XVIIe législature
Session ordinaire de 2024-2025

Deuxième séance du mardi 29 avril 2025

Sommaire détaillé
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Deuxième séance du mardi 29 avril 2025

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Hommage à Aboubakar Cissé

    Mme la présidente

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    Nous avons tous été bouleversés par le meurtre d’Aboubakar Cissé, lâchement assassiné dans une mosquée du Gard. À sa famille et à ses proches, je veux adresser en notre nom à tous nos condoléances les plus attristées. À l’ensemble de nos compatriotes musulmans, je veux exprimer notre solidarité.
    Honorer la mémoire d’un homme et respecter la douleur de sa famille, c’est rejeter toute instrumentalisation politique de ce drame. Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est de réaffirmer, avec force et dignité, l’unité de la nation. Je veux, en particulier, dire notre attachement à la laïcité qui fonde notre République et qui garantit à chacun la possibilité de croire ou non, en toute liberté et en toute sécurité.
    Mesdames et messieurs les membres du gouvernement, mesdames et messieurs les députés, en la mémoire d’Aboubakar Cissé, je vous invite à observer une minute de silence.
    (Mmes et MM. les députés et les membres du gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.)

    2. Questions au gouvernement

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.

    Autorisation de travailler le 1er mai

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Valérie Bazin-Malgras.

    Mme Valérie Bazin-Malgras

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    Chaque 1er mai, c’est la même injustice. Nos boulangers, nos fleuristes et nos commerçants de proximité sont contraints de baisser le rideau,…

    Mme Anne-Laure Blin

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    Incroyable !

    Mme Valérie Bazin-Malgras

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    …alors qu’ils ne demandent qu’une seule chose : la liberté de pouvoir ouvrir leur commerce dans de bonnes conditions, au service des Français. Oui, ils veulent travailler et faire vivre nos cœurs de villes et nos villages. (Murmures sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Cette France qui se lève tôt, pour nourrir et servir nos territoires, réclame qu’on lui fiche la paix, car elle est chaque jour confrontée aux règles absurdes de cette bureaucratie déconnectée de nos réalités.
    La loi est cruelle : elle autorise un boulanger à ouvrir sa boutique, mais elle lui interdit de faire travailler ses salariés.

    M. Thibault Bazin

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    C’est un scandale !

    Mme Justine Gruet

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    Exactement !

    Mme Valérie Bazin-Malgras

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    En France, ceux qui voudraient simplement faire marcher leur commerce prennent le risque d’être lourdement sanctionnés. À ceux qui font tourner notre pays et qui supportent tous les efforts, dites-vous vraiment que le prix du travail en France, un 1er mai, c’est une amende de 750 euros par salarié ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    Un député du groupe DR

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    C’est inadmissible !

    Mme Valérie Bazin-Malgras

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    Le constat est là : notre pays est devenu un enfer réglementaire et fiscal pour ceux qui travaillent.

    Mme Christine Arrighi

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    N’importe quoi !

    Mme Valérie Bazin-Malgras

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    Les Français travaillent plus pour payer plus. Dans nos territoires, la France du réel nous répète sans cesse ces exemples aberrants qui encouragent davantage l’assistanat que le travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Avec mes collègues de la Droite républicaine, nous disons stop : stop à un modèle absurde, où la liberté de travailler est entravée par la loi, stop à la bureaucratie qui sacrifie nos commerces de proximité, stop à une vision punitive du travail et de l’entreprise. (Mme Andrée Taurinya s’exclame.)
    Ma question est simple : quand allez-vous agir pour rendre enfin leur liberté à ceux qui font tenir la France debout ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR ainsi que sur quelques bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

    Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles

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    Vous qui êtes parlementaire, vous savez que le droit du travail est régi par la loi. Or rien n’a changé depuis très longtemps dans la législation sur le droit de travailler le 1er mai –⁠ la dernière jurisprudence date de 2006, pour être précise. Aujourd’hui, notre législation consacre le fait que le 1er mai est le seul jour de l’année à la fois férié et chômé. C’est le sens de la fête du travail.

    Mme Andrée Taurinya

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    Et des travailleurs !

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Dans l’état de notre droit, seuls peuvent travailler ce jour-là celles et ceux dont l’activité ne peut pas être interrompue pour des raisons de service public –⁠ à l’hôpital, par exemple.
    Vous évoquez le cas des boulangers et des fleuristes. La fédération de la boulangerie a interpellé le gouvernement pour rappeler l’importance des traditions qui entourent le pain dans notre pays. Nous savons bien évidemment aussi que les fleuristes vendent du muguet le 1er mai.
    Ce qu’une loi a fait, seule une loi peut le défaire. Au moment où nous parlons, plusieurs initiatives parlementaires ont été présentées. Vos collègues sénateurs viennent de déposer une proposition de loi sur le sujet. L’Assemblée travaille également sur un autre texte, proposé par le député Marleix. (Exclamations sur quelques bancs du groupe DR.)
    Le gouvernement regardera avec beaucoup de bienveillance ces textes qui visent à permettre aux professionnels de travailler le 1er mai, sur la base du volontariat, avec un salaire doublé. En lien avec les parlementaires, il est à la disposition de ces professionnels. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Valérie Bazin-Malgras.

    Mme Valérie Bazin-Malgras

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    Je vous ai bien entendue, madame la ministre. J’espère vraiment que le gouvernement s’emparera du texte de mon collègue Olivier Marleix, que nous avons cosigné. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    Assassinat d’Aboubakar Cissé

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Abdelkader Lahmar.

    M. Abdelkader Lahmar

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    Vendredi dernier, Aboubakar Cissé a été assassiné en pleine prière dans une mosquée du Gard. Mes premières pensées vont à sa famille, que nous avons reçue ce matin. À 22 ans, il a été victime d’un meurtre islamophobe, dans l’indifférence totale des autorités.
    Ce meurtre n’est pas un accident. Il est l’aboutissement d’un climat de haine que vous laissez prospérer, jour après jour. Monsieur le premier ministre, l’islamophobie tue en France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.) Cette stigmatisation est orchestrée et alimentée quotidiennement par les plus hautes autorités de l’État. Votre ministre de l’intérieur, lorsqu’il crie « À bas le voile », utilise des mots qui poussent au crime. (Nouveaux applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Mme Sandrine Rousseau, M. Olivier Faure et M. Benjamin Lucas-Lundy applaudissent aussi.)
    À la sidération de cet assassinat s’ajoute l’injustice ressentie par des millions de nos compatriotes : l’injustice d’une République silencieuse, où la simple demande d’une minute de silence en hommage à la victime est décrite comme une instrumentalisation politique ; l’injustice d’un gouvernement qui a mis plus de quarante-huit heures à réagir ; l’injustice d’un ministre de l’intérieur qui préfère maintenir ses meetings, face à l’horreur. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP ainsi que sur quelques bancs des groupes EcoS et GDR. –⁠ M. Olivier Faure applaudit aussi.)
    Soyons clairs : si un tel crime avait été commis dans une église ou une synagogue, votre ministre aurait été sur place dans l’heure et il aurait eu raison de le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Alors, pourquoi ce mépris ? Pourquoi cette différence de traitement ? La République fait-elle un tri entre ses enfants ? Monsieur le premier ministre, l’islamophobie est une réalité quotidienne niée par l’État, parce que les ministres qui sont censés protéger les Français musulmans les attaquent quotidiennement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Pierre Cordier

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    Quelle honte !

    M. Abdelkader Lahmar

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    Face à cette réalité, votre responsabilité est immense. Combien de morts faudra-t-il encore pour que vous agissiez contre l’islamophobie et les islamophobes, en commençant par renvoyer M. Retailleau ? (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. –⁠ Quelques députés des groupes SOC, EcoS et GDR applaudissent aussi.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur

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    Il s’agit d’un crime barbare : un homme a été tué de façon sauvage, alors qu’il priait dans une mosquée. Comme je l’ai déjà fait, je tiens moi aussi à m’associer à la peine de la famille et à assurer nos compatriotes musulmans de la plus totale solidarité de l’ensemble du gouvernement.
    Que me reprochez-vous ? De ne pas avoir réagi ? J’ai été sans doute l’un des premiers à le faire (Rires sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP), avec une déclaration très ferme, bien avant un certain nombre d’entre vous.

    Mme Nathalie Oziol

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    Vous n’êtes pas allé à la Grand-Combe !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Dès que j’ai pu, je me suis déplacé. Pourquoi ce bruit ? Pourquoi ces attaques ? Vous dites que, dans d’autres circonstances, s’il y avait eu un mort, j’aurais agi différemment. Certainement pas ! C’est vous qui avez l’indignation sélective, l’indignation à géométrie variable ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN, EPR, DR et Dem.)
    Lorsqu’il y a quelques années, il y a eu trois morts dans une église de Nice, y a-t-il eu un seul rassemblement des Insoumis ? Avez-vous parlé de christianophobie ? Non, bien entendu.

    Plusieurs députés du groupe LFI-NFP

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    Si ! (Mme Ségolène Amiot mime le nez de Pinocchio.)

    Plusieurs députés du groupe RN

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    C’est faux !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    En réalité, ce bruit, c’est simplement un prétexte à la récupération. Vous voulez diviser la France et, comme à votre habitude, hystériser le débat politique. Je ne vous laisserai pas faire ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Applaudissements sur les bancs des groupes DR, HOR et UDR.)
    Vous abîmez notre pays quand vous le communautarisez. Vous abîmez notre pays quand l’un des vôtres appelle à la sédition et à la création d’une milice privée. Vous abîmez aussi notre beau pays quand vous chassez un député socialiste, au motif, qui a sans doute des relents antisémites, que son parti serait sioniste. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, EPR, SOC, DR, Dem, HOR et UDR.)

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Regardez qui vous applaudit !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Vous desservez la cause que vous voulez servir ! La République, ce n’est pas le communautarisme. La France, c’est ce pays où l’on est Français, sans distinction d’origine, de couleur de peau ou de religion. La France, c’est une République où il n’y a qu’une seule communauté : la communauté nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP ainsi que sur quelques bancs du groupe EcoS. –⁠ Applaudissements sur les bancs des groupes RN, EPR, SOC, DR, Dem, HOR et UDR.)

    M. Patrick Hetzel

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Abdelkader Lahmar.

    M. Abdelkader Lahmar

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    Il n’y a que quatorze kilomètres entre la sous-préfecture d’Alès et la mosquée où a été assassiné Aboubakar Cissé : vous n’avez même pas daigné parcourir cette distance pour lui rendre hommage ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent.)

    M. Patrick Hetzel

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    C’est honteux !

    Manifestations du 1er mai

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sébastien Chenu.

    M. Sébastien Chenu

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    Le 1er mai prochain, de nombreux Français célébreront cette belle valeur qu’est le travail. Pourtant, ils sont aussi nombreux à redouter de se rendre dans des manifestations qui sont régulièrement perturbées par l’extrême gauche la plus violente.
    La banalisation de cette violence, issue de l’extrême gauche de LFI et des écolos, est une épée de Damoclès qui pèse sur notre paix civile. Avec sa stratégie insurrectionnelle, avec ses appels à l’intifada et à la création de milices, l’extrême gauche menace notre démocratie.
    Avec ses chasses à l’homme, comme dans le cas de notre collègue socialiste Guedj, viré d’une manifestation parce que Juif (« Eh oui ! » sur quelques bancs des groupes RN et DR), dans celui du professeur Fabrice Balanche à la faculté de Lyon, ou encore lorsqu’à Bordeaux, à Meaux, des membres du Rassemblement national de la jeunesse sont attaqués par des militants ;…

    M. René Pilato

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    Pour cause d’emploi fictif ?

    M. Sébastien Chenu

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    …avec son antisémitisme, l’extrême gauche brutalise la démocratie. Feignant la compassion, à la manière de Jonathann Daval pleurant sa femme qu’il avait lui-même tuée, Jean-Luc Mélenchon souffle sur les braises (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP), pousse au séparatisme, met à mal un pays qui n’avait pas besoin de cela. Élue grâce à M. Attal, l’extrême gauche relaie ici cette violence, voire, de la façon la plus sordide, l’abrite dans ses propres rangs. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Manuel Bompard

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    Et la victime, aurez-vous un mot pour elle ou pas ?

    M. Sébastien Chenu

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    Vous parlez souvent fort, monsieur le ministre de l’intérieur, mais il ne suffit pas de déclarations. En janvier, comme le Rassemblement national vous le réclamait par la voix de mon collègue Odoul, vous annonciez étudier la dissolution de La Jeune Garde antifasciste, milice de voyous d’extrême gauche ; depuis, plus de son, plus d’image ! Même chose pour les Frères musulmans : que comptez-vous faire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN, dont plusieurs députés se lèvent, ainsi que sur les bancs du groupe UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur

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    Vous avez raison, la date symbolique du 1er mai doit réunir ceux qui sont attachés à la valeur travail (Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP) et permettre aux grandes organisations syndicales de défiler dans la tranquillité. C’est la raison pour laquelle, au Sénat, j’avais soutenu l’actuelle loi du 11 octobre 2020 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, en songeant aux black blocs qui entravaient ces manifestations. Vous avez d’autant plus raison que certains individus appellent au contournement des règles édictées par la préfecture de police ; le préfet de police vient, à juste titre, de signaler aux autorités judiciaires les propos de l’un d’eux, par ailleurs attaché parlementaire d’une députée Insoumise. (« Eh oui ! » sur les bancs des groupes RN, DR et UDR. –⁠ Plusieurs députés du groupe LFI-NFP font un geste de dénégation.)

    M. Patrick Hetzel

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    Encore une fois, c’est honteux !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Ajoutons que l’intéressé fait l’objet de trois autres signalements au procureur, un émanant également du préfet de police et deux du ministère de l’intérieur. Nous ne laisserons pas passer cela ! Vous m’interrogiez au sujet de La Jeune Garde : nous ne pouvons dissoudre que lorsque nous disposons de faits, qu’un dossier a été établi. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.)

    M. Hervé de Lépinau

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    À quand son procès ? Il y a trois ans que ça dure !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    La procédure contradictoire qui débouchera, je l’espère, sur la dissolution de cette organisation sera engagée dans quelques heures. (M. Laurent Croizier applaudit.) Nous vivons dans un pays où la règle de droit est importante ;…

    M. Patrick Hetzel

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    Excellent !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    …La Jeune Garde aura donc l’occasion de faire valoir ses droits. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sébastien Chenu.

    M. Sébastien Chenu

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    Merci, monsieur le ministre, d’entendre le Rassemblement national qui, inlassablement, continuera à se battre pour la liberté des Français ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Défense de la République

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Gabriel Attal.

    M. Gabriel Attal

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    Monsieur le premier ministre, il y a une chose que tous les Français ont en partage : la volonté de vivre sereinement, ensemble et en paix, dans un cadre qui libère, émancipe, donne à chacun sa chance. La République protège, aveugle aux croyances ; la République rassemble, comme un lien indéfectible entre les Français.
    Vendredi dernier, Aboubakar Cissé était assassiné, non dans un endroit quelconque, mais dans une mosquée, là où il pratiquait sa religion. Pour tous les Français, pour la République, ce meurtre est une déchirure : que l’on s’attaque à un musulman, un juif, un chrétien, dans un lieu de culte, alors qu’il prie son Dieu, c’est une immense défaite de nos valeurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe DR.) Je le dis avec fermeté : honte à ceux qui oublient ce meurtre sauvage ou ne le condamnent qu’à demi ; honte, aussi, à ceux qui se servent de ce drame à des fins politiques !

    M. Julien Odoul

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    C’est vous qui les avez fait élire !

    M. Gabriel Attal

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    Honte à ceux qui font le choix du pire, le choix du communautarisme ! Au nom de mon groupe, j’exprime tout notre soutien à notre collègue Jérôme Guedj, chassé, sous les insultes et les cris à résonance antisémite, d’une manifestation en mémoire du jeune défunt. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR ainsi que sur quelques bancs du groupe RN.)
    Voilà le résultat du communautarisme ; alors, ensemble, luttons ! C’est ce qu’attend l’immense majorité des Français, qui ne supporte plus l’idée selon laquelle il conviendrait, pour défendre les juifs, de s’en prendre aux musulmans, pour défendre les musulmans, de s’en prendre aux juifs. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR ainsi que sur quelques bancs du groupe DR.)

    Mme Sarah Legrain

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    Et que faites-vous, si ce n’est cela ?

    M. Gabriel Attal

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    Ne laissons pas la politique défaire ce que la République a su faire durant si longtemps : notre union !

    Une députée du groupe LFI-NFP

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    Retailleau, démission !

    M. Gabriel Attal

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    Comment le gouvernement compte-t-il nous aider à lutter pour la République, pour l’universalisme, contre tous ceux qui prêchent la haine et veulent nous diviser ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR, dont les députés se lèvent, ainsi que sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.

    M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique

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    Merci de votre question, ainsi que de la gravité que vous y avez mise. Nous avons assisté à des affrontements, bord contre bord : ce n’est pas du tout là le climat dans lequel nous devrions vivre, c’est même exactement le contraire. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback

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    Ça suffit, les cris !

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît, chers collègues !

    M. Patrick Hetzel

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    Un peu de respect envers le premier ministre !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    En décembre 1957, un grand Français, Albert Camus, à l’occasion de son discours de réception du prix Nobel de littérature, déclarait : « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse. » Sur la planète, à l’échelle de la géopolitique, au sein de nos sociétés (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Protestations sur divers bancs),…

    Mme la présidente

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    Chers collègues, s’il vous plaît !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    …des forces nombreuses, puissantes, obscures, œuvrent à défaire le monde dans lequel nous vivons. Certains alimentent les affrontements dans un intérêt électoral ou idéologique, d’autres croient que l’adhésion à un camp nécessite l’humiliation, voire l’anéantissement de la partie adverse. Nous, en République, pensons exactement le contraire. Le droit de cité commence par l’acceptation des différences, par l’amorce d’une compréhension mutuelle, par le fait de dire à nos compatriotes musulmans, juifs, chrétiens, agnostiques ou athées, de toutes convictions, de toutes origines, que la France est leur pays, leur maison. J’irai plus loin : non seulement tout le monde a droit de cité, mais nous avons un devoir de cité –⁠ le devoir de construire quelque chose qui nous réunit, nous fait grandir, nous amène à nous comprendre, si différents que nous soyons.
    Il a tout à l’heure été question de laïcité. Celle-ci se résume à une règle simple : la foi ne fait pas la loi, mais la loi protège la foi. Chacun a droit à sa conviction ; il est protégé non seulement par notre règle de droit, mais par notre volonté nationale.

    Mme Caroline Parmentier

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    Non !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    C’est pourquoi nous ne laisserons pas faire les destructeurs, ceux qui veulent dissoudre ce monde : pas à pas, jour après jour, nous défendrons notre devoir de vivre ensemble. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR ainsi que sur quelques bancs du groupe DR.)

    Assassinat d’Aboubakar Cissé

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Romain Eskenazi.

    M. Romain Eskenazi

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    Aboubakar Cissé a été sauvagement assassiné dans une mosquée, en pleine prière –⁠ l’horreur ! Au nom du groupe socialiste, je présente à sa famille, à ses proches, à tous nos compatriotes musulmans, légitimement bouleversés par ce drame, notre soutien total et nos condoléances les plus sincères. C’est la nation, une et indivisible, que le meurtrier a frappée en plein cœur ; c’est la France qui est en deuil, comme le manifestent les rassemblements organisés partout par des maires et la minute de silence que nous venons d’observer.
    Aboubakar Cissé a été tué parce qu’il était musulman. Il s’agit d’un crime raciste, antimusulman, islamophobe,…

    M. Hervé de Lépinau

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    L’enquête ne le dit pas !

    M. Romain Eskenazi

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    …et non d’un fait divers. Je le disais il y a quelques jours à la tribune de l’hémicycle, notre pays vit dans un climat nauséabond ; des discours politiques, médiatiques, alimentent la division et la haine. Nos compatriotes musulmans ont peur ; ils se sentent abandonnés, exclus de la communauté nationale. Comme à nos compatriotes juifs ou chrétiens, comme à tous ceux qui éprouvent cette crainte inadmissible, je voudrais leur répéter avec force : au sein de la République laïque et universaliste, vous n’êtes pas seuls. Face à un tel drame, j’en appelle à l’unité nationale, car la division ne peut constituer le remède à la division –⁠ et, bien évidemment, j’apporte mon soutien à Jérôme Guedj. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EPR, Dem et HOR, ainsi que sur quelques bancs du groupe DR.)
    J’en appelle à la devise républicaine, unique recours en vue de faire revivre la cohésion nationale. « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes », dispose l’article 1er de la loi du 9 décembre 1905. Loin d’imposer la neutralité aux citoyens, elle leur garantit l’égalité, quelle que soit leur croyance, et doit faire vivre la fraternité entre eux. Monsieur le premier ministre, l’heure est venue de la mobilisation générale : veillerez-vous à ce que la parole publique et médiatique cesse de stigmatiser nos compatriotes musulmans ? Mettrez-vous un terme à cette surenchère législative qui, censée combattre le communautarisme, n’aboutit qu’à renforcer le repli, le sentiment d’exclusion et la légitimation de la violence ? Prendrez-vous la mesure de l’urgence,…

    Mme la présidente

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    Merci, cher collègue.

    M. Romain Eskenazi

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    …ferez-vous de la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine à l’encontre des musulmans une priorité de vos politiques publiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, dont plusieurs députés se lèvent. –⁠ M. Sylvain Maillard applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations

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    Merci pour la décence, la gravité, le sens des responsabilités qu’exprimait votre question. Avant toute chose, je voudrais rendre hommage à Aboubakar Cissé. À 22 ans, celui-ci venait d’obtenir un CAP en menuiserie ; ses proches, ses amis, ses voisins le décrivent comme un homme de bien, un homme bienveillant. Comme vous, je pense à lui, à sa famille, à nos compatriotes musulmans, qui, à la suite de ce crime odieux, peuvent se sentir en danger.
    Qu’elle soit dirigée contre les musulmans, les juifs, les chrétiens, aucune haine n’a sa place dans la République, laquelle ne reconnaît que la faculté de croire ou ne pas croire, et protège également l’ensemble des Français. C’est cet universalisme qui doit nous faire tenir : la République, toute la République, rien que la République ! Vous nous invitez au rassemblement ; il importe en effet que nous ayons la volonté, non de recréer ici des factions, d’adresser là à un député des propos antisémites, mais d’assurer ensemble l’unité de la nation. Je le répète, nous tiendrons ; nous tiendrons notre parole à tous les Français, nous tiendrons debout, nous maintiendrons la République. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)

    Assassinat d’Aboubakar Cissé

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Vendredi dernier, à La Grand-Combe, Aboubakar Cissé a été massacré, poignardé à une cinquantaine de reprises alors qu’il priait à la mosquée, tué parce que musulman. Nous adressons toutes nos condoléances à sa famille, ses proches, que nous avons reçus ce matin à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
    Face à cet attentat terroriste islamophobe, où était le ministre chargé de protéger nos concitoyens, quelle que soit leur confession ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.) Il vous aura fallu deux jours pour réagir, deux jours non pour vous rendre sur les lieux du crime, auprès de la famille, mais pour aller vous enfermer à la sous-préfecture d’Alès, loin des regards, loin du réel. (Mêmes mouvements.) Lorsque vous avez enfin pris la parole, vous n’avez pas même été capable de prononcer un nom, mentionnant un « individu » –⁠ comme on efface, comme on balaie, comme on piétine une dignité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS. –⁠ Exclamations sur quelques bancs du groupe EPR.)

    M. Laurent Croizier

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    De votre part, où est la dignité à l’égard du défunt ?

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Aboubakar Cissé n’était pas un individu, mais un jeune homme, un citoyen, un enfant de la République. Depuis des années, vos discours répandent la suspicion et attisent la haine contre nos compatriotes musulmans. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.) Vous ne cessez de les dénigrer ; vous avez osé évoquer leur « régression vers les origines ethniques », présenter leur foi comme un danger pour la France, le voile comme un étendard islamiste, proposer d’interdire aux mères voilées d’accompagner leurs enfants lors des sorties scolaires. (Mêmes mouvements.)
    Vous n’avez jamais été à une provocation près, n’hésitant pas à lancer « Vive le sport, à bas le voile ! » devant des milliers de personnes.

    Un député du groupe RN

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    Très bien !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Pourtant, vous êtes aussi ministre des cultes, mais vous avez trahi votre charge, vous avez failli et aujourd’hui les musulmans ont peur. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Vous avez soufflé sur les braises de la haine et la haine a encore tué.
    Votre silence, votre mépris, votre désertion ne sont pas une simple faute politique, ils sont une faute morale, le signe que, pour vous, la vie d’un citoyen musulman vaut moins que celle d’un autre. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP. –⁠ M. Inaki Echaniz applaudit également.)
    Alors je n’ai qu’un seul message pour vous : la République mérite mieux que vous ; la République exige mieux que vous ! La seule issue décente, monsieur Retailleau, c’est votre démission. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe DR.) Partez organiser votre congrès, les Français ont besoin d’un ministre à plein temps pour les protéger. Allez-vous-en ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP. –⁠ M. Olivier Faure applaudit également.)

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Et vous, vous ne voulez pas partir ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur

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    J’ai rendu hommage à Aboubakar Cissé et je me suis associé à la peine de sa famille. J’ai entendu que je n’avais pas voulu la recevoir, mais c’est absolument faux ! Dès dimanche, j’ai demandé au préfet de rechercher les parents d’Aboubakar Cissé et d’entrer en contact avec eux, notamment pour régler la question du rapatriement du corps s’ils le souhaitaient. Vous ne pouvez pas dire que je n’ai rien fait !

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Si, ils le disent !

    M. Vincent Descoeur

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    Ça ne les gêne pas !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    J’ai fait une déclaration dès vendredi après-midi et j’ai demandé au préfet du Gard, puis à l’ensemble des préfets de France, de sécuriser les lieux de culte, comme je le fais systématiquement lorsque c’est nécessaire, quelles que soient les circonstances ou la religion concernée.
    Il y a, voyez-vous, quelque chose qui tranche profondément entre votre manière d’instrumentaliser les faits (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS) et ce à quoi j’ai assisté dimanche face aux représentants du culte musulman : c’est la très grande dignité de ces hommes que j’avais devant moi, à l’opposé de l’indignité de vos propos. (Mme Nadège Abomangoli s’exclame.)
    Pour ma part, ce à quoi je crois, c’est à la République. Comme l’a très bien dit tout à l’heure la présidente de l’Assemblée nationale, nous devons préserver l’unité de la société française (Exclamations continues sur les bancs du groupe LFI-NFP), aujourd’hui archipélisée ; nous devons préserver l’unité de la communauté nationale.

    M. Gabriel Amard

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    C’est vous qui avez mis le feu !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Parce que je suis ministre des cultes, je souhaite de toutes mes forces qu’en France, que l’on croit ou non, la liberté de conscience soit respectée et que ceux qui sont de confession juive, musulmane ou chrétienne puissent pratiquer librement leur foi. Je fais le nécessaire pour cela, car la France est le pays qui a réussi à articuler ce qu’il y a de plus singulier et de plus universel dans l’être humain. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR ainsi que sur quelques bancs du groupe UDR.)

    Politique budgétaire

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Thierry Benoit.

    M. Thierry Benoit

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    Le groupe Horizons & indépendants souhaite interroger le gouvernement sur les déclarations récentes de certains ministres au sujet de la suppression de l’abattement fiscal de 10 % pour les retraités et de la création d’une taxe locale en remplacement de la taxe d’habitation. Ces déclarations envoient des messages contradictoires et sèment la confusion chez les Français. Elles sont contraires à la position du président de la République et des gouvernements successifs depuis plusieurs années selon lesquels il n’y aura pas d’augmentation d’impôts, pas de taxes nouvelles. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR. –⁠ M. Mathieu Lefèvre applaudit également.)
    Première question : quelles mesures d’économie le gouvernement propose-t-il dans le cadre de réformes structurelles ? La France a un fonctionnement coûteux ; il faut donc le réformer. Autorités administratives, agences de l’État, hauts conseils, délégués interministériels, collectivités territoriales : si l’on veut que les Français acceptent des mesures de rigueur, l’exemple doit venir d’en haut.

    M. Xavier Breton

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    Très bien !

    M. Thierry Benoit

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    D’où ma seconde question : quelles mesures le gouvernement entend-il prendre pour réformer le fonctionnement de l’État ? (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et DR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

    M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

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    Je veux vous rassurer. Dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2026, le premier ministre nous a demandé d’utiliser une méthode, celle du dialogue. Mes collègues Catherine Vautrin et François Rebsamen sont engagés dans ce dialogue, la première d’ores et déjà avec les partenaires sociaux, le second le 6 mai prochain, avec les représentants des collectivités locales. Au niveau de l’État, nous dialoguons également avec l’ensemble des parties prenantes.

    M. Sylvain Berrios

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    Et les parlementaires ?

    M. Éric Lombard, ministre

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    Nous sommes à la fin du mois d’avril 2025 et ce dialogue se déroulera jusqu’au mois de juillet. Comme il l’a annoncé, le premier ministre rendra alors ses arbitrages. Aucune décision n’est prise à ce stade. Je peux toutefois vous rappeler le cadre dans lequel nous travaillons avec ma collègue Amélie de Montchalin. Il est très simple : pas de nouveaux impôts.

    Mme Anne-Laure Blin

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    Droit dans les yeux !

    M. Éric Lombard, ministre

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    Notre objectif de désendetter la nation et de faire passer le déficit au-dessous de 3 % du PIB en 2029, nous l’atteindrons grâce à la maîtrise de la dépense publique dans ses trois composantes : les collectivités locales, la sécurité sociale et l’État. Et nous l’atteindrons en respectant les engagements que vous avez rappelés à juste titre. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Thierry Benoit.

    M. Thierry Benoit

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    Je vous entends, monsieur le ministre, mais je le répète : si, j’en suis convaincu, nos concitoyens ont compris la situation de nos finances publiques, les mesures de rigueur nécessaires ne seront acceptées qu’à la condition que l’exemple vienne d’en haut –⁠ je sais que vous en êtes conscient, monsieur le premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs du groupe DR.)

    Situation d’ArcelorMittal

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Aurélie Trouvé.

    Mme Aurélie Trouvé

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    Vous venez d’abandonner l’usine de chimie Vencorex. Votre fiasco industriel continue : après la chimie, l’acier. Cela fait des mois que les salariés d’ArcelorMittal nous alertent. Oui, le groupe s’apprête à délocaliser vers l’Inde et à fermer les derniers hauts fourneaux français. D’ailleurs, lors de son audition devant la commission des affaires économiques, son PDG l’a reconnu : les derniers sites sont sur la sellette. L’annonce vient de tomber : 600 licenciements, 177 rien qu’à Dunkerque, des postes opérationnels et de maintenance. Oui, ArcelorMittal organise la chute de l’industrie française et la chute prochaine des quarante sites et de leurs 15 000 salariés. Si la sidérurgie disparaît, vous le savez, elle entraînera dans sa chute l’industrie automobile, la construction navale et bien d’autres secteurs.
    Vous maintenez que tout est sous contrôle et que vous faites ce qu’il faut. Alors mes questions seront simples et précises. Quand et comment protégerez-vous l’acier face à la concurrence déloyale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Quand M. Séjourné, le commissaire européen que le président Macron a envoyé à Bruxelles, sortira-t-il enfin un plan acier efficace –⁠ j’ai bien dit efficace ? (Mêmes mouvements.) ArcelorMittal siphonne depuis longtemps les fonds publics et ne tient pas ses engagements de rentabiliser les capitaux. Treize ans après Florange, laisserez-vous ce groupe vous promener encore longtemps sans lui imposer des conditions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Il s’est vu attribuer 850 millions d’aides publiques pour décarboner et n’a rien fait ! Combien d’euros ont-ils été versés sur ces 850 millions ? Sont-ils conditionnés au maintien de l’emploi ou laisserez-vous ArcelorMittal délocaliser toutes ses usines après avoir reçu cet argent ? Enfin, si la fermeture de ces sites sidérurgiques est confirmée, vous engagez-vous à les nationaliser, comme viennent de le faire les Britanniques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, dont plusieurs députés se lèvent. –⁠ Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.

    M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie

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    L’annonce de réductions d’effectifs par le groupe ArcelorMittal est une mauvaise nouvelle et ma première pensée va évidemment aux salariés des sept sites français concernés. (Mme Sophia Chikirou s’exclame.) Vous le savez, la situation de l’acier et de la sidérurgie est difficile. Entre 2018 et 2023, la production d’acier a diminué de 20 % en Europe. Dans tous les pays, des réductions d’effectifs sont annoncées –⁠ 11 000 en Allemagne par ThyssenKrupp. Rappelons que les récentes annonces en France ne mentionnent aucune fermeture de site –⁠ il est important de le souligner.
    Face à cette situation, nous agissons. Dès ma nomination comme ministre de l’industrie, j’ai alerté sur les difficultés du secteur et j’ai réuni le 17 février, à Bercy, les ministres concernés par la production sidérurgique en Europe et les acteurs économiques, notamment les organisations syndicales, pour formuler des propositions. Celles-ci ont été reprises le 19 mars par le commissaire Séjourné et la Commission européenne dans le cadre d’un plan d’urgence visant à soutenir la filière européenne de l’acier. Parmi ces propositions, et pour répondre à l’une de vos questions, plusieurs concernent la protection commerciale, car évidemment une grande partie du problème tient aux surcapacités chinoises et au fait que nos sidérurgistes ne se battent pas à armes égales face à des productions massivement subventionnées.
    Nous commençons donc à agir, mais il faut aller plus loin en renforçant la protection commerciale et en soutenant les investissements. À cet égard, je serai clair, madame la présidente Trouvé : les 850 millions d’euros annoncés n’ont pas été versés à ArcelorMittal car ils sont conditionnés à la réalisation d’investissements pour le moment suspendus. Notre responsabilité, avec l’ensemble des élus, est de donner des perspectives aux sites concernés par ces investissements, notamment celui de Dunkerque. Nous allons poursuivre notre action parce que l’acier est l’industrie des industries. Sans elle, l’automobile et la défense ne peuvent plus produire. Nous agirons de manière collective, avec tous les élus.

    Mme Nathalie Oziol

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    En nationalisant ?

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Aurélie Trouvé, pour une seconde, chère collègue…

    Mme Aurélie Trouvé

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    Je retiens que vous ne vous engagez pas sur la nationalisation. Comme pour Vencorex, vous préférez liquider plutôt que nationaliser ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Situation d’Outinord

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Guillaume Florquin.

    M. Guillaume Florquin

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    Monsieur le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie, il y a quelques jours, ma circonscription a subi un nouveau drame industriel avec l’annonce brutale d’un projet de suppression de 126 emplois sur les 143 que compte le site historique d’Outinord, à Saint-Amand-les-Eaux, une tragédie de plus après celle qui touche les salariés d’ArcelorMittal.
    Au-delà du simple aspect comptable de ces annonces, je tiens à rappeler avec force que derrière les chiffres froids des classeurs Excel du gouvernement se cachent des drames humains bien réels. Lorsqu’une usine ferme ses portes, c’est tout un territoire qui bascule ; ce ne sont pas seulement des emplois directs qui disparaissent, mais aussi des familles plongées dans l’incertitude. Je suis allé à leur rencontre mercredi. Ce que j’ai vu, ce que j’ai entendu, c’est l’angoisse, la fatigue, souvent la colère. Certains m’ont même confié devoir vendre leur maison. Voilà le résultat concret de votre politique technocratique, déconnectée des réalités du terrain.
    Pour justifier le plan social d’Outinord, la direction invoque la crise profonde du secteur du logement : hausse brutale des taux d’intérêt, chute dramatique de 40 % des ventes de logements neufs en deux ans, baisse alarmante des permis de construire. Cette situation menace directement l’avenir d’entreprises industrielles comme Outinord, pourtant indispensables pour répondre au besoin immense de logements dans l’ensemble du territoire.
    Outinord est un fleuron industriel français mondialement reconnu pour la fabrication de coffrages métalliques, un savoir-faire unique non seulement pour le logement, mais aussi pour des projets stratégiques de la filière nucléaire française, dont le gouvernement annonce justement la relance massive. Alors que le besoin en logements est immense et que la France affirme vouloir retrouver sa souveraineté industrielle, laisserez-vous disparaître ce savoir-faire stratégique ? Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre dans l’immédiat pour accompagner les salariés et assurer un avenir au site d’Outinord de Saint-Amand-les-Eaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.

    M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie

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    Le gouvernement regrette vivement la décision de réorganisation du groupe Skena qui touche l’entreprise Outinord de Saint-Amand-les-Eaux. Ma pensée va évidemment aux salariés concernés, qui forment la majorité des effectifs du site.
    Vous l’avez dit, cette réorganisation s’inscrit dans un contexte très dégradé du secteur du logement et de celui du bâtiment et travaux publics en amont. La production de logements neufs s’affaiblit. Les prix du gaz et des intrants sont de plus en plus élevés. La surproduction structurelle se traduit par des réorganisations. Soulignons toutefois que la réorganisation d’Outinord à Saint-Amand-les-Eaux permettra le maintien du site de Mirebeau, dans la Vienne, qui ne se trouve certes pas dans votre circonscription, et de l’activité de location de matériels.
    Face à cette situation, quelles sont les perspectives ?
    De sa propre initiative, l’entreprise Outinord s’est engagée à retrouver un repreneur industriel pour le site. Nous sommes collectivement tributaires de la revitalisation de ce site. Les services de l’État, notamment la délégation interministérielle aux restructurations d’entreprises, prendront leur part. Les élus locaux seront également mobilisés. Je salue en particulier le maire de Saint-Amand-les-Eaux, Fabien Roussel, et le président de la région, Xavier Bertrand, avec qui j’échange régulièrement et dont je connais l’engagement sur le sujet.
    La revitalisation de ce site industriel, qui permettra de donner un avenir à ce territoire, nécessite un travail collectif. C’est cette méthode de travail collectif que nous poursuivrons avec exigence.
    Il y a des combats qu’on gagne et des combats qu’on perd. Celui-ci est désormais orienté vers la revitalisation et la reprise d’une activité économique sur ce site.

    Autorisation de travailler le 1er mai

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Mickaël Cosson.

    M. Mickaël Cosson

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    À quelques jours du 1er mai, journée symbolisant les combats menés par les travailleurs, la question de l’ouverture des boulangeries témoigne de la charge symbolique qu’incarne la valeur travail dans notre pays.
    Madame la ministre, vous avez exprimé votre souhait de modifier la loi pour faciliter l’ouverture des boulangeries lors de ce jour férié. Nous souhaitons que vous puissiez en préciser le calendrier et les équilibres principaux. Il convient en effet de concilier l’objectif de simplification visant à encourager le travail et la volonté de préservation des fondements de notre modèle social.
    Au-delà de cette question, essentielle pour nos artisans, nous souhaitons plus globalement interroger notre rapport au travail. Malgré les efforts visant à soutenir notre tissu productif, la compétitivité est en berne.
    Ce ne doit toutefois pas être une fatalité. Nous sommes riches du potentiel de nos travailleurs. Il nous faut mieux les accompagner, quel que soit leur âge, pour que leur vie professionnelle ne soit pas perçue comme un tunnel jusqu’à la retraite mais pour qu’elle soit synonyme d’épanouissement ; pour qu’elle soit vécue comme un lieu de possibilité, et non de pénibilité.
    La formation est un enjeu clé. Les carrières sont de moins en moins linéaires, et les bouleversements technologiques actuels sont de nature à transformer le monde du travail. Les travailleurs doivent ainsi être formés tout au long de leur parcours professionnel, en particulier grâce à la formation continue.
    Le développement de la formation pour l’ensemble des travailleurs, et non pas seulement pour ceux qui sont confrontés à des difficultés, permettra à nos concitoyens de reprendre le contrôle de leur vie professionnelle et de leur épanouissement personnel.
    De plus, la place de nos seniors doit être complètement repensée, dans un contexte où cette question est trop souvent reléguée au second plan. Ils doivent être considérés comme des acteurs à part entière de notre production de valeur, qu’elle soit économique ou sociale. En effet, ils apportent une plus-value auprès des jeunes, dont l’insertion dans l’emploi est de plus en plus tardive.
    Enfin, s’agissant de la durée du travail, il ne faut pas se limiter aux considérations purement comptables. Quel est le projet du gouvernement pour que nous puissions produire plus et travailler mieux ?

    M. Pierre Cordier

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    Ce n’est pas parce qu’il est au Modem qu’il a le droit à quinze secondes de plus !

    Mme la présidente

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    Aujourd’hui, tous les orateurs dépassent le temps qui leur est alloué…
    La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi.

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi

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    Vous m’interrogez sur la question du travail. Je souhaite rappeler, dans le prolongement des propos tenus par M. le premier ministre lors de la conférence de presse sur l’état des finances publiques du 15 avril dernier, que les travailleurs français ont un temps de travail annuel moyen inférieur de 100 heures au temps de travail en Allemagne.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Oui, mais on travaille mieux ; on est productifs ! C’est ça qui compte !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Ceux qui ont un emploi travaillent tout autant que nos voisins allemands. Cette différence s’explique ainsi principalement par le fait que certaines catégories de la population travaillent moins. C’est le cas des jeunes et des seniors.
    Ainsi, pour travailler plus nombreux, nous allons devoir travailler plus, et surtout mieux.
    S’agissant de la question des seniors, nous lançons aujourd’hui même une grande initiative pour la valorisation des salariés expérimentés, d’une durée de trois mois. Elle réunira de nombreux acteurs du monde du travail, à l’instar des organisations patronales, des entreprises et de l’association nationale des directeurs des ressources humaines.
    Nous nous réunirons dans un triple objectif : changer la loi, changer les pratiques, changer les regards.
    D’abord, changer la loi. Dans quelques semaines, vous examinerez la transposition de l’accord national interprofessionnel en faveur de l’emploi des seniors signé par quatre organisations syndicales et trois organisations patronales. Il comprend des dispositions portant sur le contrat senior, sur l’entretien de mi-carrière, sur la négociation annuelle ou encore sur les mesures visant à faciliter les transitions et reconversions professionnelles. Les partenaires sociaux poursuivent les négociations à ce sujet en ce moment même.
    Ensuite, changer les pratiques. Nous avons ainsi souhaité mobiliser six cents entreprises autour du recrutement et du maintien à l’emploi. Pour travailler mieux, il faut aborder la question de la santé, des conditions de travail et de la gestion prévisionnelle des compétences.
    Enfin, changer les regards. Comme l’a montré la Défenseure des droits, l’âge est la première discrimination sur le marché du travail. Nous souhaitons programmer une campagne de testing avec la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques pour l’année 2026. Mme la ministre Aurore Bergé a également exprimé son souhait d’agir sur la question essentielle des discriminations liées à l’âge sur le marché du travail. D’autres pays ont réussi ; nous allons le faire aussi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    ArcelorMittal

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Julien Gokel.

    M. Julien Gokel

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    ArcelorMittal vient d’annoncer plus de six cents suppressions d’emplois en France, notamment à Dunkerque et à Mardyck, dans ma circonscription, où trois cent vingt postes sont menacés. Derrière ces chiffres, il y a des hommes, des femmes, des familles, des vies frappées de plein fouet par le cynisme d’un groupe qui ne tient pas ses engagements. Je tiens à leur exprimer ma solidarité.
    Ce groupe méprise ses salariés, qui vivent depuis des mois au rythme de l’incertitude sans aucune visibilité sur leur avenir, ainsi que ses ouvriers qui se lèvent chaque jour pour faire tourner les hauts-fourneaux avec fierté. Il prend en otage ses sous-traitants en prenant des décisions stratégiques opaques. Il méprise aussi nos territoires et nos élus locaux qui, eux, tiennent leurs engagements à travers une union sacrée derrière le maintien l’industrie locale.
    Cette situation n’est pas acceptable. Il est temps de redonner de la visibilité aux salariés d’ArcelorMittal comme aux élus des territoires concernés. Il est urgent de dessiner des perspectives précises pour assurer la force, l’indépendance et l’avenir de la filière sidérurgique non seulement française, mais également européenne. Sa survie en dépend. Nous ne pourrons pas réussir pleinement notre réindustrialisation sans la filière sidérurgique.
    Au regard du contexte actuel, nous ne pouvons pas nous permettre d’être dépendants des seuls aciers américains et chinois. L’Europe doit atteindre son indépendance en la matière. La mise en place des mesures du plan acier doit intervenir dès à présent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
    Il est urgent de rassembler l’ensemble des parties prenantes pour aborder ce sujet : la Commission européenne, les représentants des salariés, les élus locaux. Exigeons des garanties claires et fermes de la part du groupe ArcelorMittal.
    À Dunkerque, à Florange, à Basse-Indre et ailleurs, nous attendons des actes et non pas des paroles. Nous exigeons une véritable feuille de route pour l’acier bas-carbone, des garanties sur la préservation de notre outil industriel, des investissements rapides et la protection des emplois. Sans cela, l’État devra prendre toutes ses responsabilités.
    Ma question est triple, mais simple. Allez-vous conditionner tout soutien financier futur à ArcelorMittal à la prise d’engagements fermes ? Allez-vous lui imposer une feuille de route transparente ? Comment comptez-vous garantir que la France conserve une autonomie… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Les députés du groupe SOC applaudissent ce dernier.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.

    M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie

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    La décision d’ArcelorMittal est une très mauvaise nouvelle. Je m’associe à vous pour exprimer ma solidarité à l’égard des salariés du site de Dunkerque…

    M. Pierre Cordier

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    Dans les Ardennes aussi !

    M. Marc Ferracci, ministre

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    …et des autres sites concernés par cette restructuration, ainsi que de leurs familles.
    Vous le savez, la situation du secteur de l’acier est difficile, en France comme en Europe. Après l’annonce de cette décision, j’ai pris l’initiative de m’entretenir ce matin à Bercy avec les directions française et européenne d’ArcelorMittal.

    M. Pierre Cordier

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    Belle initiative !

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Il m’a été confirmé que plusieurs conditions étaient nécessaires au maintien des investissements dans la décarbonation, qui sont essentiels au maintien de l’emploi et à la pérennisation de l’ensemble des sites, dont celui de Dunkerque.
    Il nous faut d’abord agir au niveau européen, notamment pour renforcer les quotas d’importation d’acier. M. le commissaire européen Stéphane Séjourné a annoncé le resserrement de ces quotas, sur proposition du gouvernement français. Je m’en réjouis. Il faut désormais aller plus vite, plus fort, plus loin dans la protection commerciale de notre industrie sidérurgique. Je m’y consacrerai dans les prochains jours et les prochaines semaines.
    Il nous faut ensuite agir sur le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. C’est une demande de la filière sidérurgique en général et d’ArcelorMittal en particulier. Nos industriels qui s’engagent à investir dans la décarbonation doivent être en mesure de lutter à armes égales avec leurs concurrents étrangers. Cela suppose une meilleure taxation carbone aux frontières ; nous sommes déjà engagés dans cette direction.
    J’échangerai avec M. le commissaire Séjourné dans les prochains jours et lui ferai part tant des demandes de la filière sidérurgique que des enjeux liés au maintien de l’emploi.
    Je viendrai ensuite rendre compte de nos échanges auprès des représentants des salariés et des élus. Je pense notamment à Patrice Vergriete, maire de Dunkerque, à vous-même, à Paul Christophe, député de la quatorzième circonscription du Nord, à Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France, que je sais très engagé sur ce sujet.
    Ces investissements ne sont pas abandonnés. En travaillant collectivement, nous pourrons parvenir au maintien de l’emploi sur le site de Dunkerque.

    Attaque au couteau à Nantes

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Julie Laernoes.

    Mme Julie Laernoes

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    Je tiens à réaffirmer notre solidarité aux victimes de l’attaque survenue au lycée de Notre-Dame-de-Toutes-Aides à Nantes, à leurs proches, à la communauté éducative, et à remercier nos forces de police et de secours. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR et LIOT.)
    Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur mais aussi à ses collègues chargés de la santé.
    Cette tragédie aurait mérité pudeur et respect. Elle aurait mérité la présence d’un responsable politique digne, venu témoigner de la solidarité de la nation. Pourtant, plutôt que de respecter le temps du deuil et de la gestion de crise, plutôt que de prendre le temps d’analyser les causes profondes d’un tel drame, M. Retailleau a choisi la voie de la récupération politique. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et GDR ainsi que sur quelques bancs du groupe EcoS.)
    Vous avez parlé d’ensauvagement, de déconstruction des repères. Mais la seule déconstruction, c’est celle de nos politiques publiques ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
    Prévention abandonnée, santé mentale sacrifiée, éducation délaissée. Cette tragédie n’est pas le révélateur d’un prétendu ensauvagement de la société mais bien de votre irresponsabilité.
    Le constat est alarmant : alors que les hospitalisations psychiatriques d’adolescents ont bondi de 32 % en 2024, on ne compte qu’un infirmier scolaire pour 1 800 élèves. En Loire-Atlantique, il n’y a que quatorze lits de pédopsychiatrie, soit 4,3 lits pour 100 000 mineurs. (Mêmes mouvements.)
    Un membre du personnel du CHU de Nantes, cité par nos collègues Sandrine Rousseau et Nicole Dubré-Chirat dans leur rapport sur la prise en charge des urgences psychiatriques, alertait sur cette situation, en soulignant qu’elle empêchait la prise en charge de certains jeunes pourtant en situation de risque vital.
    En total décalage avec ces réalités, vous répondez en proposant l’installation de portiques et la fouille de sacs.
    On ne cachera pas les symptômes d’une faillite des services publics en durcissant l’autorité.
    La véritable priorité devrait être au réarmement de nos services publics, dont le rôle est essentiel pour restaurer la cohésion et l’apaisement dans notre société.
    Monsieur Retailleau, pourquoi agiter des fantasmes sécuritaires ? Pour masquer l’échec de votre gouvernement à défendre une politique ambitieuse pour protéger notre jeunesse ? Ou pour mieux faire votre campagne, au mépris des drames et de la réalité ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, SOC et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

    Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

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    Vous l’avez rappelé, un drame épouvantable est intervenu jeudi dernier dans le groupe scolaire Notre-Dame-de-Toutes-Aides. Vous étiez sur place avec moi, vous avez pu voir à quel point la communauté éducative était sous le choc.
    Je veux tout d’abord avoir une pensée pour la famille, les proches de la victime, les élèves blessés. Je veux aussi rendre hommage au personnel de cet établissement qui est courageusement intervenu, permettant d’éviter un bilan plus lourd encore. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, EcoS, Dem et GDR.)
    Face à un tel drame, l’heure n’est pas à la polémique. Des actions doivent être menées sur deux plans.
    D’une part, il convient d’agir sur le plan de la sécurité. Les travaux en faveur de la sécurisation de nos établissements scolaires, engagés depuis plusieurs années, doivent être poursuivis. Il est également nécessaire de poursuivre la lutte contre l’introduction d’armes blanches dans les établissements. C’est le sens des mesures engagées avec le ministre de l’intérieur, permettant des fouilles aléatoires de sacs devant les établissements.
    D’autre part, il convient d’agir sur le plan de la santé mentale de nos jeunes, vous avez raison de le souligner. Des protocoles de repérage et d’orientation des jeunes vers des structures de prise en charge sont en cours d’élaboration dans nos établissements. Nous travaillons avec le ministre de la santé pour renforcer les efforts en la matière.
    Au cours du mois de mai, nous organiserons des Assises de la santé scolaire. Ce temps de concertation sera l’occasion de marquer de nouvelles avancées dans ce domaine.
    Notre réponse doit être globale pour s’assurer que de tels drames ne se reproduisent pas. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Participation des prisonniers aux frais d’incarcération

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Christophe Naegelen.

    M. Christophe Naegelen

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    Monsieur le garde des sceaux, dans le contexte actuel, tout le monde doit faire des efforts. Les budgets ne sont pas extensibles –⁠ celui de la justice, pas plus qu’un autre. Dans votre intervention, hier soir, vous repreniez la proposition que notre collègue Éric Pauget et moi-même défendons afin de faire contribuer financièrement les prisonniers définitivement condamnés et incarcérés. En réalité, ce n’est pas une mesure nouvelle –⁠ une telle contribution existait jusqu’en 2003. C’est une mesure saine, empreinte de bon sens et de responsabilité.
    Le fruit de cette contribution pourrait d’ailleurs permettre de contribuer au mieux-être des personnels pénitentiaires, qui sont en souffrance –⁠ ils sont un élément indispensable dans notre continuum de sécurité. Il pourrait également servir au financement des infrastructures. Comment envisagez-vous l’acquittement de cette contribution ? Quels seraient les condamnés concernés –⁠ à partir de quel niveau de revenu et de patrimoine ? Enfin, sous quel délai le gouvernement entend-il inscrire à l’ordre du jour un projet de loi sur la question ou reprendre notre proposition de loi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs du groupe DR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Je rends hommage à votre travail et à celui d’Éric Pauget. La proposition de loi que vous avez déposée il y a quelques mois reprend un dispositif qui a existé sous divers gouvernements, de gauche comme de droite, jusqu’en 2003 : la participation des détenus définitivement condamnés aux frais d’incarcération. Un détenu coûte 128 euros par jour à la nation, ce qui représente, pour l’ensemble des détenus, 10 millions par jour et 3,8 milliards par an. Il ne s’agit pas de faire payer aux détenus le coût du service public pénitentiaire, mais, vous l’avez dit, de les faire contribuer. À l’époque, 45 euros étaient prélevés chaque mois. Cette participation somme toute symbolique est compréhensible pour nos concitoyens.
    À l’heure où nous souhaitons remettre des règles dans les prisons, alors que certains détenus disposent de surfaces financières très importantes –⁠ je pense notamment aux narcotrafiquants –, nous pourrions envisager, comme l’a suggéré Éric Pauget, l’instauration d’une contribution d’un montant de 5 euros par jour, ce qui représenterait une centaine de millions par an.
    Votre proposition de loi, qui renvoie à un décret en Conseil d’État et à une discussion avec les syndicats et le monde pénitentiaire, permettrait d’en discuter. Je souhaiterais l’inscrire à l’ordre du jour. Si Bercy en était d’accord, il serait possible d’affecter tout ou partie de cet argent à l’amélioration du sort des agents pénitentiaires et des détenus. Dans de nombreuses prisons, ces derniers vivent dans des conditions indignes –⁠ vous êtes nombreux à m’écrire pour demander la construction de nouvelles prisons ou le réaménagement des prisons existantes.

    M. Philippe Vigier

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    Absolument !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Alors que nous offrons aux détenus la possibilité de travailler, une participation de quelques euros par jour me paraît tout à fait normale et légitime dans une république –⁠ cette mesure est soutenue par l’opinion. Les organisations syndicales du ministère de la justice, que j’ai rencontrées ce matin, m’ont questionné sur les modalités de cette participation. Nous pourrions nous retrouver assez vite sous l’autorité du premier ministre pour instaurer cette mesure de bon sens, à la fois pour les finances publiques et pour l’autorité de l’État dans les prisons. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et Dem.)

    Taxe d’habitation

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Éric Ciotti.

    M. Éric Ciotti

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    Avant de poser ma question à M. le premier ministre, je veux d’abord remercier M. le ministre de la justice de reprendre ma proposition de loi de 2015 visant à instaurer une participation des détenus aux frais d’incarcération. Nous attendons que ce texte soit inscrit à l’ordre du jour et nous l’approuverons.
    Monsieur le premier ministre, je veux vous faire part de mon inquiétude devant le concours Lépine de l’impôt que vos ministres semblent aujourd’hui inaugurer. Le ministre de l’aménagement du territoire a évoqué la possibilité d’instaurer un impôt local à la place de la taxe d’habitation. Ce serait une escroquerie budgétaire et économique totale. Nous avons vu que la suppression de la taxe d’habitation a entraîné une augmentation de la taxe foncière. Et maintenant, vous voulez recréer une forme de taxe d’habitation ! C’est totalement insupportable.

    M. David Amiel

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    C’est faux ! Compensation intégrale.

    M. Éric Ciotti

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    Non, c’est vrai ! Et c’est votre majorité qui défend cette mesure. Et puis Mme de Montchalin nous a annoncé sa volonté de supprimer l’abattement fiscal de 10 % pour les retraités.

    Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics

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    Ce n’est pas ce que j’ai dit !

    M. Éric Ciotti

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    Nous vous le disons solennellement, monsieur le premier ministre : pour nous, c’est non. Nous refusons de voir les retraités, en particulier ceux qui ont des retraites modestes, qui ont du mal à se loger, à se nourrir, à se chauffer, à se déplacer, être à nouveau ponctionnés alors que vous refusez de faire des économies sur le train de vie de l’État. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.) Nous vous le disons très clairement : si vous défendez ces deux mesures, la réponse sera la censure immédiate. Approuvez-vous oui ou non les déclarations de vos ministres ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.

    M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique

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    À votre question « approuvez-vous les déclarations de vos ministres », je dois en opposer une autre : écoutez-vous les déclarations de mes ministres ? (Sourires.) Éric Lombard l’a indiqué clairement à l’instant, tout comme plusieurs autres ministres et moi-même ces derniers jours : aucune mesure d’impôt nouveau n’est en préparation secrète ou discrète,…

    Mme Anne-Laure Blin

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    Ce n’est pas ce qu’on a entendu ce matin !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    …car je pense que ce n’est pas la méthode à suivre. Comme vous l’avez entendu et senti dans la communication officielle du gouvernement, la situation du pays du point de vue des finances publiques et du poids de la dette est la plus difficile qu’il ait jamais connue depuis la guerre. J’ai montré à la tribune lors du discours de politique générale qu’au fil du temps toutes les familles politiques qui siègent sur ces bancs ont leur part de responsabilité dans cette situation d’endettement continuel et progressif…

    M. Loïc Prud’homme

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    Mensonges !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    …tous les partis de gouvernement. Il suffit de regarder la courbe pour voir que sans cesse, cet endettement a progressé.

    M. Loïc Prud’homme

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    Ce sont les riches !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Si nous ne faisons rien, en 2029, le poids de la charge de la dette sera de 100 milliards d’euros par an. Cette situation ne peut pas se résoudre en additionnant des impôts partiels.

    Mme Anne-Laure Blin

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    Mais par des économies !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Il s’agit d’une réorganisation complète de la dépense publique et de l’organisation de l’État.

    Mme Anne-Laure Blin

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    C’est une certitude !

    Mme Christelle D’Intorni

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    Il était temps !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    C’est cette réorganisation que nous allons conduire. La date à laquelle ces décisions seront annoncées est connue : avant le 14 juillet. C’est la première fois dans l’histoire qu’un gouvernement annonce les principes organisateurs de son budget trois mois avant son dépôt à l’Assemblée. Nous donnerons toutes les explications et nous aurons tous les rendez-vous pour que cette question soit traitée –⁠ pour une fois – sur le fond. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)

    M. Éric Ciotti

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    Ce n’est pas clair !

    Taxe d’habitation

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Les nostalgiques de la taxe d’habitation sont de retour. Cet impôt sans condition de ressource était injuste : il était souvent bien plus élevé dans les territoires ruraux, comme le Gers, que dans les métropoles. Sa suppression a permis un gain de pouvoir d’achat de 650 euros par foyer et par an en moyenne. Elle a été compensée, je cite la Cour des comptes, à l’euro près –⁠ et même au-delà –, par une ressource dynamique pour les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.) Quelle hypocrisie de voir dans cet hémicycle tant de pourfendeurs de sa suppression alors que personne depuis sept ans n’a déposé le moindre amendement pour la recréer ! (Mêmes mouvements.)

    M. Sylvain Maillard

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    Eh oui !

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Aujourd’hui, j’entends de nombreux taxophiles qui voudraient la faire revenir par la fenêtre avec un nom plus sympathique pour que cela passe mieux : « contribution locale modeste ».

    M. Fabrice Brun

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    Et vous, vous n’avez jamais été taxophile peut-être ?

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Qui croit vraiment qu’il faut créer un nouvel impôt sur tous les foyers, y compris les plus modestes ? Un impôt, on sait toujours quand il commence, on ne sait jamais comment il finit ! Les collectivités locales manquent-elles à ce point de moyens, alors qu’elles battent cette année un record d’investissement et que la Cour des comptes évoque un emballement de leurs dépenses ? Non. À écouter certains, le lien entre un concitoyen et sa commune passerait nécessairement par l’impôt. Ceux qui ne payent pas la taxe foncière ou l’impôt sur le revenu seraient donc pour vous des citoyens de seconde zone ? Non. Rien, non décidément rien, ne justifie la création d’un nouvel impôt.
    Il faut réduire le mille-feuille territorial, clarifier les compétences, simplifier les normes et les contraintes qui pèsent sur les collectivités territoriales –⁠ je salue les initiatives du ministre Rebsamen. Mais, monsieur le ministre de l’économie, pouvez-vous nous garantir que nous ne créerons pas de nouvel impôt local ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

    M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

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    Non, nous ne créerons pas de nouvel impôt local –⁠ ni de nouvel impôt tout court. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. –⁠ M. Cyrille Isaac-Sibille applaudit également.)

    M. Sylvain Maillard

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    Très bien !

    M. Éric Lombard, ministre

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    Je défendrai en outre la suppression de la taxe d’habitation, qui a sauvé les villes centres –⁠ le premier ministre l’a souvent répété. On sait très bien l’effet d’éviction que cette taxe avait sur les ménages les plus modestes : pour éviter une taxe d’habitation élevée, ils allaient en périphérie. (M. David Amiel applaudit.)

    Un député du groupe SOC

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    C’est faux !

    M. Éric Lombard, ministre

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    Et cela ne vaut pas que pour la ville de Pau ! Dans mes fonctions précédentes, j’ai eu l’occasion de financer de nombreuses collectivités locales, j’en parle donc en connaissance de cause.

    Mme Christine Pirès Beaune

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    C’est le prix du foncier qui fait qu’ils s’installent en périphérie !

    M. Éric Lombard, ministre

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    Élargissons le propos : notre priorité aujourd’hui est de soutenir les Françaises et les Français ainsi que les entreprises, alors que l’économie mondiale rencontre des défis comme nous n’en avons jamais connu : l’instauration de tarifs douaniers et le développement des exportations de grands États qui sont devenus des pays-usines.

    M. Jean-Pierre Taite

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    Parlez de ce que vous connaissez !

    M. Éric Lombard, ministre

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    Nous devons les protéger. Pour cela, il est nécessaire non seulement de ne pas augmenter les impôts des ménages et des entreprises, mais aussi de gérer les finances publiques. Le danger qui est devant nous, le premier ministre l’a rappelé, c’est bien le poids de notre endettement et de la charge de la dette dans le budget. Pour rétablir nos comptes, nous allons travailler sur la dépense publique. C’est la maîtrise de la dépense publique qui nous permettra d’atteindre nos objectifs. Le cadre sera précisé par le premier ministre, il l’a dit, avant le 14 juillet. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR. –⁠ M. Philippe Vigier applaudit également.)

    Assassinat d’Aboubakar Cissé

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Soumya Bourouaha.

    Mme Soumya Bourouaha

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    Vendredi, Aboubakar Cissé se rendait à la mosquée de La Grand-Combe pour prier. Durant sa prière, il a été assassiné d’une quarantaine de coups de couteau, assénés de sang-froid par un assaillant insultant « [son] Allah de merde ». J’adresse au nom de mon groupe nos condoléances à sa famille et à ses proches que j’ai rencontrés ce matin à l’Assemblée avec plusieurs de nos collègues.
    Ce crime n’est pas un fait divers. Les propos racistes se banalisent, dans un climat nauséabond.

    M. Hervé de Lépinau

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    Que vous entretenez !

    Mme Soumya Bourouaha

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    Cette situation est le fruit de la responsabilité conjointe d’une partie de la classe politique de droite et d’extrême droite, relayée par des médias comme CNews, lequel s’en prend aux musulmans 340 jours par an. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Julien Odoul

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    Lamentable !

    M. Pierre Cordier

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    Reprenez les propos de Georges Marchais sur l’immigration en 1980 !

    Mme Soumya Bourouaha

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    C’est ce climat qui arme le bras des criminels qui passent à l’acte. Face à ce drame, je regrette, monsieur le ministre de l’intérieur, que vous ne vous soyez pas rendu sur les lieux du crime.

    M. Patrick Hetzel

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    Polémique indigne !

    M. Fabien Di Filippo

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    Vous n’êtes pas crédible dans cette affaire !

    M. Julien Odoul

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    Vous n’en avez rien à faire !

    Mme Soumya Bourouaha

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    Vous ne vous êtes pas rendu non plus au chevet de la famille d’Aboubakar, des habitants de La Grand-Combe, ainsi que de la communauté musulmane de la région, qui a été profondément meurtrie par ce terrible événement –⁠ face à cet acte abominable, cela aurait été la moindre des choses. Pourtant, vous ne pouvez ignorer que les discriminations envers les musulmans sont en augmentation. Depuis le début de l’année, le ministère de l’intérieur a recensé une hausse des actes antimusulmans de 72 % par rapport à la même période l’an dernier.

    M. Hervé de Lépinau

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    Et les actes antichrétiens ?

    Mme Soumya Bourouaha

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    Nous ressentons sur le terrain l’inquiétude de nos compatriotes musulmans face à cette montée de l’insécurité. Le mois dernier, je vous interpellais déjà en disant que face aux crimes racistes et aux propos haineux, la main de l’État ne devait pas trembler. La République doit protéger tous ses enfants. Ce climat, ces discours –⁠ vos discours – ont divisé la République. (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice. –⁠ Les députés du groupe GDR applaudissent cette dernière.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur

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    Nous nous sommes tous inclinés, à juste titre, devant la mémoire de ce jeune homme sauvagement assassiné, comme vous l’avez rappelé, alors qu’il priait dans une mosquée. Je répète que je me suis rendu à Alès dimanche dernier. Dès vendredi, j’ai pris des dispositions et j’ai été l’un des premiers à prononcer une déclaration très tranchée et forte, comme je le fais systématiquement quel que soit l’acte antireligieux concerné.
    J’ai rencontré le président du culte musulman du Gard, ainsi que les représentants des différentes mosquées dont la dignité a été impeccable. Ils m’ont indiqué ne pas vouloir que la peine de la communauté musulmane et de la famille puisse être instrumentalisée. Jamais la famille n’a demandé à me voir. L’oncle de la victime devrait être reçu aujourd’hui à dix-huit heures par le préfet. Je vais le dire très nettement : n’instrumentalisons pas et arrêtons de récupérer de tels faits !

    M. Christophe Blanchet et M. Patrick Hetzel

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    Bien sûr !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Tous les actes antireligieux sont condamnables, d’où qu’ils viennent. En 2024, nous avons enregistré 173 actes antimusulmans, plus de 1 500 actes antisémites et des centaines d’actes antichrétiens. Ministre de l’intérieur, chargé des cultes, je protège tous les fidèles. Je me battrai toujours pour que la liberté de conscience et de culte ainsi que la laïcité demeurent notre règle commune.
    Après avoir débattu de ce drame, je veux aussi saluer les soixante-dix enquêteurs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.) Les moyens considérables déployés et le professionnalisme des policiers et des gendarmes, sous l’autorité judiciaire, qui ont pisté le suspect jusqu’en Italie, ont permis de le retrouver. Croyez-moi, nous sommes très fermes et nous ne laisserons rien passer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)

    Politique de protection de l’enfance

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marine Hamelet.

    Mme Marine Hamelet

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    En tant que membre de la commission d’enquête parlementaire sur la politique de protection de l’enfance, j’ai pu, comme de nombreux collègues, constater l’ampleur du désastre. Un problème de moyens ? Pas vraiment : près de 11 milliards sont consacrés à cette politique. Chaque enfant placé coûte près de 40 000 euros par an : un vrai marché pour beaucoup d’intervenants. La misère, certains en meurent, d’autres en vivent. Le juteux placement systématique des enfants est, comme par hasard, trop souvent préféré aux solutions intrafamiliales. Certains observateurs avisés parlent même de placements abusifs. Pire, des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance font parfois l’objet de mauvais traitements, dont les conséquences sur leur construction personnelle sont irréversibles.
    Certains foyers sont de véritables viviers pour les filières de prostitution. Trop souvent aussi, les enfants confiés à des familles d’accueil ou à des foyers font l’objet de sévices sexuels. Le récent fait divers ayant eu lieu en Loire-Atlantique, où un homme a été écroué pour le viol d’une enfant de 4 ans qui lui avait été confiée par l’ASE, est éloquent. La liste est trop longue pour évoquer ici tous les dysfonctionnements d’une administration qui a trop souvent perdu le sens des réalités humaines. La responsabilité des présidents des conseils départementaux n’est par principe jamais engagée ni jamais contrôlée.
    Dès lors, comment s’étonner du résultat de cette politique ? Ainsi, 25 % des SDF sont issus de l’ASE et 70 % des enfants de l’ASE sortent du système éducatif sans diplôme ni formation. Au vu de ce rapport parlementaire accablant, il est indispensable et urgent de refonder intégralement la politique de protection de l’enfance. Madame la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, aurez-vous le courage de nous proposer un texte transpartisan sur ce sujet ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

    Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles

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    Vous faites allusion au rapport produit par la députée Isabelle Santiago, qui propose quatre-vingt-douze mesures. J’ai moi-même été auditionnée par la commission d’enquête présidée par Mme Laure Miller. Si je partage évidemment certains des éléments que vous avez rappelés pour démontrer la nécessité absolue d’une refondation de la politique de l’enfance, je ne veux pas non plus dire que tout est absolument épouvantable.

    Mme Caroline Parmentier

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    On n’a pas de ministre de l’enfance !

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Vous ne pouvez pas demander des économies à longueur de journée et réclamer des gouvernements pléthoriques !

    Mme Caroline Parmentier

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    C’est essentiel !

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Il faut savoir accorder ses paroles et ses actes !

    Mme Caroline Parmentier

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    Où est Sarah El Haïry ? On ne la voit jamais !

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Une haute-commissaire à l’enfance a été nommée par le premier ministre. Auditionnée par la commission d’enquête, j’ai proposé de déployer un plan en sept étapes, la première concernant les tout-petits et les pouponnières. L’idée est de reprendre une disposition de la loi Taquet relative au taux d’encadrement dans les pouponnières, tout en privilégiant le placement en famille d’accueil et la qualité de l’accueil de l’enfant.
    Dans cet objectif, nous généraliserons le certificat d’honorabilité à partir de septembre : c’est la garantie que chaque personne à laquelle un enfant est confié, qu’il s’agisse de l’aide sociale, d’un club de sport ou de toute autre structure, démontre ses qualités et n’a jamais commis d’agissement répréhensible.
    De plus, il convient de travailler avec les départements pour mieux accompagner les 350 000 jeunes qui bénéficient de mesures de l’aide sociale à l’enfance. La double vulnérabilité constitue l’un des enjeux majeurs auxquels nous devons répondre, car un tiers des enfants concernés est en situation de handicap. Pour répondre à toutes ces difficultés, je vous propose la voie réglementaire dès maintenant, suivie de la voie législative tout de suite après. (M. Xavier Breton applaudit.)

    Mme Caroline Parmentier

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    C’est dérisoire ! Et la haute-commissaire, elle fait quoi ?

    Mme la présidente

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    Nous avons terminé les questions au gouvernement.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Jérémie Iordanoff.)

    Présidence de M. Jérémie Iordanoff
    vice-président

    M. le président

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    La séance est reprise.

    3. Sortir la France du piège du narcotrafic - Statut du procureur de la République national anti-criminalité organisée

    Commissions mixtes paritaires

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion, sur les rapports des commissions mixtes paritaires, de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic (no 1277) et de la proposition de loi organique fixant le statut du procureur de la République anti-criminalité organisée (no 1278).
    La conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

    Présentation commune

    M. le président

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    La parole est à M. Vincent Caure, rapporteur des commissions mixtes paritaires.

    M. Vincent Caure, rapporteur des commissions mixtes paritaires

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    Je suis heureux de m’adresser à vous aujourd’hui car le texte sur lequel nous avons travaillé –⁠ il est le fruit, depuis sa genèse sénatoriale, d’un véritable travail parlementaire – arrive au terme de son parcours législatif. Cependant, je prends la parole dans un contexte inédit : nous avons assisté ces derniers jours à plus de soixante-cinq attaques, parmi lesquelles l’incendie d’une quinzaine de véhicules d’agents pénitentiaires. Il y a quelques jours, je m’entretenais avec des surveillants pénitentiaires qui soulignaient le caractère radicalement inédit de ces événements. Nous devons respect et soutien à l’ensemble des agents du ministère de la justice, à commencer par les 40 000 personnels de l’administration pénitentiaire, qui exercent leurs missions fondamentales de service public.
    Les conclusions de la commission d’enquête transpartisane du Sénat ont mis en lumière les faiblesses et les lacunes juridiques dans la lutte que l’État livre au narcotrafic. La proposition de loi vise donc un objectif simple : affronter d’égal à égal les réseaux criminels en tenant compte de leur dangerosité, de leur technicité et de leur détermination. C’est pourquoi elle prévoit des avancées concrètes au service de notre police, de notre gendarmerie, de nos douaniers, de notre justice et de nos agents pénitentiaires.
    Nous agirons d’abord en amont : la création d’un parquet d’envergure nationale dédié à la lutte contre le narcotrafic garantira une meilleure coordination des enquêtes judiciaires. Ce parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco) pourra se saisir des dossiers les plus complexes dans lesquels l’État est aux prises avec les réseaux criminels ; il s’agit d’être fort face aux plus forts des réseaux.
    Nous agirons ensuite pendant la phase d’enquête, grâce à des moyens nouveaux et rehaussés. Le texte permettra ainsi l’usage de techniques d’enquête spéciales lorsque les narcotrafiquants seront impliqués, afin de donner aux enquêteurs les moyens de lutter à armes égales, efficacement, contre les réseaux.
    Un accord a également été trouvé sur le statut des repentis –⁠ je me fais le porte-voix de mon collègue Éric Pauget, rapporteur de la proposition de loi en première lecture. L’immunité a été retranchée du dispositif, mais celui-ci s’est encore amélioré en gagnant en attractivité. Ainsi, le statut de collaborateur de justice permettra de bénéficier d’une réduction de peine pouvant aller jusqu’aux deux tiers et d’un assouplissement des conditions d’octroi de l’exemption.
    La commission mixte paritaire s’est accordée pour rendre possible le recours à un procès-verbal distinct.  Celui-ci permettra de protéger les informations relatives à la mise en place d’une technique d’enquête spéciale dont la divulgation serait de nature à compromettre la vie d’un enquêteur ou d’un membre de sa famille.
    La proposition de loi créera encore d’autres instruments très concrets comme la fermeture administrative des établissements qui blanchissent des fonds ou encore le gel administratif des avoirs, limité à une durée de quatre ans et qui complétera utilement les dispositifs existants en matière judiciaire.
    Enfin, nous agirons pendant la détention, grâce à la création de quartiers pénitentiaires dédiés où les narcotrafiquants seront soumis à un régime carcéral plus strict. Nous étendrons par ailleurs les dispositifs d’anonymisation dont bénéficient les agents pénitentiaires et les travailleurs sociaux en prison ; les événements de ces dernières nuits ont démontré l’impérieuse nécessité de cette mesure juste.
    Le texte est long et dense, mais la commission mixte paritaire a été conclusive et il convient de s’en féliciter. Nous vous présentons aujourd’hui une rédaction équilibrée qui a recueilli les votes de treize des quatorze membres de la CMP. Je tiens à témoigner de l’esprit dans lequel vos trois rapporteurs ont débattu : attachés au dialogue parlementaire, nous avons tenté de dépasser les clivages. Depuis le début de l’examen, nous avons cherché des réponses concrètes sans jamais perdre de vue efficacité et respect de l’État de droit.
    Ainsi, nous avons maintenu le renforcement des garanties en matière d’activation à distance des appareils électroniques. En ce qui concerne le dossier distinct, la version adoptée par la CMP intègre l’avis du Conseil d’État et conserve la structure adoptée par le Sénat, tout en limitant encore les finalités pour garantir la constitutionnalité du dispositif. La disposition portant sur les nouvelles prisons n’ayant pas été soumise à l’examen du Sénat, nos collègues tenaient à s’assurer qu’elle ne déséquilibrerait pas le texte. Nous nous sommes mis d’accord pour réduire à un an la durée d’affectation dans ces quartiers et le Sénat a jugé cette rédaction de compromis suffisamment équilibrée pour adopter le texte à l’unanimité hier, ce dont je me réjouis. Je souligne que c’est aussi la durée de placement qu’ont proposée nos collègues Amirshahi et Capdevielle lors de la première lecture ; je pense qu’ils seront heureux que nous nous soyons rangés à leur position. (M. Ugo Bernalicis s’exclame.)
    Les mesures proposées correspondent à des demandes fortes de nos concitoyens, des fonctionnaires des ministères de l’intérieur, des douanes et de la justice. Tous attendent de nous une réponse à la hauteur de la menace du narcotrafic. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. Roger Vicot, rapporteur des commissions mixtes paritaires.

    M. Roger Vicot, rapporteur des commissions mixtes paritaires

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    Nous arrivons au bout d’un long chemin, car l’examen de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic et de la proposition de loi organique associée nous a occupés pendant plusieurs semaines. Il me revient de faire état des négociations qui ont eu lieu en commission mixte paritaire au sujet des articles pour lesquels j’étais rapporteur.
    Le volet relatif au renseignement a été modifié à la marge. À l’article 8, qui porte sur l’extension du renseignement algorithmique, nous avons apporté une précision pour limiter cette extension au seul haut du spectre de la délinquance et de la criminalité organisées, dans l’esprit du texte voté par l’Assemblée nationale. Par ailleurs, nous avons maintenu la suppression du désormais célèbre article 8 ter, qui visait à créer une obligation de déchiffrement applicable aux messageries chiffrées. Il y a eu sur ce point un véritable consensus entre les rapporteurs et les membres de la CMP. Je persiste à penser qu’un tel sujet méritait beaucoup mieux qu’un amendement déposé en séance lors de l’examen du texte au Sénat.
    Les autres articles ont connu des modifications plus substantielles. À l’article 19, nous avons rétabli à la demande des sénateurs le principe de l’infiltration civile, en l’assortissant toutefois de nouvelles garanties. Nous avons notamment fait en sorte que le dispositif constitue un véritable parcours de sortie de la délinquance, en fixant une durée de dix ans pendant laquelle l’infiltré civil peut voir ses avantages révoqués s’il commet une nouvelle infraction. Cette nouvelle rédaction est à mes yeux une véritable avancée, puisqu’elle structure le rôle de l’infiltré civil et ses perspectives de sortie de la délinquance. Comme nous le souhaitions, de nouvelles conditions ont été fixées pour l’accès au dispositif : les mineurs en sont exclus et il est interdit de commettre des violences ou des infractions plus graves que celles qu’on cherche à constater. Nous avons imposé le principe de l’évaluation préalable, par le service compétent du ministère de l’intérieur, de la dangerosité du recours à l’infiltration civile.
    À l’article 20, relatif au régime des nullités de procédure, nous avons supprimé le délai de cinq jours pour la production des mémoires en amont de l’audience devant la chambre de l’instruction, compte tenu des risques pour les droits des parties. Nous avons également exclu la possibilité de désigner un avocat chef de file par courrier recommandé dans les dossiers de criminalité organisée. Enfin, nous avons abandonné la possibilité de transmettre l’avis de saisine de la chambre de l’instruction par voie dématérialisée.
    Par ailleurs, nous avons poursuivi notre travail consistant à mieux encadrer l’extension des pouvoirs douaniers. À l’article 21 ter, nous avons limité la possibilité de réaliser des visites douanières de nuit aux seuls cas de délits flagrants, et en avons exclu le domicile. Aller au-delà de la seule flagrance ou ouvrir la possibilité de réaliser des visites douanières de nuit dans des locaux d’habitation présentait par ailleurs des risques d’inconstitutionnalité.
    Certains dispositifs issus du texte de l’Assemblée ont été maintenus. Ainsi, nous avons préservé la demande d’un rapport gouvernemental sur les dysfonctionnements des logiciels de police, introduite à l’article 1er bis par un amendement du groupe La France insoumise, au vu de l’enjeu de cette question pour les services enquêteurs. Nous avons également maintenu le dispositif de transmission d’informations sur les navires de plaisance prévu à l’article 7 bis, issu d’un amendement du groupe Les Démocrates.
    Au terme de ce long travail, nous avons, je crois, trouvé un point d’équilibre. Le texte que nous vous proposons fournit ainsi de nouveaux outils puissants pour lutter contre le fléau du narcotrafic, tandis que les garanties fondamentales de la procédure sont préservées.
    Permettez-moi de terminer en remerciant mes corapporteurs à l’Assemblée nationale –⁠ Éric Pauget et Vincent Caure –, les auteurs et rapporteurs du Sénat, le président de la commission des lois ainsi que les ministres et leurs services pour leur travail sur ces textes. Je veux aussi souligner que les administrateurs de l’Assemblée nationale –⁠ en particulier Clément Michelon, Raphaële Jegou, Alice Gondard et Laurie Phelut – nous ont tous impressionnés durant ces semaines de travail. Qu’ils en soient remerciés ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, SOC, Dem, HOR et LIOT ainsi que sur les bancs des commissions.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Je suis très heureux d’être présent, aux côtés de mes collègues du gouvernement, pour la dernière lecture de ces propositions de lois relatives au narcotrafic. Nous devons en rendre les honneurs au sénateur socialiste Jérôme Durain et au sénateur Les Républicains Étienne Blanc, qui, à la suite de leur commission d’enquête, ont déposé ces textes, textes depuis largement enrichis par les deux chambres puis en commission mixte paritaire.
    La proposition de loi présente plusieurs caractéristiques dont la première est d’être un texte quasimentd’union nationale. En effet, au Sénat, le groupe communiste, le groupe socialiste et l’ensemble des groupes de la majorité sénatoriale ont voté pour ; le groupe écologiste s’étant abstenu, pas une voix ne s’est exprimée contre le texte. Mes collègues du gouvernement et moi-même espérons que l’Assemblée nationale sera tout aussi unanime pour donner aux magistrats, aux forces de l’ordre et aux Français des moyens de lutter contre le narcotrafic, une menace très grave qui touche de nombreux pays voisins comme la Belgique ou les Pays-Bas.
    Je me concentrerai sur les dispositions relevant stricto sensu de la Chancellerie. Ensemble, nous créons un parquet national anti-criminalité organisée –⁠ et non seulement antistupéfiants comme le prévoyait la proposition de loi ab initio –, qui verra le jour au 1er janvier 2026, une date qui permet de le construire sérieusement. Le Pnaco disposera de moyens très importants que j’ai déjà annoncés. Cette organisation, loin de mener à la suppression des juridictions interrégionales spécialisées (Jirs), renforcera leur action et celle des parquets locaux. En effet, une centaine de magistrats supplémentaires renforceront la juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco) et les Jirs dès le mois d’avril –⁠ une partie d’entre eux sont donc déjà arrivés –, puis, à partir du 1er janvier 2026, le Pnaco. Ils lutteront contre la criminalité organisée aussi âprement que le fait le parquet national antiterroriste (Pnat) contre le terrorisme.
    Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des dispositions, car MM. les rapporteurs Caure et Vicot –⁠ je remercie également Éric Pauget pour son travail – ont déjà souligné les avancées du texte. Je m’attarderai en revanche quelques instants sur la question du régime carcéral. Ce point illustre la coconstruction entre le Parlement et le gouvernement. Le texte initial comportait des articles liminaires traitant de la détention mais ne contenait aucune disposition relative aux prisons de haute sécurité ou au régime carcéral inspiré de l’article 41 bis du règlement pénitentiaire italien. La méthode proposée par le gouvernement au Parlement a consisté à saisir ensemble le Conseil d’État et, en fonction de l’avis des juges, à modifier le texte en commission puis en séance. Nous avons démontré que nous étions capables de traiter de manière constructive d’un sujet délicat –⁠ un régime carcéral très difficile – et d’en élaborer ensemble les modalités, tout en évoquant le statut du repenti.
    Je remercie donc l’ensemble des membres de cette assemblée. Même si nous avons compris que les groupes d’opposition de gauche, ou d’une partie de la gauche, n’approuvaient pas l’idée première de ce texte, je veux dire aux groupes socialiste et écologiste que le gouvernement a essayé d’entendre leurs arguments, de les accepter et de trouver un compromis. Je remercie M. le président de la commission mixte paritaire d’avoir veillé à ce compromis. Ainsi, après les débats en séance à l’Assemblée, le gouvernement souhaitait que les détenus concernés soient placés dans les quartiers de haute sécurité pour une durée de deux ans renouvelable, mais vous avez proposé de réduire cette durée à une année, faisant ainsi un pas pour que l’ensemble des groupes politiques, notamment d’opposition, puissent se sentir respectés. J’espère que les dispositions prévues pour ce régime carcéral conviendront à chacun. Nous en avons observé encore très récemment l’intérêt, à travers les attaques et les menaces contre les prisons ou les agents pénitentiaires, les tirs de kalachnikov sur des maisons, les incendies de voiture et les interpellations nombreuses…

    M. Ugo Bernalicis

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    Ah oui ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    …menées par le parquet national antiterroriste (Pnat). Ces dernières démontrent l’efficacité de la réforme de la police judiciaire et du Pnat.

    M. Ugo Bernalicis

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    Ah oui ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Elles ont montré qu’il s’agissait bien de narcotrafiquants, de « narcoracailles », comme dit très justement le ministre de l’intérieur. L’enquête le montrera pleinement, mais il apparaît que ces actions avaient pour but d’intimider l’État, de pousser les agents pénitentiaires à poser l’uniforme et d’empêcher le Parlement, le gouvernement, l’administration, d’instaurer ce régime carcéral.
    Celui-ci fait peur aux narcotrafiquants. Il leur fait peur parce qu’il isole les détenus les plus dangereux du reste de la société. Pour la première fois dans notre pays, ils ne pourront plus depuis leur cellule utiliser un téléphone, gérer le blanchiment d’argent, menacer des agents pénitentiaires, des magistrats, des avocats, des femmes et des hommes politiques, des enquêteurs. Très récemment, un détenu de la prison de Nancy a été condamné pour avoir proféré des menaces à l’égard de directeurs de prison. Je rappelle que 150 magistrats sont menacés par des narcotrafiquants et que certains sont placés sous protection policière, que des directeurs de prison, comme la directrice des Baumettes et son adjoint, bénéficient d’une protection et ne peuvent plus aller travailler. Nous savons que les cinq personnes qui ont été interpellées ont organisé cette intimidation depuis leur cellule ; leur but était de mettre les agents pénitentiaires sous pression et d’empêcher l’instauration de ce nouveau régime carcéral.
    Mais l’administration pénitentiaire a tenu. Je salue le courage de ces fonctionnaires qui ont vu des individus s’en prendre à leur famille ou à leurs biens. Je salue les organisations syndicales, dans leur ensemble, qui se sont montrées courageuses et ont soutenu l’action du gouvernement –⁠ je les ai encore rencontrées ce matin. Je salue les élus qui, nombreux, ont rencontré les agents pénitentiaires pour les remercier, comme l’ont fait le premier ministre et le ministre de l’intérieur. Les réactions à l’annonce de ce nouveau régime carcéral montrent que ce que nous faisons, peut-être pour la première fois, intimide, fait reculer, pose la question de la légitimité du narcotrafic et de son expansion. Je ne pouvais pas m’exprimer à cette tribune sans souligner ce point très important.
    J’espère que ces textes seront validés par le Conseil constitutionnel et promulgués rapidement. Monsieur le président de la commission des lois, sachez que les décrets d’application sont déjà en cours de rédaction. Comme je m’y suis engagé, et comme je l’ai déjà fait pour d’autres lois, je les présenterai à votre commission pour qu’elle les valide, dans le cadre d’une discussion politique, à commencer par les décrets d’application concernant le nouveau régime carcéral. La prison de Vendin-le-Vieil, vidée de ses occupants pour réaliser des travaux, accueillera en juin, ou juillet, les cent premiers narcotrafiquants.
    Je terminerai en évoquant deux amendements que le gouvernement a déposés. Le premier vise à rétablir l’anonymisation des agents pénitentiaires intervenant dans les quartiers de lutte contre la criminalité organisée. J’ai cru comprendre que cette disposition avait été supprimée par inadvertance, le sucre venant à manquer dans l’organisme des membres de la commission mixte au terme d’une trop longue réunion (Sourires). L’anonymisation, par l’inscription du seul numéro de matricule, permettra aux agents pénitentiaires qui découvrent par exemple un téléphone portable dans une cellule ou décident d’envoyer un détenu en quartier disciplinaire de ne pas voir leur identité révélée, notamment sur les réseaux sociaux. La majorité et le groupe socialiste, monsieur Vicot, se souviendront que j’avais proposé en 2021, lorsque j’étais ministre de l’intérieur, une mesure similaire pour les officiers de police judiciaire (OPJ), dans le cadre des enquêtes sur le narcotrafic ou le terrorisme et sous l’autorité du procureur de la République.
    Le deuxième amendement vise à généraliser l’anonymisation à l’ensemble des agents pénitentiaires qui le souhaitent –⁠ les personnes dangereuses se trouvent aussi dans les maisons d’arrêt. Nous avons entendu la demande des organisations syndicales. Ces deux amendements respectent la CMP et complètent utilement le texte. Ils ont été votés hier à l’unanimité au Sénat ; j’espère que votre assemblée fera de même pour le bien, le confort et la sécurité des agents pénitentiaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem, ainsi que sur les bancs des commissions. –⁠ MM. Paul Molac et Éric Pauget applaudissent également.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur

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    Le texte que vous vous apprêtez à voter fera date. Ce n’est pas un texte banal. Il est très rare de voir aboutir une proposition de loi touchant à un domaine régalien, au cœur du rôle de l’État. Je l’ai déjà dit mais je tiens à le souligner, alors que la crise de la démocratie est aussi celle de la démocratie parlementaire. Les origines de ce texte sont déjà anciennes mais je me souviens fort bien du lancement de la commission d’enquête au Sénat, demandée par le groupe Les Républicains sur son droit de tirage, et de sa conclusion positive. Le président socialiste, Jérôme Durain, et le rapporteur Les Républicains, Étienne Blanc, se sont entendus ; les sénateurs ont adopté à l’unanimité les conclusions de la commission d’enquête, puis la proposition de loi en première lecture.
    Ensuite, chacun connaît la difficulté politique actuelle.

    M. Pierre Cordier

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    C’est un doux euphémisme !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Il n’y a pas de majorité à l’Assemblée nationale.

    M. Fabrice Brun

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    Eh non !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Le chemin est donc compliqué pour les textes importants. Pourtant, cette proposition de loi a été adoptée à l’Assemblée à une très forte majorité, quasiment à l’unanimité en commission mixte paritaire. Cela montre combien ce texte est puissant. Il a réussi à mobiliser la plupart des groupes –⁠ pas tous, malheureusement –, parce que le narcotrafic et la criminalité organisée constituent la racine de l’hyperviolence en France. Malheureusement, les morts sont de plus en plus jeunes, comme le sont les tueurs eux-mêmes –⁠ 14 ans parfois. Le narcotrafic, parce qu’il entraîne la corruption, constitue aussi une menace existentielle pour les institutions. Je remercie donc la représentation nationale d’avoir mis de côté les étiquettes habituelles pour trouver un chemin transpartisan. Nous avons pu ainsi nous rassembler et donner à l’État de nouveaux moyens pour que ses agents –⁠ forces de l’ordre et douaniers notamment – puissent mener le combat à armes à peu près égales avec le narcotrafic.
    Enfin, ce texte est important car il réorganisera l’État. Le ministre d’État Gérald Darmanin a parlé de la spécialisation de la chaîne judiciaire. J’ajouterai qu’en miroir du Pnaco, un état-major réunira dans un même lieu, à Nanterre, les services d’enquête et les quatre grands services de renseignement –⁠ ils relèvent de Bercy, des ministères de l’intérieur, des armées et de la justice, à travers le renseignement pénitentiaire. L’État était jusqu’alors trop cloisonné face à ces réseaux mafieux structurés et coordonnés. Désormais, ces services se parleront et nous décuplerons nos forces.

    M. Ugo Bernalicis

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    Qu’est-ce que ça va être !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Ce dispositif est inspiré de l’organisation contre le terrorisme, qui mobilise non seulement le Pnat mais aussi un état-major permanent. Celui-ci a fait ses preuves, puisqu’il a permis de déjouer pas moins de quatre-vingt cinq attentats en quinze ans. Cette formule fonctionne contre le terrorisme ; elle fonctionnera, j’en suis certain, contre la criminalité organisée.
    Le renseignement permet de mobiliser les informations afin que les forces de l’ordre et les douaniers puissent procéder aux arrestations des trafiquants et aux saisies, de plus en plus massives. Les 104 Cross, cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants, deviendront les Crossco, pour tenir compte de leur nouvelle mission de lutte contre la criminalité organisée. Nous devons nous mobiliser et déployer nos forces sur l’ensemble du territoire national –⁠ cela me paraît extrêmement important.
    Nous transformons donc l’organisation de l’État en créant un nouvel arsenal. Celui-ci permettra une plus forte mobilisation contre la corruption, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé, et le blanchiment de l’argent sale. Les services de renseignement auront accès à de nouvelles techniques, aussi bien en ce qui concerne les algorithmes que les interceptions satellitaires, et les préfets seront dotés de nouveaux pouvoirs, comme celui de prononcer la fermeture administrative de commerces.

    M. Pierre Cordier

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    Très bien ! Ce sont toujours les mêmes, et ils vendent la même chose !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Les maires –⁠ j’en ai rencontré beaucoup ces derniers mois –⁠ s’en réjouissent ; celui de Belfort m’a confié que sa commune avait dû acheter plus de trente commerces pour éviter qu’ils tombent dans le blanchiment.

    M. Fabrice Brun

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    Tous les territoires sont concernés !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Les préfets pourront aussi se substituer aux bailleurs sociaux et aux bailleurs privés dans les procédures d’expulsion, pour mettre dehors des trafiquants. Ces individus, qui occupent parfois des logements sociaux,…

    M. Ugo Bernalicis

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    Le fameux haut du spectre –⁠ pardon, le haut de la tour !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    …peuvent pourrir la vie des habitants d’une barre d’immeubles, de toutes les familles vivant dans les logements environnants. Cette possibilité donnée aux préfets permettra de soulager les bailleurs, qui eux-mêmes craignent les représailles.
    Enfin, les préfets pourront interdire aux narcoracailles de paraître sur un point de deal ; c’est fondamental pour que ces individus n’occupent pas l’espace public.
    Le combat sera très long. Avant de conclure, je voudrais saluer les forces de l’ordre, ainsi que les douanes, madame la ministre. Ces dernières semaines, nous avons atteint des records de saisies. Nous faisons face à un déferlement de poudre blanche et de drogues en tous genres. Les forces de l’ordre, gendarmerie, police et douanes, sont hypermobilisées. Je tiens à leur rendre hommage car elles exercent un métier difficile, face à des criminels très organisés. (Applaudissements sur tous les bancs.) Merci de les applaudir, elles le méritent.
    Je suis certain qu’avec ce nouvel arsenal, elles pourront être encore plus efficaces et retrouveront du sens à leur métier.

    M. Pierre Cordier

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    Il faudrait créer des postes de douaniers !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Encore une fois, il faudra du temps pour gagner ce combat. Parce que nous avons été capables d’effacer les clivages partisans habituels en nous rassemblant, nous donnerons encore plus de force à la lutte quotidienne sur le terrain. La lutte sera longue, mais je ne doute pas que nous parviendrons à faire reculer la criminalité organisée dans notre beau pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem, HOR et LIOT.–⁠ Mme Brigitte Barèges applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.

    Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics

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    Je suis déjà venue plusieurs fois devant vous pour rappeler à quel point la lutte contre le narcotrafic et la criminalité organisée est une priorité absolue de ce gouvernement. Le premier ministre en a souligné l’urgence dès sa déclaration de politique générale ; chaque jour, l’actualité nous montre combien la criminalité organisée constitue une menace grave.
    Vous connaissez également l’attention que je porte, en tant que ministre des comptes publics, à la situation budgétaire de notre pays. Nous ne pouvons pas tolérer que des recettes fiscales soient perdues et que de l’argent public soit détourné par la criminalité organisée.
    Je suis également la ministre en charge des douanes et de plusieurs services de Bercy, peut-être encore moins connus que celles-ci. Leurs agents sont pourtant chaque heure de chaque jour sur le terrain, où ils traquent pied à pied le crime organisé et le blanchiment d’argent. Je pense aux deux centrales de renseignement du premier cercle, la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) et Tracfin, mais également à la direction générale du Trésor, notre tête de pont en matière de sanction et de lutte contre la criminalité financière internationale.
    Le ministère de la justice, le ministère de l’intérieur et tous les services de Bercy ont fait œuvre commune pour que, face à ces criminels, nous n’ayons plus la main qui tremble et que nous disposions de tous les moyens pour lutter contre leurs trafics.
    Je tiens à remercier une nouvelle fois les sénateurs à l’initiative de cette proposition de loi et remercier l’ensemble des parlementaires pour la qualité constante des débats, parfois longs. Nous sommes toujours partis des besoins des forces de l’ordre, des besoins du terrain pour concevoir un texte qui, loin de se payer de mots, nous permettra d’agir. D’agir en fonction des besoins des services et de la réalité du terrain, mais aussi de disposer d’un corpus législatif mieux adapté à la menace.
    Le travail parlementaire vient encourager et renforcer le travail effectué par les services de Bercy contre les trafics. À Bercy, tandis que services de renseignement informent et que les douaniers saisissent, d’autres luttent contre le blanchiment et les flux financiers illicites. En collaboration avec la police et l’autorité judiciaire, par la saisie et le gel des avoirs, nous empêchons les criminels de s’enrichir et de blanchir le fruit de leurs trafics –⁠ nous faisons en sorte que le crime organisé ne paie pas.
    Certaines des mesures que vous allez adopter changeront la donne pour les services financiers et douaniers. Ainsi, le gel administratif des avoirs des narcotrafiquants produira d’importants effets puisqu’il permettra, en complément de l’action judiciaire, de bloquer l’accès au financement et de cibler l’entourage et les structures écrans. L’interdiction faite aux fournisseurs de services sur actifs numériques de proposer des comptes anonymes ou des mixeurs de cryptoactifs permettra d’agir sur ces vecteurs majeurs du blanchiment des revenus issus du narcotrafic. Tracfin aura désormais accès au système d’immatriculation des véhicules (SIV) pour élargir ses enquêtes patrimoniales. La présomption de blanchiment douanier sera étendue pour s’appliquer à des technologies nouvelles, notamment les cryptomonnaies, lorsque celles-ci servent volontairement à opacifier les transactions financières. Enfin, des lanceurs d’alerte pourront désormais, comme actuellement les professionnels agréés, adresser des signalements à Tracfin.
    Ces mesures visant à réprimer le blanchiment et à entraver les criminels ont été adoptées par la commission mixte paritaire ; d’autres, qui avaient pourtant fait ici l’objet de très longs débats et suscité un vote unanime, n’ont pas été retenues. J’y vois une incitation à poursuivre notre travail commun. Nous voulions par exemple que la douane puisse accéder largement et de manière continue aux données des opérateurs privés dans les secteurs des transports et de la logistique. Cette mesure est dans le texte, mais elle a été largement atténuée : je souhaite que nous puissions la retravailler, dans le cadre d’un autre texte. Quant à l’autorisation de visites domiciliaires après 21 heures, sur ordonnance du juge des libertés et de la détention, dans des locaux d’habitation en cas de flagrance, et hors flagrance pour les locaux qui ne sont pas à usage d’habitation, elle pourrait être utilement reprise dans un texte dédié.
    Je connais votre attachement au travail des douanes et des forces de sécurité intérieure, qui luttent chaque jour contre la criminalité organisée. Désormais, nous devons renforcer la lutte contre la corruption : les criminels ne manquent pas d’argent et peuvent faire pression sur les agents des services pénitentiaires, douaniers et de sécurité ; ils peuvent déstabiliser et fragiliser l’État. Avec Gérald Darmanin et Bruno Retailleau, nous travaillerons activement pour prévenir la corruption dans les zones portuaires et les administrations : il ne faut laisser aucune place et aucun espace à ceux qui, grâce à l’argent du trafic de stupéfiants, imaginent pouvoir menacer l’État de droit.
    Vous pouvez compter sur notre engagement. Je vous remercie d’ores et déjà pour tout le travail que nous avons réalisé ensemble, et d’avance pour celui que nous mènerons prochainement. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe LIOT.)

    Motion de rejet préalable (proposition de loi ordinaire)

    M. le président

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    J’ai reçu de Mme Mathilde Panot et des membres du groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire une motion de rejet préalable sur la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Pierre Cordier

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    Va-t-il nous proposer d’appliquer la TVA au cannabis ?

    M. Jean-Yves Bony

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    Il fera peut-être mieux !

    M. Ugo Bernalicis

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    À l’évidence, notre avis n’a pas changé. Nous pensons toujours que ce texte sera, en grande partie, inefficace. En effet, il enfonce des portes déjà très grandes ouvertes.
    Prenons par exemple la création d’un chef de file en matière de lutte contre les stupéfiants. Un office central, censé être interministériel, remplit déjà cette fonction et certaines directions nationales de la police judiciaire sont censées coordonner l’action de services dépendant de différents ministères. Le ministère de la justice, qui mande des enquêtrices et enquêteurs dans différents domaines, réalise également une action interministérielle et conduit ainsi la lutte contre les stupéfiants. Il en va de même avec la création d’une juridiction nationale et plus précisément d’un parquet national, puisqu’il existe déjà une juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée. En outre, les services disposent déjà de beaucoup de techniques spéciales d’enquête et faire évoluer certains curseurs ne changera pas grand-chose. Par ailleurs, l’anonymisation dans les enquêtes est déjà faisable. Enfin, en matière de saisies-confiscations, votre texte laisse croire qu’on va enfin saisir ou confisquer des biens, mais on n’a pas attendu MM. Darmanin et Retailleau pour le faire !
    Voilà pour l’inefficacité. Elle ne vous suffit pas, semble-t-il, puisque vous y associez des mesures attentatoires aux libertés, des mesures liberticides. L’interdiction de paraître dans un quartier, prononcée à l’encontre d’une personne suspecte de trafic de stupéfiants, paraît sans rapport avec la lutte contre les trafiquants du haut du spectre et la lutte contre la grande criminalité organisée. Il en va de même des expulsions de logements ou des fermetures administratives, autorisées sur la base de simples soupçons. Nous vous l’avons déjà dit en première lecture : si vous pensez qu’un commerce sert à blanchir le produit du narcotrafic ou si tout le monde l’affirme, pourquoi ne pas demander une enquête ? La mobilisation de policiers et de magistrats se révélera bien plus efficace qu’une fermeture administrative, par nature temporaire. Ajoutons le problème que pose le dossier coffre, qui masque des éléments de l’enquête : la disposition, modifiée pour la rendre conforme à la Constitution, ressemble désormais à une usine à gaz. Enfin, le déploiement d’outils de surveillance numérique comme l’Imsi-catcher diminuera l’efficacité de l’enquête, puisqu’il détournera les enquêteurs de leur travail sur le terrain.
    Voilà les raisons pour lesquelles nous nous opposons au texte. Ajoutons qu’il ne permet pas de lutter contre la consommation de stupéfiants. En la matière, rien n’est proposé, et pour cause : vous ne voulez pas entendre parler de légalisation. Pourtant, la légalisation de la consommation du cannabis pourrait priver les trafiquants de milliards d’euros et permettrait de mener de véritables politiques de prévention ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Oui, figurez-vous que la prévention, ça marche !

    M. Jocelyn Dessigny

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    Non, ça n’a marché nulle part !

    M. Ugo Bernalicis

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    Tous les pays qui ont légalisé la consommation de cannabis –⁠ aucun n’est revenu en arrière, quoi que prétendent les fake news du Rassemblement national – ont constaté, à long terme, une diminution de la consommation.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Mensonges !

    M. Ugo Bernalicis

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    En France, nous la réprimons durement, et la consommation explose !

    M. Jocelyn Dessigny

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    Mensonges !

    M. Ugo Bernalicis

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    Une personne sur deux a déjà expérimenté le cannabis. Preuve de votre inaction en matière de prévention, l’association Médecins du Monde attaque l’État pour son inaction en matière de prévention des addictions et des comportements à risque. On peut la remercier et l’applaudir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    L’insuffisance de la prévention est un problème : on souffre et on meurt des addictions, et cela dans l’indifférence la plus complète, car, suivant votre plan de communication, la seule chose qui vous intéresse est de jouer les gros bras à la télévision. (Mêmes mouvements.)
    Voilà, en réalité, à quoi sert ce texte : à suivre un plan de communication. J’en veux pour preuve l’explication de la ministre Montchalin : à l’entendre, on croirait que c’est maintenant qu’on va lutter contre la criminalité organisée et le narcotrafic ! Ah ? Et que faisions-nous avant ? On ne luttait pas vraiment ? On luttait vite fait ? Un petit peu ? (Sourires sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Le laisser croire, ce n’est pas très sympathique pour M. Darmanin, qui était ministre de l’intérieur encore récemment ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Il est vrai que son bilan n’est pas reluisant, comme en attestent les résultats des opérations Place nette. L’efficacité de la lutte contre la criminalité organisée repose essentiellement sur les moyens mis à disposition de la police judiciaire, des enquêtrices et des enquêteurs. En la matière, M. Darmanin a une très lourde responsabilité car, en défendant sa départementalisation, il a cassé une police judiciaire qui était déjà en grande souffrance. Cette souffrance s’est accentuée et la police judiciaire connaît désormais de très grandes difficultés de recrutement.
    Pourquoi ? Parce qu’on a préféré mener des opérations Place nette, des opérations coup de poing qui mobilisent les forces de police, de gendarmerie et de douane, sans perspective de long terme, sans enquête au long cours. Ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin avait même assumé que celles-ci ne servaient à rien, mais devenu ministre de la justice, il soutient une position contraire, jusqu’à défendre la création d’un parquet national anti-criminalité organisée pour mener de telles enquêtes. Il a beau avoir changé de costume, son bilan est catastrophique en matière de lutte contre le narcotrafic.
    Il s’est vanté d’avoir mis du « bleu » sur le terrain, mais à faire de l’ordre public à tous crins, du visible, du communicationnel, du sensationnel qui peut être dit, montré et raconté à la télévision, on se retrouve à survaloriser l’action de la police sur la voie publique. À tel point qu’un enquêteur de police judiciaire, qui ne compte pas ses heures de travail et s’adapte aux nécessités de l’enquête n’a, pour se satisfaire, que les 20 euros de plus qu’il gagne par rapport à ses collègues. Ce n’est pas cher payé, d’autant qu’on sait que les vocations naissent quand le salaire attire. Au-delà, il faudrait organiser des concours dédiés pour récréer une véritable police judiciaire, un corps des inspecteurs de police judiciaire ; revenir sur la réforme de 1995, voilà ce qu’il faudrait faire ! Les candidats ne passent pas le concours pour dresser des procès-verbaux, ce n’est pas cela qui les intéresse. Il ne faut donc pas s’étonner qu’il y ait aussi peu de candidats, y compris en interne, et que le taux de réussite au concours soit aussi faible. La réforme qui visait à remettre sur pied une véritable filière d’investigation dans notre pays est ratée. Quant aux logiciels… nous en avons déjà parlé : combien de temps faudra-t-il pour obtenir un logiciel qui fonctionne ? On croirait à une mauvaise blague, mais c’est bien la réalité ; on peut le déplorer.
    Pendant ce temps, la Junalco, elle, fait le boulot. Elle fonctionne, et pas trop mal malgré le peu de moyens dont elle dispose, comme en témoignent l’arrestation de Mohamed Amra et de ses complices, la mise en examen de deux policiers de l’antenne de l’Ofast de Marseille, poursuivis pour trafic de stupéfiants, ou l’enquête menée à l’encontre de policiers et de douaniers qui laissaient passer la cocaïne entre Cayenne et Orly. Nous pouvons nous réjouir que la lutte contre la corruption montre son efficacité et remercier les magistrats du siège pour leur action.
    Quant aux douaniers, on ne saurait que trop vous encourager à leur payer les scanners dont ils ont besoin pour procéder aux saisies.

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    Ils sont en train d’arriver, les scanners ! Et vous le savez !

    M. Ugo Bernalicis

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    Oui, c’est ce que disait aussi votre prédécesseur, et celui d’avant encore. Nous en venons à penser qu’il vaudrait mieux que nous nous en chargions !

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    Non !

    M. Ugo Bernalicis

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    Et j’espère que cela arrivera.

    Un député du groupe EPR

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    Jamais !

    M. Ugo Bernalicis

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    On se retrouve avec un Gérald Darmanin roi de l’annonce –⁠ de l’annonce du programme du Rassemblement national, mais roi quand même ! Il prend tellement de place que je n’aimerais pas être Bruno Retailleau –⁠ quand bien même occupé par sa campagne électorale. Son rythme, c’est un jour, une mesure. On se pince au sujet des dernières en date, comme la saisie des téléphones des consommateurs de drogues. Alors que vous avez mis en place les amendes forfaitaires délictuelles pour éviter la paperasse, dites-vous bien que la confiscation des téléphones va entraîner beaucoup de procédures, consommer du papier et créer du contentieux ; je ne suis pas sûr que ce soit le meilleur cadeau à faire aux policières et aux policiers ! Quant à l’idée de faire payer aux détenus leur place de prison,…

    Mme Blandine Brocard

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    Ce n’est pas dans le texte !

    M. Emmanuel Mandon

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    Revenez au sujet !

    M. Ugo Bernalicis

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    …j’ai une question à poser à M. Darmanin. Il vient de sortir de l’hémicycle, mais je suis sûr qu’il me répondra. Que fera-t-on du détenu qui ne paie pas ? On l’expulsera ? (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Bravo, belle trouvaille ! Et de fausses bonnes idées comme celle-là, il y en a plein. J’ai une proposition pour M. Darmanin, qui dit vouloir faire des économies et qui, tout à l’heure, lors des questions au gouvernement, a parlé d’un coût quotidien par détenu situé entre 100 et 200 euros. Il faut qu’il sache que les aménagements de peine coûtent en moyenne 40 euros par détenu et entraînent un taux de récidive beaucoup plus faible que la détention. Voilà comment il pourrait régler le problème, si c’était toutefois son intention ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Pour en revenir à ce texte, ni fait ni à faire, nous en demandons le rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    Pour les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Paul Molac.

    M. Paul Molac (LIOT)

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    J’ai compris l’argumentation de M. Bernalicis, qui a consisté à nous dire que la proposition de loi n’était pas nécessaire, qu’il fallait s’en passer, qu’elle ne constituait que de la communication interne destinée à mettre en avant deux ministres et à leur faire plaisir. Au groupe LIOT, nous pensons qu’elle représente un peu plus que cela et qu’elle est nécessaire à la lutte contre le narcotrafic. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs du groupe EPR.) Nous ne soutiendrons donc pas la motion de rejet préalable. La proposition de loi a fait tout son chemin parlementaire. Elle vient du Sénat et a été amplement discutée ici, où il y a une large majorité pour la voter, comme nous allons tout simplement le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Émeline K/Bidi.

    Mme Émeline K/Bidi (GDR)

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    Nous convenons tous que le trafic de drogue gangrène notre société, abîme notre jeunesse, détruit des foyers et des familles, corrompt nos fonctionnaires, parfois des élus…

    M. Pierre Cordier

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    Des noms !

    Mme Émeline K/Bidi

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    …et qu’il tue.
    Il existe une obligation d’agir et une nécessité de légiférer. Si cette proposition de loi n’est absolument pas à la hauteur de nos attentes, si elle n’octroie à la police, à la gendarmerie ou à la justice ni les crédits ni les moyens matériels, comme les scanners, qu’on serait en droit d’exiger pour rendre la lutte contre le narcotrafic plus efficace, il était cependant nécessaire d’en discuter et de passer au vote. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe EPR.) C’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas en faveur de la motion de rejet préalable.
    Toutefois, comme il est d’usage au groupe GDR, chacun conservera sa liberté de vote. Chacun pourra dire ce qu’il pense des glissements du pouvoir judiciaire vers le pouvoir administratif, avec toujours plus de pouvoirs octroyés aux préfets, au détriment des juges. Chacun dira ce qu’il pense de la généralisation des procédures d’exception, que l’on a vu naître pour le terrorisme et qui s’appliquent désormais au narcotrafic. Chacun dira ce qu’il pense des atteintes portées aux droits et libertés, notamment aux libertés individuelles –⁠ sortir du piège du narcotrafic ne doit pas nous faire tomber dans celui de l’atteinte aux libertés et droits fondamentaux.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sophie Ricourt Vaginay.

    Mme Sophie Ricourt Vaginay (UDR)

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    Nous débattons d’un texte essentiel. En dépit de l’urgence, la gauche n’a eu de cesse de retarder nos travaux –⁠ et ce jusqu’à aujourd’hui, avec le dépôt d’une motion de rejet préalable. Sous couvert de la défense des droits humains, elle oublie une réalité fondamentale : les premiers droits à garantir sont ceux des millions de Français qui subissent chaque jour la violence et l’emprise des réseaux criminels, la peur qu’ils engendrent. Protéger les citoyens, c’est défendre leurs droits fondamentaux à la sécurité, à la paix, à la liberté de circuler sans crainte dans leur quartier.
    Les droits humains ne peuvent être une excuse pour l’inaction. Ils doivent constituer un appel à agir contre ceux qui terrorisent, rackettent et détruisent des vies. Refuser de voter la proposition de loi revient à abandonner nos concitoyens, à laisser prospérer une économie parallèle de la drogue qui gangrène le tissu social, corrompt et tue. À l’UDR, nous faisons donc le choix de la responsabilité, de la protection de la République et de ceux qui vivent sur son territoire. Voilà pourquoi nous nous opposons fermement à la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)

    M. le président

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    La parole est à M. Michaël Taverne.

    M. Michaël Taverne (RN)

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    Si l’erreur est humaine, persévérer est diabolique. C’est la définition parfaite de l’extrême gauche, notamment de La France insoumise –⁠ « la France soumise à la voyoucratie », dirais-je même. Vous n’avez aucune compassion pour les victimes des organisations criminelles ; comme on le savait déjà, vous n’avez aucune compassion pour les forces de l’ordre ; vous n’avez aucune compassion pour les douaniers, encore moins pour les agents pénitentiaires, pris à partie depuis plusieurs jours par des voyous parfois dotés d’armes de guerre. Collègues de la France soumise à la voyoucratie…

    Mme Sandra Regol

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    C’est vous qui êtes condamnés, rappelons-le.

    M. Michaël Taverne

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    …vous avez voté contre la Lopmi en 2022, qui donnait plus de moyens aux policiers et aux gendarmes.

    Mme Élisa Martin

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    C’est vrai ! Et on en est très fiers !

    M. Michaël Taverne

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    En 2023, vous avez voté contre la loi d’orientation et de programmation de la justice, qui donnait plus de moyens aux magistrats et revalorisait le salaire des agents pénitentiaires. Pourtant, vous pleurez aujourd’hui sur le manque de moyens attribués aux enquêteurs, aux magistrats et aux agents pénitentiaires.

    Mme Andrée Taurinya

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    C’est ça !

    M. Michaël Taverne

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    Nous voterons évidemment contre cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Mathieu Lefèvre.

    M. Mathieu Lefèvre (EPR)

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    Personne ici ne peut comprendre que vous vous opposiez à cette proposition de loi, et les Français le comprennent encore moins. Personne ne peut comprendre que vous refusiez aux deux ministres d’État plus de moyens pour lutter contre des gens qui n’ont aucune considération pour la vie humaine. Chers collègues, vous avez parlé d’État de droit. Mais où est l’État de droit quand des enfants sont victimes de balles perdues du narcotrafic ?

    M. Manuel Bompard

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    Ce texte ne réglera pas le problème !

    M. Mathieu Lefèvre

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    Je pense qu’il faut revoir l’ordre de vos priorités. Le narcotrafic a fait plus de 110 morts en France l’an passé.

    M. Loïc Prud’homme

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    C’est votre bilan !

    M. Manuel Bompard

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    Huit ans que vous êtes au pouvoir !

    M. Mathieu Lefèvre

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    Nous assistons à une concurrence entre organisations criminelles. Ces derniers jours, elles ont menacé et intimidé des agents de l’administration pénitentiaire. Je veux rendre à ces derniers un hommage appuyé et leur dire que la République ne baissera ni les yeux, ni les bras, ni la tête. Elle continuera à déranger les criminels, les forces de l’ordre continueront à empêcher le trafic, à gêner les trafiquants de mort. Chers collègues de la France insoumise, je vous dis sereinement et calmement qu’il n’y a que vous pour voter contre ce type de texte.

    M. Manuel Bompard

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    Nous en sommes fiers ! Heureusement que nous sommes là !

    M. Mathieu Lefèvre

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    Il n’y a que vous pour refuser des moyens supplémentaires aux forces de l’ordre, que vous pour vous opposer au réarmement de l’État, au moment où il est en situation de grande faiblesse face à ces organisations criminelles.

    M. Manuel Bompard

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    Vous ne connaissez pas le texte ! Il n’y a pas de moyens nouveaux.

    M. Mathieu Lefèvre

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    Celles-ci n’ont aucune considération pour la vie humaine. Elles n’ont qu’un souhait, remplacer l’État dans ses missions régaliennes. Mais nous ne les laisserons pas faire. C’est la raison pour laquelle le groupe Ensemble pour la République s’opposera à la motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et HOR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-François Coulomme.

    M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP)

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    Encore une proposition de loi qui se limite à une vision répressive de la lutte contre le trafic de stupéfiants et la criminalité qui l’organise ! Entre procédures dérogatoires, surenchère pénale, techniques spéciales d’enquête sans cesse plus intrusives, quartiers de haute sécurité et débauche de pouvoir administratif, vous vous agitez toujours plus lamentablement dans l’arbitraire et l’obsession répressive.
    Au-delà de son idéologie dangereuse pour les libertés publiques, ce texte est un leurre en ce qui concerne ses conséquences concrètes. Ses rédacteurs le savent pertinemment. Leur démagogie répond à un agenda politique précis. En l’absence de moyens dimensionnés pour la justice et la police judiciaire, la majorité des mesures proposées n’auront aucun effet concret. Pour prétendre lutter contre des phénomènes alimentés par vos propres politiques publiques, vous parsemez ce texte d’éléments portant atteinte aux droits de la défense et de mesures arbitraires et disproportionnées. L’idée est toujours la même : expédier procédures et recours, et ne pas s’encombrer avec les droits des justiciables, qui forment pourtant le préalable indispensable à la préservation des droits fondamentaux. L’extension des mesures de surveillance porte une grave atteinte au secret des correspondances et aux droits et libertés des personnes, dans une logique de « technopolice » qui ne cesse pourtant d’être dénoncée par toutes les organisations travaillant sur les dangers du développement de techniques de renseignement attentatoires à l’intime.
    Dans la même logique d’insulte des droits fondamentaux, le rétablissement des quartiers de haute sécurité promeut un régime d’isolement quasi total et accorde au seul ministre de la justice, sans le contrôle du juge, un nouveau pouvoir discrétionnaire et arbitraire. Cette mesure de mise au cachot a pourtant été abandonnée en 1982 en raison de son inefficacité et de sa dangerosité pour la santé des personnes détenues. La lutte contre les trafics passe par un renforcement des moyens des juridictions et de la police judiciaire, par une prise en compte des victimes et un accompagnement médico-social des consommateurs de drogues. Nous voterons en faveur de la motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    Sur la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Estelle Mercier.

    Mme Estelle Mercier (SOC)

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    Nous partageons tous le constat selon lequel le narcotrafic est une menace pour notre société et nos institutions. Face à ce fléau, nous n’avons pas le choix. Nous devons agir, nous devons faire preuve de sens des responsabilités et d’efficacité. Cette proposition de loi, d’initiative socialiste, est attendue par les citoyens, les maires et les collectivités locales. Certes, elle n’est pas parfaite et certaines de ses dispositions soulèvent encore de nombreuses interrogations. Je pense notamment au nouveau régime de détention, au retour des quartiers de haute sécurité, à l’allongement, jusqu’à cent vingt heures, de la durée des gardes à vue, à la systématisation des audiences en visio ou à l’expulsion locative, contraire au droit au logement. Gageons que le Conseil constitutionnel reviendra sur les dispositions problématiques pour les libertés et les droits fondamentaux.
    Toutefois, parce que nous devons avancer, parce que nous devons agir, parce que nous devons faire preuve de sens des responsabilités, nous ne voterons pas la motion de rejet. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LIOT.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.

    Mme Sabrina Sebaihi (EcoS)

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    Personne dans cette assemblée ne peut nier que le narcotrafic touche l’ensemble de nos territoires et de nos concitoyens. C’est le cas dans nos villes, comme Marseille, où le trafic de drogue prend en otage des quartiers entiers, avec des familles terrorisées contraintes de vivre sous le feu des règlements de comptes. C’est aussi vrai en milieu rural, dans la Creuse ou la Drôme, où le narcotrafic fragilise des jeunes déjà isolés, parfois désœuvrés, qui deviennent la cible facile de réseaux sans scrupule. C’est tout autant le cas dans les territoires ultramarins, qui se transforment en passoires à cocaïne et où des mineurs sont pris comme mules pour transporter dangereusement des kilos de drogue dans leur corps, comme en Guyane.
    Oui, il nous faut des mesures fortes. Oui, la loi doit évoluer. Non, ces mesures ne peuvent être prises au détriment de nos valeurs démocratiques fondamentales. Gardons-nous de céder à une tentation facile, de croire que la sécurité exige de rogner nos libertés fondamentales. Nous ne pouvons accepter les dérives que permettrait ce texte, notamment l’extension des dispositifs de surveillance ou l’élargissement de la procédure coffre, qui risque d’affaiblir le principe essentiel du respect des droits individuels.
    Luttons contre le narcotrafic, mais faisons-le intelligemment, en misant sur la prévention, l’éducation, le soutien économique aux territoires les plus vulnérables. Plutôt que de concentrer les efforts sur les petits dealers de quartier, souvent pris dans une spirale de précarité, il est temps de frapper là où cela fait vraiment mal : au sommet, sur les têtes de réseaux qui prospèrent dans l’opacité et l’impunité la plus totale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
    La vraie voie vers la sécurité ne consiste pas uniquement à punir, mais à prévenir, à éduquer et à protéger. Le groupe Écologiste et social ne votera pas cette motion de rejet –⁠ non par naïveté, mais par vigilance. Nous exigeons des garanties fortes pour protéger les libertés publiques. Ce n’est pas en affaiblissant nos garde-fous démocratiques que nous répondrons durablement à la violence des réseaux. Le narcotrafic est une urgence nationale, mais le respect des libertés est une exigence démocratique. Soyons à la hauteur de ces deux impératifs ! (Mme Sandra Regol applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Anne Bergantz.

    Mme Anne Bergantz (Dem)

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    Je ferai court car je ne vois pas ce que je peux ajouter à ce qui a été dit lors des précédentes motions de rejet déposées le 17 mars sur ces deux propositions de loi. Nous partageons tous le même constat : le narcotrafic représente en France une menace majeure, croissante et multiforme. Ces textes, dont nous avons longuement débattu, y répondent ; je suis donc intimement convaincue que nous devons les voter.
    Nos concitoyens subissent ces trafics au quotidien ; des enfants doivent parfois changer d’école pour trouver un environnement plus sécurisé –⁠ je pense aux élèves de l’école maternelle de Saint-Ouen. Des magistrats, policiers, enquêteurs, douaniers, agents pénitentiaires luttent sans relâche contre le narcotrafic, parfois au péril de leur vie.
    Le vote en CMP a été sans appel puisque treize parlementaires sur quatorze ont voté les deux textes. Cette motion de rejet préalable doit être repoussée et nous devons enfin passer au vote final sur les propositions de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et EPR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.

    Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR)

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    Cette nouvelle motion de rejet préalable est, au bas mot, inopportune. Si nos débats ont montré quelque chose, c’est qu’il est nécessaire, voire urgent, de légiférer sur le sujet. Si on veut gagner la lutte face au fléau du narcotrafic, il faut renforcer les moyens juridiques et techniques mis à la disposition de nos magistrats, de nos forces de l’ordre, de nos agents des douanes et de l’administration pénitentiaire –⁠ comme Mathieu Lefèvre, je tiens à leur rendre un hommage appuyé face aux attaques qu’ils ont subies ces dernières semaines (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem). C’est tout l’objet de la proposition de loi. Ce texte ne répond pas à des objectifs ou à des intérêts partisans mais à des préoccupations exprimées quotidiennement par nos concitoyens.
    Les narcotrafiquants n’ont qu’un objectif : affaiblir la République. Face à ce défi, nous devons être à la hauteur. Rejetons cette motion de rejet préalable et votons la proposition de loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

    M. le président

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    Je mets aux voix la motion de rejet préalable.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        282
            Nombre de suffrages exprimés                270
            Majorité absolue                        136
                    Pour l’adoption                39
                    Contre                231

    (La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)
    (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    M. Gérault Verny

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    Tout ça pour ça ! Bravo !

    Motion de rejet préalable (proposition de loi organique)

    M. le président

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    J’ai reçu de Mme Mathilde Panot et des membres du groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire une motion de rejet préalable sur la proposition de loi organique fixant le statut du procureur de la République anti-criminalité organisée, déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    Trois semaines –⁠ une semaine en commission, deux dans l’hémicycle –, voilà le temps que nous aura pris l’examen de ce texte. Sortir la France du piège du narcotrafic : l’enjeu est de taille et méritait bien d’y passer ce temps. Mais trois semaines de discussions pour quel résultat ? S’il y a bien un piège dans ce que vous appelez le narcotrafic, c’est celui de la prohibition et de la surenchère pénale –⁠ et vous y tombez.
    Peut-être est-ce cela, votre véritable dessein ? Continuer à promouvoir votre société orange mécanique, trouver de nouveaux motifs d’expulsion, d’incarcération ? D’ailleurs, selon les dernières annonces de M. Darmanin, il est prévu que les détenus deviennent source de financement du service public de la justice et de l’administration pénitentiaire. Pour dissimuler vos échecs, vous êtes décidément prêts à tout, même à recycler de vielles dispositions, supprimées car inopérantes.
    Pendant ce temps, la prohibition fait de la drogue un produit à haut rendement financier, objet de toutes les convoitises, source de toutes les mises en danger. C’est elle qui crée un marché, lequel se partage à coups d’intimidations et de violences en tout genre, de règlements de comptes et de balles perdues –⁠ procédés qui lui sont inhérents. C’est elle qui fait que, malgré les risques, des trafics continuent d’être organisés depuis la prison. En son sein se reproduisent tous les mécanismes : entrée en consommation, enrôlement plus ou moins forcé, concurrence libre et non faussée, et, lorsque nécessaire, corruption. L’organisation du trafic de stupéfiants fait rêver tout bon capitaliste : pas de droit du travail, aucune norme de production, aucune traçabilité, pas de comptes à rendre, pas d’impôts, et tout cela sur un marché très juteux ! La prohibition empêche toute régulation de la nature du produit ; tout passe sous les radars. Elle prospère sur la misère et expose à des dangers majeurs tous les intervenants, de la nourrice à la mule, du guetteur aux victimes collatérales.
    La seconde source du trafic se trouve bien sûr dans la demande. De cela, vous ne parlez jamais. Où sont les politiques sanitaires ? Comment comptez-vous tarir le marché à la source ? Malgré vos politiques répressives, le nombre de consommateurs de produits en tout genre ne fait qu’augmenter. Où sont vos propositions pour lutter contre ces addictions ?
    Rien, non plus, sur la prévention, singulièrement celle de l’entrée en trafic. Pourtant, les mécanismes sont connus : contraction d’une dette, enrôlement progressif et subtil où l’on se retrouve coincé.

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    C’est passionnant !

    Mme Élisa Martin

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    Cela signifie que vous êtes indifférents au sort de ceux qui se font embarquer –⁠ évidemment, puisque ce sont essentiellement les jeunes garçons des milieux populaires,…

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Oh, le cliché !

    Mme Élisa Martin

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    …que vous ne cessez de précariser davantage. C’est d’ailleurs toujours la même classe sociale qui est visée –⁠ on le voit notamment lors des contrôles au faciès. Comme l’explique très bien Johann Hari dans son ouvrage La Brimade des stups –⁠ quel beau titre ! –, la prohibition vise toujours une catégorie sociale ou une partie de la population que l’on souhaite mettre au ban de la société.

    M. Fabrice Brun

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    Y en a marre de la culture de l’excuse !

    Mme Élisa Martin

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    La légalisation est la seule option qui n’a jamais été tentée et que vous refusez obstinément et aveuglément. Ce serait pourtant une réflexion à mener, si vous n’empêchiez pas le débat par principe. Les options de légalisation sont multiples, comme le montrent les différentes législations adoptées dans d’autres pays. Au sein du groupe La France insoumise, nous proposons par exemple un modèle de régulation renforcé et contrôlé. Un rapport et une proposition de loi sont prêts ; qu’en pensez-vous ? Avez-vous pris ne serait-ce que la peine de les consulter ? Vous ne pouvez pas balayer d’un revers de main ce travail parlementaire sérieux et étayé, comme si c’était une solution impensable.

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Vous n’êtes pas au gouvernement –⁠ heureusement !

    M. Fabrice Brun

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    Inscrivez donc ce texte dans votre niche !

    Mme Élisa Martin

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    De quoi avez-vous peur au fond, messieurs les ministres ? Entrons dans les propositions concrètes du texte.
    La création d’un parquet spécialisé, voilà un beau coup de communication ; mais quelle sera l’efficacité d’une juridiction sans moyens humains et financiers ? Car c’est cela qu’il faudrait : des moyens et des enquêteurs ; c’est l’unique solution pour remonter à la tête des réseaux et s’attaquer enfin au plus haut du spectre. Mais non, vous préférez, comme toujours, vous en prendre aux plus faibles. Vous avez trouvé une nouvelle façon de les expulser de leur logement. Soyons honnêtes, cela n’aura absolument aucun impact sur le trafic ; en revanche, la vie de familles entières pourrait se trouver bouleversée. Plus qu’inutile, c’est une mesure méprisable.
    Entre vieilles recettes et coups de com’, vos propositions sont inefficaces. Nous avons déjà la réglementation la plus sévère d’Europe ; pourtant, rien ne change et tout s’aggrave. Vous ne poursuivez qu’un objectif, la répression, et pour l’atteindre, vous êtes prêts à tout, y compris à nier les droits fondamentaux.
    Sur ce point, vos mesures sont bien fournies : loi après loi, vous vous en prenez aux droits de la défense ; en l’occurrence, l’atteinte passe par le dossier coffre. L’accès à la défense est pourtant une base fondamentale du droit à un procès équitable. (M. Ugo Bernalicis applaudit.) Avec les mesures d’écoute et de sonorisation, vous vous attaquez également à la vie privée. Votre obsession de la surveillance généralisée vous amène à élargir sans retenue ses possibilités. Nous avons heureusement échappé aux back doors, qui auraient fragilisé les messageries en les ouvrant aux quatre vents. Je rappelle que seul le ministre de l’intérieur défendait cette mesure qui risque de faciliter l’espionnage des puissances étrangères –⁠ un comble !
    Pour vous, la technopolice est une solution miracle dont les capacités sont sans cesse renouvelées grâce aux progrès techniques.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur

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    Mais non, vous exagérez !

    Mme Élisa Martin

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    Au motif que les procédés sont techniquement faisables, vous voulez les mettre en œuvre sans aucune réflexion critique. Or ces techniques sont par nature liberticides : c’est le cas de la vidéosurveillance, de la vidéosurveillance algorithmique et, demain, de la reconnaissance faciale –⁠ vu votre état d’esprit, nous ne doutons pas que vous chercherez à l’introduire, mais nous ferons tout pour vous en empêcher.
    Avec vos mesures de détention spéciale, vous attentez à la dignité. Finirons-nous avec les modèles de prison « supermax » à l’américaine ? L’isolement quasi total et l’absence d’activité sont des tortures psychologiques qui vont bien au-delà de la privation de liberté. Nous savons bien que, pour vous, s’agissant de celles et ceux que vous qualifiez de criminels, il n’y a pas lieu de parler d’humanité. Pourtant, vous devez savoir que retirer son humanité à une personne la déshumanise –⁠ vous avez dû lire Les Misérables de Victor Hugo.
    Et puis, allons au bout de vos contradictions : en quoi la société sera-t-elle mieux protégée lorsque ces détenus sortiront de prison sans qualification, sans famille, sans travail ? Avec vos mesures, il n’y a plus de réinsertion, et sans réinsertion, il n’y a pas de lutte contre la récidive. Il n’est plus à démontrer que le système carcéral, surtout tel que vous l’imaginez, crée les criminels. C’est votre idéologie qui nous met en danger ! De surcroît, pour transformer des délinquants en repentis –⁠ logique que nous approuvons –, il faut susciter leur adhésion et leur fournir des garanties de protection pour leurs proches et eux-mêmes, et non les livrer à la torture, fût-elle blanche.
    Lorsque les défenseurs des droits et des libertés –⁠ la Ligue des droits de l’homme, la Défenseure des droits – dénoncent vos propos, la seule chose que vous trouvez à dire, monsieur le ministre de l’intérieur, c’est qu’ils sont du côté des narcotrafiquants. « La Ligue des droits de l’homme fait le jeu des narcotrafiquants et des voyous qui vivent de ce commerce de la mort », dites-vous. Quelle honte ! (« La honte ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Vous n’avez aucune limite pour délégitimer la parole de ceux qui vous critiquent. Non, messieurs les ministres, demander le respect de l’État de droit et des droits fondamentaux, ce n’est pas être du côté de ceux qui enfreignent la loi ; c’est vouloir vivre dans une société qui refuse l’arbitraire et l’autoritarisme. Vous devriez être les gardiens de ces principes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
    Au lieu de cela, vous construisez une justice vengeresse. La loi du talion n’est pas un signe de modernité, bien au contraire. Une justice où tous les coups seraient permis n’est pas compatible avec l’État de droit, base de notre démocratie. Vous dites considérer les victimes, mais demander réparation n’est pas demander vengeance.
    Considérer les victimes impliquerait d’éviter la réitération et la récidive. Or rien, dans vos propositions, ne le permettra. Encore de la poudre aux yeux ! Le commerce de la mort, c’est vous !
    Vous trouvez mes propos excessifs, scandaleux même ? Prouvez-nous donc l’inverse ! Quel est votre bilan depuis 2017 ? Qu’avez-vous empêché par vos mesures ultrasécuritaires ? Quel homicide, quelle mort, quel drame a été évité ? Combien de vies ont-elles été  sauvées ? Combien de consommateurs en moins compte-t-on grâce à vos décisions ? C’est là que nous vous attendons.
    Vous l’aurez compris, nous voterons pour cette motion de rejet !

    M. Fabien Di Filippo et M. Vincent Descoeur

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    C’est vous qui la présentez !

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre d’État.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Députés de La France insoumise, il ne vous aura pas suffi de voir l’ensemble de l’hémicycle sénatorial soutenir ce texte, y compris les groupes socialiste et communiste –⁠ le groupe écologiste ne s’y est pas opposé – et de constater qu’à l’Assemblée nationale, ce sera la même chose : tous les groupes, sauf le vôtre, voteront pour le texte ou s’abstiendront.
    Il ne vous aura pas suffi de constater l’effondrement des États belge ou néerlandais ; de voir des avocats, des magistrats, des enquêteurs, des journalistes, des hommes et des femmes politiques assassinés en pleine rue ; des dockers, mais aussi des douaniers torturés dans tous les pays du monde. Il ne vous aura pas suffi de voir qu’aux États-Unis, la première cause de mortalité est le fentanyl.

    M. Ugo Bernalicis

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    Chez nous, c’est l’alcool !

    M. Patrick Hetzel

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    M. le ministre a raison.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Il ne vous aura pas suffi de voir M. Amra s’évader et faire assassiner –⁠ nous sommes à quelques jours de l’anniversaire du drame d’Incarville – deux agents pénitentiaires de plusieurs balles de kalachnikov en pleine journée devant un péage de l’Eure.

    M. Fabrice Brun

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    Merci de rappeler les faits !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Il ne vous aura pas suffi de voir que M. Amra s’est offert huit mois de cavale –⁠ huit mois ! –, bénéficiant de très nombreuses complicités et poussant le vice, outre ce sourire ignoble, jusqu’à dire aux policiers roumains qu’il leur donnerait quelques millions s’ils le libéraient. Il ne vous aura pas suffi de voir les agents pénitentiaires se faire tirer dessus à la kalachnikov chez eux, devant leur femme et leurs enfants ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.) Il ne vous aura pas suffi de voir l’autorité de l’État attaquée ou les véhicules des agents pénitentiaires brûlés. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR. –⁠ Mme Brigitte Barèges applaudit également.)
    Ce qui vous intéresse, c’est de faire de la politique démagogique,…

    M. Manuel Bompard

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    Dit le champion du monde de la démagogie !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    …de soutenir les délinquants, de ne résoudre aucun problème et de laisser des gamins de 14 ans devenir des tueurs à gages dans les rues de Marseille.

    M. Ugo Bernalicis

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    Et vous, quel est votre bilan ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Un tel comportement n’est pas seulement dirigé contre les agents pénitentiaires, il s’agit d’un comportement antinational et antipatriotique. Mesdames, messieurs, votre comportement est antifrançais ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem, HOR et UDR. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    Pour les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Paul Molac.

    M. Paul Molac (LIOT)

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    Notre collègue soulève de vraies questions. Dans le couple infernal prohibition-répression, on sait bien que chacune se nourrit de l’autre. De plus, pour être parfaitement efficace, cette loi doit être accompagnée de politiques de prévention et, bien sûr, de moyens. Toutefois, je ne vois pas en quoi la suppression du Pnaco améliorerait la lutte contre le narcotrafic –⁠ bien au contraire ! Vous posez de vraies questions, mais je ne pense pas que rejeter cette proposition de loi constitue la réponse. Par conséquent, nous ne soutiendrons pas votre motion de rejet. (M. Jean-Charles Grelier applaudit.)

    M. Philippe Vigier

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à Mme Émeline K/Bidi.

    Mme Émeline K/Bidi (GDR)

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    Le parquet national anti-criminalité organisée a manifestement été inspiré par le parquet national anti-terroriste. Le Pnaco tend à répondre à un fléau qui, désormais, ne concerne plus seulement quelques villes ou quelques régions. Le trafic de drogues est devenu une calamité nationale ; les moyens de lutte doivent donc être d’ampleur nationale.
    Au groupe GDR, nous n’avons donc aucune opposition de principe à la création du Pnaco. Au terme des discussions au sein de notre assemblée, des inquiétudes demeurent néanmoins. La première concerne l’étendue du domaine d’intervention de ce parquet, la criminalité organisée, qui nous semble trop vaste. Pour des raisons d’efficacité, il aurait sans doute mieux valu s’en tenir au narcotrafic. Le mieux est souvent l’ennemi du bien. Nous verrons à l’usage si vous avez eu raison.
    La concentration des compétences à Paris constitue également une source d’inquiétudes : éloigner la prise de décision du terrain aboutit souvent à exacerber le parisianisme –⁠ en outre-mer, on en sait quelque chose ! Quelle sera l’efficacité d’un parquet national qui disposera de moyens purement réunionnais, par exemple ? On ne lutte pas contre le trafic de drogue de la même façon à Marseille, à La Réunion ou en Guyane. Il ne faudrait pas que le Pnaco tombe dans cet écueil.
    Dernière source d’inquiétude : le manque de moyens, une réalité de terrain à laquelle le Pnaco sera très vite confronté. On manque de policiers, de douaniers, de financements, de matériels. Votre texte n’en dit rien et les différentes coupes budgétaires que vous annoncez ne nous laissent aucun espoir d’amélioration. Une question finale demeure : le Pnaco pourra-t-il lutter contre le trafic de drogue s’il est occupé à gérer la pénurie ? (Mme Elsa Faucillon et M. Ugo Bernalicis applaudissent.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sophie Ricourt Vaginay.

    Mme Sophie Ricourt Vaginay (UDR)

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    La France insoumise nous gratifie pour la deuxième fois en moins d’une heure d’une motion de rejet préalable, cette fois contre la création du parquet national anti-criminalité organisée. À ce rythme, ils finiront par croire que l’obstruction est une forme supérieure d’argumentation ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Rabâcher sans fin les mêmes slogans ne rendra pourtant pas leurs arguments plus solides ni leurs postures plus crédibles. Pendant que nos concitoyens attendent des réponses, eux bloquent. Parce que nous croyons en l’efficacité de la justice face aux réseaux mafieux, le groupe UDR votera en faveur de la création de ce parquet spécialisé, comme nous voterons sans hésiter contre l’obstruction systématique de la France insoumise. Si le crime organisé est une menace pour la République, leur stratégie d’empêchement l’est presque tout autant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR et plusieurs bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à M. Michaël Taverne.

    M. Michaël Taverne

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    Collègues de la France soumise à la voyoucratie, (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) vous qui avez bien plus de compassion pour les voyous que pour les victimes des organisations criminelles –⁠ cela fait partie de votre ADN –,…

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Vous volez de l’argent public !

    M. Hadrien Clouet

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    Rendez les 4 millions pour commencer !

    M. Michaël Taverne

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    …nous voterons contre votre motion de rejet. En effet, à la France insoumise, on est contre tout :…

    M. Hadrien Clouet

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    Contre le détournement !

    M. Michaël Taverne

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    …contre les policiers, que l’on insulte du matin au soir ; contre les techniques spéciales d’enquête, car les policiers et les gendarmes sont de vilains fascistes (exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP) ; contre les magistrats ;…

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Vous voulez supprimer des postes !

    M. Michaël Taverne

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    …contre les interceptions satellitaires ; contre les appareils connectés ; contre le parquet national anti-criminalité organisée, alors même que le parquet national antiterroriste est efficace, en liaison avec la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Vous ne connaissez strictement rien à la politique de sécurité ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Ségolène Amiot

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    Rendez l’argent !

    M. Michaël Taverne

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    Nous allons donc vous expliquer comment cela fonctionne.

    M. Hadrien Clouet, rapporteur

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    Et c’était bien, l’audition chez le juge ?

    M. Michaël Taverne

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    Le Pnat fonctionne bien. Je me souviens qu’en 2015, certains critiquaient la création de ce parquet spécialisé, dont plus personne aujourd’hui ne veut remettre en cause l’existence. Voilà pourquoi il faut voter en faveur de ce texte et de la création d’un parquet national anti-criminalité organisée –⁠ que cela plaise ou non à la France insoumise ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. –⁠ Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    Sur la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Mathieu Lefèvre.

    M. Mathieu Lefèvre (EPR)

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    Quelque 110 morts l’an passé, plus de 340 blessés, des villes moyennes gangrenées par le narcotrafic, et la France insoumise répond par une politique de légalisation ! Mais quel est le sens de l’État des dépositaires de cette motion de rejet préalable ? Où ont-ils appris leur droit, leur sens de l’État ? Quand des agents de l’administration pénitentiaires sont menacés, sont insultés chaque jour, nous ne devrions avoir de mots que pour conforter l’action du ministre de l’intérieur et du garde des sceaux face à ce fléau majeur qu’est le narcotrafic. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Manuel Bompard

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    Mais bien sûr !

    M. Mathieu Lefèvre

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    Alors que tous les pays se réarment, nous devrions rester à ne rien faire ? Mes chers collègues, cette motion de rejet constitue un lâche renoncement, une invitation à ne rien faire –⁠ à ne surtout rien faire ! –,…

    Mme Élisa Martin

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    Il faut écouter quand je parle !

    M. Mathieu Lefèvre

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    …face à des organisations criminelles dépourvues de tout soin, de tout respect pour la vie humaine.
    Nous sommes, nous, du côté du droit, d’un État de droit (M. Manuel Bompard sourit) qui sait se faire respecter. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Face à ces organisations criminelles, il faut nous renforcer et lutter avec une fermeté implacable contre ces marchands de mort –⁠ ce qui passe évidemment par le rejet de cette motion. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et HOR. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Gabrielle Cathala.

    Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP)

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    Monsieur Darmanin, vous venez de nous insulter, nous traitant d’anti-France ou d’antifrançais,…

    M. Hervé de Lépinau

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    C’est la réalité !

    Mme Gabrielle Cathala

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    …expression d’extrême droite, utilisée pendant l’affaire Dreyfus,  par Charles Maurras et par le maréchal Pétain lorsqu’en 1940, il attribuait la défaite de la France aux Juifs, aux communistes, aux francs-maçons –⁠ avant de collaborer avec l’Allemagne nazie. Il s’agit d’un propos d’une extrême violence, indigne d’un garde de sceaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ M. Alexis Corbière applaudit également.)
    Cela reflète bien l’esprit de votre proposition de loi : comme toutes les mesures les plus abjectes qu’elle contient, elle ne passera finalement que grâce aux voix du Rassemblement national. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Patrick Hetzel

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    Changez un peu de chanson !

    Mme Gabrielle Cathala

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    Loin de nous sortir du piège du narcotrafic, votre texte nous entraîne un peu plus dans un guet-apens répressif. Au-delà de la quarantaine de mesures liberticides sur lesquelles nous saisirons le Conseil constitutionnel, notamment la création de quartier de haute sécurité inhumains, il fait la part belle aux dispositions d’affichage, parmi lesquelles figure la création du Pnaco, que ne soutiennent ni les syndicats de magistrats ni la moindre organisation d’avocats.

    M. Hervé de Lépinau

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    Le Syndicat de la magistrature est contre, nuance !

    Mme Gabrielle Cathala

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    Quel est l’intérêt de créer un tel parquet, alors qu’existent déjà les Jirs, créées en 2004, et la Junalco, chargée de lutter contre la criminalité de très grande complexité ? En résumé, vous allez encore déshabiller Pierre pour habiller Paul : des magistrats seront appelés à requérir pour ce nouveau parquet, cependant que les Jirs et la Junalco n’auront toujours pas de moyens supplémentaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
    Comme les autres parquets, celui-ci souffrira de son absence d’indépendance statutaire, qui constitue pourtant une urgence constitutionnelle. L’insuffisante indépendance qui prévaut actuellement représente un risque majeur en cas de concentration et de centralisation de la politique pénale anti-criminalité organisée entre les mains d’un seul représentant du ministère public, dont les choix et les orientations resteront tributaires de votre agenda politique.

    M. le président

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    Merci de conclure.

    Mme Gabrielle Cathala

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    Par ailleurs, la centralisation dans un parquet parisien réduira le rôle de l’expertise locale dans les procédures, alors que les réseaux criminels sont disséminés et ancrés localement. L’heure n’est pas aux dispositions de façade qui servent votre communication, aux logiques court-termistes et démagogiques… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’oratrice. –⁠ Les députés du groupe LFI-NFP applaudissent cette dernière.)

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Martineau.

    M. Éric Martineau (Dem)

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    Comme la précédente, cette motion de rejet atteste de la volonté de blocage de quelques-uns dans cet hémicycle. Depuis plusieurs mois, nous avons largement eu le temps de débattre du narcotrafic et de poser un constat partagé. Contre les dealers, qui empoisonnent la vie de nos concitoyens, nous devons agir. Les réponses apportées par ce texte ont été largement approuvées au sein de notre assemblée, puis du Sénat et de la commission mixte paritaire. Il est donc regrettable que la France insoumise tente d’empêcher ces avancées en allant jusqu’à déposer une motion de rejet sur la proposition de loi organique, un texte dont l’article unique porte simplement sur la durée d’exercice du futur procureur de la République national anti-criminalité organisée et qui n’a pas vocation à être instrumentalisé ou à faire l’objet de blocages systématiques.

    M. Philippe Vigier

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    Et antidémocratiques !

    M. Éric Martineau

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    Le groupe Les Démocrates rejettera cette motion afin que ce texte puisse achever son parcours législatif et que nous puissions sortir la France du piège du narcotrafic. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et EPR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.

    Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR)

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    Face à l’aveuglement idéologique de la France insoumise sur les conséquences du narcotrafic, le groupe Horizons & indépendants continuera de défendre le renforcement des moyens accordés aux agents qui luttent au quotidien contre le narcotrafic. Celui-ci est devenu un véritable fléau pour nos concitoyens, détruisant des quartiers, brisant des vies. Nous devons réagir ! Le Pnaco constituera un moyen supplémentaire de lutte. Nous devons réagir, être à la hauteur des attentes de nos concitoyens. Cette proposition de loi organique doit être adoptée. C’est pourquoi nous rejetterons cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs du groupe EPR.)

    M. le président

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    Je mets aux voix la motion de rejet préalable.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        290
            Nombre de suffrages exprimés                287
            Majorité absolue                        144
                    Pour l’adoption                42
                    Contre                245

    (La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)

    Discussion générale commune

    M. le président

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    La parole est à M. Paul Molac.

    M. Paul Molac

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    Le groupe LIOT a soutenu ces textes lors de leur examen en première lecture par notre assemblée, et continuera à le faire s’agissant des conclusions de la commission mixte paritaire.
    Le narcotrafic, devenu une menace pour toute notre société, impose une réponse qui soit la plus globale possible. Comme vous, j’ai été profondément choqué par les images tournées à Rennes, au cours de l’attaque survenue dans un restaurant. Les gangs se livrent à une véritable guerre afin de contrôler les points de deal. Cette lutte, menée au moyen d’armes de guerre, fait régner un climat d’insécurité dans certains quartiers, et nous nous devons de réagir pour que des endroits autrefois paisibles et sûrs puissent le redevenir. C’est l’un des premiers devoirs de l’État que de garantir la sécurité de ses citoyens.
    Les élus locaux sont bien en peine face à ce type de trafic. L’État doit jouer son rôle et disposer d’atouts pour lutter contre le haut du spectre, et pas seulement contre des adolescents recrutés sur les réseaux sociaux. L’État doit contrer cette violence et lutter contre les trafics et c’est à nous, législateurs, de lui conférer un arsenal juridique adéquat lui permettant d’intervenir efficacement.
    Ce serait une erreur de penser que l’introduction de nouvelles dispositions suffira à résorber automatiquement les trafics. Deux aspects fondamentaux devront être pris en compte pour compléter le dispositif prévu par la proposition de loi ordinaire. D’une part, il faut davantage de moyens, en premier lieu des moyens humains, dans la police, la justice et au sein de l’administration : ils sont indispensables pour lutter contre la récidive et pour développer les politiques d’éducation et de lutte contre la pauvreté et l’exclusion.
    D’autre part, il faut investir dans les politiques de prévention contre les addictions. La France est le pays d’Europe qui concentre le plus de consommateurs de drogues ; nous devons donc lutter en premier lieu contre les addictions qui ravagent notre population. Pour qu’une politique soit efficace, il faut manier la carotte et le bâton ! Le bâton seul peut permettre de limiter les dégâts, mais il ne suffira pas pour mener une action véritablement efficace. C’est une leçon que j’ai tirée de mes études d’histoire : je n’ai pas la prétention de faire la morale à quiconque, mais vous voyez bien que les deux dimensions doivent être prises en compte de manière complémentaire. Or la proposition de loi se voit parfois reprocher de se concentrer un peu trop sur l’aspect répressif et pas assez sur les autres moyens, sociaux et médicaux, qui permettent de lutter contre l’addiction, donc contre le narcotrafic.
    Je le répète : notre groupe regrette l’absence de mesures spécifiques à l’accompagnement des territoires ultramarins. Nous dénonçons l’intitulé –⁠ trompeur – du chapitre dédié aux outre-mer, lequel ne contient qu’une mesure ciblant les mules. Nous appelons à renforcer les moyens de la lutte contre le narcotrafic dans ces territoires, en visant particulièrement la surveillance maritime.
    La proposition de loi crée de nouveaux outils pour intensifier la lutte contre le blanchiment, dont les résultats restent très décevants. En effet, notre pays n’arrive à saisir que 3 % du chiffre d’affaires annuel du blanchiment ; nous sommes donc dans l’obligation de renforcer notre arsenal en la matière. Plusieurs des mesures de confiscation et de saisie des biens des narcotrafiquants prévues dans le texte s’inscrivent dans la lignée des avancées soutenues par notre groupe dans le cadre de la proposition de loi améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels, adoptée en mai 2024 à l’initiative de notre collègue Jean-Luc Warsmann.
    L’actualité nous rappelle aussi à quel point la sécurité des agents de la pénitentiaire doit être une priorité pour le ministère de la justice. En séance, notre groupe a fait adopter un amendement de notre collègue Martine Froger afin de prévoir des mesures d’anonymat et de sécurité pour les surveillants de prison. Nous approuvons le choix de la CMP de renforcer les peines prévues contre les personnes qui révéleraient l’identité de ces agents, en particulier lorsque cela entraîne des violences.
    Face à de tels enjeux, nous devons garder en tête la préservation des droits et libertés fondamentaux au sein de l’État de droit. Compte tenu des nouvelles techniques déployées par la criminalité organisée et à l’ingéniosité dont elle fait preuve, il pourrait être tentant, pour l’État, de repousser les limites de notre droit ; nous ne le souhaitons pas. Le travail transpartisan accompli tout au long de la navette parlementaire a permis de retrouver un certain équilibre. Nous saluons la suppression du mécanisme des portes dérobées dans les messageries cryptées.

    M. le président

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    Merci de conclure, monsieur le député.

    M. Paul Molac

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    Pour toutes ces raisons, notre groupe soutiendra ces propositions de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et des commissions.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Émeline K/Bidi.

    Mme Émeline K/Bidi

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    Étant intervenue sur les motions de rejet, je vais tenter de ne pas me répéter. Je pense que personne, ici, n’est opposé à l’idée de lutter contre le narcotrafic.

    M. Rodrigo Arenas

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    C’est peu de le dire !

    Mme Émeline K/Bidi

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    Ceux qui prêteraient cette intention à certains d’entre nous le feraient à des fins politiques et malhonnêtes. Nous devons le dire : nous sommes tous engagés dans la lutte contre le narcotrafic.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Non ! Pas LFI !

    M. Laurent Croizier

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    Bien sûr que non !

    Mme Émeline K/Bidi

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    En revanche, il existe entre nous, c’est vrai, des différences quant à la manière dont nous souhaitons la mener. Ces différences tiennent à ce à quoi nous sommes prêts à renoncer en faveur de cette lutte. Le groupe GDR a combattu certaines dispositions : je pense au dossier coffre, dont nous estimons qu’il constitue une zone de non-droit pour la défense, et à plusieurs mesures largement dérogatoires qui avaient été introduites pour lutter contre le terrorisme et que l’on souhaite désormais généraliser en les appliquant au narcotrafic. La création des quartiers pénitentiaires spécialisés et le recours systématisé à la visioconférence nous inquiètent également –⁠ cette dernière mesure est-elle liée au manque de juges ou à une véritable nécessité ?
    Nous nous sommes donc opposés aux dispositions que nous trouvions attentatoires aux droits et libertés fondamentaux, car nous n’étions pas prêts à brader ces dernières pour lutter contre le narcotrafic. La commission mixte paritaire a maintenu ces dispositions. Vous connaissez la liberté de vote qui règne au sein du groupe GDR mais il n’y a pas de raison que nous votions différemment, s’agissant de ces conclusions, par rapport au vote en première lecture.
    Nous voulons néanmoins souligner un point essentiel : nous avons débattu longuement de la lutte contre le trafic de drogue sans jamais aborder au fond la question des moyens. Il y a des territoires, par exemple en Guyane, où le trafic de drogue est déjà largement implanté, et d’autres, comme à La Réunion, où il monte incontestablement en puissance. Pourtant, nos aéroports ne disposent pas de scanners ; nous n’avons pas suffisamment de douaniers pour contrôler les containers qui arrivent dans les ports, de policiers et de gendarmes pour réaliser les filatures, ou de juges pour mener à bien les enquêtes.
    La question de ces moyens a été éludée. Même si nous sommes favorables à la création du Pnaco, nous sommes particulièrement sceptiques quant à la possibilité de mettre en œuvre un plan de lutte vraiment efficace contre le narcotrafic, sans moyens supplémentaires à la hauteur des enjeux soulevés par ce véritable fléau.
    Je l’avais dit en commission, je l’ai redit lors de l’examen du texte en séance, je le répète aujourd’hui avec beaucoup de colère : il n’y a aucune place, dans votre texte, pour l’outre-mer. À l’origine, un chapitre au titre fallacieux était censé concerner les territoires ultramarins, mais aucune mesure –⁠ pas le moindre article – n’y avait trait. On y trouvait une disposition sur l’extension de la garde à vue pour les mules, mais nous vous avions fait remarquer que cette mesure, outre qu’elle ne concernait pas uniquement l’outre-mer, était particulièrement stigmatisante. En effet, elle laissait entendre que le problème des mules était spécifiquement ultramarin, alors que vous savez pertinemment que c’est un problème national. Le titre de ce chapitre avait donc été balayé, sans que rien soit ajouté pour l’outre-mer.
    Ne pas prendre en compte l’outre-mer et n’intégrer aucune mesure le concernant dans votre texte, c’est déjà largement problématique ; mais faire semblant d’oublier que ces territoires existent et connaissent des difficultés spécifiques, c’est criminel. Je pense notamment à l’interdiction de paraître dans les ports et les aéroports pour les personnes condamnées. Nous vous l’avons dit : une personne condamnée, dans un milieu insulaire comme celui de La Réunion, ne pourra dès lors pas sortir du territoire ! Pendant toute la période où cette interdiction lui sera appliquée, elle ne pourra pas quitter l’île. C’est une façon bien déguisée de rétablir le bagne. Je sais que certains à droite en rêvent (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR), mais ce n’est pas une raison pour nous l’appliquer en ignorant ce que nous vous avons dit à de nombreuses reprises, en commission et dans l’hémicycle. J’espère qu’à l’épreuve du réel, vous reviendrez sur cette disposition ; si vous ne le faites pas, c’est que vous n’avez aucune considération, aucun égard pour l’outre-mer ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sophie Ricourt Vaginay.

    Mme Sophie Ricourt Vaginay

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    À l’issue de la commission mixte paritaire, je prends la parole au nom du groupe UDR et de son président Éric Ciotti pour saluer les avancées permises par ce texte, tout en affirmant que nous devons aller encore plus loin si nous voulons être à la hauteur du défi que représente la lutte contre le narcotrafic pour notre République. La création du parquet national anti-criminalité organisée est une pierre nécessaire à l’édifice ; elle permettra de mieux coordonner les enquêtes, d’attaquer les réseaux sur toute la chaîne et de renforcer la réponse judiciaire face à des criminels dont l’emprise sur notre société devient chaque jour plus insupportable.
    Le texte contient d’autres avancées notables qu’il convient de souligner. Nous saluons ainsi la possibilité de confisquer les biens des trafiquants lorsqu’ils ne peuvent en justifier l’origine licite. C’est une arme essentielle pour frapper les narcotrafiquants au cœur, c’est-à-dire leur patrimoine. Le trafic de drogue est une économie parallèle et nous devons y répondre par une stratégie économique de démantèlement.
    Nous saluons également le renforcement des pouvoirs d’enquête des douaniers, souvent en première ligne dans la traque des stupéfiants, tout comme l’extension de l’usage de la visioconférence, qui permettra d’éviter des extractions risquées pour juger les détenus dangereux. L’introduction d’un statut de coopérateur de justice, inspiré du modèle italien, va également dans le bon sens ; il permettra de faire tomber les têtes de réseau grâce à la collaboration d’anciens complices, dans le cadre d’une coopération judiciaire strictement encadrée. À l’inverse, le régime des témoins anonymes, tel qu’issu des lois Perben de 2002 et 2004, reste inadapté à la lutte contre les réseaux mafieux dans leur structure actuelle : il est peu utilisé et il faudra y revenir.
    Regardons la réalité en face : les narcotrafiquants ont changé de nature. Nous ne sommes plus confrontés à de simples délinquants de quartier mais à de véritables organisations criminelles structurées, capables d’orchestrer meurtres, intimidations et blanchiment d’argent à grande échelle, parfois même depuis leur cellule. Dans cette guerre, les agents pénitentiaires sont en première ligne. Ils doivent assurer leurs missions dans des conditions de plus en plus périlleuses, souvent sans disposer des protections nécessaires ; ils travaillent chaque jour en ayant à l’esprit qu’ils doivent aussi sauver leur peau.
    Pire, cette menace dépasse désormais les murs des prisons. Les surveillants et leurs familles deviennent des cibles ; on cherche à les intimider, à les corrompre, à les terroriser. Je pense à ces agents menacés par des clans mafieux, qui tentent d’étendre leur emprise jusque dans les établissements pénitentiaires. Face à cette réalité, le groupe UDR l’affirme : nous devons cesser d’avoir des pudeurs juridiques. Oui, nos agents doivent être protégés dans les murs comme hors les murs, grâce à une vigilance accrue et à des moyens technologiques renforcés.
    À cet égard, nous approuvons pleinement les derniers amendements réintroduits au Sénat qui permettent d’une part d’anonymiser les agents pénitentiaires en les autorisant à signer les procès-verbaux par leur numéro de matricule, d’autre part de réintroduire la possibilité d’un dossier distinct pour protéger l’identité des enquêteurs et des agents infiltrés.
    Mais que s’est-il donc passé dans cet hémicycle, au fil des débats ? Des jours durant, l’extrême gauche a choisi de minimiser la menace, nous expliquant que les trafiquants n’étaient que les victimes du système, de notre société, presque des bisounours égarés par la vie. La réalité est tout autre. Les criminels sont loin d’être des victimes. Ils recrutent, corrompent, menacent, tuent. Ils utilisent des adolescents comme guetteurs ou mules. Ils organisent les règlements de compte depuis leur cellule et ils installent la peur, parfois jusqu’au cœur de nos institutions. Il est grand temps de mettre fin aux failles de la loi dans lesquelles ils s’engouffrent. Sur ce point, nous regrettons amèrement que la loi n’ait pas prévu de créer l’infraction spécifique de trafic de stupéfiants en bande organisée alors même que cette circonstance est reconnue pour d’autres infractions, par exemple le vol, et lourdement réprimée. Pire encore, la construction juridique actuelle, qui repose sur la qualification d’association de malfaiteurs en bande organisée, est bancale, fragile et insuffisante. Elle ne permet pas de saisir pleinement l’identité mafieuse de ces réseaux, ni de démanteler efficacement leur structure. C’est une occasion manquée. Cette nouvelle infraction nous aurait permis de frapper l’ensemble du spectre de l’économie souterraine, du chouf posté au coin de la rue au chef de réseau dissimulé derrière des écrans de société fictive, en passant par l’intermédiaire logistique. Quant à l’argument de la proportionnalité des peines, que la gauche répète à l’envi, il ne tient pas : c’est bien le rôle du juge que d’adapter la sanction à la gravité de l’infraction.
    Rappelons enfin que l’isolement des détenus dangereux ou le recours aux moyens technologiques, comme les drones, dans les établissements pénitentiaires, ne sont pas des gadgets mais répondent à une nécessité vitale. Nous voterons ce texte car il représente une avancée réelle. Il faudra cependant aller plus loin car nous aurons besoin de beaucoup de moyens, mais aussi de courage pour prendre les mesures qui s’imposent et défendre avec une détermination sans faille les valeurs de notre République. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jocelyn Dessigny.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Nous voici arrivés au terme de l’examen de ces propositions de loi relative au narcotrafic, après plusieurs semaines de travaux au Sénat, où elles ont été déposées, puis à l’Assemblée nationale. Hier, le Sénat les a adoptées à l’unanimité. Force est de constater que nos chers collègues de l’extrême gauche voteront contre, ainsi que LFI l’a annoncé ! Nous n’en sommes pas surpris puisqu’ils ont combattu ces textes tout au long de leur examen, se révélant les grands défenseurs des narcotrafiquants. C’est un scandale et les Français les jugeront sur leurs actes. La sanction tombera bientôt, lors des prochaines élections municipales. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. –⁠ Protestations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. –⁠ Mme Sandra Regol s’exclame.)
    Madame Regol, vous aurez l’occasion d’exprimer vos réticences à l’endroit de ce texte dans quelques instants ; soyez sage, attendez patiemment votre tour !
    Nous soutiendrons, pour ce qui nous concerne, les avancées majeures de la proposition de loi ordinaire. En effet, le Rassemblement national a fait bien plus que soutenir le texte : il l’a porté. Nous avons été les seuls à être présents pour défendre tous les progrès que cette proposition de loi permet. Où étaient les députés de la majorité ? Où étaient les députés de la Droite républicaine ? Où étaient les députés du groupe socialiste et tous les autres ?

    M. Jacques Oberti

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    Ils étaient présents !

    M. Jocelyn Dessigny

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    Quand il s’agit de défendre le peuple contre les narcotrafiquants, vous êtes absents, nous sommes présents ! Nous avons choisi notre camp, assumez le vôtre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
    Grâce à ce texte, nous pourrons lutter efficacement contre le narcotrafic mais le problème de la drogue dans nos territoires n’en sera pas pour autant résolu. Nous avons eu beau vous le répéter tout au long de nos travaux, messieurs les ministres, vous n’avez pas voulu aller au bout du raisonnement. C’est en effet un commerce que ce trafic, régi par la plus vieille loi du capitalisme, celle de l’offre et de la demande.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Il faut lutter contre le capitalisme !

    M. Jocelyn Dessigny

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    Le texte répond en grande partie au problème de l’offre en luttant efficacement, grâce à des dispositions essentielles, contre la violence, la délinquance, la criminalité, la prostitution, le trafic d’armes, l’assassinat qui sont autant de conséquences du trafic de drogue dans notre pays.
    Le Pnaco nous permettra de lutter efficacement contre le narcotrafic du haut du spectre. Les avoirs des narcotrafiquants pourront dorénavant être gelés. Les techniques spéciales d’enquête sont renforcées, du fait de la création du dossier coffre. L’extrême gauche et la gauche, plus ou moins plurielle…

    M. Jacques Oberti

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    C’est désuet comme formule, la gauche plurielle !

    M. Jocelyn Dessigny

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    …ont essayé d’annihiler cette disposition ; elles ont réussi à la supprimer en commission, grâce à l’absentéisme de la majorité et des Républicains, mais heureusement, nous avons pu la réintroduire. Le dossier coffre verra bel et bien le jour, ne vous en déplaise, et il permettra de protéger les enquêtes spéciales menées par nos policiers. Il est prévu de créer, au sein des établissements pénitentiaires, des quartiers de lutte contre la criminalité organisée. Mais, monsieur Darmanin, donnez-nous les moyens ! Où sont les 15 000 places de prison promises ? Surtout, ne nous dites pas que ce sont les maires du Rassemblement national qui vous les refusent ! Nous en avons suffisamment débattu au cours de l’examen de ce texte.
    Nous pourrons également agir sur le terrain grâce à l’interdiction faite aux dealers de paraître sur les lieux de deal ou à l’injonction préfectorale de résiliation de bail, qu’il soit ou non social. Là encore, nous avons essuyé les attaques de l’extrême gauche mais nous avons obtenu de conserver cette mesure essentielle. Il était temps de remédier à cette injustice qui fait qu’une personne victime de violences conjugales peut se voir refuser un logement, quand on l’accorde à un trafiquant de drogue. D’autres mesures étaient attendues, comme l’hyperprolongation de la garde à vue pour les mules, la fermeture administrative des établissements impliqués dans un trafic de drogue et l’interdiction du territoire par la juridiction de jugement à l’encontre de tout étranger coupable. Il sera enfin possible d’expulser les criminels étrangers du territoire français lorsqu’ils sont reconnus coupables d’avoir participé à un trafic de stupéfiants –⁠ mais nous demandons qu’ils le soient dans tous les cas. Cependant, ces mesures ne seront efficaces qu’à condition de disposer des moyens de les appliquer. Or nous attendons les moyens financiers !

    M. Jean-François Coulomme

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    Rendez l’argent !

    M. Jocelyn Dessigny

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    Vous n’avez pas prévu de projet de loi de finances rectificative qui nous permettrait de les instaurer.

    M. le président

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    Merci de conclure, cher collègue.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Enfin, ce texte ne traite pas du sujet de la dépendance et ne prend aucune disposition contre le consommateur : nous attendrons donc votre prochain texte pour que la lutte contre la drogue gagne en efficacité. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Mazars.

    M. Stéphane Mazars

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    Ce sont 110 morts, 341 blessés, 367 assassinats ou tentatives d’assassinats qui sont liés au trafic de stupéfiants en 2024. C’est la triste réalité du narcotrafic en France. Derrière ces chiffres, il y a des vies brisées, des familles détruites, des territoires fracturés.
    Notre pays est à un point de bascule : soit nous agissons rapidement et fermement, soit nous laissons les organisations criminelles imposer leur loi, et ce définitivement.
    Depuis le 13 avril, la menace est montée encore d’un cran : tirs d’armes automatiques, incendies criminels, menaces contre les surveillants pénitentiaires, à leur domicile. Le message est clair : les chefs de réseaux veulent nous faire peur. Mais nous ne céderons pas, nous ne reculerons pas et nous agirons avec détermination pour que cette loi entre en vigueur au plus vite.
    Je veux d’abord redire notre soutien total aux personnels pénitentiaires et aux forces de l’ordre. Ils sont en première ligne et doivent être mieux protégés. Ce texte le permet, notamment en renforçant leur anonymat. Ce combat, nous leur devons et nous devons le mener dans les grandes villes comme dans les territoires ruraux. À Marseille, à Nantes, à Toulouse, mais aussi dans des villes moyennes, dans des départements comme le mien, l’Aveyron, où les réseaux s’implantent avec méthode. Aucun territoire n’est aujourd’hui épargné. Aucun territoire ne doit être aujourd’hui abandonné.
    Ce texte modifie aussi notre architecture judiciaire, du fait de la création du parquet national anti-criminalité organisée. Sur le modèle du parquet national financier et du parquet national antiterroriste, il incarnera une réponse judiciaire plus forte et plus cohérente face à des réseaux structurés, violents et transnationaux. Cette création envoie un signal fort : oui, nous prenons enfin la mesure du danger et nous dotons la justice de moyens à la hauteur des menaces.
    Ce texte s’attaque aussi frontalement au nerf de la guerre, l’argent. Il renforce la lutte contre le blanchiment, facilite la fermeture des commerces de façade et le gel des avoirs criminels. Le général de Gaulle disait qu’il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités. La réalité, c’est bien celle du narcotrafic qui tue, détruit, gangrène nos quartiers, défie notre autorité, menace notre République. Grâce à ce texte, nous reprenons le contrôle.
    La lutte contre le narcotrafic n’a de sens que si elle est transversale, proactive et évolutive. C’est tout l’esprit de cette proposition de loi. L’affaire Mohamed Amra, comme d’autres, nous rappelle une réalité insupportable : aujourd’hui, certains chefs de réseau continuent à piloter leurs trafics depuis leur cellule. Ils menacent, commanditent, blanchissent, organisent des évasions, le tout avec une facilité déconcertante.
    L’article 23 quinquies y répond en créant de nouveaux quartiers spécialisés pour les détenus les plus dangereux ainsi qu’un régime carcéral strict, adapté à ces nouvelles menaces. C’est une réponse forte, attendue et indispensable. Parce que ces réseaux utilisent les outils numériques, la proposition de loi prévoit une meilleure exploitation des données, avec prudence mais efficacité, sans renoncer à nos principes mais sans naïveté non plus.
    Je tiens à saluer ici le travail de la commission mixte paritaire. Les rapporteurs ont permis d’aboutir à un accord solide. Ce texte est équilibré, ferme mais respectueux des libertés publiques.
    Rappelons que cette proposition de loi découle des travaux rigoureux de la commission d’enquête sénatoriale sur l’impact du narcotrafic en France, adoptés à l’unanimité le 14 mai 2024. Elle incarne ce que le Parlement est capable de produire lorsqu’il dépasse les clivages. À cet égard, disons-le avec gravité : le laxisme assumé de La France insoumise, qui a voté contre ce texte en première lecture, n’a pas sa place dans une République confrontée à la violence des réseaux criminels. À eux, je veux rappeler ces mots que l’on attribue souvent à Victor Hugo : « Quand le crime se multiplie, c’est que la société lui a fait sa place. »
    Ne soyez pas complices, par passivité. Ce texte est le fruit d’un esprit de responsabilité. Je le dis clairement : nous ne voulons pas d’un État qui recule ni d’une République qui cède. Et nous ne laisserons jamais ces réseaux faire de la France un « narco-État ». La lutte contre le narcotrafic doit être totale : sur le terrain, dans les tribunaux, dans les prisons, sur le plan financier. Elle doit être rapide. Elle doit anticiper. Et elle doit frapper juste.
    Nous avons aujourd’hui un devoir, celui de ne pas détourner le regard et de ne pas trembler. En votant cette proposition de loi, nous envoyons un message clair : jamais les criminels n’imposeront leur loi à la République, jamais ils ne seront plus forts que l’État. Le groupe EPR votera ce texte et appelle toutes les forces de cette assemblée à faire un choix clair, celui de la responsabilité, et non du renoncement. (MM François Cormier-Bouligeon et Jean-Paul Mattei applaudissent. –⁠ Applaudissements également sur les bancs de la commission.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    Le trafic de drogue, ce grand marché ultralibéralisé, touche et abîme tous les domaines de notre vie : santé, économie, sécurité. Ses premières victimes sont toujours les mêmes, les plus précaires, les plus fragiles, soit en tant que consommateurs, soit comme petites mains des trafics. Banlieues, zones de campagnes : tous les lieux que la République a abandonnés sont les territoires d’expansion de cette criminalité organisée. Nous portons donc notre part de responsabilité.
    Depuis des décennies, la France persiste dans les mêmes logiques en s’attaquant aux consommateurs et aux petites mains au lieu de s’en prendre aux têtes de réseaux, sans autre effet que de voir les trafics s’étendre, inexorablement. C’est le grand échec français. Alors que d’autres pays ont décidé d’agir en adoptant des politiques fortes, la France n’a jamais bougé.
    Le Portugal a dépénalisé les drogues depuis une vingtaine d’années et obtenu suffisamment de résultats pour que ces politiques soient maintenues, aussi bien sous des gouvernements de droite que de gauche. Ils ont ainsi pu rediriger les forces de police et de justice vers la traque des têtes de réseau et mener des politiques de santé pour sauver des vies…alors que la France est incapable de maintenir et de développer des salles de consommation à moindre risque, rares outils dont nous disposons en ce sens.
    Le Québec a choisi de faire du cannabis un marché géré par la puissance publique. Résultat : 60 % du marché repris aux trafiquants en six ans, de l’argent dégagé pour soigner les victimes de la drogue, des politiques de santé de long terme qui apprennent aux consommateurs à consommer mieux pour sortir de leur dépendance et, naturellement, des moyens supplémentaires alloués à la police et à la justice.
    Messieurs les ministres, vous voyez qu’il existe beaucoup de solutions pour avancer ! La commission d’enquête du Sénat a permis de mettre en lumière ce qui se fait ailleurs, ce qui fonctionne et fait mal aux trafics. Alors que nous sommes appelés à voter le texte plus ou moins issu de ses travaux, nous avons dit dès le début de nos débats que nous aurions voulu soutenir une loi forte qui change la donne. Malheureusement, vos obsessions –⁠ répétées en commission comme en séance – ont bloqué un travail qui aurait pu être très intéressant.
    Ainsi, ce texte ne révolutionnera pas le travail d’enquête puisqu’aucun moyen réel n’est voté pour le financer et que les services d’investigation n’en finissent pas d’être démantelés. Il ne comporte aucune mesure concrète ou efficace, aucune mesure pertinente pour lutter contre le manque d’attractivité de la filière investigation, attirer de nouvelles recrues vers les postes d’enquêteurs et conserver les talents existants dans la police judiciaire.
    Il n’accélérera pas davantage le travail de la justice, puisqu’aucun budget supplémentaire ne vient abonder ses moyens exsangues. Vous venez encore de les raboter en amputant des budgets : celui de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) est en baisse de 25 millions d’euros, celui des juridictions de 70 millions.
    Ce texte est qualifié de loi d’exception, mais nous savons que les dispositions exceptionnelles sont trop souvent généralisées par la suite. Il s’agit ici de mettre des personnes sur écoute et d’attenter ainsi à leur intimité la plus profonde, de cacher des éléments du dossier à leur défense, de revenir sur les droits des prisonniers. Personne ne veut donner de blanc-seing aux condamnés, certes, mais une démocratie se mesure à sa capacité de bien traiter ceux qu’elle punit. En la matière, nous n’en finissons pas de régresser !
    Aucune des dispositions que je viens d’évoquer n’a notre soutien. Interrogé sur cette loi, Roberto Saviano, spécialiste de la criminalité organisée, moquait d’ailleurs les logiques françaises, incapables de prendre les bons outils pour mettre les trafiquant hors d’état de nuire.
    Ce texte représente un pas, ni suffisant ni satisfaisant.
    Le groupe Écologiste et social refuse de laisser le champ libre aux narcotrafiquants, de les laisser mettre sous tutelle des quartiers entiers de nos villes et de nos campagnes et de faire davantage de victimes. Dès lors, afin de pouvoir réorganiser la gestion des enquêtes, de disposer de juridictions spécialisées et de doter nos institutions de maigres outils pour combattre le blanchiment, nous ne nous opposerons pas à ce texte.
    En revanche, nous mènerons le combat devant le Conseil constitutionnel. Nous lui demanderons de recadrer les parties de cette loi dont l’applicabilité semble incertaine, de censurer les dispositions attentatoires aux droits –⁠ malheureusement beaucoup trop nombreuses – et surtout d’empêcher les dérives de certaines mesures liberticides.
    Vous savez, tout comme nous, que les dérives commencent par des textes d’exception qui finissent par devenir le droit commun. Vous savez aussi que nous serons toujours là pour contrer ces dérives. Le groupe Écologiste et social s’abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Estelle Mercier.

    Mme Estelle Mercier

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    Après plusieurs semaines et de très nombreuses heures de débats –⁠ à la hauteur des enjeux –, la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic arrive au terme de son cheminement législatif.
    Nous partageons tous le constat que le trafic de drogue est une menace réelle pour notre société et nos institutions. Face à ce fléau, nos concitoyens et les élus de nos territoires nous demandent de faire preuve de responsabilité et d’efficacité : nous le leur devons.
    La ligne de conduite des députés du groupe socialistes et apparentés a toujours été claire et constante : la lutte contre la criminalité organisée et le trafic de drogue doit constituer une cause majeure et prioritaire si nous voulons sortir la France du piège du narcotrafic qu’a décrit notre collègue sénateur socialiste Jérôme Durain –⁠ dont il faut rappeler qu’il est à l’initiative de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) N’en déplaise à M. Dessigny, les socialistes sont là et bien là !

    M. François Hollande

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    Très bien !

    Mme Estelle Mercier

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    Et il y a urgence ! Urgence à se doter de nouveaux outils et de moyens à la hauteur de ce fléau, urgence à ne laisser aucun quartier ou territoire de côté. La République doit être présente partout et pour tous !
    Ce texte comporte des avancées notables, telles que la création d’un parquet national anti-stupéfiants pour lutter contre le haut du spectre et celle d’un état-major criminalité organisée (Emco) –⁠ chef de file visant à coordonner au plus haut niveau les moyens d’enquête et de police dédiés –, la mise en réseau des Jirs, la possibilité de fermer les établissements servant de couverture au trafic, de confisquer et de geler les avoirs, les outils de lutte contre le blanchiment d’argent, le renforcement du renseignement ou le nouveau statut du repenti.
    Si toutes ces dispositions, inspirées du rapport d’enquête sénatorial, vont dans le bon sens, nous vous alertons sur deux risques majeurs : le risque ne pas se doter de moyens suffisants ; le risque de renier nos libertés fondamentales.
    La création du Pnaco ne doit pas se faire au détriment des autres juridictions spécialisées. Il ne faudrait pas, pour alimenter le Pnaco, ponctionner des magistrats déjà expérimentés et pleinement mobilisés au sein d’autres instances essentielles, comme le PNF ou le Pnat. Cela reviendrait à déplacer le problème sans y répondre structurellement. Nous insistons : si nous voulons que le Pnaco soit à la hauteur des ambitions affichées, il faudra lui donner des moyens humains et budgétaires supplémentaires, pérennes, à la hauteur des enjeux.
    L’urgence de la situation du narcotrafic ne peut justifier le reniement de nos libertés fondamentales. À l’article 23 quinquies, la commission mixte paritaire a prévu que la décision du garde des sceaux d’affectation dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée serait valable pour une durée d’un an, renouvelable, quand le texte initial prévoyait une durée de deux ans, renouvelable. Philosophiquement et politiquement, nous sommes opposés à ce régime pénitentiaire extrême, supprimé par Robert Badinter en 1982, qui transforme la peine en châtiment. Il s’agit d’un régime carcéral inhumain. Les prisons de haute sécurité soulèvent également des questions –⁠ qui n’ont pas reçu de réponses claires – en ce qui concerne la pression exercée sur les personnels pénitentiaires et l’impact sur leurs conditions de travail.

    M. François Hollande

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    Très juste !

    Mme Estelle Mercier

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    Le bien-fondé des prisons de haute sécurité a été âprement débattu en commission et dans cet hémicycle. Ce débat est légitime, mais la violence, elle, ne le sera jamais dans notre démocratie. Les attaques coordonnées contre des centres de détention et des agents pénitentiaires survenues ces derniers jours constituent une atteinte directe à nos institutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Ces actes sont inacceptables, intolérables et doivent être condamnés sans la moindre ambiguïté. Au nom de mon groupe, je veux ici dire toute notre solidarité à l’égard des personnels pénitentiaires qui accomplissent leur mission dans des conditions de plus en plus difficiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.) Leur sécurité n’est pas négociable. Leur engagement mérite notre respect et notre protection.
    Certaines mesures de ce texte soulèvent encore de sérieuses interrogations quant au respect des droits fondamentaux garantis par notre Constitution. C’est pourquoi, dans un esprit de responsabilité, nous saisirons le Conseil constitutionnel à leur propos. Il est en effet de notre devoir de veiller aux principes qui fondent notre démocratie : la liberté individuelle, le respect de la vie privée, la présomption d’innocence et le droit à un procès équitable.
    Notre vote sera donc un vote de responsabilité, tant il est urgent d’agir face à ce phénomène d’ampleur. Nous voterons pour ce texte, mais nous restons vigilants. Aussi nécessaire soit-elle, la lutte contre le narcotrafic ne peut ni ne doit devenir un prétexte à l’affaiblissement de nos libertés fondamentales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC ainsi que sur les bancs des commissions.)

    M. le président

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    La parole est à M. Olivier Marleix.

    M. Olivier Marleix

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    Les députés du groupe Droite républicaine voteront ce texte avec beaucoup de conviction parce qu’il protège les premières victimes du trafic de drogue dans notre pays, à savoir les jeunes. Je pense à ces jeunes de 13, 14, 15 ans dont les vies sont violemment heurtées –⁠ quand elles ne sont pas simplement brisées – par la consommation de produits stupéfiants ou de drogues. Je pense aussi à ces quelque 200 000 jeunes, souvent du même âge que les autres victimes, enrôlés d’office pour tenir les pieds d’immeubles, sorte d’enfants soldats de ces trafics. D’une manière ou d’une autre, la drogue cible toujours la vulnérabilité et nous avons besoin de la force de la loi pour protéger les plus vulnérables.
    Nous voterons aussi ce texte avec conviction parce qu’il est résolument énergique. Il faut l’avouer, ce n’est pas toujours ce qu’on ressent quand on examine un texte à l’Assemblée nationale, tant nous sommes habitués à la politique des petits pas. Il s’agit ici d’un texte de rupture…

    M. Ugo Bernalicis

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    Oui, avec la justice !

    M. Olivier Marleix

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    …dans notre capacité à lutter contre les trafiquants. Il est sans doute inutile de rappeler les mesures qu’il contient : création du Pnaco, nouveaux outils de lutte contre le blanchiment de la drogue, contrôle des installations portuaires, extension des pouvoirs de police des douanes, interdiction de régler la location des véhicules en espèces, quartiers d’isolement pour empêcher les plus gros trafiquants de continuer à agir depuis leur cellule, cadre renforcé pour les techniques de renseignement, accroissement des pouvoirs des préfets pour assurer la tranquillité locale.
    Mon seul regret est que nous ayons renoncé à mener un bras de fer –⁠ qui aurait pourtant été très utile – avec les messageries cryptées. Elles constituent aujourd’hui le refuge des pires trafics, des trafiquants de drogue et aussi –⁠ il convient que nous en ayons tous conscience, y compris ceux qui ont ardemment défendu les messages cryptés – des réseaux de pédocriminalité. Nous ne pouvons pas rester les bras ballants face à ce phénomène et je remercie M. le président de la commission des lois de s’être engagé à poursuivre la réflexion sur ce point.
    Au nom de notre groupe, je remercie le ministre de la justice et le ministre de l’intérieur d’avoir eu le courage de porter ces mesures de grande fermeté.
    Je voudrais enfin saluer la dimension transpartisane de ce texte. Au Sénat, la proposition de loi a été portée par un sénateur du groupe socialiste, Jérôme Durain, et par un sénateur du groupe Les Républicains, Étienne Blanc. Trois excellents collègues appartenant à des groupes différents, MM. Vincent Caure, Éric Pauget et Roger Vicot, auxquels je veux rendre hommage, en ont été les rapporteurs à l’Assemblée nationale, où elle a été largement adoptée en première lecture. Nous pouvons ainsi nous honorer d’avoir dépassé les clivages et les postures, à une exception près malheureusement, dans l’intérêt d’une cause aussi importante, et de nous apprêter à adopter ce texte qui sera utile pour l’action de nos forces de l’ordre, de la justice et pour la protection des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.– MM. Vincent Caure et Jean-Paul Mattei applaudissent également.)

    M. le président

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    Avant de donner la parole aux trois derniers orateurs, je rappelle que la conférence des présidents a décidé qu’il serait procédé à des scrutins publics sur les textes des deux propositions de loi issus des travaux de la commission mixe paritaire. Je fais d’ores et déjà annoncer les scrutins dans l’enceinte de l’Assemblée.
    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Avec cette loi, vous ne réglerez absolument rien de la question du narcotrafic. Croyez bien que je le regrette, puisque nous aurions précisément souhaité une politique ambitieuse dans le domaine. Il faut d’abord faire le bilan de votre politique : son échec, c’est l’augmentation continue de la consommation de stupéfiants dans notre pays. La moitié des Français ont consommé du cannabis, 10 % de la cocaïne et 10 % de la MDMA.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Parole d’expert !

    M. Antoine Léaument

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    Le bilan de votre politique répressive, c’est une augmentation de la consommation, alors même que des politiques moins répressives, voire des politiques de prévention, par exemple vis-à-vis de l’alcool ou du tabac, ont permis de faire baisser la consommation de drogues dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Ce texte contient des mesures négatives, voire dangereuses. Je pense d’abord à l’interdiction administrative de paraître et à la rupture administrative des contrats de location dans les sociétés HLM, qui sont une manière de stigmatiser des populations bien particulières et de faire peser un risque d’arbitraire.
    Il m’est arrivé de dire que nous avons face à nous, quand nous siégeons, deux modèles : à notre gauche, une statue représentant la liberté, à notre droite, une statue représentant l’ordre public. Notre devoir de législateurs est d’essayer de trouver l’équilibre entre les deux. Malheureusement, vous êtes toujours du côté, non de l’ordre public mais de l’arbitraire, jamais du côté de la préservation des libertés. C’est pourquoi vous êtes dangereux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP)
    Si dangereux que vous avez essayé de mettre en place des mesures contreproductives –⁠ en vain car M. Retailleau n’était pas là pour les défendre. Ainsi, vous vouliez installer des back doors à l’intérieur des outils de conversation. M. le président de la commission des lois souhaite que, sur cette question, le travail se poursuive. Selon moi, celui-ci n’aboutira pas, tout simplement parce que ces mesures néfastes et dangereuses rendraient plus compliquée l’action des services de police. En effet, ces derniers ont besoin de trouver les clés de cryptage des logiciels effectivement utilisés par les trafiquants qui pensent avoir des conversations sécurisées. Si l’on indique aux trafiquants que l’on va installer dans les messageries un dispositif de porte dérobée, bingo, ces derniers se tourneront vers d’autres moyens de communication. Il faudra alors compter, une fois encore, sur la capacité de nos services de police et de gendarmerie à décrypter ces nouveaux logiciels –⁠ ils ont certes déjà prouvé leur compétence en la matière.
    Avec ce texte, vous avez suivi une logique de restriction des libertés. Il aurait fallu plutôt se demander comment une lutte contre le narcotrafic peut être efficace, ce que vous n’avez jamais fait. L’efficacité passe par une augmentation des moyens de la police –⁠ celle qui enquête pour démanteler les réseaux – et de la justice, pour qu’elle puisse traiter l’ensemble des dossiers. Vous avez préféré réduire les droits en matière judiciaire. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NFP)
    Il aurait fallu également doter la police nationale d’un logiciel fonctionnel pour la rédaction des procédures pénales. Lors de l’examen du texte, nous avons d’ailleurs adopté un amendement qui prévoit la remise d’un rapport sur le sujet. Après huit ans de travail et 15 millions versés à CapGemini, la police n’a toujours pas de logiciel ! Nous aimerions bien savoir où est parti cet argent, ce qui en a été fait. C’est la raison pour laquelle je vous invite à cosigner notre proposition de résolution tendant à créer une commission d’enquête. (Mêmes mouvements.)
    Il aurait surtout fallu mettre des moyens dans la prévention. Toutes les personnes que j’ai auditionnées avec M. Ludovic Mendes dans le cadre du rapport d’information sur la lutte contre les trafics de stupéfiants, nous l’ont dit : on ne parviendra pas à faire reculer le trafic, les capitalistes de la drogue…

    M. Olivier Marleix

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    Ah !

    M. Antoine Léaument

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    … si l’on ne réduit pas le marché, c’est-à-dire la consommation. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NFP.) Pour cela, ce ne sont pas de mesures de répression qu’il faut prendre, mais des mesures de prévention et de soins pour éviter l’entrée dans la drogue, diminuer la consommation et permettre la sortie de la dépendance. (Mêmes mouvements.)

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Quelle naïveté coupable !

    M. Antoine Léaument

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    Enfin, il aurait fallu légaliser le cannabis –⁠ une question dont nous n’avons pu discuter – (Exclamations prolongées sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR) afin de priver les trafiquants d’une manne financière considérable (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP) mais aussi de libérer les services de police et de justice d’une charge de travail. Jusqu’ici, les moyens mis en œuvre visent uniquement à lutter contre les consommateurs, jamais contre la consommation ni contre les grands dealers.
    Monsieur Retailleau, votre bilan, comme on a pu le constater tout au long de l’examen du texte, c’est l’absence et l’inefficacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Anne Bergantz.

    Mme Anne Bergantz

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    Nous voici sur le point d’adopter définitivement les propositions de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic. Ces textes ont fait l’objet d’un accord quasi unanime en commission mixte paritaire, prouvant que nos différents groupes partagent la volonté de mieux lutter contre le fléau que représente, pour nos concitoyens, le narcotrafic.
    Car oui, ces propositions de loi doivent nous donner les moyens de répondre à la détresse des dizaines de milliers de Français qui subissent au quotidien, dans leur quartier, les effets collatéraux de ces trafics –⁠ jusqu’à la fermeture provisoire d’une école maternelle à Saint-Ouen, comme on l’a appris ces derniers jours.
    Ainsi, en tant que véritable état-major de la lutte contre la criminalité organisée, l’Ofast verra ses compétences renforcées afin de mieux coordonner les services de police, de douane et de renseignement. Le nouveau parquet national anti-criminalité organisée rendra notre système judiciaire plus résilient. Il assurera une spécialisation de toute la chaîne pénale, pour plus d’efficacité dans la résolution des dossiers liés au narcotrafic. De nouveaux outils d’enquête, tels que le renseignement algorithmique et l’activation à distance des appareils fixes et mobiles, permettront de repérer et de démanteler beaucoup plus facilement les réseaux de trafiquants.
    La protection des techniques d’enquête ainsi que des enquêteurs est également au cœur du texte, avec l’introduction du dossier coffre. Ce dernier inclura les éléments susceptibles de mettre en danger l’opérateur, tels que la date ou l’heure de pose du dispositif technique, sans pour autant porter atteinte de manière disproportionnée aux droits de la défense.
    De même, le statut des repentis évoluera vers un modèle plus attractif, proche de celui existant en Italie, qui a prouvé toute sa pertinence dans la lutte contre la mafia. En réduisant la peine de deux tiers ou en la ramenant à quinze ans dans le cas d’une réclusion à perpétuité, nous nous donnerons les moyens de faire coopérer les individus et d’obtenir les éléments nécessaires à l’avancement des enquêtes.
    La lutte contre le blanchiment d’argent connaîtra elle aussi une accélération pour soutenir notre ambition d’attaquer les narcotrafiquants là où ils sont très sensibles –⁠ sur leurs finances. Cela passera par l’introduction de divers leviers, de la fermeture administrative des commerces par le préfet à la restriction des paiements en liquide pour la location de voitures.
    Le groupe Les Démocrates s’est mobilisé pour enrichir ce texte dans un esprit de responsabilité. Nous avons notamment contribué à améliorer le renseignement face à l’entrée de stupéfiants dans les ports de plaisance –⁠ grâce à des amendements de notre collègue Olivier Falorni –, étendu les sanctions pour les détenus ou encore créé une circonstance aggravante contre les trafiquants qui exploitent des mules pour faire prospérer leur trafic.
    Ces propositions très concrètes permettront de lutter plus efficacement contre le trafic et d’améliorer la sécurité des Français qui y sont exposés. Au cours de nos débats, des craintes ont toutefois pu être exprimées quand à la conformité de certaines au principe de respect des libertés individuelles. Sur ce sujet, la démarche du Gouvernement a été exemplaire : chaque fois qu’un doute a été formulé, la saisine du Conseil d’État nous a permis de vérifier la constitutionnalité de l’article visé et d’en sécuriser la rédaction lorsque cela s’est avéré nécessaire.
    Nous avons aussi débattu de la faisabilité technique de certaines mesures. Je pense notamment à l’interception des données sur les messageries cryptées, initialement prévue à l’article 8 ter, pour laquelle les garanties d’une application sécurisée n’ont pu être démontrées. Il faut néanmoins continuer à creuser cette piste car l’interception des communications est nécessaire pour lutter efficacement contre les narcotrafiquants.
    Ceux-ci redoutent à l’évidence cette loi. Certains ont mené ces dernières semaines d’odieuses manœuvres d’intimidation. Partout en France, des agents pénitentiaires ont été pris pour cible : des voitures ont été incendiées, des noms ont été divulgués, des personnels ont été suivis à la sortie de leur lieu de travail jusqu’à leur domicile. Face à ces attaques, à ces menaces, le groupe Les Démocrates apporte son plein et entier soutien aux agents victimes ainsi qu’à l’ensemble de l’administration pénitentiaire, clairement visée. Dans ce contexte, nous saluons les amendements déposés par le Gouvernement qui visent à assurer l’anonymat des surveillants pénitentiaires. Ils complètent d’autres mesures déjà contenues dans le texte visant à renforcer leur sécurité.
    Plus largement, notre groupe condamne ces attaques intolérables. Soyons clairs : la République ne cédera rien face aux trafiquants. Nous le devons aux forces de l’ordre, aux magistrats, aux surveillants pénitenciers, aux douaniers, ainsi qu’à l’ensemble de nos concitoyens dont le quotidien est rendu invivable par les trafiquants.
    Le groupe Les Démocrates votera en faveur de ces deux textes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.

    Mme Agnès Firmin Le Bodo

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    Notre pays paie chaque jour le coût du narcotrafic. Ce coût est tout d’abord humain. Pensons à ces vies qui disparaissent injustement, victimes collatérales des règlements de comptes. Pensons à ces familles qui vivent dans des quartiers gangrenés par le narcotrafic, dont l’accès à l’espace public se réduit chaque jour : l’accès à l’école, aux soins ou encore aux loisirs s’en trouve directement affecté. La tranquillité, à laquelle aspirent légitimement nos concitoyens, se réduit comme une peau de chagrin, avec le sentiment que la République recule.
    Le coût est également économique. Europol estime que 86 % des réseaux criminels européens investissent et blanchissent leur argent dans l’économie légale. Sans réponse forte de l’État, ce sont autant de preuves qui disparaissent pour démanteler ces réseaux.
    Le coût est enfin politique, et même démocratique, comme une entorse faite à la promesse de la République. Le narcotrafic conduit en effet certains de nos concitoyens à faire un constat inacceptable pour les autorités publiques : le sentiment que l’État de droit recule.
    Regardons les choses en face : le coût du narcotrafic pour nos collectivités et notre pays augmente chaque jour. Selon la Cour des comptes, huit communes sur dix sont aujourd’hui touchées par les trafics de drogue. En 2016, elles étaient 54 %. Cette tendance à la hausse doit être prise avec le plus grand sérieux et conduire le législateur à investir une nouvelle fois le domaine pénal afin de renforcer les outils et moyens juridiques mis à disposition des magistrats, des forces de l’ordre, des agents pénitentiaires et des douaniers. Nous tenons à saluer ici solennellement leur mobilisation remarquable et à les en remercier. Sans eux, notre arsenal législatif se résumerait à des dispositions théoriques.
    Le groupe Horizons & indépendants veut réaffirmer son soutien plein et entier à l’administration pénitentiaire à la suite des intolérables actes d’intimidation dont ses agents ont été victimes. La réponse judiciaire devra être à la hauteur de ces attaques qui visent leur uniforme et, partant, la République.
    L’ensemble de ces constats peut conduire à une vision pessimiste de la lutte contre le narcotrafic. Parviendrons-nous à nos fins ? À cette question, il convient de répondre que nous n’avons pas perdu la guerre contre les narcotrafiquants. Toutefois, il nous faudra la gagner.
    Cette proposition de loi contient des dispositions majeures pour nous y aider. Je pense à la création des quartiers de lutte contre la criminalité organisée, qui renforcera l’étanchéité de l’emprisonnement des narcotrafiquants, à la possibilité de geler administrativement leurs avoirs ou encore à la réforme du statut des collaborateurs de justice.
    Le groupe Horizons & indépendants se félicite que la commission mixte paritaire ait été conclusive –⁠ je tiens à remercier les rapporteurs pour leur travail. Nous saluons le fait que le travail conduit avec les sénateurs ait permis de conserver les mesures les plus structurantes de cette proposition de loi, en rétablissant par ailleurs certains dispositifs majeurs en matière de lutte contre le blanchiment, comme l’interdiction du paiement en espèces de la location d’un véhicule.
    Enfin, l’inclusion des principes de proportionnalité et de subsidiarité dans le recours au dossier coffre va dans le bon sens, celui que notre groupe n’a cessé de rappeler au cours des débats : la nécessaire protection des techniques spéciales d’enquête, et des agents qui y ont recours, doit aller de pair avec le respect des droits de la défense.
    Rappelons également que les préfets peuvent contribuer à la lutte contre le blanchiment d’argent en décidant la fermeture administrative de certains commerces ou en aidant les bailleurs sociaux à procéder à des expulsions.
    L’élue portuaire que je suis n’oublie pas que les ports constituent, de façon majoritaire, un point d’entrée pour le trafic de drogue. À cet égard, les mesures prévues pour sécuriser les agents, les dockers et l’activité étaient nécessaires.
    Mon groupe tient toutefois à exprimer son regret s’agissant de la suppression, par la commission mixte paritaire, de l’article 9 ter. La création d’une infraction autonome en cas de trafic de stupéfiants commis avec une arme aurait permis de sanctionner plus sévèrement ces comportements, envoyant ainsi un signal de fermeté à l’égard de narcotrafiquants qui font un usage croissant d’armes de guerre.
    Nous ne répéterons jamais assez que la lutte contre le narcotrafic ne pourra atteindre les résultats escomptés si les moyens budgétaires accordés au système judiciaire ne lui permettent pas de mobiliser l’ensemble des outils à sa disposition.
    Ces deux propositions de loi vont dans le bon sens. Elles donneront à nos agents des moyens supplémentaires pour lutter efficacement contre le narcotrafic. Le Groupe Horizons & indépendants votera donc en faveur de ces deux textes. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR, sur quelques bancs du groupe DR ainsi que sur les bancs des commissions.)

    M. le président

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    La discussion générale commune est close.

    Texte de la commission mixte paritaire

    M. le président

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    J’appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire. Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d’abord appeler l’Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisi.
    La parole est à M. Bruno Retailleau, ministre d’État, pour soutenir l’amendement no 5.

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Cet amendement rédactionnel vise à garantir la constitutionnalité du texte.

    (L’amendement no 5, accepté par la commission, est adopté.)

    M. le président

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    Les amendements nos 2 et 1 du gouvernement sont défendus.

    (Les amendements nos 2 et 1, acceptés par la commission, sont successivement adoptés.)

    M. le président

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    La parole est à M. Gérald Darmanin, ministre d’État, pour soutenir l’amendement no 6.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    J’ai présenté tout à l’heure à la tribune ces dispositions très importantes qui visent à préserver l’anonymat des agents pénitentiaires. Il y a deux amendements : l’un traite du régime carcéral spécifique des prisons de haute sécurité –⁠ dispositions qui avaient été adoptées mais qui ont été, si j’ai bien compris, supprimées par erreur par la CMP ; l’autre vise à préserver l’anonymat de l’ensemble des agents pénitentiaires.

    (L’amendement no 6, accepté par la commission, modifiant l’article 15 bis B, est adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 9 de MM. les rapporteurs est défendu.

    (L’amendement no 9, accepté par le gouvernement, modifiant l’article 19, est adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 4 du gouvernement est défendu.

    (L’amendement no 4, accepté par la commission, modifiant l’article 22, est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Gérald Darmanin, ministre d’État, pour soutenir l’amendement no 7.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Il tend à préserver l’anonymat des agents pénitentiaires dans le cadre du régime carcéral spécifique des prisons de haute sécurité.

    (L’amendement no 7, accepté par la commission, modifiant l’article 23 quinquies, est adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 3 du gouvernement est de coordination.

    (L’amendement no 3, accepté par la commission, modifiant l’article 26, est adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 8 de MM. les rapporteurs est défendu.

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est le seul qui soit véritablement rédactionnel…

    (L’amendement no 8, accepté par le gouvernement, modifiant l’article 26, est adopté.)

    Vote sur l’ensemble de la proposition de loi

    M. le président

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    Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements adoptés par l’Assemblée.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        498
            Nombre de suffrages exprimés                464
            Majorité absolue                        233
                    Pour l’adoption                396
                    Contre                68

    (L’ensemble de la proposition de loi est adopté.)
    (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)

    Vote sur l’ensemble de la proposition de loi organique

    M. le président

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    Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi organique, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements adoptés par l’Assemblée.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        494
            Nombre de suffrages exprimés                485
            Majorité absolue                        243
                    Pour l’adoption                424
                    Contre                61

    (L’ensemble de la proposition de loi organique est adopté.)
    (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR ainsi que sur les bancs de la commission.)

    4. Débat sur le plan budgétaire et structurel à moyen terme

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle le débat sur le plan budgétaire et structurel à moyen terme.
    La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

    M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

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    J’ai l’honneur de vous présenter, aux côtés de Mme la ministre chargée des comptes publics, Amélie de Montchalin, l’état d’avancement de notre plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT). Ce PSMT permet d’établir une perspective sur plusieurs années, afin de proposer une trajectoire progressive et équilibrée, tout en étant soutenue et suivie.
    Sur le plan économique, nos prévisions de croissance ont été revues, dans un contexte géopolitique pour le moins tourmenté. Néanmoins, le scénario de croissance reste assez proche de celui retenu pour le projet de loi de finances (PLF) de janvier. Comme attendu, et comme le montrent les dernières enquêtes de conjoncture ainsi que la bonne tenue relative de la consommation des ménages, l’adoption du budget pour 2025 a permis de réduire l’incertitude qui pesait sur les acteurs économiques.
    Cependant, la forte dégradation de l’environnement international nous conduit à revoir à la baisse notre prévision de croissance pour 2025, en la fixant à 0,7 %, soit 0,2 point de moins que le scénario retenu pour le PLF, que nous avions déjà révisé au mois de janvier. C’est la conséquence de la politique tarifaire des États-Unis et, plus généralement, de l’aléa que provoque la nouvelle politique américaine.
    L’incertitude économique affecte également nos entreprises, dégradant non seulement leurs exportations, mais aussi le niveau de leurs investissements. Au total, l’environnement international aurait pour effet de réduire la croissance de 0,3 point, contre 0,1 point anticipé en janvier. Cette incertitude engendre également une aversion accrue au risque, qui a entraîné ces derniers temps des mouvements significatifs sur les bons du Trésor et sur l’écart de taux, souvent appelé spread, avec notre voisin allemand.
    S’agissant de nos finances publiques, notre trajectoire de dépenses primaires nettes a été amendée par rapport à celle présentée dans le PSMT d’octobre 2024. Il s’agissait de tenir compte de la cible de déficit du gouvernement pour 2025, qui a été revue, passant de 5 % à 5,4 %, ainsi que de la recommandation émise par le Conseil de l’Union européenne en janvier, qui était compatible avec cette nouvelle cible de déficit.
    Le nouveau cadre budgétaire européen a introduit un indicateur supplémentaire : le taux de croissance de la dépense primaire nette –⁠ hors charge de la dette. Ce nouvel outil est plus précis que l’indicateur traditionnel qu’est le déficit public, particulièrement sensible aux aléas de conjoncture.
    Ainsi, le taux de croissance cumulé de nos dépenses primaires nettes reste identique pour la période 2024-2029 à celui proposé dans le PSMT. En outre, en cumul sur 2024-2025, la dépense primaire nette croîtrait de 4,2 %, soit un niveau inférieur au maximum fixé par le Conseil, soit 4,6 %. La trajectoire prévue dans le nouveau cadre de gouvernance européen est donc bien suivie.
    C’est pourquoi nous réitérons notre engagement à faire passer le déficit sous la barre des 3 % en 2029 –⁠ ce que le premier ministre a appelé très justement, lors de la conférence nationale des finances publiques, le seuil d’indépendance.

    M. Emmanuel Maurel

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    Bah on n’y est pas !

    M. Éric Lombard, ministre

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    Pour satisfaire cet engagement, nous maintenons notre objectif de déficit de 4,6 % en 2026, comme nous nous y étions engagés à l’automne dernier. Nous faisons ce qu’il faut pour éviter le dépassement des dépenses. À cette fin, la ministre chargée du budget et moi avons présenté des mesures d’économie à hauteur de 5 milliards d’euros. Nous vous donnons rendez-vous en juin, ainsi qu’aux partenaires sociaux, pour un second comité d’alerte, où nous vous tiendrons informés de l’exécution du budget.
    Dans sa conférence de presse sur les finances publiques, le premier ministre a affirmé une nouvelle méthode, celle d’un dialogue poussé entre le gouvernement, la représentation nationale, la commission des finances, les représentants des élus et les partenaires sociaux. Cette méthode doit nous permettre de partager l’exigence de redressement des comptes publics et d’identifier ensemble les moyens de la réaliser.
    Le retour à un niveau de déficit satisfaisant est non seulement une priorité budgétaire, mais aussi une priorité politique, afin d’assurer notre crédibilité internationale et de garantir notre souveraineté. Il s’agit en outre de continuer à libérer l’investissement et de soutenir les entreprises, l’emploi et le développement de notre économie.
    Je vous remercie pour votre attention et écouterai avec intérêt vos interventions. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.

    Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics

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    Il y a trois mois, le Parlement a adopté le projet de loi de finances pour 2025, à l’issue d’un compromis trouvé en commission mixte paritaire. Ce compromis nous oblige à un suivi renforcé de l’exécution du budget, afin de respecter les équilibres financiers qui ont été trouvés par vous, parlementaires.
    Le premier objectif que nous devons tenir est celui de la cible de déficit, qui ne doit pas dépasser 5,4 % en 2025. Ce suivi est d’autant plus nécessaire que les aléas et les risques ont décuplé cette année, sous l’effet de la crise à la fois géopolitique et commerciale que nous traversons.

    Mme Marie Mesmeur

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    Et de sept ans de présidence Macron !

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    Dans le cadre du rapport annuel d’avancement, nous venons vous rendre compte du respect de la trajectoire de redressement des comptes publics, à commencer par la cible de déficit pour 2025. C’est aussi l’occasion pour nous de vous présenter les principes de la construction du budget pour 2026.
    Le rapport est divisé en deux volets : l’un porte sur le constat des aléas et des risques, l’autre sur les mesures de correction pour tenir la trajectoire. Tel est le sens de la méthode du « quoi qu’il arrive », exposée lors du premier comité d’alerte, il y a deux semaines. Ce comité a été l’occasion de présenter pour la première fois en toute transparence, dès le mois d’avril, les recettes, les dépenses et les risques auxquels nous faisons face, dans le cadre d’une discussion réunissant parlementaires, acteurs de la sécurité sociale, collectivités territoriales et partenaires sociaux.
    La loi de finances pour 2025 a engagé un effort courageux dans le sens du redressement de nos finances publiques, en s’appuyant sur ce budget de compromis. Comme le dit la Cour des comptes, l’objectif d’un déficit de 5,4 % est à la fois impératif, ambitieux et atteignable.
    Pour nous y tenir, nous avons instauré une gestion renforcée qui a donné lieu, dès la semaine dernière, à trois circulaires du premier ministre appelant à une stricte réduction des reports de crédits. Entre 2024 et 2025, ces derniers ont été réduits d’un tiers par rapport aux années précédentes. En particulier, s’agissant des ministères et du budget général, les montants ont été divisés par deux entre 2023-2024 et 2024-2025.
    Nous avons, avec le premier ministre, sanctuarisé au niveau interministériel une réserve de précaution de 8,7 milliards d’euros ; avec Catherine Vautrin, nous avons engagé une gestion prudentielle de l’Ondam, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, comprenant la mise en réserve inédite de 1,1 milliard. Nous avons entamé une démarche d’efficience hospitalière et un suivi resserré de la masse salariale. Face aux nouveaux aléas géopolitiques, économiques et financiers dont vient de vous parler Éric Lombard, il nous a néanmoins fallu, comme plusieurs économistes, revoir à la baisse la prévision de croissance pour 2025 : 0,7 % au lieu de 0,9 %. Nous avons donc établi, dès 2025, une marge de prudence de 5 milliards sur l’État ; elle ne dénature en rien votre budget de compromis,…

    M. Emmanuel Maurel

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    Bah non, ce n’est rien du tout !

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    …puisqu’elle représente 0,6 % des crédits ouverts par la loi de finances, ce qui rend l’effort tout à fait faisable.
    La moitié de ces 5 milliards correspond à l’annulation de crédits mis en réserve –⁠ le décret a été publié à la fin de la semaine dernière ; plus précisément, ce sont 3,1 milliards d’autorisations d’engagement et 2,7 milliards de crédits de paiement qui ont été annulés et ne seront donc pas consommés. Je le redis avec force : ces crédits proviennent essentiellement de la réserve de précaution initiale, dont le taux plein ne remet en cause ni la programmation ni les marges de manœuvre des ministères, puisque nous l’avons fixé, comme en 2024, à 5,5 %. En 2025, les ministères avaient d’emblée reçu de notre part, puis de celle du premier ministre, la consigne renforcée de ne pas programmer en début de gestion l’utilisation de leur réserve, devenue interministérielle. Ainsi anticipée, l’annulation nous permet de piloter notre dépense et de la maintenir dans la cible.
    L’autre moitié de l’effort de maîtrise consiste en un surgel ciblé de crédits. Il a abouti en début de semaine : 2,8 milliards ont ainsi été mis de côté, en vue de reconstituer la réserve initiale. Ces crédits devront pouvoir être annulés d’ici à la fin de l’année ; ils serviront si l’économie venait à ralentir davantage, ou si surgissaient de nouveaux risques ayant trait à la dépense. Nous nous sommes engagés à consacrer au suivi de l’exécution un deuxième point d’étape, fin juin, lors d’un nouveau comité d’alerte ; comme la première fois, si les aléas se transforment en risques, nous prendrons toutes les mesures nécessaires au maintien des équilibres de la loi de finances initiale.
    J’en viens aux orientations du budget pour 2026, présentées le 15 avril par le premier ministre. Pour lui, comme pour Éric Lombard et moi, le prérequis consiste à respecter le budget issu du compromis parlementaire trouvé cet hiver,…

    M. Emmanuel Maurel

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    Oui, ça se voit !

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    …condition indispensable à ce que nous puissions parvenir à un nouveau compromis cet automne.

    M. Emmanuel Maurel

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    Que de compromis…

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    Le premier principe que nous voudrions partager avec vous et que, je crois, tous les Français comprennent…

    M. Aurélien Le Coq

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    Pas sûr !

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    …réside dans la maîtrise de nos dépenses, en particulier dans le fait que les dépenses de fonctionnement ne doivent pas progresser plus vite que l’économie : mécaniquement, si leur hausse dépasse la croissance, elle grève le déficit public. Cette logique s’applique à l’État comme à la sécurité sociale et aux collectivités territoriales.
    Deuxième principe, l’attribution des subventions publiques est trop souvent perçue comme un droit acquis par de nombreux acteurs. D’ailleurs, le plus clair des dépenses de l’État sont désormais des dépenses dites d’intervention, c’est-à-dire des subventions –⁠ aux ménages, aux entreprises,…

    M. Emmanuel Maurel

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    Surtout aux entreprises !

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    …aux associations, aux collectivités. Du coup, elles ont très souvent perdu leur effet déclencheur, ce qui accroît les effets d’aubaine et réduit l’efficacité de la dépense publique.

    M. Pierre Cordier

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    Si vous n’aviez pas supprimé la taxe d’habitation…

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    Plutôt que de se réduire à un guichet, l’État doit planifier et agir ; c’est pourquoi l’exercice, annoncé par le premier ministre, de refondation de l’action publique nous conduira à réévaluer l’action de l’État, son organisation, ses intentions, ainsi que celles de ses opérateurs et agences.
    Troisième principe : le redressement économique exige que soient dépassés les intérêts particuliers qui freinent l’action politique.

    M. Emmanuel Maurel

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    Ceux des actionnaires ?

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    Il convient que nos choix budgétaires reflètent des objectifs politiques clairs et concourent à l’intérêt général, qui doit prévaloir sur les intérêts particuliers. Il faut que nous acceptions que des décisions qui conduiraient à des pertes à court terme pour certaines catégories mais qui pourraient engendrer de la croissance, donc des gains pour des millions de Français, puissent être prises collectivement et assumées, en toute responsabilité.

    M. Aurélien Le Coq et M. Emmanuel Maurel

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    Ça, ce n’est pas très clair !

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    Quatrième principe : nous devons mettre un terme aux dépenses que rien ne justifie plus. Les crises liées au covid et à l’inflation sont désormais derrière nous ; les mesures qui avaient été prises pour les surmonter et qui ont, j’y insiste, été utiles, n’ont plus de raison d’être.

    M. Emmanuel Maurel

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    La crise sociale, elle, persiste !

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    S’y ajoutent les coûts engendrés par la redondance, l’enchevêtrement des compétences et des responsabilités au sein d’une organisation de l’État que nous savons beaucoup trop complexe.
    Il faut mettre fin aux arrêts maladie… (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)

    M. Aurélien Le Coq

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    Il faut moins de malades ?

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    …–⁠ leur nombre a augmenté de 25 % depuis 2021 – quand ils ne sont pas justifiés ou résultent de dérives ou de fraudes.

    Mme Marie Mesmeur

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    Faut-il justifier d’être malade ?

    M. Aurélien Le Coq

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    Et vous comptez mettre les gens en garde à vue ?

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    Bien sûr, ils pourront continuer à être délivrés aux personnes qui en ont besoin.

    Mme Marie Mesmeur

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    Oh ! Merci !

    M. Aurélien Le Coq

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    Pour obtenir un arrêt maladie, il faut être malade !

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    Ces arrêts témoignent de la solidarité nationale ; néanmoins, la fraude n’a pas sa place dans notre pays.
    Enfin, nous ferons tout notre possible pour rendre transparents le coût et la valeur des services publics, trop souvent méconnus de nos concitoyens.
    Pour conclure, deux lignes directrices guident notre action : tenir les objectifs inscrits dans la loi de finances initiale et fixer ensemble les conditions d’un retour sous les 3 % de déficit à l’horizon 2029. Je vous ai parlé de la réduction des dépenses publiques ; c’est là notre priorité, notre levier. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.) Je vous avais dit, dès le début de l’examen du budget, que la hausse des impôts des classes moyennes et populaires n’était pas notre boussole ; nous ne les avons pas augmentés en 2025, nous ne le ferons pas en 2026.

    M. Aurélien Le Coq

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    Les impôts des classes moyennes ont augmenté, ceux des riches ont baissé !

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    En parallèle de ces objectifs, nous avons une méthode, qui consiste à faire toute la lumière sur nos dépenses et nos recettes, en y associant les parties prenantes, à commencer par vous, mesdames et messieurs les députés : votre prérogative démocratique, celle d’évaluer l’action du gouvernement…

    M. Jean-François Coulomme

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    Vous, vous la dévaluez, c’est sûr !

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    …et, plus largement, l’efficacité de la dépense publique, est en effet primordiale. J’espère que cet enjeu majeur du Printemps de l’évaluation fera l’objet d’un débat nourri et nous permettra, à partir de vos propositions, de réduire nos dépenses tout en accroissant leur efficacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)

    Mme Marie Mesmeur

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    Taxez les riches, pas les malades !

    M. le président

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    La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

    Mme Marie Mesmeur

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    Ah ! On va changer de discours !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    On nous propose de débattre du plan budgétaire et structurel à moyen terme, qui remplace le programme de stabilité (PSTAB). Je ne m’appesantirai pas sur ce document, pour une raison simple : une note de l’association Finances publiques et économie (Fipeco) confirme que depuis 2017, aucune trajectoire établie par un document de ce type n’a été respectée au-delà de la deuxième année –⁠ et si ces trajectoires font fausse route, c’est parce que votre politique fait fausse route. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    La politique de l’offre et de la compétitivité était censée favoriser notre économie à force d’attirer les capitaux, de réduire le prix du travail ; sauf le doublement des dividendes, elle n’a atteint aucun de ses objectifs. Vous pensiez réindustrialiser : vous avez poursuivi la désindustrialisation du pays ; la part de l’industrie dans l’emploi salarié privé a encore baissé, les plans de licenciement dans les secteurs chimique et sidérurgique font craindre le pire. Vous pensiez en finir avec le chômage : selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), il atteindra 7,9 % à la fin de l’année. Vous pensiez relancer l’activité : depuis 2019, selon la Banque de France, la productivité a dévissé de 8,5 %, et la croissance poursuit sa baisse. Vous aviez fait de la réduction du déficit votre principal objectif : les comptes publics ont sombré. D’une note de Fipeco parue hier, il ressort non seulement que la France accuse le premier déficit public de la zone euro, mais aussi qu’elle est l’un des deux seuls grands États membres chez qui ce déficit s’explique par la baisse –⁠ 3 % du PIB depuis 2017 – des recettes publiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)

    M. Jean-François Coulomme

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    Eh oui ! Il faut tout vous dire !

    Mme Marie Mesmeur

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    Le problème, c’est qu’ils n’écoutent pas !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Or vous vous acharnez sur les dépenses, qui, au cours de la même période, ont déjà diminué de 0,6 % ! Cette baisse des recettes, c’est l’arme du crime, que vous vous obstinez à cacher.
    Face à ce constat, que fait le gouvernement ? Sans vote de l’Assemblée, il a aggravé les réductions de dépenses prévues par un budget pour 2025 déjà austéritaire et imposé par 49.3. Sans vote de l’Assemblée, il annule 3,1 milliards d’euros de crédits mis en réserve. Sans vote de l’Assemblée, il en gèle 7 milliards de plus ; or le gel est l’antichambre de l’annulation : cet argent, les services publics ne pourront pas y toucher et l’on nous expliquera, à la fin de l’année, qu’ils n’en avaient pas besoin. Je ne crois pas, madame la ministre, qu’il existe des mises en réserve indolores.
    Une annulation de 3,1 milliards, qu’est-ce que cela signifie ? Ce sont 133,7 millions de moins pour l’aide publique au développement, soit une baisse totale de presque 30 % ; 241 millions de moins pour l’écologie, soit une baisse totale de 20 % hors dépenses obligatoires ; 386,7 millions de moins pour la recherche et l’enseignement supérieur, soit une baisse totale de 1,9 milliard.

    Mme Marie Mesmeur

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    On coupe dans les crédits de la recherche : la honte !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Ainsi, le gouvernement esquive le Parlement et, soustrait à tout contrôle, accentue l’austérité.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    C’est la loi !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Couper dans les dépenses publiques revient à couper dans l’économie. En octobre dernier, l’OFCE estimait l’effet récessif du premier budget Barnier à 0,5 % de croissance, soit près de 8 milliards de recettes fiscales en moins ; pourtant, vous poursuivez dans cette voie et, par ces coupes décidées par décret, vous persistez à soigner le mal par le mal. Le vrai comité d’alerte, madame la ministre, c’est notre assemblée, laquelle doit pouvoir se prononcer au sujet de ces modifications budgétaires, y compris en proposant de nouvelles recettes. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) Je réclame donc, pour le printemps ou le début de l’été, un projet de loi de finances rectificative. (Mêmes mouvements.)

    Mme Marie Mesmeur

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    Bravo !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Voilà pour l’année en cours. S’agissant de 2026, le gouvernement promet 40 milliards d’économies supplémentaires, à l’effet récessif assuré, tout en s’abstenant une fois de plus de toucher au coût exorbitant du capital. Faire des économies en s’attaquant aux niches fiscales, soit –⁠ mais il ne faut pas que ce soit un leurre. Concentrez vos efforts sur les plus importantes de ces niches, les mêmes qui profitent aux privilégiés : le crédit d’impôt recherche, critiqué par la Cour des comptes, dont les 7 milliards profitent surtout aux grandes entreprises ; le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile, soit 6 milliards, dont la moitié, selon Attac, va aux riches qui emploient des domestiques. Faire contribuer les retraités…

    Mme Marie Mesmeur

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    Et les malades aussi ! La honte !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    …en leur retirant l’abattement fiscal de 10 % ? Vous allez taper sur la consommation populaire. Les retraités ne sont pas des privilégiés : selon l’Insee, leur niveau de vie est proche de celui de la population générale, et même inférieur passé 80 ans. Faire payer les collectivités territoriales ? Elles assument, hors défense, 70 % de l’investissement public. (Mme Marie Mesmeur applaudit.) Restons sérieux !
    Mesdames et messieurs les membres du gouvernement, chers collègues, alors que le monde capitaliste quitte l’ère du libre-échange pour un dangereux affrontement commercial entre blocs politico-économiques, vous comptez affronter ce tsunami sans changer de barque ni de rames. J’en appelle à la raison. (Exclamations sur quelques bancs du groupe EPR.) Il faut accorder la priorité aux besoins des populations. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une politique de relance, de soutien, d’investissement public massif, obéissant à une planification écologique, favorisant la souveraineté industrielle et agricole par un protectionnisme solidaire (Mêmes mouvements), y compris en recourant, dans les secteurs stratégiques, à l’arme de la nationalisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Cela nécessite un changement radical ; continuer, surtout dans la période actuelle, de rafistoler la politique d’offre, de compétitivité, d’austérité, c’est risquer de faire décrocher un peu plus le pays, voire de l’entraîner dans une spirale économique et sociale infernale. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)

    M. Jean-François Coulomme

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    Écoutez le replay !

    Mme Marie Mesmeur

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    Il faut taxer les riches, pas les retraités ni les malades !

    M. le président

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    La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

    M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales

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    En 2024, le déficit de la sécurité sociale s’élevait à 15 milliards d’euros ; les prévisions pour 2025 vont de 22 à 24 milliards. Si l’on excepte 2020, l’année de la pandémie, il atteint donc un niveau inédit depuis quinze ans. Ces chiffres nous rappellent à la fois l’urgence d’agir et la responsabilité qui nous incombe collectivement de réduire nos déficits, ainsi que notre dette sociale. Certes, les budgets que nous avons adoptés pour 2025 comportent des mesures en ce sens, avec un objectif insuffisant mais réaliste : réduire le déficit public à 5,4 % du PIB. Toutefois, force est de constater que ces efforts ne seront pas à la hauteur des enjeux.
    La situation financière du pays doit constituer une préoccupation majeure : il y va non seulement de notre souveraineté, mais aussi de la préservation de notre modèle social. Il convient par conséquent d’adopter une démarche résolument réformiste.
    Dans un contexte international de plus en plus pesant, notre système social, auquel les Français sont si attachés, est menacé. Si nous voulons le pérenniser, nous devons continuer à consolider les fondamentaux de notre économie, c’est-à-dire à soutenir l’emploi : plus de travail, ce sont plus de recettes pour le système social. Il importe que l’objectif du plein emploi soit réaffirmé avec force…

    M. Thibault Bazin, rapporteur général de la commission des affaires sociales

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    Il a raison !

    M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales

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    …et les réformes de l’assurance chômage et du marché du travail sont à poursuivre.
    Les freins à la création et au développement des entreprises doivent être levés. Il convient d’assouplir les contraintes qui pèsent sur l’économie et de faciliter la création d’emplois en allant au-delà des seules dispositions du projet de loi de simplification de la vie économique en cours d’examen.
    Afin d’assurer la pérennité de notre modèle social, il est urgent d’engager des réformes structurelles et de changer d’outils de pilotage.
    Il convient de remédier à la crise du financement de l’hôpital, d’améliorer l’accès aux soins, de pérenniser notre système de retraite, de financer le grand âge. Sur ces sujets comme sur d’autres, nous n’avons plus le temps de tergiverser.
    L’Ondam, outil de pilotage des dépenses de santé inventé il y a près de trente ans, n’est plus adapté à nos besoins. La logique d’enveloppe fermée et ses rigidités ne favorisent pas les coopérations entre le public et le privé. La tarification à l’activité (T2A) dans le secteur médical a montré ses limites. Le modèle de financement de l’innovation en matière de santé n’est plus adapté aux besoins alors qu’il s’agit pourtant d’un enjeu stratégique majeur.
    De même, les lois de financement de la sécurité sociale ne sont plus adaptées aux enjeux cruciaux auxquels nous devons faire face. Pour le système de santé, où les dépenses inutiles ou redondantes représentent jusqu’à 20 % des dépenses totales, il serait plus pertinent de voter une loi de programmation annuelle des dépenses qui donnerait à l’ensemble des acteurs, publics comme privés, la lisibilité nécessaire et la confiance qui leur est due.

    M. Thibault Bazin, rapporteur général de la commission des affaires sociales

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    Il a raison !

    M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales

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    Lors de sa déclaration de politique générale, le premier ministre s’est engagé en ce sens. Nous sommes nombreux dans l’hémicycle à soutenir cette démarche et à attendre avec impatience le début des travaux en vue de bâtir une telle loi. Sera-t-elle prête pour 2026 ? Je ne le sais pas, mais je le souhaite. Il est temps de passer aux travaux pratiques.
    Nous devons préparer la France aux enjeux à venir : le vieillissement de la population, les défis en matière de santé, la solidarité intergénérationnelle. Pour cela, nous avons besoin d’une méthode lucide, efficace, transparente et juste. L’efficience et le pragmatisme doivent être nos boussoles et guider notre action.
    Plutôt que de prendre des mesures cosmétiques et céder aux effets d’annonce, nous devons transformer progressivement notre modèle et construire des solutions avec les professionnels de santé. Alors que notre système de soins est marqué par une pénurie de médecins et de soignants, il est impératif de veiller à travailler ensemble aux réponses à apporter.
    Je vous invite, monsieur le ministre, madame la ministre, à vous appuyer sur l’expertise de la représentation nationale, notamment sur celle des commissaires aux affaires sociales.

    M. Thibault Bazin, rapporteur général de la commission des affaires sociales

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    Très bien !

    M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales

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    Les rapports d’information ne manquent pas de propositions concrètes sur des sujets essentiels tels que la santé mentale, les urgences psychiatriques, la gestion de la dette sociale, les congés parentaux ou encore l’allocation sociale unique. Je ne doute pas que ces travaux nourriront vos réflexions et que nous pourrons avancer ensemble sur la voie de ces réformes de structure si souvent évoquées mais jusqu’à présent rarement concrétisées. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

    M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    Dans le cadre de ce débat sur le premier rapport d’avancement annuel du PSMT, je souhaiterais mettre l’accent sur quelques points.
    Premièrement, du fait des erreurs de prévision considérables constatées en 2023 et en 2024,…

    M. Pierre Cordier

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    Eh oui !

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    …les hypothèses macroéconomiques qui sous-tendent le rapport d’avancement annuel doivent être accueillies avec la plus grande prudence, en particulier dans un contexte international incertain.
    La prévision de croissance pour l’année 2025 a déjà été revue à la baisse par le gouvernement, passant de 1,1 % en octobre 2024 à 0,9 % en janvier 2025. Le rapport d’avancement annuel retient, quant à lui, une prévision de croissance abaissée à 0,7 %, afin notamment de tenir compte des conséquences des mesures douanières américaines. Cependant, les aléas sont encore nombreux et l’hypothèse gouvernementale d’une reprise de la consommation privée et d’un repli du taux d’épargne des ménages en 2025 me semble optimiste.
    À mon sens, Bercy doit revoir le modèle économique keynésien qu’il utilise depuis des décennies et reconsidérer la thèse selon laquelle le taux d’épargne aurait vocation à retrouver son niveau antérieur à la crise du covid, soit 14,5 %. En effet, dans les enquêtes de conjoncture menées auprès des ménages, les opinions favorables quant à l’opportunité d’épargner ont atteint leur plus haut niveau au mois de février 2025.
    Il me semble en outre que la prévision de croissance pour l’année 2026, fixée à 1,2 %, est très volontariste –⁠ le Haut Conseil des finances publiques a également souligné ce point. Pourtant, un ajustement structurel considérable de 0,9 point de PIB est prévu pour cette même année 2026. Un tel ajustement aura forcément des effets récessifs ; on peine à croire qu’ils puissent être compensés à due concurrence par la reprise de la demande privée. Je signale d’ailleurs que le gouvernement, interrogé par mes soins, tire argument du flou qu’il maintient lui-même sur les modalités précises de l’ajustement structurel pour refuser de quantifier l’ordre de grandeur de ses effets récessifs.
    Deuxièmement, le rapport anticipe une forte hausse des prélèvements obligatoires pour l’année 2025, de l’ordre de près de 50 milliards d’euros. Le niveau des prélèvements obligatoires atteindrait ainsi un montant de 1 310 milliards d’euros en 2025 contre 1 251 milliards en 2024. Cela montre que l’effort de réduction du déficit réalisé en 2025 repose essentiellement sur une hausse des recettes et non sur une baisse des dépenses.
    Le taux de prélèvements obligatoires rapporté à la richesse nationale passe de 42,8 % en 2024 à 43,5 % en 2025, alors que le poids des dépenses publiques passe de 56,4 % à 56,7 %. Cela correspond donc à une hausse des recettes de 0,7 point et à une hausse des dépenses de 0,3 point. On est loin d’une politique d’austérité !
    Selon la ventilation transmise par le gouvernement, sur les 50 milliards d’euros de mesures de redressement prévues pour l’année 2025, seuls 26,9 milliards porteraient sur les dépenses ; sur cette somme, 20 milliards correspondraient à des mesures d’économie par rapport à une évolution tendancielle –⁠ concept qui, de l’avis de tous, mériterait d’être clarifié.
    La prévision d’augmentation de 2 % des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales en 2025 me semble optimiste, particulièrement en l’absence de mécanismes contraignants, dans la mesure où elles ont augmenté de 3,9 % en 2024. Il en est de même pour les dépenses d’assurance maladie : une évolution de 3,4 % de l’Ondam en 2025 paraît irréaliste.
    Après les fortes déconvenues des deux dernières années s’agissant des prévisions de recettes, les prévisions pour 2025, si elles sont moins irréalistes, semblent encore trop optimistes. Je m’interroge notamment sur l’augmentation attendue du rendement de l’impôt sur le revenu. Est-il bien raisonnable d’anticiper un rendement supérieur de 7,4 milliards d’euros à celui de l’année 2024, soit une hausse de 8,4 % ?
    Troisièmement –⁠ c’est le point le plus important –, je m’interroge sur la crédibilité de la trajectoire de déficit fixée par le rapport d’avancement annuel. Cette trajectoire suppose un ajustement structurel considérable, de 0,8 point de PIB par an en moyenne sur la période 2025-2029, dont 0,9 point en 2026.
    Selon le rapport d’avancement annuel, la cible d’un déficit de 4,6 % en 2026 correspond à un effort d’au moins 40 milliards d’euros par rapport à la croissance tendancielle de la dépense. Le retour à un déficit inférieur à 3 % en 2029 imposerait un effort cumulé de 110 milliards d’euros sur la période 2026-2029. Pourtant, les modalités de cet ajustement ne sont pas détaillées dans le rapport ; nous sommes invités à attendre patiemment l’automne pour prendre connaissance des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2026. Or les trajectoires de déficit et de dette affichées dans les précédents programmes de stabilité et les lois de programmation ont été démenties en quelques mois, ce qui sape notre crédibilité auprès de nos partenaires européens.
    Le rapport de la commission des finances exerçant les prérogatives d’une commission d’enquête afin d’étudier et de rechercher les causes de la variation et des écarts des prévisions fiscales et budgétaires des administrations publiques pour les années 2023 et 2024 a d’ailleurs souligné le caractère très volontariste des prévisions faites dans le cadre des exercices de programmation européenne, l’objectif étant d’afficher un retour du déficit sous le seuil de 3 % du PIB à un horizon proche. Nous ne devons pas reproduire les mêmes erreurs. Il importe d’afficher des objectifs étayés et atteignables, en se fondant sur des mesures documentées.

    M. Pierre Cordier

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    C’est vrai !

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    Madame la ministre, monsieur le ministre, pourriez-vous détailler les mesures envisagées par le gouvernement pour tenir la trajectoire présentée, en particulier s’agissant de l’année 2026 ?

    M. le président

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    Merci de conclure, monsieur le rapporteur général.

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    En conclusion, je tiens à rappeler que nous connaissons une très forte dégradation de la trajectoire de la dette publique. Je ne citerai qu’un chiffre : la charge de la dette devrait s’élever à 66 milliards d’euros en 2025, et augmentera en moyenne de 10 milliards d’euros par an jusqu’en 2029, où elle atteindra 108 milliards d’euros. Cette hausse continue des charges d’intérêts de la dette ne peut que nous inciter à définir une stratégie cohérente de réduction du déficit public afin de retrouver des marges de manœuvre dans nos choix de politiques publiques.

    M. le président

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    Chers collègues, je vous invite à respecter vos temps de parole, d’autant que, comme nous ne pourrons pas poursuivre ce débat ce soir, nous allons devoir prolonger la séance au-delà de vingt heures.
    La parole est à M. Thibault Bazin, rapporteur général de la commission des affaires sociales.

    M. Thibault Bazin, rapporteur général de la commission des affaires sociales

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    Nous sommes réunis pour débattre du rapport d’avancement annuel pour l’année 2025 dans le cadre du suivi du plan budgétaire et structurel à moyen terme que le gouvernement a envoyé à la Commission européenne en octobre 2024 et que cette dernière a validé en janvier dernier.
    En seulement deux mois, plusieurs modifications importantes ont été apportées aux prévisions macroéconomiques.
    D’abord, la croissance prévisionnelle pour l’année 2025 est révisée à la baisse : elle ne serait que de 0,7 %, contre les 0,9 % figurant dans les textes budgétaires adoptés définitivement en février dernier. Lors de l’examen en nouvelle lecture du budget de la sécurité sociale pour 2025, et alors que je venais d’être élu rapporteur général de la commission des affaires sociales, j’avais déjà fait part de mes inquiétudes quant au caractère très optimiste des prévisions de croissance alors même qu’elles avaient déjà été abaissées par rapport aux prévisions initiales d’octobre 2024. Deux mois après, ces inquiétudes se matérialisent. La prévision de 0,7 % n’est pas hors d’atteinte, mais elle est sujette à de nombreux risques à la baisse, pour reprendre les termes du Haut Conseil des finances publiques. Elle dépasse légèrement le consensus des économistes.
    L’autre indicateur qui appelle mon attention en tant que rapporteur général de la commission des affaires sociales est la prévision de croissance de la masse salariale, sur laquelle reposent encore très largement les recettes de la sécurité sociale. Elle aussi est révisée à la baisse : elle ne serait que de 1,9 %, contre 2,5 % en janvier dernier. Selon vous, cette baisse, importante, est imputable à la fois à la baisse de l’emploi et à la moindre croissance du salaire moyen par tête. Il s’agit d’une source de préoccupation, puisqu’elle traduit un ralentissement économique. Là encore, le Haut Conseil des finances publiques juge que cette prévision, bien que revue à la baisse, est un peu optimiste.
    L’une des particularités du nouveau cadre budgétaire européen est que le rapport dont nous débattons aujourd’hui ne comporte plus, s’agissant des années à venir, d’éléments aussi détaillés que ceux qui étaient inclus dans les anciens programmes de stabilité. Il était certes important de crédibiliser les objectifs de finances publiques contenus dans les programmes de stabilité, lesquels étaient bien trop souvent modifiés en cours de période pour entériner les déviations constatées par rapport à la trajectoire initiale. Toutefois, je regrette que cela conduise à réduire la visibilité du Parlement sur les mesures envisagées par le gouvernement pour atteindre ses objectifs et, le cas échéant, pour rectifier le tir.
    Qu’en est-il de la trajectoire des finances sociales ? Nous entamons l’année avec une relative bonne nouvelle concernant les comptes de la sécurité sociale pour l’année 2024. Le déficit constaté ne serait « que » de 15,3 milliards d’euros, contre 18,2 milliards projetés au moment de l’adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. Cela représente toutefois une dégradation du déficit de près de 5 milliards d’euros par rapport à l’exercice 2023.
    En prenant en considération un champ plus large que le seul projet de loi de financement de la sécurité sociale, les administrations de sécurité sociale resteraient en très léger excédent, malgré une dégradation de près de 10 milliards d’euros du solde entre 2023 et 2024. Cet excédent intègre les 15,6 milliards affectés au remboursement de la dette sociale reprise par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades). Je ne reviens pas sur le sujet, puisque nous aurons l’occasion d’en débattre lors de l’examen du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2024.
    La croissance attendue des dépenses en volume serait de 1,6 %, contre 3,6 % en 2024, notamment du fait d’un ralentissement des revalorisations de prestations sociales, conséquence mécanique de la réduction de l’inflation.
    Je note que ces prévisions intègrent la fraction du montant de l’Ondam mise chaque année en réserve, qui s’élève à 1,1 milliard d’euros pour 2025. Je profite de cette tribune pour faire mien l’avis du Haut Conseil des finances publiques, qui regrette que les économies sous-jacentes à la trajectoire de l’Ondam ne soient pas entièrement documentées.
    Vous souhaitez associer davantage le Parlement à l’élaboration des textes financiers. C’est entendu : nous y sommes prêts, car cela relève de notre responsabilité. Nous le devons à nos concitoyens.

    M. Pierre Cordier

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    Très bien !

    M. Thibault Bazin, rapporteur général

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    Cela nécessite toutefois une transparence du gouvernement et de ses administrations concernant à la fois la situation réelle des finances publiques –⁠ vous y avez contribué, madame la ministre, depuis votre nomination – et la documentation des mesures envisagées pour réaliser les économies affichées. Une meilleure implication de la représentation nationale –⁠ qui est en prise avec les réalités des territoires – en amont de l’élaboration des textes financiers renforcera assurément l’acceptabilité des mesures que nous devons prendre pour aboutir au nécessaire redressement de nos comptes sociaux.
    Je crois pour ma part que nous devons agir avec vigueur sur plusieurs chantiers : l’amélioration de l’efficacité de nos dépenses sociales, la priorisation des dépenses à financer au titre de la protection sociale, l’amélioration du taux d’emploi, la lutte contre les fraudes sociales, la simplification des aides et le plafonnement du cumul des aides non contributives pour que le travail soit plus attractif. Ce sont des chantiers exigeants mais nécessaires. Je suis prêt à prendre toute ma part dans ces travaux. Il y a urgence à s’y atteler ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes

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    J’ai lu et écouté avec beaucoup d’intérêt la priorité donnée par le gouvernement à la réduction du déficit public. C’est évidemment un objectif prioritaire, voire vital, pour la nation, afin de dégager des marges de manœuvre pour renforcer la résilience de notre modèle social, soutenir les transitions écologique et numérique, et répondre aux besoins de défense dans un contexte géopolitique tendu. Elle va de pair avec la poursuite des réformes structurelles, comme l’a souligné le rapporteur général de la commission des affaires sociales, en vue d’améliorer l’efficacité de la dépense publique, de transformer durablement notre économie et d’accroître le taux d’emploi pour combler notre retard par rapport à nos concurrents.
    Ce débat est essentiel car nous vivons un moment de vérité. Un choix crucial s’offre à nous aujourd’hui : soit nous nous montrons en mesure de rétablir rapidement nos finances publiques afin de garder le contrôle de notre destin, soit nous n’y arrivons pas et alors nous subirons avec encore plus de violence les fracas de ce monde. Nous le savons, un pays qui vit aux crochets de ses créanciers n’est plus un pays entièrement souverain, capable de faire des choix pour lui-même et par lui-même, et d’impulser les bons changements en Europe. C’est pourquoi nous n’avons pas d’autre choix –⁠ vous n’avez pas d’autre choix, monsieur le ministre, madame la ministre – que de décider d’actions courageuses dès le prochain budget et de mener des réformes structurelles dans les semaines et les mois à venir.
    À ce contexte franco-français s’ajoute le contexte international que vous évoquiez, monsieur le ministre, en préambule : celui-ci exige de retrouver la maîtrise de nos dépenses publiques et d’avoir une trajectoire budgétaire conforme à nos engagements européens, de manière à garantir notre souveraineté, notre rôle moteur au sein de l’Union, ainsi que notre capacité à faire face aux défis futurs. Ce contexte nous impose de mettre fin à nos dépendances, de nous protéger et d’accélérer la construction d’une Europe qui soit une véritable puissance économique, financière, commerciale –⁠ elle ne l’est pas encore tout à fait aujourd’hui.
    Ouvrons les yeux : autour de nous, les menaces se multiplient. Le président Trump organise le chaos économique et commercial, ce qui a des conséquences lourdes sur notre économie et notre croissance –⁠ vous l’avez rappelé à l’instant. La Russie poursuit sa guerre hybride, qui déstabilise notre économie. La Chine, quant à elle, mène une guerre économique contre nos entreprises –⁠ les mesures que vous avez annoncées ce matin sur les colis en provenance de Chine vont dans le bon sens.
    C’est pourquoi nous devons continuer d’agir avec nos partenaires européens pour que, comme l’a souligné le gouverneur de la Banque de France, les années Trump aux États-Unis soient les années de la souveraineté économique et financière en Europe. Cela passe évidemment par un désendettement, mais aussi par un véritable agenda de compétitivité à vingt-sept.
    L’Europe a beaucoup fait ces dernières années pour avancer et se réformer, notamment autour de l’agenda de Versailles défendu par le président de la République, mais il nous faut mettre les bouchées doubles si nous voulons éviter un décrochage durable par rapport aux États-Unis et à la Chine. Les rapports de Mario Draghi et d’Enrico Letta l’ont montré très clairement : en vingt-cinq ans, le PIB par habitant américain a cru deux fois plus vite que le PIB par habitant européen.

    M. Emmanuel Maurel

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    Ces rapports disent qu’il faut investir, et massivement !

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes

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    Cette situation est due au manque d’investissement des pays européens, dont la France, dans les technologies d’avenir : les technologies vertes, l’intelligence artificielle et l’industrie de défense –⁠ en somme, tout ce qui va faire la richesse, la prospérité et l’indépendance de nos économies dans ce siècle.
    Il faut reconnaître qu’en l’espace de quelques mois –⁠ depuis plusieurs années à l’initiative du président de la République –, l’Europe a beaucoup changé. La nouvelle Commission a cassé certains dogmes : elle a appliqué la préférence européenne dans les marchés, a lancé, avec la directive omnibus, le plus grand exercice de simplification jamais entrepris, a donné la priorité aux secteurs stratégiques de notre industrie ; surtout, elle a gravé dans la loi l’idée que décarboner et réindustrialiser vont de pair. Les tabous se brisent au niveau européen ; une fenêtre d’opportunité s’ouvre pour construire l’Europe puissance que j’appelais de mes vœux –⁠ à nous de ne pas la manquer.
    Nous sommes au début du chemin. Simplifier est une exigence, mais il faudra aussi conduire une politique commerciale d’une autre nature ainsi qu’une véritable politique industrielle et d’innovation –⁠ nous devons aller beaucoup plus loin dans les domaines clés que j’évoquais à l’instant.

    M. Emmanuel Maurel

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    Il serait temps !

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes

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    Le dernier axe de cette stratégie européenne n’est pas encore abouti : ce sont les investissements et le budget. Dans le cadre de la discussion budgétaire qui s’ouvre à Bruxelles, nous devons développer les ressources propres, les capacités à investir dans la durée, en empruntant sur les marchés et, surtout, en le faisant davantage ensemble. Nous avons besoin non pas d’aides d’État nationales qui fragmenteraient encore plus le marché unique, mais d’une réelle capacité européenne à investir dans nos priorités. Nous avons su le faire pendant la crise covid ; soyons capables de le faire maintenant, dans ce grand moment d’incertitude. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. –⁠ M. le président de la commission des affaires sociales applaudit également.)

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Très bien ! Vive l’Europe !

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Pas trop long !

    M. Jean-Philippe Tanguy (RN)

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    Restez poli, cher collègue Cazeneuve ! D’ailleurs, la scène complètement surréaliste que nous avons vécue il y a quelques minutes dit tout du bilan des macronistes. Alors que vous annonciez enfin des baisses de dépenses publiques, madame la ministre, vos propres députés, du moins ce qu’il en reste, se sont exclamés : « Enfin ! » Il aura fallu sept ans aux macronistes pour découvrir qu’il fallait enfin faire des économies ! Il s’agit d’un aveu terrible concernant ce que vous n’avez jamais fait : maîtriser la dépense publique.
    En vérité, vous ne le faites toujours pas : si l’on lit bien les chiffres pour 2025, la dépense publique continue d’augmenter de 43 milliards d’euros et les impôts de 50 milliards –⁠ dont plus de 20 milliards d’impôts nouveaux. Ainsi, vous continuez ce que vous avez refusé d’avouer sous serment –⁠ c’est ce qui est inquiétant. Lors de la commission d’enquête sur le dérapage du déficit public, vous avez prétendu que les déficits historiques que la France a connus n’étaient dus qu’à des erreurs techniques. Ce n’est pas le cas, et vous l’avouez aujourd’hui dans votre plan, madame la ministre.

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    Je n’ai pas témoigné devant la commission d’enquête !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Pas vous, mais d’autres macronistes ont témoigné sous serment –⁠ je vous invite à lire et à écouter ces auditions,…

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Vous n’étiez même pas présent lors de la restitution !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    …où vos prédécesseurs nous ont expliqué qu’il s’agissait uniquement d’erreurs techniques. Mais non ! Il s’agit évidemment d’une absence totale de maîtrise des dépenses : il suffit pour s’en convaincre de lire le rapport de la Cour des comptes.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Vous n’avez pas lu le rapport !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Vous n’avez jamais maîtrisé les dépenses (Applaudissements sur les bancs du groupe RN) –⁠ les prétendues erreurs techniques dont vous avez inondé les Français en les désinformant étaient en réalité un maquillage massif des comptes publics pour acheter les élections et pour tromper les électeurs aux élections européennes et, plus grave, aux élections législatives.

    Un député du groupe RN

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    Quelle honte !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Si la vérité avait été connue, ces élections auraient donné encore plus de députés au Rassemblement national et à nos alliés de l’UDR. (Mêmes mouvements.)

    M. Aurélien Le Coq

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    Ça, c’est vous qui le dites !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Vous avez maquillé les comptes et nous devons en payer les pots cassés par un plan qui pourrait en être un, mais qui, malheureusement, n’en est pas un –⁠ c’est le principal défaut de ce que vous présentez aujourd’hui et de ce que vous avez présenté devant la commission des finances.
    Monsieur le ministre, madame la ministre, je suis désolé de vous le dire : comme M. Bayrou lors de sa conférence de presse, vous nous dites ce que nous savons déjà. Vous êtes des marathoniens de l’enfonçage de portes ouvertes, des virtuoses du pipeau. Vous nous dites ce que les Français éprouvent déjà. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.) Il n’y a rien de nouveau –⁠ et, surtout, il n’y a pas de plan.
    Une preuve parmi d’autres : sur les 200 pages dont vous nous avez affligés, seules deux portent sur votre plan d’économie. Voilà votre grand plan de réduction des dépenses ! À titre de comparaison, il y a huit pages de baratin sur la poursuite de votre plan de décarbonation, qui coûtera, d’après votre plan, entre 60 et 100 milliards d’euros –⁠ deux pages pour faire des économies qui n’existeront pas, huit pages pour faire des dépenses qui seront bien certaines ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
    J’ajoute que dans votre plan de prévision de l’augmentation des dépenses, une fois encore, vous passez sous silence tous les tabous qui nous ont conduits à cette situation et que seuls le Rassemblement national et Marine Le Pen ont le courage de dénoncer.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Laissez-moi deviner… L’immigration ?

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Premier tabou, l’immigration : vous n’en parlez jamais, ni dans vos plans d’économie ni dans vos plans de dépenses. Il serait trop difficile d’avouer aux Français les dizaines de milliards que nous coûte l’immigration incontrôlée.
    Deuxième tabou : les dépenses liées à l’Union européenne. (Exclamations sur les bancs du groupe EPR.) L’année prochaine, la contribution à l’Union européenne augmentera de 6 milliards –⁠ nous allons passer de 25 milliards à 31 milliards. ( Applaudissements sur les bancs du groupe RN. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Eh oui ! Ce sont nos engagements !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Continuons à dépenser un argent que nous n’avons pas pour enrichir nos concurrents, en particulier les États d’Europe de l’Est ! Grâce à l’argent des Français, ils pourront accueillir les usines de Picardie et de Lorraine –⁠ vous financez notre propre concurrence interne. Il n’y a pas que l’Asie qui nous concurrence de manière déloyale : il existe des pratiques déloyales au sein du marché commun.

    Mme Caroline Colombier

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    Il a raison !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Non seulement vous ne les combattez pas, mais vous les enrichissez. Vous subventionnez notre propre concurrence au sein du marché européen.

    M. Aurélien Le Coq

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    Bardella, il n’est pas pour l’Europe, alors ?

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    De même, vous parlez toujours de la fraude fiscale, mais je vous rappelle que nous avons au sein du marché européen certains des plus grands paradis fiscaux, en particulier l’Irlande, un pays que nous avons sorti de la pauvreté avec l’argent des Français et qui aujourd’hui s’enrichit.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Vous êtes pour le Frexit ! Dites-le !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    L’Irlande est le cheval de Troie des États-Unis et des multinationales américaines. Vous ne luttez jamais contre les pratiques de l’État irlandais lorsqu’il s’allie avec les multinationales américaines contre le contribuable français et européen.
    Tant que vous refuserez d’affronter ces vrais problèmes, vous n’affronterez rien et nous continuerons, et les Français avec nous, à payer durement ce que vous ne savez faire.
    Le plus inquiétant, c’est évidemment votre plan de redressement économique qui n’en est pas un –⁠ c’est un véritable moulin à prières. Les mêmes causes entraîneront les mêmes effets. Vous continuez la politique que vous avez menée depuis sept ans. Non seulement cette politique n’a pas fonctionné, mais la réindustrialisation dont vous parlez est en réalité la plus grave crise de désindustrialisation que nous avons connue depuis vingt ans. Nous arrivons à l’os, des filières entières disparaissent ou vont disparaître, tant et si bien que je ne sais même pas si nous serons capables de rétablir la situation si nous n’arrivons pas au pouvoir plus tôt, grâce à une dissolution.

    Mme Marie Mesmeur

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    Vous n’arriverez jamais au pouvoir !

    M. Aurélien Le Coq

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    D’ailleurs, vous n’arriverez jamais à rien !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Nous demandons donc nous aussi que le Parlement reprenne le pouvoir par un projet de loi de finances rectificative, dans l’attente de la dissolution –⁠ le seul moyen de redresser la situation étant que le RN et Marine Le Pen arrivent au pouvoir. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.

    M. Charles Sitzenstuhl (EPR)

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    Avec 113 % de dette et 5,8 % de déficit, la France ne va pas bien sur le plan budgétaire.

    M. Aurélien Le Coq

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    La faute à qui ?

    Mme Caroline Colombier

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    Bravo pour le constat !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Cette situation oblige l’ensemble de la classe politique à un peu d’humilité,…

    M. Aurélien Le Coq

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    Vous en avez, vous, de l’humilité ?

    M. Emmanuel Maurel

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    L’humilité, vertu macroniste !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    …et non à l’arrogance que nous venons d’entendre il y a quelques instants de la part de ceux qui se sont opposés à toutes les réformes –⁠ celle des retraites, celle de l’assurance chômage – ainsi qu’aux mesures d’économies que nous avons présentées au cours des dernières années. Chacun doit faire son autocritique, y compris les oppositions.

    M. Aurélien Le Coq

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    Et le président de la République ?

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Mais regardons plutôt vers l’avenir. Le gouvernement fixe un objectif de retour sous les 3 % de déficit à l’horizon 2029. C’est un bon objectif, le groupe Ensemble pour la République le soutient. Il obligera à des efforts considérables, déjà entamés par Bruno Le Maire et Thomas Cazenave. Dès lors, deux questions se posent : le contexte de cet effort et sa nature.
    D’abord, s’agissant du contexte, monsieur Lombard, vous étiez à Washington la semaine dernière –⁠ nous nous y sommes d’ailleurs croisés.

    M. Emmanuel Maurel

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    Nous sommes contents de le savoir !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Vous l’avez entendu : les prévisions de croissance du Fonds monétaire international (FMI) sont à la baisse. Le Fonds ne table plus que sur une croissance de 0,6 % pour la France en 2025, alors que le budget a été construit sur la base d’une hypothèse de 0,9 %.

    M. Aurélien Le Coq

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    De 1,1 %, initialement !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Le déficit pour l’année 2025 va donc s’aggraver si rien n’est fait. Les annulations et les gels de crédits annoncés il y a quelques jours étaient nécessaires –⁠ nous les soutenons. Il faudra certainement en faire davantage au cours de l’année.
    Ensuite, le débat sur la nature de l’effort budgétaire à réaliser en 2026 est le plus difficile. Les recettes des oppositions sont connues : augmenter les impôts, taxer les Français –⁠ je ne développerai pas.

    M. Aurélien Le Coq

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    Les riches !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Aux membres du gouvernement, je dis néanmoins que cette voie du matraquage fiscal, il ne faut surtout pas l’emprunter. Choisissez plutôt la voie du courage, qui consiste à…

    M. Aurélien Le Coq

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    Taxer les pauvres ?

    M. Charles Sitzenstuhl

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    …ne pas augmenter les impôts.

    M. Philippe Brun

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    Videz les caisses, comme Bruno Le Maire !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    La France est déjà championne d’Europe des impôts. Le ras-le-bol fiscal reste un sentiment puissant dans le pays –⁠ vous ne voulez pas l’entendre.

    M. Aurélien Le Coq

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    C’est la classe moyenne qui paie à la place des plus riches !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Voilà pourquoi il n’est pas question de restaurer la taxe d’habitation sous quelque forme que ce soit. Nous ne sommes pas là pour flatter la nostalgie fiscale de certaines notabilités. Ici, à l’Assemblée nationale, où nous représentons directement le peuple, ce sont d’abord les intérêts des Français que nous devons défendre. L’intérêt des Français n’est pas de payer un nouvel impôt.
    Ne pas augmenter les impôts est aussi un impératif dans le contexte d’instabilité économique mondiale. Face à la guerre commerciale provoquée par Donald Trump, notre force doit être la stabilité : la stabilité fiscale, celle de nos marchés, celle de nos économies.
    L’instabilité américaine peut être une chance pour l’Europe et pour la France, à condition que nous gardions notre calme. Les investisseurs internationaux se rendent compte que les États-Unis ne seront plus l’eldorado du capitalisme libéral et de la libre entreprise. L’instabilité de leur régime politique et l’interventionnisme de leurs dirigeants sont des facteurs de risque pour les investisseurs. C’est à l’Europe désormais d’être le pôle de stabilité économique du monde.
    Pour attirer de nouveaux investissements internationaux, la France doit poursuivre sa politique d’attractivité voulue et décidée par Emmanuel Macron en 2017. Or l’ennemie de l’attractivité, c’est la hausse des impôts ; et l’amie de l’attractivité, c’est la stabilité fiscale. Dans le contexte de guerre commerciale, tout impôt supplémentaire serait une faute économique historique. Ne faisons pas à nos concurrents le cadeau du n’importe quoi fiscal français.
    L’autre courage est de faire un effort réel d’économies.

    M. Emmanuel Maurel

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    Qui est au pouvoir depuis huit ans ?

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Un effort réel d’économies, c’est la baisse des niches fiscales, comme l’a annoncé Mme de Montchalin, et, surtout, la baisse de la dépense publique.
    Bien sûr, il y a ceux qui ne veulent rien changer,…

    Mme Marie Mesmeur

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    Si : nous voulons taxer les riches !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    …rien supprimer, rien rationaliser, ceux qui craignent qu’on vienne toucher à leur petit pouvoir, assis sur leur petite bureaucratie et qui nous disent : « C’est impossible, on ne peut pas baisser la dépense publique ! » Pourtant, je suis allé voir les données. En 2024, la dépense publique s’élevait à 57 % du PIB. En 2019, elle était de 55 %, soit deux points de moins ; en 2000, de 52 %, soit cinq points de moins, et elle était au même niveau en 1986. Sous François Mitterrand et Lionel Jospin, qui –⁠ que je sache – n’étaient pas d’affreux ultralibéraux, la dépense publique était donc inférieure de cinq points à son niveau actuel.
    Contrairement aux fables, il y a de la marge, il y a du gras. La dépense publique peut être réduite avec discernement dans notre pays et nous souhaitons que cela constitue un objectif du prochain budget. Il faudra avoir le courage de baisser les dépenses, de ralentir les embauches de fonctionnaires, de fusionner les opérateurs qui font doublon et de lancer enfin un chantier ambitieux d’amaigrissement du millefeuille territorial. Tels sont les objectifs que nous souhaitons voir adoptés par le gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. –⁠ Mme Sophie Mette applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Aurélien Le Coq.

    M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP)

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    Le gouvernement français est en guerre –⁠ en guerre contre son peuple. Votre plan budgétaire –⁠ peut-être devrais-je dire celui de la Commission européenne, aux ordres de laquelle vous obéissez docilement ? – est une déclaration de guerre sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Votre gouvernement d’usurpateurs poursuit, mois après mois, son racket méthodique. Aux 31 milliards de saignée brutale et violente que vous imposez cette année, vous avez déjà ajouté 3 milliards d’amputation supplémentaire et 7 milliards de surgel.
    Derrière ces chiffres, ce sont nos gamins qui se retrouvent dans des classes surchargées, du fait des classes que vous supprimez dans tant d’écoles de nos quartiers populaires. Pour ceux-là, vous supprimez par décret 95 millions supplémentaires.

    Mme Marie Mesmeur

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    La honte !

    M. Aurélien Le Coq

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    Comme c’est curieux : 95 millions, cela représente les deux tiers de ce que vous aurait rapporté la suppression de 4 000 postes d’enseignants dans la loi de finances –⁠ vous savez, ceux pour lesquels vous avez menti à l’Assemblée en disant les maintenir, cela pour sauver vos places ! Les socialistes et le Rassemblement national vous avaient crus, pas nous. Ils seront donc bien supprimés –⁠ et tout cela, sans vote. Vous êtes drogués au 49.3 et aux décrets. Les députés doivent pouvoir se prononcer, un projet de loi finances rectificative doit être déposé ! (Mêmes mouvements.)
    Vous annoncez déjà pour l’année prochaine 50 milliards supplémentaires de massacre budgétaire. Derrière ces chiffres, ce seront des étudiants assis par terre dans leurs universités, des médicaments déremboursés, des malades pas soignés, des morts dans les couloirs des urgences, des familles qui dorment à la rue.

    Mme Marie Mesmeur

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    Eh oui !

    M. Aurélien Le Coq

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    Le plan budgétaire que vous nous présentez, c’est la mort programmée et méthodiquement orchestrée de ce qui fait la France : ses services publics. En bons Thatcher à la française, vous clamez qu’il n’y a pas d’autre solution. C’est la saignée austéritaire ou le chaos ! Le chaos, pourtant, est déjà là : 8,5 % de chômage à venir, déjà 43 % de plus chez les jeunes, 300 000 emplois déjà ou bientôt supprimés, une dette qui explose, une pauvreté généralisée.
    Si personne ne vous arrête dans votre folie destructrice, le ton est donné. Vous l’écrivez noir sur blanc : « Il s’agit à présent de consolider et poursuivre cet effort, avec plus de 100 milliards supplémentaires afin de réduire le déficit public en dessous de 3 % à l’horizon 2029. » Que tout le monde l’entende : si ce gouvernement reste en place, le massacre social ne s’arrêtera jamais ! (Mêmes mouvements.)
    Vous voulez réduire le déficit ? Quelle est la première dépense de l’État ? Les dépenses fiscales, les cadeaux faits aux grandes entreprises : 200 milliards d’euros par an offerts pour engraisser les actionnaires !

    Mme Marie Mesmeur

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    Il faut taxer les riches !

    M. Aurélien Le Coq

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    Vous financez les licenciements des ouvriers d’ArcelorMittal en fermant les classes de leurs enfants et en sacrifiant les Ehpad de leurs parents. Et tout cela pour quoi ? Vous disiez que le problème, c’était la dette ? Mensonge ! Vous planifiez ici –⁠ c’est inscrit dans votre document – le passage de la dette de 113 % du PIB en 2024 à 117 % en 2029. Vous disiez que vous vouliez relancer l’économie ? Mensonge ! La croissance s’effondre déjà, à cause de votre austérité. Et vous osez dire qu’en coupant 100 milliards de dépenses de plus, dont 50 milliards dès l’année prochaine, la croissance moyenne des prochaines années serait de 1,3 % !
    Je donne l’alerte : votre plan est un faux en écriture, un mensonge en lui-même, une immense manipulation ! Plus de coupes budgétaires, c’est moins de consommation populaire et moins de croissance, et c’est à la fin moins de recettes et plus de déficit : ainsi, vous prolongerez l’austérité jusqu’à ce que mort s’ensuive.
    En 2024, on a déjà expérimenté et ce n’est pas faute d’avoir alerté. Pourtant de l’argent, dans ce pays, il y en a plein ! Mais une fois de plus, le gouvernement des riches, pour les riches, par les riches a offert 450 milliards d’euros cumulés en cadeaux fiscaux et 500 familles possèdent 1 228 milliards, deux fois plus qu’il y a huit ans !

    Mme Marie Mesmeur

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    La honte !

    M. Aurélien Le Coq

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    Les plus riches ont vu leurs impôts baisser l’année dernière, pendant que ceux de tous les autres augmentaient. Vous exonérez les patrons du financement de la sécu, pendant que vous faites payer l’addition à leurs salariés en puisant dans la TVA. Les Mozart de la finance sont les bourreaux des classes populaires. L’argent existe pour les obus et disparaît pour les retraites. Ils feront cracher du sang aux travailleurs de ce pays et saigneront l’État, la sécu et les collectivités jusqu’au dernier centime ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Députés socialistes et du Rassemblement national, voilà ce dont vous vous êtes rendu complices ! Désormais, la censure du gouvernement doit s’imposer. Travailleurs et précaires de tout le pays, le 1er mai, tous dans la rue pour s’en débarrasser ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Philippe Brun

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    PS et RN, pour vous, c’est pareil, alors ?

    Mme Marie Mesmeur

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    C’est factuel !

    M. le président

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    La parole est à M. Mickaël Bouloux.

    M. Mickaël Bouloux (SOC)

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    Depuis huit ans maintenant, Emmanuel Macron et ses gouvernements successifs prétendent piloter la France d’une main experte. Or que voyons-nous aujourd’hui ? Une France cabossée, fracturée, épuisée par une politique d’austérité déguisée en modernité. Et ce plan budgétaire et structurel à moyen terme, loin de corriger cette trajectoire, ne fait que prolonger l’illusion. Sous des mots savants, sous des formules lissées par la technocratie, ce plan n’est rien d’autre qu’un catalogue d’économies budgétaires, qui fait le choix délibéré de l’affaiblissement de l’État, au moment même où les crises écologiques, sociales et internationales exigeraient au contraire un État stratège, protecteur et ambitieux.
    Où sont les grandes politiques d’investissement dont notre jeunesse a tant besoin ? Où est la planification écologique qui nous permettrait de préparer notre économie aux défis climatiques sans renvoyer, toujours, la facture aux classes moyennes et populaires ? Où est la réforme fiscale courageuse qui exigerait des plus fortunés de contribuer équitablement à l’effort national, au lieu de sanctuariser dividendes records et évasions fiscales ?
    L’état des finances des administrations publiques est préoccupant : c’est le résultat de vos politiques. Pour y remédier, vous effectuez de nouvelles coupes budgétaires, en cantonnant le levier des recettes fiscales à quelques mesures temporaires pour faire passer la pilule et en refusant d’envisager la contribution pérenne des ultrariches. En tant que rapporteur spécial de la mission budgétaire consacrée à la recherche, je suis particulièrement inquiet du mantra gouvernemental qui vise à sabrer dans les budgets. Couper dans la recherche aujourd’hui, c’est sauver quelques milliards en 2025, mais en perdre des dizaines en 2030 ou 2035.
    Nous portons un regard très critique sur votre stratégie pluriannuelle des finances publiques et sur ses axes. Le premier vise une réduction de 100 milliards d’euros du solde primaire d’ici à 2029. Vous affirmez votre volonté, « quoi qu’il en coûte », de couper dans la dépense. Je suis choqué par les dernières déclarations de la ministre chargée des comptes publics, qui flattent la droite et l’extrême droite de l’hémicycle et voudraient laisser croire qu’il existerait une myriade d’opérateurs et de fonctionnaires inutiles, qui nuisent à la vie des Françaises et des Français, alors qu’ils assurent des missions essentielles.

    M. Emmanuel Maurel

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    Très bien !

    M. Mickaël Bouloux

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    Deuxième axe de la stratégie pluriannuelle du gouvernement : la « revalorisation » du travail. Malheureusement, par revalorisation du travail, vous entendez le détricotage de notre modèle social. Soyez assurés de notre détermination à nous y opposer.
    Vous mettez en exergue votre volonté de reconstruire notre système productif. Chassez le naturel, il revient au galop –⁠ en l’occurrence, c’est la techno : nous avons pu lire un long plaidoyer en faveur de l’intelligence artificielle vue comme un miracle, qui tente de faire oublier de maigres velléités sur les fondamentaux comme l’agriculture, l’industrie et la recherche.
    Enfin, le dernier axe porte sur la transition écologique, alors que le gouvernement recule chaque jour sur l’interdiction des néonicotinoïdes et des produits phytosanitaires et que le premier ministre s’est douloureusement fait remarquer par son impasse sur le sujet lors de son discours de politique générale. Nous pensons ici que les priorités sont inversées, avec un objectif de 3 % de déficit en 2029 et une neutralité carbone seulement en 2050. Faites votre choix, mesdames et messieurs les ministres : préférez-vous vraiment une planète invivable avec 3 % de déficit à une planète vivable avec 5 % de déficit ?
    Ce qui est en jeu aujourd’hui, ce n’est pas simplement une trajectoire budgétaire, ni un pourcentage de déficit ou de dette. Ce qui est en jeu, c’est le pacte démocratique, c’est l’avenir écologique, c’est la confiance du peuple dans ses institutions, c’est la capacité de la République à tenir la promesse qui la fonde : Liberté, Égalité, Fraternité. La rigueur sans justice est la pire des violences. L’économie sans humanisme est une impasse. La stabilité sans solidarité est une chimère.
    Mes chers collègues, nous avons la responsabilité de veiller à ce que nos politiques budgétaires soient à la fois économiquement ambitieuses, socialement justes et écologiquement durables. Malheureusement, nous en sommes loin ici. Nous le disons avec force : ce n’est pas en comprimant l’État que l’on sauvera la France. C’est en libérant tout ce que notre peuple a de meilleur : son intelligence collective, son génie créateur, son attachement indéfectible à l’idée de justice. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR. –⁠ Mmes Marie Mesmeur et Eva Sas applaudissent également.)

    M. Emmanuel Maurel

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Didier Berger.

    M. Jean-Didier Berger (DR)

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    Qui a dit : « Le surendettement de la France est un poison lent qui tue notre indépendance et notre avenir » ? C’est François Bayrou. Cela tombe bien : c’est à lui, c’est à vous, madame et monsieur les ministres, qu’il incombe de prescrire le remède à ce qui est plus qu’un poison lent : une drogue dure. Le pronostic vital de la France est désormais engagé : l’État-providence est devenu un État junkie en pleine overdose. Overdose de dette : plus de 3 300 milliards à la fin de l’année 2024 ; overdose de dépense publique : la France est le pays le plus dépensier de toute l’Europe, avec 57 % du PIB contre 49 % en moyenne ; overdose de déficit public : la France est à peine mieux classée que la Roumanie ou la Hongrie.
    Pour sortir de cette situation, il n’y a que deux types de remèdes. Nous refusons le premier, qui consiste à augmenter les impôts. Il a été tellement appliqué qu’il est devenu inefficace, tel un antibiotique usé jusqu’à la corde. À ceux qui estimeraient que nous avons un problème de recettes publiques, donc un déficit d’impôt, je demande d’être sérieux : dans le pays le plus fiscalisé du monde, voir les recettes fiscales baisser est la preuve que nous sommes désormais passés du côté obscur de la force. Trop d’impôt tue l’impôt !
    Je le dis à tous les Français : méfiez-vous de ceux qui veulent désigner des boucs émissaires ! Dans ce pays, on finit tous par être le riche de quelqu’un d’autre. Hier, on pointait du doigt les profits des entreprises ; aujourd’hui, les retraités doivent presque s’excuser de toucher une pension ; demain, c’est à tous les Français qu’on prendra d’une main, par la résurrection de la taxe d’habitation, les 8 milliards qu’on retirera, de l’autre, aux collectivités. Nous refusons clairement cette logique du « au suivant », cette logique du « toujours plus » fiscal, cette frénésie d’inventivité fiscale sans limite, qui n’est ni juste ni efficace.
    C’est pourquoi nous nous tournons, et vous demandons de vous tourner, vers l’autre solution, qui consiste à réduire la dépense publique. Monsieur le ministre, vous vous y êtes engagé tout à l’heure devant la représentation nationale. La diminution de la dépense publique est nécessaire, pas seulement pour respecter le PSMT ou nos engagements européens, pas seulement pour rassurer nos créanciers ou pour dissuader ceux qui pourraient vouloir nous attaquer, mais pour sauver ce dont parlait François Bayrou : notre souveraineté, notre indépendance, notre avenir. Elle est possible, sachant que le pays dépense désormais plus de 300 milliards d’euros de plus qu’en 2019. La France était-elle, en 2019, un pays sous-administré ? Je n’ai pas ce souvenir. Maintenant qu’elle dépense 300 milliards d’euros de plus chaque année, la France est-elle devenue un paradis du service public qui ravit les Français ? Je ne crois pas le voir sur le terrain.
    La baisse de la dépense publique est possible. Ce matin, Laurent Wauquiez et le groupe de la Droite républicaine ont présenté un plan de 40 milliards d’euros d’économies concrètes. Nous y défendons des mesures telles qu’une année blanche pour tous les ministères non régaliens, qui rapporterait plus de 7,5 milliards d’euros, la création d’une allocation sociale unique plafonnée à 70 % du smic, la réforme de l’assurance chômage, celle de l’assurance maladie et la remise à plat de tous les dispositifs financiers liés à l’immigration pour faire cesser une générosité dont nous n’avons pas les moyens. Toutes ces mesures concrètes sont à votre disposition pour éviter d’augmenter des impôts et pour choisir plutôt la diminution de la dépense publique. Monsieur et madame les ministres, serez-vous de ceux qui s’engagent et agissent ou de ceux qui renoncent ?
    Nous attendons une réponse en actes plutôt qu’en paroles. Nous ne voterons pas de budget qui soit un abus de pouvoir au sens où l’entendait François Bayrou lorsqu’il écrivait en 2009, avant d’accéder à la responsabilité de premier ministre, que « le premier abus de pouvoir, c’est de faire peser sur les générations futures des dettes que nous avons contractées pour acheter du confort politique immédiat ». Nous ne choisirons pas la solution de facilité, la solution du confort politique immédiat, car le destin et la grandeur de la France commandent de ne jamais s’accommoder de telles solutions. (M. Joël Bruneau applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Eva Sas.

    Mme Eva Sas (EcoS)

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    Nous sommes réunis pour débattre des perspectives budgétaires de la France à moyen terme. Pour commencer, sachez que nous sommes d’accord sur un point, et ce sera le seul : oui, la situation des finances publiques est catastrophique ! En 2024, le déficit public a atteint 5,8 %, la dette, 113 % du PIB et la charge de la dette s’est établie à plus de 44 milliards d’euros : tout cela est alarmant.
    Avant de débattre des perspectives, laissez-nous quand même vous rappeler que les responsables de cette situation sont les gouvernements successifs depuis 2017. Quand Emmanuel Macron, le Mozart de la finance, est arrivé au pouvoir en 2017, le déficit était de 3,4 % ; sept ans et 62 milliards de baisses d’impôts plus tard, nous voilà contraints d’annoncer un déficit de 5,8 %, le pire résultat de la zone euro.
    Cela étant dit, je souhaite souligner en premier lieu que le rythme d’ajustement que vous proposez est bien plus rapide que ce que les règles européennes exigent –⁠ bien trop rapide, à notre sens. La période d’ajustement autorisée a en effet été portée de quatre à sept ans. Vous annoncez vouloir faire 100 milliards d’ajustements d’ici à 2029, soit 25 milliards par an, mais vous décidez de faire 40 milliards d’économies dès 2026 ! Vous le dites vous-mêmes dans votre rapport : votre trajectoire « excède même les objectifs fixés ». Permettez-nous de regretter cet excès de zèle. Je citerai Anne-Laure Delatte, économiste à l’université Paris Dauphine-PSL : « Il n’y a pas de prise en compte des effets récessifs d’une telle politique, ce n’est pas sérieux. Plus on fait porter l’effort au début d’une période d’ajustement, plus on réduit la croissance et donc les recettes fiscales, ce qui conduira à devoir faire encore plus d’efforts plus tard ! » Nous tenons à vous mettre en garde contre les effets dévastateurs de cette suraustérité délibérée et vous appelons à revoir le rythme d’ajustement que vous envisagez.
    La deuxième erreur, à notre sens, est de faire porter l’essentiel de l’effort sur les dépenses. Au lieu de vous appuyer sur le diagnostic de la Cour des comptes qui confirme que les 62 milliards de baisses d’impôts depuis 2017 sont responsables du déficit actuel,…

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Pas du tout ! Vous déformez complètement ce qu’a dit la Cour des comptes.

    Mme Eva Sas

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    …au lieu d’adopter une approche équilibrée combinant augmentation des recettes et freinage des dépenses, vous restez prisonniers du dogme présidentiel selon lequel il ne faut pas augmenter les impôts. Pourtant, nous avons mis sur la table des propositions documentées pour rétablir nos marges de manœuvre fiscales. Le préalable incontournable en est, à notre avis, l’impôt plancher sur la fortune, dit taxe Zucman, que ma collègue Clémentine Autain et le groupe Écologiste et social ont fait adopter ici même.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    C’est un impôt anticonstitutionnel !

    Mme Eva Sas

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    Ce dispositif garantit que les plus riches paieront au minimum 2 % de leur fortune en impôts, tous impôts confondus. En plus de représenter 20 milliards d’euros de recettes, il constitue un préalable nécessaire à toute autre mesure, pour trois raisons. Premièrement, l’enrichissement des plus riches atteint des proportions indécentes : le patrimoine des 500 plus grandes fortunes de France a plus que doublé depuis 2017 et atteint désormais 1 228 milliards d’euros. Deuxièmement, les plus riches ne contribuent pas à l’effort public à leur juste mesure. Ils contournent l’impôt par le biais des holdings patrimoniales et ne paient ainsi que 2 % d’impôts sur leurs revenus, tous impôts personnels confondus. Troisièmement, laisser impunie cette évasion fiscale connue de tous délégitimerait tout autre effort demandé aux Français. La taxe Zucman est donc la première mesure à mettre en place.
    Nous avons encore bien d’autres propositions. Je pense par exemple à la rationalisation des exonérations de cotisations sociales, dont le montant a été multiplié par cinq en vingt ans pour atteindre 78 milliards d’euros. Certes, vous avez amorcé la baisse des points de sortie des bandeaux maladie et famille, mais son ampleur, limitée à 1,6 milliard, n’est pas à la hauteur des enjeux. Notre proposition consiste à refondre entièrement le système pour limiter les exonérations aux salaires inférieurs ou égaux à deux fois le smic. Cela aurait le double avantage de réaliser 8 milliards d’économies et d’atténuer l’effet « trappe à bas salaires » en relançant les augmentations salariales pour tous les salaires proches du smic.
    Je pourrais également évoquer la taxe sur les superprofits des groupes pétrogaziers ou encore l’optimisation du crédit d’impôt recherche, mais, vous l’aurez compris, le problème réside non pas dans le manque de propositions susceptibles d’élargir les recettes fiscales, mais dans le manque de volonté politique en ce sens. C’est pourtant ce qu’il faut faire, car votre projet de faire 40 milliards d’économies sur les dépenses publiques est une folie. On ne fera pas mieux avec moins ; on fera juste moins. On abîmera encore un peu plus les services publics et la qualité de vie des Français. Ce dont nous avons besoin, c’est de justice fiscale. Sans justice fiscale, vos économies resteront injustes. Sans justice fiscale, il n’y aura pas de consentement à l’effort. Sans justice fiscale, il n’y aura pas de cohésion de la nation. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, SOC et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Emmanuel Mandon.

    M. Emmanuel Mandon (Dem)

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    À l’automne, nous avons débattu du premier plan budgétaire et structurel à moyen terme pour la période 2025-2029. Ce soir, nous évoquons le rapport d’avancement annuel du PSMT dans un contexte économique hors norme. Alors que nous sortons à peine de deux violentes crises successives, le président des États-Unis a décidé d’engager le monde dans une logique de guerre commerciale, une escalade sans précédent, avec tous les périls et les incertitudes qu’elle comporte.
    Tirant les conséquences de ces bouleversements, le document présente une prévision de croissance pour 2025 diminuée, qui culmine à 0,7 point de PIB. Cette capacité d’adaptation, cette transparence quant à la situation des finances publiques sont indispensables pour favoriser l’adhésion de nos concitoyens à l’effort nécessaire ; ce sont par conséquent les conditions essentielles pour agir. Nous saluons cette révision ainsi que les mesures de réduction des dépenses de l’État prises en conséquence en vue de respecter l’objectif en matière de déficit pour 2025, alors que la censure et l’adoption tardive du budget qui en a découlé ont déjà lourdement affecté son exécution. Il serait d’ailleurs intéressant de disposer du coût actualisé de la censure pour les finances publiques.
    Malgré les aléas, il est en effet capital d’ancrer l’action de l’État dans une vision stratégique de long terme dont il convient de ne pas dévier ; c’est ainsi que nous assurerons la résilience de notre économie face à la multiplication des chocs extérieurs. Pour le groupe Les Démocrates, le cap reste le même : celui de la lucidité et de la responsabilité qui nous ont guidés lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2025.
    La situation financière est préoccupante, avouons-le. Le ratio d’endettement de la France et son niveau de déficit sont parmi les plus élevés de la zone euro ; continuer dans cette voie reviendrait à renoncer à maîtriser le destin de notre pays. Cela est vrai pour les générations actuelles, mais plus encore pour les générations futures.
    La trajectoire budgétaire définie pour 2025 et 2026 doit donc être maintenue, tout comme l’objectif d’un retour sous les 3 % de déficit en 2029, ce qui suppose de fournir un effort budgétaire de 110 milliards d’euros. Ce montant, s’il est inédit, est loin d’être inatteignable. Il nécessite toutefois de prendre collectivement des décisions courageuses.
    Pour cela, le redressement engagé en 2025 devra être poursuivi, ce qui passe avant tout par un effort renouvelé et partagé de maîtrise des dépenses. Cet effort concerne l’État, ses administrations, ses opérateurs et ses agences –⁠ c’est le sens de la revue des politiques publiques –, mais il doit aussi être élargi plus franchement aux sphères sociale et locale, dont les dépenses continuent d’augmenter de plus de 2 % par an en volume. En ce qui concerne la sphère sociale, des choix responsables s’imposent en vue de sauvegarder la soutenabilité de notre modèle social ; je pense spontanément à l’équilibre financier des régimes de retraite. En la matière, il faut laisser au dialogue social toute sa place.
    En ce qui concerne les recettes fiscales, le maintien de l’effort exceptionnel demandé en 2025 pourra être envisagé, d’une part parce que les rendements initialement escomptés ne seront pas atteints, d’autre part et surtout parce que la justice fiscale n’est pas temporaire : elle s’inscrit dans le temps long. Je pense en particulier à la contribution différentielle sur les hauts revenus.
    Le rétablissement des finances publiques passe évidemment par la croissance économique. Celle-ci est indispensable pour assainir les comptes publics et pour soutenir le pouvoir d’achat des Français. Pour la favoriser, l’effort budgétaire devra autant que possible préserver les dépenses d’avenir et les forces productives du pays. Dans le contexte du décrochage de la productivité européenne, les réformes structurelles et les investissements pour l’emploi permettent de mieux travailler, stimulent l’innovation, favorisent la réindustrialisation et l’agriculture, améliorent la compétitivité et facilitent la vie des entreprises. En cela, nous ne pouvons que souscrire aux axes d’engagement rappelés dans le rapport annuel d’avancement. Cette croissance devra être également plus verte, ce qui nous imposera de décarboner notre économie tout en accompagnant ceux qui doivent mener les transitions.
    Le chemin est difficile, mais c’est à ce seul prix que nous pourrons assurer notre souveraineté. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Félicie Gérard.

    Mme Félicie Gérard (HOR)

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    Le plan budgétaire et structurel à moyen terme qui nous est présenté repose sur des hypothèses prudentes mais incertaines. Après une croissance du PIB de 1,1 % en 2024, l’activité ralentirait et la croissance ne serait que de 0,7 % en 2025. Cette prévision pourrait encore être fortement dégradée dans les prochaines semaines selon l’évolution du contexte international. Alors que le déficit effectif s’est élevé à 5,8 % du PIB en 2024, le gouvernement maintient sa cible de 5,4 % du PIB en 2025. Cette cible prend en compte les mesures nouvelles pour 2025, parmi lesquelles environ 23 milliards d’euros de hausses de prélèvements obligatoires, ainsi que de nouvelles annulations de crédits annoncées récemment.
    Cependant la dynamique d’endettement de notre pays reste très préoccupante à court terme. Nous devons regarder la réalité en face : la dette publique demeure très élevée –⁠ trop élevée –, autour de 110 % du PIB fin 2023. Cette situation exige d’accentuer nos efforts, d’autant plus que la France fait l’objet d’une procédure de déficit excessif dans le cadre européen rénové.
    Face à ces chiffres, il nous faut dire la vérité aux Français : nous devons impérativement rétablir nos comptes dès maintenant, sans attendre. Nous ne pouvons pas et nous ne devons pas nous satisfaire d’adopter des budgets qui continuent d’aggraver la dette de notre pays d’année en année. En effet, à long terme, la dette publique constitue un fardeau que nous faisons peser sur nos enfants et, à court terme, elle restreint les marges de manœuvre pour financer nos priorités. La vérité, c’est que nous vivons à crédit depuis trop d’années.
    La situation nous appelle donc à l’action. Je l’affirme clairement : le plan présenté par le gouvernement doit s’accompagner d’une vigilance constante et d’une accélération des réformes. Il nous faut continuer à réduire nettement la dépense publique, en nous concentrant sur les dépenses véritablement efficientes et en veillant à ne pas alourdir la fiscalité pour préserver la compétitivité de notre économie. Nous devons sortir de ce mal français qui consiste à régler chaque problème social avec un chèque, chaque crise avec une nouvelle aide financière. Enfin, nous devons arrêter de croire que notre pays pourra prospérer économiquement en travaillant moins et en taxant plus.
    En 2025, la dépense publique représentera encore plus de 55 % du PIB, principalement du fait des dépenses sociales et de notre système de retraites par répartition complètement déséquilibré. Cette situation est le fruit de choix passés, souvent motivés par la volonté de protéger les plus fragiles, mais la pérennité de notre modèle social est plus que menacée. La trajectoire que nous devons suivre est claire : premièrement, baisser la dépense publique de manière beaucoup plus significative ; deuxièmement, restaurer l’équilibre budgétaire ; troisièmement, procéder selon deux principes simples : supprimer chaque euro dépensé qui n’est pas un euro utile pour les Français en s’attaquant à ces chèques, subventions et aides en tous genres parfois inutiles et qui ruinent notre pays, et instaurer la règle d’or de l’équilibre entre les recettes et les dépenses, qui relève du bon sens.
    Madame et monsieur les ministres, mes chers collègues, nous n’avons plus le luxe d’attendre. Pour protéger les Français, nous devons redresser nos finances publiques sans sacrifier la croissance. Pour cela, le groupe Horizons & indépendants proposera des solutions concrètes lors de la discussion du budget pour 2026. Ce sera la première étape du long chemin qui mène vers l’assainissement de nos comptes. Les Français nous regardent ; alors mettons-nous au travail, de manière constructive et, surtout, avec beaucoup de bon sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. –⁠ M. Gérault Verny applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Pierre Bataille.

    M. Jean-Pierre Bataille (LIOT)

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    Ce débat est bien plus qu’une obligation de calendrier ; il peut constituer un exercice de lucidité. Nous devons en effet nous interroger collectivement sur le chemin emprunté par la France en matière de finances publiques et sur les responsabilités qui y président.
    Le plan budgétaire et structurel à moyen terme et le rapport d’avancement annuel confirment en effet les difficultés de la trajectoire budgétaire. D’année en année, les mêmes constats reviennent sur les déséquilibres persistants, les exécutions ratées et, in fine, la perte croissante de la maîtrise budgétaire. Depuis plusieurs exercices, les comptes de l’État sont certifiés, mais systématiquement non approuvés par le Parlement. Ce n’est pas un détail technique, c’est le signe d’un fossé grandissant entre ce qui est présenté et ce qui est réalisé.
    L’année 2024 le confirme. Le déficit atteint 156 milliards d’euros, soit 5,8 % du PIB, bien au-delà des prévisions de la loi de finances initiale. Cette dérive tient à des difficultés objectives qu’il serait malhonnête d’ignorer, mais aussi à des hypothèses macroéconomiques irréalistes, à une croissance surestimée et à des recettes mal calibrées, ainsi qu’à une absence d’anticipation dans la dépense, corrigée trop tard par des annulations massives de crédits. Il est vrai, comme je viens de le mentionner, que le panorama macroéconomique est sans pitié : croissance molle, déficit considérable des échanges extérieurs, contraintes économiques, sociales, géostratégiques et militaires. Dans un contexte pareil, il est difficile de répondre à la nécessité de rééquilibrage budgétaire, alors que le budget porte déjà le boulet très lourd de la charge de la dette.
    Le projet de loi de finances pour 2025 a fait l’objet d’un débat long, nourri, parfois houleux, mais qui n’a pu aller à son terme. Il est vrai que l’Assemblée s’est perdue dans des propositions irréalistes et parfois provocatrices. Ce climat de surenchère a contribué à ouvrir la voie au recours regrettable à l’article 49.3. Dans le même temps, la loi de programmation des finances publiques n’a toujours pas été mise à jour. C’est désormais le PSMT qui fait office de cadre, sans vote, sans validation parlementaire. Une trajectoire de 110 milliards d’effort budgétaire est ainsi engagée, sans qu’aucun arbitrage n’ait été débattu au Parlement.
    Si, sur le papier, cette trajectoire est conforme aux règles européennes, dans les faits, elle repose sur des hypothèses contestables, notamment une croissance potentielle durant les années 2025 à 2029 estimée à 1,2 %, alors que nous savons très bien que, malgré la modestie de cette hypothèse, elle sera difficile à réaliser. D’autre part, cette anticipation n’est assortie d’aucun cadrage par mission ni d’un chiffrage précis des réformes. Le rapport d’avancement annuel confirme cette impression : les objectifs sont tenus formellement mais les fondations restent fragiles. La dette atteint 113 % du PIB. Les ajustements sont conjoncturels et rares, tandis que les réformes structurelles, qui imposent des choix douloureux, tardent à être déployées.
    Hélas, le Parlement est tenu éloigné des décisions budgétaires majeures. Cependant, si cette tendance se poursuit, ce n’est pas seulement le Parlement qui sera privé de ses prérogatives, ce sera bientôt l’exécutif lui-même. En effet, si la France échoue à tenir les engagements du PSMT, l’Union européenne activera les mécanismes correctifs prévus pour les États en déficit excessif. Il s’agira alors non plus de débat, mais de discipline, plus de choix nationaux, mais de contraintes automatiques. Le gouvernement aura privé le Parlement de sa compétence budgétaire pour finalement perdre lui-même la sienne. Au fond, ce qui est en jeu, ce n’est pas la rigueur de Bruxelles, ce sont les difficultés de Paris dans sa maîtrise budgétaire.
    Nous sommes profondément attachés au projet européen, à ses équilibres et à ses responsabilités partagées. Néanmoins, parallèlement, il est difficile d’envisager que soit mise en péril l’autonomie budgétaire de la France et, surtout, que soient anéantis les moyens indispensables à l’exécution des compétences liées aux politiques publiques. Nous souhaitons qu’un débat de fond soit engagé ici, qui puisse conduire à des propositions responsables de politique budgétaire.
    Le groupe LIOT appelle donc à un triple sursaut : démocratique, pour réaffirmer le rôle central du Parlement ; méthodologique, pour construire des trajectoires sincères, fondées sur des hypothèses réalistes ; politique, pour sortir du pilotage à court terme et retrouver une vision budgétaire claire, lucide, partagée. Du point de vue du Parlement, une seule voie est possible : celle du débat démocratique comme boussole de l’action publique.

    M. le président

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    La parole est à M. Emmanuel Maurel.

    M. Emmanuel Maurel (GDR)

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    Chers collègues –⁠ les valeureux qui sont restés dans cet hémicycle méritent d’être salués (Sourires) –, le gouvernement présente un rapport d’avancement annuel, mais force est de constater qu’on n’avance pas beaucoup ! Nous avons plutôt l’impression navrante de faire du surplace.
    Je vous ai écouté avec beaucoup d’attention, madame et monsieur les ministres, mais je constate toujours la même incapacité à vous remettre en question et à reconsidérer une politique qui ne porte pas ses fruits. Vous énoncez toujours les mêmes éléments de langage auxquels vous donnez parfois le sentiment de ne pas croire vous-mêmes. Vous montrez toujours la même impuissance à changer le cours des choses. Surtout, nous avons l’impression que vous nous condamnez aux mêmes scénarios. Le budget pour 2024 avait été adopté en utilisant l’article 49, alinéa 3, de la Constitution ; vous avez fait de même pour 2025. Pour 2024, vous aviez fait d’énormes erreurs de prévision sur les recettes ; pour 2025, c’est la même chose. Je rappelle que vous avez bâti un budget avec une hypothèse de croissance de 1,1 %, abaissée à 0,9 %, puis à 0,7 % ; à présent, les institutions financières parlent de 0,5 %. Cela fait partie des choses que vous n’avez pas anticipées. Le socle de la croissance s’est réduit comme peau de chagrin.
    Face à cela, il faudrait réagir, par exemple en proposant un projet de loi de finances rectificative ; pourtant, vous vous obstinez à le refuser, en dépit des changements internationaux et de l’obsolescence de vos paramètres. La seule marge de manœuvre que nous aurions vraiment, mais sur laquelle vous vous refusez obstinément d’agir, ce sont les recettes. (M. Jacques Oberti applaudit.) Comme l’a très bien dit le président de la commission des finances, parmi les pays de la zone euro, c’est en France qu’elles ont le plus diminué depuis 2019. Normalement, cela devrait vous inciter à agir, mais, au contraire, vous vous obstinez à ne rien faire, au point de refuser une disposition adoptée par l’Assemblée nationale il y a quelques mois : la taxation des ultrariches. En revanche, ce que vous proposez, comme d’habitude, ce sont des gels, des surgels, des réservations de crédits.
    Madame la ministre, votre discours était un bijou de langage technocratique désincarné. Quand même, derrière ces gels et ces surgels, il y a des programmes, des missions, des gens, des vies, des territoires ! Tout cela, vous semblez en faire fi au point de proposer des choses totalement contradictoires avec ce que vous proclamez par ailleurs, monsieur Lombard. Ainsi, vous consacrez 500 millions de moins à la recherche et à l’enseignement supérieur, alors même que vous dites vouloir faire venir à nous les chercheurs américains persécutés dans leur pays.

    Mme Christine Arrighi

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    Eh oui !

    M. Emmanuel Maurel

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    Vous consacrez 500 millions de moins à l’écologie, alors que vous soutenez à longueur de temps sur les plateaux de télévision que l’urgence du changement climatique impose de changer de politique. Vous consacrez 500 millions de moins à la mission économie, en coupant dans les crédits consacrés au plan France très haut débit et à l’adaptation des entreprises. Vous n’arrêtez pas de dire que vous croyez à l’innovation et à la compétitivité, mais vous coupez dans les dépenses une fois de plus.
    Cela donne l’impression d’une politique de gribouille, voire d’une politique du chien crevé qui suit le fil de l’eau. Nous n’avons pas l’impression qu’il existe un cap ni une stratégie ; la seule chose que vous faites, c’est couper dans les dépenses, en disant que vous effectuez pour l’heure des gels et surgels et que, bientôt, il faudra trouver 40 milliards d’économies. Mais il faut voir ce que de telles coupes représentent concrètement ! Je pense et, surtout, j’espère que vous n’y arriverez pas, car vous nous préparez clairement une récession.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Tout de suite les grands mots !

    M. Emmanuel Maurel

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    Monsieur Sitzenstuhl, votre discours était savoureux : vous êtes au pouvoir depuis sept ans, mais on a l’impression que vous venez d’arriver et que vous découvrez l’étendue de la catastrophe !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Non !

    M. Emmanuel Maurel

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    Si, c’est la vérité. La seule chose qui était vraie dans votre discours, c’est que vous avez dit qu’il fallait faire preuve d’humilité. Je crois que c’était une critique contre le président de la République et contre le gouvernement, et je vous suis totalement dans ce sens.
    Il y a un problème de stratégie et d’encadrement des politiques budgétaires, mais ce qui me soucie le plus, c’est qu’alors que la stratégie que vous nous proposez ne fonctionne pas, vous n’en changez pas, voire vous l’amplifiez alors que nous entrons dans une phase du cycle économique de laquelle la situation ne sortira que détériorée. Je vous le dis : il est encore temps de changer ; vous le pouvez, vous le devez, nous vous aiderons si vous le faites –⁠ sinon, nous allons au-devant de graves déconvenues. En réalité, le problème, c’est surtout la situation de la France et des Français, qui attendent qu’on change complètement de politique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)

    M. Philippe Brun

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    Bravo !

    M. le président

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    La parole est à M. Gérault Verny.

    M. Gérault Verny (UDR)

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    Nous sommes le 29 avril et la dette de la France s’élève à 3 370 milliards d’euros. Elle s’est aggravée de 65 milliards depuis que ce gouvernement est au pouvoir ; cela représente 1 000 euros de plus par Français en quatre mois.
    Madame la ministre, je vais vous faire une confidence : quand vous avez été nommée ministre du budget, j’ai été pris d’espoir. Enfin, une ministre du budget de droite, libérale,…

    M. Emmanuel Maurel

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    Ça, c’est vrai !

    M. Gérault Verny

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    …qui a démontré par ses prises de position qu’elle avait clairement cerné les enjeux économiques de la France : trop de dépenses, trop de fiscalité, trop de déficit, donc, en définitive, trop de dette publique.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Vous êtes alliés à des gens qui veulent revenir à la retraite à 60 ans !

    M. Gérault Verny

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    Vous vous êtes alliés à la France insoumise lors des dernières élections, gardez vos leçons pour vous !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Vous êtes alliés à des députés qui veulent baisser la TVA ! C’est du délire !

    M. Gérault Verny

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    Madame la ministre, j’ai découvert que vous étiez satisfaite de la suppression de l’impôt sur la fortune –⁠ que vous perceviez comme un frein à l’investissement en France –, que vous conceviez le statut des fonctionnaires comme une entrave aux recrutements, que vous aviez défendu le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique et que vous qualifiiez les candidats de la NUPES « d’anarchistes d’extrême gauche ». Autant d’indices qui semblaient indiquer que oui, vous aviez compris les maux qui rongent la France depuis des décennies. L’espoir naissait enfin chez les actifs du pays, qui pourraient désormais conserver le fruit de leur travail, et chez les entreprises, qui pourraient désormais investir librement, créer des emplois, innover et croître.
    Malheureusement, la réalité m’a vite rattrapé.

    M. Philippe Brun

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    Il faut donc croire que la réalité est de gauche !

    M. Emmanuel Maurel

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    Ou pas assez de droite !

    M. Gérault Verny

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    Les Échos titraient hier : « Déficit : La France, bonnet d’âne de la zone euro ». Bien que notre pays détienne le record mondial de la taxation, tel un gouvernement gauchiste (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SOC, EcoS et GDR), vous persistez : hausse de l’impôt sur le revenu des retraités, retour de la taxe d’habitation –⁠ alors que, depuis sa suppression, la taxe foncière a explosé de 20 % en moyenne et a même doublé à Nice –, pérennisation de la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR).
    Madame la ministre, vous assuriez plus tôt que les classes moyennes n’avaient pas subi de hausses d’impôt, mais c’est faux ! L’impôt sur les sociétés (IS) des plus grandes entreprises a explosé de 50 %, ce qui a lourdement touché les classes moyennes : les salariés de ces groupes ont vu leur intéressement affecté par cette taxation.

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    C’est impossible aussi rapidement !

    M. Gérault Verny

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    Chaque mois, c’est Nicolas qui paie.

    M. Emmanuel Maurel

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    C’est qui, Nicolas ?

    M. Gérault Verny

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    Il paie ses impôts, ses charges et ses taxes sans fraude ni combine.

    Mme Christine Arrighi

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    Et Bernard alors ?

    M. Gérault Verny

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    Aujourd’hui, il est spolié de la moitié de son salaire par l’État. On lui réclame toujours plus, pour financer les gaspillages et les folies d’un État qui dépense sans compter. Harcelé fiscalement, mis sous pression par chaque réforme, Nicolas encaisse en silence.

    Mme Christine Arrighi et M. Emmanuel Maurel

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    Oui, mais Bernard ?

    M. Gérault Verny

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    Il ne demande rien, il veut juste vivre dignement du fruit de son travail –⁠ mais à force, même lui commence à fatiguer.
    Il y a trois semaines, je vous ai interpellé ici même sur l’état des finances publiques et, deux jours plus tard, vous avez annoncé 40 milliards d’euros de réduction des déficits. Permettez-moi de saluer votre réactivité ! En revanche, je ne vous avais pas donné de pistes claires et vous avez choisi d’augmenter la fiscalité dans le pays déjà le plus taxé au monde.
    Au risque d’entrer dans une démonstration complexe et technique, je rappelle que lorsqu’on entend parler d’économies, on s’attend à une réduction des dépenses, pas à une augmentation des recettes. Je ne peux m’en prendre qu’à moi-même : j’aurais dû vous donner des pistes. Permettez-moi donc de réparer ce tort et de vous indiquer où trouver 40 milliards d’euros d’économies.
    La suppression de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) rapporterait 1 milliard d’euros, celle de MaPrimeRénov’, 3,4 milliards, celle du Conseil économique, social et environnemental (Cese), 34 millions, celle du soutien au spectacle vivant, 600 millions, celle du pass culture, 240 millions, celle de l’Office français de la biodiversité (OFB), 600 millions, celle de l’Agence de la transition écologique (Ademe), 1,2 milliard.

    Mme Christine Arrighi

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    C’est n’importe quoi !

    M. Gérault Verny

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    La suppression du programme de transition écologique ferait gagner 1,15 milliard, celle du soutien public à la presse, 370 millions.

    M. Emmanuel Maurel

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    On n’atteint toujours pas 40 milliards !

    M. Gérault Verny

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    La suppression de la dotation d’accueil aux étudiants étrangers rapporterait 3 milliards, celle de l’aide médicale de l’État (AME) au profit de l’aide médicale urgente (AMU), 1,2 milliard, et celle des agences régionales de santé (ARS), 500 millions.
    Un renforcement des critères d’accès à l’allocation aux adultes handicapés (AAH) permettrait de dégager 1,2 milliard, la suppression du service civique, 640 millions, celle de l’Agence française de développement (AFD), 9 milliards, celle du programme des équipements sportifs de proximité, 289 millions, celle du dispositif de soutien aux énergies renouvelables, 6,65 milliards, celle des tarifs préférentiels de rachat de l’électricité, 4 milliards, celle de l’exonération de taxe foncière et de contribution foncière des entreprises (CFE) sur l’éolien, 300 millions. Enfin, la privatisation de l’audiovisuel public rapporterait 3,83 milliards.
    Voilà 40 milliards d’euros de baisse de dépenses et l’UDR tient à votre disposition une liste d’actions permettant d’économiser 180 milliards de plus !
    Les suppressions que je vous propose non seulement n’enlèveraient rien à personne,…

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    Ah bon ?

    M. Gérault Verny

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    …mais elles libéreraient l’économie et stimuleraient la croissance. Mais vous le savez mieux que moi, vous dont le parcours académique est excellent !
    Plus sérieusement, j’imagine, madame la ministre, que vous êtes animée par la recherche du bien commun et que l’avenir de nos enfants dirige votre action. Règle d’or budgétaire, baisse des prélèvements obligatoires, restitution du fruit de leur travail aux actifs, remise de la France sur le chemin de l’innovation : il vous revient d’être à la hauteur du crédit que je vous donne.

    Mme Christine Arrighi

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    C’est vous qui n’êtes pas à la hauteur !

    M. le président

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    Cela fait cinquante minutes que la séance aurait dû être levée. Je vais donner la parole aux ministres pour répondre aux orateurs, mais il serait bon que nous terminions le débat avant vingt et une heures.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    À quelle heure reprendrons-nous ?

    M. le président

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    La séance du soir sera décalée d’autant.
    La parole est à M. le ministre.

    M. Éric Lombard, ministre

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    Merci, mesdames et messieurs les députés, d’être restés pour cette séance prolongée. Je vais essayer d’être synthétique.
    Le chemin est difficile, en effet, et nous devrons respecter la trajectoire fixée pour nos finances publiques. En effet, alors que notre endettement a crû du fait d’événements extérieurs indépendants de notre volonté,…

    Mme Christine Arrighi

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    Ce sont des événements extérieurs qui en sont la seule cause ?

    M. Éric Lombard, ministre

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    …comme la crise du covid, une augmentation des impôts réduirait le déficit mais aurait un effet récessif, tandis qu’une augmentation des dépenses, si elle pourrait éventuellement avoir un effet positif sur l’économie –⁠ je précise que le modèle utilisé par Bercy n’est plus keynésien depuis longtemps –, augmenterait le déficit, tout en alourdissant le prix de la dette : les trois principales agences de notation nous prêtent une perspective négative.
    Pour ces raisons, le chemin que nous proposons vise la maîtrise de la dépense publique, la non-augmentation de l’impôt et l’amélioration de la compétitivité de notre économie.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Eh oui !

    M. Éric Lombard, ministre

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    Je ne pense pas, monsieur le président de la commission des finances, qu’un pays dont la dépense publique représente 57 % de la richesse nationale soit géré sous le régime de l’austérité.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Pour certains, 57 % ce n’est pas assez !

    M. Éric Lombard, ministre

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    Vous évoquez un tsunami que nous affronterions avec les mêmes rames. J’apprécie la formule.

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Elle n’est pas de moi, elle est de François Bayrou.

    M. Éric Lombard, ministre

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    Le tsunami est là. Quand on voit les décisions que prennent les Américains depuis quelques semaines et la situation du commerce international, notre conviction est que pour répondre à ce tsunami, la priorité est d’assurer l’efficacité économique de nos entreprises, qui font face à une concurrence de plus en plus agressive. Je rappelle que, dans ce contexte, l’Allemagne vient de changer radicalement de politique économique et s’endette pour rattraper son retard.

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Oui, l’Allemagne investit et elle le fait à hauteur de 500 milliards d’euros !

    M. Éric Lombard, ministre

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    Nous devons, dans la compétition avec nos amis allemands, rester vigoureux et faire face à la compétition mondiale : c’est l’une des raisons pour lesquelles notre politique semble la plus adaptée.
    Le rapporteur général de la commission des finances n’est plus là pour m’entendre, mais cette situation nous oblige à tenir la trajectoire présentée dans le rapport d’avancement annuel du budget.
    Nous partageons les préoccupations du président et du rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le discours de la méthode tenu par le premier est aussi le nôtre : c’est par le dialogue que nous pourrons revenir de ce déficit de 15 milliards d’euros, qui est beaucoup trop élevé.

    Mme Christine Arrighi

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    Ce n’est pas par des décrets ou par le 49.3 ?

    M. Éric Lombard, ministre

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    Madame la députée, notre méthode reposera, dans tous les domaines, sur le dialogue –⁠ un dialogue très en amont, que nous avons ouvert avec le comité d’alerte, présidé par le premier ministre le 15 avril, que nous poursuivrons avec des députés de tous les bancs, pourvu qu’ils soient volontaires pour y participer, et que nous prolongerons avec les parties prenantes des trois segments de l’action publique : collectivités locales, État et sécurité sociale.

    Mme Christine Arrighi

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    Donc sans recourir à l’article 49.3 ?

    M. Éric Lombard, ministre

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    M. de Courson nous appelle à la prudence face à l’évolution de la croissance et on nous a même reproché les révisions successives de celle-ci. D’abord, qui aurait imaginé que la censure aurait un effet aussi négatif sur elle ?

    M. Emmanuel Maurel

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    Oh !

    M. Éric Lombard, ministre

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    Il a été d’au moins 0,3 point du PIB. Ensuite, qui aurait pu imaginer que le président des États-Unis mène une politique aussi atypique, qui n’avait plus été appliquée depuis plus d’un siècle et qui a dégradé de 0,5 point, c’est-à-dire considérablement, la croissance mondiale ?
    Monsieur le rapporteur général Thibault Bazin, vous avez raison de signaler qu’une prévision de 0,7 % reste sujette à des risques à la baisse, mais on peut espérer que les États-Unis reviennent à une politique plus favorable à la croissance, dont profiterait notre pays.
    Je partage votre avis, monsieur le président de la commission des affaires européennes : rétablir nos finances publiques, c’est rétablir notre souveraineté. Charles Sitzenstuhl mentionnait un voyage à Washington à l’occasion des réunions du FMI et de la Banque mondiale : quand la présidente du FMI m’a aimablement demandé comment elle pouvait nous aider, je lui ai répondu que nous gérerions nous-mêmes nos problèmes de finances publiques. Il y va de notre souveraineté.
    Nous avons non seulement besoin de rétablir nos finances publiques, mais la trajectoire qui mènera à ce rétablissement devra nous permettre d’améliorer notre effort de défense, qui est un effort pour la paix.
    L’Union européenne devrait nous y aider, par la mise en œuvre des conclusions des rapports Draghi et Letta et l’application d’un agenda de compétitivité et de rétablissement de la position économique de l’Europe. J’en profite pour rappeler l’engagement européen du gouvernement ; en ce moment historique où les États-Unis d’Amérique montrent une instabilité économique et politique, l’Union européenne se doit de confirmer sa place.
    La politique que nous avons menée depuis sept ans nous permet de rétablir l’attractivité de notre pays. L’un de vous a fait un commentaire ironique à ce sujet, mais le fait, dans le domaine de l’intelligence artificielle, d’avoir réuni autour du président de la République des investisseurs internationaux qui se sont engagés à hauteur de 109 milliards d’euros en étant convaincus par l’excellence des entreprises françaises des secteurs d’avenir me paraît de bon augure.
    Monsieur Tanguy n’est plus là, mais j’ai entendu ses critiques et noté le choix de ses formules. Sur le fond, je veux rappeler les difficultés importantes que nous rencontrons pour tenir notre position face aux États-Unis et à la Chine ; ma conviction est que ce n’est que grâce à l’Europe que nous y parviendrons. Il me paraît donc peu opportun de quitter l’Union.
    Cher Charles Sitzenstuhl, la dette atteint 113 % de notre PIB, ce qui est un problème, nous en sommes d’accord. Nous devons traiter ce problème, et le faire en évitant un matraquage fiscal qui nous plongerait dans une récession, qui, mécaniquement, aggraverait la dette. Je suis d’accord avec votre appel à mettre en avant la stabilité européenne pour attirer les investisseurs. C’est d’ailleurs ce que nous faisons déjà, notamment lorsque nous autres membres du gouvernement rencontrons des investisseurs internationaux à l’occasion de voyages réguliers.
    Monsieur Bouloux, j’ai bien entendu votre appel en faveur d’un État stratège et je suis d’accord avec vous. Il existe néanmoins entre nos approches une différence essentielle. Si, comme vous, nous défendons un modèle écologique et un modèle social dynamique, contrairement à vous, nous pensons que pour les appliquer, il faut, non pas augmenter la dépense publique –⁠ à 57 % du PIB, elle a déjà atteint un plafond –, mais la maîtriser. Si je goûte la formule selon laquelle vous préféreriez 5 % de déficit et une planète vivable, je crains qu’une France à ce niveau de déficit soit invivable : il est important que notre économie ait des comptes équilibrés et qu’elle assure son avenir.
    Je n’ai pas encore pris connaissance des propositions évoquées par Jean-Didier Berger, mais nous en débattrons, comme nous débattrons des propositions de tous les groupes qui le souhaiteront. C’est notre méthode, et c’est ainsi que nous construirons le projet de loi de finances pour 2026.

    M. Alexandre Dufosset

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    Accepterez-vous de débattre des propositions relatives à l’immigration ?

    M. Éric Lombard, ministre

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    Nous ne donnons pas à l’immigration le rôle que vous lui donnez et c’est bien là l’une des différences considérables qui nous distinguent. Nous ne modifierons pas notre position sur ce point.
    Eva Sas dit que le rythme d’ajustement est trop rapide.

    M. Philippe Brun

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    Elle a raison !

    M. Éric Lombard, ministre

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    Je ne m’étendrai pas sur le sujet, mais je ne partage pas ce point de vue : la situation est trop grave !
    Je remercie Emmanuel Mandon pour son appel au dialogue social, qui est la meilleure façon, si ce n’est la seule, d’améliorer notre compétitivité. Félicie Gérard l’a souligné elle aussi, tout en nous appelant à maîtriser les dépenses, préoccupation que nous partageons.
    Monsieur Bataille, le panorama économique est en effet sans pitié. C’est bien pour cette raison que nous veillons à ne pas compromettre l’autonomie budgétaire de la France.
    Monsieur Maurel, j’ai bien entendu vos propos. Non, l’évolution économique n’a pas été anticipée parce que, comme je l’ai dit en introduction, personne n’aurait pu penser que la politique américaine serait aussi disruptive.
    Enfin, monsieur Verny, vous ne vous êtes adressé qu’à ma collègue Amélie de Montchalin. Vous avez eu raison et je lui cède la place pour vous répondre et compléter mes propos. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    Je vais répondre sur un certain nombre de thèmes en essayant de remettre des éléments de réalité dans le débat.
    Certains orateurs ont expliqué que nous en sommes là parce que les comptes auraient été maquillés. Il est précieux d’éloigner de nous l’idée fausse selon laquelle le déficit serait le fruit d’un grand complot.
    Il est le fruit…

    M. Alexandre Dufosset

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    D’une mauvaise politique !

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    …d’une crise qui s’appelait le covid, puis de l’inflation, puis d’un choc qui a touché toutes les économies occidentales, avec une désinflation très rapide qui a beaucoup pesé sur les recettes en 2023 et 2024. Tous les rapports, y compris celui de la commission des finances dotée des pouvoirs d’une commission d’enquête, montrent qu’il n’y a ni biais ni erreurs dans le modèle, mais qu’il y a eu beaucoup d’aléas et un choc macroéconomique constaté demandant des ajustements…

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    C’est de l’interprétation !

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    J’ai lu votre rapport, monsieur le président !
    Ces ajustements auraient pu être faits plus rapidement. Tout cela nous conduit à mener la politique de transparence totale que nous vous devons, avec un rendez-vous le 15 avril, un rendez-vous fin juin et un rendez-vous en septembre, de manière à vous donner toute l’information sur l’exécution d’un budget né d’un compromis en commission mixte paritaire.
    J’en viens aux économies.

    M. Alexandre Dufosset

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    L’immigration !

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    La copie budgétaire de 2025 présente une baisse inédite de 2 % en valeur sur le périmètre des dépenses de l’État. C’est un effort qui n’a jamais été réalisé et que nous faisons pour maîtriser le train de vie de l’État, son fonctionnement, ses recrutements. Ce régime est difficile puisque l’État supporte 73 % de l’effort de réduction de la dépense publique alors que ses dépenses représentent moins de 40 % de celle-ci. Il s’agit néanmoins d’un effort que j’assume pleinement.
    De même, quand nous prenons des décrets d’annulation, cela fait suite à une politique, totalement assumée aussi, qui consiste à avoir demandé aux ministères de ne programmer leurs dépenses, hors masse salariale, que sur 95 % des montants qui leur ont été accordés. Nous leur avons dit que les 5 % restants pourraient être annulés en tout ou partie si les temps devenaient difficiles. C’est le cas. Quand nous annulons 2,7 milliards sur une réserve totale de 8,7 milliards, cela se voit, mais aucune des dépenses annulées n’a été programmée. Nous n’arrêtons aucun projet déjà commencé. Il s’agit d’une politique de bonne gestion, que la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) autorise, dans des proportions d’ailleurs bien plus importantes. Cette année, la Lolf nous permettrait ainsi d’annuler jusqu’à 12 milliards d’euros de dépenses.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Faites-le, madame la ministre !

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    Avec 2,7 milliards d’euros d’annulations, nous sommes totalement dans le cadre démocratique.
    J’ai beaucoup entendu parler des retraités. Si nous sommes tous très attachés à la démocratie représentative, j’imagine que nous le sommes aussi à la démocratie sociale. Or, dans le cadre du fameux conclave sur les retraites, ouvert parce que nous avons cherché à mettre l’ensemble des sujets sur la table, y compris ceux qui pourraient être vus par certains comme des tabous, des partenaires sociaux –⁠ les présidents du Medef et de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), celui du Conseil d’orientation des retraites (COR), Gilbert Cette, et certains représentants syndicaux – ont souhaité pouvoir regarder l’ensemble des dispositifs qui concourent au financement des retraites. Mon rôle de ministre des comptes publics n’est pas d’empêcher le débat ou de dire qu’il y aurait des sujets interdits, en dépit de l’engagement que tout soit ouvert.
    Nous avons authentiquement confiance dans les propositions que nous transmettra le conclave pour assurer le financement d’un système des retraites qui revienne à l’équilibre en 2030. Je le répète : mon rôle n’est pas d’interdire le débat. Je ne dissimule aucune disposition fiscale qui serait une manipulation ou une torsion du débat. Je crois en la démocratie sociale et je souhaite que le conclave aille à son terme. Il nous fera des propositions que nous avons pris l’engagement de présenter au Parlement. Il s’agit d’une promesse du premier ministre qu’il nous faut tenir.

    Mme Christine Arrighi

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    Sans filtre ?

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    J’ai entendu M. Tanguy parler de la contribution à l’Union européenne. Même s’il n’est plus dans l’hémicycle, j’ai envie de lui dire : « Chiche ! Arrêtons le prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne ! » Mais j’aimerais alors qu’il fasse le tour de la France pour expliquer aux agriculteurs que les 9 milliards d’euros annuels de la politique agricole commune (PAC) ne seront plus versés.

    M. Alexandre Dufosset

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    On paie plus qu’on ne reçoit !

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    J’aimerais l’entendre expliquer que les entreprises françaises, petites ou grandes, n’auront plus accès au marché intérieur. J’aimerais l’entendre dire que nous n’aurons plus accès aux grands programmes innovants de recherche spatiale. Pouvoir accéder à un marché de 450 millions de consommateurs a une valeur bien plus importante que celle de notre contribution. La stabilité que cela offre profite à tous.
    Le 3 juin se réunira la commission des comptes de la sécurité sociale. Le premier ministre a demandé aux hauts conseils des différentes branches de faire à cette occasion des propositions pour que, entre 2020 et 2029, les comptes de la sécurité sociale reviennent à l’équilibre. Nous l’avons fait en dix ans après la grande crise de 2008, entre 2010 et 2019. Nous pouvons avoir collectivement confiance en nous-mêmes pour revenir au même équilibre d’ici à 2029. Les propositions demandées représentent la contribution de chaque secteur, de chaque type de dépenses, à cette reprise en main.
    J’ai été interrogée sur les opérateurs de l’État. Je peux dire très sereinement que mon objectif n’est pas trumpiste. Je n’ai aucune passion pour la tronçonneuse et je ne tiens pas la brutalité pour une méthode. Je considère en revanche comme sain l’objectif d’avoir une action publique efficace, une chaîne de commandement claire et des politiques lisibles. C’est un objectif que les députés défendent à chaque instant. Le Printemps de l’évaluation regorge de rapports sur la manière de redonner aux politiques publiques cohérence et lisibilité, d’éviter les doublons qui, comme vous le savez si vous êtes des élus locaux, nuisent à la capacité des collectivités à y voir clair sur la manière dont l’État conduit ces politiques.
    Quelle est la méthode concernant le tiers des opérateurs dont j’ai annoncé la suppression ou la fusion ? Elle consiste à regarder où nous pouvons faire des mutualisations, des fusions ou des rapprochements avec les ministères. Le but est de redonner de la puissance à l’action publique et non, monsieur Verny, de supprimer des missions en faisant disparaître les agences qui les remplissent.

    M. Alexandre Dufosset

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    Si !

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    Vous proposez la suppression de l’OFB –⁠ mais je veux que l’on continue à mener une politique de la biodiversité en France.

    M. Gérault Verny

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    Je n’ai pas dit le contraire !

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    Vous proposez la suppression de l’Anah et de MaPrimeRénov’ –⁠ mais je veux que l’on continue à mener une politique de soutien aux ménages les plus modestes, notamment en matière de rénovation.
    Cela étant, notre organisation actuelle est-elle efficace et lisible ? Redonner, pour ce qui concerne un tiers des agences et des opérateurs, de la clarté dans la chaîne de commandement et de la pilotabilité,…

    M. Emmanuel Maurel

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    De la « pilotabilité » ? Qu’est-ce que c’est que ça ?

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    …et, ainsi, de la lisibilité aux Français constitue un exercice démocratique. Je souligne d’ailleurs qu’il est mené au Sénat dans le cadre d’une commission d’enquête. Là aussi, les parlementaires sont à l’œuvre.

    M. Alexandre Dufosset

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    C’est ça, la pilotabilité ! (Sourires.)

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    Du côté gauche de l’hémicycle, j’ai beaucoup entendu dire que la solution viendrait des recettes. Je vais vous le dire franchement : fin 2024, les recettes publiques représentaient 51,3 % du PIB. (M. Charles Sitzenstuhl applaudit. –⁠ M. le président de la commission des finances proteste.)
    Monsieur le président de la commission des finances, quand on additionne les prélèvements obligatoires, à 42,8 %, et les autres recettes, on arrive à 51,3 % du PIB. C’est l’Insee qui le dit.

    M. Gérault Verny

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    Record du monde, devant le Venezuela !

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    Je ne sais pas qui pourrait penser que la solution consisterait à augmenter encore ce chiffre.

    Mme Christine Arrighi

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    Vous préférez les fonds de pension et les assurances privées !

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    Les Français nous disent qu’ils veulent être payés plus –⁠ moi aussi. Les entreprises nous disent qu’elles veulent recruter mais que le poids des charges les freine. Regardons la différence avec l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne !

    M. Gérault Verny

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    Avec le monde entier !

    Mme Christine Arrighi

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    Il n’y a pas de crèches en Allemagne !

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    Sans une économie dynamique, sans des ménages qui gagnent bien leur vie, je ne vois pas comment nous pouvons imaginer une trajectoire des finances publiques.
    Pour finir, monsieur Verny, je veux vous dire qu’aucune dépense ne tombe dans un trou noir ou n’a pas de bénéficiaire. Je n’en connais aucune, comme je l’ai déjà déclaré lors des questions au gouvernement. Je suis prête à entendre toutes les propositions susceptibles de réunir un compromis dans l’hémicycle, mais je ne peux pas vous laisser dire que nous pourrions supprimer d’un trait de plume les milliards dont vous avez parlé.
    Je prends l’exemple de MaPrimeRénov’, que vous voulez supprimer pour faire des économies. Cette mesure a bénéficié à 2,5 millions de ménages modestes ou des classes moyennes…

    M. Alexandre Dufosset

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    Et à combien d’entreprises qui ont fait des détournements ?

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    …pour rénover leurs maisons, faire baisser leur facture de chauffage ou changer leur chaudière.

    M. Gérault Verny

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    C’est parce que l’électricité est trop chère !

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    Maintenant, vous me parlez d’électricité… Je veux bien examiner toutes les pistes, mais arrêtons de faire croire aux Français qu’il y aurait des dépenses qui tomberaient dans des trous et dont nous ne connaîtrions pas les bénéficiaires ! MaPrimeRénov’ cible précisément les Français modestes ou de classe moyenne que vous et nous voulons soutenir.
    Je ne peux pas laisser dire que les charges seraient, je vous cite, une « spoliation ». Les charges sociales…

    M. Emmanuel Maurel

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    Les cotisations sociales !

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    …financent la politique de santé, notamment à destination des retraités. Vous êtes monté à la tribune pour dire qu’il était honteux que le gouvernement imagine faire des retraités ses vaches à lait. Si nous supprimions les charges, qui paierait pour la santé ? Que ferions-nous des retraités et des personnes qui n’auraient pas les moyens de se soigner ? Les charges paient la politique familiale ; or je crois que votre groupe est attaché au soutien des familles. Les charges ne constituent donc pas une spoliation des Français. Elles sont un moyen de financer un modèle universel de sécurité sociale qui, effectivement, repose beaucoup sur les actifs.
    Je suis favorable à l’idée de discuter de ce modèle, de le réformer, de donner mandat aux partenaires sociaux pour le faire. En revanche, je ne peux pas laisser dire ou penser qu’il y aurait 40 milliards d’économies que nous ne faisons pas par manque de courage ou parce que nous aurions des copains et des collusions avec eux.
    Mesdames et messieurs les députés, baisser la dépense publique est impératif. Nous le ferons avec méthode, avec les parlementaires et de manière démocratique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    M. le président

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    Le débat est clos.

    5. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt-deux heures trente :
    Suite de la discussion du projet de loi de simplification de la vie économique.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt et une heures dix.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra