
Les cours criminelles départementales, compétentes pour juger des crimes punis de quinze et vingt ans de réclusion criminelle, ont été instituées à titre expérimental en 2019 avant d’être généralisées à compter du 1er janvier 2023.
Leur création poursuivait un double objectif : améliorer le traitement judiciaire des victimes de viols, en mettant notamment fin aux pratiques de correctionnalisation consistant à requalifier les crimes de viols en délits d’agressions sexuelles, et contribuer à une justice criminelle plus efficace et plus rapide, en réduisant les délais d’audiencement.
La commission des lois de l’Assemblée nationale a jugé utile d’établir un premier bilan de cette nouvelle juridiction criminelle, par la création le 6 mars 2025 d’une mission d’information dont les rapporteurs sont Mme Pascale Bordes (Rassemblement national, Gard) et M. Stéphane Mazars (Ensemble pour la République, Aveyron).
À l’issue de leurs travaux, les rapporteurs considèrent que les cours criminelles ont fait leurs preuves. Elles se sont rapidement imposées dans le paysage judiciaire : elles rendent désormais près de 50 % des arrêts de première instance en matière criminelle, avec une activité juridictionnelle largement dominée par les crimes de viols, qui représentent plus de 80 % des affaires traitées.
Malgré les inquiétudes suscitées par l’absence de jury populaire dans la composition de ces cours, l’oralité des débats est pleinement préservée. Les procès hors-normes (affaires Mazan et Le Scouarnec) ont également démontré la qualité de la justice rendue par ces juridictions. La contrepartie de cette préservation de l’oralité est que les cours criminelles n’ont pas abouti à un gain de temps d’audience significatif.
Les cours criminelles ont également permis un recul significatif de la correctionnalisation des crimes sexuels. Elles répondent en ce sens à une attente forte de la société sur le traitement judiciaire des crimes de viols, dans le prolongement du phénomène « Me Too ».
Cependant, les juridictions criminelles connaissent actuellement une situation dramatique d’engorgement, en raison notamment de l’afflux de dossiers de viols, consécutif à la libération de la parole des victimes d’infractions sexuelles. Le nombre de dossiers criminels en attente de jugement a ainsi doublé en moins de cinq ans, alors même que les juridictions criminelles ont significativement augmenté leurs capacités de jugement grâce à la création des cours criminelles départementales. Comme l’a souligné le procureur général près la Cour de cassation, notre justice criminelle fait « face à un mur ».
Dans ce contexte, les cours criminelles souffrent de plusieurs limites. La formation de jugement à cinq magistrats mobilise fortement les effectifs des juridictions, au risque de désorganiser les autres services, malgré l’apport des magistrats à titre temporaire, ainsi que des magistrats et avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles. En outre, la contrainte immobilière limite fortement la possibilité de tenir simultanément des doubles sessions cours d’assises / cours criminelles, qui sont pourtant indispensables pour réduire les stocks. Enfin, si les cours criminelles sont tenues par la loi d’audiencer plus rapidement les accusés détenus, cette priorisation se fait au détriment des autres accusés, et notamment des accusés libres.
Afin que les cours criminelles puissent contribuer pleinement à restaurer l’efficacité de la chaîne pénale, les rapporteurs de la mission d’information formulent une douzaine de recommandations relatives à l’évolution du cadre procédural et à l’optimisation des moyens humains et matériels.
Ils préconisent une évolution de la composition de cette juridiction, pour la réduire à trois magistrats en activité, ainsi que la création d’une cour criminelle d’appel pour statuer sur les appels interjetés à l’encontre des décisions des cours criminelles.
Ils proposent également de systématiser en amont du procès le principe d’une réunion préparatoire criminelle, qui fixerait de manière définitive la liste des témoins et experts appelés à comparaître.
Ils suggèrent enfin de poursuivre la réflexion sur l’instauration d’une procédure spécifique en cas de reconnaissance des faits par l’accusé, dans le prolongement des conclusions de la mission d’urgence sur l’audiencement criminel rendues publiques en mai 2025.
Enfin, ils formulent plusieurs propositions visant à renforcer l’attractivité du statut des magistrats à titre temporaire et des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles et à assouplir les contraintes inhérentes au statut des avocats honoraires.