XVIIe législature
Session ordinaire de 2024-2025

Première séance du jeudi 20 mars 2025

Sommaire détaillé
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Première séance du jeudi 20 mars 2025

Présidence de Mme Clémence Guetté
vice-présidente

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à neuf heures.)

    1. Approbation de conventions et d’accords internationaux

    Procédure d’examen simplifiée

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d’examen simplifiée, en application de l’article 103 du règlement, de deux projets de loi, adoptés par le Sénat, autorisant l’approbation d’une convention et de deux accords internationaux (nos 535, 778 ; 567, 696).
    Ces textes n’ayant fait l’objet d’aucun amendement, je vais mettre directement aux voix chacun d’entre eux.

    Accord sur la création d’un espace aérien commun entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la république d’Arménie, d’autre part ; accord sur la création d’un espace aérien commun entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et l’Ukraine, d’autre part

    (Le projet de loi est adopté.)

    Convention d’extradition entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du royaume du Cambodge

    (Le projet de loi est adopté.)

    2. Accord entre la France et l’Indonésie sur la coopération dans le domaine de la défense

    Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi adopté par le Sénat

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la république d’Indonésie relatif à la coopération dans le domaine de la défense (nos 536, 1107).

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger.

    M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger

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    Je souhaite, avant toute chose, vous dire l’immense soulagement du ministère de l’Europe et des affaires étrangères à l’annonce, ce matin, de la libération d’Olivier Grondeau, après 886 jours, soit vingt-neuf mois, de détention en Iran. (Applaudissements sur de nombreux bancs.) J’aimerais, par la même occasion, saluer et remercier l’ensemble des agents du ministère, de l’ambassade au centre de crise, pour leur implication quotidienne en vue de sa libération. Nous n’oublions évidemment pas nos compatriotes Cécile Kohler et Jacques Paris, détenus en république islamique d’Iran depuis maintenant trente-quatre mois ; notre détermination pour les libérer reste totale.
    J’ai l’honneur de présenter aujourd’hui le projet de loi visant à autoriser la ratification de l’accord relatif à la coopération de la défense entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République indonésienne signé à Paris le 28 juin 2021, complété par l’échange de lettres des 18 août et 9 novembre 2023.
    L’Indonésie est au cœur des priorités de la France en Indo-Pacifique et l’un de nos trois partenaires stratégiques en Asie du Sud-Est, aux côtés de Singapour et du Vietnam. La France est le seul partenaire stratégique de l’Indonésie qui soit membre de l’Union européenne, grâce à un partenariat datant de 2011. Nous entretenons ainsi un dialogue stratégique étroit avec Jakarta, qui s’incarne notamment dans le cadre d’un dialogue politique à haut niveau dense et dans des réunions ministérielles en format 2 + 2 –⁠ défense et affaires étrangères.
    Ensemble, nous avons bâti une relation de proximité sur le plan de la défense, comme l’illustre notre coopération en matière d’armement –⁠ notamment dans le domaine aérien, avec les Rafale, et naval, avec les sous-marins Scorpène – mais aussi le passage récent du porte-avions Charles de Gaulle dans les détroits indonésiens, qui a été le premier porte-avions nucléaire à faire une escale à quai dans l’histoire indonésienne.
    Les prochaines échéances bilatérales seront l’occasion de consolider encore nos liens avec l’Indonésie, pays avec lequel nous partageons le respect du droit international, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale, ainsi que la promotion du multilatéralisme. Renforcer nos relations avec l’Indonésie, c’est aussi nous rapprocher de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean), ce qui constitue l’une des priorités de notre action au cœur de l’espace indo-pacifique.
    Mesdames et messieurs les députés, autoriser la ratification de l’accord relatif à la coopération dans le domaine de la défense entre les gouvernements français et indonésien permettrait son entrée en vigueur rapide. Ce serait une étape cruciale pour formaliser et pérenniser la coopération stratégique bilatérale et permettre le développement d’accords opérationnels. Le présent accord comporte en effet des clauses d’effort pour la conclusion d’un accord de sécurité –⁠ à l’article 7 – et d’un accord portant sur le statut des forces (Sofa), qui permettront, le cas échéant, de couvrir juridiquement un large spectre de la relation de défense, contribuant ainsi au renforcement de la confiance entre nos deux pays.
    Si notre relation de défense est portée par le domaine de l’armement, avec la conclusion de plusieurs programmes dimensionnants, elle est en voie de diversification, avec des échanges stratégiques plus réguliers, et dans le domaine des interactions militaires. Cette diversification se traduit par des escales navales et aériennes de bâtiments français régulièrement valorisées : les missions Jeanne d’Arc et Pégase, un exercice bilatéral terrestre, Garuda Guerrier, ou encore le déploiement récent du groupe aéronaval dans le cadre du déploiement opérationnel Clemenceau 25. Le présent accord, que l’Indonésie a d’ores et déjà ratifié en novembre 2024, a pour objectif de renforcer cette diversification. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Pascale Got, rapporteure de la commission des affaires étrangères.

    Mme Pascale Got, rapporteure de la commission des affaires étrangères

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    L’accord franco-indonésien conclu le 28 juin 2021, complété par un échange de lettres des 18 août et 9 novembre 2023, est avant tout un signal politique. Il témoigne de la volonté de nos deux pays de continuer à approfondir leurs relations, spécifiquement dans le domaine de la défense. Le texte en lui-même ne présente pas de difficulté particulière. Ses clauses, présentées en détail dans mon rapport, sont classiques. Je reviendrai donc surtout ce matin sur le contexte de cet accord.
    Depuis une dizaine d’années, la France a compris que l’Indonésie était un partenaire incontournable dans la zone indo-pacifique, d’abord par sa position géographique, qui lui confère un rôle clé dans la stabilité et la prospérité de la région. Cet archipel, composé de plus de 17 000 îles, est le plus grand pays d’Asie du Sud-Est et il est situé au carrefour stratégique des océans Indien et Pacifique. Il contrôle des détroits essentiels, dont celui de Malacca, par lequel transite une part considérable du commerce maritime international.
    L’Indonésie est également la quatrième puissance démographique, avec plus de 285 millions d’habitants. Sa croissance économique est dynamique et son PIB augmente de 5,3 % par an en moyenne, ce qui en fait la première économie de l’Asean. Elle figure parmi les grandes puissances émergentes.
    Bien sûr, l’Indonésie est consciente de ses atouts, et elle affiche de plus en plus clairement ses ambitions internationales. Sa diplomatie est très active et très ouverte. Elle s’inscrit, c’est important, dans une stratégie de non-alignement et cherche à diversifier au maximum ses partenariats, en tissant des liens avec la Chine, les États-Unis, mais aussi l’Union européenne, l’Australie, le Japon, ou encore la Corée du Sud. Ces pays, quant à eux, ont tous bien compris l’intérêt stratégique que représente un partenariat avec l’Indonésie.
    Ce pays se distingue aussi par son engagement en faveur du multilatéralisme, notamment au sein de l’ONU. Il est le cinquième contributeur mondial aux opérations de maintien de la paix, avec 2 800 soldats et policiers déployés, dont 1 250 dans la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul). Son engagement est aussi très actif au sein de l’Asean, dont le siège se trouve d’ailleurs à Jakarta. Par ailleurs, depuis le mois de janvier, l’Indonésie est aussi membre permanent du groupe des Brics+.
    Bien sûr, on peut aussi pointer des faces moins vertueuses de l’Indonésie. Elle doit notamment progresser en matière de droits humains, de droits des femmes et de droits des minorités autochtones. Même constat au niveau de la déforestation et des menaces sur ses écosystèmes remarquables. Sur ces thèmes, la France doit poursuivre le dialogue qu’elle a déjà engagé.
    L’Indonésie reste l’un de nos partenaires clé, qui s’inscrit pleinement dans la stratégie française pour l’Indo-Pacifique. Cette stratégie vise à préserver un espace ouvert, exempt de toute forme de coercition, et fondé sur le respect du droit international et du multilatéralisme. Elle cible tout particulièrement l’Asean comme enjeu d’influence.
    Dans ce contexte, les échanges politiques présidentiels et ministériels se sont intensifiés. L’Indonésie apprécie notre capacité à proposer un véritable partenariat de souveraineté. Comme la France, elle souhaite éviter toute dépendance excessive vis-à-vis de la Chine et des États-Unis, surtout dans le domaine militaire. Or nous lui apportons des solutions souveraines dans les équipements de défense, à la différence du matériel américain. Elle est très sensible à l’engagement constant de la France pour la stabilité régionale et, pour reprendre les mots de l’ambassadeur d’Indonésie à Paris, le pays souhaite faire de l’Indo-Pacifique une région de coopération plutôt que de compétition.
    Notre coopération bilatérale s’étend au-delà de la défense et de la sécurité. L’Agence française de développement (AFD), présente en Indonésie depuis 2007, y gère un portefeuille de projets de plus de 3 milliards d’euros, avec une attention particulière sur l’énergie, les transports, la biodiversité et la mer. Sur le plan commercial, nos échanges ont plus que doublé en dix ans, atteignant 1,3 milliard d’euros d’exportations en 2023, principalement portées par le secteur aéronautique.
    Pour l’industrie de la défense, l’Indonésie est le deuxième client de la France dans la zone indo-pacifique, avec des prises de commande qui ont dépassé 10 milliards d’euros entre 2013 et 2024. Citons, par exemple, la commande de quarante-deux avions de combat Rafale. La relation bilatérale de défense s’est récemment intensifiée, grâce à la régularité des échanges ministériels et au dialogue de défense et de diplomatie France-Indonésie, piloté par la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS). Ce partenariat, historiquement centré sur l’armement, se diversifie de plus en plus pour inclure davantage d’interactions militaires, notamment des propositions d’exercices conjoints ou des escales aériennes et navales, que M. le ministre a évoquées.
    Afin de consolider cette coopération dans la durée, il était indispensable de doter notre partenariat d’un cadre juridique renforcé, avec l’accord du 28 juin 2021. S’il était nécessaire, il demeure insuffisant, puisqu’il ne contient pas de clauses relatives au statut des forces. Son article 7 ouvre toutefois la voie à des négociations sur ce sujet. Un tel accord apporterait une protection juridictionnelle aux forces armées françaises en Indonésie, faciliterait leur séjour et clarifierait les compétences des juridictions pénales de l’État d’envoi et de l’État d’accueil.
    De même, l’article 10 prévoit une clause d’effort pour aboutir à un accord de sécurité, dédié à l’échange et à la protection réciproque des informations et matériels classifiés. Les négociations, sur ce sujet également, sont déjà en cours.
    Vous l’avez compris, pour ce qui est de la coopération de défense, cet accord représente une première étape, selon la formule de notre ambassadeur en Indonésie. Cet accord pose les bases d’un partenariat stratégique entre nos deux pays et il s’inscrit dans une démarche beaucoup plus large de la France dans cette région indo-pacifique. La France a d’ailleurs déjà signé des accords de coopération en matière de défense avec les Fidji en décembre 2023 et Djibouti en juillet 2024.
    Il sera donc essentiel pour notre pays de maintenir cette ambition et de convaincre le partenaire indonésien de l’importance de ce complément juridique.
    Je vous invite, mes chers collègues, à voter sans réserve en faveur de l’autorisation de l’approbation de cet accord. Je précise que l’Indonésie a, pour sa part, déjà approuvé le texte. Son approbation par la France permettrait donc son entrée en vigueur. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, EcoS et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

    M. Bruno Fuchs, président de la commission des affaires étrangères

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    L’Indo-Pacifique, région immense unissant sous le même nom le large de l’Afrique orientale et de l’océan Pacifique, est le théâtre d’une recomposition stratégique majeure. Les défis pressants de notre temps –⁠ la sécurité maritime, la lutte contre le changement climatique, mais aussi et surtout, la compétition entre les grandes puissances – trouvent tous leur nœud dans l’Indo-Pacifique. La commission des affaires étrangères avait le devoir d’y accorder une attention majeure et je me réjouis que nous puissions ce matin, comme nous l’avons fait à propos de l’Ukraine la semaine dernière, partager nos travaux avec l’ensemble de nos collègues dans cet hémicycle.
    Comme chacun sait, l’Indonésie est un géant en pleine dynamique. Elle sera dans quelques décennies l’une des principales économies mondiales, forte de sa démographie, la quatrième au monde, et de sa production intérieure en forte croissance. Elle siège au G20, ce qui en fait un partenaire incontournable pour notre pays. La France, il faut le rappeler, est une nation de l’Indo-Pacifique, avec 1,650 million de citoyens et d’importants territoires ultramarins. Elle y joue un rôle stratégique et a donc un intérêt direct à y renforcer ses alliances.
    Puissance non alignée, en voie de multialignement, l’Indonésie cherche à maintenir un rapport de proximité avec de nombreux pays, sans dépendre d’aucun. Cela explique qu’au sein des grandes organisations internationales, elle se montre active, dans une logique d’ouverture et de respect mutuel. Comptant parmi les pays moteurs de l’Asean, dont le siège se situe du reste à Jakarta, membre du G20 et des Brics+, elle dispose d’une position centrale.
    Ce potentiel, cette ouverture sur le monde font de l’intensification de nos relations bilatérales une nécessaire opportunité pour notre pays sur le plan diplomatique comme industriel. Fortes de près de 420 000 soldats, les armées indonésiennes sont les premières d’Asie du Sud-Est, alors même qu’il y a deux ans l’Indonésie ne consacrait à sa défense que 0,7 % de son PIB –⁠ le pays est pourtant confronté à des risques majeurs dans son voisinage immédiat, en particulier en mer de Chine. Il s’agit d’un client très important pour l’industrie française : en 2024, Jakarta nous a commandé pour 2,6 milliards d’euros d’équipements, dont quarante-deux Rafale et deux sous-marins Scorpène Evolved. La moitié du budget indonésien d’acquisition de défense est employé à l’achat de matériel français.

    M. Sylvain Maillard

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    Très bien !

    M. Bruno Fuchs, président de la commission des affaires étrangères

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    Adopté le 5 novembre dernier par le Sénat, ce texte vise à autoriser l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la République française et celui de la république d’Indonésie relatif à la coopération dans le domaine de la défense. L’accord en question, signé à Paris le 28 juin 2021, comme l’a rappelé Mme la rapporteure, puis complété par un échange de lettres les 18 août et 9 novembre 2023, s’inscrit dans la célébration du 75e anniversaire de nos relations diplomatiques, matérialisée notamment par l’escale à Bali et Lombok, pour la première fois, du groupe aéronaval du Charles de Gaulle dans le cadre de la mission Clemenceau 2025.
    À la demande de l’Indonésie, cet accord ne comprend pas de clauses relatives au statut des forces armées. Ces clauses permettent pourtant de faciliter l’entrée et le séjour des personnels, ainsi que d’articuler les compétences de juridiction respectives de l’État d’envoi et de l’État d’accueil ; conséquence du fait que l’Indonésie exerce ce droit souverain, il ne pourra y avoir d’exercices bilatéraux sur son territoire. C’est bien sûr regrettable, mais nuances et petits pas sont le propre de la diplomatie. Je ne doute pas que nous parviendrons à parfaire cet aspect.
    L’accord, en tout état de cause, renforce notre présence dans l’Indo-Pacifique et nos relations bilatérales avec un futur géant mondial majeur. Il participe à la construction d’un réseau de coopération fondé sur le respect du droit international. L’adoption de ce texte est essentielle : ensemble, votons en sa faveur ! (Mme la rapporteure applaudit, ainsi que Mme Maud Petit et M. Stéphane Hablot.)

    Discussion générale

    Mme la présidente

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    Dans la discussion générale, la parole est à M. Sylvain Maillard.

    M. Sylvain Maillard

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    Nous examinons ce matin le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre la France et l’Indonésie relatif à la coopération dans le domaine de la défense, signé à Paris en 2021.
    Dans le climat actuel, ce projet de loi se révèle salutaire, puisqu’il vise à renforcer encore nos liens avec l’Indonésie, partenaire stratégique en Asie du Sud-Est. Pour m’être rendu il y a un an en Nouvelle-Calédonie, où stationne l’une de nos trois forces de souveraineté de la zone indo-pacifique, j’ai pu mesurer combien cette région était soumise aux tensions géopolitiques. Face à la recrudescence de celles-ci partout sur la planète, la France ne peut demeurer spectatrice : elle se doit d’investir pleinement les régions où ses intérêts sont en jeu. Or, c’est le cas, je le répète, de l’Indo-Pacifique, où se situent nombre de nos départements, régions et collectivités d’outre-mer, représentant au total –⁠ vous l’avez rappelé, monsieur le président de la commission – 1,65 million d’habitants, ainsi que 73 % de notre zone économique exclusive (ZEE).
    Compte tenu de ces données, le statut géographique, économique, politique de l’Indonésie en fait dans la région un partenaire clé, avec qui nous nous retrouvons également dans une même adhésion à une politique de non-alignement et de refus de la logique des blocs. Certains acteurs étatiques souhaiteraient pourtant imposer ces blocs dans cette zone au risque d’une escalade mortifère.
    Nos liens dans le domaine de la sécurité sont d’ailleurs concrets, puisque l’Indonésie est, dans la zone Asie-Pacifique, notre deuxième client en matière d’armement. La visite en début d’année du ministre Sébastien Lecornu, l’escale historique du groupe aéronaval du Charles de Gaulle au large de Lombok, ont souligné le caractère crucial que prendra cet enjeu de défense dans les prochaines années.
    À cet égard, l’accord va dans le bon sens : les députés du groupe EPR ne peuvent que le soutenir, d’autant qu’il marque les 75 ans, cette année, des relations diplomatiques franco-indonésiennes, lesquelles ont vocation à devenir toujours plus étroites. Bien entendu, il est impératif qu’il soit complété à brève échéance par une entente concernant le statut des soldats français en Indonésie et donnant à ces derniers toutes les garanties qu’ils sont en droit d’attendre dans le cadre de l’accomplissement de leur devoir aux quatre coins du monde. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons tirer de cet accord de défense tous les avantages d’une coopération accrue avec l’Indonésie ; saluons néanmoins ce premier pas vers le renforcement d’une relation bilatérale mutuellement bénéfique. (Mme Maud Petit applaudit, ainsi que M. le président de la commission et M. Stéphane Hablot.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud.

    M. Bastien Lachaud

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    L’Indonésie est un pays non aligné. Il y a soixante-dix ans, l’Indonésie accueillait la conférence de Bandung, que Léopold Sédar Senghor décrivit comme une gigantesque « levée d’écrou » : vingt-neuf pays d’Afrique et d’Asie y ont dénoncé la colonisation. Ils affirmaient une voix indépendante, laissant derrière eux le colonialisme. Ils refusaient de tomber dans la logique des blocs et proposaient une voie alternative à celles consistant à suivre l’URSS ou les États-Unis.
    L’Indonésie est resté l’un des États qui portent au plus haut le principe du non-alignement. Alors que la logique des blocs renaît, particulièrement dans la zone Asie-Pacifique que les États-Unis cherchent à imposer comme prochain théâtre d’affrontements avec la Chine, elle s’engage pleinement au sein de l’Asean et choisit de diversifier ses partenaires stratégiques, notamment dans le domaine militaire. Elle est l’un des rares pays à organiser des exercices navals avec les États-Unis comme avec la Chine. L’Indonésie joue un rôle clé dans la région.
    La France a donc raison de signer cet accord de défense. Elle aussi doit faire entendre sa voix et développer des partenariats stratégiques multiples : obéissant à cette logique, l’accord pérennise notre relation dans le domaine de la défense, notamment en matière d’exportation d’armement et de coopération militaire. La vente de Rafale, l’année dernière, en constitue une illustration ; l’escale inédite du groupe aéronaval du Charles de Gaulle à Lombok et Bali, il y a quelques semaines, témoigne de la profondeur des rapports militaires entre nos deux nations. Il convient de développer cette relation particulière avec l’Indonésie, d’autant que s’y ajoute un autre point commun : nous n’avons aucun intérêt à une guerre entre les États-Unis et la Chine.
    Nous nous réjouissons que le non-alignement indonésien ait infusé jusque dans le discours du ministre des armées, M. Lecornu, qui, lors de son déplacement en Indonésie à bord du Charles de Gaulle, a déclaré en insoumis : « Notre diplomatie est celle du non-alignement, du refus des blocs. » Cependant, loin du discours, restons-en aux faits : tandis que Donald Trump remet en lumière l’impérialisme états-unien, laisse les Ukrainiens face à la Russie de Vladimir Poutine et menace d’annexion le Canada ou le Groenland, le gouvernement français, incapable d’un véritable tournant stratégique, refuse d’envisager la sortie de l’Otan,…

    M. Sylvain Maillard

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    Heureusement !

    M. Bastien Lachaud

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    …et ne remet pas en question les traités européens qui lient à cette organisation, ainsi qu’aux États-Unis, toute politique de défense commune.
    Il nous vante l’autonomie stratégique européenne et l’Europe de la défense, mais patatras : Bruxelles impose ses vues ! Le Livre blanc pour une défense européenne publié hier par la Commission est on ne peut plus clair : l’Otan et les États-Unis restent l’alpha et l’oméga de toute politique de défense européenne. La préférence européenne en matière d’achats d’armements, qui constitue pour Paris une ligne rouge, est réduite à une phrase, elle devient optionnelle. La création d’une chaîne de valeur transatlantique est même prévue –⁠ en d’autres termes, les pays européens achèteront leurs armes aux Américains et paieront le tribut exigé par Donald Trump, soit 5 % de leur PIB.
    Enfin, conformément à la vision états-unienne du monde, ce Livre blanc met sur le même plan la Russie, le Bélarus, la Corée du Nord, l’Iran et la Chine, reprend la théorie de l’Indo-Pacifique formulée par les États-Unis et appelle à y développer nos coopérations de défense avec le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, c’est-à-dire les alliés des Américains dans la zone. Pourquoi l’Indonésie ne figure-t-elle pas dans cette liste ? À cause de son non-alignement peut-être ? Ce document rend largement caduque toute volonté d’indépendance des pays européens en matière de défense : quelle impasse !
    Seul le non-alignement permet aux nations de coopérer librement, sans être asservies à aucune puissance. Nous devons retrouver cette singularité qui faisait de la France une nation écoutée et respectée sur la scène internationale. Le non-alignement doit être notre boussole : notre époque le démontre chaque jour. Loin d’un repli sur soi, c’est la seule méthode qui nous permettra de retrouver une voix singulière, de parler au monde, de défendre nos intérêts, de promouvoir le droit international, l’intérêt général humain et, surtout, la paix.
    L’accord de défense avec l’Indonésie s’inscrit dans cette logique d’indépendance ; le groupe LFI votera donc en sa faveur. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ M. Stéphane Hablot applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Hablot.

    M. Stéphane Hablot

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    La coopération avec l’Indonésie constitue un sujet important : aujourd’hui, nous devenons tous témoins et acteurs d’un partenariat déjà réel et toujours en construction. Ce partenariat est fondé sur la confiance, la souveraineté et la paix.
    En dépit de leur caractère distinct, nos deux nations sont proches par la géographie. Notre France d’outre-mer et l’archipel d’Indonésie sont comme un pont entre l’Orient et l’Occident. Elles sont aussi proches par des valeurs partagées, car nous avons en commun la vision d’un monde stable, où le respect des nations et des peuples guide notre action collective. Cette convergence de vision nous amène à renforcer notre partenariat en matière de défense ; engagement que nous devons soutenir avec conviction, compte tenu des défis qui prennent forme sous nos yeux dans l’Indo-Pacifique –⁠ zone capitale, à la fois fragile et déterminante, carrefour où se concentrent près de 60 % du PIB mondial. L’Indonésie s’y maintient face aux Chinois, qui revendiquent de nouvelles terres maritimes. L’heure est à l’unité, à la vigilance.
    Au sein de ce tumulte mondial, la France s’est imposée comme un allié de confiance. Depuis soixante-quinze ans, nous maintenons avec l’Indonésie une relation solide ; il s’agit désormais de la renforcer ensemble. Au-delà d’une alliance militaire, cet accord nous offre une occasion de garantir la stabilité régionale et internationale. Les enjeux sont nombreux, les défis considérables. S’agissant du terrorisme, il nous revient d’apporter notre expertise en matière de lutte contre le djihadisme, de proposer des équipements de pointe.
    J’en profite pour saluer notre collègue Roger Vicot, ici présent, corapporteur de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic. (M. Boris Vallaud applaudit.) Il a beaucoup travaillé sur ces questions, il sait mieux que personne que dans cette région qui nous paraît lointaine se développent nombre de trafics, avec des moyens importants. Il nous faudra donc également former, équiper, soutenir nos partenaires contre ces fléaux.
    Cœur du commerce mondial, l’Indo-Pacifique est un théâtre de pêche illégale, de piraterie ; en sécuriser les routes, c’est protéger nos échanges économiques, notre souveraineté maritime. Compte tenu de ses capacités navales, technologiques, la France peut et doit contribuer à cette mission.
    Pour ces raisons et bien d’autres encore, le groupe socialiste soutiendra ce partenariat stratégique. Toutefois, cette approbation reste assortie de la plus grande vigilance face aux zones d’ombre du texte et d’exigences concernant son application.
    Premièrement, nous avons besoin de clarifications juridiques et opérationnelles. Aucune clause ne prévoit les modalités de présence et d’intervention des forces françaises, lacune qui expose nos militaires à un véritable danger. Par conséquent, nous demandons que le cadre juridique bilatéral soit renforcé par la conclusion d’un accord relatif au statut des forces : c’est une question de sécurité et de responsabilité !
    Deuxièmement, quel sera l’impact écologique d’un tel accord ? Il est question de pollution maritime, liée aux déversements de carburants, de déchets et de produits chimiques, ce qui risque de dégrader les écosystèmes marins et terrestres.
    Troisièmement, comment ne pas aborder le sujet des droits fondamentaux ? Nous examinions hier encore la proposition de loi relative au narcotrafic : Serge Atlaoui, Français mis en cause dans une affaire que je qualifierais de limite, a été jugé et emprisonné en Indonésie, où la justice laisse à désirer. Nous ne pouvons fermer les yeux sur l’absence de considération vis-à-vis des différentes minorités qui s’y trouvent. Or l’accord ne garantit aucunement que les équipements militaires ne seront pas utilisés contre les populations locales.
    C’est pourquoi il est essentiel de faire toute la lumière sur ces points et de garantir une coopération transparente, juste et équilibrée. C’est grâce à elle que nous pourrons échanger et faire évoluer les choses dans l’intérêt des populations. Faisons donc de cet accord le moyen d’assurer un futur de paix et de stabilité. Et comme dirait le proverbe indonésien : « Un peu, avec le temps, devient montagne. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Valérie Bazin-Malgras.

    Mme Valérie Bazin-Malgras

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    Au nom du groupe Droite républicaine et en tant que rapporteure pour avis de la commission de la défense, je soutiens le projet de loi autorisant l’accord de coopération entre la France et l’Indonésie dans le domaine de la défense, signé en 2021 et complété en 2023. Ce texte renforce notre partenariat stratégique avec ce pays clé de l’Indo-Pacifique.
    Située entre les océans Indien et Pacifique, l’Indonésie joue un rôle central dans notre stratégie régionale. La récente escale du groupe aéronaval Charles de Gaulle à Lombok illustre l’évolution positive de notre coopération. La France, en tant que puissance stabilisatrice, cherche à garantir un espace ouvert et sécurisé, tout en protégeant ses intérêts et ceux de ses partenaires contre toute tentative de coercition.
    L’Indo-Pacifique représente une réalité stratégique pour la France qui compte 1,65 million d’habitants dans ses territoires d’outre-mer, 150 000 expatriés dans les pays de la zone et une présence militaire permanente de 8 300 soldats. La coopération avec l’Indonésie s’inscrit donc dans cet engagement à renforcer notre présence et nos alliances.
    L’Indonésie adopte une diplomatie de neutralité active, refusant la logique des blocs. Ce positionnement rejoint la vision française, qui privilégie l’autonomie stratégique et le multilatéralisme. L’Indonésie est l’un des trois partenaires clés de la France en Asie du Sud-Est, aux côtés du Vietnam et de Singapour.
    Notre coopération bilatérale repose essentiellement sur l’armement. L’Indonésie est le deuxième client export de la France en Asie-Pacifique, consacrant la moitié de son budget d’acquisition de défense à des achats de matériels français. Des contrats majeurs ont ainsi été signés : l’acquisition de quarante-deux avions Rafale, de sous-marins Scorpène et de canons Caesar. L’Indonésie joue également un rôle clé en nous permettant d’être présents dans les enceintes de défense de l’Asean.
    L’accord en discussion vise à structurer et à sécuriser cette relation. Il remplace un arrangement technique datant de 2012 et renforce le cadre juridique de notre coopération. Cependant, il ne comporte pas encore d’accord sur le statut des forces ni de garanties quant à l’échange d’informations classifiées.
    L’absence de statut des forces a pour conséquence que les exercices militaires conjoints ne se dérouleront pas sur le territoire indonésien. Ce ne sera pas possible tant qu’un accord spécifique garantissant la protection de nos militaires n’aura pas été signé. Cette question est cruciale, notamment parce que la peine de mort est toujours en vigueur en Indonésie. Le Conseil d’État a ainsi recommandé un encadrement strict de cette coopération, afin d’assurer la protection de nos personnels. Un échange de lettres entre la France et l’Indonésie a été conclu pour pallier temporairement cette lacune : il acte le fait que, sans statut des forces, les exercices militaires ne pourront se dérouler qu’en dehors du territoire indonésien. Néanmoins, la diplomatie française devra poursuivre ses efforts pour finaliser cet accord et obtenir une protection juridique complète.
    Malgré ces limites, cet accord ouvre la voie à une coopération élargie en matière de renseignement, de formation, d’industrie de défense, de lutte contre le terrorisme et la piraterie, d’aide humanitaire et de secours aux sinistrés. Il facilitera notamment les interventions françaises en cas de catastrophe naturelle en Indonésie, renforçant ainsi la dimension humanitaire de notre présence militaire.
    En conclusion, il s’agit d’une avancée stratégique majeure qui renforce la position de la France en Indo-Pacifique et consolide notre partenariat avec l’Indonésie. Cet accord marque une étape essentielle dans notre engagement à défendre nos intérêts et ceux de nos alliés dans cette région. Toutefois, la signature d’un accord sur le statut des forces reste une priorité afin de garantir une coopération militaire pleinement sécurisée et efficace.
    C’est pourquoi le groupe Droite républicaine votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. –⁠ Mme Maud Petit applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la présidente Cyrielle Chatelain.

    Mme Cyrielle Chatelain

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    L’Indo-Pacifique est une région clé dans laquelle se jouent nombre des équilibres de notre monde. La France, en tant que puissance maritime et diplomatique, ne peut rester la simple spectatrice des tensions croissantes entre les États-Unis et la Chine, en particulier depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump. Elle doit être une puissance d’équilibre et un partenaire fidèle aux valeurs de justice, de souveraineté et de coopération.
    Notre rapprochement avec l’Indonésie, dans le cadre de ce projet de loi, va dans le bon sens. Ce grand pays, acteur clé du multilatéralisme, partage une vision commune avec la France : celle de nations non alignées, où les grandes puissances néo-impérialistes ne doivent en aucun cas dicter leur loi aux autres.
    Le partenariat dont nous nous apprêtons à autoriser l’approbation doit être une pierre apportée à l’édifice de l’indépendance stratégique de la France, une France qui s’appuie sur des puissances émergentes et non alignées.
    Le monde dans lequel nous vivons ne peut se résumer à une bipolarité conflictuelle permanente entre la Chine et les États-Unis. Nous ne voulons pas d’une escalade militaire continue, de rapports de force brutaux, de mise sous tutelle des peuples. Ce n’est pas la vision de la France et ce n’est pas la vision des écologistes. Car, au sein du groupe Écologiste et social, nous croyons à une diplomatie qui défend les nations, leur survie et leur autonomie. Nous croyons à la coopération régionale et à la sécurité collective.
    Renforcer notre coopération avec l’Indonésie, c’est consolider la présence française dans cette région stratégique du globe, où résident plusieurs milliers de nos concitoyens et où les intérêts français doivent être protégés.
    Mais cette coopération doit aller au-delà du seul domaine militaire. Elle doit inclure des initiatives environnementales, là où des pays entiers risquent de se retrouver bientôt sous les eaux –⁠ je pense en particulier aux îles du Pacifique. Elle doit s’appuyer sur un partenariat économique équitable et juste, qui ne reproduit pas les schémas d’exploitation que nous dénonçons. Elle doit enfin être un levier pour promouvoir les droits humains et les libertés démocratiques. En ce sens, nous invitons la France à être particulièrement vigilante quant aux droits humains, notamment ceux des Papous, menacés depuis l’élection du général Subianto à la tête du pays l’an passé. En effet, coopérer ne veut pas dire acquiescer.
    Bâtir une politique indépendante dans une région en proie aux appétits impérialistes des grandes puissances est un défi. Mais la France ne doit être ni vassale d’une superpuissance ni un jouet ballotté dans les rapports de force mondiaux. Elle a les moyens d’une diplomatie qui refuse les logiques de domination, qui mise sur l’intelligence collective et l’exigence d’une coopération équilibrée.
    Pour cela, nous devons renforcer nos liens avec des puissances non alignées, partageant notre aspiration à l’indépendance et au multilatéralisme. C’est pourquoi nous voterons en faveur du projet de loi. (Mme Maud Petit et M. Stéphane Hablot applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Maud Petit.

    Mme Maud Petit

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    Il nous est demandé d’autoriser l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la république d’Indonésie relatif à la coopération dans le domaine de la défense. Par l’approfondissement des liens entre nos deux pays, cet accord a pour ambition principale de renforcer notre influence diplomatique et militaire avec ce partenaire. Il s’agit d’ancrer davantage la France dans cette région, ô combien stratégique, où vivent, dans les territoires ultramarins, 1,65 million de nos compatriotes.
    La portée de cet accord reste cependant modeste, en raison de l’éloignement géographique et de nos moyens, qui sont mobilisés en priorité pour nos engagements en opérations par ailleurs. Par conséquent, le volume des moyens disponibles pour développer cette coopération est limité.
    Au carrefour des ambitions de la Chine et des États-Unis, l’Indonésie revêt une dimension stratégique pour notre politique étrangère, compte tenu de sa position dans la région indo-pacifique. La diplomatie indonésienne se distingue par une volonté de construire sa propre politique extérieure : une stratégie de non-alignement, qui se traduit par des partenariats très variés notamment avec la Chine, les États-Unis, l’Union européenne, l’Australie ou encore le Japon –⁠ pays qui, à l’instar de la France, ont saisi l’intérêt stratégique de créer des liens avec l’Indonésie.
    En effet, ce pays possède de nombreux atouts qui en font une puissance émergente : quatrième puissance démographique au monde, l’Indonésie est aussi la première puissance économique de l’Asean, dont elle est membre fondateur, grâce à une croissance de long terme de 5,3 %. Si elle pointe actuellement au seizième rang des puissances économiques mondiales, elle ambitionne d’atteindre la quatrième place d’ici à 2050.
    La signature de cet accord constitue donc une avancée importante, qui en appelle d’autres afin de faciliter la progression de la coopération militaire entre nos deux pays. En effet, de nombreux autres partenariats pourraient voir le jour : les autorités indonésiennes ont, par exemple, exprimé un fort intérêt pour la qualité des équipements de défense français : avions de combat Rafale, camions équipés d’un système d’artillerie Caesar, ou encore sous-marins Scorpène. Ces équipements pourraient permettre la modernisation des différents corps de l’armée indonésienne. L’acquisition, par l’Indonésie, de quarante-deux avions de combat Rafale –⁠ dont la livraison est prévue en 2026 – ou encore la signature, l’année dernière, d’un contrat entre Naval Group et le ministère indonésien de la défense pour la livraison de deux sous-marins Scorpène, peuvent être vues comme un signal fort de la part de Jakarta de développer une coopération militaire soutenue avec la France.
    Enfin, preuve supplémentaire de cette bonne entente entre les deux pays : la visite fin janvier-début février 2025 du ministre des armées français, Sébastien Lecornu, et la présence du porte-avions Charles de Gaulle dans le port de Lombok. Une première !
    Ce développement devra toutefois s’accompagner d’un renforcement du cadre juridique bilatéral, grâce à la conclusion d’un accord relatif au statut des forces. Les autorités indonésiennes n’y sont pas favorables pour l’instant, percevant les clauses relatives au statut des forces comme une limitation de leur souveraineté. Un accord relatif à l’échange d’informations classifiées dans le domaine de la défense serait également souhaitable.
    À l’heure où nous célébrons les 75 ans des relations diplomatiques entre la France et l’Indonésie, le groupe Les Démocrates appelle donc à voter en faveur de ce projet de loi et plaide pour le renforcement du cadre juridique bilatéral, afin de permettre l’accroissement de cette coopération.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-François Portarrieu.

    M. Jean-François Portarrieu

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    La France est une grande puissance de l’Indo-Pacifique. Elle l’est non seulement grâce à ses territoires d’outre-mer –⁠ de Mayotte à la Polynésie française –, mais aussi grâce à son domaine maritime et à sa position militaire permanente dans la région. Notre pays y déploie 8 000 militaires, basés à La Réunion et à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, ainsi que des forces stationnées à Djibouti et aux Émirats arabes unis.
    Notre présence militaire n’est donc pas anodine, car cette région représente un intérêt stratégique majeur. C’est une zone de croissance économique importante, dans laquelle transite une grande partie des flux commerciaux. C’est aussi une zone de rivalités, du Yémen –⁠ où les rebelles houthis menacent régulièrement le passage des navires par le Golfe – au Pacifique –⁠ où la Chine et les États-Unis se livrent une guerre commerciale.
    C’est pourquoi la France dispose, depuis 2018, d’une stratégie en Indo-Pacifique. Nos priorités dans la région, où la défense et la sécurité de nos territoires ultramarins sont en cause, sont multiples : promotion et défense de la règle du droit et du multilatéralisme, qui garantissent les principes de circulation et d’accès aux espaces communs, renforcement de la stabilité régionale ou encore prise en compte des effets du changement climatique.
    Dans ce cadre, nos échanges avec l’Indonésie sont essentiels et doivent être renforcés. D’abord, parce que les autorités indonésiennes apprécient tout particulièrement la qualité des équipements de défense français. Ils ont ainsi acquis quarante-deux Rafale lors de la visite du ministre des armées en février 2022. Ensuite, parce que nos armées peuvent être amenées à agir en commun. Sur le plan opérationnel, l’Indonésie et la France ont déjà participé à plusieurs exercices conjoints. C’était le cas de l’exercice Croix du Sud, lancé à l’initiative des forces armées de Nouvelle-Calédonie pour entretenir leurs capacités de coordination et d’intervention conjointe en cas de catastrophe naturelle et de crise humanitaire.
    Le changement climatique rendra d’autant plus importante la capacité à venir en aide aux populations fragilisées.
    Malgré ces enjeux qui exigent une coopération étroite, jusqu’en 2021, le cadre de coopération dans le domaine de la défense n’était qu’un arrangement technique.
    L’accord que nous examinons permet de définir de nouvelles priorités pour notre défense avec l’Indonésie. Il ouvre la voie à la coopération en matière de renseignement dans le domaine de la défense, de formation militaire, mais aussi de maintien de la paix, d’aide humanitaire et de lutte contre la piraterie et le terrorisme. Il instaure un comité conjoint, au sein duquel la France et l’Indonésie pourront définir une doctrine commune sur tous ces domaines.
    Toutefois, l’accord ne comporte aucune disposition relative au statut des forces, qui fera l’objet d’une négociation ultérieure. Ces dispositions futures devront notamment traiter de l’articulation entre les compétences des juridictions pénales de l’État d’envoi et de l’État d’accueil, et faciliter l’entrée, le séjour et la sortie du territoire d’accueil des personnels de la partie d’envoi ainsi que l’importation de matériels en exonération de droits de douane et de taxes. En conséquence, les exercices conjoints de nos forces armées devront se dérouler hors du territoire indonésien. Une autre incertitude porte sur l’échange d’informations classifiées, que cet accord ne permet pas d’encadrer de manière satisfaisante –⁠ il remet la discussion à plus tard.
    En tout état de cause, le présent accord prouve l’engagement de la France à renforcer ses échanges avec l’Indonésie et sa position stratégique dans l’Indo-Pacifique. Il lui permet de compter parmi ses partenaires un pays non-aligné, qui a su préserver un certain équilibre dans cet océan de rivalités. Le groupe Horizons & indépendants votera donc en faveur de ce projet de loi. (Mme Maud Petit applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Molac.

    M. Paul Molac

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    Nous sommes appelés à nous prononcer sur l’approbation d’un accord de coopération en matière de défense entre la République française et la république d’Indonésie. Par-delà son aspect technique, ce texte revêt une portée stratégique majeure, non seulement pour notre pays, mais aussi pour la région indo-pacifique.
    Ce partenariat apporte une réponse cohérente aux question squi se posent dans un monde multipolaire. Il est fondé sur une relation équilibrée entre deux nations qui cultivent une tradition de non-alignement et défendent le principe de souveraineté dans leurs choix stratégiques. L’Indonésie, quatrième pays le plus peuplé du monde, première économie de l’Asean, est un acteur incontournable de l’Indo-Pacifique. Son positionnement entre l’océan Indien et le Pacifique en fait un pivot des grands équilibres géopolitiques.
    En soutenant ce projet de loi, nous affirmons notre volonté d’approfondir nos liens avec une région clé, où la France est présente par ses territoires ultramarins et où elle doit renforcer son engagement. Cette présence lui confère une responsabilité particulière en matière de sécurité et de stabilité régionales. Nous avons le devoir d’y défendre nos intérêts, de protéger nos ressortissants et de garantir la souveraineté de nos territoires. Face aux tensions croissantes en mer de Chine méridionale et aux dynamiques stratégiques qui s’y jouent, il est essentiel de développer des alliances solides avec des pays partageant notre attachement au multilatéralisme et à la liberté de navigation. C’est en nous appuyant sur des partenariats de confiance comme celui que nous construisons avec l’Indonésie, que nous pourrons affirmer notre rôle et préserver nos intérêts dans la région –⁠ et sa stabilité.
    Cet accord marque une avancée importante dans cette direction. Il instaure un cadre structuré pour la coopération militaire entre nos deux pays. Il favorise un partage d’expertise et le renforcement de l’interopérabilité entre nos forces armées. Il comprend également plusieurs axes concrets de coopération : l’échange de renseignement, la formation des militaires, le développement conjoint d’équipements militaires et de technologies de défense, ainsi que la lutte contre les menaces transnationales telles que la piraterie et le terrorisme.
    Toutefois, il convient de noter l’absence dans cet accord d’une clause Sofa, qui est pourtant un élément central des accords de coopération en matière de défense. Cette absence d’accord de statut des forces implique que les exercices conjoints devront se dérouler hors du territoire indonésien, ce qui limite l’efficacité de l’accord sur le plan opérationnel. Cela affectera également le volet formation de ce dernier. Nous devons donc, à l’avenir, travailler à la conclusion d’un tel accord bilatéral, afin de donner toute sa portée à la coopération stratégique et d’assurer un engagement militaire plus complet et plus fluide entre nos deux pays.
    Sur le plan économique, l’accord facilitera aussi l’implantation de notre base industrielle et technologique de défense (BITD). La France dispose d’une expertise reconnue –⁠ l’achat récent de quarante-deux avions Rafale par l’Indonésie en est la preuve éclatante. La vente de deux sous-marins Scorpène français aux forces indonésiennes vient renforcer cette dynamique et témoigne de la confiance accordée au savoir-faire français en matière de défense.
    Au-delà des exportations, il s’agit aussi d’accompagner nos industriels dans des projets de transfert de technologies et de coproduction locale. L’accord prévoit ainsi de renforcer la coopération industrielle dans le secteur de la défense, grâce aux possibilités de production commune et aux échanges de technologies, qui bénéficieront à la fois aux entreprises françaises et indonésiennes.
    Enfin, l’accord doit être vu comme une pierre dans un édifice plus large. Il est dans l’intérêt de la France de multiplier ce type de coopérations avec les pays qui partagent notre attachement au multilatéralisme et à l’indépendance stratégique. Dans l’Indo-Pacifique, d’autres partenariats de ce type devront être consolidés, notamment avec l’Inde, le Japon et l’Australie, afin de bâtir une architecture de sécurité équilibrée et inclusive.
    La stabilité et la prospérité de la région indo-pacifique doivent guider notre action diplomatique. En votant ce texte, nous envoyons un signal : la France est un acteur engagé, fiable et respectueux de ses partenaires. C’est pourquoi le groupe LIOT votera en faveur de ce projet de loi. (Mme Maud Petit applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Édouard Bénard.

    M. Édouard Bénard

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    L’examen de cet accord de coopération entre notre pays et l’Indonésie arrive à point nommé. Mme la rapporteure a décrit tout à l’heure sa ratification comme un signal politique. À l’heure où l’ordre d’un monde animé par l’hubris des puissances périclite, il convient de réaffirmer notre volonté d’une diplomatie non alignée. Contrairement à ce qu’affirme le Livre blanc sur la défense européenne publié il y a quelques heures, si sortir de l’Otan était une nécessité historique, c’est désormais une urgence politique !
    Nous le savons, le vieux monde vacille. Les alliances traditionnelles se fissurent sous le poids des rivalités sino-américaines, de l’incertitude européenne et des tensions commerciales exacerbées par la politique protectionniste d’augmentation des frais de douane de Washington. Dans ce contexte, la France doit repenser sa place et ses alliances. Nous ne pouvons plus nous contenter d’un positionnement hérité du siècle dernier ; nous devons nous ouvrir à de nouvelles perspectives, ce qui passe par des partenariats stratégiques et un dialogue permanent avec les pays des Brics +. C’est dans cette logique que s’inscrit l’accord de coopération avec l’Indonésie. Voilà pourquoi les députés du groupe GDR le soutiennent, malgré ses manquements.
    L’importance de la présence française dans l’Indo-Pacifique est un fait, en Polynésie et en Kanaky Nouvelle-Calédonie. L’Indonésie est devenu un acteur clé de cette zone. Son adhésion aux Brics + en 2023 est un signal fort. La relation franco-indonésienne contribue à répondre à l’exigence de relations internationales qui ne s’inscrivent pas dans une logique de blocs, et, j’irai plus loin, qui puissent remettre en cause les mécanismes financiers de la domination des États-Unis, en construisant un multilatéralisme nouveau, non pas par opportunisme, mais par réalisme.
    Certes, la croissance moyenne annuelle de 5 % de l’Indonésie en fait une puissance économique en devenir, mais son intégration au G20, aux Brics et sa demande d’adhésion à l’OCDE l’incitent déjà à jouer un rôle clé dans l’Asean et à s’ériger en pilier central de la stabilité régionale. Elle est également un acteur clé du commerce mondial : le détroit de Malacca, par lequel transite un tiers du commerce international, est sous son influence directe.
    Ainsi, ce partenariat n’est pas une rupture, mais une continuité. Il s’inscrit dans la logique de notre diplomatie dans la zone indo-pacifique. Il permet d’approfondir notre coopération militaire et économique avec une nation qui, non sans contradictions, continue de participer à un ordre mondial multipolaire. L’Indonésie l’a démontré historiquement en 1955, lors de la conférence de Bandung, où elle fut l’une des premières à plaider pour un monde libéré des tutelles coloniales et des grandes puissances dominantes, et, plus récemment, lors du coup d’État militaire au Myanmar en 2021, où elle a privilégié une approche diplomatique concertée plutôt que la confrontation.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Exactement !

    M. Édouard Bénard

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    Son rôle de médiateur régional en fait un partenaire nécessaire face aux ambitions impérialistes dans la région.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Cela devrait nous inspirer !

    M. Édouard Bénard

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    Si l’accord de 2012 entre la France et l’Indonésie a ouvert une première porte, nous devons désormais aller plus loin. Nos territoires ultramarins dans l’Indo-Pacifique nous rappellent chaque jour l’importance de la région pour la France. Plutôt que d’y être spectateur, nous devons en être un acteur. Cependant, au-delà de la clarification du statut juridique de nos forces armées en Indonésie, il est nécessaire désormais de prendre en compte l’enjeu climatique dans une région où la montée des eaux et l’intensification des catastrophes naturelles constituent une menace majeure pour la stabilité.
    Enfin, il y a la technique, et il y a la politique. Parce que la coopération n’est en rien synonyme d’assujettissement, le pays des droits de l’homme ne peut se taire sur ses velléités universalistes en matière d’abolition de la peine de mort, de non-criminalisation des personnes LGBT ou d’apport de garanties des droits fondamentaux. C’est ce que nous attendons de la diplomatie française.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Très bien !

    M. Édouard Bénard

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    Ces contradictions, que j’évoquais tout à l’heure, n’enlèvent rien à la contribution de Jakarta aux opérations de maintien de la paix des Nations unies ainsi qu’à son choix permanent de la défense du droit international.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Cela devrait nous inspirer aussi !

    M. Édouard Bénard

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    Alors que le monde change, cet accord avec l’Indonésie concourt à nous assurer une place dans le nouvel ordre mondial qui émerge. C’est pourquoi nous voterons en sa faveur.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Bravo, monsieur le député !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Maxime Michelet.

    M. Maxime Michelet

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    Alors que les relations internationales traversent un moment cathartique, nous sommes invités à ratifier un accord de défense conclu avec un partenaire important de notre pays, l’Indonésie. Partout, nous assistons au retour du réalisme diplomatique, marqué par une assertivité croissante des grandes puissances à défendre leurs intérêts nationaux. Cette realpolitik s’accompagne d’un grand réarmement du monde –⁠ les budgets militaires sont en hausse, partout autour du globe. Il y a deux semaines, la Chine a annoncé une augmentation de ses dépenses de défense de 7,2 % en 2025. Elle maintient ainsi le rythme de croissance déjà enregistré en 2024 et consolide plus que jamais son rang de seconde puissance militaire.
    En ce XXIe siècle, la Chine est incontestablement le plus grand rival de l’Occident. Sans détourner le regard des menaces de déstabilisation aux frontières de l’Europe, il serait donc périlleux de détourner le regard des dangers qui existent dans l’Indo-Pacifique où, sans doute, les grands conflits de notre siècle se déclencheront, ou ne se déclencheront pas. Face à l’état du monde, la France a le devoir de l’influence, de la force et de la puissance.
    Malheureusement, le déclin de notre influence est partout palpable. En Afrique, le départ forcé de nos troupes du Tchad, du Sénégal, du Niger, et maintenant de Côte d’Ivoire, signe notre déclassement. Au Moyen-Orient, nous devenons un acteur secondaire, perdant notre rôle auprès de relais d’influence essentiels comme le Liban. En Asie, l’Azerbaïdjan, que nous n’avons pas su empêcher de piétiner la souveraineté arménienne, s’ingère dans nos affaires intérieures en pariant sur la déstabilisation de la Nouvelle-Calédonie. En Europe enfin, la paix en Ukraine, à 2 400 kilomètres de Paris, s’écrit sans nous. Notre déclin est réel alors même que le désordre international est riche de menaces pour nos intérêts.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Mauvaise lecture !

    M. Maxime Michelet

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    Compte tenu de la situation du monde et de l’affaiblissement continu de la voix de notre pays, le traité de coopération avec l’Indonésie n’a jamais été aussi essentiel. Grâce à la France des océans et à nos territoires ultramarins, nous avons des intérêts vitaux incontestables dans la zone indo-pacifique, où vivent 1,6 million de nos compatriotes. Pas moins de 92 % de notre zone économique exclusive, grâce à laquelle la France est la deuxième puissance maritime mondiale, y est située. En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie, nos bases militaires avancées ne sont pas de simples avant-postes mais des points d’ancrage essentiels de notre puissance et d’un de ses éléments primordiaux : notre dissuasion nucléaire.
    La France n’est donc pas seulement une puissance européenne, mais bien une puissance mondiale. Malgré l’importance des intérêts européens à l’Est du continent, ne nous égarons pas à oublier les intérêts vitaux de la France de l’autre côté du globe. Il paraît indispensable de le rappeler, en particulier dans le contexte de la révision de notre revue nationale stratégique.
    Face à l’hyperpuissance économique, géopolitique, culturelle mais aussi militaire de l’empire du Milieu, dont l’histoire même est inséparable du tropisme impérial et hégémonique, la France ne doit sous-estimer aucune alliance en Asie et dans le Pacifique.
    Alors que la Chine renforce chaque année son emprise sur les routes stratégiques du Pacifique, alors qu’elle s’est adjoint, avec la Russie, un allié solide et désormais étroitement associé, alors que ses technologies nucléaires pourraient bientôt rivaliser avec celles de l’Occident, nous devons à tout prix intensifier nos partenariats stratégiques en Indo-Pacifique, en particulier avec l’Indonésie.
    Puissance régionale se revendiquant non alignée, émancipée de la concurrence sino-américaine, ce qui a facilité l’émergence d’une relation de confiance, l’Indonésie est notre deuxième client asiatique en matière d’armement. Elle nous a ainsi acheté quarante-deux avions de combat Rafale qui seront livrés en 2026, pour une valeur de 8 milliards d’euros. Un contrat a également été signé avec Naval Group pour une livraison, en 2031, de deux sous-marins Scorpène, pour un montant de 2 milliards d’euros.
    La confiance ainsi témoignée dans nos fleurons industriels nous honore et nous conforte, trois ans après le fiasco des sous-marins australiens. Le comité conjoint, prévu par l’accord, permettra de mieux structurer cette si précieuse coopération. Il renforcera notamment le lien entre la direction générale de l’armement et les autorités indonésiennes, ouvrant la voie à de nouveaux contrats. De la même manière, l’engagement de travailler à un accord sur les statuts des forces paraît aller dans le bon sens.
    La France est une puissance mondiale et doit se comporter comme telle. Par son histoire militaire, culturelle et diplomatique comme par la géographie de ses territoires, notre pays a un rôle unique à jouer dans l’Indo-Pacifique, où les destinées du XXIe siècle s’écriront. Ne manquons pas ce rendez-vous avec l’histoire du monde. Le groupe de l’Union des droites pour la République approuve et votera la ratification de cet accord de défense. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Frédéric Boccaletti.

    M. Frédéric Boccaletti

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    Le groupe Rassemblement national fait souvent état des lacunes diplomatiques des gouvernements successifs, comme en témoigne le cas de l’Afrique, où nos relations bilatérales se sont drastiquement détériorées, au Tchad, au Sénégal, au Mali, au Niger ou encore au Burkina Faso –⁠ pays qui restent toutefois attachés à la France, j’en veux pour preuve l’excellent accueil réservé à Marine Le Pen il y a quelques jours par le président tchadien.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Un grand démocrate !

    M. Frédéric Boccaletti

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    Le groupe Rassemblement national se doit néanmoins de saluer les récents efforts de positionnement dans certaines zones clés. C’est le cas en Indonésie, pays partenaire hautement stratégique, avec lequel nous célébrons cette année le 75e anniversaire de nos relations diplomatiques. Ce pays constitue un axe clé de l’influence française dans la région indo-pacifique liée aux territoires ultramarins où vivent de nombreux ressortissants français. C’est un territoire au cœur des enjeux économiques, par lequel transite plus d’un tiers du commerce maritime mondial. C’est enfin une zone militairement stratégique puisque, ces dernières années, les tensions sino-américaines s’y sont cristallisées, à tel point que certains y voient l’épicentre d’un futur conflit majeur.
    La France se doit également de contribuer au maintien des routes maritimes et à celui d’un espace ouvert, libéré de toute forme de coercition, fondé sur le respect du droit international et du multilatéralisme. Elle doit également y préserver sa souveraineté, la sécurité de ses 1,65 million d’administrés et la stabilité environnementale. Jamais plus qu’aujourd’hui le monde n’a eu autant besoin de la France, de sa voix et de sa diplomatie.
    De plus, nos contrats industriels sont au beau fixe avec le partenaire indonésien, qui consacre d’ailleurs 50 % de son budget d’acquisition de défense à du matériel français –⁠ attitude qui devrait inspirer nos voisins européens pourtant confrontés aux mêmes défis que la France. Le fort intérêt indonésien pour la qualité des équipements de défense français offre des pistes de partenariat durables. Je pense aux avions de combat Rafale et aux avions de transport A400M, mais également aux camions équipés d’un système d’artillerie Caesar et aux sous-marins Scorpène.
    Le contrat d’exportation de quarante-deux Rafale, conclu en 2022, est d’ailleurs un franc succès : il représente, sur la scène internationale, l’idée selon laquelle la France est un partenaire privilégié et fiable pour construire un monde tourné vers la paix. Hier, aujourd’hui et demain, l’Indonésie fait le pari de la France, rejoignant ainsi les Émirats arabes unis, l’Égypte, le Qatar, l’Arabie Saoudite, l’Inde, la Grèce, la Belgique et Singapour –⁠ cette liste n’est bien sûr pas exhaustive.
    En 2025, la France doit incarner pleinement l’idéal du non-alignement. La signature d’un contrat de livraison de deux sous-marins Scorpène avec Naval Group en est une bonne illustration. Ce succès permet d’envoyer un message fort à ceux qui douteraient encore de l’excellence de notre base industrielle et technologique de défense, indépendante de toute contrainte d’utilisation et permettant une totale autonomie stratégique.
    Sur le volet opérationnel, via les exercices Pégase et La Pérouse, les forces françaises et indonésiennes sont fréquemment en contact. À cet égard, je souhaite également saluer la décision historique de notre partenaire d’autoriser le groupe aéronaval à manœuvrer en Indonésie dans le cadre de la mission Clemenceau 2025. J’en profite également pour saluer nos 8 300 soldats en mission dans cette zone indo-pacifique, qu’ils soient sur terre, en l’air, ou sous le niveau de la mer.
    Notre diplomatie doit impérativement renouer avec ce qui fut sa force, à savoir le triptyque rappelé par Marine Le Pen : indépendance, équidistance et constance –⁠ une voix si singulière que beaucoup de pays dans le monde aimeraient entendre à nouveau et dont l’objectif doit être encore et toujours la paix. Renforcer notre réseau de partenaires dans la zone indo-pacifique permettra à la France d’asseoir sa stratégie et d’apparaître comme un acteur incontournable de la zone.
    En conclusion, cet accord est une occasion pour notre pays de continuer à préserver cet espace ouvert, stable et libre de toute forme de coercition. Il permet d’accentuer notre coopération avec un pays allié et favorise le développement d’accords industriels et commerciaux bénéfiques à nos deux nations. Nous sommes donc favorables à ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La discussion générale est close.

    Discussion des articles

    Mme la présidente

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique du projet de loi.

    Vote sur l’article unique

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’article unique du projet de loi.

    (L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix heures cinq, est reprise à dix heures dix.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    3. Sortir la France du piège du narcotrafic

    Suite de la discussion d’une proposition de loi

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic (nos 907, 1043 rectifié).

    Discussion des articles (suite)

    Mme la présidente

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    Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant à l’amendement no 548 portant article additionnel après l’article 23 quinquies, appelé par priorité.

    Après l’article 23 quinquies (amendement appelé par priorité)

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement no 548, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Romain Baubry, pour soutenir cet amendement.

    M. Romain Baubry

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    Monsieur le ministre de la justice, monsieur le rapporteur, vous et nous, au Rassemblement national, nous pouvons nous accorder sur un point : nous voulons assurer davantage la sécurité de tout le personnel pénitentiaire. Nous savons bien que les parloirs constituent un moyen d’introduction d’objets interdits et dangereux, tels que les téléphones portables qui peuvent servir à préparer des évasions, à continuer à gérer les trafics ou à mettre la pression sur le personnel pénitentiaire. Il y a aussi des armes, parfois en céramique, comme des couteaux, qui ne sont pas détectées par les portiques.
    Cet amendement ne vise pas à rendre possible la fouille quotidienne d’un détenu, mais à rétablir la fouille à la sortie du parloir. Seuls 15 % des détenus font l’objet d’une telle fouille et il est fréquent que des détenus qui se font moins remarquer et dont la détention pose moins de problèmes fassent rentrer des objets interdits, sous la menace d’autres détenus davantage surveillés par le personnel pénitentiaire.
    Les portiques ne détectent pas tout, vous le savez bien, monsieur le ministre. Peu d’établissements pénitentiaires sont équipés de scanners à ondes millimétriques pour renforcer leur sécurité. Le seul moyen d’espérer parvenir à l’étanchéité des établissements pénitentiaires reste la fouille à la sortie du parloir. Si les personnels pénitentiaires demandent cette mesure, ce n’est pas parce qu’ils aiment fouiller les détenus mais parce que cela assure leur sécurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Vincent Caure, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

    M. Vincent Caure, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Nous avons longuement débattu hier de la question des fouilles –⁠ vous étiez présent, tout comme moi. Nous sommes tous conscients du risque que des objets soient introduits dans le milieu pénitentiaire, par exemple lors des parloirs. Je pense toutefois que la solution réside dans la proportionnalité ; il faut laisser l’autorité pénitentiaire libre de décider de l’opportunité d’une fouille en fonction des circonstances, comme l’article R. 225-1 du code pénitentiaire l’y autorise. Vous proposez d’en généraliser la possibilité indépendamment des circonstances, sans tenir compte des engagements conventionnels de la France ni des décisions passées du Conseil d’État. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du gouvernement.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Émilie Bonnivard.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Le groupe Droite républicaine soutiendra cet amendement car, en réalité, le principe de non-systématicité des fouilles a pour effet de les rendre quasiment impossibles. Le manque d’effectifs dans les établissements pénitentiaires empêche les agents –⁠ ils me l’ont dit – de réaliser des fouilles hebdomadaires dans les cellules. Il n’y a plus de fouilles dans nos prisons, ou pas suffisamment au regard des objets qui pénètrent dans les établissements. Or le parloir, porte d’entrée majeure, constitue un risque maximal à cet égard. Nous voterons l’amendement, car il nous semble très important d’améliorer drastiquement l’étanchéité des établissements pénitentiaires.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 548.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        75
            Nombre de suffrages exprimés                74
            Majorité absolue                        38
                    Pour l’adoption                36
                    Contre                38

    (L’amendement no 548 n’est pas adopté.)

    Article 23 (appelé par priorité)

    Mme la présidente

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    Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 23.
    Je vous informe que, sur les amendements identiques nos 272, 309, 541 et 713, je suis saisie par les groupes Ensemble pour la République et La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Pascale Bordes.

    Mme Pascale Bordes

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    L’article 23 vise à augmenter modestement la durée de la détention provisoire pour les délits liés au narcotrafic ou commis en bande organisée : elle passerait de quatre à six mois et ne pourrait excéder deux ans, une durée maximale que prévoit d’ailleurs déjà l’article 145-1 du code de procédure pénale. Rien de bien révolutionnaire.
    L’article 23 prévoit aussi la possibilité pour les services pénitentiaires de procéder dans certaines conditions à la captation, l’enregistrement et la transmission d’images au moyen de caméras installées sur des drones.
    Enfin, il prévoit la possibilité de recourir sous certaines conditions à la visioconférence pour des audiences relatives au placement en détention provisoire ou à la prolongation de ce placement. Encore une fois, rien de bien révolutionnaire.
    Il s’agit simplement de mesures de bon sens plébiscitées par les professionnels concernés que sont les magistrats, les greffiers et les personnels de l’administration pénitentiaire. Elles correspondent à des demandes très fortes de ces personnes confrontées quotidiennement à une extrême violence qui met en danger leur intégrité physique et celle de leur famille. On aurait pu s’attendre à ce que de telles dispositions fassent consensus, mais non. Une fois de plus, des amendements de suppression ont été déposés…

    M. Antoine Léaument

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    Oui !

    Mme Pascale Bordes

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    …contre ces mesures de bon sens plébiscitées par les professionnels. Pour quelle raison ?

    M. Antoine Léaument

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    Attendez donc, nous n’avons pas encore pu parler !

    Mme Pascale Bordes

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    Selon la gauche et l’extrême gauche, ces dispositifs ne seraient pas compatibles avec l’État de droit. Puisque vous vous revendiquez de l’État de droit,…

    M. Antoine Léaument

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    Oui !

    Mme Pascale Bordes

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    …je vous rappelle que dans un État de droit, on n’assassine pas les hommes chargés du transfert de prisonniers. Dans un État de droit, on ne tue pas les enfants, on ne pousse pas les enfants à se prostituer pour acheter leur dose de drogue. (MM. Ugo Bernalicis et Jérémie Iordanoff s’exclament.) Dans un État de droit, on ne menace ni les magistrats, ni les greffiers, ni les personnels pénitentiaires, ni les dockers. Dans un État de droit, la criminalité n’est pas la norme. Dans un État de droit, les trafiquants ne font pas la loi. C’est la raison pour laquelle le Rassemblement national votera contre les amendements de suppression et pour l’article 23. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sébastien Huyghe.

    M. Sébastien Huyghe

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    L’article 23 vise à réformer la détention provisoire et à prévoir de nouvelles mesures de lutte contre le développement du trafic pendant la détention. Il s’agit de faire face aux nouvelles menaces sécuritaires en renforçant nos outils techniques et juridiques ainsi que nos armes procédurales.
    L’article répond aux réalités du terrain par trois mesures pragmatiques. Premièrement, il tend à allonger de quatre à six mois la durée du mandat de dépôt correctionnel initial en matière de délinquance organisée. Deuxièmement, il vise à étendre le recours à la visioconférence, qui devient la norme lorsque l’infraction reprochée relève du champ de la criminalité organisée au sens de l’article 706-73 du code de procédure pénale, même en cas de refus de la personne visée. Troisièmement, il vise à permettre à l’administration d’utiliser des drones sur le domaine pénitentiaire afin de sécuriser les établissements ; ils contribueront notamment à la lutte contre les projections.
    La criminalité organisée gangrène nos territoires. Elle s’adapte, se renforce, défie l’État de droit. Face à elle, nous devons être intransigeants. Soyons lucides : nous avons besoin de ces nouveaux outils. Le groupe Ensemble pour la République votera cet article.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    En commission, nous vous avions proposé de supprimer l’article 23 pour que vous puissiez en réintroduire les dispositions d’une manière plus correcte pour l’Assemblée nationale. En l’état, c’est un article fourre-tout ! Il concerne à la fois l’augmentation de la durée de détention provisoire, le recours à la visioconférence lors des audiences ou encore la captation d’images par des drones.
    Dans ce fourre-tout, nous ne sommes d’accord qu’avec une petite ligne : la mesure instituant la formation obligatoire des personnels pénitentiaires à la gestion des risques corruptifs. Nous sommes favorables à des formations obligatoires en la matière, car les agents pénitentiaires sont particulièrement exposés aux risques corruptifs et ont besoin d’être formés ; si la formation n’est pas obligatoire, le risque s’en trouve accru.
    Nous sommes en désaccord avec tout le reste de cet article kilométrique qui porte atteinte aux droits et libertés fondamentaux. D’ailleurs, les commissaires aux lois sont tombés assez largement d’accord pour s’opposer à la visioconférence.

    M. Sébastien Huyghe

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    C’est faux !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    La disposition a été votée en commission !

    M. Antoine Léaument

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    En tout cas, les avocats et les praticiens du droit sont contre. Puisque vous parlez souvent des gens qui sont sur le terrain ou des retours du terrain, on pourrait penser que leur avis vous importe. Eh bien, les avocats sont contre,…

    Mme Pascale Bordes

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    Non !

    M. Antoine Léaument

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    …à part Mme Bordes, qui répond toujours présente dès lors qu’il s’agit de réduire les droits des personnes détenues. (Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.) Voyez, ils sont contents ! Regardez ce que vous êtes en train de faire ! Dans ce texte censé traiter du narcotrafic, vous parlez essentiellement de réduction des droits.
    Pour notre part, quitte à faire des articles fourre-tout, nous aimerions plutôt parler de prévention, de baisse de la consommation et des autres mesures qui pourraient réellement sortir la France du piège du narcotrafic. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Valérie Bazin-Malgras.

    Mme Valérie Bazin-Malgras

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    L’article prévoit plusieurs dispositions touchant au régime d’incarcération des narcotrafiquants, relatives aux conditions de détention, aux procédures à respecter et à la bonne information du Parlement concernant les dispositions techniques de lutte contre le narcotrafic en milieu carcéral.
    J’appelle en particulier votre attention sur l’utilisation renforcée des moyens de télécommunication audiovisuelle. Il est absolument nécessaire que la visioconférence devienne la règle et que les détenus ne puissent plus la refuser lorsqu’ils sont mis en examen pour une infraction relevant de la criminalité ou de la délinquance organisées. L’extraction judiciaire présente un risque d’atteinte grave à la sécurité publique et à celle des agents pénitentiaires. Je souhaite rendre hommage à ceux d’entre eux qui ont perdu la vie : nous avons toujours en mémoire le drame d’Incarville, en mai 2024, qui a conduit à la mort de deux agents.
    Les agents pénitentiaires sont confrontés à des individus de plus en plus dangereux et déterminés. Ils disposent de moyens humains et matériels souvent insuffisants pour assurer leur sécurité et celle de nos concitoyens. Soyons solidaires de leur dévouement et mobilisons-nous contre tous les amendements qui iraient dans le sens contraire ; c’est une demande des gardiens de prison et des agents pénitentiaires.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pouria Amirshahi.

    M. Pouria Amirshahi

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    Aux critiques formulées par Antoine Léaument sur les dispositions dangereuses, privatives de liberté et excessives que contient l’article –⁠ même si nous avons obtenu en commission qu’elles soient quelque peu limitées –, j’ajoute une remarque de fond : vous ne vous visez pas seulement le haut du spectre. Vous mettez en cause toute une série de dispositions qui encadrent la détention provisoire et ne se limitent pas au narcotrafic. Le contenu de l’article 23 –⁠ je pense aux conditions de réexamen de la détention provisoire, à l’allongement de la procédure de demande de mise en liberté et à d’autres dispositions sur lesquelles nous reviendrons point par point – que vous avez réintroduit dans le texte entre en contradiction avec le principe de départ consistant à viser le haut du spectre, qui avait pourtant fait l’objet d’un consensus. Les dispositions proposées ont de facto une portée générale.
    Il suffit d’observer qui sont les plus ardents défenseurs de l’article. Comme hier, on entend peu le bloc central : c’est surtout le Rassemblement national qui prend la parole pour soutenir ces mesures.

    M. Antoine Léaument

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    C’est vrai !

    M. Pouria Amirshahi

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    Gardez ce point en tête, car il dit tout du virage que vous êtes en train d’effectuer et de la direction que vous prenez.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte.

    M. Arthur Delaporte

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    De nombreuses dispositions de l’article suscitent la vigilance de notre groupe. Je pense notamment à la possibilité de prolonger la durée de détention provisoire de manière quasi illimitée tant qu’une décision judiciaire n’est pas prise. Au-delà de cette mesure particulièrement inquiétante, d’autres, qui visent à limiter les recours, portent atteinte au droit au recours effectif. Nous en sommes très inquiets, aussi défendrons-nous plusieurs amendements visant à supprimer divers éléments. Plus généralement, nous sommes opposés aux dispositions de l’article 23 qui limitent de manière exorbitante les droits de la défense ; nous estimons qu’il faut impérativement toiletter l’article.

    M. Antoine Léaument

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    Le toiletter ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Je remercie les parlementaires qui ont soutenu cet article très important. Dans ma réponse, je me concentrerai sur la question de la visioconférence, qui fait le plus débat.
    Premièrement, je tiens à dire à M. Amirshahi qu’il ne s’agit pas d’un dispositif général. L’amendement proposé par le gouvernement en commission des lois –⁠ où, monsieur Léaument, il a été adopté –…

    M. Antoine Léaument

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    Je n’ai pas dit le contraire !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Vous avez dit que les commissaires aux lois ne l’avaient pas adopté. Vous étiez contre, mais La France insoumise n’est pas majoritaire en commission des lois, heureusement pour la République ! (Sourires sur quelques bancs des groupes RN et DR. –⁠ M. Olivier Marleix applaudit.)
    Je veux donc dire à M. Amirshahi que les dispositions prévues ne sont pas générales, mais s’appliquent aux infractions qui touchent la criminalité organisée. Vous avez raison, sur 82 000 détenus, elles concernent 27 000 personnes –⁠ ce qui est bien moins que la moitié, vous l’avez compris.
    Vous savez que le Conseil constitutionnel avait censuré une disposition similaire prévue pour l’ensemble des détenus, dont acte. Le Conseil d’État a estimé –⁠ et nous le regrettons – que, pour que l’emploi de la visio-audience utilisée pour éviter les extractions, comme l’a expliqué Mme Bazin-Legras, puisse être validé constitutionnellement, il fallait resserrer encore le dispositif pour le réserver aux personnes qui relèvent du régime de détention des quartiers de lutte contre la criminalité organisée.
    C’est logique et très certainement constitutionnel, mais sans doute un peu décevant pour le garde des sceaux et les agents pénitentiaires. Cependant, comme je n’ai qu’une parole, M. Amirshahi, et que j’ai dit que je suivrai la position du Conseil d’État sur ce texte, parmi les amendements que nous examinerons, il en est un qui vise à resserrer le dispositif autour des détenus affectés au sein des quartiers de lutte contre la criminalité organisée, selon le régime que nous avons adopté hier soir. Cela concerne donc, dans un tout premier temps, les 200 personnes qui seront détenues dans les deux prisons de haute sécurité qui seront construites, puis entre 600 et 1 000 personnes sur 82 000 personnes détenues ; il ne s’agit donc pas du tout d’un dispositif général.
    Deuxièmement, on peut discuter tant qu’on veut sur la visio, mais il faut alors se demander si ce dispositif existe ailleurs en Europe, s’il est conventionnel. Or la réponse est oui. Nous sommes l’un des seuls pays à ne pas utiliser la visioconférence pour les confrontations et les discussions avec les magistrats.
    En Italie, le régime qui a été validé l’autorise également pour la phase du jugement et du prononcé de la peine. Ce n’est pas ce que propose le gouvernement de la République.

    M. Antoine Léaument

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    Pour l’instant !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Il propose de n’autoriser la visioconférence que pour les actes en dehors du jugement et du prononcé de la peine.
    La deuxième différence, c’est que nous inscrivons dans la loi que le magistrat peut s’opposer à la visioconférence, tandis que jusqu’à présent le détenu pouvait s’y opposer. Le magistrat peut donc s’y opposer ne serait-ce que parce qu’il peut avoir besoin de voir physiquement le détenu, parce qu’il procède à une confrontation, parce qu’il considère qu’il peut y avoir un risque de corruption.
    J’encourage les magistrats à se rendre dans les centres de détention parce que –⁠ cela a été dit et redit, y compris récemment par des magistrats de manière publique –voir physiquement quelqu’un, ce n’est pas nécessairement le faire venir dans son office en procédant à une extraction, mais aussi aller sur place.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Tout à fait !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Je sais que certains magistrats le font, cependant il faut aussi avouer que ce n’est pas toujours possible parce qu’il n’y a pas la place pour un greffier, qu’il n’y a pas d’imprimante ou que les lieux ne sont pas aménagés.
    Je prends en considération cette question et, dans les deux prisons de haute sécurité, nous aménagerons non seulement des salles de visioconférence totalement sécurisées, mais également des lieux où les magistrats pourront venir avec leur office, notamment un greffier, afin de procéder aux auditions dans la prison. En effet, ce n’est pas de la faute des magistrats s’ils n’y viennent pas, c’est que nous n’avons pas aménagé ces lieux pour les accueillir dignement.
    Troisièmement, cela pose une question que vous n’avez pas évoquée, mais qui est très importante pour la République ; elle ne relève pas du domaine législatif, mais c’est un enjeu majeur pour la sécurité. Les criminels disposant d’une surface financière tellement étendue, nos moyens de communication doivent être totalement sécurisés, ce qui n’est pas encore le cas.
    L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) a démontré les failles possibles de nos réseaux de communication. Des criminels qui disposent de millions, voire de dizaines de millions d’euros, pour commander des assassinats et corrompre des agents publics, auront les moyens de payer des attaques cyber pour entendre ce qu’il se dit ou pour empêcher la télécommunication. En même temps que nous discutons des dispositions de cette proposition de loi, nous renforçons le plus possible la sécurité des moyens de télécommunication, notamment grâce aux travaux que nous mènerons durant trois mois à Vendin-le-Vieil et à Condé-sur-Sarthe.
    Quatrièmement, ces moyens de télécommunication sont déjà utilisés dans le contentieux administratif. Quand il y a un contentieux de l’incarcération, par exemple quand M. Salah Abdeslam, qui est incarcéré à la prison de Vendin-le-Vieil, vient à contester son régime de détention devant le juge au tribunal administratif de Lille, l’audience se déroule en visioconférence. Les magistrats pourraient demander à voir M. Abdeslam, mais il exerce ses droits par la visioconférence. Cela évite que celui qui est sans doute l’une des personnes les plus dangereuses de France prenne l’autoroute avec quinze à vingt policiers, gendarmes et agents pénitentiaires, dans des conditions dans lesquelles il est possible que se produisent des violences, pour l’amener à 200 kilomètres de là, pour passer quelques minutes et repartir.
    Personne ne peut faire semblant d’ignorer que les extractions judiciaires présentent un risque très élevé, et ce d’abord pour les détenus, dont j’ai dit qu’ils étaient aussi la cible des organisations criminelles. En effet, lors de l’évasion de M. Amra, nous nous sommes d’abord interrogés pour savoir s’il avait été lui-même victime d’un règlement de comptes, comme cela est tout à fait possible, vous le savez.
    Le dispositif prévu protège donc d’abord les détenus, surtout s’ils veulent voir le magistrat pour entrer dans le système de repentis, par exemple. Je ne vais pas vous raconter l’intégralité de la discussion entre Jacques Brel et Lino Ventura dans ce film où le personnage joué par le premier veut assassiner quelqu’un qui s’apprête à parler devant un tribunal, mais il est évident que de telles choses se passent dans d’autres pays et parfois dans le nôtre : on veut faire taire celui qui va parler. C’est donc aussi une mesure de protection du détenu.
    Ensuite, c’est une protection pour l’administration pénitentiaire. Dans l’affaire Amra, c’est lors d’une extraction pour une démarche absolument formelle –⁠ car M. Amra est resté quelques instants dans le cabinet du juge d’instruction à Rouen – qu’un piège a été tendu sur le chemin du retour aux agents pénitentiaires, qui a causé l’assassinat de deux d’entre eux.
    Le dispositif prévu à l’article 23 est le moyen moderne que nous appliquons pour éviter de tels dangers.
    Monsieur Baubry, je partage ce que vous avez dit : nous devons équiper en scanners à ondes millimétriques les prisons françaises ; vous avez raison de dire que ce n’est pas fait. Comme l’a dit Mme Bonnivard, vous avez raison de soutenir que les agents pénitentiaires sont en danger du fait du manque de moyens. Cependant, la fouille systématique ne me paraît pas être une demande de tous les agents pénitentiaires. Pour avoir rencontré à plusieurs reprises les syndicats pour parler de cette proposition de loi, eux-mêmes disent qu’il faut laisser cette décision au chef de détention en lui donnant les moyens de le faire. C’est pour cela que je n’ai pas donné un avis favorable à votre amendement.
    Je veux dire aux groupes socialiste et écologiste que les syndicats de la pénitentiaire réclament tous cette disposition.

    M. Sylvain Maillard

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    Bien sûr !

    M. Antoine Léaument

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    Et aussi la retraite à 60 ans !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Le syndicat FO –⁠ cela devrait parler aux socio-démocrates… (M. Antoine Léaument s’exclame.) Ne dites pas de mal du syndicat FO, monsieur Léaument. Lisez plutôt leurs tracts.

    M. Ugo Bernalicis

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    Non, non, c’est bon !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Le syndicat FO lui-même déplore que l’avis du Conseil d’État tend à réduire à l’excès la possibilité de recourir à la visioconférence.
    Je les comprends, mais j’essaie de rédiger avec vous un texte constitutionnel. Quoi qu’il en soit, tous les syndicats pénitentiaires réclament cette disposition, des plus à gauche…

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Et la CGT ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Je respecte énormément la CGT, comme vous le savez, monsieur le député, et je l’ai d’ailleurs citée hier en réponse à Mme Faucillon. On ne peut pas ne pas le reconnaître : tous les syndicats de la pénitentiaire, aussi bien ceux des cadres que ceux des agents pénitentiaires, réclament la visioconférence. Nous pourrions aborder cette question avec moins d’idéologie et plus de pragmatisme pour protéger nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    M. Sylvain Maillard

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    Il a raison !

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 272, 309, 541 et 713, tendant à supprimer l’article no 23.
    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 272.

    M. Ugo Bernalicis

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    Encore une fois, nous voyons clairement, aussi bien pour les dispositions de cet article sur les délais de détention provisoire que sur la visioconférence, qu’un manque de moyens entraîne une restriction de liberté.
    Les mêmes syndicats de surveillants que vous citez vous diraient que, s’ils avaient des effectifs suffisants, il n’y aurait pas de difficulté pour faire des extractions ou amener la personne auprès du magistrat. En revanche, dès lors qu’il n’y a pas assez de monde sur les coursives, qu’il y a plein de choses à faire et que le taux d’occupation s’élève à 150 % en moyenne, notamment dans les maisons d’arrêt, effectivement, si on pouvait gratter un peu de temps et garder les agents sur place en procédant à des visio-audiences, ce serait plus simple. Mais encore une fois, ce qu’il faut faire changer en priorité, c’est le manque de moyens.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Pas seulement !

    M. Ugo Bernalicis

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    Il en va de même pour les délais de détention provisoire. On nous dit qu’il faut la prolonger parce que les enquêtes sont longues. Mais si elles sont longues, c’est parce qu’on manque de juges d’instruction pour les mener, et que les juges d’instruction eux-mêmes manquent d’enquêtrices et d’enquêteurs. À chaque fois, c’est la même chose. Cela fait désormais sept ans que je suis là, et cela fait sept ans que vous présentez des textes de loi, non pas parce qu’ils contiennent des mesures dont, dans l’absolu, vous jugez qu’elles seraient un bon point d’équilibre entre l’ordre public et la liberté, mais parce qu’il n’y a pas les moyens nécessaires au bon fonctionnement de la justice, à son fonctionnement idéal.
    On voit comment vous fonctionnez. Au départ, les visio-audiences sont interdites. Ensuite, vous dites qu’elles sont autorisées seulement si le détenu est d’accord, pour que cette disposition ne soit pas censurée par le Conseil constitutionnel. Une fois qu’il a validé ça, vous voulez inverser les choses, pour faire en sorte que le détenu ne puisse plus s’y opposer, mais que seul le magistrat en ait le droit.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Oui !

    M. Ugo Bernalicis

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    Pourtant, vous ne faites pas confiance aux magistrats pour prendre la décision de procéder à une visioconférence. Finalement, vous vous coupez de la possibilité de l’échange physique qui permet à des gens de parler, y compris de passer aux aveux, de passer à table, comme on dit.

    Mme la présidente

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    Merci de conclure, monsieur le député.

    M. Ugo Bernalicis

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    Vous demanderez donc aux magistrats de préjuger si la discussion aura un intérêt. (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé.)

    Mme Émilie Bonnivard

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    Non !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 309.

    Mme Colette Capdevielle

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    J’ai cosigné cet amendement avec Mme Caroit –⁠ je pense qu’elle ne tardera pas à arriver – et je tiens à lui rendre hommage pour le courage dont elle fait preuve, pour son groupe, en tenant bon notamment sur l’État de droit et la défense des libertés fondamentales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)

    M. Antoine Léaument

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    Très bien !

    Mme Colette Capdevielle

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    L’amendement no 309 tend à supprimer l’article 23 dont l’objectif est d’appliquer à la délinquance organisée le régime de la détention provisoire prévu en matière criminelle. Cela va encore augmenter la surpopulation carcérale alors que, vraiment, tous les établissements pénitentiaires sont déjà dans une situation intenable. À côté de cela, monsieur le garde des sceaux, vous ne proposez absolument aucun moyen de régulation carcérale. Les personnels n’en peuvent plus ; certains établissements sont de véritables cocottes-minute.
    En outre, l’article 23 prévoit une restriction du recours à l’avocat. En effet, pour pouvoir déposer des demandes de mise en liberté, les avocats doivent être inscrits au ressort du tribunal judiciaire compétent. C’est une réelle atteinte au droit de la défense, au libre choix de l’avocat et à l’égalité des citoyens devant la justice ; encore un recul de l’État de droit. (M. Arthur Delaporte applaudit.)
    Nous nous expliquerons plus tard au sujet des visioconférences. Monsieur le garde des sceaux, je pense que vous n’avez vraiment jamais assisté vous-même à une confrontation dans le cabinet d’un juge d’instruction, alors que ce serait utile pour comprendre à quel point il est important d’être tous dans la même pièce dans ce moment essentiel pour la manifestation de la vérité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l’amendement no 541.

    Mme Elsa Faucillon

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    Nous demandons la suppression de cet article fourre-tout qui, en matière de proportionnalité ou de garantie à un procès équitable, ne nous convient pas, pas plus qu’il ne convient à de nombreux observateurs des questions de justice et de droit. Nous avons également des questions à vous poser.
    Vous dites, monsieur le ministre, que pour des raisons de sécurité, il faut procéder à moins d’extractions. Vous laissez donc ouverte la possibilité que des magistrats viennent faire des auditions dans les quartiers de haute sécurité. Dès lors que, pour le moment, seuls deux établissements sont visés, j’imagine que, au sein de ces établissements, il y aura des salles pour ces auditions. On pourrait donc retenir cette méthode au lieu de celle qui porte atteinte aux droits et aux libertés.
    Ensuite, si les magistrats viennent, c’est sur leur temps, qui n’est pas extensible, qu’il faut prendre ce déplacement, ce qui n’est pas simple car ils doivent également procéder à d’autres types d’audiences. Nous en revenons donc toujours à la question des moyens.

    M. Ugo Bernalicis

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    Oui !

    Mme Elsa Faucillon

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    Cette question est centrale car, faute de moyens, vous vous attaquez aux questions de droits et de libertés, ce qui est problématique en soi et pour les agents pénitentiaires. Il m’arrive d’avoir des désaccords avec des syndicats, y compris avec ceux dont je soutiens certaines revendications, cependant une revendication centrale des agents pénitentiaires, c’est la question…

    M. Hadrien Clouet

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    Des retraites !

    Mme Elsa Faucillon

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    …des effectifs. Parfois il n’y a qu’un agent pour un couloir de soixante détenus, alors que, parmi nos voisins européens, certains ont un taux d’encadrement d’un agent pour douze détenus. Cela fait plutôt rêver les agents pénitentiaires français. Je suis sûre que leurs déclarations seraient différentes si de tels moyens leur étaient alloués.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pouria Amirshahi, pour soutenir l’amendement no 713.

    M. Pouria Amirshahi

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    Beaucoup de choses ont été dites au cours de la discussion autour de l’article 23. Je reviendrai sur deux ou trois d’entre elles, notamment sur la démonstration que vous avez voulu faire au sujet de la visioconférence.
    Je comprends bien la demande du personnel pénitentiaire d’être sous protection. Nous devons tous être solidaires et comprendre cette demande, notamment concernant les extractions, dont nous avons vu qu’elles peuvent donner lieu à des drames. Cependant, monsieur le ministre, d’autres éléments doivent être pris en considération. En particulier, comme l’a dit Mme Capdevielle, lorsqu’une confrontation physique a lieu, non seulement il y a des déclarations, mais il y a aussi une expression corporelle –⁠ c’est documenté, et cela vaut dans de nombreux domaines, pas seulement dans le cadre d’une confrontation avec un juge.
    Évidemment, vous êtes amené à comprendre et à établir une relation différente, afin d’évaluer la pertinence, la sincérité et la probité de votre interlocuteur, le prévenu, s’il est face à vous. Il faut prendre en compte ces éléments.
    Votre réponse est de faire venir les magistrats dans les deux prisons dédiées. Nonobstant les remarques de ma collègue Faucillon, je vous dirai : qu’à cela ne tienne. Efforçons-nous d’étendre cette possibilité et de consacrer l’entretien de visu, qui est fondamental pour l’établissement de la vérité.
    Vous avez aussi évoqué la nécessité d’empêcher les chefs du haut du panier de semer le trouble dans les prisons et de commanditer depuis leur cellule toute une série d’actes, de crimes et de délits.
    Certes, il faut prendre des dispositions, mais n’oubliez pas que c’est à l’extérieur que cela se joue, parce que les chefs ont des numéros deux, des numéros trois et des adjoints qui leur permettent d’agir. C’est un système organisé.
    Vous devriez donc mobiliser les moyens sur la filature, les écoutes et les investigations plutôt que d’être aussi punitifs.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Je donne un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
    Comme l’a dit Mme Faucillon, l’article est un peu fourre-tout. Néanmoins, il contient des dispositions très importantes.
    D’abord, il prévoit la possibilité pour l’administration pénitentiaire d’utiliser des drones dans un nombre limité de cas, notamment pour soutenir des opérations qui visent à maintenir l’ordre dans la prison.
    Le bien-fondé d’une telle mesure est avéré, d’autant plus qu’elle est nécessaire, encadrée, motivée et proportionnée –⁠ pas de captation du son ni de prise d’images de cellules. Il ne me semble donc pas illégitime d’offrir cette possibilité à l’administration pénitentiaire.
    Ensuite, l’article a la même ambition en ce qui concerne la procédure pénale et le contentieux de la détention provisoire : nous doter de nouveaux outils pour agir dans les quartiers de lutte contre la criminalité organisée, et plus généralement contre la criminalité organisée dans son ensemble.
    C’est la raison pour laquelle il me paraît nécessaire de sauver cet article, qui a déjà été beaucoup retouché lorsque nous avons débattu des limites et de la ligne d’équilibre à trouver, au-delà des travaux du Sénat.
    Madame Capdevielle, s’agissant de la détention provisoire, vous avez évoqué l’alignement sur ce qui est prévu dans le code de procédure pénale en matière criminelle.
    Dès les débats au Sénat, il y a eu une réduction de la durée de détention initialement prévue par cet article pour la délinquance organisée. Nous sommes tous convenus que le délai d’un an ne passerait pas le contrôle de constitutionnalité.

    M. Ugo Bernalicis

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    Sans cela vous l’auriez fait !

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Nous avons aussi supprimé le fait qu’une demande de mise en liberté ne pouvait pas reposer sur un acte positif de la justice. L’article a été nettoyé pour donner des garanties suffisantes, sans perdre sa vitalité.
    Enfin, le garde des sceaux a évoqué la place et l’intérêt de la visioconférence. Je suis certain que ce point fera débat, comme en commission, car il véhicule des inquiétudes fondées et légitimes.
    Permettez-moi de lever tout de suite une ambiguïté : contrairement à ce qui se passe en Italie, il n’y aura pas de visioconférence pour les audiences de jugement.
    Monsieur Léaument, s’il y a une chose à sauver dans cet article, c’est la formation du personnel de l’administration pénitentiaire, dites-vous. Je vous invite donc, pour la formation, à retirer votre amendement. (Sourires.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Permettez-moi de répondre rapidement aux arguments que je viens d’entendre.
    Madame Faucillon, vous avez parfaitement raison sur le fait que l’administration pénitentiaire a besoin de davantage de moyens. Je l’ai dit à M. Baubry tout à l’heure.

    Mme Elsa Faucillon

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    Exactement !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Il ne s’agit pas seulement d’un manque de moyens budgétaires, mais aussi d’un défaut de recrutement, parce que les agents ressentent un manque de sens et de protection. Nous reconnaissons ces difficultés.

    M. Ugo Bernalicis

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    Qu’est-ce qu’il a fait, M. Dupond-Moretti ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Quelque chose de très bien : il a permis aux agents d’évoluer en changeant de catégorie, ce qui a entraîné une hausse du nombre de candidats au concours d’agent pénitentiaire. Ces derniers dépassent maintenant le nombre de candidats aux concours de la police et de la gendarmerie.
    Je crois que vous n’avez pas voté son texte, mais vous auriez dû.

    M. Sylvain Maillard

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    Il a un problème de bouton ou quoi ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    C’est grâce à cette majorité que nous avons aidé les agents pénitentiaires.
    Ensuite, ce texte devrait permettre une meilleure régulation carcérale, pour reprendre ce que disait Mme Capdevielle. Les condamnés dangereux ne seront plus détenus dans les maisons d’arrêt où ils étaient mêlés à d’autres prisonniers. Ils seront concentrés dans des prisons spécialisées.
    Monsieur Bernalicis, je ne comprends pas vos arguments. Vous dites qu’avec plus de moyens, les extractions se passeraient sans problème, rendant la visioconférence inutile. Cette technophobie me dérange. Il faut vivre avec son temps.

    M. Sylvain Maillard

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    Il passe sa vie en visio !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    En effet, vous passez votre vie en visio. Le fait que vous ayez un écran devant vous le prouve.

    M. Aurélien Saintoul

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    N’importe quoi !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Ce n’est pas qu’une question de moyens, mais aussi de danger pour les agents pénitentiaires. Cinq agents pénitentiaires armés encadraient M. Amra, mais ils étaient en nombre insuffisant face à la violence du commando qui les a attaqués.
    Vous aimeriez sans doute augmenter le nombre d’agents publics, comme dans un plan quinquennal quasi soviétique ; mais si nous mobilisons dix ou quinze, voire vingt agents pour les extractions, étant donné les moyens financiers des criminels, la violence augmentera.
    Cette violence mimétique est vieille comme René Girard. Vous qui nous appelez à ne pas faire la course à l’échalote, vous l’encouragez.
    Vous le savez bien, la situation peut être absurde. Je pense au cas où les agents pénitentiaires font quatre ou cinq heures de trajet pour accompagner un détenu très dangereux au cabinet d’instruction. Quand le juge demande si ce dernier souhaite parler, la réponse est non. Tout le cortège refait alors le même long trajet.

    M. Ugo Bernalicis

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    Et quand ils partiront de Condé-sur-Sarthe pour aller à Marseille, ils en auront pour huit heures ! Bravo !

    M. Emeric Salmon

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    Ce sera en visio, justement !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Si le détenu écrit au magistrat pour lui demander une rencontre physique en vue de lui donner des informations, par exemple, le magistrat peut le convoquer dans son office. Si le détenu explique à son avocat qu’il veut être en présence du magistrat pour lui donner des informations, j’imagine que le magistrat demandera à le rencontrer. Il faut faire confiance au magistrat –⁠ vous ne le faites pas.
    À l’inverse, si on sait que le détenu ne voudra pas parler, pourquoi faire autant de route ? Le bilan carbone serait très mauvais, vous devriez y être attentif. (Sourires et murmures sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Ugo Bernalicis

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    On se pince !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    En plus, c’est très insécurisant.
    Madame Capdevielle, j’ignore de quel parti socialiste vous parlez. Je tiens dans mes mains la presse locale, qui relate les propos tenus hier par la maire de Nantes, au côté du sénateur Blanc : elle a appelé à « l’union nationale autour de la proposition de loi narcotrafic. »

    M. Arthur Delaporte

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    Attendez, on parle de l’article 23 !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    L’article 23 fait partie de la proposition de loi.
    M. Pueyo, maire socialiste d’Alençon, ancien directeur de prison qui sait de quoi il parle, expliquait que : « Le narcotrafic est devenu au fil des mois un sujet majeur, sans que l’on s’en rende compte. Il faut se réveiller. »

    M. Mickaël Bouloux

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    Mais nous sommes d’accord !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Je le dis pour ceux qui pensent qu’il y aurait un débat entre la droite et la gauche sur la question. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
    Ça n’est pas ça : il y a l’alternative entre un débat idéologique et un débat pratique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
    Monsieur Léaument, les syndicats pénitentiaires de la CGT à FO, les maires socialistes, ainsi que deux maires de votre circonscription, le maire de Grigny et le maire de Fleury-Mérogis, adhérents aux partis socialiste et communiste, soutiennent les dispositions du gouvernement.
    Nous devrions faire un peu moins d’idéologie. Après l’affaire Amra, le gouvernement propose que les 800 personnes les plus dangereuses puissent comparaître en visioconférence, sachant que le magistrat garde la possibilité de s’y opposer. Il ne s’agit pas d’une réduction des libertés individuelles, mais de la protection de nos concitoyens. Même vos camarades maires socialistes le disent. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR ainsi que sur quelques bancs du groupe EPR.)

    M. Mickaël Bouloux

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    C’est l’hôpital qui se fout de la charité !

    M. Arthur Delaporte

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    Ils ne parlent pas de l’article 23 !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Pascale Bordes.

    Mme Pascale Bordes

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    J’ai déjà eu l’occasion de dire tout le mal que je pensais de ces amendements de suppression et je vais continuer.
    L’allongement de la durée de détention provisoire se fera à la marge, comme je l’ai indiqué tout à l’heure. Or vous indiquez que cela contribuerait de manière significative à augmenter la surpopulation carcérale.
    Que faisons-nous dans ce cas ? Mettons-nous tout le monde dehors ? Vous avez peut-être oublié que ces dispositions concernent des gens  qui ont commis des délits en bande organisée punis d’une peine d’emprisonnement et des délits en lien avec le narcotrafic.
    Ces détenus très dangereux, vous aimeriez les voir dans la rue pour continuer leur trafic. Comme une grande partie de nos concitoyens, je ne veux pas vivre dans ce monde-là.
    Ensuite, l’installation de caméras sur des drones dans les établissements pénitentiaires nuirait selon vous aux droits fondamentaux des détenus. Leurs droits à faire quoi ? À continuer leurs trafics en prison ? À commanditer des assassinats depuis leur cellule ? Je conçois que cela vous intéresse.
    À titre personnel, je préfère m’attacher aux droits fondamentaux, à la sécurité et à la vie de nos enfants, des personnels pénitentiaires, des magistrats et des victimes, que vous oubliez systématiquement. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
    Je milite depuis des années –⁠ quasiment quarante ans – pour que la victime soit replacée au centre du procès pénal. Vous, cela ne vous intéresse pas. Vous n’avez que ces mots à la bouche : les délinquants, les criminels et les narcotrafiquants. Ce monde-là, nous n’en voulons pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérémie Iordanoff.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Cela fait plusieurs fois que le ministre nous renvoie à la position des sénateurs, des maires ou de je ne sais qui. Ici, nous sommes à l’Assemblée nationale. Les députés font leur travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
    Nous présentons des amendements et souhaitons avoir une discussion sérieuse. Essayez de nous convaincre sur le fond, et non pas avec des arguments fallacieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, ainsi que sur quelques bancs du groupe EcoS.)

    M. Arthur Delaporte

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    Bravo !

    M. Jérémie Iordanoff

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    Le titre de la proposition de loi est parfait : nous voulons évidemment lutter contre le narcotrafic –⁠ tout le monde le veut.
    Ne faites pas semblant d’en douter, monsieur le ministre. Au lieu de délayer avec des arguments à l’emporte-pièce en prétendant que la gauche ne veut pas lutter contre le narcotrafic ou qu’il y a des différences entre les sénateurs et les élus, allons sur le fond.
    Nous vous alertons sur les garanties procédurales, les libertés publiques et la visioconférence : discutons-en ! Pourquoi avez-vous peur de débattre du fond ? Restons sur des questions sérieuses ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Vous nous faites des leçons sur notre volonté de lutter contre le narcotrafic, alors que depuis le début de ces débats, nous n’avons toujours pas parlé de drogue, de prévention et des moyens de faire baisser la consommation.
    Nous n’avons pas évoqué la légalisation (« Ah ! » sur les bancs des groupes RN et UDR), qui ferait sortir une partie de l’argent des mains des trafiquants –⁠ une masse considérable d’argent.

    Un député du groupe RN

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    Louis Boyard !

    M. Antoine Léaument

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    Vous ne souhaitez pas ces débats. Vous ne voulez pas non plus aborder les moyens de la police judiciaire, ni les moyens techniques de la police.
    Monsieur le ministre, je vous ai dit que vous aviez une part de responsabilité dans l’absence de logiciel de rédaction des procédures pénales. C’est grâce à un amendement de la France insoumise, adopté en commission, qu’il y a maintenant un article sur le sujet. L’objectif est d’obtenir au moins un rapport pour comprendre ce qui s’est passé. Quinze millions d’euros dépensés, huit ans de travail, toujours pas de logiciel et c’est à nous qu’on ose faire des reproches ?
    C’est vous qui êtes au pouvoir ! Le narcotrafic, c’est votre bilan, monsieur Darmanin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    L’augmentation du trafic et du nombre de personnes tuées –⁠ fort heureusement en baisse l’an dernier –, c’est votre bilan.
    Nous, nous émettons des propositions pour faire baisser la consommation de stupéfiants, concentrer les moyens d’action de la police et de la justice sur les grands narcotrafiquants et démanteler les réseaux. Seulement, on ne peut aborder aucun de ces sujets parce que vous voulez que le débat se concentre sur la question des prisons. Sur un tel sujet, vous prenez les choses par un tout petit bout de la lorgnette. Ça n’était même pas dans le texte examiné au Sénat : vous avez dû l’ajouter par la suite.
    Enfin, il est vrai que deux maires de ma circonscription sont en désaccord avec ma position, mais ils sont membres du parti de Mme Faucillon qui a déposé un amendement de suppression de l’article. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Sympa, le Nouveau Front populaire ! Ça s’appelle une balle perdue !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sébastien Huyghe.

    M. Sébastien Huyghe

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    Je vous entends dire : « Nous sommes favorables au texte dans sa globalité pour lutter contre le narcotrafic et les bandes organisées. » Force est pourtant de constater que, même si vous prétendez être d’accord sur le principe du texte, n’avoir de réserves que sur quelques dispositions et vouloir parler du fond, sur chacun des articles, vous déposez des amendements de suppression.

    M. Arthur Delaporte

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    Vous mentez !

    M. Sylvain Maillard

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    Sur chaque article !

    M. Sébastien Huyghe

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    Vous l’avez fait hier à propos du parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco) ; vous recommencez aujourd’hui sur les dispositions de l’article 23. Il faut mettre vos actes en conformité avec vos paroles.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Colette Capdevielle.

    Mme Colette Capdevielle

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    Qu’ils soient de droite ou de gauche, ce que veulent les maires, c’est que l’État les accompagne pour assurer la sécurité dans tous les quartiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. –⁠ M. Damien Girard applaudit également.)
    Pour répondre à M. Huyghe, non, nous ne déposons pas d’amendements de suppression sur tous les articles, loin de là –⁠ vous le verrez tout au long de la journée.
    Concernant la question de la visioconférence, monsieur le garde des sceaux, je m’adresse à vous de manière assez solennelle. Deux actes ont une importance telle que le recours à la visioconférence est impossible –⁠ ce sont les juges d’instruction qui le disent. Le premier est le placement en détention –⁠ chez moi, dans le Sud-Ouest, on dirait qu’il faut que cela se passe « cap à cap », c’est-à-dire en tête-à-tête : le moment est solennel pour plusieurs raisons, la première  qu’on supprime la liberté. L’interrogatoire de première comparution est également essentiel : si on veut des instructions de qualité, propres à démanteler les réseaux –⁠ puisqu’il est question de s’en prendre au haut du spectre – et que la justice apparaisse, il faut que ce moment soit sacralisé par une présence physique.
    Je vous rappelle également que, lorsqu’un juge place quelqu’un en détention, il doit remplir une fiche sur l’état de santé de la personne et le risque de suicide. Dans mon département, à la maison d’arrêt de Pau, un suicide s’est produit juste après une mise en détention. Les suicides sont trois fois plus nombreux en prison que dans le reste de la société. Il s’agit d’une préoccupation partagée sur tous les bancs. La mise en détention est un moment solennel : il importe donc que le juge puisse expliquer face à face au futur détenu pourquoi il le place en détention.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Ça ne va pas empêcher le suicide !

    Mme Colette Capdevielle

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    Le second acte qui ne peut se faire par visioconférence, c’est la confrontation, c’est-à-dire plusieurs personnes, des avocats, des interprètes, qui doivent impérativement se trouver dans la même pièce, si l’on veut pouvoir mettre le prévenu en face de ses contradictions. Aucun juge d’instruction…

    M. Sylvain Maillard

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    Le juge dira si c’est nécessaire.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Ils ne font pas confiance aux juges !

    Mme Colette Capdevielle

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    …Vous rêvez, c’est virtuel, ce monde-là n’existe pas ! La vérité émerge et la justice est rendue dans les palais de justice ! (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice.)

    Mme Émilie Bonnivard

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    C’est n’importe quoi, cette incapacité des avocats à se remettre en question !

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 272, 309, 541 et 713.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        139
            Nombre de suffrages exprimés                138
            Majorité absolue                        70
                    Pour l’adoption                47
                    Contre                91

    (Les amendements identiques nos 272, 309, 541 et 713 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux demandes de scrutin public : sur l’amendement no 196, par le groupe Socialistes et apparentés ; sur l’amendement no 274, par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Pascale Bordes, pour soutenir l’amendement no 69.

    Mme Pascale Bordes

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    Ma collègue Marie-France Lorho en est la première signataire.
    L’information de la représentation nationale en matière de dispositifs techniques de lutte contre la délinquance et la criminalité organisée en prison n’est pas accessoire. La délégation parlementaire au renseignement, dont les travaux sont couverts par le secret de la défense nationale, devrait pouvoir bénéficier des informations concernant la manière dont le gouvernement entreprend la bataille contre cette criminalité, en l’occurrence contre le narcotrafic.
    Cet amendement vise à restaurer un dispositif supprimé à l’occasion de la lecture de la proposition de loi en séance au Sénat. La suppression de cette mesure par le gouvernement, au motif qu’elle faisait courir le risque de dévoiler les techniques de l’administration pénitentiaire, n’est pas recevable, puisque la délégation en question est tenue au secret. Livrer de telles informations au Parlement fournirait au législateur des clés pour lutter contre ce fléau. Cela permettrait aussi d’évaluer les politiques publiques en la matière, ce qui constitue l’un des rôles essentiels de l’Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Ce sera un avis défavorable sur cet amendement : je me range à l’avis des sénateurs. Deux précisions : je ne fais pas mienne la doctrine des rapports, comme vous l’avez constaté en commission à propos des nombreuses demandes de ce type.
    Le Parlement dispose déjà de moyens, qui sont les siens selon la Constitution et au titre de l’ordonnance no 58-1100 du 17 novembre 1958, dont l’article 6 nonies prévoit les pouvoirs de la délégation parlementaire au renseignement : celle-ci peut se faire communiquer nombre de documents. Il existe également des rapports publiés dans le cadre de la saison budgétaire et l’excellent rapport de la collègue Abadie sur le sujet.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    (L’amendement no 69 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements, nos 196 et 274, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 196.

    Mme Colette Capdevielle

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    Il est de repli par rapport aux amendements de suppression.
    Je me permets d’insister sur un point qui me semble soulever une véritable question de constitutionnalité. Vous prévoyez dans ce texte que la chambre de l’instruction puisse statuer sur une mise en détention, alors même qu’une décision de mise en liberté d’office, du fait du non-respect du délai, aura été rendue. Je pense que cela pose un problème de constitutionnalité et je tenais à vous le signaler.
    Pour revenir à la question de la visioconférence, j’insiste à nouveau sur le communiqué publié le 18 mars dernier par l’Association française des magistrats instructeurs (AFMI). Monsieur le garde des sceaux, nous partageons les mêmes préoccupations : puisqu’il s’agit de s’en prendre au haut du spectre, il faut donner aux juges les moyens –⁠ des enquêteurs, notamment – de mener des procédures d’information complètes. À cet égard, la confrontation entre des personnes mises en cause, qui peuvent avoir des versions contradictoires, constitue un moment essentiel. Les juges devant instruire à charge et à décharge, il faut leur donner les moyens de pratiquer une justice de qualité et sécurisée. Il faut surtout éviter les nullités, qui risquent d’entraîner la mise en liberté d’office des personnes mises en cause.
    La justice de qualité que vous demandent les magistrats instructeurs ne peut se pratiquer en visioconférence, mais doit l’être, de façon sécurisée, dans leur cabinet. Il faut que les personnes soient là pour pouvoir être confrontées à leurs déclarations. C’est exactement ce que ces magistrats vous disent dans ce communiqué, dont j’ignore si vous avez pris connaissance.
    En outre, les débats sur la détention doivent être publics. Comment fait-on s’ils ont lieu en visioconférence ? Et dans le cas où les personnes se trouvent dans des lieux de détention différents, comment organiser la confrontation ? Ce que vous proposez me semble donc vraiment irréalisable, et la plupart des juges d’instruction s’y opposeront certainement, ce qui est heureux.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Nathalie Oziol, pour soutenir l’amendement no 274.

    Mme Nathalie Oziol

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    Pourquoi l’augmentation de la durée de détention provisoire dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants est-elle une mauvaise idée, « injuste et dangereuse » ? Je reprends ici les mots du Syndicat de la magistrature (Exclamations sur les bancs du groupe RN), qui dénonce l’escalade répressive.

    M. Hervé de Lépinau

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    Ce n’est vraiment pas une référence !

    Mme Nathalie Oziol

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    D’abord, l’inflation répressive ne règle rien. En tout cas, elle ne permet pas de lutter contre le trafic de stupéfiants. Ensuite, il est ici question de porter atteinte aux droits et libertés individuels. Or même ceux des détenus et des prévenus doivent être respectés.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Oui, bien sûr !

    Mme Nathalie Oziol

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    À cela s’ajoutera un effet pervers : l’engorgement des prisons. La maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone, à côté de Montpellier, dans mon département, enregistre un des taux de surpopulation parmi les plus importants de la région : elle comptait 151,4 % de population dans ses murs en janvier 2025 –⁠ ce sont les chiffres de l’Observatoire international des prisons (OIP). De tels taux de surpopulation sont cause de maltraitances, non seulement des détenus, mais aussi des personnels pénitentiaires, comme le souligne le Contrôleur général des lieux de privation de liberté dans son rapport sur cette maison d’arrêt. En 2015, il signalait déjà que les prévenus en attente de jugement représentaient 42 % de la population de cet établissement –⁠ soit 352 détenus sur 838.
    Les opérations Place nette –⁠ dont vous avez fait la promotion, monsieur Darmanin –,…

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Tant mieux !

    Mme Nathalie Oziol

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    …ont contribué à aggraver le phénomène, en tout cas à Montpellier, puisque leur principe consiste à faire un maximum d’interpellations. Nous avions dénoncé ces opérations : elles ne luttent pas vraiment contre le trafic de stupéfiants,…

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Ah si !

    Mme Nathalie Oziol

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    …puisqu’elles laissent de côté ce qu’on appelle le haut du spectre, c’est-à-dire les gros narcotrafiquants. Elles n’ont d’ailleurs jamais fait l’objet d’un bilan.
    Pour toutes ces raisons, nous souhaitons supprimer les dérogations permettant d’augmenter la durée de détention provisoire ou de retarder la mise en liberté. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Je réponds d’abord à ma collègue Colette Capdevielle : sur la capacité de la chambre de l’instruction de s’opposer à la remise en liberté dans un délai de huit heures, nous nous rejoignons, puisqu’en commission nous avons supprimé cette disposition –⁠ elle ne figure plus dans l’article –, qui nous paraissait constituer une atteinte disproportionnée aux droits de la personne.
    Je rappelle ensuite que le recours à la visioconférence existe déjà.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Dans certaines régions, ça marche très bien !

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Dans certains cas, on peut d’ailleurs passer outre la volonté du prévenu en matière d’instruction. Il ne s’agit pas de rendre impossible que la personne rencontre son juge, mais plutôt d’inverser les choses : le magistrat pourra toujours décider que la confrontation aura physiquement lieu, dans son bureau ou dans le cadre de la prison où se trouve le détenu, s’il l’estime nécessaire.
    Avis défavorable sur les deux amendements.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hervé de Lépinau.

    M. Hervé de Lépinau

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    Augmenter les délais légaux de détention provisoire est absolument nécessaire en matière de narcotrafic : par définition, un trafic ne se fait pas seul, mais en bande organisée. Les enquêteurs ont donc besoin de délais suffisants pour organiser les souricières, les écoutes et les filatures qui leur permettront de confondre ceux qui participent à ce trafic. C’est une première chose.
    Deuxièmement, le narcotrafiquant incarcéré n’est pas soumis à un régime dérogatoire du droit commun : il conserve la possibilité de présenter des demandes de mise en liberté devant la chambre de l’instruction.

    M. Pouria Amirshahi

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    Une possibilité restreinte !

    M. Hervé de Lépinau

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    Celle-ci statue en fonction de l’état d’avancement du dossier et surtout des éléments à charge et à décharge qui s’y trouvent concernant le demandeur.
    Le cadre est parfaitement logique, et l’allongement proposé répond à une demande expresse des enquêteurs. Quant au Syndicat de la magistrature, je ne crois pas qu’il soit le plus à même de se prononcer sur ces questions, puisqu’il passe plus de temps à faire de la politique qu’à faire du droit. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    Pour que nous puissions avancer en toute sérénité, je dirai d’emblée à Mme Bordes qu’un message mensonger, même répété sans cesse, ne devient pas une vérité :…

    Mme Émilie Bonnivard

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    Vous savez de quoi vous parlez !

    Mme Élisa Martin

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    …nous nous préoccupons bel et bien des conditions de sûreté de chacun.
    Concernant la durée de la détention provisoire, dont il est question ici, elle a déjà été augmentée pour le délit d’association de malfaiteurs à caractère terroriste. Cela illustre l’effet de cliquet dont nous parlons : des mesures ayant initialement un caractère exceptionnel –⁠ c’est de surcroît le cas de la détention provisoire elle-même – s’appliquent à un nombre croissant de délits. Cet élément constitue un premier motif d’inquiétude.
    Le deuxième, je viens de l’évoquer : la détention provisoire doit conserver un caractère exceptionnel.

    M. Olivier Marleix

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    Faites un peu confiance aux juges !

    Mme Élisa Martin

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    En effet, la privation de liberté d’une personne dont la culpabilité n’est pas établie est contradictoire avec la présomption d’innocence, l’un des principes fondamentaux de notre système judiciaire, et ne peut donc être banalisée.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Et la sécurité de nos concitoyens, elle n’est pas fondamentale ?

    Mme Élisa Martin

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    Or deux mis en examen, surveillés judiciairement, sur trois sont placés en détention provisoire. Malgré les principes que j’ai rappelés, la mesure est donc répandue, en dépit de la surpopulation des maisons d’arrêt –⁠ où les prévenus sont placés –, dont le taux d’occupation s’élevait déjà à 126,2 % au mois d’octobre 2024.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 196.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        113
            Nombre de suffrages exprimés                113
            Majorité absolue                        57
                    Pour l’adoption                32
                    Contre                81

    (L’amendement no 196 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 274.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        112
            Nombre de suffrages exprimés                112
            Majorité absolue                        57
                    Pour l’adoption                30
                    Contre                82

    (L’amendement no 274 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l’amendement no 703.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Il vise à supprimer les alinéas 4 à 8 du présent article, qui retardent et affaiblissent le réexamen de la détention provisoire pour les délits relevant de la criminalité organisée. Le droit actuel permet déjà de prolonger la détention provisoire jusqu’à deux ans ; c’est possible lorsque la personne mise en cause est poursuivie pour des infractions telles que le trafic de stupéfiants, l’association de malfaiteurs ou toute infraction commise en bande organisée –⁠ ce qui, je crois, est le sujet qui nous occupe –, et qu’elle encourt une peine de dix ans d’emprisonnement.
    Ce cadre juridique prévoit déjà un enfermement assez long en l’absence de jugement ; on ne comprend pas bien pourquoi il faudrait le modifier, ce qui contribuerait à aggraver la surpopulation carcérale –⁠ cela a été dit. Quel est le but poursuivi ?
    Quant aux alinéas 7 et 8, ils prolongent de huit à douze mois le délai à partir duquel les décisions ordonnant la prolongation de la détention provisoire ou rejetant les demandes de mise en liberté doivent être spécialement motivées, s’agissant des délits de trafic de stupéfiants, d’extorsion et d’association de malfaiteurs. En repoussant cette obligation de motivation renforcée, ces alinéas réduisent aussi le contrôle judiciaire sur la durée de la détention provisoire.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Vous proposez de supprimer l’allongement de la durée de la détention provisoire, que le présent article prévoit de faire passer de quatre à six mois ; or il me semble que l’équilibre trouvé est le bon. Nos amis sénateurs proposaient de la faire passer à un an, mais il aurait été disproportionné de s’aligner sur ce qui se fait en matière criminelle.
    Je comprends que cette mesure vous fasse réagir ; je pense néanmoins qu’elle est nécessaire, eu égard à l’ensemble des auditions que nous avons menées. Très concrètement, les infractions en lien avec la criminalité organisée –⁠ celles visées par les articles 706-73, 706-73-1 et 706-74 du code de procédure pénale – sont des affaires complexes ; tous les auditionnés nous l’ont dit et tous les travaux sur le sujet vont également dans ce sens.
    Cet allongement du délai doit aussi permettre, pendant ce laps de temps, de réunir les éléments nécessaires à la poursuite de la procédure.
    J’émets donc un avis défavorable, considérant qu’un délai de six mois est équilibré.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Olivier Marleix.

    M. Olivier Marleix

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    Je voudrais tout de même revenir sur les caricatures qui sont faites des conditions de la détention provisoire dans notre pays. On a l’impression qu’elle est totalement arbitraire,…

    M. Pouria Amirshahi

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    Oui !

    M. Olivier Marleix

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    …et je suis assez étonné de voir à quel point vous faites peu confiance aux juges. En effet, c’est un juge qui décide –⁠ et même plusieurs, en général. C’est d’abord le juge d’instruction qui demande le placement en détention provisoire,…

    M. Ugo Bernalicis

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    Non !

    M. Olivier Marleix

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    …et personne d’autre. Ce n’est pas le garde des sceaux ! Le juge d’instruction le fait pour protéger l’enquête, pour éviter des pressions sur les témoins.

    Mme Élisa Martin

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    Mais non !

    M. Olivier Marleix

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    Ensuite, le juge des libertés et de la détention (JLD) –⁠ un autre juge – vérifie que les conditions sont bien remplies et que la détention provisoire est toujours justifiée. Enfin, le prévenu mis en examen peut faire appel de cette décision : un troisième juge intervient alors. Il est donc assez stupéfiant…

    M. Ugo Bernalicis

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    Ça suffit, les « stupéfiant » !

    M. Olivier Marleix

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    …de vous entendre faire preuve d’une telle méfiance à l’égard des juges. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    M. Hervé de Lépinau

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    Stupéfiant, c’est le bon terme !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    Je ne sais pas si vous connaissez Protagoras ; vous n’avez évidemment pas son talent, mais c’était un sophiste et vous en êtes une parfaite incarnation –⁠ le talent en moins. (Exclamations sur quelques bancs des groupes RN, EPR, DR et HOR.)

    M. Antoine Léaument

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    Vous êtes de droite, quoi !

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Les Dialogues de Platon, on connaît !

    Mme Élisa Martin

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    Nous avons un motif d’inquiétude supplémentaire par rapport à ce qui a été dit : la détention provisoire peut avoir lieu dans ces quartiers de haute sécurité dont nous avons beaucoup parlé hier. Cela doit nous amener à faire preuve d’encore plus de prudence : même si nous avons en partie tempéré nos demandes, nous voulons que les prévenus puissent solliciter plus tôt la fin de leur détention provisoire.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hervé de Lépinau.

    M. Hervé de Lépinau

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    Dans le prolongement de mon propos de tout à l’heure, il ne faut pas oublier que la détention provisoire répond également à des critères légaux. Pour ce qui est de la criminalité organisée, puisque c’est toujours ce dont nous sommes en train de parler,…

    M. Ugo Bernalicis

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    Nous parlons de délits !

    M. Hervé de Lépinau

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    …deux critères cardinaux existent : d’abord, le risque de concertation avec des complices…

    M. Ugo Bernalicis

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    Des délits ! Allô !

    M. Hervé de Lépinau

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    S’il vous plaît ! Chut !

    Mme Dieynaba Diop

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    Chut ? Non mais je rêve ! Nous ne sommes pas en classe !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Vous parlez bien de Protagoras !

    Mme Dieynaba Diop

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    C’est une cour de récré, en fait !

    M. Emeric Salmon

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    Ça, c’est sûr !

    M. Hervé de Lépinau

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    Je disais donc qu’il y a d’abord un risque de concertation avec des complices ; et ensuite un risque de pression sur des victimes ou des témoins. Le basculement du délictuel au criminel peut s’opérer à partir du moment où une enquête révèle qu’il y a eu des assassinats ou des tentatives d’assassinat.
    Il est donc absolument nécessaire que le temps de la détention provisoire permette aux enquêteurs de travailler efficacement. Par conséquent, cet allongement de la détention est dans l’intérêt de l’ordre public, puisqu’il permet à l’enquête de gagner en efficacité : il sera possible d’appréhender davantage de personnes mises en cause dans ce genre de trafic. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. –⁠ Mme Brigitte Barèges applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pouria Amirshahi.

    M. Pouria Amirshahi

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    C’est vrai, monsieur le rapporteur : six mois, c’est déjà un compromis plus raisonnable, même si nous aurions souhaité des dispositions plus favorables aux droits de la défense –⁠ et non à l’inculpé ou au condamné. Mais en l’espèce, il eût peut-être été plus cohérent de nous suivre, hier, quand nous vous avions demandé de ne pas fixer à deux ans la durée de détention dans les quartiers de lutte contre la criminalité organisée, et de la ramener à six mois. C’eût été plus logique !
    Enfin, le placement en détention provisoire, qui est un régime exceptionnel, relève d’une décision du juge –⁠ c’est vrai, monsieur Marleix, encore heureux !

    M. Olivier Marleix

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    De plusieurs juges !

    M. Pouria Amirshahi

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    Mais les juges qui interviennent de cette manière le font aussi parce qu’ils n’ont pas d’autre possibilité d’instruire, vu le nombre de dossiers qu’ils ont en instruction. Tous le disent ! Le garde des sceaux le sait très bien et l’a lui-même reconnu : il y a un vrai problème de moyens, qui nuit aux capacités d’instruction et d’enquête et aux vérifications des éléments nécessaires à l’enquête, qu’ils soient à charge ou à décharge. Vous connaissez tout cela !
    On touche là encore une fois au cœur de cette disposition et de l’article 23 en général. La durée de la détention provisoire, ce n’est qu’un aspect presque connexe, j’allais dire une pièce rapportée –⁠ elle l’a d’ailleurs été concrètement dans le débat –, de la lutte contre le narcotrafic. Non, monsieur le garde des sceaux, cette proposition de loi ne doit pas se concentrer uniquement sur la procédure pénale et sur le durcissement des conditions de détention ! Ce n’est pas de cette manière que nous lutterons contre le haut du spectre, contre les chefs de mafia. Pour ce faire, il faut fournir les moyens d’instruction, d’enquête, d’investigation qui concourent à l’établissement de la vérité, et non laisser libre cours à un dolorisme pénal qui ne satisfait que les névroses sécuritaires de quelques-uns.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    La question de la détention provisoire est en effet un sujet fondamental pour les Français et pour le fonctionnement de la justice ; j’en dirai donc un mot. D’abord, ce n’est pas l’essentiel du texte, monsieur Amirshahi ! Deux articles de la proposition de loi ont trait au régime de détention, sur une cinquantaine en tout. Ne dites donc pas que c’est l’essentiel du texte : ce n’est pas vrai, et –⁠ si je peux me permettre – ce n’est pas parce que vous y passez beaucoup de temps que c’est le cas !

    M. Pouria Amirshahi

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    C’est vous qui avez introduit cet article !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Oui, je l’ai introduit, mais ce sujet, je le répète, ne concerne que deux articles sur cinquante.

    Mme Elsa Faucillon

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    Ils sont en examen prioritaire !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    En outre, que serait une loi contre le narcotrafic si nous ne parlions pas du régime de détention ? Vous savez, les narcotrafiquants poursuivis par la justice française vivent de deux façons : il y a ceux qui sont déjà en prison et qui continuent leur trafic depuis la prison ; et ceux qui sont à l’étranger, parce qu’ils fuient les services de police français. Ils se baladent rarement dans les rues de nos villes sans jamais avoir été inquiétés par la police et par la justice ! Vous savez très bien que c’est vrai. Il est donc légitime d’en parler, même si ce n’est pas l’essentiel de notre dispositif.
    Nous n’allons pas débattre maintenant de la surpopulation carcérale et de sa régulation, car ce n’est pas tout à fait l’objet du texte ; cependant, beaucoup de choses ont été dites qui ne sont pas vraies. Il y a 82 000 détenus en France –⁠ à un millier près, selon les mois. C’est le même nombre de détenus qu’en 1980 ! Entre-temps, le programme Chalandon a permis la création de plusieurs milliers de nouvelles places, auxquelles se sont ajoutées les 6 500 places construites sous le quinquennat précédent. Nous avons donc créé des places de prison supplémentaires, n’est-ce pas ? Pourtant, nous faisons face à une surpopulation carcérale qui n’existait pas en 1980. Pourquoi ? Parce que les magistrats ont augmenté le quantum des peines.

    M. Ugo Bernalicis

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    Et pourquoi ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Pourquoi ? Parce que les mesures de régulation carcérale, selon lesquelles les gens qui sont condamnés à des petites peines ne doivent pas aller en prison, ne fonctionnent pas ! Cette logique qui se veut bienveillante, c’était celle de Mme Dati, de Mme Taubira ou encore de Mme Belloubet en 2019 : faire de la régulation carcérale, c’est décréter en amont qu’en cas de peine de six mois ou d’un an, on ne fait pas de prison –⁠ je parle ici de gens qui sont condamnés effectivement, pas de détention provisoire. Mais alors que fait le juge, quand il veut que la personne aille en prison ? Il augmente le quantum de la peine !

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est vrai !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Vos mécanismes de régulation carcérale, censés limiter le nombre de personnes en prison, finissent donc par augmenter la population carcérale ! Je sais que c’est contre-intuitif, mais c’est ainsi. Et vous savez quoi ? Nous n’y pouvons rien, puisque les magistrats sont libres et indépendants –⁠ et personne ici, j’imagine, ne veut revenir sur ce principe.

    M. Ugo Bernalicis

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    Non, mais sur la loi, oui !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Nous en reparlerons lors de la niche Horizons mais aussi lorsque nous aurons des discussions plus larges sur l’ensemble de la politique pénale, mais la solution, ce n’est sans doute pas la régulation carcérale par le bas : il faut se demander comment priver de liberté des personnes sans forcément les mettre en prison. Nous y reviendrons, mais ne dites pas que nous n’avons pas construit assez de places de prison –⁠ nous en avons construit, même s’il en faut davantage, je n’en disconviens pas –, et ne dites pas non plus qu’il faut de la régulation pour résoudre le problème de la surpopulation carcérale, car nous en sommes là parce que les magistrats augmentent le quantum des peines. Pourquoi le font-ils ? Sans doute la société est-elle un peu plus violente –⁠ …

    M. Ugo Bernalicis

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    Non, ce n’est pas vrai !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    …nous avons un débat sur ce point et nous ne sommes pas d’accord avec La France insoumise. Et vous savez quoi, monsieur Bernalicis ? Je crois que ce désaccord est assez sain.
    Pour en revenir à la détention provisoire, comme il n’y a pas de peines planchers, le magistrat est totalement libre de ce qu’il décide, et heureusement.

    M. Ugo Bernalicis

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    Non, il n’est pas totalement libre !

    Mme Élisa Martin

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    C’est le législateur qui augmente le quantum des peines, pas le magistrat !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Le législateur fixe une peine maximale ; ensuite, c’est le magistrat qui décide –⁠ la peine peut donc aller de zéro au maximum. C’est comme ça ! Ça s’appelle la liberté du juge. Je sais que vous ne faites pas confiance aux juges –⁠ MM. Huyghe et Marleix vous l’ont dit –, mais c’est vrai. À vous entendre depuis hier, on s’inquiète de ce qu’il adviendrait des libertés individuelles et de l’indépendance de la magistrature si vous étiez au pouvoir ! (M. Ugo Bernalicis s’esclaffe.)
    Je reviens donc sur la détention provisoire et sur ce qu’est le cœur du texte. Depuis le début, nous avons fait un parallèle avec le terrorisme. Vous avez le droit de ne pas en approuver la pertinence, mais notre texte respecte cette logique. La décision de fixer à six mois le délai de réexamen de la détention provisoire résulte d’un compromis par rapport à la position du Sénat ; c’est exactement ce qui est appliqué s’agissant des délits en lien avec le terrorisme, et vous le savez bien. (M. Pouria Amirshahi s’exclame.)
    Monsieur Amirshahi, j’ai essayé d’expliquer à Mme Capdevielle que le régime de détention n’avait rien à voir avec le temps passé en détention provisoire : quand une personne a passé un certain temps en détention provisoire et se retrouve en écrou liberté, il est évident qu’elle va être libérée si elle doit l’être. Deux ans, pour le coup, c’est un plafond, pas un plancher ! On ne va pas laisser les gens en détention provisoire si on considère qu’ils doivent être libérés ! Si nous voulons avoir une discussion sérieuse, comme nous y a invités M. Iordanoff, il faut donc avancer des arguments fondés sur des faits et non sur de simples suppositions.
    Le délai de six mois, donc, c’est le même que celui qui est appliqué en matière de terrorisme : nous introduisons un parallélisme entre terrorisme et criminalité organisée. Encore une fois, vous avez le droit de trouver que ce n’est pas pertinent, mais nous pensons qu’il faut leur appliquer le même type de réponse pénale. Les délits concernés, ceux qui sont commis en bande organisée, ne sont pas n’importe quels délits : ce sont des délits qui peuvent être punis de dix ans d’emprisonnement ! On parle d’association de malfaiteurs, de trafic de stupéfiants, de proxénétisme et d’extorsion, si on est tout à fait honnête, pas du dealer de shit du coin de rue.
    Alors pourquoi allongeons-nous ce délai ? Nous le faisons parce que la complexité des affaires et la multiplicité croissante des acteurs, dont certains vivent à l’étranger, méritent à notre avis que le magistrat puisse garder sous la main les personnes concernées. Le texte contient des garanties : l’article 23, qui prévoit cet allongement du délai de quatre à six mois, dit aussi que le mandat ne peut pas être renouvelé plus de trois fois. On repasse trois fois devant le juge, comme dirait M. Marleix, pour réévaluer la conformité de la décision au droit et pour vérifier que la détention provisoire continue de se justifier.
    Pour finir, je veux ajouter un élément. Il y a 20 000 détenus en détention provisoire aujourd’hui. Est-ce trop ? Ce n’est pas à moi d’en juger, puisque ce sont les juges qui décident. Mais je peux me poser des questions quand je vois pourquoi ils sont en détention provisoire. Et vous savez pourquoi ils le sont ? Qu’est-ce qui a augmenté en sept ans ? Ceux qui ont fait augmenter le total, ce sont les auteurs de violences conjugales et sexuelles.

    Mme Élisa Martin

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    Ça, c’est vrai !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    La part de ces hommes, puisque ce sont à 99 % des hommes, dans le total des personnes placées en détention provisoire, s’élevait à 7 % en 2017 ; elle atteint désormais 18 %. En effet, quand des indices graves et concordants existent pour montrer qu’une personne est coupable de violences sexuelles ou conjugales, nous avons tous souhaité –⁠ et je pense que c’est une bonne chose – qu’elle soit systématiquement mise en garde à vue –⁠ c’est désormais le cas –, que des perquisitions soient menées et qu’elle soit jugée, le plus souvent possible, en comparution immédiate. C’est ce que nous avons tous voulu ! Ces personnes se retrouvent donc très souvent en détention provisoire. Ce qui a fait augmenter, depuis sept ans, le nombre de personnes en détention provisoire, ce n’est donc pas le trafic de stupéfiants ; ce ne sont pas non plus les infractions routières ni la délinquance financière, mais ce sont bien les violences conjugales et sexuelles.
    Vous me dites maintenant qu’il y a trop de monde en détention provisoire. Je veux bien, mais il ne fallait pas voter des dispositions qui permettaient de le faire ! Pour ma part, je pense que la détention provisoire est une arme très délicate à utiliser, parce que les personnes concernées ne sont pas condamnées définitivement, mais vous devez avouer, outre le fait que, comme l’a dit M. Marleix, trois juges se prononcent, que le législateur s’est unanimement exprimé en faveur de son utilisation s’agissant des violences sexuelles. Vous feriez donc mieux de mettre en cohérence vos discours et vos votes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et HOR. –⁠ M. Olivier Marleix applaudit également.)

    (L’amendement no 703 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Béatrice Roullaud, pour soutenir l’amendement no 742.

    Mme Béatrice Roullaud

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    Dans une diatribe très longue, monsieur Léaument, vous avez prétendu que l’on ne cherchait pas vraiment à démanteler les réseaux de trafic de drogue. Justement, par cet amendement, je propose d’aider les juges d’instruction à démanteler les réseaux. Chacun sait qu’une instruction dure au minimum un an, souvent plus. Dans les affaires de drogue, il est nécessaire que la durée maximale de la détention provisoire soit non pas de six mois, mais d’un an.
    Je l’évoquais hier, dans les quartiers sous l’emprise des narcotrafiquants, on ne peut plus aller et venir en toute sécurité, ni même, désormais, rester chez soi, puisque certains, comme Socayna, trouvent la mort en étudiant à leur domicile. Nous devons donc nous demander si les règles existantes sont toujours adaptées aux défis que lance la société actuelle.
    Je rappelle que ce texte prévoit un régime d’exception, des mesures spécifiques et ciblées visant des personnes qui commanditent des assassinats et des actes de torture, par exemple tirer dans les jambes pour paralyser à vie, en guise d’avertissement –⁠ il y a eu encore un exemple hier –, ou brûler pour punir. Et une balle perdue finit parfois, je l’ai dit, dans la tête d’une jeune fille de 20 ans.
    Pour démanteler ces réseaux, qui sont de véritables cartels de la drogue, il faut que la durée de la détention provisoire permette aux juges d’instruction de faire leur travail. Vous vouliez que l’on s’attelle au démantèlement des réseaux, monsieur Léaument ? J’offre donc un outil aux juges d’instruction. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Je l’ai dit précédemment, je ne souhaite ni en rester à l’existant, à savoir une durée maximale de quatre mois, ni revenir à la version initiale du Sénat, qui prévoyait un alignement sur la durée de un an applicable en matière criminelle, d’autant que cela nous exposerait à un risque d’inconstitutionnalité. J’émets donc un avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Gabrielle Cathala.

    Mme Gabrielle Cathala

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    Pour rendre les enquêtes plus rapides et plus efficaces, madame Roullaud, peut-être aurait-il fallu voter, dans le budget, la création de davantage de postes de juge d’instruction. Or ce n’est pas ce qu’a fait le groupe Rassemblement national.
    Quant à vous, monsieur Darmanin, vous semblez ignorer que Le Canard enchaîné a publié hier un article montrant qu’il manquait 2 500 enquêteurs pour lutter contre le narcotrafic. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Il n’en a pas été question une seule fois ce matin !
    Chaque fois que nous discutons de justice, vous nous opposez que le groupe La France insoumise a voté contre tous les budgets et contre la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice (LOPJ). Or, si nous avons voté contre ce dernier texte, c’est parce qu’il prévoyait l’extension du recours à la visioconférence et la possibilité d’activer à distance les appareils connectés, deux dispositions qui ont été censurées par le Conseil constitutionnel. Nous avons donc bien fait de voter contre !
    Par ailleurs, vous ne respectez même pas cette loi de programmation, preuve qu’elle ne servait à rien. Dans le budget actuel, qui n’a même pas été voté, il manque pour le ministère de la justice 250 millions d’euros par rapport à ce qui figure dans la loi de programmation. Dès lors, il n’y a pas suffisamment de magistrats, de greffiers et d’enquêteurs pour relever les nombreux défis auxquels nous sommes confrontés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Enfin, s’agissant de la régulation carcérale, vous faites semblant de ne pas avoir lu notre proposition de loi. Or la régulation carcérale a déjà fonctionné dans notre pays : au moment de la crise sanitaire, la plupart des détenus en fin de peine qui s’étaient tenus de manière relativement correcte pendant leur détention ont été libérés ; le taux d’occupation des prisons est alors descendu à 100 %, et le nombre de crimes et délits n’a pas explosé dans la société. (Mêmes mouvements.)

    (L’amendement no 742 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l’amendement no 704.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Il vise à supprimer les alinéas 7 et 8 de l’article 23, car ces dispositions affaibliraient les garanties procédurales encadrant la détention provisoire. L’alinéa 8 tend à porter à un an la durée de la détention provisoire au-delà de laquelle le juge a l’obligation de motiver les décisions prolongeant ladite détention ou refusant une mise en liberté. Ces alinéas réduiraient le contrôle judiciaire sur la détention provisoire, qui doit demeurer une mesure exceptionnelle.
    L’exigence d’une motivation renforcée après huit mois est une garantie essentielle pour assurer que la prolongation de la détention est toujours justifiée et proportionnée. La supprimer ou retarder son application, c’est réduire le contrôle du juge.
    J’en profite pour répondre au collègue Marleix : nous faisons confiance aux juges, mais nous ne confondons pas le juge et le jugement ; ce sont deux choses très différentes.
    Monsieur le ministre, vous voulez calquer les règles de procédure qui ont été prévues pour les actes de terrorisme. Cependant, chaque fois que vous étendez le champ des infractions pour lesquelles ces règles s’appliquent, vous rendez moins légitime la comparaison avec la lutte contre le terrorisme.
    Il est exact que de plus en plus de personnes sont placées en détention provisoire pour des faits de violences conjugales ou sexuelles, et nous nous en félicitons, mais la grande majorité des détentions provisoires restent liées au trafic de stupéfiants. On ne peut pas avancer cet argument pour continuer à placer toujours plus de personnes en détention provisoire ou pour affaiblir les garanties procédurales en la matière.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    L’alinéa 8, que vous souhaitez supprimer, tend à modifier l’article 145-3 du code de procédure pénale pour le cas des détentions provisoires en matière délictuelle dans le champ de la criminalité organisée. Ledit article 145-3 prévoit que, lorsque la durée de détention provisoire excède huit mois en matière délictuelle, les décisions ordonnant sa prolongation ou rejetant les demandes de mise en liberté sont motivées et comportent les indications particulières qui justifient la poursuite de l’information et le délai prévisible d’achèvement de la procédure. Nous entendons simplement porter ce délai de huit mois à un an, en cohérence avec l’allongement, de quatre à six mois, de la durée maximale de la détention provisoire. Il s’agit donc d’une coordination entre les différents délais prévus. Je donne un avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    J’ai toujours loué les qualités de sophiste du ministre.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Protagoras !

    M. Ugo Bernalicis

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    Chaque fois que l’on m’a demandé si j’avais des choses positives à dire à son sujet, j’ai reconnu qu’il était le meilleur sophiste que j’aie jamais vu au gouvernement et dans l’hémicycle. Il manie les différentes combinaisons ; c’est bien fait, c’est très fort.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Paroles d’expert !

    M. Ugo Bernalicis

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    Par exemple, il nous a dit tout à l’heure que nous, les Insoumis, étions contre les décisions des magistrats, contre les magistrats eux-mêmes et contre leur indépendance, parce que nous voulions réduire le nombre de détentions provisoires. Or que fait l’article 23, monsieur le ministre ? Auparavant, les magistrats pouvaient se prononcer tous les quatre mois sur la détention provisoire. Désormais, ils ne pourront plus le faire que tous les six mois. Autrement dit, vous leur ôtez une capacité de décision. C’est vous qui restreignez leur office et qui les obligez à prononcer une prolongation de six mois ou rien.
    Voilà ce qui est beau avec un sophisme : si vous n’y prêtez pas attention, si vous n’y regardez pas de près, vous tombez dans le panneau. C’est ainsi qu’on tombe dans le piège du Gérald Darmanin ! Vous êtes très fort, monsieur le ministre.
    À propos de la régulation carcérale, de même, vous êtes un excellent sophiste ! Les différents mécanismes que vous avez évoqués –⁠ les réductions de peine automatiques réformées par Mme Dati, la libération sous contrainte automatique, l’interdiction de prononcer des peines inférieures à un mois ou à six mois – produisent effectivement un effet cliquet, que nous avons dénoncé lors de l’examen des textes que vous avez soutenus lorsque vous apparteniez à un gouvernement précédent. Mmes Elsa Faucillon et Caroline Abadie l’ont très bien expliqué dans leur rapport d’information sur les alternatives à la détention et l’éventuelle création d’un mécanisme de régulation carcérale, que je vous invite à lire : c’est en grande partie le résultat de la réforme de 2019.
    Ce que nous proposons, c’est un mécanisme de régulation carcérale à la sortie. Il s’agit d’accélérer les sorties, d’éviter les sorties sèches…

    Mme Elsa Faucillon

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    Exactement !

    M. Ugo Bernalicis

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    …et de prévoir des aménagements de peine pour prévenir la récidive.

    Mme Elsa Faucillon

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    Exactement ! Il faut lire le rapport !

    M. Ugo Bernalicis

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    Vous voyez, ce n’est pas du tout ce que vous avez dit. Mais, face à un sophiste, il est compliqué de donner des explications de ce genre. En tout cas, je le répète, c’est excellemment réalisé, même si cela ne résiste pas à une argumentation rationnelle et solide. (M. Antoine Léaument applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Pascale Bordes.

    Mme Pascale Bordes

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    Lors de la présentation de l’amendement, il nous a été indiqué que, si nous faisions droit aux dispositions figurant aux alinéas 7 et 8, cela réduirait le contrôle judiciaire sur la durée de la détention provisoire. Or il s’agit de porter de huit mois à un an la durée de la détention provisoire au-delà de laquelle s’applique l’obligation de motiver les décisions. La différence n’est que de quatre mois ; on ne peut pas dire que cela réduit le contrôle judiciaire !
    En revanche, la multiplication des demandes de mise en liberté, qui est souvent le fait de délinquants et criminels du haut du spectre dans les dossiers relatifs au trafic de stupéfiants, a un effet certain : elle accroît de façon exponentielle la tâche des magistrats ; elle contribue à l’embolisation de la justice, qui n’a vraiment pas besoin de cela.

    (L’amendement no 704 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Nous en venons à l’amendement no 299, sur lequel je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Pascale Bordes, pour le défendre.

    Mme Pascale Bordes

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    Il tend à sécuriser le traitement des demandes de mise en liberté. Aux termes de l’article 148 du code de procédure pénale, aucune demande de mise en liberté ne peut être formée tant que le juge des libertés et de la détention n’a pas statué sur une précédente demande. Nous proposons que cette irrecevabilité s’applique de plein droit non plus jusqu’au prononcé de l’ordonnance du JLD, mais jusqu’à sa notification aux parties.
    Il faut comprendre que les magistrats, notamment les magistrats instructeurs, courent après le temps. Désormais, à l’École nationale de la magistrature et à l’École nationale des greffes, la première chose que l’on enseigne à ceux qui se destinent à l’instruction, ce sont moins les règles de procédure que l’importance de courir après le temps.
    Lorsqu’un détenu fait une demande de mise en liberté, le juge d’instruction doit transmettre le dossier au procureur de la République, mais aussi, dans les cinq jours de cette transmission, communiquer un avis motivé au JLD, lequel ne dispose que de trois jours pour prendre une décision. La plupart du temps, le juge d’instruction n’assiste pas à l’audience ; il reçoit la décision du JLD, mais avec un peu de retard. Comme les délais sont très contraints, ce petit retard dans la prise de connaissance de la décision est susceptible d’emboliser et de pervertir tout le système : cela aboutit à la libération de détenus non pas parce que le JLD en a décidé ainsi, mais parce qu’il y a eu une erreur ou un retard dans la procédure.
    Mme Capdevielle a affirmé hier que les magistrats instructeurs croulaient sous les dossiers. Je partage ce constat : ils croulent sous les dossiers, et les moyens dont ils disposent sont indigents. Il faut donc leur donner un peu d’air. S’il est adopté, cet amendement y contribuera. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. –⁠ Mme Brigitte Barèges applaudit également.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Vous avez défendu cette mesure en commission et nous avons déjà eu ce débat. Cohérent avec moi-même, je souhaite que nous en restions à la rédaction actuelle de l’article 148 du code de procédure pénale : « Cette irrecevabilité s’applique de plein droit sans qu’elle soit constatée par ordonnance du juge d’instruction. » Je reste défavorable au rétablissement de la rédaction proposée par le Sénat : « Cette irrecevabilité s’applique de plein droit jusqu’à la notification de l’ordonnance aux parties. » En effet, il me paraîtrait problématique de faire dépendre cette irrecevabilité d’un acte positif de la justice. Mon avis est donc défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    D’une certaine façon, nous touchons au cœur du problème : en raison d’un manque global de moyens humains et financiers, voire techniques, les procédures et les délais deviennent des variables d’ajustement. C’est le cas ici pour la détention provisoire, et peu importe la présomption d’innocence ! Comme les magistrats ne s’en sortent pas, parce qu’ils ne sont pas assez nombreux et ont trop de dossiers à traiter, la solution proposée est d’allonger les délais.
    Il convient, en parallèle, de s’intéresser à la prévention. D’un côté, on crie à la catastrophe, on décrit une France digne d’Orange mécanique, et patati, et patata. De l’autre, on ne consacre pas à la prévention les moyens nécessaires. Ainsi, le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), outil plutôt intéressant, ne représente que 2,2 % de l’ensemble des crédits alloués à la justice par le budget général de l’État. De surcroît, le gouvernement impose aux collectivités locales une baisse des crédits de 7,5 milliards. Il n’est pas nécessaire de sortir de Saint-Cyr pour comprendre que cela met en difficulté les conseils départementaux, en particulier dans leur mission de protection de l’enfance.
    Or c’est toute une chaîne : on ne peut pas se préoccuper uniquement des conséquences, sans se pencher sur les causes. Et, parmi les causes, il y a l’absence de prévention et l’absence de moyens dédiés au suivi des enfants en danger –⁠ car ils sont avant tout en danger, puisque ce sont des enfants – par des professionnels formés et qualifiés à cette fin. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Pascale Bordes.

    Mme Pascale Bordes

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    Les magistrats, notamment les magistrats instructeurs, ne demandent pas des délais extraordinaires mais seulement quelques heures pour prendre connaissance de la décision du juge des libertés et de la détention. Je rappelle par ailleurs qu’en matière de procédure pénale, comme en procédure civile, la plupart des délais ne courent pas à compter du prononcé de la décision mais de sa notification aux parties. Ce sont les termes mêmes utilisés dans les deux codes. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Cela ne sort pas de n’importe où.

    Mme la présidente

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    Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement no 299.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        109
            Nombre de suffrages exprimés                109
            Majorité absolue                        55
                    Pour l’adoption                43
                    Contre                66

    (L’amendement no 299 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 359 de M. Antoine Léaument est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Demande de retrait car l’amendement est satisfait. À défaut, avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    Monsieur Léaument, l’amendement est-il maintenu ?

    M. Antoine Léaument

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    Il est maintenu et je vais exposer quelques arguments en sa faveur.
    Il a été dit, ici, ou lors des auditions que j’ai menées pendant un an et demi pour rédiger le rapport sur la lutte contre le trafic de stupéfiants, que certaines demandes de remise en liberté formulées en grand nombre auraient pour objectif de provoquer l’embolie de l’institution judiciaire.
    Face à cette situation, deux réactions sont possibles : soit allouer des moyens supplémentaires pour traiter ces demandes, soit revenir sur la faculté de demander la remise en liberté, quitte à remettre en cause l’État de droit.
    Notre position est de traiter la question des moyens et de la résoudre grâce à un logiciel dédié qui permettrait un traitement standardisé des demandes de remise en liberté. Si vous n’êtes pas technophobes, comme vous nous avez accusés de l’être tout à l’heure, vous devriez adopter cet amendement qui permet de répondre à la question posée sans restreindre les droits des détenus. Qui pourrait s’opposer à une telle idée ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Nous sommes plutôt technophiles, mais nous préférons les textes bien écrits ; je donnerai donc un avis favorable à l’amendement de M. le rapporteur Caure.

    (L’amendement no 359 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir l’amendement no 705.

    Mme Sandra Regol

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    Il s’agit de restreindre le champ d’application de l’allongement des délais de traitement des demandes de remise en liberté aux personnes concernées par cette loi, au lieu de l’élargir comme le prévoit la rédaction actuelle. Nous avons un objectif clair : lutter contre le trafic et le crime en bande organisée, en particulier les crimes liés aux stupéfiants. Nous nous retrouvons avec une large catégorie de personnes, de crimes et de délits concernés. C’est un peu s’éloigner du sujet.

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutins publics : sur les amendements nos 300 et 301, par le groupe Rassemblement national ; sur l’amendement no 363, par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 705 ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Si, en commission, nous avons supprimé de concert plusieurs dispositions, nos avis sont ici divergents. Vous proposez de supprimer l’allongement du délai de traitement des demandes de mise en liberté. Or il semble nécessaire pour faire face à la multiplication des demandes –⁠ qui s’inscrivent parfois dans le cadre de véritables stratagèmes et stratégies judiciaires – et pour appréhender correctement la complexité croissante des infractions.
    Je comprends votre position consistant à restreindre à la seule criminalité organisée l’application de cet allongement des délais mais, en rajoutant de nouveaux délais qui s’intercaleraient avec les délais de droit commun, cela créerait une véritable usine à gaz. Avis défavorable.

    (L’amendement no 705, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Pascale Bordes, pour soutenir l’amendement no 300.

    Mme Pascale Bordes

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    Cet amendement relatif au traitement des demandes de mise en liberté participe de la même philosophie que celui que j’ai défendu précédemment. Il propose que, tant qu’il n’a pas été statué sur l’appel d’une précédente ordonnance de refus de mise en liberté, les délais d’instruction d’une nouvelle demande de mise en liberté commencent à courir seulement à compter de la notification aux parties de la décision rendue par la juridiction compétente et non à compter du prononcé de ladite ordonnance.
    Il s’agit, en leur accordant du temps, de faciliter la tâche des magistrats. Par manque de connaissance du fonctionnement des cabinets des juges d’instruction, nombre de nos collègues ne réalisent pas qu’ils courent après le temps. Quelques heures de plus peuvent changer les choses.
    Cette demande émane de nombreux magistrats, non syndiqués au Syndicat de la magistrature, bien sûr ! (M. Yoann Gillet applaudit.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Je cherche moi aussi à faciliter le travail des magistrats et à trouver les points d’équilibre sur l’ensemble du texte et sur ces questions en particulier.
    Une fois encore vous voulez rétablir un alinéa que nous avons décidé de supprimer en commission. Celui-ci prévoyait de faire courir le délai de dépôt de certaines demandes de mise en liberté à compter de la notification d’une décision. Il me semble problématique de prévoir qu’un acte de notification, qui n’est pas encadré par un délai spécifique et dépend des pratiques des services concernés, marque le point départ d’un délai. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement no 300.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        100
            Nombre de suffrages exprimés                99
            Majorité absolue                        50
                    Pour l’adoption                41
                    Contre                58

    (L’amendement no 300 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Pascale Bordes, pour soutenir l’amendement no 301.

    Mme Pascale Bordes

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    C’est le dernier de cette série. Cette fois, il concerne le délai pour instruire une nouvelle demande de remise en liberté à compter de l’appel d’une décision de rejet. Il s’agit de le faire courir à partir de la notification aux parties de la décision de la chambre de l’instruction. Monsieur le rapporteur, dans le code de procédure pénale, la notification des actes constitue un point de départ valable de nombreux délais.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Je donnerai le même avis que pour l’amendement précédent. Le terme de notification pose une difficulté, je viens de le dire, car la notification n’est pas encadrée par un délai spécifique. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Je ne voudrais pas laisser penser à Mme Bordes que nous n’avons pas en tête l’enjeu du gain de temps pour les magistrats. Je ne sais pas si tous nos collègues ont conscience des conditions de travail concrètes des magistrats, mais aussi des officiers de police judiciaire et des policiers en général.
    Ils sont confrontés à des problèmes de logiciels : je parle ici des logiciels de base de la police et de la justice. Au ministère de la justice, le logiciel Cassiopée ne fonctionne pas, il n’est pas efficace, il « plante » parfois ou comporte des erreurs. Alors qu’il est censé faire gagner du temps aux magistrats, ceux-ci doivent parfois écrire des procédures pénales dans d’autres logiciels puis les importer dans Cassiopée ! Imaginez quelle serait la situation à l’Assemblée nationale si nous ne disposions pas des logiciels Eliasse et Eloi, qui nous permettent de travailler de manière fluide et facile. S’ils dysfonctionnaient en permanence, nous demanderions en urgence leur révision.
    Je ne comprends pas qu’à la tête des ministères de l’intérieur et de la justice on ne s’en préoccupe pas : c’est une urgence fondamentale pour faire gagner du temps ! Les policiers de la police judiciaire que j’ai auditionnés m’ont dit perdre jusqu’à 30 % de leur temps de travail à cause des problèmes de logiciels. Nous débattons de la question des moyens : commençons par des logiciels qui fonctionnent dans la police et la justice ! La gendarmerie est capable d’en élaborer sous logiciel libre. Prenons-la en exemple ! (M. Ugo Bernalicis applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Pascale Bordes.

    Mme Pascale Bordes

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    Je ne pensais pas pouvoir le dire mais je vais le dire : je suis d’accord avec M. Léaument !

    M. Ugo Bernalicis

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    Ne dites pas cela maintenant ! (Sourires.)

    Mme Pascale Bordes

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    Les magistrats travaillent effectivement dans des conditions indécentes : le logiciel Cassiopée n’a plus d’âge et n’a jamais donné satisfaction. Vous dites que nous devons entrer en guerre contre les narcotrafics : cela commence par les moyens. Il faut allouer aux magistrats un logiciel performant !
    Deuxième point, sur lequel je suis également d’accord avec M. Léaument : un réseau privé virtuel des avocats (RPVA) pénal semblable au RPVA civil, qui fonctionne bien, permettrait de dater, avec certitude, les demandes de mises en liberté et les notifications d’actes. Peut-être le verrons-nous un jour ? J’en formule le souhait, conjointement avec M. Léaument, en espérant que vous nous entendrez. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 301.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        107
            Nombre de suffrages exprimés                105
            Majorité absolue                        53
                    Pour l’adoption                42
                    Contre                63

    (L’amendement no 301 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 707 de M. Pouria Amirshahi est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Je souhaite aller au bout de cette question des logiciels car je sens que nous avons capté l’attention de notre assemblée. Il vous est sans doute déjà arrivé de vous retrouver devant un écran bleu qui vous indique que l’ordinateur a « planté ».

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Oui, en vous regardant !

    M. Antoine Léaument

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    Cela arrive sans arrêt dans la police ou la justice. Lorsqu’il faut rédiger une procédure pénale, ce qui est compliqué –⁠ les policiers nous le disent –, et d’autant plus que le code de procédure pénale ne cesse de s’allonger à cause de vous, quand nous cherchons, nous, au contraire, à l’alléger –⁠ ce dont personne ne nous sait gré ! –, si le logiciel dysfonctionne, cela fait perdre du temps, provoque des tensions et complique le travail.
    Mais ce n’est pas tout ! Il existe en outre un problème de compatibilité entre les logiciels utilisés par la police et la gendarmerie et ceux utilisés par les magistrats. Ces derniers doivent donc recommencer en partie le travail réalisé par les policiers et gendarmes. Mesurez-vous, chers collègues, à quel point nous marchons sur la tête ? Nous discutons de l’adoption de moyens exceptionnels pour lutter contre les narcotrafiquants, alors qu’après huit ans de travail et 15 millions d’euros payés à Capgemini, la police nationale ne dispose pas d’une application en état de fonctionnement.
    Je vous invite donc solennellement à cosigner la proposition de résolution tendant à créer une commission d’enquête sur l’échec de « Scribe-XPN », logiciel de rédaction des procédures pénales pour la police, qu’Ugo Bernalicis et moi-même avons déposée. Il faut faire la lumière sur ce sujet : où est parti l’argent ? À quoi a-t-il servi ? Pourquoi la police ne dispose-t-elle pas d’un logiciel fonctionnel ? Et, pour élargir le champ de cette commission d’enquête : pourquoi les logiciels du ministère de la justice ne fonctionnent-ils pas non plus ?
    Pour lutter contre le narcotrafic, commençons par des choses simples : dotons les agents publics de moyens techniques efficaces ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.)

    (L’amendement no 707 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l’amendement no 363.

    M. Jean-François Coulomme

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    Pour prolonger l’interpellation de mon collègue Léaument, je témoigne que, dans mon département de Savoie, les greffières et greffiers m’ont confié être obligés de jongler avec cinq logiciels différents pour instruire les dossiers, logiciels au surplus incompatibles entre eux. Il nous faut donc régler cette question informatique simple.
    Cela me conduit à cet amendement qui prévoit la possibilité, pour les personnes détenues, de déposer une demande de remise en liberté par voie dématérialisée, au moyen d’un logiciel et d’une interface dédiés : il s’agit de recourir à un outil plus moderne que la rencontre physique.
    Cet amendement s’inscrit totalement dans la logique que vous défendez puisque vous voulez mettre fin, pour les différentes procédures, à toute mise en relation d’individus. Il rendrait possible l’application de l’article 148 du code de procédure pénale, qui prévoit que toute personne détenue provisoirement peut former une demande de mise en liberté dès lors qu’elle considère que son incarcération n’est pas justifiée.
    Je précise que cette mesure ne contrevient pas à la procédure existante puisque, in fine, le juge d’instruction sera sollicité pour examiner les demandes de mise en liberté.
    Par ailleurs, elle est conforme au programme de transformation et de modernisation de l’administration publique.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Les personnes détenues peuvent déjà déposer une demande de mise en liberté en remplissant un questionnaire papier, remis au greffe de l’établissement, lequel le transmet par voie dématérialisée au service judiciaire concerné. Votre demande est donc en partie satisfaite.
    J’ajoute que le ministère mène déjà des travaux afin de permettre la dématérialisation des échanges entre l’administration pénitentiaire et les services judiciaires. À terme, j’espère qu’ils rendront possible le dispositif que vous appelez de vos vœux –⁠ nous avons tous le même objectif en la matière. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Je suis très déçu, monsieur le rapporteur. En commission, vous vous étiez montré intéressé par cet amendement. Vous aviez alors expliqué qu’un travail était en cours avec les avocats pour leur permettre d’échanger par voie dématérialisée afin d’assurer une traçabilité, un horodatage de la demande plutôt que d’avoir recours à des bouts de papier ou à des documents glissés dans le dossier. Vous aviez noté qu’il serait intéressant de procéder de la même manière avec les détenus. En effet, il serait préférable qu’ils forment leur demande par voie dématérialisée –⁠ elle serait traçable, visible – plutôt que sur des feuilles de papier qui se promènent dans la prison et gênent tout le monde alors que, de toute façon, les demandes finissent par être intégrées dans un logiciel dématérialisé.
    Dans notre esprit, la dématérialisation aurait pu intervenir dans le cadre du déploiement des tablettes numériques dans les cellules.

    M. Antoine Léaument

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    Eh oui !

    M. Ugo Bernalicis

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    Cela aurait été en quelque sorte la voie royale. Nous avions d’ailleurs prévu d’ajouter cette disposition dans la proposition de loi. Nous voulions bien préciser qu’il était impossible de formuler plusieurs demandes successives, qu’elles devaient être examinées une par une et que des délais devaient être respectés à la fois par les détenus et par les magistrats qui traitent les demandes.
    Le problème, c’est que, lorsque les tablettes ont été détournées de leur usage, M. Darmanin n’a rien trouvé de mieux que de mettre en cause les services de l’administration pénitentiaire s’agissant du déploiement de ce programme.
    Au passage, je ne l’ai jamais entendu mettre en cause l’entreprise privée chargée directement d’équiper les cellules et qui n’a absolument pas garanti la sécurité de cette opération, alors que ce critère figurait bien sûr dans l’appel d’offres passé par l’administration pénitentiaire. Ah ! C’est sûr qu’il est beaucoup plus facile de taper sur les fonctionnaires que sur les entreprises privées qui ne conçoivent pas correctement les logiciels ou les tablettes. Nous avons bien compris de quel côté, au bout du compte, vous vous situiez. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Antoine Léaument

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    Ils préfèrent les caméras aux tablettes !

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 363.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        108
            Nombre de suffrages exprimés                106
            Majorité absolue                        54
                    Pour l’adoption                32
                    Contre                74

    (L’amendement no 363 n’est pas adopté.)

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour un rappel au règlement.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Il se fonde sur l’article 49 relatif à l’organisation de la discussion des textes soumis à notre assemblée. Il nous reste près de 600 amendements à étudier et seulement deux jours de travail. Dès lors, madame la présidente, comment comptez-vous mener les débats pour que nous puissions aller au bout de l’examen du texte ? Avez-vous des idées à suggérer aux différents collègues pour que nous accélérions un peu ?

    Mme la présidente

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    Nous avons fortement accéléré le rythme des débats par rapport aux séances d’hier. Nous discutons actuellement d’un article important –⁠ le gouvernement l’a d’ailleurs appelé par priorité –, qui nécessite des débats un peu plus longs que d’autres articles à venir. J’ai bon espoir que votre rappel au règlement ainsi que les précisions que je viens d’apporter permettent d’accélérer encore les débats. Cependant, je tiens à noter que, depuis ce matin, le rythme de travail est relativement raisonnable.

    Article 23 (appelé par priorité –⁠ suite)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 367.

    M. Ugo Bernalicis

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    J’ai ma petite idée sur les moyens d’accélérer les débats.

    M. Sylvain Berrios

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    Nous aussi, on en a une !

    M. Ugo Bernalicis

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    Il suffirait de voter les amendements de suppression des articles et tout irait beaucoup plus vite. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
    Avec cet amendement de repli, nous proposons, à titre expérimental, de rendre possibles les demandes de mise en liberté par voie dématérialisée –⁠ ce qui ne me semble pas un souhait extravagant.
    Ainsi, lorsque vous déciderez de la réintroduction des tablettes numériques –⁠ une fois qu’elles seront sécurisées et qu’on ne pourra donc pas les détourner de leur usage –, une brique aura déjà été posée.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Puisque certains me reprochent de n’aimer que les caméras et pas les ordinateurs, sachez que j’apprécie aussi les expérimentations. Je répète simplement que les personnes détenues peuvent déjà déposer une demande de mise en liberté auprès du greffe de l’établissement. Par ailleurs, nous avons déjà eu ce débat en commission.
    À titre personnel, j’émets un avis favorable, nonobstant l’avis défavorable de la commission.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Favorable.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 367.

    (Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        105
            Nombre de suffrages exprimés                102
            Majorité absolue                        52
                    Pour l’adoption                60
                    Contre                42

    (L’amendement no 367 est adopté.)
    (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Pascale Bordes, pour soutenir l’amendement no 302.

    Mme Pascale Bordes

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    Il prévoit que les délais très brefs imposés aux magistrats pour statuer sur les demandes de mise en liberté ne courent pas à compter de la réception de la demande mais de son enregistrement au greffe.
    Il existe un certain nombre de contentieux sur ce point. Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit par notre collègue –⁠ s’agissait-il de M. Bernalicis ou de M. Léaument ? –…

    M. Antoine Léaument

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    C’est pareil !

    Mme Pascale Bordes

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    …à propos du cafouillage qui entoure le dépôt des demandes de mise en liberté et des problèmes de dates qui peuvent se poser.
    Je vous demande d’adopter cet amendement car il sécurisera les demandes de mise en liberté et évitera des contentieux, en attendant que nos magistrats disposent de logiciels performants et d’un système sécurisé équivalent au RPVA pour le pénal. Je pense d’ailleurs que M. le ministre a parfaitement entendu les demandes formulées par nombre de magistrats instructeurs dans ce sens. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Vous évoquez une autre étape de la procédure par rapport aux amendements précédents mais il est toujours question de la détention provisoire et des demandes de mise en liberté.
    Une mesure consistant à faire courir un délai à partir d’un acte positif, en l’occurrence l’enregistrement de la demande, pose problème, selon moi, du point de vue des principes comme du respect de la Constitution. Avis défavorable.

    (L’amendement no 302, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 591.

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Il procède à une coordination à la suite de suppressions opérées par la commission des lois. Nous avons en effet choisi de supprimer la nouvelle possibilité offerte à la chambre de l’instruction de refuser une remise en liberté intervenue d’office en raison de l’expiration des délais légaux –⁠ nous en avons discuté un peu plus tôt ce matin avec notre collègue Colette Capdevielle –, mais nous avons oublié de supprimer l’alinéa 28, qui prévoit une coordination avec ces dispositions. Celles-ci ayant été supprimées en commission, cet amendement procède à la coordination et prévoit la suppression de l’alinéa 28.

    (L’amendement no 591, accepté par le gouvernement, est adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 708 de M. Pouria Amirshahi est défendu.

    (L’amendement no 708, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 606.

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    En commission, nous avons adopté un amendement de notre collègue Amirshahi qui prévoit la dématérialisation des demandes de mise en liberté, une évolution à laquelle je suis favorable car elle me semble présenter plusieurs avantages : simplification et modernisation de nos procédures mais aussi développement d’un outil qui permettra un meilleur suivi des demandes et des délais qui y sont associés.
    Cet ajout voté en commission figure pour le moment à l’alinéa 34. Je propose, par cet amendement, de le remonter à l’alinéa 30 et de le reformuler pour préciser plusieurs points.

    (L’amendement no 606, accepté par le gouvernement, est adopté.)

    Mme la présidente

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    Les amendements nos 709 et 710 de M. Pouria Amirshahi sont défendus.

    (Les amendements nos 709 et 710, repoussés par la commission et le gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement no 951, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Cet amendement de réécriture vise à procéder à deux évolutions principales : d’une part, fusionner, à l’article 23, toutes les dispositions relatives à la visioconférence pour garantir une bonne lecture du texte et, d’autre part, réduire le champ d’application des dispositions relatives à la visioconférence en le limitant aux seules personnes détenues ayant fait l’objet d’une décision d’affectation au sein d’un quartier de lutte contre la criminalité organisée, une modification que je tenais à souligner devant la représentation nationale.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Favorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sacha Houlié.

    M. Sacha Houlié

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    Il est nécessaire d’en dire davantage sur ce point que ce que nous venons d’entendre de la bouche du rapporteur.
    Tout d’abord, cet amendement prouve que nous avions raison, en commission des lois, de contester un dispositif que nous jugions très disproportionné, ce qui avait d’ailleurs été souligné par les points 29 et suivants de l’avis du Conseil d’État relatifs au recours systématique à la visioconférence.
    Le dispositif proposé en commission des lois devait concerner 13 500 personnes. Celui que nous soumet à présent le rapporteur ne concernerait plus que 800 personnes.
    Le problème, c’est que cette disposition –⁠ à laquelle le Conseil d’État doit donner son aval – qui prévoit le recours systématique à la visioconférence pour les audiences, sans que le détenu puisse s’y opposer et sauf décision contraire du magistrat, n’est toujours pas constitutionnelle.
    En effet, pour juger de la conformité de cette mesure, le Conseil d’État s’est appuyé sur une décision du Conseil constitutionnel datant de 2019. Or, dans une décision postérieure, no 2023-855, relative à la LOPJ, le Conseil constitutionnel précise que, pour qu’un tel dispositif soit parfaitement constitutionnel, le prévenu ou le détenu devrait comparaître devant le juge dans un délai de quatre mois à compter de son placement en détention –⁠ il s’agit de l’alinéa 79.
    Pour que votre amendement soit parfait, monsieur le rapporteur, il faudrait le sous-amender en tenant compte de cette précision et ajouter : « La personne mise en examen devra de nouveau être entendue par le juge d’instruction, sans recours à de tels moyens, avant l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de son interrogatoire de première comparution. » Nous serions alors favorables à votre amendement. En l’état de sa rédaction, ce n’est pas le cas.

    M. Pouria Amirshahi

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    Et paf !

    Mme la présidente

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    Je vous annonce que, sur les amendements no 275 et identique d’une part et sur les amendement no 277 et identique d’autre part, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire de demandes de scrutin public.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Je ne reviendrai pas sur les arguments juridiques avancés à l’instant. Ils sont bien sûr pertinents et nous les reprendrons, le cas échéant, devant le Conseil constitutionnel comme nous l’avions fait en 2023 à propos de la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice –⁠ ce qui avait permis d’aboutir à la décision qui vient d’être citée.
    Une interaction, en face-à-face, dans un cabinet, entre la personne mise en cause et le magistrat, ne sera jamais comparable à une visioconférence. D’ailleurs, 100 % des magistrats instructeurs vous le diront : même des personnes qui assuraient, en prison, qu’elles ne parleraient jamais, parce que c’est aussi pour elles une question d’honneur, ne tiennent pas forcément le même discours dans le cabinet du juge d’instruction.
    Se priver de cette possibilité de recueillir des informations, en lui substituant la visioconférence, dont on sait la froideur et la rigidité, c’est se passer d’éléments potentiellement importants, voire déterminants, pour les enquêtes en cours, en particulier sur la criminalité organisée et le narcotrafic.
    Je vous adjure de comprendre que la disposition que vous proposez, dont beaucoup aiment à dire qu’il s’agit d’une mesure de bonne administration de la justice, constitue aussi une entrave à la bonne qualité des enquêtes menées par les magistrats instructeurs.
    J’entends bien que toute extraction judiciaire peut être dangereuse, mais c’est la responsabilité de l’administration pénitentiaire de calibrer correctement le dispositif d’extraction en fonction du niveau de danger prévisible. Vous nous ramenez régulièrement à l’affaire Amra ; or, dans cette affaire, l’administration a justement commis une erreur d’appréciation en ne demandant pas d’escorte du Raid, alors même qu’elle en avait la possibilité. Je n’en fais pas un cas d’école.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Colette Capdevielle.

    Mme Colette Capdevielle

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    Là encore, il faut rappeler que, pendant l’information judiciaire, le juge d’instruction, généralement issu d’une juridiction interrégionale spécialisée (Jirs), instruit des dossiers très complexes, impliquant notamment des commissions rogatoires internationales et une multitude d’actes.
    Dans un tel cadre, qui requiert un travail très minutieux du juge d’instruction et la présence des personnes concernées, notamment au moment des confrontations, le recours à la visioconférence est véritablement impossible –⁠ ce sont les magistrats instructeurs qui vous le disent.
    Or ce texte assoit le principe d’un tel recours durant toute l’information judiciaire. Cela constitue un glissement de notre droit. On sait comment ça se passe : dès qu’on met un pied dans la porte, elle s’ouvre, et ce principe finira par devenir la norme dans toutes les procédures d’information.
    Je mets l’accent sur un point : la disposition proposée par M. le rapporteur prévoit que le magistrat, s’il décide de déroger au principe de la visioconférence, devra motiver cette décision par écrit. Cela représente encore un travail supplémentaire pour les juges d’instruction, qui ne vous remercieront pas ! On est dans Ubu roi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. –⁠ M. Ugo Bernalicis et Mme Élisa Martin applaudissent également.) On vous a expliqué sur tous les bancs que les juges d’instruction croulent sous les dossiers –⁠ certains doivent en gérer des centaines, qui impliquent notamment le contentieux lié à la détention préventive, et vous leur demandez encore de se justifier ! On devient fou ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Marc de Fleurian.

    M. Marc de Fleurian

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    Le collègue Bernalicis vient d’évoquer le code d’honneur des criminels. Mais ils n’ont pas d’honneur ! Il y a clairement une inversion du système de valeurs : soit vous êtes sous emprise, soit vous avez regardé trop de films ! L’honneur des criminels, ça n’existe pas ! L’honneur des agents pénitentiaires, c’est celui de ceux qui sont tombés sous les balles ennemies à Incarville ! Révisez votre système de valeurs ou taisez-vous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme Elsa Faucillon

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    Va à la salle de sport !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sébastien Huyghe.

    M. Sébastien Huyghe

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    Les magistrats pourront toujours demander à rencontrer les personnes visées dans leur cabinet. Faites-leur confiance ! Ceux qui ont à gérer ces affaires complexes ne sont pas des perdreaux de l’année : ils savent quand il est vraiment nécessaire de rencontrer les individus concernés et quand ce n’est pas le cas.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Je suis contraint de faire un rappel au règlement, sur le fondement de l’article 70, alinéa 3. (Protestations sur les bancs du groupe RN.)
    Monsieur le député du Rassemblement national,…

    Mme Claire Marais-Beuil

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    Il a un nom !

    M. Antoine Léaument

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    nous n’entretenons aucune complicité avec les criminels. Nous proposons au contraire des mesures visant à sortir du piège du narcotrafic. Je vous ai dit tout à l’heure…

    Mme la présidente

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    Merci, monsieur Léaument, mais il ne s’agit pas d’un rappel au règlement. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN)
    La parole est à M. le ministre d’État.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Je réponds en même temps à Mme Capdevielle et à M. Houlié. Je comprends bien qu’ils tentent d’obtenir du Conseil constitutionnel la censure de cet article, mais je crains que ce ne soit impossible.

    M. Antoine Léaument

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    Ça peut arriver !

    M. Ugo Bernalicis

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    Attention, hein !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    D’abord parce que l’on a déjà recours à la visioconférence dans les territoires ultramarins –⁠ et en particulier aux Antilles –, pour des raisons liées à la distance et à la bonne organisation de la justice. On peut donc déjà faire dans ce cas particulier ce que le texte prévoit d’autoriser s’agissant du régime carcéral.
    Deuxièmement, monsieur Houlié, j’ai bien peur que nous ne parlions pas du même fondement. Pour censurer les dispositions de la LOPJ –⁠ un texte que vous avez d’ailleurs voté et à l’élaboration duquel vous avez participé –, le Conseil constitutionnel s’est fondé sur la bonne organisation de la justice. Or nous évoquons ici un tout autre fondement.
    C’est la raison pour laquelle l’avis du Conseil d’État, délibéré en assemblée générale, est très clair. Je cite son alinéa 31 : « Si un tel critère devait être retenu, le Conseil d’État estime que le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle pourrait être le principe et la comparution physique de la personne détenue l’exception –⁠ ce n’est donc pas le gouvernement qui parle de principe et d’exception, mais le Conseil d’État, madame Capdevielle – sans que la personne détenue ne puisse refuser l’utilisation d’un tel moyen. »

    M. Arthur Delaporte

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    Ce n’est pas le bon alinéa, ni le bon avis, vous êtes hors sujet !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Le Conseil d’État, monsieur Houlié, estime que cette règle peut s’appliquer à « l’ensemble des actes d’instruction nécessitant une comparution de la personne ainsi qu’aux audiences ». Le Conseil d’État a donc bien prévu que ce dispositif s’applique à la première comparution.
    J’insiste sur le fait que nous ne nous fondons pas du tout sur la bonne organisation de la justice, mais bien sur la dangerosité des détenus et l’ordre public. Il est donc évident que, dans le cas d’espèce, le Conseil constitutionnel ne rendra pas de décision sur le fondement –⁠ à savoir la bonne organisation de la justice – qui l’a conduit à censurer les dispositions de la LOPJ précédemment évoquées, qui concernaient les 82 000 détenus, donc l’ensemble de la politique carcérale.
    Je regrette d’ailleurs que ce texte, que vous avez élaboré et voté, ait eu à subir cette censure ! Il laissait entendre que, pour la bonne organisation de la justice, il faudrait avoir recours à la visioconférence. Or ce n’est pas du tout ce que nous affirmons, et l’assemblée générale du Conseil d’État l’a bien remarqué ! Mais peut-être les juristes du Conseil d’État sont-ils moins compétents que vous ne l’avez été dans votre intervention…
    Nous souhaitons en tout cas que la disposition en discussion ne concerne que le régime carcéral évoqué, tandis que le Conseil d’État est d’avis qu’elle peut s’appliquer à « l’ensemble des actes d’instruction nécessitant une comparution de la personne ainsi qu’aux audiences au cours desquelles il doit être statué sur la détention provisoire », première comparution comprise. Et, encore une fois, nous ne nous fondons pas sur la bonne organisation de la justice mais sur la dangerosité des personnes concernées et l’ordre public. Qu’on l’inscrive ainsi dans le compte rendu de nos débats, afin d’éclairer le Conseil constitutionnel !
    Je terminerai en m’adressant à Mme Capdevielle : vous pouvez certes citer sans cesse les magistrats, mais leur syndicat majoritaire, l’USM, ou Union syndicale des magistrats, a publié le 18 mars 2025 une lettre ouverte commune avec l’Unsa-police –⁠ je me félicite de ce fait, assez rare pour mériter d’être souligné –, qui soutient l’intégralité des dispositions du texte dont nous débattons. Au moment de l’élaboration des mesures relatives à la visioconférence, j’ai évidemment invité le président de l’USM et les représentants des syndicats pénitentiaires à contribuer à notre réflexion –⁠ car je crois qu’il est bon de travailler avec les partenaires sociaux – et l’USM ne s’y est en aucun cas opposée.
    Bien sûr, le dispositif que nous proposons modifiera les habitudes et les manières de travailler, mais il est question d’individus qui commettent des assassinats à la kalachnikov, au péage, en pleine journée ! Peut-être pourrions-nous prendre l’habitude d’agir pour la préservation de l’autorité de la République, plutôt que celle de voir mourir les agents pénitentiaires ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. –⁠ Mme Maud Petit applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pouria Amirshahi.

    M. Pouria Amirshahi

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    Le débat relatif à la visioconférence nous posait à tous la question suivante : dans quelles conditions strictes et exceptionnelles est-il envisageable d’y avoir recours ? Nous avons entendu tout à l’heure un début de réponse, lorsque vous avez indiqué qu’il serait possible de faire venir les magistrats dans vos superprisons. Comme Colette Capdevielle vient de le faire, Elsa Faucillon vous a répondu en évoquant les conséquences d’une telle mesure sur les moyens de la justice.
    Ce que vous ne dites pas, c’est ce que des dispositifs de ce genre laissent présager. Je me souviens qu’en 2015, alors que vous étiez député, monsieur Darmanin, lorsque nous avions débattu de la loi relative au renseignement puis de la prolongation de l’état d’urgence, à laquelle je m’opposais, je vous avais indiqué que de telles dispositions exceptionnelles visaient à lutter contre le terrorisme et qu’il n’y avait aucune raison d’étendre leur champ d’application. Vous faisiez partie de ceux qui m’invitaient à faire confiance à la sagesse du gouvernement, mais ce champ d’application a bel et bien été étendu !
    Comme alors, par la force des choses, mais aussi par paresse, vous serez amené à étendre le champ d’application des dispositions exceptionnelles que vous défendez aujourd’hui, notamment parce que les magistrats manquent de moyens et sont submergés de dossiers. Toute l’institution judiciaire, pour cette raison, est contrainte de s’industrialiser, et les palais de justice deviennent des usines à jugements ! Les jurisprudences évoluent toujours de la même manière. Nous en sommes aujourd’hui au point de départ, mais le recours à la visioconférence dans le cadre des procédures de comparution sera par la suite appliqué plus largement. On se sera donc engagés dans une dérive grave et dangereuse, bien identifiée dans d’autres pays que vous avez vous-même mentionnés, qui aura conduit à une déshumanisation de la justice. Faites-y attention !

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 951.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        111
            Nombre de suffrages exprimés                110
            Majorité absolue                        56
                    Pour l’adoption                75
                    Contre                35

    (L’amendement no 951 est adopté ; en conséquence, les amendements nos 275, 711, 461, 933, 924 et 516 tombent.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 277 et 344.
    La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l’amendement no 277.

    M. Antoine Léaument

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    Il tend à supprimer les dispositions visant à installer des drones porteurs de caméras à l’intérieur des lieux de détention. Nous en avons parlé en commission. Indépendamment de la défense des droits des détenus –⁠ je vais m’efforcer d’employer des arguments susceptibles de vous convaincre et n’aborderai donc pas ce sujet, qui ne semble jamais vous intéresser, mais mes collègues y reviendront –, il convient de poser la question des moyens. En effet, ces drones sont excessivement coûteux. Il faut également des agents pour les utiliser. Or nous ne disposons d’aucun élément sur la manière dont on en fera usage et sur le nombre d’agents qui s’y consacreront. Vous vous bornez à prétendre que l’installation de ces drones munis de caméras réglera tous les problèmes, mais vous savez pertinemment que ce n’est pas vrai !
    Nous voulons donc des réponses : combien d’agents opéreront ces drones ? Combien de drones faudra-t-il pour équiper les prisons si vous choisissez d’en faire usage ? Combien cela coûtera-t-il ? Voilà des questions qui intéressent la représentation nationale ! Parce que, chaque fois que vous décidez d’augmenter les moyens techniques, cela correspond à une diminution des moyens humains dans les prisons.
    Je me permets d’aborder un dernier point au sujet de la visioconférence, puisque l’adoption de l’amendement no 951 en a fait tomber bien d’autres qui en traitaient. Vous pourrez voir, en sortant de l’hémicycle, deux éléments qui font partie du mobilier de l’Assemblée nationale : lorsque vous vous tenez dans le salon Casimir-Perier, la loi qui protège vous fait face, tandis que la loi qui punit se trouve derrière vous. Observez bien ces deux bas-reliefs. En faisant du recours à la visioconférence un principe, vous supprimez une partie de ce qui constitue le sens de la justice, à savoir le fait se trouver face à un juge. Ce face-à-face a une fonction.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir l’amendement no 344.

    Mme Sandra Regol

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    Votre proposition d’installer des drones dans les prisons demeure très floue. Nous défendons cet amendement pour encadrer cette mesure, puisque la rédaction actuelle des dispositions en question laisse dans l’ombre deux questions majeures.
    Pour commencer, on se demande comment des drones peuvent fonctionner dans des établissements où sont installés des brouilleurs.
    S’agissant ensuite des délais d’urgence, il faut accomplir toute une série de démarches pour les activer –⁠ c’est heureux ! Or on nous a expliqué, notamment au cours de nos échanges et des auditions, que c’était pour pouvoir agir rapidement en cas d’émeute que l’on voulait instaurer ces délais d’urgence. Mais il me semble que des émeutes ne se prévoient pas trois mois à l’avance ! C’est pourtant à peu près le temps que prennent ces démarches. On se demande donc bien à quoi servent ces délais et quelle est l’opérabilité de ces drones, étant entendu qu’il y a des caméras à l’intérieur et à l’extérieur des prisons.

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Elles sont vandalisées, madame !

    Mme Sandra Regol

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    S’il faut en rajouter pour pouvoir mieux observer les abords ou mieux protéger celles qui sont placées dans les établissements, faisons-le, mais l’installation de drones suscite bien trop d’interrogations sur la possibilité de voir l’intérieur des cellules. Même si votre rédaction prévoit la suppression des images qui auront été enregistrées, elles seront tout de même visionnées avant.
    Par ailleurs, l’obligation d’être enfermé ne supprime pas le droit à l’intimité, et il n’en était jusque-là pas question dans nos discussions, d’autant que le droit à l’intimité concerne aussi les riverains qui peuvent être filmés à leur insu, ce qui est très problématique sachant que les images auront été, elles aussi, visionnées.
    Bref, j’aimerais bien des réponses à mes questions, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, et j’invite les collègues à s’interroger sur l’utilité de ce matériel fort coûteux.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Je vous rejoins sur ce dernier point, madame Regol : j’invite moi aussi les collègues à se poser la question sur l’utilité de ces matériels. Pour ma part, je pense qu’ils sont profondément utiles parce qu’ils vont répondre à des cas concrets prévus par l’article tel qu’il est rédigé : la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens, la surveillance, l’appui des interventions de maintien de l’ordre menées par les équipes de sécurité dans le milieu pénitentiaire, le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs, ainsi que la formation des agents. Il y a donc déjà une limitation des cas d’utilisation.
    Par ailleurs, il est vrai qu’il y a déjà des caméras fixes en milieu pénitentiaire, mais on sait bien qu’elles sont très souvent vandalisées et qu’existent des angles morts. À cet égard, avoir des caméras installées sur des dispositifs aéroportés de type drones a tout de même une vraie utilité et complète les caméras existantes. Les deux systèmes sont faits pour être coordonnés.
    S’agissant du cadrage général et de la manière dont ces dispositions vont s’appliquer, je rappelle que l’article mentionne bien que l’utilisation des drones est subordonnée à l’autorisation de l’autorité hiérarchique et que la demande doit justifier de la nécessité d’y recourir, préciser la finalité poursuivie, indiquer le service responsable de l’opération, les techniques matérielles utilisées ainsi que la durée de l’autorisation souhaitée et « le cas échéant, les modalités d’information du public ». De plus, l’article rappelle que les conditions d’application de ces mesures seront « précisées par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Cnil –⁠ Commission nationale de l’informatique et des libertés ». C’est un avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Premier point : je rappelle que les drones sont utilisés par les organisations criminelles pour surveiller nos établissements pénitentiaires, voir comment on peut s’en évader et faire des livraisons de drogue et d’armes. Et nous, nous ne pourrions pas les utiliser ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Gabrielle Cathala

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    Il ne faut pas confondre vidéoprotection et vidéosurveillance !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Second point : je ne crois pas que les rares maires de La France insoumise soient favorables aux caméras de vidéoprotection. En revanche, dans les villes écologistes, il y a des demandes en ce sens : je pense au maire de Bordeaux qui m’avait fait à l’époque une demande de caméras de vidéosurveillance supplémentaires pour un montant de 1,5 million d’euros, parce que cela correspondait à une attente de sa population. Et je crois que le maire de Grenoble a installé des caméras de vidéoprotection –⁠ n’est-ce pas, madame Martin ? Et cela ne vous empêche pas de siéger dans son conseil municipal.
    J’espère que nos petits-enfants liront le compte rendu des débats –⁠ cette perspective doit réjouir notre cœur – pour y découvrir les interventions de leurs grands-parents quand ils débattaient en 2025 de ce sujet, et ils se diront : « C’est incroyable, à l’époque, il y en avait tout de même pour refuser les drones assurant la sécurité de nos concitoyens ! »

    M. Antoine Léaument

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    Oh là là ! Lisez 1984 !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Quand j’ai commencé en tant qu’élu municipal d’opposition dans ma ville, le maire socialiste me disait qu’il préférait une ville sans caméra, où les habitants ne se surveillent pas les uns les autres mais parlent ensemble.

    Mme Isabelle Santiago

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    C’était un autre temps !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Certes. Mais même Martine Aubry, à qui je rends hommage au moment où elle va quitter la mairie de Lille, installe désormais –⁠ Sébastien Huyghe peut en témoigner – des caméras de vidéoprotection. Tout arrive ! Ne soyez pas en retard d’une guerre car je pense que cela vous collerait alors formidablement à la peau. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)

    M. Antoine Léaument

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    C’est un assez mauvais argument !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Je terminerai en répondant à M. Léaument, qui m’invite doctement à contempler une certaine statue quand je sortirai de cet hémicycle : je l’encourage à lever les yeux au ciel –⁠ un peu comme nous quand il parle –, quand il se trouvera dans le salon Pujol, et il verra que c’est de l’illusion…

    M. Antoine Léaument

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    C’est du faux marbre !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Exactement. C’est du faux, faisant croire à du vrai, comme votre discours sur la vidéo et sur les drones. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs du groupe DR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Gabrielle Cathala.

    Mme Gabrielle Cathala

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    Tout d’abord, monsieur le ministre, je voudrais rappeler que tout cela rappelle la crise sanitaire, lorsque les drones avaient déjà été achetés avant même d’être autorisés.
    Quant aux garanties que vous énoncez, on avait eu les mêmes débats sur la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, puis sur la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure. La première, grâce à notre recours, avait été censurée par le Conseil constitutionnel parce qu’elle ne présentait pas de garanties suffisantes au regard du respect de la vie privée des individus. Aussi, vous aviez mis en place des garanties supplémentaires dans la seconde, dont la prétendue information du public que vous évoquez à nouveau –⁠ en fait, une information mise en ligne au dernier moment ou un écriteau apposé à côté d’une manifestation et que personne ne regarde. Et si les drones sont censés être utilisés aujourd’hui pour prévenir la commission de certaines infractions, notamment d’actes terroristes, ou d’éventuels troubles à l’ordre public, ils ne servent en fait qu’à surveiller les manifs contre la réforme des retraites, les manifs pour soutenir le peuple palestinien et celles pour lutter contre les mégabassines –⁠ il y avait dix drones à Sainte-Soline.

    M. Laurent Jacobelli

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    Quel rapport ?

    Mme Gabrielle Cathala

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    Cela ne sert à rien, sinon à bafouer la vie privée et à installer indirectement la reconnaissance faciale, puisque les personnes chargées d’étudier les images transmises par les drones peuvent les recouper avec le fichier de traitement d’antécédents judiciaires (TAJ), ce qui induit des violations très graves des libertés individuelles. Ce sera exactement la même chose en prison, c’est-à-dire une fuite en avant sécuritaire, qui ne servira strictement à rien du point de vue de la prévention et du respect de la sécurité, sinon à gaver certaines entreprises qui font des ventes de drones leur fonds de commerce.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Colette Capdevielle.

    Mme Colette Capdevielle

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    Le ministre nous a indiqué tout à l’heure qu’il avait signé avec un syndicat un communiqué de presse. Je viens de le lire : il ne fait absolument pas référence à la visioconférence.

    M. Inaki Echaniz

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    Il a menti !

    Mme Colette Capdevielle

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    En revanche, le président de l’USM, Ludovic Friat, premier vice-président adjoint au tribunal judiciaire de Paris, a donné, il y a quelques jours, son point de vue : « La visioconférence n’est pas adaptée aux longs interrogatoires de fond –⁠ exactement ce que je vous ai dit en commission – qui reprennent tous les éléments du dossier, mais l’est certainement pour les interrogatoires courts. » Il a rappelé au préalable ceci : « Or d’expérience, on sait que notre ministère n’est pas toujours le plus diligent en matière de moyens technologiques », et il a vraiment raison : on en est encore au Moyen Âge en matière pénale sur le plan des moyens technologiques. « Cela implique de marteler qu’il s’agit là de nécessités et d’efficacité judiciaire et non du confort de magistrats ’’bien au chaud sous les ors de leurs palais’’ » –⁠ il est vrai que certains se sont permis de le dire à propos des magistrats. Il complète son analyse ainsi : « La visioconférence est quasi impossible s’il faut présenter des documents ou écouter des interceptions téléphoniques. »
    Voilà quelle est la réponse du président de l’USM, syndicat majoritaire parmi les magistrats de notre pays. Cela ne correspond donc pas du tout à ce que vous venez de nous indiquer, monsieur le ministre, puisque vous avez dit que le syndicat était favorable au développement de la visioconférence. C’est faux. (Mme Sandra Regol applaudit.)

    M. Arthur Delaporte

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    Pan, dans les dents !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jordan Guitton.

    M. Jordan Guitton

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    Arrêtons de raisonner sur les drones : la situation est telle que les délinquants, les narcotrafiquants et autres criminels en utilisent eux-mêmes. Je relis un article de L’Est Éclair, la presse locale de chez moi, qui relate qu’un détenu aubois s’est même fait livrer de la drogue par drone dans sa prison de Châlons-en-Champagne, dans la Marne.
    À la vérité, le monde qu’à gauche vous nous proposez, c’est celui où les narcotrafiquants et les criminels utiliseraient des drones, mais pas l’administration pénitentiaire et les forces de l’ordre, notamment pour protéger les abords des prisons, puisque vous les leur refuseriez. Mais vous êtes complètement à côté de la plaque, chers collègues ! Je ne comprends pas votre raisonnement. Nous allons voter contre cette utilisation de drones…

    Mme Sandra Regol

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    Joli lapsus !

    M. Jordan Guitton

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    …pardon, contre vos amendements qui suppriment l’utilisation des drones, et nous allons évidemment soutenir sur le fond ce texte comme nous le faisons depuis le début.
    Je tiens juste à rappeler, monsieur le ministre que si le groupe Rassemblement national et ses alliés UDR n’étaient pas là depuis le début…

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Vous avez voté la censure !

    M. Jordan Guitton

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    …de l’examen de ce texte, l’utilisation des drones par l’administration pénitentiaire aurait été supprimée en commission et le serait encore aujourd’hui. Cela montre bien que nous ne voulons pas la politique du pire, au contraire : nous voulons récupérer un pays le moins égratigné possible en 2027, avec une autre majorité.
    Car la différence entre nous et la gauche est double en l’occurrence : premièrement, on ne dépose pas des motions de rejet ou des amendements de suppression sur tous vos textes ; deuxièmement, on a voté la loi de programmation militaire, la Lopmi et la LOPJ. Si nous voulions faire la politique du pire, nous n’aurions voté aucun de ces textes. Donc votre raisonnement ne tient pas.
    Je conclurai en m’adressant à nouveau aux collègues de gauche : essayez tout de même de rencontrer le personnel de l’administration pénitentiaire, je pense que vous pourriez en apprendre beaucoup. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. Ugo Bernalicis

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    On en reparlera quand vous aurez visité autant de prisons que moi !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Elsa Faucillon.

    Mme Elsa Faucillon

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    Comme il est beaucoup fait état ici des prises de position de différents maires et de leur couleur politique, j’en profite pour dire que les maires communistes qui ont signé la tribune que vous évoquez ne soutiennent pas les quartiers de haute sécurité ni les atteintes aux droits et libertés fondamentaux. C’est important de le rappeler (M. Antoine Léaument applaudit) puisqu’ils suivent, eux aussi, nos débats. Et il en est de même concernant la vidéoprotection.

    M. Laurent Jacobelli

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    Il y avait des caméras, au goulag ?

    Mme Elsa Faucillon

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    Certes, monsieur le ministre, il y a parfois des divergences entre élus de gauche, vous avez raison, mais vous en connaissez également dans votre camp politique. Dans la pratique, il est vrai que, bien souvent, des maires sont confrontés à une demande de vidéoprotection de la part de la population, qui constate que les moyens en police dans les quartiers ne sont pas suffisants. Mais elle s’aperçoit que ces caméras ne règlent pas grand-chose et que les coûts très importants rendent défavorable le rapport coûts-bénéfices. D’ailleurs, les endroits où on a le plus besoin de vidéoprotection sont souvent ceux où les caméras sont le plus fréquemment détruites et où il faut les remplacer, d’où des coûts supplémentaires.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Je suis obligé de reprendre Mme Capdevielle, suite à son intervention…

    M. Boris Vallaud

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    C’est pas bien, ça !

    M. Olivier Faure

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    Vous allez le regretter ! (Sourires.)

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Je sais que ce n’est pas bien, mais je me le permets parce que vous faites erreur, ma chère collègue.
    J’ai sous les yeux la lettre ouverte conjointe de l’Union syndicale des magistrats et de l’Unsa-police. Elle date du 18 mars,…

    M. Antoine Léaument

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    Date de la Commune !

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    …postérieurement, donc, à nos débats en commission, y compris sur la question de la vidéoprotection, en particulier par les drones : ils soulignent qu’il faut « se doter sans délai d’outils nouveaux, efficaces »,…

    M. Pouria Amirshahi et Mme Colette Capdevielle

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    On est d’accord !

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    …souhaitent que la procédure du « dossier coffre » soit adoptée en France, demandent « la capacité d’activer à distance des appareils électroniques » –⁠ nous aurons ce débat à propos du rétablissement des articles 15 ter et 15 quater, supprimés en commission –, soulignent le « besoin de décryptage des messageries chiffrées » –⁠ j’y suis personnellement défavorable –, préconisent « la nécessaire refonte du régime des nullités » –⁠ c’est prévu à l’article 20, et je pense qu’il n’y a pas de débat là-dessus –, concluent que « cette liste n’est pas exhaustive » et donnent leur soutien à l’ensemble de la proposition de loi sur le narcotrafic, telle qu’elle a été adoptée par la commission des lois.

    Mme Elsa Faucillon

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    Ils ont mal suivi les débats !

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Les deux syndicats écrivent ensuite une phrase que je souhaite lire intégralement parce que je crois intéressant de la verser au compte rendu : « L’État démocratique, l’État de droit sont des principes fragiles que le crime organisé peut demain renverser pour imposer sa loi du profit et de la violence meurtrière si l’on n’y consacre pas les moyens et les outils nécessaires. » Je crois, madame la députée, que tout est dit.

    Mme Colette Capdevielle

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    Non !

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Le syndicat majoritaire dans la magistrature et le syndicat de police Unsa demandent que soit soutenue la proposition de loi « narcotrafic » sur l’ensemble de ses dispositions, y compris celles que vous contestez.

    Mme Elsa Faucillon

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    Et les syndicats qui réclament la retraite à 62 ans, vous les écoutez ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Il s’agit d’un rappel au règlement au sujet de la clarté et de la sincérité de nos échanges.
    Je vois que M. le président de la commission a lu le communiqué de l’Union syndicale des magistrats, l’organisation majoritaire, et je lui propose de lire maintenant celui du Syndicat de la magistrature sur le même sujet (Protestations sur les bancs des groupes RN et UDR), histoire que tout le monde soit bien éclairé : « Systématiser la visioconférence dans les Jirs, c’est détruire la justice de demain… »

    Mme la présidente

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    Monsieur Bernalicis, ce n’est pas un rappel au règlement. Je vous invite à participer à la discussion par la voie ordinaire.

    M. Antoine Léaument

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    C’est lamentable ! C’est un rappel au règlement !

    M. Ugo Bernalicis

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    Monsieur le président de la commission, lisez le communiqué du Syndicat de la magistrature !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    Je m’excuse d’en revenir à l’amendement en débat, sur lequel j’ai posé deux questions à M. le ministre et à M. le rapporteur sans obtenir de réponse. Je les rappelle : la première concernait l’incidence des brouilleurs sur le pilotage des drones ; la seconde portait sur la possibilité d’une réaction rapide, compte tenu de l’ensemble des démarches à effectuer.
    En réponse, monsieur le ministre, vous nous avez renvoyés aux prises de position de certains maires écologistes. Vous avez entièrement raison : ils vous ont demandé plus de forces de police nationale pour agir contre les trafics qui ont lieu dans leur ville et ils vous ont demandé de combler les angles morts avec des caméras. C’est exactement ce que je viens de vous dire : dans les prisons ou à leurs abords, il est tout à fait possible qu’il y ait des angles morts problématiques sur lesquels il faut travailler. Pourquoi agir comme cela plutôt qu’avec des drones ? Par souci des deniers publics. Il n’est sans doute pas obligatoire de dépenser beaucoup d’argent dans des technologies coûteuses quand on peut arranger ce qui existe déjà. J’aimerais beaucoup avoir des réponses à mes questions. Sinon, à quoi sert-il de débattre ?

    M. Pouria Amirshahi

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    Très bien ! On attend des réponses !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sacha Houlié.

    M. Sacha Houlié

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    M. le président de la commission des lois a entretenu une confusion en répondant à Mme Capdevielle. Elle ne parlait pas des drones, à propos desquels elle ne votera a priori pas l’amendement en débat puisqu’elle est favorable à l’extension de leur usage dans les enceintes pénitentiaires.
    Elle revenait au sujet précédent, les visioconférences. L’amendement qui en permet l’usage dans les Jirs et dont a parlé M. le ministre, c’est moi qui l’ai déposé, dans le cadre de l’examen de la précédente LOPJ. L’avis du Conseil d’État qui a validé l’usage de la visioconférence et auquel vous avez fait référence porte donc sur une loi promulguée en 2019 et ne tient pas compte des précisions apportées en 2023 par le Conseil constitutionnel dans son avis sur la LOPJ pour 2023-2027.
    Ainsi, à moins de tenir compte de la demande que j’ai formulée tout à l’heure, qui vise à ce qu’un détenu ou un prévenu soit entendu en face à face dans les quatre mois suivant sa première incarcération, il y a un risque d’inconstitutionnalité, quels que soient les objectifs poursuivis.
    D’ailleurs, l’alinéa que vous avez lu tout à l’heure fait état d’une discussion puisqu’il y est écrit que « le Conseil d’État estime possible de prévoir ce régime dans les limites précisées précédemment, en raison de la force de l’objectif poursuivi tenant à l’extrême gravité… »

    M. Sébastien Huyghe

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    Cela ne concerne pas l’amendement en débat mais un amendement déjà voté !

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est le président de la commission qui a remis 10 euros dans la machine !

    M. Sacha Houlié

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    C’est une interprétation qui lui est propre et qui peut être discutée par le Conseil constitutionnel. Dans ces circonstances, ce que vous avez dit est sujet à controverse. (Interpellation diverses.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 277 et 344.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        112
            Nombre de suffrages exprimés                100
            Majorité absolue                        51
                    Pour l’adoption                23
                    Contre                77

    (Les amendements identiques nos 277 et 344 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l’amendement no 202.

    M. Arthur Delaporte

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    Nous abordons une série d’amendements concernant les drones. Nous ne sommes pas hostiles à leur utilisation en milieu pénitentiaire. Toutefois, les surveillants demandent d’abord des dispositifs anti-drones, plus que des drones. Il s’agit de dispositifs pour lutter contre les livraisons d’un certain nombre de choses dans l’enceinte des établissements. Je suppose que le ministère va prévoir un grand plan d’investissement en faveur de tels moyens.
    Nous sommes très vigilants sur la question de la proportionnalité de l’usage des drones. C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’alinéa 54 de l’article, dont la finalité pourrait être considérée comme trop large puisqu’elle est définie comme « la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des établissements pénitentiaires […] en raison de leurs caractéristiques ou des faits qui s’y sont déjà déroulés, à des risques d’incident, d’évasion ou de trafic d’objets ou de substances interdits ou constituant une menace pour la sécurité ».
    Nous voyons bien ici que le premier point qui permet d’utilisation des drones est totalement décorrélé de la question du narcotrafic. Par ailleurs, les raisons de leur utilisation sont très larges. C’est pourquoi nous proposons de supprimer cet alinéa, afin de revenir à une rédaction plus liée au narcotrafic et plus proportionnée.

    (L’amendement no 202, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Yoann Gillet, pour soutenir l’amendement no 62.

    M. Ugo Bernalicis

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    Ça va être particulièrement intéressant !

    M. Yoann Gillet

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    Certains pourraient croire, en écoutant la gauche depuis le début des débats, qu’on a affaire à des députés déconnectés ou naïfs. Je ne le crois pas. Je crois qu’ils sont dans de la pure idéologie. (Sourires sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)

    Mme Sandra Regol

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    Vous, jamais !

    M. Yoann Gillet

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    On parle de gens qui veulent légaliser le cannabis, dépénaliser la détention de cocaïne et qui font tout pour retarder l’adoption de quelques améliorations nécessaires pour mieux lutter contre le narcotrafic. Vous faites tout pour empêcher la sécurisation des prisons et la mise en sécurité des surveillants pénitentiaires. Vous faites tout également pour empêcher les fouilles des détenus, parce qu’il ne faudrait pas que ces pauvres petits chéris en subissent –⁠ c’est psychologiquement trop dur. Voilà le genre de sottises –⁠ j’emploie ce mot pour être poli – que nous entendons depuis le début de nos débats, avec la complicité de quelques macronistes. (Murmures sur les bancs du groupe EPR.) En effet, certains rentrent dans votre jeu et votent avec vous. C’est aberrant. (M. Ugo Bernalicis s’exclame.) Disons-le, depuis le début des débats, les LR et les macronistes sont complices de la gauche et de ses énormités en étant absents. Je rappelle que si le Rassemblement national n’avait pas été présent en commission des lois, il n’y aurait plus de texte aujourd’hui.
    Nous continuons à présenter des mesures de bon sens. Avec cet amendement, nous voulons renforcer la présence de drones, qui est nécessaire. Dans la proposition de loi, l’utilisation de caméras embarquées sur des drones est restreinte aux établissements pénitentiaires jugés particulièrement exposés aux risques. Nous proposons de l’étendre à l’ensemble des établissements. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    Un certain nombre d’arguments mais aussi d’images me viennent en tête.

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Ça fait beaucoup !

    Mme Élisa Martin

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    D’un côté, il y aura les drones des voyous, manipulés par les petites mains du trafic qui seront remplacées par d’autres dès le lendemain. De l’autre, il y aura les drones de M. Darmanin. Pour quelqu’un de ma génération, cela fait penser à Star Wars (Exclamations et sourires sur les bancs des groupes RN et UDR), les drones des voyous et ceux de M. Darmanin essayant mutuellement de se neutraliser.
    Au-delà, je suis toujours surprise que la réponse de l’État à des gens qu’on enferme parce qu’ils n’ont pas respecté la loi soit de ne pas respecter leurs droits,…

    M. Laurent Jacobelli

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    C’est possible, oui !

    Mme Élisa Martin

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    …notamment leur droit à la vie privée. Permettez-nous d’ailleurs de douter des garanties que vous nous offrez puisque vous n’avez pas été capable de les respecter au moment des Jeux olympiques, quand aucune pancarte n’avertissait de l’usage de la vidéosurveillance.
    Voilà les raisons pour lesquelles je m’interroge. De surcroît, comme vous le savez, nous exerçons notre droit de visite en prison. Bien souvent, nous constatons que les réseaux internes de vidéosurveillance sont défaillants. Peut-être faudrait-il avant tout s’interroger sur les moyens de leur maintenance ? J’y reviendrai.

    M. Laurent Jacobelli

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    Ce n’est pas la peine !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Yoann Gillet.

    M. Yoann Gillet

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    L’intervention lunaire…

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Dans quelle galaxie ?

    M. Emeric Salmon

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    C’était sur Tatooine !

    M. Yoann Gillet

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    …à laquelle nous venons d’assister montre à quel point la gauche n’agit que par idéologie. Vos propos, chère collègue, sont extrêmement inquiétants. Un lapsus de votre part est d’ailleurs révélateur. Vous avez dit vous étonner qu’on enferme des gens qui n’ont pas respecté la loi. (Mme Elsa Martin proteste.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Attention, dans quinze jours, il y a un certain délibéré…

    M. Yoann Gillet

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    C’est ce que vous avez dit et c’est clairement révélateur. Prenez-en un peu conscience !
    De même, quand vous utilisez votre droit de visite dans les lieux de privation de liberté, comme nous le faisons aussi, pensez à parler également avec les surveillants pénitentiaires ! Ne parlez pas qu’avec les détenus ! Vous passez votre temps à parler des droits des détenus, qui existent et sont reconnus par tout le monde. Pensez aussi aux droits des victimes et à ceux des professionnels qui assurent la sécurité, notamment les surveillants pénitentiaires qui souffrent au quotidien dans leur travail. Quand, dans l’exercice de votre droit de visite, vous vous préoccupez davantage des délinquants et des criminels que des surveillants pénitentiaires, vous faites mal à ces hommes et à ces femmes qui agissent pour le bien commun. Pensez-y la prochaine fois ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 62.

    (Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        94
            Nombre de suffrages exprimés                90
            Majorité absolue                        46
                    Pour l’adoption                34
                    Contre                56

    (L’amendement no 62 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l’amendement no 200.

    M. Arthur Delaporte

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    De la même manière que tout à l’heure, il vise à éviter une trop grande extension du champ de l’article et, donc, à supprimer la disposition qui permettrait d’utiliser des drones aux « abords immédiats » des établissements, une formule trop large.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérémie Iordanoff.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Nous soutenons cet amendement parce qu’il faut limiter autant que possible l’utilisation des drones. Je veux par ailleurs réagir aux mots utilisés par notre collègue du Rassemblement national qui a qualifié les prisonniers de « pauvres petits chéris ». Il s’agit là de la dignité de la personne. Vous utilisez ces termes pour signifier que ce n’est pas la peine de s’occuper de ces gens-là…

    M. Yoann Gillet

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    Si, mais ce n’est pas la priorité !

    M. Jérémie Iordanoff

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    …en raison de ce qu’ils ont –⁠ ou auraient – commis ou de leur dangerosité. Nous croyons dans la dignité de la personne. La question de la vidéosurveillance dans les prisons concerne les détenus mais aussi les surveillants. Passer toute la journée sous l’œil des caméras, ce n’est pas la même chose que de vivre dans un environnement où l’on n’est pas surveillé vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Je vous invite à réfléchir à cette question qui tient à la dignité humaine. Les conditions de détention concernent tout le monde.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    La justice, ce n’est pas la loi du talion. Même si elle est confrontée à des gens qui ont contrevenu à la loi, la République doit rester exigeante au sujet du respect des droits de chacun. D’autre part, il ne faut pas se faire d’illusions : multiplier les gadgets, c’est reculer sur la présence humaine. J’ai envie de dire au gouvernement qu’il est très hypocrite. Une entreprise iséroise, Le Rubis SA, fabrique les optiques de ces fameux drones. C’est un bijou de technologie qui produit la meilleure qualité de verre de France et, sans doute, d’Europe, celle qui est notamment utilisée dans les drones. Et que fait le premier ministre pour cette société ? Il la laisse tomber ! Parce que cette entreprise est liée à Vencorex, qui lui fournit le sel nécessaire pour fabriquer ces optiques, les meilleures d’Europe. Si vous voulez acheter des drones, si vous voulez en mettre partout, commencez par défendre les entreprises françaises qui les fabriquent ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Sébastien Huyghe

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    Ça n’a rien à voir avec le sujet !

    Mme Élisa Martin

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    Ce n’est pas ce que fait le gouvernement, qui semble indifférent. Vous devriez en parler avec M. le premier ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Naïma Moutchou.

    Mme Naïma Moutchou

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    Madame Martin, puisque vous aimez les symboles, je vous rappelle que celui de la justice est la balance ; elle représente l’équilibre, et non la vision à sens unique. Et ce serait une grave erreur d’appréciation que d’enlever du dispositif les abords immédiats, parce que cela paralyserait totalement l’action de surveillance. C’est en effet dans les abords immédiats que se concentrent les menaces, avec des jets de colis, des passages de trafiquants, des repérages préalables à une évasion ou à l’introduction de marchandises. Si vous refusez aux services de sécurité la possibilité de surveiller ces lieux, vous créez des zones grises –⁠ ce dont nous ne voulons pas. Cet amendement est très dangereux. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Je voudrais, avant la pause, répondre à Mme Martin, car elle est revenue à plusieurs reprises sur la même question.
    D’abord, je ne sais pas où vous avez vu, madame la députée, qu’il y aurait des drones partout.

    M. Théo Bernhardt

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    Dans Star Wars !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    On n’est pas obligé de caricaturer les choses. D’ailleurs, quand vous évoquez Star Wars, on voit de quel sens de la mesure vous faites preuve ! Je crains que, pour rester dans les références filmographiques, vous ne soyez plutôt dans The Truman Show parce que vous évoluez dans un monde naïf, rousseauiste, peuplé uniquement de gens heureux.

    M. Arthur Delaporte

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    The Truman Show, c’est bien la surveillance généralisée !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Ce n’est pas ainsi que cela se passe dans la réalité.
    Vous évoquez les Jeux olympiques, qui furent une réussite du point de vue de la sécurité,…

    Mme Élisa Martin

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    Grâce à la présence humaine !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    …réussite saluée par tous, et cela tout en respectant l’intégralité des droits des personnes –⁠ le comité de déontologie que nous avions instauré l’a souligné. Vous aviez assuré que cela ne marcherait pas ; cela n’a pas été confirmé. Vous aviez prédit que ce serait un fiasco pour notre pays ; je ne crois pas que cela ait été le cas. Vous aviez annoncé, monsieur Bernalicis, madame Martin, monsieur Léaument, que vous créeriez une commission d’enquête afin de demander des comptes sur la sécurité des Jeux olympiques ; je suis étonné qu’elle n’ait pas encore vu le jour. Serait-ce pour vous une manière de rendre hommage au travail des policiers et des gendarmes, ainsi qu’aux moyens technologiques que nous vous avions demandés ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR. –⁠ Mme Brigitte Barèges applaudit également.)

    (L’amendement no 200 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    4. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
    Suite de la discussion de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic ;
    Suite de la discussion de la proposition de loi organique fixant le statut du procureur de la République national anti-criminalité organisée.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à treize heures.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra