XVe législature
3e session extraordinaire de 2020-2021

Première séance du mardi 21 septembre 2021

Sommaire détaillé
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Première séance du mardi 21 septembre 2021

Présidence de M. Richard Ferrand

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Ouverture de la session extraordinaire

    M. le président

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    En application des articles 29 et 30 de la Constitution, je déclare ouverte la session extraordinaire convoquée par décret du Président de la République du 1er septembre 2021.

    2. Questions au Gouvernement

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

    Crise des sous-marins

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. J’y associe mon collègue Michel Herbillon, président de la mission d’information sur l’espace indo-pacifique, et, bien sûr, les élus de la Manche.
    En 2016, on parlait du contrat du siècle avec l’Australie. Aujourd’hui, c’est l’affront du siècle, une gifle, un Trafalgar diplomatique, économique et industriel. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Sébastien Jumel applaudit également.) Je suis naturellement aux côtés de Naval Group, des 650 salariés concernés, beaucoup dans la Manche, mon département, à Cherbourg, dans le nord du Cotentin, aux côtés des familles et des sous-traitants. Ils n’ont pas failli, n’ont pas manqué à notre confiance. La solidarité nationale devra jouer, l’État être présent ; il faut, monsieur le Premier ministre, vous y engager.
    Rarement un supposé allié n’aura si peu respecté un engagement, qui plus est au profit d’autres alliés dits historiques. Ce contrat, c’était une part essentielle de la politique menée par la France dans la zone indo-pacifique. Nous sommes désormais nus.
    Quid de notre stratégie, de nos alliances, de nos industries de défense ? Nous voilà isolés, marginalisés, malgré notre présence dans la zone, en Nouvelle-Calédonie notamment. Quid de notre million et demi de concitoyens, de nos millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive (ZEE) ? Que dire de notre souveraineté ? Et sur le plan de la prolifération des armes atomiques, c’est champion !
    Les causes directes – un accord secret, un lâchage australien et une forme de duplicité – sont connues mais comment le Gouvernement a-t-il pu être aussi sourd aux bruits de fond qui entourent ce contrat depuis quelques années ? Les trois pays travaillaient depuis dix-huit mois sur cet accord secret et nos services de renseignement n’auraient rien vu, rien entendu ? La presse internationale en parle depuis des mois, réagissant aux signaux envoyés, et vous n’auriez rien vu, rien entendu ?
    Quel a donc été l’accompagnement politique de ce contrat au cours des dernières années ? Vous devez vous expliquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Sébastien Jumel applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre des armées. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

    Mme Florence Parly, ministre des armées

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    Vous avez tout à fait raison,…

    M. Maxime Minot

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    Ça, on le sait !

    Mme Florence Parly, ministre

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    …il s’agit bien plus que d’une rupture de contrat industriel, bien plus que de la remise en cause d’un contrat d’armement entre la France et l’Australie : c’est une rupture de confiance entre alliés et un triple tournant stratégique pour nous Européens.
    Le fond de votre question, c’est de savoir ce qui a entraîné ce résultat stupéfiant qu’est la dénonciation, le 15 septembre, du programme dans lequel nous étions engagés depuis 2014. C’est en effet en 2014 que les discussions ont commencé entre l’Australie et la France sur un programme ambitieux de sous-marins classiques de classe océanique. Le contexte était déjà celui d’une montée en puissance rapide de la Chine.
    La demande portait sur un sous-marin capable d’aller loin avec une propulsion classique. Elle devait permettre à l’Australie, j’insiste sur ce point, de se doter d’un équipement souverain. Si nous avons été sélectionnés en 2016, c’est parce que nous avons parfaitement répondu à cette demande. Le sous-marin proposé était de type Barracuda, avec pour seule différence qu’il ne serait pas à propulsion nucléaire. Il devait être produit en Australie : c’est de l’acier australien qui devait servir à fabriquer une coque australienne, dans un chantier naval australien, avec des employés australiens.
    Nous avons appris la dénonciation du contrat quelques heures avant son annonce publique. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.) La montée en puissance de la Chine n’est pas une donnée nouvelle ; ce qui l’est, c’est la propulsion nucléaire, qui ne nous avait pas été demandée, et ce qui pose problème, c’est la souveraineté.
    Sur la question particulière de Cherbourg, je souhaite avant toute chose vous préciser que le Premier ministre a eu un contact avec le maire de la ville et qu’il en aura d’autres. Je pourrai compléter ma réponse à l’occasion des autres questions sur le même sujet. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

    M. Maxime Minot

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    Ça ou rien, c’est la même chose !

    Crise des sous-marins

    M. le président

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    La parole est à M. Fabien Roussel.

    M. Fabien Roussel

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    Le 21 septembre est la Journée internationale de la paix, or cette paix est sérieusement menacée. La décision unilatérale de l’administration américaine de vendre à l’Australie des sous-marins à propulsion nucléaire menace en effet la paix dans la zone indo-pacifique. C’est une décision extrêmement grave. C’est le choix d’une escalade militaire dangereuse dans cette zone et en mer de Chine.
    C’est également méprisant pour la France et l’Union européenne. La France est une puissance majeure du Pacifique, avec une zone maritime immense…

    M. Christian Hutin

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    Très bien !

    M. Fabien Roussel

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    …et plus de 1,5 million de concitoyens y vivent. N’oublions pas la Polynésie ni la Nouvelle-Calédonie.
    Oui, c’est méprisant pour la France, l’allié historique des États-Unis. Les États-Unis n’ont pas d’alliés, c’est America First, et ils viennent de nous le signifier. Quand aurons-nous enfin la lucidité de nous dire que, dans cette guerre contre la Chine, nous serons toujours perdants, dans tous les cas de figure ?
    Cette décision est aussi extrêmement dangereuse car pour la première fois une puissance nucléaire, les États-Unis, transfère la technologie de l’uranium enrichi à un autre État, créant ainsi un précédent. Que dirons-nous demain si la Chine ou la Russie font de même ?
    Et puis, bien sûr, c’est l’inquiétude pour l’ensemble des salariés de Naval Group et des entreprises travaillant sur ce chantier.
    Monsieur le Premier ministre, notre réponse doit être claire. La France doit retrouver son indépendance pour porter la voix de la paix et faire respecter le droit international. C’est pourquoi je demande solennellement au Président de la République d’annoncer dès à présent le retrait de notre pays du commandement militaire de l’OTAN que nous avons réintégré en 2009. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – M. Christian Hutin applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre des armées.

    Mme Florence Parly, ministre des armées

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    Nous sommes en effet une nation de l’Indo-Pacifique et, si nous sommes présents dans la région, c’est d’abord parce que nous y avons des intérêts. Nous y comptons près de 2 millions de ressortissants et 93 % de notre ZEE. Cela justifie pleinement, non seulement notre présence, mais aussi notre souhait de vouloir y jouer un rôle.
    Nous sommes présents en Indo-Pacifique également parce que nous pensons qu’au-delà des territoires que nous y avons, pour les pays riverains, la montée en puissance de la Chine, son agressivité croissante sont source de grandes difficultés et que nous devons pouvoir offrir une solution alternative face à cette agressivité.
    Enfin, nous sommes présents en Indo-Pacifique parce que nous ne voulons pas que la voix de la France et de l’Europe soit ignorée. Il y a de la part des États-Unis une volonté de monter en puissance dans l’escalade, la confrontation avec la Chine. Cette confrontation pourrait – je ne suis naturellement pas en train de le prédire – avoir une dimension militaire. Est-ce cela que nous voulons pour la paix et les relations internationales dans cette région du monde ô combien importante, où passe près de 60 % du PIB mondial ?

    M. Christian Hutin

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    Que fait-on ?

    M. Maxime Minot

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    Pas grand-chose !

    Mme Florence Parly, ministre

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    Alors que faisons-nous ? Tout d’abord, nous sommes en train d’évaluer les différentes options vis-à-vis de nos partenaires. Jean-Yves Le Drian est présent à l’assemblée générale de l’ONU à New York pour élaborer avec ses partenaires européens une ligne de conduite européenne.
    Je reviendrai sur la question de Cherbourg ultérieurement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Crise des sous-marins

    M. le président

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    La parole est à Mme Sonia Krimi.

    Mme Sonia Krimi

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    La duplicité, le mépris et l’indécence ne doivent jamais s’inviter dans une relation amicale. Et que dire lorsque cette relation est plusieurs fois centenaire ?
    La duplicité : celle qui consiste à négocier dans le dos de la France. Le mépris : ne pas prendre la peine d’informer selon les usages. L’indécence : invoquer un choix technologique quand on connaît l’excellence de notre industrie de défense – et je salue la réaction exceptionnelle de Naval Group, qui se distingue des autres.
    Chez nous, dans le Cotentin, particulièrement à Cherbourg, l’industrie navale est un des cœurs vibrants. Derrière ces décisions unilatérales, il y a des familles, des emplois directs et indirects, des entreprises sous-traitantes. Nous n’acceptons pas d’être les victimes silencieuses de ce coup de poignard dans le dos.
    L’administration américaine considère que sa « guerre froide » contre la Chine l’autorise à s’asseoir sur notre pays et sur l’Europe. Ce retournement de situation montre l’urgence de fonder une défense européenne. La France, vous l’avez rappelé, madame la ministre, est une puissance dans l’Indo-Pacifique, avec 1,6 million de Français présents. C’est le moment de fonder une souveraineté stratégique européenne.
    Que penser d’un allié dont la parole n’est plus d’or ? Aujourd’hui la France, demain l’Allemagne ; aucun pays d’Europe, aucun allié de l’OTAN n’est à l’abri. Face à une crise transatlantique sans précédent depuis 2003, quelle sera la réponse ferme de notre pays ? Quel soutien envisager pour nos territoires meurtris ?
    Je tiens, enfin, à affirmer que rien ne justifie la délectation honteuse de certains face à ce mauvais coup porté à la France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Les groupes de la majorité…

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre des armées.

    Mme Florence Parly, ministre des armées

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    Je partage en tout point votre analyse. Je l’ai dit tout à l’heure, il ne s’agit pas simplement de la rupture d’un contrat portant sur un programme d’armement majeur entre la France et l’Australie mais d’une rupture de confiance entre alliés et d’un tournant stratégique.
    S’agissant de l’Australie, qui décide de confier entièrement son avenir aux États-Unis face à la menace chinoise, je voudrais rappeler les paroles du premier ministre de ce pays, importants pour nous tous et pour notre industrie navale : les sous-marins de la classe Attack que nous devions construire sont les meilleurs du monde dans le domaine des sous-marins conventionnels. La dénonciation du contrat n’est donc pas motivée par des raisons tenant à la qualité des produits fournis par Naval Group, mais pour des raisons de convenance.

    M. Christian Hutin

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    Mais que fait-on ?

    Mme Florence Parly, ministre

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    Cela n’a donc rien à voir avec notre industrie et la qualité de nos produits.
    Les États-Unis sont de plus en plus focalisés sur l’Indo-Pacifique et sur la Chine, et n’hésitent donc plus à s’asseoir sur les intérêts et le dialogue avec leur plus vieil allié, la France.
    Cela a également des implications pour l’Europe. Après le retrait américain de Kaboul, la crise australienne nous montre que nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes et que l’Europe doit se donner les moyens d’agir.
    Alors que faisons-nous ? Dans l’immédiat, nous apportons tout notre soutien à Naval Group et à notre industrie, dont les performances ont été à la hauteur. L’État est mobilisé pour défendre le groupe face au client australien, qui porte l’entière responsabilité de cette rupture. Je ne peux en dire plus, les négociations commencent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    Chèque énergie

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Louis Bricout.

    M. Jean-Louis Bricout

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    Ma question s’adresse à Mme la ministre de la transition écologique et concerne le chèque énergie. Ce chèque, c’est nous, socialistes, qui l’avons créé. Nous avons ensuite proposé d’en augmenter le montant et de le moduler. C’est ce que vous faite aujourd’hui, certes, mais partiellement. La hausse du chèque énergie que vous prévoyez est en effet bien trop modeste. Elle n’est pas à la hauteur des enjeux.
    Sur le plan social, tout d’abord : le plafond de revenus, 10 800 euros, est bien trop bas, ce qui exclut de fait les travailleurs modestes. Les ouvriers habitant en milieu rural n’ont pourtant d’autre choix que de passer à la pompe pour se rendre au travail. Avec la hausse des factures de chauffage et de déplacement, ces familles n’en peuvent plus. C’est la double peine.
    Votre proposition est en outre déconnectée de la réalité climatique de nos territoires. Vous ignorez l’écart des températures entre le nord et le sud.

    M. Pierre Cordier

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    C’est très juste !

    M. Jean-Louis Bricout

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    Cet écart représente plus de 500 euros par an dans la facture : cette somme est peut-être un détail pour vous, mais pour certains, il veut dire beaucoup ! (Sourires.)
    Le chèque énergie vise à améliorer le reste à vivre du foyer après le paiement de la facture d’énergie. Il doit donc être modulé à la hausse dans le Nord, où le climat est plus froid et les factures plus élevées.

    M. Gérard Leseul

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    Très bien !

    M. Jean-Louis Bricout

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    C’est une question de solidarité. Les cartes climatiques, qui existent depuis 2009, doivent permettre d’appliquer un coefficient climatique. Dans les Hauts-de-France, ce coefficient est de 1,3, soit une majoration de 90 euros et un chèque de 300 euros – voilà du concret !
    Plus globalement, cette augmentation ponctuelle ne change rien à la baisse durable du pouvoir d’achat. Votre proposition est insuffisante et déconnectée des réalités sociales et territoriales.
    Madame la ministre, comment un travailleur modeste peut-il vivre dignement ? Quand allez-vous prendre réellement en considération nos territoires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.

    M. Pierre Cordier

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    Fait-il froid à Amiens, madame la ministre ?

    Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique

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    Petit rappel historique, monsieur Bricout : le chèque énergie a été mis en place en 2018. Auparavant, il existait ce que l’on appelait « les tarifs sociaux de l’énergie », qui étaient très complexes à appliquer (Protestations sur les bancs du groupe SOC)

    M. Pierre Cordier

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    Arrêtez de critiquer vos anciens amis !

    Mme Barbara Pompili, ministre

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    …et ne bénéficiaient pas à tout le monde. Ils ont donc été remplacés par le chèque énergie, dispositif beaucoup plus simple et qui conduit parfois à un chèque d’un montant élevé.
    Je vous remercie d’avoir rappelé que nous avons, par l’intermédiaire du Premier ministre, annoncé une rallonge du chèque énergie. Désormais, aucune démarche ne sera nécessaire et chaque bénéficiaire recevra un chèque de 100 euros dans sa boîte aux lettres à la fin de l’année, ce qui lui permettra de faire face à la hausse du prix du chauffage, causée notamment par la reprise et par la décision de la Russie de réduire sa production.
    Le chèque énergie constitue une mesure d’urgence, mais il ne permet pas de répondre au problème structurel que nous connaissons : les passoires thermiques, dans lesquelles vivent encore certains Français. Pour y remédier, le Gouvernement a pris des mesures de plus long terme telles que MaPrimeRénov, dont l’application a été étendue à tous les Français en 2021 par la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Grâce à cette mesure, chacun a la possibilité de rénover son logement.
    Enfin, contrairement à ce que vous affirmez, nous pensons aux territoires. Dans la nouvelle réglementation environnementale des bâtiments neufs, nous avons pris en considération les territoires qui subissent de fortes chaleurs. Vous avez parlé du Nord, mais vous oubliez les fortes chaleurs et la situation des gens qui vivent dans des bâtiments mal isolés. Qu’ils habitent dans le Nord ou dans le Sud, tous les Français ont besoin que nous les aidions.
    La politique du Gouvernement est d’aider ponctuellement les Français dans les périodes difficiles comme celle que nous connaissons aujourd’hui. Tel est le sens du chèque énergie. Rappelons qu’au-delà de l’aide de 100 euros que nous avons prévue, nous avons élargi le nombre de bénéficiaires du chèque énergie, passés de 3,8 à 5,8 millions.

    M. le président

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    Merci, madame la ministre !

    Mme Barbara Pompili, ministre

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    Voilà les mesures que nous prenons ! Nous agissons pour le court terme, mais aussi au niveau structurel. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Louis Bricout.

    M. Jean-Louis Bricout

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    Votre réponse est insuffisante. J’espère qu’à l’avenir, vous prendrez davantage en considération nos territoires et les différences entre le Nord et le Sud. J’espère aussi que vous tiendrez compte des propositions que nous vous ferons, par voie d’amendements, lors de l’examen du projet de loi de finances, pour améliorer le pouvoir d’achat.

    Tensions sur la main-d’œuvre et les matières premières

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Vigier.

    M. Philippe Vigier

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    Monsieur le Premier ministre, après une baisse de l’activité économique de près de 8 points en 2020, 2021 est une belle année : notre pays devrait en effet connaître une croissance légèrement supérieure à 6 %, certains parlant même d’une croissance de 6,3 %.
    Cette croissance, l’Allemagne et l’Italie nous l’envient – leur taux de croissance est de 4 %. Pourtant, trois obstacles importants subsistent pour l’activité de nos entreprises et de « l’entreprise France ».
    Le premier, vous le savez tous, est la cherté des matières premières. Le prix du bois a doublé et celui des métaux a augmenté entre 70 % et 80 %.
    Le deuxième, également connu, est la difficulté d’approvisionnement à laquelle sont confrontées 80 % des entreprises du secteur de l’automobile, 40 % des entreprises de l’électronique et de l’informatique et 20 % des entreprises du bâtiment et des travaux publics.
    Le troisième obstacle, c’est évident, est le marché de l’emploi. Des centaines de milliers d’emplois ne sont pas pourvus et nous savons tous ce qui va se passer au cours des prochaines semaines.
    Profiterons-nous du plan de relance pour identifier des solutions durables et réindustrialiser notre pays ? Nous ne pouvons pas continuer à dépendre de la Chine et des pays asiatiques. Nous avons besoin de solutions durables pour sécuriser les approvisionnements, car des usines performantes ne sont d’aucune utilité sans matières premières à assembler…
    Rappelons, s’agissant de l’emploi, que notre pays compte 1,5 million de chômeurs de longue durée, très éloignés de l’emploi et qui doivent être formés. Pour eux, il est temps de mettre le paquet !
    Et puis il y a cette logique des silos qui a toujours prévalu en France et qui n’est plus acceptable. Il faut mettre tout le monde autour de la table : les régions, pour leurs compétences en matière de formation et de développement économique, les départements, pour leurs compétences en matière d’accompagnement du RSA, et les entreprises. C’est à cette seule condition que nous pourrons lutter efficacement contre le chômage dans notre pays.
    Pour consolider la croissance, monsieur le Premier ministre, il est essentiel que nous réussissions à lever ces différents obstacles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    M. Bruno Millienne

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    Excellent !

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’industrie

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    Je vous remercie d’avoir souligné la vigueur de notre reprise économique, liée, il faut le dire, à la politique volontaire du Gouvernement, laquelle a permis de préserver l’emploi et les entreprises.

    Un député du groupe LR

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    Ça suffit, l’autosatisfaction !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

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    La reprise s’explique notamment par le fait que les salariés ont conservé leurs emplois, ce qui a permis aux entreprises de relancer rapidement leur activité. Il me paraissait important de le rappeler. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
    Ce sont les mesures prises par le Gouvernement qui nous permettent d’afficher aujourd’hui un taux de chômage quasiment équivalent à celui d’avant la crise sanitaire.
    Quant aux problèmes d’approvisionnement et de recrutement auxquels nous sommes en effet confrontés et que vous avez rappelés à juste titre, ils sont au cœur, pour les premiers, de la politique de reconquête industrielle que nous menons depuis quatre ans et qui s’est accélérée avec le plan de relance. Grâce à ce dernier, nous avons financé plus de 550 projets de relocalisation industrielle concernant les intrants critiques, l’agroalimentaire et la santé, entre autres.
    S’agissant de la pénurie de certaines compétences, je ne citerai pas toutes les mesures que nous avons prises, mais je rappellerai que le plan « 1 jeune, 1 solution » – ma collègue Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, est à la manœuvre sur ce sujet – permet aujourd’hui d’accompagner plus de deux millions de jeunes.
    Nous avons pris à bras-le-corps les différents sujets que vous avez évoqués et nous devons en effet poursuivre le combat, combat que nous devons mener, vous l’avez dit, avec les collectivités locales, les entreprises et les formateurs sur le terrain. Tel est précisément ce que nous faisons avec le plan Territoires d’industrie, qui a permis, depuis trois ans, de mettre tout le monde autour de la table et de créer de nouvelles écoles de production à partir des besoins du terrain.
    Je demande donc aux régions, dont le mandat vient d’être renouvelé, de se mobiliser pour poursuivre ce combat à nos côtés afin que nous puissions œuvrer ensemble dans l’intérêt de tous et de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    Indemnisation pour perte d’activité des professionnels de santé libéraux

    M. le président

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    La parole est à Mme Marine Brenier.

    Mme Marine Brenier

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    Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.

    M. Maxime Minot

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    Il n’est pas là !

    Mme Marine Brenier

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    Depuis plus d’un an, vous aimez rappeler avec fierté que lorsque la covid-19 s’est invitée en France, à l’heure du premier confinement, les Français se postaient tous les soirs à leurs fenêtres pour applaudir nos courageux soignants. À une quasi-unanimité, nous avions salué les mesures prises à l’égard des praticiens libéraux, contraints de fermer leurs cabinets. N’oublions pas qu’ils étaient eux aussi mobilisés sur le front de la covid.
    Depuis plusieurs semaines, de nombreux professionnels de santé libéraux ont eu la désagréable surprise de recevoir une missive leur réclamant de rembourser une partie ou la totalité des aides reçues pour la période de fermeture forcée. Selon les chiffres transmis par le directeur général de la CNAM (Caisse nationale de l’assurance maladie) aux professionnels, pas moins de 45 % des médecins et 53 % des chirurgiens-dentistes seraient concernés. Aucun d’entre eux n’avait imaginé devoir rembourser leur indemnisation pour perte d’activité.
    Quelle raison l’assurance maladie invoque-t-elle pour ce soudain revirement ? Elle accuse les professionnels libéraux de mauvaise foi et même d’erreurs dans leurs déclarations ! Comment peut-on invoquer une erreur des professionnels alors même que la règle de calcul a été modifiée par un décret postérieur à l’octroi de cette aide ? Comment ne pas comprendre la colère et la déception de ces professionnels libéraux, qui ont le triste sentiment d’être les dindons de la farce ?
    Nous ne pouvons pas faire des économies de bouts de chandelle sur le dos de ceux qui prennent soin de notre santé, en particulier après le Ségur de la santé.

    M. Maxime Minot

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    Mais oui !

    Mme Marine Brenier

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    Monsieur le ministre, l’assurance maladie va-t-elle renoncer à cette demande de remboursement arbitraire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. Maxime Minot

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    Excellent !

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie

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    Vous avez raison de le rappeler, les professionnels de santé ont été accompagnés pendant la crise sanitaire. Le Gouvernement a créé un dispositif d’indemnisation pour perte d’activité et 203 000 professionnels ont bénéficié d’une aide moyenne supérieure à 6 000 euros, pour un montant total de 1,26 milliard.
    Les avances effectuées en 2020 ont été définies sur la base de données déclaratives, et donc provisoires, afin de verser les avances le plus rapidement possible. Le calcul de l’aide définitive est effectué au vu de l’activité pendant la totalité de la période concernée par le dispositif, de mars à juin 2020, c’est-à-dire trois mois et demi.
    Ainsi, une reprise d’activité précoce en fin de période peut, dans certains cas, avoir compensé tout ou partie de la perte d’activité déclarée au début de la période. Ce calcul tient compte des versements effectués au titre des honoraires et du montant des indemnités journalières perçues par le professionnel, celles-ci intégrant les aides du fonds de solidarité et les allocations d’activité partielle transmises à l’assurance maladie.
    À titre d’exemple, 70 000 médecins généralistes et spécialistes ont reçu en moyenne, respectivement, 3 482 euros et 1 944 euros d’avances, complétées de régularisations. Néanmoins, il est vrai qu’une partie des professionnels – une partie cependant mineure – s’est vu demander de retourner des sommes à l’assurance maladie. Les quelques professionnels concernés ont reçu un mail à ce sujet et seront informés des modalités de régularisation propres à leur situation.
    Soyez assurée, madame la députée, qu’ils ne seront pas mis en difficulté. Un échelonnement sur douze mois du remboursement est ainsi prévu. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Marine Brenier.

    Mme Marine Brenier

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    La moitié, ce n’est pas une partie mineure des praticiens !

    M. Maxime Minot

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    Elle a raison !

    Mme Marine Brenier

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    À quoi les restaurateurs et les commerçants doivent-ils donc s’attendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Reconnaissance et réparation à l’égard des Harkis

    M. le président

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    La parole est à M. Olivier Damaisin.

    M. Olivier Damaisin

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    J’associe à ma question mes collègues Patricia Mirallès et Damien Adam.
    Le lundi 20 septembre 2021, près de soixante ans après la fin de la guerre d’Algérie, le chef de l’État a prononcé un discours de pardon, de reconnaissance et de responsabilité de la France envers les harkis qui ont combattu aux côtés de l’armée française entre 1954 et 1962.
    Déjà, sur le fronton de l’hôtel des Invalides, à quelques pas d’ici, sont gravés les mots : « La République française témoigne sa reconnaissance envers les rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie pour les sacrifices qu’ils ont consentis ». Cette inscription rend hommage aux harkis et membres des formations supplétives ou assimilés qui servirent la France durant la guerre d’Algérie. Elle rend hommage à leur fidélité, à leur abnégation et à leur sacrifice. Cette inscription rappelle leur rôle dans notre mémoire.
    Je veux ici, devant la représentation nationale, de manière solennelle, leur témoigner notre reconnaissance et notre respect. (Applaudissements sur tous les bancs.)
    Madame la ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants, aujourd’hui, la France regarde enfin son passé en face et fait sienne l’exigence de vérité.
    En 2018, avec les associations de harkis, nous avons travaillé durant des mois au sein de la commission d’enquête sur l’indemnisation des familles de harkis et leurs descendants. Des fonds de près de 40 millions ont alors été débloqués. Mais rien n’effacera la souffrance, les camps, l’oubli et le déclassement subis par plusieurs générations de harkis.
    Député d’une circonscription fortement imprégnée par l’histoire des harkis, je connais des familles qui attendent légitimement des mesures concrètes et rapides. Vous avez annoncé ce matin la création d’une commission de reconnaissance et de réparation pour les harkis. Que pouvez-vous nous dire, madame la ministre, sur le contenu du futur projet de loi sur le sujet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants.

    Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants

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    Vous l’avez dit, le Président de la République a tenu un discours fort et très attendu par les harkis et leurs familles. Dans ce discours, il a parlé d’une histoire grande et douloureuse, d’une histoire de soldats et d’honneur, d’une histoire de sang versé, en définitive d’une histoire de Françaises et de Français, mais aussi d’une histoire d’abandon.
    À des paroles fortes, un geste fort. Le Président de la République a souhaité que nous mettions en œuvre une loi de reconnaissance et de réparation,…

    M. Christian Hutin

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    Gloire au Président !

    M. Pierre Cordier

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    François Hollande y avait déjà pensé !

    Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée

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    …reconnaissance de l’abandon militaire des harkis et des mauvais traitements qu’ils ont subis, sur notre sol, de la part de la République.
    La reconnaissance appelle la réparation. Une commission nationale sera créée ; c’est la loi – et donc vous, mesdames et messieurs les parlementaires – qui en décidera. Elle sera adossée à l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) et aura d’abord pour but de poursuivre la réparation à l’égard de la première génération – les harkis qui ont combattu. Elle devra ensuite recueillir les témoignages nécessaires afin d’établir le niveau de la réparation qui sera accordée à la deuxième génération, celle qui a été accueillie dans des camps ou des hameaux de forestage, dans des conditions de vie particulièrement indignes et sans accès à l’école.
    Mesdames et messieurs les députés, nous aurons dans quelques semaines l’occasion d’évoquer ensemble le projet de loi en question, afin de déterminer quelles mesures nous voulons adopter en faveur des harkis et de leurs familles. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. Olivier Damaisin.

    M. Olivier Damaisin

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    Merci, madame la ministre déléguée. J’espère, mes chers collègues, que nous serons tous à la hauteur de cette ambition et qu’une telle loi, attendue depuis longtemps, permettra d’accorder une fois pour toutes réparation à nos amis harkis. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    Retards dans le traitement des dossiers de la CAF

    M. le président

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    La parole est à Mme Frédérique Dumas.

    Mme Frédérique Dumas

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    Ma question s’adresse au ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le ministre, depuis plusieurs mois, les retards s’accumulent dans le traitement des dossiers de la CAF – caisse d’allocations familiales –, ce qui entraîne des conséquences désastreuses. Plus de 5 millions de pièces sont en attente de traitement ; en moyenne, les caisses accusent un retard de trois à quatre mois et dans certains endroits, les dossiers reçus le 12 mai dernier viennent seulement d’être traités. La réforme de l’APL – aide personnalisée au logement –, finalement entrée en vigueur le 1er janvier dernier, a catalysé les difficultés.
    Tout d’abord, les jeunes dont les revenus sont compris entre 800 et 1 300 euros mensuels ont vu leur APL diminuer en moyenne de 95 euros par mois, et la baisse va jusqu’à 106 euros pour les salaires compris entre 1 201 et 1 521 euros. Par ailleurs, la réforme a introduit un nouveau mode de calcul très complexe, pris en charge par un nouveau logiciel qui s’est superposé à l’ancien système, devenu complètement obsolète. Cela a eu pour conséquence des bugs en cascade, des erreurs de calcul et d’importants ralentissements. Les salariés nous ont confié que pour verser l’allocation de rentrée scolaire à temps, il a fallu suspendre le système informatique pendant trois heures dans toute la France, tant il est dépassé.
    À cela s’ajoute le manque d’effectifs. La convention d’objectifs et de gestion (COG) 2018-2022 prévoyait 2 100 suppressions de postes, et les accueils physiques continuent de fermer. Une telle situation n’est pas tenable pour les allocataires, qui attendent depuis plusieurs mois les prestations auxquelles ils ont droit, alors que le contexte de crise sanitaire et économique a fragilisé de nombreux foyers. Elle ne l’est pas non plus pour les salariés des CAF, qui se voient imposer des heures supplémentaires ou des rachats de RTT pour suivre la cadence, et qui doivent parfois faire face à la colère de personnes en souffrance.
    Monsieur le ministre, ma question est donc simple : allez-vous enfin engager les moyens nécessaires pour mener à bien la réforme sur le terrain, dans des conditions décentes pour les allocataires et pour les salariés ? Allez-vous en particulier décider d’un moratoire sur les suppressions de postes, dans le cadre des négociations de la prochaine COG ? M. le Premier ministre vient d’annoncer la recentralisation du RSA ; on peut donc craindre le pire. (Applaudissements sur les bancs des groupes LT et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles

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    Vous avez évoqué la réforme de l’aide au logement, tant sur le fond que sur le plan de son organisation. Cette réforme est importante parce qu’elle est juste : vous le savez, elle a permis de mieux faire correspondre le montant de l’aide à celui des ressources les plus récentes des 6 millions de bénéficiaires. À ce titre, elle fait l’objet d’un suivi très attentif de la part du Gouvernement.
    Vous avez mentionné plusieurs dysfonctionnements. Certes, quelques difficultés se sont fait jour et je vais y revenir. Mais je voudrais avant toute chose saluer l’engagement de l’ensemble des personnels de la CAF, que je rencontre régulièrement – en tant que secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, j’ai eu l’occasion, lors de mes déplacements, de me rendre dans de nombreuses caisses et ainsi d’échanger avec les agents à propos des difficultés qu’ils ont pu rencontrer ces dernières semaines et ces derniers mois.
    Même si elle est encore tendue dans certains endroits, ce à quoi il faut évidemment remédier, la situation s’améliore. Vous l’avez dit, la réforme a pris appui sur un nouveau système d’information et de calcul. Des réglages et des incidents liés à cette nouveauté ont causé des difficultés réelles ; nous estimons néanmoins que 2 % seulement des allocataires ont été touchés à l’occasion de la contemporanéisation – c’est le terme consacré – de l’APL. En outre, chaque difficulté a été corrigée de manière individualisée et chaque anomalie a été réparée. Il est incontestable qu’elles ont surchargé le réseau et affecté ses agents ; je leur rends une fois de plus hommage.
    Sachez cependant, madame la députée, que nous n’avons observé aucune rupture de service. Si un délai de traitement plus long a pu être constaté s’agissant de certains dossiers, le paiement a toujours été effectué, qu’il s’agisse des aides au logement ou des autres allocations que vous avez mentionnées.
    Enfin, sachez – pour être totalement complet – qu’un plan de remédiation est à l’œuvre à la Caisse nationale des allocations familiales et dans chacune des CAF depuis plusieurs mois, et que d’autres tâches ont été reportées afin de mieux faire face à la situation. Je veux d’ailleurs souligner que la dernière mission importante, qui a consisté fin août à recalculer les droits de 1,3 million d’allocataires, s’est parfaitement déroulée. Nous sommes donc sur la voie d’une amélioration pour les 13 millions d’allocataires que comptent les CAF. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Frédérique Dumas.

    Mme Frédérique Dumas

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    Vous nous confirmez donc, monsieur le secrétaire d’État, que le dispositif n’a pas fonctionné et que cette situation perdure. Il est vrai que, comme le montre la recentralisation du RSA, vous voulez toujours aller plus vite et plus fort, surtout quand ça ne marche pas ! (M. Bertrand Pancher applaudit.) C’est très angoissant et vous savez… (M. le président coupe le micro de l’orateur.)

    Actions en faveur de l’engagement associatif

    M. le président

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    La parole est à M. Sylvain Waserman.

    M. Sylvain Waserman

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    Ma question s’adresse à Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État chargée de la jeunesse et de l’engagement.
    Madame la secrétaire d’État, il est des lois qui sont votées à l’unanimité dans l’hémicycle ; elles revêtent par conséquent une importance particulière. La loi en faveur de l’engagement associatif et celle visant à améliorer la trésorerie des associations – qui est d’ailleurs issue d’une proposition que vous avez rédigée avec nous, lorsque vous étiez encore sur ces bancs au sein du groupe MODEM et démocrates apparentés – ont toutes les deux été votées à l’unanimité, le 24 juin dernier ; cela montre bien l’attachement de chacune et de chacun d’entre nous à la vie associative.
    Nous avons passé une partie de l’été à informer le monde associatif du contenu de ces deux lois, concernant en particulier la meilleure protection des présidents bénévoles, les fonds accordés pour la formation des bénévoles, la sensibilisation à l’engagement des collégiens et des lycéens, ainsi que les avancées majeures réalisées en matière de trésorerie et de financement des associations. Vous êtes même venue à Strasbourg pour rencontrer 104 de nos responsables d’associations, et je vous en remercie.

    M. Fabien Di Filippo

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    C’est juste de la com’ !

    M. Sylvain Waserman

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    Mais de nombreuses associations, chers collègues, tirent la sonnette d’alarme – c’est probablement le cas dans la plupart de nos circonscriptions : elles nous disent qu’elles sont loin de retrouver leur nombre d’adhérents et de bénévoles d’avant-crise. Pour certaines, les taux d’adhésion ont considérablement chuté ;…

    M. Sébastien Jumel

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    Jusqu’à 30 % !

    M. Sylvain Waserman

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    …la rentrée confirme d’ailleurs cette tendance. Certes, de nouvelles formes d’engagement sont nées pendant la crise, mais une telle baisse confronte nos associations à un véritable défi. Nous les avons accompagnées durant la crise ; de la même manière, nous devons les épauler dans la phase de sortie de crise. Nous en mesurons tous les enjeux, tant la vie associative est essentielle : elle tisse le lien social et c’est en somme notre modèle de société qui en dépend.
    Madame la secrétaire d’État, comment pouvons-nous concrètement agir, au-delà des paroles, pour lutter contre la baisse inquiétante du nombre d’adhérents et de bénévoles et, plus particulièrement, pour dynamiser l’engagement de notre jeunesse, qui a tant à apporter au monde associatif ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la jeunesse et de l’engagement.

    Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État chargée de la jeunesse et de l’engagement

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    Vous avez raison, monsieur le député : le fait que les lois que vous mentionnez aient été votées à l’unanimité montre que nous nous accordons s’agissant de ces sujets essentiels, et nous saluons à nouveau l’attitude de la représentation nationale en la matière. Les associations sont évidemment le cœur et le poumon de notre société. Durant la crise, elles ont d’abord été accompagnées sur le plan financier, pour répondre à l’urgence, en particulier grâce au fonds UrgencESS, lancé par Olivia Grégoire, au fonds de solidarité et au chômage partiel, qui a permis de maintenir les salariés dans l’emploi.
    Cependant, l’accompagnement économique et financier devait être complété par un accompagnement humain. Cela nécessitait de rassurer les responsables associatifs et de relancer le bénévolat. Plusieurs dispositifs ont été soutenus en ce sens, notamment l’heure civique, plateforme dont s’occupe Jacqueline Gourault dans le cadre d’un accord avec les collectivités territoriales, et la réserve civique, qui permet de mobiliser l’ensemble de nos territoires – plus de 300 000 personnes l’ont rejointe au niveau national.
    S’y ajoute le soutien au retour des bénévoles dans les associations, que l’on encourage dès le plus jeune âge. Jean-Michel Blanquer a initié un accompagnement qui commence dès l’école primaire et qui est ensuite valorisé au collège et au lycée ; il prend ses racines dans les écoles et dans les familles.
    Enfin, monsieur le député, une telle dynamique ne peut se construire qu’avec les associations elles-mêmes. Nous avons ainsi lancé, grâce au soutien et à la volonté du Premier ministre, une grande campagne pour appeler les associations à ouvrir leurs portes et à attirer les bénévoles, en particulier dans le cadre des deux week-ends de forums associatifs qui viennent d’avoir lieu. C’est la campagne « Mon association, je l’adore, j’y adhère ! », élaborée avec le Mouvement associatif et Hexopée, donc avec les associations. Elle a surtout un objectif : dire à tous les bénévoles et à tous les Français que le grand plan Marshall que nous devons lancer, c’est celui qui consiste à soutenir le retour du lien, le retour dans nos associations, le retour de la vie ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    Vague épidémique en Nouvelle-Calédonie

    M. le président

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    La parole est à M. Pascal Brindeau.

    M. Pascal Brindeau

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    Je pose ma question au nom de mes deux collègues calédoniens, Philippe Dunoyer et Philippe Gomès ; elle s’adresse au Premier ministre.
    Monsieur le Premier ministre, depuis le 6 septembre, la Nouvelle-Calédonie subit de plein fouet une vague épidémique de grande ampleur. Nous déplorons déjà 33 décès et avec près de 5 000 cas positifs confirmés à ce jour, les services hospitaliers sont saturés.
    Nous tenons à vous adresser nos sincères remerciements pour la réactivité du Gouvernement face à ce tsunami ; elle permet l’arrivée de 130 professionnels de la réserve sanitaire nationale dès cette semaine – les premiers sont arrivés aujourd’hui même. Désormais, l’objectif est d’atteindre un taux de vaccination de 80 à 90 % dans les meilleurs délais, alors que 34 % seulement de la population est aujourd’hui vaccinée. Dans cette perspective, nous vous avons sollicité pour diversifier l’offre vaccinale et permettre aux Calédoniens d’accéder à des vaccins à virus inactivé.
    Sur le plan économique, le troisième confinement en cours nécessitera plus que jamais un soutien attentif de l’État, d’autant que l’incertitude politique pesant sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie fragilise grandement la confiance des entreprises.
    Monsieur le Premier ministre, au moment où la stratégie indo-pacifique de la France est mise à mal et à l’orée du troisième référendum sur l’indépendance, la crise sanitaire éclaire d’un jour nouveau le choix des Calédoniens. En effet, l’État a été exemplaire aux côtés de la Nouvelle-Calédonie et de tous ses habitants : il l’a d’abord été sur le plan du soutien sanitaire, grâce à l’envoi de vaccins, de tests et à l’intervention de la réserve sanitaire nationale ; ensuite au niveau économique, puisque plus de 8 000 entreprises calédoniennes ont bénéficié des PGE – prêts garantis par l’État – et du fonds de solidarité, pour un total de 30 milliards de francs Pacifique ; il l’a été enfin en soutenant les institutions, au moyen d’un concours financier de 10 milliards couvrant les dépenses de quarantaine.
    En réalité, monsieur le Premier ministre, vous l’avez compris, ma question n’en est pas une. Mes deux collègues, au nom du peuple calédonien, souhaitent simplement vous remercier et remercier l’État pour avoir soutenu la Nouvelle-Calédonie et pour continuer à le faire au moment où elle en a le plus besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.)

    M. le président

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    Merci pour votre question qui me donne l’occasion de rappeler, au moment où le Parlement reprend ses travaux, que les mois écoulés ont été particulièrement difficiles pour nos compatriotes ultramarins. Je voudrais rendre hommage à l’ensemble des personnels qui ont été mobilisés dans ces territoires, y compris ceux venant de métropole, qui s’y sont rendus volontairement et qui ont fait face avec courage et détermination aux effets de l’épidémie. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et UDI-I.)
    Vous l’avez dit, monsieur le député, la Nouvelle-Calédonie n’a hélas pas échappé à la règle, et nous avons même été surpris par la virulence et la rapidité avec lesquelles l’épidémie s’est déployée, sur un territoire qui était pourtant – je le rappelle – doté du statut « covid-free ». Mais elle a su faire face et je voudrais d’emblée saluer à mon tour l’engagement très fort des autorités et des élus calédoniens qui, en lien étroit – évidemment – avec le haut-commissaire de la République, ont pris tout de suite les mesures qui s’imposaient. Ils ont dû en particulier recourir – de manière classique – au confinement, lequel a d’ailleurs été prolongé, vous le savez, jusqu’au 4 octobre, et à d’autres mesures sanitaires. La capacité en lits de réanimation a été multipliée par trois – de 20 à 57 lits – et je signale à l’Assemblée nationale que huit patients ont même été évacués depuis la Nouvelle-Calédonie jusqu’en métropole.
    Vous avez évoqué les renforts. Je confirme en effet qu’aujourd’hui même, 77 personnes vont rejoindre le Caillou. Nous avons également livré du matériel : 400 concentrateurs d’oxygène, 420 palettes de masques et 300 000 tests ont été acheminés vers la Nouvelle-Calédonie. Mais bien entendu, là comme ailleurs, c’est la vaccination qui est l’arme la plus forte pour faire face à l’épidémie. Je vous rappelle que les autorités calédoniennes l’ont rendue obligatoire ; même si c’est encore insuffisant, plus de 44 % de la population est déjà primo-vaccinée.
    Nous avons aussi accompagné l’économie calédonienne qui a été particulièrement affectée par la crise sanitaire comme le montrent les chiffres que vous avez cités et que je ne rappelle pas. Là-bas comme ailleurs, notre politique a été constante : soutien sanitaire et accompagnement économique.
    Dans la perspective du troisième référendum d’autodétermination, Sébastien Lecornu, le ministre des outre-mer, se rendra sur place du 4 au 19 octobre pour veiller à la fois à la situation de l’île et aux conditions d’organisation de la consultation. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    Crise des sous-marins

    M. le président

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    La parole est à M. Bastien Lachaud.

    M. Bastien Lachaud

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    Monsieur le Premier ministre, jeudi, l’Australie a annoncé qu’elle dénonçait le contrat d’achat de douze sous-marins passé avec la France. Je dis l’Australie mais je devrais dire les États-Unis : c’est Joe Biden qui l’a annoncé depuis la Maison-Blanche.
    C’est une trahison sans précédent : des dizaines de milliards étaient en jeu ; le plan de charge de Naval Group est bouleversé ; des emplois sont menacés ; nous avions déjà transféré des savoir-faire sensibles aux Australiens, autant dire désormais aux Étatsuniens.
    Les États-Unis protègent leur hégémonie et sont prêts à tout pour cela. Ils ont 750 bases militaires à l’étranger. Ils traitent leurs alliés comme des vassaux. Pour resserrer l’étau contre la Chine, ils participent désormais à la prolifération nucléaire.
    Voilà comment se comportent les États-Unis qu’Emmanuel Macron et votre gouvernement suivent aveuglément depuis bientôt cinq ans. Et votre réaction aura été piteuse : l’annulation d’un dîner à l’ambassade à Washington. C’était tellement ridicule que vous avez fini par rappeler nos ambassadeurs. Soit ! Mais ce genre de symbole n’est rien.
    L’heure n’est pas à bouder mais à agir. L’indépendance de la France, voilà à quoi les Français aspirent : refuser tout embrigadement, tout alignement, pour rester une puissance de médiation au service de la paix, y compris dans l’océan Indien et dans l’océan Pacifique.
    Refusons la tutelle des États-Unis sur notre pays. Refusons de les suivre aveuglément dans leur nouvelle guerre froide contre la Chine. Quittons l’OTAN et refusons l’installation de son centre spatial à Toulouse. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
    Défendons notre industrie, au lieu de la livrer aux États-Unis, comme Macron l’a fait en dépeçant Alstom ! Finissons-en avec la naïveté ! Non, l’Europe de la défense n’est pas une alternative crédible : les traités européens subordonnent tout à l’OTAN ; l’Allemagne la façonne pour servir ses propres intérêts au détriment des nôtres.
    Quelles réelles mesures de rétorsion comptez-vous prendre ? Souhaitez-vous réellement garantir l’indépendance de notre pays ? Si tel est le cas, quand déciderez-vous de quitter l’OTAN ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – Mme Marie-George Buffet applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre des armées.

    Mme Florence Parly, ministre des armées

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    Oui, nous voulons des clarifications et des explications car dans une alliance qui fonctionne, les partenaires sont respectés et l’on met en œuvre une stratégie partagée.
    La rupture par l’Australie du contrat des sous-marins ainsi que l’attitude des États-Unis sont une nouvelle illustration du constat que nous faisons depuis des mois, celui d’un défaut de dialogue politique au sein de l’Alliance atlantique.
    Quelles conséquences faut-il en tirer ? Pardonnez-moi de ne pas tirer exactement les mêmes que vous. Premièrement, il faut se souvenir que l’Alliance atlantique a un cœur de métier : la défense collective de l’Europe, en application de l’article 5 du traité. Les États-Unis y jouent un rôle essentiel, mais la France a aussi le sien qu’elle assume notamment en étant présente auprès des États baltes.
    Deuxièmement, la crise actuelle illustre la nécessité d’un rééquilibrage entre les États-Unis et les Européens. C’est dans cette logique que les alliés ont décidé, à l’initiative de la France et de l’Allemagne, d’engager une révision de ce qu’on appelle le concept stratégique de l’Alliance. Sans m’étendre sur ce terme technique, je peux vous dire qu’il s’agit de rappeler que la raison d’être de l’OTAN a trait à la sécurité transatlantique et non pas à la confrontation avec la Chine.
    Tels sont les termes de la clarification que nous attendons. Elle devra intervenir de manière coordonnée avec l’Union européenne, qui elle-même est en train de se fixer sa feuille de route : la boussole stratégique – tel est son nom – fixera nos ambitions en termes de souveraineté européenne. Une Europe forte, c’est aussi une Alliance forte. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. Éric Coquerel

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    En attendant, on fait quoi ?

    Crise des sous-marins

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Charles Larsonneur.

    M. Jean-Charles Larsonneur

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    Après l’annulation du contrat australien, certains candidats à l’élection présidentielle cèdent aux vieilles lunes nationalistes ou aux chants des sirènes du pacte de Varsovie.

    M. Christian Hutin

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    Très bien !

    M. Jean-Charles Larsonneur

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    D’autres encore, telle Cassandre, affirment avoir anticipé la résiliation du contrat alors même qu’à l’issue d’un sommet commun, le 30 août dernier, les ministres des affaires étrangères et de la défense de nos deux pays réaffirmaient leur soutien à ce programme.
    Chers collègues, nos concitoyens attendent beaucoup de nous. La décision australienne va affecter la vie de 650 familles. Je sais Naval Group à pied d’œuvre pour reclasser ses salariés mais aussi pour préserver l’emploi et les compétences de ses sous-traitants.
    S’agissant de la résiliation du contrat, je sais que les intérêts de l’État et de Naval Group sont défendus avec la plus grande intransigeance. Mais il nous incombe aussi d’accompagner l’entreprise et de soutenir l’activité dans les bureaux d’études. Certains programmes souverains – notamment le sous-marin nucléaire lanceur d’engins de nouvelle génération – doivent être accélérés ainsi que d’autres programmes de recherche.
    Madame la ministre des armées, comment envisagez-vous de soutenir l’entreprise après cette volte-face ? Quelles en seront les conséquences pour notre stratégie indo-pacifique ? L’intensification de nos partenariats avec l’Inde, le Japon, Singapour, la Malaisie et l’Indonésie est-elle envisagée à l’heure de la confrontation sino-américaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre des armées.

    Mme Florence Parly, ministre des armées

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    Merci de votre question, monsieur le député. Je l’ai dit et le répète parce que c’est important : il ne s’agit pas « seulement » – pardonnez-moi d’employer ce mot – de la rupture d’un programme d’armement, mais d’une affaire où se joue la manière dont les relations internationales seront conduites à l’avenir.
    Ne nous étendons pas sur cet aspect déjà abordé afin de nous concentrer sur l’un de nos objectifs : défendre et assurer la protection des intérêts de Naval Group, de ses salariés et de ses sous-traitants. Cet important programme mobilise en effet 650 salariés de Naval Group à Cherbourg, 350 salariés en Australie, ainsi que des entreprises sous-traitantes.
    Comme je l’ai déjà indiqué, les négociations commencent puisque l’Australie a dénoncé son contrat avec Naval Group. Ces contrats obéissent à des règles et contiennent des clauses qui seront évidemment invoquées pour protéger le mieux possible les intérêts de tous, qui sont les intérêts de la France.

    M. Fabien Di Filippo

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    Vous avez échoué !

    Mme Florence Parly, ministre

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    L’État accompagnera Naval Group et ses sous-traitants pour trouver la solution la plus satisfaisante possible, étant entendu que nous voulons évidemment faire porter la responsabilité de cette rupture à l’Australie.
    Enfin, je le répète, il nous faut tirer plus largement, au plan européen, toutes les conséquences de cette affaire désolante. C’est ce que nous sommes en train de faire dans le cadre des débats que nous avons notamment sur la stratégie de l’Union européenne dans la zone indo-pacifique. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Agir ens.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Charles Larsonneur.

    M. Jean-Charles Larsonneur

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    Les salariés de Naval Group et toute la chaîne de sous-traitants comptent sur vous et vous remercient pour votre action résolue qu’il convient de poursuivre avec les différents pays cités. (M. Olivier Becht applaudit.)

    Crise des sous-marins

    M. le président

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    La parole est à M. Alain David.

    M. Alain David

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    Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères. L’Australie a donc annoncé qu’elle n’achèterait finalement pas les douze sous-marins que devait lui construire l’entreprise Naval Group, en vertu d’un contrat passé en 2016.
    Vous avez parlé de « trahison » et de « coup dans le dos » quand le premier ministre australien a évoqué un changement de besoin lié à l’expansionnisme chinois dans la région.
    La plupart des observateurs considèrent que ce dédit australien, aussi brutal soit-il, était en germe depuis de nombreux mois, avec la conclusion du pacte AUKUS entre l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis. La volonté de ces pays est d’être dotés d’armes et d’équipement militaires adaptés et compatibles en cas de conflit majeur avec la Chine.
    La France souhaite manifestement jouer un rôle autonome dans la région sans s’aligner ni sur les États-Unis ni sur la Chine. Vous avez récemment argué que nous étions la puissance européenne présente dans le Pacifique où nous avons deux millions de ressortissants et 7 000 militaires.
    L’Union européenne devrait d’ailleurs adopter aussi une telle politique extérieure autonome. Or les pays européens ont des positions très contrastées en la matière, certains souhaitant continuer à se placer sous la protection du parapluie militaire américain tandis que d’autres sont plus allants pour développer une voie militaire et diplomatique propre.
    Au-delà des protestations diplomatiques contre l’attitude prédatrice des Américains sur ces dossiers militaires, quelle réaction de long terme pensez-vous engager après ce camouflet ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. – M. Stéphane Peu applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre des armées.

    Mme Florence Parly, ministre des armées

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    Vous l’avez rappelé vous-même, monsieur le député, la France a des intérêts majeurs dans la zone indo-pacifique : nous y avons des ressortissants et une présence militaire de près de 7 000 hommes. C’est un enjeu économique majeur pour nous mais aussi pour le monde puisque 60 % de la richesse mondiale passe par cette zone.
    Ironie de l’histoire, le jour même de l’annonce de la dénonciation de ce contrat de sous-marins, les Européens ont publié leur stratégie indo-pacifique, dans le droit fil du discours prononcé en mai 2018 par le Président de la République en Australie.
    Nous avons commencé à bâtir ensemble cette stratégie, ayant convaincu les Européens que notre continent devait avoir une voix propre entre, d’un côté, une Chine dont la montée en puissance est réelle et vérifiée chaque jour dans les domaines économique et militaire, et, de l’autre côté, les États-Unis, engagés depuis plusieurs années dans un processus de confrontation avec la Chine, qui, si l’on en croit les derniers développements, peut prendre une forme militaire.
    Cette stratégie indo-pacifique n’est pas en gestation : elle vient de loin et renvoie à 2018. Dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, nous aurons l’occasion de la développer et de l’intégrer dans la boussole stratégique, au profit d’une Europe qui ne contente pas de protéger ses frontières mais est capable de se projeter pour défendre ses intérêts là où ils sont mis en cause. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Chèque énergie

    M. le président

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    La parole est à M. Sylvain Templier.

    M. Sylvain Templier

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    Madame la ministre de la transition écologique, il y a une semaine, le Gouvernement a annoncé le versement d’un nouveau chèque énergie de 100 euros, qui bénéficiera à près de 6 millions de foyers modestes.
    Il s’agit tout d’abord de réagir à un contexte particulier : l’augmentation des prix du gaz et de l’électricité sur les marchés européens, consécutive notamment, ainsi que vous l’avez rappelé, à une forte demande mondiale de gaz et à une réduction de la production en Russie et en Norvège.
    Les factures de chauffage des ménages risquant d’être particulièrement élevées cet hiver en raison de ces hausses conjoncturelles, nous devons anticiper leurs difficultés. Ce chèque énergie supplémentaire renforcera à nouveau le pouvoir d’achat des Français les plus fragiles. Il s’ajoute à toutes les mesures sociales et écologiques que le Gouvernement a déjà appliquées.
    Avec plus de 500 000 dossiers déposés en 2021, le dispositif MaPrimeRénov’ ne cesse ainsi de monter en puissance et confirme son succès. Il permet d’aider les Français à diminuer leurs frais de travaux de rénovation énergétique tels que le changement de chauffage, l’isolation ou la ventilation de leurs logements.
    Comment ne pas évoquer également les 30 milliards d’euros du plan France Relance dédié à la transition écologique, la mise en place du premier budget vert ou les mesures sociales du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets – la hausse du forfait mobilité durable et de la prime à la conversion et l’expérimentation d’un prêt à taux zéro pour l’achat de véhicules électriques dans les zones à faibles émissions ?
    Toutes ces mesures sont cohérentes et pragmatiques. Elles confirment l’engagement de la majorité en faveur d’une société plus écologique, plus résiliente, plus juste et plus solidaire. Une écologie de l’action et non de l’incantation. Une écologie à la fois responsable et sociale.
    Madame la ministre, quelles seront les modalités pratiques de la mise en œuvre du chèque énergie ? Comment les Françaises et les Français pourront-ils en bénéficier ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.

    Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique

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    Je vous remercie pour cette question, qui va me permettre de donner plus de détails sur la manière dont nos concitoyens pourront bénéficier du chèque énergie.

    M. Jean-Louis Bricout

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    Le chèque énergie, c’est nous en 2015 !

    Mme Barbara Pompili, ministre

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    Je rappelle tout d’abord que jusqu’en 2018, date à laquelle la majorité l’a généralisé, les Français ne disposaient pas de chèque énergie, sauf dans les quatre départements où l’expérimentation prévue par la loi de 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte avait cours – j’avais d’ailleurs soutenu ce texte à l’époque. Son montant a été augmenté et peut atteindre 277 euros, et son application a été élargie (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe SOC), puisque de nouveaux bénéficiaires peuvent y avoir accès – je pense notamment aux personnes vivant dans des résidences pour personnes âgées, comme les EHPAD, les EHPA, les résidences autonomie ou les unités de soins de longue durée.
    Toutes ces avancées ont été permises par notre majorité, justement parce que nous sommes préoccupés par la hausse des prix de l’énergie et ses conséquences, en particulier sur les plus fragiles. C’est pourquoi nous avons instauré le chèque énergie. Par ailleurs, la conjoncture va entraîner une forte hausse des prix de l’énergie et nous avons donc décidé, par la voix du Premier ministre, d’augmenter à titre exceptionnel le montant du chèque énergie de 100 euros.

    M. Jean-Louis Bricout

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    Il fait froid, dans le Nord !

    Mme Barbara Pompili, ministre

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    Les bénéficiaires du chèque énergie n’ont aucune démarche à faire : tous auront droit à cette rallonge. Le chèque arrivera directement dans leur boîte aux lettres, et ils pourront, comme d’habitude, l’envoyer à leur fournisseur d’énergie. Ceux qui veulent que le montant du chèque soit déduit directement de leur facture d’énergie peuvent d’ailleurs le faire grâce au dispositif de préaffectation, instauré pour leur faciliter la vie.
    En outre, nous prévoyons bien évidemment l’avenir, en aidant les bénéficiaires du chèque énergie à rénover leur logement, à changer de voiture et à accéder à d’autres types de mobilité, car le prix de l’énergie, c’est aussi le prix des transports. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Obligation vaccinale des soignants

    M. le président

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    Avant de lui céder la parole, je suis heureux de souhaiter la bienvenue à Mme Christelle Petex-Levet, devenue députée de la troisième circonscription de la Haute-Savoie le 1er août, en remplacement de M. Martial Saddier. (Applaudissements sur tous les bancs.)
    Chère collègue, vous avez la parole.

    Mme Christelle Petex-Levet

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    Je vous remercie pour vos mots d’accueil, monsieur le président. C’est un grand honneur de représenter les habitants de la troisième circonscription de Haute-Savoie et de succéder à Martial Saddier, dont j’étais la suppléante. Je tiens donc tout d’abord à le remercier une nouvelle fois pour sa confiance.
    Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, et j’y associe ma collègue Virginie Duby-Muller. Comme vous le savez, la crise sanitaire que nous traversons a fortement fragilisé le fonctionnement de nos EHPAD et de nos centres médico-sociaux.

    M. Thibault Bazin

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    C’est vrai !

    Mme Christelle Petex-Levet

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    Ils étaient d’ores et déjà touchés par de lourdes difficultés de recrutement avant la pandémie, et la crise de la covid-19 a mis en lumière un véritable problème de sous-effectifs dans ces établissements : les personnels de santé, les personnels éducatifs et administratifs sont sous pression depuis des mois.
    Si nous approuvons l’obligation vaccinale de l’ensemble des personnels, qui s’applique depuis le 15 septembre, celle-ci met plus à mal encore l’équilibre précaire de fonctionnement des EHPAD et des centres médico-sociaux. La suspension de salariés pour non-vaccination, ajoutée à un absentéisme accru et à des démissions en cascade, oblige ces établissements à faire des choix insensés entre les résidents et à en renvoyer un certain nombre chez eux. La qualité d’accompagnement des autres résidents a par ailleurs été considérablement réduite.
    De nombreux EHPAD et centres médico-sociaux sont dans une situation telle qu’ils ont dépassé le drame de devoir choisir entre leurs résidents, et sont désormais contraints à prendre la décision de fermer, faute de personnel. De nombreuses personnes âgées et handicapées de tous âges risquent de se retrouver sans lieu d’accueil, sans lieu de vie. Monsieur le Premier ministre, quand et comment votre Gouvernement compte-t-il réagir ? Quelles actions concrètes comptez-vous proposer pour stopper cette situation intolérable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie

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    Je vous souhaite la bienvenue, madame la députée.
    Concernant l’obligation vaccinale, notre ligne, que je sais partagée par beaucoup d’autres acteurs du secteur, est d’appliquer les sanctions prévues par la loi pour les professionnels non vaccinés. Pendant de longs mois, nous nous sommes collectivement engagés en faveur de l’obligation vaccinale, et avons incité les professionnels à prendre ce chemin. Chaque semaine, je suis en relation avec toutes les fédérations des acteurs du grand âge, qu’ils interviennent en EHPAD ou à domicile : croyez-moi, chacun s’est engagé en faveur de l’obligation et de l’incitation vaccinales.

    M. Maxime Minot

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    Tout va bien, alors !

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

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    Je sais que d’autres acteurs, autour de moi, tiennent aussi ce discours et soutiennent les professionnels de santé. Les retours que j’ai depuis quinze jours montrent que la situation n’est pas aussi dramatique que vous voulez la décrire, loin de là ! Le nombre de professionnels suspendus est tout à fait marginal : 3 000 sur plus de 1 million de personnels. Nous devons donc continuer notre effort.
    Certains établissements sont plus touchés que d’autres – vous avez rappelé la situation de celui qui se trouve sur votre territoire. Dans les territoires très touchés, nous avons signé avec les agences régionales de santé (ARS) des conventions de gré à gré pour permettre à des libéraux de faire face, le temps de trouver des professionnels. L’attractivité de ces métiers est un problème : les tensions en ressources humaines ne sont pas nées de la crise sanitaire, ni même de l’obligation vaccinale ; elles datent de bien plus longtemps que cela, et on y travaille, vous le savez bien. Aidez-nous !
    Sachez en tout cas que nous avons des solutions, qui ont été présentées aux directeurs d’EHPAD.

    M. le président

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    La parole est à Mme Christelle Petex-Levet.

    Mme Christelle Petex-Levet

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    Je tiens à répéter que je parle d’une situation concrète : des personnes âgées et des enfants autistes sont renvoyés chez eux par manque de place ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe GDR. – Mme Caroline Fiat applaudit également.)

    M. Fabien Di Filippo

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    C’est ça, la réalité !

    Politique de santé

    M. le président

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    La parole est à M. Sébastien Jumel.

    M. Sébastien Jumel

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    Dès le début de la législature, en engageant un tour de France des hôpitaux, les parlementaires communistes avaient lancé l’alerte sur l’état d’abîme dans lequel se trouvaient nos soignants après la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi Bachelot, et la loi de modernisation de notre système de santé, dite loi Touraine, qui ont inoculé le virus de la règle comptable dans nos établissements publics de santé.
    La crise sanitaire sans précédent que nous avons traversée, la désespérance criée sur tous les tons par la communauté hospitalière, la mobilisation forte et digne contre l’état de déshumanisation de nos EHPAD : tout cela vous a contraints à agir.
    Le Ségur de la santé a été présenté comme l’ordonnance miracle. Or, au moment où nous parlons, nous avons désormais connaissance, territoire de santé par territoire de santé, région par région, des enveloppes budgétaires censées couvrir les besoins de santé. En Normandie – et ce n’est là qu’un exemple –, les hôpitaux, qui ne sont pourtant pas tombés dans un délire de fièvre acheteuse, font état d’un besoin d’investissement de 960 millions d’euros. En réponse, l’Agence régionale de santé (ARS) nous promet 255 millions d’euros. « Au plus fort la pouque ! », comme on dit chez moi.
    Dans le même esprit, le champ du médico-social, c’est-à-dire l’humanisation de la prise en charge des aînés, fait face au même fossé entre les moyens et les besoins. J’ajoute qu’ici comme ailleurs, les critères d’accès aux soins sont préoccupants : tant que vous n’aurez pas le courage politique de territorialiser le numerus clausus, le manque de médecins, à l’hôpital comme en ville, privera nos habitants d’un accès concret aux soins.
    Nous savons par ailleurs que le manque de lits et de médecins vous conduit à priver nos concitoyens de liberté, sans considération pour la situation sanitaire – Karine Lebon nous le faisait remarquer ce matin s’agissant de La Réunion. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Mme Caroline Fiat et M. Philippe Naillet applaudissent également.)
    Monsieur le ministre, la région Normandie, dont la participation n’a pas vocation à exonérer l’État de ses responsabilités, a besoin d’une rallonge au titre du Ségur de la santé. Il nous faut pour la France une politique de santé à la hauteur des besoins ! (Mêmes mouvements.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.

    M. Maxime Minot

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    Elle a bien fait de venir !

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie

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    Vous avez raison de pointer du doigt les difficultés du secteur de la santé. Mais c’est peut-être oublier un peu vite les 12 milliards d’euros du Ségur de la santé, 12 milliards que, depuis des années, personne n’a jamais mis sur la table ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Pourrait-on parfois, en toute honnêteté intellectuelle, entre nous, souligner les choses positives lorsqu’elles arrivent, plutôt que de systématiquement pointer du doigt ce qui peut manquer dans une enveloppe ?

    M. Sébastien Jumel

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    Je l’ai dit !

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

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    J’aimerais qu’on y arrive, parfois, dans cet hémicycle comme ailleurs !
    Monsieur Jumel, je vous le dis : cultiver la désespérance n’a jamais fait avancer les choses. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et Dem.) La revalorisation salariale est désormais effective pour un très grand nombre de personnels : si elle manque encore pour certains, ils seront servis au 1er janvier 2022 – l’accord est signé. Personne ne sera oublié, et encore moins les territoires puisque les enveloppes sont calculées proportionnellement aux informations qu’ils nous remontent : nous n’inventons pas le montant des enveloppes dédiées aux territoires, mais la déterminons en fonction des besoins dont ces derniers nous font part.
    Je rappelle que votre département va bénéficier d’un assainissement financier de 247 millions d’euros, en plus des 255 millions d’euros au titre des projets et de 73 millions d’euros consacrés à l’investissement courant, soit 576 millions d’euros au total. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.) En outre, le centre hospitalo-universitaire (CHU) de Caen bénéficiera d’une rallonge de 50 millions d’euros, prélevés sur une enveloppe nationale.
    Je veux bien entendre beaucoup de choses, mais sachez reconnaître ce que nous avons su faire à vos côtés ! Et nous continuerons, car il s’agit d’un plan pluriannuel. (Nouveaux applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Sébastien Jumel.

    M. Sébastien Jumel

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    Madame la ministre déléguée, vous n’avez pas écouté la question, et vous n’y avez pas répondu ! Les besoins de santé sont supérieurs aux moyens que vous engagez. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Mme Caroline Fiat applaudit également.)

    Plan en faveur des travailleurs indépendants

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas.

    Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas

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    Monsieur le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises, le plan en faveur des travailleurs indépendants dévoilé le jeudi 16 septembre 2021 par le Président de la République, Emmanuel Macron, en votre présence, représente un véritable soutien pour ces professionnels qui sont au cœur de notre tissu social et économique.
    De nombreuses réformes ont été instaurées depuis 2017, et l’État a également été au rendez-vous durant la crise sanitaire. Le plan en faveur des travailleurs indépendants vise à aller plus loin encore, en les protégeant mieux face aux accidents de la vie, en les accompagnant de la création d’entreprise à sa transmission et en simplifiant leurs démarches du quotidien. En amont du projet de loi les concernant, j’ai organisé un atelier législatif avec les femmes chefs d’entreprise du Tarn, qui ont ainsi pu formuler des propositions.
    Par ailleurs, comme nous avons pu le voir hier lors de votre visite aux commerçants et chefs d’entreprise de Gaillac, dans mon département du Tarn, ce plan suscite un véritable enthousiasme de la part des indépendants : il est salué sur le terrain car il répond à des attentes. Ma collègue Natalia Pouzyreff, députée des Yvelines, qui, comme moi, vous a reçu dans sa circonscription, a eu le même retour unanime sur ce plan protecteur, lequel constitue une étape supplémentaire au crédit de la confiance dans notre action. Un chef d’entreprise de Senouillac présent à la réunion organisée hier soir a déclaré : « Vous construisez une action qui a du sens selon moi. Tout ce que j’ai entendu ce soir me donne espoir en l’entreprise et en notre pays. »
    Le projet de loi comprend beaucoup de propositions, comme l’adaptation des cotisations, la protection du patrimoine personnel, l’égalité de traitement en matière d’impôt sur les sociétés, la protection du conjoint collaborateur, et j’en passe. Les députés de la majorité saluent unanimement ce plan et votre travail, monsieur le ministre délégué.
    Je souhaiterais que vous nous expliquiez plus en détail la mesure relative à la transmission des entreprises et des savoir-faire, car il s’agit d’un sujet qui, depuis le début du mandat, revient très souvent dans nos discussions avec les entrepreneurs de nos territoires, quel que soit leur secteur d’activité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.

    M. Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises

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    Je tiens tout d’abord à vous remercier, madame Verdier-Jouclas, pour votre invitation. J’ai apprécié les échanges que j’ai pu avoir hier avec les artisans et commerçants de votre circonscription.
    Ces travailleurs indépendants – 3 millions d’artisans, commerçants, professionnels libéraux – sont le cœur battant de l’économie des territoires, et un lien social et économique indispensable. Pendant la crise sanitaire, nous avons instauré des mesures adaptées à leurs besoins, pour les soutenir et leur permettre de tenir. Je pense que le résultat a été réellement efficace. Par ailleurs, depuis le début du quinquennat, d’autres mesures ont déjà été prises, comme la réforme du régime social des indépendants (RSI), dont on avait beaucoup entendu parler, la possibilité de faire une déclaration sociale et fiscale de revenus unifiée ou encore la réduction dégressive des cotisations d’assurance maladie.
    Néanmoins, les indépendants travaillent depuis des dizaines d’années dans un environnement fiscal, social et réglementaire qui n’est pas adapté à leur taille, raison pour laquelle le Président de la République a indiqué sa volonté de présenter au Parlement une réforme en profondeur de leur environnement. Cette réforme prévoit des mesures pour toutes les étapes de la vie de l’entreprise, de sa création à sa transmission, en passant par son développement.
    La question de la transmission d’entreprises, sur laquelle vous m’interrogez plus particulièrement, est une véritable faiblesse française. En comparaison à l’Allemagne, nous souffrons d’un important déficit d’ETI – entreprises de taille intermédiaire –, dû à une mauvaise transmission d’entreprise. Nous présenterons donc au Parlement des mesures visant à améliorer cette transmission, à la fois pour le cédant et pour le repreneur, afin que les hommes et les femmes qui, aujourd’hui, veulent entreprendre, considèrent la transmission d’entreprise et la reprise comme un élément crucial. J’espère que le Parlement accompagnera cette réforme importante pour les indépendants. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Réindustrialisation du Haut-Rhin

    M. le président

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    La parole est à M. Yves Hemedinger.

    M. Yves Hemedinger

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    Ma question, à laquelle j’associe mon collègue Raphaël Schellenberger, s’adresse au Premier ministre. Je veux parler de l’abandon, par votre gouvernement, d’un territoire tout entier, d’un bassin de vie et d’emploi centré autour de la désormais ex-centrale nucléaire de Fessenheim. Je veux parler de vos engagements non tenus, du contrat – non dénoncé, celui-là –, que votre gouvernement avait passé avec cette zone située en bord de Rhin, et qui, à cette date, n’est toujours pas respecté, mais noyé, comme un sous-marin, sous les études et les silences !
    Quatre ans après votre décision de fermeture, on ne peut que constater l’abandon de l’État : malgré les promesses des ministres venus sur place ou habitant à proximité, malgré la mobilisation unanime des élus locaux, rien n’a été fait concernant la compensation fiscale au titre du Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR), laquelle reste au point mort, ni concernant la réindustrialisation du territoire, qui n’a pas démarré. Les élus sont découragés et nos concitoyens sont dépités. Dès lors, ma question est simple : quand vous déciderez-vous à réparer les conséquences de vos choix ?
    La réindustrialisation est d’autant plus urgente que le groupe Mars Wrigley a annoncé, il y a une semaine, la fermeture de son usine historique de Biesheim, qui laissera sur le carreau 280 personnes, âgées en moyenne de 49 ans. Alors que c’est un terrible choc pour les salariés et pour les nombreuses familles concernées, votre gouvernement est encore une fois aux abonnés absents.
    En réalité, cette situation illustre l’absence de politique industrielle digne de ce nom depuis 2017. C’est l’un des échecs de ce quinquennat, et ce sera un enjeu majeur pour les échéances à venir. Ce territoire situé près de Bâle est idéalement placé pour devenir un site pilote de la réindustrialisation pharmaceutique de la France. Je plaide en ce sens depuis que je suis élu, ainsi, d’ailleurs, que pour l’installation d’une centrale à hydrogène au bord du Rhin.
    J’attends de votre Gouvernement un soutien réel sur ces deux points précis. Êtes-vous prêt à relever le défi et à enfin regarder vers l’Est de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.

    Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion

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    Il est clair que l’annonce de l’arrêt d’une des deux activités de production du site de Biesheim, qui implique un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) prévoyant 276 suppressions de poste sur les 338 emplois que compte l’usine, est une très mauvaise nouvelle pour les salariés et le territoire. Je comprends tout à fait l’émotion qui est la vôtre en tant que député de la circonscription concernée.
    Je veux vous assurer que ma priorité consiste à tout mettre en œuvre pour faciliter la reconversion professionnelle des salariés concernés. Mes services travaillent étroitement avec l’entreprise à la création d’une plateforme visant à faciliter le reclassement des salariés, à l’instar de ce qui a pu être fait à Béthune pour les salariés de Bridgestone. Agnès Pannier-Runacher et moi-même sommes par ailleurs très attentives à la recherche de nouvelles activités sur le site, afin que soient identifiés d’autres débouchés – agroalimentaires, mais pas seulement – susceptibles d’offrir de nouvelles perspectives aux salariés.

    M. Thibault Bazin

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    Pensez aussi aux armées !

    Mme Élisabeth Borne, ministre

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    Il s’agit également d’assurer la pérennité des activités restant sur le site, puisque l’entreprise s’est engagée à maintenir sur le site de Biesheim une activité de production de gomme base, qui doit alimenter les autres usines du groupe dans le monde.
    Je le redis : l’État accompagnera la transition de votre territoire qui, je le sais, est en pleine transformation et prépare un nouvel avenir à travers les travaux menés pour accompagner la fermeture de la centrale de Fessenheim. À cet égard, je mentionnerai notamment les projets soutenus par le fonds d’amorçage, mais aussi ceux qui sont prévus dans le cadre du plan France relance, soit vingt et un projets représentant 284 millions d’euros d’investissements industriels.
    L’État est et restera mobilisé auprès du territoire de Fessenheim et de ses salariés. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. Thibault Bazin

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    L’art de parler pour ne rien dire !

    Application du passe sanitaire dans le monde associatif et sportif

    M. le président

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    La parole est à M. Régis Juanico.

    M. Régis Juanico

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    Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, je souhaite vous faire part des difficultés très concrètes auxquelles se heurte l’application du passe sanitaire dans la vie associative et sportive. En cette rentrée, tous les députés l’ont constaté lors des forums associatifs organisés sur le terrain : les modalités de contrôle du passe sanitaire représentent bien souvent un casse-tête pour les associations et les clubs sportifs, déjà fragilisés, après dix-huit mois de crise sanitaire, par la perte d’adhérents et de licenciés et la désaffection de certains bénévoles.
    Prenons l’exemple d’une salle municipale polyvalente multiactivités. Elle peut accueillir le matin une assemblée générale associative, pour laquelle le passe sanitaire n’est pas obligatoire, quel que soit le nombre de personnes présentes. La même salle pourra accueillir, plus tard dans la journée, une chorale ou une activité de gymnastique, deux pratiques soumises au passe sanitaire dès le premier participant, mais dispensées du port du masque. En fin de journée, un club d’échecs pourra y venir : cette fois-ci, il faudra présenter un passe sanitaire et porter un masque, même si les participants sont bien moins nombreux que les adhérents venus le matin pour l’assemblée générale. C’est une usine à gaz !
    La situation se complexifie encore pour les mineurs âgés de 12 à 17 ans. En tant que ministre de l’éducation nationale et des sports, vous savez que, si le passe sanitaire n’est pas exigé pour les élèves dans le cadre des cours d’éducation physique et sportive (EPS) ou du sport scolaire, il le sera pour ces mêmes mineurs s’ils sont licenciés dans des associations sportives : deux poids, deux mesures ! C’est un frein majeur à la reprise de la pratique sportive des plus jeunes générations. Alors que certains ont repris une licence à la rentrée, la réticence de certains parents à les faire vacciner risque de les priver d’activité physique en club à compter du 1er octobre, à rebours des enjeux de santé publique et de lutte contre la sédentarité. Devront-ils se faire tester trois fois par semaine, alors que les tests deviendront payants à la mi-octobre ?
    Je n’évoquerai même pas les recommandations en faveur d’une limitation draconienne des moments de convivialité et de brassage, alors que les buvettes et la restauration sont indispensables à la trésorerie des associations durement éprouvées par l’arrêt des activités.
    Envisagez-vous, dans les prochaines semaines, un allégement du passe sanitaire dans la vie associative et sportive ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LR et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports

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    Nous partageons le même objectif : comme vous, et comme l’ensemble des députés, je souhaite favoriser au maximum la pratique sportive cette année. Roxana Maracineanu et moi-même nous y employons au travers de multiples dispositifs, que je n’énumérerai pas ici. Vous le savez, le Président de la République lui-même s’est engagé pour le pass’sport, dont le but est d’encourager, grâce à un chèque de 50 euros, le plus d’enfants possible à s’inscrire à une activité sportive en cette rentrée scolaire. Nous sommes donc très mobilisés, à travers une série de mesures, pour renforcer les clubs et les associations. Je viens ainsi de lancer l’opération Un club, une école, afin que la généralisation des trente minutes d’activité physique par jour pour les enfants des écoles primaires s’appuie sur des partenariats avec des clubs.
    La volonté est là. Comme toujours depuis le début de cette crise, elle s’inscrit dans le respect des critères sanitaires. Cette exigence se traduira effectivement, vous l’avez rappelé, par l’obligation de présenter le passe sanitaire au 1er octobre. Que ce soit en conseil de défense ou dans l’ensemble des comités auxquels nous participons, nous veillons toujours à ce que ces règles soient cohérentes entre elles.

    Mme Lamia El Aaraje

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    Elles ne le sont pas !

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre

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    Je comprends parfaitement votre question. Vous avez d’abord comparé différents domaines d’activité, puis différents secteurs de la vie sportive. S’agissant des différents domaines, il est normal que le sport obéisse à des règles particulières et que nous lui appliquions des mesures qui lui correspondent, tout en faisant parfois une distinction, comme cela a été le cas par le passé, entre les sports de contact et les autres.
    En second lieu, vient tout ce qui a trait à la vie scolaire. Nous avons toujours affirmé que le passe sanitaire ne s’y appliquerait pas, car l’école est un monde particulier. Il est vrai que le monde des associations sportives se trouve en quelque sorte à cheval entre la vie scolaire et la vie sportive. Nous pourrons peut-être faire évoluer les règles – potentiellement, d’ailleurs, dans le sens de l’imposition du passe sanitaire aux associations sportives. Ce qui est certain, c’est que nos décisions devront tenir compte de la situation sanitaire.
    Un conseil de défense se tiendra prochainement. Nous regarderons alors ce qu’il en est. Je tiens à souligner que les chiffres actuels sont assez bons, contrairement aux prévisions parfois inquiétantes qui pouvaient être faites ces derniers temps. C’est à la lumière de l’évolution de la situation que nous pourrons éventuellement prendre de nouvelles décisions, mais pour l’heure, le passe sanitaire s’imposera bien à compter du 1er octobre dans les associations. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Erwan Balanant applaudit également.)

    Lutte contre les cancers pédiatriques

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandrine Josso.

    Mme Sandrine Josso

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    Ma question s’adresse à M. Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles. J’y associe mes collègues de tous bords, ainsi que la secrétaire d’État Nathalie Elimas, mobilisée en faveur de cette cause à l’occasion de l’opération Septembre en or.
    Laissez-moi tout d’abord rappeler quelques chiffres : 2 750, c’est le nombre d’enfants touchés par le cancer en France chaque année ; 160 000, c’est le nombre d’enfants qui succombent des suites de cette maladie dans le monde, et c’est autant de familles brisées. Ces chiffres, révoltants et insupportables, continuent d’augmenter : en treize ans, le nombre de victimes de cancers pédiatriques a augmenté de 18 %.
    Nous restons confrontés à de nombreuses impasses thérapeutiques, comme c’est le cas pour les tumeurs du tronc cérébral. En France, sept enfants sont opérés chaque jour pour recevoir leur traitement de chimiothérapie – des enfants qui survivent, certes, mais qui gardent à vie de nombreuses séquelles et des facteurs de comorbidité. À ce jour, 50 % des médicaments prescrits aux enfants atteints d’un cancer restent non spécifiques et les programmes de recherches déployés dans le précédent plan Cancer, qui ne représentent qu’environ 3 % du budget de l’Institut national du cancer (INCA), demeurent insuffisants. Dans plusieurs régions, l’Agence régionale de santé (ARS) est alertée de regroupements de cancers dans un périmètre concentré, comme à Sainte-Pazanne en Loire-Atlantique, dans mon département, à Saint-Rogatien en Charente-Maritime ou encore dans le Haut-Jura.
    Que répondez-vous à Enguerrand, Margot, Ruben, Cassandra, Eva, Alban, Louise, Flavien, Lenny, Jade, Nina, Sarah, Juliette et tous les autres ? Quels sont les moyens déployés pour étudier les effets cocktail, c’est-à-dire l’addition de plusieurs facteurs en lien avec les causes environnementales des cancers pédiatriques ? Quelle place réservez-vous au financement des programmes de recherche sur les causes de ces cancers dans l’actuel plan Cancer ? Que comptez-vous faire pour nos enfants ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles

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    Merci pour votre question, qui met en lumière ce formidable outil de mobilisation et de sensibilisation que constitue l’opération Septembre en or. Je me réjouis d’ailleurs de voir de nombreux députés en porter le signe à leur veste. J’associe aussi à votre question le député Paul Christophe, qui est également engagé sur cette question des cancers pédiatriques, lesquels représentent la première cause de décès par maladie chez les enfants.
    Vous l’avez rappelé : plus de 2 200 enfants déclarent ce type de maladie chaque année. Si le diagnostic et le traitement de ces cancers ont beaucoup évolué ces dernières années, il reste évidemment beaucoup à faire. C’est d’ailleurs pourquoi la mobilisation de tous contre ces cancers est au cœur des actions de la stratégie décennale pour les années 2021 à 2030.
    S’agissant de la compréhension de ces maladies, qui est le premier pas indispensable pour améliorer les traitements et les pronostics, vous avez souligné la nécessaire prise en considération des questions de santé environnementale. C’est l’occasion pour moi de saluer une nouvelle fois le rapport que vous avez produit à ce sujet. Nous partageons évidemment la volonté d’encourager la recherche sur les causes des pathologies, en prenant notamment en considération la notion d’exposome, qui désigne l’ensemble des expositions à des facteurs favorisant l’apparition de maladies. Le plan national santé environnement (PNSE) du Gouvernement est à cet égard ambitieux, j’en suis convaincu. Il faut désormais le déployer pleinement et rapidement – je vous rejoins également sur ce point. Cela passera par la mobilisation de tous les acteurs – notamment les élus locaux, je tiens à le souligner.
    Les traitements, eux aussi, progressent. Je rappelle que nous avons lancé un appel à projets dénommé « High Risk-High Gain », pour faire naître davantage d’innovations de rupture afin de traiter ces pathologies.
    Enfin, je rappelle que des outils sont mobilisés pour accompagner les familles. De grandes avancées ont déjà été réalisées. D’autres seront rapidement mises en œuvre après le vote et la promulgation de la proposition de loi visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d’un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu, déposée par Paul Christophe. J’ai toutefois bien conscience, car j’écoute moi aussi les familles, qu’un long chemin reste à parcourir en la matière. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Philippe Berta applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandrine Josso.

    Mme Sandrine Josso

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    J’encourage tous mes collègues parlementaires à mobiliser et à sensibiliser les élus dans leur circonscription. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    Préservation des terres agricoles à La Réunion

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Luc Poudroux.

    M. Jean-Luc Poudroux

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    Monsieur le Premier ministre, le Président de la République, en visite à La Réunion en octobre 2019 – je dis bien « en visite » et non « en campagne » –, s’est engagé à revoir le fonctionnement de la CDPENAF dans les outre-mer. Chacun le sait : il s’agit de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Cette commission a été instituée par l’ancienne majorité – l’ancien monde, donc ! Conscient de cette réalité, et sans doute aussi sous le charme de nos parfums, de nos arômes et de notre accueil, le Président de la République a pris conscience de la nécessité de revoir le fonctionnement de cette instance.
    D’où vient cette nécessité ? De ce que dans les outre-mer, la CDPENAF émet un avis conforme – donc décisionnel et contraignant –, alors que dans l’Hexagone, elle rend un avis simple, qui est consultatif. Notre territoire est exigu et la CDPENAF nous freine. Je ne suis pas le seul à le dire : les mairies et la chambre d’agriculture, entre autres, l’affirment également.
    La Réunion comptera bientôt 1 million d’habitants. Nous attendons de vous, monsieur le Premier ministre, la concrétisation de cette promesse.
    Les Réunionnais attendent. Les Marseillais attendent aussi – eux ont reçu un Président de la République, non pas en visite mais en campagne, avec le chéquier du contribuable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)

    M. Maxime Minot

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    Exactement !

    M. Jean-Luc Poudroux

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    D’un côté, une réforme qui ne coûte rien ne se fait pas malgré une promesse, de l’autre des milliards sont promis. Le doute est plus que permis sur la tenue de ces engagements. Et ce ne sont pas les habitants de Saint-Martin qui diront le contraire, eux à qui l’on a promis 500 millions d’euros pour la reconstruction de leur territoire après le passage d’Irma. À ce jour, 140 millions seulement ont été versés.
    Monsieur le Premier ministre, je vous demande, peut-être avec les « trois déesses » – je veux parler du projet de loi dit 3DS, différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification –, de gommer cette inégalité entre l’Hexagone et les outre-mer afin que nous disposions de tout moyen utile…

    M. le président

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    Monsieur le député, je vous remercie. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État chargée de la biodiversité

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    Vous nous interpellez avant tout sur la question de la préservation des terres agricoles du foncier et sur l’avis conforme, une spécificité des outre-mer. Pour mémoire, la surface agricole utile pour 100 habitants est à La Réunion de 4,8 hectares contre 41,6 dans l’Hexagone.
    La nécessité de préserver les terres et le foncier agricole a conduit à introduire l’avis conforme de la CDPENAF, disposition spécifique aux outre-mer, mais en veillant à se limiter à cet objectif pour éviter que le rôle de la commission se substitue à celui des décideurs. La très forte pression foncière a rendu utile cette disposition de niveau législatif. Vous le savez, les débats sur cette question, dans le cadre de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite ELAN, ont été nombreux et nourris. Les parlementaires ont alors souhaité réaffirmer leur attachement à ce dispositif qui préserve le foncier, notamment agricole dans les outre-mer.
    Cette mesure, qui est d’usage dans les documents d’urbanisme, a déjà montré son efficacité. Elle n’empêche pas les concertations locales, qui sont nécessaires et doivent être les plus approfondies possibles. Dans cette perspective, une conférence sur les enjeux du foncier agricole se tiendra au mois d’octobre. Le ministre Lecornu y est bien sûr très attaché,…

    M. Maxime Minot

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    Oui, ça se voit !

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    …et nous serons également vigilants sur ce point. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Grand âge et autonomie

    M. le président

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    La parole est à Mme Caroline Fiat.

    Mme Caroline Fiat

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    En mars 2018, avec Monique Iborra, nous vous avons alertés sur les dysfonctionnements liés à nos EHPAD et proposé un plan pour les reconstruire, afin de recréer du sens, du soin et du lien et d’en finir avec la maltraitance institutionnelle. (Mmes Mathilde Panot et Marie-George Buffet applaudissent.)
    Mais quand un rapport ne plaît pas – même s’il est salué par l’ensemble des acteurs du secteur –, vous demandez un autre rapport, puis un autre. Et avec les rapports vous enchaînez les reports, et vous renoncez, encore et encore.
    Début 2019, Agnès Buzyn annonçait une loi pour l’automne 2019. Il a ensuite été question de janvier 2020 puis de l’été 2020.

    M. Maxime Minot

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    Que de la com’ !

    Mme Caroline Fiat

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    À l’été 2020, monsieur le ministre Véran, vous avez promis une loi pour la fin de 2020 mais, à la fin de 2020, Emmanuel Macron l’a reportée à début 2021 puis à avant l’été. La semaine dernière, la loi a été officiellement enterrée.
    Bien entendu, la crise du covid-19 est passée par là. Cette pandémie a agi comme un révélateur des dysfonctionnements. Ainsi, les personnes fragiles, les personnes âgées, ont été les premières victimes du virus. Mais elles ont surtout été victimes du manque de personnel dans nos établissements et du refus d’action du Gouvernement depuis 2017. Une hécatombe. Pendant ce temps, la souffrance des résidents et des soignants profite aux résultats des groupes privés qui bénéficient de votre inaction.
    Monsieur le ministre, le temps vous est compté. Maintenant, nous ne faisons plus face à de la maltraitance institutionnelle mais à de la maltraitance gouvernementale. Jeudi dernier, avec le président Mélenchon, nous avons rencontré Mme Guillon dans son EHPAD, à la suite de son interpellation au sujet de la fin de vie. Son témoignage, clair et sans détour, confirme qu’il est urgent d’adopter une loi et de prendre en considération les propositions du rapport que j’ai remis avec Mme Iborra.
    Quand allez-vous agir ? À quand une loi, avec nos préconisations, pour stopper cette maltraitance envers nos ainés et leurs aidants ? (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie

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    Madame la députée, vous connaissez trop bien ce sujet pour que je sois obligée de vous rappeler ce que nous faisons déjà depuis un an, malgré la crise sanitaire.

    Mme Caroline Fiat

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    Rien !

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

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    Vous dites que nous ne faisons rien. Or nous avons affecté une fraction de CSG, la contribution sociale généralisée, à hauteur de 2,4 milliards d’euros, à la branche autonomie que nous avons créée l’année dernière, ce qui répondra aux besoins des deux prochaines années.

    Mme Caroline Fiat

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    Cette branche est une coquille vide !

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

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    La réalité, c’est que les engagements pris lors du Ségur de la santé, en investissements et en revalorisation salariale pour les personnels – une question à laquelle, je le sais, vous êtes sensible –, dépassent les 6 milliards d’euros.

    M. Pierre Cordier

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    C’est financé comment ? Avec quelles recettes ?

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

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    Vous pouvez évidemment estimer que ce n’est rien. Mais aucun Gouvernement n’aura mis autant d’argent pour la politique du grand âge, secteur prétendument abandonné.
    Nous voulons aller plus loin – le Premier ministre l’a réaffirmé dernièrement. Au moyen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, nous voulons apporter des progrès tangibles dans le domaine de l’autonomie avant la fin de la législature, c’est-à-dire bientôt.

    M. Sébastien Jumel

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    Ça ne veut rien dire !

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

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    Nous déploierons cette année une nouvelle étape forte de cette réforme. Comme l’année dernière, vous y serez largement associés. Vous avez d’ailleurs su voter les revalorisations des aides à domicile de 15 %, qui entrent en vigueur dans dix jours.
    Cette nouvelle étape doit être celle de la concrétisation, qui permettra au plus grand nombre de vieillir chez soi, entouré des siens,…

    M. Sébastien Jumel

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    Et la loi ?

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

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    …et aura un impact direct sur les 11 millions d’aidants familiaux pour lesquels nous développons une stratégie ambitieuse.
    La perte d’autonomie mérite mieux que des polémiques.

    Mme Caroline Fiat

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    Ah non ! Ça, c’est nul !

    Mme Marie-George Buffet

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    Ce ne sont pas des polémiques !

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

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    Elle concerne tout le monde : chacun dans cet hémicycle comme chaque Français qui nous regarde connaît une situation difficile à ce sujet. Plutôt que des déclarations, je préfère donc des actes. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Mme Mathilde Panot

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    Circulez, y a rien à voir !

    Place de la chasse dans la ruralité

    M. le président

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    La parole est à M. Alain Perea.

    M. Alain Perea

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    Ma question s’adresse à Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État chargée de la biodiversité.
    Lors des deux mandats précédents, malgré les beaux discours, les majorités qui se sont succédé n’ont eu de cesse de porter des coups à la ruralité. S’il ne fallait donner qu’un exemple, je citerai cette volonté, que dis-je, cette obsession de réduire le nombre de communes rurales. La méthode forte n’ayant pas marché, on a utilisé celle de l’étrangleur ottoman, en réduisant année après année les finances locales.
    Depuis le début de cette législature, nous avons mis fin à cette situation. Finances, loi visant à rappeler la confiance dans les élus locaux, agenda rural, agriculture, chasse, retraite agricole, lutte contre la glottophobie, déploiement de la fibre, plan de relance : aucun secteur de la ruralité n’a été oublié. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. Pierre Cordier

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    Mensonges !

    M. Alain Perea

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    Pourtant, malgré ces efforts, une partie de la ruralité gronde encore, nous l’avons entendu ce week-end lorsque 50 000 chasseurs ont défilé dans la rue, soutenus par des milliers d’élus dont certains sont sur ces bancs, y compris ceux de la majorité.
    Voici ce que je ressens. Quand je parle de l’émotion dans le regard de mon grand-père, on me répond « pratique barbare ». Quand je parle de la joie de retrouver mes amis, on me regarde comme un alcoolique assoiffé de sang parce que la seule chose que l’on connaisse de mon activité, c’est un sketch des Inconnus.

    M. Pierre Cordier

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    Baratin !

    M. Alain Perea

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    C’est comme si je posais une question au Gouvernement à propos de l’armée en ayant comme unique référence La Grande Vadrouille. Et quand je parle de cette haie que je plante pour mes enfants, on me répond « directive oiseaux ». Finalement, alors que je parle d’amour, on me parle de la couleur des canapés.

    M. Pierre Cordier

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    Vous devriez quitter la majorité !

    M. Alain Perea

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    Mais quand prendra-t-on conscience que notre pays est aussi riche de son patrimoine immatériel que de son patrimoine matériel ? La ruralité n’est pas une adresse, c’est une culture. L’idée selon laquelle « la France doit être une chance pour tous » fait partie du projet politique de cette majorité.
    Je souhaite, madame la secrétaire d’État, que vous nous disiez ce que vous comptez faire pour que le million de chasseurs français mais aussi, de façon incidente, les millions de ruraux comprennent que nous allons tout mettre en œuvre en France, mais aussi au niveau européen et à l’étranger afin que notre pays reste une chance pour eux. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. Pierre Cordier

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    Récupération politique !

    M. le président

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État chargée de la biodiversité

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    Monsieur le député, vous nous touchez au cœur – si toutefois nous avions besoin d’un tel rappel. (Protestations sur les bancs du groupe LR.) Nous ne souhaitons pas laisser s’installer une opposition, une défiance, un présumé clivage entre urbains et ruraux.

    M. Fabien Di Filippo

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    Vous l’avez accentué comme jamais !

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    Il n’en est évidemment pas question, nous y travaillons depuis de nombreuses années et je vous en remercie.
    Nous y travaillons avec la ministre Jacqueline Gourault et le secrétaire d’État Joël Giraud au ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, ainsi qu’avec le secteur agricole, en visant une réconciliation autour de ces enjeux.
    Nous travaillons aussi sur les dossiers liés à la chasse, que vous avez évoqués. Nous suivons des lignes très claires. Il est nécessaire – et telle est notre responsabilité – de passer par l’apaisement et l’objectivation.
    Un cadre législatif européen clair, le bon état de conservation ou non des populations,…

    M. Fabien Di Filippo

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    Ce n’est pas exactement ce qu’il disait !

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    …la notion de gestion adaptative, la sélectivité de certaines espèces, le bien-être animal qui, à juste titre, a pris une part dans le débat public : voilà autant d’éléments qui doivent nous permettre d’avoir ce débat en bonne intelligence, chacun devant trouver sa place dans une France diverse, que nous aimons telle qu’elle est.
    Des dispositifs ont été créés pour la chasse mais pas uniquement, car la ruralité ne peut évidemment se résumer à cette activité. Dans le cadre de l’agenda rural, nous nous efforçons de faire valoir les aménités rurales à travers les maisons France Services, le déploiement de la 4G,…

    M. Fabien Di Filippo

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    Ce n’est pas la question !

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    …la lutte contre les déserts médicaux ou encore l’initiative dite mille cafés.
    Nous travaillons avec tous les acteurs de la ruralité vivante parce que, avant d’être parlementaires ou membres du Gouvernement, nous vivons la ruralité. Ne laissons pas s’installer la défiance ou les clivages. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Filière psychiatrique

    M. le président

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    La parole est à Mme Jennifer De Temmerman.

    Mme Jennifer De Temmerman

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    Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.

    M. Pierre Cordier

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    Il n’est pas là !

    Mme Jennifer De Temmerman

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    C’est dommage !
    Le 1er novembre prochain, trente lits de psychiatrie devraient être fermés dans l’établissement public de santé mentale des Flandres, à Bailleul. Depuis plusieurs mois, les personnels se battent contre cette décision qui remet en cause la pérennité de l’établissement et la qualité des soins dispensés. Je tiens à leur réaffirmer ici mon soutien.
    Bailleul n’est malheureusement pas un cas isolé. Dans le Nord, la pénurie de psychiatres est telle que des établissements sont contraints de fermer des lits ou de fusionner pour assurer un minimum de garanties de soins aux patients. À l’échelle du pays, 30 % des postes de praticiens sont vacants ; de nombreux postes d’internes, en particulier, ne sont pas pourvus.
    La psychiatrie ne séduit plus les étudiants. Comment pourrait-il en être autrement compte tenu du niveau des salaires et de la détérioration des conditions de travail ? Cela ne date pas d’hier, les alertes sont nombreuses depuis plusieurs années. Mais, depuis 2020, l’urgence s’accentue. L’épidémie de covid-19 a mis, et continue de mettre à l’épreuve la santé mentale des Français.
    Les assises de la santé mentale et de la psychiatrie, d’abord reportées, se tiendront finalement à la fin du mois, sans qu’une partie des professionnels aient été consultés – je pense aux psychologues.
    Monsieur le ministre, n’en faites pas une coquille vide. Nous sommes lucides : d’ici à la fin du mandat, nous n’aurons ni grande loi-cadre, ni plan ambitieux pour tout notre système de soins en santé mentale. Je le regrette. Cependant le prochain budget de la sécurité sociale doit être l’occasion de concrétiser quelques avancées. Que prévoyez-vous pour garantir la pérennité de notre système et de nos établissements, comme celui de Bailleul ? C’est une question de santé publique et, au-delà, une question politique, éthique, qui nous renvoie à notre responsabilité, en tant que société, vis-à-vis des plus vulnérables. (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles

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    Les problèmes que rencontrent la psychiatrie et la pédopsychiatrie dans notre pays ne sont pas nouveaux. Vous l’avez dit, ces secteurs ont été progressivement délaissés depuis trente ans.
    L’attention que nous portons aux enjeux liés à ces secteurs et aux problèmes rencontrés par les patients n’est pas nouvelle non plus. Dès 2018, Agnès Buzyn, dans la feuille de route relative à la santé mentale et à la psychiatrie, commençait à mentionner cette problématique, en fixant trois axes prioritaires : la prévention, le parcours de soins et l’insertion sociale. Depuis cette date, nous avons engagé plusieurs actions sur chacun de ces axes.
    Pour n’évoquer que la pédopsychiatrie – peut-être le sujet que je connais le mieux eu égard à mes responsabilités, donc au prisme qui est le mien –, nous avons alloué des moyens afin que, sur les territoires, en fonction des besoins, des places dans les hôpitaux de jour soient créées et des équipes mobiles constituées pour intervenir auprès des patients. Chaque année depuis 2018, nous avons créé dix postes d’assistant chef de clinique en pédopsychiatrie.
    La crise a amplifié les difficultés que rencontre le secteur et eu un impact sur la santé mentale de certains de nos concitoyens, en particulier les plus fragiles, les jeunes et les enfants. C’est la raison pour laquelle nous avons rapidement institué des consultations auprès des psychologues – vous l’avez rappelé –, d’une part auprès de la population étudiante avec Frédérique Vidal, d’autre part auprès des enfants qui connaissent des difficultés en cette période de crise avec l’instauration, après la visite du Président de la République à Reims, d’un forfait psy de dix consultations remboursées par la sécurité sociale.
    Mais il faut aller plus loin encore, et le temps me manque pour détailler les assises de la santé mentale et de la psychiatrie des 27 et 28 septembre prochain : l’ensemble des sujets y seront abordés, qu’il s’agisse de la formation, de l’organisation ou encore des rémunérations, en concertation aussi avec les associations de psychologues. Tout sera mis sur la table, tout sera discuté et fera l’objet d’annonces en temps voulu.

    M. le président

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    La parole est à Mme Jennifer De Temmerman, pour les quelques secondes qu’elle ne souhaite pas nous abandonner.

    Mme Jennifer De Temmerman

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    Juste le temps de dire que les personnels de l’établissement public de santé mentale de Bailleul aimeraient rencontrer quelqu’un qui leur apporte une vraie réponse.

    Centres de vaccination dans les territoires ruraux

    M. le président

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    La parole est à M. Thibault Bazin.

    M. Thibault Bazin

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    Monsieur le Premier ministre, je me permets de vous alerter sur le sort des communes et des communautés de communes qui ont ouvert des centres de vaccination dans nos territoires éloignés des métropoles.

    Plusieurs députés du groupe LR

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    Eh oui !

    M. Thibault Bazin

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    Elles se sont organisées dès l’hiver dernier à cette fin par civisme, pour contribuer à la protection de nos concitoyens face au virus. Je veux rendre hommage à ces élus locaux, à ces personnels territoriaux et aux bénévoles, notamment de la Croix-Rouge, qui ont permis aux professionnels de santé d’assurer la vaccination contre la covid-19 dans de bonnes conditions, avec le souci de la proximité territoriale.

    Un député du groupe LR

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    Bravo !

    M. Thibault Bazin

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    Pour les petites collectivités, la charge est lourde : mise à disposition de salles, de personnels, de matériels, et ce au bénéfice de leurs administrés, certes, mais aussi de ceux des territoires voisins. On les assurait alors d’une indemnisation à la hauteur de leurs investissements… Leur espérance a été mise à mal. En effet, les modalités de financement des centres de vaccination créés par les collectivités territoriales contiennent une restriction majeure et injuste parmi les critères d’octroi, à savoir l’ouverture au minimum cinq jours par semaine. Ce critère pénalise les centres de vaccination des petites collectivités qui n’ont pas eu besoin d’ouvrir autant, compte tenu de leur population et de la demande. Il est anormal que ces collectivités se retrouvent exclues des remboursements alors qu’elles ont engagé, elles aussi, des dépenses lourdes pour leur budget.

    M. Fabien Di Filippo

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    Quelle injustice !

    M. Thibault Bazin

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    Monsieur le Premier ministre, comptez-vous lever ce critère qui pénalise les petites collectivités de nos territoires ruraux et se révèle inadapté aux réalités du terrain, afin que le « quoi qu’il en coûte » n’oublie aucun territoire méritant de la République et s’applique à tous ceux qui se sont engagés pour le bien de tous ? C’est une question d’équité territoriale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie

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    Monsieur le député, quant à moi, je n’oppose pas les petites communes aux grandes communes dans leur implication sur cette campagne vaccinale, au contraire : chacune a été à la hauteur, sachez-le. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.) Je suis très sensible à l’implication des petites communes, ayant été, moi aussi, l’élue d’un territoire rural : elles permettent, à la fois logistiquement et financièrement, l’accès aux soins, notamment à la vaccination, notre préoccupation partagée. Je saisis cette opportunité pour remercier les collectivités ; le rôle de nos édiles a été déterminant bien sûr pour permettre le développement des centres de proximité et pour aider les personnes, en particulier les aînés les plus éloignés, à se rendre vers ces centres.

    M. Pierre Cordier

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    Venez-en à la question !

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

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    Nous devons le succès de la campagne de vaccination à l’ensemble des soignants, à l’ensemble des personnels mobilisés et au volontarisme politique de nos maires, en particulier dans les territoires ruraux. Je rappelle que la mise en place de la campagne de vaccination s’est appuyée sur quatre grands principes, à commencer, je veux être très claire sur ce point, par celui de la compensation par l’État des surcoûts engendrés par l’activité de vaccination. Il s’agissait donc de définir ces surcoûts pour toutes les structures concernées, collectivités, établissements de santé ou communautés professionnelles territoriales de santé.
    Les règles de prise en charge ont été clairement définies, en lien étroit avec les représentants des élus locaux, notamment ruraux. Ainsi, la mise à disposition de locaux et de personnels de la collectivité ne donne pas lieu à compensation par l’État car ils auraient été mobilisés en temps normal, c’est-à-dire hors crise ; en revanche, les achats de matériels, les frais de nettoyage et les embauches spécifiquement liés aux opérations de vaccination sont pris en charge. Ces règles sont identiques pour tous les centres de vaccination. En cas de difficultés résiduelles, je vous invite à me faire remonter des situations précises. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Thibault Bazin.

    M. Thibault Bazin

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    Madame la ministre, il faut revoir vos règles profondément injustes. L’injustice territoriale est en marche, et je le regrette profondément ! (Nouveaux applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures cinq, sous la présidence de Mme Annie Genevard.)

    Présidence de Mme Annie Genevard
    vice-présidente

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    3. Démission d’un député et nomination d’une secrétaire de l’Assemblée

    Mme la présidente

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    Le président de l’Assemblée nationale a reçu de M. Sébastien David, député de la troisième circonscription de l’Aveyron, une lettre l’informant qu’il se démettait de son mandat de député à compter du lundi 13 septembre 2021. Acte a été pris de sa démission au Journal officiel du mercredi 15 septembre 2021.
    Le président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine a fait savoir au président de l’Assemblée nationale que Mme Marie-George Buffet était nommée secrétaire de l’Assemblée en remplacement de M. Gabriel Serville.

    4. Responsabilité pénale et sécurité intérieure

    Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure (nos 4387, 4442).

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Je suis heureux de vous présenter le projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, que j’ai le plaisir et l’honneur de défendre avec mes collègues Gérald Darmanin et Marlène Schiappa.
    Le 14 avril dernier, un arrêt de la Cour de cassation a confirmé la déclaration d’irresponsabilité pénale du meurtrier de Mme Sarah Halimi en reconnaissant que l’auteur avait agi sous le coup de l’abolition de son discernement, tout en consacrant le caractère antisémite de ce crime. Cette décision a provoqué un sentiment légitime d’injustice. Il est pourtant nécessaire de rappeler que le droit a été respecté : aujourd’hui, lorsqu’un mis en cause a provoqué lui-même la perte de son discernement, il ne peut répondre devant les juges des actes qu’il a alors commis.
    Cette affaire, comme l’a relevé à juste titre l’avocate générale près la Cour de cassation dans ses réquisitions, a mis au jour une faille dans notre droit : l’impossibilité pour le juge de distinguer les situations en fonction de l’origine de la perte de discernement. Face à l’incompréhension provoquée par ce vide juridique, le Président de la République m’a donné mandat pour faire évoluer le régime de l’irresponsabilité pénale en comblant ses lacunes.
    Pour aboutir à ce texte, j’ai mené de larges consultations auprès des psychiatres, des magistrats, des avocats et des représentants des cultes. Je me suis également nourri des conclusions de la mission flash transpartisane conduite par Naïma Moutchou et Antoine Savignat, qui ont également souligné avec pertinence la nécessité de faire évoluer notre droit. Le consensus qui s’est ainsi dégagé reposait sur deux points : d’abord, la nécessité de modifier la loi pénale ; ensuite, l’extrême prudence dont il fallait faire preuve pour respecter nos exigences constitutionnelles. En démocratie, on ne juge pas les fous. En revanche, et c’est tout l’objet de nos débats, il nous faut pouvoir faire la distinction entre l’individu qui, atteint d’une pathologie psychiatrique, commet des faits répréhensibles et celui qui doit sa folie à la consommation volontaire de produits psychotropes.
    J’ai lu à plusieurs reprises dans la presse que les dispositions de ce texte ne satisfaisaient totalement personne. Mais qu’aurions-nous entendu si nous avions proposé soit de juger les fous, soit des mesures totalement cosmétiques ? Nous avons au contraire réussi à trouver un subtil équilibre entre l’exigence de nos grands principes et la volonté exprimée par les Français. Car, je le rappelle, c’est la société qui fait le droit et non l’inverse.
    Ainsi, ce projet de loi propose deux évolutions majeures.
    Tout d’abord, il introduit une seule et unique dérogation au régime de l’irresponsabilité pénale, lorsque l’abolition du discernement résulte d’une intoxication volontaire pour se donner du courage. Lorsque le mis en cause se drogue ou s’alcoolise, il ne pourra plus faire l’objet d’une déclaration d’irresponsabilité pénale. Se donner les moyens d’un passage à l’acte parfaitement assumé ne devra plus permettre à son auteur d’échapper à sa responsabilité pénale. Il s’agit certes d’un cas tout à fait exceptionnel, mais il serait inconcevable, par exemple, que des terroristes qui s’intoxiquent au Captagon pour aller au bout de leur logique meurtrière ne puissent pas être jugés. Comme vous le savez, cette hypothèse n’était pas établie dans l’affaire Halimi.
    Pour appréhender au mieux les situations similaires, deux nouvelles infractions seront créées. Ces infractions sanctionneront lourdement la consommation volontaire de psychotropes qui a provoqué l’état de folie sous l’empire duquel l’auteur a commis soit des violences, soit un homicide. Toutefois, comme l’a rappelé dans son avis le Conseil d’État, un délit doit également se caractériser par son intentionnalité. Il est donc nécessaire que l’individu qui commet ces actes après avoir pris des substances psychoactives ait eu conscience qu’il mettait alors délibérément autrui en danger. Les débats en commission nous ont permis d’arriver à un compromis qui préserve la constitutionnalité de la nouvelle infraction et appréhende plus largement les situations concernées. C’est cette solution qui vous sera proposée par la rapporteure Naïma Moutchou.
    Les peines seront par ailleurs aggravées jusqu’à quinze ans de réclusion criminelle si l’homicide a été commis par une personne ayant déjà été déclarée irresponsable d’un homicide commis dans les mêmes circonstances.
    Enfin, comme les travaux en commission l’ont montré, un certain nombre de délits n’étaient initialement pas couverts par ces nouvelles infractions autonomes, comme l’ont souligné vos collègues Avia et Mazars. Le Gouvernement sera donc favorable à l’extension des nouvelles infractions aux cas de viol, d’actes de torture et de barbarie, et d’incendie volontaire ayant entraîné la mort. Je tiens d’ailleurs à remercier les députés qui nous ont permis d’enrichir le texte en commission et qui apporteront de nouvelles améliorations lors des débats à venir : je pense tout particulièrement à Coralie Dubost et à Jean Terlier, mais également aux députés Blandine Brocard et Dimitri Houbron.
    Ce projet de loi comporte par ailleurs des dispositions procédurales ayant pour objet de renforcer l’effectivité de la réponse pénale. Je pense en particulier aux cas où l’identité du mis en cause évolue au gré de l’enquête. En effet, sans identification précise et établie, la loi pénale ne peut s’appliquer. Trois enjeux majeurs et bien identifiés nous ont amenés à vouloir modifier la procédure. D’une part, des actes de délinquance restent impunis, et c’est incompréhensible pour les victimes. D’autre part, des majeurs peuvent se faire passer pour des mineurs, et ainsi bénéficier de dispositifs de protection qui devraient être réservés aux plus vulnérables. À l’inverse, des mineurs ne sont pas reconnus mineurs dans le cadre pénal et sont donc exclus des dispositifs de protection de l’enfance. Nous avons la responsabilité d’instaurer des outils efficaces de prise en charge de ces personnes afin de répondre aux attentes légitimes de tous les acteurs judiciaires et, surtout, de nos concitoyens.
    Pour mettre en œuvre une réponse judiciaire adaptée, il faut d’abord, comme les députés Eliaou et Savignat l’avaient suggéré dans leur rapport, se donner les moyens d’identifier avec précision le mis en cause. Identifier les mineurs délinquants est d’information, de plus, un moyen efficace pour lutter contre les réseaux qui contraignent les jeunes à refuser les prises d’empreintes. La prise d’empreintes, telle que prévue dans ce texte, sera évidemment assortie de garanties procédurales, d’ailleurs renforcées à l’égard des mineurs, pour être conforme, là encore, à nos exigences constitutionnelles.
    Ce projet de loi permettra ensuite que soient gardés à la disposition de la justice des prévenus présentés devant une juridiction pénale qui s’est déclarée incompétente, du fait d’une erreur sur leur majorité ou leur minorité, le temps de les réorienter vers la juridiction compétente. C’est, là aussi, une proposition du rapport Eliaou-Savignat, et je tiens à les en remercier. En effet, cette disposition comblera une lacune, qui, en l’état du droit, laisse impunis de très nombreux actes de délinquance. Elle concerne deux situations précises.
    Premièrement, certains jeunes délinquants initialement déclarés majeurs voient finalement leur minorité reconnue par le tribunal correctionnel ; il est impératif qu’ils soient pris en charge et non pas relâchés dans la rue, où ils risquent malheureusement de récidiver. Le recours à une courte détention devra être spécialement motivé et le mineur devra être présenté, dans un délai de vingt-quatre heures, devant une juridiction spécialisée qui ordonnera sa prise en charge par la protection judiciaire de la jeunesse et les services de la protection de l’enfance.
    Deuxièmement, la mesure concernera les délinquants initialement déclarés mineurs qui voient leur majorité finalement reconnue par le tribunal pour enfants. Ceux-ci devront désormais nécessairement répondre de leurs actes devant le tribunal correctionnel, qui sera immédiatement saisi.
    Enfin, comme l’avait indiqué le Premier ministre au printemps dernier, ce projet de loi crée des incriminations spécifiques, aggravant la répression des actes de violence commis à l’encontre de ceux qui assurent notre sécurité dans l’espace public. Il n’est en effet plus tolérable que leur engagement citoyen les érige en cibles. Je tiens à remercier le rapporteur Jean-Michel Mis de nous avoir permis de préciser le champ des agents concernés, grâce à l’ajout des pompiers et des douaniers, qui interviennent sur la voie publique et sont eux aussi particulièrement exposés. Le Gouvernement sera en outre favorable à l’ajout des gardes champêtres, car leurs missions rejoignent celles de la police municipale. (Mme Emmanuelle Ménard applaudit.)
    Voilà les principales mesures dont nous serons amenés à débattre, s’agissant des articles qui ressortissent au ministère de la justice. Elles poursuivent toutes le même objectif : améliorer la réponse pénale pour répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, LT et Agir ens.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur

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    Après le garde des sceaux, qui est revenu sur les parties les plus essentielles du texte, il me revient d’évoquer quelques mesures qui peuvent paraître de moindre importance au regard des dispositions touchant à l’irresponsabilité pénale, mais qui, in concreto, amélioreront la sécurité de nos concitoyens en protégeant les forces de l’ordre dans leur action et en leur donnant des moyens supplémentaires pour assurer leur sécurité, en pleine cohérence avec les textes que vous avez très largement votés, notamment la proposition de loi relative à la sécurité globale. Ces mesures sont également en lien direct avec l’augmentation sans précédent des crédits de la mission Sécurités, dans le budget alloué au ministère de l’intérieur,…

    M. Éric Ciotti

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    L’augmentation de la délinquance aussi est sans précédent !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    …pour 1,7 milliard d’euros depuis quatre ans, qui sera suivie d’une nouvelle augmentation de 1,5 milliard d’euros dans le budget pour 2022 que j’aurai l’honneur défendre. Tout le monde devrait s’en réjouir : jamais nous n’avons mis autant de moyens dans la police, dans la justice, dans les armées, c’est-à-dire dans le réarmement régalien de la nation.

    M. Ugo Bernalicis

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    Après que Sarkozy les a diminués !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Disons qu’il y a ceux qui en parlent, et ceux qui le font.
    Ce texte vous offre la possibilité de renforcer le travail des forces de l’ordre sur quatre points. Premièrement, il s’agit de lutter contre les refus d’obtempérer, qui pourrissent la vie de nos concitoyens et des forces de l’ordre, puisque ces délits se produisent toutes les dix-sept minutes sur le territoire national et causent parfois la mort – celle, par exemple, de la gendarme Mélanie Lemée, âgée de 26 ans, sur les routes du Lot-et-Garonne ou celle du policier Éric Monroy, au Mans, après qu’un chauffard a refusé de s’arrêter pendant une intervention de nuit. Oui, un refus toutes les dix-sept minutes, cela cause évidemment de nombreux blessés, de nombreux morts parmi nos concitoyens.
    Les délits routiers, ces agressions, prennent parfois une autre forme, celle des rodéos urbains. Les groupes parlementaires Les groupes LaREM, Dem et LR ont particulièrement travaillé pour améliorer les dispositifs en la matière – soit en imaginant des moyens juridiques supplémentaires, soit en étudiant l’application de la loi du 3 août 2018. Cette loi fonctionne. M. le garde des sceaux a eu l’occasion de présenter la réponse pénale, particulièrement renforcée depuis une année, puisqu’en 2020, près de 600 engins ont été détruits ; surtout, le nombre d’actions publiques et de condamnations liées aux rodéos urbains a été multiplié par cinq.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Par dix, même !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Cela ne suffit sans doute pas, car il manque des mesures conservatoires, demandées par les parlementaires dans le rapport d’information sur l’évaluation de l’impact de cette loi. Par ailleurs, le quantum des peines pour le refus d’obtempérer est actuellement trop petit ; nous le doublons, afin de permettre aux policiers, aux gendarmes, aux procureurs de la République et aux magistrats d’apporter une réponse à la hauteur de ces faits. Jusqu’à présent, ce délit n’était pas puni à la même hauteur que les autres délits routiers les plus graves.
    Enfin, nous permettons une bien meilleure identification des auteurs de ces infractions – qui causent la mort, comme je l’ai répété plusieurs fois. Nous pourrons ainsi les retrouver. Ainsi, nous protégeons les forces de l’ordre et continuons la lutte contre la délinquance routière, comme il le faut, car elle très importante.
    Deuxièmement, nous créons avec ce texte la réserve opérationnelle de la police nationale. Cette disposition, inscrite dans la proposition de loi relative à la sécurité globale déposée par M. Jean-Michel Fauvergue et Mme Alice Thourot, a été censurée par le Conseil constitutionnel pour des raisons non pas de fond mais de forme, le Conseil estimant qu’il s’agissait d’un cavalier législatif et invitant le Gouvernement à reprendre la mesure ab initio, dans un projet de loi. Dont acte.
    C’est bien volontiers que nous vous présentons cette arme, qui permettra de renforcer le lien entre la police et la population – une mesure similaire a extrêmement bien fonctionné pour la gendarmerie nationale, comme vous l’avez vu, avec un doublement des effectifs de réserve. Le lien direct avec la population est très important pour les effectifs de la police nationale.
    Cela permettra à nos concitoyens et concitoyennes qui le souhaitent d’entrer quelques jours par mois dans la police nationale, comme c’est déjà le cas dans la gendarmerie, et d’augmenter les effectifs présents sur le terrain dès l’entrée en application du budget pour 2022. Les interventions de nos concitoyens pourront sans doute être centrées sur des thèmes – on n’a pas toujours envie d’entrer dans la police ou la gendarmerie pour procéder à des contrôles routiers, lutter contre les stupéfiants ou mener un travail d’éducation dans les écoles. Certains ont une vocation particulière : je pense à la lutte contre les violences conjugales, à la protection des enfants ou à l’éducation routière. Nous proposerons donc qu’il soit possible à nos concitoyens de s’engager dans la réserve opérationnelle sans porter ni arme ni uniforme, et pour la thématique qu’ils auront choisie. C’est le sens du combat citoyen que beaucoup mènent, dans la police comme ailleurs.
    Troisième sujet : l’image. Elle est partout, M. le garde des sceaux le sait bien. Elle nous permet de juger, de jauger, d’apprendre, de comprendre le monde numérique dans lequel nous vivons – y compris dans le domaine de la sécurité, donc de la justice. Trois types de dispositions sont concernés. Premièrement, concernant la vidéosurveillance des personnes en garde à vue, l’avis du Conseil constitutionnel, comme plusieurs rapports, rédigés par Mme la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté ou par des députés, ont été pris en compte, et le travail mené en commission des lois sur ce point a été heureux. Il a abouti à un équilibre permettant à la fois de respecter la vie privée des personnes et, ne le cachons pas, de prévenir les suicides, les agressions ou les difficultés qui peuvent survenir dans les locaux de garde à vue. Le Gouvernement n’est pas favorable à ce que l’avocat de la personne gardée à vue soit prévenu, car cela alourdirait de manière inefficace la procédure alors que nous essayons de la simplifier – nous aurons l’occasion d’y revenir.
    Concernant les drones, j’ai eu l’occasion de dire qu’en France, tout le monde pouvait en faire voler, sauf la police et la gendarmerie.

    M. Ugo Bernalicis

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    Ce n’est pas vrai !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Il est donc normal de prévoir un cadre juridique le leur permettant. Je remercie le Conseil d’État de l’avoir validé et me réjouis de notre discussion sur les conditions administratives ou judiciaires d’un tel usage des drones et autres aéronefs permettant de filmer.
    Enfin, les caméras embarquées dans les véhicules des forces de sécurité renforceront la sécurité de nos concitoyens. Dans des endroits dépourvus de vidéoprotection, ces caméras, orientées vers la route, permettront de sécuriser autant que possible les interventions de police et de gendarmerie et de retrouver les auteurs d’actes délictueux, en vue de les présenter à la justice.
    J’en profite pour vous annoncer, mesdames et messieurs les députés, que les dispositions que vous avez votées concernant les caméras-piétons il y a seulement quelques semaines sont déjà appliquées : la flotte a été entièrement renouvelée avec des équipements d’une autonomie supérieure à douze heures, comme je m’y étais engagé. Chaque brigade de police et de gendarmerie pourra en bénéficier d’ici à la fin du mois d’octobre, car le déploiement a été extrêmement efficace, conformément aux annonces du Président de la République, que vous avez sans doute entendues.
    Les images de ces caméras-piétons ne pourront être modifiées, conformément à la loi pour une sécurité globale préservant les libertés. Elles seront enregistrées par les policiers et les gendarmes lors de leurs interventions et pourront être consultées par ceux-ci pour écrire notamment les rapports destinés à la justice. C’est une grande avancée, dont je voulais rendre compte au Parlement.
    Enfin, après la lutte contre les délits routiers et les rodéos, la création de la réserve opérationnelle de la police nationale et l’usage des images, j’en viens au contrôle des armes. Nous avons appris du drame d’Ambert, où trois gendarmes ont été lâchement assassinés l’hiver dernier ; de la multiplication des cas de violences intrafamiliales, où des forcenés font usage d’armes qu’ils n’ont pas déclarées ou qu’ils détiennent à cause de situations administratives complexes ; de l’augmentation de la présence des armes dans les trafics de drogue. Nous soumettons donc à votre approbation plusieurs dispositions de nature législative, visant notamment à améliorer et à renforcer le fichier national des interdits d’acquisition et de détention d’armes.
    Ce texte donnera donc aux forces de l’ordre de nouveaux moyens de nous protéger. Il renforcera le lien entre les Français et leur police et donnera enfin un statut juridique, auquel nous réfléchissons depuis tant de mois, à la captation d’images. Enfin, il répond avec force et de manière intéressante à la multiplication des actes contre les personnes, notamment les violences intrafamiliales. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Naïma Moutchou, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    La question de la responsabilité pénale est souvent à l’origine des débats les plus animés, alors même, il faut le reconnaître, que la grande majorité des décisions d’irresponsabilité font consensus. Mais il demeure des cas dans lesquels les expertises sont contradictoires ou les décisions peu satisfaisantes, parce que le droit n’est pas clair.
    La décision que la Cour de cassation a rendue le 14 avril dans l’affaire qui a concerné Sarah Halimi a fait grand bruit. En confirmant que le meurtrier de Sarah Halimi devait être considéré comme pénalement irresponsable, la Cour a relancé le débat sur ce principe de droit, ancien mais souvent remis en cause. Bien qu’elle soit conforme à la loi, cette décision nous a heurtés. Notre réaction est légitime : est-il normal qu’une consommation de cannabis qui déclenche une bouffée délirante à l’origine de blessures infligées à autrui, voire de sa mort, autrement dit à l’origine d’un crime ou d’un délit, est-il normal, dis-je, que cela reste impuni ? Je réponds non : c’est une faute, qui doit être sanctionnée. Il nous faut donc réparer cette injustice. Je précise d’emblée que ce qui vaudra pour les substances illicites vaudra également l’alcool et les médicaments.
    J’ai la charge de rapporter trois articles de ce projet de loi qui en comporte vingt. Comme en commission, je constate qu’ils vous auront particulièrement inspirés puisque plus de 40 % des amendements déposés les concernent.
    Je rappelle un principe qui, pour moi comme pour vous, je crois, restera intangible, et que le garde des sceaux a rappelé : celui qui est considéré comme fou ne peut être tenu pour responsable de ses actes. C’est là une ligne rouge : il n’est pas question de pénaliser les malades. Pour autant, il nous faut combler les lacunes de la loi. Quid de celui qui a décidé de se rendre fou au moyen de substances psychoactives, de celui qui ne subit pas sa folie mais la provoque ? C’est la question à laquelle Antoine Savignat et moi nous sommes efforcés de répondre, dans le cadre d’une mission flash dont nous avons présenté les conclusions en commission des lois au mois de juin. Je me félicite que le point de vue du Gouvernement soit le même que le nôtre.
    Nous avons convergé pour considérer qu’il ne faut pas toucher à l’article 122-1 du code pénal, qui définit le principe de l’irresponsabilité pénale. Nous sommes également d’accord sur la nécessité de veiller particulièrement à ne pas rendre responsables ceux qui sont atteints d’une pathologie. Leur place n’est pas en prison : ils doivent être soignés. Enfin, et c’est l’objet de l’article 2, il faut pouvoir retenir et sanctionner la faute antérieure : on continuera de ne pas condamner pour meurtre ou violences celui qui a perdu tout discernement, mais on le condamnera pour la prise volontaire de toxiques, d’alcool ou de médicaments, d’autant plus durement que les effets auront été tragiques.
    Il y a une volonté d’avancer et d’améliorer le droit. Je l’ai constaté lors de l’examen en commission, qui a donné lieu à des débats de qualité, ce dont, chers collègues, je vous remercie.
    L’article 1er ne vise pas à répondre à l’affaire Halimi. Il comporte un dispositif qui vise spécifiquement les assassins et terroristes qui, dans leur mode opératoire, consommeraient des drogues pour se donner du courage afin de passer à l’acte. Leur projet est acté, la prise de substances n’est qu’un moyen de s’aider à commettre le crime.
    Ce projet de loi n’est pas achevé. Nous l’avons enrichi en commission en adoptant notamment des amendements défendus par Coralie Dubost et Jean Terlier, du groupe LaREM, et par Cécile Untermaier, sur la procédure applicable devant la chambre de l’instruction, en faveur des parties civiles. J’espère que les débats qui débutent seront l’occasion de l’améliorer encore ensemble. Nous y travaillerons avec l’humilité qui s’impose dans une matière aussi technique qu’humaine, aux confins du droit et de la santé, dans laquelle il faudra toujours préserver les équilibres du droit pénal. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Michel Mis, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Jean-Michel Mis, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Nous sommes réunis pour examiner un projet de loi dont l’objectif est clair : donner aux forces de l’ordre les moyens de garantir la sécurité de nos compatriotes et leur propre sécurité. Cette ambition, que nous partageons toutes et tous, fonde la cohérence de l’ensemble des dispositions du texte, dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur, s’agissant des articles 4 à 11.
    Parvenir à un équilibre respectueux des libertés fondamentales requiert un travail minutieux et rigoureux, au regard des exigences constitutionnelles qui caractérisent notre État de droit. En tant que législateur, il nous revient de déterminer collectivement le cadre juridique à même de protéger le plus efficacement possible l’ensemble des forces de sécurité intérieure qui agissent quotidiennement au service de l’intérêt général, parfois au péril de leur vie. Ce texte constitue d’ailleurs une première réponse aux nombreuses pistes de réflexion issues des concertations organisées depuis le début de l’année, dans le cadre du Beauvau de la sécurité.
    Sans entrer dans le détail de chaque disposition, permettez-moi de présenter les principales mesures que contiennent les titres II à IV. Leur examen par la commission des lois la semaine dernière a contribué à préciser, compléter et améliorer bon nombre d’entre elles, souvent dans une perspective transpartisane, que je salue.
    Au titre II, l’article 4 aggrave les sanctions qu’encourent les agresseurs des forces de sécurité. En commission, un consensus s’est dégagé pour inclure dans ce périmètre les pompiers et les douaniers. Après réflexion, je vous proposerai d’y intégrer les gardes champêtres, dont la contribution au continuum de sécurité a été constamment reconnue durant cette législature.
    L’article 6 transforme l’actuelle réserve civile de la police nationale en réserve opérationnelle, sur le modèle de son homologue de la gendarmerie. Améliorer l’attractivité de la réserve de la police suppose d’augmenter et de diversifier les recrutements, afin d’atteindre l’objectif ambitieux de 30 000 réservistes dans la prochaine décennie.
    Les articles 7 à 9, qui composent le titre III, définissent un cadre législatif applicable à plusieurs dispositifs de captation d’images, qu’il s’agisse de la vidéosurveillance des cellules de garde à vue, des images enregistrées par des caméras aéroportées, comme celles installées sur les drones, ou des caméras embarquées dans des véhicules de police et de gendarmerie. Ces articles sécurisent juridiquement leur emploi au regard des exigences inhérentes au respect du droit à la vie privée et à la protection des données personnelles.
    Je ne peux que me féliciter des dispositions prévues à l’article 8, relatives à l’usage des caméras aéroportées. Elles correspondent en effet à une préconisation du rapport sur l’utilisation des nouvelles technologies dans le domaine de la sécurité, que j’ai récemment eu l’honneur de remettre au Premier ministre.
    Ces articles tirent toutes les conséquences de la décision que le Conseil constitutionnel a rendue le 20 mai, relativement à la loi dite sécurité globale. De plus, le travail mené en commission a utilement renforcé les garanties procédurales qui encadrent l’utilisation de ces techniques.
    Enfin, le titre IV, composé des articles 10 à 11, concerne le contrôle des armes et des explosifs. Il prévoit certains ajustements, dans le but d’améliorer l’utilité du fichier national des interdits d’acquisition et de détention d’armes, le FINIADA, en élargissant son champ d’application. À l’initiative du Gouvernement, plusieurs amendements ont également été adoptés lors de l’examen en commission afin, là encore, de renforcer les contrôles administratifs en matière d’acquisition et de détention d’armes. Nous savons hélas à quel point ces enjeux revêtent une importance particulière, notamment s’agissant des violences intrafamiliales, comme l’actualité nous l’a brutalement rappelé ces derniers mois.
    Voilà, mes chers collègues, les principales dispositions du projet de loi que j’ai l’honneur de rapporter. Chacune d’entre elles vise à renforcer la sécurité de nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-François Eliaou, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Jean-François Eliaou, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Nous sommes à nouveau réunis pour débattre des grands principes de notre droit pénal, du fonctionnement de la justice et des prérogatives des forces de l’ordre. Notre majorité a beaucoup œuvré dans ces trois domaines depuis quatre ans, et ce texte apportera des solutions concrètes pour améliorer la sécurité des Français ainsi que le quotidien des femmes et des hommes de terrain qui ont inspiré ses auteurs.
    Le titre V, que j’ai l’honneur de rapporter, comporte plusieurs dispositions directement inspirées des travaux parlementaires menés au sein de cette Assemblée. C’est notamment le cas de deux articles qui me tiennent particulièrement à cœur, car ils sont la traduction législative d’un travail de plusieurs mois, mené dans le cadre de la mission d’information sur les problématiques de sécurité associées à la présence sur le territoire de mineurs non accompagnés, dont j’ai été rapporteur avec Antoine Savignat.
    Notre assemblée peut s’honorer d’avoir modernisé en profondeur, il y a quelques mois, la justice pénale des mineurs. Cependant, mieux sanctionner les actes qui troublent la paix publique impose de procéder à des ajustements. S’il ne faut jamais s’écarter des principes protecteurs qui garantissent une réponse pénale et une prise en charge adaptées aux fragilités de ces enfants polytraumatisés qui ont connu un parcours migratoire chaotique, il ne faut pas non plus méconnaître le besoin de justice des victimes des actes délinquants qu’ils commettent.
    Tout d’abord, l’article 12 permet le placement ou le maintien en détention provisoire des prévenus présentés devant une juridiction incompétente, à cause d’une erreur d’évaluation de leur majorité ou de leur minorité. Ils pourront être maintenus à la disposition de la justice en attendant d’être présentés devant la juridiction effectivement compétente. En l’état du droit, ils sont systématiquement libérés, ce qui conduit in fine à les remettre dans la rue, voire entre les mains de ceux qui les exploitent.
    Ensuite, l’article 16, autorise à réaliser des relevés signalétiques contraints lorsqu’une telle opération constitue l’unique moyen d’identifier une personne suspectée d’avoir commis un crime ou un délit puni d’au moins trois ans de prison, cinq ans pour les mineurs. Cette opération, prévue pour les personnes majeures comme pour les mineurs de plus de 13 ans, sera strictement encadrée. Les discussions lors de l’examen en commission ont déjà apaisé certaines craintes légitimes. Deux autres dispositions relatives à la justice des mineurs n’ont pas suscité de débats, aux articles 13 et 14.
    Le titre V comprend d’autres mesures qui ne concernent pas la justice des mineurs. Ainsi, l’article 15 étend, sous certaines conditions, la procédure de l’amende forfaitaire délictuelle au délit de vol simple. Les gains de temps que permet cette procédure déjà éprouvée pour d’autres délits le justifient pleinement. L’article 17 permet aux gardes particuliers assermentés de constater par procès-verbal certaines infractions au code de la route. Ces nouvelles prérogatives seront encadrées en pratique par une liste d’infractions déterminées par décret.
    L’article 18 complète la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les rodéos motorisés, que nous avions votée à l’unanimité. Les dispositions qu’il contient sont inspirées des travaux que notre collègue Natalia Pouzyreff a menés depuis quatre ans. Avec Robin Reda, elle a rapporté la mission d’évaluation de la loi du 3 août 2018, dont les conclusions ont éclairé nos débats en commission.
    Enfin le titre VI, dont je suis également rapporteur, tend à simplifier le prononcé de mesures correctrices et de sanctions par la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Lors de l’examen en commission, nous avons amendé cet article en nous inspirant directement des travaux du Sénat, qui s’était déjà exprimé sur ces dispositions ; nous proposerons à nouveau quelques ajustements.
    Dans sa version issue de nos travaux en commission, ce projet de loi est à la fois utile, cohérent et équilibré ; j’espère que les débats emporteront votre adhésion et que vous le voterez massivement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

    Motion de rejet préalable

    Mme la présidente

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    J’ai reçu de Mme Valérie Rabault et des membres du groupe Socialistes et apparentés une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
    La parole est à Mme Lamia El Aaraje.

    Mme Lamia El Aaraje

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    Monsieur le ministre de l’intérieur, je vous rejoins pleinement : le sujet dont nous allons débattre revêt une importance majeure pour notre société, une société du commun où chacun doit pouvoir trouver sa place et évoluer dignement, en toute sérénité, où chacun doit pouvoir se sentir en sécurité.
    À l’heure de la surenchère sécuritaire, où les politiciens de tous bords manipulent ce sujet à des fins électoralistes, il convient de le redéfinir de façon précise et dépassionnée. La sécurité, sur le plan purement sémantique, consiste en l’état d’esprit confiant et tranquille d’une personne qui se croit et se sent à l’abri du danger. À l’origine, ce terme désigne avant tout un état d’esprit : la sérénité. Pendant longtemps, les écoles philosophiques helléniques, stoïciennes ou sceptiques, attiraient des élèves en mettant en exergue la sécurité qu’ils trouveraient en leur sein : un état mental d’ataraxie.
    La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen évoque à cet égard, dans son article 2, un droit fondamental à la sûreté, dont le garant est le préfet, seul haut fonctionnaire auquel la Constitution fait référence et dont le rôle est clairement défini : assurer la sécurité, l’ordre public et la cohésion sociale, ce qui implique de définir la sécurité comme un moyen de vivre ensemble.
    Un tournant s’est opéré il y a quelques années lorsque, en accolant le mot « publique » à celui de « sécurité », on a intégré la notion d’ordre public dans le champ de la sécurité, ce qui lui a conféré une dimension plus large. La sécurité publique vise donc à protéger la population d’un État contre les menaces internes.
    De fait, de quoi parlons-nous exactement depuis quelque temps dans notre société ? Pourquoi certains s’évertuent-ils à dresser les gens les uns contre les autres, en considérant systématiquement que l’ennemi, c’est l’autre, surtout quand cet autre est différent ? Nous évoluons dans un environnement où, à force de chercher une pseudo-sécurité, nous exacerbons les haines, les tensions, le rejet de l’autre, parce qu’il est autre et non parce qu’il constitue une menace ; un environnement où, à force de vouloir établir le portrait-robot de ce qu’est une menace intérieure, nous nourrissons la bête immonde de la haine, du rejet des autres, du racisme et de l’antisémitisme.
    À force de vouloir absolument désigner un coupable, nous désignons nos propres enfants, au motif qu’ils ne seraient pas nés au bon endroit, qu’ils n’auraient pas la bonne couleur de peau ou qu’ils n’auraient pas le bon prénom. À force de surenchère sécuritaire, certains se sentent autorisés à défiler fièrement avec, brandie au-dessus de la tête, une pancarte claire et explicite où, autour des mots : « Mais qui ? », figurent des noms désignant des pseudo-coupables d’on ne sait quoi alors que, en réalité, ces noms sont ceux de victimes, coupables de porter un nom qui pourrait laisser penser qu’elles croient en un Dieu, et d’une façon déplaisante pour certains.
    Ces personnes sont les victimes d’un antisémitisme crasse qui rappelle les heures les plus sombres de notre histoire commune, un antisémitisme que nous pensions ne jamais revoir et qui pourtant resurgit. La responsabilité de cette immondice nous incombe, ainsi qu’à tous ceux qui considèrent les enjeux électoraux comme supérieurs à notre humanité, qui, courant après l’extrême droite, désignent notre modèle social comme l’ennemi à abattre, et qui, soucieux de leur élection ou de leur réélection, oublient le poids de notre passé le plus sombre.
    En confondant tout, en considérant que tout peut faire l’objet de chamailleries politicardes et en occultant la responsabilité de ce que doit et de ce que peut l’État, on en arrive à ce type de situations : inacceptables, inentendables, indéfendables, bien loin de la cohésion sociale et de ce que prône ma famille politique en la matière.
    Je tiens donc à vous alerter, mes chers collègues, de la menace qui pèse sur nous, et elle est intérieure. Nous sommes notre propre menace intérieure, la menace d’une explosion de la cohésion sociale de notre pays. Les dérives extrémistes s’insinuent dangereusement dans tous les foyers, dans toutes les têtes, sur nombre de chaînes de télévision, jusque dans des débats télévisés aux heures de grande écoute, comme tel sera le cas jeudi soir prochain, sur une chaîne télévisée très suivie, à une heure où nombre de nos concitoyens la regarderont, ce que je regrette et dénonce.
    Je regrette et dénonce que certains cèdent aux sirènes populistes. Je regrette et dénonce que la tentation médiatique soit plus forte que la digue, que le rempart républicain. Nous sommes notre propre menace intérieure.
    Le rempart républicain est seule capable de redonner du sens à notre action publique et d’éteindre le feu de haine de la bête immonde. La République est seule capable de nous réunir autour, au minimum – du moins je l’espère –, d’un objectif commun. Comment la préserver ? J’ose espérer que nous nous rejoindrons sur ce point, du moins sur certains bancs.
    Je tiens donc à rendre un hommage particulier aux forces de l’ordre, qui sont objectivement mal en point, alors même que l’institution est extrêmement mobilisée et fait corps à chaque mise en cause, à chaque drame, à chaque atteinte à notre société. Or cette institution souffre. Elle souffre et recule dans les classements européens et internationaux, elle est devenue le parent pauvre de la République dont elle est pourtant la gardienne : suicides, manque de moyens, manque d’effectifs, culture de l’intervention encouragée par une obsession statistique délétère censée orienter l’action mais qui, additionnée au reste, dégrade l’image des forces de l’ordre, notamment vis-à-vis de ceux qu’elles sont supposées servir et protéger, les citoyens.
    Ainsi, alors que les forces de l’ordre souffrent, qu’un nombre croissant de citoyens se sentent stigmatisés, que nous nous laissons entraîner dans une dérive sécuritaire par les plus extrémistes et les plus antirépublicains dans notre société, que nous nous engluons dans un débat public empêché et qui, par facilité et par manipulation, bascule dans une logique simpliste – pour ou contre la police –, nous nous devons de prendre de la hauteur.
    Il est en effet insupportable d’établir un tel constat d’échec et de laisser filer la pelote de la haine, de considérer comme inéluctable l’opposition, dans le cadre d’un scrutin électoral, entre une force politique républicaine et une force politique extrémiste. C’est indigne de notre histoire politique, du moins de la mienne, l’histoire socialiste.
    En 1903, Jaurès proclamait déjà : « Dans notre France moderne, qu’est-ce donc que la République ? C’est un grand acte de confiance. Instituer la République, c’est proclamer que des millions d’hommes sauront tracer eux-mêmes la règle commune de leur action ; qu’ils sauront concilier la liberté et la loi, le mouvement et l’ordre. » Ce débat nous met au défi de redonner du sens à la sécurité intérieure, en lien avec la République sociale. Il est de notre responsabilité de renouer avec une vision ambitieuse et respectueuse pour préserver notre commun le plus précieux : le lien social.
    L’insécurité est en effet une source supplémentaire d’injustice sociale. Claire Hédon, Défenseure des droits, donne à cet égard une alerte explicite : « On entend une petite musique qui suggère que la solution aux problèmes que l’on rencontre serait de rogner sur les droits, les droits des étrangers, les droits sociaux, notamment des plus pauvres. » Les politiques de sécurité sont sans doute l’un des champs où les divergences idéologiques sont les plus frappantes entre la droite et la gauche. Le fameux « en même temps » du nouveau monde, prôné en 2017, ne s’applique clairement pas en la matière.
    L’instrumentalisation du Beauvau de la sécurité en est un exemple cinglant. Constatant les difficultés de notre société sur le plan de la sécurité intérieure, le Président de la République s’est engagé dans un Beauvau global de la sécurité où, pendant sept mois, on a travaillé, auditionné, échangé en vue d’un texte majeur, susceptible de réformer les forces de l’ordre et notre approche de la sécurité. Au bout du compte, nous aboutissons à un texte avorté d’avance, tué dans l’œuf par l’ambition électoraliste du Président encore en exercice pour quelques mois, annoncé pour le prochain quinquennat, si ce Président est réélu… Une telle méthode est étonnante : la vision de l’intérêt commun qu’elle sous-tend n’est pas tout à fait la mienne, et elle ne correspond pas à la vision de l’État que nous défendons.
    Chers collègues, les forces de l’ordre méritent mieux que des manipulations électoralistes ; nos enfants méritent mieux que ces renoncements ; nos concitoyens méritent mieux que la surenchère sécuritaire à laquelle nous sommes confrontés. Malgré la brièveté du texte, le groupe Socialistes et apparentés a une position globale en matière de sécurité, qu’il continuera à défendre dans le cadre du débat budgétaire : aucune excuse, alors, ne sera permise, ni aucun report à visée électoraliste. En revanche, des effets d’annonce, déjà distillés dans la presse, sont possibles. À l’heure du « quoi qu’il en coûte » et de l’argent magique, la démagogie à bas coût se fait reine tant que l’heure du passage à la caisse n’a pas sonné.
    Notre groupe a échangé avec les élus territoriaux de toute la France et coconstruit des propositions avec eux, qui feront l’objet d’amendements au présent texte et dans le projet de loi de finances : je ne doute pas que vous y serez sensibles. En effet, la force des élus territoriaux, à laquelle je vous sais attachés, est de parfaitement connaître les réalités de terrain, les difficultés du quotidien, les souffrances de tout un chacun. Cette force est aussi leur faiblesse, tant leur pouvoir d’agir peut se trouver limité. Nous devons donc agir pour répondre à leurs justes besoins.
    Nous défendrons ainsi plusieurs axes majeurs dans le cadre de ce texte. Le premier axe concerne la capacité des forces de l’ordre à agir, ce qui suppose des moyens concrets et des effectifs réels. Lorsque je constate que certains commissariats – notamment l’un d’entre eux, que je connais bien – n’ont pas de chauffage durant presque un an faute de budget de réparation, je suis stupéfaite. Comment peut-on laisser des agents du service public travailler dans ces conditions ? Lorsque les températures sont inférieures à zéro, comme tel a été le cas l’année dernière, comment penser que ces femmes et ces hommes puissent travailler dans de bonnes conditions ?
    Le second axe concerne le rétablissement de la confiance entre les forces de l’ordre et les citoyens, un préalable indispensable qui demande courage et détermination. Réformer l’IGPN – Inspection générale de la police nationale –, pour plus de transparence dans l’action de la police, est une nécessité urgente. Il n’est pas acceptable que des dérives ou des erreurs potentielles – et elles existent – commises par un agent de police ne puissent être traitées en toute transparence et toute impartialité.
    Il faut du courage pour reconnaître des défaillances et les surmonter : c’est à cela qu’on reconnaît l’honneur de l’engagement, et je ne doute pas que l’institution de la police nationale souscrira à ces objectifs. Je ne doute pas non plus que, parce qu’elle sera transparente et irréprochable, le récépissé de contrôle d’identité pourra être instauré : cette mesure forte serait une main tendue à nos enfants, à tous nos enfants, notamment à ceux qui se sentent stigmatisés ou exclus.
    Le troisième axe concerne la lutte contre les rodéos urbains, qui pourrissent littéralement la vie de millions de personnes. Les élus locaux et les forces de l’ordre sont très engagés sur cette question, et nous devons leur donner les moyens de lutter contre de telles nuisances. Les drones avec caméras, dans un cadre judiciaire, sont à cet égard susceptibles de constituer une solution consensuelle, comme l’ont laissé penser les travaux en commission.
    Les deux-roues motorisés ne sauraient rester dans l’angle mort de nos politiques publiques : rodéos urbains, non-respect du code de la route, non-respect des limitations de vitesse, non-respect des zones piétonnes, non-respect des abords des écoles, des hôpitaux ou des crèches, non-respect de la signalisation, non-respect des interdictions de stationnement : la liste des infractions qui rendent fous les riverains est longue. Je précise que je ne fais pas référence à tous les conducteurs de deux-roues motorisés.
    Nous disposions, avec le contrôle technique, d’un outil pour endiguer ces problématiques et doter notre pays d’une capacité supplémentaire pour réglementer cet usage. Or, à des fins purement électoralistes, j’imagine – pour ne pas fâcher les motards –, vous avez reculé, ce qui est incompréhensible. Vous n’avez pas fâché les motards, certes, mais vous avez fâché des millions d’autres gens qui vous demandent d’instaurer le contrôle technique des deux-roues motorisés et de réglementer davantage leurs conditions de circulation.
    Enfin, nous serons particulièrement vigilants à ce que les dispositions de la loi pour une sécurité globale censurées par le Conseil constitutionnel ne soient pas réinsérées dans le présent texte.
    J’espère que nous réussirons, chers collègues, à travailler dans le sens de l’intérêt général. Je dénonce toutefois la restriction, apparemment sans limites, du droit constitutionnel d’amender, au profit d’un monologue gouvernemental : beaucoup de nos amendements ont été déclarés irrecevables juste avant le début de l’examen en séance publique, ce qui est édifiant alors qu’il s’agit, je le répète, d’un droit constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.)

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Vous manquez manifestement d’expérience parlementaire !

    Mme la présidente

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    Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Éric Ciotti.

    M. Éric Ciotti (LR)

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    Votre texte comporte à bien des égards, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre de l’intérieur, des manques et des imperfections. Il ne s’inscrit pas dans la perspective globale que nous appelions de nos vœux afin d’améliorer la sécurité de nos concitoyens.
    Vous avez rappelé, monsieur le ministre de l’intérieur, que l’on constate un refus d’obtempérer toutes les dix-sept minutes. Nous pourrions ajouter qu’un outrage à un policier survient toutes les trente minutes, et que, chaque jour, vingt-cinq policiers ou gendarmes sont blessés. Nous pourrions aussi évoquer l’immense émotion qu’a soulevé l’assassinat antisémite de Sarah Halimi. Les réponses que vous apportez ne sont bien évidemment pas à la hauteur de la dégradation du climat de sécurité que connaît notre pays, ni de ce crime abominable qui, par son caractère antisémite, a frappé notre nation.
    Vous leur apportez, une fois de plus, des réponses de communicants, qui ne sont pas à la hauteur des enjeux.
    Néanmoins, nous ne suivrons en rien Mme El Aaraje, dont les propos sont ahurissants, stupéfiants : nous serions notre propre menace intérieure… J’ai aussi entendu, à propos d’un débat télévisé, régler de vieux comptes au sein de l’ancienne gauche plurielle.
    Là n’est bien sûr pas le sujet.
    Ce projet de loi contient des dispositions qui, si elles ne vont pas assez loin, avancent dans la bonne direction.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ah !

    M. Éric Ciotti

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    Oh, ne vous réjouissez pas trop vite, monsieur le garde des sceaux : ces mesurettes ne régleront pas une situation très grave, très périlleuse dans laquelle nous nous trouvons.
    Nous ne pourrons évidemment pas approuver cette motion de rejet : il convient de débattre de ces mesures, en espérant qu’un jour vous aurez le courage d’en appliquer d’autres, beaucoup plus fortes et plus ambitieuses.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Blandine Brocard.

    Mme Blandine Brocard (Dem)

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    Je vous ai écoutée très attentivement, madame El Aaraje : vous avez eu de sacrées envolées lyriques…

    Mme Marie-George Buffet

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    Ça n’était pas « lyrique » !

    Mme Blandine Brocard

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    Vous avez agité de grands et de beaux concepts, vous avez fait appel à l’histoire.
    Mais c’était, si vous me permettez le terme, un peu fourre-tout…

    Mme Marie-George Buffet

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    Oh là là !

    Mme Blandine Brocard

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    J’avoue que je cherche encore le lien entre votre discours et le texte qui nous est présenté.
    C’est dommage, parce que nos débats en commission – en particulier grâce à Mme Untermaier, qui fait pourtant partie de votre groupe (Sourires au banc de la commission) – ont permis d’avancer avec finesse sur un certain nombre de points. J’espère que les débats dans l’hémicycle resteront posés, afin d’arriver à un texte équilibré, loin des postures démagogiques de la gauche, qui nous accuse de surenchères sécuritaires, comme de droite, qui nous accuse de ne pas en faire assez.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Dimitri Houbron.

    M. Dimitri Houbron (Agir ens)

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    Je pourrais presque reprendre mot pour mot les propos de ma collègue Blandine Brocard : cette motion de rejet préalable n’en est pas une ; nous n’avons pas entendu d’arguments sur le fond du texte, mais plutôt un discours politique, voire politicien, qui n’a pas sa place dans la discussion de ce projet de loi.

    Mme Marie-George Buffet

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    Mais si ! Nous sommes ici pour faire de la politique, justement !

    M. Dimitri Houbron (Agir ens)

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    Les débats en commission nous ont permis, grâce à Cécile Untermaier et à bien d’autres, de tous les groupes, d’enrichir le texte.
    Sur la forme – car demander le rejet préalable du texte, c’est refuser le débat – comme sur le fond, nous voterons contre cette motion et nous espérons pouvoir débattre rapidement des articles.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pascal Brindeau.

    M. Pascal Brindeau (UDI-I)

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    Je n’ai pas vraiment compris, moi non plus, l’objet de cette motion. Une telle motion est un acte de procédure grave, puisque l’on demande le rejet du texte sans débat : il faut donc être opposé sur le fond à certains articles du texte.
    J’aurais aimé entendre notre collègue nous dire – ce serait parfaitement légitime – les raisons de son opposition aux mesures, dont nous débattrons avec le Gouvernement, concernant l’irresponsabilité pénale, concernant l’utilisation des drones par les forces de sécurité intérieure, concernant la justice pénale des mineurs.
    Une motion de procédure est toujours l’occasion, en effet, de faire de la politique : c’est bien pour cela que nous sommes ici.

    M. Pierre Cordier

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    Très juste !

    Mme Marie-George Buffet

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    En effet !

    M. Pascal Brindeau

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    Mais stigmatiser les uns ou les autres, relever des positions extravagantes ou soulever des débats dont les acteurs ne sont pas présents dans cet hémicycle, c’est à mon sens hors sujet.
    Le groupe UDI et indépendants ne votera pas cette motion.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danièle Obono.

    Mme Danièle Obono (FI)

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    Nous voterons, nous, cette motion de rejet, pour des raisons de fond. Puisque vous dites n’avoir pas entendu d’arguments pendant quinze minutes, je vais essayer, en deux minutes, de vous expliquer ces raisons.
    L’écrasante majorité des professionnels du droit, de la psychiatrie et des associations de défense des droits humains rejettent ce projet de loi. Ils déplorent un mauvais pot-pourri, qui regroupe des dispositions déjà censurées par le Conseil constitutionnel, sans cohérence, mais d’une grande dangerosité.
    C’est la septième loi sécuritaire du quinquennat, avant une huitième qu’on nous annonce pour cet hiver ; c’est un texte de plus qui ne se donne aucun moyen concret pour résoudre des problèmes au demeurant mal posés. Selon les termes même de l’exposé des motifs du projet de loi, le Gouvernement prétendait notamment répondre, après l’affaire Halimi, « à l’incompréhension que cette décision [de la Cour de cassation] a provoquée dans une partie de l’opinion publique ». Or les dispositions du projet de loi ne s’appliquent pas à cette affaire, et n’auraient rien changé à son issue.
    À quoi tout cela sert-il alors ? Eh bien à dire qu’on – on, c’est-à-dire le président-candidat Macron en campagne pour l’élection de 2022 – a fait quelque chose. Cela affaiblit aussi un principe fondamental du droit, et cela stigmatise encore un peu plus les personnes atteintes de troubles psychiatriques.
    Ainsi, à rebours des recommandations du rapport Houillon-Raimbourg, de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté ou encore de l’Observatoire international des prisons, et même des associations de victimes et de leurs familles, il n’y a rien dans ce texte qui renforce l’accompagnement de ces derniers, rien qui renforce le suivi des personnes atteintes de troubles psychiatriques ; il n’y a pas de recrutement massif d’expertes et experts psychiatres et psychologues, pas d’augmentation de leur rémunération ; il n’y a rien sur le cadrage de l’expertise légale.
    Le versant consacré à la sécurité intérieure suit la même logique, celle du « tout sécuritaire », au détriment des droits, de la liberté et de la sécurité des citoyens et citoyennes et même des agents et agentes publics.
    De l’abandon du principe, fondamental en droit, de l’irresponsabilité pénale à la violation du droit à la vie privée, en passant par la remise en cause de la spécialisation de la justice des mineurs ou par la privatisation des missions régaliennes de police, ce texte est contraire aux principes constitutifs de notre État de droit démocratique.
    Nous voterons donc en faveur de la motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Molac.

    M. Paul Molac (LT)

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    Notre collègue El Aaraje pose une vraie question : quel type de société voulons-nous ? Voulons-nous une société sécuritaire, où l’on vote des lois sécuritaires – nous en avons voté de nombreuses depuis 2016, et elles n’ont pas changé grand-chose sur le fond ?
    Aujourd’hui, nous voyons des polémistes qui se repaissent de faits divers, dont certains sont sordides, nous en sommes d’accord. Mais il y a une constante : notre pays est l’un des plus sûrs du monde, et les crimes de sang y sont de plus en plus rares. Pourquoi, alors, n’arrêtons-nous pas de voter des lois de plus en plus répressives ? Pourquoi voulons-nous toujours développer notre arsenal ?
    Certains, je le comprends, voudraient nous faire vivre dans une caserne. Mais ce n’est pas la liberté, cela ! (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Une caserne où l’on parle les langues régionales, tout de même !

    M. Paul Molac

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    Je ne dis pas forcément cela pour la majorité, même si je crois, chers collègues, que vous êtes entraînés dans une dérive sécuritaire, sous l’effet de ce que l’on entend sur certains réseaux sociaux et sur certains groupes de médias. Il faut en être conscient, car cette dérive s’accentue.
    Voulons-nous corseter la société, ou au contraire l’apaiser ? Parfois, nous faisons que passer du vinaigre sur les plaies, en opposant par exemple les chômeurs et les chefs d’entreprise, ou en faisant que certains, dans notre société, soient plus favorisés que d’autres.

    Mme Lamia El Aaraje

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    Tout à fait !

    M. Paul Molac

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    L’acrimonie monte. Ce projet de loi ne me paraît ni nécessaire, ni même opportun.
    Je voterai la motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.)

    Mme la présidente

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    Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par le groupe La République en marche d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet (GDR)

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    Je voudrais, moi, me féliciter d’avoir entendu notre collègue développer, en défendant la motion de rejet préalable, des questions fondamentales sur le rôle de la sécurité pour la cohésion de la nation comme pour l’épanouissement des êtres humains. Nous devons, avant d’aborder la discussion des articles, poser ces questions, afin de mesurer si le projet de loi répond à ces enjeux proprement politiques. Oui, chers amis, nous avons besoin de faire de la politique à l’Assemblée nationale, contrairement à ce que j’ai encore entendu tout à l’heure.
    Ce projet de loi est le sixième portant sur la « sécurité intérieure ». Avant d’aborder cette discussion, j’aurais souhaité une véritable évaluation de l’application des précédentes lois, et de leur efficacité. L’accumulation des lois depuis 2017 ne renforce pas en elle-même la sécurité ! Pour qu’il y ait sécurité, il faut aussi un combat pour l’égalité sociale. Il faut donner des moyens aux forces de l’ordre, mais il faut aussi travailler sur les rapports humains dans notre société. (Mme Caroline Fiat applaudit.)
    Cette loi s’ajoutera à d’autres, et elle apportera peu. C’est pourquoi les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine voteront cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean Terlier.

    M. Jean Terlier (LaREM)

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    Le groupe La République en marche votera évidemment contre cette motion de rejet préalable.
    Je voudrais dire à notre collègue du groupe Socialistes que je n’ai pas plus que notre collègue Pascal Brindeau compris les raisons pour lesquelles vous avez déposé cette motion de rejet. Sur le fond, vous avez raison, nous devons faire de la politique ; mais quand on défend une motion, il faut essayer d’argumenter, d’expliquer pourquoi on l’a déposée. Sur la forme, déposer une telle motion, c’est faire peu de cas des nombreuses heures que nous avons passées en commission à débattre de ces sujets si importants pour nos concitoyens.
    J’ai moi aussi été quelque peu choqué par vos propos. Parler de sécurité, c’est nourrir la haine et le racisme, avez-vous dit. (Mme Lamia El Aaraje proteste.) Je suis désolé, mais parler de sécurité, c’est protéger nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.) Parler de sécurité, c’est protéger nos forces de l’ordre.
    Vous avez esquissé quelques petites propositions, qui constitueraient le programme du parti socialiste en matière de sécurité. Vous avez dit vouloir « des effectifs réels ». Excusez-moi de vous dire, mais nous aurons été les seuls à remettre 10 000 policiers et gendarmes sur le terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
    Vous avez aussi dit vouloir rétablir la confiance entre nos concitoyens et nos forces de l’ordre. Eh bien rassurez-vous : ce projet de loi crée la réserve opérationnelle de la police, qui va participer à ce retour de la confiance – vous la voterez, j’en suis sûr.
    Vous avez dit vouloir lutter contre les rodéos urbains : encore une fois, les mesures du projet de loi nous permettront de réussir, et je vous encourage vraiment à les voter.
    N’oublions pas les drones, les caméras, l’augmentation du budget de la justice de plus de 30 %… et tant d’autres mesures prises depuis le début du quinquennat.
    En déposant cette motion de rejet, vous refusez d’affronter ces problèmes si importants pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Oh là là !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Lamia El Aaraje.

    Mme Lamia El Aaraje (SOC)

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    Chers collègues, je vous répondrai sur la forme et sur le fond.
    Sur la forme, il a été décidé, au début de ce quinquennat, de fusionner la motion de rejet et la motion de renvoi en commission. Dès lors, seule une motion de rejet permet d’ouvrir un débat préalable.
    Sur le fond, je suis presque inquiète de vos propos : ils montrent une foncière incompréhension de la situation.
    Vous établissez un raccourci facile, monsieur Terlier, en prétendant que j’aurais dit que parler de sécurité revenait à parler de racisme. C’est un amalgame, et ce n’est absolument pas ce que j’ai dit. La notion de sécurité est tellement fondamentale, tellement au cœur de la République que nous ne croyons pas qu’il soit utile d’opposer les gens les uns aux autres, d’adopter une logique du « tout sécuritaire » et de la stigmatisation pour établir cette sécurité qui est en effet indispensable à la République. Nous croyons au lien social, à la cohésion sociale, à l’investissement nécessaire dans la prévention, dans la médiation, dans la police de proximité.
    Alors, vous pouvez caricaturer mon propos comme il vous plaira, tant pis. Simplement, souffrez d’avoir des contradicteurs ; cela s’appelle l’opposition. Quand on siège à l’Assemblée nationale, on fait de la politique, ne vous en déplaise. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Stéphane Peu applaudit également.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix la motion de rejet préalable.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        91
            Nombre de suffrages exprimés                91
            Majorité absolue                        46
                    Pour l’adoption                13
                    Contre                78

    (La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)

    Mme la présidente

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    Mes chers collègues, je vous informe qu’à la demande du Gouvernement, en application de l’article 95, alinéa 4, du règlement, l’Assemblée examinera par priorité les articles 12 à 16 ainsi que l’article 19 à l’issue de la discussion sur les amendements après l’article 4.

    Discussion générale

    Mme la présidente

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    Dans la discussion générale, la parole est à M. Antoine Savignat.

    M. Antoine Savignat

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    Nous ouvrons la session extraordinaire avec un texte important traitant d’un sujet grave s’il en est qui aurait sans doute mérité une grande et belle loi à lui seul ; un texte en réaction à une situation que nous ne pouvions ignorer ; un texte qui apportera une réponse – pas toutes les réponses – à l’émoi suscité par la décision de justice rendue sur l’ignoble agression dont a été victime Sarah Halimi, décision incompréhensible pour nombre de nos concitoyens. Nous devions aborder ce sujet mais il était indispensable de le faire sereinement, à froid, pour ne pas succomber à l’émotion, pour ne pas agir avec précipitation, tant il est complexe.
    Avec Naïma Moutchou, nous l’avons constaté au fil des auditions que nous avons menées dans le cadre de la mission flash qui nous a été confiée par la commission des lois : entre les partisans de l’immobilisme, ceux de la réforme globale, entre l’avis des gens de droit et celui des médecins, il fallait trouver un compromis pour que celui qui annihilera volontairement son discernement avant d’entreprendre un projet criminel ne puisse plus jamais échapper à la déclaration de sa culpabilité. Avec ce texte, nous aurons accompli ce travail.
    Reste une marge de progression relative à la prise en charge médicale et à l’accompagnement des personnels pénitentiaires trop souvent confrontés à des individus souffrant de lourdes pathologies qu’ils ne sont pas à même d’assister en milieu carcéral. Monsieur le garde des sceaux, vous avez annoncé une revalorisation de la rémunération des experts ; c’est un bon point, mais il faut aller plus loin. Il faut susciter une véritable émulation, un engouement pour que des collèges de réflexion se créent. Au cours de notre mission, nous avons vu que les écoles sont nombreuses sur les sujets des troubles mentaux et aucune bonne décision de justice ne sera rendue sans clarification et définition desdits troubles. Nous n’apporterons pas de réponse acceptable aux victimes sans réponse médicale.
    L’autre volet du texte a essentiellement pour objectif de répondre aux censures par le Conseil constitutionnel de dispositions, votées dans la proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés, relatives en particulier au placement sous vidéosurveillance des personnes en garde à vue ou concernant l’usage par certains services de l’État de caméras aéroportées et de drones. Nous aborderons, notamment, la situation des mineurs non accompagnés et le problème essentiel de la détermination de leur âge.
    Nous avions dénoncé le manque criant de moyens des autorités face à la croissance de la violence et du nombre d’actes de délinquance de certains jeunes, et la difficulté pour l’ensemble des intervenants judiciaires et sociaux d’évaluer leur âge. À plusieurs reprises, nous avions déposé des amendements visant à faciliter l’évaluation de la minorité. Aussi, nous saluons les mesures du texte, notamment celles donnant la possibilité à l’officier de police judiciaire de réaliser ou de faire réaliser sous son contrôle des opérations de prise d’empreintes digitales et palmaires ou la photographie de l’individu sans son consentement.
    En effet, la mission d’information que j’ai conduite avec Jean-François Eliaou préconisait de rendre obligatoire la prise d’empreintes digitales des mineurs et des prétendus mineurs délinquants interpellés ou, à défaut, de renforcer la sanction du refus de se soumettre au relevé d’empreintes digitales. Cette proposition – contrairement à ce que j’ai entendu – ne visait pas à les reconduire à la frontière, ce qui demeure impossible pour les mineurs sans leur consentement, mais à les suivre effectivement d’un territoire à l’autre afin de ne pas continuer à les abandonner à leur déshérence.
    Concernant les mineurs, je ne vous cache pas ma surprise de voir déclarer irrecevable un amendement sur la pénalisation du trafic de psychotropes : il avait été discuté en commission par laquelle il avait été jugé recevable. Nous ne pouvons ignorer et passer sous silence ce que nous avons constaté au cours de la mission d’information en la matière. Ces substances sont utilisées pour créer un lien de dépendance et pour réduire en esclavage, au service de réseaux criminels, nombre de jeunes qui se trouvent seuls sur le territoire. Tous les services prenant en charge ces mineurs le disent : ils les retrouvent totalement détruits, dépendants, dans des états physiques inacceptables. Ces drogues – parce que ce sont des drogues – sont obtenues dans les officines sur ordonnance et donc remboursées. Elles ont un moindre coût et sont donc plus faciles à obtenir et à diffuser que les produits classés stupéfiants. Tous les services de l’État, tous les services de sécurité soulignent l’urgence qu’il y a à mettre un terme à ces trafics ; il est dommage que nous n’ayons pas saisi l’occasion qui nous est offerte pour le faire.
    Si nous regrettons que ce véhicule législatif, dans lequel des sujets si importants seront examinés dans la précipitation, soit en quelque sorte une voiture-balai, nous ne pouvons que constater que la majorité se rend enfin compte qu’il y a urgence à légiférer sur des sujets et des problèmes que nous ne cessons de dénoncer depuis des années. Le texte sert donc à modifier et à compléter plusieurs manquements. Les mesures proposées vont dans le bon sens et nous suivrons avec attention leurs évolutions au cours des débats, particulièrement concernant un sujet cher au groupe Les Républicains, celui des peines planchers s’appliquant aux auteurs d’infractions commises à l’encontre de nos forces de l’ordre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Blandine Brocard.

    Mme Blandine Brocard

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    C’est parce que le droit régit nos rapports à autrui, nos comportements et nos libertés qu’il est essentiel de le faire évoluer avec la société. Ainsi, comme vous avez pu le dire monsieur le garde des sceaux, nous devons adapter au mieux notre réponse pénale à plusieurs enjeux d’importance. Nous devons également mieux protéger tant nos concitoyens que les membres des forces de sécurité dans le cadre de l’action difficile qu’ils conduisent, ainsi que vous l’avez naturellement souligné, monsieur le ministre de l’intérieur.
    Le texte que nous examinons comporte deux volets. Un premier volet de nature judiciaire veut notamment être une réponse adaptée cohérente et efficace à la tragédie de l’affaire dite Sarah Halimi qui, au printemps dernier, avait suscité une forte émotion – ô combien légitime – et une grande incompréhension chez nos concitoyens, à la suite de la décision déclarant l’auteur des faits irresponsable pénalement.
    Toutefois, faire évoluer le régime de l’irresponsabilité pénale requiert d’infinies précautions car il y a une ligne rouge à ne pas franchir, celle qui pose le principe selon lequel on ne juge pas les fous. C’est un principe cardinal de notre système pénal mais – c’est là tout l’intérêt du nouveau dispositif – celui-ci n’est plus valable à partir du moment où l’auteur de l’infraction s’est lui-même rendu coupable de sa propre perte de moyens. Lorsqu’il consomme volontairement des substances en connaissant le risque de mise en danger d’autrui que ce geste comporte, il est inacceptable de s’en tenir à l’irresponsabilité pénale ; ce principe serait dévoyé. Il ne serait d’ailleurs pas juste que cet acte constitue une circonstance aggravante dans certains cas et une cause d’irresponsabilité dans d’autres. L’intérêt du projet de loi consiste à trouver une ligne de crête subtile et pragmatique entre les deux solutions.
    Ce texte est nécessaire et de bon sens. C’est pourquoi le groupe Dem non seulement le soutiendra, mais proposera aussi de l’enrichir avec trois amendements qui visent à étendre le champ d’application des deux nouvelles infractions créées à l’article 2. Nous souhaitons que cet article s’applique aux incendies criminels volontaires ayant entraîné la mort ou des blessures graves, aux viols commis par une personne atteinte d’un trouble mental lorsque celui-ci résulte d’une intoxication volontaire ainsi qu’aux tortures et actes de barbarie commis dans les mêmes circonstances.
    Le volet judiciaire est par ailleurs riche d’autres dispositions que nous soutenons pleinement. Il prévoit notamment de créer un délit spécifique visant à réprimer les violences commises contre certains agents dépositaires de l’autorité publique, notamment les policiers et les gendarmes. C’est nécessaire, en raison du climat de violence croissant auquel sont confrontées nos forces de l’ordre. Du reste, le groupe Dem a déposé un amendement pour qu’il s’applique aussi aux gardes champêtres, qui sont essentiels dans nos communes rurales.
    Le second volet du texte est relatif à la sécurité intérieure. Alors que la semaine dernière, le Président de la République a clos le Beauvau de la sécurité en formulant plusieurs annonces pour renforcer et pour moderniser les missions de nos forces de l’ordre, les dispositions du projet de loi apparaissent indispensables pour protéger tant nos concitoyens que nos forces de l’ordre. Il en va ainsi de la création d’une réserve opérationnelle de la police nationale sur le modèle de ce qui existe déjà au sein de la gendarmerie nationale et qui a fait toutes ses preuves. Cela permettra, en particulier, d’atteindre l’objectif fixé par le Président de la République de doubler en dix ans la présence de policiers et de gendarmes sur le terrain.
    L’aggravation des peines encourues en cas de délit de refus d’obtempérer est une mesure de protection de nos forces de l’ordre qui est également bienvenue. Nous pensons que l’examen en commission a permis d’atteindre un quantum de peine satisfaisant.
    Nous soutenons aussi les dispositifs de caméras embarquées dans les véhicules. Ils seront opérationnels dès 2023 et permettront de renforcer à la fois la confiance de la population et la transparence de l’institution policière. Plus largement, nous sommes favorables aux dispositions relatives à la vidéosurveillance car il s’agit non pas, comme on peut l’entendre, d’une menace pour les libertés publiques, mais au contraire d’un facteur d’apaisement, notamment lors des interpellations, et de sécurité pour nos concitoyens dans la mesure où des garde-fous sont prévus dans le texte. Du reste, dès le début, le groupe Dem s’est montré particulièrement vigilant sur ce point.
    Je tiens enfin à saluer le travail de coconstruction entre le Parlement et le Gouvernement qui a abouti à l’élaboration de dispositions opérationnelles tirant toutes les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel. Nous devons aujourd’hui le parachever car le texte, bien qu’il puisse, de prime abord, présenter un caractère hétéroclite, répond fondamentalement à la demande de nos concitoyens qui réclament plus de sécurité. Il concilie l’efficacité de l’action publique avec les exigences constitutionnelles. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Dem votera en faveur du projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et LaREM.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

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    Nous discutons d’un texte de loi faisant suite à la tragique affaire Sarah Halimi. Mon propos se limitera à ce sujet. La commande présidentielle a pour objectif de déterminer s’il faut modifier l’article 122-1 du code pénal afin d’établir une distinction fondée sur l’origine du trouble psychique et donc introduire la responsabilité pénale dès lors que l’abolition du discernement résulte de la prise de substances psychoactives. D’autres drames récents, tels l’assassinat du prêtre Olivier Maire ou les crimes commis par Clément Guérin, nous obligent tout autant à une large réflexion.
    Le projet de loi ne modifie pas l’article 122-1 qui fonde l’irresponsabilité pénale. Selon nous, l’article 1er ne pose pas de difficulté, il énonce ce que la jurisprudence a finalement d’ores et déjà acté, à savoir que l’abolition du discernement résultant d’une intoxication volontaire dans le dessein de commettre une infraction n’entre pas dans le champ de l’irresponsabilité pénale. En d’autres termes, on n’organise pas son irresponsabilité pénale en se donnant les moyens de commettre un crime ; il était sans doute utile de le rappeler.
    En revanche, l’article 2 interroge. Il est d’une tout autre nature en ce qu’il vient à notre sens complexifier l’analyse de l’irresponsabilité pénale en créant deux infractions autonomes intentionnelles antérieures aux faits commis. Il est clair que celui qui consomme illégalement des substances illicites en faisant preuve de discernement doit encourir une condamnation sans attendre même la commission d’un crime. Tous les spécialistes que nous avons entendus nous disent la très grande imbrication entre troubles psychiques et recours à des psychotropes. Le caractère volontaire d’une intoxication et le discernement quant aux effets de celle-ci qui se produiront bien plus tard peuvent-ils être fondés sur les temps calmes d’une vie de schizophrène ?
    Les experts psychiatres et les juges doivent résoudre une véritable énigme lorsqu’il leur faut déterminer si l’intéressé a été, à un moment, conscient, dans un temps antérieur, que les psychotropes ingérés pouvaient le conduire à commettre un tel crime. Aucun acteur ne rechigne devant la difficulté, elle existe déjà lorsqu’il faut reconstituer, deux ans après les faits, l’état mental de leur auteur. On peut, en revanche, redouter de vaines batailles d’experts, qui vont fragiliser l’analyse globale du dossier en cours et, à terme, créer, selon nous, une brèche dans le principe de l’irresponsabilité pénale.
    Le principe de l’irresponsabilité pénale n’est pas remis en question par les citoyens, dès lors que celle-ci ne signifie pas une remise en liberté : nous devons rappeler ici que les malades mentaux sont placés dans des centres psychiatriques ou des unités de malades difficiles pour des durées qui peuvent être bien plus longues qu’une incarcération.
    Il est admis qu’on ne juge pas les fous, monsieur le ministre ; en revanche, la société et les proches des victimes doivent être protégés du fou. C’est ce qui ressort de l’atelier législatif citoyen que j’avais organisé dans ma circonscription, avec un avocat pénaliste et un expert psychiatre et en présence de citoyens : tous nous ont fait part de leurs attentes sur ce point eu égard à certaines situations gravissimes – l’effroyable affaire Clément Guérin dont ma circonscription a été le théâtre et dont j’ai parlé en commission des lois, ou le drame d’Olivier Maire, assassiné par une personne ayant séjourné un mois en hôpital psychiatrique.
    Ce texte de loi doit, à notre sens, apporter les garanties qu’attendent les citoyens sur la permanence des soins que requiert l’état mental de la personne. Si on n’apporte pas cette garantie, c’est l’irresponsabilité pénale qui, à terme, sera en danger. C’est donc l’objet de la majorité de nos amendements : compétence d’une chambre d’instruction sur la levée de l’hospitalisation d’office, bien sûr proposée par les psychiatres et appréciée par les juges ; possibilité de rendre obligatoires des soins en dehors de l’hôpital, véritable demande des experts psychiatres.
    Ce texte a finalement le mérite de poser, sans le vouloir, la question de la psychiatrie et de mettre en évidence combien la santé mentale est maltraitée depuis des années. La démographie des psychiatres est en chute libre, ce qui emporte de nombreuses conséquences : allongement des délais de dépôt des rapports d’expertise ou encore, dans l’effroyable affaire Clément Guérin, la levée d’une hospitalisation d’office faute d’avoir trouvé un expert psychiatre extérieur dans le temps procédural.
    L’irresponsabilité pénale est au croisement de deux politiques publiques fondamentales, la justice et la santé mentale. Or force est de constater que ce lien ne sort pas renforcé de ce texte. Pourtant irresponsabilité pénale et soins marchent ensemble, et la justice ne peut pas abandonner ainsi des affaires aussi graves. Cet abandon nous est d’ailleurs confirmé avec les assises de la santé mentale – vous n’y êtes pour rien, monsieur le ministre, puisque c’est ministère de la santé qui les organise : elles se tiennent ce mois-ci, et rien n’est prévu sur la thématique qui nous oblige aujourd’hui.
    Ce texte ne sera donc pas voté par le groupe Socialistes et apparentés. Il est considéré comme une non-réponse aux questions qui se posent, s’agissant en particulier de la cohésion sociale, en lien avec la sécurité, et de la situation de la santé mentale en France.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Alexandra Louis.

    Mme Alexandra Louis

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    Ce projet de loi concrétise divers engagements pris par le Président de la République. Il tire les conséquences de la dramatique affaire Sarah Halimi, d’une part, et de la censure partielle de la loi sécurité globale, d’autre part. Pour autant, les choses doivent être dites de façon très claire : le texte que nous étudions aujourd’hui n’a pas été rédigé en une nuit, en simple réaction à l’arrêt de la Cour de cassation du 14 avril 2021. Il résulte d’un très long travail, mené notamment par le garde des sceaux, et d’échanges avec tous les acteurs du monde judiciaire et de la société civile.
    Déjà, en février 2020, la garde des sceaux Nicole Belloubet demandait un rapport sur l’irresponsabilité pénale, lequel a été rendu par Philippe Houillon et Dominique Raimbourg à notre actuel garde des sceaux, le 23 avril 2021, aboutissement de plus d’un an de travail. Ajoutons à cela le remarquable travail mené par Naïma Moutchou et Antoine Savignat dans le cadre d’une mission flash sur l’application de l’article 122-1 du code pénal, dont les conclusions ont été rendues le 30 juin dernier. Le projet de loi que nous examinons ce jour est largement imprégné de ces travaux.
    L’irresponsabilité pénale des aliénés est une idée très ancienne, un article passionnant du Monde, paru le week-end dernier et intitulé « Irresponsabilité pénale, la difficile frontière entre le territoire du mal et celui de la folie », retrace l’histoire de cette notion.
    On en trouve la trace dans le code babylonien d’Hammourabi, texte gravé sur une stèle de Mésopotamie, 1 700 ans avant Jésus-Christ, mais aussi dans les écrits de Platon consacrés, pendant la démocratie athénienne, au droit criminel. Si, de façon générale, l’ancienneté d’un concept n’est pas la preuve de sa pertinence, en l’espèce, cette constance à travers les âges atteste de la solidité de ce raisonnement.
    On ne juge pas les fous. Le projet de loi ne revient pas un instant sur ce principe cardinal.
    Le texte tire aussi les leçons de la décision du Conseil constitutionnel, qui a censuré, le 20 mai 2021, des articles de la proposition de loi sur la sécurité globale. À cet effet, il comprend aussi, d’une part, des dispositions renforçant la répression des atteintes commises contre les forces de sécurité intérieure et, d’autre part, des dispositions visant à moderniser le droit en donnant aux forces de l’ordre, accès à des outils de travail innovants.
    Leur sécurité est un enjeu non négociable à l’heure où les conclusions du Beauvau de la sécurité nous rappellent plus que jamais leur rôle primordial, en première ligne, et parfois au péril de leur vie, dans la protection de nos concitoyens.
    Ainsi, le projet de loi renforce le régime des peines applicables aux délits de refus d’obtempérer à une sommation de s’arrêter, prévoyant le même niveau de répression que celui prévu pour les délits routiers les plus graves.
    Je défendrai, avec mon collègue Dimitri Houbron, des amendements du groupe Agir ensemble, visant notamment à élargir le spectre de l’article 4, afin qu’ils bénéficient également à nos élus locaux. En commission des lois, par un amendement commun aux trois groupes de la majorité, nous avons étendu cette protection aux sapeurs-pompiers et aux agents des douanes. Nous avions également déposé un amendement pour élargir l’article 4 aux personnes investies d’un mandat électif public : cet amendement a été rejeté et nous le regrettons. Aujourd’hui nous proposons de mieux protéger nos élus locaux. Entre août 2020 et août 2021, les agressions envers les élus locaux ont triplé. Si le Gouvernement a pris des décisions très fortes pour lutter contre ce phénomène intolérable, j’espère que nous resterons dans cette dynamique, en adoptant cet amendement.
    Nous proposerons également plusieurs amendements visant à renforcer les garanties entourant les droits des gardés à vue, dans le cadre de la vidéosurveillance, telle qu’elle est prévue par l’article 7 de ce projet de loi.
    J’ai également déposé un amendement, cosigné par la majorité du groupe Agir ensemble, qui vise à permettre l’utilisation des drones pour surveiller les secteurs où ont fréquemment lieu des rodéos urbains. Les rodéos motorisés sont un fléau, qui sévit notamment à Marseille – et je tiens à souligner le travail des forces de l’ordre en la matière.
    La loi du 3 août 2018 a permis de mieux appréhender les délinquants, et je salue les apports de l’article 18 de ce projet de loi qui vient encore en améliorer le dispositif et donner des moyens supplémentaires à nos forces de police.
    Enfin, ce projet de loi s’inscrit dans le travail continu que nous effectuons depuis 2018 pour lutter contre les violences faites aux femmes. Il s’agit d’être plus efficaces dans la confiscation des armes à feu des auteurs de violences conjugales, étant rappelé que 30 % des féminicides sont commis par ce moyen. Ainsi, l’article 10 renforce l’efficacité du FINIADA. Après la promulgation de la loi, je l’espère, l’ensemble des décisions judiciaires – contrôle judiciaire, assignation à résidence avec surveillance électronique, ou toute autre décision prononcée par l’autorité judiciaire – pourront y être inscrites. C’est un progrès indéniable.
    Pour conclure, ce projet de loi est attendu, nécessaire et pertinent ; surtout, il respecte les principes essentiels, garants de nos libertés publiques. C’est la raison pour laquelle le groupe Agir ensemble votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens. – Mme Nicole Dubré-Chirat applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pascal Brindeau.

    M. Pascal Brindeau

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    Monsieur le garde des sceaux, vous l’avez dit dans votre propos introductif, la décision de la Cour de cassation du 14 avril 2021, rendue dans l’affaire Sarah Halimi a créé un véritable sentiment d’injustice pour beaucoup de nos concitoyens, d’autant qu’il s’agissait d’un meurtre à caractère sordide et comportant une visée antisémite, reconnue comme telle.
    Bien sûr, on ne légifère pas pour une affaire en particulier ni sous le coup de l’émotion. Les travaux qu’ont cités les orateurs précédents montrent que cette question de l’exception d’irresponsabilité pénale est un sujet de débat dans lequel entre beaucoup d’incompréhension de la part de nos concitoyens. Non – et cela fait consensus –, on ne doit pas juger ni condamner pénalement, ceux qui sont reconnus comme fous.
    Mais nos concitoyens ont du mal à comprendre que la déclaration d’irresponsabilité pénale ne donne pas lieu à un procès qui aurait permis aux parties civiles et aux représentants des victimes de cheminer intellectuellement jusqu’à admettre cette décision et à reconnaître l’irresponsabilité pénale de l’auteur d’un crime. Au contraire, on a le sentiment que la seule réponse proposée aux familles dans le malheur procède d’une décision abrupte.
    Ce projet de loi qui, initialement, devait traiter de cette seule question aborde plus largement à la fois la justice pénale des mineurs et des mesures de sécurité intérieure. Les députés du groupe UDI et indépendants y sont globalement favorables et voteront en faveur du texte, mais je voudrais revenir sur le désaccord que nous avons sur la rédaction des premiers articles, qui concernent précisément l’irresponsabilité pénale.
    Le principe général est qu’il faut trois critères cumulatifs pour ne pas retenir l’exception d’irresponsabilité : la prise volontaire et consciente de substances psychoactives, un délai – qui reste à déterminer – entre la prise de ces substances et la commission du crime, enfin, l’intentionnalité liée à l’absorption, par l’auteur des faits, de substances psychoactives.
    Sur ce dernier point, vous avez à plusieurs reprises fait remarquer, monsieur le garde des Sceaux, que cette rédaction ne répondait pas directement à l’affaire Sarah Halimi mais davantage au cas dans lequel l’auteur d’actes de terrorisme ayant pris des substances psychoactives survivrait à ses actes : il ne pourrait alors bénéficier de l’irresponsabilité pénale. Là-dessus, nous sommes d’accord.
    Nous pensons cependant qu’il fallait aller plus loin – et c’est l’objet d’un amendement que nous avons déposé – en décidant que la prise non médicalisée de substances psychoactives s’oppose par principe à ce que l’irresponsabilité pénale puisse être retenue au bénéfice de l’auteur d’un crime. C’est là une divergence, mais nos débats permettront peut-être de l’effacer.
    En ce qui concerne les autres mesures contenues dans le texte, nous saluons, comme l’une de nos propositions constantes, le renforcement des peines à l’encontre des auteurs de violences contre les personnes détentrices de l’autorité publique, entendues au sens large, sachant que plusieurs amendements entendent d’ailleurs élargir encore le champ des personnes susceptibles d’être protégées par cette disposition.
    Pour notre part, nous défendrons un amendement prévoyant de façon exceptionnelle – mais il y a d’autres exceptions dans le projet de loi – que puissent être prononcées des peines cumulatives à l’encontre d’auteurs de multi-infractions à l’encontre de personnes dépositaires de l’autorité publique.
    Telles sont les raisons pour lesquelles les députés du groupe UDI-I voteront en faveur de ce texte.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Monsieur le ministre de l’intérieur me fait l’honneur de rester dans l’hémicycle quand je prends la parole, contrairement au garde des sceaux. Voici donc votre énième projet de loi sécuritaire – j’ai renoncé à les compter –, en forme de véritable pot-pourri, ou de fourre-tout. En effet, ce texte n’a pas de sens en lui-même ; c’est une superposition de propositions, plus ou moins pertinentes, relevant de différentes problématiques concrètes.
    Ce projet de loi est symptomatique de vos obsessions et de vos angoisses. Vous voulez gouverner par la peur ; vous voulez faire peur et répondre à cette peur par toujours plus de « sécurité » – je mets des guillemets, puisque, comme chacun sait, celle-ci n’est pas au rendez-vous.
    À l’origine du premier thème du texte qu’est l’irresponsabilité pénale, il y a, pour résumer à gros traits, le meurtre de Sarah Halimi, meurtre antisémite abject qui a suscité un émoi légitime dans le pays – émoi partagé par le Président de la République, puisqu’il s’est permis d’intervenir au cours du débat judiciaire, suscitant un communiqué du Conseil supérieur de la magistrature lui demandant de jouer son rôle de garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire.
    On nous a ensuite expliqué qu’il y avait un trou dans la raquette. Il manquait quelque chose dans la loi pour pouvoir punir quand même le meurtrier de Sarah Halimi, lequel a été jugé irresponsable pénalement pour abolition totale du discernement.
    On fait donc la proposition, non pas de juger l’acte de « folie », ni les « fous » – termes dont on sait désormais qu’ils ne sont pas adéquats, mais que j’utilise pour que tout le monde comprenne bien l’enjeu –, mais de créer un délit permettant de juger ce qui a pu se passer avant, c’est-à-dire ce qui a pu conduire à la folie. On essaie donc de tordre ce que les professionnels appellent l’animus necandi – moi aussi, j’apprends des mots au détour de ce genre de débat au demeurant passionnant.
    Il s’agit donc d’essayer de condamner à dix ou quinze ans de prison celui qui aurait consommé des stupéfiants, des psychotropes ou autres substances psychoactives et qui aurait commis un acte sous le coup de la folie induite par ces substances, alors qu’il serait jugé pénalement irresponsable pour cet acte dans le cadre de la législation actuelle. Ce délit obéira à des conditions cumulatives importantes, si bien qu’en définitive, il est possible que les victimes n’aient pas gain de cause, ce qui risque de créer une nouvelle source de défiance envers l’institution judiciaire.
    Cerise sur le gâteau, on nous dit que ce texte, censé combler un trou dans la raquette, n’aurait rien changé à l’affaire Sarah Halimi, et que c’est pour cette raison que nous devrions le valider ! Voilà qui est assez extraordinaire. Vous recevez une commande politique du Président de la République, et vous n’y répondez même pas. À votre place, je me serais abstenu de proposer un tel texte.
    Le reste du projet de loi se résume à une deuxième chance devant le Conseil constitutionnel. Vous êtes mauvais joueurs, aussi tentez-vous une nouvelle fois de faire passer certaines mesures, notamment pour tout ce qui touche à la technopolice, c’est-à-dire à la surveillance généralisée : les caméras dans les cellules de garde à vue, les drones, les caméras embarquées… Filmer tout, tout le temps, partout : c’est cela, votre projet politique. Est-ce censé nous rassurer ? Je ne suis pas bien certain que cela soit très rassurant.
    Vous avez dit vous-même à la tribune, monsieur le ministre, qu’il fallait mieux sécuriser et mieux encadrer l’usage des drones, y compris celui qui en est fait dans un cadre judiciaire, alors que l’usage judiciaire avait justement été retiré des cas de figure dans lesquels l’utilisation des drones est possible. C’est assez cocasse. Au demeurant, il s’agissait sans doute du cas de figure le plus encadré, puisqu’un magistrat pouvait contrôler l’usage de ces technologies. Sur ce point, notre position sera tout aussi ferme que lors de la proposition de loi pour une sécurité globale.
    Enfin, vous ajoutez quelques infractions tout à fait clientélistes pour répondre aux organisations policières factieuses qui sont venues nous expliquer en mai dernier, devant l’Assemblée nationale, que le problème, c’était la justice. Message reçu par vous-même, monsieur le ministre : puisque si vous considérez que le problème, c’est la justice, il suffit de donner aux policiers le droit de distribuer directement des amendes sans passer par la case magistrat. Verbalisons tout de suite celui qui a commis une infraction ! Je pense notamment à l’amende forfaitaire pour les vols à l’étalage, laquelle va sans doute créer d’autres problèmes et alimenter l’argumentaire de M. Xavier Bertrand, qui déplorera que les amendes ne soient pas assez souvent payées et suggérera d’en retenir le montant sur les minima sociaux. Bravo, beau projet politique ! Je ne suis pas sûr que l’on fasse reculer la délinquance de la sorte ; ce serait plutôt le contraire.
    Par ailleurs, vous créez une infraction autonome sur les violences commises à l’encontre des policiers et vous augmentez l’échelle des peines applicables en cas de refus d’obtempérer, en vertu de la croyance jamais étayée – ou, pour être plus exact, dont nous avons amplement démontré la fausseté – selon laquelle, quand on commet une infraction, on le fait le code pénal à la main. Personne, aujourd’hui, ne refuse d’obtempérer en se disant : « Ça va, ce n’est pas cher payé, un refus d’obtempérer », pas plus que cette personne ne se dira demain : « Ah, zut ! Maintenant, c’est deux ou trois ans de prison en fonction des circonstances : jamais je ne commettrai un refus d’obtempérer. » C’est totalement ridicule. À la fin, il n’y aura pas moins de refus d’obtempérer. Avec ces méthodes, vous êtes en train de flouer les policières, les policiers et les gendarmes qui sont au quotidien sur le terrain et qui font ce qu’on leur demande de faire.
    Pour nous, ce sera donc un vote d’opposition contre un projet de loi pot-pourri.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Molac.

    M. Paul Molac

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    Au sein du groupe Libertés et territoires, nous ne considérons pas que l’écriture de la loi doive se faire a posteriori en réaction à des évènements particuliers et médiatisés, aussi dramatiques soient-ils. Cela contribue à affaiblir la qualité de la loi. Car en réalité, l’apport normatif des mesures ainsi proposées risque d’être très limité. Pire : il en résulte bien souvent un renforcement de l’arsenal répressif et un recul inexorable de nos libertés sur lequel l’histoire nous montre qu’il est très difficile de revenir.
    Le meurtre de Sarah Halimi, puisque c’est notamment de cela qu’il s’agit dans ce projet de loi, est un crime odieux, indéniablement antisémite, qui a ému à juste titre l’opinion publique française et internationale. Toutefois, nous mesurons mal l’apport que pourrait avoir ce texte pour éviter que de tels événements se reproduisent.
    Concernant l’article 1er, je m’en tiendrai à citer le Conseil d’État qui souligne dans son avis que « l’exception introduite par le projet de loi, qui entend répondre à l’émotion suscitée dans l’opinion par des faits divers tragiques, a une portée plus que limitée, la réunion des conditions de l’exclusion de l’irresponsabilité pénale paraissant très théorique et la preuve de l’élément intentionnel extrêmement difficile à apporter en pratique. »
    Concernant l’article 2, nous nous inquiétons qu’il conduise à mettre des personnes souffrant de troubles mentaux lourds en prison alors qu’elles doivent plutôt suivre des soins. En effet, il y est question de condamner à des peines allant jusqu’à dix ans de prison des personnes ayant été, dans un premier temps, déclarées irresponsables pénalement du crime pour lequel elles seront ensuite poursuivies.
    Rappelons que le Gouvernement a lui-même commandé un rapport, dont les conclusions, qui ont été remises en début d’année 2021 par MM. Houillon et Raimbourg, recommandaient explicitement de ne pas toucher à la loi. Ainsi, ces mesures ressemblent davantage à une tentative inaboutie qu’à une amélioration de la loi dans un but d’intelligibilité et d’efficacité. Nous regrettons d’être encore une fois amenés à traiter des effets sans que l’on ait cherché à aborder la cause : la cause étant bien sûr le suivi des personnes aux troubles psychiatriques lourds, lequel n’est évidemment pas abordé dans le texte.
    De surcroît, comme nous sommes en fin de législature, le Gouvernement profite d’un véhicule législatif pour replacer pêle-mêle des mesures n’ayant pu être adoptées jusqu’à présent, un certain nombre d’entre elles ayant été retoquées par le Conseil constitutionnel.
    Concernant les nouvelles infractions envers les forces de sécurité, je me permets de citer à nouveau l’avis du Conseil d’État, selon lequel « le code pénal comporte de nombreuses incriminations relatives aux menaces, intimidations ou violences contre des personnes chargées de certaines missions de service public, sans que celles-ci soient toujours claires et bien articulées entre elles. » Je souligne aussi que, pour la plupart de ces infractions, les peines encourues sont plus importantes quand elles sont commises contre les forces de l’ordre que contre des personnes qui ne sont pas détentrices de la puissance publique. Dès lors, « le Conseil d’État réitère-t-il sa suggestion faite au Gouvernement […] d’engager une réflexion afin de leur donner plus de lisibilité et de cohérence ». Notre groupe ne peut qu’abonder en ce sens.
    Par ailleurs, le texte de loi prévoit que les réservistes de la police puissent porter une arme lors de certaines interventions. Il est nécessaire qu’une telle disposition s’accompagne d’une formation adéquate et approfondie, et d’une véritable sélection, notamment sur le plan psychologique, des personnes recrutées au sein de cette nouvelle réserve opérationnelle, comme nous le proposerons par amendement. En effet, les armes se retournent contre leur propriétaire plus souvent qu’elles ne servent contre les délinquants.
    Enfin, vous réintroduisez dans le texte des mesures issues de la proposition de loi pour une sécurité globale concernant des dispositifs de captation vidéo, censurées il y a quelques semaines par le Conseil constitutionnel pour respect insuffisant du droit à la vie privée. Certaines des remarques que des membres de notre groupe avaient formulées auprès du Conseil constitutionnel demeurent d’actualité : à titre d’exemple, les motifs justifiant le recours aux drones à des fins de surveillance énumérés à l’article 8 sont bien trop vagues, ce qui risque de rendre cette pratique courante sur l’ensemble du territoire.
    Il serait également judicieux que l’interdiction de collecter des images des domiciles soit complétée par une extension aux images des immeubles et de tous les lieux privatifs afin de limiter l’atteinte au droit à la vie privée. Ajoutons surtout que, si le texte prévoit que l’enregistrement devra être immédiatement interrompu « en cas de visualisation de domicile », il sera le plus souvent impossible d’y parvenir pour des raisons techniques : l’intérieur des domiciles sera donc filmé.
    Pour toutes ces raisons, le groupe Libertés et territoires votera majoritairement contre le projet de loi.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet

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    La colère exprimée après la déclaration de l’irresponsabilité pénale de l’auteur du meurtre barbare et antisémite de Mme Sarah Halimi, je la comprends, si nous nous plaçons du côté des victimes qui ont le sentiment que la justice n’est pas rendue. Ce sentiment d’injustice est d’ailleurs ressenti quasiment chaque fois que l’irresponsabilité pénale est prononcée.
    Nous devons rendre la meilleure justice possible ; elle est parfois difficilement compréhensible, et donc difficilement comprise, par les victimes. L’irresponsabilité pénale est un des piliers de notre justice. Les juges sont les garants de sa bonne application en se fondant sur le travail des expertes et experts. La justice pénale ne peut se construire sur l’émotion.
    Fallait-il donc procéder à une telle modification du régime d’irresponsabilité pénale défini par l’article 122-1 du code pénal ? Une telle modification ébranle notre édifice pénal, et apparaît plus théorique que pratique, comme le souligne le Conseil d’État en notant que « la réunion des conditions de l’exclusion de l’irresponsabilité para[ît] très théorique et la preuve de l’élément intentionnel extrêmement difficile à apporter en pratique ». Cette modification est également jugée inopportune dans le rapport de février 2021 de nos anciens collègues Philippe Houillon et Dominique Raimbourg rédigé à l’issue des travaux d’une mission sur ce sujet.
    Fallait-il une énième loi sur la sécurité intérieure ? Nous ne pouvons construire le droit ainsi, et encore moins le droit pénal. Pour notre part, nous souhaitons que l’abolition du discernement au moment de l’acte reste exclusive de l’intention au sens du droit pénal et nous nous opposerons aux trois premiers articles.
    Permettez-moi une incise sur l’état de la psychiatrie en France. Quel est l’intérêt de mettre en prison des personnes souffrant de graves troubles psychiatriques ? La prison n’est pas dotée des équipements médicaux nécessaires, même si des secteurs de psychiatrie en milieu carcéral existent. S’il est nécessaire, vu leur état psychique, d’enfermer et de soigner des personnes pour protéger la société, qu’elles le soient dans des lieux adaptés, quitte à améliorer les mesures de sûreté ; cela sera plus bénéfique pour tout le monde.
    La dernière étude épidémiologique sur la maladie mentale en prison, citée par la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, concluait au fait que 80 % des détenus masculins souffraient d’au moins un trouble psychiatrique, et 24 % d’un trouble psychotique. Plusieurs fois dans cette Assemblée, et sur tous les bancs, nous avons dénoncé le fait que la psychiatrie ait été sacrifiée dans notre pays : les conditions de prise en charge sont dégradées, les structures manquent, le nombre de lits en service de psychiatrie a été divisé par deux en vingt-cinq ans. (M. Ugo Bernalicis applaudit.) Pour accompagner les personnes malades, nous devons réinvestir massivement afin de remédier à des carences qui sont sources de drames.
    Concernant le volet sécurité de la loi, nous nous trouvons une nouvelle fois face à un texte comprenant une série de dispositions disparates, venant après d’autres textes sur les mêmes sujets en tentant de corriger leurs erreurs et de contourner les avis du Conseil constitutionnel ou du Conseil d’État.
    Plusieurs dispositions sont problématiques. De manière générale, l’articulation entre les objectifs recherchés et le respect des droits fondamentaux ne nous paraît pas satisfaisante. Parmi ces dispositions, nous sommes opposés à l’article 16 qui permet de contraindre à un relevé des empreintes digitales, palmaires ou à une prise de photographie. Cet article vise explicitement les mineurs non accompagnés, or nous sommes résolument opposés à l’idée de voir des mineurs, donc des enfants, quand bien même accusés d’un délit, se voir contraints physiquement pour justifier de leur identité. Cette mesure nous apparaît attentatoire aux droits de l’enfant.
    Concernant la vidéosurveillance en garde à vue, nous entendons la nécessité de pouvoir en user en cas de risque identifié, notamment pour prévenir les atteintes à soi-même par la personne gardée à vue. Cependant, nous souhaitons, à l’instar de l’Union syndicale des magistrats, que l’autorité judiciaire puisse avoir accès, sur réquisition, aux images collectées.
    J’ajoute qu’il est urgent d’améliorer les conditions sanitaires des locaux de garde à vue. La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté a alerté sur l’aspect indigne de certains d’entre eux.
    Enfin, je souhaiterais exprimer mes interrogations sur l’extension des missions de la réserve civile de la police jusqu’à en faire une réserve opérationnelle. Les temps de formation ne me semblent pas adaptés aux nouvelles missions qui seront confiées aux réservistes non issus de la police. Si l’objectif affiché par le Gouvernement est d’améliorer le lien entre la police et la population, j’y perçois aussi le moyen, un peu léger, de faire face à la pénurie d’agentes et d’agents, en particulier d’officiers de police judiciaire.
    Si le groupe GDR soutiendra plusieurs articles, en particulier l’article 18 concernant la lutte contre les rodéos motorisés, véritable fléau, nos oppositions sont trop nombreuses pour que nous votions ce texte. Nous appelons à la raison et à cesser d’empiler des lois de circonstance sur la sécurité. Faisons d’abord le point sur l’application et l’efficacité des précédentes lois adoptées par la majorité, évaluons-les. Ne cédons pas à la facilité car nous tromperions nos concitoyens et nos concitoyennes sur l’intérêt de telles réformes. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Coralie Dubost.

    Mme Coralie Dubost

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    Si « la responsabilité est la conséquence intime de la liberté », selon Desrosiers, alors ce texte est une conséquence intime de l’exercice de nos libertés individuelles et collectives. Dans notre République, jamais la demande de libertés réelles n’a été aussi grande. Or c’est bien à l’État, garant de l’ordre public, que revient le devoir de consolider les outils qui protègent les droits les plus essentiels des citoyens. Liberté d’aller et venir, droit à l’intégrité, au respect de la vie privée, à une vie paisible, au respect de la dignité humaine, liberté de manifester, chacun de ces fondamentaux appelle une responsabilité subséquente, pour l’État comme pour le citoyen ou l’étranger accueilli.
    C’est la raison pour laquelle le Président de la République, Emmanuel Macron, a pris de grands engagements devant les Français. Nous sommes tous ici conscients de la contradiction qui saisit notre société : d’une part, la quête d’une plénitude d’exercice de nos droits et, d’autre part, l’augmentation quotidienne et décomplexée de la violence, notamment des atteintes aux personnes. L’enjeu est de taille pour un État de droit : responsabiliser autrui pour garantir l’effectivité des libertés de chacun.
    Dans l’histoire de la justice, souvent, une affaire populaire met en exergue une question du siècle. C’est le cas de l’affaire Halimi comme ce fut le cas de l’affaire Firmin à l’origine du principe de l’irresponsabilité pénale en 1795. Oui, l’émotion populaire fut forte. Et pour cause, elle soulève des préoccupations majeures de notre époque : banalisation des addictions, de l’antisémitisme, des atteintes à autrui.
    Les mesures pénales présentées par le garde des sceaux répondent à l’affaire médiatique en allant au-delà. Ce texte responsabilise la prise volontaire de substances psychoactives conduisant à une perte de contrôle potentiellement dangereuse. Personne ne peut prétendre aujourd’hui ignorer le péril de ces addictions. Nous, majorité, partageons la conviction du Président de la République : refus du déni, affirmation d’un combat de société, oui, les drogues sont dangereuses pour soi, autrui et la collectivité.
    Elles sont dangereuses notamment en raison de l’abolition du discernement qu’elles provoquent, lequel conduit parfois au pire. Ce pire, réalisé sous l’emprise d’une aliénation, ne peut faire l’objet d’une condamnation criminelle dans une démocratie rationnelle. Lorsque la volonté n’est plus libre, la responsabilité ne peut être retenue. En revanche, en remontant un peu dans le temps, au moment où la volonté encore libre a fait le choix de s’exposer à une aliénation, alors oui, un délit pénal peut être constitué et réprimé.
    C’est l’enjeu du titre Ier. Nous créons un délit aggravé de mise en situation volontaire d’irresponsabilité pénale par prise de substances psychoactives. Or 10 % des irresponsabilités pénales sont prononcées sur des viols ou incendies volontaires ayant conduit au meurtre. Le groupe LaREM, sous l’impulsion de notre collègue Laetitia Avia, défendra des amendements pour inclure ces infractions. Pas d’impunité pour la mise en irresponsabilité volontaire.
    En la matière, la justice ne tranche pas seule. Croisée des chemins avec la médecine, la santé est impliquée dans ces décisions judiciaires. La revalorisation des experts psychiatres par le garde des sceaux, saluée par tous, a aussi été l’occasion d’échanger sur leur spécificité. Ils appellent notamment à la structuration d’une filière légale dédiée, proposition qui mérite d’être examinée. L’éducation aussi peut jouer : clé de l’émancipation, elle pourrait renforcer la lutte contre les addictions, la réaffirmation de la liberté humaine par la raison, enjeu colossal à l’ère du « tout divertissement ».
    Nous avons ensuite une responsabilité à l’égard de nos forces de sécurité intérieure, de ceux qui ont choisi de vouer leur vie à servir l’État, à nous protéger. Nos vigies de la tranquillité publique doivent être respectées. Parce que le lien de confiance entre la police et la population est crucial en république, les échanges civils doivent être multipliés et les abus sanctionnés. La création de la réserve opérationnelle de police offrira un espace nouveau d’engagement entre police et population.
    Quant à ceux qui dédaignent ce que signifie « dépositaire de l’autorité publique », nous alourdissons les sanctions à leur égard. C’est l’engagement du Premier ministre et du ministre de l’intérieur : protéger ceux qui nous protègent. Pas de quartier pour la rébellion, qui, à raison d’une toutes les dix-sept minutes, comme vous l’avez indiqué, monsieur le ministre de l’intérieur, est devenue une incivilité à la vulgarité banalisée. Si les décennies précédentes ont laissé ce mépris s’installer envers nos forces de sécurité intérieure, nous, majorité présidentielle, décidons d’agir.
    Dans le même sens, rodéos, débordements organisés sur la voie publique, allant jusqu’à mettre en péril le droit fondamental de manifester, ne pourront prospérer. Les mouvements de foule pourront être mieux encadrés grâce aux images par aéronef, le tout en se limitant strictement aux nécessités du maintien de l’ordre public. Pas de science-fiction dans nos débats : la surveillance généralisée en France n’existe pas. Pas même en germe. Le complotisme ne serait pas digne de cet hémicycle, j’espère que nos débats oseront la proportionnalité nécessaire à nos droits fondamentaux.
    À la fin, c’est bien là que réside l’enjeu : que nous sachions articuler la proportionnalité des mesures de ce texte avec le respect des libertés fondamentales auxquelles nous sommes attachés. Car là où il y a liberté, il y a responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Delphine Bagarry.

    Mme Delphine Bagarry

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    L’incompréhension provoquée par l’affaire Halimi a montré que notre code pénal est mal adapté pour répondre aux crimes les plus graves dont le déclenchement est lié à la prise de psychotropes. Le projet de loi entend mieux armer les magistrats face à une contradiction de notre droit, qui ne prévoit pas d’aggravation des sanctions encourues en cas d’infraction volontaire commise sous l’emprise de produits toxiques.
    Malheureusement, les dispositifs proposés ne semblent pas apporter de réponse appropriée, tant ils semblent difficiles à mettre en œuvre : comment, pour un juge, démontrer l’exacte conscience qu’avait l’auteur de l’infraction des effets connus ou prévisibles d’une telle consommation ? Comment démontrer une consommation volontaire dans l’objectif de commettre un délit ?
    À trop vouloir spécifier, la réponse du législateur risque surtout d’être inadaptée aux attentes et aux besoins de réparation des victimes. Le collectif Écologie démocratie solidarité avait pourtant proposé, grâce à des amendements de Matthieu Orphelin rejetés en commission, une écriture simple et adaptée.
    Outre la responsabilité pénale, le projet de loi comporte un volet conséquent sur la sécurité intérieure. C’est la deuxième réforme en un an du code de la sécurité intérieure, qui en précède visiblement une autre, comme annoncé par le Président de la République.
    L’inflation de la production législative est la démonstration de la grande difficulté à avoir un débat apaisé et raisonné sur ce sujet, alors que le rétablissement de relations de confiance entre citoyens et police est un enjeu majeur de société. Le retour de dispositions jugées inconstitutionnelles il y a quelques mois n’est pas vraiment de nature à recréer cette relation de confiance.
    Sur le sujet des drones, tout d’abord, les garanties relatives à la protection de la vie privée demeurent insuffisantes puisque les jardins ou encore les véhicules ne sont pas protégés par votre texte. Là encore, le collectif Écologie démocratie solidarité fait des propositions de consolidation, grâce à des amendements de Paula Forteza, que je vous appelle à adopter.
    Le projet de loi comporte en outre des dispositions visant les mineurs. Je pense en particulier aux articles 12 et 16, le premier visant à maintenir en rétention un mineur, ou un majeur, du fait d’une présentation devant la mauvaise juridiction à cause d’une erreur d’appréciation de son âge, le second permettant de recourir à la force afin de procéder à un relevé d’empreintes et de photographie des personnes mises en cause, en particulier lorsqu’elles revendiquent leur minorité. Inspirés du rapport d’information des députés Jean-François Eliaou et Antoine Savignat, ces articles visent, sans les nommer, les mineurs non accompagnés.
    Aux dispositions de protection de l’enfance, se substituent donc des dispositions de contrôle, bien souvent migratoire, puisque les relevés d’empreintes, associés aux fichiers AEM – appui à l’évaluation de la majorité –, ont pour finalité de les éloigner des dispositifs de protection de l’enfance. Faute de présomption de minorité, des enfants ne seront pas pris en charge, ne seront pas protégés malgré leur statut et leur très grande vulnérabilité. Ces dispositions pourront augmenter plus encore le recours à la détention provisoire, déjà souvent utilisée pour les mineurs non accompagnés.
    La détention des mineurs ne doit être utilisée qu’en dernier recours, de façon exceptionnelle, comme le dicte l’intérêt supérieur de l’enfant. Le collectif Écologie démocratie solidarité ne peut souscrire à de telles propositions à rebours des politiques à mettre en œuvre d’urgence pour la protection de l’enfance en détresse. En mettant systématiquement en cause la parole des mineurs, on concourt à les placer en dehors des parcours de la protection de l’enfance. De ce fait, et par ma voix, notre collectif proposera des amendements de suppression, que je vous appelle là encore à adopter.
    Ainsi, chers collègues, il reste encore beaucoup de travail à accomplir pour parvenir à rédiger un texte équilibré et efficace qui soit en mesure d’atteindre les objectifs énoncés dans son titre si nous ne souhaitons pas, une nouvelle fois, d’un projet de loi perdu au milieu d’une trop grande inflation normative. (Mme Martine Wonner applaudit.)

    Mme la présidente

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    La discussion générale est close.
    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ce texte, je le dis sans forfanterie, mérite mieux que la motion de rejet qui nous a été présentée et qui était au fond un inventaire à la Prévert, la poésie en moins. Nous y avons trouvé le contrôle technique des motos, des débats à venir sans que l’on sache desquels il s’agit véritablement, une diatribe contre les populismes, un commissariat sans chauffage, l’IGPN… Surtout, il a été question de haine, de racisme et d’antisémitisme : où retrouve-t-on cela dans le texte ? Ce propos était scandaleux, et je regrette, même si chacun est libre, que la députée concernée soit partie et ne puisse faire valoir un certain nombre de choses eu égard aux critiques sévères que j’adresse aux propos qui ont été les siens.
    J’ai entendu que nous avions affaire à un énième empilage de lois, mais aussi que la loi avait été prise sous l’empire de l’émotion. Je dirai deux mots à ce propos. Il y a un arrêt de Cour de cassation qui nous oblige.

    M. Ugo Bernalicis

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    Mais non, n’importe quoi !

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît, monsieur le député.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Cet arrêt a été rendu conformément à la règle de droit en vigueur. L’avocate générale chargée de requérir dans cette affaire Halimi, qui nous a tous bouleversés, a dit que nous ne pouvions juger là où le droit ne nous le permet pas. C’est clair. Soucieux de cette jurisprudence, de sa pédagogie, il était tout à fait normal que nous venions combler ce vide législatif.
    Nous ne l’avons pas fait sous l’empire de l’émotion. Je l’ai dit tout à l’heure, j’ai beaucoup consulté, les psychiatres,…

    Mme Caroline Fiat

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    Vous en avez trouvé ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …les cultes, les magistrats, des avocats, et nous avons abouti à ce texte équilibré.
    J’ai entendu dans différentes interventions des propos qui ne correspondent pas à la réalité. L’abolition du discernement qui prend sa source dans une maladie mentale, dans une cause endogène, implique d’en tirer les conséquences, et l’on ne peut naturellement pas juger un malade psychiatrique. C’est une évidence. Jamais nous n’avons souhaité franchir cette ligne rouge, ce serait un recul sociétal insupportable. Je rappelle que c’est au Moyen Âge qu’on jugeait les fous, de même d’ailleurs que les animaux.
    En revanche, si l’abolition du discernement prend sa source dans une cause exogène, dans le fait de prendre des produits stupéfiants, par exemple, alors il est bien logique que celui qui prend ce risque en toute connaissance de cause, et nous verrons les précautions prises dans ce texte pour que l’intentionnalité soit au cœur de la réflexion, celui-là doit être puni.
    Permettez-moi, un tout petit instant, de me risquer à comparer le texte actuel et la situation dans l’affaire Halimi. Nous ne connaissons pas tous les éléments de cette affaire et les bribes dont nous disposons, nous les avons recueillies, les uns et les autres, notamment dans la presse. En l’état actuel du droit – puisque ce projet de loi, évidemment, n’a pas encore été adopté –, la peine que pourrait encourir aujourd’hui l’auteur d’un tel crime est un an d’emprisonnement pour consommation de produits stupéfiants. Pas un procureur de la République de ce pays n’oserait demander qu’un procès se tienne dans ces conditions. Imaginez ce que l’on dirait alors aux victimes ! Il y aurait là une forme d’indécence insupportable. Or les procureurs ont naturellement le sens des victimes et de la décence.

    M. Ugo Bernalicis

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    Contrairement au ministre !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    En revanche, si un individu consomme des produits stupéfiants au point de devenir fou, alors il pourra être puni pour cette consommation, à la condition toutefois que cette folie soit passagère et que la consommation de produits stupéfiants concerne un individu pour lequel l’abolition du discernement n’a pas été reconnue.
    Si un fou consomme des produits stupéfiants, il ne peut naturellement pas être jugé pour cette consommation, ni pour le crime ou l’infraction qu’il va commettre ultérieurement. Tels sont les distinguos que le projet de loi précise parfaitement.

    M. Ugo Bernalicis

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    Mais non !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Quant au terroriste qui, pour se donner du courage, consomme des produits stupéfiants, nous considérons évidemment qu’il ne peut en aucune façon échapper à sa responsabilité.
    Je veux finir en répondant à un point évoqué dans la dernière intervention, celle de Mme Bagarry. Vous dites, madame la députée, que la prise d’empreintes des mineurs revient à les éloigner de la protection de l’enfance. Pardon de vous le dire aussi vertement, mais vous n’avez rien compris à ce texte, qui défend précisément l’idée strictement contraire !
    Les gamins dont nous parlons errent d’identité en identité, de nationalité en nationalité, d’âge en âge. Parce qu’il est impossible de les repérer, il est impossible pour la protection judiciaire de la jeunesse de faire le travail qu’elle souhaite tant accomplir auprès d’eux. Vous les laissez dans la rue, vous les laissez repartir…

    M. Ugo Bernalicis

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    Mais c’est vous qui êtes au Gouvernement !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous ne permettez pas qu’on les connaisse davantage ! (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)

    Mme la présidente

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    Monsieur Bernalicis, je vous en prie !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Calmez-vous, monsieur Bernalicis ! Ne vous excitez pas ! (M. Ugo Bernalicis proteste.)

    Mme la présidente

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    Monsieur Bernalicis, vous interviendrez dans le débat, mais je vous prie de vous taire à présent. Laissez monsieur le garde des sceaux s’exprimer.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ne vous excitez pas comme d’habitude, monsieur Bernalicis. Calmez-vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)

    Mme Danièle Obono

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    Vous savez de quoi vous parlez !

    Mme la présidente

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    Madame Obono, je vous en prie !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je n’ai aucune leçon d’humanisme à recevoir de personne. Si je pensais que prendre l’empreinte digitale d’un gamin pouvait lui causer du mal, je ne serais pas ici ce soir pour soutenir ce texte. La prise d’empreinte digitale de ces jeunes ne vise pas à leur faire du mal, madame Bagarry, mais à leur faire du bien ! Vous n’avez rien compris ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Mme Danièle Obono

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    « Leur faire du bien » : mais bien sûr !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Plusieurs d’entre vous ont souligné que le Conseil constitutionnel avait censuré ou interprété certaines dispositions adoptées par le législateur sur lesquels ils nous reprochent de revenir. M. Bernalicis nous a qualifiés de « mauvais joueurs, et Mme Buffet, dont je respecte pourtant la position, a déclaré que le Gouvernement souhaitait « corriger » la position du juge constitutionnel.
    Drôle de démocratie que celle dans laquelle il ne pourrait y avoir de dialogue entre le pouvoir politique, qui rédige et propose des textes de loi, les députés, qui les amendent et les valident, et le Conseil constitutionnel – comme le Conseil d’État avant lui –, qui les examine et les censure en vertu de l’État de droit et de ce qu’il considère être le bloc de constitutionnalité !
    Un tel dialogue n’a rien de déshonorant. Nous devons au contraire nous féliciter que le pouvoir politique dialogue, réponde, apprenne et modifie, corrige et complète éventuellement les dispositions qu’il propose dans le cadre des politiques publiques.
    Il arrive que des dispositions soient censurées par le Conseil constitutionnel, mais ce peut être pour des raisons formelles, comme cela a été le cas avec la réserve opérationnelle : le juge constitutionnel a considéré que cette mesure était un cavalier et a invité le Gouvernement à la proposer dans le cadre d’un autre projet de loi. Nous exauçons donc les demandes du Conseil constitutionnel ! D’autres dispositions sont censurées parce qu’elles doivent être retravaillées ; il n’y a pas de mal à cela. C’est le cas du statut juridique des aéronefs.
    Je ne vois donc pas en quoi les dispositions que nous proposons constituent une insulte au Parlement et au pouvoir politique. Elles témoignent au contraire du strict respect par le Gouvernement et la majorité – et d’autres groupes au-delà de la majorité – de la séparation des pouvoirs et du dialogue entre ces pouvoirs. Par définition, le dialogue, ce n’est pas l’absence de discussion ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    Discussion des articles

    Mme la présidente

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

    Avant l’article 1er

    Mme la présidente

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    Avant l’article 1er, je suis saisie de deux amendements, nos 91 et 362, visant à modifier l’intitulé du titre Ier du projet de loi, qui peuvent être soumis à une discussion commune.
    La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l’amendement no 91.

    Mme Marie-France Lorho

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    La disposition dérogatoire proposée par ce texte entend souligner que l’auteur du crime ou du délit a l’intention lucide de passer à l’acte au moment de son intoxication volontaire. Cette volonté est difficile, voire impossible, à prouver. Si elle était prouvée, elle devrait par ailleurs s’adjoindre d’une préméditation aggravante pour la personne à l’origine du crime ou du délit.
    Mon amendement propose de conditionner la disposition dérogatoire à la seule ingestion de substances psychoactives. Les personnes qui ingèrent ce type de substances n’ignorent pas leurs effets. C’est d’ailleurs précisément l’altération de leur comportement qu’elles recherchent dans cette intoxication. En outre, il est plus aisé de prouver que le coupable présumé est sous l’effet de substances psychoactives que de démontrer sa volonté de se soumettre à leurs conséquences.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Naïma Moutchou, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 362.

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Cet amendement rédactionnel vise à préciser l’intitulé du titre Ier en y ajoutant les mots : « aux substances psychoactives ».

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Avis défavorable sur l’amendement no 91 et bien entendu favorable sur l’amendement no 362.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je suis favorable à l’amendement de Mme Moutchou et défavorable à celui de Mme Lorho.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Julien Aubert.

    M. Julien Aubert

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    M. Darmanin nous a expliqué il y a quelques minutes qu’un dialogue entre les pouvoirs était nécessaire. Il me semble que cet amendement de Mme Lorho nous invite précisément à un débat entre l’exécutif et le législatif ! Dès l’intitulé du titre Ier, il y a en effet entre la position du Gouvernement et l’amendement no 91 une profonde différence d’approche qui modifie la nature du projet de loi. Le Gouvernement estime que l’intentionnalité de l’acte au moment de l’ingestion de la substance doit être prouvée. Mme Lorho, que je rejoins, propose quant à elle de considérer que le fait de prendre une substance constitue en soi une manifestation de responsabilité pénale.
    Pouvez-vous, monsieur le garde des sceaux, nous expliquer de manière plus argumentée que vous ne l’avez fait jusqu’à présent pourquoi vous avez choisi une si timide avancée en réponse au trouble très important suscité par l’affaire Sarah Halimi à Marseille et dans le pays tout entier ? (M. le garde des sceaux s’exclame.)
    Croyez-moi, monsieur le garde des sceaux, des Marseillais de toutes les confessions ont manifesté pour exprimer leur émotion au moment de cette affaire ! Je regrette que vous le preniez avec autant de désinvolture. Le sujet est sensible et politiquement très marqué.
    Nous sommes réunis aujourd’hui pour corriger une injustice, mais à quoi sert de débattre d’un texte dont on sait qu’il n’apportera en réalité que des corrections à la marge ? Nous allons, une fois encore, être soumis à une jurisprudence qui interprétera systématiquement dans le même sens la question de l’intentionnalité.
    Je vous remercie de nous répondre, monsieur le garde des sceaux, afin qu’enfin s’ouvre le débat !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la rapporteure.

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Nous reviendrons sans doute à plusieurs reprises sur le sujet au cours du débat, mais je veux répéter à Mme Lorho ce que je lui ai déjà répondu en commission. Si vous supprimez le caractère volontaire de l’intoxication, vous passez totalement à côté de l’objectif du texte et vous prenez le risque que soient réprimées des intoxications involontaires – par exemple, un empoisonnement, la prise de substances psychoactives par accident ou la mauvaise prescription de médicaments. Tel n’est évidemment pas l’objectif que nous visons.

    (À dix-neuf heures vingt-cinq, M. David Habib remplace Mme Annie Genevard au fauteuil de la présidence.)

    Présidence de M. David Habib
    vice-président

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Bonsoir, monsieur le président ! Merci de me donner la parole.
    Le caractère volontaire – autrement dit l’intentionnalité – est requis pour toutes les infractions, monsieur Aubert. Je sais que vous pratiquez en permanence la surenchère sur tous les sujets, mais plusieurs exemples viennent de vous être donnés.
    Prenons-en un autre au hasard : un jeune de 16 ans se trompe et prend des médicaments psychotropes par erreur. Si un individu malveillant met dans son verre des produits psychotropes, souhaitez-vous réellement que ce jeune soit condamné ? Assumez-en alors la responsabilité. Quant à moi, je m’y oppose et je considère qu’il est utile d’inscrire le caractère volontaire de l’intoxication dans le texte.
    Toute notre procédure pénale et tout notre droit pénal spécial sont sous-tendus par la volonté. Il existe certes des infractions involontaires, mais, en l’occurrence, le projet de loi prévoit qu’il faut avoir volontairement consommé des produits psychotropes. C’est pour nous une absolue évidence même si ce n’est pas le cas pour vous !

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Nous le voyons dès cette entrée en matière, ce projet de loi sur les responsabilités pénales sert sur un plateau à la droite la plus dure et la plus réactionnaire…

    M. Julien Aubert

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    Contre-révolutionnaire même !

    M. Ugo Bernalicis

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    …l’occasion de présenter ses arguments et de remettre en cause la conception actuelle du droit pénal selon laquelle on ne condamne pas les fous. Elle cherche donc à les condamner pour d’autres raisons, notamment parce qu’ils ont pris telles ou telles substances. L’absorption suffit à la droite ; elle doit être volontaire selon le groupe LaREM et M. le garde des sceaux. En définitive, cela revient à tenter d’ouvrir une brèche pour condamner, grâce à de nouveaux articles de loi, une personne jugée pénalement irresponsable en raison d’une abolition totale du discernement.
    Voilà, monsieur le garde des sceaux, chers collègues de la majorité, le résultat politique auquel aboutira votre texte ! C’est vous qui ouvrez la brèche et qui déroulez le tapis rouge pour la droite la plus réactionnaire dans notre pays. Cela ne finit jamais bien ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
    En vérité, il n’y a pas de trou dans la raquette. D’ailleurs, la disposition que propose le Gouvernement pour combler ce prétendu trou n’aurait même pas servi dans le cas du meurtre de Sarah Halimi !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Mais si !

    M. le président

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    La parole est à M. Jean Terlier.

    M. Jean Terlier

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    S’agissant de l’amendement de Mme Lorho, M. le garde des sceaux a été parfaitement clair, mais je veux y revenir, avec sans doute moins de talent que lui.
    Monsieur Aubert, en qualité de législateurs et de juristes, nous ne pouvons pas, au détour d’un amendement, faire fi de tous les principes qui gouvernent le droit pénal de notre pays. Pour caractériser une infraction, un élément matériel, un élément moral et un élément intentionnel sont indispensables. C’est un principe fondamental du droit pénal et vous ne pouvez pas, par un amendement, battre en brèche un système que notre pays a mis des années à bâtir.

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Aubert.

    M. Julien Aubert

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    De toute évidence, Ugo Bernalicis et moi-même ne faisons pas la même analyse du profil de M. Kobili Traoré !
    Quant à nos collègues de la majorité qui défendent les grands principes de la politique pénale, je les en félicite, mais le droit se retourne malheureusement parfois contre la justice. (M. le garde des sceaux proteste.) Eh oui, monsieur le ministre ! La question que nous devons nous poser est de savoir où est la justice dans l’affaire Sarah Halimi. Si le droit permet aux meurtriers de repartir libres, où est la justice ? (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
    J’ai confiance dans la justice de mon pays, monsieur le garde des sceaux. Ce n’est pas parce que vous engagez la responsabilité de quelqu’un que vous le condamnez. Si un adolescent a pris involontairement des psychotropes, la justice est capable de décider qu’il est responsable sans pour autant le condamner. C’est une autre manière de voir les choses !

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Un argument est revenu de manière récurrente en commission et je vais essayer d’y répondre une fois pour toutes. J’ai tenté d’exposer l’état du droit, c’est-à-dire le constat que fait la Cour de cassation par la voix de son avocate générale, qui a écrit un réquisitoire de très grande qualité – c’est un document extrêmement intéressant ; il correspond à ce que les hauts magistrats de la Cour de cassation ont exprimé dans la presse après l’affaire en question.
    Pardon de vous le dire, monsieur Aubert : il ne s’agit pas, ici, de réparer une injustice car, s’agissant de l’affaire Halimi, la situation et les décisions sont définitives. En revanche, on fait en sorte de mettre fin, à l’avenir, aux injustices de cette nature. La nuance – vous qui êtes un homme de grande nuance –…

    M. Julien Aubert

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    Ça nous fait un point commun, monsieur le ministre !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …ne peut pas vous échapper.
    Ce que nous voulons dire, c’est qu’on ne peut bien entendu pas juger un fou, mais qu’il convient de distinguer – je l’ai dit tout à l’heure – celui qui est malade, qui est fou et diagnostiqué comme tel, et celui qui est devenu fou parce qu’il a commis une infraction, en l’espèce parce qu’il a consommé, volontairement et en toute connaissance de cause, des produits stupéfiants. Vous avez bien compris que tous ceux qui ont consommé des produits stupéfiants ne peuvent pas s’exonérer de leur responsabilité pénale ; d’ailleurs, au cours des consultations que j’ai menées, je me suis rendu compte qu’en quarante ans, le problème ne s’est posé qu’une fois, dans le cadre de cette affaire-là. Mais il me semble que le législateur est tenu de prendre en considération ce que la jurisprudence a affirmé de façon très claire.
    La normalité est un concept compliqué mais nous pouvons utiliser la notion de maladie mentale. Une personne qui n’a pas de pathologie mentale et qui consomme volontairement des produits stupéfiants, se rend coupable d’une infraction. Si cette consommation génère une folie, laquelle entraîne un geste meurtrier, alors nous disons que l’individu en question doit être puni autrement que par l’année d’emprisonnement qui sanctionne actuellement la consommation de produits stupéfiants.

    Un député du groupe LR

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    Ce n’est pas ce que vous proposez !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Voilà ce que nous pouvons faire. Si nous décidions de le juger pour le crime commis, alors nous franchirions la ligne rouge que je ne voulais pas franchir et que nombre d’entre vous ne veulent pas franchir, celle qui consisterait à juger un fou. Nous ne le voulons pas.
    Voilà. Vous voyez, monsieur Aubert, je vous le dis et vous en ferez ce que vous voudrez,…

    M. Julien Aubert

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    Comme d’habitude !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …puisque naturellement, votre liberté de parole est totale : il est des sujets qui devraient faire consensus, de façon transpartisane. Pour ma part, j’ai essayé de réfléchir à la façon de combler le vide juridique…

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est raté !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …mis en exergue par la plus haute juridiction de notre pays, et je pense que nous y parvenons, de manière équilibrée et même – j’ai la faiblesse de le penser – subtile. On ne peut pas s’attaquer aux principes dont nous parlons à la hache ! Quand vous suggérez, dès votre premier amendement, qu’il est possible de condamner quelqu’un qui aurait consommé des produits stupéfiants involontairement, je pense que le débat est assez mal engagé.
    Je pense que nous pourrions trouver un consensus sur cette question. Nous avons réussi à combler le vide que la Cour de cassation nous a signalé.

    Mme Danièle Obono

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    Il n’y a pas de vide !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est bien cela, au fond, l’objectif que nous devons poursuivre. Il ne faut pas tout mélanger ! J’ai entendu certains arguments qui pouvaient le laisser penser, mais il ne s’agit pas du tout de donner l’impunité à ceux qui ont fumé ou consommé des produits stupéfiants et psychotropes. Pas du tout ! Entendez-moi bien : il faut que des experts concluent à l’abolition du discernement. D’ailleurs, pendant ma carrière d’avocat, je l’ai observé : en général, les gens qui disaient au juge avoir bu ou pris des produits stupéfiants sont plus sévèrement condamnés. C’est une réalité jurisprudentielle et je pense que les avocats et les magistrats qui sont ici le savent.
    En revanche, il y avait un trou que nous sommes venus combler. Je l’ai fait sans arrière-pensées politiciennes…

    M. Ugo Bernalicis

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    Non !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Il n’y a que M. Bernalicis pour penser cela mais ce n’est pas bien grave ; il est de toute façon contre tout, par définition.

    Mme Caroline Fiat

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    Ce n’est pas vrai !

    Mme Danièle Obono

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    Contre tout ce que vous faites !

    Mme Caroline Fiat

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    Nous avons voté la loi bioéthique !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je veux vous dire, monsieur le député, que nous pouvons trouver une solution à cette question. D’ailleurs, je n’ai pas été inattentif aux propositions formulées par certains d’entre vous – je pense à ce qu’est venu me dire M. Savignat en commission de lois. Sur plusieurs sujets, nous avons fait un travail de coconstruction. Je suis toujours un peu interloqué de voir que nous arrivons à travailler de cette manière avec certains députés de votre famille politique, tandis que d’autres choisissent le terrain de la polémique et de l’électoralisme ; ce sujet mérite mieux que cela. Je pense que vous n’allez pas vous situer sur ce terrain-là, monsieur Aubert, d’autant que vous êtes, m’a-t-on dit, magistrat de formation ; vous connaissez donc les principes qui prévalent.

    M. Julien Aubert

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    On n’a pas beaucoup de responsabilités à la Cour des comptes !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous étiez à la Cour des comptes, certes, mais enfin, les principes en question y sont aussi en vigueur et ils vous ont été enseignés. Je suis donc un peu sidéré.
    Voilà donc ce que je veux vous dire, très aimablement, et vous donnerez ensuite à nos débats la tournure que vous entendrez leur donner ! Quand on commence par dire que l’on peut condamner quelqu’un qui n’a pas pris volontairement des produits psychotropes, je dis non ! Je dis non ! C’est une limite infranchissable ! Mais à vrai dire, vous avez beaucoup d’audace en ce moment. (M. Julien Aubert s’exclame.)

    M. le président

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    Merci, monsieur Aubert. Nous nous sommes beaucoup exprimés sur ces amendements et je propose que nous les mettions aux voix.

    (L’amendement no 91 n’est pas adopté.)

    (L’amendement no 362 est adopté.)

    Article 1er

    M. le président

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    Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 1er.
    La parole est à M. Éric Ciotti.

    M. Éric Ciotti

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    Je crois que ce débat mérite mieux, monsieur le garde des sceaux, que les anathèmes et les polémiques que vous entretenez avec le talent qui est le vôtre quand vous êtes un peu en difficulté.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ça vous va bien, de dire ça…

    M. Éric Ciotti

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    Votre texte n’est pas à la hauteur de l’émotion soulevée dans le pays par l’assassinat antisémite de Sarah Halimi. Voilà la réalité ! Il n’est pas à la hauteur des propos tenus à l’époque par le Président de la République. L’article 1er vient répondre à sa commande, mais, dans la réalité, il sera totalement inopérant. En effet, pour que l’auteur d’un fait d’une gravité extrême puisse être exonéré de son irresponsabilité pénale, vous avez établi un cumul de critères qui sont dans les faits inapplicables et qu’aucun tribunal ne pourra démontrer.
    Vous dites qu’il ne faut pas juger les fous : nous sommes tous d’accord ! Ce que nous demandons, c’est que, contrairement à la jurisprudence de la Cour de cassation, lorsque quelqu’un commet un crime après avoir consommé un produit psychotrope, après s’être drogué de façon volontaire – lorsqu’on se drogue, c’est de façon volontaire –, cela ne conduise pas à l’irresponsabilité pénale. Vous ajoutez un critère : il faut qu’il se soit drogué « dans le dessein de commettre l’infraction »,…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Mais non !

    M. Éric Ciotti

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    …qu’il se donne ainsi du courage pour commettre un crime, grâce à l’usage d’un psychotrope. C’est totalement inapplicable ! Le dispositif sera complètement inopérant.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Mais non ! Vous n’avez pas lu le projet de loi !

    M. Éric Ciotti

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    Ce que nous disons est simple : quelqu’un qui se drogue de façon volontaire ne peut pas se voir exonéré de sa responsabilité quand il commet un crime, a fortiori un crime antisémite qui est une abomination totale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    On est d’accord ! C’est le texte !

    M. le président

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    La parole est à Mme Caroline Fiat.

    Mme Caroline Fiat

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    Je vais avoir du mal à m’en tenir à deux minutes. Pas de secrets entre nous : j’ai fait passer tout à l’heure à M. le garde des sceaux les conclusions d’un rapport issu d’un travail de fond et de terrain dont je suis très fière. Il s’agit du rapport d’information de la commission des affaires sociales en conclusion des travaux de la mission relative à l’organisation de la santé mentale, et qui a trait au mal-être de la psychiatrie dans notre pays. Je vais souvent l’évoquer au cours de la soirée.
    Mettons-nous d’accord, monsieur le garde des sceaux et mesdames et messieurs les députés : le terme « fou » n’a plus lieu d’exister. Je vous rappelle qu’au siècle dernier, cette catégorie comprenait les homosexuels. Nous parlerons de troubles psychologiques ou psychiatriques, mais les fous n’existent pas. C’est important.
    Monsieur le garde des sceaux, vous avez parlé tout à l’heure de quelqu’un qui se droguerait – ce sont là encore des termes très importants – « en connaissance de cause ». Peut-on dire qu’une personne en situation de mal-être psychologique, lorsqu’elle fume une substance illicite, le fait en connaissance de cause ? Non !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Si !

    Mme Caroline Fiat

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    Lorsqu’on a besoin de fumer des substances illicites, c’est que ça va mal.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ah oui !

    Mme Caroline Fiat

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    Mais vous pouvez lever les bras en l’air ! En France – c’est la culture française –, quand on va mal, on boit un coup ; beaucoup de gens le font. D’autres personnes, quand elles vont mal, fument de la weed. C’est quelque chose qu’il faut régler !
    Pourquoi, en France, continue-t-on à fermer des lits de psychiatrie ? Pourquoi, en France, le numerus clausus entraîne-t-il une diminution constante du nombre de psychiatres ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – Mme Martine Wonner applaudit également.) Pourquoi, en France, n’y a-t-il pas assez de psychologues ? Pourquoi, en France, les personnes qui souffrent de mal-être psychologique et psychiatrique se retrouvent-elles dans les rues, sans soins, sans surveillance et sans parcours dédié ?

    M. Ugo Bernalicis

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    Eh oui !

    Mme Caroline Fiat

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    On se retrouve avec une loi, monsieur le garde des sceaux,…

    M. le président

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    Madame Fiat, il faut conclure !

    Mme Caroline Fiat

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    …qui traite une conséquence plutôt que de s’attaquer à la cause. J’en ai terminé, monsieur le président. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean Lassalle.

    M. Jean Lassalle

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    Je considère que notre nation n’est pas prête à modifier ses fondamentaux à un sujet, sur lequel un débat ouvert entre citoyens n’a pas eu lieu. Bien sûr, l’émotion suscitée dans l’opinion par des faits divers tragiques se comprend. Elle est justifiée et légitime, mais, malheureusement, une telle loi n’apportera pas de réponse et n’arrêtera pas des violences inexplicables. Il est risqué de remettre en question un principe cardinal de notre droit pénal ; en effet, la plupart du temps, il serait très compliqué d’apporter la preuve de l’élément intentionnel permettant de démontrer le caractère volontaire de l’acte commis par son auteur.

    M. le président

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Après la décision de la Cour de cassation du 14 avril dernier, rendue dans le cadre de l’effroyable affaire Sarah Halimi, le régime d’irresponsabilité pénale nécessitait de toute urgence des corrections pour en combler les failles. L’arrêt qui a confirmé l’irresponsabilité pénale de l’assassin de Sarah Halimi a suscité une très forte émotion et a nourri un sentiment d’injustice intolérable.
    Vous l’avez longuement répété en commission, monsieur le ministre : l’article 1er du projet de loi n’est pas une réponse à l’affaire Sarah Halimi.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Absolument !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Au contraire, il cible l’individu qui a décidé de commettre un crime – assassinat ou attentat terroriste –, qui a mûri son projet mais qui, pour quelque raison, soit par instinct de survie, soit parce qu’il est pris de scrupules, soit par peur, tout simplement, n’arrive pas à passer à l’acte sans le secours de substances psychoactives.
    Je n’ai pas réussi à me faire entendre en commission, en tout cas pas à propos du présent article – apparemment, ça ira mieux sur les suivants. Mais j’essaierai de nouveau ici : si je suis d’accord avec vous lorsque vous prévoyez que l’individu ayant absorbé des substances toxiques pour se donner du courage avant de passer à l’acte ne pourra plus être déclaré irresponsable – c’est une bonne chose –, il me semble que nous pourrions également prévoir qu’une telle consommation – l’absorption de substances psychoactives – constitue en soi et par elle-même une circonstance aggravante. Nous en avons longuement discuté en commission : l’élément intentionnel, « dans le dessein de commettre l’infraction », sera en effet très difficile à prouver, et nous ne pouvons pas risquer de passer à côté de situations plus dramatiques les unes que les autres.
    Nous devons éviter de laisser des zones d’ombre dans ce projet de loi, et la consommation volontaire de substances psychoactives devrait suffire à caractériser l’infraction dont il sera question au nouvel article 122-1-1 du code pénal.

    M. le président

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    Nous en venons aux amendements. Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 72, 141, 271 et 280, tendant à supprimer l’article 1er.
    La parole est à M. Yves Hemedinger, pour soutenir l’amendement no 72.

    M. Yves Hemedinger

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    Je suis saisi d’un doute : parlons-nous bien du même texte, monsieur le ministre ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Je me pose la même question !

    M. Hervé Berville

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    À vous de nous le dire !

    M. Yves Hemedinger

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    À entendre vos propos et vos dénégations, j’ai l’impression que ce n’est pas le cas – à moins que ce soit de la provocation mais vous n’en êtes pas coutumier ; cela m’étonnerait de votre part.
    Le dispositif prévu par le nouvel article 122-1-1 du code pénal qui nous est soumis prévoit que, pour que la responsabilité pénale soit reconnue, il faudra qu’un individu, ayant pour projet de commettre une infraction, ait consommé une ou plusieurs drogues afin de favoriser la commission de ladite infraction. L’enquête devrait donc démontrer qu’il a eu l’intention de commettre l’infraction avant de consommer la substance ayant aboli temporairement son discernement.
    Le nouveau dispositif n’aurait donc pas empêché l’auteur de l’acte antisémite odieux qu’est le meurtre de Sarah Halimi d’être déclaré irresponsable pénalement.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Non, ce n’est pas le but ! C’est tout de même incroyable !

    M. Yves Hemedinger

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    Le texte n’est donc pas à la hauteur des enjeux et ne répond pas à la problématique. On en reste à l’irresponsabilité pénale. C’est finalement très simple : on consomme de la drogue, on tue, et puis on est exonéré de ses responsabilités. C’est la raison pour laquelle je propose la suppression de l’article 1er.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous n’avez pas compris que l’article 1er ne concerne pas l’affaire Halimi ! C’est l’article 2 !

    M. le président

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    L’amendement no 141 de Mme Marie-George Buffet est défendu.
    La parole est à Mme Martine Wonner, pour soutenir l’amendement no 271.

    Mme Martine Wonner

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    Si je demande aussi la suppression de l’article 1er, ce n’est pas pour les raisons qui viennent d’être exposées. Le meurtre abominable de Sarah Halimi a donné lieu à une réflexion aboutissant au présent texte, avec l’idée qu’il fallait combler un vide et éviter un nouveau jugement d’irresponsabilité pénale en pareil cas.
    Cependant, il me semble que l’article 1er, tel que formulé, ne répond à rien et n’est pas en phase avec la réalité. En fait, il est totalement impossible de prouver que la prise d’un psychotrope ou autre substance active cache une intention de meurtre.
    Nous avons affaire à des personnes en difficulté psychiques. J’entends d’ailleurs qu’on parle ici de « maladie mentale », ce qui me gêne terriblement. J’interviendrai sans doute plusieurs fois sur ces notions de folie ordinaire au cours des débats car il faut vraiment être très clair en ce qui concerne les mots et les définitions dans ce domaine. Quoi qu’il en soit, une personne ayant une problématique psychiatrique ou psychique et qui consomme une substance doit être évaluée par des experts, chaque cas étant profondément différent et tout à fait particulier.
    L’article 1er ne répond pas à cette nécessité et n’apporte aucune solution en phase avec la réalité. En outre,…

    M. le président

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    Il faut conclure, madame Wonner.

    Mme Martine Wonner

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    …la consommation et ses effets sont très différents d’une personne à l’autre. Cette vision réductrice ne me paraît pas responsable.

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 280.

    M. Ugo Bernalicis

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    Récapitulons pour les gens qui nous écoutent car nous sommes dans un « en même temps » extraordinaire. Nous allons combler un prétendu trou dans la raquette qui aurait été mis en exergue par l’avocat général près la Cour de cassation par le biais des articles 1er, 2 et 3. Ce faisant, nous constatons que ces mesures n’auraient rien changé à l’issue de la procédure relative à l’affaire de Sarah Halimi – le constat figure dans l’étude d’impact et il est assumé par le ministre.
    Si trou il y avait concernant cette affaire, vous ne l’avez toujours pas comblé avec ces articles. Arrêtez de prétendre le contraire. Peut-être comblez-vous un autre trou dans une autre raquette ? Dans ce cas, c’est un autre débat. C’est d’ailleurs ce que vous êtes en train de faire car vous vous rendez compte qu’il n’aurait pas été possible d’arriver à un autre résultat judiciaire dans l’affaire Sarah Halimi sans toucher à l’irresponsabilité pénale.
    Vous voulez quand même dire, faire, condamner quelque chose. Vous voulez quand même créer une infraction, un nouveau délit. Nous sommes typiquement dans le cas de figure où la réponse à chaque problème est de créer un nouveau délit.
    C’est ainsi que dès l’article 1er, on conforte une forme de jurisprudence ou, au pire, on ouvre une brèche. Bon courage pour démontrer que la personne avait l’intention de commettre un meurtre au moment de la prise de stupéfiants et qu’elle visait à bénéficier ensuite d’une abolition du discernement ! D’ailleurs, je le répète, cela ne se serait pas appliqué à l’affaire du meurtre odieux de Mme Sarah Halimi.

    M. Hervé Berville

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    On est tous d’accord !

    M. Ugo Bernalicis

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    Alors, à quoi sert ce que vous faites là, monsieur le ministre, si ce n’est à répondre de manière politicienne à une émotion légitime dans le pays. À quoi cela sert-il si c’est pour faire de la politique politicienne, agiter les peurs notamment à propos de la maladie, des troubles mentaux ?

    M. le président

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    Veuillez conclure, monsieur Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Vous dites : regardez, face à ces gens dangereux, nous allons faire quelque chose ! C’est insupportable et nous nous y opposerons à chaque fois.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur les amendements de suppression ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    L’article 1er répond-il au cas Sarah Halimi ? Bien sûr que non et cela n’a jamais été son objet. L’énorme confusion qui règne à cet égard donne d’ailleurs l’impression que tout le monde s’est précipité sur le texte sans le lire.

    Mme Danièle Obono

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    Vous parlez du Conseil d’État ?

    M. Ugo Bernalicis

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    Arrêtez de dire ça !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Laissez-la parler !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Avant de répondre aux critiques, je vais redire ce qu’est l’article 1er : il traite de ceux qui prendraient des substances psychoactives pour se donner du courage et passer à l’acte. L’infraction est déjà dans la tête du criminel. Dans la phase d’exécution, la prise de substances – de drogue, par exemple – n’est alors qu’un mode opératoire.
    Concrètement, nous sommes dans le cas d’infractions de droit commun, d’affaires assez sordides où une personne prend de la cocaïne pour tuer des proches – je le dis sciemment puisque de tels faits d’actualité ont existé. Nous pensons aussi à la prise de Captagon par des djihadistes terroristes qui veulent se donner du courage pour perpétrer un attentat, phénomène dont la presse s’est souvent fait l’écho.
    Nous ne sommes absolument pas dans l’hypothèse de l’affaire Sarah Halimi où il y a eu intoxication volontaire mais où le criminel n’en a pas souhaité les effets. Aux auteurs des amendements à l’article 1er qui persistent à nous reprocher de ne pas traiter de l’affaire Sarah Halimi, je réponds : en effet, nous aurons le débat lié à cette affaire lors de l’examen de l’article 2.
    Venons-en aux critiques concernant l’article 1er. Le dispositif serait adapté à des cas rarissimes.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est vrai !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    C’est vrai et tant mieux : heureusement que de tels cas ne se présentent pas tous les jours !

    M. Ugo Bernalicis

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    Pendant ce temps, la psychiatrie est en PLS !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Autre critique : le projet criminel serait impossible à établir. Ce sera à la procédure et au procès d’en apporter la preuve.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Comme pour toutes les infractions !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Exactement ! Quelles que soient les infractions, il faut apporter des éléments de preuve. Il peut y avoir des écrits, des messages. Avec les nouvelles technologies, on peut aller très loin pour établir les faits.
    En définitive, cet article ne fait que codifier une pratique existante. C’est la seule critique que je peux entendre et à laquelle je répondrais ceci : il vaut mieux que nous, législateurs, la gravions dans le marbre plutôt que de nous en remettre à la coutume des tribunaux, qui pourrait changer à l’avenir.
    Je suis donc défavorable à tous les amendements de suppression.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    On reproche au Gouvernement d’avoir agi sous l’empire de l’émotion alors que, comme j’ai essayé de le dire à maintes reprises, ce n’est pas le cas : nous avons beaucoup consulté et pris le temps. En même temps et par une sorte d’oxymore, vous nous reprochez d’avoir envisagé quels étaient les autres trous dans une matière qui est assez proche.

    Mme Caroline Fiat

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    Dans la raquette !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Pour ma part, je ne veux pas qu’il y ait une nouvelle injustice. Peut-être une fois pour toutes, je vais essayer d’être clair : s’il avait existé, l’article 1er n’aurait pas permis au meurtrier de Mme Halimi d’être jugé. C’est très clair. L’article 1er traite de l’hypothèse, et cela serait rare, ou un individu prendrait par exemple une substance appelée Captagon pour aller commettre un acte terroriste. Des pays étrangers, qui ont eu à juger de tels faits, ont cela dans leur législation. Alors que de ces cas ont été portés à notre connaissance, nous aurions dû les ignorer en attendant qu’un terroriste prenne cette substance avec la volonté de commettre un acte terroriste. Qu’auriez-vous dit ?
    Cela étant, l’article 1er ne vient en rien régler la question posée par l’affaire Halimi. C’est l’article 2 qui réglera cette question…

    M. Pierre Cordier

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    Pas plus !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …en redisant deux choses. Premièrement : on ne peut pas juger le fou au sens où on l’entend traditionnellement. Me citer le regard porté sur les homosexuels à une autre époque n’est pas de mise : ce propos est insultant à mon égard car vous avez bien compris que, pour moi, le fou est celui qui est atteint de folie.

    Mme Caroline Fiat

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    De troubles psychiatriques !

    M. le président

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    S’il vous plaît, madame Fiat !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Tout le monde l’a entendu ainsi, sauf La France insoumise comme d’habitude.
    Celui qui est atteint d’une maladie endogène, psychiatrique, mentale ne peut pas être jugé, mais il y a celui dont l’abolition du discernement vient du fait qu’il a consommé volontairement des produits stupéfiants. Voilà le distinguo. On ne peut pas réécrire l’histoire mais cette disposition colle parfaitement à ce trou, à ce manque que nous rappelle la Cour de cassation, le ministère public…

    Mme Danièle Obono

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    Absolument pas ! C’est faux !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous pouvez dire que c’est faux, mais c’est l’exacte vérité. (Mme Danièle Obono et M. Ugo Bernalicis protestent.)

    M. le président

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    S’il vous plaît, madame Obono !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Votre méthode consiste en « c’est faux ! », « y’a qu’à, faut qu’on ! » (Mêmes mouvements.) Nous avons travaillé à l’élaboration de ces mesures pendant des mois, et c’est parfaitement juste. Nous avons consulté un certain nombre de magistrats dont les avis…

    Mme Danièle Obono

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    Ils sont unanimes contre votre texte !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …valent bien ceux que vous lancez à l’emporte-pièce dans le seul but de faire du nihilisme, comme d’habitude.

    Mme Danièle Obono

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    Les anciens présidents de la commission des lois seront ravis de savoir que vous prenez leurs travaux en considération !

    M. le président

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    S’il vous plaît !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    L’article 2 vient combler ce trou qui nous a été expliqué par la Cour de cassation et, pardon de le dire au législateur, cela s’impose à nous.

    M. le président

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    Mme Dubost, Mme Fiat et M. Aubert ont demandé la parole. Au vu du temps qui nous reste, je leur accorde une minute chacun, pas deux ! (M. Aubert s’exclame.) L’avertissement vaut en particulier pour vous, monsieur Aubert !
    La parole est à Mme Coralie Dubost.

    Mme Coralie Dubost

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    Je m’étonne de voir que, sur une partie des bancs de l’hémicycle, on s’offusque de cet article 1er qui, en creux, réaffirme l’irresponsabilité pénale hormis dans les cas de préméditation, dirait-on couramment.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Mais oui !

    Mme Coralie Dubost

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    Finalement, si je me réfère aux propos que vous avez tenus en discussion générale, cet article est tout à fait satisfaisant pour vous. Vos amendements de suppression sont totalement incohérents avec le discours que vous avez tenu précédemment.
    L’article 1er est très clair : il vient dire l’irresponsabilité pénale est maintenue sauf si vous avez prémédité l’acte et que vous utilisez la drogue comme un outil pour commettre les faits reprochés. C’est simple. L’article 2, dont nous aurons le temps de débattre cette nuit, viendra résoudre d’autres types de situations. L’article 1er me semble important sur le plan symbolique….

    M. Pierre Dharréville

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    Il est impraticable !

    Mme Coralie Dubost

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    …précisément parce qu’il conforte les principes fondamentaux de notre droit pénal. (M. Hervé Berville applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Caroline Fiat. Vous avez une minute, comme votre collègue.

    Mme Caroline Fiat

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    Monsieur le garde des sceaux, je viens de vérifier dans le Larousse que le terme « fou » n’a plus lieu d’être, qu’on ne l’utilise plus. Ce n’est pas La France insoumise qui le dit, mais le Larousse.
    Nous légiférons ici, mais nous allons demander au juge de deviner à quel moment la personne a pris une substance illicite : alors qu’elle était en crise ou avant ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Il ne devinera rien !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Il ne devinera rien, il aura des preuves !

    Mme Caroline Fiat

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    Rappelons que l’année dernière, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons voté…

    M. le président

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    Merci, madame Fiat !

    Mme Caroline Fiat

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    …l’autorisation de prendre ces substances dans le cadre du traitement de certaines maladies. Qu’allons-nous faire pour les personnes malades qui prennent…

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Aubert.

    M. Julien Aubert

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    Cet article s’intéresse au cas de ceux qui avaient l’intention de tuer quand ils ont pris de la drogue. Il pourrait donc éventuellement s’appliquer aux Nazirites, aux Hachichim qui, sur l’ordre du Vieux de la montagne, prenaient de l’opium pour aller tuer. Dans ce cas-là, le lien était très clair. Je crains que tous les autres disent qu’ils ont pris de la drogue mais qu’ils ne voulaient pas tuer. Quant à ceux auxquels on voudrait appliquer l’article 2, ils diront qu’ils ont pris de la drogue sans savoir que cela pouvait les conduire à tuer.
    Qu’il s’agisse de l’article 1er ou de l’article 2, j’ai beaucoup du mal à comprendre comment le juge pourra prouver l’animus necandi – l’intention de tuer, puisque vous prétendez faire du droit –, sauf s’il obtient un aveu, ce qui, dans le cas d’un terroriste, risque d’être compliqué, ou que sont induites des présomptions de fait, qui sont sujettes à interprétation.
    Je ne comprends pas pourquoi, en rédigeant l’article 1er, vous ne vous êtes pas arrêtés après les mots « substances psychoactives » : vous auriez défini un mécanisme très clair. Si l’on entre dans le détail du texte, c’est bien la notion de « dessein de commettre l’infraction » qui pose problème. Comment prouver la connaissance par l’individu du fait que la consommation d’une substance est susceptible de le conduire à commettre des atteintes à la vie, comme le prévoit l’article 2, ou son intention de commettre une infraction, sachant qu’il ne suffira pas de juxtaposer la prise de drogue et le meurtre, mais encore prouver qu’il existe un lien logique entre les deux ? Je vous souhaite bonne chance, car tout cela n’est pas très clair !

    M. le président

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    La parole est à Mme la rapporteure.

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Nous pourrons débattre de la question de la « connaissance » lors de l’examen de l’article 2, monsieur Aubert.
    Pour répondre à Mme Fiat, le juge ne « devine » pas : il n’a pas une boule de cristal dans son bureau, dans laquelle il regarde pour savoir si l’auteur était « fou » ou souffrait d’une maladie psychiatrique – absolument pas ! Il se fonde sur l’analyse de l’expert qui pose un diagnostic rétrospectif, sur l’analyse médico-légale, et sur toutes les autres pièces du dossier, comme les témoignages, les antécédents, ou encore le comportement de l’auteur. C’est sur cette base qu’il tranche. C’est son métier.

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Une toute petite précision : le mot « fou » est heureusement resté dans le Larousse, dans le Robert et dans d’autres dictionnaires. Si vous disposez d’un téléphone, vous pouvez d’ailleurs le vérifier immédiatement : en tapant « fou » dans Google, vous trouverez une définition évoquant la pathologie mentale, et nullement l’homosexualité. Je ferme cette parenthèse.

    Mme Caroline Fiat

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    J’indiquais que, selon le Larousse, ce terme ne s’emploie plus en psychiatrie !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Monsieur Aubert, pardon de vous interpeller, mais est-il, à votre connaissance, une infraction pour laquelle le juge n’a pas à rapporter la preuve de l’intention ? Il n’y en a aucune ! (M. Julien Aubert s’exclame.)

    Mme Caroline Fiat

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    Le mot « fou » n’est plus utilisé en psychiatrie !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Chacun sait qu’il est difficile d’apporter cette preuve, mais il existe un certain nombre de règles, qui sont celles de la matière probatoire. Il ne s’agit pas de deviner : on ne demande pas au juge d’être un médium…

    Mme Caroline Fiat

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    Je viens de vérifier : le mot « fou » ne s’emploie plus en psychiatrie !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est insupportable, enfin !

    M. le président

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    Ne jouez pas à ce jeu, madame Fiat !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Fiat lux !

    Mme Caroline Fiat

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    C’est le ministre lui-même qui m’a demandé de regarder sur mon téléphone !

    M. le président

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    Si vous persistez, j’appliquerai le règlement à la lettre, vous le savez très bien : seuls deux orateurs pourront s’exprimer et votre groupe n’aura pas la parole ! (Mme Danièle Obono s’exclame.) Cessez d’interrompre le ministre. Personne ne vous a empêché de vous exprimer. Ayez donc le respect d’écouter celles et ceux qui, appartenant à un autre camp, apportent des éléments de réponse,…

    Mme Danièle Obono

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    Ils n’en apportent aucun !

    M. le président

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    …même s’ils ne sont pas de nature à vous satisfaire.

    (Les amendements identiques nos 72, 141, 271 et 280 ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    5. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
    Suite de la discussion du projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures cinq.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra