensions, notamment en matière de défense, dont la défense spatiale et les réseaux de satellites constituent un élément essentiel. Nous ne voulons pas dépendre de M. Elon Musk pour notre couverture spatiale – je pense que cette volonté est partagée sur tous les bancs.
Les deux sociétés que vous citez sont confrontées à un changement industriel majeur. Alors que les constellations de satellites du passé étaient surtout composées d’éléments situés à 36 000 kilomètres d’altitude, les constellations modernes sont composées de satellites de plus petite taille et qui tournent à des orbites plus basses. C’est pourquoi ces sociétés doivent opérer des reconfigurations industrielles.
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Éric Lombard, ministre
Vendredi dernier, avec le premier ministre et le président de la République, nous avons reçu les dirigeants de ces filières, notamment les sociétés de tête des deux entreprises que vous citez. Les réorganisations dont vous parlez sont des réorganisations industrielles qui se traduisent par des mobilités internes…
Mme Christine Arrighi
Absolument pas, c’est faux ! Ça fait six mois qu’on vous a écrit, vous ne nous répondez pas !
M. Éric Lombard, ministre
…et respectent les très fortes compétences des salariés, afin de les reconvertir de la production des satellites du passé vers la conception des satellites du futur et d’en faire les garants de notre souveraineté, assurée par les sociétés Eutelsat et OneWeb, détenues partiellement par l’État.
Fermetures de classes en zone rurale
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Naegelen.
M. Christophe Naegelen
L’instruction de nos enfants et leur vie scolaire ne se limitent pas à des chiffres et à de l’arithmétique : il s’agit avant tout d’un enjeu humain. Après vous avoir récemment alertée, madame la ministre de l’éducation, sur le manque criant d’accompagnants d’élèves en situation de handicap, je tenais à appeler votre attention sur des décisions regrettables prises par votre ministère, dont les conséquences dramatiques touchent principalement les territoires ruraux et qui ont davantage fait l’objet d’information que de concertation.
Les exemples sont nombreux dans toutes nos circonscriptions. Je n’en citerai que deux : Ramonchamp, petit village de 1 800 habitants, se voit notifier une deuxième fermeture de classe en deux ans, sans concertation ; au collège Christian-Poncelet de Remiremont, après une fermeture de classe l’an dernier, la fermeture de deux nouvelles classes qui est annoncée cette année, fondée sur des chiffres du rectorat en contradiction avec les déclarations de l’établissement, sans concertation et sans tenir compte des travaux dans le collège, ce qui va rendre encore plus difficile le quotidien des personnels.
En plus de revenir sur ces fermetures – dont nous pourrions égrener les exemples dans nos 577 circonscriptions –, qu’attendez-vous pour déployer dans les territoires ruraux les dédoublements de classe appliqués dans les réseaux d’éducation prioritaire ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. Julien Odoul
Excellent !
M. Christophe Naegelen
Comment comptez-vous introduire plus d’humain et moins d’administratif dans la prise de décisions qui concernent au premier chef nos enfants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur plusieurs bancs du groupe RN. – M. Guillaume Lepers applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Laurent Jacobelli
Et du voile !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche
Votre question me donne l’occasion de revenir sur la méthode d’élaboration des cartes scolaires. Vous le savez, nous sommes confrontés à une baisse importante de la démographie, avec près de 100 000 élèves de moins à la prochaine rentrée, dont 80 000 pour le premier degré. Néanmoins, nous avons fait le choix de stabiliser le nombre de postes de professeurs, ce qui nous permet non seulement d’améliorer le taux d’encadrement de nos élèves, mais aussi de promouvoir des politiques prioritaires comme la réduction des inégalités sociales et territoriales, le renforcement des brigades de remplacement ou encore la poursuite du déploiement de l’école inclusive.
La stabilité globale du nombre de postes ne veut pas dire pour autant que la carte scolaire est figée, car il importe d’anticiper et de partager les constats de ces évolutions démographiques relatives au nombre d’élèves : c’est précisément le rôle des observatoires des dynamiques rurales de partager ces constats, de se projeter sur plusieurs années et de s’organiser en fonction des évolutions démographiques – et je vous remercie d’avoir activement participé aux travaux de cet observatoire des dynamiques rurales.
S’agissant du département des Vosges, les écoles accueilleront en effet près de 850 élèves de moins à la prochaine rentrée. Toutefois, je prends le double engagement que le nombre d’élèves par classe, actuellement de vingt, n’augmente pas et qu’aucune école ne ferme, afin de ne pas fragiliser le maillage territorial. En ce qui concerne les collèges et lycées, compte tenu du vote tardif du budget, la discussion est en cours et nous aurons donc l’occasion de reparler du collège Christian-Poncelet à Remiremont – je serai très attentive à ce cas précis.
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Naegelen.
M. Christophe Naegelen
Je compte sur vous et vous pouvez compter sur moi pour être vigilant sur l’avenir du collège Poncelet. Une nouvelle fois, je demande à votre administration d’avoir conscience que ses annonces, trop souvent brutales, doivent faire l’objet de plus de concertation en amont de la décision. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LIOT.)
Soutien aux entreprises industrielles en difficulté
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Carles Grelier.
M. Jean-Carles Grelier
Sans doute connaissez-vous comme moi cette très belle théorie de Maurice Merleau-Ponty sur le visible et l’invisible. Dans le contexte économique difficile qui est le nôtre, certains territoires semblent visibles, d’autres invisibles ; des entreprises paraissent visibles, d’autres invisibles. Dans la Sarthe, ces dernières se nomment Belink Solutions à La Ferté-Bernard ou Valeo à La Suze-sur-Sarthe : leur fermeture, prévue ou programmée, constitue un drame personnel, humain et territorial. En l’occurrence, on ne peut distinguer les drames visibles des drames invisibles.
Monsieur le ministre de l’industrie, comment imaginez-vous déployer vos services dans l’ensemble de nos territoires pour qu’aux côtés de chacune de ces entreprises et de chacun des élus locaux, il existe une présence de l’État qui soit une présence, s’il vous plaît, visible ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie
Vous m’interrogez sur le suivi et l’accompagnement des entreprises, en particulier des plus petites d’entre elles, et vous évoquez des cas spécifiques, notamment l’entreprise Belink à La Ferté-Bernard, qui compte 140 salariés. L’engagement des services déconcentrés de l’État est total, constant et systématique à l’égard de toutes les entreprises. Il s’incarne dans la figure des commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises, qui agissent sous le pilotage de la délégation interministérielle aux restructurations d’entreprises et du comité interministériel de restructuration industrielle, afin de trouver des solutions industrielles chaque fois que c’est possible.
Belink, qui fabrique des cartes électroniques à destination du marché de l’automobile, est confrontée aux difficultés de ce marché. Elle a connu ces dernières années de lourdes difficultés financières : son chiffre d’affaires est passé de 24 millions d’euros en 2022 à 14 millions en 2024. Face à ces difficultés, la responsabilité des services déconcentrés de l’État est d’accompagner l’entreprise, de chercher des solutions et si possible d’en trouver : nous devons cet accompagnement aux salariés et à leurs familles.
Chaque année, 4 000 entreprises sont accompagnées par les services déconcentrés de l’État de manière très territorialisée. Notre engagement se déploie partout sur le territoire, mais aussi grâce à nos actions à l’échelle européenne. Avec le commissaire Stéphane Séjourné, nous avons annoncé il y a quelques jours un plan de soutien à la filière automobile, qui vise à répondre à des difficultés, à soutenir l’offre et la demande ainsi qu’à soutenir la diversification des équipementiers automobiles. L’ensemble de ces actions constitue une stratégie globale de soutien à nos entreprises et à nos filières, qui va se poursuivre. (Mme Sophie Mette applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Carles Grelier.
M. Jean-Carles Grelier
Merci de votre attention à chacun de ces territoires et à chacune de ces entreprises : nous comptons sur vous. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.)
Situation au Proche-Orient
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie Mesmeur.
Mme Marie Mesmeur
Cette nuit encore, le ciel de Gaza a craché le feu et la mort. Au moins 413 personnes, dont une majorité d’enfants et de femmes, ont été tuées dans leur sommeil ; quant à nous, nous nous sommes réveillés avec ces images d’une cruauté sans nom.
M. Julien Odoul
Et la mort du responsable du Hamas !
Mme Marie Mesmeur
Avant les tirs, l’aide humanitaire était coupée par le gouvernement d’extrême droite de Netanyahou : il n’y a plus d’eau, plus d’électricité. Les mots de trêve et de cessez-le-feu ont perdu tout leur sens.
Dans ce contexte, il y a quatre jours seulement, des députés et d’anciens ministres faisaient un déplacement de la honte pour fraterniser avec des criminels de guerre (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP)…
Mme Sarah Legrain
La honte !
Mme Marie Mesmeur
…et s’afficher avec David Azoulay, armé, lui qui rêve de « vider Gaza comme à Auschwitz ». Aucun mot pour les près de 50 000 morts palestiniens dont les noms disparaissent dans la poussière.
M. Julien Odoul
Quelle honte d’entendre ça !
Mme Marie Mesmeur
Même le Forum des familles, cette association de proches d’otages, supplie Netanyahu « d’arrêter de tuer ». Dans la patrie des droits de l’homme, chaque enfant tué est notre enfant ; chaque femme, chaque homme assassiné est l’un des nôtres. Un génocide n’anéantit pas seulement un peuple, il frappe l’histoire, l’humanité et les consciences tout entières. (Mêmes mouvements.) Cette violation de la trêve est l’échec de trop de la France : un cessez-le-feu a été violé sans un mot du président de la République.
Que vous faudra-t-il de plus pour réagir ? Allez-vous reconnaître l’État de Palestine ? Appellerez-vous en urgence à une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU pour faire appliquer le droit international ? (Mêmes mouvements.) Allez-vous enfin décider un embargo sur l’envoi d’armes au gouvernement criminel d’Israël ? Aujourd’hui, les visages éteints des enfants assassinés de Gaza nous submergent. Comment est-il possible de ne pas les voir ? Moi, ils me hantent. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Sylvain Maillard
Pas un mot sur le Hamas !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
Vous pointez du doigt le déplacement d’une délégation du groupe Ensemble pour la République en Israël et dans les territoires palestiniens. Je veux pour ma part le saluer car c’est la grandeur du Parlement que de s’intéresser aux affaires du monde (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem. – M. Antoine Vermorel-Marques applaudit également), notamment lorsqu’il s’agit du conflit au Proche et au Moyen-Orient qui n’est pas sans conséquences potentielles sur les intérêts de la France et des Français.
Mme Ségolène Amiot
C’est un génocide !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Vous évoquez la première phase du cessez-le-feu à Gaza qui a été récemment violée. N’oubliez jamais de rappeler que ce cessez-le-feu a permis, vous l’avez dit, l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza mais aussi la libération de trente-trois otages dont notre compatriote Ofer Kalderon qui a pu retrouver sa famille. (Mmes Farida Amrani et Sarah Legrain s’exclament.) N’oubliez jamais de saluer la mémoire de Ohad Yahalomi, dont nous avons appris le décès avec une immense tristesse il y a seulement quelques semaines. (Mme Mathilde Panot s’exclame.)
Ce cessez-le-feu, en tout cas dans sa première phase, est effectivement en grave danger. Le 2 mars, Israël a décidé d’interrompre l’accès de l’aide humanitaire à Gaza ; le 9 mars, les autorités israéliennes ont coupé la dernière ligne d’alimentation électrique vers l’enclave : enfin, hier, des frappes israéliennes ont fait perdre la vie à plusieurs centaines de victimes civiles innocentes.
Nous avons condamné avec la plus grande fermeté cette violation manifeste du cessez-le-feu. Dans le même temps, nous appelons les parties – Israël et le Hamas – à reprendre des discussions constructives pour que le cessez-le-feu entre dans une deuxième phase, devienne permanent et ouvre la voie vers la solution politique que nous appelons de nos vœux : deux États vivant côte à côte, en paix et en sécurité, se reconnaissant mutuellement et s’étant donné des garanties de sécurité. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie Mesmeur.
Mme Marie Mesmeur
Vous êtes totalement irresponsable. Que des paroles, aucun acte ! Vous ne répondez à aucune de mes questions. Vous êtes complice devant l’histoire. Rendez-vous compte : des enfants meurent ! Hier, 413 civils ont perdu la vie.
Les députés en question n’ont pas fait un simple déplacement ; ils ont posé avec quelqu’un qui appelle à ce que Gaza soit un nouvel Auschwitz ! Allez-vous… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice. – Les députés du groupe LFI-NFP applaudissent cette dernière.)
Programmation pluriannuelle de l’énergie
Mme la présidente
La parole est à M. Henri Alfandari.
M. Henri Alfandari
Monsieur le ministre chargé de l’énergie, vous vous apprêtez à prendre le décret approuvant la troisième programmation pluriannuelle de l’énergie. Il nous semble important que ses orientations soient connues, car les élus, les entreprises et les citoyens y trouveront chacun un message qui affectera sa relation de confiance avec l’État.
Les élus – c’est le cas dans la région Centre-Val de Loire où je suis élu – verront que les régions, les comités régionaux de l’énergie et les services de l’État recalent les zones d’accélération proposées, disant que d’autres règles s’appliqueront. Vous le savez, le projet de PPE tel qu’il est rédigé ne permet pas la territorialisation des objectifs nationaux. Le message est clair : le travail fourni par les habitants, les maires et les communautés de communes ne sert à rien. Première rupture de confiance.
Les entreprises verront que le projet de décret portera à environ 180 euros le prix consolidé du mégawattheure électrique. Pour rappel, le prix du mégawattheure est de 30 euros aux États-Unis et de 50 euros en Chine. Maintenir une telle trajectoire de prix, c’est renoncer à tous nos discours sur la souveraineté et l’indépendance.
M. Patrick Hetzel
C’est vrai que cela pose problème !
M. Henri Alfandari
C’est une saignée sur le front de l’emploi, due aux renonciations à l’installation, aux reports d’investissement, aux délocalisations et aux fermetures. Maintenir ce prix, c’est la deuxième rupture de confiance.
Les particuliers verront que le doublement du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, le Turpe, mènera au doublement de leur facture d’électricité. C’est la troisième rupture de confiance.
Je connais votre engagement en faveur de notre souveraineté, de notre industrie et de l’emploi. Nous ne vous reprochons pas de prendre des décisions par décret, mais en l’occurrence, les prix et la structuration de la décarbonation du mix électrique envisagés dans le projet de décret auraient des conséquences funestes sur l’avenir du pays et de nos concitoyens. Accepterez-vous, au nom de l’intérêt commun, d’en repousser la signature pour en corriger la trajectoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe DR. – Mme Danielle Brulebois applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie
La programmation pluriannuelle de l’énergie est un outil indispensable pour consolider notre souveraineté énergétique. Il s’agit de sortir de la dépendance aux énergies fossiles que nous importons de pays rendus de moins en moins fiables par les évolutions notables qu’ils connaissent. Le contexte géopolitique nous oblige à agir.
Je répondrai à vos trois remarques. Premièrement, la régionalisation des objectifs et de l’application de la PPE se produira bel et bien, après la publication du décret. Des travaux ont commencé il y a déjà plus d’un an pour en définir la méthode. Cette question sera tranchée dès la publication du texte.
Deuxièmement, je ne partage pas votre constat s’agissant des prix de l’énergie. Les entreprises se voient d’ores et déjà proposer des contrats de long terme ou de moyen terme à partir du 1er février 2026…
M. Jean-Philippe Tanguy
Cela ne marche pas !
M. Marc Ferracci, ministre
…qui permettent d’accéder à des prix de l’électricité compétitifs au niveau international. Plusieurs milliers de contrats de moyen terme ont déjà été signés. Quant aux contrats de long terme, nous surveillons avec beaucoup d’attention l’évolution des négociations entre EDF et les industriels.
Troisièmement, il n’est absolument pas prévu de doubler le Turpe. En revanche, il est prévu de doubler les investissements dans le réseau de transport d’électricité, ce qui ne se traduira pas par le doublement du Turpe. Ces investissements sont nécessaires à l’amélioration du transport de l’électricité et à celle de la qualité des infrastructures, laquelle compte parmi les critères d’attractivité de la France.
Enfin, nous sommes très attachés à ce que le contenu de la PPE puisse évoluer de manière collaborative. Vous le savez, elle est soumise à une consultation publique qui durera jusqu’à début avril. Nous ne manquerons pas d’y apporter toutes les modifications nécessaires lors de la publication du décret.
Mme la présidente
Nous avons terminé les questions au gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Jérémie Iordanoff.)
Présidence de M. Jérémie Iordanoff
vice-président
M. le président
La séance est reprise.
2. Renforcement de la sûreté dans les transports
Commission mixte paritaire
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports (no 1035).
Présentation
M. le président
La parole est à M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur de la commission mixte paritaire.
M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur de la commission mixte paritaire
Je ne peux vous cacher une certaine émotion alors que nous parvenons enfin – je l’espère, du moins – au terme du parcours parlementaire de la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports. Après une première adoption au Sénat en décembre 2023, elle a en effet été étudiée une première fois en commission à l’Assemblée nationale, où cet examen a été interrompu par la dissolution de notre assemblée, puis une seconde fois, quand les débats en séance publique ont été empêchés par la censure du gouvernement précédent. Notre assemblée est finalement parvenue à adopter ce texte à une très large majorité le 11 février.
La procédure accélérée ayant été engagée par le gouvernement, un travail soutenu a été mené avec le Sénat afin de faire évoluer les dispositions du texte dans une direction qui permette son adoption définitive dans les deux chambres. Nous y sommes parvenus, puisque la commission mixte paritaire (CMP) qui s’est tenue le 6 mars a été conclusive – je tiens à saluer la rapporteure pour le Sénat, Mme Nadine Bellurot.
Alors que nous arrivons enfin à l’issue de nos travaux, dont vous reconnaîtrez qu’ils ont été plus turbulents que de coutume, je voudrais avoir ici une pensée pour l’auteur du texte, M. Philippe Tabarot, qui nous a offert une leçon de patience en politique. Il nous prouve que l’initiative parlementaire a de l’avenir et qu’il est possible de créer ainsi le consensus entre les deux chambres. Je tiens à saluer l’adoption très large par le Sénat de la version issue de la CMP.
Le texte soumis cet après-midi à votre ultime approbation n’a pas beaucoup évolué par rapport à celui qu’a voté notre assemblée il y a quelques semaines. Comme vous le verrez, de nombreux articles n’ont pas été modifiés, ou l’ont été seulement à la marge. Quelques divergences demeuraient avec le Sénat, pour lesquelles nous avons trouvé à chaque fois une solution qui me paraît équilibrée et respectueuse de nos politiques publiques, tout en préservant l’architecture du texte autour de trois axes.
Les travaux de la commission mixte paritaire ont tendu à consolider la constitutionnalité du texte. Nous avons ainsi supprimé, à l’article 1er, la possibilité de transaction en cas de délit, ce qui n’est pas permis par notre droit constitutionnel. Nous avons, de la même manière, supprimé l’alinéa 6 de l’article 2 qui prévoyait les modalités selon lesquelles les agents du groupe de protection et de sécurité des réseaux (GPSR) et du service de la sûreté ferroviaire (Suge) pouvaient intervenir en cas d’urgence sur la voie publique sans autorisation du préfet. Les interventions prévues par la rédaction de l’alinéa 6, qui était un peu ambiguë, sont déjà en grande partie couvertes par l’article 73 du code de procédure pénale, comme plusieurs d’entre vous l’avaient souligné au cours des travaux. Nous avons également supprimé la disposition relative aux périples meurtriers.
Par ailleurs, nous avons repris dans la rédaction de notre assemblée les mesures de conservation des objets dangereux prévues à l’article 1er, mais nous les avons complétées par des ajouts visant à sécuriser juridiquement ce dispositif innovant et attendu par les agents sur le terrain.
S’agissant du centre de coordination opérationnelle de sécurité (CCOS) en Île-de-France, à l’article 7, après avoir entendu l’ensemble des acteurs concernés, notamment la préfecture de police, Île-de-France Mobilités (IDFM) et les opérateurs de transport, il nous semble plus pertinent de nous en tenir à la rédaction adoptée en commission des lois de l’Assemblée nationale, qui s’inscrit pleinement dans l’équilibre recherché au Sénat. Cette rédaction représente une importante avancée pour IDFM, qui siégera au CCOS, tout en conservant bien entendu les équilibres et les prérogatives de chacun des acteurs qui y siègent. À l’article 11, nous avons abouti à une rédaction de compromis avec les sénateurs, qui pérennise le dispositif de captation sonore cher aux opérateurs. Il s’agit du dispositif d’alarme discrète dans l’habitacle des conducteurs de bus, qui sont particulièrement touchés par la hausse des agressions.
Nous avons également modifié l’article 14 bis, qui autorise les opérateurs à faire enlever les véhicules entravant les voies de circulation des tramways. Nous sommes ainsi revenus à une rédaction plus proche de ce que la commission des lois de l’Assemblée avait adopté.
Mes chers collègues, les attentes de nos concitoyens en matière de sûreté dans les transports sont fortes ; je crois que nous pouvons sans rougir affirmer que ce texte y répond pleinement. Les dispositions que vous êtes sur le point de voter permettront très concrètement de renforcer les synergies entre les acteurs et de doter la Suge et le GPSR de nouvelles dispositions dont les agents ont besoin pour nous protéger au quotidien et assurer le bon fonctionnement des services de transports. Je voudrais donc conclure mon intervention en rendant à ces femmes et à ces hommes un hommage appuyé et leur dire toute la reconnaissance de la représentation nationale pour leur dévouement dans leur travail. Enfin, je les remercie pour leur disponibilité tout au long de ces travaux qui auront duré un peu plus d’une année. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement
Au lendemain de son adoption par le Sénat, c’est avec une satisfaction particulière que je viens devant vous représenter mon collègue ministre des transports, Philippe Tabarot, qui est actuellement en Pologne pour défendre les intérêts français auprès de ses homologues européens.
Ce texte, né de l’initiative sénatoriale, illustre parfaitement la résilience de notre démocratie parlementaire. Son parcours fut en effet particulièrement tumultueux. D’abord examiné sous la coordination de Clément Beaune – que je salue –, interrompu par la dissolution et les élections législatives anticipées, repris avec inspiration par le rapporteur Guillaume Gouffier Valente, puis temporairement suspendu en décembre en raison de la censure du gouvernement, il a été adopté par l’Assemblée le 11 février dernier.
Je tiens à saluer particulièrement l’engagement du rapporteur, du président de la commission des lois, Florent Boudié, des membres de la commission et de l’ensemble des députés qui ont contribué à façonner ce texte avec trois gouvernements successifs.
Je me permets de souligner qu’il s’inscrit dans la continuité des travaux commencés en 2016 au sein de votre assemblée par les députés socialistes Gilles Savary et Bruno Le Roux, qui avaient alors posé les premiers jalons d’une politique de sécurité dans les transports. Cette histoire montre que la sécurité de nos concitoyens n’est ni de gauche, ni du centre, ni de droite, mais nous rassemble tout simplement autour de l’intérêt général.
La rédaction de la proposition de loi est partie d’un constat alarmant. Les vols et violences dans les transports sont en hausse, tant à l’égard des usagers qu’à celui des agents, ce qui n’est pas acceptable. À l’heure où nous essayons de favoriser le report modal et la décarbonation de nos modes de transports – qui, je le rappelle, représentent actuellement un tiers des émissions de gaz à effet de serre –, il est impensable de ne pas garantir à nos concitoyens qu’ils peuvent se déplacer en toute sérénité. Dans notre pays, 87 % des femmes ont été victimes de violences sexistes et sexuelles (VSS) dans les transports en commun. Pour la seule année 2024, 110 000 vols et violences ont été recensés et les agressions contre les conducteurs de bus ou de métro noircissent trop souvent notre actualité. Grâce à cette proposition de loi enrichie par votre chambre, de nombreuses dispositions concrètes permettront de renforcer la politique de sûreté pour les femmes et hommes qui se déplacent et pour ceux qui ont la charge des réseaux de transports.
Je tiens également à saluer le travail réalisé en CMP. La commission, réunie le 6 mars, a abouti à un texte équilibré et ambitieux, qui relèvera efficacement les défis posés par l’insécurité. Pour ne citer que les mesures principales, il permettra de renforcer les moyens d’action des agents de la Suge et du GPSR, qui assurent chaque jour la sécurité de nos déplacements. Ils pourront désormais procéder à des palpations de sécurité afin de saisir les objets dangereux des individus malveillants. Ce texte leur permettra également de poursuivre les contrevenants aux abords des gares.
L’objectif de ce texte est également de renforcer le continuum de sécurité. En effet, la coordination entre les agents des polices nationale et municipale, les agents Suge et GPSR et les agents de sécurité privée sera améliorée pour mettre fin à des questions parfois ubuesques de périmètre. Le travail parlementaire a permis d’encadrer ces nouvelles prérogatives de manière équilibrée et proportionnée dans l’objectif de garantir la liberté de tous.
Par ailleurs, cette proposition de loi tend à pérenniser un dispositif qui a fait ses preuves, les caméras-piétons. Cette disposition attendue par les agents de contrôle constitue avant tout une mesure de dissuasion, mais elle contribue aussi à assurer la sécurité des agents. Au sein de cet hémicycle, vous avez également introduit la possibilité d’installer des caméras frontales sur les tramways pour garantir la sécurité du matériel, ce qui est indispensable. En outre, un dispositif gradué de sanctions permettra de remédier au problème des bagages abandonnés, un véritable fléau qui paralyse trop souvent les réseaux. De plus, l’étiquetage des bagages va connaître une innovation, grâce à la mise en place d’un QR code visant à améliorer la sécurité des données personnelles des usagers.
Outre les mesures adoptées, l’examen de la proposition de loi a également permis de mettre en lumière certaines imperfections des dispositifs existants. Le gouvernement a engagé un travail de coconstruction avec les opérateurs, les administrations centrales et l’Imprimerie nationale visant à améliorer la plateforme Vérif Permis, qui permet aux opérateurs de bus d’avoir accès au permis de conduire des conducteurs pour en vérifier la validité. Il n’est évidemment pas acceptable qu’un conducteur de bus puisse encore exercer si son permis lui a été retiré ni que son employeur ne peut accéder à cette information.
Vous l’aurez compris, mesdames et messieurs les députés, le gouvernement soutient ce texte qui prévoit des mesures concrètes et pragmatiques en faveur de la sûreté dans les transports. De nouveaux défis s’annoncent avec l’ouverture à la concurrence des réseaux ; c’est pourquoi nous soutenons aussi – une fois n’est pas coutume – la demande de rapport que vous avez introduite. Au nom du gouvernement, je vous invite donc solennellement à adopter ce texte, qui permet de renforcer la sûreté dans les transports tout en garantissant les libertés de chacun. En effet, une des premières libertés de nos concitoyens est celle d’aller et venir sereinement ; c’est l’essence même d’une société. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR ainsi que sur les bancs des commissions.)
Motion de rejet préalable
M. le président
J’ai reçu de Mme Mathilde Panot et des membres du groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à Mme Élisa Martin.
Mme Élisa Martin
La semaine dernière, j’ai participé à la commission mixte paritaire sur ce texte bien mal nommé.
Alors que ce dernier contient des mesures qui auront des effets sur le quotidien des gens, la réunion a duré à peine une heure, dans une atmosphère feutrée d’entre-soi. Des millions de voyageurs seront pourtant concernés chaque jour.
Après la loi relative aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024, en cette semaine d’examen de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, nous alertons toujours sur le même phénomène : brique après brique, vous bâtissez une France surveillée, contrôlée, punie et enfermée.
Votre logique est toujours la même. La première étape est celle de la surveillance généralisée, grâce aux nouvelles technologies. La prolongation de l’expérimentation de la vidéosurveillance algorithmique est la mesure la plus emblématique de cette fuite en avant.
M. Ugo Bernalicis
Eh oui !
Mme Élisa Martin
Il s’agit de logiciels à qui l’on apprend à repérer des comportements suspects. Or ce que nous enseigne la recherche, c’est que la définition des comportements dits suspects est un bon moyen de connaître les préjugés d’une société et de ses dirigeants. Regardons qui est visé : les plus précaires et les militants, c’est-à-dire tous ceux qui n’entrent pas dans vos cases et qui contestent l’ordre établi.
Un rapport de la Défenseure des droits a également mis en avant les biais fortement discriminatoires de ces algorithmes. Ces derniers mènent aussi à l’autocensure, en influençant nos propres comportements, par exemple en nous faisant hésiter à nous rendre à une manifestation pour exprimer notre opposition.
De nombreux droits et libertés fondamentales sont de nouveau bafoués : la liberté d’aller et venir, la liberté d’expression et le droit à la vie privée.
La deuxième étape est celle de la pénalisation à outrance de tous les comportements : le simple oubli de son bagage peut faire l’objet d’une contravention.
Si le filet pénal, considéré comme la solution miracle, est sans cesse élargi, nous échappons à l’interdiction de paraître, que nous retrouvons dans d’autres textes, notamment celui consacré au narcotrafic, pour diverses raisons.
Vous recyclez vos idées pour aboutir à des objectifs toujours plus liberticides. Dans le cas qui nous occupe, l’association du droit pénal et des technologies algorithmiques nous mènera nécessairement vers la reconnaissance faciale.
La dernière étape est celle du transfert des pouvoirs de sécurité vers les secteurs privé et parapublic. L’armement des agents, ainsi que l’extension de leurs prérogatives en matière de fouille et de saisie, ne s’accompagnent évidemment pas des formations adéquates.
Vous ne cessez d’augmenter le nombre d’agents dédiés au quadrillage de l’espace public que vous contribuez à militariser. C’est ce que vous appelez pudiquement le continuum de sécurité.
Il n’y a là aucune invention. Ces logiques sont bien rodées et vous n’êtes pas capables de faire autre chose. Vous ne prévoyez jamais de mesures éducatives et préventives. Vous n’analysez jamais les causes des phénomènes. Vous vous contentez d’une réponse exclusivement répressive, de solutions de facilité et d’effets d’annonce à bas coût.
M. Ugo Bernalicis
Eh oui !
Mme Élisa Martin
Vous affirmez que vous réglez les problèmes, alors que vous n’êtes que des démagogues aux discours simplistes et réducteurs. Les conséquences sont graves, parce qu’au-delà des mesures débattues, cela traduit votre vision du monde.
Vous ne traitez les rapports humains qu’en termes de danger, de concurrence et de méfiance. Autrement dit, pour vous, comme l’autre est dangereux, il est à surveiller. Étant donné qu’on est toujours l’autre de quelqu’un, il faut donc tous nous surveiller.
Vous voulez nous faire croire que nous vivons dans une France ressemblant à l’univers du film Orange mécanique. M. Retailleau, l’un de nos deux ministres de l’intérieur, nous parle de « la longue litanie sanglante des actes de barbarie perpétrés en France », d’ensauvagement et de décivilisation, selon un concept cher à l’extrême droite.
Ces fantasmes, bien relayés par les médias que vos amis dirigent, vous permettent d’affirmer que vos politiques sécuritaires sont nécessaires et de les imposer, sans offrir d’alternative.
Votre objectif est de toujours plus contrôler le peuple, en particulier ceux que vous considérez comme déviants et qui dérangent, parce qu’ils ne veulent pas rentrer dans votre moule. Vous voulez mettre tout le monde au pas et formater les comportements à votre guise : votre projet de société exige un peuple qui se tient sage.
En outre, si des violences existent bien – nous ne le nions pas –, elles sont aussi le fruit de votre incurie politique. Comment voulez-vous lutter contre les violences faites aux femmes, dans les transports ou ailleurs, quand vous organisez vous-même méthodiquement une société patriarcale ?
De même, les tarifs élevés rendent les transports inaccessibles alors qu’ils sont indispensables et devraient relever du service public et non du marché.
M. Christophe Bex
Tout à fait !
Mme Élisa Martin
La situation ne se réglera pas à coups de matraque. Cette hypocrisie totale ne peut pas cacher vos intentions profondes. La sûreté n’est pas votre préoccupation. Les dispositifs démesurés que vous proposez pour certains actes ou incidents vont à l’encontre de ce principe, censé protéger les citoyens de l’arbitraire du pouvoir.
M. Ugo Bernalicis
L’article 2 est scandaleux !
Mme Élisa Martin
C’est vous qui bafouez les principes protecteurs de notre République ; c’est vous qui créez le contexte social de la guerre de tous contre tous.
Au contraire, nous croyons en une société apaisée, parce qu’égalitaire et plus juste ; en une société de la coopération, parce que chacun y contribue et y est reconnu.
L’orientation sécuritaire des politiques publiques n’est pas une fatalité ; c’est un choix – le vôtre.
Vous nous trouverez toujours sur votre chemin pour nous y opposer. C’est la raison pour laquelle je défends de nouveau cette motion de rejet. Nous saisirons également le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. le rapporteur.
M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur
Permettez-moi d’apporter des précisions et de répondre à certaines de vos critiques – je ferai abstraction de vos effets de tribune – avant d’appeler à rejeter massivement cette motion de rejet préalable. Je sais que vous avez suivi nos travaux et j’ai relevé quelques inexactitudes dans vos propos, chère collègue.
Vous nous accusez de poursuivre en permanence les plus précaires, mais l’adoption d’amendements venus de différents bancs a eu pour effet de retirer ces derniers, notamment les personnes sans domicile fixe, du champ des articles 2 et 3.
Pour ce qui est des abandons de bagages, vous avez parlé de pénalisation alors que cette pratique continue de relever du domaine contraventionnel, y compris quand il s’agit d’abandons volontaires.
Mme Élisa Martin
Mais oui, c’est ce que j’ai dit !
M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur
Non, vous avez dit que nous pénalisions l’abandon de bagages.
M. Ugo Bernalicis
Une contravention est une pénalisation !
M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur
Enfin, nous n’armons pas les agents de sécurité privée, mais nous renforçons les pouvoirs des agents du GPSR et de la Suge. Ces derniers, qui sont des agents privés à statut public, sont déjà armés. À ce titre, ils suivent plusieurs mois de formation avant d’être assermentés et de mener leurs missions.
M. le président
Nous en venons aux explications de vote.
La parole est à M. Bryan Masson.
M. Bryan Masson (RN)
Cette motion de rejet préalable est inutile, futile et déconnectée de la réalité des Français, qui attendent de nous des actes forts et clairs, parce que la sécurité est un enjeu majeur. Demandons-nous donc comment améliorer leur quotidien.
Vos motions de rejet successives, portant sur des textes aussi importants, montrent à quel point vous êtes déconnectés et soulignent que vous êtes des laxistes dangereux, dont l’aveuglement voudrait nous inciter à ne rien faire.
Vous parlez de société surveillée, mais ce sont notamment vos amis du Venezuela qui pratiquent ce contrôle permanent.
M. René Pilato
Oh là là ! Arrêtez !
M. Ugo Bernalicis
Ça faisait longtemps !
M. Bryan Masson
Revisitez un peu votre histoire pour mieux comprendre ce que vous êtes. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Vous avez eu des mots très forts à cette tribune, sans citer une seule fois les victimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme Élisa Martin
Mais si !
M. Bryan Masson
Vous n’avez pas évoqué non plus le ministre Tabarot, qui a eu le courage nécessaire de rappeler qu’en 2017, deux victimes, Laura et Mauranne, ont été assassinées à Marseille par un islamiste. Ce drame aurait pu être évité si l’on avait donné aux policiers et aux agents de la sûreté les moyens d’assurer la sécurité de nos concitoyens.
Vous n’avez pas eu un mot pour les victimes !
M. Sébastien Delogu
Ce n’est pas vrai ! Par contre, à la cérémonie il n’y avait personne du RN !
M. Bryan Masson
Vous êtes la honte de cet hémicycle ! Cette motion montre votre vrai visage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à Mme Laure Miller.
Mme Laure Miller (EPR)
Je trouve contestable d’avoir recours à une énième motion de rejet préalable alors que le texte a longuement été débattu, à l’Assemblée nationale comme au Sénat.
C’est avec beaucoup de sérieux et de rigueur intellectuelle que nous sommes arrivés à une commission mixte paritaire conclusive. La motion de rejet ne me semble donc pas respectueuse de nos débats démocratiques.
Sur le fond, après avoir entendu rappeler les nombreux chiffres sur les violences dans les transports en commun – je pense, en particulier, à ceux de 2023 –, si vous considérez toujours qu’il n’y a pas de problème de sécurité et qu’il ne faut rien faire, c’est soit parce que vous ne regardez pas la réalité en face, soit parce que vous êtes complètement hors-sol.
J’invite tous mes collègues à rejeter cette motion. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP)
Permettez-moi d’abonder dans le sens de ma collègue Élisa Martin, qui a brillamment présenté cette motion de rejet préalable.
Le titre du texte est une arnaque, car il ne s’agit pas d’une proposition de loi sur la sûreté. Ayez au moins l’honnêteté intellectuelle de parler uniquement de sécurité.
La sûreté désigne la garantie pour tout citoyen de ne pas être mis en cause arbitrairement par le pouvoir en place. Or les techniques que vous vous apprêtez à autoriser, notamment la surveillance algorithmique, comportent précisément une part d’arbitraire qui n’a rien à voir avec la sûreté. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Comme cela a été rappelé, vous ne traitez que des conséquences – et jamais des causes – des violences dans les transports en commun. Avec vous, c’est l’éternel recommencement : vous n’essayez jamais de régler les problèmes.
Loin d’apporter des solutions, votre vision sécuritaire vous fait revenir, tous les deux ou trois ans, avec une proposition de loi visant à approfondir les mesures existantes. (Mêmes mouvements.)
Quand allez-vous être raisonnables ? Vous croyez que cela nous fait plaisir, quand des gens se font agresser ?
Plusieurs députés du groupe RN
Par qui ?
Mme Brigitte Barèges
Il faut croire !
M. Ugo Bernalicis
Si vous le croyez sincèrement, c’est que vous avez un grave problème avec la démocratie et le débat parlementaire. Vous faites du clientélisme et de la surenchère sécuritaire à des fins de racolage électoral ! (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
À la fin, le problème n’est pas réglé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) L’arbitraire aura des conséquences concrètes sur la vie de personnes qui seront mises en cause pour rien.
Voilà la dangerosité de ce genre de textes, qu’il s’agisse des transports ou de tout autre domaine, car vous avez toujours la même ligne directrice. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
À chaque fois, nous présenterons une motion de rejet préalable.
Mme Brigitte Barèges
Le laxisme et l’anarchie !
M. le président
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisi par les groupes Rassemblement national et Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Roger Vicot.
M. Roger Vicot (SOC)
Ce texte, que nous examinons pour la quatrième fois – une fois avant la dissolution, une fois avant la censure, une fois en commission et une fois en commission mixte paritaire –, n’a pas beaucoup évolué depuis sa première version.
Nous gardons un certain nombre d’inquiétudes.
Qui pourrait être contre le principe de la sécurité dans les transports ? Toutefois, le diable se cache dans les détails et ce texte est bourré d’imprécisions, volontaires ou non, et de rédactions hasardeuses. Surtout, il ouvre un champ de compétences très large, bien trop large selon nous, aux agents de la Suge et de la RATP, qui, rappelons-le, ne sont pas des policiers. Vous avez évoqué leur formation, monsieur le rapporteur, mais elle n’est que de quatre mois. Ils auraient la possibilité de procéder à des palpations publiques « si des éléments objectifs indiquent qu’une personne pourrait détenir des objets susceptibles de présenter un risque » : voilà qui relève d’une appréciation beaucoup trop subjective ! Pour nous, ce n’est pas acceptable.
Nous nous inquiétons également du flou juridique entourant plusieurs notions, de l’encadrement insuffisant des technologies utilisées et du caractère disproportionné de certaines sanctions créées par le texte. Ce dernier fait montre d’une forme d’appétit de répression, avec l’instauration d’une peine d’interdiction d’entrer en gare ou la possibilité pour les opérateurs d’installer un système de captation du son dans les véhicules, le tout subordonné à des critères d’appréciation très larges.
Quant aux modalités de formation et d’autorisation des personnels dont les compétences seront ainsi élargies, la proposition de loi les renvoie à un décret en Conseil d’État.
Tout cela étant bien trop flou et imprécis, nous voterons pour la motion de rejet. (MM. Christophe Bex et Maxime Laisney applaudissent.)
M. le président
La parole est à M. Ian Boucard.
M. Ian Boucard (DR)
En 2023, 111 000 victimes de vols et de violences, 7 620 agressions physiques et 2 407 agressions à caractère sexuel ont été recensées dans les transports en commun ; ces chiffres suffisent à eux seuls à justifier le dépôt de cette proposition de loi visant à renforcer la sûreté dans les transports par celui qui était à l’époque un excellent sénateur et qui est depuis devenu un excellent ministre chargé des transports : Philippe Tabarot.
Vous avez, chers collègues qui siégez à l’extrême gauche de l’hémicycle, fait depuis le début du mandat un choix : celui de toujours vous opposer…
Mme Brigitte Barèges
…à l’autorité !
M. Ian Boucard
…aux honnêtes gens. Par ce texte, nous voulons quant à nous les défendre lorsqu’ils doivent prendre les transports en commun – le métro, le train – pour aller travailler. À chaque fois que nous souhaitons adopter des mesures visant à mieux assurer leur sécurité, quel que soit le sujet, vous êtes contre : vous êtes contre la lutte contre le narcotrafic – nous le verrons tout à l’heure ; vous êtes contre les forces de l’ordre, contre la police, contre la gendarmerie.
M. Thibault Bazin
Contre la République, finalement !
M. Ian Boucard
En définitive, vous êtes ici pour défendre les intérêts de celles et ceux qui enfreignent la loi – les voyous, les délinquants. (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Ugo Bernalicis
Arrêtez, vous ne croyez pas à ce que vous dites !
M. Sébastien Peytavie
Nous sommes pour les textes sérieux !
M. Ian Boucard
Au moins votre ligne idéologique est-elle constante ! La nôtre aussi : nous sommes là, nous, membres du groupe Droite républicaine, pour défendre les honnêtes gens. C’est ce que nous faisons depuis notre élection en juillet 2024 et c’est ce que nous continuerons à faire dans les mois à venir.
Nous opposer à vous fermement de manière à assurer la sécurité des honnêtes gens : voilà ce que nous faisons à droite, avec Laurent Wauquiez. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe RN.)
M. Patrick Hetzel
Excellent !
M. le président
La parole est à M. Philippe Latombe.
M. Philippe Latombe (Dem)
Nous nous opposerons à la motion de rejet parce que ce texte comporte de nombreuses avancées, attendues par de nombreux personnels des transports – je pense notamment aux caméras-piétons, dont l’expérimentation a donné lieu à un bilan très positif et qu’il convient de pérenniser.
Cela étant – et je le redirai dans la discussion générale –, je suis d’accord sur le fait que la vidéoprotection à surcouche algorithmique n’avait rien à faire là et vous avez raison de signaler la potentielle inconstitutionnalité de cette partie du texte.
Pour le reste, nous devons absolument adopter la proposition de loi. Nous voterons donc contre la motion de rejet. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)
M. le président
La parole est à M. Jean Moulliere.
M. Jean Moulliere (HOR)
Dans quel monde les mélenchonistes vivent-ils ? Lorsque nous voulons renforcer la justice pour lutter à armes égales contre le narcotrafic, La France insoumise s’y oppose ; lorsque nous voulons améliorer la sûreté dans les transports, La France insoumise s’y oppose. Soit vous vivez dans un monde de Bisounours, soit vous voulez mettre le pays à feu et à sang ! Votre seul objectif, c’est le chaos : le chaos pour la République ; le chaos pour notre pays ; le chaos pour les Français. Vous êtes tellement déconnectés de la réalité que vous ne voyez même plus à quel point vous devenez un repoussoir pour nos concitoyens !
Par vos positions dogmatiques et irrationnelles, vous alimentez la montée du Rassemblement national. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI-NFP.) Vous faites le jeu de l’extrême droite – mais peut-être est-ce délibéré ?
M. Ugo Bernalicis
Depuis combien de temps êtes-vous au pouvoir ?
M. Jean Moulliere
Votre guide suprême, Mélenchon, planifie qu’en cas de second tour face à Le Pen, un arc républicain se formera derrière lui, mais vous ne comprenez pas que du fait de votre stratégie du chaos, Mélenchon inspire aujourd’hui aux Français bien plus de crainte que Le Pen ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Les membres du groupe Horizons & indépendants voteront bien sûr contre cette énième motion de rejet préalable, qui porte sur un texte visant à renforcer la sûreté de celles et ceux qui prennent chaque jour les transports en commun, de celles et ceux qui y travaillent, de celles et ceux qui n’en peuvent plus de l’insécurité. Vous voulez le chaos, nous voulons l’ordre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. René Pilato
Le chaos, c’est vous !
M. le président
La parole est à M. Yannick Favennec-Bécot.
M. Yannick Favennec-Bécot (LIOT)
Il s’agit de la troisième motion de rejet préalable déposée par le groupe LFI en seulement deux jours. Le groupe LIOT ne peut que regretter cette volonté d’empêcher notre assemblée de voter.
Chaque année, quelque 111 000 usagers des transports en commun sont victimes de violences, d’agressions, de vols, de viols – on dénombre plus de 2 500 agressions à caractère sexuel. Face à ce constat, le groupe LIOT estime que la sécurité des voyageuses et des voyageurs dans nos territoires doit être une priorité. Rejeter ce texte reviendrait à envoyer un signal de défiance à l’égard des agents de sûreté qui assurent notre sécurité au quotidien.
Mme Élisa Martin
L’adopter ne changera rien !
M. Yannick Favennec-Bécot
La proposition de loi contient des mesures fortes, attendues sur le terrain. Nous voterons contre la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
M. le président
La parole est à M. Olivier Fayssat.
M. Olivier Fayssat (UDR)
Dans la défense qui en a été faite par La France insoumise, je n’ai trouvé aucun motif de voter cette motion de rejet, aucun motif de refuser le débat sur un sujet aussi important. Désolé, mais que vous soyez d’accord ou non, que cela vous plaise ou pas, vous allez entendre, par notre intermédiaire, la voix des victimes. La démocratie, c’est le débat ; le totalitarisme, c’est interdire aux gens de s’exprimer.
Bien évidemment, nous voterons contre la motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. Ugo Bernalicis
C’était fort ! On est K.-O. debout !
M. le président
Je mets aux voix la motion de rejet préalable.
M. Sylvain Maillard
Pour la sûreté dans les transports !
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 232
Nombre de suffrages exprimés 223
Majorité absolue 112
Pour l’adoption 51
Contre 172
(La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)
Discussion générale
M. le président
Dans la discussion générale, la parole est à M. Stéphane Peu.
M. Stéphane Peu
La présente proposition de loi s’inscrit dans la lignée de plusieurs lois qui, depuis 2016, consacrent le désengagement progressif et continu de l’État en matière de sécurité publique. Cette orientation repose sur la notion de continuum de sécurité, développée dans le Livre blanc de la sécurité intérieure en 2020. Celui-ci acte le dessaisissement de la souveraineté étatique dans le domaine de la sécurité, affirmant que « les forces de sécurité intérieure ne peuvent pas seules répondre à l’ensemble des problèmes de sécurité » et qu’il convient de donner à d’autres acteurs les moyens de jouer ce rôle, en étendant leurs compétences. Pour nous, au contraire, la sécurité est une mission régalienne de l’État et doit être assurée en premier lieu par celui-ci.
Suivant cette logique, la proposition de loi étend significativement les prérogatives des agents des services internes de sécurité des transports. Or la diversité des objectifs de la proposition de loi – prévention du risque terroriste, lutte contre les incivilités et la fraude, approfondissement de la coordination entre les différents types d’agents – tend à semer la confusion concernant les missions de ces agents, ce qui risque de dénaturer leur rôle.
Nous l’avons dit : nous regrettons le choix d’un véhicule législatif qui n’a pas permis d’étayer nos débats par une étude d’impact ni par un avis du Conseil d’État. Ce texte, à la fois dense et complexe et qui comporte des objectifs variés, aurait nécessité une évaluation précise des mesures existantes.
En effet, il convient de rappeler que le cadre législatif actuel dote déjà la Suge et le GPSR de compétences particulières, en leur accordant une place particulière au sein du continuum de sécurité par rapport aux autres agents privés. L’extension de leurs prérogatives par le texte suscite des préoccupations quant à l’évolution de leurs missions.
Ainsi la proposition de loi entretient-elle un flou en diluant les responsabilités, tandis que la frontière entre les compétences des agents de sûreté et celles des forces de l’ordre s’estompe dangereusement. Or, comme le confirme le rapport sur le bilan des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 dans le domaine de la sécurité, que je présenterai demain avec mon collègue Martineau devant la commission des lois, le succès de l’événement du point de vue de la sécurité s’explique par l’ampleur de la mobilisation humaine et par un commandement stratégique et opérationnel clair et coordonné.
La quasi-disparition de la présence humaine dans les gares et dans les stations de métro ne pourra être comblée par les seuls agents de sécurité. On a vu pendant les Jeux olympiques à quel point la présence d’agents était précieuse pour accueillir, orienter, rassurer les voyageurs. Il n’y a rien de plus anxiogène qu’une gare dans laquelle tous les agents ont été remplacés par des automates et où il n’y a plus personne derrière les guichets ni sur les quais : je vous invite à venir le vérifier dans la gare de Saint-Denis, l’une des plus grandes d’Île-de-France.
La présente réforme omet une question centrale : celle de la dégradation du service public des transports, particulièrement en Île-de-France. Il est fondamental de prendre cet aspect en considération si l’on veut mener une réflexion cohérente sur la sécurité ; la logique sécuritaire risque en effet de nous détourner de la véritable sûreté de nos concitoyens.
Depuis plusieurs années, les politiques de réduction du personnel de la SNCF et de la RATP fragilisent et menacent le service public des transports. Retards et suppressions de trains et de bus, allongement du temps d’attente, promiscuité dans les trains bondés : autant de problèmes qui alimentent les tensions et la violence – les usagers des transports le vivent quotidiennement.
Offrir des conditions de transport décentes et dignes aux usagers doit être une priorité. Il s’agit d’un préalable si l’on veut garantir une mobilité efficace et sûre à nos concitoyens.
En conséquence, en raison, d’une part, du flou qu’il entretient entre les missions régaliennes de l’État et celles des agents de sécurité privée, d’autre part, de l’absence de mesures visant à renforcer la présence humaine dans les transports afin de rassurer nos concitoyens, nous voterons contre la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Mme Sandra Regol applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme Sophie Ricourt Vaginay.
Mme Sophie Ricourt Vaginay
Les transports, qui permettent chaque jour à des millions de nos concitoyens de circuler, doivent être des sanctuaires de l’ordre et de la tranquillité. Or, depuis trop longtemps, l’insécurité s’y insinue tel un poison lent, gangrenant la confiance des usagers, instillant la peur là où devraient primer la fluidité du mouvement et la sérénité du voyage.
Nous, membres du groupe UDR, avons, lors de nos précédents échanges dans l’hémicycle, dressé le tableau inquiétant d’une réalité que trop d’entre nous connaissent : agressions gratuites, incivilités banalisées, menaces latentes, quand ce n’est pas l’effroi du terrorisme qui s’invite au détour d’une rame ou d’un quai. La commission mixte paritaire a œuvré pour concilier rigueur et équilibre, consolidant un texte qui, nous l’espérons, marquera un tournant dans notre approche sécuritaire des transports.
Ce texte, que nous nous apprêtons à voter, est le fruit d’une volonté partagée : celle de rendre à nos trains, nos métros, nos bus et nos tramways leur mission première, celle de relier et non de diviser ; de servir et non d’exposer.
Il renforce les moyens des forces de l’ordre et des agents de sécurité, leur offrant enfin les outils nécessaires pour prévenir plutôt que subir. L’extension des pouvoirs de vidéoprotection, la facilitation des interdictions administratives de transport pour les individus menaçant l’ordre public, ou encore l’alourdissement des sanctions pour les violences commises à l’encontre du personnel et des passagers sont autant de leviers indispensables.
Ce texte oppose également une réponse ferme aux délinquants qui, à l’ombre des failles législatives, faisaient des transports un terrain d’impunité. En durcissant les sanctions, nous envoyons un message clair : la République ne tolérera plus que la peur devienne la compagne de voyage de nos concitoyens.
Permettez-moi toutefois de formuler une mise en garde : si bien pensée soit-elle, la loi n’est rien sans une application rigoureuse et une volonté politique constante. L’exercice de nos responsabilités ne s’achèvera donc pas avec ce vote. Nous devrons veiller à ce que les dispositions prévues ne demeurent pas lettre morte et faire preuve de la plus grande vigilance pour que les moyens alloués soient à la hauteur des ambitions affichées.
Au-delà des mesures concrètes de protection, cette proposition de loi comporte des avancées juridiques qui méritent d’être soulignées. L’extension des compétences des agents de sécurité ferroviaire et des policiers municipaux à proximité des gares et dans les transports collectifs répond à une demande de terrain trop longtemps négligée. En renforçant leur cadre d’intervention, nous leur donnons les moyens légaux d’agir avec efficacité, sans être entravés par des contraintes procédurales dépassées.
Ensuite, la simplification des procédures judiciaires pour les auteurs de violences dans les transports constitue une réponse essentielle à l’impunité. Trop souvent, la lenteur de la justice a entravé la prompte application des sanctions. Avec cette réforme, nous donnons aux magistrats et aux forces de l’ordre des outils pour que la répression soit à la fois rapide et dissuasive.
Toutes ces évolutions montrent que notre démarche n’est pas uniquement répressive – contrairement à ce que veut faire croire la gauche de cet hémicycle –, mais vise bien une refonte globale du cadre juridique encadrant la sécurité des transports. Un travail de fond a été effectué : un travail de législateur, au service des Français.
Chers collègues, notre mission est celle du garant de l’ordre républicain. En adoptant ce texte, nous ne votons pas seulement une loi : nous restaurons une promesse, celle d’un État qui protège ses citoyens jusque dans le moindre compartiment d’un train de nuit ou l’ultime rame d’un métro tardif. Avec le groupe UDR, nous voterons donc en faveur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. le président
La parole est à M. Bryan Masson.
M. Bryan Masson
La sûreté dans les transports est une préoccupation majeure pour nos concitoyens. Chaque jour, des millions de Français empruntent les trains, les métros, les bus, et, trop souvent, ils sont confrontés à l’insécurité. Vols, agressions, trafics en tout genre : la réalité est alarmante et exige des réponses fortes.
Pour mesurer l’ampleur du problème, il convient de se pencher sur les chiffres de la délinquance dans les transports en commun. En 2023, les services de police et de gendarmerie ont enregistré près de 120 000 victimes de vols et de violences dans ces réseaux.
Les vols sans violences constituent l’atteinte la plus caractéristique de la délinquance enregistrée dans les transports en commun : ils représentent 77 % des victimes de vols et de violences dans ces environnements.
Concernant la part des étrangers dans la délinquance, les données indiquent que 93 % des personnes mises en cause pour des vols sans violences dans les transports en commun en Île-de-France sont de nationalité étrangère, tandis que cette proportion est de 66 % pour les vols avec violences, sans parler des agressions sexuelles en Île-de-France, dont 63 % sont le fait d’étrangers. Ces chiffres révèlent une surreprésentation des étrangers parmi les auteurs d’actes de délinquance dans les transports en commun, particulièrement en Île-de-France. Vous conviendrez donc que sans traiter sérieusement la question de l’immigration dans notre pays, nous n’apporterons, en matière de sécurité, que des réponses superficielles.
Le groupe Rassemblement national déplore l’absence de volonté politique afin de régler ce problème, mais nous ne désespérons pas de pouvoir mettre en œuvre très prochainement nos mesures en la matière.
Cela étant dit, le texte issu de la commission mixte paritaire demeure une avancée importante. Il répond à une urgence sécuritaire que notre groupe n’a cessé de dénoncer.
Nous saluons ainsi plusieurs mesures qui vont dans le bon sens, à commencer par le renforcement des pouvoirs des agents de sûreté. Il est essentiel que les agents de la SNCF et de la RATP puissent mieux lutter contre la délinquance. Leur donner des prérogatives élargies pour contrôler, interpeller et signaler les individus dangereux est une nécessité. Dans un contexte de menace terroriste persistante, ces mesures sont indispensables pour sécuriser les Français.
Il importe également de donner aux agents de la police municipale la possibilité d’intervenir dans les gares et dans les trains et cela a été pris en compte. Nos policiers municipaux – n’en déplaise à l’extrême gauche – sont très compétents ; très souvent primo-intervenants, ils doivent pouvoir sécuriser nos espaces de transports.
Ce texte marque donc un progrès significatif dans la lutte contre l’insécurité dans nos transports publics, à l’heure où beaucoup renoncent à les utiliser de peur d’être agressés.
Avant de conclure, permettez-moi de compléter l’argumentaire qui fonde la position de mon groupe sur ce vote avec quelques données supplémentaires. Les vingt-deux métropoles françaises, qui regroupent environ 30 % de la population, comptent à elles seules 80 % des victimes de vols et de violences dans les transports en commun, dont plus de la moitié sont concentrées dans la métropole du Grand Paris – cela en fait, si j’ose dire, le chef-lieu de la délinquance dans les transports. La presse a fait des villes dont les transports sont les plus dangereux le classement que voici : Paris en pole position, puis Saint-Denis, Lyon, Montpellier, Grenoble, Bordeaux, Nantes et Lille. Sans doute souhaitez-vous connaître le dénominateur commun à toutes ces villes ?
M. Alexandre Portier
La gauche !
M. Bryan Masson
Eh bien, chers collègues, je vous le donne en mille : elles sont toutes dirigées par des maires du Nouveau Front populaire. Quelle coïncidence !
Mme Sandra Regol
Lisez les rapports, ça vous aidera à dire moins de bêtises !
M. Bryan Masson
Alors, parce qu’il semble désormais prouvé par a + b qu’il faut faire l’exact inverse de ce que fait le Nouveau Front populaire, le groupe Rassemblement national votera en faveur de ce texte. La sécurité des Français doit primer sur toute autre considération. Nous resterons vigilants quant à l’application de ces mesures et nous continuerons de nous battre pour un véritable sursaut sécuritaire dans les transports. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à Mme Laure Miller.
Mme Laure Miller
La sécurité dans les transports est un sujet sérieux, qui concerne des millions d’utilisateurs chaque jour. État comme collectivités territoriales, notre responsabilité partagée est de développer et d’investir dans les transports publics collectifs pour opérer la nécessaire transition écologique de notre pays.
Pourtant, tant que l’organisation n’en est pas optimale et que la sécurité n’y est pas garantie, comment faire pour que les Français se tournent vers ces modes de transport plutôt que vers leur voiture ?
S’agissant de l’organisation et du développement des transports en commun, les élus locaux en sont les fers de lance. Je ne résiste pas au plaisir de vous citer les grandes évolutions chez moi : depuis quelques mois, le réseau de transports couvre chacune des 143 communes de la communauté urbaine du Grand Reims et, d’ici peu, des bus à haut niveau de service desserviront la ville.
À Reims, comme ailleurs, ces évolutions bienvenues sont le fruit d’un engagement et d’un travail rigoureux des élus locaux au service d’une mobilité partagée accessible, multimodale et adaptée à toutes les spécificités du territoire.
Toutefois, alors que près d’un Français sur deux ne se sent pas en confiance dans les transports, la question de la sécurité doit impérativement être résolue par les opérateurs et, surtout, par les services de l’État, si l’on veut que chacun puisse les emprunter sereinement.
C’est le sens du texte que nous nous apprêtons à adopter définitivement, après plus d’une année de travail, de discussions et d’aléas politiques. En effet, si les chiffres de la délinquance dans les transports diminuent, la gravité des actes, elle, augmente. Pour la seule année 2023, nous recensons 90 800 victimes de vols sans violences, 6 400 victimes de vols avec violences, 7 600 victimes de coups et blessures volontaires, 2 400 victimes de violences sexuelles et plus de 4 000 personnes dépositaires de l’autorité publiques victimes d’outrages et de violences. Les femmes peuvent s’y sentir tout particulièrement menacées : en France, 87 % des usagères des transports en commun déclarent avoir déjà été victimes de harcèlement sexiste ou sexuel, d’agressions sexuelles ou de viols.
En outre, chaque jour, les opérateurs de transport sont confrontés à des formes d’incivilités, volontaires ou involontaires, qui viennent perturber le fonctionnement des transports. Une telle situation implique que nous agissions davantage.
C’est tout l’objectif visé par cette proposition de loi qui est le fruit des travaux du sénateur Philippe Tabarot, aujourd’hui ministre des transports : renforcer les prérogatives des opérateurs et de leurs agents pour toujours mieux assurer la sécurité et le bon fonctionnement de nos transports. Après l’adoption au Sénat de cette proposition de loi, c’est avec sérieux que nous avons poursuivi ici les travaux entamés par les sénateurs : nous avons adopté ce texte courant février en commission, puis en juillet en séance publique, grâce au travail du rapporteur Guillaume Gouffier Valente. Ainsi le texte que nous nous apprêtons à adopter résulte-t-il de l’accord des deux chambres réunies en commission mixte paritaire.
Mon groupe, Ensemble pour la République, votera en faveur de ce texte, parce qu’il sauvegarde entièrement les trois grands axes de la proposition de loi initiale.
Le premier concerne plusieurs dispositifs de nature régalienne qui visent à adapter les règles d’intervention des agents de sûreté de la Suge et du GPSR. Au regard de l’évolution des comportements auxquels ces agents sont confrontés, ces mesures sont nécessaires. Nous rendons ainsi les palpations possibles sans autorisation préalable du préfet et autorisons la saisie d’objets dangereux et la poursuite sur la voie publique, entre autres. Le texte renforce ainsi le continuum de sécurité avec les services internes, la police municipale et les agents de sécurité privée.
Le deuxième axe tend à clarifier le cadre d’utilisation de plusieurs nouvelles technologies afin de garantir la sécurité des agents des opérateurs et des usagers. Cette partie constitue un pas en avant déterminant dans l’utilisation des outils numériques pour assurer la sécurité dans les transports en commun. Nous nous réjouissons notamment de la pérennisation, attendue, du recours aux caméras-piétons pour les agents de contrôle et de la création d’une expérimentation pour les conducteurs d’autobus et d’autocar. Nous saluons également l’accord trouvé sur le déploiement à titre expérimental d’alarmes discrètes dans l’habitacle des conducteurs de bus.
Le troisième axe introduit de nouvelles dispositions, nécessaires à l’amélioration du fonctionnement du service de transport offert et à sa continuité. Elles nous permettront de mieux lutter contre les incivilités du quotidien, source de tensions et d’insécurité dans les transports, contre le phénomène d’abandon de bagages, qui perturbe de manière régulière le fonctionnement des services, contre la fraude tarifaire, qui représente plusieurs centaines de millions d’euros de pertes budgétaires pour les opérateurs de transport et contre les agressions sexuelles et sexistes.
Mes chers collègues, cette proposition de loi présente des mesures concrètes et pragmatiques pour améliorer le fonctionnement et la sûreté de nos transports publics. Les Français nous regardent et, lorsqu’il s’agit d’améliorer la sécurité de nos concitoyens dans les transports, nous avons une obligation de résultat. Ce texte est important et nous espérons que l’accord trouvé en CMP saura rassembler notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et HOR.)
M. le président
La parole est à M. Bérenger Cernon.
M. Bérenger Cernon
Depuis près d’un an, le gouvernement et ses alliés s’acharnent à nous imposer ce texte de loi sécuritaire. Et depuis près d’un an, c’est toujours la même partition : celle du contrôle et de la surveillance.
Monsieur le ministre, vous semblez ignorer que les transports en commun sont bien plus qu’un simple mode de déplacement. Ils participent à la promesse d’égalité : celle d’un maillage territorial équilibré, d’une véritable transition écologique, d’un substitut crédible à la route ; ils doivent aussi permettre à chacun d’user de sa liberté d’aller et venir.
Or, aujourd’hui, un Français sur cinq peine à y accéder. Plutôt que de répondre à cette urgence sociale, plutôt que d’investir dans des infrastructures modernes et des personnels formés, vous choisissez l’illusion sécuritaire. Vous prétendez garantir la sûreté des transports sans le moindre budget supplémentaire. Quelle imposture !
Ce texte est le digne héritier de la loi « sécurité globale ». Il n’y est question ni d’investissement, ni de recrutement, ni de formation, pas plus que de l’abandon des petites lignes.
M. Ugo Bernalicis
Il a raison !
M. Bérenger Cernon
Il ne parle pas de service public, mais de contrôle et de sanction. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Votre projet ne vise pas à protéger, il vise à surveiller, à contrôler, à ficher.
Soyons clairs : ce n’est pas un prétendu laxisme qui dégrade la sûreté dans nos transports, mais bel et bien votre abandon du ferroviaire par un sous-investissement chronique, votre renoncement aux causes communes.
M. Sylvain Carrière
Eh oui !
M. Bérenger Cernon
Oui, depuis trop longtemps, vous avez abandonné la question des mobilités sûres et accessibles. Et aujourd’hui, plutôt que d’assumer vos responsabilités, vous brandissez l’épouvantail sécuritaire.
Il est tellement plus simple de parler d’ordre que d’égalité ; tellement plus simple de multiplier les caméras que d’ouvrir des guichets ; tellement plus simple d’instaurer la peur que de garantir le service public. (Mêmes mouvements.) Mais nous ne sommes pas dupes.
Avec ce texte, le gouvernement franchit un nouveau cap dans la surveillance des citoyens, étendant le contrôle algorithmique à tous les transports. Caméras, enregistrements : voilà nos faits et gestes scrutés en permanence, au mépris de nos libertés. Plutôt que de vous attaquer aux vraies causes de l’insécurité, vous choisissez la dérive autoritaire. Ces fausses solutions ne rétabliront ni la confiance ni la sûreté, mais creuseront encore davantage le fossé entre vous et les citoyens.
Vous aurez beau employer tous les algorithmes et toutes les caméras que vous voudrez, cela ne remplacera jamais la présence humaine des agents pour limiter les comportements déviants.
La sûreté des transports publics repose sur des savoir-faire historiques dont peuvent se prévaloir la SNCF et la RATP. Depuis des décennies, la Suge et le GPSR assurent la sécurité des voyageurs en s’appuyant sur un cadre d’intervention précis, fondé sur une connaissance très fine des problématiques propres aux transports en commun.
Or cette proposition de loi, si elle était adoptée en l’état, entraînerait un bouleversement profond et dangereux. L’extension des pouvoirs des agents de sécurité privée vers des compétences relevant de la police constitue une réelle rupture de régime. Confier de telles missions à des entreprises privées, c’est prendre le risque d’un service hétérogène, sans les garanties d’un contrôle public, mais c’est aussi asseoir une logique de rentabilité qui va totalement à rebours de la logique de service rendu aux usagers.
Vous donnez à des agents privés le pouvoir de décider qui peut ou non monter dans un train, d’expulser un usager sur simple injonction, sans contrôle ni cadre clair. Ces décisions seraient désormais confiées à des employés formés à la va-vite, aux prérogatives floues et dont les critères d’habilitation seront décidés plus tard, par décret. C’est l’improvisation totale !
Et que penser de votre refus de former les agents de la sûreté à ces nouvelles tâches, alors que tous appellent à une augmentation de leurs effectifs ? Vous bradez une mission régalienne sans même en mesurer les conséquences. Être agent de sûreté dans les transports, ça ne s’improvise pas ! Progressivement, tous les garde-fous qui prémunissent les citoyens contre les abus répressifs sont piétinés.
Pourtant, la sûreté dans les transports est intrinsèquement liée à la qualité du service qui y est rendu. Les usagers subissent suppressions de trains, de bus et de métros, retards et gares désertées ; cette dégradation du service alimente frustration et tensions. S’y ajoute une politique de déshumanisation totale des transports, qui se concrétise par des gares et des stations sans agents, des trains sans personnel à bord, des bus vétustes.
La dégradation de la qualité du service, qui donne lieu chez beaucoup au stress d’arriver en retard à son travail, à son rendez-vous ou de ne pouvoir récupérer son enfant à l’heure : voilà la cause première des tensions et crispations au sein des transports, car les usagers n’en peuvent plus de voir leur service public s’effondrer. La priorité, ce n’est pas de massifier l’usage des caméras, déjà lourdement présentes, ni d’augmenter les dispositifs répressifs ou de faire de la surenchère pénale. La priorité absolue, c’est de remettre nos services publics sur de bons rails, en offrant aux usagers et aux agents une qualité de service digne, notamment grâce à une loi de programmation pluriannuelle.
Nous voterons donc contre cette proposition de loi. Ne vous y trompez pas, chers collègues : l’adversaire d’une vraie liberté, c’est le désir excessif de sécurité. Si vous voulez remettre de la sûreté dans les transports, la solution est simple : remettez l’humain au cœur de nos services publics ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. Sylvain Carrière
Excellent !
M. le président
La parole est à M. Roger Vicot.
M. Roger Vicot
Je disais tout à l’heure que nous discutions de ce texte pour la quatrième fois : il est arrivé à l’Assemblée une première fois avant la dissolution, puis nous l’avons examiné juste avant la censure du premier ministre Barnier, et à nouveau lors de la commission mixte paritaire de février dernier. Avant l’été 2024, on nous disait qu’il était totalement indispensable au bon déroulement des Jeux olympiques et paralympiques, puisque les transports étaient bien entendu appelés à y jouer un rôle majeur. Comme vous l’avez constaté, malgré l’absence de vote sur ce texte, les Jeux olympiques et paralympiques se sont parfaitement déroulés pour ce qui est de la sécurité dans les transports en commun.
Le titre du texte, relatif au « renforcement de la sûreté dans les transports », est suffisamment banal pour entraîner spontanément l’adhésion de tous. Nous sommes bien entendu pour améliorer la sécurité dans les transports et la coordination de l’ensemble des forces de sécurité qui y interviennent, mais à condition que les compétences de chacun soient clairement définies et qu’elles s’adossent sur des formations destinées à l’ensemble des personnels concernés.
Or ce n’est pas le cas et le diable se cache dans les détails. Je le disais, le texte est très flou ; sa rédaction est globalement hasardeuse et remplie de formulations qui élargissent très fortement le champ de compétences de la Suge et de la RATP. Leurs agents, je le rappelle, ne sont pas des policiers : ils ne sont pas assermentés et ils bénéficient d’une formation de quatre mois seulement.
Ces formulations floues et hasardeuses, qui ouvrent un champ d’appréciation subjectif très large, sont légion : par exemple – je reprends ce passage que j’ai eu l’occasion de citer à plusieurs reprises –, lesdits agents pourront désormais procéder à des palpations dans les transports en commun simplement « si des éléments objectifs indiquent qu’une personne pourrait détenir des objets susceptibles de présenter un risque pour la sécurité des personnes ou des biens ». Le texte est bourré de formulations de ce type, qui laissent beaucoup trop de place à l’interprétation ; c’est cette subjectivité d’appréciation qui n’est pas acceptable à nos yeux.
Lors des différents examens du texte, l’adoption de certains de nos amendements nous a notamment permis d’obtenir la suppression du dispositif initialement prévu à l’article 9, qui introduisait un recours à des traitements algorithmiques pour sélectionner et exporter des extraits d’enregistrement vidéo en cas de procédure judiciaire ; là encore, cette mesure manquait singulièrement de garde-fous. Néanmoins, nous nous inquiétons du flou juridique qui persiste autour de certaines notions, du manque d’encadrement des technologies utilisées et de la disproportion de plusieurs sanctions créées – ces points sont problématiques. L’appétit de répression qui émane de ce texte nous préoccupe : je pense en particulier à la nouvelle peine d’interdiction de l’accès aux gares, prévue à l’article 3, qui fait partie de ces sanctions dont le champ d’application est beaucoup trop large ; ou à la possibilité pour les opérateurs d’installer des systèmes de captation du son dans les véhicules de transport, introduite à l’article 11 – là aussi, les critères d’appréciation sont trop flous.
Quant à la compétence élargie des agents de la Suge et de la RATP, elle nous semble être la première pierre d’un édifice qui en appellerait d’autres : l’article 2 bis ouvre aux salariés d’entreprises privées de surveillance et de gardiennage la possibilité d’interdire l’accès à un train, mais aussi de prononcer des injonctions à descendre d’un train ou à sortir de l’emprise d’un réseau de transport public. Le texte est là encore très flou, puisque les modalités de formation et d’autorisation de ces agents sont renvoyées à un décret qui sera pris en Conseil d’État. Une telle disposition présente le risque de transférer des compétences accrues à des personnels qui, je le répète, sont trop peu formés pour les missions que vous souhaitez leur confier.
En définitive, ce texte est donc trop imprécis, alors qu’il traite finalement – cela n’a pas été assez souligné – de la liberté d’aller et venir de tout un chacun dans les transports en commun. Pour cette raison, le groupe Socialistes et apparentés votera contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. Ian Boucard.
M. Ian Boucard
La sécurité dans les transports en commun est un enjeu majeur pour nos concitoyens. Chaque jour, des millions de Français prennent le train, le métro ou le bus, et l’insécurité y progresse malheureusement de façon inquiétante. En 2023, ce sont plus de 111 000 victimes de vols et de violences qui ont été recensées dans nos transports, dont près de 7 620 agressions physiques et 2 407 agressions à caractère sexuel. De tels chiffres, plus qu’alarmants, imposent une réponse ferme et déterminée de la part du législateur.
C’est précisément l’objectif de cette proposition de loi, déposée par le ministre Philippe Tabarot lorsqu’il était encore sénateur des Alpes-Maritimes ; évidemment, le groupe Droite républicaine la soutient pleinement. Elle vise à renforcer les prérogatives des agents de sûreté interne de la SNCF et de la RATP, à améliorer la coopération entre les différents acteurs du continuum de sécurité et à moderniser l’arsenal pénal pour mieux sanctionner les délinquants qui sévissent dans nos transports.
Grâce au texte issu de la CMP, les agents de sécurité disposeront enfin de moyens plus adaptés : ils pourront procéder à des palpations de sécurité et disposeront de nouvelles facultés en matière d’interdiction d’accès aux gares. Ils auront également la possibilité de saisir des objets dangereux, la constitutionnalité de cette mesure étant assurée par des garanties juridiques renforcées.
Par ailleurs, le texte introduit des avancées essentielles comme la pérennisation du port de caméras-piétons par les agents de contrôle ainsi que l’utilisation de caméras par les conducteurs, qui fera l’objet d’une expérimentation. Sera également expérimenté le recours aux caméras embarquées dans les bus scolaires et dans les tramways de Mayotte – qui sont, vous le savez, la cible d’attaques récurrentes –, ainsi qu’une possibilité de captation du son dans les véhicules, à seule fin de traitement des incidents. La prolongation de l’expérimentation de la vidéosurveillance algorithmique jusqu’au 1er mars 2027 est également une mesure importante, bien que controversée.
En somme, le groupe Droite républicaine estime qu’il était temps de donner ces droits aux agents de sûreté, car on ne peut leur demander d’assurer la sécurité des usagers des transports en commun sans leur en donner les moyens.
M. Alexandre Portier
Exactement !
M. Ian Boucard
Certains ont critiqué ce texte au nom de prétendues atteintes aux libertés individuelles, mais soyons clairs : protéger les usagers, c’est justement garantir leur liberté d’aller et venir en toute sécurité. Le droit à la sûreté est fondamental ; il est du devoir de l’État de le garantir et de notre devoir de parlementaires de le renforcer.
Cependant, nous regrettons que certaines dispositions aient été supprimées par la CMP, notamment celle qui permettait aux agents de la Suge et du GPSR de faire usage de leur arme en cas de périple meurtrier. De la même manière, la possibilité pour ces mêmes agents d’intervenir sur la voie publique, en cas d’urgence, sans autorisation du préfet, a été supprimée, alors qu’elle aurait été utile pour appréhender des contrevenants ayant commis une infraction au sein des emprises et ayant réussi à fuir les agents des services de sécurité jusqu’à trouver refuge sur la voie publique.
Ce texte, qui a été élaboré en concertation avec les professionnels du secteur, apporte néanmoins des solutions concrètes et équilibrées et s’inscrit dans une volonté claire : celle de restaurer l’autorité et d’assurer la sécurité de tous nos concitoyens. J’ajoute que nous avons, de manière collective, particulièrement bien travaillé lors de l’examen en séance publique et que nous l’avons considérablement enrichi, afin de mieux garantir la sécurité dans les transports. Je veux d’ailleurs remercier l’ensemble des groupes qui ont soutenu les amendements que nous présentions au nom de la Droite républicaine, car leur adoption a permis de renforcer largement le texte par rapport à sa version initiale.
M. Fabrice Brun
Quelle élégance républicaine !
M. Ian Boucard
Comme vous pouvez le constater, le groupe Droite républicaine est pleinement mobilisé sur ces enjeux. Nous avons soutenu cette proposition de loi tout au long de son parcours législatif et nous voterons bien évidemment pour.
M. Patrick Hetzel
Excellent !
M. Ian Boucard
Nous appelons tous les parlementaires soucieux de la sécurité des Français à se rallier à cette démarche. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – M. Jean Moulliere applaudit également.)
M. Alexandre Portier
C’était la meilleure intervention du jour !
M. le président
La parole est à Mme Sandra Regol.
Mme Sandra Regol
Comme souvent, ce texte nous est présenté comme une réponse à des faits divers, comme si notre devoir de législateurs et de législatrices n’était pas de protéger la population en anticipant, de prendre de la hauteur sur les faits et de penser à ce qui pourrait advenir avant que cela n’advienne ; comme si nous n’avions qu’à réagir aux éditoriaux de certains médias ou à certains sondages. C’est là une vision – vous en conviendrez – bien pauvre et étriquée de notre mission de parlementaires.
La question des transports en commun recouvre de multiples enjeux, en particulier l’économie, la cohésion des territoires et, bien évidemment, l’environnement. Il convient de leur consacrer les moyens nécessaires à leur fonctionnement – au vu du budget pour 2025, on en est encore loin – et à la sécurité des usagers ; ce dernier point est censément l’objet de ce texte.
Mais la sécurité dans les transports passe d’abord et avant tout par des flux maîtrisés, par des gares qui ne sont pas submergées et ne mettent pas leurs usagers en danger, par des trains et des métros où les voyageurs peuvent respirer et ne sont pas écrasés comme des sardines dans une boîte,…
M. Ian Boucard
C’est un hommage à Patrick Sébastien ! (Sourires.)
Mme Sandra Regol
…par des mouvements de foule évités, par des métros, des trains et des bus accessibles intégralement à toutes et tous et pas uniquement aux personnes valides ; bref, elle nécessite l’existence de véritables transports en commun.
C’est à ce prix que l’on peut construire des transports du quotidien adaptés, inclusifs, attractifs, et susciter un véritable report modal vers le train – c’était l’argument qui avait été soulevé par le ministre Tabarot –, essentiel pour assurer une transition écologique inclusive et positive. Mais de cette vision des transports pour toutes et tous, nulle trace dans ce texte.
M. Laurent Jacobelli
Bah non, il est question de sécurité !
M. Alexandre Portier
C’est un texte sur la sécurité !
Mme Sandra Regol
La demande de sécurité émanant des usagers et des personnels des transports est légitime – elle relève même de l’urgence ; nous la soutenons toutes et tous. Ce texte issu de la CMP est certes moins mauvais que la version originale : il est bien plus cohérent qu’il ne l’était à l’origine, mais permettez-moi de dire que ce n’était pas très difficile, vu le peu de cohérence qu’il avait alors. Malgré ces quelques avancées, il reste toutefois des obsessions sécuritaires qui n’ont rien à voir avec une amélioration effective de la sécurité des passagères et des passagers. C’est bien là que le bât blesse : alors que nous soutenons plusieurs aspects de ce texte, des éléments trop problématiques persistent.
Nos collègues du Sénat, et en premier lieu mon collègue alsacien Jacques Fernique, vous l’ont d’ailleurs déjà dit : l’absence d’étude d’impact est problématique et révélatrice. Aucune évaluation des mesures existantes n’ayant été réalisée au préalable, nous avançons à l’aveugle et le texte propose toujours nombre de dispositifs qui existent déjà dans les faits.
La proposition de loi néglige ainsi les aspects de prévention et de dissuasion ; au passage, elle instille le flou sur le périmètre des missions régaliennes de l’État en matière de sécurité, allant même jusqu’à en confier une partie au secteur privé – on va bien loin dans la confusion. Elle renforce en revanche les sanctions prévues pour des infractions mineures, ce qui contribue à diluer la nécessaire progressivité des peines qui fonde pourtant notre droit. Elle accentue en outre la surveillance généralisée d’une population qui n’a pourtant rien à se reprocher, et elle prétend le faire pour sa sécurité, sans qu’aucune étude, là encore, ne vienne le justifier – et pour cause.
Pourtant, tout au long des débats sur ce texte – qui se sont étendus sur une période prolongée, vous l’avez rappelé –, le groupe Écologiste et social a eu une attitude de responsabilité et a tenté de faire en sorte que nous avancions ensemble. Notre groupe a ainsi soutenu la demande des conducteurs de bus qui, pour assurer leur sécurité, veulent disposer de moyens d’alerte par captation sonore. De même, nous ne nous sommes pas opposés à la captation par caméras-piétons, sachant qu’à Lyon, on a observé une baisse de près de 30 % du nombre d’arrêts de travail depuis qu’elles y sont expérimentées. Nous avons même proposé, pour aller plus loin, de compléter le dispositif en expérimentant la mise en place d’un récépissé dans le cadre des contrôles. Cela aurait permis de trouver un point d’équilibre et d’envoyer un signal important montrant que le texte ne relevait pas uniquement de l’affichage.
Cependant, nous continuons à dénoncer l’introduction cavalière de la vidéosurveillance algorithmique, à tout le moins l’extension de son expérimentation, alors que le rapport remis à ce sujet ne conclut nullement à sa nécessité et que le Conseil constitutionnel a déjà encadré le recours à ce type de technologies. Vous continuez à vouloir passer en force, au détriment de la logique parlementaire et du dialogue – comme d’habitude, suis-je tentée de dire. D’ailleurs, le gouvernement a choisi d’ajouter par amendement, en catimini, au dernier moment et sans éclairer le vote, une disposition dont le but est d’assurer la prolongation du dispositif.
D’autre part, nous refusons toujours la dérive des moyens de l’État vers le privé et sommes attentifs aux alertes données par les syndicats, notamment à propos de l’article 2 bis. Reste enfin, même si une bonne part en a été gommée, un acharnement sur les plus faibles.
Nous avons tout fait pour passer d’une proposition de loi de communication à un véritable texte d’action, et je remercie le rapporteur pour son travail en ce sens, mais toutes les mains tendues ont été refusées. Dont acte. Le groupe Écologiste et social ne votera pas en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Patrick Hetzel
C’est dommage !
M. Alexandre Portier
Quelle déception…
M. le président
La parole est à M. Philippe Latombe.
M. Philippe Latombe
La sûreté est un enjeu majeur pour nos transports en commun. En 2023, on a dénombré plus de 100 000 victimes de vol ou de violences dans les transports ; nous sommes face à un véritable problème de sécurité publique, qu’il nous faut appréhender avec pragmatisme et efficacité. Alors que les contrevenants adoptent des comportements de plus en plus dangereux, nous devons apporter des réponses proportionnées aux menaces, en veillant au respect des libertés publiques. Le sentiment d’insécurité ne doit plus être un frein à l’usage des transports en commun par nos concitoyens, en particulier les plus vulnérables d’entre eux.
C’est pourquoi nous avons travaillé à réformer le cadre juridique d’intervention des agents de la sûreté dans les transports, car sans doute est-il désormais inadapté ou trop contraignant. Il n’est pas acceptable que les agents de la Suge et du GPSR, qui bénéficient d’une formation exigeante et continue, soient dans l’incapacité juridique d’intervenir quand ils constatent des infractions.
La proposition de loi que nous nous apprêtons à voter nous donne les moyens d’aider ces agents dans leur travail en comblant les lacunes de la législation pénale. Elle doit nous permettre de renforcer le continuum de sécurité et d’assurer la bonne coopération entre les différents acteurs de la sécurité. On y appréhende la sûreté dans les transports sous ses multiples facettes, en renforçant le pouvoir des agents et en sécurisant leur recrutement, en durcissant la réponse pénale, en intensifiant la lutte contre la fraude dans les transports.
L’extension des prérogatives des agents de sûreté en matière de palpation et de saisie, la possibilité pour les agents de contrôle et les conducteurs de bus de faire usage de caméras-piétons ou encore la possibilité d’interdire l’entrée en gare aux individus qui troublent l’ordre public ou qui refusent de se soumettre à l’inspection de leurs bagages, tous ces dispositifs vont renforcer les moyens juridiques, administratifs et opérationnels des agents de sûreté et leur permettre d’assurer au mieux leurs missions de sécurisation de nos transports.
Nous souhaitons toutefois exprimer quelques réserves quant à la prolongation de l’expérimentation mise en œuvre à l’occasion des Jeux olympiques pour le traitement algorithmique d’images collectées au moyen de systèmes de vidéoprotection et de drones. Cette expérimentation concerne un champ bien plus large que les transports qui nous occupent aujourd’hui, et il ne nous semble pas adapté de la prolonger par cette proposition de loi visant à renforcer la sûreté dans les transports, sans avis préalable du Conseil d’État.
Nous regrettons que la prolongation de l’expérimentation ne tienne pas compte du bilan, pour le moins contrasté, dressé par le rapport d’évaluation de Christian Vigouroux. Nous savons que, pendant les Jeux olympiques, la présence des forces de l’ordre sur le terrain a finalement rendu la vidéosurveillance à surcouche algorithmique moins utile qu’escompté. Le rapport montre également que, sur les huit types de situations inhabituelles censées pouvoir être détectées, les résultats sont incertains pour cinq d’entre eux. C’est notamment le cas pour la détection d’objets abandonnés, qui présente pourtant un intérêt particulier pour les services de sécurité dans les transports. Cet article risque de ne pas franchir la barrière constitutionnelle, donc d’être invalidé par le Conseil constitutionnel. À titre personnel, j’adresserai une contribution au Conseil à l’occasion de sa saisine.
Nous sommes néanmoins satisfaits des équilibres trouvés avec les différents groupes de l’Assemblée et du Sénat. Nous tenons à saluer le travail du gouvernement, ainsi que celui des rapporteurs de l’Assemblée, Clément Beaune puis Guillaume Gouffier Valente, qui ont contribué à améliorer cette importante proposition de loi. Notre groupe votera donc pour ce texte, qui est attendu par nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
La conférence des présidents a décidé qu’il serait procédé à un scrutin public sur la proposition de loi telle qu’elle résulte des travaux de la commission mixte paritaire.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean Moulliere.
M. Jean Moulliere
Le groupe Horizons & indépendants adhère pleinement à l’objectif de cette proposition de loi : renforcer la sécurité des usagers et des agents des transports publics face aux incivilités, à la délinquance et aux menaces terroristes. Je tiens à saluer ici l’engagement du ministre chargé des transports et du rapporteur en faveur de l’amélioration de la sûreté dans les transports en commun.
Certes, les chiffres officiels font état d’une baisse du nombre de vols et de violences dans les transports en commun. Pourtant, la réalité demeure inacceptable : en 2023, 118 440 personnes ont été victimes de tels actes. Qui plus est, les femmes en restent les premières cibles, puisqu’elles représentent 56 % des victimes de vol avec ou sans violences et plus de 95 % des victimes de violences sexuelles. Il était donc essentiel de légiférer pour garantir la sécurité de tous dans les transports et inscrire dans la durée la baisse des violences observée.
Ne pas agir serait non seulement injuste envers les victimes, mais aussi dangereux et naïf, car nul ne peut nier la réalité de la situation dans les transports. Il est de notre responsabilité de garantir à tous les citoyens des transports sûrs et apaisés. Nous saluons, à cet égard, l’engagement quotidien des agents des entreprises de transport, qui font face à une montée préoccupante de l’agressivité de certains usagers.
Dans un premier temps, il nous faut renforcer les moyens d’action des forces de sécurité. Il est indispensable d’adapter notre dispositif de sûreté aux menaces actuelles. Cela passe par un renforcement des prérogatives de la Suge et du GPSR. Il s’agit notamment d’assouplir les conditions de palpation de sécurité ; de permettre aux agents, sous certaines conditions, d’intervenir aux abords des gares et des stations ; d’en restreindre l’accès à certaines personnes représentant un risque pour la sécurité des voyageurs.
L’autorisation donnée aux agents de la Suge de porter un pistolet à impulsion électrique, afin qu’ils puissent apporter une réponse intermédiaire en cas d’agression, va également dans le bon sens. Le rôle des polices municipales doit lui aussi être consolidé. Nous sommes favorables à ce qu’ils aient accès aux véhicules et espaces de transport lorsqu’une convention est conclue avec l’exploitant du service public.
Enfin, il nous faut mettre la technologie au service de la sûreté. L’efficacité des caméras-piétons n’est plus à démontrer, tant en matière de dissuasion que de recueil de preuves. La pérennisation de leur usage par les contrôleurs apparaît comme une mesure de bon sens.
Le texte issu de la commission mixte paritaire traduit ces impératifs avec justesse. C’est pourquoi le groupe Horizons & indépendants votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe DR.)
M. le président
La parole est à M. Yannick Favennec-Bécot.
M. Yannick Favennec-Bécot
Chaque année, plus de 111 000 usagers des transports en commun sont victimes de violences, d’agression ou de vol. Dès lors, un renforcement de la sécurité et de la protection de chacun dans nos transports publics s’impose.
En France neuf personnes sur dix se sont déjà senties en insécurité dans les transports publics. Plus grave encore, ce sentiment est partagé par 97 % des jeunes femmes. À cet égard, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires souscrit au constat des auteurs de la proposition de loi : le sentiment d’insécurité dans les transports en commun est en progression.
La présente proposition de loi porte une série de mesures qui permettront de renforcer la sécurité des passagers et des conducteurs et de lutter plus efficacement contre la délinquance dans les transports. Nous soutenons les deux objectifs de ce texte : d’une part, renforcer les prérogatives des agents des services internes de sûreté de la SNCF et de la RATP afin d’assurer une réponse immédiate et efficace face aux risques de troubles à l’ordre public ; d’autre part, améliorer l’effectivité de la réponse pénale face à la hausse des infractions dans les transports.
Si notre groupe est favorable à ce renforcement de la sécurité, nous alertons cependant sur le risque d’inconstitutionnalité qui s’attache à certaines mesures. Ainsi, en dépit des améliorations apportées en commission, nous avons quelques réserves à propos de l’article 1er, qui vise à permettre aux agents de sûreté de la SNCF et de la RATP de recourir, sans autorisation préfectorale, à la palpation et à la saisie d’objets. En premier lieu, ces mesures sont des prérogatives exclusives de l’autorité judiciaire. En second lieu, elles risquent de contrevenir au droit à la vie privée et à la liberté d’aller et venir. Au Sénat, le président de la commission des lois et la rapporteure du texte, apparentée au groupe Les Républicains, s’y étaient d’ailleurs opposés, en raison du risque d’inconstitutionnalité.
Par ailleurs, notre groupe s’interroge sur les difficultés d’application de certaines mesures. Si nous soutenons pleinement les dispositions qui renforcent les sanctions contre les infractions à caractère sexuel dans les transports, nous nous interrogeons sur la mise en œuvre concrète, sur le terrain, des contrôles et des vérifications nécessaires à l’application, aux récidivistes de crimes et délits sexuels, de la nouvelle peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les transports.
S’agissant du renforcement de la réponse pénale pour lutter contre l’oubli de bagages ou le défaut d’étiquetage, les sanctions nous paraissent disproportionnées. Certes, la négligence de certains passagers entraîne pour les usagers des retards inacceptables, et il est nécessaire de responsabiliser ces voyageurs, mais ne faudrait-il pas renforcer l’effectivité des contrôles pour non-étiquetage, qui sont actuellement très peu appliqués par la SNCF ? Sur ce point, notre groupe soutient la création d’un nouveau service d’étiquetage anonyme, qui aurait un effet plus incitatif pour les usagers.
Enfin, notre groupe salue l’ensemble des mesures qui visent à renforcer la sécurité des personnels des transports, en particulier des conducteurs. La faculté de captage sonore, lorsque le conducteur d’un bus se sent menacé, permettra d’assurer une plus grande sécurité dans les transports du quotidien. Notre groupe estime que la CMP a suffisamment borné le dispositif pour préserver les libertés publiques.
Dans le même sens, la possibilité pour les opérateurs de transport de porter plainte pour le compte de leurs agents victimes d’agression ou de violences permettra de les accompagner et de faciliter le déploiement de la répression pénale.
En dépit des réserves que j’ai exprimées, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires estime que le travail de la commission mixte paritaire a permis de redonner à la proposition de loi un caractère équilibré. Ce texte sera donc soutenu par la majorité de notre groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
M. le président
La discussion générale est close.
Vote sur l’ensemble
M. le président
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 445
Nombre de suffrages exprimés 438
Majorité absolue 220
Pour l’adoption 303
Contre 135
(La proposition de loi est adoptée.)
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures cinq.)
M. le président
La séance est reprise.
3.
Sortir la France du piège du narcotrafic
-
Statut du procureur de la République national anti-criminalité organisée
Suite de la discussion d’une proposition de loi et d’une proposition de loi organique
M. le président
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic (nos 907, 1043 rectifié) et de la proposition de loi organique, adoptée par le Sénat, fixant le statut du procureur de la République national anti-criminalité organisée (nos 908, 1044).
Discussion générale commune (suite)
M. le président
Hier soir, l’Assemblée nationale a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale commune.
La parole est à M. Jocelyn Dessigny.
M. Jocelyn Dessigny
Nous sommes réunis pour aborder un fléau qui ronge notre nation et notre quotidien. Il ne s’agit pas d’un simple enjeu sécuritaire, mais d’une guerre à mener contre des criminels. Chaque jour, la drogue détruit des vies, gangrène nos quartiers et alimente une criminalité de plus en plus violente. Pendant trop longtemps, vous avez laissé faire : il est temps d’agir et d’organiser une riposte implacable.
Si la proposition de loi que nous examinons marque une avancée, elle n’est pas à la hauteur des nécessités qu’impose ce combat. Nous devons frapper vite et fort pour éradiquer les organisations mafieuses. Le trafic de drogue est avant tout une affaire financière ; il repose sur une industrie criminelle, structurée et hiérarchisée, qui achète et vend selon la loi primaire du capitalisme, celle de l’offre et la demande. Le narcotrafic ou plutôt – cela plaira à nos collègues de gauche – le narcocapitalisme produit entre 3,5 et 6 milliards d’euros de revenus illégaux.
Pour le combattre, il ne suffit pas d’interpeller les vendeurs de drogue en bas des tours et de couper les têtes de réseau, chaque réseau neutralisé étant immédiatement vampirisé et remplacé par un concurrent. Pour mener cette guerre commerciale, il faut s’attaquer simultanément à l’offre et à la demande. Or, monsieur le rapporteur, si cette loi contient des avancées – insuffisantes – en matière de lutte contre l’offre, le consommateur en est totalement absent.
Il faut détruire les flux financiers, frapper au cœur du système et rendre l’activité non rentable. Le principal coût réside non dans l’achat de la production, mais dans la distribution. Il faut donc agir au niveau logistique. À cet égard, nous serons particulièrement attentifs à l’article 3 bis relatif à l’accession aux données des opérateurs portuaires et aéroportuaires et au chapitre II consacré au problème des « mules ».
Dans le monde des affaires, l’argent est roi. Les narcocapitalistes le savent très bien et ils utilisent tous les moyens illégaux pour blanchir leur argent. Certes, vous prévoyez de les combattre sur ce terrain, mais où sont les mesures massives de confiscation des avoirs criminels ? Où sont les dispositifs spécifiques pour suivre l’argent sale, les circuits bancaires opaques, les sociétés écrans qui alimentent les mafias ? Sans eux, nous continuerons de courir après une hydre dont les têtes repoussent sans cesse.
L’exemple italien doit nous inspirer. Confrontée à une criminalité tentaculaire, l’Italie a su prendre des décisions radicales : création du crime d’association mafieuse, surveillance avancée des flux financiers, confiscation systématique des biens criminels. En conséquence, des centaines de personnes ont été arrêtées, les cartels ont été affaiblis et l’État a repris la main. La France ne peut plus tergiverser. Il faut des moyens, des outils d’enquête performants et une coopération judiciaire européenne renforcée.
Je le disais en préambule, la seconde lacune majeure de ce texte concerne la prévention et le soin. Sans consommateur, pas de marché. Tant que nous ne briserons pas la spirale infernale de la consommation, les trafiquants prospéreront. Où sont les mesures pour empêcher nos jeunes de tomber dans la délinquance et le crime organisé ? Où sont les programmes d’éducation à la toxicité des drogues ? Où sont les dispositifs de prise en charge des dépendances ? Un toxicomane est une source de revenus pour les réseaux criminels. Si nous ne traitons pas la consommation, nous laissons la voie libre aux narcotrafiquants.
Ce sujet est grave et il n’y a plus de temps à perdre. Si nous soutiendrons votre loi, j’affirme dès à présent qu’elle est insuffisante. En l’absence de mesures juridiques fermes et de rétablissement des peines planchers, vous n’effraierez pas les dealers et leurs complices.
Cette loi a pour objectif de frapper le haut du spectre, c’est-à-dire les personnes présentant les signes les plus élevés de dangerosité, et puisque vous savez où elles se trouvent, allez les chercher ! Plus d’excuse ! Messieurs les ministres, nous vous apportons les solutions sur un plateau, servez-vous : instaurez une coopération internationale avec les États complaisants qui cachent les narcotrafiquants ; obligez-les à coopérer avec les services français sous peine de sanctions financières ; renvoyez les criminels et délinquants étrangers dans leurs pays d’origine.
Vous avez besoin de nous et nous serons à vos côtés pour faire face à l’extrême gauche laxiste, pour qui la solution réside dans la légalisation et la dépénalisation.
M. René Pilato
Foutez-nous la paix !
M. Jocelyn Dessigny
Je l’affirme : à chaque recul, ce sont les trafiquants qui avancent. Extrémistes de gauche, comment faites-vous pour regarder en face les agents des forces de l’ordre alors que vous les envoyez au front sans arme ni moyen ! Vous êtes la honte de cet hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. René Pilato
Nous n’avons pas de leçons à recevoir de l’extrême droite – l’ignoble extrême droite !
M. Jocelyn Dessigny
L’idée que la légalisation du cannabis constituerait une solution miracle est illusoire. L’expérience des Pays-Bas, du Canada ou des États-Unis le prouve : la consommation augmente, le marché noir persiste et la criminalité s’adapte.
Au Rassemblement national, nous refusons l’inaction et le renoncement. La France doit se doter d’une législation efficace et d’une stratégie cohérente pour mener une répression sans compromis. L’heure n’est plus aux demi-mesures. Il faut frapper vite et fort. Il faut agir maintenant. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Sébastien Huyghe.
M. Sébastien Huyghe
En 2024, on a compté 110 personnes décédées, 341 personnes blessées dans des violences liées au narcotrafic, 367 assassinats et tentatives d’assassinat liés au trafic de stupéfiants : telle est la terrible réalité de l’ampleur du narcotrafic et de la criminalité organisée en France.
Derrière ces chiffres, il y a des vies brisées, des familles endeuillées, des territoires gangrenés. Derrière ces chiffres, il y a des enfants, des frères et des sœurs, arrachés aux leurs par la drogue et la violence qu’elle engendre, ainsi qu’un nombre croissant de jeunes happés par l’engrenage du trafic.
Derrière ces chiffres, il y a aussi ceux qui prospèrent sur cette misère : les chefs de réseau, les blanchisseurs, les financiers du crime qui agissent encore trop souvent en toute impunité. Nous devons livrer bataille contre eux, contre les têtes de réseau et les organisations criminelles structurées, contre ceux qui pensent que l’État a renoncé. Nous devons donner à l’État les outils nécessaires pour combattre efficacement les trafiquants de mort et gagner une chance de sortir la France du piège du narcotrafic.
La France est aujourd’hui à un point de bascule : soit nous agissons avec détermination, soit nous laissons le narcotrafic gangrener un peu plus notre société. Une lourde responsabilité nous incombe. Doter l’État des moyens de reprendre le contrôle, faire en sorte que les politiques publiques répondent aux réalités de terrain et aux attentes de nos concitoyens, faire de la lutte contre le narcotrafic une priorité nationale : tel est notre devoir de parlementaires.
Si les sujets régaliens font rarement consensus dans l’hémicycle, je suis persuadé que, sur un sujet aussi grave, nous pouvons trouver des terrains d’entente. Nous devons être à la hauteur de l’enjeu : les victimes et leurs familles nous obligent ! Il nous faut réagir en conséquence et, ensemble, faire front partout.
Le sursaut national dont nous entendons parler doit devenir une réalité. Un changement de paradigme est possible, mais pour cela, aucune main ne doit trembler. Il nous faut traiter le sujet pour ce qu’il est : un véritable fléau économique et social qui finance la criminalité, affaiblit nos institutions et menace la cohésion nationale. Aucune zone ne doit être abandonnée aux trafiquants. En examinant ce texte, notre objectif doit être de restaurer l’autorité de l’État dans chaque quartier, de démanteler les réseaux et de reprendre le contrôle des territoires perdus.
Si je ne puis être exhaustif à propos d’un texte d’une telle envergure, il m’apparaît néanmoins essentiel de revenir sur quelques mesures clés du texte. Cette proposition de loi réformera l’architecture judiciaire avec la création d’un parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco). Sur le modèle du parquet national financier (PNF) et du parquet national antiterroriste (Pnat), il traitera les crimes les plus graves, incarnera la lutte contre le narcotrafic et coordonnera les parquets spécialisés.
Plus que jamais, il est impératif de repenser nos modes d’action pour faire face aux organisations structurées. Les réseaux criminels adoptent des stratégies de plus en plus sophistiquées qui affaiblissent l’efficacité des méthodes d’enquête traditionnelles. Face à ces organisations disposant de ressources et de technologies avancées, il est impératif d’adapter nos dispositifs de surveillance et d’investigation. Sur ce point, avec mes collègues du groupe Ensemble pour la République, je défendrai des amendements visant à rétablir la mesure du dossier coffre et l’activation à distance des appareils technologiques.
Enfin, la prise en charge des détenus condamnés pour criminalité organisée doit être ajustée à leurs profils spécifiques. À cette fin, les articles 23 et suivants prévoient plusieurs mesures indispensables visant à renforcer la sécurité pénitentiaire.
Je tiens à saluer le travail important de nos trois rapporteurs sur cette proposition de loi. Sans surprise, le groupe EPR votera en faveur de ce texte d’équilibre qui contribuera à protéger nos concitoyens. Nous choisissons de doter nos pouvoirs publics, nos forces de l’ordre et notre justice des outils nécessaires pour traquer les narcotrafiquants et pour faire face aux chefs de réseaux criminels. Enfin, nous voterons ce texte pour envoyer un message clair aux narcotrafiquants : partout où vous serez présents, nos forces de l’ordre le seront aussi. Partout où vous outrepasserez la loi, la justice passera.
M. le président
La parole est à Mme Élisa Martin.
Mme Élisa Martin
Cette proposition de loi, examinée en première lecture au Sénat, comportait initialement vingt-quatre articles. Au moment où elle arrive dans l’hémicycle, elle en compte plus de cinquante. Cela témoigne non seulement d’une surenchère législative, mais aussi, et surtout, de votre surenchère sécuritaire.
Tous les coups sont-ils permis ? Telle est la question que nous inspire cette proposition de loi. Je pense d’abord à certaines mesures absolument liberticides. Des articles ont d’ailleurs été supprimés en commission des lois, comme celui qui prévoyait l’accès au contenu des échanges par messagerie, en violation complète du droit à la vie privée et du secret des correspondances, ou celui qui introduisait le fameux dossier coffre, totalement attentatoire aux droits de la défense puisque, avec un tel dispositif, la personne mise en cause n’aurait pas accès à une partie des actes d’enquête. Or le gouvernement veut à tout prix réintroduire ces mesures.
Cela ne lui suffit pas. Le texte inclut ainsi toute une série de mesures visant à une surveillance généralisée, comme l’activation à distance d’objets connectés, la possibilité d’intercepter et d’écouter n’importe quel flux de discussion ou la multiplication des caméras et autres drones. C’est l’extension sans limite de la technopolice.
Ensuite, vous présentez comme mesure phare de votre texte la création de prisons de haute sécurité, en réalité des incubateurs du trafic, des prisons cocotte-minute dans lesquelles toutes les tensions carcérales seront exacerbées.
En outre, la dignité des conditions de détention n’est toujours pas votre préoccupation. Vous prônez l’isolement, dont les effets néfastes sur la santé mentale et physique sont prouvés.
M. Olivier Marleix
Les pauvres chéris ! Les pauvres gros trafiquants tout gentils !
Mme Élisa Martin
On parle alors de « torture blanche ». Dans de telles conditions, comment comptez-vous organiser la sortie de ces personnes pour éviter la récidive ? Non, la justice de la République, ce n’est pas « œil pour œil, dent pour dent ».
M. Olivier Marleix
Et les victimes, vous vous en souciez ? Quelle honte !
Mme Frédérique Meunier
Vous êtes naïfs !
Mme Brigitte Barèges
N’importe quoi !
Mme Élisa Martin
Voilà bien l’aporie de votre idéologie politique qui crée elle-même de l’insécurité puisque ceux que vous enfermez n’ont aucun espoir de réinsertion.
Avec cette proposition de loi, vous instaurez de nouveau une coercition administrative qui ouvre la voie à des mesures arbitraires et disproportionnées.
La création du parquet national anti-criminalité organisée n’y changera rien. À moyens constants, c’est de la poudre aux yeux. La centralisation à Paris risque même d’engorger les services et de limiter le déploiement de certaines procédures au niveau local.
Votre paradigme politique empêche ainsi tout traitement efficace de cette forme de criminalité qui doit être envisagée comme ce qu’elle est : une entreprise qui s’inscrit parfaitement dans une économie libérale, dérégulée et mondialisée, et non l’action d’individus qu’il faudrait mater à tout prix.
Vous occultez les causes réelles des trafics. En revanche, vous n’oubliez pas de vous acharner sur certains – toujours les mêmes. Faute de pouvoir agir sur le haut du spectre, c’est-à-dire le grand banditisme, la plupart de vos mesures toucheront et stigmatiseront encore davantage celles et ceux qui deviennent les cibles privilégiées des grands réseaux de trafic à cause de la précarité à laquelle vous les condamnez. Vous allez jusqu’à prévoir l’expulsion des familles de leur logement dans l’indifférence, évidemment, des instigateurs qui trouveront aussitôt d’autres petites mains.
L’unique aspect qui peut retenir notre attention est le nouveau statut des repentis. Il induit un potentiel changement de stratégie auquel il est grand temps de procéder.
Cependant, aucune réflexion n’a été menée sur la légalisation, du cannabis en particulier, qui permettrait pourtant de mener des politiques sanitaires et de prévention. Une telle mesure préviendrait à la fois la consommation et l’entrée dans le trafic. Sinon, comment tarir la demande ? D’ailleurs, où est M. le ministre de la santé ?
Oui, nous prônons des moyens humains pour la police, pour la justice et pour l’accompagnement des jeunes les plus vulnérables. Notre approche, globale, de la lutte contre la criminalité organisée est radicalement différente de la vôtre.
Quand toutes vos mesures auront échoué à leur tour, que vous restera-t-il ? Alcatraz ? La reconnaissance faciale ? L’emprisonnement des familles ? Ou pourquoi pas la suppression de l’avocat ?
Mme Émilie Bonnivard
N’importe quoi !
M. Aurélien Pradié
Ça vous rappellera Staline !
Mme Élisa Martin
Bref, jusqu’où irez-vous dans la fuite en avant attentatoire aux droits fondamentaux pour satisfaire vos ambitions politiciennes, loin de la volonté de sortir la France du piège du narcotrafic ? (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et DR.)
M. le président
La parole est à Mme Colette Capdevielle.
Mme Colette Capdevielle
Nous examinons ce soir la proposition de loi visant à lutter contre le narcotrafic, un texte que la commission des lois a amendé et enrichi grâce à nos trois rapporteurs.
Face à ce véritable fléau, notre société doit réagir et s’adapter. Pour mener ce combat légitime, notre pays doit se doter de moyens modernes, renforcés et surtout efficaces. Nos points de vue peuvent cependant diverger sur le chemin qu’il faut emprunter.
La modification du droit pénal et de la procédure pénale ne tolère aucun cynisme ou raccourci. En la matière, il faut respecter le principe de proportionnalité, qui conditionne la légalité d’une action au respect d’un équilibre entre l’objectif et les moyens employés. Sortons donc de tout manichéisme et soyons réalistes.
Monsieur le ministre, faire constamment référence à l’opinion publique, cela porte un nom : le populisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Élisa Martin applaudit également.) Dans un État de droit, défendre avec force les libertés fondamentales n’est pas synonyme de laxisme ou de naïveté : c’est une exigence. La liberté n’est ni un luxe ni une lubie mais le fondement de notre démocratie.
L’un des illustres prédécesseurs de M. le garde des sceaux, Robert Badinter, rappelait toujours : « Il n’y a pas de démocratie contemporaine sans État de droit fondé sur les libertés. Et pas de liberté non plus hors d’une démocratie respectueuse de l’État de droit. »
Ainsi, nous ne pouvons accepter le rétablissement des quartiers de haute sécurité, supprimés en 1982 par Robert Badinter car ils s’étaient révélés totalement inefficaces et inhumains. Les mesures prévues par ce régime de détention sont contraires à la dignité humaine et dégradantes. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.) Ce régime pénitentiaire, par sa rigueur extrême, conduit invariablement à un processus qui détruit toute humanité, réduisant la peine à des châtiments et occultant l’essentiel.
L’article 130-1 du code pénal indique clairement que la peine a pour fonction de « sanctionner l’auteur de l’infraction » et de « favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion ». La réintroduction de ces quartiers est le symptôme très inquiétant d’une époque où la posture politique prime sur la lutte contre la récidive qui devrait pourtant nous mobiliser toutes et tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Le Conseil d’État a demandé au gouvernement de revoir sa copie tant le texte d’origine était à l’évidence inconventionnel et inconstitutionnel. Certes, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a accepté le dispositif prévu par l’article 41 bis de la loi italienne, mais cela ne signifie pas du tout qu’elle valide le principe de ce régime de haute sécurité. En outre, la criminalité organisée italienne, de type mafieux, n’a rien à voir avec la nôtre. Comparaison n’est pas raison.
Toute société démocratique évoluée doit d’abord respecter l’égalité des armes – principe cardinal du droit français –, le principe du contradictoire et les droits de la défense.
Le procès-verbal distinct représente à cet égard un vrai danger car il empêche de vérifier la légalité de la constitution des éléments de preuve. Dès lors, comment l’accepter ? De même, le recours à la visioconférence ne peut devenir la règle. Dans un communiqué très éclairant publié aujourd’hui, l’Association française des magistrats instructeurs voit dans cette mesure une défaillance de l’État. Rappelons que la justice est rendue par les humains et pour les humains, dans des lieux de justice. C’est dans le cadre de ce face-à-face judiciaire, les yeux dans les yeux, qu’une décision de privation de liberté et de placement en détention doit être prise.
Vous souhaitez réintroduire dans le texte l’article 8 ter qui permet à l’État d’avoir accès au contenu des messageries cryptées. Cette mesure est dangereuse – nous avons été alertés par les opérateurs – car elle crée une faille dont d’autres acteurs, moins bien intentionnés que l’État, pourrait chercher à profiter.
Nous resterons également mobilisés pour que l’autorisation d’activer à distance des appareils fixes ne soit pas réintroduite et pour que la mesure permettant d’installer des Imsi-catchers soit supprimée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
En matière d’efficacité, qui peut croire que la prolongation jusqu’à cent vingt heures de la garde à vue des mules favorisera le démantèlement du haut du spectre ? (M. Inaki Echaniz applaudit.) La lutte contre le trafic ne sera vraiment efficace que si l’on augmente de façon très significative les moyens matériels et humains. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Notre ligne est très claire : non au reniement de nos libertés fondamentales – évitons de découvrir la valeur de l’État de droit une fois que nous l’aurons perdu –, oui au combat contre le narcotrafic. Alors, au travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Sandra Regol applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Olivier Marleix.
Mme Émilie Bonnivard
Ce sera un peu moins idéologique !
M. Ugo Bernalicis
Parlez-nous des victimes, monsieur Marleix !
M. Olivier Marleix
En effet, mon intervention sera moins centrée que d’autres sur la défense des trafiquants en prison…
Mes chers collègues, j’avoue qu’il m’est arrivé parfois, dans cet hémicycle, de faire le triste constat que le texte que nous étions en train d’examiner ne changerait pas grand-chose à la vraie vie de nos concitoyens. À l’évidence, ce n’est pas ce que je ressens au moment de débuter l’examen de cette proposition de loi qui nous permettra de changer d’échelle dans la lutte contre les trafics de drogue. Elle marque un véritable réveil de la nation…
M. Ugo Bernalicis
Oh là là !
M. Olivier Marleix
…face à ce fléau qui corrompt tout, de notre jeunesse…
M. Ugo Bernalicis
Et aussi notre vieillesse !
M. Olivier Marleix
…à nos institutions républicaines – je pense notamment au scandale de la prison d’Aiton, en Savoie. (Mme Émilie Bonnivard applaudit.)
Il suffit d’ailleurs de voir l’hostilité que suscite le texte auprès de La France insoumise (M. Ugo Bernalicis rit) pour comprendre qu’il n’est pas anodin.
Je veux d’abord rendre hommage au ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau. En effet, c’est lui qui est à l’origine de ce sursaut puisqu’une commission d’enquête sur l’impact du trafic de drogue en France a été lancée au Sénat à l’initiative du groupe qu’il présidait.
M. Ugo Bernalicis
Qui soutient qui ? On ne comprend plus rien !
M. Olivier Marleix
Je veux aussi saluer le formidable travail bipartisan réalisé par les sénateurs Étienne Blanc, du groupe Les Républicains, et Jérôme Durain, du Parti socialiste, auteurs de cette proposition de loi. Oui, la lutte contre le trafic de drogue mérite bien l’unité nationale. Essayons de nous montrer à la hauteur de ce qu’a su faire le Sénat.
Je veux évidemment penser également aux victimes du trafic de drogue. Si ce combat est si important, c’est parce que ses premières cibles, ses premières victimes sont des jeunes.
M. Ugo Bernalicis et Mme Élisa Martin
Eh oui !
M. Olivier Marleix
Madame Martin, vous devriez penser à eux plutôt que de vous préoccuper du sort des caïds, des gros bonnets qui sont en prison. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme Élisa Martin
Oui, les enfants entraînés dans le trafic ! Je les connais, ces gosses-là !
M. Olivier Marleix
Je pense à ces enfants de nos quartiers – que vous prétendez représenter –, souvent encore à l’âge de l’innocence, 12 ou 13 ans,…
Mme Élisa Martin
Mais qu’est-ce qui a été fait pour ces jeunes ? Rien !
M. Olivier Marleix
…qui sont recrutés parce qu’ils sont en décrochage scolaire, pour devenir de véritables enfants soldats au service des trafiquants de drogue. Voilà la réalité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.) Je pense évidemment à ces adolescents qui, à la sortie de leur collège ou de leur lycée, sont appâtés jusqu’à devenir accros. Ce sont autant de vies bouleversées et qui parfois seront définitivement brisées.
Mme Frédérique Meunier
Ce n’est pas leur problème, sur les bancs d’en face ! Ils s’en fichent !
M. Olivier Marleix
Le témoignage le plus bouleversant que je veux vous livrer est celui de cette mère venue il y a deux ans dans ma permanence à Dreux. Écoutez-le, il est édifiant.
Elle me dit : « Je suis maman isolée d’une fille de 15 ans à laquelle, c’est vrai, je n’ai peut-être pas consacré suffisamment de temps. Lorsque j’ai découvert qu’elle avait, en peu de temps, vidé mon compte en banque – elle disposait d’une carte bleue –, j’ai commis la pire erreur de ma vie : j’ai supprimé sa carte. » Un peu innocemment, je lui ai alors demandé pourquoi c’était une erreur, car j’aurais sans doute agi de la même façon. Elle m’a répondu que sa fille se droguait – ce qu’elle ignorait – et que, comme elle n’avait plus d’argent, les dealers lui ont proposé une autre solution : la prostitution. Ainsi, depuis l’âge de 14 ans, cette enfant – qui aurait pu être celle de chacun d’entre nous – se prostituait pour acheter sa drogue.
Mme Élisa Martin
Il n’y a rien dans cette loi pour lutter contre ça !
M. Ugo Bernalicis
Elle est où, la prévention spécialisée ?
M. Olivier Marleix
J’avoue ne jamais avoir ressenti une telle détresse, mais aussi une telle honte, de faire partie de ces pouvoirs publics qui n’ont pas su protéger cette enfant. En raison de leur permissivité, elle a connu l’enfer. (Mme Émilie Bonnivard applaudit.)
Oui, nous avons besoin de ce texte et nous ne devons avoir aucun état d’âme pour combattre les trafiquants.
Mme Émilie Bonnivard
Très bien !
M. Olivier Marleix
Ne nous cachons pas derrière des arguments techniques qui n’en sont pas pour refuser, par exemple, l’accès – encadré, évidemment – aux messageries cryptées dont les enquêteurs ont impérativement besoin. Ne nous résignons pas à laisser l’avantage aux trafiquants.
Il existe une criminalité que nous ne pourrons jamais empêcher : celle des psychopathes et des fanatiques isolés. En revanche, cette criminalité-là, organisée, en réseau, nous pouvons nous y attaquer. Cela dépend uniquement de notre volonté et des moyens que nous mettrons en face pour la combattre. Ouvrons les yeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. le président
La parole est à Mme Sandra Regol.
M. Pierre Cordier
Pourvu que Mme Regol marche dans les pas de M. Marleix !
Mme Sandra Regol
Quand le rapport de la commission d’enquête du Sénat sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier a été publié, nous nous sommes dit qu’enfin on nous faisait une bonne surprise, qu’enfin on prenait un peu de hauteur, qu’on sortait des idées reçues et des a priori pour entrer dans le vif du sujet.
Qu’est-ce que le trafic organisé, qu’est-ce que le trafic de drogue en France et comment le combat-on au moyen d’outils objectivés ? Comment bien définir les enjeux de ce combat ? Comment casser les idées reçues ? On imagine par exemple que le trafic de stupéfiants est lié au terrorisme, mais il a été démontré que ce n’était pas le cas. Il faut aussi garder à l’esprit que le crime organisé ne se limite pas au trafic de drogue, mais inclut également l’extorsion ainsi que le trafic d’armes et d’êtres humains. Surtout, ce débat nous rappelle que le trafic de stupéfiants procède d’un libéralisme effréné, dépourvu de toute borne. C’est sur le terrain de la finance, de l’argent, que nous devons combattre, en menant un travail de fond et de long terme.
Dans cet hémicycle, nous avons toutes et tous conscience de l’urgence d’agir, car ce trafic mine notre société, notre démocratie, notre économie et notre système de santé. Il mine surtout la vie quotidienne des familles les plus précaires et les plus pauvres partout où l’État s’est retiré.
La situation en France est catastrophique : voilà le bilan que nous devons dresser ensemble si nous voulons faire autrement.
M. Pouria Amirshahi
Absolument !
Mme Sandra Regol
Parmi les pays européens, c’est en France que les dispositifs de lutte contre le trafic sont les plus durs, les plus sécuritaires ; c’est aussi en France que les consommateurs sont les plus nombreux. Il est donc urgent d’agir pour faire tout autrement.
Le groupe Écologiste et social s’est mobilisé et a proposé une série d’amendements reposant sur les quatre grands piliers qu’ont fait apparaître les travaux de la commission d’enquête sénatoriale.
Il faut, en premier lieu, renforcer les moyens d’investigation pour s’attaquer à la criminalité organisée, même lorsqu’elle agit de façon floue, comme un label. À ce propos, il est regrettable que M. Darmanin ne soit pas là : j’aurais pu lui rappeler qu’il a contribué à démanteler la police judiciaire, sans laquelle notre travail est plus difficile.
Mme Élisa Martin
Eh oui !
Mme Sandra Regol
Puisque nous devons pouvoir compter sur un renseignement de proximité, nous avons besoin d’une police au plus près du terrain, pour recueillir quotidiennement, parfois de façon informelle, les informations qui nous permettront d’avancer : c’est la fameuse police de proximité.
Je profite de votre présence pour vous en parler, monsieur Retailleau, car il s’agit d’un outil essentiel. Nombreux sont ceux, dont vous faites partie, qui ont politisé cette expression pour en faire un repoussoir. Pourtant, sur le fond, quand il est question de la qualité du travail policier, bien des acteurs concernés tombent d’accord – j’en ai parlé avec l’ensemble des syndicats de police. Si vous avez un peu de temps, en marge du congrès des Républicains, peut-être pourrons-nous y travailler… (Mme Colette Capdevielle applaudit.)
Deuxième pilier : suivre l’argent pour taper la criminalité au porte-monnaie, là où cela lui fait vraiment mal. La ministre chargée des comptes publics a rendu tout à l’heure un vibrant hommage aux fonctionnaires qui travaillent sur ce sujet. J’aimerais lui rappeler, ainsi qu’à vous, monsieur le ministre, que des budgets doivent leur être alloués et qu’ils doivent disposer de moyens pour mener leur tâche à bien.
Troisième pilier : prévenir et développer des politiques de santé. En effet, il y a des victimes : celles de l’addiction. Or, malheureusement, on ne lutte pas contre l’addiction par la prohibition. L’expérimentation des salles de consommation à moindre risque arrive à son terme. Quid de leur avenir ? Ce texte n’en dit rien. À l’inverse, la proposition de loi de notre collègue sénatrice Anne Souyris invite à s’appuyer sur les mesures qui fonctionnent à l’étranger afin de tenter de sortir de cette politique de prohibition qui ne donne pas de résultats, comme le rappelle le rapport du Sénat, ainsi que l’excellent rapport d’information déposé par nos collègues Antoine Léaument et Ludovic Mendes en conclusion des travaux d’une mission d’information transpartisane visant à évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants.
Quatrième et dernier pilier, majeur : protéger les droits et les libertés fondamentaux, car ce sont nos libertés que les trafiquants attaquent directement et ce n’est certainement pas en votant des textes qui les remettent en cause que nous avancerons.
En commission des lois, nous avons mené un excellent travail de fond, sur un texte technique – je remercie le président de la commission et les trois rapporteurs. Il en va tout autrement du côté du gouvernement : fini le dialogue transpartisan, finis les objectifs clairs. Les modifications de MM. les ministres bousculent tout l’équilibre recommandé par la commission d’enquête sénatoriale, tout ce qui contribuait à la cohésion nationale. Nous voulions une justice spécialisée ; vous voulez une justice d’exception.
Vous ramenez le texte à tous les dispositifs qui ne fonctionnent pas alors que nous aurions pu avancer. Quel gâchis ! Alors que nous étions parvenus à une concorde politique globale, comme il est dommage que nous nous trouvions obligés d’exprimer notre désaccord !
M. Pouria Amirshahi
Elle a raison !
Mme Sandra Regol
Vous avez le chic, la volonté toujours réitérée de faire obstruction à tout travail parlementaire, de nous empêcher d’avancer ensemble au nom de quelques obsessions sécuritaires, par exemple la surveillance des communications d’à peu près tout le monde, à commencer par les messageries des personnes : ce sont les articles 8, 8 bis et 8 ter. Nous avons réussi à supprimer ce dernier et vous vous efforcez de le faire repasser : c’était le cas hier encore, dans un texte au Sénat que vous avez soutenu dans la presse.
Mme Émilie Bonnivard
Mais bien sûr ! Évidemment !
Mme Sandra Regol
Autre obsession : les prisons, que concernent les dispositifs prévus à l’article 23.
En somme, nous avions matière à avancer ensemble, nous en avions la volonté, et vous nous obligez à revenir à zéro, alors qu’il y a urgence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à Mme Anne Bergantz.
Mme Anne Bergantz
Notre société fait face à un phénomène sournois, insidieux, qui la ronge de l’intérieur : le narcotrafic. Il se propage et gangrène nos quartiers, nos familles et notre jeunesse. Il prospère dans les villes, grandes, moyennes ou petites, comme dans les campagnes : aucune catégorie sociale, aucun territoire n’est épargné. Ses manifestations sont multiples : violences, criminalité, délinquance, mais aussi désespoir et sentiment d’abandon. Le narcotrafic a des conséquences sanitaires et sociales dévastatrices.
Certains voudraient fermer les yeux et nier la gravité de la situation. Mais la réalité est là, crue, implacable : 200 000 personnes vivraient aujourd’hui en France du narcotrafic. Il faut agir et ne pas se contenter de demi-mesures ! En effet, les trafiquants s’adaptent continuellement, exploitent nos failles, gèrent leurs affaires depuis l’étranger et prospèrent sur notre éparpillement administratif. Il est donc crucial de coordonner nos efforts et de mobiliser nos forces pour répondre à la détresse de nos concitoyens.
Cette proposition de loi nous donne l’occasion de le faire, en renforçant les pouvoirs de l’Ofast, l’Office français antistupéfiants, et en créant un parquet national dédié à cette criminalité organisée. Il s’agit d’une évolution indispensable pour pallier les insuffisances avérées de notre système judiciaire : il faut plus de coordination, pour plus d’efficacité.
Autre ambition du texte : frapper fort à l’endroit où les narcotrafiquants sont les plus vulnérables et d’où ils tirent leur puissance, leurs finances, notamment en luttant contre le blanchiment. Il est fondamental de briser le modèle économique des dealers tant les flux financiers que représente le trafic de drogue sont massifs. Nous parlons ici d’un modèle capitaliste ultralibéral, avec ses plans marketing, ses promotions, ses tarifs réduits en cas de parrainage ou encore ses échantillons gratuits pour faire tester de nouvelles drogues. Il s’agit en somme d’entreprises criminelles très agiles, comme on a pu le voir au moment de la crise sanitaire : dix jours seulement ont alors suffi aux trafiquants pour organiser une nouvelle logistique, à la suite du confinement.
Il nous faut également ouvrir les yeux sur une autre réalité implacable, qui contribue largement à cette agilité : les trafiquants sont à la pointe de la technologie. Ils utilisent des outils sophistiqués pour organiser leurs activités, échapper aux forces de l’ordre, blanchir leur argent sale. Force est de constater que notre législation est obsolète : nos lois n’ont pas été conçues pour faire face aux outils du crime moderne. Il faut les adapter à cette nouvelle donne.
Face à ce constat, nous devons choisir de doter, ou non, nos policiers, nos magistrats et nos douaniers des moyens de lutter à armes égales avec les criminels. À armes égales, mais avec une différence de taille : la garantie, de notre côté, d’une procédure de renseignement encadrée par la loi, contrôlée par une autorité administrative indépendante, dans le respect plein et entier de l’État de droit. C’est tout l’enjeu de ce texte : notre action résolue, déterminée, devra être encadrée, pour éviter de rogner nos libertés.
Nous sommes conscients que plusieurs des mesures prévues dans le texte ont fait l’objet de nombreuses interrogations, notamment le régime de détention particulier des narcotrafiquants et l’utilisation du dossier coffre dans certaines enquêtes. Sur ces deux points, notre groupe salue la démarche inédite du gouvernement, qui a sollicité un juge de paix : le Conseil d’État. Cette initiative nous permet de débattre sereinement de ces mesures, car nous sommes désormais rassurés quant à leur constitutionnalité.
Face aux narcotrafiquants, aucun compromis n’est possible. La tolérance zéro ne doit pas être un slogan mais une réalité pour nos concitoyens et pour les familles qui n’en peuvent plus de voir leurs rues, leurs quartiers, leurs halls d’immeuble transformés en supermarchés de la drogue. Ces habitants sont devenus les otages de la peur, parfois les victimes collatérales de fusillades, et assistent impuissants à la fuite des commerces et des services publics de leurs quartiers.
La lutte contre le narcotrafic constitue aussi un enjeu de santé publique : près de 5 millions de Français consomment du cannabis et 600 000 usent de cocaïne, dont on connaît les ravages sur l’organisme et la santé mentale.
Pensons aussi aux forces de l’ordre, qui risquent leurs vies pour protéger les nôtres. Leur engagement nous oblige.
Nous avons une responsabilité collective. Pour toutes ces raisons, le groupe Les Démocrates votera ce texte majeur. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et DR. – Mme Nicole Dubré-Chirat applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Les narcotrafics constituent une réalité tristement tangible pour des centaines de milliers de nos concitoyens : pour les Français de l’Hexagone et des outre-mer qui habitent dans des quartiers gangrenés par les points de deal et ne se sentent plus en sécurité chez eux ; pour les magistrats, les forces de l’ordre ou les agents des douanes qui luttent quotidiennement contre les narcotrafiquants ; pour de trop nombreux mineurs, devenus des petites mains, instrumentalisés par les narcotrafiquants. Il s’agit d’un fléau, d’une cause d’intérêt national. Le nier, c’est nier la réalité. Il est urgent de réagir et d’agir.
Le législateur ne peut rester aveugle face à ce qui se joue ici : l’impératif d’assurer la condamnation effective des narcotrafiquants et de protéger la sécurité de nos concitoyens et des agents publics, l’impératif de sauvegarder l’avenir d’une partie de notre jeunesse et de rendre justice aux victimes des narcotrafics.
Cinq ans après le plan « stup’ » présenté par le gouvernement d’Édouard Philippe, l’heure de la mobilisation sonne de nouveau. Cette mobilisation doit viser le haut du spectre des narcotrafiquants en s’attaquant à tout ce qui leur permet de prospérer : le recrutement de petites mains, le blanchiment, la corruption, la violence désinhibée.
À la palette d’outils dont disposent des narcotrafiquants, l’État devra opposer une palette renouvelée de moyens juridiques et techniques, mis à la disposition des acteurs concernés. Ces nouveaux outils, conjugués à l’engagement sans faille de nos agents publics – je tiens sincèrement à tous les remercier –, contribueront à renforcer la puissance de l’État et le sentiment de son efficacité. Il est en effet inacceptable pour les autorités publiques que certains de nos concitoyens aient le sentiment d’être délaissés par l’État.
C’est l’objet de la proposition de loi, que le groupe Horizons & indépendants soutiendra fermement et activement. Notre contribution à ce texte, qui structurera la lutte contre les narcotrafics dans les prochaines années, s’articule autour de trois axes.
Premier axe : la robustesse juridique des dispositions prises. Notre groupe se félicite que la commission des lois de notre assemblée ait supprimé celles qui étaient manifestement contraires à la Constitution, en particulier la procédure d’injonction pour richesse inexpliquée.
Dans le même esprit, se pose la question du dossier coffre. Supprimé en commission, l’article 16, qui prévoyait sa création, posait d’importants problèmes. Notre groupe tient à assurer la représentation nationale de son positionnement constructif : pleinement conscients des enjeux relatifs à la protection de nos officiers de police judiciaire, nous examinerons avec intérêt les amendements déposés sur cet article, qui permettront de faire de ce dispositif protecteur un outil efficace, équilibré et solide du point de vue du droit. L’avis du Conseil d’État a constitué à ce titre un éclairage indispensable pour la représentation nationale et contribuera in fine à garantir la robustesse du dossier coffre.
Vient ensuite la question du statut des collaborateurs de justice. Notre groupe soutiendra un dispositif qui devra être efficace mais également juste philosophiquement et moralement. Accorder ce statut aux auteurs de crimes de sang ne correspond évidemment pas à l’idée que notre groupe se fait d’un tel équilibre.
Enfin, en vue de parfaire les outils dont pourront faire usage les magistrats et les forces de l’ordre, le groupe Horizons & indépendants a été force de proposition. Nous nous félicitons ainsi de l’adoption en commission de notre amendement visant à prévoir la saisie des fonds stockés sur les cartes bancaires prépayées anonymes, qui permettra de bloquer une source de financement opaque pour les réseaux criminels.
Suivant la même logique, notre groupe proposera à la représentation nationale un amendement, le no 856, visant à créer une infraction autonome de trafic de stupéfiants commis avec une arme, punie de quinze ans de réclusion criminelle.
À certains de nos collègues qui jugeraient cette proposition de loi excessive, attentatoire aux libertés, le groupe Horizons & indépendants tient à rappeler qu’il ne saurait y avoir de libertés sans règles, de même que la liberté n’est plus que relative si les règles ne sont pas respectées. Et en ce cas, l’État doit réagir ! C’est l’objectif du texte.
Enfin, nous ne répéterons jamais assez que la lutte contre les narcotrafics ne pourra atteindre les résultats escomptés si les moyens budgétaires accordés au système judiciaire ne lui permettent pas de mobiliser l’ensemble des outils à sa disposition.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Horizons & indépendants votera en faveur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR, sur les bancs des commissions et sur quelques bancs des groupes EPR, Dem et DR.)
M. le président
La parole est à M. Aurélien Pradié.
M. Aurélien Pradié
Depuis plus d’une décennie, la France est en proie à une guerre nouvelle dont la montée en puissance a déjà dépassé tous les seuils d’alerte. Face à cette crise, la parole politique semble se déployer chaque jour ou presque, mais sommes-nous vraiment à la hauteur de la menace mortelle qui s’étend sous nos yeux ?
Trois fléaux ont pris racine dans les profondeurs du pays. La corruption est le premier d’entre eux : elle devient, année après année, un mal systémique qui ronge une part de nos institutions et de notre administration. La corruption au sein des institutions judiciaire, policière et politique est un fléau dont on peine, en France, à prendre pleinement conscience.
En juin 2023, une greffière du tribunal de Saint-Nazaire est arrêtée pour avoir transmis des informations à un trafiquant ; en janvier 2024, neuf personnes, dont un fonctionnaire de police aux frontières à l’aéroport d’Orly, ont été mises en examen dans une affaire de trafic de cocaïne et de cannabis ; la même année, une magistrate est mise en examen sous onze chefs d’inculpation pour ses liens avec le grand banditisme. Et il en est de même pour plusieurs élus.
Considérer que notre pays et notre État sont en proie à un sabotage corruptif peut sembler excessif. C’est pourtant la réalité. Un véritable proto-État alternatif à notre démocratie et à l’État français se structure et s’organise chaque jour un peu plus. Le trafic de drogue pèse aujourd’hui entre 3 et 6 milliards d’euros ; c’est colossal ! Cette énorme masse d’argent de la drogue ne connaît ni frontière territoriale ni limite hiérarchique ou sociale ; il peut acheter et vassaliser des dockers, des bagagistes, des forces de l’ordre, des magistrats, des préfets et des élus de la République.
Le deuxième fléau est celui de la circulation et du trafic d’armes. En 2024, 110 personnes sont mortes et 341 ont été blessées dans des violences en lien direct avec le narcotrafic. Le temps où l’accès aux armes de guerre était réservé au grand banditisme est révolu et le trafic d’armes connaît une croissance alarmante. En 2022, 8 027 armes ont été saisies par les autorités françaises, contre 7 330 en 2021 ; parmi ces 8 027 armes, 297 étaient des armes de catégorie A, c’est-à-dire des armes de guerre, en l’occurrence des fusils d’assaut AK-47, des pistolets-mitrailleurs et des armes de poing, qui proviennent de pays instables tels que la Libye ou la Syrie, mais aussi désormais du front ukrainien, qui alimente les marchés noirs français.
Aux frontières, notamment avec l’est de l’Europe, les contrôles sont quasi inexistants. Et les conséquences du trafic d’armes sont catastrophiques : les actes de violence à l’arme de guerre se banalisent, avec des règlements de compte en pleine journée à Avignon, à Montpellier, à Marseille, à Dijon ou encore à Nîmes. Pour imposer leur domination territoriale, les groupes criminels ne reculent devant rien, y compris le recrutement de tueurs à gages de 14 ans.
Enfin, le dernier fléau est peut-être le plus important et le plus sournois : c’est la corruption morale du pays. Car le combat contre le narcotrafic est un combat identitaire, un combat culturel, peut-être même le combat d’une civilisation. Les narcotrafiquants ne menacent plus seulement l’ordre public : ils menacent désormais notre modèle de société.
Autour du narcotrafic s’est progressivement installée une société alternative, dotée de ses codes et de sa culture. Loin d’être marginal, ce modèle est porté par une vision magnifiée de la criminalité au travers du cinéma, de films à succès et de séries grand public, de la musique et de clips, des réseaux sociaux, mais aussi d’une esthétique conquérante de la violence. Dans cet environnement, des pseudo-codes d’honneur sont revendiqués, les armes de guerre sont glorifiées, les exécutions et la perte de valeur de la vie humaine érigées en règle de vie ! La corruption des esprits et des individus depuis l’intérieur de nos institutions et de notre État jusqu’à une partie de la classe politique qui revendique sa tolérance envers le deal et la consommation de drogue sans aucune honte : tout contribue à l’écosystème du narcotrafic ! (M. Ian Boucard applaudit.)
Mme Émilie Bonnivard
Tout à fait !
M. Aurélien Pradié
C’est une société post-républicaine qui se structure et prospère sur les ruines de notre identité et de nos valeurs.
M. Ian Boucard
Il a raison !
M. Aurélien Pradié
Au fur et à mesure du recul de la République, de la nation, de la démocratie et de l’État de droit, nous n’affirmons plus rien, alors que le crime devient une offre alternative d’affirmation. Le djihadisme islamiste a prospéré sur nos lâchetés et sur nos abandons de valeurs. C’est maintenant au tour du crime organisé, plus précisément du narcotrafic, d’envisager la construction d’un narco-État alternatif à la nation !
Au milieu de nos débats techniques et opérationnels, je veux alerter : la bataille que nous avons à mener contre la drogue, contre le trafic d’armes et contre la corruption est une bataille de civilisation. Réarmer un pays nécessite un réarmement moral. Sinon, tout ne sera que pansement sur une jambe de bois. Et sans cette lucidité, il n’y a pas de vrai courage politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Mme Maud Petit et M. Laurent Mazaury applaudissent également.)
M. le président
La discussion générale commune est close.
Discussion des articles (proposition de loi ordinaire)
M. le président
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Article 1er
M. le président
La parole est à M. Laurent Mazaury.
M. Laurent Mazaury
Le narcotrafic est une menace pour toute notre société, nous venons longuement d’en parler. La proposition de loi examinée aujourd’hui, enrichie des apports de la commission des lois, va dans le bon sens et le groupe LIOT la soutient. Néanmoins, il manque quelques dispositions visant à renforcer la prévention, notamment à l’attention des mineurs. L’article 1er, par exemple, consacre le volet organisationnel de la proposition de loi en mettant l’accent sur la répression sans évoquer la prévention, alors qu’à nos yeux les deux vont ensemble.
Plusieurs mesures concernent toutefois les mineurs et tendent à les protéger, notamment l’article 10, et nous nous en félicitons. Cependant, nous devons aller plus loin dans la protection des mineurs. Le rapport de la commission d’enquête du Sénat sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier le rappellent : les réseaux de délinquants utilisent depuis longtemps les mineurs et cette situation ne cesse de s’amplifier. Afin de les protéger et d’éviter qu’ils soient attirés dans ces réseaux par ceux qui profitent de leur vulnérabilité, en particulier financière, et des règles pénales spécifiques qui s’appliquent à eux, la prévention est un élément essentiel et doit être valorisée au même titre que la répression.
J’avais déposé un amendement visant à consacrer dans la loi les objectifs de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, la Mildeca, afin qu’elle puisse notamment, en partenariat avec les acteurs locaux, développer des actions de prévention de la participation des mineurs au trafic de stupéfiants. Malheureusement, mon amendement a été déclaré irrecevable, car considéré comme un cavalier législatif, ce que je regrette.
Nous devons aller plus vite et plus loin à la fois en matière de prévention mais également, lorsque les jeunes parviennent à sortir des réseaux du narcotrafic, en matière d’accompagnement et de réinsertion éducative et professionnelle.
Dans ma circonscription, à Trappes, à La Verrière et à Saint-Cyr-l’École, ce sont des enfants de 10 ans qui viennent devant les écoles de leurs rivaux avec des couteaux ou des brise-vitres pour se battre ! Il est urgent d’agir et je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – Mme Maud Petit applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Michaël Taverne.
M. Michaël Taverne
Cet article empiète sur le domaine réglementaire puisqu’il définit la manière dont seront structurés les services pour être les plus efficaces possibles contre les réseaux criminels. Il prévoit la création d’un service chef de file rattaché à la DNPJ, la direction nationale de la police judiciaire. En fait, monsieur le ministre, vous allez créer un état-major dans un état-major ! Le problème, c’est qu’il n’aura ni moyens ni effectifs supplémentaires. Et surtout, il fera face à la réforme de la police judiciaire, c’est-à-dire à un cloisonnement départemental. Je vous le dis tout de suite : cela ne fonctionnera pas ! Ce qu’il faudrait, c’est la création d’une direction générale de la police judiciaire qui aurait autorité sur l’ensemble des antennes PJ locales.
Je vous prends au mot, monsieur le ministre, puisque vous savez que les mots ont un sens : vous avez indiqué qu’il fallait lutter efficacement contre le terrorisme et en même temps contre les narcotrafics, établissant ainsi le parallèle entre les deux. On peut le faire, en effet, mais puisqu’il existe une direction générale de la sécurité intérieure, la DGSI, rattachée au parquet national antiterroriste, pour être logique, il faudrait recréer une direction générale de la police judiciaire rattachée au Pnaco. C’est ce que demandent les policiers de la PJ, et les magistrats également.
Je rappelle, au passage, que la réforme de la police judiciaire de votre prédécesseur est un échec : les personnels de la police judiciaire et le procureur général de la cour d’appel de Versailles l’affirment. Je me souviens qu’en décembre 2022, lors de l’examen de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, dite Lopmi, votre prédécesseur avait dit qu’il y aurait un débat. Celui-ci n’a jamais eu lieu.
M. Ian Boucard
Mais si ! Il a eu lieu ici même !
M. Michaël Taverne
J’avais alors déposé un amendement visant à rétablir une direction générale de la police judiciaire. Celle-ci nous permettrait d’être beaucoup plus efficaces. Elle aurait compétence sur l’ensemble du territoire national et surtout autorité sur les antennes locales. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
Tout d’abord, je m’étonne que M. le ministre de l’intérieur n’ait pas pris la peine de répondre aux orateurs de la discussion générale, comme il est de coutume, alors que nous avons eu une réponse du gouvernement à notre motion de rejet préalable sur cette proposition de loi.
Mme Émilie Bonnivard
Il fait ce qu’il veut !
M. Ugo Bernalicis
Je sais bien que nous sommes privilégiés dans cet hémicycle, mais je pense aussi un petit peu aux autres…
Mme Émilie Bonnivard
Moi, moi, moi !
M. Ugo Bernalicis
Mais peut-être, monsieur le ministre, allez-vous répondre aux interpellations qui vous sont faites sur cet article, ainsi qu’à celle que je vous ai faite hier quand je vous ai demandé où étaient passés les 5 000 équivalents temps plein (ETP) de la police judiciaire supprimés depuis l’année dernière, leur nombre ayant chuté de 46 000 à 41 000 d’après les bleus budgétaires ? Autrement dit, avec quels moyens de police judiciaire allons-nous combattre le narcotrafic et pas seulement lui, puisqu’il s’agit aussi de combattre la criminalité organisée et de mener à bien toutes les enquêtes judiciaires dans ce pays ?
L’article 1er permet de se faire plaisir à bon compte : on est dans le réglementaire, on explique qu’on va mettre en place un service interministériel chef de file, soit un état-major sans troupes et sans enquêteurs, alors que les offices centraux sont exsangues ! Mais ce n’est pas grave : au moins pourrez-vous dire que vous avez fait quelque chose. Or s’il y a bien un sujet dont tous les groupes ont reconnu l’importance dans cet hémicycle, c’est celui de la criminalité organisée, qui gagne du terrain.
Reste que les moyens de la police judiciaire sont en berne, notamment à la suite de la départementalisation décidée par Gérald Darmanin. Or on voit immédiatement le hiatus entre cette réforme et la réalité, à savoir des polices judiciaires département par département, d’une part, et une criminalité organisée nationale et même transnationale, d’autre part. C’est du délire ! Et j’entends dire qu’il faudrait malgré tout que les antennes locales de l’Ofast soient rattachées au niveau central et donc décorrélées du niveau départemental, mais en ayant tout de même un chef départemental… Qu’est-ce que c’est que ce truc ? C’est à se tirer les cheveux !
M. Ian Boucard
Les cours de théâtre ont bien fonctionné !
M. Ugo Bernalicis
Tant qu’on continuera cette départementalisation sans recréer un corps d’inspecteurs de police tel qu’il existait avant 1995, on ira dans le mur.
Mais je répète ma question, monsieur le ministre : où sont passés les 5 000 ETP ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. François Ruffin.
M. François Ruffin
Monsieur le ministre, je voudrais voter cette loi sur le narcotrafic. Je voudrais la voter parce que la drogue pourrit la vie dans les quartiers populaires, au point que des parents disent à leurs enfants quel chemin emprunter pour aller au collège et, le soir, demandent à être appelés sur leur lieu de travail pour être rassurés. Ils ne s’inquiètent pas uniquement du risque que leurs enfants se prennent des balles, ils s’inquiètent aussi du sens dans lequel va basculer le destin de leurs gamins. Je veux la voter parce que la commission d’enquête au Sénat a posé un principe simple : Follow the money, suivre l’argent, taper les gros bonnets au porte-monnaie.
Je veux voter ce texte, mais il faut m’y aider ! Il faut nous convaincre en trouvant un équilibre entre l’efficacité, la sécurité et nos libertés. Or même des experts de la criminalité organisée, même des magistrats spécialisés s’inquiètent aujourd’hui « des mesures très intrusives » et « des dispositifs très offensifs » du texte.
Il faut nous y aider en prévoyant des moyens : les budgets nécessaires pour les inspecteurs des douanes, pour les inspecteurs des impôts, pour les inspecteurs de police et les officiers de police judiciaire, afin qu’ils puissent mener de longues enquêtes, dans la durée.
Il faut nous y aider et surtout aider les habitants, les parents et les associations. Or, de votre texte, ils sont absents. La guerre contre la drogue ne peut pourtant pas être menée seulement de l’extérieur : elle doit être menée aussi de l’intérieur, avec les forces d’appui existantes, prêtes à participer à des actions de prévention, en lien avec les associations.
Mais Macron a jeté à l’eau le plan Borloo et les crédits de politique de la ville baissent de 5 % cette année ! La bataille contre la drogue ne peut pas se mener seulement avec des forces de l’extérieur : il faut aussi aider les forces positives de l’intérieur afin que, pour la jeunesse des quartiers, il y ait un autre avenir qu’entre dealer et Uber ! (Mme Sandra Regol applaudit.)
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Florent Boudié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
J’ai toujours beaucoup de plaisir à répondre à M. Bernalicis en commission comme en séance, mais je vais commencer par m’adresser à M. Ruffin : cher collègue, nous allons essayer de vous accompagner dans votre désir de voter ce texte. Pour ce faire, nous allons commencer par prendre en compte les avis rendus par le Conseil d’État sur plusieurs dispositions, notamment le régime carcéral, mais aussi la question de la visioconférence : sur ces questions, il a fait des propositions garantissant un équilibre entre l’impératif de sauvegarde de l’ordre public et celui du respect des libertés publiques. Sur la question du dossier coffre, également, qui figure à l’article 16, il a proposé une série d’ajustements que nous prendrons en compte.
J’en viens maintenant aux questions soulevées par M. Bernalicis, ce qui me donnera également l’occasion de répondre à l’interpellation de M. Taverne. L’Ofast a été créé en 2019 – et il est actif depuis le 1er janvier 2020 –, à la suite de l’annonce du lancement d’un plan national de lutte contre les stupéfiants…
M. Ugo Bernalicis
Un grand succès !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
…à Marseille, par le ministre de l’intérieur de l’époque, le 17 septembre 2019. Vous m’interrogez sur les effectifs de l’Ofast. Depuis 2020 – je vous invite à consulter le rapport de la Cour des comptes du 27 novembre dernier –, les effectifs du service central de l’Ofast ont doublé, passant de 100 à 200 agents. Dans la quinzaine d’antennes et la dizaine de détachements de l’office – il y a une antenne à Bordeaux et un détachement à Bayonne –, ils sont passés à 500 agents. Alors ne venez pas nous dire, à propos de cet article important qui concerne le service chef de file et le partage du renseignement de l’Ofast, que celui-ci n’aurait pas bénéficié, depuis sa création, de tous les subsides dont il a besoin. (M. Ugo Bernalicis s’exclame.) Je parle de subsides, parce que le budget de l’Ofast au moment de sa création, au 1er janvier 2020, était de 33 millions d’euros et qu’il dépasse désormais les 55 millions d’euros. Une masse critique a donc été atteinte, qui permettra à l’Ofast de relever le défi de la lutte contre la criminalité organisée.
Monsieur Taverne, vous avez raison sur un point précis. La DGSI a effectivement été désignée comme chef de file de la lutte antiterroriste, du côté du renseignement, par un décret de 2019. Nous aurions donc pu passer par un décret pour consacrer le chef de filat de l’Ofast. En revanche, pour le partage du renseignement – et c’est un élément qui figure à l’article 1er –, nous avions besoin d’une accroche législative.
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Ugo Bernalicis
Enfin !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur
Le président de la commission vient de donner des chiffres très précis concernant l’évolution des effectifs de l’Ofast. Pour ma part, j’ai été interpellé à plusieurs reprises au sujet des effectifs de la police judiciaire.
M. Ugo Bernalicis
Oui !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Il ne vous a pas échappé, et un certain nombre d’entre vous y avez d’ailleurs fait allusion, qu’une réforme de la police nationale a eu lieu. Et c’est parce que cette réforme est intervenue que les fameux bleus budgétaires ne sont pas comparables. (M. Ugo Bernalicis fait un signe de désapprobation.)
Je vais repréciser les choses, pour que tout le monde comprenne bien. Avant cette réforme, il y avait une direction centrale de la sécurité publique, avec des enquêteurs qui intervenaient en réalité beaucoup plus sur le bas du spectre, et une direction centrale de la police judiciaire, dont les enquêteurs intervenaient sur le haut du spectre. La première direction réunissait environ 18 000 agents et la deuxième 6 000. (M. Ugo Bernalicis s’exclame.)
Monsieur Bernalicis, si vous voulez que je vous réponde, arrêtez de m’interrompre. Nous commençons l’examen du texte…
M. Ugo Bernalicis
Commencez par donner les bons chiffres !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
…et je vous demande un minimum de respect. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Ugo Bernalicis
Mais 18 000, c’est le nombre d’OPJ ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Mme Émilie Bonnivard
Vous n’allez pas faire ça pendant tout l’examen du texte !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Si vous n’écoutez pas mes réponses, ce n’est pas la peine que je poursuive : c’est un dialogue de sourds. Ces chiffres, vous pourrez les vérifier. En mars 2024, le total des effectifs qui dépendent de la DNPJ s’élevait à 23 929. Et, en février 2025 – je suis allé chercher les chiffres –, nous avons atteint 25 704, soit une augmentation de 1 700 postes. Et je ne parle même pas des 6 400 enquêteurs qui dépendent de la police judiciaire de la préfecture de Paris, qui elle n’a pas été affectée par la réforme, comme vous devez le savoir. La masse des enquêteurs, ce sont donc 25 700 personnes, auxquelles il faut ajouter les 6 000 enquêteurs de la police judiciaire de la préfecture de police de Paris. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Voilà les chiffres !
M. Ian Boucard
Il faut qu’ils apprennent à lire un tableau !
M. le président
Nous en venons aux amendements à l’article 1er.
La parole est à M. Pouria Amirshahi, pour soutenir l’amendement no 28.
M. Pouria Amirshahi
Il est défendu.
M. le président
La parole est à M. Roger Vicot, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.
M. Roger Vicot, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Le champ de l’article 1er a considérablement évolué depuis le dépôt du texte. À l’origine, il ne concernait que la lutte contre le trafic de stupéfiants et faisait de l’Ofast le chef de file en la matière. Depuis, son champ a été élargi à la lutte contre la criminalité organisée, ce qui s’entend parfaitement puisque se greffent, autour du trafic de stupéfiants, d’autres phénomènes tels que le trafic d’armes ou le trafic d’êtres humains. Il est donc prévu de créer un état-major en charge de la criminalité organisée au sein de la DNPJ.
M. Roger Vicot, rapporteur
Par ailleurs, l’organisation administrative ne relève pas de la loi, même si nous avons tenté, en commission, d’apporter un certain nombre de précisions à ce sujet. Le chef de file aura une vocation interministérielle et devra associer les magistrats. Il ne me paraît donc pas opportun de revenir à la rédaction initiale de l’article et c’est pourquoi j’émettrai un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Même avis. Vous voulez revenir à la rédaction initiale, qui faisait de l’Ofast le chef de file. Or l’Ofast ne sera que l’un des offices chargés de la lutte contre la criminalité organisée. Le passage à la lutte contre la criminalité organisée suppose une autre organisation. Nous aurions très bien pu choisir de confier la fonction de chef de file à un autre office, par exemple à l’Office central de lutte contre le crime organisé, mais nous ne l’avons pas fait, car nous souhaitons quelque chose de beaucoup plus vaste et structuré. Il importe de ne pas trop rigidifier le texte : l’organisation de cet état-major doit être définie par la voie réglementaire.
M. le président
La parole est à M. Pouria Amirshahi.
M. Pouria Amirshahi
Certes, l’articulation avec le Pnaco a connu des avancées, notamment en commission, mais veillons tout de même à ne pas donner au pouvoir réglementaire des prérogatives trop importantes s’agissant de l’articulation de nos juridictions et de la définition d’un système judiciaire efficace.
Tout renvoyer au pouvoir réglementaire, c’est-à-dire à l’exécutif, pose des problèmes évidents quant à la maîtrise des politiques que nous entendons conduire. Il me semble préférable de préciser les choses dans la proposition de loi. Nous avons déjà apporté un certain nombre de précisions en commission, et l’on pourra se référer au compte rendu de nos débats pour comprendre l’intention du législateur, mais cela va toujours mieux en l’écrivant.
M. le président
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
Effectivement, à partir du moment où l’on parle de criminalité organisée, on ne peut pas se contenter de l’Ofast : il y a une logique dans ce que dit le gouvernement. Mais à ce moment-là, monsieur le président de la commission des lois, vous auriez dû nous indiquer les effectifs des autres services centraux qui concourent à la lutte contre la criminalité organisée, à savoir l’Office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO), l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) et l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF), dont aucun ne dispose des effectifs cibles.
Quant aux enquêtrices et aux enquêteurs de l’Ofast, je précise qu’ils participaient déjà, d’une manière ou d’une autre, à la lutte contre le trafic de stupéfiants et qu’ils ont été remis sous la même coupe. J’ai bien vérifié ce point du dossier, parce que j’ai l’habitude de me faire avoir. Alors ne nous racontez pas d’histoires : ce ne sont pas des éléments supplémentaires.
Monsieur le ministre, dans le bleu budgétaire, à l’action 05, Missions de police judiciaire et concours à la justice, on est passé de 46 000 à 41 000 équivalents temps plein. Le bleu budgétaire de 2024 intégrait déjà la réforme de la police judiciaire et, pour tout vous dire, c’était déjà dans le bleu budgétaire de 2023. Peut-être que vous n’aviez pas l’habitude de consulter ces documents au Sénat, mais nous, nous le faisons à l’Assemblée nationale. Alors, j’aimerais avoir un élément de réponse : où sont passés ces 5 000 équivalents temps plein ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Antoine Léaument
Bonne question !
(L’amendement no 28 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État, pour soutenir l’amendement no 835 du gouvernement, qui fait l’objet du sous-amendement no 968.
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Cet amendement a trois objectifs. En premier lieu, il vise à simplifier le dispositif en renvoyant à un acte réglementaire unique la désignation du chef de file en matière de lutte contre la criminalité organisée. En deuxième lieu, ainsi que plusieurs d’entre vous l’avaient demandé en commission, il propose d’inscrire noir sur blanc la dimension interministérielle de l’état-major. Enfin, il tend à supprimer l’alinéa 7, relatif à la présence, au sein du service interministériel, de magistrats du tribunal judiciaire de Paris car, statutairement, on ne peut pas employer les magistrats dépendant d’une juridiction dans un cadre qui concerne l’exécutif.
Ce que je peux vous dire, c’est qu’une coordination est prévue entre l’état-major et le Pnaco à travers deux groupes de travail : un comité de pilotage qui se réunira très régulièrement, d’une part, et un comité stratégique, qui donnera les grandes orientations stratégiques de l’état-major, d’autre part. Dans ce cadre, il y aura bien coopération et dialogue entre l’autorité judiciaire et l’état-major, mais chacun gardera sa propre casquette.
M. le président
La parole est à M. Pouria Amirshahi, pour soutenir le sous-amendement no 968.
M. Pouria Amirshahi
Je voudrais faire deux remarques, l’une sur la forme, ou la méthode, l’autre sur le fond. Sur la méthode, d’abord, votre amendement vise à supprimer une disposition qui a été introduite en commission de manière assez consensuelle et qui garantissait la présence effective de deux magistrats de l’ordre judiciaire au sein du futur état-major. Sur le fond, vous mettez en avant des contraintes statutaires : les magistrats du tribunal judiciaire de Paris ne pourraient exercer simultanément des fonctions juridictionnelles de direction d’enquête et de réquisition à l’audience tout en étant rattachés à un service de coordination interministérielle et de partage d’informations opérationnelles à l’échelle nationale. Vous rappelez toutefois que la présence du ministère de la justice serait assurée par le service du renseignement pénitentiaire. Encore une fois, cela va mieux en le disant.
La présence de magistrats judiciaires constitue pour nous une véritable valeur ajoutée pour ce type de service. Ce sous-amendement propose donc une solution qui garantit leur intégration, respecte leur statut, assure l’efficacité du dispositif et respecte les travaux de la commission.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et le sous-amendement ?
M. Roger Vicot, rapporteur
Je m’arrêterai sur le dernier point qu’a évoqué M. le ministre : l’argument est d’ordre statutaire, mais il concerne aussi la séparation entre l’autorité judiciaire et le pouvoir exécutif. La commission a rejeté cet amendement mais, pour ma part, je suis assez séduit par le sous-amendement no 968 qui règle le problème en ciblant exactement la manière dont les magistrats en question seront affectés à ce service, notamment en matière de détachement. J’émettrai donc un avis défavorable sur l’amendement du gouvernement, et un avis favorable sur le sous-amendement.
M. le président
Vous êtes donc favorable à l’amendement du gouvernement sous réserve de l’adoption du sous-amendement ?
M. Roger Vicot, rapporteur
En effet.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement sur le sous-amendement ?
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Il s’agit, dans les deux premiers articles, de consacrer une nouvelle organisation de la lutte contre la criminalité organisée, avec une spécialisation de toute la chaîne judiciaire. On en retient surtout la pointe, à savoir le Pnaco, un parquet national dédié, et, en miroir, ce qui n’est pas du tout de l’ordre juridictionnel, une organisation interministérielle. Cette organisation interministérielle, c’est l’exécutif, et cela ne dépend pas de la loi. La proposition de loi définira l’organisation de la juridiction, à l’article 2, mais elle n’a pas à le faire pour l’organisation interministérielle. Et, je le répète, il n’est pas souhaitable de rigidifier l’organisation des services interministériels qui dépendent de l’exécutif.
M. Ugo Bernalicis
Il ne fallait pas proposer de loi !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à ce sous-amendement.
M. le président
La parole est à M. Michaël Taverne.
M. Michaël Taverne
Je suis quelque peu déçu que M. le ministre ne nous ait pas parlé de la future direction générale de la police judiciaire, dont M. Zoulas, qui dirige l’Ofast, a déclaré – au Point, je crois – qu’il fallait faire une seconde DGSI. Il a raison ! Nous devons coordonner l’ensemble des services, puisque le problème, vous l’avez dit, réside dans le cloisonnement engendré par la réforme de la police judiciaire, où tout se joue désormais à l’échelle du département : lors d’une opération Place nette XXL à Marseille, le garde des sceaux de l’époque avait ainsi été surpris que l’on n’ait pas informé le siège de l’Ofast. En matière de criminalité organisée, que vous-même comparez à juste titre au terrorisme, il ne faut pas lésiner sur les moyens nécessaires à la lutte.
S’agissant du sous-amendement, je rappellerai que l’Ofast et la DNPJ comptent des magistrats, qui seraient plus efficaces au sein de parquets comme le Pnaco. Quant à l’amendement, nous voterons en sa faveur.
M. le président
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
L’amendement vise à supprimer en catimini…
Mme Brigitte Barèges
Pas en catimini !
M. Ugo Bernalicis
…l’alinéa 7, que nous avons gagné de haute lutte en commission et qui garantit la présence de deux magistrats au sein du service interministériel chef de file en matière de lutte contre la criminalité organisée. Encore la position de ces magistrats n’est-elle pas précisée, d’où l’amendement no 361, qui vise à suivre l’exemple de l’Office national antifraude, l’Onaf : rattaché à Bercy, ce service d’enquête à compétence nationale ne peut être dirigé que par un magistrat en détachement, raison pour laquelle il donne bien plus satisfaction que les structures analogues !
Rappelons le contexte dans lequel l’Ofast a été créé. Pour le dire simplement, le précédent office central a connu quelques dysfonctionnements qui ont créé une défiance entre l’autorité judiciaire et les services enquêteurs, ces derniers ayant pris la liberté, entre autres, de cacher plusieurs tonnes de drogue dans un garage sans informer les magistrats de leur enquête…
Si nous voulons que la chaîne pénale, comme vous dites, fonctionne correctement, du moins au stade de l’enquête, il faut un magistrat à la tête de l’état-major, ou du moins des magistrats parmi ses membres. D’ailleurs, dans le cadre de la départementalisation de la police, le contraire reviendrait à forcer la main aux magistrats et à les empêcher de choisir librement le service enquêteur : ils devraient forcément s’adresser à l’état-major, lequel redistribuerait les enquêtes à son gré. Il y aurait là une forme de défiance envers l’autorité judiciaire. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Pouria Amirshahi.
M. Pouria Amirshahi
Monsieur le ministre, j’ai bien entendu votre réponse et je me doute bien que vous ne souhaitez pas élaborer un dispositif pour le désorganiser aussitôt. Vous avez évoqué un besoin de coordination et de travail interministériel. Reste que, dans votre amendement, deux choses ne vont pas. D’une part, au sein de l’état-major de lutte contre la criminalité organisée, il est prévu que le ministère de la justice soit représenté par les services du renseignement. Ce n’est évidemment pas possible !
M. Benjamin Lucas-Lundy
C’est aberrant !
M. Pouria Amirshahi
Entre ce service chef de file et le Pnaco dont vous-même proposez la création, il y a là un problème d’incohérence, y compris pour le ministère de la justice.
D’autre part, vous avez évoqué à juste titre le besoin de spécialisation : y répondre est l’objet même du Pnaco comme du chef de file. Or comment spécialiser la justice s’il n’y a pas deux magistrats à demeure au sein de l’état-major ?
Je vous appelle donc à réviser votre jugement et à accepter le sous-amendement, ce qui nous permettrait en outre d’avancer sans risquer d’empêcher le Pnaco de voir le jour. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Monsieur Amirshahi, le rattachement des magistrats à une juridiction était incompatible avec leur présence au sein du service ; vous avez prévu de les détacher. L’exécutif n’en doit pas moins rester libre d’organiser cet état-major par la voie réglementaire. Quant à l’incohérence que vous croyez discerner, premièrement, je le répète, nous avons exclu la présence de magistrats, ce que ne sont pas les membres des renseignements pénitentiaires ;…
M. Pouria Amirshahi
Certes !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
…deuxièmement, il est logique que le service national des renseignements pénitentiaires représente le ministère de la justice, dont il dépend, au même titre que d’autres services de renseignement dépendent de Bercy, du ministère des armées, comme la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), ou de celui de l’intérieur. L’état-major réunira précisément services de renseignement et services d’enquête.
Mme Ségolène Amiot
On veut des magistrats !
(Le sous-amendement no 968 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 835 est adopté ; en conséquence, l’amendement no 361 tombe.)
M. le président
La parole est à Mme Estelle Mercier, pour soutenir l’amendement no 180.
Mme Estelle Mercier
Il vise à poser encore une fois la question des moyens, car, comme cela a déjà été dit, les mesures organisationnelles ne suffiront pas à lutter efficacement contre le narcotrafic. Nous proposons donc que le chef de file « informe chaque année la représentation nationale sur l’adéquation entre les moyens juridiques, matériels et humains qui lui ont été conférés et les missions dont il a la charge ». La dernière réforme de la police judiciaire, issue de la loi Lopmi, n’est pas encore totalement intégrée et soulève, notamment de la part des agents, de nombreuses questions en matière d’effectifs ou de moyens financiers. Cet amendement vise d’une part à alerter au sujet de l’adéquation entre moyens et missions, faute de quoi ce texte ne servira à rien, d’autre part à renforcer le contrôle parlementaire : lorsque nous devons légiférer rapidement, sans étude d’impact, il est particulièrement légitime que nous demandions un retour. (M. Inaki Echaniz applaudit.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Roger Vicot, rapporteur
La commission a émis un avis défavorable. Cependant, à titre personnel, je suis favorable à cet amendement – nous en rencontrerons d’autres du même type au cours de nos débats – comme à tout ce qui contribuerait, quel que soit le sujet, à informer la représentation nationale.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Avis défavorable. Il s’agit là, certes, de l’une des principales fonctions du Parlement, mais il est inutile que chaque article inclue son propre mécanisme de contrôle. L’article 24 de la Constitution confère aux deux chambres un pouvoir d’investigation très étendu : nul besoin de le décliner au sein de chaque texte législatif !
M. le président
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
Il le faudrait pourtant bien, monsieur le ministre, car cela éviterait que vous nous citiez à la volée des chiffres que nous ne pouvons ni vérifier ni contester, puis que vous ne répondiez pas lorsque nous avançons des chiffres tout droit sortis des bleus budgétaires. Je finis par me demander si le bleu, ce n’est pas vous !
Je le répète, j’aimerais avoir une réponse : entre 46 000 et 41 000 ETP, comment expliquer la différence ? Cela signifie-t-il que les chiffres des deux années précédentes étaient faux ? (M. Ian Boucard s’exclame.) Ces documents sont l’instrument que nous octroie la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) pour contrôler globalement les moyens affectés aux diverses politiques. Si vous ne respectez pas même cela, il devient nécessaire d’introduire dans les textes des dispositifs tels que celui prévu par l’amendement, afin de permettre un contrôle détaillé !
L’état-major dont nous parlons aura pour rôle de concentrer et d’aiguiller, de former le cœur du système ; or, tandis que celui-ci repose sur les enquêtes judiciaires qui permettent de confondre les trafiquants, seule l’autorité judiciaire serait de trop ? Non content d’avoir un problème avec l’État de droit (Mme Brigitte Barèges s’exclame), vous éprouvez envers les magistrats une défiance dont vous venez de faire la démonstration, de concert avec le Rassemblement national, ce qui ne me surprend pas.
Cela dit, demandez au président de la commission des lois, qui a l’habitude de me pratiquer : il suffit parfois de me donner les chiffres pour que je passe à autre chose. Qu’on ne me réponde pas et je révèle une fâcheuse tendance à insister…
M. Laurent Jacobelli
Est-ce normal qu’il dispose d’un si long temps de parole ?
M. Ugo Bernalicis
…tant que je n’ai pas obtenu les éléments nécessaires pour éclairer la représentation nationale. Contrairement à d’autres, nous ne nous prononçons pas à l’aveuglette : nous travaillons nos dossiers et nous allons au bout des choses ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Michaël Taverne.
M. Michaël Taverne
Lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, les crédits de la police judiciaire, hors administration centrale, avaient connu une baisse de 245 millions d’euros. Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup ! Par des enquêteurs qui ont vingt-cinq ou trente ans de carrière et font partie d’associations visant à défendre, non leur boutique, mais la police judiciaire dans l’intérêt général, nous disposons de chiffres contredisant quelque peu ce que l’on nous dit dans cet hémicycle. Les émanations de l’Ofast voient leurs effectifs réduits ; le budget de la vitrine de la police, le Raid – recherche assistance intervention dissuasion –, dont les membres risquent leur vie chaque jour, décroît ! Nous voterons donc en faveur de l’amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
(L’amendement no 180 est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 240.
M. Charles Sitzenstuhl
Il prévoit que les problèmes liés au narcotrafic soient discutés dans le cadre des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), que nous sommes nombreux à connaître, notamment ceux d’entre nous qui ont exercé des fonctions municipales.
Je suis bien conscient que la mesure relève du pouvoir réglementaire, mais je souhaitais, monsieur le ministre, connaître vos intentions sur ce point, les CLSPD ayant fait la preuve de leur capacité à s’adapter aux nouvelles menaces – raison pour laquelle, en 2016, quelques mois après la vague d’attentats de 2015, Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’intérieur, avait pris un décret indiquant qu’il était possible de discuter de radicalisation au sein de ces conseils.
Le gouvernement considérant que le trafic de drogue constitue désormais une menace de niveau très élevé, il serait logique qu’ils puissent également aborder ce sujet.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Roger Vicot, rapporteur
Une fois de plus, me voilà tiraillé. Il est certain que ces structures municipales auraient intérêt à se pencher sur les problèmes liés au narcotrafic ; en outre, je le répète, je suis favorable par principe à tout ce qui peut concourir à mieux informer les élus, nationaux ou locaux.
Si votre amendement avait été rédigé différemment, sans intégrer l’idée que l’Ofast aurait à rendre compte ou, tout au moins, à informer les CLSPD, j’aurais pu l’accepter. Il suffit de donner aux CLSPD la possibilité de se saisir des informations transmises par les instances locales de la police nationale – ce qui relève du domaine réglementaire. Je suis favorable à l’ouverture d’un débat sur ce sujet au niveau local. Toutefois, que l’Ofast intègre dans ses missions une information aux CLSPD me paraît plus compliqué. Par conséquent, je rejoins l’avis défavorable de la commission sur cet amendement.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Avis défavorable également. Votre amendement modifie non pas un article de loi, mais un décret – nous sommes donc là dans le domaine réglementaire.
M. Ugo Bernalicis
Votre article 1er, c’est clairement du réglementaire ! Vous ne manquez pas d’air !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Les CLSPD se situent en bas du spectre ; il leur sera toujours possible d’évoquer certains sujets, mais nous ne pouvons faire figurer la mesure que vous proposez dans la loi, pour les raisons que le rapporteur vient de développer.
M. le président
La parole est à Mme Élisa Martin.
Mme Élisa Martin
Permettez-moi d’ajouter trois éléments : premièrement, les CLSPD discutent déjà des problèmes liés aux points de vente de stupéfiants, susceptibles de troubler l’ordre public ; deuxièmement, les informations qui sont échangées dans ce cadre ne doivent pas mettre en danger les enquêtes ; troisièmement, puisqu’il est question des missions supplémentaires qui seraient octroyées à l’Ofast, vous n’avez toujours pas répondu sur le nombre d’ETP supprimés – mais peut-être allons-nous avoir une réponse puisque votre alter ego, M. Darmanin, vient d’arriver ; nous attendons toujours !
M. le président
La parole est à M. Michaël Taverne.
M. Michaël Taverne
Les conseils communaux de la prévention de la délinquance, créés en 1983 et devenus par la suite les CLSPD, discutent déjà de sujets très intéressants. Si vous voulez introduire dans la proposition de loi les thèmes qu’ils pourront aborder – sachant qu’ils traitent du trafic de stupéfiants depuis plus de vingt à vingt-cinq ans –, pourquoi ne pas déposer aussi un amendement pour définir comment leurs membres doivent s’habiller et quel jour ils peuvent se réunir ? Je vous invite à retirer cet amendement, qui ne sert à rien ; à défaut, nous nous y opposerons. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
(L’amendement no 240 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Catherine Hervieu, pour soutenir l’amendement no 946.
Mme Catherine Hervieu
Il vise à garantir que les acteurs locaux – conseils départementaux, communes et intercommunalités –, qui travaillent souvent en synergie sur ces enjeux, soient informés de façon plus transparente des modalités de lutte contre le narcotrafic, ceci, bien sûr, dans le respect des impératifs de confidentialité opérationnelle.
L’objectif est de rendre compte du déploiement des moyens alloués dans chaque territoire. Les élus locaux et les citoyens ont en effet besoin d’identifier clairement les priorités stratégiques et opérationnelles mises en œuvre, dans l’intérêt même de la lutte contre le narcotrafic.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Roger Vicot, rapporteur
La commission s’est prononcée défavorablement sur cet amendement, mais j’y suis favorable à titre personnel, pour les raisons évoquées tout à l’heure.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Comme je l’ai déjà souligné, une telle mesure relève non pas du domaine législatif, mais du domaine réglementaire. Avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
Quel toupet, monsieur le ministre ! (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.) Vous nous soumettez un article qui relève strictement du domaine réglementaire ; nos collègues ont donc déposé des amendements relevant également du domaine réglementaire. Et maintenant vous déclarez que leurs amendements ne sont pas acceptables car ils relèvent du réglementaire. Franchement, ce n’est pas sérieux ! Si vous nous proposez cet article, permettez que nous entrions dans ce niveau de détail, ou alors il ne fallait pas l’inscrire dans le texte et vous auriez dû laisser le ministre organiser lui-même son administration. Vu la manière dont M. Darmanin a organisé cette administration et mené certaines réformes, je comprends toutefois que vous vouliez des garanties…
M. Taverne a évoqué tout à l’heure la diminution de 279 millions d’euros des crédits alloués à la police judiciaire : en réalité, cette somme correspond aux 5 000 ETP manquants, si ce n’est qu’elle est exprimée ici en euros sonnants et trébuchants, puisque l’action 05, Police judiciaire, concerne uniquement des dépenses de personnel.
Permettez-moi de vous aider, monsieur le ministre : dans les 46 000 ETP qui tombent à 41 000, il y a non seulement les agents de la police judiciaire, mais aussi ceux de la police scientifique – que vous n’avez pas intégrés, tout à l’heure, dans vos calculs. Où sont donc passés les 5 000 ETP manquants ? Nous finirons bien par le savoir !
J’ajoute que dans le budget pour l’année 2024, l’action 05 avait déjà le même périmètre, identique d’ailleurs à celui de 2023 – il est donc possible de retracer les chiffres. Nous voulons des éléments sur les moyens accordés à la police judiciaire, notamment dans le cadre de la création du service interministériel chef de file. Ce n’est pas plus compliqué que cela !
Nos collègues écologistes souhaitent entrer dans les détails s’agissant de l’articulation entre le national et le local ; c’est légitime puisque vous passez votre temps, vous et vos prédécesseurs, à nous embrouiller sur le sujet ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
(L’amendement no 946 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 362 et 527.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 362.
M. Ugo Bernalicis
Il s’agit ici des techniques de renseignement et du fait que l’état-major créé par le texte est un état-major de renseignement, histoire que le ministre soit directement informé ! Les ministres considèrent leur ministère comme un joujou qui leur permet de faire de la communication politique. C’est pourquoi ils doivent être immédiatement informés de tout ce qui se trame dans le pays, sur tous les sujets ! Je suis sûr que M. Darmanin va découvrir, maintenant qu’il est Place Vendôme, qu’on est mieux informé au ministère de l’intérieur qu’au ministère de la justice – puisqu’au ministère de l’intérieur, il n’y a pas de cadre, alors qu’il y en a un à la justice, même s’il est très faible.
En réalité, avec ce texte, on crée une porosité de l’information qui n’est pas souhaitable, y compris pour les services de renseignement eux-mêmes. Le principe du renseignement, c’est le cloisonnement. Or vous passez votre temps à créer des structures dans lesquelles tout le monde aurait besoin d’être informé, sans contrôle de l’autorité judiciaire, puisque vous refusez la présence de magistrats, et sans préciser les objectifs assignés au renseignement.
Il existe déjà, je le rappelle, un service de renseignement sur la criminalité organisée : le Sirasco, service d’information, de renseignement et d’analyse stratégique sur la criminalité organisée, placé sous votre responsabilité, monsieur le ministre de l’intérieur. On se demande ce que deviendra ce service lorsque l’état-major sera créé…
Nous finissons par ne plus rien y comprendre tant vous fonctionnez à la petite semaine, selon les amendements qui sont adoptés ou pas. Là, vous vous êtes dit : « Zut, il n’y a pas que les stupéfiants, il faut élargir le périmètre à la criminalité organisée. » Puis : « S’agissant de la criminalité organisée, je ne peux pas créer un office central en tant que tel, il faut une structure placée au-dessus des offices centraux. » Et enfin : « Mais il y a un problème, parce qu’il existe déjà une direction nationale de la police judiciaire, dont la mission est censée être de coordonner les offices centraux. Du coup, pour justifier l’existence de mon propre état-major, je vais y mettre le renseignement, comme cela nous pourrons faire le parallèle avec le terrorisme. »
Franchement, introduire dans la loi un article de niveau réglementaire, je le déconseille vivement ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – « Merci ! » sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à Mme Émeline K/Bidi, pour soutenir l’amendement no 527.
Mme Émeline K/Bidi
Comme le précédent, il vise à supprimer les alinéas 8 à 12. La difficulté de ce texte est de trouver le juste équilibre entre la protection des libertés individuelles et des droits fondamentaux et la lutte contre le narcotrafic.
La loi prévoyait jusqu’à présent une procédure assez stricte en matière de transmission des informations entre les services de renseignement dits du premier cercle et ceux du second cercle, avec notamment une autorisation préalable du premier ministre et un avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Cette procédure n’avait pas été instaurée pour enquiquiner les uns ou les autres. Elle permettait de poser des garde-fous, de limiter l’utilisation excessive des techniques de renseignement en imposant un contrôle strict et de s’assurer que les renseignements ne soient pas utilisés à d’autres fins que celles prévues initialement, afin de protéger la vie privée des citoyens. Elle prévoyait aussi le contrôle indépendant du CNCTR pour veiller au respect du cadre légal.
En faisant sauter tous les garde-fous, on affaiblit la procédure de partage des renseignements. Il nous semble donc qu’avec ces alinéas, l’équilibre entre la nécessaire protection des droits et libertés individuelles et la coopération des services de renseignement n’a pas été trouvé. C’est pourquoi nous proposons purement et simplement de les supprimer. (M. Ugo Bernalicis applaudit.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?
M. Roger Vicot, rapporteur
La commission des lois s’est opposée à ces amendements qui visent à supprimer l’allègement de la procédure de transmission de certaines informations entre services de renseignement. En effet, les alinéas 8 à 12 suppriment l’autorisation préalable du premier ministre, délivrée après avis de la CNCTR, pour la transmission de renseignements collectés par certains services. À l’inverse, cette évolution ne modifie pas l’obligation d’autorisation du premier ministre, après avis de la CNCTR. Tout ceci est assez complexe. C’est pourquoi je m’en tiendrais à l’avis de la commission, qui s’est prononcée défavorablement sur ces amendements.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Une information recueillie par un service peut ne pas lui être utile, mais intéresser un service voisin ; il existe donc une procédure de transmission de cette information. D’ailleurs, l’état-major commun permettra de décloisonner l’ensemble des services.
Auparavant, la procédure était plus lourde, puisqu’il fallait obtenir l’avis de la CNCTR. C’est le Conseil constitutionnel, et non le gouvernement, qui a estimé que cette forme plus stricte était désormais superflue puisqu’il a validé la nouvelle procédure de partage du renseignement.
Avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Les alinéas en question visent à assouplir le partage d’informations entre les services dits du premier et du second cercle. Les services du premier cercle, ce sont la DGSE, la DGSI, la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), ainsi que Tracfin. Le deuxième cercle, ce sont la police, la gendarmerie et l’Ofast.
Je ne comprends pas très bien ce qui motive vos amendements de suppression desdits alinéas. Vous estimez sans doute qu’il y a un risque de surveillance généralisée.
M. Ugo Bernalicis
Oui !
M. Matthias Renault
Or il s’agit non pas d’augmenter les moyens de surveillance de l’administration vis-à-vis des citoyens, mais de faciliter les transferts de renseignements entre administrations. À moins de considérer que la DGSI, la DGSE et les autres services du premier cercle opèrent, par définition, une surveillance généralisée, je ne comprends pas très bien vos motivations.
En réalité, ce n’est pas la DGSE qui est visée, mais Tracfin, dont le rôle dans le renseignement sur la lutte contre le blanchiment est central. D’ailleurs, il transmet déjà des informations aux administrations – mais c’est compliqué, d’où ces alinéas –, ainsi qu’à l’autorité judiciaire : 10 % des dossiers transmis par Tracfin à l’autorité judiciaire concernent directement ou indirectement le narcotrafic.
L’objectif de ces alinéas est bien de faciliter le renseignement. Je me demande donc quelles sont les motivations politiques qui justifient ces amendements – j’imagine qu’il y en a beaucoup. Vous êtes d’accord avec les objectifs généraux, mais lorsqu’il s’agit d’en venir aux travaux pratiques, vous savonnez toujours la planche et vous détricotez tout. Ce n’est ici que le premier exemple d’une longue série. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UDR.)
M. le président
La parole est à M. Pouria Amirshahi.
M. Pouria Amirshahi
Je ne suis pas sûr que nous ayons tous compris la même chose au sujet de ces amendements identiques. Vous dites, monsieur le ministre, que vous voulez renforcer la fluidité de la transmission des informations au sein du Pnaco entre l’ensemble des acteurs. Oui, mais non, puisque vous avez refusé tout à l’heure d’y intégrer des magistrats de l’ordre judiciaire, comme nous l’avions demandé. Il y aura donc là un premier problème pour une bonne transmission.
On ne parle pas de renseignements ramassés à la volée en bas des immeubles, mais de ceux issus des dispositifs de renseignement. De telles données ne peuvent être transmises que lorsque les services estiment que cela est nécessaire. S’ils en jugent ainsi, il n’y a pas de raison d’en douter – nous leur faisons confiance. La diffusion de ces informations nécessite une autorisation préalable du premier ministre, après consultation de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement – c’est normal. L’amendement vise à encadrer les procédures pour ne pas aller au-delà des données strictement nécessaires aux enquêtes. Il s’agit donc simplement du respect des procédures – il est fondamental de le préciser.
(Les amendements identiques nos 362 et 527 ne sont pas adoptés.)
M. le président
L’amendement no 616 de M. Roger Vicot, rapporteur, est rédactionnel.
(L’amendement no 616, accepté par le gouvernement, est adopté.)
(L’article 1er, amendé, est adopté.)
Après l’article 1er
M. le président
L’amendement no 454 de Mme Valérie Bazin-Malgras, portant article additionnel après l’article 1er, est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Roger Vicot, rapporteur
Nous sommes toujours d’accord pour faire des sujets importants de grandes causes nationales, mais cet amendement n’emporte pas de conséquence juridique.
L’important, je le répète, ce sont les moyens octroyés, notamment les moyens légaux et humains. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Vous souhaitez faire de la lutte contre le narcotrafic et la criminalité organisée une grande cause nationale. Je n’y vois pas d’inconvénient. Avis favorable.
M. le président
La parole est à Mme Élisa Martin.
Mme Élisa Martin
Cette mesure, comme plusieurs que nous allons examiner, est un gadget.
Mme Émilie Bonnivard
Vous parlez de prévention tout le temps ! C’est tellement contradictoire !
Mme Élisa Martin
Si au moins elle incluait la lutte contre la criminalité organisée, elle susciterait peut-être davantage notre intérêt, puisque, bien sûr, les deux questions sont liées.
Et si faire du narcotrafic une grande cause nationale nous permettait de tirer le bilan de nos échecs – l’exposé sommaire de l’amendement rappelle l’ampleur de la consommation de stupéfiants en France, alors que nous avons la législation la plus sévère d’Europe – et de changer radicalement de stratégie,…
Mme Hanane Mansouri
Cela marche très bien à Grenoble !
Mme Élisa Martin
…cette mesure nous permettrait d’éviter des situations dans lesquelles des jeunes filles sont prostituées par des voyous. Mais ce ne sera pas le cas !
Alors, messieurs les ministres, vous pourriez au moins profiter de la discussion de cet amendement pour nous dire enfin où sont passés les milliers de postes d’enquêteur supprimés – les effectifs se sont vraisemblablement évaporés…
M. le président
La parole est à Mme Edwige Diaz.
Mme Edwige Diaz
Cet amendement est totalement cosmétique. Les LR étaient totalement invisibles en commission des lois, notamment au moment de voter les amendements de bon sens du Rassemblement national. La semaine dernière, nous avons défendu un amendement autorisant l’expulsion systématique des étrangers coupables de trafic de stupéfiants – ils représentent 20 % des personnes mises en cause pour ce type d’infraction : les députés Les Républicains ont voté contre.
M. Olivier Marleix
Il était rédigé avec les pieds !
Mme Edwige Diaz
Cet amendement n’est qu’un numéro de claquettes qui ne protégera pas les Français : il n’inquiétera pas les trafiquants et il ne sera en rien utile aux forces de l’ordre et aux services d’enquête. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
(L’amendement no 454 n’est pas adopté.)
Article 1er bis
M. le président
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
L’article 1er bis a été introduit en commission des lois par La France insoumise – eh oui, il y a aussi eu des ajouts à ce texte ! Et pour cause, puisqu’il s’agit de demander des comptes au gouvernement, en particulier à M. Darmanin,…
M. Sylvain Maillard
Mise en cause personnelle !
M. Ugo Bernalicis
…sur les logiciels utilisés par les policiers, notamment les enquêteurs, pour la rédaction des procédures.
Cela fait huit ans que le logiciel utilisé ne marche pas et plusieurs millions d’euros ont été dépensés au profit de Capgemini. Bien que cette entreprise ait expliqué qu’elle n’était pas capable de produire le logiciel, le marché a été prolongé. Le rapport de la Cour des comptes sur le sujet est accablant : il souligne le défaut de pilotage, y compris en interne, au ministère de l’intérieur, et l’absence de véritable volonté politique et organisationnelle d’aboutir.
Ce logiciel est pourtant la première cause de difficulté dans les enquêtes, avant tout le reste. Les enquêteurs se plaignent souvent de la lourdeur de la procédure, mais quand on entre dans les détails, la principale lourdeur, ce sont les dysfonctionnements informatiques – le logiciel plante, le fichier est perdu et il faut tout recommencer à zéro. On en est pourtant en 2025 !
Vous nous expliquez qu’il faut des techniques spéciales d’enquête pour activer à distance les téléphones et vous avez recours à des entreprises privées extérieures par réquisition judiciaire parce qu’on est incapables de le faire en interne, vu qu’on est encore au Moyen Âge ! Voilà la situation.
Dès 2017, mal m’en a pris, alors que les lois de programmation du ministère de la justice et du ministère de l’intérieur prévoyaient plusieurs milliards d’euros pour les logiciels, j’avais dit que ce serait une chose de moins à faire lors de notre arrivée au pouvoir.
M. Timothée Houssin
Cela ne risque pas d’arriver !
M. Ugo Bernalicis
C’était l’une des rares mesures avec lesquelles j’étais d’accord. Mais même cela, vous n’êtes pas fichu de le faire correctement !
Je pense notamment au logiciel XPN. Quand nous réveillerons-nous et ferons-nous en sorte de disposer de logiciels qui fonctionnent ? Quand aurons-nous un pilotage efficace ? Quand nous inspirerons-nous de ce qui fonctionne chez les gendarmes ? Il est vrai que les logiciels utilisés par la gendarmerie nationale ne fonctionnent pas sous Microsoft – les services de la gendarmerie utilisent des logiciels libres qu’ils ont développés eux-mêmes. Utiliser ce type de logiciels demanderait des mutations au sein du ministère de l’intérieur, en particulier dans le périmètre police, mais c’est peut-être la direction que nous devrions prendre pour avoir enfin la main sur les bonnes solutions informatiques. L’objectif du rapport prévu par l’article 1er bis est précisément d’y réfléchir.
M. le président
L’amendement no 40 de Mme Sylvie Bonnet est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Roger Vicot, rapporteur
Avis favorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Sagesse. Nous n’avons pas un grand amour pour les rapports, mais il est clair que des marges d’amélioration existent s’agissant de nos logiciels.
(L’amendement no 40 est adopté.)
(L’article 1er bis, amendé, est adopté.)
Article 2
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice
L’article 2, qui crée le parquet national anti-criminalité organisée, est un article essentiel de la proposition de loi.
Rappelons que la proposition de loi sénatoriale prévoyait la création d’un parquet national antistupéfiants. Le travail que nous avons mené avec le ministre de l’intérieur et l’ensemble des groupes politiques a abouti à la création de ce parquet anti-criminalité organisée au périmètre plus large – un parquet national antistupéfiants aurait sans doute négligé des questions telles que le blanchiment et les trafics d’armes ou de tout autre produit, en lien avec la criminalité organisée.
Le Pnaco sera cosaisi avec les juridictions interrégionales spécialisées (Jirs) – M. le rapporteur, que je remercie pour son travail, y reviendra. Les Jirs ne sont donc pas supprimées, contrairement à ce que j’ai pu entendre, mais renforcées : je l’ai dit hier à la tribune, les Jirs seront dotées de quatre-vingt-quinze magistrats supplémentaires.
Le Pnaco centralisera l’information, produira du renseignement criminel et permettra aux différents acteurs de disposer de l’ensemble des informations nécessaires pour identifier les personnes les plus dangereuses – comme M. Mohamed Amra, pour lequel la centralisation de l’information a manqué.
Ce parquet disposera par ailleurs d’un pouvoir d’évocation : il ne prendra pas en charge l’intégralité des dossiers de la criminalité organisée. Comme le Pnat ou le parquet national financier, il évoquera les affaires : il dira ce qu’il prend – les affaires d’une grande complexité – et ce qu’il ne prend pas. Il incarnera la coopération judiciaire au niveau international – la plupart des difficultés concernent le financement ou la présence d’organisations ou de personnes à l’international. Il travaillera en direct avec le chef de file créé par l’article 1er et proposé par M. le ministre de l’intérieur, comme le Pnat travaille avec la DGSI.
Enfin, le Pnaco n’est pas seulement un parquet : il comprendra des magistrats chargés du suivi de la détention des personnes sous main de justice, ainsi que des magistrats spécialisés dans l’application des peines. Ainsi le régime de détention sera-t-il suivi directement par les magistrats.
Le Pnaco est une clef de voûte particulièrement importante et innovante de la lutte contre le narcotrafic. Peu de pays disposent d’un tel système, à l’exception peut-être de l’Italie, mais son parquet national ne dirige pas la lutte contre la criminalité organisée – il l’incarne et fait du renseignement criminel.
M. Ugo Bernalicis
Oui, mais il est indépendant, lui !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
La Belgique a fusionné le parquet antiterroriste et le parquet anti-criminalité organisée. Nous avons quant à nous choisi de créer un parquet spécialisé dans la criminalité organisée. Devant l’ampleur de la tâche et du travail de renseignement criminel à conduire, il est temps de spécialiser encore plus nos magistrats pour permettre une meilleure coopération judiciaire et incarner la lutte contre la criminalité organisée. L’article 2 est donc l’un des plus importants du texte.
La juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco), qui fait du bon travail, mérite d’être renforcée : elle dispose d’une supériorité hiérarchique sur les autres parquets et dans les actions menées contre la criminalité organisée. Elle sera la première pierre du Pnaco. Le parquet général de Paris en sera le parquet général d’appel. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR. – Mme Sophie Mette applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Eddy Casterman.
M. Eddy Casterman
Face à la menace de mexicanisation de la France et au développement d’une contre-société de la drogue, la riposte de l’État nécessite une incarnation et une volonté : c’est le rôle du parquet national anti-criminalité organisée. Doté du monopole de la poursuite, de l’instruction et du jugement dans les affaires criminelles d’une très grande complexité, il doit être le chef de file de la guerre contre la drogue. Face à l’hypersophistication des narcotrafiquants, nous avons besoin d’une figure unique, clairement identifiée. Le Pnaco sera l’interlocuteur privilégié de toute la sphère judiciaire et enverra un message clair à ceux qui veulent transformer la France en narco-État : jamais un narcotrafiquant ne sera un justiciable comme un autre – son crime porte atteinte aux intérêts supérieurs de la nation.
Oui, toute la chaîne pénale, de l’instruction des poursuites à l’exécution des peines, doit être unifiée, spécialisée et viser un seul objectif : le démantèlement de cette nouvelle armée des ombres. En tant que membres de la représentation nationale, nous sommes tous confrontés dans nos circonscriptions à l’extension du domaine de la drogue. Je suis scandalisé par les postures indignes du groupe La France insoumise qui n’a rien trouvé de mieux que de proposer la suppression de cet article d’intérêt public.
M. Ugo Bernalicis
Eh oui !
M. Eddy Casterman
Et cette posture lamentable n’est pas cantonnée aux bancs de l’extrême gauche : elle a contaminé jusqu’à une députée Renaissance, Mme Eléonore Caroit, qui propose elle aussi la suppression du parquet national anti-criminalité.
M. Ugo Bernalicis
Quand ça dysfonctionnera, vous rigolerez moins !
M. Eddy Casterman
Monsieur Attal, cautionnez-vous cet amendement de votre députée ? Et vous, collègues de la France insoumise, que direz-vous aux familles des 1 000 victimes du narcotrafic ? De qui êtes-vous les avocats ? Des honnêtes gens qui n’en peuvent plus de subir le deal au coin de leur rue ou des criminels qui veulent à tout prix condamner notre justice à l’impuissance publique ?
Nous, députés du groupe Rassemblement national et apparentés, nous serons à la hauteur des attentes des Français et nous voterons pour la création du parquet national anti-criminalité organisée. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Ugo Bernalicis
Voilà les supplétifs de M. Retailleau !
M. le président
La parole est à Mme Émeline K/Bidi.
Mme Émeline K/Bidi
Comme je l’ai déjà indiqué, nous ne sommes pas opposés a priori à la création du Pnaco. En revanche, je doute encore que ce parquet national puisse lutter efficacement contre la criminalité organisée et le narcotrafic si des moyens suffisants ne sont pas déployés dans les différents territoires. Je pense en particulier à La Réunion puisque, en comparaison avec un département de l’Hexagone pareillement peuplé, nous disposons de moins de douaniers, de policiers, de gendarmes et de juges, notamment de juges d’instruction.
Lorsque le Pnaco sera créé – puisqu’une majorité favorable à sa création semble se dégager au sein de cet hémicycle –, que fera-t-il lorsqu’il ordonnera que des enquêtes soient menées dans les territoires, par exemple à La Réunion, lorsqu’il demandera une filature, des contrôles de containers dans un port ou l’ouverture d’une information judiciaire, et que nous manquerons de forces de police, de douaniers et de juges d’instruction pour les effectuer ? Ce parquet national s’avérera totalement impuissant tant que vous ne dégagerez pas les moyens suffisants pour garantir une lutte effective contre le narcotrafic dans les différents territoires.
Monsieur le ministre, avez-vous prévu de doter les différents départements des moyens nécessaires à la hauteur de vos ambitions ?
M. le président
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
4. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic ;
Suite de la discussion de la proposition de loi organique fixant le statut du procureur de la République national anti-criminalité organisée.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra