Première séance du jeudi 08 avril 2021
- Présidence de M. Hugues Renson
- 1. Protection patrimoniale et promotion des langues régionales
- Présentation
- Discussion générale
- Discussion des articles
- Avant l’article 2 ter
- Amendement no 88
- Article 2 ter
- M. François Ruffin
- M. Yannick Kerlogot
- M. Frédéric Reiss
- M. Vincent Bru
- Amendements nos 305, 151, 239, 249, 294, 269, 4, 33, 52, 74, 118, 141, 176 et 211
- Rappel au règlement
- Article 2 ter (suite)
- Amendement no 11
- Rappel au règlement
- Article 2 ter (suite)
- Rappel au règlement
- Article 2 ter (suite)
- Article 2 quater
- Article 2 quinquies
- Avant l’article 2 ter
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Hugues Renson
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1. Protection patrimoniale et promotion des langues régionales
Deuxième lecture
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion (nos 3658, 4035).
Présentation
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Régis Juanico
S’il n’y a pas de cyber-attaque ! (Sourires.)
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports
Après avoir été examinée le 13 février 2020 par votre assemblée, et discutée au Sénat le 10 décembre dernier, la proposition de loi du député Paul Molac relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion revient ce jour à l’Assemblée nationale en deuxième lecture. Je tiens tout d’abord à réaffirmer la position que j’ai toujours adoptée au sujet du développement de l’enseignement des langues régionales. Cette position est, évidemment, celle d’un républicain, mais je dirai qu’elle est également celle d’un constitutionnaliste, pas au sens courant du terme, comme spécialiste de la Constitution, mais en tant que militant de la Constitution. Autrement dit, nous sommes tous, normalement, des constitutionnalistes.
M. Marc Le Fur
Et donc militant de l’article 75-1 !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Bien sûr, j’y viens, monsieur le député. Ma position concilie le respect de l’article 2 de la Constitution, selon lequel « la langue de la République est le français », et la reconnaissance et la promotion de l’article 75-1, aux termes duquel « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ».
M. Fabrice Brun
Merci de mettre l’accent sur cet article !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
C’est avec ce double impératif, avec cette double boussole qui, en fait, n’en forme qu’une, que je l’affirme : l’enseignement des langues régionales doit être préservé et soutenu. Il ne s’agit évidemment pas d’un enjeu de conciliation : c’est un enjeu d’addition.
M. Fabrice Brun
Et d’adoption !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Nous devons nous inscrire dans une démarche concertée et soucieuse des réalités de terrain, en prenant en compte l’ensemble des enjeux auxquels doit répondre notre école, dans le respect du cadre légal et des valeurs qui nous unissent. C’est, du reste, d’ores et déjà une réalité. En effet, quoi qu’en disent parfois certains, l’éducation nationale ménage une place importante aux langues régionales et s’attache à leur développement. Oui, la réalité éducative est beaucoup plus harmonieuse et favorable aux langues régionales que les caricatures que l’on entend parfois.
J’en veux pour preuve, par exemple, la situation du breton et du gallo…
M. Fabrice Brun
Et l’occitan ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
…dans votre région, monsieur le rapporteur. Aujourd’hui, 8 200 élèves bénéficient de l’enseignement d’une langue régionale dans les écoles publiques de l’académie de Rennes, ce qui représente une augmentation de 31 % des effectifs en cinq ans. À la rentrée 2020, sur les trente créations d’emploi allouées par l’académie aux moyens d’enseignement dans le premier degré – il s’agit bien de créations d’emploi, avec moins d’élèves –, vingt-quatre et demie ont été consacrées au développement des filières bilingues français-breton : on ne peut pas dire que nous sacrifions le sujet.
Les effectifs des élèves inscrits dans les filières d’enseignement bilingue sont en hausse constante : 2 600 élèves concernés à la rentrée 2020, soit 142 de plus qu’en 2018. Comme à la rentrée 2020, une dizaine de projets d’ouverture de nouvelles filières bilingues français-breton au collège et au lycée sont actuellement instruites pour la rentrée 2021. Par ailleurs, l’académie s’engage à renforcer les moyens de la future convention État-région, en créant de nouveaux dispositifs – comme les espaces numériques au lycée –, cofinancés grâce au plan de relance. Les établissements seront ainsi dotés d’équipements d’enseignement synchrone à distance, qui leur permettront d’accueillir tous les lycéens qui souhaitent suivre les enseignements de breton et de gallo.
Enfin, et j’y reviendrai, un enseignement à distance du breton sera créé par le Centre national d’enseignement à distance (CNED). Pour la première fois, le breton intégrera l’offre nationale – et, en fait, mondiale – de formation à distance. C’est un élément de rayonnement du breton à l’échelle internationale, qui est totalement inédit et dont on ne saurait sous-estimer l’importance. Dans le cadre de la réforme du lycée, il permettra aussi aux élèves de première et de terminale de poursuivre l’apprentissage de la langue bretonne et de la choisir en tant que langue vivante au baccalauréat.
Celui qui vous parle avait choisi le breton en option au baccalauréat.
M. Marc Le Fur
Très bien !
M. François Pupponi
Quelle note avez-vous eue ? (Sourires.)
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
À l’époque, le CNED n’assurait pas cette option : je me serais inscrit à la formation à distance si elle avait existé.
M. Marc Le Fur
Vous ne réalisez pas les rêves de votre jeunesse !
M. le président
Monsieur Le Fur, ne vous épuisez pas dès maintenant : je crois avoir compris que votre programme de la journée était plutôt chargé. Poursuivez, monsieur le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Monsieur Le Fur, votre motivation me réjouit, bien entendu.
J’ai parlé du breton, mais sa situation est à l’image de celle de l’ensemble des langues régionales à l’échelle nationale : 120 000 élèves suivent un enseignement en la matière. Dans le premier degré, 2 932 postes de professeurs des écoles chargés d’un enseignement de langue régionale ont été ouverts entre 2002 et 2019. Dans le second degré, 602 professeurs prodiguent chaque jour dans leur classe un enseignement de langue régionale, dont 540 titulaires d’un CAPES – certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré – de langue régionale – basque, breton, catalan, corse, créole, occitan-langue d’oc –, et quinze titulaires de la toute récente agrégation de langues de France, ouverte à la session 2018. Je le répète donc très clairement : notre réalité éducative fait toute sa place aux langues régionales, et ce depuis de nombreuses années. C’est là une des lignes de force que nous souhaiterions voir davantage partagée par les différentes législatures.
Cette réalité éducative se fonde sur la Constitution, plus précisément sur son article 75-1 qui a, en 2008, inscrit les langues régionales au sein du patrimoine de la France. Elle puise ensuite sa source dans le code de l’éducation, notamment dans son article L. 312-10 qui stipule : « Les langues et cultures régionales appartenant au patrimoine de la France, leur enseignement est favorisé prioritairement dans les régions où elles sont en usage. Cet enseignement peut être dispensé tout au long de la scolarité selon les modalités définies par voie de convention entre l’État et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage. […] L’enseignement facultatif de la langue et culture régionales est proposé dans l’une des deux formes suivantes : un enseignement de la langue et de la culture régionales ; un enseignement bilingue en langue française et en langue régionale. »
En substance, que nous disent ces textes ? D’abord, que de guerre territoriale et linguistique, il n’y a plus ; que la France a trouvé le juste équilibre entre le pays et la nation ; que chacun de nous construit son identité en s’enrichissant des différents liens qu’il noue avec les cultures et avec les traditions qui l’environnent et l’inspirent, et dont il hérite ou se saisit. C’est ce qu’a indiqué le Président de la République à Quimper, dans son discours du 21 juin 2018 : il a vu, dans les drapeaux bretons et les drapeaux français qui se côtoyaient, « le signe de fiertés qui s’additionnent ».
M. Jimmy Pahun
Un beau discours !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Notre nation est plus que la somme de ses parties : c’est tout l’esprit et toute l’ambition de son universalisme, c’est tout son idéal que de transcender les particularismes des appartenances singulières, pour les unir dans une communauté de destin et d’inspiration.
Cette dynamique ne vise donc pas un effacement : elle est un enrichissement. Cette coexistence n’est pas une subordination : elle est une concorde et une chance. Il ne s’agit donc pas d’opposer les appartenances et les territoires. Bien au contraire, il s’agit de reconnaître, dans le creuset français, les différentes dimensions de la personne et du citoyen qui lui permettront tout à la fois de trouver ses racines dans son territoire local, dans sa langue régionale, et de s’accomplir dans le projet national que nous portons tous en tant que Français. C’est toute l’ambition de notre république que de constituer du commun à partir de nos différences et de notre diversité, et nous savons tous combien cette ambition revêt aujourd’hui une importance primordiale : le creuset républicain, ce n’est pas un vain mot.
« L’exclusive fatalité, l’unique tare qui puissent affliger un groupe humain et l’empêcher de réaliser pleinement sa nature, c’est d’être seul », a écrit Claude Lévi-Strauss dans Anthropologie structurale. En tant que Français, nous avons l’immense chance de ne pas être seuls, de bénéficier de la richesse de nombreuses cultures et de langues diverses sur notre territoire, et l’honneur d’être unis par la même inspiration. Nous sommes parvenus à associer et unir l’un et le multiple. Notre école n’a pas d’autre objectif que de garantir ce double accomplissement, en proposant un enseignement du français et, pour ceux qui le souhaitent, d’une langue régionale. Elle permet ainsi à chaque enfant d’étendre ses racines et de déployer ses ailes : étendre ses racines par la transmission des savoirs des siècles passés – et donc, éventuellement par une langue régionale ; déployer ses ailes en ouvrant son horizon de connaissances à l’universel et à l’avenir.
Comment soutenir cette double dynamique ? Je souhaiterais préciser les principes qui guident ma politique éducative pour l’enseignement des langues régionales, et qui sont lisibles dans ce que nous avons déjà accompli depuis 2017. Le premier de ces principes est la reconnaissance d’un patrimoine divers, qui suppose un enseignement de langues régionales bien représentées, parce que les langues de nos régions figurent parmi les trésors culturels que compte notre pays et parce qu’elles contribuent à notre accomplissement intellectuel et sensible d’êtres humains.
La liste de ces langues figure dans la circulaire du 12 avril 2017 relative à l’enseignement des langues et cultures régionales, et elle n’est pas figée. Lors de l’examen de l’article 2 quater, nous évoquerons la situation des langues à Mayotte. Il me paraît à la fois légitime et opportun d’œuvrer à leur reconnaissance, d’autant que des expérimentations sont d’ores et déjà conduites par l’académie de Mayotte, en ayant recours au shimaoré et au kibushi, dans le cadre d’un bilinguisme transitoire pour aider les élèves à accéder à leur langue de scolarisation, le français.
Celui qui vous parle a exercé des responsabilités outre-mer, notamment en Guyane, en y favorisant les langues régionales, qu’il s’agisse des langues amérindiennes ou bushinengués. Il est évident que nous devons faire droit à ces langues diverses. S’agissant de Mayotte, si le projet doit évidemment être instruit et sans doute développé, ce serait une belle initiative, alors que nous venons de célébrer le dixième anniversaire de la départementalisation de l’archipel et que, depuis le 1er janvier 2020, il est devenu un rectorat et une région académique de plein exercice.
Le deuxième principe sur lequel j’entends fonder la politique éducative pour les langues régionales consiste en un juste respect de la mesure et de l’équilibre. Ce sont ces exigences qui conduisent l’éducation nationale à soutenir le modèle de l’enseignement bilingue en langue régionale à parité horaire, dans les écoles et les sections langues régionales des collèges et des lycées. Dépasser cette parité conduirait à remettre en question l’article 2 de la Constitution et, partant, l’harmonie trouvée entre le niveau régional et l’échelon national.
On ne saurait prétendre que l’école est le creuset français et soutenir l’idée que l’apprentissage de notre langue commune serait supplanté par une autre langue. Dans ce domaine, je me tiendrai au strict respect de la loi. Le sujet a été éclairé, en 2002, par un avis du Conseil d’État, auquel je me tiendrai d’autant plus que je suis convaincu que les premières années d’apprentissage du français sont absolument déterminantes pour l’acquisition des structures fondamentales de la syntaxe et pour le développement du bagage lexical dont on sait qu’il est l’une des premières conditions des apprentissages.
C’est cette même conviction qui m’a conduit à porter l’abaissement de l’instruction obligatoire à l’âge de 3 ans, car la maternelle doit être, plus encore que les autres, l’école du langage et de la découverte de la langue française. C’est pourquoi j’émettrai un avis défavorable sur l’article 2 ter de la proposition de loi, qui préconise le développement d’un « enseignement immersif en langue régionale, sans préjudice de l’objectif d’une bonne connaissance de la langue française », mais qui ne définit pas les modalités permettant de tenir cet objectif, alors que l’enseignement ne serait plus dispensé qu’en langue régionale.
J’entends parfois que des expérimentations ont été menées en ce domaine, qui, parfois, durent sans relever du cadre procédural d’une expérimentation. Je n’entends pas revenir sur l’existant. J’ai, par exemple, beaucoup salué le travail accompli par Diwan, qui correspond à mes yeux au cadre républicain, mais l’implantation d’un enseignement immersif ne peut être que l’exception : il ne saurait constituer la solution générale parce qu’il pourrait rompre avec la finalité bien comprise du bilinguisme, celle d’un enseignement conjoint du français et d’une langue régionale.
Les études scientifiques le montrent : il ne peut y avoir de pleine efficacité d’apprentissage des langues si l’on ne garantit pas leur concomitance et leur résonance. C’est tout l’apport du bilinguisme et du plurilinguisme, d’un point de vue cognitif et culturel, que de développer ainsi, par la confrontation et la diversité des langues, les facultés intellectuelles des élèves et d’étendre leurs possibilités de comprendre le monde en appréhendant d’autres manières de le dire ou de pouvoir le dire. Il serait paradoxal de contester ce qu’on appelle parfois le monopole du français pour vouloir lui substituer un autre monopole.
J’ajoute qu’un risque social existe derrière l’immersion : on m’objecte parfois que les élèves qui pratiquent un enseignement immersif parlent parfaitement le français par ailleurs.
Plusieurs députés du groupe LR
Oui !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Mais c’est parce que leur famille parle très bien français. Si l’on généralisait cette démarche, on prendrait le risque d’exclure les familles qui ne parlent pas le français à la maison, et l’on se retrouverait alors avec des enfants dont le français serait exclu de l’environnement linguistique – je reçois régulièrement des demandes d’évolution sur le sujet. C’est pourquoi j’entends préserver le cadre défini pour les examens du second degré, pour le diplôme national du brevet (DNB) comme pour le baccalauréat.
M. Fabrice Brun
Le bilinguisme est une chance !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Comme je vous le disais, je prends au sérieux les deux articles de la Constitution que j’ai cités.
Au DNB, la possibilité est offerte aux élèves de troisième des sections bilingues français-langue régionale de composer en français ou en langue régionale lors de l’épreuve écrite, qui porte sur les programmes de français, d’histoire-géographie et d’enseignement moral et civique, pour les exercices ouvrant cette possibilité. C’est la possibilité également, dans le cadre de l’épreuve orale, de présenter un projet relatif aux langues et cultures régionales, que le candidat peut présenter en partie en langue régionale. Ensuite, la possibilité est offerte aux élèves ayant validé le niveau A2 du cadre européen commun de référence pour les langues de bénéficier de l’inscription d’une mention « langue régionale » suivie de la désignation de la langue concernée sur leur DNB.
Au baccalauréat général et technologique, si les évaluations communes d’histoire-géographie et d’enseignement scientifique peuvent être passées en langue régionale avec des sujets préparés à cet effet et versés à la banque nationale, les épreuves finales – soit 60 % de la note – sont passées exclusivement en français, à l’exception des élèves qui prennent l’enseignement de spécialité « langues, littératures et cultures étrangères et régionales »,…
M. Raphaël Schellenberger
Ce n’est pas la même chose !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
…qui pourront aussi passer une partie de leur oral en langue régionale. C’est d’ailleurs, je le note au passage, encore un progrès pour les langues régionales.
C’est là encore l’expression d’une pleine reconnaissance, qu’il convient, dans une exigence d’équilibre, de concilier avec le souci de préserver le cadre national attendu pour l’examen, qui est la garantie de sa valeur. C’est avec ce double souci de reconnaissance et d’équilibre que j’ai répondu favorablement à la demande d’une révision de la nouvelle maquette du futur CAPES de corse pour la session de 2022. La solution trouvée élève le coefficient dévolu à la langue corse à 8 sur un coefficient total de 12. Il comportera une épreuve écrite disciplinaire appliquée, qui comportera pour moitié une expression écrite en corse et une épreuve de leçon, première épreuve orale d’admission créditée d’un coefficient 5, qui sera entièrement présentée en langue corse et non plus pour moitié seulement. Ce seront ainsi les trois épreuves disciplinaires du nouveau CAPES qui mobiliseront la langue corse comme langue lue, écrite et parlée. J’ai tenu à reconnaître de cette façon la situation toute particulière de ce CAPES monovalent dont nous célébrons cette année les trente ans d’existence.
Cette attention aux situations spécifiques rejoint un troisième principe : il suppose une attention fine et éclairée aux enjeux des enseignements et aux possibilités de parcours offertes aux élèves au plus près des territoires éducatifs. C’est pourquoi la carte des enseignements de langues régionales ne saurait être établie simplement depuis Paris. Elle doit au contraire se fonder sur un examen fin de la demande et de l’offre, s’enrichir de l’étude des possibilités, notamment en ressources humaines, et des opportunités. C’est pourquoi elle doit aussi être conduite en concertation avec les acteurs et les défenseurs des langues régionales qui siègent dans les conseils académiques des langues régionales et font vivre ces langues au sein des offices publics des langues régionales. Ce sont cet esprit et cette dynamique de concertation qui réunissent les différents acteurs éducatifs de votre région, la Bretagne, monsieur le rapporteur, et le président du conseil régional l’a lui-même reconnu dans un courrier qu’il m’a adressé le 10 mars dernier.
Pour définir cette carte, il ne s’agit pas d’adopter une logique quantitative forcenée, au risque de développer des sections qui ne rencontreraient pas leur public. Je rappelle aussi que nous sommes tenus au bon usage des deniers de nos concitoyens : la pente nous conduit parfois à consacrer une part importante de l’argent public aux langues régionales avec des taux d’encadrement plus favorables pour les élèves concernés. Nous devons être aussi attentifs à l’équité.
C’est pourquoi l’article 3 de cette proposition de loi, qui, comportant à mes yeux un certain flou, entend proposer l’enseignement de la langue régionale à tous les élèves, peut mener potentiellement à le proposer à ceux qui n’en voudraient pas et me semble devoir être revu pour clarifier le cadre de l’offre d’enseignement et intégrer cette exigence de parcours. Nos débats éclaireront cette question.
Pour définir cette carte, il ne s’agit pas non plus de proposer une offre fondée sur une concurrence faussée, comme celle d’un forfait scolaire versé à toute commune dont une école privée proposerait un enseignement de langue régionale.
Vous avez, en commission, supprimé l’article 2 quinquies dont les conséquences auraient pu être multiples, tant sur la mise en cause d’un cadre législatif récemment encore arbitré que sur les budgets communaux concernés et sur la carte scolaire. Cette décision pleine de prudence me semble bienvenue. Plutôt que des actions d’éclat, l’enseignement des langues régionales requiert de la minutie et une attention constante aux besoins des élèves. Nous pouvons être lucides et exigeants pour nous attacher à déployer des parcours cohérents pour les élèves : misons donc sur le qualitatif.
C’est précisément ce à quoi nous nous sommes attachés en proposant une diversité de parcours en langue régionale possible au sein du nouveau lycée général et technologique. Dans ce nouveau lycée issu de la réforme, un élève peut choisir de suivre un enseignement de langues et cultures régionales, soit comme langue vivante B avec un coefficient plus important qu’avant notre réforme, 6 sur 600 contre 2 sur 40 auparavant – c’est le cas pour 4 367 élèves –, soit comme langue vivante C, dans le cadre d’un enseignement optionnel – c’est le cas pour 3 389 élèves –, soit comme enseignement de spécialité dans le cycle terminal, avec des programmes riches et ambitieux adossés à des coefficients importants, 16 sur 100 du baccalauréat : 227 élèves de première et 207 élèves de terminale sont concernés – leur nombre est destiné à croître.
Nous avons donc multiplié les possibilités d’apprendre une langue régionale au lycée en maintenant les mêmes volumes horaires pour l’offre existante et surtout en proposant, avec les nouveaux enseignements de spécialité, des horaires importants qui permettent aux élèves de découvrir de manière approfondie les caractéristiques tant des langues que des cultures régionales.
J’ai entendu les critiques sur les difficultés que rencontreraient certains lycéens à suivre un enseignement en langue régionale.
M. Raphaël Schellenberger
Le lycée, c’est trop tard !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Toutefois, sachons tirer le bon diagnostic de la situation actuelle. Les demandes des élèves et des familles sont en baisse constante à l’âge du lycée – ce phénomène est indépendant de la réforme. (Murmures
C’est pourquoi il faut certainement améliorer çà et là le maillage de cette offre. J’ai montré très fréquemment notre ouverture sur ce point. C’est pourquoi il nous faut aussi trouver des modalités d’enseignement supplémentaires, notamment grâce aux possibilités offertes par le numérique. Je pense à l’enseignement inter-établissements,…
M. Raphaël Schellenberger
Elle est belle, l’école de demain !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
…en présentiel ou à distance, qui a montré son efficacité dans l’enseignement des langues rares. Il m’est arrivé d’assister à des séances de ce type, très efficaces. Je pense également – j’y ai déjà fait allusion – à l’expertise qu’a acquise le CNED et qu’il peut désormais développer pour l’enseignement des langues régionales. C’est pourquoi j’ai demandé au CNED de concevoir pour la rentrée 2021 des parcours pour les élèves intéressés par le basque, le breton, le corse et l’occitan.
Plusieurs députés du groupe LR
Et l’alsacien ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Ils disposeront ainsi d’une offre de formation de qualité, qui pourra s’appuyer sur un accompagnement dans l’établissement par un professeur aux compétences reconnues. Cette offre sera effective dès la rentrée prochaine sur le cycle terminal pour la langue vivante C. À la rentrée 2022, nous la développerons encore en la prolongeant à la classe de seconde pour la langue vivante C et en l’étendant à la langue vivante B. On ne saurait sous-estimer cette innovation : nous pouvons démultiplier, à l’échelle nationale comme à l’échelle internationale, le nombre d’apprenants de ces langues.
Un point tout particulier concerne l’attractivité de l’enseignement optionnel de langues régionales et son évaluation au baccalauréat. Assurément, il nous faut être vigilants et, si nécessaire, reconsidérer la situation. J’ai entendu les demandes sur le sujet : il y a là un enjeu important, qui dépasse du reste le cadre des langues régionales et concerne toutes les options offertes dans le nouveau lycée. Je suis très attentif à ce que les lycées généraux et technologiques préservent une palette riche d’enseignements optionnels et, à cette fin, j’ai missionné l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, qui me remettra son analyse et ses préconisations à la fin de ce mois.
M. Marc Le Fur
Un rapport, une commission !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Mesdames et messieurs les députés, nous partageons tous l’ambition de proposer aux élèves intéressés un enseignement des langues régionales divers, continu et riche. Pour ce faire, je le réaffirme ici, nous devons construire au plus près des besoins constatés une offre dynamique et évolutive, qui exploite toutes les nouvelles possibilités offertes par les dynamiques de réseau et le numérique ; une offre qui respecte le cadre législatif et constitutionnel et qui s’attache à la continuité des parcours ; une offre qui se soucie des parcours ouverts aux élèves afin qu’ils puissent développer des apprentissages solides et approfondir leur découverte d’une langue et d’une culture riches ; une offre, enfin, qui s’inscrive dans ce que j’appellerais l’esprit français, celui d’un juste équilibre entre la langue des territoires et notre langue nationale.
C’est pourquoi les positions que je prendrai sur cette loi sont des positions d’encouragement des langues régionales dans la lignée de ce qui a déjà été accompli et des engagements tant législatifs qu’infralégislatifs que je peux prendre dans le respect des articles 2 et 75 de la Constitution.
M. le président
La parole est à M. Paul Molac, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
M. Paul Molac, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation
Je suis très heureux que nous discutions aujourd’hui de ce texte que nous avons adopté en première lecture à l’Assemblée il y a déjà un peu plus d’un an, juste avant le début de la crise sanitaire.
Les langues régionales sont une richesse, un trésor, non seulement régional mais bien national et international. (Applaudissements
Pourtant, cette richesse, malgré les efforts soulignés par M. le ministre, est classée en grand danger d’extinction par l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), c’est-à-dire que le pourcentage des élèves qui apprennent des langues régionales est totalement insuffisant pour assurer leur pérennité. C’est la raison pour laquelle nous avons besoin d’appuyer sur l’accélérateur et, dirais-je, de faire aussi du quantitatif, parce que nous ne saurions nous contenter d’un petit pourcentage de la population qui apprenne ces langues.
Je vous donnerai un exemple : à peu près 8 % d’une classe d’âge en Bretagne apprend la langue bretonne avec la méthode de l’enseignement bilingue. C’est bon non seulement pour la langue régionale mais aussi pour le français, puisque les résultats en français de ces élèves sont supérieurs à la moyenne : cette méthode permet ainsi de développer l’apprentissage de ces langues d’une manière générale, en donnant aux enfants des mécanismes qui permettent ce développement. Nous avons donc tout intérêt à promouvoir ce genre d’enseignement. Dans les sondages conduits en Bretagne, 40 % des parents voudraient que leurs enfants soient scolarisés dans ce type de filière. Il y a donc une différence entre la demande et les possibilités. La présente proposition de loi vise justement à offrir à ces parents-là un choix véritable, car il s’agit bien d’un choix et non d’une obligation.
Le texte que je défends a l’ambition d’agir en faveur de la protection et de la promotion des langues régionales, en facilitant aussi leur usage dans la vie quotidienne, les actes d’état civil – vous avez tous entendu parler du petit Fañch, avec le n tildé de son nom – ou encore la signalétique dans l’espace public.
Nous avons eu de nombreux débats à ce sujet et, très souvent, nous nous sommes trouvés à partager ces ambitions ou ces objectifs. Preuve en est, le Sénat a très peu modifié le texte. Il a adopté par un vote conforme les dispositions que nous avions votées à l’Assemblée nationale et proposé quatre articles supplémentaires sur l’enseignement. C’est donc de ces quatre articles que nous sommes invités à discuter, quatre articles déjà votés au Sénat : ce n’est pas révolutionnaire ou, alors, je ne sais pas ce qu’est une révolution.
Notre travail effectué la semaine dernière en commission a témoigné, une fois encore, de l’accord profond qui existe sur le sujet. Sur les quatre articles qui restaient à examiner, la commission en a validé trois et en a rejeté un. Je constate d’ailleurs que nombre de collègues ont déposé des amendements visant à rétablir l’article rejeté par la commission : sept groupes sur les neuf que compte l’Assemblée proposent de le faire, ce qui atteste également d’un large accord parmi les députés sur le sujet.
Cet accord reflète celui qui existe au sein de la société. Les treize présidents de région se sont exprimés en faveur de la proposition de loi. Quant aux associations, elles font preuve d’un très grand dynamisme et n’hésitent pas à vous solliciter les uns et les autres, parfois même un peu trop. Elles accomplissent cependant une tâche immense, au jour le jour, localement, en défendant et en promouvant les langues régionales qui constituent notre patrimoine.
L’article 2 ter
Je rappelle, pour ceux qui soulèvent cet argument, que le Conseil constitutionnel n’a jamais considéré que l’enseignement immersif en langue régionale porte atteinte au principe d’égalité devant la loi, ni au principe selon lequel le français est la langue de la République. Jamais ! Il a simplement estimé inconstitutionnel le fait de rendre un tel enseignement obligatoire – ce que le texte ne prévoit pas – et souligné que cet enseignement ne saurait avoir pour effet de soustraire les élèves à leurs obligations, parmi lesquelles figure la connaissance de la langue française. Nous partageons évidemment cette position. J’ai relu toutes les décisions du Conseil constitutionnel : ce sont les deux seules limites qu’il a posées.
Notons, par ailleurs, que les choses avancent sur le terrain à la faveur de nombreuses expérimentations. Je pense bien sûr au Pays basque, où des classes maternelles proposent un enseignement immersif, mais aussi à l’école Arrels de Perpignan, qui fonctionne depuis les années 1990 et propose une immersion plus large encore grâce à son modèle associatif.
Quant au Conseil d’État, il juge non pas la conformité d’un texte au regard de la Constitution, mais la légalité des actes administratifs. Or sa position est claire : il ne lui paraît pas adéquat d’intégrer les écoles associatives Diwan à l’enseignement public par la voie réglementaire et estime préférable de passer par la loi. Tel est précisément ce que nous faisons aujourd’hui avec ce texte, qui ne soulève donc pas de problème constitutionnel selon moi.
L’article 2 quinquies
M. Marc Le Fur
Tout à fait !
M. Paul Molac, rapporteur
…une première fois dans le projet de loi pour une école de la confiance et une deuxième fois, le 10 décembre de dernier, dans cette proposition de loi. Je ne crois pas me tromper en rappelant que le Sénat est la chambre des collectivités : s’il a repris la disposition, c’est sans doute en connaissance de cause !
Enfin, l’article 3 étend à l’ensemble des langues régionales, d’une part, et aux lycées et aux collèges, d’autre part, les dispositions existant aujourd’hui pour la seule langue corse et pour les seules écoles maternelles et élémentaires, permettant ainsi l’enseignement de la langue régionale dans le cadre d’un horaire scolaire normal. Il s’agit de pouvoir adapter l’offre d’enseignement aux langues régionales, aux territoires et à la demande sociale dans le cadre de conventions entre l’État et les collectivités locales.
Ainsi, le texte que nous examinons aujourd’hui me paraît répondre parfaitement à nos ambitions et garantir une protection des langues régionales à la hauteur des bienfaits qu’elles apportent à la collectivité nationale et des risques auxquels elles sont confrontées. C’est pourquoi je vous appelle à l’adopter sans modification, de manière à interrompre la navette parlementaire et à permettre une pleine entrée en vigueur, aussi rapide que possible, de ses dispositions, dont l’application me paraît nécessaire et urgente.
L’heure est historique, car il n’y a jamais eu en France de loi sur les langues régionales. Dès les années 1970, le Québec adoptait un texte pour les défendre et promouvoir le français – texte bien plus ambitieux que la proposition de loi que je vous présente aujourd’hui. Il nous aura fallu attendre 2021 pour franchir ce pas. Souhaitons, chers collègues, que cette loi soit promulguée le plus rapidement possible ! (Applaudissements
Discussion générale
M. le président
Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani
Mon père n’a jamais mis les pieds dans une école. Mes parents m’ont toujours parlé exclusivement en langue corse. À travers cette langue, ils m’ont inculqué le sens du travail, du devoir et de l’honnêteté. Je suis devenu bien plus tard professeur des universités et j’ai enseigné, peu ou prou, l’économie aux quatre coins du monde. Mon exemple illustre une rupture culturelle brutale. Il témoigne aussi du fait que la pratique d’une langue minoritaire ne bloque en rien l’ascenseur social. (Applaudissements
Nous connaissons la relation que l’État entretient avec ses langues. Je n’ai jamais entendu une parole prononcée en corse tout au long de mes études. Depuis des siècles, le français est la seule langue des diplômes, de l’emploi, des sciences et de la culture. Quand, sur un territoire, deux langues cohabitent et que l’une d’elles est favorisée au détriment de l’autre, c’est naturellement vers la plus puissante que les parents se tournent car il y va de la promotion sociale et de l’avenir de leurs enfants. C’est pour cette raison qu’au fil du temps, la grande majorité des Bretons, des Alsaciens, des Corses et d’autres encore n’ont pas transmis, ou mal, leur langue historique à leurs enfants, bien aidés en cela par une politique d’État visant à exclure les langues régionales de la vie publique et de l’école.
C’est bien triste, car la langue maternelle représente l’un des fondements de l’identité de chacun d’entre nous. C’est par le langage qu’enfant nous construisons nos relations aux autres, au monde qui nous entoure, que nous exprimons nos premières émotions et que nous nous construisons affectivement. Cet élément est « de la même importance que le sexe, le visage ou le nom », a écrit le médecin montpelliérain Pierre Boquel. (M. Bertrand
Ce fondement se trouve fragilisé si l’on nous impose une autre langue, supposée plus noble. Dès lors apparaît peu à peu un terrible sentiment de honte de soi, car c’est non seulement notre langue qui est dévalorisée mais, à travers elle, notre famille, notre région et notre culture. Ce conflit entre langue dite haute et langue dite basse – ce que les linguistes appellent la diglossie – provoque une redoutable tension chez la personne concernée. Le fait d’imposer à un individu un changement de langue peut provoquer de graves traumatismes psychiques. (MM. Bertrand
Les travaux de Pierre Boquel le montrent clairement. Savez-vous qu’au Canada les communautés ayant perdu leur langue connaissent en moyenne six fois plus de suicides que celles qui la parlent encore ? Il en va de même des Aborigènes d’Australie, des Amérindiens du Canada et des Maoris de Nouvelle-Zélande. En Bretagne, les mauvais indicateurs en matière de morbidité ont été reliés à la perte soudaine d’identité linguistique.
Le français est bien notre langue commune : personne ne demande qu’il en soit autrement. Mais il ne doit pas être exclusif des autres langues de France métropolitaine et d’outre-mer. La citoyenneté française peut s’exprimer pleinement dans une identité qui ne se vit pas exclusivement dans une langue unique, comme elle ne se vit d’ailleurs pas dans une religion ou une identité personnelle uniques. Pourquoi des personnes aux langues, aux origines et aux croyances diverses seraient-elles constamment mises en demeure de choisir l’une ou l’autre de leurs identités ? Sans doute, comme l’a magnifiquement écrit Amin Maalouf, de l’Académie française, « à cause […] de ces habitudes de pensée et d’expression si ancrées en nous tous, à cause de cette conception étroite, exclusive, bigote, simpliste qui réduit l’identité entière à une seule appartenance, proclamée avec rage ».
L’identité n’est pas donnée une fois pour toutes : elle se construit et se transforme tout au long de l’existence. En somme, elle ne peut se segmenter. Il s’agit d’un tout que l’on forge toute sa vie par ses expériences multiples. Amin Maalouf corrobore les études du docteur Pierre Boquel et du neuropsychiatre Boris Cyrulnik quand il note : « Rien n’est plus dangereux que de chercher à rompre le cordon maternel qui relie un homme à sa langue. Lorsqu’il est rompu, ou gravement perturbé, cela se répercute désastreusement sur l’ensemble de la personnalité. »
Moi qui ne suis ni linguiste, ni neuropsychiatre, j’ajoute modestement qu’il convient de redonner toute leur place aux langues régionales et j’affirme que toutes les langues méritent d’être sauvées, car elles portent en elles une part inestimable de la diversité humaine. Les langues ne s’opposent pas, ne s’excluent pas, mais s’ajoutent et se confortent. (Applaudissements sur les bancs des groupes LT,
En cet instant, ici, la meilleure chose à faire est d’adopter conforme la proposition de loi qui nous est soumise à l’initiative de notre collègue breton Paul Molac et du groupe Libertés et territoires. Ce texte vise à rehausser la protection, l’accessibilité et la visibilité des langues régionales dans trois domaines : celui du patrimoine, tout d’abord, en reconnaissant l’appartenance des langues régionales au patrimoine immatériel de la France pour mieux pouvoir les protéger, celui de la vie publique, ensuite, en sécurisant dans la loi l’affichage de traductions en langue régionale sous les inscriptions et les signalétiques publiques, ainsi que l’utilisation des signes diacritiques des langues régionales dans les actes d’état civil.
Nous nous félicitons que les deux titres relatifs à ces dispositions aient été adoptés sans modification par le Sénat, qui a su faire preuve d’une grande ouverture. Nous attendons la même ouverture de l’Assemblée nationale et de sa majorité concernant les derniers articles en discussion relatifs à l’enseignement des langues régionales. Il serait en effet incompréhensible qu’une proposition de loi relative à la protection et à la promotion des langues régionales ne comporte aucune disposition d’envergure en matière d’enseignement.
Il est primordial de reconnaître dans la loi la possibilité d’un enseignement immersif en langue régionale au sein de l’école publique. Des expérimentations sont déjà menées depuis de longues années. La méthode immersive permet une maîtrise complète de la langue et les élèves qui en bénéficient ont, selon toutes les études, de meilleurs résultats en français que la moyenne nationale.
Nous ne comprenons donc pas l’attitude du Gouvernement, qui autorise des expérimentations en immersion au sein de l’école publique, mais qui a déposé un amendement tendant à supprimer l’article qui vise à sécuriser l’enseignement immersif en langue régionale. De même, nous ne comprenons pas la suppression en commission de l’article relatif à la prise en charge effective par les communes du forfait scolaire pour les écoles associatives immersives. Il s’agissait pourtant d’un engagement ferme pris par le Premier ministre en février 2019. Lors des débats sur le projet de loi pour une école de la confiance, vous vous étiez vous-même engagé, monsieur le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, à rendre véritablement effective la prise en charge de ce forfait scolaire. Nous appelons donc l’ensemble de nos collègues à rétablir cette disposition vitale pour assurer la pérennité financière des écoles associatives, dont deux sont d’ailleurs en projet en Corse dans ma circonscription.
Mes chers collègues, le moment est enfin venu d’adopter un texte relatif à la défense de nos langues régionales. Ce serait une première sous la Ve République. Il y a dans une langue, dans ses expressions, ses tournures, ses proverbes, ses non-dits, sa musique, tout un univers et tout une conception de la vie. Montrons-nous à la hauteur des enjeux, des espérances et de l’engagement de nos associations, de nos réseaux d’enseignement et de tant de bénévoles, pour que vivent encore longtemps nos langues régionales, ce patrimoine de l’humanité. (Applaudissements
M. le président
La parole est à Mme Géraldine Bannier.
Mme Géraldine Bannier
Yves Duteil, maire de son état mais surtout remarquable parolier, a fait résonner ces quelques inoubliables mots : « En écoutant chanter les gens de ce pays, on dirait que le vent s’est pris dans une harpe, et qu’il a composé toute une symphonie. »
Si la langue française est « une langue belle », c’est bien parce qu’elle est riche de son histoire et des rapports qu’elle entretient avec nombre de langues régionales. Toutes ont le même ancêtre mais l’indo-européen s’est répandu en d’innombrables méandres au fil du temps.
M. Raphaël Schellenberger
Mais non !
Mme Géraldine Bannier
On compte de fait pas moins de quatre-vingt-deux langues minoritaires ou régionales en métropole et outre-mer : elles témoignent de la richesse de notre patrimoine linguistique, que les membres du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés ont à cœur non seulement de conserver mais aussi de promouvoir.
Ce patrimoine est ainsi transmis avec engouement dans nos régions, et ce sont aujourd’hui 180 écoles privées sous contrat et hors contrat qui enseignent en format immersif le breton, l’occitan, le basque, l’alsacien ou encore le catalan à 15 000 élèves de la maternelle à la terminale. Beaucoup d’autres accèdent aussi à un enseignement de la langue et de la culture régionales dans les établissements privés ou publics.
Apprendre et maîtriser une langue, quelle qu’elle soit, est toujours un acquis précieux qui permet d’aller plus aisément vers d’autres apprentissages linguistiques. J’en sais quelque chose ! Il s’agit aussi, s’agissant des langues régionales, de transmettre une mémoire fragile, celle recensée par Ferdinand Brunot, créateur en 1911 des Archives de la parole.
Ces dernières années, l’État a su se montrer attentif au vif intérêt suscité par la question de leur transmission. La réforme du lycée entérine un enseignement de spécialité consacré aux langues régionales, et les lycéens qui le souhaitent peuvent composer certaines épreuves de contrôle continu en langue régionale. Enfin, la loi pour une école de la confiance, dite loi Blanquer, a fait évoluer le versement du forfait communal. Dès lors qu’ils ne le proposent pas dans leur propre commune, les conseils municipaux peuvent participer volontairement au financement de la scolarisation d’élèves souhaitant suivre un enseignement en langue régionale hors de leur commune de résidence. Vous venez également, monsieur le ministre, d’annoncer d’autres avancées pour les langues régionales.
Vous le savez, notre groupe est très attaché, par son ADN, à la défense des langues régionales. Il y a peu, François Bayrou affirmait ainsi :…
M. Raphaël Schellenberger
Ah ! Si François Bayrou le dit !
Mme Géraldine Bannier
« Je veux que l’on sache qu’en France on peut parler et transmettre parfaitement bien le français, et en même temps parler et transmettre parfaitement bien les langues qui sont les langues de notre patrimoine culturel. »
La proposition de loi de notre collègue Paul Molac a le mérite de rappeler…
M. Raphaël Schellenberger
Voilà donc votre considération pour cette proposition de loi : du mérite !
Mme Géraldine Bannier
…qu’il faut défendre le pluralisme culturel, la richesse et la diversité que portent nos langues régionales. C’est pourquoi notre groupe a toujours voté à l’unanimité, en première lecture comme en commission, en faveur de son adoption.
Le texte comporte différents articles, dont l’un, majeur, le 2 quater, permettra d’appliquer l’article L. 312-10 du code de l’éducation à Mayotte. Nous nous en félicitons. Nous soutiendrons aussi l’article 3 qui propose que les langues régionales intègrent, en tant que matières facultatives, le cadre de l’horaire normal d’enseignement.
L’article 2 ter voudrait inscrire dans la loi la pratique déjà en œuvre du format immersif : outre le risque d’inconstitutionnalité, il nous semble que les établissements immersifs concernés proposent dans les faits un enseignement qui se fait nécessairement dans les deux langues, qui correspond à la loi actuellement en vigueur et à ce qui est souhaitable pour nos élèves.
L’article 2 quinquies est certainement celui qui suscitera le plus de débats. Alors qu’il été supprimé en commission par le vote de mon amendement, il est important que nous puissions continuer nos échanges sur ce qui constitue pour beaucoup d’entre nous une vraie difficulté.
En effet, la participation financière volontaire, consentie par la commune de résidence envers l’établissement de la commune d’accueil dispensant un enseignement en langue régionale, deviendrait un versement obligatoire. Un tel basculement modifierait en profondeur les règles existantes et doit donc être appréhendé au regard des réalités locales, car il pourrait mettre en difficulté certaines communes, notamment les plus petites.
M. Raphaël Schellenberger
C’est la première fois que le MODEM défend les petites communes !
Mme Géraldine Bannier
Je crois qu’au-delà même des questions juridiques que cet article soulève, nous devons y être attentifs.
Ainsi, au cours des débats, nous aurons à cœur de rappeler à la fois notre profond attachement aux langues régionales et l’importance que revêt l’adoption de mesures applicables et respectueuses de notre Constitution.
Permettez-moi de finir par une courte initiation locale. Chez moi, en Mayenne, on « clave la porte » – c’est quand même plus court que de « fermer la porte à clef » ; on évite de « bavasser » pour ne rien dire ou de s’« éguerziller » en criant trop fort, comme le font parfois les députés ; et plutôt que de bricoler, on « bouine », en observant parfois le « temps qui s’abernaudit ».
Voyez qu’on aime partout les trésors aux richesses infinies des langues régionales, pourvu qu’ils nous mènent toujours à l’« harmonie » célébrée par Yves Duteil.
M. Fabien Di Filippo et M. Raphaël Schellenberger
Ce sont des expressions, cela n’a rien à voir avec les langues régionales !
M. le président
La parole est à M. Hubert Wulfranc.
M. Hubert Wulfranc
L’article 75-1 de la Constitution qui, depuis 2008, précise que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France », a été une rupture et une promesse. En forçant à peine le trait, on peut affirmer que beaucoup ont vu dans cette reconnaissance une sorte de traité de paix, tant la France a longtemps eu mal à sa diversité linguistique, qu’elle considérait plus comme une menace que comme une richesse.
Bien sûr, il y eut en 1951 la loi Deixonne relative à l’enseignement des langues et dialectes locaux, qui a autorisé l’apprentissage des langues régionales dans l’enseignement public pour faciliter l’étude du français, mais son application fut marquée par une grande prudence et il a fallu attendre 2017 pour qu’une circulaire ne l’étende officiellement aux langues régionales d’Alsace et de Mayotte. Reste que la France, pays d’Europe occidentale qui compte le plus de langues – cela a été dit –, est aussi l’un des derniers États à ne pas avoir ratifié la charte européenne des langues régionales ou minoritaires (M. Jean-Charles
Dans ce paradoxe se trouve sans doute une des raisons expliquant l’embarras qui se fait jour dès lors qu’il s’agit d’enseignement. L’examen du présent texte, proposé par notre collègue Paul Molac, en est une nouvelle illustration puisque, si les dispositions relatives à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur utilisation dans la signalétique et dans les actes d’état civil, sont à présent fixées, les articles qui restent à discuter en deuxième lecture portent exclusivement sur les aspects liés à l’école.
Loin de nous l’idée de méconnaître les avancées réalisées dans la législation comme dans la pratique républicaine, mais notre grande richesse linguistique requiert une vraie ambition politique. Il est désormais possible d’agir dans un climat d’autant plus apaisé que, nous le savons, promouvoir les langues régionales, leur diffusion et leur enseignement ne signifie pas s’opposer à la promotion, à la diffusion et à la maîtrise du français.
Les outre-mer, où sont parlés les deux tiers des langues régionales recensées en France, en sont particulièrement convaincus. Notre collègue Karine Lebon, qui aurait beaucoup aimé être parmi nous ce matin, souhaite montrer le chemin qui reste à parcourir. Ainsi, à La Réunion, où le créole est la langue maternelle de 80 % des habitants et structure le quotidien et les modes de pensée, les échanges et les créations culturelles, notamment le maloya, à peine 4 % des élèves seraient concernés par un dispositif prenant en considération la langue et la culture réunionnaises.
Pourtant, les linguistes, les pédagogues et les chercheurs convergent vers une école qui prenne toujours plus en considération le milieu de l’enfant, ce que l’on appelle le « déjà là ». Un enfant, un apprenant, n’est-ce pas cette boîte magique où l’on accumule des connaissances ? Ce n’est pas seulement cela, non ! Rempli d’affects, doué d’un cerveau structuré en connexions neuronales, il se construit de va-et-vient entre ce qu’il sait déjà et ce qu’il apprend, entre son univers proche et le monde. Plus on s’appuie sur son univers proche, plus on lui ouvre le monde. Il se trouve que, dans nos outre-mer, l’univers proche est un fait hybride, plurilingue, pluriculturel, et qu’il s’agit bel et bien là d’une chance extraordinaire.
Le vote conforme de la proposition de loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion constituerait, selon nous, une avancée significative pour notre pays dans son rapport à la langue et à ses langues. Un tel vote serait en quelque sorte au rendez-vous de la déclaration du président Macron le 21 juin 2018 : « Les langues régionales jouent leur rôle dans l’enracinement qui fait la force des régions. Nous allons pérenniser leur enseignement. » Ce « nous », tant décrié dans d’autres circonstances, doit prendre effet à travers l’adoption de la présente proposition de loi.
Je conclurai en disant que c’est un jacobin qui vous parle, non pas celui que certains se plaisent tant à caricaturer, mais celui qui, dans la pure tradition révolutionnaire, conjugue à la fois unité et diversité. (Applaudissements
M. le président
La parole est à Mme Stéphanie Atger.
Mme Stéphanie Atger
« Ia ora na ! » Les langues régionales constituent un héritage précieux de notre patrimoine. Leur protection, leur reconnaissance et leur diffusion demeurent un élément majeur de notre culture nationale. Cette deuxième lecture permet au groupe La République en marche de saluer l’initiative du groupe Libertés et territoires, plus particulièrement la ténacité du rapporteur, M. Paul Molac,…
M. Jean Lassalle
Bravo !
Mme Stéphanie Atger
…dont la proposition de loi permet de porter à l’attention de la représentation nationale la magnifique diversité de la France. Son patrimoine linguistique concerne en effet l’ensemble de nos régions, qu’elles soient hexagonales ou ultramarines. La reconnaissance des langues régionales, parties intégrantes de l’histoire de notre pays, a été visée par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui les a officiellement et à juste titre intégrées au patrimoine de la France.
Cette proposition de loi a été adoptée en première lecture en février 2020 à l’issue de débats exigeants : sa deuxième lecture porte sur les modifications adoptées par le Sénat. Les sénateurs ont en effet souhaité procéder à des apports – les articles 2 ter, 2 quater et 2 quinquies – et fait le choix de rétablir l’article 3.
Si nous maintenons que la proposition de loi présente une véritable valeur ajoutée en matière de protection patrimoniale des langues régionales et permet ainsi de consacrer la nécessité de leur protection sur l’ensemble du territoire national, certaines des nouvelles dispositions soumises au débat de cette deuxième lecture nous interpellent.
L’article 2 ter, relatif à l’enseignement immersif, ne prévoit dans son dispositif aucune délimitation temporelle entre l’enseignement dispensé en langue régional et celui dispensé en français.
M. Raphaël Schellenberger
Et alors ?
Mme Stéphanie Atger
La notion de « bonne connaissance de la langue française » semble trop floue, d’autant que chaque réseau d’établissement scolaire associatif organise l’enseignement des langues régionales selon ses propres modalités et son propre degré d’immersion. Commencer l’enseignement de la langue française en CE1, comme c’est parfois le cas, peut sembler tardif.
Nous nous réjouissons de l’intégration de l’article 2 quater, qui vise à permettre aux langues réellement pratiquées à Mayotte, le shimaoré et le kibushi, d’intégrer l’article L. 312-10 du code de l’éducation et, ainsi, de bénéficier des mêmes dispositions que l’ensemble des langues régionales, donc d’être reconnues comme faisant partie du patrimoine de la France.
L’article 2 quinquies, supprimé lors de l’examen en commission, concerne la participation financière des communes à la scolarisation des enfants dans les établissements privés du premier degré. Alors que des amendements visant à le rétablir vont être soumis à nos débats, nous rappelons qu’il créerait une nouvelle obligation de financement pour les communes concernées : pour ces seuls enseignements, le forfait scolaire pourrait représenter une dépense de plus de 10 millions d’euros. Ces dispositions semblent peu justifiées et portent atteinte à la libre administration des communes, alors que seule la langue française fait l’objet d’un enseignement obligatoire en France.
M. Raphaël Schellenberger
Elles existent pour l’enseignement privé !
Mme Stéphanie Atger
Elles reviennent sur les acquis relatifs à la contribution financière, notamment dans les écoles privées, inscrits dans notre législation.
Le rétablissement de l’article 3, qui pose le principe selon lequel la langue régionale est une matière enseignée dans le cadre de l’horaire normal d’enseignement, et qui peut donc être proposée à tous les élèves sur tous les territoires, n’appelle en l’état de sa rédaction qu’un doute quant à l’obligation de mettre en place une telle mesure.
Les langues régionales sont le produit d’un héritage historique : elles sont bel et bien vivantes et dynamiques. Cela se constate en Bretagne, en Corse, en Occitanie et dans nos territoires ultramarins – ces derniers rassemblent les deux tiers des langues régionales parlées en France.
Il est évident que ce sujet nécessite de prolonger le dialogue et d’adapter ces évolutions en ayant à cœur de ne pas remettre en cause ce qui fait nation. L’application des réformes évoquées fait l’objet d’une attention toute particulière de la part du Gouvernement.
M. Raphaël Schellenberger
Elle est loin la République en marche qui voulait avancer ! Tout d’un coup, il faut prendre son temps !
Mme Stéphanie Atger
Tout comme lors de l’examen du texte en commission, le groupe La République en marche tient à réaffirmer sa volonté de voter pour la proposition de loi qui vient reconnaître l’importance patrimoniale des langues régionales et contribue à leur vitalité dans l’espace public. (Applaudissements
M. Raphaël Schellenberger
Ce n’est pas très applaudi !
M. le président
La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur
Que de temps pour faire admettre une évidence : les langues de France sont notre chance ! Notre diversité n’est pas un problème, bien au contraire, c’est une chance – la diversité linguistique, en particulier, qui est un patrimoine fragile autant que précieux. (Applaudissements
Certains, du fait de leurs origines, sont plus sensibles que d’autres à ce sujet. C’est mon cas. J’ai eu la chance d’être élevé dans une maison où deux langues étaient parlées, la conversation roulant de l’une à l’autre selon les sujets et les interlocuteurs. Comme tous les gens de leur génération, mes parents avaient appris le français à l’école, mais ils maîtrisaient parfaitement la concordance des temps ou l’accord des participes passés – ils auraient pu en remontrer à beaucoup, y compris dans cet hémicycle. Adopter un tel texte, c’est aussi leur rendre justice et hommage. (Applaudissements
Pourquoi cette transmission suscite-t-elle autant de suspicions, au point que le verbe « baragouiner » a été récemment utilisé dans cet hémicycle par l’un de vos collègues, monsieur le ministre ? C’est un mot méprisant que je croyais d’un autre temps, créé pour moquer des soldats bretons qui n’en étaient pas moins français et qui ont, à l’occasion des deux guerres mondiales, consenti des sacrifices considérables. Il a été prononcé par le garde des sceaux, avocat de son état, qui, mieux que d’autres, connaît le sens et le poids des mots. Il a présenté des excuses – à tout pécheur miséricorde ! (Sourires.)
Il faut savoir dénoncer cet excès de jacobinisme – pour ma part, je ne suis pas du tout jacobin, cher collègue Wulfranc –, qui a fait tant de mal à notre pays et qui a trop longtemps méprisé langues et cultures régionales. Il a fallu combattre ce mépris et, ce qui est encore plus difficile, l’ignorance. Au fil des ans, nous avons progressé, notamment lors de la révision constitutionnelle de 2008, grâce à l’article 75-1 : « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. » À l’époque, j’avais mené ce combat. Il avait fallu batailler. J’ai toujours regretté qu’il n’y ait pas eu l’unanimité sur le sujet : la gauche, pour des raisons politiques, n’avait pas voulu voter, à quelques exceptions prestigieuses près, puisque Jack Lang avait voté avec nous à cette occasion.
C’était le premier étage de la fusée, mais, par définition, il en faut d’autres. À titre personnel, je reste convaincu que nous devrons un jour ratifier la charte européenne des langues régionales ou minoritaires, actuellement en vigueur dans vingt-cinq pays. Elle est appliquée en Turquie mais pas en France. Cherchez l’erreur ! Nous attendons toujours une grande loi qui permettra de résoudre les problèmes qui demeurent. Je pense notamment au tilde, sujet très sensible puisque des familles ne peuvent choisir et orthographier le prénom de leur enfant comme elles le souhaitent – c’est le cas des parents des petits Fañch en Bretagne. Respectons le choix des familles, auquel nous sommes, pour notre part, très attachés.
Aujourd’hui, le sujet principal est celui de la transmission. Considérant que le présent texte est une chance pour toutes les langues de métropole et d’outre-mer, nous pensons qu’il convient d’adopter la version du Sénat et non pas celle de la commission. Il est attendu en Alsace, en Bretagne, par tous les réseaux associatifs publics et privés. Je pense à Diwan, mais aussi à l’Association pour le bilinguisme en classe dès la maternelle (ABCM) que j’ai eu la chance de visiter à Haguenau, grâce à notre ami Philippe Meyer. Ils font un travail formidable, il faut savoir les honorer.
Je regrette que la commission ait adopté un amendement du groupe Dem…
M. Erwan Balanant et M. Vincent Bru
Ce n’est pas un amendement du groupe Dem : c’est un amendement de Mme Bannier !
M. Marc Le Fur
…qui ternit ce texte et le réduit trop sensiblement. Le groupe Les Républicains, lui, a soutenu ce texte dès sa première lecture ici, puis au Sénat où nous sommes majoritaires. Il l’a fait parce que ce texte se situe dans la logique de la révision constitutionnelle que nous avons voulue et adoptée en 2008. Nous n’avons donc aucune ambiguïté sur ces questions.
Pour une fois que nous parlons des langues régionales et que nous sommes nombreux à le faire, donnons-nous le temps de débattre. Ne traitons pas ce sujet comme une formalité à accomplir, avant de passer à d’autres points de l’ordre du jour. Traitons-le comme un sujet de fond et d’importance. Vive nos langues régionales fragiles et belles à la fois ! Il faut les défendre. (Applaudissements
M. le président
La parole est à M. Christophe Euzet.
M. Christophe Euzet
J’aimerais tout d’abord remercier Paul Molac, notre rapporteur, qui nous permet d’embrasser un sujet cher aux Français. Avant d’en venir aux dispositions précises de ce texte, disons un mot de la légitimité de la cause défendue. Le monde a beaucoup changé. Il a compris qu’il n’est pas condamné à une forme d’anglais triomphant et universel et que les langues régionales d’un pays ne sont pas irréversiblement promises à la disparition, car les êtres humains ont besoin de savoir d’où ils sont, à quels territoires ils se rattachent et quelle est leur identité profonde. À cet égard, le combat pour le maintien des langues et cultures régionales apparaît comme tout à fait légitime, loin de la vision folklorique qu’il a pu avoir durant les décennies passées. Comme je l’ai dit en commission, ma propre perception du sujet a beaucoup évolué au cours des deux dernières décennies.
Est-il possible de traduire cette cause dans les faits ? Les polyglottes possèdent une richesse intellectuelle qui s’acquiert non seulement grâce à des cours traditionnels mais aussi de manière immersive, lorsque divers savoirs sont enseignés dans la langue régionale concernée. Au groupe Agir ensemble, nous sommes une très large majorité à penser que la formation bilingue ou même trilingue – pour tenir compte de la dimension internationale – peut valablement être prise en charge par l’éducation nationale.
Précisons que cette cause n’est en aucun cas un combat contre la nation et la langue nationale, laquelle serait vue comme un adversaire. Au contraire, les langues doivent épouser une cause commune : le bilinguisme doit être considéré comme un progrès et non pas comme le retour à un passé fantasmé.
J’en viens aux dispositions précises de ce texte auquel nous sommes globalement très favorables. Nous pensons que la proposition de loi de Paul Molac fait œuvre utile en matière de protection et de promotion des langues régionales, notamment grâce à ses propositions sur le déploiement de leur enseignement immersif dans le secteur public.
Nous approuvons les apports successifs du Sénat et de la commission : la reconnaissance des langues régionales comme patrimoine culturel immatériel ; le principe de l’intervention publique pour assurer leur protection ; les dispositions relatives à la signalétique bilingue et à la reconnaissance des signes diacritiques par l’administration civile ; l’application du droit commun à Mayotte.
Il nous reste à évoquer trois points. S’agissant de l’article 2 quinquies, nous sommes favorables à un accord entre la commune de résidence de l’enfant et l’établissement d’accueil. Cependant, une majorité d’entre nous a fait part de ses préoccupations quant au caractère obligatoire de la prise en charge par la commune qui ne peut pas dispenser l’enseignement dans la langue régionale sur son territoire.
Le dispositif prévu à l’article 3 ne nous pose pas de difficultés, mais nous avons proposé un amendement pour que son caractère facultatif apparaisse de manière plus claire.
S’agissant de l’article 2 ter, je rappelle que nous sommes favorables au principe de l’enseignement immersif. Il nous semble cependant qu’en l’absence de limite, l’enseignement pourra être intégralement dispensé dans la langue régionale, au préjudice d’enfants qui ne suivraient plus l’enseignement de la langue française durant le quota d’heures prévu dans le code de l’enseignement. Nous proposerons donc un amendement visant à assurer la bonne maîtrise de la langue française par ceux qui choisiraient l’enseignement immersif.
À ces trois réserves près,…
M. Fabien Di Filippo
Ça fait beaucoup de réserves !
M. Christophe Euzet
…le groupe Agir ensemble votera très majoritairement pour la proposition de loi. (Applaudissements
M. le président
La parole est à Mme Claudia Rouaux.
Mme Claudia Rouaux
Comme le disait si bien Michel Serres : « Les langues sont un trésor et véhiculent autre chose que des mots. » Les langues régionales sont un patrimoine à la fois historique et vivant, qu’il est essentiel de préserver et de transmettre aux jeunes générations.
Dans sa construction comme État unitaire et comme nation, la France a pourtant longtemps œuvré à réduire leur place et leur usage au bénéfice de la langue française. Combien d’écoliers furent punis ou humiliés parce qu’ils s’exprimaient dans leur langue maternelle ? En 1911, Jean Jaurès défendait déjà ainsi l’apprentissage des langues régionales : « Puisque ces enfants parlent deux langues, pourquoi ne pas leur apprendre à les comparer et à se rendre compte de l’une et de l’autre ? […] Ce serait une éducation de force et de souplesse pour les jeunes esprits ; ce serait aussi un chemin ouvert, un élargissement de l’horizon historique. »
Les langues régionales sont aussi le cœur battant des cultures et des identités régionales, sources de richesse et de diversité pour la République française qui nous unit. Il aura fallu attendre la révision constitutionnelle de 2008 pour qu’elles obtiennent une légitime reconnaissance. L’article 75-1 de notre constitution dispose qu’elles « appartiennent au patrimoine de la France ». Pourtant, la France n’a toujours pas ratifié la charte européenne des langues régionales ou minoritaires, bien qu’elle ait été signée le 7 mai 1999. C’est d’autant plus regrettable qu’une grande majorité d’entre elles, selon l’UNESCO, sont en danger d’extinction.
La promotion et la protection des langues régionales doivent donc être renforcées et approfondies. Tel est le sens de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. À cet égard, je tiens à remercier chaleureusement mon collègue breton, Paul Molac, pour sa ténacité et son engagement. Ce texte s’inscrit dans la continuité d’initiatives de collègues socialistes : la proposition de loi adoptée en janvier 2017, dont la rapporteure était Annie Le Houerou, et la proposition de loi défendue par Roland Courteau, visant l’installation des panneaux d’entrée et de sortie d’agglomération en langue régionale.
M. Raphaël Schellenberger
C’est vrai qu’il fallait au moins une loi pour ça !
Mme Claudia Rouaux
Cette proposition de loi promeut la reconnaissance des langues régionales dans trois directions. Premièrement, elle inscrit leur reconnaissance dans le code du patrimoine, au titre du patrimoine immatériel et des trésors nationaux, avec la possibilité d’usage des langues régionales dans les sphères publiques et privées.
Deuxièmement, elle vise à ancrer leur reconnaissance dans l’espace et la vie publics en permettant la traduction en langue régionale des inscriptions et de la signalétique sur les voies publiques de circulation, sur les infrastructures de transport et sur les supports de communication institutionnels, ce qui entérinera une pratique déjà courante en Bretagne, en Corse ou en Occitanie. En outre, elle entend sécuriser juridiquement l’utilisation de signes diacritiques dans les actes d’état-civil – dont le tilde –, ce qui permettra de clore le feuilleton jurisprudentiel qui a marqué bien des esprits en Bretagne, avec l’affaire liée au prénom Fañch.
Troisièmement, le texte tend à renforcer la reconnaissance des langues régionales dans l’enseignement, ce qui est d’autant plus important que la transmission familiale d’une de ces langues est de plus en plus rare. Il existe par ailleurs un consensus sur le fait que l’apprentissage d’une langue régionale n’entraîne pas une moindre maîtrise du français, bien au contraire. Que l’enseignement soit initiatif, paritaire ou immersif, c’est un atout pour promouvoir le multilinguisme. Le texte comprend des dispositions majeures en la matière, comme la possibilité de délivrer un enseignement en immersion à l’école publique, dans les régions et collectivités concernées, à l’image des écoles Diwan en Bretagne.
Subsiste toutefois un problème concernant la prise en charge des frais de scolarité. Sur ce point, le groupe Socialistes et apparentés a déposé un amendement pour le rétablissement du forfait scolaire, supprimé en commission. Au-delà, j’appelle votre attention sur l’enjeu que constitue la formation des enseignants, car il est nécessaire de trouver des compétences en enseignement bilingue.
Parce que la protection des langues régionales est une exigence, notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi, avec l’espoir que son vote conforme par l’Assemblée permettra une entrée en vigueur la plus rapide possible. « Trugarez !
M. le président
La parole est à M. Bastien Lachaud.
M. Bastien Lachaud
Le plurilinguisme est une richesse. La diversité des langues parlées et des cultures qu’elles appellent est une richesse. La protection de la diversité linguistique doit faire partie des politiques publiques et l’enseignement des langues dans l’enseignement public être développé. Il faut que les élèves de nos écoles puissent accéder à des enseignements linguistiques divers, qu’ils aient donc le choix.
Mais, de l’école primaire à l’université, la diversité linguistique est menacée par une politique du tout-anglais. Or il faut au contraire protéger la diversité de l’enseignement des langues. Une pluralité de langues vivantes doit être proposée aux élèves. De même, l’enseignement des langues anciennes, le latin et le grec ancien, devrait être encouragé au lieu d’être toujours plus réduit. Parmi ces langues proposées par l’enseignement public, les langues régionales de l’hexagone et d’outre-mer, oui, mais il en faut aussi bien d’autres. Pour cela, il faut ouvrir des places aux concours de la fonction publique pour l’enseignement des langues.
Or la présente proposition de loi, sous couvert de la nécessaire protection de la diversité linguistique, cherche en réalité à imposer l’apprentissage des langues régionales, au détriment des autres.
M. Fabien Di Filippo
Mais non !
M. Bastien Lachaud
Elle cherche à limiter la capacité des élèves à choisir l’apprentissage d’une langue (Protestations
Nous voulons un enseignement public d’une pluralité de langues, dont le choix ne serait pas imposé mais reviendrait à l’élève et à sa famille. Ainsi, nous nous opposons à l’article qui voudrait imposer par convention régionale l’apprentissage des langues régionales aux élèves. En effet, le temps scolaire n’est pas extensible. Cela se ferait nécessairement au détriment des autres langues vivantes ou anciennes qui ne seraient plus proposées. Ces enseignements doivent évidemment exister, mais rester facultatifs en tant qu’options. Un jeune qui se passionnerait pour les mangas et souhaiterait approfondir sa connaissance de la culture japonaise devrait pouvoir choisir le japonais. (Exclamations
M. Raphaël Schellenberger
L’internationale socialiste a encore de beaux jours devant elle ! Trotskiste !
M. Bastien Lachaud
…devrait pouvoir la choisir comme option facultative sans qu’on lui impose une langue régionale à la place. La liberté est dans le plurilinguisme, pas dans l’imposition d’une langue spécifique, fût-elle régionale.
Le texte proposait également – la disposition a été supprimée en commission mais le rapporteur veut y revenir –, l’extension de la loi tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d’association lorsqu’elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence, dite loi Carle, ce qui reviendrait à imposer aux communes le financement d’écoles privées qui proposeraient un enseignement en langue régionale. À l’heure actuelle, il est possible mais dépend de la délibération de la commune. On voudrait donc le leur imposer. Je ne suis pas d’accord pour qu’on dépouille de leurs élèves les écoles publiques de nos villages ni pour qu’on force les communes à financer les écoles privées. L’argent public doit aller à l’école publique.
Enfin, la proposition de loi prévoit d’ouvrir la possibilité d’enseigner principalement en langue régionale dans des écoles publiques où l’enseignement en langue française serait dès lors minoritaire. Je ne suis pas d’accord.
M. Erwan Balanant
Vous auriez dû écouter ce que disait hier Mme Panot !
M. Bastien Lachaud
L’enseignement bilingue en langue régionale est possible à l’école publique, mais il n’est pas question d’y effacer l’apprentissage du français. L’article 2 ter précise que l’apprentissage principal d’une langue régionale se ferait « sans préjudice de l’objectif d’une bonne connaissance de la langue française », ce qui est, vous le reconnaîtrez, particulièrement flou. Le français n’est pas une « langue dominante », comme le disent les rédacteurs, c’est la langue commune de la République. Or la disposition envisagée est contraire à la Constitution,…
Plusieurs députés du groupe LR
C’est faux !
M. Bastien Lachaud
…ce que soulignait bien le Conseil constitutionnel en 2011 : « […] l’usage d’une langue autre que le français ne peut être imposé aux élèves des établissements de l’enseignement public ni dans la vie de l’établissement, ni dans l’enseignement des disciplines autres que celles de la langue considérée. » Il ne peut donc pas être question d’imposer l’apprentissage d’une langue régionale à l’école publique à la place des enseignements du français et en français.
Car défendre le plurilinguisme, c’est aussi défendre la francophonie. Et défendre la francophonie, c’est promouvoir activement le plurilinguisme face à l’hégémonie de l’anglais. C’est refuser la carte d’identité française avec des inscriptions en anglais. (Applaudissements
M. le président
La parole est à M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit
Je suis heureux de m’exprimer au nom du groupe UDI et indépendants sur un sujet aussi précieux que les langues régionales. De quoi s’agit-il ? Pour moi et pour un certain nombre de nos collègues ici présents, il s’agit de protéger, préserver et transmettre ce qui fait partie de notre patrimoine national, de notre patrimoine régional, surtout de notre patrimoine moral et immatériel. Et je suis heureux, cher Paul Molac, que cette proposition de loi ait pu être votée en première lecture par l’Assemblée, puis par le Sénat et, je le dis tout net au nom de notre groupe, je souhaite que nous la votions conforme. (Applaudissements
On l’a rappelé, l’UNESCO nous le dit : les langues régionales, particulièrement en France, sont en danger d’extinction. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, le français est la langue de la nation : c’est bien normal et le texte ne le remet pas en cause. Les langues régionales sont, dirai-je, les langues de nos racines, de la terre. Vous êtes certainement un des membres du Gouvernement à l’action duquel je suis le plus attentif et je vous porte en haute estime, parce que vous élevez très haut l’idée d’éducation nationale. Je souhaite que le présent débat contribue à vous rendre plus ouvert et à vous permettre de concilier, parce que c’est votre responsabilité, cohésion de la nation et identité régionale. En aucun cas, faire progresser la cause des langues régionales – du moins si nous le faisons ce matin – ne serait en opposition avec la cohésion nationale dont le pays a tant besoin. (Applaudissements
Que voulez-vous, monsieur le ministre ? Je suis un député de la nation française mais je me sens breton, c’est comme ça : je suis né aux marches de Bretagne, à Fougères, et j’en suis très fier. Nous autres, les Bretons, nous sommes un peu comme les Corses : nous avons une forme de défiance à l’égard de Paris, à l’égard du pouvoir central, que nous appelons parfois le pouvoir jacobin. Cependant, en tant que députés de la nation, nous incarnons toujours cette volonté de l’unité républicaine et nous la respectons : c’est indispensable.
Je souhaite que nous rétablissions l’article 2 quinquies(Applaudissements
Je tiens au passage à rappeler à l’orateur précédent qu’il ne faut pas confondre langues régionales et langues étrangères : enseigner le breton, le corse ou le basque, ce n’est pas enseigner l’anglais, l’allemand ou le japonais. (Applaudissements
L’UDI de Jean-Louis Borloo s’est voulue un parti ouvert sur le monde et un parti européen. Ceux d’entre nous qui sont en faveur de la construction européenne savent que les langues régionales sont un bien précieux. Je terminerai en disant que, à l’UDI de Jean-Louis Borloo, nous avons la France pour patrie, l’Europe pour frontière, le monde pour horizon et les langues régionales pour joyaux. (Applaudissements
M. le président
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Mme Emmanuelle Ménard
Nous examinons, en deuxième lecture, la proposition de loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion, un texte adopté en première lecture par l’Assemblée, le 13 février 2020, puis par le Sénat le 10 décembre dernier.
Le Sénat a maintenu l’ensemble des dispositions que nous avions votées et il a ajouté quatre articles relatifs à l’enseignement, des articles importants que, personnellement, je soutiendrai. Je ne suis pas la seule car, outre de nombreux parlementaires, ce sont les associations qui, sur le terrain, dans nos régions, attendent ce texte depuis fort longtemps et nous demandent aujourd’hui de le voter.
Disons-le d’emblée : ces langues font partie de notre patrimoine, de notre culture et sont, en quelque sorte, constitutives de notre identité. Or, pour nos langues historiques, déjà considérées par l’UNESCO comme vulnérables, en danger, ou sérieusement en danger depuis plusieurs années, le risque de disparition est réel.
Dans votre récente réforme du baccalauréat, monsieur le ministre, vous avez malheureusement rendu moins attractif l’enseignement des langues régionales.
M. Raphaël Schellenberger
Eh oui !
Mme Emmanuelle Ménard
Résultat mécanique : les effectifs d’apprentissage de ces langues sont partout en baisse, à la mesure des choix opérés. Ainsi, dans de nombreux lycées, on assiste à la fermeture de certains cours et, dans plusieurs académies, c’est la diminution massive des inscriptions qui est constatée. Par le biais de votre réforme, vous aviez même décidé que, désormais, les trois heures d’enseignement hebdomadaire du breton dans le secondaire devaient être calculées par niveau et non plus par classe – en clair, une répartition des heures préjudiciable à l’élève. Une forte mobilisation a été nécessaire pour que vous acceptiez de revenir sur cette mesure.
Aujourd’hui, une occasion s’offre à nous : en votant ce texte, montrer, prouver même notre attachement à nos langues régionales qui, même menacées, ne sont pas moribondes. Bien au contraire ! D’ailleurs, la série de dispositions ajoutées par le Sénat est destinée à favoriser l’apprentissage des langues régionales à l’école.
« Plus ces langues sont menacées, plus elles sont défendues », remarque le président du Congrès permanent de la langue occitane (CPLO), « mais elles ne seront pas sauvées sans des progrès significatifs de leur enseignement », ajoute-t-il.
Parmi les défenseurs des langues régionales, les Occitans ont pris leur part, en instaurant un véritable plan de sauvegarde – pour ne pas dire de sauvetage – de leur langue. Le moins qu’on puisse dire est que cela paye : Béziers compte pas moins de trois écoles occitanes – aidées par la ville, je le précise. Ces établissements organisent chaque année le carnaval dans nos rues – qui sont, au demeurant, toutes indiquées dans les deux langues. On compte d’ailleurs 1 988 élèves, 24 écoles, 2 collèges et 1 lycée occitans dans le Languedoc-Roussillon, et pas moins de 3 937 élèves, 64 écoles, 4 collèges et 1 lycée dans tout l’espace occitan. L’engouement est donc tangible. Il nous incombe de l’encourager.
Je terminerai mon intervention par une mention spéciale pour le Centre international de recherche et de documentation occitanes (CIRDOC), que nous hébergeons à Béziers. Connu jusqu’au Japon, il offre une collection riche de plus de 150 000 documents témoignant de 1 000 ans de création occitane, la belle culture à l’origine des troubadours. Cette culture, nous la mettons à l’honneur à Béziers. Nous en sommes fiers, et l’occitan a toute sa place dans chacune des manifestations qui retracent l’histoire de notre cité.
J’avais déposé un amendement visant à élaborer un plan d’action afin de renforcer les missions et les moyens de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF), pour lui permettre de devenir un véritable coordinateur du développement des langues en France. Il a malheureusement été jugé irrecevable – c’est bien dommage.
Cette proposition de loi tombe à pic, car les langues régionales font partie intégrante de notre identité de Français, de la relation charnelle que nous entretenons avec nos régions et nos terres, de ce supplément d’âme qui ne peut que participer à la réconciliation, pour ne pas dire à la communion, d’un pays fracturé. Comme en première lecture, je ne peux et ne veux évidemment pas terminer mon intervention sans prononcer les trois mots qui rythment chacun des moments forts de la vie de notre cité : « Aqui,
M. le président
La discussion générale est close.
Discussion des articles
M. le président
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.
Il n’aura échappé à personne, chers collègues, que notre programme de travail du jour est pour le moins dense. Je ferai donc une application stricte de notre règlement, qui prévoit que les prises de parole ne durent pas plus de deux minutes et que ne s’expriment jamais plus de deux orateurs après les avis de la commission et du Gouvernement. (Applaudissements
Avant l’article 2 ter
M. le président
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 88 portant additionnel avant l’article 2 ter.
Mme Emmanuelle Ménard
Il s’agit de substituer, dans l’intitulé du titre Ier, le mot « sauvegarde » au mot « protection ». Pourquoi ? Parce qu’une langue régionale menacée, c’est toute une culture mise en danger. Il faut donc non pas seulement protéger les langues régionales, mais aussi les sauvegarder. Ce terme polysémique me semble présenter l’avantage de concilier les notions de protection et de préservation, offrant ainsi une garantie qui engage la France tout entière. Il me paraît donc plus approprié.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul Molac, rapporteur
Demande de retrait. Plusieurs amendements visent, à mon sens, à modifier le texte en remplaçant certains mots par des synonymes. En l’occurrence, les mots « protection » et « sauvegarde » visent la même chose. L’objectif étant d’adopter un texte conforme à celui transmis par le Sénat, j’émettrai des avis défavorables sur des amendements de ce type.
Je demande à nos collègues de se concentrer sur les amendements les plus importants, à savoir ceux relatifs à l’immersion et au forfait scolaire, car c’est sur ces questions que nous devons conduire un débat de fond, et non sur certaines propositions qui semblent avoir plutôt vocation à prolonger les débats. Il est déjà dix heures trente. Efforçons-nous d’aller à l’essentiel.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert
Alors que nos échanges débutent, je ne voudrais pas que nous fassions l’économie d’un débat sur les langues régionales au prétexte que d’autres textes doivent être examinés aujourd’hui. Il n’y a pas, monsieur Molac, des amendements qui seraient meilleurs que les autres. Si vous entendez adopter une approche « TGV » en nous demandant d’aller vite parce qu’il faut de toute façon voter un texte conforme à celui du Sénat, dites-le nous : nous ne perdrons pas de temps et nous ne discuterons même pas !
M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation
Nous sommes en deuxième lecture !
M. Julien Aubert
J’insiste sur ce point car, vue de l’extérieur, une telle attitude pourrait donner l’impression que les langues régionales ne sont pas une question importante.
En outre, la proposition de Mme Ménard mérite d’être discutée, dans la mesure où, effectivement, sauvegarder, cela signifie sauver la vie. Nous sommes bien confrontés, actuellement, à une nécessité de sauvegarde plutôt que de protection : des pans entiers de nos traditions locales, notamment des langues régionales, sont en train de disparaître faute de locuteurs. Au-delà de l’argument de forme, il s’agit donc d’un problème de fond.
Nous pourrons effectivement faire un effort de rapidité dans la suite de la discussion, car je sais que certains attendent avec impatience le texte important qui doit être examiné ensuite, mais ne donnons pas le sentiment que nous sommes prêts à adopter un brouillon pour pouvoir faire plus rapidement un chef-d’œuvre tout à l’heure.
M. le président
Rassurez-vous, monsieur Aubert : nous ne ferons pas l’économie du débat, pas plus que du respect de notre règlement.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Mme Emmanuelle Ménard
Même si je suis tout à fait d’accord avec notre collègue Aubert, je suis également sensible à la demande de notre rapporteur, qui souhaite un vote conforme à celui du Sénat. Je retire donc mon amendement.
(L’amendement no 88 est retiré.)
Article 2 ter
M. le président
La parole est à M. François Ruffin, inscrit sur l’article.
M. François Ruffin
Après avoir beaucoup écouté les Bretons et les Corses,…
Plusieurs députés du groupe LR
Et les Picards !
M. François Ruffin
…je veux que nous entendions aussi la voix des Picards, dont la langue est encore plus menacée dans son existence que le breton ou le corse.
Il est évident que, sur ces questions, des sensibilités différentes peuvent trouver à s’exprimer au sein des groupes politiques. Pour ma part, j’estime que, si de la même façon qu’on pouvait penser que le loup représentait une menace pour l’homme lorsqu’il proliférait dans les campagnes, la République pouvait se sentir menacée quand les langues et patois divers foisonnaient, l’enjeu, désormais, est plutôt de savoir comment maintenir une biodiversité linguistique en péril.
M. Raphaël Schellenberger
Très bien ! Dommage que votre groupe ait choisi M. Lachaud comme orateur pour la discussion générale !
M. François Ruffin
Selon moi, la principale menace pour la langue française vient très clairement de l’anglais et non du picard, du corse ou du breton.
M. Raphaël Schellenberger
Ni de l’alsacien !
M. François Ruffin
On sait, dans ma région, à quel point il faut batailler, non pas pour que 50 % de l’enseignement soit dispensé en picard, mais simplement pour assurer un maintien de cette langue à l’université et dans quelques autres lieux. Il me semble important de préserver cette diversité.
M. le président
La parole est à M. Yannick Kerlogot.
M. Yannick Kerlogot
(M. Yannick
Rappelons que l’enjeu est celui de la diversité culturelle : il s’agit bien de nous donner de nouveaux moyens d’assurer cette diversité, en reconnaissant l’immersion comme une méthode efficace et en la sortant du régime expérimental dont elle relève depuis des décennies. Nous devons aller de l’avant et affirmer qu’en aucun cas la maîtrise de la langue française ne sera mise à mal, bien au contraire.
M. Fabien Di Filippo
Bien sûr que non !
M. Yannick Kerlogot
Les résultats au baccalauréat dans les établissements enseignant les langues régionales sont probants, et même excellents. (Applaudissements
Ce serait une erreur que de cantonner la méthode immersive à la seule école maternelle. Certes, c’est là que la langue régionale est usitée de manière prioritaire. Toutefois, une analyse de plus long terme, jusqu’à la terminale, montre, encore une fois, des résultats probants : la réussite est réelle. Les seules limites posées par le Conseil constitutionnel, au fond, consistent à ne pas rendre cet enseignement obligatoire et à s’assurer que la maîtrise de la langue française n’est pas mise à mal.
Compte tenu de ces deux arguments, je vous demande d’adopter un texte conforme à la proposition du Sénat, en inscrivant la méthode immersive dans le code de l’éducation. (Applaudissements
M. le président
La parole est à M. Frédéric Reiss.
M. Frédéric Reiss
Nous aborderons dans quelques instants le cœur de cette proposition de loi. Après avoir assisté à l’examen express des amendements en commission, j’en suis sorti avec l’amère impression que le houblon et le malt étaient perdus – « Hopfe un Màlz sin’ verlore », comme on dit en alsacien. En effet, lors de l’examen du texte en application de l’article 88 du règlement, la majorité a donné un avis favorable à l’amendement de suppression de l’article 2 ter, dont l’adoption viderait le texte voté au Sénat de sa substance. Pourtant, en complétant l’article L. 312-10 du code de l’éducation, afin d’introduire la possibilité d’une troisième forme d’enseignement des langues régionales, à savoir l’enseignement immersif, cet article constitue un progrès, ce que la commission avait d’ailleurs initialement reconnu en l’adoptant.
J’invite tous mes collègues à voter contre l’amendement de suppression du Gouvernement et à rétablir ensuite l’article 2 quinquies, qui clarifie les financements entre la commune de résidence et la commune où est située l’école où est dispensé l’enseignement dans la langue régionale. Nous adopterions ainsi un texte conforme à celui voté par le Sénat et ferions un pas historique en matière d’enseignement des langues régionales.
Dans le cas contraire, nous nous retrouverions dans la même situation qu’en novembre 2016, lorsque, en fin de quinquennat, une proposition de loi du groupe socialiste, écologiste et républicain visant à permettre la ratification de la charte européenne des langues régionales et minoritaires avait été renvoyée aux calendes grecques. Cher rapporteur, il ne faut pas que l’histoire se répète !
M. Raphaël Schellenberger
Bravo !
M. Marc Le Fur
Tout à fait !
M. Frédéric Reiss
Durant la législature en cours, les langues régionales ont déjà été significativement écornées par le nouveau baccalauréat et l’obligation de choisir des spécialités et options en classes de première et de terminale : la licence LLCER – langues, littératures et civilisations étrangères et régionales – n’a pas le vent en poupe !
Monsieur le ministre, vous affirmez vouloir soutenir les langues régionales, mais vos actes ne suivent pas vos paroles.
M. Raphaël Schellenberger
Ils mentent !
M. Frédéric Reiss
C’est pourquoi j’invite tous les amoureux des langues régionales à voter contre l’amendement de suppression du Gouvernement. (Vifs
M. le président
La parole est à M. Vincent Bru.
M. Vincent Bru
Je veux témoigner de la pratique en cours au pays basque, où 41 % des élèves du premier degré suivent un enseignement de basque et en basque, soit dans le système bilingue, soit dans le système immersif, grâce aux moyens mis à la disposition du ministère de l’éducation nationale – 3 700 enfants bénéficient ainsi d’un enseignement en immersion. C’est le cas, évidemment, pour les ikastolas, mais aussi pour les écoles publiques – plus de 500 élèves d’école maternelle sont concernés – et pour les écoles catholiques sous contrat.
Pourquoi l’immersion nous semble-t-elle essentielle ? Parce qu’il n’y a plus de transmission familiale de l’euskara. C’est donc à l’éducation nationale qu’il revient de pallier cette absence et de faire en sorte que nous puissions former, durablement et sérieusement, des locuteurs : seule l’immersion, nous semble-t-il, peut permettre à un jeune de devenir locuteur et, plus tard, de transmettre à son tour une langue régionale.
M. Marc Le Fur
Ce n’est pas ce que disait Mme Bannier !
M. Vincent Bru
C’est la raison pour laquelle nous sommes très favorables à l’adoption de l’article 2 ter. Nous estimons que l’immersion, outre le fait qu’elle n’est jamais imposée, ne soustrait pas les élèves concernés aux droits et obligations qui s’appliquent à l’ensemble des écoliers français. C’est pourquoi, monsieur le ministre, si vous avez raison lorsque vous affirmez que l’enseignement immersif doit rester l’exception, il faut le conforter et ne pas le laisser à l’état d’expérimentation. (Applaudissements
M. le président
Je suis saisi de cinq amendements identiques, nos 305, 151, 239, 249 et 294, tendant à supprimer l’article 2 ter.
Sur ces amendements, je suis saisi par les groupes Les Républicains, UDI et indépendants et Libertés et territoires d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 305.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Je reviendrai d’abord à l’essentiel, sans répéter ce que j’ai indiqué dans mon discours introductif. Quels sont, au fond, nos objectifs ? Le premier, rappelons-le, est que tous les enfants aillent à l’école.
Notre deuxième objectif – qui fait d’ailleurs écho aux propos que j’ai tenus hier encore au Sénat à propos du projet de loi confortant le respect des principes de la République – est que l’école, quels que soient les modes de scolarisation, soit un creuset républicain.
Cela passe notamment par le fait de savoir parler la même langue. Parler le français n’est pas seulement, comme certains le prétendent, un devoir, c’est aussi un droit, celui d’être intégré à la société française. En tant que républicains, nous devons défendre le droit, pour tout enfant, de commencer sa vie en maîtrisant la langue de notre pays, le français. Je tenais à le souligner car j’ai évoqué, dès le début de nos débats, la nécessité d’un équilibre.
M. Raphaël Schellenberger
Ce n’est pas à vous d’en juger !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Chacun d’entre nous s’inscrit dans une filiation intellectuelle, idéologique ou politique. Ainsi, vous vous appelez Les Républicains : l’idée selon laquelle la langue de la République est le français ne devrait sans doute pas être considérée comme négligeable ou de nature à susciter des vociférations. (Exclamations
M. Raphaël Schellenberger
Cela n’est pas négligeable mais ne vous autorise pas à édicter une obligation qui vaut dès la naissance !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
L’article 2 de la Constitution est très clair, l’article 75 aussi. Je tiens un discours d’équilibre : c’est pourquoi je n’accepterai jamais – je dis bien jamais – d’être présenté, de façon caricaturale, comme quelqu’un qui s’oppose aux langues régionales. Le débat ne peut se situer sur ce terrain, puisque nous souhaitons justement conforter les langues régionales. J’ai d’ailleurs félicité le député Molac pour les initiatives qu’il a prises en ce sens.
Le débat qui nous occupe ne porte donc pas sur le pourquoi mais sur le comment. D’autre part il suppose de maintenir un équilibre. Si vous considérez qu’en tant que ministre de l’éducation nationale je devrais négliger l’enjeu que représente la maîtrise du français par tous les enfants de France, je vous laisse à cette opinion. Mais c’est une question extrêmement sérieuse.
Comme je vous y invitais tout à l’heure, mettez-vous donc à la place d’un enfant dont la famille ne parle pas le français et qui va dans une école où la langue exclusivement parlée n’est pas le français. Quel sera l’avenir de cet enfant ? (Vives
M. Raphaël Schellenberger
C’est lamentable ! C’est du totalitarisme !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Si, chaque fois que l’on entre dans le concret, vous répondez qu’il s’agit de cas exceptionnels, alors ce n’est pas la peine d’adopter des postures sur le séparatisme. (Protestations
M. le président
Pardonnez-moi, monsieur le ministre, mais je dois intervenir.
Monsieur Schellenberger, depuis le début de la séance, vous êtes particulièrement agité. Je vais faire preuve d’indulgence car nous sommes encore à une heure matinale mais je vous demanderai d’être beaucoup plus calme et respectueux de la parole des autres, sinon je devrai procéder à un rappel à l’ordre. Cela vaut pour tous vos collègues.
Seul le ministre, qui présente son amendement, a la parole. Nous ne pourrons tolérer une telle attitude toute la journée. La dignité – dont il sera question à propos d’une autre discussion prévue ce jour – doit au moins prévaloir dans nos débats. (Applaudissements
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Je reprends mon propos en formulant le vœu de ne plus être interrompu comme je l’ai été.
Je veux que, premièrement, tous les enfants de France aillent à l’école, deuxièmement, qu’ils parlent le français – ces souhaits sont assez simples et n’ont rien de scandaleux – et, troisièmement, qu’il leur soit possible d’apprendre des langues régionales. Il me semble que nous pouvons nous entendre sur ces trois principes, qui ne sont pas contradictoires. C’est ce que j’ai dit dans mon propos introductif et c’est le sens de mes propositions.
Je respecte la position du député Molac et soutiens les langues régionales. L’ensemble de ma vie personnelle et professionnelle en témoigne. J’ai agi en faveur des langues régionales beaucoup plus que certains députés qui tiennent ici des discours enflammés. Je suis ému autant que vous lorsque je vois qu’une langue est menacée de disparition et je pense que, dans ce cas, il faut en effet la conforter.
Je suis totalement d’accord avec le député Ruffin lorsqu’il estime qu’il existe un problème de biodiversité des langues. Encore une fois, la question est celle du comment, certainement pas du pourquoi. Nous souhaitons tous, sur l’ensemble des bancs, promouvoir les langues régionales. Personne ne se prononcera contre ces langues, et certainement pas moi.
Par conséquent, ne faites pas preuve de manichéisme en prétendant que la proposition que nous formulons serait défavorable aux langues régionales. Je respecte le député Molac et comprends ses positions. Mais vous devez aussi comprendre que le ministre de l’éducation nationale doit veiller à ce que, sur le territoire de la République, tous les enfants de France aient non seulement le devoir mais aussi le droit d’apprendre le français.
L’article 2 ter répond-il à cette exigence ? Il est vrai qu’il faut commencer par examiner la situation au regard de la Constitution et du droit. Un député a affirmé que le Conseil d’État ne se référait pas à la Constitution. C’est faux. Dans les visas de son fameux arrêt de 2002, il a mentionné l’article 2 de la Constitution, ce qui est bien normal, car il était alors chargé d’examiner une mesure du ministère de l’éducation nationale de l’époque, visant à lancer, à travers différents méthodes, la généralisation d’un enseignement immersif. Le ministère s’était vu répondre qu’une telle mesure était contraire au principe qui découle de l’article 2 de la Constitution et selon lequel les enfants doivent apprendre le français.
L’objectif, aujourd’hui, n’est certainement pas de limiter les langues régionales. À cet égard, je veux répéter ce que j’ai dit lors de la présentation de ce débat : depuis 2017, le nombre d’élèves qui apprennent une langue régionale a augmenté. Nous avons donc progressé sur cette question, toute caricature est inutile. Nous devons cependant être conscients de l’effet qu’auront, demain, les mesures dont nous parlons aujourd’hui. Certes, elles n’auront pas de conséquence dans un, deux ou trois ans, mais pensons à ce qui pourrait se passer dans dix, quarante ou cinquante ans.
M. Fabien Di Filippo
Justement !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Lorsque nous prenons des décisions de ce type, nous devons aussi avoir une vision géopolitique de l’Europe actuelle. Vous avez raison de parler de la dimension historique d’une telle proposition de loi. Or, justement, je ne veux pas être celui qui aura joué un rôle historique en semant, en France, la graine d’un changement qui a déjà eu des conséquences assez néfastes dans d’autres pays d’Europe.
M. Raphaël Schellenberger
Les langues régionales sont donc néfastes !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
La position équilibrée que j’appelle de mes vœux va dans le sens de la promotion des langues régionales. Je souhaite que la proposition de loi de Paul Molac soit adoptée – je l’affirme bien volontiers aujourd’hui à l’Assemblée nationale comme je l’ai fait au Sénat –, mais non pas dans les termes actuels, car j’estime qu’elle va trop loin concernant l’enseignement immersif, une question qu’il faut prendre très au sérieux.
Tel est le sens de cet amendement de suppression, lequel n’empêche pas certaines pratiques qui ne me posent aucun problème – dans mon discours de présentation du texte, j’ai d’ailleurs rendu hommage à Diwan.
Je demande aussi à ce que l’équité en matière d’usage des fonds publics soit assurée : M. Lachaud a eu tout à fait raison d’appeler notre attention sur le sujet. Je n’irai pas jusqu’à refuser totalement de verser de l’argent public à ces établissements – car nous leur en distribuons –, mais il ne faut pas le faire de façon disproportionnée. Il n’est pas souhaitable que, grâce à de l’argent public, le taux d’encadrement soit bien plus favorable dans les écoles privées que dans les écoles publiques. La garantie de l’équité sur le territoire est une question qui relève également de la responsabilité du ministère de l’éducation nationale.
Au-delà de l’enjeu sociétal, ce débat représente donc aussi un enjeu social. D’une part, un enfant dont la famille ne parle pas le français à la maison – il est généralement issu d’un milieu défavorisé – ne pourrait pas aller dans un tel établissement.
M. Raphaël Schellenberger
C’est caricatural ! Ceux qui parlent des langues régionales seraient donc des gens défavorisés ? Quel mépris !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
D’autre part, la distribution des moyens pourrait être défavorable à l’enseignement public. Je suis désolé, mais je dois jouer un rôle de garant en prévenant ces risques. Je ne suis certainement pas opposé aux langues régionales. Nous allons continuer d’agir en leur faveur et même permettre à cette loi d’aboutir dans des termes qui soient satisfaisants. Nous devons cependant le faire en respectant le droit de chaque enfant de France d’aller à l’école et d’y apprendre le français.
M. le président
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l’amendement no 151.
M. Raphaël Schellenberger
C’est la connivence entre LaREM et FI !
M. Bastien Lachaud
Certains débats suscitent des réactions épidermiques, celui qui a trait aux langues régionales en fait partie. Dès lors que l’on n’est pas d’accord à 100 % avec vous, on passe pour les méchants qui voudraient réduire à néant les langues régionales. Halte-là !
Tous autant que vous êtes, lorsque vous avez été au pouvoir, vous avez voté des budgets de l’éducation nationale en baisse, réduit les moyens consacrés à l’éducation et diminué le nombre d’enseignants et donc de recrutements aux CAPES de langues, y compris régionales.
Par conséquent, lorsque vous annoncez la mise en place d’un enseignement par immersion sans en donner les moyens à l’éducation nationale, c’est encore du pipeau. Il vaudrait mieux augmenter les recrutements aux CAPES ou à l’agrégation de langues régionales pour permettre l’ouverture d’un nombre plus important d’options dans les collèges et dans les lycées. Ce serait réellement utile : vous défendriez ainsi vraiment les langues régionales et nous serions à vos côtés pour voter cette augmentation de budget. Or ce n’est pas ce que vous nous proposez.
Ce texte prévoit de l’immersion, alors que le bilinguisme existe déjà. Augmentons plutôt les moyens en faveur du bilinguisme et attendons de voir les effets produits avant d’opter immédiatement pour un enseignement par immersion, de plus contraire à la Constitution. En réalité, l’enjeu de cette proposition de loi est de renforcer la loi Carle en augmentant le financement public destiné aux établissements privés, et non de défendre les langues régionales. Ce serait mentir que de dire le contraire.
M. le président
La parole est à M. Sylvain Maillard, pour soutenir l’amendement no 239.
M. Sylvain Maillard
L’amendement de suppression de l’article 2 ter a été parfaitement défendu par M. le ministre. Cet article entre directement en contradiction avec l’article 2 de la Constitution qui dispose que le français est la langue de la République.
Moi qui ai la chance de pratiquer plusieurs langues, j’estime cependant qu’une telle mesure contribuerait à fragiliser l’apprentissage du français au sein de l’école de la République, lequel joue un rôle essentiel du point de vue de la promesse républicaine et de l’égalité des chances. (Protestations
M. Raphaël Schellenberger
Cela n’a rien à voir !
M. le président
La parole est à Mme Aurore Bergé, pour soutenir l’amendement no 249.
Mme Aurore Bergé
Il n’est pas question ici d’opposer l’apprentissage et la maîtrise de la langue française à la possibilité, qui doit exister, de faire vivre, comme l’a dit notre collègue Kerlogot, la biodiversité de nos langues régionales.
Notre majorité a beaucoup œuvré pour renforcer l’apprentissage des langues régionales. Mais l’article 2 ter, tel qu’il a été écrit, prévoit que cet enseignement doit se faire « sans préjudice de l’objectif d’une bonne connaissance de la langue française ». Nos enfants doivent certes avoir la possibilité d’apprendre des langues régionales mais ils méritent mieux qu’une « bonne connaissance de la langue française ». Il est nécessaire que chaque enfant, dans notre pays, acquière, dès son plus jeune âge, la maîtrise de notre langue, car c’est pour lui le meilleur facteur d’inclusion dans la République et d’émancipation.
Nous affirmons ce matin, avec le ministre, des principes simples : l’école est bonne pour les enfants, l’apprentissage de la langue française est pour eux une nécessité ainsi qu’un gage d’inclusion dans la République et d’émancipation. C’est la raison pour laquelle je soutiens la suppression de cet article, non pas parce que je m’opposerais à l’apprentissage des langues régionales mais pour garantir que celui-ci se fasse sans préjudice de l’exigence de maîtrise de la langue française.
M. le président
La parole est à Mme Géraldine Bannier, pour soutenir l’amendement no 294.
Mme Géraldine Bannier
J’entends de nombreuses remarques à tort et à travers mais je vous remercierai, chers collègues de me laisser m’exprimer car j’aime que les débats restent dignes. (« Oh ! »
Lors de mon intervention dans la discussion générale, j’ai rappelé qu’en France, dans 180 établissements, l’apprentissage des langues régionales est assuré selon la méthode de l’enseignement immersif. Ces écoles existent, elles sont dynamiques, mon collègue Bru a ainsi rappelé que 3 700 élèves apprennent la langue basque de cette manière.
Moi qui ai enseigné le français, je rappelle que, dans une école immersive, un élève apprend la langue régionale jusqu’en CE1 et qu’ensuite on lui enseigne forcément le français. Dès lors que l’on enseigne deux langues – la langue régionale et le français – nous pouvons parler de bilinguisme. Cela correspond donc à ce qui est déjà prévu dans l’article L. 312-10 du code de l’éducation, lequel dispose que la deuxième forme sous laquelle l’enseignement d’une langue régionale est possible est « un enseignement bilingue en langue française et en langue régionale ».
C’est tout simplement pour cette raison que je ne voterai pas en faveur de l’insertion d’une mention relative à l’enseignement immersif dans l’article 2 ter. Il faut selon moi garantir un enseignement dans les deux langues à l’école primaire.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul Molac, rapporteur
Nous parlons d’un enseignement facultatif qui reste à la main des parents et des enseignants. (Applaudissements
S’agissant de l’enseignement immersif, j’ai déjà expliqué que le Conseil constitutionnel a estimé, d’une part, qu’il ne doit pas être obligatoire et, d’autre part, que les enfants concernés doivent avoir un bon niveau de français, ce qui renvoie au socle commun.
Ces deux exigences sont-elles respectées par les écoles associatives où cette méthode est pratiquée sous sa forme la plus avancée ? Oui. Le niveau de français y est supérieur à la moyenne. Je ne saurais dire mieux ! Dès lors, pourquoi s’inquiéter ? (Applaudissements
M. Paul Molac, rapporteur
M. le ministre me rétorque que ces familles appartiennent aux catégories socioprofessionnelles supérieures, les CSP « plus plus », mais il n’est pas le premier : quand j’ai téléphoné à l’Office public de la langue basque pour savoir si c’était cette catégorie qui choisissait l’enseignement du basque, on m’a répondu que c’était l’inverse, que les CSP plus plus voulaient de l’anglais en immersion et que le basque ne les intéressait pas trop. (Applaudissements
M. Guillaume Garot
Eh oui !
M. Paul Molac, rapporteur
Ce sont bien les gens du cru, les milieux moins favorisés, qui choisissent cette langue pour leurs enfants, et ceux-ci ont un niveau de français meilleur que les autres. N’ayons donc vraiment pas peur.
Et puis, pour ceux qui auraient encore peur malgré tout, je rappelle que les limites à l’immersion seront fixées par le ministre de l’éducation nationale avec les personnels chargés de les appliquer – les conseillers pédagogiques, les inspecteurs d’académie-inspecteurs pédagogiques régionaux et bien sûr les enseignants –, mais aussi avec les parents et les élus concernés, comme au Pays basque. La méthode immersive pour l’enseignement public reste à définir. Il n’est bien sûr pas question ici d’imposer un modèle à l’éducation nationale. Cet article indique seulement, monsieur le ministre, que vous pouvez faire plus qu’une immersion à 50 % du temps scolaire comme vous en avez décidé actuellement, un point c’est tout, et il restera après à en déterminer les limites. Je conclurai en rappelant la jurisprudence du Conseil constitutionnel en la matière, peu nourrie mais claire : pas d’obligation d’immersion ni pour les enseignants ni pour les enfants. (Applaudissements
M. le président
Mes chers collègues, conformément à mon interprétation stricte du règlement, que je vous ai indiquée, je ne donnerai pas la parole à plus de dix intervenants sur ces amendements de suppression, de telle sorte que toutes les opinions pourront malgré tout s’exprimer.
M. Raphaël Schellenberger
Rappel au règlement !
M. le président
Sur le fondement de quel article, monsieur Schellenberger ?
M. Raphaël Schellenberger
Je demande la parole sur le fondement de l’article 58, non pas pour un seul mais pour deux faits personnels.
Tout d’abord, M. le ministre a suggéré que ne parlant pas le français quand je suis entré à l’école de la République parce que mes parents et mes grands-parents avaient décidé de m’apprendre l’alsacien, je serais un séparatiste. Non, monsieur le ministre, je ne suis pas un séparatiste ! (Applaudissements
Quant à Mme Bannier, qui en appelle à la dignité – ses propos font écho aux vôtres, monsieur le président –, elle me semble mettre en cause les bancs de notre groupe… Non, madame Bannier, ce n’est pas parce que les débats sont agités que nous en perdons pour autant notre dignité ! Nous défendons notre identité, notre histoire et notre culture, nous le faisons avec force et passion, et avec dignité ! (Mêmes
M. Bastien Lachaud
Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. le président
Je note que ce que vous avez qualifié de rappel au règlement n’en était pas un et je considère qu’il ne s’agissait pas non plus d’un fait personnel. Vous avez simplement contesté la position du ministre, en exprimant votre point de vue.
La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur
Tout d’abord, je souligne que cet article est le cœur du texte et je me réjouis que nombreux soient les députés sensibilisés aux langues régionales : on n’a jamais vu autant de monde dans l’hémicycle pour en débattre. Certains viennent par conviction, d’autres par obéissance, n’est-ce pas ? (Protestations
Monsieur le ministre, j’ai été très surpris du propos que vous venez de tenir et qui a heurté notre collègue Raphaël Schellenberger, et je le suis d’autant plus que j’ai la conviction que vous êtes partagé sur cette question. Au fond de vous, il y a un cœur (Mouvements
M. Rémy Rebeyrotte
Un peu de mesure, monsieur Le Fur !
M. Marc Le Fur
Chez vous, c’est l’uniformité, le jacobinisme, le refus des différences, le refus de la singularité ; donc à l’évidence les langues régionales gênent votre nuque ! Eh bien, faites un effort ! Je sais qu’en Guyane, vous avez agi, j’en ai eu des témoignages. Nous vous demandons d’évoluer sur cette question car si votre amendement passe, il ne restera rien ou si peu du texte de notre collègue Molac. Transpartisans quand il s’agit d’aller vers l’essentiel, nous sommes rassemblés autour de ce qui parle à nos cœurs, à nos sensibilités, à nos origines, rassemblés pour défendre cette proposition de loi. Sachez respecter cela, ne nous traitez pas par le mépris – je sais que vous ne tombez pas dans les excès du garde des sceaux –, soyez compréhensif et admettez que ce soit important pour nous. Il s’agit du devenir de langues, de celui d’un patrimoine : le patrimoine de la France ! (Applaudissements
M. le président
La parole est à Mme Liliana Tanguy.
Mme Liliana Tanguy
Je rappelle à mon tour que les langues régionales appartiennent au patrimoine culturel français et que la diversité linguistique est une richesse pour la France. Le sujet de l’immersion est un faux problème : j’estime beaucoup mon collègue Sylvain Maillard, mais son argument selon lequel il y aurait un risque pour l’apprentissage du français et donc pour l’émancipation et l’égalité des chances ne tient pas, il est contredit par les faits. Les enfants qui apprennent des langues régionales sont particulièrement ouverts aux échanges culturels et au multilinguisme, et sont aussi, comme l’a dit M. le rapporteur, en réussite scolaire – en témoignent leurs très bons résultats au bac, en particulier dans l’académie de Rennes pour les enfants scolarisés dans les écoles Diwan. L’enseignement en immersion ne nuit en rien, bien au contraire, à la maîtrise du français et à l’exercice de la citoyenneté française.
Je veux vous faire part de mon expérience personnelle : j’ai vécu en immersion totale dans ma langue maternelle jusqu’à l’âge de 5 ans et suivi un enseignement bilingue jusqu’à l’âge de 14 ans ; je suis la preuve qu’on peut avoir grandi en immersion et devenir une représentante de la nation française. (Applaudissements
Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas ces amendements de suppression.
M. le président
La parole est à M. Pascal Brindeau.
M. Pascal Brindeau
Monsieur le ministre, personne ne remet en cause la promesse républicaine d’apprentissage du français pour tous nos enfants, elle fait l’unanimité sur tous les bancs. On pourrait d’ailleurs débattre à souhait de votre bilan dans ce domaine, mais ce n’est pas la question du jour. Je ne comprends pas, alors que vous avez déclaré ne pas vouloir tomber dans la caricature, comment vous avez pu, dans la défense de l’amendement de suppression du Gouvernement, opposer les partisans de la langue française et ceux des langues régionales, qui seraient séparatistes. C’est absolument faux. Paul Molac, lorsqu’il a expliqué le pourquoi de sa proposition de loi, a d’ailleurs pris soin de démontrer que la méthode immersive ne nuit pas à l’apprentissage de la langue française et que, bien au contraire, elle peut avoir des effets positifs sur celui-ci.
Il ne s’agit pas de discuter d’un principe mais de son application ; vous-même avez dit qu’il s’agissait de débattre non pas du pourquoi mais du comment. Vous voyez bien que la question des modalités fait sinon l’unanimité, en tout cas un consensus transpartisan. Votre responsabilité de ministre de l’éducation nationale, c’est de permettre la mise en œuvre de l’enseignement immersif. (Applaudissements
M. le président
La parole est à M. Erwan Balanant.
M. Erwan Balanant
Mes chers collègues, je vais vous parler de deux personnes qui me sont très chères : mon père et ma fille. La langue maternelle de mon père était le breton et quand – à 7 ans, je crois – il est arrivé à l’école de la République, comme M. Schellenberger, il ne parlait pas le français. Il a alors été, à sa façon, en immersion. Quant à ma fille, j’ai fait le choix de l’inscrire dans une école Diwan ; elle parlait le français à la maison et a appris le breton dans cette école en pratiquant, elle aussi, l’immersion. On sait aujourd’hui que c’est la meilleure méthode pour apprendre une langue et qui ne nuit jamais à la langue d’origine ; elle la fortifie, la construit et la structure. (Applaudissements
Mon père est devenu professeur de français, puis a travaillé à la direction de l’équipement ; il a été maire de sa commune. Aujourd’hui, il parle toujours le breton mais, hélas, plus avec grand monde. Car même si des efforts sont faits, cette langue est en train de disparaître. La République française a été capable de préserver ses vignobles, de créer des labels pour protéger sa production alimentaire, et elle ne serait pas capable de protéger ses langues ?
M. Raphaël Schellenberger
Bravo !
M. Erwan Balanant
Pour moi, il y a quelque chose qui ne va pas. Je sais, monsieur le ministre, parce qu’on en a parlé, que vous aimez les langues bretonnes et l’ensemble des langues régionales. Faites le choix de rendre l’immersion possible parce que c’est la meilleure façon de sauver nos langues, ce trésor patrimonial que nous chérissons tous ! (Applaudissements
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Mörch.
Mme Sandrine Mörch
Comme souvent, je vais me référer à mes trente ans d’expérience de journaliste, au cours desquels j’ai arpenté en long et en large, dans ses moindres recoins, notre territoire : j’ai vu au fur et à mesure s’étioler, voire disparaître, nos villages Renaissance, nos produits gustatifs, nos champs, nos danses, nos paysans et la colonne vertébrale de tout cela, à savoir la langue locale. Beaucoup la redécouvrent aujourd’hui, non pas, hélas, parce qu’ils auraient écouté leurs vieux, mais parce qu’ils sentent qu’il y a là une source vivante qui peut contrebalancer leur déracinement. L’état de notre soi-disant petit patrimoine est pitoyable, on l’a complètement laissé dépérir. Et aujourd’hui, ce sont des racines que l’on cherche désespérément à recréer, ce sont des ancrages que beaucoup, y compris des jeunes en perdition, en manque de sens, en manque de famille au sens large, tentent de trouver en revenant dans ces territoires à l’abandon.
Les langues régionales sont une véritable source de joie partagée et régénérante, chose non négligeable par les temps qui courent. Comment croyez-vous que les personnes âgées qui sont confinées toute l’année – pas uniquement pendant le covid – dans leur village ou dans leur maison isolée tiennent bon, sinon grâce à leur culture commune et grâce à leur langue ? Je rappelle aussi qu’en Occitanie, les calendrettes permettent de lutter contre le repli car si tous les élèves n’y sont pas d’origine occitane, bien au contraire, elles leur offrent un ancrage commun, antidote au racisme et à l’enfermement.
Certains visionnaires ont consacré leur vie à collecter ce trésor national que sont les expressions, les tournures, les non-dits, les chants, la musique, la danse, et le jour où quelqu’un – un média, par exemple – s’y intéressera, ce sera jubilatoire pour nous tous… mais peut-être trop tard.
C’est un grand jour pour les amoureux et les défenseurs de ces langues si fragiles, un grand jour pour tous leurs pratiquants dans nos territoires. Mais ces langues n’ont pas d’avenir sans une réelle volonté politique et journalistique, car tenues à l’écart des médias nationaux depuis au moins l’ORTF ou maintenues dans de petites niches, elles ne sauraient rivaliser avec le français – qui disparaîtra un jour de la même manière dans le reste du monde. C’est pourquoi il est nécessaire de faire un effort symbolique en valorisant ces langues dans tous les territoires et en affirmant une volonté de préserver ces richesses culturelles.
M. le président
La parole est à Mme Cécile Rilhac.
Mme Cécile Rilhac
Dans l’hémicycle, tout le monde reconnaît l’importance des langues régionales, non seulement dans l’hexagone, mais aussi dans les outre-mer. Cependant, l’inscription de la méthode immersive dans la loi ne me semble pas nécessaire. Je rappelle ce qu’a dit le rapporteur : la principale volonté du texte adopté en première lecture consistait à augmenter le pourcentage de l’enseignement des langues étrangères et régionales afin d’encourager le bilinguisme. Cela relève du domaine réglementaire.
Dans ce texte figure un nouvel article, sur lequel nous nous prononcerons tout à l’heure : l’article 3, qui permet de trouver un juste équilibre. Il vise en effet à intégrer l’enseignement des langues régionales parmi les enseignements obligatoires, de manière à ce qu’il ne soit plus facultatif. Pour conserver l’équilibre du texte, il est nécessaire de supprimer l’article 2 ter ; cela permettra d’adopter cette proposition de loi dans le respect des langues régionales, qui sont très importantes pour le patrimoine.
M. Aurélien Pradié
Ça, c’est de la langue de bois !
M. le président
Au fil de la discussion, certains d’entre vous souhaitent s’inscrire pour prendre la parole, mais je vous ai indiqué vouloir respecter les règles fixées par le règlement, tout en essayant de faire vivre la diversité des opinions. Je ne prendrai donc pas d’autres interventions que celles déjà notées ; il ne sert à rien de m’envoyer des messages, je ne dévierai pas de la règle.
La parole est à M. Alain Perea.
M. Alain Perea
Tout d’abord, même si j’ai un grand respect pour la Constitution et la langue française, je rappelle qu’en 1914, lorsqu’il a fallu défendre la France, la majorité des hommes ne parlaient pas le français, mais le breton, l’occitan ou d’autres langues. (Applaudissements nourris
Étant moi-même fils d’immigrés, je souhaite revenir sur l’argument avancé par les auteurs des amendements de suppression, selon lequel on n’aurait point de chance si on ne parle pas bien le français. Comment pourrait-on faire passer un tel message à tous ceux qui continuent d’arriver en France et d’y vivre en immersion, alors que leurs parents parlent une langue étrangère ? Comment pourrait-on leur dire : « Puisque vos parents ne parlent pas français à la maison, vous n’aurez aucune chance » ? (Mêmes
Tout ce qui a été dit sur l’immersion d’un point de vue théorique est avéré ; je n’y reviendrai pas, le rapporteur l’a dit à plusieurs reprises. En Occitanie, ceux qui parlent l’occitan font souvent référence, au travers de petites phrases, à la sagesse populaire. Celle-ci souligne que c’est par l’immersion – même s’ils n’en parlent pas en ces termes –, c’est-à-dire par la pratique quotidienne, que l’on apprend vraiment une langue. Nous avons besoin de nous rapprocher de cette sagesse populaire plutôt que de nous en couper en votant en faveur d’amendements opposés à l’immersion. (Mêmes
M. le président
La parole est à M. Frédéric Reiss.
M. Frédéric Reiss
Le Président de la République s’est engagé à pérenniser le développement des langues régionales, qui font la force de nos régions. Monsieur le ministre, vous vous faites le chantre des langues régionales, que l’UNESCO a classées comme étant en grand danger d’extinction. Aussi faites-vous fausse route ; certains collègues ont déjà livré des témoignages prouvant que l’enseignement immersif n’est pas un obstacle à l’apprentissage et à la maîtrise du français. Je fais partie de la génération d’Alsaciens qui a appris le français à partir du cours préparatoire de l’école de la République. Je peux vous assurer que l’enseignement immersif ne doit pas effaroucher ceux qui prônent la bonne maîtrise de la langue française.
Un député du groupe LR
Bravo !
M. Frédéric Reiss
Le rapporteur a raison lorsqu’il fait référence aux bons résultats scolaires, notamment en français, des élèves pratiquant des langues régionales. Monsieur le président de la commission, cher Bruno Studer, vous en êtes convaincu aussi, puisque vous n’avez pas voté pour la suppression de l’article 2 ter
Monsieur le ministre, les langues régionales ne sont pas comme la pile Wonder : elles ne s’usent que si l’on ne s’en sert pas ! (Applaudissements
M. le président
La parole est à M. Gaël Le Bohec.
M. Gaël Le Bohec
Monsieur le ministre l’a laissé entendre, ainsi que M. Lachaud : pratiquer les langues régionales pourrait porter préjudice à la connaissance de la langue française. C’est totalement erroné, les chiffres le montrent. Nous avons pourtant entendu, monsieur Lachaud, votre collègue François Rufin prôner la pratique du picard, avec engagement et véhémence. Je lui rappellerai amicalement qu’il peut ne pas être cosignataire de vos amendements s’il ne souhaite pas la suppression de l’article 2 ter.
Dans la continuité des propos de M. Molac, je souhaite donner des exemples issus du site internet de l’éducation nationale, où figure le logo « Pour une école de la confiance ». Le Breton que je suis va défendre la langue basque et l’ensemble des langues régionales. Voici les résultats des évaluations de CP et de CE1 des enfants ayant suivi l’expérimentation 100 % basque à l’école maternelle : en CP, leurs résultats en français ne montrent pas de retard et se révèlent même meilleurs ; en mathématiques, ces élèves ont également une meilleure réussite. Ce sont des résultats officiels, publiés sur le site internet de l’éducation nationale.
Pour cette raison, pour donner aux enfants une extraordinaire ouverture au monde et aux langues régionales, pour leur permettre d’être fiers de faire nation au travers de ces langues, je voterai contre les amendements de suppression. Je terminerai avec ces mots : « kelennomp, war raok » ; enseignons, avançons !
M. Bastien Lachaud
Je souhaite faire un rappel au règlement !
M. le président
Nous vous écoutons, monsieur Lachaud.
M. Bastien Lachaud
Je me fonde sur l’article 58 : rappel au règlement pour fait personnel.
Je tiens à signaler à notre collègue que les propos de François Ruffin, s’il les écoute bien, ne déviaient en rien de ce que j’ai pu dire. Nous défendons les langues régionales, mais en aucun cas l’immersion.
À ce sujet, je suis curieux de découvrir comment le Conseil constitutionnel lira ce texte. Il y a quelques mois, lors du débat sur le projet de loi confortant le respect des principes de la République, cette assemblée a adopté un amendement interdisant que l’enseignement en famille se fasse à plus de 50 % dans une langue qui n’est pas le français. Aujourd’hui, nous voterions le contraire ? Il y a là quelque chose de totalement incohérent ! (Protestations
M. le président
Il est pris bonne note de votre « rappel au règlement », qui relève autant de cette catégorie que celui de M. Schellenberger tout à l’heure, c’est dire !
M. Raphaël Schellenberger
Il est beaucoup moins bien !
M. le président
La parole est à M. Philippe Naillet.
M. Philippe Naillet
Je viens d’un territoire, La Réunion, où pendant des décennies, on nous a expliqué que parler créole était une mauvaise chose ; la seule langue, celle de la réussite, était le français. En discriminant la langue créole, on nous a amputés d’une partie de nous-mêmes. Les conséquences dans la société sont toujours visibles : le taux d’illettrisme à La Réunion est de 21 %, contre 7 % dans l’hexagone.
Heureusement, les choses ont changé. Dans toutes les classes où le bilinguisme est pratiqué, où l’accueil se fait en créole, les résultats sont meilleurs et les enfants réunionnais parlent mieux le français. (Applaudissements
Monsieur le ministre, il faut aller plus loin et donner des moyens, parce que même si les choses avancent, à La Réunion, nous sommes toujours à la traîne s’agissant des classes bilingues. Il ne faut pas avoir peur des langues régionales. La République française est grande quand elle accepte la diversité. (Mêmes
M. le président
La parole est à M. Christophe Euzet.
M. Christophe Euzet
Il ne faudrait pas réduire le débat à une opposition brutale entre les partisans et les opposants farouches des langues régionales. Il existe une multitude de positions intermédiaires susceptibles d’être défendues. Je voudrais vous faire part de l’opinion du groupe Agir ensemble à cet égard. D’une part, nous avons le sentiment que l’enseignement immersif est un moyen d’acquisition des langues tout à fait intéressant et pertinent. Il serait préjudiciable pour la République de renoncer à cette perspective, car ce serait renoncer à la revivification des langues régionales. D’autre part, on ne peut pas être insensible au discours tenu par le ministre de l’éducation nationale, qui rappelle que la maîtrise du français est un élément essentiel dans le cadre de la République et l’une des missions centrales de l’éducation nationale.
En matière de législation, il faut distinguer ce que l’on souhaite faire et ce que l’on fait en gravant une disposition dans le marbre de la loi. S’agissant du texte de Paul Molac, que nous soutenons globalement, nous défendons la généralisation de l’enseignement en langue régionale, à condition que cela ne porte pas préjudice à la maîtrise de la langue française, dont la Constitution souligne l’importance. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre les amendements de suppression. En revanche, nous proposerons dans un instant un amendement visant à remplacer le terme « connaissance » par celui de « maîtrise », ce qui nous paraît être une bonne solution intermédiaire entre les deux visions. (Applaudissements
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Je commencerai par redire que nous sommes favorables au développement des langues régionales ; il n’y a pas d’un côté les partisans, et de l’autre les adversaires. Je suis favorable à une « loi Molac » de promotion des langues régionales, mais nous avons néanmoins le droit d’être très attentifs aux modalités de cette promotion. Je ne dis pas cela à partir de rien : depuis 2017, le bilan en la matière – qui s’inscrit d’ailleurs dans la continuité d’autres bilans – est positif. Plus d’élèves apprennent des langues régionales. De grâce, contrairement à de précédents débats, ne caricaturons pas les choses. Dans la presse, certains m’ont dépeint en adversaire des langues régionales. Je le dis très solennellement, même si c’est en partie vain : ce n’est pas le cas. Nous continuerons, bien entendu, à promouvoir les langues régionales ; c’est le sens de la politique de l’éducation nationale.
La seule question qui se pose est la suivante : l’immersion est-elle la bonne approche ? Je voudrais revenir sur différents points, y compris à la lumière de certains de vos propos.
Monsieur Le Fur, vous expliquez que vous parliez breton à la maison et que vous avez appris le français à l’école de la République : vous apportez de l’eau à mon moulin ! (Protestations
M. Erwan Balanant
Mais non, c’était il y a cinquante ans !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Historiquement, les choses se sont inversées : la véritable immersion, c’est évidemment la langue que l’on parle en famille. Tout le monde est libre de parler breton en famille, par exemple, cela va de soi. Avant la guerre de 1914, à une époque totalement différente de la nôtre, on forçait les enfants à ne pas parler leur langue familiale ; on avait eu tort de le faire. Aujourd’hui, la situation est inversée : on ne parle pas le breton en famille et on veut qu’il soit appris à l’école. Notre raisonnement doit donc changer.
Il est tout à fait exact de dire qu’on parlait breton ou occitan à Verdun, qu’on se battait pour la France tout en étant de langue maternelle régionale. Mais justement, ces soldats étaient allés à l’école de la République, où ils avaient appris le français ; même si c’était une sorte de deuxième langue, on aimait la France grâce à elle. En réalité, tout ce que vous avez dit, les uns et les autres, conforte ma proposition de suppression de l’article 2 ter. Vous prenez des exemples historiques qui montrent bien le rôle fondamental de l’école pour la consolidation de la République.
Il s’agit de savoir si l’immersion doit être consacrée pour promouvoir les langues régionales. Encore une fois, les exemples pédagogiques que vous avez cités montrent que le plus efficace est d’adopter une répartition 50/50. D’ailleurs les écoles qui enseignent les langues étrangères le savent très bien et s’organisent ainsi. Je ne vois pas pourquoi on pousserait le bouchon jusqu’à refuser le français dans telle ou telle discipline.
Ce n’est pas votre cas, je ne vous fais pas ce procès, mais certains défendent ce dispositif avec des arrière-pensées ; ils sauront se saisir d’un tel outil. Il faut garder une conscience historique et géopolitique de la situation européenne au moment de prendre de semblables décisions. Ne doutez pas de ma bonne foi – je ne doute pas de la vôtre.
Vous avez un cœur, monsieur Le Fur, je ne mets pas son existence en question une seconde…,
M. Alexis Corbière
Oh, ce n’est pas sûr !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
…pas plus que je ne mets en cause votre nuque. Vous m’avez reproché d’avoir la nuque raide, je le prends comme un compliment : un ministre chargé de l’éducation nationale doit parfois avoir la nuque raide. D’ailleurs, lorsque vous êtes d’accord avec moi, il vous arrive de trouver que c’est une qualité. En effet, c’est quelquefois nécessaire pour défendre l’école de la République et l’avenir de nos enfants.
Oui, vos arguments affermissent ma position : demain, nous aurons besoin d’une école qui fasse une meilleure place aux langues régionales. Je le dis très clairement, il s’agit d’une position officielle. Celle du Président de la République à ce sujet est d’ailleurs très claire. Oui, nous voulons la promotion des langues régionales ; oui, des méthodes semi-immersives peuvent être employées – c’est déjà le cas ; oui, des expérimentations sont possibles, et j’ai dit tout à l’heure tout le bien que je pensais des écoles Diwan. Cependant je ne veux pas une « diwanisation » du système, ni une universalisation de l’immersion.
M. Raphaël Schellenberger
Ce n’est pas ce qui est proposé !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Bien sûr que si ! Il existera des groupes toujours plus actifs et attractifs. Cela explique certaines réussites : de nombreux acteurs déploient beaucoup d’énergie pour ces écoles. Les parents concernés sont très attentifs à l’éducation que leurs enfants reçoivent – j’ai étudié ce sujet de près. D’autres questions sont mélangées : la situation des Amérindiens de Guyane est différente de celle des enfants de personnes très instruites du Pays basque. Il faut être juste et mesuré pour aborder ces questions, et éviter de perdre l’enjeu… (M. Raphaël
M. Sylvain Maillard
Mais oui !
M. Fabien Di Filippo
Parisianisme !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Ne vous inquiétez pas, dans certains quartiers de Paris, vous trouverez beaucoup de gens d’accord avec vous ! Il s’agit de défendre l’avenir des enfants, non à court terme, car il ne se passera rien de grave dans les deux ou trois prochaines années – nous y veillerons –, mais à long terme. Quel équilibre scolaire instaurons-nous ? Ne nous divisons pas inutilement, défendons une loi de promotion des langues régionales. Je prends l’engagement d’y concourir, même si cela implique d’entendre des critiques comme celles qui me sont adressées, notamment à propos des options au lycée.
Néanmoins, derrière le choix de l’immersion se trouve une graine que je ne veux pas voir plantée. Voulons-nous que tous les enfants aillent à l’école et apprennent le français, dans un cadre général de respect des valeurs de la République ? Nous avons une responsabilité devant l’histoire. Nous pouvons promouvoir les langues régionales sans approuver l’immersion que l’article 2 ter
M. Raphaël Schellenberger
Les langues régionales, ce n’est pas une brochure touristique !
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 305, 151, 239, 249 et 294.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 315
Nombre de suffrages exprimés 299
Majorité absolue 150
Pour l’adoption 111
Contre 188
(Les amendements identiques nos 305, 151, 239, 249 et 294 ne sont pas adoptés.)
(Les
M. le président
Il s’agit d’un vote sur un amendement, même si je me réjouis que le résultat suscite une si vive réaction. Nous allons poursuivre la discussion avec autant de participation et de passion.
La parole est à M. Pacôme Rupin, pour soutenir l’amendement no 269.
M. Pacôme Rupin
L’article L. 312-10 du code de l’éducation autorise l’enseignement facultatif des langues régionales sous deux formes : un enseignement de la langue et de la culture régionales ; un enseignement bilingue en langue française et en langue régionale. L’article 2 ter
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul Molac, rapporteur
L’amendement est totalement satisfait. Comme je l’ai souligné précédemment, le Conseil constitutionnel a bien expliqué que les enfants devaient acquérir les compétences du socle commun, notamment une bonne connaissance du français. Je le répète : la proposition de loi que je défends s’inscrit dans ce cadre. Il n’est pas question de remettre en cause la Constitution, ni cette interprétation du Conseil constitutionnel. Je vous demande donc de retirer l’amendement, à défaut l’avis sera défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Cette proposition est très intéressante, elle renvoie au débat que nous venons d’avoir. Après le résultat du vote précédent, il est d’autant plus important de nous assurer de la maîtrise du français. L’amendement va dans le bon sens. Avis favorable.
M. le président
La parole est à Mme Stéphanie Atger.
Mme Stéphanie Atger
L’amendement de mon collègue Rupin donne un cadre à l’article 2 ter, son adoption nous permettrait de poursuivre le débat dans la bonne direction. Nous le voterons donc.
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo.
M. Fabien Di Filippo
L’amendement montre l’ambiguïté du dispositif voulu par M. Molac, que je regrette.
Je regrette également que M. le ministre n’ait pas été plus clair dans ses propos. Mes collègues et moi nous sommes sentis insultés par ses sous-entendus et ses amalgames avec le séparatisme. Quel est ce risque dont vous parlez, monsieur le ministre, que sont ces germes néfastes ? M. Molac défend un patrimoine culturel dont l’enseignement enrichit les jeunes et améliore les résultats scolaires ; ne confondez pas cette réalité avec d’autres expériences de l’enseignement des langues étrangères. Si vous faites l’amalgame, vous devez l’expliciter.
La transmission d’un héritage culturel est plus que jamais nécessaire et l’école doit y participer, dès le plus jeune âge. En effet, c’est à ce moment-là que l’enfant, comme une éponge, absorbe tout : langue maternelle, régionale, française.
La langue française rencontre deux problèmes et l’enseignement immersif à l’école n’en fait certainement pas partie. Le premier est la novlangue Twitter, universaliste et inclusive, qui entraîne une véritable paupérisation linguistique et culturelle de notre pays – il faut y faire attention. Le second est le dialecte anglais, toujours plus présent, jusque sur nos cartes d’identité, selon une décision du Gouvernement. C’est une vraie menace pour la langue française. Cela porte en germe des conséquences néfastes, pas celles auxquelles vous faisiez allusion, mais un certain affaiblissement de la notion de nation qui nous unit tous ici, quelles que soient nos cultures régionales et nos origines. (Applaudissements
M. le président
Je précise que si cet amendement était adopté, les amendements nos 90 à 212 deviendraient sans objet.
(L’amendement no 269 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de huit amendements identiques, nos 4, 33, 52, 74, 118, 141, 176 et 211.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 4.
M. Marc Le Fur
Nous nous réjouissons du résultat du dernier scrutin public, et nous savons que les députés du groupe Les Républicains ne sont pas seuls dans ce cas. Cette mesure est importante : l’immersion est reconnue dans les lois de la République comme une méthode pédagogique pertinente, efficace et respectueuse des institutions, et c’est très bien.
Nous devons élargir ce débat concernant les langues aux cultures régionales dans leur ensemble. La culture régionale est ce qui permet à un enfant de connaître son territoire – sa géographie, sa culture, son histoire. La Bretagne a une histoire singulière, comme l’Alsace. On sait que l’Alsace a été très atteinte par la guerre de Trente Ans, laquelle a épargné d’autres régions françaises : il faut que les Alsaciens connaissent leur histoire et leur géographie, leur culture. Il faut qu’ils soient fiers d’eux-mêmes : un peuple fier de lui est capable d’affronter le monde, tandis qu’en se minorant, on éprouve des difficultés à le faire.
Je sais que notre idée ne pourra peut-être pas prospérer à l’occasion de ce texte, mais elle doit être sur la table. Nous ne nous battons pas seulement pour les langues, mais pour des cultures. Les cultures de France sont plurielles, et toutes sont respectables. Ce que je dis vaut pour la métropole, mais plus encore peut-être pour l’outre-mer. Nos compatriotes d’outre-mer sont de bons Français, tout en étant de bons Martiniquais et de bons Guadeloupéens, par exemple. Leur histoire aussi doit être prise en considération.
Notre souci est d’avoir un vrai débat afin de nous préparer à l’examen de lois futures. Je retire donc cet amendement.
(L’amendement no 4 est retiré.)
M. le président
Ayons donc ce vrai débat, sur ce sujet comme sur les autres.
La parole est à M. Yves Hemedinger, pour soutenir l’amendement no 33.
M. Yves Hemedinger
Je me réjouis aussi que l’amendement gouvernemental n’ait pas été adopté. Il s’agit d’une première avancée. L’enseignement en immersion est une vraie réussite, nous devons le soutenir.
Le présent amendement vise à intégrer la culture régionale dans l’enseignement de la langue. Les deux sont intimement liées et constituent des boussoles indispensables à nos identités régionales, auxquelles nous sommes évidemment très attachés. J’exhorte donc nos collègues à adopter le texte du Sénat, afin que cette proposition de loi constitue enfin une véritable avancée historique dans une France, monsieur le ministre, non pas séparatiste, mais riche et forte de ses diversités. Votre formulation était vraiment malheureuse. On nous a enlevé nos régions, laissez-nous nos langues !
Je retire l’amendement.
(L’amendement no 33 est retiré.)
M. le président
Si vous souhaitez retirer vos amendements, dites-le avant de prendre la parole, le débat sera plus rapide et plus lisible. Il s’agit d’amendements identiques issus du même groupe : en vertu des modifications apportées à notre règlement, on pourrait imaginer ne donner la parole pour les défendre qu’à un seul orateur.
Monsieur Xavier Breton, oui ou non, retirez-vous l’amendement no 52 ?
M. Xavier Breton
Nous avions déposé ces amendements pour insister sur la nécessité…
M. le président
Je vous demande s’il est retiré !
M. Xavier Breton
Je suis en train de le défendre !
M. le président
Est-il retiré ?
M. Xavier Breton
À l’instant, il ne l’est pas !
M. Rémy Rebeyrotte
C’est la caricature de l’obstruction !
M. Xavier Breton
Il s’agit de poser la question du lien qui unit langue et culture. Selon le sociologue Louis Porcher, « toute langue véhicule avec elle une culture dont elle est à la fois la productrice et le produit ». Elle en est la productrice parce qu’une partie de la culture se construit par la langue – la littérature notamment –, même si d’autres arts, comme la peinture ou la sculpture, n’utilisent pas les mots ; d’un autre côté, elle est aussi le produit de cette culture. Il est donc important de lier les deux, c’est pourquoi nous voulions ouvrir ce débat.
Néanmoins, nous avons également le souci de voir cette proposition de loi adoptée selon un texte conforme à celui du Sénat. Je retire donc l’amendement.
(L’amendement no 52 est retiré.)
M. le président
J’imagine que les amendements identiques nos 74 de M. Frédéric Reiss, 118 de M. Thibault Bazin, 141 de M. Raphaël Schellenberger et 176 de Mme Laurence Trastour-Isnart vont subir le même sort. Ils ne sont pas retirés ? Ils sont défendus.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 211 – sauf bien sûr si vous souhaitez le retirer, madame Ménard.
Mme Emmanuelle Ménard
Je veux bien prendre la parole.
L’apprentissage des langues régionales ne saurait se faire indépendamment de l’enseignement de la culture régionale. J’ai déjà évoqué, à cet égard, l’occitan et les troubadours. Il est extrêmement important que nos enfants, lorsqu’ils apprennent la langue occitane, puissent également appréhender tout ce qui fait partie intégrante de la culture régionale en Occitanie, dont les troubadours.
Quant au fait de savoir si je retire ou non mon amendement, monsieur le président, je souhaite connaître au préalable l’avis du rapporteur. Souhaite-t-il voir nos amendements retirés, et le cas échéant pourquoi ?
M. le président
Je précise, madame Ménard, que, puisque vous n’appartenez à aucun groupe, vous aviez toute liberté de défendre votre amendement. Il s’est avéré que tous les députés du groupe Les Républicains ayant déposé des amendements identiques avaient la même position, et, aux termes de notre règlement, un orateur seul peut défendre l’ensemble.
M. Raphaël Schellenberger
Monsieur le président, je veux faire un rappel au règlement !
M. le président
Monsieur Schellenberger, vous le ferez plus tard.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul Molac, rapporteur
Je vous remercie, chers collègues, pour vos différents amendements, mais j’aimerais que l’on accélère un peu le rythme, pour avoir le temps d’aborder la question, très importante, du forfait scolaire. Vos amendements relatifs à la culture régionale sont, bien sûr, importants, mais l’article 2 ter
M. Raphaël Schellenberger
Monsieur le président !
M. le président
Monsieur Schellenberger, allez-vous enfin rentrer dans les clous ?
M. Raphaël Schellenberger
C’est vous qui dépassez les clous !
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Je vous invite à retirer vos amendements.
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour un rappel au règlement.
M. Raphaël Schellenberger
Il s’appuie sur l’article 100 du règlement, relatif à la défense des amendements et au déroulement de nos débats. Il n’est pas dans mes habitudes, monsieur le président, de remettre en cause la présidence (Exclamations
Vous semblez, monsieur le président, pressé de pouvoir aborder le texte suivant inscrit à l’ordre du jour, et je partage votre intérêt pour son sujet. Acceptez néanmoins de débattre sereinement du présent texte relatif aux langues régionales, une question importante pour certains d’entre nous, puisqu’elle concerne notre langue maternelle. Votre manière de présider ne permet pas une telle sérénité.
M. le président
J’entends ce que vous dites, monsieur Schellenberger, mais votre façon de siéger a déjà failli me conduire à vous rappeler à l’ordre. Ne réglons pas ici un différend entre nous et laissez-moi vous expliquer la situation. Nous avons une série d’amendements identiques du groupe Les Républicains. M. Marc Le Fur a pris la parole pendant deux minutes, puis a retiré son amendement. M. Yves Hemedinger a ensuite pris la parole pendant deux minutes, avant de retirer son amendement. J’ai ensuite demandé à M. Xavier Breton s’il souhaitait retirer son amendement ; il a souhaité le défendre, pour finalement le retirer. Je considère donc que les quatre autres amendements identiques, du même groupe, subiront le même sort (Applaudissements
Article 2 ter (suite)
M. le président
Madame Ménard, retirez-vous votre amendement ?
Mme Emmanuelle Ménard
Oui.
(L’amendement no 211 est retiré,
M. le président
Il n’y aura pas de manœuvres dilatoires ce matin, sous ma présidence ! (Mêmes
Je suis saisi de sept amendements identiques, nos 11, 35, 54, 120, 142, 178 et 213.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 11.
M. Marc Le Fur
Je comprends que certains d’entre vous soient choqués de consacrer du temps au débat sur les langues régionales (Protestations
M. Rémy Rebeyrotte
On vous voit, vous faites de l’obstruction !
M. Marc Le Fur
Le présent amendement, pour lequel j’attendrai les réponses du rapporteur et du ministre, propose de préciser que nous parlons des langues régionales « de France ». Il répond à votre objection implicite, monsieur le ministre, d’un risque de séparatisme. Certains parlent plus ouvertement, en disant que le texte ouvre la porte à d’autres langues, les langues étrangères issues du Maghreb. Nous nous inspirons d’ailleurs des dispositions de la charte européenne des langues régionales.
Un député du groupe LaREM
C’est un rappel au règlement ?
M. Marc Le Fur
Mais non, je suis en train de défendre un amendement.
M. Florian Bachelier
On ne sait plus !
M. Marc Le Fur
Il faut suivre, surtout pour ceux qui n’ont pas l’habitude et qui sont aux ordres !
Monsieur le ministre, donner une telle précision revient à évacuer la difficulté que vous avez évoquée, même si vous n’en avez pas explicité les raisons. Nous voulons protéger les langues de la France métropolitaine et de celle d’outre-mer. Nous refusons une ouverture à des langues d’origine étrangère, qui relèvent d’un autre débat, même s’il est légitime, car seules « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France », en vertu de l’article 75-1 de la Constitution.
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Julien Ravier, pour un rappel au règlement.
M. Julien Ravier
Il s’appuie, comme celui fait par Raphaël Schellenberger, sur l’article 100 du règlement.
Les amendements que nous vous présentons ne sont pas des amendements de groupe. S’ils sont, certes, identiques, ils sont défendus par des députés ayant une sensibilité différente sur les questions dont nous débattons, et chacun d’entre eux souhaite pouvoir s’exprimer.
À titre d’exemple, sur la précédente série d’amendements portant sur la culture régionale, notre collègue Trastour-Isnart, qui n’a pas pu soutenir son amendement, m’avait confié le soin de le faire, et de défendre à cette occasion une culture régionale particulière que nous partageons : la culture provençale. Pouvons-nous, monsieur le président, si vous en êtes d’accord, défendre nos amendements avant d’entendre les avis du rapporteur et du Gouvernement, afin de pouvoir ensuite décider d’un éventuel retrait ?
M. le président
J’entends tout à fait votre point de vue, monsieur Ravier. J’ai d’ailleurs cru comprendre que vous aviez bien saisi tout l’intérêt du droit d’amendement aujourd’hui. Il va de soi que les amendements des parlementaires seront défendus. Cependant, sur la série d’amendements que nous évoquons, vous avez eu des expressions similaires : à partir du moment où celles-ci ne sont pas différentes, je considère que la position est la même. C’est ainsi que je compte présider cette séance.
Article 2 ter (suite)
M. le président
Les amendements identiques nos 35 de M. Patrick Hetzel et 54 de M. Xavier Breton sont défendus.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 120.
M. Thibault Bazin
Je viens de constater que mon amendement no 118 a été retiré, alors que je ne souhaitais pas le faire. Je voulais au contraire évoquer la culture lorraine. Je suis en effet inquiet car la région Lorraine a disparu administrativement lors du précédent quinquennat, or la culture lorraine nous a énormément apporté. Je sais que vous connaissez bien, monsieur le ministre, Nancy et l’Art nouveau, héritages des croisements propres à cette région transfrontalière. Je souhaite donc que l’amendement no 118 ne soit pas retiré, car il est important de préserver le patrimoine culturel de nos régions. La Lorraine disposait ainsi d’une langue spécifique : dans la région de mon collègue Fabien Di Filippo, le platt est parlé d’Audun-le-Tiche jusqu’à Sarrebourg. Je n’ai pas retiré mon amendement, car j’ai pour habitude de défendre les amendements que je dépose, et je vous demande de rectifier ce point.
M. le président
J’en prends bonne note.
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à Mme Émilie Chalas, pour un rappel au règlement.
Mme Émilie Chalas
Chers collègues du groupe Les Républicains, nous ne sommes pas dupes de votre manœuvre, et les Français ne doivent pas l’être non plus ! Aux termes de l’article 58, alinéa 4 du règlement, « lorsque plusieurs rappels au règlement émanent de députés d’un même groupe et ont manifestement pour objet de remettre en question l’ordre du jour, le président peut refuser les prises de parole à ce titre ». (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) L’alinéa 3 du même article dispose que « lorsque, manifestement, son intervention n’a aucun rapport avec le règlement ou un fait personnel […], le président lui retire la parole ».
Je le dis aux Français et à mes collègues : laissons faire ce cirque, personne ne doit être dupe, ne répondons pas à la provocation, car ils veulent gagner du temps pour ne pas aborder le véritable sujet dont nous voulons débattre.
M. Fabien Di Filippo
Dans ce cas, mettez-le à l’ordre du jour !
Mme Émilie Chalas
Nous avons déjà débattu des langues régionales, et nous allons continuer pendant encore plusieurs heures. Ne nous laissons pas piéger, car il est clair, chers collègues, que votre seule stratégie est de refuser de débattre d’un sujet sur lequel vous savez ne pas être majoritaires, ce que je trouve absolument scandaleux ! Je vous félicite, monsieur le président, pour le calme dont vous faites preuve en menant les débats. (Applaudissements
Article 2 ter (suite)
M. le président
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour soutenir l’amendement no 142.
M. Raphaël Schellenberger
C’est la première fois que je m’exprime sur le fond ce matin. Madame Chalas, chers collègues, pourquoi sommes-nous ici ? On s’engage souvent en politique pour faire évoluer notre société ou défendre de nouvelles méthodes de gouvernance. C’est le cas de beaucoup d’entre vous, au groupe La République en marche ; c’est également le cas de beaucoup d’entre nous, au groupe Les Républicains, même si nous ne sommes pas attachés aux mêmes sujets. Personnellement, je suis motivé par la défense de la spécificité de ma région, par mon attachement viscéral à l’Alsace et à mon identité, forgée dans la pratique de la langue alsacienne, la seule que j’ai parlée pendant mes premières années de vie.
Je souhaite défendre cette spécificité, même si j’entends que l’ordre du jour est complexe. Je respecte tous les collègues qui veulent débattre du sujet suivant, cet après-midi. Je n’en ferai pas partie, car c’est un sujet sur lequel je me pose des questions et je préfère donc écouter ; mais ce matin, je veux m’exprimer, car la question en débat me tient à cœur. Je souhaite que la France, la nation à laquelle je tiens, reconnaisse les spécificités régionales et les langues régionales, témoins de l’histoire de tous les Français qui se retrouvent dans un contrat national unique. (Applaudissements
M. le président
La parole est à M. Julien Ravier, pour soutenir l’amendement no 178.
M. Julien Ravier
Nous serons présents cet après-midi, bien entendu, pour débattre du sujet auquel nous attachons tous beaucoup d’importance. Mais vous en conviendrez, un sujet de société aussi majeur mérite mieux qu’une simple niche parlementaire et qu’une proposition de loi déposée à l’initiative d’un député !
M. le président
Vous êtes supposé défendre l’amendement no 178 de Mme Laurence Trastour-Isnart !
M. Julien Ravier
Je tenais à répondre aux attaques que nous avons subies.
M. le président
Il ne s’agissait pas d’une attaque, mais d’un rappel au règlement !
M. Julien Ravier
Nous n’avons pas, monsieur le président, cherché à remettre en cause l’ordre du jour, mais à faire respecter les règles du débat.
L’amendement de notre collègue Trastour-Isnart propose, tout comme son amendement no 176, que vous avez retiré, mais qu’elle souhaitait maintenir, d’insérer les mots « de France » à l’alinéa 4, après le mot « régionale ». Nous souhaitons entendre M. le rapporteur et M. le ministre sur cette question. Si certains points sont susceptibles de s’avérer contraires à la Constitution, le fait de remettre l’église au centre du village – pardonnez-moi cette expression, qui déroge au principe de la laïcité, mais qui est de tradition – permettrait peut-être d’y remédier.
M. le président
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 213.
Mme Emmanuelle Ménard
Il constitue une réponse parfaite aux accusations de favoriser le séparatisme, évoquées par M. le ministre. En effet, il précise que les langues régionales concernées sont celles « de France » et non celles d’un autre pays, afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul Molac, rapporteur
Avis défavorable.
Je rappelle que nous souhaitons que l’Assemblée nationale adopte la proposition de loi dans les mêmes termes que le Sénat, ce qui mettra fin à son parcours législatif et permettra la promulgation du texte adopté par l’Assemblée. (Applaudissements
Sur le fond, les amendements sont satisfaits. Il existe en fait deux locutions : le ministère de la culture parle de « langues de France » et le ministère de l’éducation nationale, de « langues régionales ». Je veux bien que l’on récrive le texte sur ce point, mais il faudrait alors récrire tout le code de l’éducation nationale. Les langues régionales font forcément partie de la France, comme le spécifie l’article 75-1 de la Constitution : « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. »
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
M. le rapporteur a raison. Il existe en effet deux locutions, mais l’expression « langues régionales » désigne – plus clairement encore que celle de « langues de France » – les langues des régions de France. Je suggère donc le retrait des amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable. (Applaudissements
(Les amendements identiques nos 11, 35, 54, 142, 178 et 213 sont retirés.)
(L’amendement no 120 n’est pas adopté.)
M. le président
J’apporte une précision pour la clarté de nos débats. Certains semblent penser que, cet après-midi, la discussion ne se poursuivra pas sur ce texte. Or, à l’évidence, elle continuera encore longuement. J’invite les députés qui ont insisté sur l’importance qu’ils attachaient à leur présence, ce matin, dans l’hémicycle, à y assister.
Je suis saisi de cinq amendements identiques nos 41, 48, 56, 273 et 290.
Les amendements nos 41 de M. Patrick Hetzel et 48 de M. Marc Le Fur sont défendus.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 56.
M. Xavier Breton
Par ces amendements, nous proposons de préciser que l’enseignement des langues régionales se fait principalement dans leur aire géographique de rattachement.
M. le président
Les amendements nos 273 de M. Jacques Cattin et 290 de Philippe Meyer sont défendus.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul Molac, rapporteur
Ces amendements sont satisfaits. Il va de soi que l’on enseignera une langue dans son aire géographique de rattachement – pourquoi irait-on enseigner le basque dans le Nord ? – afin de respecter la spécificité des territoires.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Même avis.
(Les amendements identiques nos 41, 48, 56, 273 et 290 sont retirés.)
M. le président
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 90.
Mme Emmanuelle Ménard
Compte tenu de la longue discussion que nous avons eue en début de séance sur l’objectif d’une bonne connaissance de la langue française, je retire l’amendement.
(L’amendement no 90 est retiré.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 89 et 128, qui sont rédactionnels.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 89.
Mme Emmanuelle Ménard
Je le retire.
(L’amendement no 89 est retiré.)
M. le président
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 128.
M. Marc Le Fur
Il est défendu. J’aimerais connaître l’avis du rapporteur sur cet amendement.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul Molac, rapporteur
L’amendement vise à supprimer les mots « de l’objectif », afin que l’alinéa 4 s’achève par les mots : « sans préjudice d’une bonne connaissance de la langue française ». Je comprends que votre rédaction puisse sembler plus simple, mais je souhaite que nous nous en tenions à celle du Sénat, dont la clarté ne crée aucune difficulté d’interprétation.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur
Compte tenu de ces explications, je retire l’amendement.
(L’amendement no 128 est retiré.)
M. le président
L’amendement no 121 de M. Thibault Bazin est défendu.
(L’amendement no 121, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de trois amendements, nos 252, 122 et 302, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 122 et 302 sont identiques.
La parole est à Mme Aurore Bergé, pour soutenir l’amendement no 252.
Mme Aurore Bergé
L’objectif visé par l’amendement est simple : mieux vaut parler non de la « bonne connaissance », mais de la « maîtrise » de la langue française. Il semble indispensable, au vu des discussions que nous avons eues, de réaffirmer que, si l’on doit pouvoir apprendre les langues régionales, cet enseignement immersif doit se faire sans préjudice de la maîtrise de la langue française. (Applaudissements
M. Christophe Castaner
Bravo !
M. le président
L’amendement no 122 de M. Thibault Bazin est défendu.
La parole est à M. Christophe Euzet, pour soutenir l’amendement no 302.
M. Christophe Euzet
Nous nous inscrivons dans la même logique que Mme Bergé. Le code de l’éducation nationale distingue les deux notions, en précisant que les élèves doivent disposer d’une maîtrise de la langue française et d’une connaissance des langues étrangères. On peut être favorable au principe de l’immersion – qui suppose qu’on enseigne des disciplines dans la langue régionale – tout en ayant à cœur de préserver l’enseignement du français.
C’est ce qui se fait dans les écoles classiques, où l’on consacre une dizaine d’heures par semaine à l’enseignement de la langue française. Tandis que les élèves acquièrent en immersion le contrôle d’une langue régionale, ils doivent disposer, parce que c’est indispensable au maintien de la cohésion nationale et de notre langue commune, d’une maîtrise raisonnable de la langue française.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul Molac, rapporteur
À mon sens, il n’y a pas de grande différence entre la maîtrise et la bonne connaissance d’une langue, termes qui sont quasiment synonymes.
Mme Aurore Bergé
Pardon ?
M. Paul Molac, rapporteur
Je comprends dans quel esprit vous avez déposé ces amendements, mais la rédaction du Sénat, qui traduit bien nos ambitions, me semble suffisamment claire et équilibrée.
En tout état de cause, les élèves qui recevront un enseignement immersif ne pourront pas se soustraire aux droits et obligations qui s’imposent aux élèves de l’enseignement public, en application de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui y inclut l’acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, notamment la maîtrise de la langue française. Cette bonne acquisition fait l’objet d’évaluations régulières.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Ces amendements sont importants : on ne saurait diluer la question de la maîtrise de la langue française. En outre, si nous introduisons dans ce texte l’expression « bonne connaissance de la langue française », elle risque de se répandre, par contagion. La maîtrise de la langue française est un objectif fondamental. Tous les députés ont dit, quel que soit leur vote, qu’ils y sont attachés. Je suis donc très favorable aux amendements. (Applaudissements
M. le président
La parole est à M. Sylvain Waserman.
M. Sylvain Waserman
En dépit de mon attachement d’élu alsacien aux langues régionales, qu’il n’est nul besoin de rappeler, je soutiens avec détermination les amendements. (Applaudissements
Je suis conscient des conséquences de nos décisions et du fait que le rapporteur souhaiterait une adoption conforme. Mais, tout en étant radicalement, fondamentalement attaché aux langues régionales, je veux que nos enfants maîtrisent le français. (Applaudissements
M. le président
La parole est à M. Hubert Wulfranc.
M. Hubert Wulfranc
Je soutiens totalement les amendements. D’une part, adjectiver la connaissance me semble toujours délicat. D’autre part, en tant que telle, la maîtrise renvoie non seulement à l’apprentissage mais à la délivrance de notre langue nationale. Dans ce débat qui nous expose à des divisions inutiles, ces amendements devraient nous réunir.
M. le président
La parole est à M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit
Nous l’avons dit tout à l’heure : le groupe UDI-I souhaite une adoption conforme, parce qu’il veut vraiment faire avancer la cause des langues régionales dans notre pays. Or, nous le savons tous, la seule manière d’y parvenir est de voter le texte dans la rédaction du Sénat. (Applaudissements
M. le président
La parole est à M. Aurélien Pradié.
M. Aurélien Pradié
Il importait de dissocier, dès le début de la discussion, la maîtrise ou la bonne connaissance de la langue française, de l’apprentissage des langues régionales. Je ne comprends pas que nous débattions encore d’une prétendue concurrence entre l’une et l’autre. Le fait que nous discutions encore sur ce point témoigne d’une suspicion. Certains députés n’entendent pas plus que vous, monsieur le ministre, ce que M. le rapporteur a factuellement démontré : l’apprentissage des langues régionales est une chance qui permettra de mieux connaître la langue nationale et de mieux maîtriser le français. Les résultats l’ont prouvé. Dès lors, il n’y a pas lieu d’ergoter ou de nous entourer de précautions inutiles.
Ce faisant, nous dévions du cœur du sujet. On peut toujours inscrire dans le texte les termes « maîtrise », « maîtriser », « maîtriser à l’absolu », et ajouter des mots aux mots. Le fait qu’aujourd’hui, tant de jeunes Français ne maîtrisent pas la langue française n’a rien à voir avec l’apprentissage des langues régionales. La raison, plus structurelle et plus considérable, est ailleurs. Pendant que nous perdons du temps à palabrer sur le sujet en nous grisant de mots superfétatoires, nous ne traitons pas le véritable problème.
L’apprentissage des langues régionales est une chance pour celui de la langue nationale, pour nos territoires et pour notre identité nationale. Si nous voulons que les jeunes Français maîtrisent mieux la langue nationale, il faut que nos débats dépassent largement le cadre dans lequel nous nous enfermons ce matin. (Applaudissements
(L’amendement no 252 n’est pas adopté.)
(Les amendements identiques nos 122 et 302 ne sont pas adoptés.)
M. le président
L’amendement no 123 de M. Thibault Bazin est défendu.
(L’amendement no 123, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de sept amendements identiques : nos 5 de M. Marc Le Fur, 34 de M. Patrick Hetzel, 53 de M. Xavier Breton, 75 de M. Frédéric Reiss, 119 de M. Thibault Bazin, 177 de Mme Laurence Trastour-Isnart et 212 de Mme Emmanuelle de Ménard. Tous ces amendements sont défendus.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul Molac, rapporteur
Avis défavorable, pour les raisons déjà indiquées.
(Les amendements identiques nos 5, 34, 53, 75, 119, 177 et 212, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
M. le président
Je suis saisi de cinq amendements identiques, nos 40, 47, 55, 272 et 289.
L’amendement no 40 de M. Patrick Hetzel est défendu.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 47.
M. Marc Le Fur
Par ces amendements, nous soulevons la question de la liste des langues. Pour nous autres, en Bretagne, il n’y a pas de souci : ce sont le breton et le gallo qui sont reconnus. Mais actuellement, la liste relève d’une circulaire. N’est-il pas paradoxal qu’elle soit établie dans un petit bureau du ministère ?
Légiférer pour reconnaître l’existence d’une langue régionale n’est peut-être pas urgent, d’autant que la question est délicate, en particulier dans le grand monde de la langue d’oc. Mais en tout état de cause, le rapporteur et le ministre doivent s’exprimer sur ce sujet et, tôt ou tard, il faudra trouver les voies et moyens pour donner à toutes les langues régionales – de la métropole et des outre-mer –, qui sont toutes belles mais fragiles, un statut législatif, même si cela ne peut se faire à l’occasion de ce texte, dont nous mesurons les contraintes.
M. le président
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 55.
M. Xavier Breton
Il s’agit d’indiquer à quelles langues s’applique l’enseignement des langues régionales. Parmi celles-ci, je tiens à citer le francoprovençal. Permettez-moi de rendre hommage aux associations qui continuent à le faire vivre, notamment dans nos territoires de Bresse – mais l’aire géographique de cette langue est bien plus étendue qu’on ne pense.
M. le président
La parole est à M. Jacques Cattin, pour soutenir l’amendement no 272.
M. Jacques Cattin
Mon cher collègue Paul Molac, la proposition de loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion que vous défendez vous honore, comme elle honorera tous les députés qui la voteront tout à l’heure.
Notre pays, la France, est riche de son patrimoine et de sa culture ; nos langues régionales en sont les témoins vivants. Malheureusement, le centralisme qui conduit à l’uniformisation culturelle dans notre pays, nous amène aujourd’hui à une situation à laquelle nous, élus, représentants de la diversité culturelle française, devons réagir. Plusieurs d’entre nous ont encore connu l’immersion naturelle, dans la vie de tous les jours, qui ne nous a pas empêchés de maîtriser la langue française, puis l’allemand et l’anglais, voire d’autres langues.
Ce biotope favorable à l’expression de nos langues régionales s’est malheureusement fortement dégradé au fil du temps. Nous en connaissons les raisons : cela a commencé déjà à notre époque où, à l’école, on nous interdisait de parler l’alsacien dans la cour de récréation. Oui, monsieur le ministre, la vision jacobine de votre ministère porte une très lourde responsabilité mais, je vous rassure, cela ne date pas d’aujourd’hui. En quoi un enseignement immersif, facultatif et adapté peut-il être un handicap pour une bonne maîtrise de la langue française, voire d’autres langues ? L’éducation nationale doit reconnaître l’ensemble de nos langues régionales, du corse au catalan, en passant par le breton et l’alsacien que je n’oublie pas, ou encore la langue belge, pour éviter que celles-ci ne deviennent des reliques du passé.
Cependant, étant donné que nous souhaitons un vote conforme, je retire l’amendement.
(L’amendement no 272 est retiré.)
M. le président
L’amendement no 289 de M. Philippe Meyer est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul Molac, rapporteur
Avis défavorable. C’est en effet le ministère de l’éducation nationale qui établit la liste des langues et c’est compréhensible. Je demanderai simplement à M. le ministre de bien réfléchir à deux langues : le francoprovençal et le flamand occidental, pour lesquelles il existe une forte demande sur le terrain. Vous devriez faire perdurer l’expérience d’enseignement bilingue du flamand occidental.
M. Marc Le Fur
Bien !
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Cette proposition présente des avantages et des inconvénients. Ce qui est sûr, c’est qu’elle rigidifie le dispositif : si les langues sont reconnues dans la loi, cela signifie qu’à l’avenir, il faudra revenir devant le législateur pour en reconnaître d’autres, et cela peut poser un problème. En même temps, l’amendement présente l’avantage de consacrer la liste.
J’émets un avis de sagesse.
(Les amendements identiques nos 40, 47, 55 et 289 ne sont pas adoptés.)
M. le président
Les amendements identiques nos 44 de M. Patrick Hetzel, 50 de M. Marc Le Fur, 58 de M. Xavier Breton, 276 de M. Jacques Cattin et 293 de M. Philippe Meyer sont défendus.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul Molac, rapporteur
Je demande un retrait car ils sont satisfaits.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Même avis.
M. le président
Les amendements sont-ils bien tous retirés ?
M. Raphaël Schellenberger
Oui !
(Les amendements identiques nos 44, 50, 58, 276 et 293 sont retirés.)
M. le président
Je suis saisi de cinq amendements identiques, nos 42, 49, 57, 274 et 291.
L’amendement no 42 de M. Patrick Hetzel est défendu.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 49.
M. Marc Le Fur
Je souhaitais évoquer brièvement la question des jeunes qui n’ont pas choisi l’enseignement bilingue mais des options – vous avez reconnu une difficulté, monsieur le ministre, et admis que des efforts y seraient consacrés demain. Ce fut notre cas à tous les deux. Or ces jeunes rencontrent beaucoup de difficultés car obsédés qu’ils sont par le baccalauréat et Parcoursup, ils sont obligés de faire des choix qui les obligent à renoncer à leur attirance pour les langues régionales. Nous devons progresser sur ce sujet.
En posant cette question, je pense aux jeunes – et je ne suis pas le seul – du lycée Notre-Dame à Guingamp, qui ont pris cette option qu’ils ne sont plus en mesure de suivre et qui ont dû y renoncer. C’est un déchirement pour eux. À défaut de trouver une solution pour eux, trouvons-en une pour les générations qui suivront, à savoir ceux qui passeront le baccalauréat l’année prochaine.
M. le président
Les amendements nos 57 de M. Xavier Breton et 274 de M. Jacques Cattin sont défendus.
La parole est à M. Philippe Meyer, pour soutenir l’amendement no 291.
M. Philippe Meyer
Il est important d’évoquer le lien entre ce texte et l’épreuve du baccalauréat. Si l’on veut marquer les esprits, en facilitant l’enseignement de la langue régionale dans les lycées dans le cadre du baccalauréat, il faudrait que celle-ci constitue une spécialité à part entière, dotée d’un coefficient attractif pour que nos jeunes soient davantage tentés de la présenter au baccalauréat.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul Molac, rapporteur
Je vous invite à retirer votre amendement. Néanmoins, je comprends votre inquiétude, liée à la réforme du baccalauréat, qui a vu les effectifs au lycée être réduits de moitié voire des deux tiers. Pourtant, l’organisation des examens relève du domaine réglementaire et, par conséquent, ressort de la compétence du ministre de l’éducation nationale. Le législateur ne peut pas régler ce problème. Vous posez une vraie question et j’en appelle à M. le ministre, auquel je rappellerai toujours que les associations et les élus locaux demandent de donner le même statut aux langues régionales et aux langues anciennes. (M. Yannick
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Je suis d’accord avec vous sur la défense des langues anciennes, laquelle ne fait malheureusement pas l’objet d’un débat aussi vif ; je me sens parfois un peu seul dans ce combat. C’est pourquoi j’ai pris des mesures spécifiques. C’est ainsi : il faut sans doute avoir la nuque raide sur des sujets qui n’ont pas suffisamment de défenseurs.
S’agissant des langues régionales, je dirai la même chose que le rapporteur, pour deux raisons. D’une part, cela ne relève pas du domaine de la loi, ce qui est en soi une raison suffisante. D’autre part, des problèmes peuvent se poser – je vais les aborder car je suis sensible à ce qu’a dit le rapporteur Paul Molac –, mais le progrès que vous appelez de vos vœux a déjà été accompli. De ce point de vue, votre amendement est satisfait. En effet, ce qui est tout à fait nouveau dans la réforme du baccalauréat et du lycée général et technologique, et qui n’existait pas avant, c’est le fait que vous pouvez choisir aujourd’hui la langue régionale comme enseignement de spécialité. C’est bien le signe que, depuis 2017, on a progressé sur le sujet des langues régionales. Cette possibilité existe, ainsi que je l’ai indiqué dans mon intervention tout à l’heure.
L’enseignement de spécialité est une mesure complètement inédite qui permet, par exemple, à un jeune en classe de première, qui se destine déjà à devenir professeur ou spécialiste de cette langue régionale, d’approfondir considérablement sa connaissance, ce qui n’était pas possible avant puisque cela n’existait pas. Encore une fois, cela démontre que nous avons pris ce sujet très au sérieux.
En ce qui concerne la question des options, qui ne sont pas l’objet de vos amendements mais que M. Molac a abordées, vous avez raison d’indiquer que dans certains endroits, en raison d’un problème de demande, elles ont disparu, ce que je déplore. À cet égard, nous devons distinguer dans notre raisonnement la situation des écoliers et des collégiens, d’une part, et celle des lycéens, d’autre part. Je suis très ouvert aux discussions sur ce point, afin de réussir à promouvoir davantage les options. J’ai aussi évoqué le CNED : étant donné que nous n’arriverons jamais à faire en sorte que chaque lycée de la région propose l’option langue régionale, des solutions en réseau et à distance doivent être prévues pour les lycées et nous devons être capables de développer l’enseignement de la langue régionale à l’école primaire et au collège.
En tout cas, à l’école primaire et au collège, notre bilan parle pour nous : le nombre d’élèves a augmenté. Dans les lycées, la logique évolue dans le sens de l’approfondissement, mais nous devons encore corriger certains points, en développant des options volontaristes que nous devons être en mesure de rendre attractives.
Avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Monsieur le ministre, vous avez évoqué les langues anciennes qui vous tiennent à cœur, et vous avez indiqué que vous étiez l’un des rares à les défendre. La question de l’ancien français se pose également. Les évolutions qui ont été envisagées par votre ministère, notamment du programme du CAPES ou du temps d’enseignement à l’université, font peser une grande menace sur ces enseignements et montrent le peu d’importance qui leur est accordé. Or la maîtrise de la langue française et la compréhension de certaines règles orthographiques et grammaticales qui découlent de l’ancien français ne peuvent que profiter de l’apprentissage de celui-ci.
Si je parle de l’ancien français alors que nous débattons des langues régionales, c’est parce que ces sujets sont liés. Ainsi, j’espère que votre déclaration d’amour pour les langues anciennes vous conduira à revenir sur certains rabots effectués sur l’ancien français. Il y a une forte attente des médiévistes, vous le savez ; je veux relayer ici leur appel, afin que vous puissiez davantage les prendre en considération. (Mme Émilie
M. le président
La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur
Avant de retirer mon amendement, je remercie M. le rapporteur et M. le ministre de prendre le sujet au sérieux. Naguère, ceux qui prenaient l’option breton avaient la possibilité de le faire en candidat libre. Aujourd’hui, je comprends de vos propos que ce n’est pas possible. Est-ce que cela ne pourrait pas évoluer très vite, avec éventuellement le concours du CNED, puisque désormais cette faculté est ouverte ?
Concernant l’exemple très précis du lycée Notre-Dame à Guingamp – mon collègue Yannick Kerlogot pourrait intervenir sur le sujet plus savamment que moi encore –, les jeunes indiquent que s’ils prennent le breton, ils se privent d’une option qui compterait pour l’obtention de la filière souhaitée dans Parcoursup. Quant au choix du breton, il n’est pas très payant, eu égard aux points qu’il rapporte. Vous allez me rétorquer qu’on ne choisit pas le breton pour gagner des points. Mais mettons-nous à la place des jeunes, cela compte aussi.
Avancer sur ces sujets, c’est à portée de main, ce n’est pas très compliqué, cela ne nécessite pas des sommes d’argent public et cela devrait être possible à court terme. En tout cas, j’ai bien noté, monsieur le ministre, que vous aviez la volonté d’évoluer sur cette question. Pourriez-vous nous en dire davantage de façon à rassurer très concrètement ces jeunes ?
M. le président
Dois-je comprendre de ces interventions que tous les amendements sont retirés, y compris ceux de M. Bazin ?
Plusieurs députés du groupe LR
Oui !
M. Thibault Bazin
Je ne suis signataire d’aucun d’entre eux !
M. le président
Justement ! Vous êtes prêt à tout, M. Bazin ! (Sourires.)
M. Thibault Bazin
Non, je ne suis pas prêt à tout !
(Les amendements identiques nos 42, 49, 57, 274 et 291 sont retirés.)
(L’article 2 ter est adopté.)
Article 2 quater
M. le président
La parole est à Mme Ramlati Ali.
Mme Ramlati Ali
Permettez-moi d’abord de saluer mon collègue Paul Molac pour la proposition de loi fort utile qui vient répondre à un besoin réel de nos territoires. Dans mon territoire, nous n’avons pas attendu ce texte pour amorcer un véritable travail en faveur de la reconnaissance des langues régionales. Le document stratégique « Mayotte 2025, une ambition pour la République » identifie l’apprentissage des langues régionales à l’école comme un puissant vecteur de réussite scolaire. Nous menons donc des combats de longue date en faveur de la reconnaissance de nos langues et de leur usage réel à l’école.
Cette proposition de loi formalise le travail de terrain engagé depuis plusieurs années. En qualité d’élus mahorais, nous avons tenu à faire preuve de vigilance sur ce texte, car nous estimons être particulièrement concernés. Dans cette perspective, l’amendement de mon collègue sénateur Abdallah Hassani, adopté en première lecture, a permis de donner au shimaoré et au kibushi – langues régionales mais aussi, je le précise, langues maternelles très pratiquées à Mayotte –, une reconnaissance égale à celle des autres langues régionales de la France hexagonale et des outre-mer.
Ainsi, nous avançons, mais à petits pas. En effet, l’article 2 ter de la proposition de loi ignore le plurilinguisme dont peuvent se prévaloir avec fierté certains territoires, parmi lesquels la Guyane et Mayotte. À Mayotte, il n’existe pas une mais deux langues régionales : le shimaoré et le kibushi. J’avais donc travaillé à la rédaction d’un amendement à l’article 2 ter que nous venons de voter, visant à donner la possibilité à certains territoires de proposer un enseignement immersif d’une ou plusieurs langues régionales, sans préjudice de l’objectif d’une bonne connaissance de la langue française. En effet, il est possible au collège, dans certaines sections et ce, dès la sixième, d’apprendre simultanément trois ou quatre langues, dont certaines sont même dites mortes. Force est de constater que la nécessité de tenir compte du plurilinguisme n’a pas été retenue dans ce texte et j’en suis sincèrement navrée.
M. le président
Veuillez conclure, madame Ali !
Mme Ramlati Ali
J’ai bon espoir que le Gouvernement corrige le tir. Monsieur le ministre, je compte sur vous pour trouver une solution circonstanciée à cet oubli…
Mme Caroline Fiat
Non mais c’est bon, là !
M. le président
Merci, madame Ali.
Mme Ramlati Ali
…et je n’ai aucun doute sur le fait que vous y parviendrez.
M. le président
La parole est à M. Julien Dive.
M. Julien Dive
Je ne me suis pas exprimé jusqu’ici et n’ai d’ailleurs pas déposé d’amendement sur ce texte, parce que je veux aller vite afin de respecter l’ordre du jour fixé par le groupe Libertés et territoires. Mais je souhaite prendre quelques secondes pour parler du picard, langue à laquelle je suis très attaché, comme beaucoup de collègues sur l’ensemble des bancs le sont à leur propre langue régionale.
Contrairement à d’autres langues, le picard est considéré par l’UNESCO comme « sérieusement en danger ». Depuis 1999, aucune étude n’a été menée en vue de lutter contre la disparition des langues. Le picard n’est pas une déformation du français ni un ancien français : c’est une langue à part entière. Cependant, elle ne figure pas sur les listes qu’évoquait Marc Le Fur, ce qui pose la question de la préservation de cet élément de patrimoine qui contribue à enrichir la langue française. En effet, de nombreux mots français viennent des langues régionales et minoritaires, y compris le picard. (Applaudissements
En 1999, la France a signé la charte européenne des langues régionales ou minoritaires, mais ne l’a jamais ratifiée. Êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à défendre sa ratification ? (Mêmes
(L’article 2 quater est adopté.)
Article 2 quinquies
M. le président
Je suis saisi d’une longue série d’amendements pouvant être soumis à une discussion commune et visant à rétablir l’article.
La parole est à M. Didier Le Gac, pour soutenir l’amendement no 271.
M. Didier Le Gac
Comme M. le rapporteur et nombre de mes collègues, je souhaite un vote conforme de l’Assemblée nationale sur ce texte. C’est pourquoi je retire mon amendement, même si je souhaiterais m’exprimer à la suite de la présentation des autres amendements en discussion commune.
(L’amendement no 271 est retiré.)
M. le président
Sur les seize amendements identiques, no 1 et suivants, je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 1.
M. Paul Molac, rapporteur
Il vise à rétablir le forfait scolaire relatif à l’enseignement des langues régionales, voté à deux reprises par le Sénat. En effet, je rappelle qu’avant l’examen de ce texte, les sénateurs avaient approuvé cette disposition une première lors de la discussion du projet de loi pour une école de la confiance, dite loi Blanquer. À cette occasion, la sénatrice Maryvonne Blondin avait défendu un amendement que nous avions rédigé, visant à rendre le forfait scolaire obligatoire pour les enfants devant se rendre dans une commune voisine de celle où ils résident pour qu’une langue régionale leur soit enseignée.
Le forfait scolaire ne s’appliquerait que si la commune de résidence de l’enfant ne propose aucun enseignement de ce type, qu’il s’agisse de cours d’initiation, de sections bilingues ou d’apprentissage immersif. Combien d’enfants seraient donc concernés ? Pour nous être renseignés, le total s’élèverait à 0,02 % des élèves. Dans les zones où cet enseignement est très répandu, les écoles d’un grand nombre de communes ont déjà développé des offres éducatives. Dans ce cas, les maires n’auront pas à s’acquitter de cette charge, qui s’élève à environ 150 euros par enfant, somme qui n’est donc, de toute façon, pas démesurée. Au contraire, cette mesure semble de nature à inciter les maires à réfléchir à l’enseignement des langues régionales.
Gardons à l’esprit qu’aux termes de l’article L. 212-8 du code de l’éducation, le forfait scolaire existe déjà s’agissant des enfants scolarisés dans le secteur public. Il n’y a pas eu de levée de bouclier lors de l’adoption de cette disposition en 2015 à l’occasion du vote de la loi NOTRe – loi portant nouvelle organisation territoriale de la République – et je m’attends à ce qu’il en aille de même s’agissant de son élargissement au secteur privé. Grâce au forfait scolaire, les maires se rendent compte de l’importance des langues régionales et prennent des initiatives pour qu’elles soient enseignées dans leur commune.
C’est tout l’objet de cet article 2 quinquies, dont les dispositions ont été, je le répète, validées à deux reprises par le Sénat.
M. le président
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 3.
M. Marc Le Fur
Comme l’a dit Paul Molac, il faut absolument revenir au texte adopté par le Sénat et donc annuler l’amendement de Mme Bannier adopté en commission.
Le groupe Les Républicains est très attaché à la liberté des parents. Nous considérons qu’ils doivent pouvoir choisir le type d’enseignement dispensé à leurs enfants. S’ils souhaitent que ceux-ci bénéficient d’une ouverture aux langues régionales, ils doivent y avoir accès.
Or il se trouve que toutes les communes ne proposent pas cette formation et qu’il en sera ainsi – c’est logique – pour encore longtemps. Il faut donc que les parents puissent scolariser leurs enfants dans une autre commune. S’ils font alors le choix de l’enseignement public, il n’y a pas de problème, car le financement est déjà prévu. Je salue d’ailleurs cette évolution, qu’on doit à votre initiative, monsieur le ministre. En revanche, s’ils choisissent un établissement privé sous contrat, confessionnel ou non, ils ne bénéficient pas d’une aide financière, ce qui crée une distorsion au détriment de la liberté de choix éducatif des parents et des enfants, à laquelle nous sommes philosophiquement attachés. Par cohérence avec d’autres combats que nous avons menés dans le passé, nous souhaitons offrir ce choix aux familles.
Paul Molac l’a dit, si la commune de résidence dispose d’une offre d’enseignement des langues régionales, le forfait scolaire ne s’applique pas – c’est normal. Mais dans les nombreuses communes qui ne proposent pas cet enseignement, et qui ne le feront pas avant longtemps, les parents doivent bénéficier du financement nécessaire pour scolariser leurs enfants ailleurs, aussi bien dans un établissement public qu’un établissement privé, confessionnel ou non.
M. le président
La parole est à M. Jean-Claude Bouchet, pour soutenir l’amendement no 13.
M. Jean-Claude Bouchet
Il vise à préciser les conditions de la participation financière des communes pour l’apprentissage des langues régionales. Nous le disons depuis ce matin, le rétablissement de l’article 2 quinquies
M. le président
Les amendements nos 36 de M. Patrick Hetzel et 67 de M. Xavier Breton sont défendus.
La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement no 76.
M. Frédéric Reiss
L’éducation nationale permet l’apprentissage des langues régionales, parfois de manière soutenue selon les régions où elles sont pratiquées : monsieur le ministre, vous l’avez très bien rappelé dans votre intervention liminaire. L’enseignement privé et les associations prennent une part active dans l’enseignement des langues régionales. En Alsace et dans le pays mosellan, cet enseignement existe depuis 1992, mais on note une diminution de l’apprentissage du dialecte, dont les accents sont pourtant si savoureux.
L’un des facteurs explicatifs tient à l’absence de versement du forfait scolaire pour les enfants scolarisés dans des écoles privées. En tant qu’ancien président d’une amicale des maires, j’ai souvent eu affaire à cette question du financement des frais de scolarité et il faut reconnaître que les négociations sont souvent âpres entre les maires des communes de résidence et ceux des communes dans lesquelles sont enseignées les langues régionales.
Le Sénat s’est prononcé de manière transpartisane sur cette question, en allant au-delà d’une simple contribution volontaire aux frais de scolarité des enfants concernés. On peut d’ailleurs penser que l’adoption définitive de l’article 2 quinquies
M. le président
L’amendement no 143 de M. Raphaël Schellenberger est défendu.
La parole est à M. Erwan Balanant, pour soutenir l’amendement no 150.
M. Erwan Balanant
Cela a été dit, ces amendements visent à revenir à la rédaction adoptée par le Sénat et à voter le texte de manière conforme. Cela étant, j’entends les inquiétudes formulées çà et là, y compris par les collègues, vis-à-vis de cet article. Je souhaite les lever et insister sur le fait qu’il est le fruit d’un engagement pris par le Premier ministre auprès des Bretons. À cette occasion, un prérequis avait été prévu : celui de saisir les élus des communes de Bretagne et la CTAP – conférence territoriale d’action publique – en vue d’obtenir leur assentiment. Cela a été fait, et ils ont donné leur accord.
Certains s’inquiètent du fait qu’en adoptant cette disposition, on imposerait une obligation aux maires. Or les maires sont déjà sujets à un certain nombre d’obligations prévues par la loi. Si l’on souhaite réellement défendre les écoles immersives et préserver nos langues régionales, je ne vois pas pourquoi les représentants de la nation que nous sommes n’imposerions pas cette obligation aux maires.
Je souhaite donc que nous rétablissions l’article tel qu’il a été adopté par les sénateurs. Ces derniers sont tout de même les représentants des élus locaux…
M. Éric Bothorel
Bravo !
M. Erwan Balanant
…et, à ce titre, ont certainement pesé les implications de cette disposition. Ils sont en contact permanent avec les élus locaux. Alors, allons-y ! Pour préserver nos langues régionales, il faut bien, à un moment donné, les financer. Cessons d’avoir peur de le faire !
M. Pierre Dharréville
On en reparlera lors de l’examen de la loi 4D !
M. le président
La parole est à M. Yannick Kerlogot, pour soutenir l’amendement no 152.
M. Yannick Kerlogot
Chers collègues, je vous invite à vous mobiliser et à vous rassembler, pour que nous assistions à un vote historique. Pour qu’il ait lieu, nous l’avons dit et répété, il faut que nous votions ce texte conformément à la rédaction du Sénat.
M. Balanant l’a très bien dit, c’est le Sénat qui a pris l’initiative de demander aux maires d’assumer une forme de responsabilité. Soyons clairs, tous les maires ne seront pas concernés. Seuls ceux des communes de résidence dont aucune école n’assure un enseignement des langues régionales auront à verser un forfait scolaire à un établissement privé sous contrat d’une autre commune.
M. Bastien Lachaud
C’est de l’argent public qui ira à l’école privée !
M. Yannick Kerlogot
Nous leur demandons d’assumer le versement d’un forfait qui nous semble légitime.
Lors de l’examen du projet de loi pour une école de la confiance, M. le ministre, que je salue, avait demandé à ce qu’on s’oriente vers une responsabilité des maires dans le domaine des langues régionales. Mais ce sont les termes de « contribution volontaire » qui avaient été retenus en commission mixte paritaire. Le Sénat les a supprimés lors de l’examen du présent texte en première lecture.
En effet, un an après la promulgation de la loi Blanquer, on peut constater que la contribution volontaire ne fonctionne pas.
M. Olivier Damaisin
C’est vrai !
M. Yannick Kerlogot
Le réseau des écoles Diwan s’attendait à collecter 1 million d’euros de cette manière, mais il n’a reçu que 130 000 euros. Plutôt que de s’appuyer sur des emplois aidés, il serait préférable de recruter des personnels de manière définitive pour assurer cet enseignement. Le forfait scolaire le permettrait.
Le coût de cette mesure inquiète légitimement certaines communes, qu’il convient de rassurer. Le réseau immersif privé français est composé de 133 écoles ; 10 000 élèves y sont scolarisés, 6 000 en primaire et 4 000 en maternelle. Le coût de la scolarité s’élève à environ 500 euros par élève en primaire et à environ 1 300 euros par élève en maternelle étant donné qu’il faut rémunérer les ATSEM – agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles. Je rappelle à cet égard que les maires ont déjà pour obligation de verser ce forfait scolaire aux écoles privées situées dans leur commune. (Applaudissements
M. le président
Merci de conclure, monsieur le député.
M. Yannick Kerlogot
On leur demande donc simplement de faire la même chose pour les établissements extérieurs qui proposent une langue régionale et qui accueillent des enfants de leur commune.
M. le président
La parole est à Mme Claudia Rouaux, pour soutenir l’amendement no 153.
Mme Claudia Rouaux
Nous le savons, il sera absolument impossible, du moins à court terme, de créer des offres d’enseignement des langues régionales dans chaque commune. Or si nous souhaitons accroître le nombre d’écoles qui le font, il faut attirer les élèves et prévoir un fonctionnement adéquat.
La loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance a engendré quelque 150 contentieux – ce qui n’est pas négligeable – dans la seule région de Bretagne, qu’il conviendra de régler avec les services de l’État. En effet, cette loi souffre d’ambiguïtés qui en complexifient l’application. Même les maires qui souhaitent contribuer financièrement à l’enseignement des langues régionales dans une autre commune que la leur ne sont pas certains de pouvoir le faire. Il convient donc d’introduire le forfait scolaire.
M. le président
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l’amendement no 154.
M. Michel Castellani
J’invite l’ensemble des députés à soutenir ces amendements, car la disposition qu’ils contiennent est essentielle pour assurer la pérennité des écoles immersives.
M. le président
La parole est à Mme Laurence Trastour-Isnart, pour soutenir l’amendement no 179.
Mme Laurence Trastour-Isnart
L’adoption de ces amendements qui visent à rétablir l’article 2 quinquies
M. le président
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 214.
Mme Emmanuelle Ménard
Sans allonger davantage les débats, je veux redire mon attachement à la liberté des familles de choisir le type d’enseignement qu’elles souhaitent pour leurs enfants. Je souhaite également un vote conforme de ce texte.
M. le président
La parole est à M. Vincent Bru, pour soutenir l’amendement no 230.
M. Vincent Bru
L’enjeu central est d’assurer aux parents le libre choix de l’enseignement des langues régionales. Lorsque cet enseignement n’existe pas sur le territoire de leur commune, ils inscrivent leurs enfants dans des écoles privées sous contrat d’association, situées dans des communes voisines. Il est normal qu’il y ait une solidarité financière entre les communes. Voilà pourquoi l’article est très important.
M. le président
La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement no 259.
M. Thierry Benoit
Il traduit la position du groupe UDI-I en faveur du rétablissement de l’article, d’un vote conforme au texte du Sénat, de la liberté de choix des parents et d’un cadre réglementaire et juridique clair de participation des communes aux frais de scolarité en l’absence d’une école bilingue sur leur territoire.
M. le président
L’amendement no 304 de Mme Karine Lebon est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?
M. Paul Molac, rapporteur
Ces amendements identiques ont été déposés par des députés de huit groupes de l’Assemblée nationale. J’y suis très favorable, et je ferai observer que, si huit groupes différents proposent de rétablir l’article, c’est qu’il existe un rassemblement assez important pour que nous le fassions. (Applaudissements
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
C’est un amendement important dont chacun doit mesurer la portée et les risques.
Tout d’abord, il entraîne la création d’une dépense obligatoire non négligeable, d’où l’hostilité très majoritaire qu’ont exprimée les associations de maires, y compris en raison des précédents que cette mesure pourrait créer. Cette dépense obligatoire constitue un enjeu financier qui est aussi un enjeu d’autonomie des communes : c’est, de ce point de vue, une rupture des équilibres issus de la loi Falloux et de la loi Goblet avec, là aussi, un risque de créer des précédents.
Ensuite, il faut voir quel paysage scolaire nous risquons de créer si nous allons trop loin. Je remercie plusieurs députés d’avoir reconnu l’avancée que représentait la loi pour une école de la confiance ; elle était justement le fruit d’un équilibre. Mais si nous poussons les choses plus loin, nous verrons des écoles publiques communales concurrencées par un village voisin, avec des classes qui fermeront à l’école publique et un maire obligé de payer, en plus, pour ce phénomène. Ce sera la double peine pour de nombreuses petites communes et pour l’école de la République.
Je n’ai pas le beau rôle, car ma position semble aller contre le développement des langues régionales, mais je vous ai dit à d’autres occasions combien j’étais ouvert sur le sujet. Il est de mon devoir d’alerter la représentation nationale sur les conséquences en chaîne de cette mesure, d’autant qu’elle sera articulée avec celles que vous avez adoptées précédemment. Ayons le sens de l’équilibre. Sur le sujet, chaque fois que nous faisons une avancée, on a l’impression que ce n’est pas assez. Nous avons retenu une position équilibrée ; qu’il y ait eu quelques difficultés dans l’application de la loi ces derniers temps n’engage pas à une modification. De plus, le caractère obligatoire de la dépense ne serait sans doute pas compatible avec la Constitution et créerait des problèmes très concrets dans plusieurs communes. Pour nous tous qui défendons les écoles rurales et les équilibres territoriaux, le risque est beaucoup trop élevé.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Christophe Castaner.
M. Christophe Castaner
Vous l’avez dit, monsieur Molac : il s’agit, à travers le forfait scolaire obligatoire, de faire en sorte qu’une commune, qui peut avoir une école qui fonctionne bien, mais n’offre pas la possibilité d’un enseignement dans une langue régionale, paye le financement de l’école privée de la commune-centre. Nous savons comment cela marche dans les faits. J’ai été maire d’une commune très attachée à la culture provençale, avec une culture de félibre particulièrement importante, qui m’est chère, et je sais que la commune-centre, Forcalquier en l’espèce, devait assumer le principe de parité de financement de l’école privée, l’école Jeanne-d’Arc. À l’inverse, les communes voisines, qui représentaient à peu près la moitié des effectifs de l’école Jeanne-d’Arc, n’avaient pas à la financer.
Avec cet amendement, nous mettons en cause deux principes fondamentaux. Premièrement, celui du financement des écoles privées : avec l’extension de l’obligation de payer aux communes qui ont une offre scolaire, celles-ci devront subir le choix, par ailleurs parfaitement légitime, de parents qui veulent inscrire leur enfant dans une école privée dans la commune voisine. La deuxième chose que nous écornons, c’est la liberté des maires d’organiser ou non l’accompagnement scolaire selon leur volonté. Ils sont pourtant libres de ne pas participer financièrement, car la loi – chacun a en tête l’histoire du financement des écoles privées – ne rend pas cette participation obligatoire.
Avec cet amendement qui remet en place un forfait scolaire, fondé sur l’intention louable de défendre les langues régionales, nous mettons en cause la libre administration des communes et le financement des écoles privées. (Applaudissements
M. le président
La parole est à M. Jimmy Pahun.
M. Jimmy Pahun
Il faut faire la différence entre les écoles privées et les écoles privées de langue régionale : il y a des écoles privées dans toutes les communes, mais ce n’est pas le cas des écoles privées de langue régionale.
Je prendrai l’exemple de mon petit coin de communes, Port Louis, Locmiquélic et Riantec. Il y a, à Riantec, une école Diwan en immersion qui fait un travail fantastique pour les élèves ; les parents vont vendre du kig ha farz sur le marché, il y a de leur part un vrai engagement pour l’école. Il se trouve que le maire de Port Louis ne veut pas prendre en charge le forfait scolaire. Quel dommage ! Cette école en immersion risque, à terme, de se retrouver en difficulté, parce que deux ou trois élèves de Port Louis ne peuvent plus bénéficier du forfait scolaire. Alors, s’il vous plaît : c’est un investissement, mais quel autre investissement que celui qui permet de donner aux enfants une éducation pleine et entière grâce au mouvement éducatif et aux parents, et surtout de rester dans la commune où l’on réside au lieu de devoir aller dans la commune d’en face ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)
M. le président
La parole est à M. Alexis Corbière.
M. Alexis Corbière
C’est un sujet sensible où chaque mot peut faire une étincelle. Nous l’avons dit par la voix de Bastien Lachaud : les langues dites régionales doivent continuer à vivre dans notre pays car elles participent à la richesse du patrimoine. Ce n’est donc pas le sujet. Mais nous sommes aussi attachés à ce que leur enseignement se fasse dans le cadre du service public, avec la création de postes publics.
Le danger qui pèse sur l’école publique, comme je vous l’ai souvent dit, monsieur le ministre de l’éducation nationale, c’est la concurrence du privé, car les lois qui se sont succédé – je pense à la loi Debré de 1959, mais aussi à la loi Carle dont nous parlons à l’heure actuelle – ont produit le paradoxe du financement public de l’école privée. Or, toutes les études sociologiques le démontrent, l’école privée accueille aujourd’hui les enfants des catégories sociales supérieures, tandis que ceux des catégories les plus défavorisées se concentrent dans les écoles publiques.
M. Erwan Balanant
C’est faux !
M. Alexis Corbière
Si nous acceptons l’élargissement de la loi Carle que proposent ces amendements, nous allons participer, qu’on le veuille ou non, au financement public de ceux qui quittent l’école publique. C’est une épée à double tranchant. Face à une école publique qui se dégrade et qui concentre les difficultés, nous allons financer le choix de parents qui, parfois pour de bonnes raisons, mais aussi pour de mauvaises raisons, se disent : « Moi, je vais mettre mon gamin ailleurs, là où le projet pédagogique est plus cohérent, où les parents sont plus motivés ». Concrètement – je vous en ai déjà fait le reproche, monsieur le ministre –, l’accueil des enfants dès trois ans, que je soutenais philosophiquement, a amené une commune comme la mienne, la plus endettée du département de la Seine-Saint-Denis, à devoir verser chaque année 150 000 euros supplémentaires à une école privée confessionnelle. Cela fait 650 000 euros sur un mandat, alors que la commune a les plus grandes difficultés à financer l’école publique. C’est ce que nous risquons de faire ici, avec un effet démultiplié. Collègue Molac, je connais vos convictions sur le sujet, mais gare à ce que vous créez, peut-être sans vous en rendre compte : c’est un mauvais service rendu à la République et aux langues régionales. (Applaudissements
M. le président
La parole est à M. Sylvain Waserman.
M. Sylvain Waserman
J’ai entendu parler, dans la défense des amendements, de la liberté de choix des parents. Bien sûr, les parents ont une liberté de choix, mais ce n’est pas de cela dont nous parlons ici. Ce dont nous parlons, c’est du financement du forfait scolaire par les maires et de son caractère obligatoire ou non. Personnellement, je dis qu’il faut faire confiance aux maires. Ne leur donnons pas l’obligation de financer, faisons-leur confiance ! (Applaudissements
M. le président
La parole est à M. Hubert Wulfranc.
M. Hubert Wulfranc
Le groupe communiste se retrouve totalement dans les propos initiaux de M. le ministre. C’est pour nous une question de principe, qui s’inscrit dans notre position historique en la matière. Ce débat ne doit pas raviver une quelconque guerre, ni une guerre scolaire d’ordre confessionnel, ni une guerre scolaire d’ordre linguistique. Nous considérons que la position équilibrée recherchée par le ministère sur ce texte va, ou plutôt serait allée, dans le bon sens. L’article franchit un pas supplémentaire qui – malheureusement selon nous – déséquilibre plus avant le texte, même si chacun sur ces bancs se retrouve autour de la défense et de la promotion des langues régionales. C’est pourquoi nous voterons contre le rétablissement de l’article. (M. Jean-Paul
M. le président
La parole est à M. Didier Le Gac.
M. Didier Le Gac
J’entends certains pointer la charge qu’une telle extension du forfait ferait peser sur les communes et le risque qu’elle ferait courir aux écoles de certaines d’entre elles. Je voudrais donc rappeler à M. Blanquer qu’en mars 2019, lors de l’examen du projet de loi pour une école de la confiance, il indiquait qu’il ne s’opposerait pas aux votes des CTAP, dont le poids et le rôle ont été renforcés par les lois MAPTAM – loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles – et NOTRe, qui en font un lieu de concertation et de décision entre élus. Les CTAP regroupent le président du conseil régional, les présidents des conseils départementaux et des représentants des maires pour chaque catégorie de communes, petites et grandes. Faisons confiance aux élus ! Même si je vous invite à voter pour ces amendements identiques et le rétablissement de la rédaction issue du Sénat, nous aurions pu imaginer de subordonner l’extension du forfait scolaire à un accord de la CTAP. En Bretagne, les élus de cette conférence en ont débattu : certains étaient contre, pour les mêmes raisons que vous, mais le vote fut finalement favorable.
Enfin, je rappelle – cela devrait toucher certains orateurs ici – qu’en février 2019, quand le Premier ministre de l’époque s’était rendu à Rennes pour signer le contrat d’action publique pour la Bretagne, il avait proposé d’ouvrir la réflexion sur l’élargissement du forfait scolaire en consultant la CTAP et s’était engagé, au nom de l’État, à respecter les décisions de celle-ci. (Applaudissements
M. le président
La parole est à Mme Géraldine Bannier.
Mme Géraldine Bannier
C’est moi qui ai déposé en commission l’amendement de suppression de l’article. Je me suis fondée sur mon expérience de maire d’une commune de moins de 700 habitants dotée d’une unique école, privée – mais celle-ci aurait très bien pu être publique, comme l’avait projeté l’ancienne maire.
Les maires de telles communes sont habitués à l’obligation de payer quand un élève est inscrit dans le public. Avec cette mesure, seraient-ils aussi obligés de verser une contribution dans les cas où un élève s’inscrirait dans un établissement privé d’une commune voisine proposant l’enseignement d’une langue régionale, tel le gallo chez nous ? Ce n’est pas très clair : en commission, M. le rapporteur indiquait que non, qu’un accord serait nécessaire, or j’entends maintenant le contraire. C’est une première incertitude. Et puis qui tranchera, en cas de désaccord ? Le préfet ? Ce n’est pas précisé dans les amendements de rétablissement, dont le texte reste flou.
En tout cas, pensons aux communes qui se battent pour conserver leurs élèves. Seulement quarante-six sont scolarisés dans la mienne et nous tenons à garder leur école vivante. Bien sûr, les élèves doivent pouvoir étudier une langue régionale à l’extérieur ; du fait de mon parcours, je suis très attachée à l’ancien français, aux langues anciennes et aux langues régionales, mais comment obliger les communes à payer pour perdre leurs élèves ? Ce serait une double peine.
M. Bastien Lachaud
Elle a raison !
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 1, 3, 13, 36, 67, 76, 143, 150, 152, 153, 154, 179, 214, 230, 259 et 304.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 256
Nombre de suffrages exprimés 232
Majorité absolue 117
Pour l’adoption 127
Contre 105
(Les amendements identiques nos 1, 3, 13, 36, 67, 76, 143, 150, 152, 153, 154, 179, 214, 230, 259 et 304 sont adoptés et l’article 2 quinquies est ainsi rétabli.)
M. le président
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion de la proposition de loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion ;
Proposition de loi donnant le droit à une fin de vie libre et choisie ;
Proposition de loi relative à l’évolution statutaire de la collectivité de Corse afin de lutter contre le phénomène de spéculation foncière et immobilière dans l’île ;
Proposition de loi visant à garantir le respect éthique du don d’organes par nos partenaires ;
Proposition de loi relative à la légalisation contrôlée de la production, de la vente et de la consommation de cannabis ;
Proposition de loi organique limitant le recours aux dispositions fiscales de portée rétroactive ;
Proposition de loi relative à la prise en compte des objectifs de développement durable ;
Proposition de loi constitutionnelle relative à la reconnaissance du vote blanc pour l’élection présidentielle.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra