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Cahier annexe : articles, amendements, autres annexes
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Troisième séance du mardi 5 juillet 2005

5e séance de la session extraordinaire 2004-2005


PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

    1

DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE
POUR 2006

M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement et le débat d'orientation budgétaire pour 2006.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, Jean-François Copé et moi-même sommes très heureux d'être ici, ce soir, pour introduire ce débat d'orientation budgétaire pour 2006 qui s'annonce particulièrement riche. Ce débat revêt cette année un caractère tout à fait exceptionnel puisqu'il s'agit du premier débat d'orientation budgétaire au format LOLF.

Le projet de loi de finances pour 2006 sera en effet le premier à être soumis à la pleine application de la loi organique du 1er août 2001 qui consacre notamment l'existence de ce débat d'orientation, permettant de mieux associer la représentation nationale aux choix budgétaires, ce dont je me félicite pour ce premier budget que Jean-François Copé et moi-même avons à la fois la charge - difficile - et l'honneur de construire.

Je voudrais d'abord vous livrer le diagnostic que je tire aujourd'hui du contexte économique qui est le nôtre. Après une année 2004 globalement satisfaisante pour l'économie française, où la croissance s'est stabilisée à 2,1 % contre seulement 1,7 % pour la zone euro, nous avons connu un premier trimestre 2005 décevant, avec 0,3 % de croissance, reflétant un ralentissement prononcé de l'activité industrielle, alors que les secteurs du bâtiment et des services ont continué de très bien se tenir.

L'économie française a d'abord pris de plein fouet l'impact de l'appréciation de l'euro autour de 1,30 dollar depuis la mi-2004. L'atonie de la demande intérieure chez nos deux principaux partenaires, l'Allemagne et l'Italie, ainsi que le ralentissement de l'économie britannique ont également pesé sur le dynamisme de nos exportations, qui ont même reculé en volume au premier trimestre pour la première fois depuis près de deux ans. Par ailleurs, la hausse prononcée du prix du pétrole, à près de 50 dollars le baril au premier trimestre, nous a fortement pénalisés. Ainsi que je l'avais indiqué devant la commission des finances, cette hausse a d'ailleurs incité les entreprises à déstocker plutôt qu'à produire, ce qui s'est traduit dans la consommation et la croissance du premier trimestre.

Je pense cependant que le pire est aujourd'hui derrière nous. D'abord, la dépréciation de l'euro, sous la barre de 1,20 dollar aujourd'hui - niveau nettement plus acceptable - devrait apporter un soutien bienvenu à nos exportations. Ensuite, les cycles des stocks et de l'électronique devraient rapidement s'inverser, réalimentant la demande mondiale. Enfin, grâce à la restauration de leur situation financière, les entreprises semblent aujourd'hui prêtes à investir. Ainsi, les entreprises industrielles interrogées par l'INSEE en avril continuaient de prévoir une croissance de leurs investissements de 4 % pour cette année, ce qui est plutôt encourageant par rapport à ce qui s'est produit au trimestre et même au semestre derniers.

Les signaux les plus récents montrent d'ailleurs qu'un rebond est déjà amorcé : la production industrielle en avril a progressé de 0,5 % et les enquêtes de conjoncture auprès des chefs d'entreprise se sont redressées en mai et juin. Je note par exemple que, sur la base de ces enquêtes, la Banque de France estime que la croissance au deuxième trimestre s'est élevée à 0,5 %.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas bien lourd !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous verrons ! La croissance devrait en tout cas retrouver son rythme annuel de 2 % ou 2,5 % au second semestre. Au total, sur l'année complète, le Gouvernement respectera son calendrier habituel et ne communiquera de nouvelles prévisions officielles qu'à la rentrée. Mais mon sentiment aujourd'hui est que nous pouvons encore espérer nous rapprocher de 2 % de croissance annuelle en 2005, si le cours du pétrole se replie, même si, comme j'ai eu l'occasion de vous le dire maintes fois, ce chiffre est plutôt devenu le haut de la fourchette de croissance envisagée.

Je reste toutefois très vigilant sur l'ampleur du « ciseau » à l'œuvre entre le prix du baril et le cours de l'euro, c'est-à-dire l'effet amplificateur de la dépréciation de l'euro sur l'augmentation du prix du pétrole libellé en euros. Le marché pétrolier reste caractérisé par une forte croissance de la demande, une faiblesse record des capacités inemployées et un manque total de visibilité sur les perspectives de croissance de l'offre mondiale à court terme.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, le diagnostic conjoncturel que je voulais partager avec vous aujourd'hui.

J'en viens ainsi naturellement à la situation de nos finances publiques. Après un déficit public de 4,2 points de PIB en 2003, puis de 3,6 points en 2004, le Gouvernement s'est donné l'an dernier l'objectif de revenir sous la barre des trois points cette année. Je veux ce soir faire le point devant vous sur l'exécution 2005 et sur notre capacité à atteindre cet objectif ambitieux qui reste le nôtre. Dans un contexte difficile, je ne le cache pas, nous devons nous battre et tout faire pour y parvenir.

Nous recevons ces jours-ci les toutes dernières informations concernant l'exécution du budget de l'État - recettes comme dépenses - jusqu'au mois de mai. Nos services sont en train de les retraiter et de les agréger pour parvenir à des résultats synthétiques jeudi.

M. Jean-Pierre Brard. Tout cela est passionnant !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Patience, monsieur le député !

Mais je crois pouvoir vous dire dès aujourd'hui que la situation mensuelle budgétaire à la fin mai devrait se révéler quelque peu décevante, le ralentissement conjoncturel récent, quoique passager, imprimant notamment sa marque sur ce début d'année. Pour autant, nous n'en sommes même pas à la moitié de l'année,...

M. Jean-Pierre Brard. Nous sommes le 5 juillet !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...et le rebond conjoncturel qui s'est déjà amorcé devrait se traduire par un regain de recettes fiscales au second semestre. De son côté, l'État fera sur le restant de l'année le maximum d'efforts pour maîtriser la dépense et traduire la volonté du Gouvernement de respecter ses engagements. Dans cet esprit, avec Jean-François Copé, j'ai proposé au Premier ministre, qui l'a accepté, de mettre en œuvre une réserve de précaution supplémentaire de 1 milliard d'euros.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Très bien !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. S'agissant d'abord des recettes, vous savez qu'elles sont pour partie directement liées à l'activité de l'année précédente. Or, comme je le signalais au début de mon intervention, il apparaît aujourd'hui que la croissance de l'année 2004 a été moins bonne que prévu et qu'il existe un aléa négatif sur ces recettes à « assiette décalée », notamment celles de l'impôt sur les sociétés. Nous y sommes bien évidemment très attentifs, même s'il est encore trop tôt pour avoir une appréciation exacte de ces risques. Concernant l'impôt sur les sociétés, très volatil par nature, nous en saurons plus lorsque le montant de l'acompte de juin sera connu. Ce que je peux dire en revanche à ce stade, et Jean-François Copé y reviendra dans un instant, c'est que les recettes de TVA s'avèrent robustes, reflétant la bonne tenue de la consommation.

M. Jean-Pierre Brard. Mais encore...

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Dans ce contexte d'aléas sur les recettes fiscales, le Gouvernement porte une attention plus grande que jamais à la maîtrise des dépenses.

Les dépenses de l'État en 2005 doivent être exécutées « à l'euro près », conformément à l'autorisation parlementaire, ce qui veut dire aussi en respectant la « norme zéro ».

M. Jean-Pierre Brard. C'est quoi la norme zéro ?

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Pour s'en assurer, le Gouvernement avait déjà constitué une réserve de précaution de 4 milliards d'euros dès le début de l'année, à laquelle s'ajoutera le milliard d'euros supplémentaire que je viens d'évoquer.

Par ailleurs, concernant les dépenses sociales, le comité d'alerte de l'assurance maladie vient de rendre un premier avis indiquant que les dépenses devraient pouvoir tenir l'objectif voté de ralentissement. C'est un signe encourageant, mais nous devons rester attentifs aux évolutions financières d'autres organismes sociaux qui pourraient grever nos finances publiques. Je pense bien entendu à la situation financière de l'UNEDIC, qui risque de payer le retard de la reprise de l'emploi sur le montant des cotisations perçues comme sur celui des prestations versées. Je pense également au Fonds de solidarité vieillesse et au Fonds des prestations sociales agricoles.

Je le redis avec force, nous devrons enfin surveiller attentivement l'évolution des finances locales, déficitaires l'an dernier pour la première fois depuis 1993.

M. Jean-Pierre Brard. Comme celles de l'État !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'en viens à ce qui nous occupe ce soir, à savoir les orientations du budget pour 2006.

M. Jean-Pierre Brard. Il était temps !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Les priorités budgétaires traduisent on ne peut plus clairement les axes de la stratégie économique du Gouvernement.

Tout d'abord, l'emploi est au cœur du budget pour 2006. Je suis convaincu qu'il n'y aura pas de retour durable de la confiance, donc de la croissance, sans une amélioration décisive sur le front de l'emploi.

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez eu trois ans pour agir !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vient ensuite l'investissement dans la recherche et le développement, car je crois sincèrement que les priorités immédiates ne doivent pas nous empêcher de préparer l'avenir.

Enfin, la dernière priorité de ce budget est l'assainissement de nos comptes publics. Je commencerai par là, persuadé qu'il s'agit d'un facteur clé du retour de la confiance dans notre pays.

Nous n'avons pas d'autre choix, en effet, que celui de poursuivre l'amélioration de nos finances publiques, dans le but d'amorcer dès que possible la baisse de notre ratio d'endettement. Comme l'a indiqué le Premier ministre, nous présenterons dans le projet de budget pour 2006, pour la quatrième année consécutive, des dépenses qui n'évolueront pas plus vite que l'inflation : c'est le « zéro volume ». Nous devons faire de gros efforts pour respecter nos engagements externes, mais surtout pour assainir notre situation financière interne - je parle du niveau inadmissible de notre dette publique.

La dette publique représente actuellement 1 067 milliards d'euros. De 20 % du PIB en 1980, elle est passée à 64,7 % en 2004. Ceci résulte essentiellement de l'augmentation de la dette de l'État, qui atteint aujourd'hui plus de 51 % du PIB, soit 840 milliards d'euros.

Ces chiffres atteignent de tels montants qu'ils finissent par devenir abstraits pour nos concitoyens. Ce n'est pas normal, car il s'agit d'un problème majeur pour le pays. Mesdames et messieurs les députés, nous avons collectivement un devoir de pédagogie. La dette atteint aujourd'hui plus de 17 000 euros pour chaque Française et chaque Français. Plus frappant encore : la charge annuelle du seul paiement des intérêts représente quasiment le produit de l'impôt sur le revenu. Contrainte de payer le poids croissant du passé, la société française se prive progressivement des moyens d'investir dans l'avenir.

M. Michel Bouvard. Eh oui !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous devons d'urgence inverser cette logique. Cela suppose d'agir dans deux directions : réduire année après année notre déficit public,...

M. Jean-Pierre Brard. C'est bien parti !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...mais aussi retrouver le chemin de la croissance en déverrouillant notre économie et en travaillant plus.

M. Jean-Pierre Brard. Cela donne de brillants résultats !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je souhaite pour ma part que la dette publique soit l'objet d'un grand débat national, approfondi et transparent. Chacun de nos concitoyens doit comprendre la situation actuelle et surtout évaluer les moyens de la gérer. C'est essentiel pour la confiance collective, donc pour la croissance.

C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à Michel Pébereau de conduire une mission pour éclairer l'opinion ainsi que les responsables politiques sur l'ensemble des questions soulevées par la dette publique. Je souhaite que cette mission puisse mettre en évidence les conditions dans lesquelles la dette publique actuelle s'est constituée et identifier les bonnes et les mauvaises pratiques, de manière à mieux nous guider à l'avenir.

M. Jean-Claude Sandrier. Le rapport de la Cour des comptes explique cela très bien !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La mission me remettra son rapport à l'automne et je ne manquerai pas de venir en discuter les conclusions avec vous.

Mesdames et messieurs les députés, une certaine rigueur de gestion budgétaire ne signifie pas pour autant l'immobilisme budgétaire, bien au contraire ! Le projet que nous vous soumettons ce soir, Jean-François Copé et moi-même, ménage les priorités du Gouvernement.

Notre priorité première est naturellement l'emploi : toutes les marges de manœuvre qui seront dégagées dans le projet de budget pour 2006, c'est-à-dire 4,5 milliards d'euros, lui seront consacrées.

Je voudrais insister sur trois paquets de mesures dont le Gouvernement attend plus particulièrement des résultats rapides sur l'emploi.

Il s'agit d'abord de poursuivre la baisse des charges sur les entreprises.

M. Jean-Pierre Brard. On voit le résultat !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Les allégements de charges sociales sur les bas salaires seront préservés afin de garantir aux entreprises la stabilité des règles du jeu, ce qui représente pour l'État un manque à gagner de recettes supplémentaires de l'ordre de 2 milliards d'euros.

Je suis très attaché à cette stabilisation, chère au rapporteur général. L'instabilité est en effet un facteur d'insécurité pour les entreprises et les dissuade d'embaucher.

M. Jean-Pierre Brard. C'est faux !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. À cet effort important s'ajoute celui fait sur les charges financières pour lisser l'effet de seuil de dix salariés. Ce seuil m'est toujours apparu comme l'archétype du seuil artificiel et il est très pénalisant financièrement pour la croissance de la petite entreprise. Le lissage financier de cet effet de seuil entre dix et vingt salariés est une mesure à laquelle je crois profondément et qui était attendue par des dizaines de milliers d'entreprises. C'est pour Jean-François Copé et moi-même le type même de la démarche pragmatique que nous devons développer dans notre approche des blocages du marché du travail.

Ensuite, les moyens alloués au ministère de l'emploi garantissent le financement des mesures annoncées par le Premier ministre, qui visent à mieux accompagner les travailleurs les plus fragiles : ils autorisent 250 000 entrées en contrat d'avenir et 120 000 entrées en contrat d'accompagnement dans l'emploi, dont 100 000 jeunes sans qualification. Un effort accru est également consenti pour l'apprentissage.

Enfin, deux primes spécifiques sont créées dans le but d'encourager à la reprise d'un emploi. La première, d'un montant de 1 000 euros, est versée aux jeunes qui entrent dans des métiers connaissant des difficultés de recrutement. Elle sera financée dans les mêmes conditions que la prime pour l'emploi, c'est-à-dire qu'elle se traduira par une moindre recette. La seconde prime sera versée aux chômeurs de longue durée bénéficiaires de minima sociaux afin de compenser les coûts du retour à l'emploi. Je rappelle qu'il y a aujourd'hui 870 000 chômeurs de longue durée. Les modalités de versement de cette prime, vous le savez, sont encore en discussion.

Je suis pour ma part très favorable à ce type d'incitation à la reprise d'activité. N'hésitons pas à envoyer un signal clair à nos concitoyens, sous forme de primes, pour leur montrer que le travail paie plus que l'assistance.

M. Jean-Pierre Brard. Exactement !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. À ce titre, un autre type d'incitation à la reprise d'un emploi mérite d'être promu. La situation du marché du travail français est en effet paradoxale : un chômage de masse coexiste avec d'importantes difficultés de recrutement. Le nombre de recrutements difficiles en France est estimé à plus de 500 000, ce qui est considérable. Ce chiffre élevé est sans doute à rapprocher d'un manque de mobilité spécifiquement français : en 2000, 88 % de nos compatriotes vivaient au même endroit que dix ans plus tôt, et ce taux dépasse 90 % dans les régions où le chômage est particulièrement élevé.

C'est pourquoi, d'ici au mois de septembre, des mesures fiscales destinées à lever les obstacles matériels à la reprise d'un emploi seront proposées : le relèvement de l'avantage fiscal pour la garde des enfants, d'une part, une aide à la mobilité géographique, d'autre part. Sur ce dernier point, j'ai fait mettre à l'étude la possibilité d'une aide fiscale pour tout chômeur de longue durée ou victime d'un plan social qui reprendrait un emploi à plus de 200 kilomètres de son ancien domicile. Je ferai des propositions en ce sens au Premier ministre dans le cadre du projet de loi de finances, en accord avec Jean-François Copé.

Enfin, comme l'a annoncé le Premier ministre, un certain nombre de pistes vont être mises à l'étude, soit au sein d'instances de concertation existantes, comme pour le travail des seniors, soit dans le cadre du futur conseil d'orientation pour l'emploi, en ce qui concerne la sécurisation des parcours professionnels et les relations juridiques entre employeurs et employés. Ces propositions, qui seront étudiées sans tabou, pourraient avoir des conséquences financières et à ce titre rejoindre le projet de loi de finances pour 2006.

Les autres priorités seront détaillées par Jean-François Copé. Je les mentionne rapidement pour mémoire. Le budget s'attachera aussi à consolider l'effort de restauration de notre État régalien en ce qui concerne la défense, la sécurité et la justice. Le Gouvernement souhaite également continuer à préparer la France aux défis de demain ; c'est tout l'enjeu d'un effort accru de recherche et développement dans les entreprises privées, pour lequel l'État doit jouer un rôle central de catalyseur. Enfin, le budget pour 2006 devra concourir à maintenir la place de la France dans le monde, notamment grâce à une nouvelle progression des montants consacrés à l'APD ; ils atteindront 0,47 % du PIB en 2006, ce qui constitue une nouvelle étape vers nos objectifs de 2012.

Au-delà de la construction du budget pour 2006 et de ses priorités, je voudrais m'arrêter un instant sur le nouvel environnement de gouvernance de nos finances publiques qui caractérise ce budget.

S'agissant d'abord, au niveau européen, du pacte de stabilité et de croissance, je sais que, pour certains, la réforme sur laquelle les chefs d'État et de gouvernement se sont accordés est trop dure, tandis que d'autres la jugent trop laxiste. Pour ma part, je l'ai défendue au nom de la France, et je peux vous assurer qu'elle apporte certes une véritable souplesse à un cadre critiqué pour son uniformité et l'application mécanique de ses règles, mais qu'elle va en même temps dans le sens d'une plus grande incitation à la vertu budgétaire.

Cette réforme déplace en effet l'équilibre vers plus de logique économique - ne pas ajouter aux difficultés conjoncturelles, mais inciter à faire plus quand tout va bien - et donne à ses mécanismes de surveillance un fort caractère d'incitation aux réformes de structure. Et cela sans toucher, bien entendu, aux ancrages nominaux prévus par le traité, à savoir les critères de 3 % pour le déficit et de 60 % pour la dette. Elle permet en outre de mieux prendre en compte les investissements d'avenir ou porteurs d'effets bénéfiques pour l'ensemble de la zone euro. Je n'hésite donc pas à redire que cette réforme fait le pari de l'intelligence et de la vertu budgétaire sur la bureaucratie et l'application brutale de règles.

En ce qui concerne la gouvernance économique au sein de la zone euro, permettez-moi d'ajouter qu'il nous faut aller au-delà de ce pacte rénové et travailler à une meilleure coordination entre nous - je pense notamment à la politique de change ou encore à la politique énergétique ou de recherche - de sorte à peser davantage sur notre environnement économique et financier. De ce point de vue, il est important de pouvoir renforcer l'avancée essentielle qu'a constituée, pour la représentation externe de la zone euro, l'élection pour deux ans du président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Junker.

Sur le plan interne, il y a bien sûr la LOLF. Je laisserai Jean-François Copé vous détailler cette nouvelle procédure, mais je veux insister sur son caractère extrêmement vertueux en termes de réforme de l'État. Comme vous le savez, à partir de l'année prochaine, chaque chef de mission budgétaire, c'est-à-dire chaque centre de dépenses, aura la capacité de récupérer les gains de productivité qu'il aura réalisés, au lieu de les voir rejoindre un pot commun dont il ne voit pas le retour. Plutôt que de décider en haut des réductions d'effectifs ou des économies de gestion que chacun devrait réaliser a priori, ce mécanisme constitue une puissante incitation à les réaliser a posteriori, au plus près du terrain et sans crainte de se voir spolié des économies dégagées.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas du tout l'objet de la LOLF, monsieur le ministre ! Vous allez à contresens !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est un virage à 180 degrés par rapport au passé, et qui, j'en suis certain, portera ses fruits.

M. Jean-Claude Sandrier. À 360 degrés, oui !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Prenons le cas des réductions d'effectifs : elles n'ont pas nécessairement vocation à devenir des objectifs a priori ! Ce que nous recherchons avant tout, c'est un service public plus efficace. Il est préférable d'inciter les administrations à réaliser des gains de productivité, ce qui devrait naturellement les conduire à des réductions d'effectifs supplémentaires, puisque les gains budgétaires réalisés seront récupérables.

M. Jean-Pierre Brard. Pas du tout ! Ce n'est pas l'objet de la LOLF !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est notre pari pour 2006, et je vous donne rendez-vous à la fin d'exécution du budget pour faire le bilan.

Enfin, je citerai la réforme des lois de financement de la sécurité sociale, qui va leur donner plus de lisibilité et de crédibilité. Cette réforme devrait permettre de mieux articuler les décisions portant sur les finances sociales et les arbitrages globaux de finances publiques.

Dans ce contexte, la situation de gestion des collectivités locales n'apparaît que plus originale. Elles sont aujourd'hui complètement déconnectées des contraintes générales des finances publiques. II semble donc logique d'amorcer une réflexion concernant l'impact de leurs décisions sur l'équilibre général des finances publiques.

M. Gérard Bapt. C'est osé !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Des instances d'information réciproque et de concertation renforcée entre État et collectivités locales doivent pouvoir répondre à ces enjeux. Je pense notamment à une conférence nationale des finances publiques qui exposerait et détaillerait, chaque automne par exemple, les principales hypothèses retenues dans le schéma pluriannuel de finances publiques, permettant ainsi à chaque acteur d'identifier les moyens à mettre en œuvre pour respecter les engagements européens de la France en termes de solde budgétaire et de dette. Cette conférence réunirait les principaux acteurs des finances publiques - l'État, les collectivités territoriales, les régimes sociaux - et devrait, bien entendu, associer les parlementaires. Je serais d'ailleurs heureux de recueillir votre sentiment sur ce point.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce que je voulais vous dire pour introduire ce débat d'orientation budgétaire pour 2006. Je vais maintenant laisser la parole à Jean-François Copé, qui vous présentera en détail les grandes orientations du budget. Je vous indique que je serai obligé de vous quitter vers vingt-trois heures pour me rendre au Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, venir devant vous avec Thierry Breton, c'est honorer un rendez-vous majeur : celui fixé par l'article 48 de la loi organique relative aux lois de finances, qui prévoit que le Gouvernement présente devant les assemblées, chaque année, les orientations budgétaires et les grandes tendances économiques pour l'avenir.

Le débat de ce soir est une étape clé de la nouvelle procédure budgétaire, et cela pour deux raisons. D'abord, parce que jamais les grands équilibres d'un budget n'auront été dévoilés aussi tôt, ce qui lui donne une dimension inédite. Ensuite, parce que nous débattons sur des bases beaucoup plus concrètes dans la mesure où le Gouvernement met dès à présent à votre disposition, là encore pour la première fois, des informations précises et chiffrées.

Tout cela va nous permettre de réaliser l'ambition que nous nous étions fixée, majorité comme opposition, en adoptant à l'unanimité la LOLF : faire du budget de l'État l'expression de véritables choix politiques. L'objet de mon propos aujourd'hui, dans la suite de ce que vient d'indiquer Thierry Breton, est d'évoquer avec vous ces grands choix.

Le premier est celui de la responsabilité. Ce budget est responsable car tout est mis en œuvre pour ramener le déficit sous la barre des 3 %.

Comme chaque année depuis 2003, nous respectons une règle d'or : la stabilisation en volume des dépenses de l'État. En 2005, comme en 2004 et en 2003, l'État ne dépensera pas un euro de plus que le plafond de dépenses voté par le Parlement.

Pour nous aider à réaliser cet objectif cette année, une réserve de précaution a été mise en place au mois de février pour un montant de 4 milliards d'euros. Afin de respecter pleinement l'objectif qui est le nôtre, nous avons, Thierry Breton l'a indiqué à l'instant, proposé au Premier ministre une réserve de précaution supplémentaire d'environ 1 milliard, que nous allons mettre en œuvre dans les prochains jours. J'ajoute, concernant la régulation, que votre assemblée a adopté une disposition nouvelle de la LOLF, prévoyant que, désormais, la réserve de précaution sera soumise au Parlement, en toute transparence.

Pour 2006, la règle de stabilité des dépenses en volume s'appliquera de nouveau : les dépenses de l'État n'augmenteront pas plus vite que l'inflation, soit 1,8 %.

Cette règle répond à un objectif simple : concourir, à terme, à la maîtrise de notre endettement.

Thierry Breton l'a dit à plusieurs reprises : le produit de l'impôt sur le revenu suffit à peine à rembourser les charges d'intérêt de la dette de l'ensemble des administrations publiques. C'est une situation inquiétante, par définition largement héritée du passé, qui nous pousse à agir.

De trois façons.

Premièrement, nous faisons tous les efforts possibles pour réduire la charge annuelle de la dette. En 2006, dans l'esquisse qui vous a été transmise, les charges d'intérêt s'inscrivent en baisse de 650 millions d'euros par rapport à 2005.

D'abord, nous avons affecté la totalité des 10 milliards de plus-values de recettes obtenues en 2004 au désendettement. En 2005 et en 2006, nous affecterons près de 10 milliards d'euros de produits de cession des sociétés d'autoroutes.

Ensuite, c'est la conséquence d'un niveau de taux d'intérêt extrêmement bas.

Enfin, malgré tout, notre vulnérabilité est liée au niveau des taux d'intérêt. Une hausse de 1 % du niveau des taux d'intérêt alourdirait les charges d'intérêts de près de 10 milliards d'euros en six ans. C'est dire combien le devoir et l'esprit de responsabilité nous engagent dans la gestion de la dette de notre pays.

Deuxièmement, il faut évidemment s'appuyer sur un assainissement durable de nos finances publiques. C'est la conviction exprimée par votre rapporteur dans son excellent rapport d'information. Cela commence naturellement par une stabilisation des dépenses publiques.

Troisièmement, il faut nous prémunir contre les tentations du passé. Avec la LOLF nouvelle formule, il y aura un affichage clair de l'affectation des éventuelles plus-values de recettes. Autant le dire, les conditions sont réunies pour que plus jamais on ne nous refasse le coup de la cagnotte !

Outre la stabilisation des dépenses de l'État, il faut - c'est le deuxième élément de la maîtrise du déficit - se préoccuper de l'évolution des recettes. À ce sujet, je crois qu'il faut avoir en tête que notre capacité à prévoir le montant des recettes fiscales et non fiscales est réduite à ce stade de l'année.

L'an dernier, à la même période, nos prédécesseurs vous avaient fait part des incertitudes qui pesaient sur cette prévision : au moment du débat d'orientation budgétaire, le Gouvernement avait mentionné une possible moins-value de l'ordre de 3 milliards d'euros. Lorsque j'ai arrêté les comptes pour l'année 2004, j'ai été heureux de constater une plus-value de recettes de 10 milliards d'euros par rapport à la prévision initiale.

Cette année, nous avons également fait le choix de la transparence. Je veux donc vous dire que les recettes pourraient être un peu en retrait par rapport à nos attentes initiales.

Les recettes de TVA devraient rester dynamiques.

Pour l'impôt sur le revenu, on peut considérer que la situation sera conforme à nos prévisions.

En revanche, s'agissant de l'impôt sur les sociétés, nous assistons à une volatilité beaucoup plus forte que prévu des recettes qui se caractérise par un double phénomène : des résultats décevants en ce qui concerne les soldes d'IS versés au titre des bénéfices 2004 ; des résultats en ligne avec les prévisions concernant le premier acompte, déjà versé par les entreprises au mois de juin au titre des bénéfices 2005. Nous n'avons donc, à ce stade, aucune certitude, et il est légitime de faire preuve de prudence.

Un mot, enfin, sur la masse salariale, qui constitue l'assiette des prélèvements sociaux. L'évolution est à ce stade moins dynamique que prévu. Mais les mesures du plan d'urgence pour l'emploi que le Premier ministre a annoncées devraient produire leurs premiers effets avant la fin de l'année.

Au total, si l'on devait faire la somme de tous les aléas négatifs, les moins-values de recettes pourraient atteindre 4 milliards d'euros d'ici à la fin de l'année. Mais encore une fois, je vous invite à interpréter ce chiffre avec les précautions nécessaires. Après tout, l'esprit de prudence est le premier réflexe de notre ministère. Vous comprendrez donc que j'en fasse preuve, à l'instar de nos prédécesseurs il y a un an.

M. Jean-Pierre Brard. Et le pire n'est jamais certain !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Monsieur Brard, pour une fois, je vous rejoins : le pire n'est jamais certain !

M. Jean-Pierre Brard. Quoique, avec vous...

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. C'était trop beau !

Troisième élément : il faut renouveler le pilotage des finances publiques et travailler tous ensemble à l'assainissement des comptes.

Pour ce qui concerne l'État - ce qui relève de la décision même du Gouvernement, c'est-à-dire la maîtrise de la dépense publique de l'État -, le cap est maintenu, je l'ai dit.

Mais cette discipline en matière de dépenses doit naturellement s'appliquer à toutes les composantes de la dépense publique. Ce qui est vrai pour l'État doit l'être également pour la sécurité sociale et, à cet égard, la réforme mise en œuvre a vocation à permettre une meilleure maîtrise de la dépense, notamment d'assurance maladie. Nous en voyons d'ailleurs les premiers résultats.

Il reste en revanche un sujet de préoccupation, et j'estime de mon devoir d'en parler devant votre assemblée : les comptes des collectivités locales,...

M. Didier Migaud et M. Jean-Pierre Brard. Ah !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. ...qui sont passés dans le rouge en 2004, avec un déficit de 0,1 point de PIB.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Absolument !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Cette situation, je m'empresse de le dire avant même que tel ou tel responsable de l'opposition ne dérape,...

M. Gérard Bapt. Supprimons les collectivités locales !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. ...n'a absolument rien à voir avec la décentralisation, puisqu'elle lui est antérieure. Elle n'est que le résultat des choix opérés par les exécutifs locaux.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Vous avez raison !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Exerçant moi-même, comme certains d'entre vous, un mandat local, je suis évidemment profondément attaché aux principes de l'autonomie et de la libre administration des collectivités territoriales. J'en suis un ardent militant et, sur ce point, personne ne saurait me faire de procès d'intention.

M. Didier Migaud. C'en est un que vous nous faites !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Néanmoins, il est de mon devoir d'adresser un message d'alerte et il me semble légitime que chacun - sans le prendre pour lui-même, monsieur Migaud - l'entende dans cette assemblée : les dépenses locales augmentent, hors incidence des transferts de compétences, de plus de 3 % en volume depuis 2002, là où l'État est à zéro volume.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Eh oui !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Cette situation est intenable à terme pour nos finances publiques et elle est incompréhensible pour nos concitoyens (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) : les efforts réalisés par les uns ne doivent pas être dilapidés par les autres.

M. Didier Migaud. C'est un mauvais procès !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Il est donc urgent de mieux associer les collectivités à la réalisation de nos grands objectifs de finances publiques.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Bravo !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Pour cela, je vous ferai deux propositions.

La première consiste à mettre en place une conférence annuelle des finances publiques. Je crois que le moment est venu de débattre sans tabou et sans a priori de la manière dont nous pourrions, ensemble, représentants de l'État, de la sécurité sociale et des collectivités locales, concevoir une éventuelle norme consensuelle, indicative, de dépenses publiques.

Deuxièmement, je propose pour les collectivités locales la même démarche que celle adoptée pour l'État avec la LOLF et en matière sociale avec la LOLFSS. Il me semble qu'il n'y a ni médiocrité ni tabou à évoquer des indicateurs type LOLF pour les collectivités locales. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Car après tout, j'imagine que, les uns et les autres, vous avez quelque intérêt à connaître la qualité des services publics locaux pour un niveau de fiscalité donné et à disposer des éléments pertinents de comparaison entre collectivités sur le potentiel financier ou la pression fiscale. Autant de sujets passionnants - passionnés, vu vos réactions ! - et absolument essentiels si l'on veut faire progresser le débat sur les finances publiques.

Deuxième choix : ce budget de responsabilité doit aussi répondre aux attentes des Français.

Notre mobilisation est totale sur l'emploi : 100 % de nos marges de manœuvre y sont consacrées. C'est la première priorité.

Thierry Breton vous a rappelé à l'instant les principales mesures concernées. Elles ont un coût, puisqu'elles se traduiront à court terme par de moindres recettes pour l'État. C'est pourquoi, pour 2006, nous avons fait le choix de la responsabilité, en décidant une pause dans la baisse de l'impôt sur le revenu. À moyen terme, ces mesures devraient amener des recettes supplémentaires en raison des créations d'emplois induites.

Concernant les allégements de charges, nous allons proposer une réforme majeure en introduisant, à l'intérieur des barèmes, les allégements généraux de charges. L'objectif est double : d'abord, la simplification pour les entreprises qui n'auront pas un double flux ; ensuite, une stabilisation des règles du jeu, ce qui offrira plus de lisibilité aux entreprises sur leur masse salariale.

M. Gérard Bapt. Premier cadeau pour Mme Parisot !

M. Jean-Michel Fourgous. Il vous manque déjà, le baron ! Il vous faut un nouveau bouc émissaire !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Bien évidemment, l'État compensera le manque à gagner pour la sécurité sociale en lui transférant un montant de recettes équivalent à ces allégements, de façon que la sécurité sociale n'en pâtisse pas.

Deuxième priorité : l'effort de restauration de notre État régalien. À ce sujet, nous avons fait la démonstration que le financement des lois de programmation sur la sécurité, la justice et la défense correspondent exactement aux attentes des uns et des autres. C'est vrai en crédits et en créations d'emplois.

Troisième priorité : préparer la France aux défis de l'avenir. Les engagements en faveur de la recherche seront tenus puisqu'elle disposera de 1 milliard d'euros et de 3 000 emplois supplémentaires. S'agissant de la loi pour l'école, nous proposons un dispositif en pleine cohérence avec les engagements pris devant votre assemblée : l'effort de maîtrise des effectifs publics réalisé dans le budget 2006 est très comparable à celui de l'année précédente, si l'on tient compte des redéploiements prévus dans cette loi.

Enfin, il s'agit, à travers ce budget, de renforcer nos moyens en faveur de l'innovation. 2 milliards d'euros seront affectés à la création de l'Agence pour l'innovation industrielle d'ici à 2007, ce qui permettra à la France de se rapprocher de l'objectif de Lisbonne, et 1,5 milliard d'euros seront consacrés aux contrats de Plan État-région.

Un mot à propos de l'Agence de financement des infrastructures de transports de France, l'AFITF.

M. Didier Migaud. Elle n'en a plus pour longtemps !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Cette agence va connaître une très forte augmentation de ses ressources. Thierry Breton et moi-même proposons un dispositif de financement extrêmement ambitieux...

M. Didier Migaud. Non pérenne !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. ...qui s'inscrit parfaitement dans la démarche que nous voulons pour préparer l'avenir. Il s'agira d'abord de crédits budgétaires ; ensuite de recettes fiscales affectées : taxe sur l'aménagement du territoire, fraction des produits des amendes des radars et du produit des redevances domaniales ; enfin d'une dotation en capital d'un milliard d'euros dans le cadre du schéma de cession des sociétés d'autoroutes. Au total, les recettes de l'agence seront multipliées par trois par rapport à l'année précédente, pour atteindre 2 milliards d'euros en 2006.

M. Didier Migaud. Ça ne durera pas !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Il s'agit là d'une réponse pleinement adaptée aux attentes de l'agence et en parfaite cohérence avec nos objectifs de finances publiques. Parce que nous voulons préserver l'avenir de nos enfants, notre doctrine est de veiller à ce que l'essentiel, pour ne pas dire la totalité des crédits qui proviennent des ouvertures de capital et des cessions de capital de l'État, serve au désendettement. Parce que nous avons le souci d'investir dans l'avenir, nous veillons de la même manière à ce qu'une partie du produit de ces cessions serve à financer les équipements structurants à travers l'AFITF. Il s'agit d'une décision lourde et importante qui montre la détermination de l'État à financer les investissements de l'avenir. C'est aussi pourquoi nous avons décidé que l'affectation d'une taxe pérenne contribuerait à ce financement.

Le troisième choix concerne les grands chantiers fiscaux. Thierry Breton et moi-même avons souhaité les évoquer dès à présent. Comme nous sommes très en amont de la discussion du projet de loi de finances, ce que nous évoquons ce soir reste évidemment provisoire.

Nous souhaitons d'abord proposer à votre assemblée une meilleure gouvernance fiscale. Le président de la commission des finances comme le rapporteur général ont fait de nombreuses propositions à ce sujet et j'ai reçu leur message cinq sur cinq.

M. Didier Migaud. Voilà qui est nouveau ! C'est une premiere !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Le moment est venu de procéder à une évaluation systématique de l'effet des mesures fiscales que nous décidons. Pendant trop longtemps, nous avons pris des décisions fiscales à la faveur des événements, parfois apparentées à ce que l'on appelle des niches. Le grand soir de leur remise en cause n'est pas forcément venu, car cela pourrait donner lieu à des drames - ou plutôt à des psychodrames - ce qui n'est pas forcément utile alors que nous avons tant de priorités à assumer. En revanche, il me paraît indispensable d'évaluer systématiquement toutes les décisions fiscales que nous prenons.

M. Didier Migaud. Cela a été fait !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Nous pourrons en donner un bon exemple avec l'analyse de l'effet des mesures sur les donations exceptionnelles qui, vous le savez, arrivaient à expiration au 31 mai dernier et que nous avons, avec Thierry Breton, décidé de prolonger jusqu'à la fin de cette année tout en relevant le plafond. Au 31 mai, 11 milliards d'euros avaient ainsi été injectés dans l'économie. Nous verrons, à la fin de 2005, quel sera le résultat de cette mesure.

Par ailleurs, nos choix fiscaux sont précis et limités.

Il s'agit d'abord, comme l'a évoqué Thierry Breton, de lever les obstacles matériels accompagnant la reprise d'un emploi.

Il s'agit ensuite d'examiner sans tabou la fiscalité des successions. En la matière, beaucoup a été fait depuis trois ans. Je n'évoquerai ici que les mesures adoptées l'an dernier, qui ont consisté, d'une part, à introduire un abattement global de 50 000 euros pour les successions en ligne directe ; d'autre part, à relever les abattements personnels pour les successions entre parents et enfants. Ces mesures ont permis d'atténuer une fiscalité lourde, mal acceptée car elle intervient à un moment douloureux de la vie, mais aussi décourageante car elle frappe le fruit de toute une vie de travail. Elle peut être un frein à la transmission d'entreprises individuelles.

Le moment est venu d'ouvrir des pistes de réflexion. Par exemple, est-il normal que le conjoint survivant paie des droits de succession sur un patrimoine acquis conjointement ? Est-il normal que la fiscalité soit aussi lourde sur les successions qui ne sont pas en ligne directe ? Tous ces sujets peuvent faire l'objet d'un débat serein entre nous.

De la même manière, nous voulons promouvoir le dynamisme économique et l'investissement de nos entreprises. Cela me conduit à dire un mot d'un sujet qui nous passionne : la taxe professionnelle.

Plusieurs options s'offrent à nous. La première consisterait à poursuivre indéfiniment le dégrèvement des investissements nouveaux, engagé en 2004. Cette hypothèse, très théorique, coûte 1,4 milliard d'euros par an, sans réforme à la clé. Nous ne pouvons donc pas légitimement retenir une telle philosophie, même si nous sommes d'accord pour dire que c'est un élément très important pour les entreprises qui investissent.

La deuxième option consisterait à reprendre l'esprit du rapport Fouquet, qui propose des contributions très nouvelles. Mais cela entraînerait des effets de transferts entre les différents secteurs économiques, ce qui implique un consensus politique total. Je ne sais pas si un tel consensus naîtrait spontanément de nos réflexions.

Une troisième option viserait à corriger les deux dysfonctionnements majeurs de la taxe professionnelle, le premier étant le plafonnement à 3,5 % de la valeur ajoutée, aujourd'hui dépassé par 54 000 entreprises industrielles qui embauchent et investissent. En raison d'une très forte augmentation des taux de taxe professionnelle dans certaines collectivités...

M. Didier Migaud. Ce n'est pas vrai !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Monsieur Migaud, il se trouve qu'elles sont très majoritairement à gauche, mais elles ne le sont pas forcément toutes !

M. Augustin Bonrepaux. C'est très exagéré !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. En raison, disais-je, des très fortes augmentations décidées par ces collectivités, nous constatons que le taux de référence de 1995 n'est plus adapté aujourd'hui.

M. Augustin Bonrepaux. Selon vous, tout est de la faute des collectivités !

M. Didier Migaud. Allez de temps en temps au comité des finances locales !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. En tout cas, 54 000 entreprises dépassent ce plafonnement à 3,5 % et, dans certains cas, peuvent atteindre jusqu'à 10 %.

Il faudra certainement engager une réflexion de fond sur ce sujet, modifier l'année de référence pour le taux - par exemple 2004 au lieu de 1995 - et mettre en place un système de cliquet pour responsabiliser les collectivités locales et faire en sorte que celles qui pratiquent une politique de modération fiscale ne paient pas pour les autres. Il faut veiller à ce que celui qui décide l'impôt en assume pleinement la responsabilité politique !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Absolument !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. En conclusion, je veux dire un mot de notre quatrième choix : un budget tourné vers la réforme de l'État.

Pour la première fois, le Premier ministre a souhaité adosser, dans chaque ministère, la réforme de l'État et le budget. Sur la base de tout ce qui a été réalisé, nous avons constaté que le ministère des finances était en pointe sur de nombreux sujets. Aussi voulons-nous passer à la vitesse supérieure au travers d'actions très concrètes.

La réforme de l'État consiste d'abord à faciliter la vie de l'usager. J'ai décidé de poursuivre le chantier qui a déjà été engagé avec un troisième projet qui aura la particularité de comprendre une partie « anti-loi » pour abroger plus de 130 textes législatifs obsolètes. De la même manière, nous allons faire un travail d'évaluation et mettre en place, pour chaque procédure, un indicateur de complexité, afin que l'on puisse évaluer concrètement le parcours du combattant que doit accomplir l'usager dans ses rapports avec l'administration.

Après l'usager, la réforme de l'État doit avoir le souci du contribuable à travers les impôts qu'il paie. C'est là que la notion d'État efficace prend tout son sens. J'entends bien que nous ayons des réponses claires et opérationnelles sur des chantiers essentiels comme les achats, l'informatique ou encore l'immobilier qui a beaucoup mobilisé l'attention de nombre d'entre vous. Nous tracerons les grandes lignes de ce programme d'ici à quelques semaines, comme j'ai eu l'occasion de le dire devant la mission d'évaluation et de contrôle qui, je l'espère, a été conquise par les propositions nouvelles du Gouvernement.

M. Michel Bouvard. Elle sera surtout conquise par les résultats ! (Sourires.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Monsieur Bouvard, je comprends que, dans ce domaine, vous soyez aussi attentif aux résultats qu'aux propositions.

Enfin, après les usagers et les contribuables viennent naturellement les fonctionnaires, qui seront les acteurs majeurs de cette modernisation. Personne n'a à gagner de l'immobilisme, au contraire. À nous de savoir intéresser les fonctionnaires à la réforme.

Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, ce budget est un grand rendez-vous. Dans la forme, car il permet de concrétiser pour la première fois toutes les possibilités offertes par la LOLF. Sur le fond, car il nous permettra de répondre très directement aux attentes des Français.

C'est à la fois un budget de responsabilité et un budget de projets qui s'appuie sur une nouvelle dynamique de réforme. Telles sont nos ambitions pour 2006. Thierry Breton et moi-même attendons de ce débat essentiel qu'il puisse s'enrichir de vos observations et de vos commentaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Mes chers collègues, j'ai apprécié certaines des propositions de nos deux ministres mais, comme le dirait Jean-François Copé, je suis d'un naturel peu flatteur...

M. François Rochebloine. C'est vrai !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. ...et j'ai plutôt tendance à regarder la partie du verre à moitié vide pour mieux le remplir.

M. Jean-Pierre Brard. Mais vous donnez l'absolution trop facilement !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. C'est dans cette perspective que je me placerai, messieurs les ministres, et je suis sûr que vous comprendrez mes propos.

M. Jean-Pierre Brard. Châtiez plus vigoureusement !

M. le président. Monsieur Brard, vous n'avez pas la parole !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Lors de votre conférence de presse du 21 juin, monsieur le ministre de l'économie et des finances, vous avez établi un diagnostic très juste et largement partagé sur nos bancs. « La France, avez-vous dit, vit au-dessus de ses moyens ». Je préférerais que l'on dise : « L'État vit au-dessus de ses moyens » (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), car ce ne sont pas les entreprises françaises qui sont malades, mais bien l'État.

M. François Rochebloine. Absolument !

M. Didier Migaud. Mais l'État, c'est vous !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Je crois qu'il faut le rappeler en permanence.

Vos propositions sont-elles à la mesure de votre diagnostic ?

M. Gérard Bapt. Hélas non !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Le Premier ministre a fait de l'emploi la priorité absolue. Nous partageons pleinement cet objectif.

M. Didier Migaud. Pendant trois ans, rien n'a été fait !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Avons-nous fait une véritable analyse des causes du mal français qu'est le chômage ? À ce sujet, il est toujours intéressant d'écouter ce que disent nos partenaires au-delà de nos frontières.

La France, disent-ils, a beaucoup d'atouts,...

M. Jean-Pierre Brard. Qui dit cela ?

M. Gérard Bapt. Tony Blair ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. ...plus que beaucoup de ses partenaires européens. Mais elle présente des faiblesses qu'elle ne parvient pas à corriger. Les orientations budgétaires que vous nous soumettez vont-elles nous aider à réduire ces faiblesses ?

La France, disent encore nos partenaires, est sur-administrée et sous-organisée. Nous continuons à empiler des structures, des agences, et nous multiplions les réglementations. Nous sommes nombreux, sur ces bancs, à être convaincus que la réforme de l'État ne viendra pas seulement des administrations, mais de la contrainte que nous exercerons en vue d'une meilleure utilisation des emplois publics.

Vous avez annoncé - et l'effort est louable - une diminution de 5 000 emplois publics d'État dans le prochain budget. Mais, dans les faits, les Français financeront 30 000 emplois publics supplémentaires en 2006,...

M. François Rochebloine. Eh oui !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. ...dont 20 000 à 25 000 du fait de la croissance presque « naturelle », hélas ! des emplois des collectivités locales...

M. Augustin Bonrepaux. Il faut bien compenser les carences de l'État !

M. Jean-Michel Fourgous. Avec quel argent ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Je souhaite que vous m'écoutiez, monsieur Bonrepaux ! Chacun ici exprime ses convictions.

M. le président. Monsieur Bonrepaux, vous aurez l'occasion de vous exprimer tout à l'heure !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. ...auxquels s'ajoutent l'équivalent des emplois supplémentaires dus aux départs plus nombreux des retraités de la fonction publique.

Entre 1982 et 2004, le nombre d'emplois publics a augmenté en France de 24 %. C'est beaucoup plus qu'aucun autre État européen.

Or l'expérience étrangère devrait nous avoir enseigné qu'il existe une relation directe entre le montant de la dépense publique et le faible niveau de pouvoir d'achat.

Pour vous en convaincre, je citerai simplement deux chiffres : la France se situe au cinquième rang dans l'Europe des Quinze pour le coût horaire du travail, mais au douzième pour le salaire net.

M. Jean-Pierre Brard. Vous ne parlez pas des patrons !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Ce résultat tient, en partie, à la gestion de l'État. Je le dis et je le répète : l'État est faible, il gère mal et il gère de loin.

M. Gérard Bapt. Que faites-vous contre cela ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. L'amélioration de la productivité dans le secteur public n'est pas engagée. Avec Gilles Carrez et Georges Tron, nous avons procédé à un contrôle sur pièces et sur place au ministère de la culture.

M. Jean-Pierre Brard. Pourquoi pas la défense ?

M. Gérard Bapt. La culture, voilà l'ennemi !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Voilà quelques années, le Premier ministre de l'époque, M. Bérégovoy, avait accepté - décision confirmée par son successeur, Alain Juppé -...

M. François Rochebloine. Douste-Blazy était passé par là !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. ...la rénovation de l'immeuble des Bons Enfants pour 60 millions d'euros. En fait, le coût fut de 72 millions, mais nous sommes habitués. En échange, six immeubles dispersés du ministère devaient être vendus. Notre enquête a montré - je parle sous le contrôle de Gilles Carrez - qu'aucun ne l'avait été, malgré l'engagement pris devant M. Bérégovoy et M. Juppé.

M. Hervé Novelli. Comme d'habitude !

M. Gérard Bapt. Mais qu'a fait Juppé ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Je pourrais, messieurs les ministres, multiplier à l'infini ces exemples de mauvaise gestion du secteur public.

M. Léonce Deprez. Il faut le dire !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Quelles sont les conditions pour que la mise en œuvre de la LOLF conduise à une plus grande efficacité de l'action publique, sachant que la rationalisation des choix budgétaires n'a abouti à rien ?

D'abord, il y faut un soutien des ministres. Or il n'est pas totalement garanti de la part de certains. (Sourires.)

Il faut ensuite que les départements ministériels restent stables. Passer de 22 à 43 puis à 32 ministres, en charcutant à chaque fois les organigrammes, n'est pas la meilleure façon de mobiliser les fonctionnaires ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Il faut aussi que le rapport de la Cour des comptes ne finisse pas dans les tiroirs.

M. Jean-Pierre Brard. Bonne idée.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Prenons le budget de l'éducation nationale. Selon le rapport, le coût d'un lycéen français est supérieur de 20 % à la moyenne européenne. Cette différence tient à la multiplicité des options, mais aussi au fait que des professeurs de philosophie ou d'allemand, qui n'ont plus que onze, voire neuf heures de service, refusent d'enseigner une deuxième matière. Le Gouvernement est-il décidé à leur faire faire leurs dix-huit heures, comme ce serait le cas dans le secteur privé ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Par ailleurs, au cas où des niches fiscales ou des réductions d'impôt seraient créées - il en faut quelques-unes -, accepteriez-vous que ce soit en loi de finances et non dans les projets de tel ou tel ministre ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Absolument.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Nous le savons, la réforme de l'État est difficile. Afin d'apaiser les peurs et de contourner les obstacles, nous avons inscrit dans la Constitution le droit à l'expérimentation. Est-il possible qu'avant la fin de l'année certaines habilitations législatives en matière d'expérimentation nous soient soumises ? Elles pourraient porter sur la création de l'agence régionale de santé au niveau d'une ou deux régions - l'Alsace et la Bretagne sont volontaires -, sur l'autonomie de quelques universités candidates,...

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. ...ou encore sur la restructuration de l'appareil administratif, comme dans le Val-d'Oise, qui demande à l'engager autour d'un pôle sécurité piloté par le préfet et d'un pôle ingénierie publique.

M. Léonce Deprez. Très bien !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Enfin, s'agissant des 134 programmes définis par la LOLF, nous aurons, comme au Canada ou en Suède, à nous demander s'ils sont tous d'intérêt public. Il ne serait pas étonnant en effet que, sur ces 134 programmes, une quinzaine complique la vie des Français et des entreprises plutôt que de servir l'intérêt public.

M. Hervé Novelli et M. Léonce Deprez. Absolument !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Tous ces programmes incombent-ils à l'État ? Certains ne pourraient-ils pas être exécutés plus efficacement s'ils étaient confiés au secteur privé ?

M. Gérard Bapt. Ah, le privé, toujours plus efficace !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Monsieur Bapt, le secteur privé n'est pas synonyme d'enfer ! Assez de slogans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Jean-Michel Fourgous. C'est le quart d'heure de vérité !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. S'agissant maintenant de la maîtrise de la dépense publique, je remercie Jean-François Copé d'avoir abordé le problème des collectivités locales et de leurs dépenses, qui augmentent en volume de 3 à 4 % par an.

Mme Claude Greff. Surtout dans les régions !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Je n'accepterai pas une réforme de la taxe professionnelle qui récompenserait une nouvelle fois les collectivités locales fortement dépensières et sanctionnerait un peu plus les vertueuses. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Alors vous voterez la réforme que je propose.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Dans ces conditions seulement.

M. Gérard Bapt et M. Augustin Bonrepaux. Définissez ce que sont des collectivités vertueuses !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. En tout cas pas celle où l'on compte 32 vice-présidents, payés l'équivalent de 22 000 francs par mois, et où le nombre de voitures de fonction a été multiplié par deux, voire trois, au cours des derniers mois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Gérard Bapt. Que font vos amis de l'Association des maires de France ?

M. Alain Claeys. Et si on parlait de l'augmentation du coût du logement ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. N'appartient-il pas aux collectivités locales de montrer l'exemple en matière de maîtrise de la dépense publique ?

Messieurs les ministres, vous êtes maîtres de la dotation globale de fonctionnement. Récompensez les collectivités vertueuses et sanctionnez celles qui ne le sont pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gérard Bapt. Selon quels critères ?

M. Jean-Michel Fourgous. Le critère, c'est la compétence !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Toujours en matière de correction des faiblesses de l'économie française, l'autre combat à mener, parallèlement à la réforme de l'État et à la maîtrise de la dépense publique, est de libérer l'économie des carcans qui l'empêchent de s'adapter.

M. Léonce Deprez et M. Hervé Novelli. Très bien !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. J'entendais ce soir, sur la Chaîne parlementaire, un député de gauche parler à propos de Florence Parisot, de « faire un carton ». Est-ce bien sérieux ?

M. Jean-Pierre Brard. Mais oui.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Ne devrions-nous pas plutôt écouter Tony Blair pour qui, dans une économie moderne, l'État et les entreprises doivent coopérer et non s'opposer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Messieurs les ministres, les entreprises ont besoin de confiance. Elles ont besoin d'être aimées.

M. François Rochebloine et M. Léonce Deprez. Absolument !

M. Jean-Pierre Brard. Vous les aimez beaucoup !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Comme le disait Michel Crozier, « ce que l'État bureaucratique gagne en réglementations, en décrets, est sans commune mesure avec ce qu'il fait perdre à la collectivité en étouffant les initiatives ».

Si 60 % des commerçants, des artisans et des dirigeants de petites entreprises ont voté pour le non au référendum,...

M. Jean-Pierre Brard. Enfin quelqu'un qui a remarqué que les Français ont voté non !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. ...ce n'est pas pour des raisons liées à leurs revenus, car ceux-ci ont augmenté. C'est parce qu'ils en ont assez de la complexité croissante des réglementations, de la bureaucratie et de la défiance plutôt que de la confiance dont les administrations font preuve à leur égard. (« Bien sûr ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean de Gaulle. Très bien !

M. Gérard Bapt. Supprimons les administrations, et les collectivités publiques, et le peuple !

M. Didier Migaud. Au karcher !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Si l'on souhaite le maintien d'un outil industriel performant, encore faut-il savoir que si certaines délocalisations ne dépendent pas de nous, tel n'est pas le cas, hélas ! pour d'autres qui tiennent, elles, à notre fiscalité. Dois-je rappeler que 332 entreprises, dont 60 étaient leaders dans leur secteur, ont été vendues à l'étranger du fait des conditions de perception de l'impôt sur le patrimoine ? Si l'on demande à des héritiers, qu'ils soient de la première, de la deuxième ou de la troisième génération, de payer trois fois plus d'impôt qu'ils n'ont de revenu, comment voulez-vous qu'ils ne cherchent pas à vendre à l'étranger ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Hervé Novelli. Exact !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. L'amendement voté sur ce sujet à l'unanimité par les commissions des finances et des affaires économiques mérite d'être examiné avec sérieux.

M. Jean-Pierre Brard. C'est Coblence !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Monsieur Brard, je ne paye pas l'ISF. Et dans ma région, les ouvriers, qui représentent 45 % de mes électeurs, comprennent parfaitement quand je leur explique que les conditions d'application de l'ISF conduisent à des délocalisations catastrophiques.

M. Jean-Michel Fourgous. Voilà du parler-vrai ! Ce n'est pas comme cette gauche hypocrite !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. L'enjeu économique, c'est l'insuffisance du réseau de PMI. Or 400 d'entre elles ont quitté le territoire. Il faut avoir le courage, messieurs les ministres, d'aborder ce problème. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Ce qu'il faut, c'est élargir l'assiette !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Le dilemme de toute société, c'est d'être à la fois plus efficace et plus juste.

M. Léonce Deprez. Absolument !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Les voies pour y parvenir sont difficiles mais nos compatriotes sont prêts à les emprunter justement parce qu'elles seront justes.

À cet égard, je ne suis pas le seul à me demander si au lieu de porter de 17 à 19 milliards d'euros les allégements de charges sociales sur les entreprises, si justifiées soient-ils,...

M. Jean-Claude Sandrier. Cela ne sert à rien !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. ...il ne faudrait pas consacrer ces 2 milliards supplémentaires à l'amélioration de la prime pour l'emploi.

À la rentrée, il faudra supporter l'augmentation des impôts locaux, des cotisations des mutuelles, du prix du gazole.

M. Jean-Pierre Brard. Et des tarifs du gaz, de l'électricité...

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Si vous voulez favoriser une ambiance propice à la croissance, faite d'optimisme et de confiance, ne serait-il pas plus efficace politiquement, psychologiquement, ...

M. Didier Migaud. Et économiquement !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. ...de consacrer ces 2 milliards non seulement à mensualiser la prime pour l'emploi mais aussi à l'améliorer ? Je le souhaite en tout cas.

M. Didier Migaud. Enfin une lueur de bon sens !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Tous les économistes le reconnaissent : la compétitivité peut être conciliée avec l'amélioration de la prime pour l'emploi, alors que l'on ne peut pas continuer à augmenter par trop le SMIC.

Le Premier ministre, avec raison, a prêché l'audace et dénoncé l'immobilisme de ceux qui critiquent systématiquement sans rien proposer comme alternative. Nous attendons de vous, messieurs les ministres, que vous conciliiez la double exigence d'efficacité et de justice. Telle est la condition de la réussite du Gouvernement et de la majorité.

Comme nombre de membres de celle-ci, j'estime que notre société est à un moment fondamental, où elle doit rechercher un nouvel équilibre entre les dépenses collectives - nous sommes à 44 % de prélèvements obligatoires ! -...

M. Jean-Pierre Brard et M. Gérard Bapt. Vous ne cessez de les augmenter !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. ...et le pouvoir d'achat des familles. Une forte amélioration est en effet nécessaire, qu'il s'agisse de la productivité du secteur public - sécurité sociale, collectivités locales et État - ou du pouvoir d'achat des familles qui, après avoir travaillé dur pendant vingt ou vingt-cinq ans, ne gagnent que 1,2 ou 1,3 SMIC et n'ont pas le sentiment d'appartenir à la classe moyenne.

C'est à ces conditions que nous pourrons faire les réformes courageuses dont dépend l'avenir de notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est l'avant-dernière fois de cette législature que nous discutons des orientations budgétaires, en l'occurrence pour 2006.

M. Didier Migaud. Le bilan est pour bientôt !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est l'occasion, pour la majorité, de marquer la constance de ses choix en matière budgétaire. Cette constance est illustrée par la stabilisation de la dépense de l'État et par la volonté d'affecter les marges de manœuvre qui auront été prévues avec prudence au rétablissement de nos finances publiques.

Les finances de l'État ont commencé à se dégrader à grande vitesse à partir de 1981, c'est tout à fait daté. L'actuelle majorité a essayé de les rétablir, mais elle a manqué de temps. Elle s'y est efforcée entre 1986 et 1988.

M. Hervé Novelli. Et elle a réussi !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En effet, mais deux ans, ce n'était pas suffisant.

M. Hervé Novelli. Eh non !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Elle a poursuivi l'effort entre 1993 et 1997.

M. Michel Bouvard. Mais quatre ans, ce n'était pas suffisant. (Sourires.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Elle s'y est attachée à nouveau depuis 2002, dans un contexte particulièrement difficile, alors que durant la période faste, autour de la fin des années quatre-vingt-dix, les surplus de la croissance avaient été gaspillés.

M. Didier Migaud. Ce n'est pas vrai !

M. Yves Deniaud. Oh si !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Tout à l'heure, monsieur le ministre, vous avez employé les termes « pédagogie de la dette » et je voudrais commencer par là. Nous devons absolument nous lancer auprès de nos concitoyens dans une pédagogie de la dette.

M. Gérard Bapt. Et la CADES ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Les chiffres commencent à être connus : près de 1 100 milliards d'euros de dette, soit 17 000 euros par Français, 64,7 % du PIB. Cette dette concerne au premier chef l'État mais pas seulement. La dette de la sécurité sociale, reprise par la CADES,...

M. Gérard Bapt. Ah !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...s'élève à une vingtaine de milliards d'euros. Une autre dette, que garantit l'État pour l'essentiel, enfle à grande vitesse, celle de l'UNEDIC. Enfin, vous avez évoqué, messieurs les ministres, la situation des collectivités locales. Mais, pour celles-ci, je ne crois qu'il faille parler de déficit.

M. Gérard Bapt. Tiens !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. M. le ministre de l'économie et des finances a employé ce terme.

M. Gérard Bapt. Il a eu tort !

M. Didier Migaud. Il aurait menti ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il est vrai que les collectivités locales ont, pour la première fois depuis 1996, un besoin de financement. Après s'être désendettées, elles vont se réendetter, à hauteur d'environ 1,5 milliard d'euros en 2004. Ce n'est pas grand-chose, me direz-vous, c'est malgré tout un problème. Les collectivités locales, comme l'a fait remarquer le président de la commission des finances, dépensent probablement trop.

M. Gérard Bapt. Il faut les encadrer ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mais, il faut le rappeler, il n'y a que l'État qui paie ses fonctionnaires en empruntant. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Quand les collectivités locales empruntent, ce qu'elles font en ce moment, c'est exclusivement pour financer des dépenses d'investissement, c'est-à-dire d'avenir.

M. Michel Bouvard et M. Gérard Bapt. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le cœur du problème, c'est donc bien, avant tout, la dette de l'État.

M. Didier Migaud. Exactement !

M. Jean-Pierre Brard. Il fallait le dire !

M. Didier Migaud. Les ministres ont donc menti ! Merci, monsieur Carrez !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La dette de l'État représente 80 % de la dette publique totale, en augmentation ininterrompue depuis 1981. Aujourd'hui, vous l'avez indiqué, messieurs les ministres, elle représente l'équivalent du produit de l'impôt sur les sociétés, et presque celui de l'impôt sur le revenu. Tout cela ne peut pas durer.

Fait extrêmement préoccupant : depuis vingt-cinq ans, nous n'avons pratiquement jamais connu ce qu'on appelle un excédent primaire.

M. Didier Migaud. Si !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il y a excédent primaire lorsque, une fois du passé fait table rase et les intérêts effacés, les dépenses de l'année, sans les intérêts donc, restent supérieures aux recettes de l'année.

M. Didier Migaud. Nous en avons connu sous la législature précédente !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avons connu un petit excédent primaire, c'est vrai, en 1999 et en 2000, années déplorables durant lesquelles la cagnotte a été gaspillée dans les 35 heures. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Voilà !

M. Jean-Jacques Descamps. Il fallait le dire !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il faut non seulement que nous revenions à un solde primaire positif, mais également que nous stoppions l'effet boule de neige de la dette.

M. Didier Migaud. Vous l'avez entretenue !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Les intérêts de la dette étant supérieurs, ces dernières années, au taux de croissance, il faut parvenir à obtenir non seulement un solde primaire positif mais également ce qu'on appelle dans notre jargon un solde stabilisant qui soit substantiellement supérieur.

Pour arrêter ce mouvement infernal de boule de neige de la dette, il faudrait, d'après les éléments d'information en notre possession, réduire le déficit de l'État de façon durable autour d'une trentaine de milliards d'euros, un peu plus, un peu moins selon les années en fonction des hypothèses de croissance et de taux d'intérêt.

Or même en 2004, année remarquable en termes d'exécution...

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. En effet !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...avec une dépense parfaitement tenue, des prévisions de recettes extrêmement prudentes...

M. Didier Migaud. Ce n'est pas ce que dit la Cour des comptes !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...et l'affectation des 11 milliards de recettes supplémentaires en totalité à la baisse du déficit - un record historique, du jamais vu : moins 13 milliards d'euros de déficit entre 2003 et 2004, c'est-à-dire presque 100 milliards de francs -...

M. Didier Migaud. Et pourtant !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...malgré cette remarquable exécution, disais-je, le déficit de l'État s'est élevé encore à 44 milliards d'euros !

M. Didier Migaud. Eh oui !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous sommes donc en déficit primaire, si on déduit les intérêts, de l'ordre de 4 ou 5 milliards. Ainsi, la dette continue d'augmenter en dépit de tous ces efforts.

M. Didier Migaud. Eh oui !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est dire que nous avons encore un long chemin à parcourir.

M. Gérard Bapt. C'est votre bilan !

M. Didier Migaud. Et vous continuez à aggraver la situation !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En réponse à vos observations, mes chers collègues, permettez-moi de vous faire remarquer que, depuis maintenant trois ans, nous avons réussi, ce que vous n'avez jamais été capables de faire lorsque vous aviez la majorité, à stabiliser la dépense. (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste.) En 2006, la dépense sera stabilisée pour la quatrième année consécutive : 2003, 2004, 2005, 2006.

M. Didier Migaud. C'est un mensonge d'État, dirait Pierre Méhaignerie.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cette stabilité dans la dépense s'opère à deux niveaux : d'une part, dans la prévision - nous refusons d'augmenter la dépense d'État au-delà de l'inflation - d'autre part, dans l'exécution. Et l'annonce tout à l'heure par Thierry Breton d'un gel supplémentaire de 1 milliard d'euros en 2005 témoigne de la détermination du Gouvernement à exécuter, à l'euro près, l'enveloppe de dépenses autorisée par l'Assemblée.

M. Didier Migaud. On est loin de l'euro près !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Au-delà de la dette, demeure, dans cette projection pour 2006, un sujet d'inquiétude, les dépenses de personnels, et je crois qu'il est de notre devoir de le mettre en lumière ce soir. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L'inflation nous offre une marge de manœuvre supplémentaire de dépenses de 4,9 milliards d'euros - 1,8 % d'inflation sur le stock de dépenses, cela représente en effet 4,9 milliards.

M. Didier Migaud. Ils sont les bienvenus !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ces 4,9 milliards vont être utilisés en 2006, pour 4,6 milliards, c'est-à-dire presque 90 %, uniquement au titre de l'augmentation des frais de personnel, qu'il s'agisse du personnel en activité ou des pensions.

M. Hervé Novelli. C'est dramatique !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Et je rejoins la remarque de Pierre Méhaignerie à l'instant : si nous ne prenons pas à bras-le-corps la réforme de l'État, nous ne pourrons pas redresser durablement les finances de l'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Didier Migaud. C'est la faute des fonctionnaires ! C'est la faute des collectivités locales ! Jamais la vôtre !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En dehors des priorités du Gouvernement, à travers les lois de programmation qui représentent quelque 1,6 milliard, se pose la question des allégements de charges. La principale cause d'augmentation des dépenses dans le budget 2006 sera la progression de plus de 2 milliards des compensations d'allégements de charges liés à l'unification des SMIC.

M. Michel Bouvard. Eh oui !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il ne s'agit pas, j'insiste sur ce point, de mesures nouvelles, il s'agit de l'extension en année pleine, en l'occurrence 2006, de la situation qui existe depuis le 1er juillet avec la mise en place de l'unification. Et l'on ne dira jamais assez le coût faramineux que représente pour le contribuable, le trou que creuse dans le budget de l'État le financement des 35 heures.

M. Michel Bouvard. Très juste !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La prise en charge des 35 heures par le budget devient insupportable.

M. Augustin Bonrepaux. Nous sommes en 2005 ! Elles commencent à dater, les 35 heures !

M. Michel Bouvard. C'était un super-cadeau pour les grands groupes, un super-cadeau pour les entreprises du CAC 40 !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Messieurs les ministres, je crois que nous devons aujourd'hui nous poser une question de méthodologie : comment allons-nous traiter les baisses de charges dans le budget de l'État au moment où l'on arrive, du moins je l'espère, à une situation stabilisée et où ces 19 milliards de compensation vont être directement intégrés dans le barème ?

M. Didier Migaud. Il faut supprimer les 35 heures, supprimer les fonctionnaires ! Assumez !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il y a deux solutions. La première serait d'opérer un prélèvement sur recettes. La seconde, qui peut vous tenter davantage, consisterait à transférer, un peu comme on le fait pour les collectivités locales dans le cadre des transferts de compétences, ces 19 milliards d'euros de charges à la sécurité sociale, en même temps que le produit de certains impôts, par exemple la taxe sur les salaires.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. C'est ce que nous faisons !

M. Gérard Bapt. Commençons par le tabac et l'alcool !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il existe tout de même une différence fondamentale avec les collectivités locales, c'est que si cette politique de baisse de charges doit être modifiée à l'avenir, elle le sera par le Gouvernement, par l'État, et non par la sécurité sociale. Je livre cette réflexion à votre sagacité : à partir du moment où c'est l'État qui décide, il me semble extrêmement difficile de transférer un tel fardeau budgétaire.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En revanche, nous devons procéder, au plus vite, à une évaluation de ces 19 milliards d'allégements.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Contribuent-ils à protéger les bons emplois ? Ne protégeons-nous pas avant tout des emplois qui, en tout état de cause, ne sont pas délocalisables ?

M. Hervé Novelli. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. N'organisons-nous pas, de façon méthodique, un système de trappes à bas salaires ?

M. Michel Bouvard. Exact !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. N'encourageons-nous pas certains secteurs au détriment d'autres ?

M. Jean-Pierre Brard. Gauchiste !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avons absolument besoin d'une évaluation tant l'effort budgétaire est devenu important.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Toutes les mesures fiscales qui sont dans les tuyaux, à travers des lois de finances antérieures et différents textes, représentent 3 milliards d'euros. Si nous ajoutons les 2 milliards d'augmentation des compensations de baisses de charges, nous obtenons 5 milliards d'euros. Autrement dit, nous n'avons plus beaucoup de marges de manœuvre pour de nouvelles dispositions fiscales majeures. Et je salue le courage, la pertinence de votre décision, monsieur le ministre, qui a consisté à gager l'augmentation de la compensation des baisses de charges par le renoncement à la poursuite de la baisse de l'impôt sur le revenu.

Malgré tout, j'y insiste, nous n'avons plus beaucoup de marges de manœuvre et je rejoins complètement ce que disait à l'instant Pierre Méhaignerie : nous devons les affecter au soutien de l'offre. La question est avant tout d'utiliser au mieux la fiscalité pour déverrouiller l'offre, pour faire en sorte que les entreprises puissent produire davantage, que tous ceux qui souhaitent transmettre leur entreprise puissent le faire dans de meilleures conditions. Tout ce qui tourne autour des problèmes de la transmission d'entreprise, ou de l'investissement, avec la réforme de la taxe professionnelle, devra être traité en priorité en 2006.

S'agissant de l'investissement, je salue, dans ces orientations budgétaires pour 2006, les décisions extrêmement positives qui ont été arrêtées. Jamais nous n'aurons fait un effort aussi considérable en faveur de la recherche : un milliard d'euros sera accordé, dès 2006, à l'Agence de l'innovation industrielle, un autre milliard sera versé à l'Agence de financement des infrastructures de transports de France, 1,5 milliard sera dépensé au titre du complément sur les contrats de plan, 3 000 chercheurs seront recrutés.

Cet énorme effort d'investissement tranche avec la période 1997-2002, pendant laquelle, au moment où nous avions une très forte augmentation des dépenses de l'État, la partie fonctionnement et frais généraux ne faisait qu'enfler alors que la partie investissement diminuait. C'est à notre honneur d'avoir pris conscience de la nécessité de préparer l'avenir et de donner enfin la priorité à l'investissement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre de l'économie, vous l'avez dit lors de votre conférence de presse du 21 juin 2005, « la France ne peut pas vivre au-dessus de ses moyens ». Mais avez-vous tiré toutes les conséquences de cette juste analyse dans la préparation du projet de loi de finances pour 2006 ?

Nous traversons une crise budgétaire extrêmement grave. Au cours des cinq dernières années, tous les efforts de rigueur déjà insuffisants que nous avions déployés entre 1993 et 1997 - efforts ô combien difficiles ! -, qui ont permis l'entrée de la France dans l'Union économique et monétaire, ont été réduits à néant par un gouvernement Jospin qui a gâché sous forme de dépenses nouvelles les marges de manœuvre tirées de la croissance.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Très juste !

M. Charles de Courson. Aujourd'hui, confronté à ce que certains appellent une croissance molle, asphyxié par le manque de marges de manœuvre budgétaires, contraint par l'insuffisance des investissements dans la recherche et le développement, ralenti par l'absence ou l'insuffisance de mise en œuvre des réformes de fond nécessaires au développement à long terme de la France et à la régression d'un taux de chômage parmi les plus élevés d'Europe, notre pays n'a plus d'autre choix que de se réformer en profondeur.

C'est au regard de la situation de quasi-faillite de l'État et du système de protection sociale que doivent être examinées les orientations budgétaires de 2006. La politique que mène actuellement le Gouvernement est-elle à la hauteur de la situation extrêmement dégradée de nos finances publiques ?

L'enjeu est historique car, comme ne cesse de le répéter l'UDF, notamment depuis 2002, nos finances publiques connaissent une période sans précédent de déficit et d'accumulation de l'endettement. Cette situation met gravement en péril la croissance et les emplois de demain. La dette publique ne cesse de croître depuis 2002 et l'on a largement dépassé le seuil de 60 % d'endettement public, puisque l'on finira l'année 2005 avec 65 % du PIB d'endettement public, soit 1 100 milliards d'euros - près de 44 000 euros par famille.

Dans une première partie, je constaterai que les objectifs du Gouvernement en matière budgétaire n'ont pas été tenus en 2004 et ne le seront pas plus en 2005.

Dans une deuxième partie, je vous démontrerai que les objectifs du Gouvernement en matière de finances publiques pour 2006 ne sont pas à la hauteur de la gravité de la situation.

Enfin, dans une troisième partie, j'exposerai les propositions de l'UDF pour redresser les finances publiques de notre pays.

L'état des finances publiques de la France est gravement dégradé. Les résultats 2004 des finances publiques - je vous incite à lire l'excellent document de la Cour des comptes - montrent que les objectifs fixés par le Gouvernement n'ont pas été atteints.

Que constate-t-on lorsque l'on examine les comptes 2004 de la nation ? En 2004, les dépenses des administrations publiques - État, sécurité sociale, collectivités territoriales - ont augmenté de 3,6%. Or, la même année, on a assisté à une augmentation du produit intérieur brut de 4 % en valeur.

Premier constat : les dépenses augmentent pratiquement aussi vite que le PIB. Second constat : hors transfert du RMI - 5,4 milliards -, les collectivités locales, que beaucoup accusent, ne sont responsables que de 30 % de la hausse générale des dépenses, soit environ 9 milliards sur 30 milliards d'augmentation des dépenses publiques. Troisième constat : la réduction des déficits publics de 4,2 % du PIB à 3,6 % du PIB, soit une amélioration de 0,6 point de PIB, s'explique pour un peu plus de la moitié par l'augmentation de la pression fiscale, c'est-à-dire l'inverse de ce qui avait été promis, et pour un peu moins de la moitié par une croissance des dépenses publiques un peu plus lente que celle de la richesse nationale.

Quant aux prélèvements obligatoires, les promesses n'ont pas été tenues puisqu'ils ont augmenté de 4,9 %, soit nettement plus vite que la richesse nationale, portant le taux de prélèvements obligatoires de 43,1 % en 2003 à 43,4 % en 2004.

L'État n'a pas respecté ses objectifs budgétaires. La règle selon laquelle les dépenses de l'État, à structure constante, ne doivent pas augmenter plus que l'inflation est insuffisante si l'on veut réduire durablement le déficit, je le démontrerai tout à l'heure.

La réduction du déficit du budget de l'État de 62,2 milliards d'euros en 2003 à 52,2 milliards en 2004, soit moins 10 milliards, n'est qu'une apparence trompeuse, car plus de la moitié de la réduction a été obtenue par des moyens totalement artificiels comme l'explique la Cour des comptes dans son rapport.

Trois facteurs ont réduit artificiellement, à eux seuls, de 5,6 milliards le solde du budget de l'État :

Les conséquences de la dissolution du BAPSA, avec le transfert au FIFSA de la totalité de son besoin de financement, soit 3,5 milliards d'euros qui ont disparu du budget de l'État ;

La reprise de la dette du FOREC par la CADES, qui a fait faire à l'État un gain apparent de 1,1 milliard d'euros ;

L'augmentation des reports de crédits de 2004 sur 2005 à hauteur de 1 milliard en différant pour l'essentiel des dépenses d'investissement du budget de la défense. Dès le premier trimestre 2005, les dépenses militaires d'investissement ont d'ailleurs fortement augmenté.

Malgré ces pratiques budgétaires, les dépenses de l'État ont augmenté, selon la Cour des comptes, de 2,4 % à périmètre constant, soit nettement plus que la norme de 1,7 %. Pourquoi ? Je le dis depuis dix ans à tous les gouvernements - je n'accuse pas celui-ci en particulier -, il faut cesser de falsifier la vérité en augmentant les prélèvements sur recettes, qui sont pourtant de vraies dépenses, pour faire croire que la croissance du budget de l'État est moins rapide. Tout cela s'effondre quand on calcule le montant de la dépense réelle . Quant aux plus-values fiscales de 10 milliards, heureusement qu'elles sont intervenues car , à défaut, il n'y aurait eu aucune réduction du déficit apparent !

J'en viens aux collectivités locales. Pour la première fois depuis 1995, les administrations publiques locales connaissent un déficit de 1,9 milliard d'euros alors qu'elles étaient encore en excédent de 0,5 milliard en 2003. Cela dit, c'était pour financer leurs investissements. Il n'y a là rien de grave, d'autant qu'elles s'étaient désendettées pendant de nombreuses années. Mais cette dégradation résulte de la progression plus rapide des dépenses qui, y compris le RMI, ont augmenté de 8,8 % et, hors RMI - à structure constante comme l'on dit -, de 5,2 %. Les dépenses augmentent donc plus vite que les recettes, qui ont connu une hausse de 7 %, les seuls impôts augmentant de 10 %.

Quant au déficit de la sécurité sociale, il est historique. L'ensemble des administrations de sécurité sociale connaît un déficit record de 15,9 milliards d'euros en 2004, dont 11,5 milliards d'euros pour le seul régime général, contre 9,8 milliards en 2003. Les dépenses augmentent toujours à un rythme soutenu : 4,5 %, soit nettement plus que la richesse nationale : 4 %. Les recettes croissent moins vite : près de deux points de moins.

En 2005, les finances publiques connaîtront également un dérapage.

Pour ce qui concerne l'État, le respect de l'enveloppe de dépenses de 288,5 milliards d'euros ne pourra être réalisé qu'en annulant l'essentiel des 4 milliards de crédits gelés et en prévoyant 1 milliard de gels supplémentaires, comme vient de l'annoncer le Gouvernement. En effet, les dépenses supplémentaires actuellement connues dépassent les 2,1 milliards d'euros : 640 millions pour la revalorisation du traitement des fonctionnaires ; 500 millions pour les OPEX ; 450 millions liés au surcoût du RMI pour les conseils généraux ; 300 millions pour la sous-évaluation de l'aide médicale d'État, problème connu dès le vote de la loi de finances ; 160 millions pour l'ajustement de la DGF 2004, montant constaté ce matin en comité des finances locales, mais qui n'est pas budgété et dont on ne sait pas comment il sera financé ; 80 millions pour le référendum. On a d'ores et déjà mangé plus de la moitié de la première réserve ! Et cette liste n'est pas exhaustive.

Comme chaque année, la tenue des dépenses supposera d'annuler une part des crédits d'investissement, car ce que l'on ne vous dit pas, c'est qu'une partie importante de ces gels portent sur les dépenses d'investissement, dont tout le monde constate l'insuffisance mais qui seront amputées.

M. François Rochebloine et M. Philippe Folliot. Hélas !

M. Charles de Courson. En matière de recettes, les pertes potentielles liées à une situation économique moins favorable qu'espéré lors de la préparation du projet de loi de finances pour 2005, pourraient se traduire par une perte maximale de 4 milliards d'euros , essentiellement au titre de l'impôt sur les sociétés.

Les collectivités locales ne contribueront plus à la réduction des déficits publics. Pour ce qui les concerne, d'après le rapport annuel du comité des finances locales que je vous incite tous à lire, les augmentations de recettes sont importantes. La fiscalité régionale augmente de 25 %, soit 0,7 milliard, et celle des départements de 8%, soit 1,2 milliard.

M. Philippe Folliot. C'est scandaleux !

M. Charles de Courson. Quant à la fiscalité des communes et intercommunalités, elle augmenterait, d'après ce que l'on sait, de 4,5% environ, soit 1,4 milliard. Au total, la hausse des impôts directs des collectivités territoriales atteindrait 3,4 milliards en 2005, soit une augmentation de 6,5 %, à laquelle il convient d'ajouter la fiscalité indirecte, notamment la hausse de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères qui a été de 9 % en 2004.

Et pourtant, malgré cette forte hausse des recettes, les finances des collectivités territoriales vont poursuivre leur dégradation en 2005, de l'ordre de 1 milliard.

Les comptes de la sécurité sociale ne se redressent pas. Ils continuent à se dégrader contrairement à ce qui avait été dit. Comme le montre le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2005 - excellent document dont je vous conseille également la lecture -, le déficit prévisionnel du régime général, y compris le Fonds de solidarité vieillesse, devrait se dégrader, passant de 12,5 milliards d'euros en 2004 à 13,5 milliards en 2005,...

M. François Rochebloine. M. Douste-Blazy avait dit que ce ne serait pas le cas !

M. Charles de Courson. ...alors même que la soulte des IEG représente une recette exceptionnelle de 8,4 milliards d'euros. À ce déficit du régime général, il convient d'ajouter celui de l'UNEDIC, qui est passé de 2,4 milliards en 2004 à 3,4 milliards en 2005.

Ainsi, alors que le Gouvernement avait prévu un déficit public représentant 2,9 % du PIB dans son projet de loi de finances pour 2005, le résultat définitif risque d'être plus proche de 3,4 % ou 3,5 % en raison :

De la perte de 4 milliards de recettes dans le budget de l'État : 0,2 point de PIB ;

De la dégradation du déficit du régime général de 1,5 milliard : 11,6 milliards de déficit contre 10,1 prévu ;

De la dégradation de 1,4 milliard des comptes de l'UNEDIC ;

De la dégradation de 1 milliard du solde des collectivités locales.

Ainsi, la dégradation totale se situe entre 8 et 9 milliards d'euros, à peu près 0,5 point de PIB.

Quant à la prévision gouvernementale d'une croissance à 2 %, elle est irréalisable ; après 0,2 % au premier trimestre et 0,3 % au deuxième trimestre selon les dernières statistiques, il faudrait que la croissance soit beaucoup plus forte aux troisième et quatrième trimestre, ce qui n'est pas possible. D'ailleurs, l'INSEE évalue à 1,5 % la croissance 2005. Nous aurons donc des pertes de recettes fiscales, le ministre l'a reconnu tout à l'heure.

Voilà pour le constat.

Deuxième partie : les orientations budgétaires proposées pour 2006 par le Gouvernement sont-elles à la hauteur de la gravité de la situation budgétaire ? Je vais vous montrer que non.

Tout d'abord, les objectifs du Gouvernement ne permettront pas d'assurer durablement l'assainissement des finances publiques. Les critères de Maastricht, c'est surréaliste ! On va discuter à Bruxelles d'un assouplissement des deux principaux critères : 3 % de déficit public et 60 % de dette publique. Mais de qui se moque-t-on ?

M. Jean-Pierre Brard. En effet !

M. Charles de Courson. Quelle est la vérité ?

M. Jean-Pierre Brard. Dites-la !

M. Charles de Courson. Le taux de déficit budgétaire qui permet de stabiliser la dette, ce que les technocrates appellent le « taux stabilisant » , est de l'ordre de 2 %, 2,2 % - cela dépend de deux variables : le taux d'intérêt et le taux de croissance anticipé. Donc, cessons de discuter de ces critères prétendument trop durs de Maastricht : ils sont trop laxistes !

M. Jean-Pierre Brard. Ben voyons !

M. Charles de Courson. Si vous acceptez un déficit de 3 %, monsieur Brard, vous acceptez du même coup que la dette publique augmente chaque année plus vite que la richesse nationale.

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes un intégriste !

M. Charles de Courson. C'est une vérité mathématique !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Bien sûr !

M. Charles de Courson. Le problème est de savoir si nous voulons continuer à faire porter par nos enfants, nos petits-enfants et nos arrière-petits-enfants la charge de nos dépenses excessives. À cette question, ceux qui répondent oui sont des irresponsables ; ceux qui répondent non doivent en assumer les conséquences, c'est-à-dire se fixer comme objectif un déficit des finances publiques inférieur à 2 % du PIB. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Folliot. Très bien !

M. Charles de Courson. L'endettement public atteindra le chiffre de 65 % du PIB à la fin de cette année, ce qui est totalement excessif. D'autant que, l'un après l'autre, les gouvernements ne cessent de faire croire que la croissance sera supérieure aux estimations. Le cas s'est effectivement présenté en 2004 mais, sur les dix dernières années - je considère ce laps de temps pour ne pas faire de jaloux -, la croissance escomptée a toujours été supérieure aux résultats réels.

Fixons-nous donc une règle : supposons une croissance de l'ordre de 2 % sur deux ans. Si elle s'élève à 3 %, tant mieux ; mais basons la stratégie des finances publiques sur un taux de 2 %. Avec une croissance de 1,5 % ou, au mieux, de 1,7 ou 1,8 % en volume pour 2005, le Gouvernement ne peut pas continuer à afficher un objectif de croissance de 2,9 % pour cette année et de 2,2 % pour 2006. Il ne tiendra pas cet engagement.

Par ailleurs, j'appelle son attention sur la nécessité de rompre avec un comportement très critiquable qu'ont adopté tous les gouvernants : l'utilisation d'expédients budgétaires pour dissimuler la gravité de la situation. C'est un procédé auquel vous recourez, monsieur le ministre, comme l'avait fait la gauche.

Je peux en citer quatre exemples qui sont d'ores et déjà annoncés.

Le premier a été évoqué par M. le rapporteur général dans son rapport. Il consiste à faire sortir du budget de l'État les 2,2 milliards d'allègements supplémentaires des cotisations sociales en 2006, ce qui permet de minimiser la croissance des masses budgétaires par rapport à la réalité. De fait, retirer une somme de 2,2 milliards sur un total de 280  diminue de 0,8 % l'augmentation des crédits du budget de l'État.

Deuxième exemple : la promesse d'un milliard supplémentaire pour la recherche est financée à 60 % par des moyens artificiels, notamment par 280 millions de dotation en capital et 340 millions de dépenses fiscales, ce qui représente un impact de 0,2 % sur les dépenses du budget de l'État.

Troisième exemple : les crédits de la malheureuse AFIT, qui s'élèvent à 1,5 milliard.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Bienheureuse AFIT !

M. Charles de Courson. À peine née, après des débats homériques au sein du Gouvernement, celle-ci s'est vu attribuer, après un an d'existence, un milliard de dotation en capital, l'affectation de la taxe sur les concessions d'autoroutes, qui est une recette pérenne, ainsi qu'une fraction du produit des amendes de police, qui est hélas, elle aussi, une recette pérenne. Dans le milliard et demi dont je parlais, il y a donc un milliard de dotation en capital, soit un impact de 0,2 % sur le budget.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce n'est pas faux !

M. Charles de Courson. Quatrième exemple : l'Agence pour l'innovation reçoit un milliard sous forme de dotation en capital, ce qui représente également un impact de 0,2 % sur les dépenses du budget de l'État.

Que découvre-t-on si l'on additionne ces sommes ? Qu'elles représentent une majoration de 1,4% par rapport à la norme que le budget de l'État devrait respecter en tablant sur une inflation de 1,7 à 1,8 %. Ainsi, les comptes ne sont pas rigoureux ; ils donnent simplement l'apparence de la rigueur.

J'en viens à la troisième et dernière partie de mon intervention, c'est-à-dire aux propositions de l'UDF pour redresser les finances publiques, puisque - hélas ! - peu de gens acceptent de mouiller leur chemise et de dire ce qu'il faut faire.

En matière budgétaire, vous me rendrez au moins cette justice, mes chers collègues : l'UDF n'a été que trop peu entendue, bien que l'histoire récente nous ait toujours donné raison. Malheureusement, nous n'avons pu qu'assister impuissants à un creusement historique des déficits publics. La dette publique s'élève fin 2004 à 1 067 milliards d'euros. Elle est passée - c'est un chiffre à retenir - de 20,7 % du PIB en 1980, à l'époque où nous étions le pays le mieux géré du monde occidental,...

M. Hervé Novelli. Merci Giscard d'Estaing !

M. Charles de Courson. ...à 64,7 % du PIB en 2004, puis à 65 %, voire à 65,5 % à la fin de cette année. Cet accroissement est essentiellement dû à l'augmentation de la dette de l'État, qui atteint aujourd'hui à elle seule, avec les ODAC, 55,1 % du PIB. Autant dire quelle représente presque 90 % de la dette publique.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est exact !

M. Charles de Courson. C'est pourquoi il est impératif d'entreprendre dès aujourd'hui les réformes nécessaires, attendues depuis si longtemps.

La position du groupe UDF a été constante sur ce point. Nous réclamons plus de vraies réformes au Gouvernement, condition sine qua non du rétablissement de nos finances publiques, de la création de la croissance de demain et des emplois qui l'accompagneront.

Je vous le dis clairement, monsieur le ministre : la première réforme à engager est celle de l'État. Peut-on continuer à financer 4 % de nos dépenses de fonctionnement par la dette, comme le prévoit le budget de l'État que vous allez nous présenter ? Nous pensons que non. Je rappelle que 100 % des investissements civils et militaires - en admettant que ces derniers soient de véritables investissements - sont financés à crédit. Tous les indicateurs montrent que l'État ne cesse de reporter sur les générations à venir le poids de ses engagements financiers.

Dans une situation aussi difficile, il n'est pas acceptable de limiter à 5 000 le solde net des suppressions d'emplois dans la fonction publique. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Tout à fait !

M. Philippe Folliot. Voilà une proposition qui n'est pas démagogique !

M. Charles de Courson. Je rappelle que 15 000 suppressions d'emplois avaient d'abord été envisagées, chiffre d'ailleurs faible si l'on tient compte des 70 000 départs en retraite !

La vraie question est de savoir où il faut supprimer des emplois, quand on sait qu'il y a 2,2 millions de fonctionnaires.

M. Jean-Pierre Brard. On pourrait commencer dans la Marne !

M. Charles de Courson. Mon cher collègue, ma circonscription est une de celles qui comptent le moins de fonctionnaires !

M. Jean-Pierre Brard. Alors supprimons les gendarmes !

M. Michel Bouvard. Monsieur Brard, laissez parler M. de Courson : il va sûrement nous indiquer où l'on peut pratiquer des suppressions de postes !

M. Charles de Courson. C'est en effet à cette question que je voudrais répondre. Nous avons effectué une étude instructive sur la mauvaise gestion des personnels enseignants de l'éducation nationale.

M. Pascal Terrasse. Il y a trop d'enseignants ? Je suis heureux de l'apprendre !

M. Charles de Courson. Il faut gérer mieux ces personnels. Monsieur Bouvard, puisque vous me le demandez, je vais vous indiquer quelques mesures à prendre. Trouvez-vous normal que des enseignants recrutés il y a dix ou quinze ans comme professeurs d'allemand n'assurent qu'un demi-service...

M. Michel Bouvard. Quand ils le font !

M. Charles de Courson. ...parce qu'ils n'ont plus assez d'élèves pour exercer leur enseignement ?

M. Jean-Louis Dumont. Tous les élèves devraient pouvoir faire de l'allemand et de l'anglais !

M. Charles de Courson. Ne pensez-vous pas que, dans un État bien géré, on devrait pouvoir donner à ces fonctionnaires une formation qui leur permette d'enseigner également l'anglais ?

M. Jean-Pierre Brard. Ce sont des raisonnements ringards !

M. Charles de Courson. Pas du tout, mon cher collègue, lisez ce rapport !

M. le président. Un peu de silence, monsieur Brard !

M. Charles de Courson. Trouvez-vous normal que des professeurs d'éducation physique et sportive n'exercent pas leur activité parce que le principal du collège ou le proviseur du lycée ne contrôle pas leur travail ?

M. Jean-Louis Dumont. Les proviseurs ? Savez-vous comment on les choisit ?

M. Charles de Courson. Le fait est là : certains professeurs n'assurent pas leur service légal. Est-ce acceptable ? Un État démocratique bien géré peut-il tolérer ce type de comportement ? Savez-vous quelles économies permettrait, en cinq, six ou sept ans, une meilleure gestion des personnels enseignants au bénéfice des élèves ? L'équivalent de vingt à trente mille postes !

M. Jean-Pierre Brard. Ce raisonnement est nul !

M. Charles de Courson. Lisez ce rapport, monsieur Brard ! Vous ne l'avez même pas ouvert !

M. Jean-Pierre Brard. 30 000 emplois sont libérés parce que les Français ne parlent pas allemand ? À qui ferez-vous croire cela ?

M. Charles de Courson. Prenons un autre exemple : voilà des années que ceux qui s'intéressent à notre système de recouvrement de l'impôt sur le revenu considèrent qu'il coûte 20 à 40 % de plus que dans d'autres pays, faute d'un recouvrement en amont. D'excellentes études ont été effectuées à ce sujet.

M. Pascal Terrasse. Je suis d'accord.

M. Jean-Pierre Brard. Sur ce point, moi aussi !

M. Charles de Courson. On peut être favorable ou non à une réforme, mais le sujet mériterait un vrai débat. Il ne s'agit nullement d'un problème idéologique et l'on pourrait gagner par ce biais l'équivalent de milliers d'emplois.

M. Philippe Folliot. En réaffectant les personnels là où ils seraient utiles !

M. Jean-Pierre Brard. Pendant que vous y êtes, pourquoi ne pas supprimer l'impôt sur le revenu ?

M. Charles de Courson. Toutes les études montrent que l'on pourrait multiplier les exemples. Mais, pour mettre fin à ces abus, il faudrait, monsieur le ministre, une volonté forte.

L'UDF juge donc tout à fait insuffisante la suppression de 5 000 emplois nets dans la fonction publique. Le chiffre de 15 000 à 20 000 emplois, qui avait été d'abord envisagé, était raisonnable au regard de l'extrême gravité de la situation de nos finances publiques et de la nécessité d'augmenter la productivité. Ouvrons nos fenêtres, mes chers collègues ! Que se passe-t-il dans les pays étrangers ? Combien y a-t-il de fonctionnaires ? À quels emplois sont-ils affectés ? Il est possible d'augmenter l'efficacité du système public, comme le secteur privé a augmenté la sienne, mais il faut assumer de telles décisions.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Très bien !

M. Jean-Pierre Brard. Comme en Angleterre ? On connaît le résultat !

M. Charles de Courson. Tels sont nos premiers objectifs.

Par ailleurs, réformer l'État, c'est utiliser pleinement la nouvelle présentation de la loi organique. Mais celle-ci, en tant que telle, ne peut suffire à établir une meilleure gestion. Elle ne permet que d'obtenir des indications sur l'utilisation des moyens que nous votons.

M. Hervé Novelli. Très bien !

M. Charles de Courson. Il faut, là encore, responsabiliser les cadres de la fonction publique et les intéresser, du sommet au bas de la hiérarchie, à l'efficacité du service. Je vais vous en donner un exemple. À l'époque où je gérais environ 6 000 personnes au ministère de l'industrie, j'ai passé un accord avec les syndicats pour augmenter les primes en fonction de la productivité. Tous, sauf la CGT, l'ont signé.

M. Jean-Pierre Brard. La CGT, c'est un détail ?

M. Charles de Courson. Quand je les ai revus, deux ans plus tard, ils étaient très satisfaits. Le personnel avait compris que, quand il faisait des efforts, il en recevait le bénéfice. Voilà une attitude qu'il faut généraliser dans l'administration.

M. Philippe Folliot. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Brard. Vous auriez mieux fait de rester à l'industrie !

M. Charles de Courson. C'est ainsi qu'agissent partout les gens de bon sens qui gèrent correctement leurs effectifs.

Enfin, le poids des prélèvements obligatoires en France est beaucoup trop élevé et notre fiscalité est complexe et archaïque. L'UDF appelle de ses vœux une grande réforme fiscale visant à simplifier et à réduire le nombre de nos impôts. Nous rêvons, par exemple, d'une fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG. En prenant avant tout en compte l'impératif de justice sociale et d'efficacité économique, une telle réforme permettrait de répartir plus justement l'effort de chacun à la contribution de l'État.

M. Pascal Terrasse. Je vous rejoins sur ce point.

M. Charles de Courson Cette réforme trop longtemps repoussée est une condition sine qua non du rétablissement d'une croissance durable en France. Transformons la prime pour l'emploi en une réduction des cotisations sociales au profit de ceux qui gagnent peu, ce qui présenterait l'avantage de creuser l'écart entre les revenus d'activité minima et les revenus de solidarité. Tout le monde est favorable à ce principe. Mettons-le en application directement sur la feuille de paie puisqu'il n'est pas possible d'intervenir sur la CSG, comme nos collègues de gauche avaient essayé de le faire.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Absolument !

M. Charles de Courson. Quant à la fiscalité sur le patrimoine, quand sortirons-nous de nos blocages intellectuels ? Faudra-t-il attendre encore des années avant de revenir à « l'amendement Bérégovoy », c'est-à-dire au plafonnement à 85 %, voté par la gauche ? Nous marchons sur la tête !

Afin de maintenir un capitalisme familial, quand améliorera-t-on le système de transmission en remontant l'abattement de 50 à 75 %, comme l'a proposé la commission des finances ? (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Hervé Novelli. Demain !

M. Charles de Courson. J'espère qu'aucun député n'ira prendre de consignes à l'extérieur de l'hémicycle avant de voter cet amendement. En d'autres termes, je souhaite que les représentants du peuple assument enfin leurs responsabilités et cessent d'aller prendre des ordres là où ils n'ont pas à le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pascal Terrasse. Voilà que nos collègues de l'UDF deviennent résistants !

M. Charles de Courson. Après la réforme de l'État, il faut achever celle des retraites. Mes chers collègues, de gauche comme de droite, êtes-vous conscients que la loi Fillon n'assure que le tiers de l'effort qui permettrait d'assurer la pérennité de notre système ?

M. Pascal Terrasse. Nous n'avons pas cessé de le répéter !

M. Michel Bouvard. Allez-vous nous reprocher d'avoir fait cette réforme ?

M. Charles de Courson. Si nous ne mettons pas fin aux régimes spéciaux, nous n'arriverons pas à retrouver l'équilibre et nous accentuerons l'inégalité entre les Français.

M. Hervé Novelli. Très juste !

M. Philippe Folliot. Nous l'avons toujours dit !

M. Charles de Courson. Parce que nous sommes des gens équilibrés, nous pensons qu'il faut prévoir l'extinction des régimes spéciaux. Que ceux qui en bénéficient les conservent à vie, mais que ceux qui entrent aujourd'hui dans des entreprises ou des organismes disposant de tels régimes soient affiliés au régime général ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous réaliserions ainsi le vieux rêve de la représentation nationale à la Libération, qu'ont fait échouer des intérêts catégoriels.

M. Jean-Pierre Brard. Je comprends que M. de Courson ne prenne plus le train !

M. Charles de Courson. Troisièmement, il faut entreprendre une vraie réforme de l'assurance maladie, afin de ne pas reporter les dépenses sur les générations futures. La santé ne se réduit pas aux soins dispensés, elle contribue plus généralement au bien-être des personnes. C'est pourquoi nous attendions une réforme ambitieuse de l'assurance maladie visant à garantir pour longtemps la qualité et le financement de notre système de santé. Hélas ! cette réforme n'a pas eu lieu.

M. Pascal Terrasse. C'est une vraie motion de censure !

M. Charles de Courson. Le régime d'assurance maladie français est en faillite - 35 milliards d'euros de déficit cumulé - mais le Gouvernement n'a proposé qu'un plan de financement qui transfère les déficits vers les générations futures. Ainsi les médicaments et les soins consommés aujourd'hui seront payés par nos enfants et petits enfants. Il est moralement inacceptable de reporter l'effort sur les générations futures sitôt que nous nous trouvons face à une situation difficile.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur de Courson.

M. Charles de Courson. Pour réguler les dépenses de santé, on ne pourra pas faire l'économie d'une responsabilisation de tous les acteurs. C'est pourquoi l'UDF soutient la régionalisation, afin d'impliquer les acteurs locaux dans une meilleure gestion du système de santé.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Très bien !

M. Charles de Courson. Quatrième réforme : il faut donner une véritable autonomie fiscale aux collectivités locales et responsabiliser les élus. Leurs comptes sont pour la première fois déficitaires.

M. Jean-Pierre Brard. M. Carrez a expliqué que ce n'était pas vrai !

M. Pascal Terrasse. C'est à cause de la décentralisation !

M. Charles de Courson. Cette situation ne résulte pas de la décentralisation « Raffarin », mais de la politique menée par M. Jospin et des choix, certes légitimes, opérés par les exécutifs locaux. Le rapport du comité des finances locales révèle ainsi que la réforme de l'APA représente, en 2005, une dépense de 4 milliards d'euros pour des recettes qui s'élèvent à 1,35 milliard.

M. Pascal Terrasse. Et le lundi de Pentecôte ?

M. Charles de Courson. Ce choix a été celui du gouvernement Jospin, et il faut aujourd'hui l'assumer.

Les dépenses locales augmentent, hors incidences des transferts de compétences, de plus de 3 % en volume depuis 2002, quand l'État est à volume zéro. Aussi le groupe UDF demande-t-il la liberté de fixation des taux des impôts locaux, sous certaines conditions, et l'autonomie fiscale - et non financière - des collectivités locales. Le Gouvernement a refusé d'inscrire ce principe dans la loi constitutionnelle sur l'organisation décentralisée de la République, lui préférant les principes de compensation intégrale des transferts de compétences et de part déterminante des ressources propres, sans que l'on s'accorde d'ailleurs sur le contenu exact de ces ressources propres.

Où en sommes-nous de l'autonomie fiscale des collectivités locales ? On avait promis aux départements qu'ils pourraient moduler le taux de la taxe sur les conventions d'assurance automobile, mais le rapport de la commission d'enquête sur la fiscalité locale, dont M. Mariton est le rapporteur, estime que c'est techniquement infaisable.

M. Augustin Bonrepaux. Eh oui !

M. Charles de Courson. Quant à la modulation du taux de la TIPP par les régions...

M. Gilles Carrez, rapporteur général. 0,15 % !

M. Charles de Courson. Oui, monsieur Carrez, mais le Conseil européen n'a toujours pas accepté cette mesure et, sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure, je doute que les Vingt-cinq aboutissent à un accord dans le contexte actuel.

M. le président. Monsieur de Courson, il vous faut conclure.

M. Charles de Courson. Je félicite le Gouvernement d'avoir renoncé aux conclusions du rapport Fouquet, mais je vous mets en garde, monsieur le ministre délégué, contre un plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée sur la base des taux de 2002 plutôt que sur ceux de 1995, car ce serait transférer une nouvelle fois une part de la fiscalité locale vers les contribuables nationaux. En outre, les départements qui, comme la Marne, s'efforcent de maintenir un taux de fiscalité bas estimeront, à juste titre, que l'on n'encourage ni la vertu ni la modération.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Nous introduisons un cliquet pour les collectivités !

M. Charles de Courson. Que ceux qui ont augmenté leur taux de fiscalité en assument les conséquences devant leurs électeurs. Telle est la position de l'UDF, la seule qui soit conforme au principe de démocratie locale.

M. le président. Monsieur de Courson !

M. Charles de Courson. Quant à la réforme du foncier non bâti, de grâce, abandonnez-la ou vous allez mettre le bazar dans le financement des petites communes.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Charles de Courson. À moins que vous ne souhaitiez soumettre les agriculteurs à la taxe professionnelle mais, dans ce cas, je vous souhaite bien du plaisir pour en établir les bases.

En conclusion, sans une véritable réduction des dépenses et sans une gestion rigoureuse des finances publiques, l'endettement ne pourra que s'accroître, mais jusqu'à quand cela sera-t-il possible ? Nous ne pouvons pas continuer à financer des dépenses permanentes à coups de recettes exceptionnelles, comme la vente des sociétés d'autoroutes. En effet, que ferons-nous le jour où il ne nous restera plus rien à céder ?

M. Jean-Pierre Brard. Il reste les chemins vicinaux !

M. Charles de Courson. Il faut dire la vérité aux Français et convaincre nos concitoyens de la nécessité de réformer l'État et la sécurité sociale pour redresser le pays et réduire le taux de chômage. Il y va de la pérennité de la cohésion sociale et du rétablissement de la justice sociale. La première justice sociale, c'est de pouvoir travailler. Espérons que le Gouvernement écoutera l'UDF ; ce serait la première fois depuis 2002 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je demande aux orateurs de faire un effort pour respecter leur temps de parole.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la question qui nous est posée dans ce débat n'est pas tant budgétaire ou économique que politique. En effet, cela fait plus de trois ans que la majorité est au pouvoir et son bilan est un échec total, d'ailleurs sanctionné deux fois - et de quelle façon - par les Français.

Vous deviez diminuer le chômage en valorisant le travail : le nombre des demandeurs d'emploi a augmenté et le travail n'a cessé d'être dévalorisé, contrairement aux revenus du capital qui, eux, augmentent : plus 64 % en un an pour les grandes sociétés du CAC 40.

Vous deviez relancer la croissance et l'emploi, notamment en allégeant les cotisations sociales des entreprises et en multipliant les cadeaux fiscaux : vous avez accumulé les erreurs dans vos prévisions de croissance. Celle-ci sera, cette année, de 20 à 40 % inférieure à vos prévisions avec, à la clef, un manque de rentrées fiscales évalué entre 4 et 10 milliards d'euros, dont les conséquences négatives se feront sentir sur l'investissement public, les services publics et donc l'emploi. En outre, les allégements de cotisations sociales, que le budget de l'État finance, ont augmenté de 41,5 % de 2000 à 2004, alors que la Cour des Comptes précise qu'ils se font « sans maîtrise par l'administration » et que leur « impact sur la réduction du chômage est incertain ». Quel constat d'échec !

Vous deviez réduire la dette : elle s'est accrue de 10 % en trois ans.

Vous deviez diminuer le déficit budgétaire en réduisant l'impôt sur le revenu, ce qui a profité essentiellement aux plus riches : vous avez subtilisé 43 milliards d'euros au budget de l'État, soit 75 % d'une année de recettes. L'ensemble de ces cadeaux fiscaux privent, selon les chiffres de la Cour des Comptes, le budget de la nation de 20 % de ses recettes. Là encore, c'est un échec.

Vous donnez des leçons à nos concitoyens, au motif qu'ils ne travaillent pas assez, qu'ils sont trop assistés et que les dépenses publiques sont trop élevées, alors que c'est vous qui, par vos compensations d'allégements de cotisations et autres cadeaux fiscaux - lesquels sont sans effet sur le chômage - mettez en difficulté le budget et les comptes de la nation. Ensuite, vous expliquez aux Français qu'il faut se serrer la ceinture, supprimer des emplois dans la fonction publique et limiter des budgets utiles à la nation.

Incapables de relancer la croissance et l'emploi, vous n'avez relancé que le rendement des dividendes : ceux de Total ont augmenté de 20 %, ceux de la BNP de 38 %, ceux de la SAGEM de 19 %, ceux de Michelin de 30 %. Le patron de cette dernière entreprise s'est d'ailleurs augmenté de 139 %. Quant aux patrons du CAC 40, ils ont augmenté leurs salaires de 10 % en un an, sans parler des « golden parachutes », des « golden hello » et autres menus avantages prélevés sur la richesse créée par l'entreprise et les salariés. Notre rapporteur général estime qu'augmenter le SMIC de 5 % est un coût, et seulement un coût. Par contre, l'augmentation de 15, 20 ou 30 % des dividendes dont profite une minorité serait salutaire pour la France. Ce n'est pas très sérieux.

Comme vous ne pouvez pas favoriser tout le monde, le résultat est clair : 230 000 chômeurs supplémentaires, 10 % de Rmistes en plus, une augmentation de 14 % du surendettement des familles, un nombre croissant, selon l'étude du Secours Catholique, de travailleurs pauvres et l'allongement des files d'attente devant les Restos du cœur, le Secours Populaire ou le Secours Catholique.

Sept millions de pauvres attendent, non pas que vous leur disiez que les Français ne travaillent pas assez, mais comment vous allez donner du travail à ceux qui n'en ont pas !

Face à un tel échec et au désaveu qu'il a entraîné, on pourrait s'attendre à un peu d'humilité et à une remise en cause de vos choix économiques et budgétaires. Au contraire, vous persévérez, et c'est en cela que vous êtes disqualifiés politiquement.

Vous répétez qu'emploi, police, défense, justice et réduction de la dette sont vos priorités, mais que doit-on attendre de plus, puisque ce sont vos priorités depuis trois ans déjà ? En outre, vous continuez d'utiliser les mêmes moyens : cadeaux fiscaux et allégements de cotisations sociales. Il faut donc ajouter aux 17 milliards d'euros existants 2 milliards supplémentaires que vous compenserez en ponctionnant le budget de l'État. Ainsi, ce sont 3 milliards de dépenses fiscales dérogatoires qui vont venir alourdir encore la facture pour les Français. Tout cela pour tenter de créer des emplois « kleenex » ou électoraux - la durée de vie des financements étant limitée à l'horizon présidentiel de 2007 -, tout en malmenant le code du travail.

Le prix à payer de cette politique de cadeaux sans retour, c'est la suppression de 5 000 emplois de fonctionnaires - 18 000 en quatre ans - avec de nouvelles coupes à prévoir dans les budgets qui, selon vous, ne sont pas prioritaires : agriculture, anciens combattants, culture, écologie et développement durable, enseignement scolaire, aménagement du territoire, dotation aux collectivités locales, santé, sport, jeunesse et vie associative, transports et équipement, ville.

La réduction des recettes et les transferts que vous imposez vous conduisent à réduire sans cesse les dépenses, avec les conséquences que l'on sait pour nos services publics, en territoire rural ou urbain. Tout cela pour dégager des financements qui alimentent le tonneau sans fond d'entreprises plus promptes à reconstituer leurs marges bénéficiaires et à faire grossir les dividendes des actionnaires qu'à créer des emplois.

Le comble est que, pour contribuer au financement de cette politique, vous privatisez. Non seulement vous ne supportez pas que la nation se dote de services et d'entreprises publics qu'elle contribue à financer, mais vous les vendez au privé. Autrement dit, vous vendez le patrimoine national. Et à vous entendre, vous voulez en vendre beaucoup, car les privatisations prévues devraient financer une partie du désendettement, les routes et les dépenses d'avenir comme la recherche. Ces dépenses d'avenir n'ont donc pas beaucoup d'avenir, à moins que vous ne trouviez chaque année quelque chose à privatiser. Le problème, c'est que vous aurez bientôt tout vendu.

On comprend cette fuite en avant quand, à nouveau, resurgit le débat sur l'ISF, dont vous avez depuis bien longtemps oublié le « S » de solidarité pour vous concentrer sur le « F » de fortune. C'est à croire que vous ne vous préoccupez que de ces pauvres riches, qui ne se retrouveront cependant jamais aux Restos du cœur. Et arrêtez de dire qu'ils s'en vont : ils sont plus nombreux chaque année.

Je constate en tout cas que vous passez beaucoup plus de temps à leur accorder des exonérations qu'à donner les moyens de vivre dans la dignité à des millions de nos concitoyens qui vivent aujourd'hui en dessous du seuil de pauvreté. Ainsi, en décembre dernier, vous avez fait passer en douce, dans la loi de finances rectificative, la fameuse exonération de plus-values sur titres de participation, qui va coûter 1 milliard d'euros au budget de la France. Comme cela ne suffisait pas, vous venez d'étendre le champ d'application de cette mesure dans la fameuse loi dite de modernisation économique, alors que le Gouvernement n'a pas daigné augmenter la prime de Noël pour tenir compte du taux de l'inflation.

Voilà les raisons pour lesquelles les Français ont condamné votre politique, rejetant par la même occasion une mondialisation qui n'est qu'un champ de bataille où s'affrontent, non pas des pays ou des salariés de différents pays, comme on voudrait le laisser croire, mais de grandes sociétés multinationales qui vivent et prospèrent en jouant sur le faible revenu des uns ou des autres, sur la faible protection sociale de tel ou tel pays.

Voilà la plus grande tricherie. Dès lors, plaider la fatalité relève de l'irresponsabilité politique, surtout lorsque vous citez en exemple la Grande-Bretagne, avec ses 22 % de pauvres et son taux de chômage équivalent à celui de la France une fois que l'on a ajouté le million et demi de personnes touchant des pensions d'invalidité qui, de l'aveu même du gouvernement anglais, sont des chômeurs déguisés.

Quant au second modèle, les États-Unis, qui détiennent le record du monde de l'endettement - mais ils le font payer par les autres -, ils sont quand il le faut, libéralisme ou pas, les plus protectionnistes du monde.

Devant un tel échec, après le coup de semonce du 29 mai où les Français ont dit « ça suffit », où la question sociale a été au cœur du débat, où ils ont émis un vote d'exigence, où ils ont lancé une sorte d'appel à toute la gauche, permettez-moi, au nom du groupe communiste et républicain, de définir en quelques phrases un chemin nouveau qui n'est ni le collectivisme, ni le social-libéralisme, ni ce capitalisme champ de bataille que nous connaissons.

La responsabilité politique de tous, aujourd'hui, devrait être d'assurer une autre répartition des richesses, sans laquelle le discours sur la revalorisation du travail n'a aucun sens. Il est totalement illusoire de vouloir relancer la croissance et l'emploi sans inverser la dérive qui, depuis vingt ans, favorise l'augmentation de la part des profits et des dividendes dans la répartition des richesses. En vingt ans, d'après l'OFCE, la part des dividendes encaissés par les actionnaires a pratiquement doublé : 5,4 % de la valeur ajoutée aujourd'hui, contre 2,8 % il y a vingt ans. Selon l'INSEE, la part des salaires a reculé de huit points, passant de 72 à 64 % de la valeur ajoutée. Autrement dit, plus vous augmentez la rémunération du capital, plus vous favorisez la sphère financière et plus vous dévalorisez le travail, donc l'emploi, et en définitive toute politique sociale.

Le rééquilibrage dans la répartition est essentiel, car plus de salaires, de retraites et de pouvoir d'achat, c'est plus de consommation. Or, dans un pays comme le nôtre, la croissance est due pour 75 % à la consommation intérieure. Une augmentation substantielle du pouvoir d'achat des salariés du privé comme du public et des retraités serait donc un extraordinaire levier pour la croissance et l'emploi. Ce serait également le moyen de rééquilibrer les comptes de la sécurité sociale, de favoriser les rentrées fiscales, et donc, de diminuer la dette. Mais voilà, il faut arrêter le scandale de ceux qui s'en mettent plein les poches, qui spéculent et qui font qu'il y a huit fois plus d'argent dans la sphère financière que dans la sphère productive.

Donc, première mesure : augmenter les salaires, retraites, pensions et allocations.

Deuxième mesure : orienter l'argent vers l'investissement productif en proposant un crédit bonifié et sélectif aux PME qui créent des emplois.

Troisième mesure : créer un pôle financier public pour mettre en place ces financements.

Quatrième mesure : réglementer ce système irresponsable de rentabilité de dividendes à 15 et 20 % alors que la croissance est de 2 %, et qui ne s'obtient qu'en supprimant des emplois.

Cinquième mesure : mobiliser toutes les fausses aides à l'emploi - allégements de cotisations, cadeaux fiscaux - pour créer une sécurité-emploi-formation tout au long de la vie.

Enfin, pour m'en tenir à quelques mesures, la France doit se battre pour stopper les concurrences déloyales, irresponsables, en proposant un système de taxation des investissements directs à l'étranger et une taxe de différentiel social. Nous devons agir pour taxer les transactions financières, interdire les paradis fiscaux et contrôler les bénéfices mondiaux des grandes sociétés. Ne dites pas que la France vit au-dessus de ses moyens, car c'est faux et injuste. Il y a des gens, en France et dans le monde, qui, en demandant des dividendes irréels, des salaires et autres avantages qui sont des injures au bon sens, cassent emploi et croissance pour obtenir ce résultat. Si la politique doit servir à quelque chose, c'est bien à arrêter cette absurdité et à choisir la rentabilité pour les hommes et les femmes et non pour quelques-uns.

Vos orientations budgétaires prévoyant exactement l'inverse, le groupe communiste et républicain ne peut les approuver.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la qualité des orientations budgétaires est indispensable à l'établissement de la confiance, elle-même nécessaire à la reprise de la croissance et à l'emploi. « De bonnes finances pour une bonne politique ! » disait-on il y a quelques décennies.

Les orientations budgétaires supposent d'abord la maîtrise des finances. Le ministre de l'économie a évoqué tout à l'heure l'analyse lucide qu'il importe de partager avec nos compatriotes. La situation conjoncturelle, moins bonne qu'on ne l'espérait, mais qu'on espère meilleure demain, suppose que l'on en tire toutes les conséquences sur le plan budgétaire.

À l'évidence, l'action publique ne détermine pas seule la nature de la conjoncture. Néanmoins, les circonstances imposent d'en tirer toutes les conséquences sur le plan budgétaire. Cette lucidité doit nous inspirer au moment des orientations budgétaires comme de la préparation et du vote de la loi de finances. Il faut éviter, comme vous le faites, toute annonce trop rapide sur l'évolution des recettes où peuvent parfois apparaître des contre-signaux donnant à penser que la situation financière du pays s'améliorerait plus vite qu'elle ne le fait en réalité.

Il faut également éviter toute annonce trop rapide en termes de dépenses. Le cadrage est en général rigoureux au moment de l'établissement du projet de loi de finances, mais il l'est parfois moins tout au long de l'exécution, même si vous avez à cœur - et en cela, notre groupe vous soutient - de poser la règle vertueuse de la stabilité des dépenses en volume. Cela a été, tout au long de la législature, un môle clair de la politique budgétaire du Gouvernement. Je suis heureux que ce point ait été clairement établi.

Lors de votre audition devant la commission des finances, vous avez évoqué une autre règle : celle d'une augmentation de 0 % en valeur, hors effectifs. Cette proposition est intéressante, mais il faudra la préciser, notamment au regard de la fongibilité : comment s'interprétera-t-elle dans les domaines où la LOLF permet d'augmenter les dépenses de personnel ou les moyens dévolus aux missions ? Quoi qu'il en soit, cette proposition est bienvenue.

S'agissant de la maîtrise des dépenses, vous avez souligné, monsieur le ministre, l'importance de conjuguer les efforts de l'État, des organismes sociaux et des collectivités locales.

La commission d'enquête sur l'évolution de la fiscalité locale a approuvé cet après-midi le rapport que je lui ai présenté. Nous attendrons la semaine prochaine pour en connaître les conclusions. Mais chacun de ses membres a approuvé la maîtrise de l'impôt et celle de la dépense.

Dois-je rappeler que, ces vingt dernières années, les dépenses locales sont passées de 8 % du produit intérieur brut à 11 % ? Certains m'opposeront les compétences nouvelles attribuées aux collectivités locales en raison de la décentralisation. Mais, sur ces trois points de PIB supplémentaires, deux relèvent de la dynamique propre de la dépense des collectivités et un point seulement est dû à ces nouvelles compétences.

Il nous faut veiller à la maîtrise de l'impôt et de la dépense. Et je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir repris l'idée que j'avais exprimée en janvier dernier devant la commission des finances : il convient de mettre en place une conférence annuelle des finances publiques permettant de partager les enjeux de maîtrise entre les différents acteurs. Enfin, il y a lieu de définir des indicateurs de performance dans la vie des collectivités locales.

Les finances doivent également être bien affectées. Les orientations budgétaires que vous nous présentez traduisent clairement le respect par l'État de ses engagements dans la durée. Vous proposez par ailleurs de consacrer des efforts importants aux dépenses d'avenir telles que la recherche, l'innovation industrielle et les infrastructures, qui seront un deuxième moteur pour l'emploi.

S'agissant des infrastructures, le groupe UMP souhaite que les financements soient à la hauteur, voire supérieurs, de ceux décidés par le comité interministériel d'aménagement du territoire de décembre 2003.

M. Michel Bouvard et M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. Hervé Mariton. Vous nous avez rassurés sur ce point.

Il faut assurer la pérennité de ces financements. Une partie provenant des amendes dues aux radars servira à financer les travaux d'infrastructures liés à la sécurité routière. Cette cohérence est indispensable. Quant à l'AFITF, les garanties de financement doivent être données pour 2006, certes, mais aussi pour 2007.

M. le président. Monsieur Mariton, je vous prie de conclure.

M. Hervé Mariton. Enfin, les orientations budgétaires supposent des finances bien assurées.

J'évoquerai l'évolution de notre politique fiscale, non dans le temps, mais sur la forme, qui constitue une sorte de « curiosité ». Dans ce domaine s'expriment des suggestions, des retouches et parfois des critiques. Des annonces sont faites, et certaines innovations interviennent à la rentrée, au moment de boucler le projet de loi de finances. Or la réforme fiscale requiert plus de méthode. Faute de quoi elle sera souvent évoquée, mais pas vraiment préparée et encore moins réalisée.

M. le président. Monsieur Mariton, il faut terminer !

M. Hervé Mariton. Vous mettez en œuvre, monsieur le ministre, pour la réforme de la taxe professionnelle, une méthode faite de réflexion, de confrontation et d'améliorations progressives. Il n'y aura sans doute pas de grand soir de la réforme fiscale mais, pour structurer notre réflexion et nos propositions, nous avons besoin de quelque chose qui ressemblerait à une loi d'orientation fiscale pour définir les grands principes de la réforme. Car, trop souvent, les réformes aggravent les défauts.

En tout cas, nous veillerons à ce que la réforme de la taxe professionnelle respecte quatre grands principes : alléger les charges des entreprises, maintenir un lien territorial - qui reste à déterminer -, ne pas aggraver la part de l'État - Pierre Méhaignerie l'a rappelé -, et essayer de progresser vers la spécialisation de l'impôt.

J'en viens enfin à la prime pour l'emploi, exemple de réforme utile et bienvenue qu'il convient de cadrer avec soin. Mais prenons garde de ne pas aggraver les défauts du système actuel qui est peu lisible et n'encourage pas à la reprise d'activité en donnant le sentiment que c'est l'État qui devient l'employeur. Il vaut mieux consacrer ce qui est perçu par le salarié à l'amélioration de sa feuille de paie. A-t-on réellement exploré toutes les perspectives ouvertes par une baisse ciblée de la CSG ?

M. Pascal Terrasse. C'est vous qui avez porté nos propositions devant le Conseil constitutionnel ! Vous êtes responsables !

M. le président. Monsieur Mariton, veuillez conclure !

M. Hervé Mariton. Mieux vaut améliorer la feuille de paie, notamment au moment de la reprise d'activité, que consolider une prime faisant de l'État un employeur complémentaire.

Nous vous livrons, monsieur le ministre, un nouvel éclairage sur des orientations budgétaires que, par ailleurs, nous approuvons. Ce débat, plus riche encore que ceux que nous avons connus jusqu'à présent, nous semble être une bonne préparation au budget de 2006. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je ne sais pas si les débats d'orientation budgétaire sont de plus en plus riches, mais j'ai le regret de constater que, cette année, les interventions de nos ministres nous ont appris peu de choses, ...

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Ce n'est pas très gentil !

M. Didier Migaud. ...du moins par rapport à ce que nous savions déjà à la lecture de la presse. Je m'interroge en outre sur le caractère véritablement pluraliste de nos échanges dès lors qu'il faut attendre plus de deux heures avant que le premier orateur de l'opposition ne s'exprime. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Yves Chamard. Et M. Sandrier ? Il fait partie de l'opposition !

M. Jean-Louis Dumont. Justement : c'était le premier !

M. Didier Migaud. Nous avons pu avoir le sentiment d'assister à un congrès de l'UMP. Excusez-nous donc d'oser prendre la parole après que vous vous êtes exprimés longuement, très longuement, bien au-delà de ce qui était prévu par la Conférence des présidents. Nous demanderons d'ailleurs à cette dernière de se montrer plus exigeante sur la répartition des temps de parole. Le groupe socialiste ne dispose en effet que de trente-cinq minutes sur pratiquement quatre heures de débat ; ...

M. Hervé Mariton. Et l'UMP de quarante-cinq minutes !

M. Didier Migaud. ...un tel déséquilibre est tout à fait anormal.

M. Bernard Accoyer. C'est une attaque envers la présidence ! C'est incroyable !

M. le président. Monsieur Migaud, cette répartition a été effectuée en toute équité.

M. Didier Migaud. Tout dépend de la définition que l'on donne à ce terme, monsieur le président !

M. le président. Je vous rappelle que le président de votre groupe siège à la Conférence des présidents. Il n'a rien trouvé à redire à cette organisation.

M. Bernard Accoyer. M. Migaud n'est pas très respectueux de notre institution !

M. Didier Migaud. Au contraire ! Je souhaite justement qu'elle remplisse davantage son rôle ! Malheureusement, elle ne donne pas toujours le meilleur exemple.

Vous avez raison, monsieur le ministre, d'affirmer que ce budget sera le premier à être voté et exécuté selon les principes de la nouvelle constitution budgétaire adoptée en 2001, et dont vous avez rappelé les principes : renforcement du contrôle parlementaire, amélioration de l'efficacité de l'action publique, introduction d'une logique d'objectifs et de résultats, transparence, sincérité, lisibilité du budget et des actions publiques, renforcement du pouvoir budgétaire du Parlement, autonomie accrue et responsabilisation des gestionnaires publics.

Je veux insister sur la nécessité de respecter non seulement la lettre mais également l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances. Car plus la LOLF et ses nouveaux principes sont appliqués, plus la sincérité de nos débats budgétaires est contestable. Je ne peux que regretter cette situation paradoxale : bien que nous disposions d'instruments supposés nous permettre de mieux comprendre le budget et de le rendre le plus transparent possible, nous avons de moins en moins la capacité d'en suivre l'évolution, tant se multiplient les contournements et manœuvres destinés à rendre l'action publique difficilement mesurable.

Vous avez évoqué, monsieur le ministre, la situation de nos comptes et ce qui peut en être la cause. Mais jamais un gouvernement n'est parvenu, autant que le vôtre, à dégrader aussi rapidement et profondément la situation.

M. Pascal Terrasse. Le moment est historique !

M. Hervé Mariton. Vous parlez en orfèvre !

M. Charles de Courson. Songez à 1992 !

M. Didier Migaud. Je ne pense pas que le ministre soit en mesure de me citer un seul indicateur économique et social plus favorable en 2005 qu'il ne l'était en 2002, lorsque vous êtes parvenus aux responsabilités.

M. Hervé Novelli. La création d'entreprises !

M. Didier Migaud. Pour masquer la situation, vous recherchez des boucs émissaires et proférez un certain nombre de contrevérités.

M. Yves Deniaud. Les contrevérités, ce sont celles révélées par le rapport d'audit : vos mensonges portaient sur 15 milliards d'euros !

M. Didier Migaud. Le rapport d'audit, parlons-en ! Il faisait apparaître, parmi les hypothèses les plus pessimistes, un déficit de nos comptes publics situé entre 2,3 et 2,6 %. Or le Gouvernement annonce aujourd'hui de manière triomphale que nous arriverons peut-être à 2,7 % en 2006 !

M. Georges Tron. Ce n'est pas la question ! Il faut tenir compte du taux de croissance !

M. Didier Migaud. D'ailleurs, personne, à part lui, ne croit à ces prévisions, malgré les subterfuges auxquels il a eu recours dans la présentation du budget.

Nous sommes donc prêts à toutes les confrontations. Le groupe socialiste a d'ailleurs proposé que l'audit soit actualisé. Pourquoi ne l'acceptez-vous pas ? Nous pourrions ainsi comparer nos résultats. Nous devons entrer, dites-vous, monsieur le ministre, dans une logique de performance et d'efficacité. C'est d'ailleurs la LOLF qui nous l'impose. Donnons-nous donc les moyens d'évaluer nos résultats respectifs !

À propos de la dette publique, il est une constante : chaque fois qu'un nouveau ministre de l'économie prend ses fonctions - et nous en avons connu un certain nombre ces derniers temps -, il tient un discours très offensif, invoquant je ne sais quelle fatalité française pour expliquer l'augmentation de la dette. Et, chaque fois, son successeur constate, pour le déplorer à son tour, que le poids de la dette publique a explosé pendant le mandat de son prédécesseur.

Il y a d'ailleurs un point commun entre les trois dernières périodes pendant lesquelles la droite était au gouvernement : c'est justement l'aggravation sensible de la dette publique. Ainsi, entre 1993 et 1995, le poids de la dette a augmenté de neuf points de PIB - excusez du peu ! -, puis à nouveau de cinq points entre 1995 et 1997. Depuis 2002, il est également en augmentation.

M. Jean-Claude Sandrier. Ils sont vraiment dépensiers !

M. Didier Migaud. En revanche, et le rapporteur général a eu l'honnêteté de le reconnaître, le poids de la dette a été réduit de 2,5 % entre 1997 et 2001.

M. Charles de Courson. Et entre 1981 et 1986 ?

M. Didier Migaud. Il faut donc éviter, en certains domaines, de donner des leçons.

Si l'on cherche à déterminer la responsabilité en matière d'accumulation de la dette publique dans notre pays, on constate que vous y êtes au moins pour les deux tiers. Je suis prêt, monsieur le ministre, à débattre sur ce point quand vous le voudrez, en se basant sur des chiffres concrets - ceux de votre propre ministère.

M. Jean-Yves Chamard. Êtes-vous prêt à comparer les taux de croissance ?

M. Didier Migaud. Dès 1999, au contraire, la dette publique a diminué, pour la première fois depuis 1980 et pendant trois années consécutives. Quant au fameux solde primaire excédentaire évoqué tout à l'heure par M. le rapporteur général, nous l'avons connu en 1999, en 2000 et en 2001. Il était faible, soit, mais mieux vaut un excédent faible du solde primaire qu'un déficit aggravé d'année en année ! Pour la première fois dans l'histoire budgétaire - et ceci est le résultat de votre propre politique -, le poids de la dette publique en France est supérieur à celui de la moyenne communautaire. Un tel chiffre traduit objectivement la forte dégradation économique et sociale que connaît le pays depuis juin 2002. Les Français en ont d'ailleurs parfaitement conscience et en ont tiré les conséquences lors des dernières consultations électorales.

L'explosion de la dette est largement due à l'absence de pilotage des finances publiques. Contrairement à ce que vous affirmez, vous naviguez à vue en ce domaine, aveuglés que vous êtes par l'idéologie libérale qui vous inspire. D'ailleurs, lorsque les indicateurs vous gênent, vous proposez de les changer : le ministre de l'économie et des finances nous en a donné un nouvel exemple avec son chariot-type, laissant ainsi entendre que les chiffres de l'INSEE ne seraient plus fiables, et les prix en baisse - ce que les consommateurs sont loin de constater au quotidien lorsqu'ils vont faire les courses. Ce n'est pourtant pas ce nouvel indice qui les convaincra que le Gouvernement lutte avec efficacité contre l'inflation.

Pour entretenir l'illusion que vous faites face à la situation, vous mettez en avant certains objectifs, comme la norme zéro d'évolution de la dépense publique, et exprimez des inquiétudes sur les prétendues dérives d'acteurs publics autres que l'État et la sécurité sociale. C'est ce que nous avons entendu en commission des finances : le Gouvernement serait sur le point de maîtriser la dépense de l'État et celle de la sécurité sociale - dont le déficit a pourtant explosé -, mais il s'inquiète fortement de la situation des collectivités locales. Leurs comptes font en effet apparaître un déficit de 0,1 % ! Quelle situation impossible, inadmissible !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Vous m'imitez bien !

M. Didier Migaud. Je n'ai pas cette prétention.

M. Jean-Pierre Brard. M. Copé est inimitable !

M. Didier Migaud. Monsieur le ministre, 0,1 %, c'est sûrement trop,...

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. La question n'est pas là !

M. Didier Migaud. ...mais c'est si peu par rapport à la dérive de nos comptes publics, dont le gouvernement auquel vous participez depuis trois ans est responsable ! Situé entre 2,3 et 2,6 % au moment de l'audit réalisé en 2002, le déficit est passé l'année suivante à 4,2 %, puis à 3,6 %, et il dépassera vraisemblablement encore 3 % cette année. Ces chiffres sont à comparer avec le déficit des collectivités locales. En réalité, vous faites de celles-ci un bouc émissaire, laissant entendre que les élus locaux sont des gens démagogiques, irresponsables, à l'origine de la dégradation de nos finances publiques.

M. Pascal Terrasse. C'est une insulte !

M. Didier Migaud. Un tel raisonnement, monsieur le président de la commission des finances, relève de l'escroquerie intellectuelle.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Non !

M. Didier Migaud. Si ! Plusieurs rapports le montrent : c'est faire un mauvais procès aux collectivités locales que de dire qu'elles sont mal gérées.

Selon la Cour des comptes, l'augmentation de la fiscalité en 2004 a été plus que raisonnable et n'a pas été à la hauteur des dépenses aujourd'hui imposées aux collectivités locales, comme le démontrera Augustin Bonrepaux.

De même, tous les rapports présentés et débattus ce matin au Comité des finances locales montrent que le « déficit » des collectivités locales n'est pas de même nature que celui de l'État. On ne peut donc les comparer et vouloir opposer les uns et les autres relève, là aussi, d'un mauvais procès.

Concernant la dépense publique, vous affirmez qu'une des vertus de ce Gouvernement - je ne sais pas si c'en est une, mais vous l'annoncez comme telle - est de veiller à ce que la dépense publique n'évolue pas au-delà de l'inflation.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Cela change par rapport à l'époque Fabius !

M. Didier Migaud. Non, parce que, malheureusement, cela ne correspond pas à la réalité. Référez-vous au rapport très explicite de la Cour des comptes, qui souligne les atteintes de plus en plus nombreuses à la sincérité du budget de l'État, les dépenses sous-estimées et certains crédits surévalués par rapport aux besoins. Vous obtenez une évolution zéro de la norme de la dépense publique en ne prenant pas en compte, lors de son calcul, un certain nombre de dépenses. Vous transformez ainsi des dépenses budgétaires en dépenses fiscales et en allégements de recettes.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Une leçon de vertu budgétaire par les socialistes !

M. Didier Migaud. Je citerai, à titre d'exemple, l'allégement des cotisations sociales. En sortant plusieurs milliards d'euros, vous pouvez nous expliquer que vous respectez l'évolution prévue de la dépense publique.

Quant à la régulation, je souhaiterais que la commission des finances calcule ce que coûte à l'État le report des dépenses sur les exercices suivants. Il est en effet contraint de verser des intérêts moratoires aux entreprises qu'il paye avec beaucoup de retard.

M. François Rochebloine. C'est vrai !

M. Didier Migaud. La commission des finances, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, doit travailler sur ces sujets. Il est en effet trop facile, monsieur le ministre du budget, d'affirmer que vous respectez la norme d'évolution de la dépense publique, alors que vous la contournez systématiquement en arrêtant les compteurs à une certaine période de l'année et en renvoyant toutes les factures sur l'année suivante, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur la situation d'un certain nombre d'entreprises. Vos propos sur la dépense publique ne sont pas exacts. En outre, en 2002, lorsque vous êtes arrivés aux responsabilités, vous avez totalement modifié la base de la dépense publique. Il est ainsi incontestable qu'elle est aujourd'hui supérieure à ce qu'elle était alors.

Donc, vous mentez pratiquement sur tout ! Comment mener un vrai débat lorsque tout est faussé ? Je ne peux que protester !

M. le président. Ne revenez pas sur cette question, monsieur Migaud !

M. Didier Migaud. Certes, monsieur le ministre, il y a chez vous une part de sincérité,...

M. Jean-Pierre Brard. Discrète !

M. Didier Migaud. ...que j'ai d'ailleurs saluée, dans la mise en œuvre de la nouvelle constitution budgétaire et financière. Il vous faut donc modifier la présentation de ce « budget vérité » que vous appelez de vos vœux ! Nous verrons alors qu'il ne correspond absolument pas aux priorités affichées !

Quant aux dépenses, les milliards annoncés, notamment au profit du budget de l'emploi, ne profiteront jamais à l'emploi. Vous usez, là aussi de subterfuges, comme l'allégement des cotisations sociales, alors que vous pourriez prendre des mesures beaucoup plus efficaces pour soutenir l'emploi et la consommation ! Nous n'hésitons pas, quant à nous, à soutenir la proposition du président de la commission des finances de notre assemblée, lorsqu'il propose le doublement de la prime pour l'emploi. Il reprend en cela une de nos propositions. Soit, vous présentez un amendement et nous le voterons ou vous voterez le nôtre. Nous verrons si vous êtes logiques avec vous-mêmes !

J'aimerais aussi que vous mettiez vos actes en accord avec votre discours, monsieur le ministre. Vous proposez, ainsi que M. Méhaignerie, un travail sur les niches fiscales. Mais rien n'a été fait depuis trois ans ! Pendant toute cette période, nous avons proposé de les plafonner !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Oui !

M. Didier Migaud. Il semblerait, monsieur le président de la commission, qu'il vous soit très difficile de passer à l'acte ! En effet, vous parlez beaucoup, mais vous ne présentez aucun amendement pour concrétiser vos engagements !

Enfin, monsieur le ministre, citez-moi un seul indicateur économique et financier qui soit meilleur qu'en 2002. Je suis prêt à reconnaître que nous nous trompons, si vous me le démontrez !

M. Hervé Novelli. La création d'entreprises !

M. Didier Migaud. Le chômage, la dette et les déficits se sont aggravés ! Je pourrais multiplier les exemples !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Je vous citerai un seul exemple : celui de la maîtrise de la dépense publique !

M. Didier Migaud. Je vous renvoie, en la matière, monsieur le ministre, au rapport de la Cour des comptes. Vos propos ne correspondent malheureusement pas à la réalité. Je suis prêt à en débattre publiquement avec vous et vous verrez que votre raisonnement n'y résiste malheureusement pas !

Nous jugerons vos résultats. Je suis en tout cas persuadé que les Français sauront le faire en 2007. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, monsieur le ministre, je ferai tout d'abord une remarque de forme. Il m'est tout à fait désagréable que nos ministres ne parlent plus en français ! Je ne m'adresse pas à vous, monsieur Copé, qui avez fait un effort linguistique, à la différence de M. Breton, qui, non seulement n'articule pas, mais ne s'exprime pas en français !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Ça suffit, les attaques personnelles !

M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas une attaque personnelle. Je suis, quant à moi, très attaché à la défense de la langue et j'accepte mal qu'un membre du Gouvernement ne maîtrise pas la langue française comme il convient et parle en jargon, par exemple de « zéro volume ».

M. Hervé Mariton. Vous êtes pédant !

M. Jean-Pierre Brard. Je ne suis pas pédant, je suis tout simplement français, fils d'ouvrier, instituteur de la République et fier de l'être !

M. le président. Monsieur Brard, commencez votre intervention !

M. Jean-Pierre Brard. Avec plaisir, monsieur le président !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Mais c'était son intervention !

M. Jean-Pierre Brard. Avant d'examiner les orientations budgétaires pour l'avenir, il faut évidemment analyser les résultats obtenus dans un passé récent par ceux qui dirigent l'État depuis maintenant trois ans. Vous tentez de faire oublier ce passé en vous présentant, encore que vous soyez un élément de permanence, comme un gouvernement nouveau qui s'engage dans des actions totalement inédites. Vous voudriez, par ce subterfuge, vous exonérer de votre propre héritage, tant il est lourd à porter et calamiteux.

Entre M. le Premier ministre, qui se hasarde à annoncer que l'on va enfin dégager les moyens nécessaires pour développer l'emploi, et M. le ministre d'État, qui a commencé à mettre en scène son plan de communication pour la présidentielle, M. Raffarin doit, aujourd'hui, se sentir bien seul dans son Poitou profond.

M. Jean-Yves Chamard. Il va très bien ! Merci pour lui !

M. Jean-Pierre Brard. Je suis très heureux d'avoir de ses nouvelles !

M. Jean-Yves Chamard. Je suis moi aussi du Poitou profond !

M. Jean-Pierre Brard. Il n'est pas nécessaire de revenir très longuement sur votre déplorable bilan économique et social, avec d'abord la hausse du taux de chômage qui reste perché au-delà de 10 %, malgré les promesses, maintes fois réitérées, d'un retournement de tendance. Une des conséquences en est un ralentissement des rentrées de recettes destinées aux régimes de protection sociale. Par exemple, la situation financière de l'UNEDIC est encore plus dégradée que prévu. Quand les prévisions ne sont pas respectées, M. Breton dit, parlant de l'UNEDIC, que c'est le prix d'une reprise de l'emploi retardée. Cela me fait songer aux Précieuses que Molière dénonçait et qui, demandant que l'on avance un fauteuil, disaient : « Voulez-vous bien me véhiculer les commodités de la conversation ? » M. Breton est à peu près aussi pertinent dans l'utilisation de la langue française !

M. Philippe Auberger. C'est ridicule !

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez des lettres, monsieur Auberger, et j'en suis fort aise, car ce n'est pas si fréquent dans cet hémicycle !

M. Charles de Courson. Eh bien parlez maintenant !

M. Jean-Pierre Brard. Depuis le début de l'année, le déficit se serait creusé de 1,5 milliard d'euros. Ajouté aux 10,3 milliards à la fin 2004, le déficit cumulé se monterait donc actuellement à près de 11,8 milliards. Fin décembre, il devrait avoisiner 13,7 milliards d'euros, soit 1 milliard de plus que ce qui était attendu en début d'année.

Fidèle à lui-même, le MEDEF n'a trouvé, comme remède à ce déficit, que le refus de revaloriser les allocations chômage au 1er juillet, ce qui n'était pas arrivé depuis douze ans !

Pour ce qui est de l'emploi, l'INSEE pointe, en équivalents temps plein, toutes branches confondues, une baisse de 34 000 emplois en 2004. Il n'est pas difficile d'y voir notamment l'effet de la liquidation des 35 heures, qui a ouvert la voie à la multiplication des heures supplémentaires au détriment de nouvelles embauches.

M. Hervé Mariton. La phrase est un peu longue !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Est-ce français cela ?

M. Jean-Pierre Brard. Oui, c'est du français. Si vous voulez, nous parlerons syntaxe, monsieur Copé !

M. Charles de Courson. C'est du Kant !

M. Jean-Pierre Brard. Non, ce n'est pas du Kant ! Ne dévalorisez pas la philosophie !

Concernant les finances publiques, les cadeaux fiscaux, en particulier ceux consentis en matière d'impôt sur le revenu pour les ménages les plus aisés et en matière d'impôt de solidarité sur la fortune, ont contribué à la dégradation des comptes, qui se traduit par un endettement en hausse, atteignant désormais 65,6 % du produit intérieur brut.

M. Charles de Courson. Ce n'est pas du Voltaire !

M. Jean-Pierre Brard. Le blocage ou la réduction de nombreux budgets va s'amplifier en 2006, puisque seules la défense, la sécurité, la justice et la recherche échapperont aux restrictions budgétaires.

Les effectifs globaux de l'État seront réduits à nouveau de plus de 5 000 postes...

M. Georges Tron. C'est une plaisanterie ! Même vous n'y croyez pas ! Il y a eu 150 000 créations en dix ans !

M. le président. Monsieur Tron !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Tron, ne faites pas monter le taux d'adrénaline du ministre !

Cette réduction paraît néanmoins bien peu aux yeux des frénétiques, des obsédés - auxquels vous semblez vous identifier, monsieur Tron -, du dégraissage, qui réclament au moins trois fois plus de têtes !

M. Georges Tron. Je m'identifie aux frénétiques de la vérité !

M. le président. Monsieur Tron, vous aurez l'occasion d'expliquer votre position tout à l'heure !

M. Jean-Pierre Brard. Pour la vérité, vous devriez relire Pirandello !

Cette situation vous a certes contraints d'arrêter la baisse de l'impôt sur le revenu bien avant d'avoir atteint les 30 % promis par M. Chirac, mais l'on aurait tort de croire que les cadeaux fiscaux ont cessé. La Cour des Comptes analyse à ce sujet, dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2004, l'impact sur 2006 des décisions d'allégements fiscaux à effet différé.

Les magistrats de la rue Cambon, sous la direction éclairée de Philippe Séguin, écrivent : « Ainsi, les mesures de la LFI pour 2005 entraînent 1,7 milliard d'euros de dépenses fiscales supplémentaires en 2006 - y participent le crédit d'impôt logement en remplacement du prêt à taux zéro (le prêt à taux zéro a coûté 550 millions d'euros à l'État en 2004, mais le coût du nouveau dispositif ne sera supporté qu'à partir de 2006 ; le coût est nul en 2005), l'allégement des droits de succession à compter du 1er janvier 2005 (le coût en année pleine devrait être deux fois plus élevé que l'évaluation du coût pour 2005, soit 630 millions d'euros dans le PLF 2005), ou encore la suppression en deux ans de la surtaxe de l'impôt sur les sociétés (qui aura un coût en 2005 de 450 millions d'euros, qui devrait doubler en 2006) -, et la loi de soutien à la consommation et à l'investissement du 9 août 2004 entraîne 1,6 milliard d'euros de dépenses fiscales supplémentaires en 2006 - y participent le dispositif de dégrèvement de taxe professionnelle au titre des investissements nouveaux, qui s'imputera pour la première fois en 2006 pour un coût estimé par le ministère des finances à 1,35 milliard d'euros en 2006, et la réduction d'impôt au titre de certains prêts à la consommation contractés entre le 1er mai 2004 et le 31 mai 2005, dont le coût est estimé par le ministère des finances à 100 millions d'euros en 2005 et 300 millions d'euros en 2006 ».

Ce sont donc, au total, 3,3 milliards de dépenses fiscales nouvelles et l'on observera que, comme toujours depuis 2002, les plus gros cadeaux sont pour les plus riches et pour les entreprises, mais cela ne suffit absolument pas aux députés de la majorité, cette majorité qui représentait 36,8 % des électeurs au moment des élections régionales de 2004, députés qui ont repris leur traditionnelle danse du scalp autour de l'impôt de solidarité sur la fortune.

M. Masdeu-Arus nous dit, d'après l'AFP, que, compte tenu de la hausse considérable des prix de l'immobilier, ces dernières années, de nombreux foyers étaient devenus redevables de l'ISF, alors même que certains ne disposent pas de revenus importants, voire ne sont même pas redevables de l'impôt sur le revenu. Outre cette aberration économique, a-t-il poursuivi, il est plus que temps de briser le rempart idéologique qui interdit toute réforme de cet impôt depuis sa création par les socialistes.

Ainsi, parce que la valeur du patrimoine immobilier de certains possédants augmente substantiellement, il n'y aurait rien de plus pressé que de baisser leur impôt, voire de le supprimer. Comprenne qui pourra ! Visiblement, la droite est imperméable aux expressions et aux attentes du suffrage universel. Elle l'est, tout simplement, parce qu'elle se satisfait pleinement de la domination du libéralisme, de la déréglementation, de la démolition du droit du travail, qui serait la cause de tous les maux de notre économie.

Ce libéralisme compte un chantre particulièrement zélé dans le Gouvernement, qui n'est autre que M. Thierry Breton, dont les états de service sont éloquents. Issu du grand patronat, il a pour vocation naturelle d'appliquer la politique la plus propice aux intérêts de ce dernier, abusivement assimilés à ceux de la nation. Sans évoquer des affaires qui ont défrayé la presse, force est de constater qu'il peut y avoir parfois des conflits d'intérêts.

Ainsi, M. Breton nous a expliqué doctement la semaine dernière que la France vivrait au-dessus de ses moyens. Pourrait-il nous expliquer comment, dans ces conditions, une brochette de grands patrons ont pu bénéficier d'augmentations mirobolantes de leurs rémunérations en 2004, alors qu'elles avaient déjà augmenté en moyenne de 23 % en 2003 ? La même année, le pouvoir d'achat global des ménages n'a, lui, augmenté que de 0,3 %.

Quels ont été les heureux bénéficiaires des largesses des entreprises du CAC 40 qui ont vu leurs rémunérations progresser ? Il faut dire, et on se demande ce que fait M. Seillière pour défendre les intérêts des membres de son syndicat, que certains n'ont eu que des augmentations modestes. M. Gérard Mestrallet, par exemple, 0,3 % seulement de 2003 à 2004. Une misère ! Gageons que Mme Laurence Parisot fera en sorte qu'il ne subisse plus de discrimination par rapport à ses collègues !

M. Philippe Auberger. Quelle sollicitude !

M. Jean-Pierre Brard. Mais une sollicitude tout à fait réelle, mon cher collègue !

Un autre grand patron a été très peu augmenté, M. Lindsay Owen-Jones, de 0,4 %, ce qui représente 30 000 euros. Si je parle la langue populaire, monsieur le ministre,...

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Ne prenez pas de risque !

M. Jean-Pierre Brard. ...cela fait vingt-trois SMIC mensuels. Une misère pour des privilégiés, et, pourtant, deux ans de salaire pour les gens qui peinent à joindre les deux bouts à la fin du mois. Édouard Michelin, descendant du bon M. François, et René Zingraff, ont eu plus de chance, avec une augmentation de 940 000 euros, soit 721 SMIC mensuels. Jean-René Fourtou, patron de Vivendi, ce groupe qui s'est débrouillé pour refiler sa dette à Véolia, dette payée dans le prix du mètre cube d'eau aujourd'hui, a eu une augmentation de 34,3 %, ce qui représente 1 180 000 euros, soit l'équivalent de 914 SMIC mensuels.

Le président de la commission des finances, Pierre Méhaignerie, a tout à fait raison : les salaires nets n'augmentent pas assez, d'autant que, dans les moyennes, il y a le salaire de ces gens qui mangent la tête dans l'auge. La France est en douzième position, mais comment justifier que les salaires nets les plus modestes évoluent si peu quand ceux qui s'autoproclament grands capitaines d'industrie s'octroient des augmentations indécentes, immorales, scandaleuses, alors que la pauvreté progresse dans notre pays ?

Je comprends d'ailleurs que M. Breton ait quitté France Télécom pour venir au gouvernement...

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Ce n'est pas bien, ces attaques personnelles, ce n'est pas digne de vous !

M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas une attaque personnelle, c'est ce qui est écrit dans L'Express ! Sa rémunération à lui n'a pas progressé, elle avait même baissé de 20 % de 2003 à 2004. Je comprends qu'anticipant de futures baisses de ses revenus, il soit passé au gouvernement.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Oh !

M. Philippe Auberger. C'est petit, mesquin !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Indigne de vous !

M. Jean-Pierre Brard. Mesquin ? Quand on a de tels salaires... Vous mettez la mesquinerie à un niveau où je n'ai pas l'habitude de la rencontrer !

M. le président. Pourriez-vous conclure, monsieur Brard ?

M. Jean-Pierre Brard. Vous m'y poussez, monsieur le président, et je ne saurais que déférer à votre demande.

Je n'ai cité que les salaires des grands patrons, mais les actionnaires ne sont pas en reste : 62 % d'augmentation chez Arcelor, 37,9 % chez BNP-Paribas, 32 % à la Société générale. Comment accepter ensuite d'entendre M. Breton inviter les Français à travailler davantage pour dynamiser la croissance alors qu'il ne fait rien pour faire rendre gorge à ces privilégiés de la fortune ? En réalité, monsieur le ministre, votre gouvernement persiste dans les mécanismes de la redistribution inversée où l'on prend à tous, de préférence aux plus pauvres, via l'impôt et les cotisations sociales, pour renforcer des privilèges déjà exorbitants.

Quand vous parlez de déficit, balayez d'abord devant votre porte et, ensuite, avec pertinence, vous pourrez balayer devant celle des autres. Dans votre rapport, vous donnez l'exemple du Manitoba, au Canada, où un déficit d'exécution d'une collectivité locale entraîne l'application de retenues de 20 à 40 % du salaire des dirigeants de cette collectivité, mais pourquoi ne vous appliquez-vous pas cette règle ? On a vu, dans un passé récent, les ministres bénéficier d'une certaine revalorisation de leur traitement. Les performances de l'État sont-elles au rendez-vous en proportion ? Puisque vous proposiez tout à l'heure de regarder à l'étranger, on pourrait admettre une sorte de jurisprudence Manitoba : les responsables du Gouvernement verraient leurs rémunérations évoluer par exemple inversement à la progression de la dette. Voilà quelques recettes de poche qui pourraient retourner au budget général, et je vois que M. Hériaud, M. Bouvard, M. Novelli et M. Auberger partagent mon point de vue.

M. le président. Monsieur Brard, si vous vouliez bien conclure...

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes alsacien, monsieur le président, vous êtes un homme rigoureux et vous ne pouvez que partager mon point de vue selon lequel les ministres ne peuvent pas prêcher sans pratiquer par l'exemple ! Je souhaite, monsieur le ministre, que vous prêchiez par l'exemple plutôt que par l'intention ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi organique relative aux lois de finances a permis, par son article 48, de réaffirmer l'importance de ce débat en l'élevant au niveau organique alors qu'il n'était jusque-là qu'une pratique parlementaire, contrairement au rapport du gouvernement qui lui sert de support. Il n'est pourtant, pour des raisons constitutionnelles, que facultatif mais son indéniable utilité dans la préparation du projet de loi de finances lui a donné une légitimité telle qu'aucun gouvernement ne saurait aujourd'hui s'en exonérer. Je souhaite que la disposition, adoptée conforme hier par le Sénat, concernant l'organisation d'un débat autour du rapport annuel de la Cour des comptes connaisse la même heureuse destinée.

Avant d'aborder deux points du débat d'orientation budgétaire, je souhaite revenir sur les dispositifs de performance qui figurent au tome 2 du rapport déposé par le Gouvernement. Nous savons désormais quels seront les objectifs et les indicateurs qui figureront dans les projets annuels de performance du prochain projet de loi de finances. La MILOLF attendait avec intérêt et impatience ces informations puisqu'elle avait, au mois de mars dernier, procédé à une première analyse, avec l'aide de la Cour des comptes, des dispositifs de performance figurant dans les avant-PAP présentés avec le projet de loi de finances pour 2005. Pour chaque mission, des critiques, des suggestions ou des interrogations avaient été formulées, avec le souci constant d'aider les administrations à élaborer des dispositifs de performance intéressants. Il s'agit en effet, pour le Parlement, d'un point essentiel de la LOLF : le législateur n'a accepté de voir le principe de spécialité budgétaire réduit au profit d'une plus grande liberté de gestion pour les responsables de programme que dans la mesure où la performance des politiques menées était évaluée grâce à des objectifs et des indicateurs chiffrés.

Globalement, après un balayage forcément trop rapide des 630 objectifs et 1 300 indicateurs, le bilan est globalement satisfaisant : les recommandations du Parlement ont été majoritairement suivies, et l'on ne peut que s'en féliciter, monsieur le ministre. Ainsi les objectifs et les indicateurs des programmes police et gendarmerie de la mission sécurité ont-ils été enfin harmonisés. Ceux du programme accès et retour à l'emploi de la mission travail ont été refondus et rendus plus rationnels, ainsi que ceux du programme développement des entreprises de la mission développement et régulation économique, dont le dispositif de performance était si peu satisfaisant. Même le ministère de la défense a fait un effort de clarté dans la rédaction de ses objectifs, abandonnant un jargon parfois peu compréhensible. Il en est de même pour la mission écologie.

En règle générale, les indicateurs de moyens et d'activité, contraires à une logique de performance, ont été supprimés, même si certains subsistent, par exemple sur les programmes de la mission « Sécurité ». Certains objectifs d'efficience ont été rajoutés, même si leur nombre reste encore très insuffisant. Enfin, les objectifs ne portant pas sur les crédits du budget de l'État ont été retirés.

Nous ne pouvons que nous réjouir de l'issue de cette première phase du dialogue. Nous sommes en effet engagés dans un processus itératif, fait d'échanges entre le Parlement, les organes de contrôle, - Cour des comptes et comité interministériel d'audit des programmes - le Gouvernement et les administrations. Il nous faudra probablement quelques années pour parvenir à des dispositifs de performance entièrement satisfaisants, tant il s'agit d'un exercice nouveau pour notre système de finances publiques.

Il est indispensable que les parlementaires - je pense en particulier aux rapporteurs pour avis - s'emparent de cet outil qui, avec le nouveau droit d'amendement, doit donner à la deuxième partie de la discussion un nouveau lustre et une nouvelle portée. On peut à cet égard s'interroger sur la pertinence du maintien du système actuel des questions, dont le temps serait plus utilement consacré à l'examen des amendements.

M. Pierre Hériaud. Très juste !

M. Michel Bouvard. Restent deux conditions essentielles à la réussite des dispositifs de performance : les objectifs stratégiques présentés au Parlement doivent être déclinés en objectifs opérationnels pour les administrations, faute de quoi cette innovation se réduira à un vernis à l'intention du législateur ; cette logique de la performance doit absolument s'étendre aux dépenses fiscales. Leur rattachement aux programmes constitue une évolution importante permise par la LOLF. Les parlementaires doivent se saisir de cette nouvelle donne pour étendre leur contrôle, non seulement aux crédits budgétaires mais aussi aux dépenses fiscales.

C'est d'ailleurs un des aspects qui peut faire regretter la mise en barème des exonérations de cotisations sociales : celles-ci ne constituant plus des dépenses de l'État, elles ne feront plus l'objet d'une évaluation, certes difficile, mais indispensable. Est-il envisageable que les ressources affectées à la sécurité sociale, pour compenser le nouveau barème, soient considérées comme des dépenses fiscales rattachées au programme « Développement de l'emploi » ? Malheureusement, j'en doute.

Concernant les orientations budgétaires pour 2006, reprenant des observations que j'ai malheureusement souvent formulées à cette tribune, je souhaite dire combien je suis préoccupé par la diminution des marges de manœuvre, tant pour le fonctionnement que pour l'investissement, face à l'augmentation de la charge de la dette et des dépenses de rémunérations des fonctionnaires actifs et retraités.

Nous devons impérativement stabiliser à terme la dépense de la fonction publique. La Cour des comptes a constaté que les réductions d'effectifs engagées au niveau budgétaire n'étaient pas suffisantes pour enrayer, avec la montée en puissance des pensions, le grignotage progressif des autres dépenses de fonctionnement et d'investissement.

En 2004 encore, la Cour des comptes a constaté que la définition des emplois budgétaires est source de confusion, qu'outre les 2 224 240 emplois qui résultent de l'addition des emplois budgétaires votés par fascicules, tels qu'ils sont précisés dans les « verts budgétaires », les ministères engagent des crédits de rémunération pour d'autres personnels, non comptés dans les effectifs, même s'ils sont parfois dénombrés. La pratique irrégulière de la rémunération d'agents en surnombre demeure. Les emplois budgétaires, selon l'ordonnance de 1959, ne concernent qu'une partie des personnels rémunérés par l'État. Le passage à la LOLF et à la logique des plafonds d'autorisation d'emplois permettra de mettre un terme à une entorse à l'autorisation budgétaire, cause d'opacité dans l'appréciation de la dépense de personnel.

Je dois cependant signaler qu'en dépit des efforts de la DRB, au travers de l'outil informatique ODE, pour assurer le décompte des emplois et les rapporter en équivalents temps plein, certains agents échappent encore au recensement. C'est le cas de la moitié des effectifs du ministère des affaires étrangères, qui relèvent de droits locaux et étrangers ou des personnels mis à disposition par des organismes tiers dont la dépense est remboursée par mandatement direct.

Enfin, je rappelle le problème des opérateurs publics et souhaite que les engagements que vous avez pris à l'occasion du vote de la récente modification de la loi de finances permettent une consolidation de l'emploi par secteur, la Cour des comptes ayant évalué à 151 928 équivalents temps plein les effectifs des opérateurs, non agents, rémunérés directement par l'État, mais au travers des subventions de l'État.

Enfin, permettez-moi d'ajouter quelques mots sur les investissements et sur le problème du financement des infrastructures de transport. Il y a moins d'un an, le Gouvernement faisait approuver par le Parlement la création de l'AFITF, dont les ressources devaient provenir principalement des dividendes des sociétés d'autoroute dont l'État est actionnaire. Lors de son discours de politique générale, le Premier ministre a indiqué que ces actifs seraient privatisés. Vous avez précisé, monsieur le ministre, lors de votre audition devant la commission des finances et à nouveau tout à l'heure, que la totalité des actifs serait cédée, ce qui représente 11 milliards d'euros.

Je renouvelle mes interrogations quant à une mécanique qui aboutit à une perte de 12 milliards d'euros courants pour l'État, par rapport au profit que nous pouvions attendre des dividendes, même si je comprends l'urgence qu'il y a à réduire la charge de la dette. D'autres solutions ne pouvaient-elles être envisagées, comme l'ouverture du capital d'Aéroports de Paris, limitant le recours à cette solution extrême ?

De quelles garanties bénéficiera l'AFITF, au-delà du seul milliard qu'elle retirera de cette cession d'actifs autoroutiers pour financer les infrastructures ? Au-delà des annonces que vous avez faites sur les redevances autoroutières ou la taxe d'aménagement du territoire, pouvons-nous envisager que cette agence puisse recevoir, par exemple, l'eurovignette, dont le principe vient d'être approuvé par le Parlement européen ?

Si je me permets d'insister sur cette question, c'est que nous savons que les infrastructures de transport, comme les investissements, constituent un élément fort de l'attractivité du territoire, et la Commission européenne rappelait récemment que le déficit d'investissement en infrastructures coûte à l'Europe 0,75 point de croissance. C'est aussi le cas pour notre pays. Ce sujet méritait d'être évoqué dans un débat d'orientation budgétaire.

Nous souhaitons, monsieur le ministre, que vous apportiez toute l'écoute dont nous vous savons capable afin que la LOLF permette de progresser dans l'appréciation de la dépense publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli.

M. Hervé Novelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Pierre Méhaignerie a évoqué la formule de Thierry Breton : « La France vit au-dessus de ses moyens ». Il a eu raison de rectifier cette approximation de la part du ministre : c'est l'État qui vit au-dessus des moyens des Français !

En effet, depuis des années, le niveau des dépenses publiques est durablement supérieur à la moyenne de l'Union européenne ou des pays de l'OCDE. Aujourd'hui plus de 53 % du PIB est consacré à ces dépenses, soit au moins cinq points de plus que dans la zone euro.

Dès lors s'enclenche la spirale infernale : prélèvements obligatoires très élevés, déficits récurrents, endettement massif. Le déficit de l'État représente aujourd'hui 85 % du déficit des administrations publiques. Le poids de la dette de l'État a été multiplié par cinq en vingt ans. Pardonnez-moi ces répétitions, mais elles sont souvent le début de la pédagogie. Avec plus de 935 milliards d'euros de dettes, l'État est à l'origine des quatre cinquièmes de la dette publique. La concomitance entre le développement des déficits et l'affaiblissement structurel de la croissance est réelle.

Si le taux de croissance moyen de ces vingt dernières années est inférieur à 2,1 %, si le taux de chômage n'est jamais descendu au-dessous de 8 %, si la France recule en matière de parts de marché à l'extérieur, tout n'est pas imputable aux déficits publics, mais ils sont la traduction financière des blocages qui handicapent notre pays dans son ensemble. Les déficits d'hier et d'aujourd'hui sont les impôts de demain et la faiblesse de la croissance potentielle de notre pays.

Face à cette situation, produit d'un laisser-faire coupable vieux d'un quart de siècle, le gouvernement de Dominique de Villepin, comme le précédent, a pris, en dépit d'une conjoncture incertaine, quelques mesures qui donnent ou donneront des résultats. Ainsi, la réduction du déficit de l'année dernière est la plus forte enregistrée depuis 1976. Par ailleurs, on ne peut que se féliciter que, pour la troisième fois consécutive, le Gouvernement propose un budget dont les dépenses sont stabilisées en volume.

Mais cela ne saurait suffire pour assainir réellement et durablement nos finances publiques. La norme du budget à euro constant est un objectif nécessaire mais dont la réalisation ne résiste pas à l'épreuve des faits. Elle s'apparente à une ligne Maginot facilement contournable, comme le souligne le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution du budget de 2004.

L'année dernière, la progression réelle des dépenses nettes a atteint 3,6 % pour un taux d'inflation de 1,8 % en prenant en compte les opérations de débudgétisation, en particulier le transfert du financement du RMI aux départements.

De 1999 à 2004, les dépenses ont augmenté de près de 28 milliards d'euros, soit une progression de 10 %. Dans le même temps, les recettes n'ont augmenté que de 15 milliards d'euros, soit un peu moins de 7 %. L'ajustement des dépenses doit se faire par rapport aux recettes d'autant plus qu'en économie ouverte, les politiques de relance ne sont plus efficaces. C'est ainsi que la France est entrée dans une spirale sans fin de la dépense publique et du déficit.

Nous avons vu dans le passé que, faute d'avoir entrepris cet assainissement malgré la présence d'une forte croissance, le gouvernement de Lionel Jospin n'avait pas réussi à préserver la France d'une nouvelle dérive de ses finances publiques.

Quelles dépenses faudra-t-il à l'avenir financer ? Les retraites du public - fonctionnaires et régimes spéciaux dont le système de retraite n'a pas été réformé - et la dépendance.

Si nous n'assainissons pas nos finances, l'OCDE prévoit que le taux de croissance structurel de la France passera de 2,1 à 1,6 %. Avec un tel niveau, il est vain d'espérer régler le problème du chômage ; il est vain d'espérer une croissance du pouvoir d'achat.

En réalité, les pays qui ont gagné la bataille budgétaire sont ceux qui ont réformé en profondeur leur État. Le Canada, la Nouvelle-Zélande, la Belgique et l'Italie ont obtenu des résultats significatifs dans ce domaine. Les dépenses publiques ont reculé de quatorze points de PIB au Canada et en Nouvelle-Zélande, de neuf points en Italie et de huit points en Belgique en dix ans. La dette publique a baissé de trente-six points en dix ans au Canada, de trente-huit points en Nouvelle-Zélande et de cinquante points en Belgique.

Ces pays ont en commun d'avoir redéfini les contours de l'État, les moyens d'intervention publique et les méthodes de gestion. Les gouvernements de ces pays ont remembré leurs structures publiques, ce qui leur a permis de dégager des marges de manœuvre importantes.

Avec la LOLF, nous avons l'opportunité de lancer la grande réforme de l'État que la France attend depuis une génération. Car la LOLF donne au Gouvernement les moyens de redessiner les contours de l'État. Il est des fonctions au sein de chaque ministère qui pourraient être exercées par le privé, qui pourraient être concédées, il est des missions qui n'ont à rien à faire dans la sphère publique. L'État doit-il être imprimeur, éditeur ? Les services de restauration, d'entretien des véhicules, de nettoyage ont-ils vocation à rester dans la sphère publique ?

Il faut établir une cartographie de ce qui relève des missions régaliennes de l'État et de ce qui peut être concédé, privatisé, géré par le biais d'agences autonomes avec une responsabilisation forte en matière budgétaire. Le Royaume-Uni, le Canada, la Nouvelle-Zélande ont pratiqué ainsi, avec à la clef des résultats tant en matière de finances publiques qu'en termes de croissance.

Dans ce contexte, peut-on réformer l'État, redéfinir ce qui relève véritablement de ses missions régaliennes, sans modifier le code de la fonction publique ? Je ne le pense pas.

Le maintien des corps, d'un système opaque et archaïque de primes constitue des freins à la mobilité, à la modernisation des structures. L'administration a besoin de liberté pour épouser son époque. La flexibilité suppose l'instauration de nouvelles règles qui devraient s'appliquer en priorité aux nouveaux embauchés de l'État qui n'occupent pas des fonctions régaliennes.

Comme en matière d'emploi, tout n'a pas été tenté pour redresser nos finances publiques. Le Gouvernement a décidé d'agir avec volonté pour assainir les finances publiques, tout en permettant un développement de notre économie par le biais de mesures fiscales en faveur de l'innovation et des PME.

Mais la prochaine étape passe par la réforme de l'État, sa reconfiguration, qui entre désormais dans le champ de compétences du ministère du budget.

Monsieur le ministre, puisque la réforme de l'État relève désormais des compétences du ministère du budget, je vous demande instamment, d'engager ce chantier, sinon, en 2007, nous devrons tous ensemble nous expliquer sur notre impuissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le mercredi 6 juillet 2005 à zéro heure trente, est reprise à zéro heure quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la situation difficile de nos finances locales, due à la gestion des gouvernements qui se sont succédé depuis 2002,...

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Vous ne manquez pas d'humour !

M. Augustin Bonrepaux. Cette situation est pourtant bien due à votre gestion !

Vous avez trouvé un bouc émissaire : les collectivités locales, qui, pour la première fois depuis 1995, créent un déficit de 0,1 % - face à un déficit public de 3,6 %, cela valait bien la peine de le souligner ! Vous mettez les collectivités locales en accusation, mais c'est une accusation fallacieuse : vous vous défaussez sur elles tout en affirmant que le désengagement de l'État et la décentralisation n'y sont pour rien.

Il serait trop long de citer tous les désengagements de l'État. Vous avez, notamment, réduit le Fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE, de 50 %, et supprimé la péréquation nationale de ce fonds, et vous voudriez affirmer que cela n'a aucune incidence sur l'augmentation du prix de l'eau ? Vous avez supprimé les subventions aux transports en commun des grandes villes, et cela n'aurait aucune incidence sur l'augmentation des versements liés aux transports ? Vous avez réduit les subventions aux associations, à la culture et aux monuments historiques, et cela n'aurait aucune conséquence sur les collectivités locales de proximité, alors que, devant ces suppressions, les associations se tournent vers les communes et les départements ?

Les conséquences directes sont dramatiques aussi pour l'aménagement du territoire, et obligent les régions et les départements à se substituer à l'État défaillant.

Le retard des contrats de plan, de l'ordre de deux ou trois ans, est particulièrement significatif, et plus encore pour le ferroviaire, où il est de sept ans. Vous recherchez tous les prétextes - la surprogrammation, le surbooking,... - pour essayer de rejeter la responsabilité sur d'autres, alors qu'elle tient, en réalité, aux régulations successives que vous avez opérées. Vous n'êtes jamais parvenus, depuis 2002, à programmer le même montant de crédits qu'en 2001. Bien sûr, ce retard de programmation est la cause essentielle du retard de ces contrats de plan, actuellement en panne et qui ne seront terminés que vers 2009-2010, soit avec trois ans de retard.

Mais la situation tient aussi à la disparition de tous les services publics. Quand un bureau de poste ferme, on demande à la collectivité locale de créer une agence postale et de la financer. Mieux : dans la loi sur les territoires ruraux, vous avez inventé de faire financer l'installation des médecins en zone rurale par les collectivités locales, à qui vous proposez de construire les cabinets médicaux. Mais enfin, monsieur le ministre, dans notre pays, la responsabilité de la santé relève-t-elle des collectivités locales ou de l'État ?

Vous incitez encore les collectivités locales à supprimer la taxe professionnelle, par exemple pour l'installation des vétérinaires.

Si vous contestez la responsabilité de la décentralisation, nous en mesurons tous les jours les conséquences sur la fiscalité. Pour le RMI, le déficit est de 450 millions d'euros.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Il va être comblé.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Et les droits de mutation ?

M. Augustin Bonrepaux. Le déficit sera comblé, au mieux, fin 2005. Or, c'est en 2005 que le problème se pose. Pour cette année, en effet, le déficit dépasse de 50 % celui de 2004, qui était de 450 millions.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. L'État vous avance gratuitement les recettes fiscales !

M. Augustin Bonrepaux. Il sera de 750 à 800 millions, et vous ne proposez pas de le compenser. Il fallait bien que les collectivités locales prudentes le prévoient dans leur budget pour pouvoir le payer.

Vous avez refusé tous les amendements que nous avons proposés en vue de faire le point, en 2006, sur l'année 2005, et vous prétendez que cela n'a pas d'incidence sur l'augmentation de la fiscalité des collectivités locales !

Je pourrais encore évoquer le contrat d'avenir, ou le RMA, dont les effets seront du même ordre : ils auront un impact de 25 à 30 % de coût pour les départements et, là non plus, vous ne proposez pas de compensation.

Il faut enfin parler de l'impact sur les finances locales de tous les textes législatifs qui se sont succédé, outre ceux qui ont créé le RMA ou les contrats d'avenir. La réforme du statut des assistantes maternelles a un impact direct sur les dépenses de l'allocation de garde d'enfant ; la compensation des handicaps entraînera pour les collectivités des dépenses encore plus importantes. Je ne parle pas de l'amélioration du statut des sapeurs-pompiers volontaires. Toutes ces mesures, que vous avez décidées, ce sont les collectivités locales qui devront les payer au prix d'un accroissement de leurs dépenses.

Ce n'est pas par plaisir que tous les exécutifs départementaux, de quelque bord qu'ils soient, augmentent les impôts. Ce n'est pas par plaisir que la Vienne, la Marne, le Calvados, le Loir-et-Cher, et bien d'autres, augmentent leurs impôts de plus de 10 %. Ce n'est pas non plus parce qu'ils sont particulièrement dépensiers, ou parce qu'ils sont les moins vertueux, monsieur le président de la commission des finances. Même s'il s'agit là d'élus de votre bord, je ne les accuse pas d'être peu vertueux, comme vous le faites. C'est tout simplement parce qu'ils sont confrontés aux mêmes difficultés, qu'ils sont obligés d'augmenter les impôts comme les autres. Et je ne vais pas m'amuser à les comparer les uns aux autres, parce que je sais qu'aucun élu, quel qu'il soit, n'augmente la pression fiscale par plaisir.

C'est donc bien qu'il y a des problèmes. Il faut rappeler la réalité. De 1997 à 2002, les collectivités locales ont connu une situation plutôt favorable, qui leur a permis de se désendetter, et même de contribuer à la réduction du déficit. Mais on constate qu'en 2003 la situation se dégrade tout à coup, et que cette dégradation s'aggrave en 2004. Et vous prétendez n'y être pour rien !

Ce n'est pas l'avis de M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes : celui-ci a expliqué à la commission des finances qu'en 2004 les dépenses des départements avaient augmenté du fait de la décentralisation du RMI, et celles des régions du fait des subventions à la SNCF pour le développement des transports régionaux.

On nous a expliqué en 2003 qu'on avait fait le choix de compenser le transfert du RMI en affectant aux départements le produit de la TIPP parce que cette recette, particulièrement évolutive, valait mieux qu'une dotation ; et on nous affirmait, chiffres à l'appui, que le produit de la TIPP était en hausse. Mais vos calculs prenaient en compte l'augmentation décidée par M. Balladur en 1994 et par M. Juppé en 1995. Je vous invite, monsieur le ministre, à lire le rapport du rapporteur général, à qui il arrive de faire de bonnes remarques, du moins dans ses rapports écrits. Il y est précisé que seule la TIPP a été peu dynamique : en dehors de toute mesure nouvelle, les recettes de TIPP ont en effet fléchi, de 0,1 milliard d'euros - moins 0,3 % - en 2004, après une diminution spontanée de 2,1 en 2003 et une croissance modérée de 1,6 % en 2002, du fait de la limitation de la vitesse ou de l'augmentation du prix du pétrole.

Les collectivités locales ont donc été lésées, comme nous l'avions annoncé à l'époque : la prudence nous imposait de prendre garde aux graves conséquences qu'une telle décision aurait pour leur fiscalité. Cette affectation des recettes de TIPP peut être qualifiée de « pseudo-dotation », puisque, à l'inverse d'une dotation véritable, elle n'est pas indexée sur la dotation globale de fonctionnement.

On est en droit d'être encore plus inquiets en ce qui concerne la compensation du transfert des TOS et des personnels de l'équipement. Comme vous le savez en effet, les charges de personnels augmentent chaque année d'environ 3,5 %, du fait du « glissement-vieillesse-technicité », le GVT, des cotisations à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL, et maintenant du lundi de Pentecôte travaillé - à moins qu'il ne s'agisse de la Toussaint ! Or on nous annonce que ces charges seront compensées par une partie de la taxe sur les conventions d'assurance, qui est, nous dit-on très dynamique ! Il est vrai qu'elle a augmenté de 17 % de 1998 à 2004, mais cela signifie moins de 3 % par an, alors que les frais de personnels augmenteront, eux, de 3, 5 %.

À l'inverse de ce que vous affirmez, monsieur le ministre, vous ne pourrez malheureusement pas à la fois la localiser et permettre aux collectivités locales de la faire évoluer. Vous nous aurez donc trompés deux fois.

M. le président. Monsieur Bonrepaux, il faudrait penser à conclure.

M. Augustin Bonrepaux. Je terminerai, monsieur le président, en évoquant les nouvelles réformes qu'on nous annonce chaque année, hormis cette année : apparemment, le président Chirac avait autre chose à faire, à moins qu'il ne soit à court d'idées. Mais, pendant deux ans, il a supprimé des impôts, la taxe professionnelle en 2003 et le foncier non bâti en 2004.

En ce qui concerne la taxe professionnelle, une commission a travaillé un an à sa réforme, avant que vous ne reveniez, en la dénaturant, à une de nos propositions. Tout cela aura coûté 1,5 milliard d'euros à notre pays, à un moment où il n'a pas trop de moyens. Vous auriez pu agir différemment !

Toujours est-il que vous avez désormais une idée géniale : plafonner la taxe professionnelle, et interdire aux collectivités locales d'en augmenter les taux ; c'est ce que vous avez dit, vous l'avez même écrit. Vous ne semblez pas vous rendre compte des conséquences dramatiques de cette réforme pour les zones rurales, mais surtout pour les zones industrielles, où la taxe professionnelle est plafonnée par rapport à la valeur ajoutée. Si on interdit à ces collectivités d'augmenter leurs taux, on aggravera encore les disparités entre les zones favorisées, qui pourront augmenter leurs impôts parce qu'elles comptent surtout des entreprises de services, banques ou assurances, qui contribuent peu au titre de la taxe professionnelle, et les autres, qui seront encore plus pénalisées.

C'est en outre la mort annoncée de l'intercommunalité à taxe professionnelle unique, qui n'a que cette ressource. Ce plafonnement aura donc pour résultat d'asphyxier l'intercommunalité, mais aussi les autres collectivités. Ainsi, trois des recettes des départements seront plafonnées : la TIPP, la taxe sur les conventions d'assurance, et partiellement la taxe professionnelle. Il ne leur restera qu'une solution : concentrer leur fiscalité sur les ménages.

En conclusion, monsieur le ministre, on peut légitimement être inquiet face aux réformes du Gouvernement. En effet, outre que vous continuez votre politique de transferts de compétences insuffisamment compensés, vous voulez, avec le concours du président de la commission des finances, encadrer les recettes des collectivités locales. Cela revient à leur imposer d'assumer toujours plus de dépenses avec toujours moins de recettes. Je ne sais pas comment elles réaliseront ce miracle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu d'une heure déjà tardive, et d'une attention qui faiblit, je me bornerai à faire trois observations, beaucoup ayant déjà été dit dans le cadre de ce débat d'orientation budgétaire, qui dure depuis trois heures.

J'ai d'abord beaucoup apprécié l'exposé extrêmement lucide et franc de notre économie et de nos finances que nous avons entendu de la part de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'était un passage nécessaire vers le rétablissement de la confiance de l'opinion.

Cela dit, il aurait dû pousser son analyse plus loin. On attribue trop souvent en effet, jusque sur ces bancs, la responsabilité de nos problèmes économiques à une demande trop faible. Or l'évolution de la consommation constatée sur ces quatre dernières années ne confirme pas cette analyse : d'après les comptes de la nation, celle-ci a augmenté de 2,7 % en 2001 et 2002, de 1,7 en 2003, et de 2 % en 2004. La consommation continue donc à progresser dans notre pays à un rythme raisonnable, même s'il n'est pas fulgurant.

Le véritable problème de notre économie est la perte de compétitivité qui la frappe, en particulier vis-à-vis de l'Allemagne : l'estimation comparée des coûts sur huit ans montre que nous avons perdu au moins 10 % de compétitivité dans le domaine des produits industriels. Ce déficit de compétitivité est confirmé par notre balance commerciale, qui est négative depuis plusieurs mois, alors que celle de l'Allemagne continue à être largement positive, malgré une conjoncture plus défavorable.

Toutes nos mesures, qu'elles soient en faveur du travail ou en faveur des investissements, doivent donc tendre à rétablir la compétitivité de l'offre.

Ma deuxième observation a trait à nos finances publiques. Leur situation nous impose de respecter la règle du « zéro volume » de progression, comme MM. les ministres viennent de le rappeler. Je regrette simplement que cette règle ne s'applique pas à toutes les dépenses, notamment aux allègements de charges sociales. On nous annonce en effet que ces allègements progresseront d'un peu plus de deux milliards d'euros en 2006.

Je le regrette d'autant plus que la Cour des comptes remarque dans son rapport que les incidences de cette dépense n'ayant pas été correctement évaluées, on pouvait difficilement mesurer son efficacité. Comme le Premier président de la Cour des comptes l'a souligné devant la commission, on a beau augmenter chaque année les dépenses à caractère social, la situation de l'emploi ne progresse malheureusement pas à due concurrence.

C'est pourquoi je pense qu'on aurait dû appliquer également à ces allégements sociaux la norme de zéro volume. On aurait pu ainsi doubler en retour la dotation consacrée à la prime pour l'emploi. Si on avait en outre ramené le nombre de ses bénéficiaires, actuellement de plus de huit millions, à trois millions et demi, quatre millions, soit le nombre de ceux qui sont au SMIC - deux millions et demi - ou dont les revenus sont très proches du SMIC ; si on avait révisé les conditions de son attribution en simplifiant le barème ; si enfin on l'avait mensualisé, en passant par les Urssaf et non par les services fiscaux, on aboutirait à une prime de l'emploi de 1 000 euros par an, au lieu de 250 euros. Cela constituerait une aide très significative à la reprise de l'emploi.

Actuellement, on constate à l'inverse que les demandeurs d'emploi, largement indemnisés, notamment à l'issue d'un licenciement, attendent d'être passés à l'ASS pour reprendre un emploi. Or leur « employabilité » est alors beaucoup plus faible parce qu'ils ont perdu le contact avec le milieu du travail.

Ma troisième observation - sur les milliers, voire, malheureusement, le million que j'aurais pu faire - aura trait à l'épargne des ménages, qui est suffisante dans notre pays, mais qui n'est pas toujours bien orientée. En effet elle est orientée essentiellement vers le logement, pour l'accession à la propriété - ce qui est heureux -, mais aussi pour la réalisation de placements immobiliers et l'assurance-vie, notamment sous forme obligataire ou à taux d'intérêt fixe.

Or nous avons besoin d'une épargne à risque. Elle existe sur les marchés financiers, sous forme d'augmentations de capital. S'agissant de lancer de petites entreprises ou d'accompagner leur développement ou leurs efforts d'innovation, nous avons, certes, de nombreux dispositifs, tels que les FCPI, les FCPR, les FIP, ou le dispositif DSK, mais ils sont beaucoup trop complexes. Il faudrait donc envisager une réforme fiscale qui unifierait tous ces dispositifs d'aide à l'investissement direct dans les petites et moyennes entreprises. Cette simplification permettrait de soutenir plus efficacement ces entreprises, qui sont un véhicule important de la croissance.

Ces trois observations s'inscrivent dans le sens de l'action du Gouvernement, qui vise à développer l'emploi grâce à la croissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Georges Tron.

M. Georges Tron. Monsieur le président, monsieur le ministre, il y a des heures auxquelles on a envie de se lancer dans des débats, et il y en a d'autres où on n'a pas envie de le faire. À une heure du matin, même si j'ai des choses à dire, en particulier des réponses à apporter à Didier Migaud, en toute cordialité mais pour lui rappeler, par exemple, les années où la croissance était si haute et les résultats budgétaires si faibles, je ne vais pas me lancer dans une opération de cette nature parce que je n'en ai pas le courage et que je n'en ai plus l'envie.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Quelle sagesse !

M. Georges Tron. Monsieur le ministre, je voudrais simplement vous livrer les deux expériences les plus récentes que j'ai faites en tant que rapporteur de la MEC - je ne déflorerai pas les conclusions qu'elle tirera tout à l'heure du rapport sur l'immobilier - et en tant que rapporteur du budget de la fonction publique. Pourquoi ces deux expériences ? La première, parce qu'elle a trait directement aux recettes de l'État, et la seconde aux dépenses de l'État. Budget, recettes, dépenses : il n'y a pas besoin de chercher midi à quatorze heures pour comprendre le rapport que je vais établir entre tout cela.

Au-delà des propositions que nous allons faire et qui iront dans le sens de ce que vous-même avez annoncé devant la commission, il y a deux choses qui m'ont frappé.

La première, c'est un constat : tous les investisseurs potentiels que nous avons rencontrés nous ont expliqué de la façon la plus claire qu'il pourrait y avoir, si l'État s'y prenait bien, des cessions dont le produit serait de 30 % à 50 % supérieur à ce qu'elles lui rapportent aujourd'hui. Le produit des cessions n'a atteint en 2004 que 60 % de ce qui était prévu. Pour 2005, vous aviez annoncé 600 millions devant la commission des finances, nous en espérions 800 millions. Or nous avons constaté que nous n'avons pas la perspective de pouvoir tirer de ces cessions le produit qu'on en attendait.

Pour quelle raison ? C'est ça finalement la question essentielle. Tout simplement parce que l'État, bien qu'il soit dans une situation difficile, ne se donne pas vraiment les moyens de gérer ce qui relève de sa compétence comme le fait n'importe quel particulier ou n'importe quelle entreprise. On espère, monsieur le ministre, que maintenant doté également du portefeuille de la réforme de l'État, vous allez changer les choses.

Je vous donne deux exemples. Pour commencer, et c'est un fait extraordinaire, extravagant, l'État ne connaît pas vraiment ce qu'il possède. Nous avons un TGPE, un tableau général des propriétés de l'État, qui évalue son patrimoine à 33 milliards d'euros. Que constate-on à l'issue des auditions de l'administration ? C'est qu'il y a encore une marge d'erreur de 10 %, soit de plus de trois milliards d'euros. L'État n'est pas en mesure de nous indiquer précisément ce dont il dispose. Je passe sur le fait que - excusez du peu ! -, dans le fameux TGPE, on n'intègre pas tous les immeubles qui relèvent des établissements publics alors qu'il y en a plus de 30 000, soit plus que les immeubles qui relèvent de l'État. Vous mesurez bien dans ces conditions combien il peut être de bon augure de demander à l'État de s'imposer une cure de rigueur comme il en impose lui-même à beaucoup d'autres.

La seconde chose qui m'a frappé a trait aux règles du marché, ces règles qui devraient convaincre les investisseurs et les promoteurs que ça vaut la peine de se lancer sur le marché français et d'y acquérir des immeubles pour faire une bonne opération financière. Or que constate-on aujourd'hui ? Tous ceux que nous avons rencontrés nous ont expliqué, avec beaucoup de simplicité, que s'ils sont en relation avec l'État, on leur impose, d'une part, des loyers en dessous des cours du marché et, d'autre part, des clauses exorbitantes du droit commun, en particulier la faculté de résiliation unilatérale, et qu'en plus il y a des pénalisations liées à des problèmes de récupération de la TVA. Autrement dit, cela ne les intéresse pas, en l'état actuel, de négocier avec l'État.

Si vous avez - j'en donne acte aux gouvernements depuis 2002 - très substantiellement augmenté le volume des cessions, donc celui des recettes - vous l'avez très bien décrit lors de votre audition devant la MEC -, celles-ci passant en moyenne de 14 à 15 millions d'euros à environ 250 millions à 300 millions d'euros, et qu'on en espère 600 millions cette année, je crois qu'il serait tout à fait important de partir de l'idée que l'État, dans ce domaine, doit passer à la vitesse supérieure. C'est ce que je tenterai, avec l'accord bien entendu de la commission des finances, de proposer demain. Le jour où l'Etat aura compris qu'il ne peut pas s'exonérer des règles qu'il impose aux autres, je suis convaincu qu'on aura fait un grand pas en avant. Voilà pour la partie recettes.

S'agissant des dépenses, permettez-moi de dire un mot sur la fonction publique, et d'abord, même si M. Brard est parti, sur la façon d'aborder cette question.

Je suis consterné quand j'entends, dans mon propre camp, certains de mes amis évoquer la fonction publique comme une variable d'ajustement du budget. Ce n'est pas du tout de cela qu'il s'agit. On parle de femmes et d'hommes de compétence, souvent très dévoués à la cause de l'État, à celle des collectivités territoriales ou à celle de l'hôpital, et il n'y a aucune connotation péjorative à employer lorsque l'on s'adresse à eux. Qu'il me soit permis de dire à la gauche, en sens inverse, que je suis tout aussi stupéfait d'entendre ce discours d'immobilisme, qui consiste à dire, en gros, qu'il ne faut toucher à rien, en aucune façon et à aucun moment. Ce discours ne correspond ni à ce que souhaitent les fonctionnaires ni à ce qu'il faut faire.

Aujourd'hui, la fonction publique, dont j'ai l'honneur de rapporter le budget, est en attente de plusieurs réformes, en matière de recrutement, de rémunérations, de déroulement de carrière. Il y a des pistes ouvertes devant nous. Mais ce que je voudrais surtout souligner car c'est peut-être le plus important, c'est qu'on ne peut pas, aujourd'hui, partir de l'idée selon laquelle on va réformer la fonction publique sans mesurer le poids et le coût de celle-ci. Ce n'est en aucun cas pointer du doigt les fonctionnaires que de s'exprimer ainsi. Je citerai quelques chiffres : d'année en année, nous avons une augmentation de l'ordre de 2 % de la masse salariale de la fonction publique ; dans les dix dernières années, 150 000 fonctionnaires supplémentaires ont été embauchés, et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle je souriais tout à l'heure quand j'entendais M. Brard évoquer 15 000 ou 20 000 fonctionnaires de moins.

Je termine en soulignant qu'il y a trois idées simples à faire passer : premièrement, le respect des fonctionnaires ; deuxièmement, l'appréhension du poids de la masse salariale, et de la masse des pensions qui absorbent 60 % de l'augmentation du budget de l'État depuis maintenant trois ans ; troisièmement, associer les fonctionnaires à la réforme. Il suffirait, pour ce dernier point, qu'une partie des économies tirées de la diminution des effectifs soit récupérée par les fonctionnaires concernés, l'autre partie servant à désendetter l'État et éventuellement à investir dans l'administration. Cela s'appellerait une réforme intelligente. Que l'État perçoive mieux ses recettes, que l'État contrôle mieux ses dépenses, et on aura alors moins de difficultés à avoir un budget équilibré. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Monsieur le ministre, vous avez présenté à la commission, la semaine passée, votre rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques, et je m'étais étonné de la modestie de la présentation, en page 13, de l'objectif du Gouvernement de ramener les déficits publics sous la barre de 3 % du PIB en 2005, et notamment de la modicité du passage consacré aux budgets sociaux. Vous n'aviez fait que citer, dans cette page, entre la réserve de précaution et la soulte des industries électriques et gazières, la progression de l'ONDAM, que vous espériez de 3,2 % en valeur pour 2005, après 4, 8 % en 2004. Vous l'attribuiez à la mise en œuvre de la réforme de l'assurance maladie, qui devait permettre un net ralentissement des dépenses. Avant vous, le précédent ministre de la santé, M. Douste-Blazy, s'était réjoui que la réussite de la réforme de l'assurance maladie se manifeste par le fait que les objectifs de réduction du déficit allaient être atteints grâce à un infléchissement de l'augmentation des dépenses, notamment celles de médecine de ville et celles de médicaments.

J'ai mieux compris pourquoi vous étiez resté si modeste lorsque je vous avais demandé en commission la raison pour laquelle vous n'aviez pas envisagé l'évolution du budget social alors que vous donnez tant d'importance à celui de ces pauvres collectivités locales, en voyant hier le titre de La Tribune : « Les 8 milliards de déficit cachés de la sécurité sociale. » Il aurait sans doute fallu aller un peu plus loin que la simple citation de la décélération de l'élévation des dépenses d'assurance maladie ; il aurait fallu parler des recettes. S'agissant d'un déficit, il faut non seulement parler des dépenses, mais aussi de l'évolution des recettes. Ce n'est pas la discussion du projet de loi organique sur le financement de la sécurité sociale - qui va revenir en seconde lecture devant notre assemblée - qui permettra de replacer cette évolution dans le cadre de l'économie nationale et dans celui des prévisions pluriannuelles que vous aurez à présenter à la Commission européenne.

En effet, que peut-on dire de l'évolution et de l'état des finances sociales ? Toutes les branches sont désormais dans le rouge : la branche accidents du travail et maladies professionnelles est dans le rouge, même si on ne prend pas en compte l'impact croissant de l'indemnisation des victimes de l'amiante ; le FSV est aussi dans le rouge, plongeant la trésorerie de la Caisse nationale d'assurance vieillesse dans un déficit cumulé de 5 milliards d'euros à la fin de l'année ; le FIPSA, que vous avez mis en place et qui a démarré avec un passif de 3,2 milliards d'euros, sera aussi dans le rouge à hauteur de 1,5 milliard d'euros pour 2005. Le déficit de près de 1,9 milliard de la branche vieillesse montre bien l'insuffisance de la loi sur les retraites dont vous vous glorifiez bien qu'elle ne soit pas financée.

À cet égard, la facilité est bien entendu de renvoyer le déficit de la sécurité sociale sur la CADES, cet organisme dont les membres de la majorité avaient dénoncé à plusieurs reprises le caractère immoral, au cours de la discussion du projet de loi de réforme et lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005.

J'en profite pour vous exprimer mon insatisfaction concernant le contrôle parlementaire sur la CADES. Nous avons un conseil de surveillance où siègent, paraît-il, certains de nos collègues. Mais il ne se réunit pas. De surcroît, il est caduc et il faut renouveler sa composition. Je vous avais interrogé sur le fonctionnement de la CADES, notamment sur l'existence d'un compte ouvert auprès de la société Clearstream, sur la nature des opérations effectuées, leur montant, leur justification et sur la réalité de cette information selon laquelle la CADES possédait, sur la société Clearstream, un compte libellé « Trésor public CADES ». Dans votre réponse, publiée au Journal officiel du 31 mai, vous niez totalement l'existence de ce compte. Je me suis procuré, la semaine dernière, l'annuaire public de Clearstream, lequel fait apparaître l'existence d'un compte « Trésor public CADES », sous la dénomination SOI 55. je vais vous donner ce soir un exemplaire de cet extrait, qui montre que votre réponse est erronée. Il s'agit, de votre part, soit d'une méconnaissance du fonctionnement de la CADES, soit d'une volonté délibérée de cacher le fait que la CADES a un compte dans une chambre de compensation dont la réputation a par ailleurs été ternie par des opérations de fraude fiscale ou de blanchiment.

En conclusion, ce que je réclame ce soir, c'est que le contrôle parlementaire soit considéré à sa véritable valeur parce que si, à côté des discours, nous ne remplissons pas notre rôle de parlementaire en nous livrant au contrôle, qui est une partie importante de notre tâche, je ne vois pas pourquoi un débat d'orientation budgétaire du type de celui de ce soir aurait une quelconque valeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Chamard.

M. Jean-Yves Chamard. Mes chers collègues socialistes, en effet, la Cour des comptes démontre clairement qu'en 2004, les dépenses de l'État ont progressé plus vite que les prix. Néanmoins, si l'on compare votre gestion à la nôtre - en remontant jusqu'au gouvernement Rocard -, il ne fait aucun doute que notre maîtrise de la dépense publique, même si elle n'est pas encore suffisante, est bien supérieure. Les chiffres sont tout à fait clairs sur ce point, nous pourrons les comparer ensemble.

M. Didier Migaud. Les chiffres disent le contraire !

M. Jean-Yves Chamard. Dès lors, quand le parti socialiste - ne devrait-on pas dire plutôt « les partis socialistes », par les temps qui courent ? - nous donne des leçons de bonne gestion, nous invitant à mieux maîtriser la dépense publique, tout en s'opposant de toute ses forces à toutes nos propositions de réduction, c'est assez cocasse !

Monsieur le ministre, je ne crois pas que nous tiendrons l'objectif des 3 % en 2006 avec les mesures que vous nous proposez.

M. Didier Migaud. Faut pas rêver !

M. Jean-Yves Chamard. D'ailleurs la Cour des comptes le démontre clairement, et le rapporteur général, le président de la commission et Charles de Courson ont fourni des éléments d'explication. Partageant l'avis de Georges Tron, je vais citer un exemple qui concerne la réduction des effectifs de la fonction publique. Alors qu'un départ en retraite sur deux, ou sur trois, ne devait pas être remplacé, vous proposez que ce soit seulement un sur douze. Un sur douze ! « Où faut-il les prendre ? », se demandent certains.

Prenons un exemple dans le Saint des Saints, l'éducation nationale. La commission des finances, son président, son rapporteur général, moi-même en temps que rapporteur spécial de ce budget, trouvions désagréable d'entendre, à chaque rentrée, les parents d'élèves et les syndicats d'enseignants déplorer qu'il n'y ait pas de professeurs dans certaines classes. Comme la LOLF nous le permet, nous avons demandé un rapport à la Cour des comptes, car nous avions le sentiment que, symétriquement, il y avait des enseignants sans classe. J'ai ce rapport entre les mains, je vous le remettrai tout à l'heure, monsieur le ministre.

M. Didier Migaud. Il le connaît !

M. Jean-Yves Chamard. La Cour des comptes a évalué à plus de 72 000 le nombre des enseignants qui n'enseignent pas, dont 32 000 qui sont non seulement sans classe mais sans aucune activité pédagogique. Et il est fort probable que l'on puisse récupérer la moitié de ces derniers postes - 16 000 - en ne remplaçant pas certains départs à la retraite.

Voici les chiffres : 2 500 postes seraient en surnombre disciplinaire. Faute d'élèves en nombre suffisant dans certaines disciplines, comme l'allemand, il arrive que certains professeurs ne fassent, par exemple, que douze heures, lorsqu'ils en doivent quinze ou dix-huit ! Il s'agit, bien sûr, d'équivalents temps plein : non pas de gens qui ne travaillent pas du tout, mais qui travaillent à temps partiel en étant payés à temps plein.

Par ailleurs, 4 000 enseignants disposent de décharges non statutaires. Ce sont, pour l'essentiel des professeurs d'éducation physique et sportive qui, bien que ne fournissant pas de travail auprès de l'UNSS, travaillent deux heures de moins qu'ils ne le devraient. Il s'agit, là encore, bien entendu, de 4 000 équivalents temps plein.

Enfin, 9 500 remplaçants ne seraient occupés qu'à temps partiel.

Des mesures existent pour remédier à cette situation mais elles ne sont pas utilisées pour l'instant. D'abord, depuis les années cinquante, un décret permet de demander à un professeur qui n'accomplit pas un service complet dans sa discipline, d'enseigner dans une discipline voisine. J'attends que le Gouvernement applique cette mesure !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Moi aussi !

M. Jean-Yves Chamard. S'agissant des remplacements - 9 500 équivalents temps plein -, nous avons voté une loi qui prévoit, à partir de la rentrée prochaine, que ceux de moins de quinze jours seront assurés par des collègues. Le décret a failli ne pas être pris, il s'en est fallu de peu, monsieur le ministre ! Sous la pression des députés, il faut bien le dire,...

M. Michel Bouvard. Oui !

M. Jean-Yves Chamard. ...le Premier ministre a tranché, et heureusement, dans le bon sens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je vérifierai sur pièces et sur place que ce décret sera bien appliqué.

Ces 16 000 postes ne seront pas récupérés d'un coup, bien sûr, mais ce n'est qu'une petite part de l'effort. Si l'on considère le budget de l'enseignement scolaire - hors enseignement supérieur qui est, lui, mal doté -, au cours des dix dernières années, il a augmenté de 25 % en euros constants, tandis que les effectifs baissaient, dans le même temps, de 5 % et que le reste du budget de l'État ne croissait que de 7 %.

Nous sommes devenus les vice-champions du monde pour le coût de formation d'un élève du secondaire, alors que la performance scolaire reste dans la moyenne des pays développés.

Quand le Gouvernement se décidera-t-il à dire les choses ? En les taisant, on laisse croire - et certains syndicats et partis politiques dire - que nous ne considérerions pas l'éducation nationale comme une priorité. Mais il s'agit non pas de dépenser n'importe comment, mais de dépenser efficacement. Chaque fois que j'ai tenu ce langage, même à des syndicats qui ne nous sont pas favorables, ils ne m'ont pas reproché de dire n'importe quoi, car ils savent que c'est vrai. Nos collègues de l'opposition le savent aussi et, d'ailleurs, Claude Allègre le disait déjà !

Si ce gouvernement veut réellement, demain, maîtriser la dépense publique, dans ce domaine particulièrement délicat, comme dans tous les autres, qu'il dise clairement la vérité aux Français !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très bien !

M. Jean-Yves Chamard. Ils sont prêts à l'entendre et c'est la condition indispensable à une bonne gestion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Yves Deniaud.

M. Yves Deniaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les orientations budgétaires pour 2006, comme l'a fait observer fort justement M. Carrez, font l'objet d'une constance louable en matière de maîtrise des dépenses.

M. Jean-Claude Sandrier. Quel est le résultat ?

M. Yves Deniaud. Pour la quatrième année consécutive, les dépenses n'augmenteront que du seul montant de l'inflation.

M. Didier Migaud. Mensonges répétés ne font pas une vérité !

M. Yves Deniaud. Et en matière de mensonges répétés, vous êtes experts !

Il est essentiel que cette règle s'imprime bien dans les esprits, particulièrement dans les administrations, que l'on sache qu'elle est intangible et qu'il est inutile de tenter de la contourner ou de l'assouplir. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste.)

À ceux qui ratiocinent sur la précision des chiffres ou, tout simplement, sur l'efficacité de cette ligne de conduite, on peut répliquer fermement que, s'ils avaient eu la bonne inspiration de la mettre en pratique sous la législature précédente, non seulement nos déficits publics seraient en dessous des 3 % du PIB, mais nous serions dans la situation où l'on rembourse plus de capital qu'on n'en emprunte, ce qui est la seule façon de se créer des marges de manœuvre authentiques.

Soyez assuré, monsieur le ministre, de notre soutien le plus fervent pour maintenir ce cap.

M. Didier Migaud. Oui, persévérez dans l'aveuglement !

M. Yves Deniaud. La croissance semble moindre en 2005 qu'en 2004 ; sans doute marquerons-nous une pause dans la réduction du déficit. Dommage, car si ce rythme exceptionnel de 13 milliards d'euros de déficit en moins avait pu être tenu, en 2008, nous serions à l'équilibre pour la première fois depuis trente ans.

M. Didier Migaud. Avec des « si », on mettrait Paris en bouteille !

M. Yves Deniaud. Cela veut dire également que l'objectif du retour à l'équilibre n'est pas aussi inaccessible qu'on a bien voulu le dire, à condition d'être volontaire et rigoureux. Vous pouvez, monsieur le ministre, compter sur le Parlement pour être à vos côtés pour poursuivre cette maîtrise des dépenses. La LOLF nous donnant plus de latitude à cet égard, vous pouvez être sûr, comme l'ont dit Pierre Méhaignerie et Gilles Carrez, que nous exploiterons ces nouvelles opportunités pour aller dans ce sens.

Il ne nous a pas échappé, en particulier, que la quasi-totalité de l'augmentation des dépenses prévues - 4,9 milliards d'euros - et qui, encore une fois, ne saurait être dépassée, sera consommée par l'accroissement des charges de personnel, soit 4,6 milliards d'euros. Nous pensons qu'on peut, qu'on doit, après trois ans d'exercice, effectuer un effort plus vigoureux. Sinon, cela reviendrait à dire que le financement des mesures pour l'emploi - 4,5 milliards d'euros - serait prélevé, non pas sur la mobilisation intégrale des ressources nouvelles, mais en taillant dans les dépenses autres que celles de personnel. Nous éprouverions alors les plus grandes craintes, comme toujours, pour les investissements civils de l'État.

M. Jean-Claude Sandrier. C'est vrai !

M. Yves Deniaud. Le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, a affirmé fort justement que l'économie avait besoin d'un signal fort de redémarrage de l'investissement public, lequel, il est vrai, était descendu à un niveau indigne.

Dans votre présentation des orientations budgétaires, vous nous annoncez 1,5 milliard d'euros pour les infrastructures de transports ; vous avez parlé, ce soir, de 2 milliards et nous ne pouvons que saluer cette volonté de progrès.

M. Jean-Claude Sandrier. En vendant le patrimoine !

M. Yves Deniaud. J'ai noté ce que vous nous avez indiqué quant aux recettes. Comme Michel Bouvard et Hervé Mariton, je souhaiterais que vous nous donniez des garanties tant sur la hauteur des chiffres que sur la pérennité de l'effort. Je ne vous cache pas que nombre d'entre nous préféraient, en particulier, la première solution retenue pour le financement de l'AFIT, à savoir par les dividendes des sociétés d'autoroutes qui seraient restées majoritairement détenues par l'État.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Yves Deniaud. On nous annonce un choix différent pour alléger la dette de l'État. Nous pouvons, bien sûr, le comprendre ; mais alors, comment sera assuré, dans la durée, le financement de l'AFIT, qui n'a d'intérêt que si elle bénéficie de ressources dédiées et pérennes ?

Vous ne serez pas surpris que j'évoque, à mon tour, l'immobilier de l'État, sujet traité par la mission d'évaluation et de contrôle. C'est avec plaisir que nous notons la place que vous accordez à cette question dans les enjeux pour 2006, de même que votre mention de la politique d'accueil des demandeurs d'asile parmi les réformes à conduire. C'est justement demain que nous adopterons nos conclusions sur ces deux sujets ; nous espérons vivement qu'elles seront écoutées attentivement et que, de leur confrontation avec les travaux des administrations concernées - car elles ne coïncideront pas nécessairement, vous vous en doutez bien - naîtront des changements encore plus efficaces pour la bonne utilisation des fonds publics. Avec Georges Tron, je veux souligner combien les efforts sont nécessaires, en particulier dans ce domaine, pour assurer ne serait-ce qu'une gestion digne de la République.

Vous me pardonnerez d'avoir insisté sur ces deux sujets que je connais bien, mais ils illustrent bien ma conclusion.

Des efforts remarquables ont été accomplis par vos prédécesseurs ; vous les avez poursuivis. Après les grandes réformes que nous avons connues, l'amélioration des finances publiques et donc l'assainissement de l'économie viendront de l'accélération de la réforme de l'État.

Après trois ans d'un travail acharné mais obscur, il nous faut passer la vitesse supérieure, gagner spectaculairement en productivité, en efficacité, en prix de revient pour diminuer le poids de l'État, tout en en récompensant ses agents.

C'est notre volonté commune, monsieur le ministre, et, vous sachant à l'écoute - s'il en était besoin, la liberté d'échange de ce débat, qui constitue une grande amélioration, nous l'a confirmé -, nous n'hésiterons pas à vous faire passer sans détour nos messages en faveur d'un État plus sobre, moins coûteux, mais sûrement plus efficace et plus conforme aux vœux des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Monsieur le président, monsieur le ministre, le débat d'orientation budgétaire auquel nous sommes invités à participer s'inscrit dans une situation économique et sociale que notre pays n'avait jamais connue, qu'il s'agisse des comptes de l'État ou de ceux des collectivités territoriales ; en ce qui concerne ces dernières, Augustin Bonrepaux a souligné à juste titre que leur situation résulte du désengagement massif opéré par l'État. Tous les indicateurs sont au rouge, y compris ceux des comptes sociaux, de la sécurité sociale et de l'UNEDIC, et l'endettement et le déficit atteignent des niveaux record.

À qui la faute ? Certainement pas à la fatalité, encore moins à l'héritage, contrairement à ce que l'on entend souvent dire. Quatre ministres des finances issus de votre majorité viennent de se succéder, avec pour seul objectif la baisse des impôts et des cotisations sociales, dont vous semblez avoir fait l'alpha et l'oméga de votre politique.

Votre échec, monsieur le ministre, n'est pas économique et social, il est avant tout politique. Nous comprenons moins que jamais les orientations que vous avez présentées à la commission des finances la semaine dernière. Dans quelle direction voulez-vous conduire notre pays ? Avez-vous l'intention d'agir sur le front des finances publiques, sur celui des impôts ou sur celui de l'emploi ? Quelle est la priorité de votre gouvernement, si tant est qu'il en ait une ?

Hier, vous prôniez la baisse des impôts. Or les prélèvements obligatoires ont encore augmenté de 0,3 % cette année et, à 43,4 %, n'ont jamais été aussi élevés. Il y a quelques mois, le nouveau mot d'ordre était la libération de l'économie. Il fallait libérer les énergies, disiez-vous ; aujourd'hui, le nombre de défaillances d'entreprises est très élevé. Et, depuis le référendum, on voudrait nous refaire le coup de la fracture sociale, comme il y a dix ans.

Il est temps, monsieur le ministre, de regarder en face la réalité du chômage. Notre pays a plus que jamais besoin de croissance, donc d'une consommation forte. Cela passe par la relance du pouvoir d'achat, à laquelle nous sommes très attachés. Or les baisses d'impôts au profit des hauts revenus, que vous n'avez cessé de pratiquer ces dernières années, n'ont bénéficié qu'à une petite partie de la population et n'ont malheureusement pas été réinjectées dans notre économie. Le coût de ces mesures contre-productives pèse encore sur notre croissance. Plutôt que de vous enfermer dans cette logique dont on connaît les limites, vous feriez mieux de relever la prime pour l'emploi. Pouvez-nous nous expliquer comment vous prétendez diminuer les cotisations sociales de 2 milliards cette année, alors qu'il est prévu une hausse de 0,3 % des cotisations sociales, votée dans le cadre de la loi sur les retraites, ainsi qu'une hausse des cotisations UNEDIC qui doit intervenir en septembre, quand les accords entre le patronat et les organisations syndicales seront actés, et une hausse de certaines cotisations annexes, notamment celles des mutuelles ? L'annonce d'une baisse des cotisations sociales est fausse : en réalité, celles-ci ne diminueront pas sur les bulletins de salaire.

Je voudrais insister sur la situation de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, puisque je suis membre de son conseil de surveillance. Comme vous le savez, la mesure sur les carrières longues prise par votre gouvernement, mais non financée, pèse aujourd'hui très lourdement sur les comptes de l'assurance vieillesse. Pouvez-vous nous indiquer par quel moyen vous comptez financer le rééquilibrage financier de cet organisme ?

Par ailleurs, j'aimerais savoir si vous entendez recourir à nouveau à l'effet d'optique consistant à s'appuyer sur une soulte, comme vous l'avez déjà fait pour EDF-GDF ; en 2006, allez-vous intégrer la soulte de la RATP, de La Poste, de la SNCF, dans les comptes sociaux ?

Enfin, plusieurs ministères se trouvent actuellement dans une situation extrêmement difficile. En tant que rapporteur d'un budget spécial, celui du tourisme, je me dois d'attirer votre attention sur le fait que près de 19 millions d'euros engagés par les préfets n'ont pas été honorés, et que certaines entreprises privées attendent d'être payées depuis 28 mois. Est-ce là de la bonne gestion ? Je ne le crois pas.

N'ayez pas peur de la transparence, monsieur le ministre...

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Mais je n'ai pas peur !

M. Pascal Terrasse. ...et acceptez l'audit financier que nous vous proposons, sur la base duquel nous pourrons discuter des mesures à prendre. Pour l'instant nous avons le sentiment que votre budget n'est ni sincère, ni transparent. Ce n'est pas un budget de vérité et nous le regrettons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Hériaud, dernier orateur inscrit.

M. Pierre Hériaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où nous débattons des orientations budgétaires pour 2006, la situation est sombre. La croissance économique n'est pas au rendez-vous, l'emploi stagne, l'investissement des entreprises prépare insuffisamment l'avenir, même s'il a augmenté de 5 % en 2004, rattrapant tout juste le déficit des années 2002 et 2003. Par ailleurs, si le déficit budgétaire est difficilement contenu à 3 % du PIB, il sera encore de 51 milliards d'euros en 2006.

M. Jean-Claude Sandrier. Bref, ça ne va pas fort !

M. Pierre Hériaud. L'endettement s'accroît du fait de ce déficit...

M. Augustin Bonrepaux. Tout va mal !

M. Pierre Hériaud. ...et les prélèvements obligatoires sont passés de 683,3 milliards en 2003 à 715,8 milliards au 31 décembre 2004, ce qui représente une hausse de 4,76 %.

M. Jean-Claude Sandrier. Qu'est-ce que vous faites pour y remédier ?

M. Pierre Hériaud. Ce n'est ni par plaisir, ni par masochisme que j'énonce ces quelques rappels, mais parce que nous devons tous avoir conscience de ces handicaps lourds à surmonter si nous voulons que la France se redresse et regagne des places sur les marchés européens et mondiaux. Reconnaître la valeur de l'esprit entrepreneurial et soutenir les entreprises est le plus sûr moyen de résorber le chômage et de remettre la France au travail. C'est de cela que nous avons besoin pour créer des emplois durables.

Pour l'heure, il s'agit de repérer les éléments essentiels de l'année passée et les perspectives de l'année en cours, qui conditionneront le cadre général de l'année prochaine. 2004 a créé une bonne surprise : le déficit n'a été que de 44 milliards d'euros au lieu des 55 prévus. Toutefois, il convient de relativiser, car si la dépense a été contenue et même légèrement améliorée de 1,3 milliard d'euros, c'est au niveau des recettes - notamment grâce à l'impôt sur les sociétés - qu'un surplus de 9,9 milliards d'euros a été enregistré. À ce rythme, il faudrait quatre années consécutives pour que le déficit soit réduit à néant en 2008.

Pour que cela ne reste pas un rêve, il faut d'abord s'attaquer à la maîtrise de la dépense,...

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Pierre Hériaud. ...qui devrait être bloquée à 0 % de croissance en valeur et non seulement en volume, ce qui entraînerait une réduction de la dépense de l'ordre de 5 à 6 milliards. Si la croissance pouvait apporter 5 ou 6 milliards de recettes supplémentaires, nous aurions les deux éléments clés de la réduction du déficit.

Mais gardons-nous des vents contraires ! Ainsi, les dépenses continuent d'augmenter et les niches, exonérations et dégrèvements diminuent considérablement les recettes. À ce propos, dans la présentation habituelle du projet de loi de finances, le titre IV du budget, relatif aux interventions publiques, représente encore 75 milliards d'euros. Il faut avoir le courage d'envisager un programme pluriannuel de décroissance dans ce domaine,...

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Tout à fait !

M. Pierre Hériaud. ...le seul où les charges sont immédiatement compressibles.

L'année 2006 va connaître une présentation budgétaire nouvelle avec l'application de la LOLF. Ce qui va constituer une petite révolution culturelle pour les ministères était devenu indispensable. Nous modifierons également la manière de voter les amendements.

En application des articles 48 et 58-3° de la loi organique relative aux lois de finances, la Cour des comptes a présenté le rapport préliminaire sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2004 et formulé des remarques importantes. Les résultats des administrations montrent des soldes préoccupants et l'excédent des organismes d'administration centrale ne doit pas faire illusion car il résulte des transferts de l'État ; quant aux soldes des APUL et des ASSO, ils se dégradent également.

L'analyse des résultats comparés de nos finances publiques et de celles de nos voisins montre que notre déficit public est parmi les plus élevés et que nous connaissons un déficit primaire persistant. Ceci provient de la pesanteur des dépenses, qui ne cessent de croître à un taux supérieur à celui des recettes - de 10,6 % contre 6,7 % en 2004 - et de la multiplication des mesures fiscales dérogatoires.

Quelles sont les perspectives d'action ? La Cour souligne les deux points nécessaires à un assainissement budgétaire : d'une part, des dépenses en moins, ce qui implique de mener une réflexion sur les interventions de l'État dans le cadre du titre IV, qui représentent 27 à 28 % du budget de l'État avec 78 milliards d'euros, dont plus de 17 milliards pour la compensation des charges sociales - ce poste ayant augmenté de plus de 40 % de 2001 à 2004 ; d'autre part des recettes en plus, en limitant les dépenses fiscales dérogatoires qui représentent 20 % du budget de l'État soit plus de 60 milliards d'euros et constituent un important gisement d'économies.

M. Didier Migaud. C'est excessif !

M. Pierre Hériaud. En conclusion, la Cour reprend ce que nous sommes un certain nombre à répéter depuis plusieurs années dans cet hémicycle, sans trop de succès d'ailleurs.

M. Michel Bouvard. Cela va venir !

M. Pierre Hériaud. N'oublions pas de surcroît qu'au niveau d'endettement auquel nous sommes parvenus, 50 points de base sur la moyenne des taux de refinancement représentent plus de 5 milliards d'euros et que cette éventualité n'est pas à exclure.

Monsieur le ministre, nous savons que vous partagez cette analyse de la situation et nous vous soutenons. Mais il faut dire et redire clairement au pays que la situation est préoccupante et appelle des efforts de tous, à commencer par l'État. C'est la seule condition du succès. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Malgré l'heure tardive, je vais répondre aux différents orateurs. Mais, vous le comprendrez, je serai relativement bref et je ne m'adresserai qu'à ceux qui sont encore présents dans l'hémicycle. Je répondrai par écrit aux autres.

Monsieur le président de la commission des finances, puisque vous avez utilisé l'image du verre à moitié vide et du verre à moitié plein, je la reprendrai et je parlerai d'un verre à moitié plein, notamment pour décrire la situation des finances locales. Penser qu'il s'agit dans mon esprit de remettre en cause la libre autonomie des collectivités locales, constituerait un grave contresens. Comment l'élu local que je suis pourrait-il avoir de telles pensées ? Toutefois, je ne trouve pas scandaleux d'évoquer cette question, car il n'y a pas de raison que les collectivités bien gérées paient pour les autres.

Quant à la réforme de l'État, je suis parfaitement d'accord avec vous, en particulier sur l'idée du questionnement à la canadienne. Cette dépense est-elle utile ? Peut-elle être réalisée de manière moins coûteuse ? C'est l'un des grands enjeux de la réforme de l'État.

Monsieur le rapporteur général, je rejoins totalement vos analyses. C'est vrai que nous devons maîtriser les dépenses publiques, malgré l'héritage qui nous a été laissé.

Monsieur Sandrier, nous n'avons guère de points communs, en dehors de l'instrument de musique dont nous jouons.

M. Jean-Claude Sandrier. Cela peut servir !

M. Michel Bouvard. Mais vous n'avez pas la même partition !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Le problème doit venir en effet de la partition. (Sourires.) En tout état de cause, nous ne nous comprenons pas du tout. Nous avons la conviction, quant à nous, que c'est la valeur du travail qu'il faut promouvoir, et non l'assistance. Nous voulons récompenser la création de richesses et non pas la stigmatiser. Les anciens pays communistes de l'Est prônent encore plus que nous ces valeurs, aujourd'hui. Cela illustre bien la nécessité de revenir à ces valeurs simples et essentielles.

Monsieur Migaud, il n'est ni pertinent ni aimable de parler de contournement et de manœuvres à propos des comptes publics.

M. Didier Migaud. Et pourtant !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Quel gouvernement a dissimulé 7 milliards de plus-values de recettes fiscales aux Français ? Celui que vous souteniez en 1999, non ?

M. Didier Migaud. Nous n'avons rien dissimulé !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. C'était la fameuse cagnotte.

M. Pascal Terrasse. Il vaut mieux que ce soit dans ce sens que dans l'autre !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Grâce à M. Terrasse, nous venons de progresser ! Vous admettez donc l'existence de la cagnotte qui n'a été affectée que pour une toute petite part au désendettement. Le reste a servi à financer des dépenses publiques.

Quel gouvernement, monsieur Migaud, a annoncé en toute transparence, pour les affecter totalement à la réduction du déficit, les plus-values de recettes ? Le nôtre ! Et la réduction a été historique. Quel gouvernement parvient à maîtriser dans la durée la dépense de l'État ? Le nôtre.

M. Didier Migaud. Non !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Comparons le gouvernement Jospin et le nôtre : plus 0,6 % par an en moyenne contre 0. Je pourrais donner d'autres exemples pour répondre au défi que vous m'avez lancé de trouver de meilleurs indicateurs. En voilà un avec la création d'entreprises : les scores réalisés depuis 2002 sont considérables alors qu'ils étaient très faibles avec vous.

M. Pascal Terrasse. Parlez-nous aussi des faillites !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Même dans le domaine du logement social notre gouvernement fait mieux que le vôtre : plus 40 000 par an sous Jospin contre plus 80 000 par an aujourd'hui.

M. Augustin Bonrepaux. En somme, tout va bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. En tout cas, j'ai relevé le défi et je n'ai pas le sentiment d'être en reste.

M. Didier Migaud. Et le chômage ? Et le déficit public ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Je constate que M. Brard est parti. Certes, il nous a donné moult leçons de français. Mais il a manqué de résistance physique.

M. Didier Migaud. Il n'est pas le seul !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. C'est vrai. Les autres, cependant, ne nous ont pas donné de leçons ! En outre, il a fustigé le ministre de l'économie de façon assez brutale.

Monsieur Bouvard, merci pour vos encouragements à propos de la mise en œuvre de la LOLF, dans laquelle vous avez joué un rôle éminent. C'est une entreprise que nous ne pourrons réussir que collectivement. Et je sais votre attention vigilante en la matière. Je partage votre souci d'un meilleur pilotage des emplois publics - ceux de l'État et ceux des opérateurs. L'exercice est difficile mais nous nous emploierons à agir en ce sens. S'agissant de cette notion d'emploi, je rappelle que les concepteurs de la LOLF ont, pour la première fois, parlé de plafond d'emploi. Autrement dit, il est loisible à chaque ministre, qui devient ainsi son propre ministre des finances, de se situer sous le plafond. À certains égards, il est même intéressé au résultat par le principe de la fongibilité asymétrique. Il reste à présent à faire un peu de pédagogie en la matière.

Monsieur Bonrepaux, nous n'avons pas les mêmes idées sur les collectivités locales. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que nous nous opposons.

M. Augustin Bonrepaux. Je ne désespère pas de vous convaincre !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Nous le faisons toujours avec une certaine courtoisie même si, de temps à autre, enflammés l'un et l'autre, il nous arrive d'aller très loin. Cependant, au moins à propos du RMI, je fais un rêve : celui de vous voir reconnaître les mérites du Gouvernement qui, dans sa grande mansuétude, a débloqué 450 millions d'euros non prévus par la loi - cette somme n'a donc pas vocation à être reconduite à l'infini -, à seule fin de rassurer vos amis sur ce sujet.

M. Augustin Bonrepaux. C'est donc que la loi n'était pas bonne !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Elle était pourtant calquée sur la loi Defferre du début des années 80, sous le gouvernement Mauroy. Moi, je pense beaucoup de bien de M. Mauroy, qui a fait un très bon rapport en 2000 sur la décentralisation. Nous l'avons d'ailleurs quasiment appliqué à la lettre et je regrette qu'on ne le reconnaisse pas assez sur vos bancs, monsieur Bonrepaux.

Monsieur Chamard, vous avez utilisé votre enthousiasme et votre talent rhétorique pour nous expliquer que tout ce que nous faisions n'était pas toujours très bien. Que vous dire ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Qu'il a raison !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. J'aurais aimé que vous reconnaissiez avec plus de force que nous appliquons les dispositions que vous avez votées et que les engagements que nous avons pris seront tenus, notamment pour ce qui est de l'éducation nationale. Attendez au moins la rentrée scolaire avant d'en douter ! Laissez-nous ce dernier sursis avant de laisser tomber le couperet de votre guillotine ! J'ai bien entendu votre condamnation morale. Mais, dans la vie, il y a ceux qui donnent les conseils et ceux qui essaient de faire le boulot.

M. Jean-Yves Chamard. C'est vrai !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Vous ne l'avez pas dit à la tribune, je ne vous demande pas cette indulgence maintenant.

M. Jean-Yves Chamard. Vous l'avez !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. C'est trop tard. En tout état de cause, il faut être objectif. Nous avons réduit les effectifs au sein de l'éducation nationale parce qu'il y a moins d'élèves. La réduction est ainsi de 2 500 postes dans le secondaire. En fait, nous avons pris les mêmes décisions que l'année dernière, mais afin d'appliquer la loi sur l'école à laquelle vous tenez tant, nous avons procédé à quelques redéploiements. Fallait-il aller au-delà ? Le sujet est vaste. Ne perdons pas de vue, cependant, que réduire pour réduire peut poser de réels problèmes.

En revanche, nous devons mener une réflexion globale sur le fonctionnement de l'État et proposer de vraies économies structurelles. Des postes doivent être supprimés, d'autres créés. Il importe de s'inscrire dans la durée et la transparence. C'est sur cinq, six ou dix ans qu'il faut faire nos projections en matière de politique de la fonction publique. Il faut mener une démarche globale de restructuration et de modernisation. Peut-être pourrez-vous nous aider dans ce travail, avec toute la modération et la sagesse dont vous savez souvent faire preuve.

M. Jean-Yves Chamard. Lisez le rapport de la Cour des comptes !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Il m'arrive de le lire. Mais comme je l'ai déjà dit, il y a, d'un côté, ceux qui commentent et, de l'autre, ceux qui assument. Je persiste précisément à penser que nous ne pouvons pas attaquer sur tous les fronts à la fois. J'ai quelque expérience en la matière : cela fait trois ans que je suis porte-parole du Gouvernement. Lorsque la majorité - quelle qu'elle soit - crie à l'audace et au courage, tout le monde est d'accord. Mais l'application de la mesure peut entraîner des manifestations. Ce n'est que lorsque le temps a passé qu'on reconnaît que l'action du Gouvernement n'était pas si mauvaise, finalement, en ne manquant pas, cependant, de lui reprocher de mal communiquer. Eh bien, ce n'est pas facile de bien communiquer sur les réformes de structures ! Et les conseilleurs ne sont pas toujours pas au premier rang du combat.

Monsieur Chamard, je ne m'adresse pas à vous en particulier. Votre intervention m'a simplement permis de faire cette réflexion philosophique générale que je mettrai sur le compte de l'heure tardive mais pas de la fatigue. Je suis, en effet, dans une forme olympique à quelques heures d'une décision historique. Touchons du bois...

Monsieur Deniaud, je partage votre souci de préserver l'investissement public et vos préoccupations en matière d'immobilier et sur l'AFITF. Je veux redire ici que le dispositif de financement que je propose est excellent. Il a le mérite, en effet, d'allier des dotations budgétaires, des dotations en capital et une affectation de recettes. Il y a là de quoi lancer le processus. Une fois que nous aurons donné sa chance au produit, nous veillerons à ce qu'il se puisse se développer au service de l'avenir de notre pays.

Monsieur Terrasse, vos arguments sur les baisses d'impôts ne m'ont pas totalement convaincu. Certes, il est de bon de les fustiger. Mais ces baisses ont participé à la revalorisation du travail puisque n'en ont bénéficié que ceux qui travaillent. Elles ont également largement contribué à soutenir le pouvoir d'achat en France. Et elles ont été réinjectées dans l'économie.

M. Didier Migaud. Non !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. C'est à l'évidence une des explications du maintien du pouvoir d'achat.

Enfin, monsieur Hériaud, que j'ai écouté avec beaucoup d'attention et de plaisir, je veux simplement vous dire qu'à cette heure tardive je fais un rêve, un de plus : nous avons, depuis trois ans, atteint le « zéro volume ». Peut-être, dans le prochain budget ou le suivant, réussirons-nous à atteindre le « zéro valeur », c'est-à-dire l'amorce d'une baisse de la dépense publique. Cela montrerait aux Français que l'on peut avoir un meilleur service public au même prix, ou un service public identique, mais moins cher. Ce serait la démonstration que les valeurs qui sont les nôtres et que la politique que nous menons vont dans le sens de la vertu et de l'investissement pour l'avenir de nos enfants. Et finalement, c'est pour cela que nous travaillons jusqu'à une heure si tardive... (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Le débat d'orientation budgétaire pour 2006 est clos.

    2

DÉPÔT DU RAPPORT
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

M. le président. J'ai reçu, le mardi 5 juillet 2005, de M. Augustin Bonrepaux, président de la commission d'enquête sur l'évolution de la fiscalité locale, le rapport fait au nom de cette commission par M. Hervé Mariton.

Ce rapport sera imprimé sous le n° 2436 et distribué, sauf si l'Assemblée, constituée en comité secret, décide, par un vote spécial, de ne pas autoriser la publication de tout ou partie du rapport.

La demande de constitution de l'Assemblée en comité secret doit parvenir à la présidence dans un délai de cinq jours francs à compter de la publication du présent dépôt au Journal officiel de demain, soit avant le mardi 12 juillet 2005.

    3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Aujourd'hui, à neuf heures quarante-cinq, première séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, après déclaration d'urgence, n° 2381, en faveur des petites et moyennes entreprises :

Rapport, n° 2429, de MM. Serge Poignant et Luc-Marie Chatel, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire ;

Avis, n° 2422, de Mme Arlette Grosskost, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République ;

Avis, n° 2431, de M. Hervé Novelli, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 6 juillet 2005, à deux heures.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot