XVe législature
Session ordinaire de 2020-2021

Première séance du mercredi 10 mars 2021

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Première séance du mercredi 10 mars 2021

Présidence de M. Hugues Renson
vice-président

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Article 1er de la Constitution et préservation de l’environnement

    Suite de la discussion d’un projet de loi constitutionnelle

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle complétant l’article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l’environnement (nos 3787, 3894, 3902).

    Discussion des articles (suite)

    M. le président

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    Hier soir, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi constitutionnelle, s’arrêtant à l’amendement no 78 à l’article unique.

    Article unique (suite)

    M. le président

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    Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 78, 80, 79, 87, 104, 159, 280 et 123, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l’amendement no 78.

    M. François Ruffin

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    Par cet amendement, nous demandons l’introduction de la notion de planification écologique dans la Constitution.
    Comment allons-nous sortir de la crise écologique ? Pour sortir les États-Unis et le monde de la Seconde Guerre mondiale, le président Roosevelt a refusé de faire confiance au marché et a choisi une économie dirigée, une économie de guerre, dans laquelle les capitaux, la main-d’œuvre et les énergies étaient orientés vers le même objectif. Sans cette décision, la production de bombardiers, de porte-avions et de tanks n’aurait pas explosé. C’est grâce à cette économie dirigée que les États-Unis ont gagné la guerre.
    Une telle stratégie doit aujourd’hui être adoptée dans la guerre climatique que nous affrontons. Car il s’agit bel et bien d’une guerre, ce que le Président de la République a lui-même souligné. S’agissant du réchauffement climatique, les prévisions sont alarmantes : d’ici à la fin du siècle, la température moyenne pourrait augmenter de 2, 3, même 5 degrés, au niveau mondial.
    Si nous nous risquons à faire confiance au marché, si nous attendons qu’il résolve tout et que tout passe par les firmes, alors nous perdrons la guerre climatique. Le marché ne marche plus ! Nous devons avoir un plan et une direction. Il s’agit non de nationaliser toutes les entreprises, mais de permettre à l’État de jouer pleinement son rôle et de fixer le cap en matière d’agriculture, d’industrie, de biens essentiels et non essentiels, qui doivent être produits en France ou à l’étranger. Bref, il nous faut un plan.

    M. le président

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    La parole est de nouveau à M. François Ruffin, pour soutenir l’amendement no 80.

    M. François Ruffin

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    « Le libre-échange est à l’origine de toutes les problématiques écologiques. L’amplifier ne fait qu’aggraver la situation. Il faudra d’ailleurs comprendre un jour qu’une des premières obligations va être de relocaliser tout ou partie de nos économies. » Ainsi s’exprimait Nicolas Hulot en 2019. « Mais, avant que nos élites ne l’intègrent, observait-il, je pense qu’on sera tous calcinés. »
    La mondialisation et les traités de libre-échange sont la cause de la crise que nous traversons. Si nous ne nous y attaquons pas, tout ce que nous ferons sera inutile. Ce n’est pas en installant trois éoliennes que l’on va réussir à lutter contre le changement climatique.
    Le libre-échange nous prive de toute possibilité de rediriger l’économie vers une politique environnementale. Il s’agit d’une police qui sévit même au sein de notre assemblée : dès que l’on cherche à faire progresser les normes environnementales ou sociales, on nous répond « concurrence, concurrence, concurrence ! », « mondialisation, mondialisation, mondialisation ! ».
    Les traités de libre-échange s’imposent sans le dèmos, le peuple, et contre lui, en contournant les parlements. Le traité de libre-échange entre le MERCOSUR et l’Union européenne l’illustre parfaitement. Pour adopter ce texte, l’Union européenne a contourné les parlements nationaux. De même, le CETA, l’accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne, a été instauré de manière provisoire, il y a deux ans maintenant, sans que le Sénat ait été amené à se prononcer.
    Il est indispensable que les accords de libre-échange qui déterminent notre politique en matière d’industrie, d’agriculture et d’environnement fassent l’objet de référendums. Le peuple doit être consulté non pas sur l’ajout de jolies phrases dans la Constitution – mesure dont on sait bien, en réalité, qu’elle fera consensus –,…

    M. le président

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    Je vous remercie de conclure, monsieur Ruffin.

    M. François Ruffin

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    …mais sur ce qui va véritablement déterminer son avenir.

    M. le président

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    La parole est de nouveau à M. François Ruffin, pour soutenir l’amendement no 79.

    M. François Ruffin

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    L’eau courante que nous buvons et qui sort de nos robinets est désormais payante. Des firmes font du profit et ont construit leur empire à partir de ce bien commun. Tel un Jules Verne pessimiste – il a vécu lui aussi à Amiens –, je m’interroge : allons-nous assister à la même évolution pour l’air ? Demain, l’air que l’on respire aura-t-il lui aussi besoin d’être filtré et sera-t-il payant ? Nous devons garantir que l’eau, l’air et l’énergie resteront des biens publics.
    Nous faisons face à un paradoxe – je dirais même à une anomalie. Quand l’eau devient imbuvable, cela ouvre un marché à certaines firmes. Si l’air devient à son tour irrespirable, on peut craindre qu’il y ait là aussi un nouveau marché pour des acteurs économiques.
    Nous voulons donc la garantie que les crises environnementales qui s’installent dans notre pays ne créeront pas des opportunités de profits pour les entreprises privées. Étrange situation que la nôtre dans laquelle plus il y a de crises, plus les opportunités de profits sont grandes. Il faut inscrire dans la Constitution que l’eau, l’air et l’énergie sont des biens communs !

    M. le président

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    La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement no 87.

    M. François-Michel Lambert

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    Nous ouvrons un nouveau débat consacré à la réforme constitutionnelle. Monsieur le garde des sceaux, vous avez souhaité hier que nos débats se concentrent sur les enjeux environnementaux liés à cette réforme. Nul ne peut nier que l’amendement déposé par ma collègue Jennifer de Temmerman répond clairement à cet objectif que vous avez fixé – ou plutôt au souhait que vous avez exprimé, puisque les députés sont encore souverains, du moins je l’espère, s’agissant du débat parlementaire !
    L’amendement no 87 vise à ajouter, après le premier alinéa de l’article 1er de la Constitution, un alinéa ainsi rédigé : « La République veille à un usage économe et équitable des ressources naturelles, garantit la préservation de la diversité biologique et lutte contre les changements climatiques dans le cadre des limites planétaires. Elle promeut un modèle de croissance et de prospérité en adéquation avec la notion de développement durable, respectueux des besoins sociaux tout autant que de la protection de l’environnement. Elle assure la solidarité entre les générations. Une génération ne peut assujettir les générations futures à des lois moins protectrices de l’environnement que celles en vigueur. »
    Parce qu’il la juge importante, le groupe Libertés et territoires soutient la démarche de Jennifer de Temmerman visant à afficher dans la Constitution des ambitions fortes pour la France.

    M. le président

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    Je vous prie de conclure, monsieur Lambert.

    M. François-Michel Lambert

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    Je conclus, monsieur le président !
    Monsieur le garde des sceaux, chers collègues, adopter cet amendement permettrait de donner corps à la volonté présidentielle et à la proposition de la convention citoyenne pour le climat d’intégrer dans la Constitution la dimension essentielle des enjeux environnementaux et du développement durable.  

    M. le président

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    Une phrase de conclusion unique, mais qui fait vingt-huit secondes à elle seule, monsieur Lambert ! (Sourires.)
    Sur l’amendement no 104, je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir l’amendement no 104.

    M. Gérard Leseul

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    La gestion d’un avenir durable suppose que les acquis environnementaux ne soient pas remis en question. Il s’agit d’une question dont nous avons déjà débattue, cet amendement des députés socialistes et apparentés reprenant en partie un amendement déposé par notre groupe en 2018 lors de l’examen du projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace.
    Nous proposons de renforcer la sécurité juridique et la protection durable de l’environnement, sujet que nous avons déjà abordé hier. Le principe d’amélioration constante protège les droits des générations futures. C’est la raison pour laquelle j’appelle l’assemblée à adopter l’inscription de ce principe de progrès à l’article 1er de la Constitution.

    M. Julien Aubert

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    Encore !

    M. le président

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    La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l’amendement no 159.

    Mme Delphine Bagarry

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    Cet amendement, déposé à l’initiative de Mme Batho, propose trois modifications à l’article unique du projet de loi constitutionnelle. Tout d’abord, il inscrit à l’article 1er de la Constitution la notion de République écologique : la République n’est pas seulement indivisible, laïque, démocratique et sociale ; elle est aussi écologique. Ensuite, il précise le sujet de la phrase en remplaçant « elle garantit » par « la loi garantit ». Enfin, il complète la proposition de la convention citoyenne pour le climat par l’inscription dans la Constitution du principe d’amélioration constante dont vient de parler notre collègue Gérard Leseul.

    M. le président

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    La parole est à M. Benoit Simian, pour soutenir l’amendement no 280.

    M. Benoit Simian

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    En 2002, lors du Sommet de la Terre, Jacques Chirac disait : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » Aujourd’hui, avec cette réforme constitutionnelle, la France s’apprête à franchir un nouveau pas – ce qui doit être salué – en modifiant l’article 1er de la Constitution. En cet instant, mes pensées vont à d’éminents constitutionnalistes et en particulier à Ferdinand Mélin-Soucramanien, qui m’a appris, quand je faisais mes études de droit, que les mots ont un sens.
    Or ce projet de loi constitutionnelle va plus loin que la charte de l’environnement de 2004 intégrée au bloc de constitutionnalité. Avec cet amendement, je propose donc de placer l’être humain au cœur de la République au lieu de l’environnement. Toute la question – qui nous taraude – est de sortir de l’écologie dogmatique. Je le dis souvent et cela n’engage que moi : les chasseurs sont les premiers écologistes de France car ils participent à la régulation des espèces. Je suis convaincu que nous devons préserver les équilibres du vivant.
    L’amendement propose, après la troisième phrase du premier alinéa de l’article 1er de la Constitution, d’écrire « Elle garantit la préservation du vivant soit de tout être organisé qui naît, se développe, peut se reproduire et meurt. », et non « Elle garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique. » Il s’agit donc d’inscrire la notion de vivant dans la Constitution.

    M. le président

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    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 123.

    M. Xavier Breton

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    Cet amendement déposé à l’initiative de mon collègue Dino Cinieri vise à compléter l’article 1er de la Constitution par l’alinéa suivant : « La loi prend en compte la préservation de l’environnement et de la biodiversité pour notamment lutter contre le dérèglement climatique. »
    Il propose ainsi que ce soit « la loi » plutôt que « la France » qui garantisse la préservation de l’environnement et de la biodiversité, ce qui est plus précis au plan juridique. En outre, les mots « prend en compte » induisent une obligation de moyens plutôt que de résultat. Nous l’avons déjà dit, le terme « garantit », plus contraignant, ouvre une logique de judiciarisation, qui pourrait susciter des contentieux. La rédaction proposée par Dino Cinieri est plus satisfaisante, compte tenu de notre objectif.

    M. le président

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    La parole est à M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Je formulerai plusieurs remarques sur ces différents amendements. Tout d’abord, l’amendement no 78 de M. Prud’homme et les amendements nos 80 et 79 de Mme Panot, défendus par M. Ruffin, recevront un avis défavorable puisqu’ils s’inscrivent dans la volonté d’instaurer une VIe République en proposant d’intégrer dans la Constitution un nouveau titre consacré à la planification écologique, ce que je ne souhaite pas. Je ne partage pas cette conception du droit de propriété et des objectifs qui doivent être poursuivis par la recherche scientifique. J’ajoute que j’ai évidemment été attentif aux travaux menés par Mme Obono sur les accords de libre-échange, notamment en commission des affaires européennes, mais il ne me semble pas souhaitable que nous soumettions l’ensemble de ces accords à référendum. Étant donné la difficulté que nous rencontrons parfois pour parvenir à un consensus avant de soumettre un texte à référendum, une telle mesure rendrait impossible tout accord avec qui que ce soit à l’échelle de la planète ; nous y sommes défavorables.
    Par ailleurs, la notion de « bien commun », que vous proposez d’introduire, fait débat, et j’imagine que nous aurons une discussion assez vive à ce sujet cet après-midi. À nos yeux, elle est trop peu précise, trop floue ; il n’est pas souhaitable de l’inscrire dans la Constitution.
    S’agissant de l’amendement no 159 de Mme Batho défendu par Mme Bagarry, qui propose de préciser que la République est aussi « écologique », nous en avons discuté très longuement hier soir et j’ai déjà expliqué pourquoi je m’y opposais.
    Les amendements no 87 de Mme De Temmerman et no 104 de M. Leseul tendent au fond à introduire un principe de non-régression ; nous en avons discuté en long, en large et en travers hier soir et nous avons expliqué pourquoi nous n’y étions pas favorables.
    L’amendement no 280 de M. Simian propose que la République garantisse « la préservation du vivant soit de tout être organisé qui naît, se développe, peut se reproduire et meurt. » Vous conviendrez que la définition est large ; elle pourrait s’appliquer aux organismes unicellulaires et par exemple aux bactéries. Une telle mesure irait vraisemblablement trop loin.
    Enfin, l’amendement no 123 de M. Cinieri, défendu par M. Breton, propose que seule « la loi » prenne en compte la préservation de l’environnement. Or nous portons une ambition plus forte en prévoyant que cette préservation soit garantie par « la République », c’est-à-dire par l’ensemble des pouvoirs publics, qu’ils soient nationaux ou locaux, et pas seulement par les législateurs. Mon avis est donc également défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Le Gouvernement émet évidemment un avis défavorable sur tous ces amendements qui visent en réalité à intégrer de nouvelles notions à l’article 1er de notre Constitution. Bravo pour votre créativité ! Elle s’exprime ici de façon démocratique, et c’est bien normal. On trouve un peu de tout dans ce qu’il conviendrait d’introduire selon les uns et les autres – ou plutôt les uns ou les autres, car les notions proposées ne sont pas cumulatives mais s’excluent mutuellement.
    Je m’arrêterai par exemple à celle de « bien commun ». Si vous trouvez une définition stabilisée de cette expression, faites-moi signe – vous me pardonnerez cette familiarité ! Je serai d’autant plus bref que M. le rapporteur a été exhaustif et précis : nous estimons que la rédaction que nous proposons de l’article 1er – pardon de le dire – est la bonne.

    M. le président

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    La parole est à M. Gérard Leseul.

    M. Gérard Leseul

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    Vous avez raison, monsieur le ministre : il y avait un petit peu de tout dans ces amendements – libre-échange, biens communs, République écologique, non-régression, garantie. D’ailleurs, je m’étonne : pourquoi font-ils l’objet d’une discussion commune ? Au point où nous en sommes, vous devriez les examiner par dix ou par vingt, ça irait plus vite !

    M. François Ruffin

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    Oui !

    M. François-Michel Lambert

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    Tout à fait !

    M. Xavier Breton

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    C’est la bonne question !

    M. Gérard Leseul

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    Je suis donc assez agacé par votre méthode. Nous avons certes déjà évoqué ces questions hier, mais nous allons encore le faire aujourd’hui. Je rappelle, monsieur le ministre, que dans le cadre de ce débat parlementaire, nous avons toute latitude pour discuter les termes de la proposition qui nous est faite, pour la compléter, l’amender et pour en supprimer ou y ajouter des éléments. (M. François Ruffin et M. François-Michel Lambert applaudissent.)

    M. François-Michel Lambert

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    Tout à fait !

    M. le président

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    J’apporterai une petite précision, monsieur Leseul, au sujet de votre intervention. Parce que vous avez maintenant une bonne connaissance du fonctionnement de l’Assemblée, il ne vous aura pas échappé qu’il s’agit d’amendements qui proposent une rédaction globale de l’article.
    Ils s’excluent mutuellement : ils n’ont donc pas à être examinés séparément, puisque l’adoption de l’un ferait tomber les autres. C’est toujours de cette manière que nos débats sont organisés, même si j’entends votre rappel – qui n’est pas un rappel au règlement – à l’intelligibilité de nos échanges.
    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani

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    Nous avons eu ici par le passé l’occasion d’examiner plusieurs traités internationaux. Si tout le monde connaît l’intérêt de l’ouverture internationale pour permettre l’efficacité économique et la croissance, tout le monde connaît aussi les limites de cette croissance. Je rebondis sur l’un des amendements qui ont été défendus : je pense qu’en effet, nous devrions à l’avenir mieux étudier l’opportunité de tel ou tel traité international à l’aune de son impact écologique potentiel mais aussi de ses conséquences économiques et sociales. Il est évident que favoriser l’échange est une bonne chose en soi, mais démanteler des pans entiers de notre économie – on le constate trop souvent – est dramatique.

    M. le président

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    La parole est à M. François-Michel Lambert.

    M. François-Michel Lambert

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    J’approuve l’observation de M. Leseul. Comment voulez-vous que M. le rapporteur et M. le ministre répondent en même temps à des amendements dont la rédaction est si différente ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Mais enfin !

    M. François-Michel Lambert

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    La réponse faite à l’instant par M. le ministre ne s’adressait pas à moi, ou alors il n’a pas lu l’amendement de ma collègue Jennifer De Temmerman ; sinon, il se serait exprimé différemment. Je m’étonne…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ne soyez pas désobligeant !

    M. François-Michel Lambert

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    Monsieur le ministre, je ne suis pas désobligeant. Pas plus que le rapporteur, vous n’avez répondu sur le fond de l’amendement proposé par Mme De Temmerman. Vous l’avez évacué d’une phrase : « Nous en avons déjà parlé hier. » Aucun élément argumenté n’a été apporté en réponse à cet amendement, simplement parce qu’il était en discussion commune avec d’autres – tout aussi respectables mais qui ne sont absolument pas du même ordre –, comme celui qui a été défendu par notre collègue François Ruffin. Nous sommes donc très loin de ce que devraient être des débats démocratiques dans cet hémicycle : au lieu de porter sur ce qui est proposé, ils se réduisent à des effets de manche.
    Monsieur le président, vous savez tout le respect que j’ai pour la présidence, qu’elle soit assurée par vous, par un autre vice-président ou par le président Richard Ferrand, mais nous nous retrouvons donc dans une situation qui nous empêche de débattre sur le fond. Je le répète : l’amendement de Jennifer De Temmerman mérite une réponse à la hauteur de ce qu’il propose.

    M. le président

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    La parole est à M. Marc Le Fur.

    M. Marc Le Fur

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    Je voulais simplement faire un petit clin d’œil à notre collègue Ruffin : le fait que vous utilisiez la notion de « bien commun » me ravit, c’est une belle référence qui vient de la philosophie thomiste et je m’en réclame moi-même, ainsi qu’une bonne partie de notre groupe.
    Seulement, nous ne voulons pas du verbe « garantir », parce qu’il a pour effet de censurer l’action non seulement du législateur mais aussi de la société civile dans son ensemble, donc de censurer la recherche, la science et l’innovation, à un moment où il est nécessaire d’être agile et réactif. Regardez l’affaire des vaccins : les pays les plus lents sont les nôtres, ceux de l’Union européenne ! Israël a réagi plus vite, tout comme le Royaume-Uni et les États-Unis, pendant que nous nous censurons, que nous nous freinons, que nous nous interdisons d’agir ! C’est un problème redoutable.
    Vous devriez vous poser la question, monsieur le ministre : comment se fait-il que parmi les grands patrons qui sont à la tête des grandes entreprises pharmaceutiques internationales, notamment américaines, on trouve deux Français ? N’ont-ils pas pu travailler chez nous ? Ils ont dû s’expatrier du fait de l’application du principe de précaution et de difficultés diverses et variées auxquelles ils ont été confrontés. C’est pour cette raison qu’il ne faut censurer ni le législateur ni la société civile, en particulier les scientifiques et les chercheurs. Il faut au contraire que nous soyons très réactifs, car ceux qui s’en sortiront demain sont ceux qui seront capables d’innover pour faire bouger les choses, dans l’intérêt du bien commun – je reprends cette belle expression thomiste évoquée par François Ruffin. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Joachim Son-Forget.

    M. Joachim Son-Forget

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    Monsieur le rapporteur – je vous le dis avec toute l’amitié que j’ai pour vous, vous le savez –, votre objection à la belle idée de M. Simian de substituer la préservation « du vivant » à celle « de l’environnement et de la diversité biologique », que vous souhaitez garantir, repose sur une démonstration par l’absurde. Selon vous, cette proposition devrait nous inciter à protéger les bactéries. Mais je pourrais moi aussi vous rétorquer par l’absurde que pour le moment, la seule biodiversité que le Gouvernement ait réussi à maintenir est celle du coronavirus et de tous ses variants. On pourrait aller très loin comme ça !
    Nous sommes en effet le fruit d’une évolution commune avec des micro-organismes, au cours de laquelle nous intégrons une partie de leur génome. Nous formons un tout ! On touche du doigt un problème que pose la rédaction du projet de loi. La « préservation de l’environnement » ne veut rien dire en soi : celui-ci peut être délétère, il y a des tempêtes, des ouragans, des catastrophes naturelles, des extinctions d’espèces ! Penser que l’environnement est toujours positif et que la diversité biologique n’est jamais délétère pour l’homme – elle l’est, dans certaines conditions – est très restrictif. C’est pourquoi l’expression très partiale que vous voulez inscrire dans la Constitution, à laquelle une vision holistique et humaniste fait défaut, pose problème.

    M. Marc Le Fur

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    Très juste !

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je répondrai très brièvement et essentiellement à l’attention de M. Lambert : les amendements, je les lis, monsieur le député,…

    M. François-Michel Lambert

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    Mais vous n’y répondez pas !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …et je n’entends pas que vous puissiez dire devant la représentation nationale que je n’ai pas fait mon travail,…

    M. François-Michel Lambert

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    Je n’ai pas dit cela !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …car cela relève du fantasme. Je lis les amendements, et je les lis si bien que je peux vous rappeler que nous y avons déjà répondu. Le rapporteur vient d’y apporter une réponse très précise…

    M. François-Michel Lambert

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    Ah bon ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ne m’interrompez pas, si vous le voulez bien – cela s’appelle la courtoisie. Hier, nous nous sommes très longuement penchés sur la question de la non-régression, à deux reprises au moins. Je n’ai pas le goût de l’effort inutile. On l’a dit une fois, deux fois, mais vous ne voulez pas l’entendre et vous préférez dire que je n’ai pas pris connaissance des amendements.
    Vous avez avancé un autre argument également erroné, et je remercie M. le président de l’avoir rappelé. Une discussion commune n’est pas l’examen d’amendements qui se ressemblent. Les parlementaires aguerris le savent parfaitement. C’est – au contraire, peut-être – la discussion d’amendements dont l’adoption de l’un ferait tomber tous les autres. Il est d’ailleurs curieux de l’appeler « commune », mais c’est comme ça. Je n’ai pas vocation à modifier la terminologie des règles parlementaires.

    M. François-Michel Lambert

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    Pourquoi ne pas les examiner les uns après les autres ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ce n’est donc pas la peine de dire aux gens nous écoutent qu’il n’est pas normal que les amendements fassent l’objet d’une discussion commune, car vous savez parfaitement pourquoi il en est ainsi.

    M. Julien Aubert

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    Pour le bien commun !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Enfin, M. Le Fur, vous l’avez dit vous-même : l’examen du texte donne lieu à des propositions très éclectiques, et l’on évoque de nombreux sujets qui n’ont pas grand-chose à voir avec le climat, la biodiversité et l’environnement. Hier, l’un d’entre vous a proposé que l’on mentionne les racines judéo-chrétiennes de la France, oubliant au passage quelques territoires de notre belle République. C’est vous dire l’éclectisme et la créativité dont vous faites preuve.

    Mme Brigitte Kuster

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    Ça s’appelle des valeurs !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je comprends qu’à l’occasion de cette discussion, vous vouliez aborder ces sujets qui vous sont chers, mais je déplore que vous en fassiez une tribune pour critiquer ce que vous estimez devoir être critiqué,…

    M. Xavier Breton

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    C’est vous qui faites une révision constitutionnelle !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …même si c’est votre droit. Que voulez-vous que je vous réponde ? On sait bien que vous n’êtes pas d’accord avec la majorité, puisque vous êtes dans l’opposition ! (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Aubert.

    M. Julien Aubert

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    Monsieur le ministre, à votre place, je ne critiquerais pas les membres du Parlement qui font preuve de créativité.

    M. François-Michel Lambert

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    Merci !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ce n’est pas ce que j’ai fait !

    M. François-Michel Lambert

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    Ne coupez pas la parole, monsieur le ministre !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous n’êtes pas le président !

    M. Julien Aubert

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    D’abord, jusqu’à preuve du contraire, aux termes de la Constitution que vous voulez resculpter, le Gouvernement est encore responsable devant le Parlement. Ensuite, en matière de créativité, on pourrait évoquer un autre texte actuellement examiné en commission spéciale, au sein duquel le Gouvernement a produit un véritable feu d’artifice d’idées,…

    Mme Brigitte Kuster

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    Exactement !

    M. Julien Aubert

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    …de « Oui pub » au menu végétarien dans les cantines, dont on se demande d’ailleurs si ce sont les premières mesures à prendre en priorité pour faire reculer le dérèglement climatique.

    M. Xavier Breton

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    Très bien !

    M. Julien Aubert

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    Enfin, s’agissant de votre commentaire sur l’excellentissime amendement de notre collègue Julien Ravier, le petit cours de philosophie donné par notre excellent ami Marc Le Fur montre bien que même M. Ruffin vient puiser aux racines judéo-chrétiennes de la France pour défendre ses amendements. J’achèverai mon intervention en citant Frédéric Mistral qui disait que « Les arbres aux racines profondes sont ceux qui montent haut. » Si vous voulez que l’arbre de l’écologie française puisse croître, il faudra bien qu’il ait des racines ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR. – M. Joachim Son-Forget applaudit également.)

    (Les amendements nos 78, 80, 79 et 87, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 104.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        84
            Nombre de suffrages exprimés                83
            Majorité absolue                        42
                    Pour l’adoption                12
                    Contre                71

    (L’amendement no 104 n’est pas adopté.)

    (Les amendements nos 159, 280 et 123, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    L’amendement no 124 de M. Dino Cinieri est défendu.

    (L’amendement no 124, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de trois amendements, nos 105, 290 et 292, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L’amendement no 105 de M. Gérard Leseul est défendu.
    La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir les amendements nos 290 et 292.

    M. Éric Pauget

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    Je propose plusieurs modifications rédactionnelles, notamment de remplacer « Elle » par « La France » afin d’élargir l’obligation de garantir la préservation de l’environnement, de la diversité biologique et la lutte contre le dérèglement climatique de notre pays. Dans le texte, cette obligation est circonscrite à la loi française et donc seulement applicable sur notre territoire. La notion plus généraliste et universaliste de France en tant que nation pourrait aussi conditionner l’action politique de notre pays sur la scène internationale.
    Je propose aussi de remplacer « diversité biologique » par « biodiversité » qui me semble beaucoup plus lisible.
    Enfin, je propose de remplacer « dérèglement » par « changement », dans un souci de cohérence politique avec la vision que la France a mondialement défendue lors de la présentation de l’accord de Paris de 2015 portant sur « le changement climatique ».

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    Merci, chers collègues, pour vos amendements. Je n’approuve pas l’idée de remplacer « Elle » par « La France » au motif que seul le législateur serait visé par l’article unique. À travers le pronom « elle », qui renvoie à la République, nous visons tous les acteurs publics, ce qui fait que votre proposition est déjà satisfaite.
    S’agissant de votre deuxième proposition, je ferais observer que « diversité biologique » est totalement synonyme de « biodiversité », en vous renvoyant à l’article L. 110-1 du code de l’environnement.
    Enfin, comme vous l’avez souligné, plusieurs textes internationaux font référence au changement climatique, mais nous avons fait le choix de défendre le terme de dérèglement climatique, en ce qu’il renvoie aux effets de l’action humaine sur ce changement. Je suis défavorable à ces amendements.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Nous avons choisi et assumons ces mots car nous estimons qu’ils sont les plus adéquats, forts et utiles. Par conséquent, je dirais, sans en rajouter, que je suis défavorable aux modifications parfois sémantiques que vous proposez. C’est une évidence ; encore faut-il le rappeler. Voilà pourquoi je me lève pour le faire.

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Pauget.

    M. Éric Pauget

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    Monsieur le rapporteur, j’entends vos arguments mais je voudrais revenir sur la notion de changement climatique et rappeler que la France, il y a cinq ans, a exprimé sa vocation universelle internationale en dénonçant le changement climatique. Dans ce texte que vous défendez, il aurait été cohérent d’employer ce même terme. Disant cela, je ne fais pas de politique ; je pense au rayonnement international de la France.

    (Les amendements nos 105, 290 et 292, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    Je suis saisi de cinq amendements, nos 412, 47, 89, 127 et 267, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 47, 89 et 127 sont identiques.
    La parole est à M. Joachim Son-Forget, pour soutenir l’amendement no 412.

    M. Joachim Son-Forget

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    Il vise à remplacer la notion d’environnement par celle de nature et de culture. Si je devais cautionner cette utopie du Gouvernement, je penserais à lui faire garantir quelque chose de beaucoup plus holistique que l’environnement.
    La nature biologique de l’homme n’est pas neutre ou inexistante, elle est la base sur laquelle s’élabore notre comportement moral. C’est un puissant mécanisme qui est à l’origine de la coopération sociale et qui vise à bénéficier de ses fruits.
    La transmission aux générations futures des principes de respect de la nature et la culture est un enjeu capital pour la communauté nationale : l’homme naît plutôt débiteur que créancier de la société. Le caractère biologique fini de l’homme doit l’inscrire dans une démarche de transmission d’un environnement sain et d’un patrimoine culturel vertueux.
    La société n’est pas une somme d’individus quelconques auxquels l’on pourrait accorder indifféremment un maximum de droits, mais un organisme infiniment complexe et vulnérable qui ne saurait subsister sans respecter un certain nombre de conditions, de limites et de règles.
    Il convient de protéger non seulement l’universalité de l’homme, mais aussi les particularismes des territoires, les coutumes locales et les normes culturelles au même titre que l’environnement dont l’existence propre, sans l’homme, n’a pas de sens dans le cadre d’un texte où le référentiel pour légiférer est finalement toujours anthropocentré.

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Benassaya, pour soutenir l’amendement no 47.

    M. Philippe Benassaya

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    Proposé par mon collègue Fabrice Brun, cet amendement revient sur le verbe garantir. Dans son avis du 21 janvier 2021, le Conseil d’État estime que l’utilisation de ce verbe pourrait constituer, si le texte était adopté en l’état, « une quasi-obligation de résultat aux pouvoirs publics » dont « les conséquences sur leur action et leur responsabilité risquent d’être plus lourdes et imprévisibles » que les dispositions actuellement inscrites dans la charte de l’environnement.
    Pour prendre en compte les réticences exprimées sur cette rédaction par le Conseil d’État, M. Brun propose de remplacer le verbe « garantir » par le verbe « préserver » et de préciser qu’il doit y avoir une cohérence avec la charte de l’environnement qui reprend déjà ce dernier verbe dans plusieurs de ses articles.

    M. le président

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    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 89.

    M. Marc Le Fur

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    Identique au précédent, il vise aussi à remplacer « garantir » par « préserver ».
    Il ne s’agit pas d’une simple question de vocabulaire : nous ne sommes pas aux jeudis de l’Académie, mais nous légiférons.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est vrai !

    M. Marc Le Fur

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    Comme l’a parfaitement dit mon collègue, garantir crée une obligation alors que, pour notre part, nous voulons fixer un objectif. Je me fais une trop haute idée du législateur pour lui imposer une obligation. En revanche, si nous lui assignons un objectif, il lui reviendra de prendre les décisions qu’il juge nécessaires, en fonction des circonstances, sachant qu’une nouvelle majorité siégera dans cette assemblée après 2022.
    En tout état de cause, n’accumulons pas les censures à l’égard des législateurs si nous ne voulons pas que nos concitoyens se plaignent de notre inaction et nous demandent à quoi nous servons si nous ne faisons qu’appliquer des décisions qui, peu ou prou, sont sous le contrôle des juges. En dernière analyse, le verbe préserver est autrement plus respectueux de notre assemblée et de ceux qu’elle représente, c’est-à-dire l’ensemble de nos concitoyens.

    M. Pierre Cordier

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Gosselin, qui arrive à l’instant dans l’hémicycle, pour soutenir l’amendement no 127.

    M. Philippe Gosselin

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    Cela s’appelle le sens du timing.

    M. le président

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    Nous ne l’avions pas préparé, monsieur Gosselin !

    M. Philippe Gosselin

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    Je confirme, monsieur le président.

    M. Pierre Cordier

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    Pour faire le coup du rideau, il faut être cinquante !

    M. Philippe Gosselin

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    Nous ne sommes pas assez nombreux pour faire le coup du rideau et être capables d’inverser le processus !
    Pour en revenir à l’amendement, je rappelle que les mots ont un sens dont les conséquences ne sont pas neutres. Ici, il est question de garantie. Certes, nous souhaitons tous que la préservation de l’environnement, de notre patrimoine commun, soit une ardente obligation. Nous ne sommes pas les propriétaires mais les dépositaires de la Terre et, ici, nous sommes les représentants de cet usage collectif national et mondial.
    Veillons toutefois à ne pas nous piéger en utilisant ce verbe « garantir ». Nous risquons aussi de piéger l’économie française et l’initiative, de paralyser en partie le fonctionnement et le développement de notre pays.
    Ce n’est pas ce que le Gouvernement recherche, mais le Conseil d’État lui-même se préoccupe des termes employés qui pourraient entraîner une judiciarisation de notre vie économique, sociale, nationale.
    Puisque ce n’est pas ce que vous voulez, il nous semble prudent de revenir à un vocabulaire plus adapté. Sans remettre en cause le principe de protection de l’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique, le terme proposé sera davantage en cohérence avec la charte de l’environnement, texte dont la force est reconnue par le Conseil constitutionnel. Concilions l’existant avec vos souhaits. (Mme Brigitte Kuster applaudit.)

    M. le président

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    L’amendement no 267 de M. Erwan Balanant est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    Merci, chers collègues, pour vos amendements qui renvoient à une discussion que nous avons entamée hier, tard dans la nuit. L’article 1er de notre Constitution est celui qui proclame les grands principes et les valeurs de notre République. Si nous adoptons le texte, nous affirmerons que la France « garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique. »
    Simple, claire et puissante, cette phrase entraîne des conséquences car la réforme ne se borne pas à des déclarations de principe ou d’intention. Nous utilisons des verbes d’action – garantir, lutter – qui ne sont pas neutres, qui nous engagent et auront vocation à irriguer toute l’action publique, nationale ou locale, au cours des années à venir.
    Nous assumons et défendons ce choix ambitieux, et nous continuerons à le faire au cours des débats. Cher collègue Gosselin, vous sous-entendez que ce nouveau principe constitutionnel viendrait en écraser d’autres tels que la liberté d’entreprendre. Rappelons que nous avons fait le choix politique d’inscrire ces notions à l’article 1er de notre Constitution et en aucun cas dans le préambule…

    M. Philippe Gosselin

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    Cela ne change rien !

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    …comme l’avaient proposé les membres de la convention citoyenne pour le climat, ce qui aurait conduit à écraser les autres normes constitutionnelles.

    M. Philippe Gosselin

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    Tous les articles se valent !

    M. Marc Le Fur

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    Il n’y a pas de hiérarchie des articles dans les textes !

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    Nous choisissons de l’inscrire à l’article 1er, ce qui laissera le juge apprécier et concilier les différents principes constitutionnels. Nous sommes convaincus que cela renforcera l’ordre juridique de la préservation de l’environnement dans notre Constitution, sans entraîner un écrasement des autres principes constitutionnels.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Quand j’ai vu arriver à la hâte M. le député Gosselin, j’ai effectivement cru au coup du chapeau.

    M. Philippe Gosselin

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    Vous voulez nous faire porter le chapeau !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Non, je voulais évidemment parler du coup du rideau, que je n’ai pas encore eu à éprouver, voire à subir – il faut choisir les bons verbes –, mais je ne doute pas que cela viendra.

    M. Philippe Gosselin et M. François-Michel Lambert

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    À subir !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    À vrai dire, on a suffisamment glosé et affirmé des choses sans les mettre en pratique. Nous souhaitons vraiment que cela change. Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il ne suffit pas de répéter que l’on veut lutter et faire ceci ou cela. Les mots, nous les avons choisis et nous les assumons. Pour résumer notre philosophie en une expression, je dirais : maintenant, la parole est aux actes.
    Nous assumons le verbe garantir car il crée, en effet, une quasi-obligation de résultat. Après avoir lu l’avis du Conseil d’État, nous maintenons notre position car celle-ci est assumée, ce qui est tout à notre honneur. Il y a eu des déclarations de principe par le passé, mais entre dire et faire… Or il est grand temps d’agir. Pour reprendre une image à laquelle vous serez sensibles, la maison brûle. Elle brûle encore plus aujourd’hui qu’au moment où ces mots ont été prononcés…

    Mme Brigitte Kuster

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    Par le Président Chirac ! Il est bon de citer ses sources !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Il est vraiment temps d’agir ; nous ne pouvons plus nous contenter de regarder cette situation. Vous avez raison de faire le distinguo, monsieur Gosselin, parce que nous ne faisons pas de la sémantique mais nous choisissons des verbes qui ont une signification différente : « préserver » n’est pas « garantir », « lutter » et « agir pour » sont deux notions différentes. Pour notre part, nous voulons garantir et lutter.
    Par conséquent, le Gouvernement est défavorable aux amendements proposés. Vous avez presque repris tout le dictionnaire : préserver, prendre en compte, agir pour, favoriser – j’en passe et des meilleurs. Nous avons choisi deux mots, nous les assumons et nous souhaitons que le texte soit ainsi rédigé.

    M. le président

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    La parole est à M. François-Michel Lambert.

    M. François-Michel Lambert

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    Le coup du chapeau, on vous le souhaite, monsieur le ministre ! Il consisterait à réussir à l’Assemblée nationale – c’est bien parti car les rapports de forces sont ce qu’ils sont, malgré l’existence du rideau – et au Sénat – un pari plus hasardeux…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Qu’avez-vous fait dans la majorité pendant deux ans ? On se le demande !

    M. François-Michel Lambert

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    Monsieur le ministre, vous souhaitez me faire passer un message ?

    M. le président

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    Poursuivez, monsieur Lambert !

    M. François-Michel Lambert

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    Cela ne me gêne pas que M. le ministre me passe un message ; l’inverse a l’air moins vrai !
    Enfin, le troisième volet du coup du chapeau consisterait à réussir également au référendum, ce qui nous semble peu probable. Quant au coup du rideau, ne vous inquiétez pas, il n’aura pas lieu.
    En revanche, nous pourrions dialoguer sur les mots à faire figurer dans la loi. Je ne suis pas certain que le verbe « lutter » soit si puissant : nombreux sont ceux qui ont lutté mollement, sans atteindre les objectifs. Quand nous viendrons à examiner mot à mot ce que vous nous proposez, il faudrait peut-être opter pour un autre terme.

    M. le président

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    La parole est à M. Joachim Son-Forget.

    M. Joachim Son-Forget

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    Je crains que ce texte ne prête le flanc, demain, à tous les greenwashers qui utilisent l’environnement à leur propre profit. Les puissances étrangères opposées au développement de notre pays, sur son sol ou en conquérant, en matière de création humaine intelligente, l’utiliseront pour affirmer que la France ne respecte pas le premier engagement de sa Constitution et diffuseront cette idée dans des vidéos courtes au format viral. Nous serons alors paralysés car la justice, dans ce petit monde où tout le monde communique, se fait largement en dehors des tribunaux, des parlements et des exécutifs. Le peuple sera pris à partie et instrumentalisé, et il sera difficile pour l’État français de se défendre correctement face à de telles accusations.
    Ma proposition de remplacer le terme « environnement » par les mots « nature » et « culture » ferait honneur à la nature humaine, conciliant ceux qui, quels que soient les bancs où ils siègent, sont attachés à un certain conservatisme et au respect de la nature, et ceux qui visent le développement de l’individu au-delà de sa condition animale. Tout le monde serait content et l’on aurait une vision beaucoup plus globale, qui ne prêterait pas le flanc à la critique en prenant des engagements difficiles à tenir.

    M. le président

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    La parole est à M. Christophe Arend, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

    M. Christophe Arend, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

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    Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il y a urgence ; et quand il y a urgence, on engage un combat. Lutter nous semble donc le mot le plus approprié.
    De quoi avons-nous peur ? Nous avons envisagé les termes « agir », « préserver » et « agir pour préserver », mais nous optons pour « garantir » car c’est le terme qui nous semble inviter le plus au combat. J’entends les craintes quant à la possibilité de créer une hiérarchie entre les différents principes ou normes constitutionnels, mais ces craintes sont infondées. Tout au plus allons-nous vers une obligation de moyens renforcée. Le juge constitutionnel devra toujours trouver un équilibre entre les différents principes.
    Oui, le groupe La République en marche et la majorité assument le choix de verbes d’action forts comme garantir et lutter. Il y a urgence, nous sommes à la veille de la sixième extinction de masse et c’est nous qui en sommes responsables en cette ère de l’anthropocène ; c’est donc à nous de prendre la responsabilité de garantir la lutte contre ces phénomènes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. François Ruffin.

    M. François Ruffin

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    Un mot sur l’organisation des débats. On ironise sur la rapidité avec laquelle M. Gosselin est arrivé dans l’hémicycle, mais est-il normal qu’examine en même temps, en séance, le projet de loi constitutionnelle complétant l’article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l’environnement, en commission spéciale, le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, et dans les autres commissions, des textes relatifs aux assistantes maternelles et à d’autres sujets ? Personne ici n’a le don d’ubiquité.

    M. Marc Le Fur

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    Il a raison !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux et M. Julien Aubert

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    À part M. Mélenchon !

    M. François Ruffin

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    On se retrouve face à une énorme difficulté, révélatrice de ce que ce texte est pour le Gouvernement : une formalité. Tout est convenu avec la majorité : tous les amendements seront rejetés, on peut faire un peu d’animation démocratique, mais la partie est jouée d’avance et nos discussions ne servent à rien. Quand bien même on marquerait des points dans les consciences, pas une virgule ne bougera car telle est la consigne donnée par le seul cerveau supposé créatif de notre pays, celui du Président de la République. Il en a décidé ainsi et c’est donc ainsi que cela se passera. Tout ou plus pouvons-nous faire ici de l’animation démocratique – et encore : pas tellement démocratique.
    Vous dites, monsieur le ministre, qu’entre le dire et le faire, vous choisissez le faire, mais des 149 propositions de la convention citoyenne sur le climat, vous n’en avez retenu que dix ! Le Président de la République avait promis aux 150 citoyens de la convention que leurs propositions seraient reprises sans filtre, soit à l’Assemblée, soit par référendum, soit en application directe. À l’arrivée, on n’en a que 10 sur 149. C’est déjà bien gentil de leur part d’avoir attribué au projet de loi, dimanche dernier, la note de 3,3 sur 10 ! Ne racontez donc pas d’histoires : aujourd’hui, on est purement dans le dire, dans la communication. Vous cherchez juste à prétendre que vous avez tenté de changer quelque chose et à donner à l’opinion un os à ronger en matière environnementale.

    M. le président

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    La parole est à M. Marc Le Fur.

    M. Marc Le Fur

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    Nous sommes en pleine dérive. Avec ce texte, nous allons censurer le travail futur du Parlement, et c’est très grave. Cette dérive découle de la fameuse convention citoyenne, dont les membres ont été présentés comme des conventionnels – drôle de comparaison avec une autre période de notre histoire, d’une dimension toute différente !

    Mme Agnès Thill

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    Exactement !

    M. Marc Le Fur

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    Alors parlons-en : ces 150 citoyens – quel beau mot ! –, qui sont-ils ? Où en est la liste ? (Mme Agnès Thill applaudit.) Le propre de ceux qui participent à la vie publique, c’est d’expliquer qui ils sont, mais nous n’avons pas connaissance de leur identité. C’est quand même surprenant ! Où est la transparence, dont la majorité ne cesse de nous parler ? Comment ces citoyens ont-ils été désignés ? Sur quels critères ? S’agirait-il d’un critère statistique ?

    Mme Brigitte Kuster

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    Il a raison !

    M. Marc Le Fur

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    On en a identifié quelques-uns. M. François Bayrou – votre leader, chers collègues du groupe Dem – en a notamment identifié un à Pau : M. Pierre Ruscassie, son adversaire politique traditionnel, issu de la Ligue communiste révolutionnaire, la LCR. Curieux que cet habitué des manifestations hostiles à M. Bayrou ait été désigné pour faire partie de la convention ; un drôle de hasard statistique ! C’est M. Bayrou qui le dénonce et j’aimerais que le groupe Dem en fasse autant, et que je ne sois pas le seul à le dire.
    Quel rôle ont joué dans la convention citoyenne les fameux garants ? Ceux-ci sont, au contraire, très connus et bien identifiés : il s’agit de militants très investis dans un certain nombre de lobbies – je préciserai au besoin, monsieur le ministre.
    Tout cela constitue une manipulation organisée et orchestrée, et c’est ce que nous refusons. Nous, les parlementaires, ne sommes pas simplement des citoyens ; nous sommes porteurs d’un intérêt général, d’un bien commun – si vous voulez utiliser ce terme, monsieur Ruffin – et d’une responsabilité qui nous a été confiée par des tiers, ceux qui nous ont élus et qui nous jugeront au terme de notre mandat. Contrairement à nous, les 150 citoyens de la convention sont dans une logique de totale irresponsabilité ; là réside la manipulation.

    M. Pierre Cordier

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    Très bien !

    (L’amendement no 412 n’est pas adopté.)

    (Les amendements identiques nos 47, 89 et 127 ne sont pas adoptés.)

    (L’amendement no 267 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de plusieurs amendements nos 116, 48, 67, 90, 288, 397, 41, 291, 74, 76, 400, 121 69, 71, 73, 75, 259 et 122 pouvant être soumis à une discussion commune. Les amendements nos 48, 67, 90, 288, 397 sont identiques, ainsi que les amendements nos 74 et 76, et les amendements nos 69, 71, 73 et 75.
    La parole est à Mme Nathalie Porte, pour soutenir l’amendement no 116.

    Mme Nathalie Porte

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    La rédaction initiale du projet de loi constitutionnelle paraît très hasardeuse vu les contentieux qu’elle pourrait entraîner. Considérer que la France garantit la préservation de l’environnement laisse supposer une obligation de résultat. L’amendement propose d’écrire plutôt que la France « protège l’environnement ». Évitons d’adopter des textes qui ouvrent la porte aux contentieux !

    M. le président

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    Sur les amendements identiques nos 48, 67, 90, 288 et 397, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Julien Ravier, pour soutenir l’amendement no 48.

    M. Julien Ravier

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    L’amendement déposé par mon collègue Brun vise, dans le même esprit, à suivre l’avis du Conseil d’État en écrivant non que la France « garantit la préservation de l’environnement », mais qu’elle « préserve l’environnement », ce qui constitue une formule plus douce.
    Tout à l’heure, monsieur le ministre, vous avez souligné qu’il ne suffisait pas de changer un mot pour changer les choses en matière de protection de l’environnement, mais je crois que le changement que nous proposons permettrait d’améliorer le texte de loi. On l’a dit, le verbe garantir risque d’entraîner des contentieux et une judiciarisation de notre société et de notre économie. Vous allez laisser au pouvoir judiciaire le soin de définir ce qui garantit la protection de l’environnement, et ce n’est pas son rôle. Nous savons tous que notre pays souffre de lourdeurs administratives ; avec cette obligation, vous allez freiner, voire paralyser le domaine de la construction, de la recherche et de l’innovation, bref le progrès que la France doit encourager non seulement sur son sol, mais également aux yeux du monde.
    On vit aujourd’hui dans un monde VUCA – Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity –, c’est-à-dire dans un monde volatile, incertain, complexe et ambigu. Le devoir des responsables politiques que nous sommes n’est certainement pas d’être rétrogrades mais, comme l’a dit le président Le Fur, de libérer les énergies et de faire preuve d’agilité, à l’instar du monde de l’entreprise. Avec ce terme, vous allez plomber nos entreprises, encombrer les prétoires et peut-être désindustrialiser la France. En voulant garantir la préservation de l’environnement, vous allez pénaliser l’emploi dans notre pays.
    Nous l’avons compris : ce projet de loi constitutionnelle relève, de la part du Président de la République, d’une instrumentalisation politique et d’une forme de clientélisme vis-à-vis de la convention citoyenne. Nous ne marcherons pas dans cette pantalonnade ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement no 67.

    M. Martial Saddier

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    Membre de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, je ne peux malheureusement pas suivre tous ses travaux. Je le regrette profondément car j’ai eu la chance et surtout l’honneur d’être l’un des deux rapporteurs de la loi constitutionnelle relative à la charte de l’environnement : j’étais rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, aux côtés de notre ex-collègue Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, saisie au fond.
    L’amendement que je défends me paraît représenter un équilibre entre la base sur laquelle vous travaillez, c’est-à-dire la charte de l’environnement, l’avis du Conseil d’État et la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
    Monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, je mesure, en toute modestie, l’ampleur de la tâche qui est devant vous. À l’époque où nous travaillions sur la charte de l’environnement, alors que nous étions majoritaires, il nous a fallu deux ans de réunions intenses, d’abord pour convaincre dans nos propres rangs, puis pour nous assurer une majorité. Monsieur le garde des sceaux, vous savez sans doute mieux que quiconque dans cet hémicycle que vous ne travaillez ni sur une loi simple ni sur une loi organique, mais sur une modification de la Constitution française. Or toutes les majorités qui ont fait de grandes réformes constitutionnelles savent qu’on ne réforme pas la Constitution avec sa seule majorité. Pour y parvenir sur un point aussi fondateur, il faut être capable de rassembler.
    Je veux simplement rappeler qu’au bout des deux ans qui se sont écoulés entre la présentation du texte initial voulu par le président Chirac et le vote sur le texte final – dont l’histoire retiendra qu’il a été adopté et que nous avons, nous, modifié la Constitution en matière environnementale –,…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux et M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    Personne ne le conteste !

    M. Martial Saddier

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    …nous avons rassemblé. Nous avons obtenu un consensus,…

    M. Pierre Cordier

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    Ce n’est pas ce que cherche Macron !

    M. Martial Saddier

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    …en acceptant quelques modifications, que j’ai défendues en tant que rapporteur dans l’hémicycle, afin que le vote de femmes et d’hommes qui ne pensaient pas forcément comme nous au départ nous permette d’obtenir la majorité requise pour que le Congrès, à Versailles, consacre le droit fondamental à vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.

    M. Pierre Cordier

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    Macron préfère cliver !

    M. Martial Saddier

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    Sans porter aucun jugement, je formule le vœu, monsieur le garde des sceaux, chers collègues de la majorité, que, comme Jacques Chirac, Jean-Pierre Raffarin, Dominique Perben, Pascal Clément – qui était à l’époque président de la commission des lois – et moi-même, vous souhaitiez profondément obtenir un résultat positif. C’est dans cet esprit que je défends cet amendement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR. – MM. Gérard Leseul et François Ruffin applaudissent également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement identique no 90.

    M. Marc Le Fur

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    Pour qu’une voiture fonctionne, il faut un accélérateur et un frein.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Et une pédale d’embrayage !

    M. Marc Le Fur

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    Mais le problème, en France, c’est que nous avons des freins – à l’action, à l’initiative, à l’entreprise – partout ! Vous allez donner à tous ceux qui critiquent les initiatives et les projets un motif de contentieux supplémentaire. Personnellement, je ne veux pas d’une société dans laquelle on multiplie les contentieux.
    Déjà, quand un éleveur veut développer son élevage ou quand une entreprise veut installer une usine, on l’attaque.

    M. Raphaël Schellenberger

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    On attaque même les chasseurs !

    M. Marc Le Fur

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    Je peux donner des exemples très précis. Ainsi, avant que la belle entreprise bretonne Sill puisse construire une tour de séchage pour produire de la poudre de lait – rien d’extraordinaire –, il a fallu dix ans ! Pour que des producteurs de légumes du nord du Finistère et des Côtes-d’Armor, que notre collègue Le Gac connaît bien, puissent créer un lieu de stockage pour leurs produits – puisqu’on recommande de manger toujours plus de légumes –, là encore, il a fallu dix ans !
    Les obstacles sont déjà multiples. Et vous voulez en rajouter encore, en multipliant les contentieux ! Nous avons besoin de rapidité et d’efficacité, d’autant que la perspective qui s’offre à nous, chers collègues, c’est celle d’un chômage en augmentation du fait de la décroissance de 8 % que nous avons connue en 2020.
    Ne donnez pas un excès d’arguments à ceux qui sont contre tout. L’adage « not in my backyard » – « pas dans mon jardin » – utilisé par certains est, hélas, devenu un slogan mobilisé contre tous les projets. Je vous invite à vous montrer beaucoup plus sage que vous ne vous proposez de l’être, monsieur le garde des sceaux.

    M. le président

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    Merci, monsieur le président. J’ai cru un instant que vous alliez poursuivre votre démonstration dans une langue étrangère, ce qui m’aurait surpris.

    M. Marc Le Fur

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    Je peux le faire !

    M. le président

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    Je ne vous y invite pas. (Sourires.)
    La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l’amendement identique no 288.

    Mme Brigitte Kuster

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    Il a été déposé par Maxime Minot, qui veut insister sur la nécessité, pour le Gouvernement, de prendre en considération les recommandations formulées par le Conseil d’État. Vous vous êtes en effet arrêtés au milieu du gué en ne suivant que la recommandation consistant à remplacer le terme « biodiversité » par l’expression « diversité biologique ».
    S’agissant de l’usage du mot « garantit », au-delà de ses incidences potentielles, qui ont été excellemment rappelées par mes collègues, j’ajouterai, pour avoir travaillé au ministère de l’environnement, que, dans ce domaine, ce n’est pas avec des mots, si lourds de conséquences soient-ils, que l’on fait changer les choses. Il y a réellement une forme d’anachronisme à nous soumettre ce projet de loi constitutionnelle alors même que nous examinons en parallèle un texte traitant de divers sujets environnementaux. Ne nous leurrons pas : vous souhaitez avant tout faire un coup de communication en modifiant l’article 1er de la Constitution – comme si, d’ailleurs, cela changeait quoi que ce soit : si c’était l’article 36 qui était modifié, il aurait tout autant de valeur.

    M. Raphaël Schellenberger

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    Évidemment, c’est de la communication !

    Mme Brigitte Kuster

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    Au-delà de cet exercice de communication, la formulation que vous proposez risque surtout de mettre des entreprises en danger, comme cela a été rappelé précédemment.

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement identique no 397.

    M. Julien Aubert

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    Monsieur le garde des sceaux, les mots ont un sens. Je note tout d’abord qu’il est une réponse que vous nous opposez régulièrement dans cet hémicycle : vous expliquez que vous assumez. C’est d’ailleurs devenu la nouvelle formule des politiques : « j’assume ». Mais assumer, cela suppose d’engager sa responsabilité. Vous n’assumez donc rien du tout : si votre révision constitutionnelle ne fonctionne pas, qu’elle conduit à la désindustrialisation du pays et que vous perdez les élections, où serez-vous pour assumer votre responsabilité ? Et même si vous étiez toujours au pouvoir, êtes-vous en train de suggérer que monsieur Macron démissionnera en cas d’atteinte à la biodiversité ? C’est pourtant bien cela, assumer ! Arrêtez donc d’employer ce mot qui, en soi, n’apporte rien au débat.
    Deuxièmement, vous vous proposez de garantir la préservation de l’environnement. Mais quel crédit les citoyens accorderont-ils à la parole de l’État si, demain, ils s’aperçoivent qu’après avoir mis l’environnement au frontispice de la Constitution et nous être imposé une quasi-obligation de résultat en la matière, les résultats ne sont pas là ? Quel message allons-nous envoyer ?
    Ensuite, vous prétendez être courageux. Ce n’est pas exactement le cas : si vous vouliez vraiment vous imposer une obligation de résultat, vous auriez pu inscrire dans la Constitution que la France « garantit la baisse des émissions de CO2 ». Vous vous êtes bien gardés de le faire.

    Un député

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    C’est finaud !

    M. Julien Aubert

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    En vous contentant d’écrire que la France « garantit la protection de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le réchauffement climatique », vous ne vous engagez nullement sur le résultat de la lutte contre le dérèglement climatique.
    Quand on veut être courageux, écologiste et en avance sur son temps, on va jusqu’au bout ! Nous estimons que retenir le terme « garantit » est une erreur, mais il ne saurait y avoir de demi-garantie. Vous ne pouvez pas expliquer aux Français que vous leur donnez votre parole pour ce qui est de la protection de l’environnement et de la diversité biologique, mais que vous allez simplement « lutter » contre le réchauffement climatique : comme l’ont dit certains de nos collègues, les luttes peuvent être plus ou moins molles.
    Enfin, les mots ont un sens. Les Français qui nous écoutent pourraient croire que retenir l’expression « garantit la préservation » plutôt que le mot « préserve » n’a pas d’importance. Mais vous, monsieur le garde des sceaux, connaissez bien la jurisprudence. L’arrêt GISTI – groupe d’information et de soutien aux travailleurs immigrés – rendu par le Conseil d’État le 8 décembre 1978…

    M. le président

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    Veuillez conclure, monsieur le député.

    M. Julien Aubert

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    Puisque je manque de temps, je terminerai plus tard – il s’agissait donc d’un teaser, pour parler en bon français. (Sourires.)

    M. le président

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    Décidément…
    L’amendement no 41 de M. Emmanuel Maquet est défendu.
    La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l’amendement no 291.

    M. Éric Pauget

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    Au vu de nos débats, monsieur le garde des sceaux, je me demande si vous comptez réellement faire aboutir ce projet de loi constitutionnelle. Un mot seul pose problème : le verbe garantir. Fort de son expérience, notre collègue Martial Saddier a rappelé qu’on ne peut pas faire adopter un texte constitutionnel en se bunkérisant et en se refermant sur sa majorité. Avez-vous évoqué ce point avec nos collègues du Sénat ? Comment comptez-vous faire aboutir cette réforme, qui reste pour l’heure bloquée par votre attachement à un terme précis, alors même que, sur la plupart des bancs de cette assemblée, des propositions alternatives ont été formulées ?
    Je me pose réellement la question : souhaitez-vous vraiment trouver une solution, ou laisserez-vous perdurer ce blocage ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Quel blocage ?

    M. Éric Pauget

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    Tous nos collègues ont soulevé les problèmes posés par le mot « garantit ». Je formule une proposition parmi d’autres en suggérant de le remplacer par « agit résolument pour ». Répondez clairement sur ce point : comptez-vous réellement faire aboutir ce texte et comment vous y prendrez-vous ?

    M. le président

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    Nous en venons aux deux amendements identiques, nos 74 et 76.
    La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l’amendement no 74.

    Mme Emmanuelle Anthoine

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    Il s’agit d’un amendement de repli. Toujours en vue de substituer au verbe « garantit » un terme plus approprié afin d’assurer un meilleur équilibre du texte, nous proposons de le remplacer par l’expression « agit pour » et de reprendre ainsi la formulation adoptée par la commission de loi lors de l’examen du projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace à l’été 2018.

    M. le président

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    L’amendement identique no 76 de Mme Valérie Bazin-Malgras est défendu.
    La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement no 400.

    M. Julien Aubert

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    Je reviens, comme promis, sur le célèbre arrêt GISTI du 8 décembre 1978, qui porte sur le regroupement familial. Monsieur le garde des sceaux, vous êtes un fin juriste. Vous savez donc que, si l’on prétend souvent que Valéry Giscard d’Estaing a autorisé le regroupement familial, ce sont en réalité les juges qui ont pris cette décision. Le Conseil d’État s’est en effet appuyé sur le Préambule de la Constitution de 1946 – celui que vous citez pour souligner que le mot « garantit » figure déjà dans le bloc de constitutionnalité –, aux termes duquel « la Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ». C’est sur cette base que le Conseil d’État a cassé les décrets qui encadraient l’immigration, permettant le regroupement familial et nous conduisant à la situation que nous connaissons actuellement, sans débat démocratique.
    Voilà ce que je veux souligner : la rédaction que vous retiendrez sera ensuite examinée par les juges, dont les décisions pourraient conduire à des résultats comme celui-ci, c’est-à-dire à des bifurcations politiques assumées non par le Parlement ou par l’exécutif, mais par le pouvoir judiciaire. Une telle évolution serait néfaste, car les juges n’ont pas de responsabilité politique envers nos concitoyens.
    Voilà pourquoi, lorsque le rapporteur assure que la révision constitutionnelle proposée permettra de protéger l’environnement sans écraser les autres droits, c’est complètement faux. Un seul exemple : l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen – sans doute un des textes les plus respectés de notre bloc de constitutionnalité – dispose que la propriété est un droit « inviolable et sacré ». Que croyez-vous que les juges ont fait de ce droit lorsqu’ils ont autorisé les locataires indélicats et les squatteurs à répondre aux propriétaires : « nous sommes chez nous car nous protégeons notre domicile » ?

    M. Marc Le Fur

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    Tout à fait !

    M. Jean-Yves Bony

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    Il a raison !

    M. Julien Aubert

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    Où est passé le droit « inviolable et sacré » ?
    Tout cela pour dire que, si vous pouvez toujours espérer garantir qu’un droit sera mieux respecté que les autres en l’inscrivant à l’article 1er de la Constitution, ce sont en réalité les juges qui en décideront.

    M. le président

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    L’amendement no 121 de M. Dino Cinieri est défendu.
    C’est aussi le cas de l’amendement no 69 de M. Martial Saddier.
    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 71.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à celui que j’ai défendu hier soir. La Constitution ne peut pas garantir la préservation de l’environnement : elle n’en a pas les moyens. Laisser penser le contraire serait une erreur ou un mensonge. Alors plutôt que de modifier la Constitution, il serait bon de passer des paroles aux actes.
    Le Gouvernement entend insuffler dans chaque politique publique la préoccupation environnementale, dont il estime qu’elle doit « innerver son action tant au niveau national qu’international » – pour reprendre vos mots, monsieur le garde des sceaux. Dans ce but, vous estimez que les pouvoirs publics doivent « garantir » la préservation de l’environnement. L’emploi de ce terme n’est pas anodin : il exprime, selon vous, la force de votre engagement. Les conséquences de son utilisation ne sont toutefois pas neutres.
    Vous l’avez rappelé, c’est un choix assumé qui reflète la volonté du Gouvernement, lequel est, dites-vous, « parfaitement conscient des conséquences que cela pourra avoir sur l’engagement de sa responsabilité en matière environnementale ». Mais, on l’a vu dernièrement avec la décision du Conseil d’État du 10 juillet 2020 puis celle du tribunal administratif de Paris du 3 février 2021, dans le cadre de l’affaire du siècle : cette responsabilité est déjà engagée. L’État français a déjà été condamné pour sa carence partielle à respecter ses objectifs.
    Ce projet de loi constitutionnelle, s’il était adopté en l’état, consacrerait encore davantage la responsabilité des pouvoirs publics, en instaurant une quasi-obligation de résultat. Vous avez assuré à plusieurs reprises, monsieur le garde des sceaux, comme j’ai entendu M. Waserman le faire hier soir, que vous assumez ce risque et que vous avez décidé d’être audacieux. Mais être audacieux ne signifie pas être irresponsable.
    Or l’obligation de résultat qui résultera de cette réforme est totalement irresponsable, car elle générera un contentieux extrêmement préjudiciable à notre pays. Je n’ai pas besoin de vous rappeler que nous traversons une crise sanitaire et économique. Oui, nous n’avons besoin d’audace, mais nous n’avons pas besoin de fragiliser encore davantage notre pays. En l’état actuel des choses, cette réforme est, au mieux, inutile et, au pire, dangereuse.

    M. le président

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    Les amendements nos 73 de Mme Emmanuelle Anthoine et 75 de Mme Valérie Bazin-Malgras sont défendus.
    La parole est à M. Nicolas Meizonnet, pour soutenir l’amendement no 259.

    M. Nicolas Meizonnet

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    Je reprendrai les arguments évoqués par certains de nos collègues : au-delà de l’absurdité qu’il y a à inscrire dans la Constitution des dispositions qu’elle contient déjà à travers la Charte de l’environnement de 2004, chacun comprend bien que la rédaction de ce texte est dangereuse. La préservation de l’environnement, la protection de la diversité biologique et la lutte contre le dérèglement climatique doivent être conciliées avec les intérêts des Français. Or, en l’état, il nous semble qu’une interprétation stricte du texte pourrait mener à une multiplication des contentieux – cela a été dit –, mais aussi à des dérives idéologiques qui conduiraient à imposer l’écologie punitive dont rêvent certains ayatollahs.
    Et je ne voudrais pas qu’on leur donne l’occasion de mettre en œuvre leurs projets sectaires, qui conduiraient augmenter la facture énergétique des ménages pour financer des éoliennes qui ne marchent pas, à nuire à certaines industries vitales pour nos emplois, à bloquer la recherche française ou encore à ralentir le développement d’infrastructures et d’innovations stratégiques.
    C’est pourquoi nous proposons par l’amendement no 260 de limiter le champ d’application de votre projet de loi au respect des intérêts supérieurs, sociaux et économiques de la nation et, par celui-ci, de remplacer le mot « garantit » par le mot « promeut », non seulement parce que cela nous préserverait de toute interprétation idéologique mais, en plus, accorderait à la France un rôle actif dans la défense de la planète sur notre territoire comme à l’international.
    Monsieur le ministre, je vous invite à donner un avis favorable pour éviter d’ouvrir la voie à l’instauration d’une dictature verte qui accélérerait le déclassement de la France et les Français.

    M. le président

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    L’amendement no 122 de M. Dino Cinieri est défendu.
    Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements en discussion commune ?

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    Tous ces amendements nous permettent de poursuivre la discussion que nous avons entamée depuis plusieurs heures sur les verbes qui ont vocation à intégrer la Constitution à l’article 1er.
    Monsieur Saddier, n’étant évidemment pas député au moment de l’intégration de la Charte de l’environnement dans la Constitution, j’ai beaucoup lu les débats de l’époque et noté aussi que la rapporteure au fond, Nathalie Kosciusko-Morizet, avait écrit ceci en introduction : « la Charte, loin d’apporter une solution définitive, intégrale et préfabriquée, inaugure un vaste mouvement politique et lance un défi juridique. » Reconnaissez que ce mouvement politique que vous avez entamé à l’époque, en 2004-2005, nous le poursuivons en intégrant dans la Constitution des principes qui vont au-delà de ceux qui y sont aujourd’hui présents, ce qui permettra de donner plus de force juridique à la protection de l’environnement dans notre loi fondamentale. Ainsi, vous êtes bien placé pour savoir que cette charte ne fait pas référence à la lutte contre le dérèglement climatique. Or le changement majeur de ces quinze dernières années, c’est bien la nécessité de la lutte contre le dérèglement climatique, contre l’accélération des augmentations de la température, du niveau des mers et tout ce qui s’ensuit. Il y a donc évidemment nécessité à agir avec détermination sur ce point.
    Monsieur Aubert, comme je l’ai déjà dit, nous tenons à garder ces verbes, nous les assumons même si vous en préféreriez d’autres. Nous souhaitons ainsi intégrer dans la Constitution la garantie de la préservation de l’environnement parce que cela permettra de prévoir une forme de responsabilité des pouvoirs publics aujourd’hui nécessaire en la matière. L’argument qui est le vôtre, à savoir que l’emploi du verbe garantir empêcherait l’innovation, la recherche et empêcherait même d’entreprendre est assez curieux : cela voudrait dire que le progrès se ferait nécessairement contre l’environnement, comme si l’on ne pouvait pas dans notre pays créer des emplois, monter des entreprises et développer des industries sans que cela porte systématiquement atteinte à la biodiversité et au climat. Pour moi, je pense qu’environnement et industrie ne sont pas inconciliables. Il y a deux façons de voir les choses : soit on fait le choix – peut-être est-ce celui des Républicains – d’investir dans des industries du passé qui n’ont pas forcément d’avenir, soit on choisit d’investir dans des industries de rupture – je pense à l’électrique, à l’hydrogène – qui permettront à notre économie d’embrasser le XXIe siècle.
    L’avis est défavorable sur tous ces amendements.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Nous, nous voulons garantir et nous voulons lutter. C’est notre choix. Il est délibéré. Le Gouvernement a lu l’avis du Conseil d’État, mais il savait déjà auparavant que ce projet de loi constitutionnelle allait créer une quasi-obligation. Cet avis le confirme et nous l’assumons. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise de plus ?
    M. Saddier nous explique qu’à l’époque, lui et ses collègues avaient discuté, transigé,…

    M. Martial Saddier

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    Nous, on a réussi !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …et qu’ils n’étaient pas dans la rigidité qu’il me prête. Mais je peux vous assurer, monsieur le député, que chaque mot de cet article unique a été choisi. Vous ne partagez pas notre avis, mais pour quelle raison voudriez-vous que nous en changions les termes ?

    Mme Valérie Beauvais

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    Pour obtenir un consensus !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Si vous étiez à ma place et moi à la vôtre, je pourrais vous inviter à transiger, à faire preuve d’un peu de tolérance…

    M. Marc Le Fur

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    Vous êtes en train de nous rappeler que vous êtes majoritaires et que donc vous avez raison ! Ça me rappelle quelque chose !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je ne réagirai pas à cette leçon de tolérance, je n’entrerai pas dans cette bataille de mots : nous avons choisi les nôtres et nous assumons la cohérence de la phrase qui constitue l’article unique. Vous n’en êtes pas d’accord, et je l’entends, c’est le jeu démocratique, que vous dire de plus ? C’est clair, net et précis. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.)

    Mme Valérie Beauvais

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    Vous êtes majoritaires, donc vous avez raison !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Quant au discours de M. Ruffin, c’est le même que le vôtre, monsieur Saddier, mais il repose sur d’autres fondements. Il dit au fond que tout cela ne sert strictement à rien, que la démocratie ne sert à rien… C’est vrai, monsieur Ruffin, qu’on peut considérer que rien ne sert à rien, que l’État ne sert à rien, que la Ve République ne sert à rien, que l’exécutif ne sert à rien, que le Parlement ne sert à rien, et qu’il n’y a que vous qui ayez une véritable importance. Mais je voudrais vous dire, et ceux qui me connaissent depuis quelques mois le savent, que je ne suis jamais opposé par principe à un amendement d’où qu’il vienne, et que c’est mon honneur d’être attentif à la représentation nationale. Mais pour le coup, je ne sais pas comment vous le dire autrement qu’en le répétant : nous avons choisi les mots, ceux-ci nous engagent et nous obligent, et nous ne souhaitons pas les changer. Je le dis une fois pour toutes. Vous pourrez bien sûr y revenir, mais telle est la position du Gouvernement.
    Et puis j’entends qu’on se pose des questions sur le pourquoi et le comment, sur les arrière-pensées politiciennes… Je peux dire à ceux qui s’interrogent que je n’ai pas le goût de l’effort inutile : je suis ici pour défendre ce texte parce que je le trouve indispensable et j’espère qu’il ira jusqu’à son terme. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    Après les interventions de M. Ruffin, de M. Aubert, de M. Arend, rapporteur pour avis, de Mme Zitouni, de M. Schellenberger, de Mme Ménard et de M. Lambert, nous passerons au vote.
    La parole est à M. François Ruffin.

    M. François Ruffin

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    J’ai apprécié l’intervention de notre collègue Saddier qui nous a expliqué, fort de sa longue expérience, qu’il y avait eu des mois de dialogue sur la charte de l’environnement lorsque Jacques Chirac était président, tandis que l’examen de ce texte est une formalité : il s’agit en somme de glisser à la poste une lettre qui doit arriver intacte, sans qu’il soit possible d’en discuter le texte, de l’aménager, de le corriger et de l’améliorer. Je comprends donc, chers collègues du groupe les Républicains, votre dénonciation d’un coup de com’ et votre position là-dessus.
    Mais, sur le fond, je suis mal à l’aise avec votre ligne car votre opposition à ce coup de com’ vous conduit encore à un déni de la gravité de la situation écologique. Ma génération – j’ai 45 ans – constate qu’il y a 40 % d’oiseaux en moins, 70 % de vertébrés en moins, 80 % d’insectes en moins, 90 % de lombrics en moins, soit une disparition générale du vivant à la fois dans les airs, sur terre et sous terre, et je trouve que votre discours ne répond pas à la gravité de la situation.

    M. Julien Ravier

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    Demandez aux États-Unis et à la Chine de réagir, pas à la France ! Vous vous trompez de combat !

    M. François Ruffin

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    Quand j’entends dire que le principe de précaution serait la cause de la désindustrialisation, quelle blague ! Les traités de libre-échange ont fait infiniment plus pour que le textile, la métallurgie et bien d’autres secteurs quittent le territoire français. De même, vous attribuez l’absence de vaccin français à un manque d’agilité. C’est oublier que Sanofi redistribue la quasi-totalité – 99 % – de ses énormes profits en dividendes et ne laisse rien ni aux salariés ni surtout à l’investissement. Là est la cause de notre échec sur les vaccins et de la désindustrialisation massive du pays. Et vous en rendez responsable l’écologie !

    M. le président

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    Je vous prie de conclure.

    M. François Ruffin

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    Sans vouloir vous donner de conseil électoral, mes chers collègues, je pense que vous irez dans le mur si vous conservez une telle ligne sans y intégrer une part plus sincère d’écologie.

    M. Julien Ravier

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    Nous n’avons pas de leçon d’écologie à recevoir !

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Aubert.

    M. Julien Aubert

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    Monsieur le rapporteur, vous nous dites que le sujet du dérèglement climatique est majeur et que vous faites cette réforme parce qu’il ne figure pas dans la charte de l’environnement. Dans ce cas, pourquoi ne pas avoir accepté la modification de cette charte ? Nous, Les Républicains, avons voté l’amendement de M. François-Michel Lambert qui proposait d’y inscrire la notion de dérèglement climatique. Vous avez mentionné des documents préparatoires, mais avez-vous lu les rapports préparatoires à la Charte de l’environnement, monsieur le rapporteur ?

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    J’ai tout lu !

    M. Julien Aubert

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    Je vous pose la question parce que si vous les avez lus et que vous êtes de bonne foi, vous aurez constaté que Mme Kosciusko-Morizet écrivait déjà à l’époque qu’il était bien dans l’intention du législateur d’englober la question du dérèglement climatique dans la charte de l’environnement.
    Deuxièmement, vous déclarez que, pour Les républicains, progrès et écologie sont contradictoires… Mais pas du tout : ce n’est pas sur nos bancs que vous trouverez ceux qui veulent fermer les centrales nucléaires alors qu’elles contribuent à la décarbonation, mais chez vous – nous, on a aucun problème avec le progrès technique. De même, ce n’est pas sur nos bancs que vous trouverez ceux contre le captage du carbone qui permettrait d’arriver aux objectifs d’émissions de CO2 que notre pays s’est fixé : ils se trouvent plutôt de l’autre côté de l’hémicycle. Ne vous trompez pas : nous, nous sommes le camp du progrès, nous n’avons pas peur de la technique, nous n’invoquons pas perpétuellement le principe de précaution pour dire qu’il ne faut rien faire.
    Monsieur le ministre, vous dites que vous voulez une obligation de résultat…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Une quasi-obligation !

    M. Julien Aubert

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    …et que les mots ont été choisis à cet effet. Or je constate, parti comme c’est parti, que si vous assumez de garantir, vous assumez surtout d’échouer. Car votre première obligation de résultat, c’est de faire passer votre réforme mais, que cela vous plaise ou pas, à partir du moment où le Sénat indique qu’il ne souhaite pas conserver le verbe garantir et que vous affirmez ne pas vouloir transiger, les Français vous jugeront sur ce qu’il va se passer : ils se diront que vous aviez peut-être une très belle idée de réforme, que les mots de votre article aurait compté triple au Scrabble, mais que vous ne gagnerez pas la partie parce que votre réforme ne passera pas. Et ce n’est pas tant une question de négociation que de lucidité. La différence entre la droite et vous, c’est que nous, nous avons fait le Grenelle 1, le Grenelle 2 et la loi sur l’eau parce que nous avons su négocier en comprenant que la politique consiste aussi à tenter de trouver un compromis. Voilà pourquoi nous sommes là aujourd’hui. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    Je vous rappelle, mes chers collègues, que le temps de parole est de deux minutes.

    M. Marc Le Fur

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    Mais c’est important, monsieur le président !

    M. le président

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    Vous pouvez considérer, monsieur Le Fur, que certaines prises de position sont plus importantes que d’autres, mais elles n’en demeurent pas moins limitées à deux minutes, vous êtes bien placé pour le savoir.

    Mme Brigitte Kuster

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    Où est le chronomètre ?

    M. Pierre Cordier

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    Il faudrait en installer un !

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Monsieur Aubert, vous rendez-vous compte que vous préemptez les débats qui vont se dérouler au Sénat ? Si vous connaissez déjà le résultat du vote, bravo !

    M. Julien Aubert

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    Je lis la presse !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Si alors la presse vaut un vote du Sénat… Qu’aurait-on dit si le ministre avait osé dire qu’il connaissait déjà le résultat ? On se serait élevé, poussé légitimement des cris d’orfraie en lui disant : « Vous ne respectez pas la navette, vous ne respectez pas le Sénat, vous ne respectez pas l’Assemblée nationale ! » En plus, monsieur Aubert, vous avez parmi vos énormes qualités celle de juriste, mais je vais devoir vous rappeler que le législateur est intervenu pas moins de quinze fois sur ce qu’avait décidé le Conseil d’État dans son arrêt GISTI en 1978 – vous aviez donc tort de mettre ce dernier en exergue. Vous montrez de surcroît les qualités d’un médium…

    M. Julien Aubert

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    Mais non !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …puisque vous savez dès à présent ce que le sénat va voter, vraiment bravo ! Vous avez toutes les qualités que je n’ai pas. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. Julien Aubert

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    Je croise M. Retailleau et M. Larcher plus souvent que vous !

    M. le président

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    Monsieur Aubert, je vous sens très dissipé cet après-midi, mais il n’y a pas à avoir ici d’aparté avec un membre du Gouvernement.
    La parole est à M. le rapporteur pour avis.

    M. Christophe Arend,, rapporteur pour avis

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    Si je comprends le côté passionnel de ce débat, permettez-moi de prendre tout de même un petit peu de recul. J’étais déjà il y a deux ans rapporteur pour avis, au nom de la commission du développement durable, sur l’article 2 du premier projet de loi constitutionnelle de cette législature – le projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace –, et nous avions réussi à faire passer de l’article 34 de la Constitution à l’article 1er la modification prévue, mais on nous reprochait encore, après de nombreuses auditions, que la formulation « agir pour » manquait d’ambition. Quel paradoxe !

    M. Christophe Arend, rapporteur pour avis

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    J’entends certains dire que nous agissons dans la précipitation, que nous n’avons pas suffisamment pris notre temps ; permettez-moi de vous dire que cela fait tout de même plus de vingt-quatre mois que ce sujet taraude la majorité et que nous nous sentons investis d’une haute responsabilité…

    M. Julien Aubert

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    Par qui ?

    M. Julien Ravier

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    Par la convention citoyenne ?

    M. Christophe Arend, rapporteur pour avis

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    …, celle de reprendre les propositions de la convention citoyenne pour le climat… (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

    M. Pierre Cordier

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    Ils vous ont mis une note de 3 sur 10 !

    M. Christophe Arend, rapporteur pour avis

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    …, dont certains contestent peut-être l’encadrement, même si d’éminents constitutionnalistes en faisaient partie.
    C’est dommage que Martial Saddier soit parti…

    Mme Valérie Beauvais

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    Il est parti en commission spéciale !

    M. Christophe Arend, rapporteur pour avis

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    …parce que je tenais à lui rendre hommage : en commission, il nous a expliqué comment, à l’époque, la charte de l’environnement avait été élevée au rang constitutionnel et la manière d’y parvenir. Croyez-moi, cela m’a fait agir avec beaucoup d’humilité, tout au long de mes auditions, mais aussi du cheminement de ma réflexion et de celle de mon groupe.
    Si, sur les bancs de la droite, vous reconnaissez que le principe de précaution – dont vous êtes à l’origine – a peut-être été une erreur, laissez-moi vous rappeler l’adage : errare humanum est. Ce n’est pas l’erreur qui est humaine ; c’est se tromper. Peut-être que nous nous trompons, oui, mais vous ne pouvez pas critiquer notre bonne foi ; nous essayons de faire de notre mieux. Au cours des auditions que nous avons conduites, la grande majorité des personnes entendues – des juristes, des constitutionnalistes – ont trouvé que le texte affichait le plus haut niveau d’ambition face à l’urgence dans laquelle nous sommes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. Julien Ravier

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    Cela n’a rien à voir !

    M. Julien Aubert

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    Errare humanum est, perseverare macronicum !

    M. le président

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    La parole est à Mme Souad Zitouni.

    Mme Souad Zitouni

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    En toute franchise, je ne comprends pas l’opposition au verbe garantir : la garantie est une protection. Garantir la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutter contre le dérèglement climatique est une protection. L’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 énonce que « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».
    Les droits et libertés constitutionnellement garantis bénéficient d’une protection juridictionnelle spécifique. Ainsi, chaque citoyen pourra saisir une juridiction afin de garantir son droit à l’environnement, lequel doit être applicable à tout le monde. Nous avons adopté en décembre dernier un texte sur la justice environnementale qui sera renforcé par le projet de loi constitutionnelle : si notre droit à l’environnement n’est pas respecté, il nous sera possible d’agir.
    Si l’État ne garantit pas ce droit par la possibilité d’engager des procédures judiciaires, il ne sera pas applicable. Il n’est donc pas question de favoriser ou de mettre en œuvre, mais bien de garantir. La garantie des libertés individuelles figure déjà dans la Constitution, la prévoir en matière de protection de l’environnement n’est donc pas choquant. Les Français ont besoin d’une réponse claire, précise et cadrée. Il ne sert à rien de proclamer un engagement dans la Constitution si des moyens juridiques ne sont pas mis en place pour le garantir.

    M. le président

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    La parole est à M. Raphaël Schellenberger.

    M. Raphaël Schellenberger

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    L’intervention que nous venons d’entendre est intéressante. Que garantit-on ? Quels moyens juridiques seront débloqués grâce à cette modification constitutionnelle ? A contrario, quels articles de loi ont été censurés, ou quels projets de textes n’ont pas pu aboutir du fait de l’absence de ces éléments dans la Constitution ? Ce sont ces questions que nous devons nous poser. À ma connaissance, il n’y en a pas vraiment : votre projet de loi, c’est de l’affichage. Normalement, le terme de garantie est employé concernant des droits qui touchent à des personnes ; ici, il sera employé pour que l’État assure seul, en quelque sorte pour tous, la responsabilité d’un objectif qui devrait être partagé.
    Le choix du verbe garantir, qui renvoie à une action forte de l’État, entraîne une déresponsabilisation collective ; c’est un des problèmes du texte. Le signal que vous envoyez est catastrophique ; vous allez démobiliser en faisant de l’État le seul responsable de la lutte pour la préservation de l’environnement et de la biodiversité et contre le réchauffement climatique. Alors que ce devrait être un objectif partagé par tous, si les efforts collectifs ne sont pas suffisants, il reviendra à un juge de l’environnement de dire à l’État qu’il doit en faire plus. Non, c’est une responsabilité collective que nous devons tous assumer. Enfin, vous dites que la République garantira la lutte contre le réchauffement climatique ; la formulation est tout de même assez rocambolesque.
    Je me demande quelle conséquence aurait pu avoir un tel article si le groupe Les Républicains avait saisi le juge constitutionnel sur son fondement au sujet de la loi de transition énergétique qui, défendue par le parti socialiste et François Hollande, entendait fermer la centrale de Fessenheim et, ce faisant, accroître nos émissions de gaz à effet de serre et dégrader les moyens dont dispose l’État français pour lutter contre le réchauffement climatique. Cette politique a d’ailleurs été poursuivie depuis, et il me semble que le Gouvernement actuel aurait sûrement été le premier à être censuré par le Conseil constitutionnel. (M. Julien Ravier applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    J’écoute avec attention les différents arguments exposés mais on a parfois l’impression d’être face à un dialogue de sourds : chacun développe ses idées et campe sur ses positions. Monsieur le garde des sceaux, je ne vous donnerai pas de leçon de tolérance, mais ce n’est pas parce que vous avez choisi le mot « garantir » que vous avez raison d’avoir fait ce choix. Tout à l’heure, pour qualifier votre choix du mot « garantir », j’ai utilisé le mot « irresponsable » ; comme vous, j’assume le choix de mes mots mais ce n’est pas parce que je l’ai utilisé que j’ai forcément raison.
    Je vous reproche de créer un risque inutile, celui du contentieux très important qui naîtra en France, alors que notre pays se trouve dans une période si particulière. En pleine crise sanitaire et économique, tous les acteurs économiques réclament de la stabilité. Or, avec le texte que vous nous soumettez, vous allez leur apporter tout l’inverse de la stabilité. Ce que les forces économiques reprochent le plus au système français – en général, mais évidemment encore plus en période de crise –, c’est son insécurité juridique. En choisissant ce mot, vous y participez pleinement ; c’est dommage et, de surcroît, c’est dangereux.

    M. le président

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    La parole est à M. François-Michel Lambert.

    M. François-Michel Lambert

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    Je ne vais pas défendre des amendements qui ne sont pas les miens mais je souhaite poser une simple question : les séances que nous allons tenir dans cet hémicycle sont-elles celles d’une Assemblée nationale qui débat, ou bien simplement un théâtre d’ombres ? Monsieur le garde des sceaux, je vous remercie de votre clarté : comme vous l’avez dit, vous avez choisi vos mots.

    M. Julien Ravier

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    Ce ne sont même pas eux qui choisissent leurs mots, c’est la convention citoyenne !

    M. François-Michel Lambert

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    Moi, je vous dis que nous sommes la représentation nationale et que nous pouvons exprimer d’autres visions de ce qui doit figurer dans la Constitution ; c’est le rôle même du Parlement. Il va falloir muscler votre argumentaire – si je puis dire – concernant le choix de vos mots.
    Les mots que nous décidons d’inscrire dans la Constitution – et leur sens – n’appartiennent pas à un camp ; ils relèvent d’une construction collective à laquelle, en bonne intelligence, nous devrions tous contribuer. À la fin, il ne devrait plus être question de savoir si telle partie du texte est issue d’un amendement de Julien Aubert, de Gérard Leseul ou de je ne sais quel autre collègue : elle sera le fruit du travail de l’Assemblée. Souvenons-nous donc que nous sommes en train de modifier la Constitution, et que cela n’a rien d’un jeu de rôles dans lequel on ne devrait pas bouger d’un demi-millimètre en raison d’instructions reçues de je ne sais qui.

    M. Julien Aubert

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    Ça se verra peut-être !

    (L’amendement no 116 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 48, 67, 90, 288 et 397.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        106
            Nombre de suffrages exprimés                101
            Majorité absolue                        51
                    Pour l’adoption                22
                    Contre                79

    (Les amendements identiques nos 48, 67, 90, 288 et 397 ne sont pas adoptés.)

    (Les amendements nos 41 et 291, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    (Les amendements identiques nos 74 et 76 ne sont pas adoptés.)

    (Les amendements nos 400 et 121, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    (Les amendements identiques nos 69, 71, 73 et 75 ne sont pas adoptés.)

    (Les amendements nos 259 et 122, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements, nos 399 et 257, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement no 399.

    M. Julien Aubert

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    Monsieur le garde des sceaux, les choses sont donc claires : vous avez choisi de refuser toute modification concernant le mot « garantir », et vous l’assumez. Si le Sénat souhaite modifier les mots, vous y refuserez-vous également, quitte à assumer l’échec de la procédure ? Tout à l’heure, vous m’avez traité de médium. En fait, j’ai simplement acheté le JDD, le Journal du dimanche, du 9 janvier 2021, dans lequel Gérard Larcher indiquait que le Sénat n’accepterait pas forcément le mot « garantir ».

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux,M. Erwan Balanant et et plusieurs députés du groupe LaREM

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    Pas forcément !

    M. Julien Aubert

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    Je ne savais pas que lire la presse était un pouvoir magique. Je serais ravi de vous faire porter le magazine, s’il a échappé à votre sagacité.
    En outre, vous n’avez pas répondu à un argument : il ne suffit pas de tambouriner sur son poitrail en affirmant « garantir » ; regardez les résultats. Vous ne garantissez pas la baisse des émissions de CO2– donc, en réalité, vous ne garantissez rien ; répondez-nous sur ce point.
    Enfin, tout à l’heure, mon collègue Marc Le Fur vous a interpellé au sujet des garants de la convention citoyenne pour le climat. Rappelons que les coprésidents étaient Mme Laurence Tubiana, ancienne militante de la Ligue communiste révolutionnaire…

    M. François-Michel Lambert

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    Et alors ?

    M. Julien Aubert

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    …et conseillère de Lionel Jospin, et M. Thierry Pech, conseiller de la CFDT…

    M. François-Michel Lambert

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    Et alors ?

    M. Julien Aubert

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    …et membre fondateur de Terra Nova, think tank proche du parti socialiste.

    M. Erwan Balanant

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    Eh oui, nous sommes un peu de gauche !

    M. Julien Aubert

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    Citons également Julien Blanchet, rapporteur, ancien président de la FAGE, la Fédération des associations générales étudiantes – syndicat étudiant de gauche – et, pour les experts, Jean Grosset, directeur de l’observatoire du dialogue social de la fondation Jean-Jaurès,…

    M. François-Michel Lambert

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    Très bien !

    M. Julien Aubert

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    …Michel Colombier – conseiller principal de Ségolène Royal – et Jean Jouzel, candidat sur la liste PS-Place publique et conseiller climat de Benoît Hamon. Allez-vous nous expliquer que toutes ces personnes étaient politiquement neutres ?

    M. François-Michel Lambert

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    Tout à fait !

    M. Julien Aubert

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    Je ne vois aucun encarté chez Les Républicains.

    M. François-Michel Lambert

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    Vous ne savez pas ce que c’est que l’écologie !

    M. Julien Aubert

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    Il semblerait que ni la magie du tirage au sort, ni le choix des experts et des garants n’aient permis d’établir un équilibre au sein de cette commission citoyenne basé sur une approche totalement neutre du sujet environnemental.

    M. François-Michel Lambert

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    C’était le cas !

    M. Julien Aubert

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    Ne vous étonnez donc pas si, à la fin, ce projet soit en total décalage…

    M. François-Michel Lambert

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    En totale adéquation !

    M. Julien Aubert

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    …avec ce qu’attend la nation française. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    L’amendement no 257 de M. Jean-Pierre Vigier est défendu.
    Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je voudrais rappeler à M. Aubert que les adverbes ont un sens : « pas forcément » renvoie bien à l’idée que ce n’est pas fait. Selon vous, puisque je n’ai pas lu l’article auquel vous faites référence…

    M. François-Michel Lambert

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    Ah !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Oui, je ne l’ai pas lu ; excusez-moi, ce n’est pas gravissime. Le président Larcher aurait indiqué dans le JDD que le texte ne serait « pas forcément » voté en l’état. Mais laissons le débat parlementaire se faire. Si la lecture du JDD suffit désormais pour qu’il ne soit plus nécessaire d’examiner les textes au Sénat, voilà une modification substantielle des règles du jeu parlementaire.(Sourires sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Aubert.

    M. Julien Aubert

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    Monsieur le garde des sceaux, vous faites semblant de ne pas comprendre. Je pensais que l’information était parvenue jusqu’à vous : il se trouve que j’appartiens – ainsi que les collègues qui m’entourent – au même camp politique que MM. Larcher et Retailleau, qui sont membres de la majorité sénatoriale. Certes, il existe des subtilités entre les sénateurs et les députés, mais nous avons aussi quelques points communs. Par conséquent, vous pourriez supputer que la position que nous défendons à l’Assemblée nationale est relativement proche de celle défendue au Sénat.

    M. Erwan Balanant

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    On a vu quelques différences sur d’autres sujets !

    M. Julien Aubert

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    Je sais que je m’avance et je ne voudrais pas que vous me traitiez de médium, mais partons du principe que la droite est cohérente. Je vous pose la question, les yeux dans les yeux : tiendrez-vous le même discours devant le Sénat, dominé par une majorité de droite ? Si vous refusez de céder sur le mot « garantir », le résultat sera proche de zéro ; vous aurez perdu beaucoup de temps et la lutte contre le dérèglement climatique n’aura pas avancé d’un iota.
    Vous n’arrêtez pas de dire que vous allez garantir des résultats, mais vous ne garantirez rien si vous ne comprenez pas que vous ne pouvez pas engager les majorités politiques futures sans obtenir au moins une forme de consensus, y compris de la part de ceux qui sont aujourd’hui dans l’opposition et ambitionnent de vous succéder pour réparer toutes vos erreurs.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est extraordinaire, ce raisonnement !

    M. le président

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    La parole est à M. François Ruffin.

    M. François Ruffin

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    Comme la majorité ne cherche pas à défendre une initiative du Président de la République face à la droite, me voilà contraint de le faire.

    M. Gérard Leseul

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    Bravo !

    M. François Ruffin

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    Depuis une demi-heure, la droite dit qu’il ne fallait pas de cette convention citoyenne pour le climat et qu’elle est manipulée par l’extrême gauche alors que c’est une initiative du Président de la République, qui a sa garantie – et pas un député de la majorité ne se lève pour la défendre ! (M. Gérard Leseul applaudit. – Protestations sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. François-Michel Lambert

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    Exactement !

    M. Erwan Balanant

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    Au contraire !

    M. François Ruffin

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    Je vais donc le faire car je considère que c’est une bonne initiative, même si in fine, le Président de la République l’a détournée de son but. Il va de soi qu’il est bon que des citoyens soient tirés au sort, en comparaison de ce qui se passe ici. Ici, nous ne sommes pas représentatifs de la population : de nombreuses études du CEVIPOF – le centre de recherche politiques de Sciences Po – et d’autres montrent que les classes populaires, qui constituent 50 % de la population, ne sont représentées que par 2,8 % des députés.

    M. Julien Aubert

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    La révolution, elle a été faite par qui ?

    M. François Ruffin

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    Le fonctionnement de la démocratie est plié et ne convient pas aux gens, qui ne se reconnaissent absolument plus dans cette chambre d’enregistrement qu’est l’Assemblée, qui passe à côté des grands débats de société et où l’on n’arrive pas à travailler ensemble. Si l’on ne comprend pas tout cela, on ne peut pas non plus comprendre l’originalité de ce que j’ai appelé un « Loft Story écologique ».
    Dans la Somme, deux personnes ont été tirées au sort, dont Jean-Luc Verdière, officier de sapeur-pompier à Péronne – qui, croyez-moi, n’a rien d’un militant d’extrême gauche !

    M. Julien Aubert

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    Très bien !

    M. Marc Le Fur

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    Lui, c’est différent : c’est une caution !

    M. François Ruffin

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    Or il est sorti transformé de cette expérience de réflexion collective, ayant pris conscience de ce que sont les enjeux pour la planète et pour la France. Je ne comprends donc pas, chers collègues de la majorité, que vous ne défendiez pas cette initiative avec davantage d’ardeur !

    M. le président

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    La parole est à M. Marc Le Fur.

    M. Marc Le Fur

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    Notre collègue Julien Aubert a relancé la question de la fameuse convention et des « conventionnels » – un terme tout de même extraordinaire ! Ils seraient plus ou moins « tirés au sort » mais, en réalité, ils ne le sont aucunement ! Tout est très organisé – François Bayrou l’a dit – et chacun d’entre eux est parfaitement identifié, du moins par ceux qui les connaissent ; quant à nous, nous ignorons les noms des 150 – en matière de transparence, on fait mieux !
    En outre, ils sont accompagnés par des garants, que M. Aubert a cités en rappelant leur origine intellectuelle et politique, qui est à présent bien claire.
    Je voudrais insister sur l’un des principaux garants : Mme Tubiana, qui est bien connue dans les milieux de l’environnement, où elle est très investie. Il suffit de consulter son site pour constater qu’elle a des liens avec un certain nombre de très grandes entreprises multinationales. Elle siège au conseil d’administration de l’institut TERI, rattaché à la grande famille indienne Tata, qui entend investir dans l’énergie. Fait intéressant, elle siège également au conseil d’administration du groupe Iberdrola – le premier fabricant d’éoliennes en Europe, qui souhaite investir en France, hélas au détriment d’un certain nombre d’écosystèmes, en particulier dans une région que je connais bien.
    Quand le principal garant, celui qui, de fait, rédige les conclusions des 150, est à ce point atteint par un tel mélange des genres, par un tel conflit d’intérêts – dans une telle situation, tout député serait dans l’obligation de démissionner de ses fonctions mais Mme Tubiana occupe toujours les siennes, comme garant –, nous sommes de fait dans une logique de manipulation selon laquelle des intérêts très puissants ont dicté – j’insiste : dicté ! – les conclusions de ces 150 et veulent à présent dicter les nôtres et la révision de la Constitution.

    M. Jacques Krabal

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    C’est une honte de dire cela !

    M. le président

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    La parole est à M. Christophe Arend, rapporteur pour avis.

    M. Christophe Arend, rapporteur pour avis

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    Chers collègues, je suis un peu gêné. Je m’imagine un texte de loi qui serait d’abord examiné par le Sénat, ou bien je m’imagine en sénateur, et l’autre chambre présage du résultat et mes choix dans le débat démocratique.

    M. Julien Aubert

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    Vous seriez aussi abonné au JDD !

    M. Christophe Arend, rapporteur pour avis

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    Je peux vous dire que j’aurais suffisamment l’esprit de contradiction pour faire l’inverse de ce que la première chambre a annoncé que je ferais ! Continuez donc, monsieur Aubert, à affirmer que le Sénat ne sera pas d’accord avec nous : peut-être parviendrez-vous à les convaincre à notre place ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Erwan Balanant.

    M. Erwan Balanant

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    J’avoue que je suis choqué par vos propos, monsieur Le Fur. Que vous n’aimiez pas l’idée de citoyens tirés au sort et participant à la vie démocratique, cela peut s’entendre, car c’est un peu audacieux et il est intellectuellement possible de ne pas vouloir embrasser l’audace, mais que vous remettiez en cause la façon dont les citoyens ont été tirés au sort, cela devient gênant,…

    M. Marc Le Fur

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    C’est ce que dit M. Bayrou !

    M. Erwan Balanant

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    …parce que cette procédure transparente a été expliquée et vous retrouverez aisément ces explications. Un panel a été formé et des règles ont été établies comme savent les établir ceux qui pratiquent l’échantillonnage. Ils l’ont fait pour la convention citoyenne et 150 personnes ont été tirées au sort. Comme l’a dit notre collègue François Ruffin, il se trouvait parmi elles des gens qui n’étaient pas du tout « écolos » et même des climato-sceptiques.

    M. Julien Aubert

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    Ah bon ?

    M. Erwan Balanant

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    Parfaitement !

    M. Julien Aubert

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    Prouvez-le !

    M. Marc Le Fur

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    Donnez les noms !

    M. Erwan Balanant

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    Il n’y a pas à donner de noms. Certains des citoyens retenus ont préféré garder l’anonymat.

    M. Julien Aubert

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    Ce n’est pas courageux !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est leur droit !

    M. Erwan Balanant

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    Ce choix peut se discuter mais c’est le leur.
    Mais qu’ensuite vous remettiez à ce point en cause les garants par des accusations de conflit d’intérêts, c’est scandaleux ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. Marc Le Fur

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    Ces informations figurent sur son site !

    M. Erwan Balanant

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    Vous n’avez pas le droit de faire cela. Vous pouvez ne pas être d’accord avec Mme Tubiana comme vous pouvez être opposé à l’installation d’éoliennes au large de Groix et de Belle-Île, mais il est faux de prétendre que la convention citoyenne est pilotée par des gens qui ont intérêt dans ces projets et qui cherchent à les favoriser ; vous n’avez pas le droit de dire cela !

    M. Marc Le Fur

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    Mais puisque c’est sur son site !

    M. Erwan Balanant

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    Nous avons été nombreux ici, monsieur Ruffin, à défendre la convention citoyenne et à souhaiter qu’elle s’exprime. Elle s’est exprimée, au terme d’un travail remarquable ; à notre tour, nous faisons notre travail de parlementaires. Peut-être pouvons-nous regretter – l’expérience permettra d’y remédier à l’avenir – qu’il n’y ait pas eu davantage de travail en amont avec les parlementaires afin de mieux expliquer la notion de reprise « sans filtre ».
    Quoi qu’il en soit, monsieur Le Fur, je suis particulièrement choqué par vos propos ! (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes Dem et LaREM.)

    (Les amendements nos 399 et 257, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinq.)

    M. le président

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    La séance est reprise.
    La parole est à M. Alain David, pour soutenir l’amendement no 106.

    M. Alain David

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    Il vise à renforcer la sécurité juridique afin de protéger durablement l’environnement. La recherche d’un avenir durable suppose l’assurance que les acquis environnementaux ne seront pas remis en question. Le droit humain à l’environnement n’est effectif que s’il existe une garantie juridique. Le principe d’amélioration constante protège les droits des générations futures. Il s’agit d’un engagement concret et continu de la société, pour améliorer constamment la protection de l’environnement et l’environnement lui-même.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    Votre amendement vise à inscrire le principe de non-régression à l’article 1er de la Constitution. Nous en avons déjà largement débattu et vous savez que mon avis est défavorable.
    D’abord, ce principe est déjà inscrit dans la loi depuis 2007, à l’article L. 110-1 du code de l’environnement ; il s’impose donc naturellement au pouvoir exécutif. Avant de l’élever au rang constitutionnel, nous souhaitons attendre que la jurisprudence du Conseil d’État en la matière s’enrichisse.
    Ensuite, plutôt que consacrer un principe de non-régression, le Conseil constitutionnel a souligné qu’il revient au législateur de prendre en considération « le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement », mentionné à l’article 2 de la charte de l’environnement. Selon nous, il convient donc de ne pas aller au-delà, car le législateur doit préserver efficacement d’autres principes constitutionnels.
    Enfin, inscrire le principe de non-régression dans la Constitution réduirait significativement le pouvoir du législateur, car sa portée est incertaine. Nous avons déjà eu le débat quant à ses possibles implications, notamment celle de confier au juge le soin d’en apprécier la réalité. Pour toutes ces raisons, l’avis est défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    J’ai presque envie de dire que c’est bien tenté : nous avons refusé d’ajouter le principe de non-régression, et expliqué que la notion était trop subjective pour être inscrite dans notre Constitution, avec des conséquences aléatoires. Vous proposez donc d’inscrire la notion d’amélioration. Or, ce qui pour certains d’entre nous constitue une régression est aux yeux de certains autres une amélioration, et inversement. Comme mon temps n’est pas compté, je pourrais multiplier les exemples, mais je ne veux pas vous l’infliger.
    J’étais opposé à la régression : de manière cohérente, je le serai à l’amélioration. En accord avec les arguments du rapporteur, je suis défavorable à cet amendement.

    M. le président

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    La parole est à M. Gérard Leseul.

    M. Gérard Leseul

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    Monsieur le ministre, je vous remercie de reconnaître que notre démarche est positive.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ça, c’est vrai !

    M. Gérard Leseul

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    La régression vous déplaisait : nous avons tâché d’être constructifs et d’ouvrir une perspective d’amélioration et de progrès. Là encore, vous opposez un refus, et c’est dommage. Je ne désespère pas, puisque la répétition est au fondement de la pédagogie, de vous convaincre.

    M. François Ruffin

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    Il faut garder espoir !

    (L’amendement no 106 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 126.

    M. Marc Le Fur

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    Il vise à défendre les paysages, qui font notre richesse. Hélas, ils sont souvent victimes d’éoliennes, installées dans des lieux surprenants, souvent emblématiques, que ce soit à terre ou en mer.

    M. Pierre Cordier

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    Très juste !

    M. Marc Le Fur

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    Monsieur Balanant s’est cru obligé de m’attaquer.

    M. Erwan Balanant

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    Non ! Je n’oserais jamais !

    M. Marc Le Fur

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    J’ai évoqué le rôle que Mme Tubiana a joué dans l’affaire des 150 citoyens. Elle était garante, c’est une donnée objective. Il suffit de consulter les documents qu’elle-même publie pour s’apercevoir qu’elle appartient au conseil d’administration de plusieurs sociétés étrangères, en particulier Iberdrola, leader mondial de l’éolien, notamment en mer.

    Mme Agnès Thill

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    Eh oui !

    M. Marc Le Fur

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    Or les 150 préconisent le développement de l’éolien, notamment en mer. Je constate la conjonction de ces faits et je m’interroge. Convenez, monsieur Balanant, que si un membre du Gouvernement ou un parlementaire s’était trouvé dans la même situation, on parlerait de conflit d’intérêts ; pour des gens exerçant des responsabilités, on évoquerait au moins un mélange des genres. Mais non : les 150, comme Greta, relèvent de la sainteté, on n’a pas le droit d’y toucher.
    Nous voulons sortir de cette situation. Nous considérons que la décision politique doit être le fait de gens responsables. Un fonctionnaire est responsable car il appartient à une chaîne hiérarchique ; un dirigeant politique est responsable car il est soumis à la sanction des électeurs au terme de son mandat. Or en l’espèce, nous avons affaire à des gens qui défendent des intérêts. Ils en ont le droit, mais ils doivent le dire clairement.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Très bien !

    Mme Agnès Thill

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    Exactement !

    M. Marc Le Fur

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    Je considère que ces intérêts sont inquiétants, quand d’autres non. Néanmoins, ces mêmes personnes exercent une responsabilité publique, puisqu’ils sont garants de la convention citoyenne.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Excellent !

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    L’amendement est déjà satisfait : la notion d’environnement est suffisamment large pour inclure les paysages. En outre, le code de l’environnement dispose que « Les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, les sons et odeurs qui les caractérisent, les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l’air, les êtres vivants et la biodiversité font partie du patrimoine commun de la nation. » Avis défavorable.

    M. le président

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    L’avis du Gouvernement est-il également défavorable ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous avez vous aussi un don de médium, monsieur le président ! Avis défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Marc Le Fur.

    M. Marc Le Fur

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    Je conclus donc de votre réponse que les paysages doivent être défendus. Or, quelle est la situation ? Les agressions massives à l’encontre des paysages dans les territoires – en montagne, en plaine, en mer ou sur les côtes – se multiplient.
    Cela vous plaît-il que les paysages soient défigurés dans votre région, monsieur Balanant ? Les funestes projets annoncés entre Groix et Belle-Île, dans l’un des endroits les plus emblématiques de Bretagne, vous plaisent-ils ? À moi, non. Au moins devons-nous nous interroger.
    Le projet prévu dans la baie de Saint-Brieuc, par exemple, aura pour effet de condamner un noble métier, celui de pêcheur, puisque cette zone est essentielle pour eux. Rappelons qu’elle se situe au large du cap Fréhel – pour ceux qui ont la chance de connaître la région où chacun est toujours bien accueilli ; je vois M. Potier attentif à mon propos et je l’en remercie. En clair, la défense du paysage fait aussi partie de nos responsabilités.

    M. le président

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    La parole est à M. Erwan Balanant.

    M. Erwan Balanant

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    Je précise tout d’abord à monsieur Le Fur, dont je connais la précision, que Mme Tubiana n’était pas garante ; elle faisait partie de la codirection.

    M. Marc Le Fur

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    Elle était la cheffe des garants !

    M. Erwan Balanant

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    Non…

    M. Marc Le Fur

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    Si !

    M. Erwan Balanant

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    Ce n’est pas ainsi que la convention était organisée. Mme Tubiana coprésidait le comité de gouvernance de la convention citoyenne pour le climat avec M. Thierry Pech, tandis que M. Julien Blanchet vice-président du CESE, en était le rapporteur général. Par ailleurs, un collège des garants, issu des institutions françaises, était composé de trois personnalités : Anne Frago, nommée par M. Richard Ferrand, le très bon président de notre Assemblée nationale, Michèle Kadi, nommée par le président du Sénat, et Cyril Dion, nommé par le président du Conseil économique, social et environnemental.

    M. Marc Le Fur

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    Et Mme Tubiana, qui l’a nommée ?

    M. Erwan Balanant

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    Vous avez également évoqué les paysages. Oui, monsieur Le Fur, nous sommes responsables des effets que la production humaine a sur les paysages ; c’est précisément pourquoi elle est réglementée. Vous mentionnez les éoliennes qui, selon vous, détruiraient les paysages. Justement, l’installation d’éoliennes donne lieu à une saisine de la CNDP, la commission nationale du débat public, ainsi qu’à un certain nombre de simulations.
    Notez, monsieur Le Fur, que l’électricité de Bretagne, produite par la centrale nucléaire de Chinon, est acheminée par un réseau de lignes à haute tension de 400 000 volts : je n’ai jamais entendu personne dire que cela détruisait les paysages ! Pourtant, les lignes à haute tension ne valent guère mieux que les éoliennes.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est même pire !

    M. Erwan Balanant

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    Oui, elles sont bien pires, en raison des fils et des problèmes de santé que connaissent les personnes vivant à proximité.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous oubliez les oiseaux.

    M. Erwan Balanant

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    Seriez-vous devenu décroissant, monsieur Le Fur ? Ce serait un scoop… Vous ne voulez pas d’éoliennes, pas d’électricité, pas de méthaniseurs, vous ne voulez rien du tout ; mais soyez cohérent ! Oui, la production industrielle a des incidences sur les paysages. C’est la raison pour laquelle existent des lois et une Constitution : pour garantir la transparence et le respect des uns et des autres.

    M. le président

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    Je rappelle aux orateurs que leur temps de parole est de deux minutes.
    La parole est à M. François Ruffin.

    M. François Ruffin

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    Je reviens sur la convention citoyenne pour le climat, que je défends, malgré ses limites. Certes, on peut chercher toutes sortes de conflits d’intérêts au sein de cette convention, mais aussi dans notre assemblée, voire au conseil scientifique qui donne au Président de la République des recommandations en matière de vaccination et dont les conclusions ne sont même pas rendues publiques.
    Pensez-vous, monsieur Le Fur, que la démocratie fonctionne bien ? Pensez-vous que les Français sont satisfaits de la manière dont se construit le débat public et de la façon dont il se déroule dans cet hémicycle ? Nous sommes une chambre d’enregistrement, composée de représentants des partis. Pour remédier à cette sclérose de la Ve République, il faut soit en changer, soit faire d’autres expériences, avec les limites qu’elles comportent.
    La convention citoyenne pour le climat, cette « Loft Story » écologique, est une bonne expérience, même si elle a des limites : le champ abordé par ces 150 citoyens pendant huit week-ends est trop vaste pour parvenir élaborer à un programme englobant le logement, la consommation, la production d’énergie et de denrées alimentaires. Des portes ont néanmoins été ouvertes, des idées nouvelles émises, et le débat s’est étendu à un spectre de personnes bien plus large que celui de l’hémicycle, où presque tout le monde a fait des études supérieures,…

    M. Dominique Potier

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    Non, j’ai fait le lycée agricole.

    M. François Ruffin

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    …ce qui n’est pas le cas des 150 citoyens de la Convention. En revanche, peut-être fallait-il se contenter d’un seul thème.

    M. le président

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    La parole est à Mme Émilie Bonnivard.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Je reviens sur la question des lignes à très haute tension. Dans mon territoire de montagne, nous nous sommes battus, il y a trente ans, pour enterrer une ligne à très haute tension entre la France et l’Italie : l’enfouissement de cette ligne a eu lieu l’année dernière, requérant des budgets conséquents.
    Ce n’est pas un bon argument que de dire que nous pourrions accepter des éoliennes qui défigureront les lignes d’horizon, les paysages de montagne et les paysages marins au motif qu’en effet, des lignes à très haute tension ont été installées dans le passé. Nous nous battons désormais pour les faire enterrer, ce que fait RTE, le Réseau de transport d’électricité. Nous devons être exigeants pour préserver les paysages des territoires de montagne, marins ou ruraux.
    Je suis issue d’un territoire qui a accepté, pour servir l’intérêt général, beaucoup de grands projets en matière d’énergie, notamment tous les barrages hydrauliques, qui ont conduit à sacrifier des villages. Nous aimerions que ces territoires ne soient pas toujours sacrifiés pour la production d’énergie destinée aux territoires urbains – je pense à l’hydroélectricité et aux éoliennes. Il faut trouver un équilibre pour ne pas sacrifier les paysages et l’attractivité des territoires ruraux et montagnards en faveur du seul volet énergétique.

    (L’amendement no 126 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 253.

    M. Dominique Potier

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    Les débats entre démocratie représentative et démocratie citoyenne me laissent toujours un peu circonspect, monsieur Ruffin. Pour ma part, je n’ai pas fait de grandes études, ayant étudié dans un lycée agricole. J’ai cependant croisé un mouvement d’éducation populaire, qui m’a convaincu que la sortie de la démocratie par le haut s’appelle l’éducation civique, ou l’éducation populaire, quelles qu’en soient les modalités.

    M. Marc Le Fur

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    Très bien !

    M. Dominique Potier

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    Nous devons y travailler, sans y opposer les autres formes de démocratie. Être républicain, c’est faire des citoyens. (Mme Agnès Thill applaudit.) En tant que citoyen, j’ai entendu quelqu’un dont la pensée me transcende : Mireille Delmas-Marty, professeure au Collège de France, qui développe le concept de biens publics mondiaux – une déclinaison de la notion de maison commune pour évoquer notre planète et notre écosystème.
    L’inclusion des biens communs mondiaux dans la Constitution serait un véritable progrès, au-delà de nos querelles picrocholines sur les éoliennes. L’énergie, l’air, le climat, l’eau, sont des biens que nous devons partager dans un monde fini : ils relèvent de notre coresponsabilité et renvoient dans le chemin politique que Mireille Delmas-Marty ouvre au concept de souveraineté solidaire, tout en l’opposant à une mondialisation sans foi ni loi et à une souveraineté solitaire.
    Le groupe Socialistes et apparentés défend donc l’inscription de la préservation des biens communs mondiaux à l’article 1er de la Constitution. D’autres amendements reviendront sur l’équilibre indispensable entre le bien commun, l’intérêt général, la liberté d’entreprise et le droit de propriété. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR ; Mmes Yolande de Courson et Delphine Bagarry applaudissent également.)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    Je ne suis pas favorable à la consécration constitutionnelle de la notion de bien commun, bien que, d’un point de vue philosophique et politique, je sois sensible à ce concept. Le déploiement, à l’échelle mondiale, de politiques susceptibles de garantir à l’ensemble des habitants de la planète un environnement de qualité, est une idée incontestablement séduisante.
    Cette notion est cependant trop imprécise pour figurer dans la Constitution, notre loi fondamentale, qui exige de la clarté. Il n’existe actuellement pas de consensus sur le sujet. D’ailleurs, votre proposition fait reposer la garantie de préservation des biens communs presque uniquement sur la France, ce qui serait une charge démesurée. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je comprends parfaitement le sens de votre amendement, mais les biens communs mondiaux sont un concept qui parle à nos sensibilités davantage qu’à notre droit, et la modification de la Constitution requiert une notion précise.
    De plus, les perspectives sont davantage mondiales que nationales. Or, c’est de notre Constitution dont il est question, ce qui illustre les propos du rapporteur. Dans ces conditions, je ne peux qu’être défavorable à votre amendement.

    M. le président

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    La parole est à M. Dominique Potier.

    M. Dominique Potier

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    Je constate que M. le rapporteur ne doute pas de la France… Trêve de plaisanterie, il n’en doute pas et n’en doutons pas. La France a la particularité d’avoir un dessein universel, qu’elle a incarné – parfois avec arrogance, mais qui peut aussi l’être avec humilité – lors de la Révolution française ou avec les Lumières, rejoignant ainsi d’autres pensées et d’autres traditions philosophiques.
    La Constitution affirme l’égale dignité de chaque personne et cela ne se limite pas aux enfants de la France, aux enfants de la patrie, mais inclut les enfants esclaves du textile à Dacca, les enfants esclaves du cacao de l’Afrique subsaharienne, et ainsi de suite. Tous les hommes naissent libres et égaux en droits : nous pensons que cette dimension universelle peut s’appliquer à notre écosystème, à la maison commune. C’est le sens de cet amendement, qui vise à établir notre part de responsabilité dans la préservation des biens communs mondiaux.  
    Au-delà de la crise climatique, la covid-19 a révélé notre terrible interdépendance : nos choix et nos modes de vie ont des conséquences dramatiques au bout du monde, auxquelles nous ne serons jamais étrangers, quels que soient les murs que nous construirons, sur la Méditerranée ou ailleurs.

    M. le président

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    La parole est à M. Marc Le Fur.

    M. Marc Le Fur

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    Je reconnais à notre collègue Potier le mérite de la cohérence et celui de fixer des ambitions, même si l’on ne saurait à ce stade s’inscrire dans le droit, qui est fait d’obligations et de sanctions.
    Je souhaite revenir sur les propos de M. Balanant : il nous explique à peu près qu’ayant fait des sottises, nous pouvons en commettre de nouvelles. Ainsi, puisque l’électricité était transportée par des lignes à haute tension très laides, la production d’éoliennes serait acceptable. Or tout cela est fini, monsieur Balanant, vous auriez dû vous renseigner : vous qui connaissez bien la ligne électrique qui relie Lorient à Saint-Brieuc, sachez qu’elle est entièrement enterrée depuis quelques années. Aujourd’hui, on ne fait plus ce que vous continuez à préconiser ; vous êtes très en retard ! On ne peut pas installer en mer des éoliennes aussi hautes que la tour Montparnasse sur une surface grande comme Paris, tout près de la côte. Ce n’est pas possible !
    S’agissant de la convention citoyenne pour le climat, je vous invite, mon cher collègue, à vous inspirer de celui qui est normalement votre maître à penser : François Bayrou, qui est le premier à la dénoncer et à la considérer comme une mystification qui nous est imposée. Lisez et relisez le petit livre rouge de Bayrou  Non, orange ! » sur divers bancs) auquel vous devez avoir accès ; je vous invite à le faire.

    M. Pierre Cordier

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    Le guide du MODEM !

    M. le président

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    Même si la Bretagne présente un certain intérêt, je ne suis pas convaincu que votre propos présentait un rapport avec les biens communs mondiaux.

    M. Marc Le Fur

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    Mais si ! Les algues !

    M. le président

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    La parole est à M. Joachim Son-Forget.

    M. Joachim Son-Forget

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    Je pense qu’il y a du pour et du contre. Je suis favorable à l’amendement de M. Potier – nous avons déjà partagé les mêmes avis sur la protection de l’environnement. La notion de bien commun mondial permet de donner du champ ; elle s’articule bien avec ce que fait déjà l’UNESCO – Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture. C’était aussi mon objectif lorsque j’ai proposé d’ajouter les notions de nature et de culture à l’article premier de la Constitution.
    Cela étant, d’où provient la volonté de réviser la Constitution, alors même que nous examinons, en même temps, deux projets de loi relatifs à l’environnement ?
    Par ailleurs, John Kerry, l’envoyé spécial du gouvernement américain pour le climat, est aujourd’hui à Paris. Après avoir rencontré le Président de la République ce matin, il a déjeuné avec Bruno Le Maire, qui se réjouit de travailler sur la finance verte. Nous connaissons tous l’engagement de M. Kerry pour l’environnement mais aussi son activité dans le secteur privé, entre ses fonctions dans le gouvernement de M. Obama et sa nomination dans le gouvernement actuel.
    Toutefois, les Français sont en droit de réclamer la transparence, afin de savoir si c’est une coalition franco-américaine ou une coalition franco-euro-américaine qui décide – M. Kerry ayant rendu visite à Mme von der Leyen hier. Je ne soutiens là aucune théorie du complot ; au contraire, ma volonté de transparence me conduit à vous préciser l’agenda politique, alors même que je reconnais l’engagement de M. Kerry dans ces combats. Du reste, je l’avais sollicité il y a quelques années sur des questions relatives à la protection des océans.
    Il est néanmoins important que les Français comprennent que la collusion de divers agendas politiques favorise ce projet de loi constitutionnelle. C’est un devoir de leur expliquer la genèse de la volonté de modifier la Constitution française.

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur pour avis.

    M. Christophe Arend, rapporteur pour avis

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    Même si je comprends la noblesse de l’intention qui vise à ajouter les biens communs à l’article premier, il me semble dangereux d’entrer dans une déclinaison de l’environnement. Nous avons accepté de parler d’environnement, de dérèglement climatique et de biodiversité parce que, depuis 2018, des changements fondamentaux se sont produits : on nous a démontré que les deux piliers qui avaient le plus souffert étaient la biodiversité et le climat.
    Le terme « environnement » recouvre aussi bien le règne animal, végétal et minéral. À moins de considérer que l’esprit est un règne en soi, l’environnement est assez inclusif pour couvrir tant le spectre entier de ce qu’on pourrait appeler le vivant – même si certains contestent le caractère vivant du règne minéral – que les biens communs.

    M. le président

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    La parole est à M. François Ruffin.

    M. François Ruffin

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    Monsieur le ministre, vous nous dites – et cet argument revient souvent dans votre bouche –que le terme de biens publics mondiaux n’est pas assez précis, qu’il flotte ; mais c’est le principe de tous les mots. Selon Karl Krauss, « Plus on regarde un mot de près, plus il vous regarde de loin. »

    M. Pierre Cordier

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    Qui ?

    M. François Ruffin

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    Ainsi, dans l’expression « préservation de la biodiversité », on pourrait s’interroger sur le sens des mots « préservation » et « biodiversité ». On peut également se demander longuement ce que signifie le mot « garanti ». Presque tous les mots de chaque texte peuvent être jugés trop flous.
    Au contraire, la signification des biens publics mondiaux est assez claire : l’eau, l’air, la terre, c’est-à-dire les éléments.

    M. Dominique Potier

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    Le feu !

    M. François Ruffin

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    Pour répondre à mon collègue Potier : il ne faudrait pas que l’exception présente dans cette assemblée serve à justifier la norme sociale, celle d’une classe qui est ici massivement représentée, comme le démontrent toutes les études sociologiques.

    M. Dominique Potier

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    C’est vrai !

    M. François Ruffin

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    Par ailleurs, je suis nostalgique des formations dispensées par des écoles de la deuxième chance au profit des élèves qui n’ont pas eu la chance de suivre des études supérieures car leurs parents n’en avaient pas les moyens, qui ont existé dans les traditions chrétienne et communiste, à savoir la Jeunesse chrétienne ouvrière – JOC –, la Jeunesse agricole catholique – JAC –, ou le Mouvement des jeunes communistes de France – JC. Ces deux écoles se sont étiolées pour quasiment disparaître et n’offrent plus l’occasion aux classes populaires d’accéder à la politique par un autre biais. Au fond, nous en sommes désormais coupés.
    Or notre gauche, monsieur Potier, souffre profondément de la disparition de ces voies de contournement de la norme d’appartenance partisane, qui permet de grimper parce qu’on se trouve près des appareils et qu’on détient les bons diplômes, au bon moment. (M. Dominique Potier applaudit.)

    Mme Émilie Bonnivard

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    Sinon, on peut vous laisser !

    M. Erwan Balanant

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    C’était la motion du congrès ?

    (L’amendement no 253 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de trois amendements, nos 297, 323 et 376, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 323 et 376 sont identiques.
    Les amendements nos 297 de M. Gérard Cherpion et 323 de Mme Stéphanie Atger sont défendus.
    La parole est à Mme Aina Kuric, pour soutenir l’amendement no 376.

    Mme Aina Kuric

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    Il vise à consacrer la notion de développement durable dans la Constitution, plus précisément le « développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs », comme le définissait dès 1987 le rapport Brundtland.
    J’avais déjà proposé en commission d’inscrire cette notion dans la Constitution, pour faire écho à la proposition de résolution que l’Assemblée a adoptée en novembre dernier.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    Je suis défavorable à votre amendement, qui prévoit d’inscrire à l’article premier de la Constitution que la République garantit la préservation du développement durable, parce qu’il introduit une confusion manifeste avec l’article 6 de la charte de l’environnement, laquelle dispose que « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. »
    Cet amendement contrevient à l’exigence de clarté qui s’impose aux pouvoirs constituants lors d’une révision de la Constitution.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je partage la position du rapporteur : il s’agit de compléter la charte de l’environnement et non de la répéter. Or ce que vous appelez de vos vœux est déjà inscrit dans la charte.

    M. le président

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    La parole est à M. Stanislas Guerini.

    M. Stanislas Guerini

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    Je veux m’élever contre le travail de sape auquel on assiste depuis tout à l’heure. D’un côté, il vise la convention citoyenne pour le climat, mettant en cause des citoyens qui n’ont pourtant pas mené leurs travaux en catimini mais avec fierté : nous sommes nombreux ici à les avoir vus.
    D’autre part, M. Ruffin mène un travail de sape depuis le début du quinquennat contre ce qu’incarne cet hémicycle et contre la démocratie représentative. Nous avons tous et toutes été élus et nous appartenons à une majorité qui prend ses responsabilités. Nous ne demandons pas aux citoyens de faire la loi ; nous faisons la loi ici, en modifiant la Constitution.

    M. François-Michel Lambert

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    Ah bon ?

    Mme Émilie Bonnivard

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    Ce texte n’aurait pas existé sans la convention citoyenne pour le climat ! C’est quand même fort de café !

    M. Stanislas Guerini

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    Nous assumons le choix d’examiner la proposition telle qu’elle a été formulée par les citoyens.
    Je revis, en cet instant, les débats que nous avons maintes et maintes fois vécus depuis le début du quinquennat. J’étais le rapporteur du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance qui a consacré le droit à l’erreur. Vous nous avez opposé qu’il réduirait à néant les capacités de l’État à se défendre. Or il n’en a rien été.
    À l’occasion de l’examen de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, nous avons travaillé ensemble pour modifier le code civil. Vous nous avez opposé que nous allions mettre par terre l’ensemble de l’édifice sur lequel reposent les entreprises aujourd’hui. Or il ne s’est rien passé de tout ce que vous nous aviez annoncé.
    Nous assumons ce projet de loi maximaliste et ambitieux, car nous sommes des parlementaires et nous faisons la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Aina Kuric.

    Mme Aina Kuric

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    Je ne sais pas si votre réaction est liée aux amendements que nous avons déposés.
    Pour répondre au ministre et au rapporteur, il est vrai que le développement durable est mentionné à l’article 6 de la charte de l’environnement. Néanmoins, il va bien au-delà, avec dix-sept objectifs qui nous engagent à améliorer notre comportement vis-à-vis de l’environnement, la cohésion sociale, le développement économique. Tous ces objectifs doivent sortir de la charte de l’environnement pour être pleinement intégrés dans la Constitution, à l’article premier ; là est la place de la notion de développement durable. Il ne s’agit pas de saper quoi que ce soit : la notion de développement durable mérite tout à fait d’être inscrite dans ce texte.

    M. le président

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    La parole est à M. François-Michel Lambert.

    M. François-Michel Lambert

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    Je vous remercie pour votre réponse, monsieur le rapporteur : vous avez dit exactement l’inverse de ce que vous m’avez répondu hier à l’amendement no 84. Il faut être cohérent !

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    Je le suis !

    M. François-Michel Lambert

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    Vous rejetez l’amendement de Mme Kuric, dont je suis cosignataire, qui prévoit d’inscrire la notion de développement durable à l’article 1er de la Constitution, en miroir de la charte de l’environnement. Or hier, il fallait au contraire ne pas inscrire la lutte contre le dérèglement climatique dans la charte de l’environnement, en miroir de ce que vous nous proposiez d’inscrire dans la Constitution.
    Je rebondis sur la brillante intervention de notre collègue Guerini qui nous invite à respecter la convention citoyenne. Nous la respectons. Il affirme que certains entameraient un travail de sape. Or sous la Ve République, le fait de saper dans l’hémicycle les textes proposés par d’autres n’est guère novateur. Le groupe majoritaire s’emploie par exemple à saper les propositions de lois déposées par les groupes minoritaires lors des journées qui leur sont réservées.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Bravo !

    M. Pierre Cordier

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    Mais non, cela n’arrive jamais !

    M. François-Michel Lambert

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    J’espère que notre collègue Guerini s’élèvera contre les collègues de sa majorité qui saperaient ainsi des propositions de lois, notamment au cours de la niche du 8 avril où seront examinées la proposition de loi de mon collègue Falorni sur la fin de vie ou ma proposition de loi sur la légalisation du cannabis.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Eh bien, cela va aller mieux !

    M. François-Michel Lambert

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    Enfin, la présentation d’amendements – je pense à l’amendement no 386 à venir de notre collègue de la majorité Loïc Dombreval – constitue-t-elle un travail de sape ou de construction collective ? N’opposons pas d’un côté les amendements de sape et, de l’autre, les amendements positifs ; nous devons juste écrire ensemble notre Constitution.

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Ravier.

    M. Julien Ravier

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    Permettez-moi de vous dire qu’ici personne n’est dupe : le projet de loi constitutionnelle constitue une manœuvre politique, une stratégie électoraliste de la part du Président de la République. Tout le monde l’a bien compris. Il vise à satisfaire la convention citoyenne pour le climat et les écologistes.

    M. François-Michel Lambert

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    Non, non !

    M. Julien Ravier

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    J’irai même jusqu’à dire qu’il s’agit d’une faute politique. Le Conseil d’État, qui n’est pas une institution négligeable et dont l’avis a été très largement respecté sur d’autres projets de loi comme celui confortant le respect des principes de la République, ne vous met-il pas en garde sur les conséquences dramatiques qu’entraînerait la quasi-obligation de résultats liée à l’usage du terme « garantir » ? Vous faites peser une responsabilité sur le pays que nous ne sommes pas du tout en mesure d’assumer, à plus forte raison après la crise que nous connaissons.
    J’estime donc que ce projet de révision de la Constitution est à la fois une stratégie électoraliste et une faute politique. Il est dramatique que vous assumiez des mots qui ne sont pas ceux de légistes, mais de la convention citoyenne.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Très bien !

    (L’amendement no 323 est retiré.)

    (Les amendements nos 297 et 376, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir l’amendement no 77.

    M. Adrien Quatennens

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    La situation est la suivante : 80 % des insectes ont disparu en trente ans. L’accroissement des températures s’élève déjà à 1,2 degré par rapport à l’ère préindustrielle, ce qui induit des conséquences désastreuses. Les phénomènes climatiques extrêmes se multiplient et tout porte à croire que nous sommes sur une trajectoire d’une hausse des températures d’au moins 3 degrés. Dans les prochaines décennies, cela pourrait contraindre 1 milliard de personnes à se déplacer pour des raisons climatiques.
    Pour rester dans les clous des Accords de Paris, il nous faudrait multiplier nos efforts par cinq. La dette écologique ne cesse de s’accroître. C’est désormais en huit mois que nous consommons toutes les ressources que la planète peut reconstituer en une année. Si tout le monde vivait comme les Américains, il nous faudrait cinq planètes – que nous n’avons pas. Si tout le monde vivait comme les Allemands, il nous faudrait trois planètes – que nous n’avons pas non plus. Et si tout le monde vivait comme les Français, c’est de 2,7 planètes dont nous aurions besoin.
    Disons-le, le bilan d’Emmanuel Macron en matière d’écologie est désastreux. En témoignent la promotion des accords de libre-échange, la répression des militants écologistes, la casse du service public du rail, le refus d’interdire le glyphosate, la réintroduction des néonicotinoïdes.

    M. Erwan Balanant

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    Elle est faite ta vidéo, c’est bon !

    M. Adrien Quatennens

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    Or que faisons-nous ? C’est simple, pendant que nos collègues examinent en commission spéciale le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets et constatent que les trois quarts des propositions de la convention citoyenne sur le climat ont été foulées aux pieds par le Président de la République en dépit de ses propres engagements,…

    Plusieurs députés des groupes LaREM et Dem

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    C’est faux !

    M. Adrien Quatennens

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    …nous procédons ici à un tripatouillage visant à insérer une petite pastille verte dans la Constitution pour essayer de nous défausser.
    Mais il ne faut pas de tripatouillage ! Si la Constitution doit être modifiée – elle doit l’être –, c’est directement par le peuple, par l’intermédiaire d’une assemblée constituante, pour qu’il redéfinisse la règle du jeu…

    M. Erwan Balanant

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    Ça tombe bien, la modification sera votée par le peuple par référendum !

    M. Adrien Quatennens

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    …et puisse, par exemple, comme nous le voulons, y introduire la règle verte et faire en sorte que la France marche aux avant-postes de la bifurcation écologique. C’est un défi technique et humain considérable de faire en sorte qu’on ne prenne pas davantage à la nature que ce qu’elle peut reconstituer, sachant qu’au bout de tout cela, il y a surtout des millions d’emplois à la clé.
    Voilà ce que nous devrions faire et c’est pourquoi nous proposons par cet amendement d’ajouter l’application de la règle verte à la Constitution.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    Vous avez raison, la situation d’urgence climatique est réelle et cela fait d’ailleurs de longues heures que nous en débattons dans cet hémicycle. Selon les pires prédictions qui nous sont proposées par les experts, la température pourrait augmenter de 4, voire de 6 degrés dans certains territoires de notre pays. L’appauvrissement de notre biodiversité n’est malheureusement plus une simple menace et, nous l’avons déjà dit très largement, la pollution de l’air, de l’eau et des océans, ainsi que la dégradation globale de l’environnement, s’accélèrent bien plus vite que prévu.
    Mais vous arrivez ici, monsieur Quatennens, après une journée d’examen de ce texte, pour faire un réquisitoire contre l’action environnementale de la majorité.

    M. François-Michel Lambert

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    Il y a aussi la commission spéciale qui siège en ce moment !

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    Permettez-moi de vous dire que cela n’a pas grand-chose à voir avec votre amendement. C’est facile de venir nous dire que la majorité n’agit pas. Je vous rappellerai simplement que depuis 2017, grâce à notre impulsion, la France a remporté d’importantes batailles. Je mentionnerai la transformation de la Banque européenne d’investissement en banque pour le climat ; l’édiction, comme le défendait la France, de la neutralité climatique à l’horizon 2050 comme objectif européen ; le déploiement, avec le soutien de la France, du Pacte vert pour l’Europe ; la fermeture des centrales à charbon ; l’interdiction de l’exploitation des hydrocarbures ; l’abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes et du complexe EuropaCity – et je pourrais citer encore d’autres exemples.

    M. Pierre Cordier

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    Comme la fermeture de Fessenheim ou l’importation d’électricité produite à partir du charbon !

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    Il faut donc rester sérieux, garder à l’esprit le sens de ce texte et discuter du fond de votre amendement. Objectivement, celui-ci fait référence à certains concepts intéressants. Celui de limite planétaire a, d’un point de vue scientifique, certaines vertus pédagogiques. Il est d’ailleurs utilisé par de grandes institutions comme l’ONU ou la Commission européenne ; il s’agit donc d’un sujet sérieux. Mais nous discutons ici d’une révision de la Constitution et si ce concept est bien sérieux, il ne semble pas opportun de l’y faire figurer étant donné que sa définition fluctue suivant les points de vue. Quant à la règle verte, je veux bien qu’on en discute, mais vous conviendrez qu’il s’agit d’une notion défendue par La France insoumise et que la Constitution n’a pas vocation à intégrer le programme électoral de votre parti. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Il est identique, mais je souhaite ajouter quelques éléments car, voyez-vous, si ces murs ont des oreilles, ils doivent aussi avoir une mémoire.

    M. François-Michel Lambert

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    Elle est derrière vous, la mémoire !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je complète donc les propos de M. le rapporteur avec les exemples suivants : changement de 100 000 chaudières au fioul par an ; réparation de 1,5 million de vélos ; construction de 10 000 nouvelles pistes cyclables depuis 2017 ; triplement des ventes de voitures électriques, avec le versement de 1 000 euros pour l’achat d’un véhicule électrique d’occasion, d’une prime à la conversion de 5 000 euros par ménage et d’un bonus écologique pouvant atteindre 7 000 euros ; enregistrement de 200 000 dossiers MaPrimeRénov’ en 2020…

    M. Marc Le Fur

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    Ça ne marche pas, MaPrimeRénov’ !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …et déjà de 115 000 en 2021, avec une prise en charge des travaux jusqu’à 90 %…

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    Eh oui…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …– et il existe encore bien d’autres exemples si vous le souhaitez, monsieur Quatennens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. Adrien Quatennens.

    M. Adrien Quatennens

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    Dans les interventions du ministre et du rapporteur, il y a eu des moments plus sympathiques que d’autres, avec des arguments de fond mais aussi des postures, comme le fait de reprocher à un membre de l’opposition d’arriver tout juste dans l’hémicycle parce qu’il participait jusqu’ici à d’autres travaux de commission. C’est habituel, mais nous ne procédons heureusement pas toujours de cette manière.
    Monsieur le ministre, vous pouvez procéder à toutes les génuflexions que vous voulez – pourquoi ne pas rappeler que l’on conseille aux gens de fermer le robinet lorsqu’ils se brossent les dents ? – mais, franchement, tous les exemples que vous donnez ne sont pas à la hauteur de ce que nous avons à faire. Et si vous voulez dresser une petite liste, je vous citerai pour ma part le Haut Conseil pour le climat, le Conseil national de la transition écologique, le CESE – Conseil économique, social et environnemental –, le Conseil d’État et 110 organisations non gouvernementales, qui fustigent tous le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
    Vous rappelez-vous de cette belle image du Président de la République dans les jardins de l’Élysée, sous le soleil, face aux 150 membres de la convention citoyenne ? Ils ont cru à sa promesse, monsieur le ministre ! Or les trois quarts de leurs 149 propositions sont repoussées, ajournées ou édulcorées. Et nous allons collectivement le payer !
    En effet, cette affaire, monsieur le ministre, reléguera nombre de nos désaccords politiques à un second rang. C’est l’écosystème compatible avec la vie humaine qui est en jeu aujourd’hui et c’est bien cela qu’il faut avoir à l’esprit. Une chose est claire, dans l’expression « capitalisme vert », le problème n’est pas la couleur ; c’est le modèle qu’il faut changer.
    C’est pourquoi nous en appelons à la planification. Oui, la règle verte est un défi humain et technique formidable.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Ils sont fous !

    M. Adrien Quatennens

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    Vous qui êtes également soucieux de la relance de l’activité et de l’emploi, songez à tous les nouveaux métiers qu’il faudrait créer, toutes les nouvelles écoles, les nouvelles formations.

    M. Erwan Balanant

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    Ça s’appelle France Relance !

    M. Adrien Quatennens

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    Il y a bien plus à faire que ce tripatouillage constitutionnel qui ne constitue finalement qu’une pastille verte. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si nous discutons de ce projet de loi constitutionnelle dans l’hémicycle pendant qu’à côté, en commission spéciale, nos collègues constatent votre forfaiture.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Forfaiture ? Savez-vous ce que ça signifie ?

    M. le président

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    La parole est à M. Marc Le Fur.

    M. Marc Le Fur

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    Monsieur le ministre, je ne vous savais pas spécialiste de MaPrimeRénov’, mais je vois que vous apprenez et que vous progressez. Interrogez donc autour de vous, comme je le fais quand je reçois dans ma permanence : ce dispositif est un futur scandale ! Il ne fonctionne pas ! Il est très compliqué !

    M. Rémy Rebeyrotte

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    C’est faux !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    200 000 dossiers !

    M. Marc Le Fur

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    Sans parler de tous ceux qui s’emploient à exploiter la naïveté de nos compatriotes en leur faisant accroire qu’ils seront remboursés de leurs travaux à 90 % alors qu’ils ne le seront jamais. Faites attention, car il y a des margoulins dans ce domaine !
    Notre devoir est d’alerter nos concitoyens, car il va se passer avec MaPrimeRénov’ ce qu’il s’est passé il y a quelques années quand on a incité nos concitoyens à installer des panneaux solaires sur leur toit. Ça n’a pas marché ; ça coûtait trop cher.
    Quoi qu’il en soit, je me réjouis que le garde des sceaux sorte de la théorie pour aller vers la pratique la plus concrète avec MaPrimeRénov’ !

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous critiquez beaucoup quand nous faisons beaucoup.

    M. François-Michel Lambert

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    Non !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous pouvez égrener votre liste des critiques de l’action gouvernementale, mais les chiffres n’en demeurent pas moins inédits. Ce sont 30 milliards d’euros qui sont consacrés à l’environnement dans le plan de relance, dont 7 milliards pour le développement de l’hydrogène et 6 milliards en 2021 pour le développement des énergies renouvelables.

    M. Christophe Arend, rapporteur pour avis

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    Exactement !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous pouvez donc vous lever et être mécontent, affirmer que vous feriez mieux ou vous servir de l’environnement pour vous placer sur le devant de la scène politique, voire médiatique. Vous n’êtes pas le seul à le faire, monsieur Ruffin ; j’ai dit la même chose hier d’une autre députée qui, comme d’habitude, n’est pas présente dans l’hémicycle.
    Vous le savez, l’art est difficile et la critique d’une extraordinaire facilité.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Tout à fait !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Au blablabla que vous nous opposez, nous avons un véritable bilan – ne vous en déplaise, monsieur Quatennens. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    (L’amendement no 77 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Ravier, pour soutenir l’amendement no 293.

    M. Julien Ravier

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    Cet amendement rédactionnel de notre collègue Éric Pauget vise à remplacer les mots « diversité biologique » par le terme « biodiversité ».

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    Les deux termes étant parfaitement synonymes, l’avis est défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je trouve que la réponse de M. le rapporteur est très pertinente et je ne puis que la reprendre. Vous voulez changer quelque chose qui existe déjà par quelque chose en tout point synonyme. On avance… Avis défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. François-Michel Lambert.

    M. François-Michel Lambert

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    Au-delà de cet amendement, monsieur le ministre, essayons de parler d’écologie plutôt que d’environnement, ce qui permettra de considérer notre sujet d’une manière beaucoup plus large. Nous ne sommes pas en commission spéciale, où l’on égrène les réussites – ou les échecs, selon les points de vue – du Gouvernement mais dans l’hémicycle, pour décider de ce que nous devons inscrire dans la Constitution afin d’être à la hauteur des enjeux. Dans cet objectif, des amendements émanant de tous les bancs sont présentés et nous en examinerons bientôt un d’un député du groupe majoritaire. Bien au-delà des majorités, et même s’il faut prendre note des milliards d’euros mobilisés, la Constitution restera tandis que nous serons oubliés. Restons donc sur l’objectif de nos présents débats dans l’hémicycle.
    Si vous voulez discuter du fond des propositions figurant dans le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, il suffit de regarder l’appréciation qui en a été faite par le Haut Conseil pour le climat ou par la convention citoyenne pour le climat. Notre collègue Guerini a largement défendu ce texte tout à l’heure, mais en oubliant de rappeler que les membres de la convention y ont donné une note de 3,5 sur 10. D’autres l’ont dit, avec ce projet de loi, le Gouvernement, et donc la France, n’est pas à la hauteur de ses objectifs.
    Nous gagnerions du temps en restant concentrés sur la modification de la Constitution qui nous occupe, laquelle nous dépasse et dont le contenu restera gravé. Nous nous montrerions ainsi à la hauteur de ce qui est attendu de nous dans l’hémicycle.

    (L’amendement no 293 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Loïc Dombreval, pour soutenir l’amendement no 386.

    M. Loïc Dombreval

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    De nombreuses constitutions européennes ont intégré la protection animale en leur sein. C’est le cas du canton de Genève depuis 1974, de la Suisse depuis 1992, de l’Allemagne depuis 2002, ou du Luxembourg depuis 2007. Il est vrai qu’il s’agit d’un phénomène récent, mais en plein essor et il me semble que la France devrait se joindre à ce mouvement majeur qui ne cesse de croître. Une telle démarche répondrait aux aspirations contemporaines et s’inscrirait dans les évolutions législatives actuelles qui tendent à protéger toujours mieux l’ensemble du vivant.
    Ainsi l’article 20a de la Constitution fédérale allemande, relatif à la « protection des fondements naturels de la vie », impose-t-il à l’État de protéger les animaux. Cet article dispose qu’« assumant ainsi également sa responsabilité pour les générations futures, l’État protège les fondements naturels de la vie et les animaux par l’exercice du pouvoir législatif, dans le cadre de l’ordre constitutionnel, et des pouvoirs exécutif et judiciaire, dans les conditions fixées par la loi et le droit ».
    De la même manière, l’article 11 de la Constitution du Luxembourg dispose que « l’État veille à garantir la protection de l’environnement humain et naturel ainsi que la protection des animaux ».
    C’est pourquoi je vous propose d’inscrire la garantie de la protection de la vie animale dans l’article unique, aux côtés de la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et de la lutte contre le dérèglement climatique.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    Je connais votre réel engagement en faveur de la protection de la vie animale, cher collègue. C’est un combat que vous meniez dès avant votre élection. J’estime toutefois que votre amendement est satisfait par la référence à la préservation de la « diversité biologique », c’est-à-dire de l’ensemble des organismes vivants. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Nous connaissons tous, monsieur le député, votre engagement pour la cause animale. Vous en donnez des preuves extraordinaires au Parlement comme dans votre vie professionnelle. Il me semble néanmoins que l’amendement est satisfait : la protection de l’environnement ne saurait exclure celle des animaux. Le Gouvernement suggère donc le retrait de l’amendement.

    M. le président

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    La parole est à M. Loïc Dombreval.

    M. Loïc Dombreval

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    Il s’agissait d’un amendement d’appel ; je le retire. J’aimerais toutefois que la France s’engage encore davantage sur ces questions, car ses actions sont aujourd’hui largement insuffisantes.

    M. François-Michel Lambert

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    Alors maintenez l’amendement !

    (L’amendementno 386 estretiré.)

    M. le président

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    La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir l’amendement no 223.

    M. Gérard Leseul

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    Cet amendement rédactionnel de ma collègue Cécile Untermaier n’est pas un amendement nostalgique, mais un amendement de fidélité : lors de l’examen du projet de réforme constitutionnelle de 2018, le groupe Socialistes et apparentés proposait déjà d’inscrire, à l’article 1er de la Constitution, la préservation de l’environnement et de la diversité biologique, ainsi que la lutte contre les changements climatiques.
    Vous avez refusé la « règle verte » proposée par notre collègue de La France insoumise, mais quelle est la règle climatique à laquelle vous faites référence à travers l’expression « lutte contre le dérèglement climatique » ? L’expression « lutte contre les changements climatiques » serait de notre point de vue beaucoup plus proche de ce que recouvre l’expression internationalement reconnue climate change. Notre proposition n’est donc pas uniquement sémantique.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    En effet, la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, le droit de l’Union européenne ou encore l’article L. 110-1 du code de l’environnement se réfèrent à la notion que vous proposez d’utiliser. Nous avons toutefois retenu l’expression « dérèglement climatique » parce que l’on désigne ainsi des changements climatiques en tant qu’ils sont imputables à l’action humaine. Cela nous semble plus fort, plus précis. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    L’amendement n’est ni nostalgique, ni rédactionnel, ni fidèle. Le Gouvernement est contraint d’émettre un avis défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur pour avis.

    M. Christophe Arend, rapporteur pour avis

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    Je comprends les arguments de M. Leseul, qu’il a d’ailleurs développés au cours des auditions. Mais les changements climatiques arrivent aussi de manière naturelle, à l’échelle des ères géologiques. S’il est vrai que l’on traduit climate change par changement climatique, la référence au dérèglement pointe la réalité de l’anthropocène et la responsabilité de l’être humain dans la dégradation du climat.

    M. le président

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    La parole est à M. Gérard Leseul.

    M. Gérard Leseul

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    Je remercie Christophe Arend, qui apporte des arguments autrement plus convaincants que ceux de M. le ministre.
    Vous acceptez de reprendre l’idée de la responsabilité humaine dans le changement climatique. Tant mieux. Mais l’expression « changements climatiques » me paraît plus juste et plus neutre que celle que vous avez choisie.

    (L’amendementno 223n’estpasadopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de dix amendements, nos 119, 42, 50, 92, 49, 68, 91, 93, 117 et 423, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 42, 50 et 92 sont identiques ; les amendements nos 49, 68, 91, 93, 117 et 423 le sont également.
    Les amendements nos 119 de M. Dino Cinieri, 42 de M. Emmanuel Maquet et 50 de M. Fabrice Brun sont défendus.
    La parole est à M. Julien Ravier, pour soutenir l’amendement no 92.

    M. Julien Ravier

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    Le diable se cache dans les détails, vous le savez : c’est ce sujet qu’aborde cet amendement de Marc Le Fur. Vous utilisez le mot « lutte ».

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Oui !

    M. Julien Ravier

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    Or lutter, c’est combattre : vous posez le cadre d’une opposition, d’un conflit.
    Nous vous proposons un autre terme, « œuvre ».

    M. Maxime Minot

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    Eh oui, c’est bien plus joli !

    M. Julien Ravier

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    Œuvrer, faire œuvre utile, c’est travailler, agir. C’est donc à la fois plus effectif et plus pragmatique. Comme le disait Victor Hugo, « la forme, c’est le fond qui remonte à la surface » : je vous laisse méditer.

    M. le président

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    L’amendement no 49 de M. Fabrice Brun est défendu.
    La parole est à Mme Émilie Bonnivard, pour soutenir l’amendement no 68.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Cet amendement de Martial Saddier tend à remplacer le terme « lutter » par celui, plus positif, d’« agir ».
    S’agissant de la protection de la vie animale, dont il a été question plus tôt, faisons très attention à nos positions de principe : nous pourrions nous retrouver dans des situations complexes. Ainsi, le loup est une espèce protégée strictement alors que notre pays en compte plus de 500 spécimens. Or c’est là une menace très forte pour l’élevage ovin ; 12 000 animaux sont tués chaque année par ce prédateur, et cela engendre des coûts très élevés. Il faut donc aussi prendre en considération la compatibilité des espèces entre elles, et ne pas oublier l’élevage extensif, qui correspond à notre volonté de développer les circuits courts comme de protéger l’environnement.
    La biodiversité ne concerne pas les seules espèces sauvages ; il faut également protéger les animaux domestiques, ainsi que les pratiques humaines ancestrales de nos territoires.

    M. le président

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    L’amendement no 91 de M. Marc Le Fur est défendu.
    La parole est à Mme Aina Kuric, pour soutenir l’amendement no 93.

    Mme Aina Kuric

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    Cet amendement déposé par ma collègue Maina Sage vise lui aussi à substituer le verbe « agir » au verbe « lutter ». Dans son avis sur le projet de loi de réforme constitutionnelle de 2019 pour un renouveau de la vie démocratique, le Conseil d’État rappelle que l’utilisation du verbe « agir » entraîne une obligation pouvant engager la responsabilité de l’État en cas d’inaction.

    M. le président

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    L’amendement no 117 de Mme Nathalie Porte est défendu.
    La parole est à M. Maxime Minot, pour soutenir l’amendement no 423.

    M. Maxime Minot

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    En utilisant le verbe « agir », nous suivrions les recommandations du Conseil d’État. Ce verbe va moins loin que « garantir », qui entraîne une obligation de résultat et pourrait donc être à l’origine de nombreux contentieux.
    Mais, comme les autres, cet amendement sera rejeté. C’est dommage. Vous devrez en assumer la responsabilité.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    Avis défavorable. Nous considérons qu’il est essentiel de poser un principe d’action à destination de tous les pouvoirs publics. Le verbe « lutter » est fort ; ce choix est celui qui nous permettra de répondre au mieux à l’urgence climatique.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Avis défavorable. Madame Kuric, j’ai comme vous une tendresse particulière pour le verbe « agir ». Pour autant, nous avons fait des choix – ou plutôt la convention citoyenne a fait des choix, que le Président de la République a décidé de reprendre.

    M. Maxime Minot

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    Et la représentation nationale ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Nous assumons ces termes, nous l’avons déjà dit. Ils nous engagent, bien sûr, mais c’est un choix délibéré que nous faisons.

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Aubert.

    M. Julien Aubert

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    La convention citoyenne n’est pas le Conseil d’État. Par conséquent, des citoyens peuvent opérer des choix sémantiques, mais ceux-ci sont ensuite soumis à un examen juridique : quand on fait la loi, on réfléchit aux mots que l’on utilise. Dire que la convention citoyenne a écrit la phrase de cette façon n’est pas un argument juridique ! Ses membres peuvent avoir tort sur la forme et raison sur le fond, et c’est bien le fond de leur pensée que vous vous êtes engagés à ne pas trahir.
    Par ailleurs, vous parlez d’obligation de résultat…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    De quasi-obligation !

    M. Julien Aubert

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    …et vous dites que le vrai sujet, c’est le changement, ou le dérèglement, climatique – bref, les émissions de carbone. Pourquoi alors avoir choisi l’expression « lutter contre le dérèglement climatique » plutôt que d’écrire « la France garantit la préservation de l’environnement, la diversité biologique et la baisse des émissions de CO2 » ?
    Vous dites que ce n’est pas l’obligation de moyens qui vous intéresse, mais l’obligation de résultat. Convenez qu’établir une différence entre une lutte sans obligation de résultat contre le changement climatique et une garantie pour le reste va à l’inverse de vos intentions proclamées : vous mettez en réalité le dérèglement climatique sur un plan différent ; vous n’avez tout à coup qu’une obligation de moyens. C’est un rang en-dessous. Si vous avez une autre lecture, je suis tout prêt à l’entendre, mais pourquoi renoncer à un beau rythme ternaire, qui engloberait toutes ces notions au plus haut niveau de la protection ? Vous savez ce que j’en pense, mais allez au moins au bout de votre logique – à moins que vous ne fassiez simplement de la communication, en écrivant des phrases qui n’entraînent qu’une obligation de moyens.

    M. le président

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    La parole est à M. François-Michel Lambert.

    M. François-Michel Lambert

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    Nous en revenons toujours à la même chose, et je vous remercie d’avoir été extrêmement clair, monsieur le garde des sceaux. Cent cinquante citoyens qui ont travaillé ardemment sans avoir d’expérience au préalable, qui ont donné de leur temps, pour beaucoup le week-end, mais d’autres ont continué, le soir, en semaine, à se documenter, sur de longs mois, sont devenus des femmes et des hommes capables d’écrire des textes de loi, y compris l’article 1er de la Constitution ! Bien plus que les 950 parlementaires, sénateurs et députés, dont certains, comme Martial Saddier ou Bertrand Pancher – je prie les autres de nos collègues qui étaient présents de m’excuser de ne pas les citer – étaient déjà là en 2007 et ont acquis une expérience notable sur le sujet dont nous débattons, puisqu’ils étaient en première ligne lors du Grenelle de l’environnement.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Tout à fait !

    M. François-Michel Lambert

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    Ces citoyens auraient bien plus de légitimité pour trouver, à la demi-virgule près, la rédaction de l’article 1er de la Constitution. Nous devrions donc nous aplatir, nous agenouiller devant leur phrase, à laquelle nul d’entre nous n’avait songé, ne serait-ce qu’un court instant ! Et nous osons imaginer d’y changer un mot, un terme, voire de l’enrichir, comme le proposaient tous les amendements avant l’article unique et nombre d’amendements à cet article, dont celui de Loïc Dombreval, que je regrette car il représentait un enrichissement très intéressant. Je vois qu’il a reçu l’instruction ferme de le retirer et qu’il n’a pas eu le courage d’aller jusqu’au bout (Protestations sur les bancs des groupes LaREM et Dem) ; j’aurais dû le reprendre, comme ceux qui viendront ensuite.

    M. le président

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    Merci, cher collègue.

    M. François-Michel Lambert

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    Nous continuons, mais nous savons très bien qu’il s’agit d’un jeu d’acteur pour laisser croire que le Président de la République et la majorité soutiennent l’écologie.

    M. le président

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    Monsieur Lambert, vous êtes passé de deux minutes cinquante à deux minutes trente, ce qui représente un progrès sur la durée de cet après-midi. Néanmoins, le temps de parole reste de deux minutes, comme le prévoit notre règlement.
    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani

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    Permettez-moi une réflexion en passant.
    Je suis le débat avec un vif intérêt depuis quelques heures. C’est, si j’ai bien compris, un débat de nature constitutionnelle et environnementale. Mais puisque depuis quelques minutes, l’Assemblée nationale ressemble plutôt à l’Académie française, je voudrais vous suggérer de réfléchir, à vos moments perdus, au débat suivant. Peut-on opposer les verbes agir et lutter ? Peut-on lutter sans agir et peut-on agir sans lutter ? Réfléchissons ! (Applaudissements sur quelquesbancs du groupe LaREM.)

    M. François-Michel Lambert

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    On peut même agir et lutter !

    M. le président

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    La parole est à M. François Ruffin.

    M. François Ruffin

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    M. Aubert a développé un argument qui n’est pas inintéressant…

    Mme Émilie Bonnivard et M. Maxime Minot

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    Ah !

    M. François Ruffin

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    …en proposant d’inscrire, à la place du flou des mots « lutte contre le dérèglement climatique », un objectif chiffré d’émissions de gaz à effet de serre : il est vrai que cela rend immédiatement les choses concrètes et vérifiables. Le souci, c’est qu’au fond, nous nous y sommes déjà engagés avec l’accord de Paris, que nous soutenons prétendument au niveau international mais que nous n’avons pas respecté une seule année dans notre propre pays depuis sa signature.  Notre seule manière de faire comme si nous respections l’accord a été de relever le plafond d’émissions de gaz à effet de serre de 24 millions de tonnes de CO2 par an. 24 millions de tonnes de CO2, ce sont les émissions du Sri Lanka, et nous avons demandé ce quota supplémentaire pour rester dans les clous ! En fait, nous adaptons la norme de l’accord de Paris en fonction de nos émissions plutôt que de les réduire. Alors, en effet, s’engager concrètement sur des objectifs clairs, nets, précis et chiffrés concernant les émissions de gaz à effet de serre n’est pas inintéressant !

    (L’amendement no 119 n’est pas adopté.)

    (Les amendements identiques nos 42, 50 et 92 ne sont pas adoptés.)

    (Les amendements identiques nos 49, 68, 91, 93, 117 et 423 ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    L’amendement no 294 de M. Éric Pauget est défendu.

    (L’amendement no 294, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement no 224 – en deux minutes !

    M. François-Michel Lambert

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    Je vais essayer de parler quand même de la Constitution.
    Lutter ou agir, agir ou lutter : comme l’a rappelé mon collègue Michel Castellani, ce qui est important, c’est d’aller de l’avant. Puisque le Gouvernement relaie la convention citoyenne pour le climat et que la majorité le soutient, nous sommes partis pour garder « lutte contre le dérèglement climatique ». Or nul ne peut ignorer que les enjeux à venir ne se limitent pas au dérèglement climatique. Cet amendement vise donc à ajouter, après « lutte contre le dérèglement climatique », les mots « et toutes les formes de pollution ».
    Pour être clair, et comme je l’ai dit dans mon intervention liminaire à la tribune, 50 000 Français meurent chaque année de la pollution atmosphérique, et il serait bienvenu de lutter contre cette réalité. Au bout d’un quinquennat, 250 000 personnes seront mortes de notre inaction. D’autres pollutions – chimique, plastique – existent ; nous estimons que nous ne pouvons pas nous contenter d’inscrire dans la Constitution la seule lutte contre le dérèglement climatique, et qu’il faut y ajouter la lutte contre tout ce qui obère l’avenir de nos enfants, notamment les pollutions.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    Cher collègue, au fond, vous avez raison : la lutte contre le dérèglement climatique n’est pas la seule urgence, et il y a également urgence à lutter contre la pollution de l’air. Mais nous estimons que les principes de préservation de l’environnement et de lutte contre le dérèglement climatique que nous inscrivons dans la Constitution englobent la lutte contre la pollution quelle que soit sa forme – de l’air, de l’eau, des terres – et que la proposition de révision constitutionnelle satisfait votre demande. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. François-Michel Lambert.

    M. François-Michel Lambert

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    Alors, on pourrait aussi supprimer l’expression « lutte contre le dérèglement climatique » puisque tout ce qui la précède, dans la phrase proposée que je ne répéterai pas, participe à lutter contre le dérèglement climatique. Si nous pratiquions la protection de la biodiversité, le respect des ressources et la protection de l’environnement, nous n’aurions pas à affronter les soucis du dérèglement climatique ! La phrase est bancale, et savez-vous pourquoi ? Parce que, avec tout le respect que j’ai pour la convention citoyenne pour le climat, celle-ci n’a pas pu, ou su, inclure tous les enjeux – et c’est normal, de même qu’aucun d’entre nous ne peut prétendre à une intelligence unique. C’est dans une intelligence collaborative que nous construisons la loi. J’aurais souhaité une démarche coopérative pour la construire ensemble, et non être soumis à une décision qui s’est prise bien loin du Parlement, et donc du peuple.

    (L’amendement no 224 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements, nos 225 et 396, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement no 225.

    M. François-Michel Lambert

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    Je tâcherai de le faire rapidement, puisque vous estimez que l’amendement est déjà intégré dans la proposition de modification de l’article 1er de la Constitution. Cependant, je me permets d’insister sur le dérèglement climatique, qui est un enjeu à l’échéance du siècle. La pollution plastique, ou plutôt les pollutions plastiques, sont un enjeu à l’échéance d’une génération, notamment pour les riverains de la Méditerranée. Un chiffre, que complétera mon collègue Michel Castellani : la Méditerranée, c’est 1 % des eaux salées, mais 7 % de la pollution plastique mondiale. Ce n’est pas soutenable. Il faut quatre-vingt-dix ans pour le renouvellement des eaux, ce qui veut dire que ce qui est actuellement dans la Méditerranée y sera encore au siècle prochain. Or l’on continue à y envoyer des pollutions plastiques. Ne pas lutter contre la pollution plastique, notamment en Méditerranée, c’est avoir, à l’horizon d’une génération, une Méditerranée morte. Cela mérite une inscription spécifique dans la Constitution, non pas de la Méditerranée, mais de la pollution plastique.

    M. le président

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    La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l’amendement no 396.

    M. Michel Castellani

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    J’irai exactement dans le même sens que François-Michel Lambert. Nous avons voulu souligner, en déposant ces amendements, l’extraordinaire fléau que représente la prolifération du plastique et que tout entretient : la croissance économique, la croissance démographique, le sens de l’économie… Moi qui plonge dans la Méditerranée depuis tant de décennies – j’allais dire tant de siècles –, je vois se dégrader les choses ; or quand un phénomène est visible, c’est qu’il est très grave.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    Je reprendrai la même argumentation que pour les amendements précédents : j’estime que votre demande est déjà satisfaite par la réforme que nous proposons. Avis défavorable sur les deux amendements.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. Joachim Son-Forget.

    M. Joachim Son-Forget

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    Je me permets d’intervenir au moment où est apportée cette précision sur la pollution plastique, non pas que je sois favorable au fait d’inclure des points de détail dans le texte constitutionnel, pour beaucoup de raisons, mais parce que Jean-Luc Mélenchon et moi-même avons mené un travail long, pendant plus d’une année, dans le cadre d’un rapport d’information sur les mers et les océans qui avait mis en évidence le grave danger des microplastiques infiltrables qui finissent dans l’océan de manière irréversible.
    On voit, à l’occasion de la crise sanitaire que nous avons vécue, que ce qui paraissait une priorité encore quelques mois auparavant est soudain passé au second plan, puisqu’on s’est mis à produire par milliards les objets non recyclables que sont les masques en polypropylène et en polyéthylène, sans prévoir de filière de recyclage ; d’un seul coup, un objet qui était, fort heureusement, au centre de l’attention de beaucoup de médias, a disparu du paysage. Inversement, on a assisté à une diminution drastique des émissions de gaz à effet de serre, avec la disparition soudaine et pour ainsi dire inespérée, mais avec de graves conséquences économiques, du trafic aérien et du trafic tout court, avec la non-utilisation des moteurs à explosion entraînée par l’immobilité des gens, avec des conséquences économiques que nous n’aurions pas eu à juguler dans d’autres circonstances.
    Par conséquent, dans quelle mesure va-t-on faire telle ou telle chose d’une importance capitale, avec l’objectif utopique que l’État soit garant de cette action avec une obligation de moyens et de résultats ? Pendant combien de temps l’État français reste-t-il attaquable sur ce qui peut être perçu comme une inaction, qu’il s’agisse des plastiques ou de la réduction des gaz à effet de serre ?

    M. le président

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    La parole est à M. François-Michel Lambert.

    M. François-Michel Lambert

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    Je remercie M. le rapporteur d’avoir pris le temps de répondre ; peut-être auriez-vous pu, monsieur le garde des sceaux, expliciter davantage votre avis, même s’il est identique.
    Je me permets de rappeler que, pas plus tard que la semaine dernière, l’ONU a sonné l’alerte sur la pollution plastique et la pollution de l’air en disant qu’elle représentait un problème du même niveau que le dérèglement climatique. Elle l’a dit très clairement, et nous aurions pu le relayer clairement dans la Constitution. J’ai donc une question. Peut-être nos collègues sénateurs et sénatrices inscriront-ils la pollution plastique dans l’article 1er de la Constitution. Y aura-t-il une instruction pour l’en retirer, suivant les arguments présentés tout à l’heure ? Nous ne pouvons pas nous faire le simple relais, sans intelligence collective, de la convention citoyenne pour le climat ; nous devons coconstruire la réforme constitutionnelle sur les enjeux attendus. Vous avez souhaité la resserrer aux seules thématiques environnementales, mais nous sommes pleinement dans un sujet environnemental.

    (Les amendements nos 225 et 396, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement no 250.

    M. François-Michel Lambert

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    Je serai bref. L’enjeu de cet amendement, ce sont les 50 000 décès que nous continuerons de déplorer chaque année même quand nous aurons gagné le combat contre la covid-19, parce qu’ils sont liés à la pollution de l’air. Cela mérite une inscription dans la Constitution – ce à quoi tend cet amendement.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    Je vous remercie, monsieur Lambert, pour votre amendement. Toutefois, comme les précédents, il est déjà satisfait.

    M. François-Michel Lambert

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    Non !

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    Nous ne réfutons pas l’importance de la pollution de l’air. Nous agissons d’ailleurs contre celle-ci depuis le début du quinquennat. Entre autres mesures visant à améliorer la qualité de l’air dans notre pays, nous avons ainsi décidé de mettre un terme à l’exploitation des centrales à charbon d’ici à 2022…

    M. François-Michel Lambert

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    Vous êtes bien placés pour en parler !

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    …et d’interdire l’exploitation des hydrocarbures, et nous promouvons très fortement les véhicules électriques et les pistes cyclables. Nous continuerons résolument dans les mois qui viennent. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Même avis : l’amendement est satisfait. On ne peut concevoir la lutte pour « la préservation de l’environnement » sans envisager la pollution de l’air ou la pollution plastique. Faudrait-il inscrire chacune des matières qui sont source de pollution dans la Constitution ? Franchement, cela n’aurait pas de sens ! Celle-ci fixe les grands principes, qui sont ensuite déclinés.
    Bien sûr que nous envisageons la pollution de l’air, et celle de l’eau ! C’est d’une telle évidence ! Je suis donc défavorable à l’amendement.

    M. le président

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    La parole est à M. François-Michel Lambert.

    M. François-Michel Lambert

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    On peut tout à fait lutter « contre le dérèglement climatique » et garantir « la préservation de l’environnement et de la diversité biologique » – pour reprendre les termes de l’article – tout en tuant une espèce, l’espèce humaine, en la privant de l’air de qualité dont elle a besoin. Ce sont deux questions différentes.
    Monsieur le garde des sceaux, peut-être êtes-vous fatigué par les redites que nous vous imposons – ce que je peux comprendre. Vous dites que l’amendement est satisfait parce que l’article prévoit déjà que la France « garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique ». Mais si cette mention suffit vraiment, pourquoi ajouter « et lutte contre le dérèglement climatique » ? Après tout, la diversité biologique est nécessairement affectée par le dérèglement climatique ; il suffit donc de la garantir pour lutter contre celui-ci.

    M. Erwan Balanant

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    Mais non !

    M. François-Michel Lambert

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    Soit vous supprimez la référence à la lutte contre le dérèglement climatique, soit vous ajoutez celle concernant les pollutions : vous ne pouvez déclarer que l’une est nécessaire et l’autre non.

    M. le président

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    La parole est à M. Gérard Leseul.

    M. Gérard Leseul

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    Bien sûr, nous ne pouvons égrener les différentes pollutions dans ce texte, de la même manière que nous ne sommes pas ici pour évoquer les différentes actions du Gouvernement dans ce domaine – nous le faisons déjà dans le cadre de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
    Néanmoins, nous devons nous interroger sur le rejet d’un amendement précédent, qui visait à inscrire les mots « toutes les formes de pollution ». En effet, il n’y a pas de raison d’inscrire dans le texte la lutte contre le dérèglement climatique et non celle contre les pollutions. Je regrette ce rejet.

    (L’amendement no 250 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l’amendement no 188.

    M. François Ruffin

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    Nicolas Hulot l’a dit : « Le libre-échange est à l’origine de toutes les problématiques écologiques. L’amplifier ne fait qu’aggraver la situation. Il faudra d’ailleurs comprendre un jour qu’une des premières obligations va être de relocaliser tout ou partie de nos économies. Mais avant que nos élites ne l’intègrent, je pense qu’on sera tous calcinés. […] La mondialisation, les traités de libre-échange sont la cause de toute la crise que nous vivons. Si on ne s’attaque pas à cela, ça ne sert à rien. Ce n’est pas en installant trois éoliennes que l’on va y arriver. »
    L’an dernier, pendant un instant de lucidité, le Président de la République s’est converti à ce discours. Il déclarait ainsi « Déléguer notre alimentation, notre protection […] au fond à d’autres est une folie. […] Les prochaines semaines et les prochains mois nécessiteront des décisions de rupture en ce sens. Je les assumerai. » Quelles décisions de rupture ont été prises depuis ? Quelles mesures puissantes ont été prises contre cette « folie » dénoncée par le Président de la République ?

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    Monsieur Ruffin, vous vous êtes livré à un long plaidoyer contre l’action du Président de la République plutôt que de défendre votre amendement. Je rappelle donc que celui-ci vise à préciser que la France garantit la lutte contre le dérèglement climatique « sur son territoire et à l’international ». En somme, vous proposez de créer une responsabilité extraterritoriale de la France dans cette lutte.
    Même si vous n’avez pas sollicité mon avis sur votre amendement, je vous le donne : la garantie de la France ne peut s’exercer sur les territoires où elle n’est pas souveraine. Ce que la France doit en revanche faire, et ce qu’elle fait avec le Président de la République, c’est agir au niveau international, en particulier au niveau européen, pour mener la lutte contre le dérèglement climatique.
    Je rappelle quelques faits, que vous semblez contester. Depuis 2017, sous l’impulsion ou avec le soutien de la France et du Président de la République, des batailles d’importance ont été gagnées au niveau européen. La Banque européenne d’investissement est devenue la « banque européenne du climat », chargée du financement de la transition. Au début, seule la France défendait l’objectif de neutralité climatique à l’horizon 2050 ; c’est devenu l’objectif européen de long terme. Le déploiement du pacte vert pour l’Europe, qui changera en profondeur la politique environnementale de l’Union européenne, se poursuit, avec le soutien de la France. Je ne reviendrai sur le plan de relance européen, défendu par le Président de la République – le dernier rapport des Nations unies le présente comme le deuxième plan le plus favorable pour le climat au monde ; le même rapport classe notre plan de relance national troisième.
    Vous dites que nous n’agissons pas depuis trois ans, mais les faits sont là et j’espère que nous pourrons poursuivre cette conversation sur les accords de libre-échange, sur lesquels il y a beaucoup à dire.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est extraordinaire ! Monsieur Ruffin, vous n’avez pas pris la parole pour défendre votre amendement, mais pour critiquer. Vous ne savez faire que cela.
    Je l’ai déjà dit tout à l’heure : nous avons beau égrener les mesures tout à fait exceptionnelles, inédites, innovantes qui ont été prises, quand vous prenez la parole, c’est pour dire ce qui vous chante, sans défendre vos amendements.
     
    Votre amendement visait à préciser que la lutte contre le dérèglement climatique devait également être menée à l’international. Je rappelle ce qui est inscrit en toutes lettres dans la Charte de l’environnement : « la présente Charte inspire l’action européenne et internationale de la France. » Votre amendement est donc amplement satisfait – mais il vous a donné une fois encore une occasion de critiquer.

    M. le président

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    La parole est à M. François Ruffin.

    M. François Ruffin

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    Vous pourrez réécouter l’enregistrement, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Celui d’hier ?

    M. François Ruffin

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    Durant mon intervention, je n’ai pas formulé de critique : j’ai seulement posé une question ouverte, après avoir rappelé que le Président de la République s’était engagé, il y a un an, à combattre le libre-échange, en déclarant que déléguer à d’autres notre alimentation et notre protection était une folie. « Qu’est-ce qui a été fait depuis ? », ce n’est pas une critique – il est bizarre que vous perceviez une simple question comme telle !
    La question reste ouverte. Moi – et je passe cette fois à la critique  Ah ! » sur les bancs des groupes LaREM et Dem) –, je constate que l’an dernier, nous avons voté un accord de libre-échange avec le Vietnam et bouclé les négociations pour un accord avec le Mexique. Même quand nous dénonçons la mondialisation, la machine continue ; cela risque de se poursuivre encore avec un accord avec les pays du Mercosur – Marché commun du sud. Monsieur le rapporteur, peut-être considérez-vous que le pacte vert pour l’Europe est une rupture majeure et permet de lutter contre cette folie du libre-échange ? Pour ma part, je ne pense pas.
    Le Président de la République annonçait des ruptures majeures dans les semaines, les mois suivant son intervention du 12 mars 2020. Voyez quelle est ma clémence : j’ai attendu un an pour vous interroger sur celles-ci ! Je ne les vois toujours pas – peut-être que je ne regarde pas au bon endroit ? Je vous redemande donc quelles décisions de rupture ont été prises, depuis un an, contre le libre-échange.

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur pour avis.

    M. Christophe Arend, rapporteur pour avis

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    Je vais tenter de garder mon sang-froid et de m’exprimer de manière posée. Qu’avons-nous fait depuis un an ? Eh bien, nous sommes en train de créer un outil extrêmement puissant, de l’avis de maître Christian Huglo et de Mme Marie-Anne Cohendet, puisqu’il permettra d’invoquer dans les QPC – questions prioritaires de constitutionnalité – l’ensemble de la charte de l’environnement, considérants inclus, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent. Nous créons un outil qui nous permettra à nous, parlementaires, de mener des études d’impact direct ou indirect sur l’ensemble des textes législatifs que nous voterons.
    N’introduisons pas dans la Constitution des éléments paramétriques, quantifiables, métriques : nous ne voulons pas qu’elle cesse d’être valable lorsque la science aura évolué. La vérité d’aujourd’hui n’est pas celle de demain ; la Constitution doit rester adaptée aux deux.
    Parlons surtout du très puissant catalyseur discuté actuellement en commission spéciale. Ce n’est que si la réforme constitutionnelle aboutit que nous pourrons pleinement faire valoir le projet de loi issu de la CCC – convention citoyenne pour le climat –,…

    M. François-Michel Lambert

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    Ah bon ?

    M. Christophe Arend, rapporteur pour avis

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    …parce que c’est dans celui-ci et dans les règlements que les éléments paramétriques, métriques et les objets de l’évaluation seront inscrits. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)

    (L’amendement no 188 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 125 de M. Dino Cinieri est défendu.

    (L’amendement no 125, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l’amendement no 194.

    M. François Ruffin

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    Il vise à inscrire dans la Constitution que la France protège « les éleveurs, le climat et la santé de ses citoyens. »
    Les éleveurs et les agriculteurs manifestent, ces temps-ci, parce que le mécanisme prévu par les états généraux de l’alimentation a échoué à leur garantir des prix minimaux ou plancher, comme nous le prévoyions, parce qu’il est vaporeux.
    Lors de ces états généraux, tous prônaient la montée en gamme de l’agriculture française. Or entre-temps a été signé l’accord du CETA, qui rend possible l’importation en France d’animaux gavés aux hormones.

    M. Frédéric Petit

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    Ce n’est pas vrai !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Et voilà !

    M. François Ruffin

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    Je ne parle pas en boucle, monsieur le garde des sceaux. C’est factuel ! M. Arend nous a parlé de rapports. Eh bien, à l’époque, un rapport concernant le CETA indiquait déjà que l’importation d’animaux nourris aux farines animales conduirait à un dumping environnemental. Dernièrement, un autre rapport sur le CETA a montré qu’il restait des traces d’antibiotiques dans les viandes importées depuis le Canada. Et pourtant, rien ne change !
    Les éleveurs sont aujourd’hui confrontés à un dumping environnemental lié au libre-échange qui fait chuter leurs revenus – qui s’établissaient déjà en moyenne à 700 euros par mois. Quelque 2 000 éleveurs disparaissent chaque année.

    M. Jean-Michel Fauvergue

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    C’est très décousu !

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    Merci, cher collègue, pour votre amendement. Sur les accords de libre-échange, il faut dire ce qui est : pendant longtemps, une forme de naïveté, voire de complaisance de l’Europe a prévalu, parfois en contradiction complète avec les objectifs environnementaux que nous nous assignions. Cela a pu déséquilibrer des filières et des secteurs entiers.
    Ce temps-là est révolu. La France pousse pour que l’Union européenne signe des accords de libre-échange comportant des critères sociaux, sanitaires, phytosanitaires et environnementaux plus élevés. Plutôt que d’adopter une position néoprotectionniste comme celle que pourrait défendre La France insoumise, je préfère chercher un chemin ménageant à la fois la protection de nos filières et de nos agriculteurs à l’international et la signature d’accords de libre-échange respectant l’accord de Paris : voilà ce que nous faisons !
    Le Président de la République fut le premier chef d’État européen à dénoncer l’accord avec le MERCOSUR pour protéger le climat et certains secteurs stratégiques en France et en Europe. Votre réquisitoire contre la politique environnementale du Gouvernement et sa politique soi-disant libre-échangiste à tous crins est nul et non avenu. Vous pouvez répéter ces arguments à l’infini, ils n’en deviendront pas pour autant vrais : les faits plaident au contraire pour l’action de cette majorité en Europe. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    L’amendement tend à préciser que la France protège ses éleveurs, le climat et la santé de ses citoyens. Je vais vous faire plaisir, monsieur Ruffin,…

    M. Jean-Michel Fauvergue

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    Non, ce n’est pas la peine !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …et vous lire un aphorisme de l’un de vos auteurs préférés, Karl Kraus : « Qui enfonce les portes ouvertes n’a pas à redouter qu’on lui casse les vitres. » Avis défavorable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. Adrien Quatennens

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    C’est nul ! Vous devriez travailler un peu plus !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Pour vous, travailler, c’est répéter toujours la même chose !

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Aubert.

    M. Julien Aubert

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    L’argument de notre collègue François Ruffin soulève une question qui se trouve au cœur du combat environnemental. Le jour où Greta Thunberg est venue à l’Assemblée nationale apporter la bonne parole que beaucoup d’entre vous s’empressèrent de recueillir, le Parlement français ratifiait le CETA : il détruisait d’une main les engagements qu’il signait de l’autre. En effet, on ne peut pas s’étonner d’émettre du CO2 lorsque l’on fait venir de la viande de l’autre bout du monde. Réduire les émissions de CO2 exige de vivre dans une société moins mobile et pose la question de la souveraineté alimentaire et du localisme.
    Heureusement que la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, la loi EGALIM, ne dispose pas que la France garantit le revenu des agriculteurs – ce qui était pourtant son ambition. Beaucoup, y compris dans les rangs de la majorité, reconnaissent que cet objectif n’a pas été atteint : si le Parlement avait édicté une obligation constitutionnelle disposant que la France garantissait aux agriculteurs et aux éleveurs un revenu décent, ceux-ci auraient eu matière à former un recours solide devant les tribunaux.
    Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu à la question. Je sais que c’est tout le problème du Parlement : il pose des questions et il attend des réponses. Pourquoi n’avez-vous pas mis sur le même plan juridique la garantie de la protection de la biodiversité, qui comporte une obligation de résultat, et la garantie de faire baisser les émissions de CO2 ?
    Je vous le dis les yeux dans les yeux : lutter contre le dérèglement climatique, ce n’est pas garantir une baisse des émissions de CO2. Il ne s’agit pas de se croire à l’Académie française, mais je veux comprendre. Vous allez me dire qu’il s’agit d’une traduction des conclusions de la convention citoyenne, mais comme les membres de la convention auditionnés nous l’ont expliqué, les propositions ont été suggérées par des experts. Ce ne sont pas des citoyens anonymes qui tenaient la plume, mais des experts.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je vous ai dit 200 fois que c’était une quasi-obligation de résultat !

    M. le président

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    Les parlementaires attendent certes des réponses à leurs questions, mais celles-ci doivent être posées en deux minutes ! La règle n’a pas changé.
    La parole est à M. Joachim Son-Forget.

    M. Joachim Son-Forget

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    J’ai assisté au discours de Greta Thunberg auquel M. Aubert vient de faire allusion : je n’en suis pas fan, mais j’ai voulu lui soumettre une question technique sur le sujet des mers et des océans que j’ai déjà évoqué. Elle n’a pas été capable d’y répondre et s’est contentée de dire que c’était à nous de réfléchir au sujet.
    M. le ministre vient de reprocher à M. Ruffin de ne pas avoir défendu son amendement, mais je vois dans l’intervention de notre collègue, avec les amendements duquel je suis la plupart du temps en désaccord comme cela ne vous aura pas échappé, la forte envie, que nous partageons tous, de discuter du fond des sujets avec le garde des sceaux. Vous n’êtes certes pas ministre de l’écologie, mais nous aimerions entendre autre chose qu’un refus de parler de tout ce qui n’est pas lié à l’environnement ou une inclination pour les joutes avec le bord politique que vous affectionnez le moins. J’attendais de votre part, du fait de votre vie professionnelle passée, une envie d’argumenter et d’user de rhétorique. Au lieu d’escalader des gratte-ciel, vous semblez enchaîné dans une cage et opposé à la moindre modification d’un mot ou d’une virgule de cet article unique. C’est fort regrettable. Les parlementaires se sentent privés d’une discussion sur le contenu en raison de vos réponses laconiques et décevantes.

    M. Julien Aubert

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    Libérez le ministre !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Monsieur Aubert, je vous ai répondu vingt fois !

    M. le président

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    La parole est à M. François Ruffin.

    M. François Ruffin

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    Vous ne m’avez apporté aucune réponse, monsieur le ministre. Vous allez chercher un aphorisme, mais j’ai parlé des éleveurs, qui sont concernés par mon amendement. Je sais que celui-ci ne sera pas adopté – même la majorité sait que ses amendements ne le seront pas !
    Je tiens à appeler l’attention sur la situation de l’élevage.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    On a compris !

    M. François Ruffin

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    Les choix macroéconomiques libre-échangistes minent toute réelle ambition environnementale, car dès que l’on veut faire quelque chose, on nous oppose « la concurrence, la concurrence, la concurrence ». Nous avons fait de la Chine l’usine du monde et nous ferons peut-être du Brésil la future ferme-usine du monde. Si vous faites ces choix, vous ne pouvez pas dire que vous défendez l’environnement au motif que des pistes cyclables sont aménagées !
    Monsieur le rapporteur, je reconnais que vous faites davantage d’efforts pour me répondre. Depuis un an, la politique libre-échangiste se poursuit : voilà les faits ! L’accord signé avec le Mexique entraînera l’importation de 20 000 tonnes de bœuf supplémentaires par an. C’est un choix, et un choix qui mine l’agriculture française.
    Nous voulons que nos éleveurs montent en gamme à la fois sur le bien-être animal, auquel je suis très sensible, sur le respect de l’environnement et sur la qualité des produits, mais en même temps, on les mine par une concurrence déloyale sur le plan salarial – les salaires ne sont évidemment pas les mêmes à l’autre bout du monde – et par l’autorisation de produits phytosanitaires, d’antibiotiques, d’hormones et de farines animales.
    Vos choix macroéconomiques minent toute ambition environnementale !

    (L’amendement no 194 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de trois amendements, nos 269, 160 et 97, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l’amendement no 269.

    M. Michel Castellani

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    Cet amendement, dont le premier signataire est Paul-André Colombani, vise à souligner le caractère crucial du concept de « limites planétaires » pour l’avenir de la Terre. L’humanité doit s’astreindre à respecter ces limites physiques, sous peine de détruire les conditions favorables à son existence.
    Le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, la perturbation des cycles de l’azote et du phosphore, les changements d’utilisation du sol, l’acidification des océans, l’utilisation mondiale de l’eau, l’appauvrissement de l’ozone, l’augmentation des aérosols et l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère constituent ces neuf limites, précises et définies scientifiquement, dont six sont déjà dépassées par la France.
    Notre pays doit oser, comme il l’a fait à plusieurs reprises dans son histoire, montrer la voie et affirmer le droit de tous les êtres vivants et de la Terre en intégrant l’obligation de veiller au respect des limites planétaires dans l’article 1er de la Constitution.

    M. le président

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    La parole est à M. Hubert Julien-Laferrière, pour soutenir l’amendement no 160.

    M. Hubert Julien-Laferrière

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    Cet amendement a été déposé par Mme Delphine Batho qui se trouve, comme vous le savez, en commission spéciale pour examiner le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets : nous regrettons que l’examen du projet de loi constitutionnelle en séance publique se déroule en même temps que des séances de la commission spéciale.
    L’amendement vise à compléter l’article unique par la phrase suivante : « Elle prend en compte la raréfaction des ressources naturelles et favorise le respect des limites planétaires. » Monsieur le ministre, je n’ai de boule de cristal ni pour prévoir le texte que votera le Sénat ni pour deviner votre avis sur cet amendement, mais si M. le rapporteur et vous nous disiez qu’il faut éviter les lois bavardes et les concepts flous, nous vous répondrions que nous ne sommes pas en présence d’un tel concept, mais d’un fait qu’a illustré François Ruffin en nous rappelant que si le monde entier vivait comme les Américains, les Français ou les Allemands, il faudrait 5, 2,6 ou 3 planètes. Il s’agit d’un fait scientifique.
    Comme les notions d’environnement, de diversité biologique et de dérèglement climatique figurent dans l’article que vous nous proposez d’adopter, pourquoi ne pourrions-nous pas ajouter le concept de respect des limites planétaires, impératif que rappellent les scientifiques depuis très longtemps ?

    M. le président

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    L’amendement no 97 de M. Matthieu Orphelin est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    Je vous remercie, chers collègues, pour vos amendements. Nous avons débattu tout à l’heure des limites planétaires : les grandes institutions internationales – ONU, Commission européenne, entre autres – et le Commissariat général au développement durable discutent de cet intéressant concept, que nous jugeons insuffisamment mûr d’un point de vue juridique. Son inscription dans la Constitution présenterait donc plusieurs inconvénients.
    D’abord, ce concept reste débattu et, contrairement au climat, à la biodiversité et à l’environnement, les limites planétaires n’ont jamais fait l’objet d’engagements de la France.
    Ensuite, l’acception de la notion de limites planétaires a déjà été plusieurs fois révisée. Cette notion continue d’évoluer et de fluctuer au gré des travaux de celles et ceux qui s’en saisissent.
     
    Enfin, la convention citoyenne pour le climat avait certes envisagé d’y faire référence, mais le comité légistique a très rapidement alerté ses membres sur la difficulté de manier ce concept de limites planétaires et a choisi de l’écarter.
     
    Pour toutes ces raisons, la constitutionnalisation de ce concept, pas assez mûr, n’est pas appropriée. L’avis est donc défavorable sur les trois amendements.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani

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    Je prends acte de vos propos, monsieur le rapporteur, mais il n’y a pas de bon ou de mauvais réchauffement climatique : il y a un réchauffement climatique, qui aura des conséquences environnementales, économiques et sociales dramatiques si nous ne faisons pas tout notre possible pour le limiter – et même dans cette hypothèse, je ne suis pas sûr que nous obtiendrons des résultats probants.
    Il nous faut faire preuve d’audace et sanctuariser le respect des limites planétaires au sein de la Constitution. Tel est en tout cas notre avis, car la France doit se montrer exemplaire et novatrice dans ce domaine.

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Aubert.

    M. Julien Aubert

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    J’ai le même avis que le rapporteur. Le concept de limites planétaires est séduisant, mais cette séduction ne le rend pas pour autant exact.
    Tout d’abord, parce qu’il fait l’économie d’une réflexion sur ce qui est nécessaire à l’homme pour survivre et se développer. Il n’y a pas que des limites, il y a aussi un plancher. De ce point de vue, la réflexion se révèle assez limitée.
    Deuxièmement, parce que certains – pas tous ! – utilisent ce concept de limites pour défendre une vision finie de l’univers, qui conduirait à répartir la pénurie ou à appliquer une logique décroissante. De mon point de vue, c’est faire l’économie du génie humain, de l’inventivité et de la nature même de la vie – qui, par définition, se multiplie – et de l’économie – qui, par nature, trouve, à travers la productivité, des moyens de repousser parfois ces limites. Le concept est séduisant, mais il mériterait, avant d’intégrer la Constitution, d’être étayé scientifiquement de manière plus objective.
    Vous dites avoir répondu à ma question, monsieur le ministre. Malheureusement, avec deux textes sur l’environnement examinés en même temps en commission et en séance publique, il est assez compliqué d’être en permanence dans l’hémicycle. Je veux bien vous présenter mes excuses par avance si je n’ai pas entendu votre réponse – mes collègues non plus ne l’ont pas entendue, elle s’est peut-être perdue dans un long propos. Il est important que vous nous expliquiez pourquoi vous avez choisi de ne pas faire figurer dans le texte la garantie sur la baisse des émissions de CO2, puisque celui-ci est tout entier basé sur l’urgence de la lutte contre le dérèglement climatique.

    M. le président

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    La parole est à M. Hubert Julien-Laferrière.

    M. Hubert Julien-Laferrière

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    Monsieur Aubert, il n’y a pas de vilains décroissants dans cet hémicycle. Quand on parle de limites planétaires, on parle des ressources naturelles, qui sont limitées. Cela n’empêche ni l’innovation, qui nous fait progresser et évite d’avoir à répartir la pénurie, ni la sobriété dans l’utilisation des ressources naturelles.
    Monsieur le rapporteur, vous avez rappelé que cette notion était reconnue à l’échelle internationale. Elle est même inscrite dans le droit, dans le code de l’environnement. Puisqu’il est fait état dans le projet de loi constitutionnelle des notions de respect de l’environnement, de biodiversité et de climat, il nous semble qu’il y manque celle de ressources naturelles à préserver.

    M. le président

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    La parole est à M. François Ruffin.

    M. François Ruffin

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    Cher collègue Aubert, ce que vous dites est intéressant sur un point : quand on parle de limites, il faut à la fois penser plafond et plancher. Dans mon désir d’égalité, y compris d’égalité devant l’environnement, j’estime nécessaire de baisser le plafond et de relever le plancher. Hier, vous avez dit que dans les années 1970, on était un peu fous, mais qu’aujourd’hui, ça allait mieux. En 1970, le jour du dépassement était le 30 décembre : cela veut dire qu’à la fin de l’année, la planète se régénérait à peu près. Aujourd’hui, le jour du dépassement est le 19 juillet : cela veut dire que presque la moitié de l’année, on vit à crédit environnemental. Depuis les années 1970, on a multiplié par trois la consommation de matières à l’échelle planétaire : ça n’a pas diminué, ça a été multiplié par trois ! Il y a une espèce de folie qui se poursuit, qui doit selon nous être limitée. Nous devons poser une limite à notre suicide collectif, mais celle-ci doit être pensée à l’échelle d’un pays et en termes de justice à l’intérieur de ce pays. Chez nous, les 10 % les plus riches émettent huit fois plus de gaz à effet de serre que les 10 % les plus pauvres. Le plafond doit d’abord tomber dans les pays les plus riches et pour les habitants les plus riches des pays les plus riches, dont le nôtre.

    M. le président

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    La parole est à M. Erwan Balanant.

    M. Erwan Balanant

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    La notion de limites planétaires est très intéressante, mais elle correspond à un travail en cours. Ces limites ont été définies scientifiquement et peuvent être revues fréquemment. Il nous faut tout d’abord nous doter d’un outil – que nous n’avons pas encore –pour les définir et pour savoir comment les faire respecter et les faire coïncider avec la réalité nationale. Les limites planétaires sont par définition planétaires. Comment savoir, par rapport à ces limites, quels droits carbone aurait la France ? Tout cela doit être élaboré au niveau international.
    Au niveau européen, une réflexion est en cours sur les limites planétaires – il s’agit de savoir comment les définir et les intégrer. Il me semble qu’une mission est aussi en cours au ministère de la transition écologique. Il est donc complètement prématuré de les intégrer à la Constitution. Notre collègue Cécile Muschotti a entamé une réflexion au sujet de la création d’une autorité nationale indépendante pour étudier les limites planétaires, les fixer et les faire respecter ; c’est vers cela qu’il faut tendre. La rédaction ici proposée nous permet d’y revenir plus tard. S’agissant de la Constitution, mieux vaut ne pas être trop bavard – vouloir tout y inscrire me semble dangereux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Monsieur Aubert, vous êtes extraordinaire : le texte ne ressemble pas à celui que vous voudriez, et vous nous le reprochez !

    M. Julien Aubert

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    Je vous remercie de reconnaître que je suis extraordinaire…

    (Les amendements nos 269, 160 et 97, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements, nos 109 et 161, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir l’amendement no 109.

    M. Gérard Leseul

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    Il vise à assurer « un niveau de protection de l’environnement élevé et en constante progression. » Je ne suis pas sourd, j’ai bien entendu M. le ministre dire qu’il ne voulait pas du principe d’amélioration constante. Mais malheureusement, ce principe – qui est bien meilleur que celui de non-régression – n’a qu’une valeur législative. De notre point de vue, il conviendrait de l’inscrire dans la Constitution – permettez-moi d’insister un peu lourdement.
    Quant au « niveau de protection de l’environnement élevé », nous faisons ici référence à l’article 37 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, adoptée en 2000, qui a valeur contraignante depuis le traité de Lisbonne de 2007. Je me permets de vous en donner lecture : « Un niveau élevé de protection de l’environnement et l’amélioration de sa qualité doivent être intégrés dans les politiques de l’Union et assurés conformément au principe du développement durable ». Je rends d’ailleurs hommage à l’amendement no 376 relatif au développement durable, proposé plus tôt par Mme Aina Kuric.
    Vous le voyez, notre amendement reprend les deux éléments, la progression constante et le niveau élevé de protection de l’environnement, tels qu’ils ont été signés au niveau européen. Il serait utile de les intégrer à la Constitution.

    M. le président

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    La parole est à M. Hubert Julien-Laferrière, pour soutenir l’amendement no 161.

    M. Hubert Julien-Laferrière

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    On revient effectivement au concept de non-régression. Il s’agit de compléter l’article par les mots suivants : « , son action ne pouvant faire l’objet que d’une amélioration constante ». Il nous semble que cela serait une véritable avancée constitutionnelle. Il est vrai que chaque avancée constitutionnelle peut avoir des effets pervers. Lorsque nous avons intégré la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dans le bloc de constitutionnalité – il y a désormais longtemps –, nous avons été confrontés au fait que le Conseil constitutionnel puisse décider à la place du législateur, ainsi qu’à des risques d’excès de judiciarisation de la politique. Il n’empêche que nous n’allons pas dire que cette intégration n’était pas une avancée. De même, inscrire le principe d’amélioration constante dans le bloc de constitutionnalité serait un progrès. Comme je l’ai rappelé hier, nous avions estimé que ce principe figurait dans la charte de l’environnement. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 10 décembre 2020, en a décidé autrement. Nous avons aujourd’hui l’occasion de l’inscrire dans la Constitution, et cela nous semble indispensable.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    Avis défavorable sur les deux amendements. Bien que l’intitulé soit différent et mentionne le principe d’amélioration constante, en réalité c’est toujours le principe de non-régression qui y est sous-entendu et défendu. J’ai déjà expliqué plusieurs fois les différentes raisons pour lesquelles nous sommes opposés à l’intégration de ce principe dans la Constitution ; je ne vais pas les rappeler à nouveau.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Même avis, pour les mêmes raisons. Nous avons déjà longuement discuté de ces amendements.

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Aubert.

    M. Julien Aubert

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    Je voudrais revenir sur le débat qui a suivi les propos de M. Ruffin sur les limites planétaires et le jour du dépassement : à un moment donné, il faut tordre le cou à certaines contre-vérités ! Le Club de Rome, qui avait notamment expliqué la décroissance à venir, s’était totalement trompé sur la plupart des ressources. Dans les années 1970, il prévoyait que les ressources de pétrole et de gaz viendraient à se tarir au cours des vingt années suivantes ; rien de cela n’est arrivé.
    J’ai entendu un collègue me dire que je me trompais, qu’il n’y avait pas de décroissants dans l’hémicycle. Mais on ne peut pas adopter le concept de limites planétaires et ne pas être décroissant. À l’origine de la notion d’empreinte écologique se trouve William Rees, un décroissant opposé au concept de développement durable ; c’est un néo-malthusien, qui est aussi à l’origine du concept de limites planétaires. Il explique que la solution n’est pas le développement durable, mais un plan universel de gestion – c’est-à-dire de réduction – de la population humaine. Il faut comprendre cela lorsque l’on agite certains termes.
    Monsieur Ruffin, vous avez parlé tout à l’heure du jour du dépassement, beau et séduisant concept. Mais savez-vous comment il est calculé ? En tenant compte des émissions de CO2 qui ne sont pas absorbées par les océans et en calculant, à travers une empreinte fictive ou fantôme, la reforestation qui serait nécessaire pour les absorber. Certains environnementalistes vous expliqueront que tout change en fonction de la règle mathématique retenue pour absorber ce CO2 supplémentaire. S’agissant des panneaux photovoltaïques ou des éoliennes par exemple – vous connaissez mon avis à ce sujet –, trente mètres carrés suffisent à absorber une tonne de CO2. C’est très loin des 2 000 mètres carrés de forêts nécessaires pour obtenir l’équivalent ; et je ne vous parle même pas de l’impact d’une centrale nucléaire, qui est encore plus concentrée. Voilà pourquoi votre jour du dépassement est totalement invalide à partir du moment où ce lien mathématique, reposant sur une fiction, est rompu. Vous n’avez donc pas besoin de plusieurs planètes. Enfin, monsieur le ministre, je vous ai entendu bougonner, mais je n’ai pas entendu de réponse concernant la garantie.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous allez l’avoir ! Je commence à en avoir ras-le-bol !

    M. le président

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    La parole est à M. Gérard Leseul.

    M. Gérard Leseul

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    Monsieur le rapporteur, vous n’êtes pas opposé à cet amendement, vous êtes opposé à tous les amendements.

    M. François Ruffin

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    Oui !

    M. Gérard Leseul

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    C’est désespérant, et même plus que cela : je vais vous le dire franchement, c’est agaçant. Je ne m’énerverai pas beaucoup plus, ne vous inquiétez pas. Tout à l’heure, notre collègue Guerini a dit que nous étions là pour faire la loi. Mais faire la loi, ce n’est pas entériner une proposition ou un projet de loi (MM. François-Michel Lambert, Julien Ravier et François Ruffin applaudissent), quand bien même il aurait été écrit par 150 personnes intelligentes, ayant approfondi leur réflexion et trouvé un consensus rédactionnel ! Les 150 conventionnels ne nous ont pas obligés à adopter leur rédaction à 100 % : c’est une proposition qui est faite. Sinon, toutes les autres propositions seraient discutées en commission spéciale.
    La version que vous nous présentez n’est pas une version maximaliste, comme vous l’avez dit plus tôt. C’est une version qui mérite d’être discutée, complétée et amendée, à la fois en ce qui concerne la rédaction de l’article 1er, mais aussi – pourquoi pas ? – en ce qui concerne la charte de l’environnement. Or jusqu’à présent, vous refusez toute modification, quel que soit le texte et quelle que soit la proposition faite. C’est inacceptable !

    M. le président

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    La parole est à M. François Ruffin.

    M. François Ruffin

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    Je souscris aux propos de M. Leseul : on ne fait pas la loi ici, on l’enregistre. Actons-le. J’apprécie le débat avec M. Aubert, à défaut de l’avoir avec le ministre. Nous avons des discussions de fond sur le modèle de société que nous souhaitons pour demain. Je ne me prétends pas décroissant, je me considère comme « a-croissant » : j’ai évacué la croissance de mon champ de croyances, tout comme on peut être agnostique et avoir évacué l’existence de Dieu de son champ de croyances. Pourquoi ? Parce qu’il s’est opéré une rupture dans les années 1970, monsieur Aubert : le décrochage entre la croissance du PIB par habitant et les indices de bien-être.

    M. Julien Aubert

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    C’est 1981, la limite !

    M. François Ruffin

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    Jusque dans les années 1970, en France et dans les pays développés, une corrélation existait entre les deux courbes. Mais ensuite, un décrochage s’est produit. Pourquoi ? Parce qu’à partir d’un certain niveau de développement, posséder un frigo est un progrès, mais en posséder deux n’en est plus un. Les chemins du progrès doivent donc être recherchés ailleurs que dans la croissance.  
    Enfin, monsieur Aubert, vous contestez l’estimation du jour du dépassement au nom des méthodes de calcul et de la consommation de matériaux. Soit, examinons ces différentes données, mais votre argumentaire me met un peu mal à l’aise. Je vous l’ai dit hier à la buvette des parlementaires et je vous le répète aujourd’hui, il traduit non pas une négation, mais une euphémisation,…

    M. Julien Aubert

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    Je ne fais ni euphémisme, ni hyperbole !

    M. François Ruffin

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    …une permanente mise en cause, de la situation climatique.
    Qu’on le veuille ou non, monsieur Aubert, et bien que vous le contestiez, nous fonçons droit dans le mur. Comment comptez-vous arrêter la machine ou la faire bifurquer ?

    M. le président

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    La parole est à M. François-Michel Lambert.

    M. François-Michel Lambert

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    Je ne reviendrai pas sur certaines idées qui ont été développées et que je partage. Qui peut croire que notre planète n’a pas de limites ? Tel un bateau sur l’océan, elle voguera dans l’univers pendant encore quelques milliards d’années et il n’est pas de planète B sur laquelle nous pourrions prélever de nouvelles ressources.
    Je ne reviens pas non plus sur la notion de croissance : est-elle uniquement matérielle ou inclut-elle le bien-être ?
    Permettez-moi, en revanche, d’insister sur un point, en lien avec le sujet de la pollution dont nous avons débattu tout à l’heure. Il nous faudra probablement, lors de la prochaine convention citoyenne pour le climat, inscrire les limites planétaires dans la Constitution. Les 150, 200 ou 300 citoyens tirés au sort seront bien obligés, en effet, de prendre en compte les 50 000 décès par an dus à la pollution en France, la disparition de la mer Méditerranée sous l’impact des pollutions plastiques et le risque de guerre imminent en cas de pénurie de ressources – ne l’oublions pas, la planète est une rareté. Et nous serons bien marris alors de ne pas avoir intégré dès aujourd’hui les limites planétaires dans la Constitution.
    Monsieur le garde des sceaux, chers collègues, pourquoi attendre que des citoyens nous disent de le faire pour agir intelligemment ?

    M. Bertrand Pancher

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    Eh oui !

    M. François-Michel Lambert

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    Le Parlement doit retrouver sa place et son rôle, qui est d’écrire la Constitution. (M. Bertrand Pancher applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à M. Hubert Julien-Laferrière.

    M. Hubert Julien-Laferrière

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    Ce n’est pas ce soir que nous trancherons le débat entre croissance et décroissance. Toutefois, ce n’est pas parce que le chercheur que vous mentionnez s’appuie sur la notion de limites planétaires et qu’il est favorable à la décroissance que tous ceux qui utilisent cette notion sont également favorables à la décroissance.

    M. Julien Aubert

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    C’est lui qui a inventé l’empreinte écologique !

    M. Hubert Julien-Laferrière

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    Cela a été dit à plusieurs reprises, la véritable question, depuis longtemps traitée par le Programme des Nations unies pour le développement, est celle de l’indice de développement humain – « bonheur national brut » utilisé au Bhoutan.
    En tout état de cause, vous ne pouvez pas dire que parce que certains chercheurs utilisent la notion de limites planétaires, tous ceux qui l’utilisent sont, comme eux, favorables à la décroissance. Comment utiliser les ressources planétaires sans les épuiser ? Telle est la véritable question. C’est en alliant la sobriété et l’innovation que nous pourrons sortir d’un système dans lequel on ne fait que répartir la pénurie faute de ressources suffisantes.

    M. Julien Ravier

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    Les ressources d’aujourd’hui ne sont pas celles de demain !

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Monsieur Aubert, depuis tout à l’heure, vous posez votre question de façon récurrente, lancinante.

    M. Julien Aubert

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    Suppliante !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je vais donc vous répondre, mais j’aimerais ne pas être interrompu. Vous attendez ma réponse avec une telle gourmandise que vous aurez bien la patience de m’écouter deux secondes. Rassurez-vous, je ne serai pas très long.
    Voilà, en réalité, ce que vous dites avec votre question : « Mais enfin, monsieur le ministre, pourquoi nous présentez-vous un texte qui n’est pas rédigé comme, moi, Julien Aubert, je voudrais qu’il le fût ? »

    M. François-Michel Lambert

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    Non, ce n’est pas ça !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Monsieur Lambert, ce n’est pas à vous que je m’adresse ! Laissez-moi, je vous prie, répondre tranquillement !
    J’ai dit, j’ai redit et je redis une fois encore que nous avons retenu en toute conscience les mots inscrits dans l’article unique du projet de loi constitutionnelle. Ces mots ont un sens pour nous.

    M. François Ruffin

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    Vous n’êtes pas les seuls cerveaux de ce pays !

    M. le président

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    Monsieur Ruffin, s’il vous plaît !

    Un député du groupe LaREM

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    Nous n’avons qu’à passer au vote !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Il s’agit bien de « garantir » la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et de « lutter » contre le dérèglement climatique.
    Le texte contient dix-sept mots et vous, vous voudriez que je choisisse les mots que vous proposez. Quant à moi, je souhaite évidemment que le texte que je défends contienne les mots que j’ai choisis !

    M. Pacôme Rupin

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    Nous aussi, on le souhaite !

    M. Gérard Leseul

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    C’est l’objet du débat !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    À de très nombreuses reprises, dans le travail que j’ai mené au Parlement avec l’opposition, j’ai accepté des modifications et des amendements sur des textes que je défendais. S’agissant de ce projet de loi constitutionnelle, nous ne souhaitons pas modifier la rédaction du texte, qui entraîne pour nous non pas une obligation de résultat, mais une quasi-obligation de résultat, comme l’a souligné le Conseil d’État. Vous voudriez maintenant que nous inscrivions dans la Constitution un objectif chiffré. Vous le savez bien, c’est tout à fait impossible ! Il ne peut y avoir d’obligation chiffrée dans la Constitution.
    Vous pourrez me reposer la question quarante fois, monsieur Aubert, rien n’y fera,…

    M. Julien Aubert

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    Vous ne comptez pas !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …mais vous espérez sans doute tirer un bénéfice politique de tout cela ! Vous êtes convaincu de ce que sera le vote du Sénat alors que le texte ne lui a pas encore été présenté et que l’Assemblée nationale ne s’est même pas encore prononcée. Voulez-vous que l’on écrive « des millions de tonnes de CO2 » dans la Constitution ?

    M. François-Michel Lambert

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    Ce n’est pas ce que nous demandons !

    M. Julien Aubert

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    Mais non !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous savez parfaitement que ce n’est pas possible ! Je vais donc m’arrêter là. Sans doute reposerez-vous la même question un peu plus tard pour en faire votre beurre médiatique. C’est votre choix, mais ce n’est pas sérieux !
    Nous avons choisi dix-sept mots, nous les assumons et nous les maintiendrons jusqu’au terme de l’examen du texte. Ils ont pour nous une signification bien précise. Je l’ai dit tout à l’heure : désormais, place aux actes ! Nous allons faire ce que vous n’avez pas fait ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. Julien Aubert

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    Ah ça, non !

    (Les amendements nos 109 et 161, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. Julien Aubert

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    Je vous reposerai la question après le repas, quand vous serez plus calme !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Sans doute…

    Une députée du groupe LaREM

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    Bon appétit !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Bon appétit, monsieur Aubert !

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Naillet, pour soutenir l’amendement no 151.

    M. Philippe Naillet

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    Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés, qui reprend une proposition présentée par notre groupe dans le cadre de l’examen du projet de réforme constitutionnelle de 2018, vise à garantir que les acquis environnementaux ne seront pas remis en question.
    Le droit humain à l’environnement n’est effectif que s’il existe une garantie juridique. Le principe d’amélioration constante garantit le développement durable et protège les droits des générations futures en empêchant toute régression. L’amélioration constante est un engagement concret et continu de la société pour un progrès permanent dans la protection et l’amélioration de l’environnement.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    Cet amendement s’inscrit dans la continuité des amendements précédents, qui ont suscité une vive discussion, et vise le même objectif. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Avis forcément défavorable. Nous avons déjà abordé ce sujet environ quinze fois ! Nous proposons d’insérer dix-sept mots dans l’article 1er de la Constitution et nous tenons à chacun d’entre eux !

    (L’amendement no 151 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Benoit Simian, pour soutenir l’amendement no 281.

    M. Benoit Simian

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    J’ai bien noté que le Gouvernement proposait dix-sept mots et pas un de plus, mais je veux l’alerter une nouvelle fois sur l’écologie dogmatique et la décroissance. Force est de le constater, il y a sur ce sujet une scission au sein de notre hémicycle, comme d’ailleurs dans notre capitale régionale de Bordeaux – à laquelle je sais que vous êtes comme moi attaché, monsieur le rapporteur. Nous l’observons au quotidien. Je refuse, quant à moi, que la protection de l’environnement se fasse contre le reste du monde. Sous ma casquette de rapporteur spécial de la commission des finances pour le budget des transports, j’ai vu trop souvent échouer de grand projets d’infrastructures sous le prétexte d’une écologie dogmatique ou de recours abusifs.
    Par cet amendement, nous proposons de consacrer, dans la Constitution, les ressources fondamentales environnementales dont les êtres humains ont besoin pour vivre, au premier rang desquelles les matières premières que sont l’eau et le granulat, lequel permet la construction des routes. On pourrait parler aussi des forêts et de toutes les ressources que nous avons évoquées tout à l’heure et qui constituent des biens communs mondiaux. Je vous ai toutefois entendu, monsieur le garde des sceaux : vous n’entendez pas retenir cette approche développée dans les années 1980 par une économiste américaine.
    Cet amendement vise à introduire dans la Constitution les biens communs que sont le climat, l’eau et la santé, ainsi que la notion du vivant, distinct de l’environnement, afin d’éviter d’opposer l’écologie et l’économie.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    Je partage en effet avec vous l’amour de notre belle région de la Nouvelle-Aquitaine, monsieur Simian, et je vous remercie de vos aimables paroles.
    Votre amendement a pour conséquence de prévoir deux fois, au sein du même article de la Constitution, la préservation de l’environnement et de la diversité biologique, ce qui ne nous paraît pas opportun. Vous développez par ailleurs la notion de communs informationnels, dont je n’avais jamais entendu parler et qui constitue un concept un peu flou. Depuis le début de nos débats, nous nous attachons au contraire à écrire un texte simple, clair et précis. Avis défavorable.

    (L’amendement no 281, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Sur l’amendement no 203, je suis saisi par le groupe La France insoumise d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l’amendement no 203.

    M. François Ruffin

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    Il vise à compléter l’article unique par la phrase : « Elle s’engage à réparer les dommages liés à la pollution des sols ».
    Monsieur le garde des sceaux, j’appelle votre attention sur la pollution des sols au chlordécone en Guadeloupe et en Martinique. Cette molécule utilisée pour la culture de la banane est un poison qui s’est répandu dans les sols pendant des décennies. Résultat, la terre est aujourd’hui pourrie. D’après l’INSERM, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, la disparition du chlordécone sera effective dans cinq siècles. Les corps sont aussi touchés, puisque le chlordécone a contaminé 90 % de la population antillaise. C’est un cancérigène qui augmente notamment les risques de développer des cancers de la prostate.
    Le premier scandale lié au chlordécone est sanitaire, mais il existe un second scandale, qui vous concerne directement, monsieur le garde des sceaux, puisqu’il est judiciaire.
    En 2006, plusieurs associations guadeloupéennes et martiniquaises ont déposé plainte pour mise en danger de la vie d’autrui et empoisonnement. Que fait la justice depuis quatorze ans ? Pas grand chose ! Elle envisage désormais d’appliquer un délai de prescription, d’où les manifestations actuellement organisées aux Antilles. Les associations ont par ailleurs appris que des preuves avaient disparu, que le dossier risquait d’être enterré du fait de la prescription – alors qu’il est instruit depuis quatorze ans – et que des rapports de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – DGCCRF – n’avaient pas été pris en  compte.
    Monsieur le garde des sceaux, allez-vous laisser mourir le dossier du chlordécone, qui agite aujourd’hui les Antilles ?

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur

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    Je vous remercie de cet amendement, monsieur Ruffin – vous avez d’ailleurs déposé un autre amendement sur le même sujet, que nous examinerons un peu plus loin. La pollution au chlordécone en Guadeloupe et en Martinique est un sujet extrêmement grave, mais qui ne peut être réglé par une disposition constitutionnelle de portée générale, vous en conviendrez.
    Quant à la proposition de créer une dette écologique et sanitaire, elle ne paraît pas pertinente compte tenu de son imprécision.
    La notion de dette écologique est très floue ; elle peut désigner des concepts très différents en fonction de la manière dont elle est interprétée. Elle peut se rapporter à l’idée selon laquelle les dégradations actuelles de l’environnement affecteront les générations futures, ou au fait que les atteintes à l’environnement commises par les pays riches affectent les pays les plus pauvres et doivent être réparées. Il ne me paraît donc pas pertinent d’inscrire un concept aux contours juridiques aussi imprécis dans la Constitution. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Monsieur Ruffin, je suis assez surpris par la technique que vous utilisez. Vous partez d’une pollution qui est gravissime et dont tout le monde ici a parfaitement conscience et connaissance. Le texte que nous examinons et que nous souhaitons voir voter a bien sûr vocation à « garantir » et à « lutter » – je reprends à dessein ces deux verbes. Et vous, vous évoquez une affaire judiciaire en sachant parfaitement que je ne peux pas la commenter.
    En choisissant de rappeler cette situation difficile, vous présentez les choses de façon manichéenne, comme s’il y avait d’un côté le gentil, vous, et de l’autre le méchant qui vous dit ne pas pouvoir répondre à votre question. Vous me l’avez d’ailleurs déjà posée, monsieur Ruffin. Le garde des sceaux ne peut pas répondre à cette question, mais cela ne signifie en rien qu’elle ne le préoccupe pas. C’est une façon pour vous d’utiliser les victimes et l’ère victimaire à des fins politiciennes,…

    M. Jean-Michel Jacques

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    Exactement !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …et il y a là quelque chose d’assez désagréable. Vous n’avez pas le monopole de l’émotion ; vous n’êtes pas le seul à vous préoccuper de ces territoires et de cette pollution.
    Il y en a assez de cette attitude qui vous conduit à utiliser le malheur des autres pour vous présenter comme une sorte de chevalier blanc, gardien auto-proclamé de la morale publique et des misères du monde ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)
    Ce sont des techniques de mauvais procureur. Je les connais par cœur, monsieur Ruffin – vous n’allez pas m’en apprendre la mécanique, ni même la rhétorique. Elles consistent à partir d’une situation gravissime, à s’y arrêter et à me demander ce que je fais à ce propos tout en sachant parfaitement que je ne peux pas intervenir dans une affaire en cours.

    M. Didier Le Gac

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    Quelle honte !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je n’en ai ni le désir ni la possibilité, et je ne peux même pas la commenter. Et vous passez pour celui qui s’occupe des situations tragiques face au garde des sceaux, présenté comme un personnage qui n’aurait au fond pas de cœur et ne serait pas troublé par la situation que vous dénoncez. Ce procédé est honteux et vous en êtes coutumier ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. François Ruffin.

    M. François Ruffin

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    Il y a une immense disproportion, monsieur le ministre, entre vos propos et ma simple question factuelle, qui porte sur la prescription des faits, le fonctionnement de la justice et ses dysfonctionnements aux Antilles, en particulier en Guadeloupe et en Martinique, sur la disparition des pièces du dossier et sur la non-prise en compte d’un rapport de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
    Oui, je répète ma question, monsieur le ministre, car vous n’y répondez absolument pas. Qu’avez-vous à dire sur ce dysfonctionnement de la justice…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Rien ! La Constitution m’interdit de m’exprimer !

    M. François Ruffin

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    …ou sur ses dysfonctionnements en général ? S’agissant d’affaires qui ont trait par exemple aux gilets jaunes, les gens peuvent être jugés en quarante-huit heures, mais au sujet d’une pollution majeure qui a duré des décennies, un dossier est ouvert depuis quinze ans ! Qu’est-ce qu’un ministre de la justice a à dire sur une telle pollution environnementale ? Manifestement, rien !
    Je ne vous insulte pas, je vous pose une question et je vois que vous n’y répondez pas. Comment expliquez-vous, monsieur le ministre, qu’au bout de quinze ans, le dossier ne soit toujours pas en état d’être traité ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Qu’est-ce que j’en sais ?

    M. le président

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    Nous allons mettre aux voix.

    M. François Ruffin

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    Non, non !

    M. le président

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    Il vous reste quinze secondes de temps de parole : allez-y.

    M. François Ruffin

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    Il est naturel que je me fasse le relais des populations qui manifestent en Guadeloupe et en Martinique parce qu’elles sont mécontentes du fonctionnement de la justice. Je m’en fais le relais dans cette assemblée, car c’est mon rôle !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous faites exactement ce que je viens de dénoncer !

    M. Julien Ravier

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    La vidéo est faite, monsieur Ruffin !

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 203.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        44
            Nombre de suffrages exprimés                43
            Majorité absolue                        22
                    Pour l’adoption                4
                    Contre                39

    (L’amendement no 203 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 115 de M. Emmanuel Maquet est défendu.

    (L’amendement no 115, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    2. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures :
    Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle complétant l’article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l’environnement.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra