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Première séance du vendredi 19 novembre 2004

64e séance de la session ordinaire 2004-2005


PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

    1

LOI DE FINANCES POUR 2005

DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 (nos 1800, 1863).

Avant d'aborder les explications de vote et le vote sur les crédits de la communication, de la ville, des petites et moyennes entreprises, de l'aménagement du territoire, de la jeunesse et des sports, et de la justice, je rappelle que, conformément à la décision de la conférence des présidents, les discussions de ces six budgets ont eu lieu, à titre principal, en commission des finances élargie.

Les travaux de la commission seront annexés au compte rendu de la présente séance.

Ces six budgets vont donc faire l'objet, en séance publique, d'un débat restreint auquel prendront part le Gouvernement, pour une brève intervention, et un orateur par groupe, pour une explication de vote de cinq minutes, avant le vote sur les crédits et les articles rattachés.

COMMUNICATION

M. le président. Nous abordons les crédits du ministère de la culture et de la communication, concernant la communication.

La parole est à M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. J'interviendrai après les explications de vote.

M. le président. Nous en venons donc aux explications de vote.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire, mes chers collègues, la procédure que nous allons suivre est un peu particulière, puisque les explications de vote doivent intervenir avant l'examen des amendements.

M. Frédéric Dutoit. Très juste !

M. Pierre-Christophe Baguet. Or, étant donné que je défends plusieurs amendements qui, bien que votés par la commission des finances, de l'économie générale et du Plan et par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, semblent poser problème, je ne sais quelle position prendre publiquement. Mon intervention ne vaut donc que sous condition de leur adoption.

Par ailleurs, je me réjouis de votre présence, monsieur le secrétaire d'État, à cet examen du budget de la culture et de la communication.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. C'est réciproque ! (Sourires.)

M. Pierre-Christophe Baguet. Voilà longtemps, en effet, que je demande que le débat sur des sujets aussi importants puisse réunir le rapporteur de la commission des finances, celui de la commission des affaires culturelles, ainsi que le représentant du ministère des finances et celui du ministère de la culture.

En effet, il n'y a pas, d'un côté, les députés économes de la commission des finances, qui défendraient les intérêts généraux des Français, et, de l'autre, les députés dépensiers de la commission des affaires culturelles, qui vivraient comme des paniers percés dans un monde surréaliste sans relation aucune avec celui des finances.

M. Dominique Richard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Très juste !

M. Pierre-Christophe Baguet. Certes, nous progressons, puisque nous avons eu, dans un premier temps, le ministre de la culture et que le représentant de Bercy est présent aujourd'hui. Mais l'idéal serait que nous puissions débattre en même temps avec l'un et l'autre. Ce sera peut-être pour une prochaine fois - du moins, je le souhaite.

Je profite de votre présence, monsieur le secrétaire d'État, pour insister sur un point : il faut vraiment que le Gouvernement respecte les contrats d'objectifs et de moyens lorsqu'ils sont validés par le Parlement et signés par l'État. On s'aperçoit en effet que des secteurs aussi importants que l'Agence France-Presse, ARTE et France Télévisions manquent de moyens pour l'année 2005. Nous assistons, avec ce budget, à la première entorse aux remboursements à l'euro près des exonérations par la redevance, ce qui ne va pas sans m'inquiéter.

Je voudrais également lancer un cri d'alarme en faveur de la presse. Voilà plusieurs années que nous intervenons sur ce sujet. J'ai d'ailleurs demandé de véritables états généraux de la presse. Celle-ci mérite en effet d'être soutenue.

Dans le cadre de ses rapports avec La Poste, la presse continue ses efforts, avec une augmentation significative de 10 % de sa contribution pour les quatre prochaines années. La Poste doit poursuivre les siens en matière de productivité. Mais l'État doit garantir le succès de cet accord par un soutien clair en ce qui concerne tant la durée que le volume financier de ses aides.

J'ai déposé un amendement au sujet du fonds de modernisation de la presse, dont il faudrait revoir, sinon le périmètre, du moins l'utilisation. L'AFP pourrait en bénéficier de manière plus large et l'on pourrait aussi améliorer les conséquences de son éligibilité au fonds, notamment en ce qui concerne le portage de certains journaux politiques d'information générale qui n'ont pas accès aux aides au portage.

Je défendrai également un amendement proposant l'augmentation du fonds de soutien à l'expression radiophonique, notamment en faveur des radios associatives qui sont, depuis la disparition des emplois jeunes, des contrats aidés, des CES et des CEC, dans une situation difficile.

Enfin, j'avais déposé, en le gageant mal, un amendement en faveur des kiosquiers. Je regrette qu'il ne soit pas présenté ce matin dans le cadre du budget de la communication. Il le sera cet après-midi dans le cadre des articles non rattachés. J'espère qu'il sera voté. Ce serait un geste important en faveur des points de presse et le ministre de la culture y est lui-même très attaché.

À ces réserves près, qui peuvent paraître nombreuses, le groupe UDF votera - le fait est assez rare pour être souligné (Sourires) - le budget de la communication. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Dominique Richard, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Frédéric Dutoit. Monsieur le secrétaire d'État, outre le fait que je partage l'avis de notre collègue Pierre-Christophe Baguet sur l'organisation de nos débats, je voudrais insister sur le fait que, avec une augmentation de 2,6 %, le budget de l'audiovisuel public pour 2005 ne tient pas ses promesses.

Depuis quelques années, le service public prouve pourtant, par sa programmation, qu'il justifie sa mission spécifique, dans un monde où règne la loi destructrice de la rentabilité financière.

En ce sens, le financement public de l'audiovisuel devient un choix de société. Conforter la spécificité du secteur public de l'audiovisuel ou relancer la production audiovisuelle et cinématographique française, c'est agir concrètement pour que l'exception culturelle de notre pays soit le fer de lance du combat pour dégager les œuvres de l'esprit et de la communication des lois du marché.

Je ne veux pas faire de procès d'intentions, mais l'intégration de la redevance à la taxe d'habitation pourra-t-elle garantir sa pérennité ? Le seul point positif de cette réforme est l'exonération des RMIstes.

Le Gouvernement prévoit de nouvelles exonérations qui ne seront pas compensées par le budget de l'État. Je n'insiste pas sur votre choix d'exonérer les résidences secondaires, jusqu'à présent soumises à la taxe. Il est éclairant en ce qui concerne vos orientations politiques. Autant de points qui m'inquiètent.

Avec cette mesure, vous avez trouvé le moyen de permettre d'économiser du personnel, mais sans garantir que la redevance audiovisuelle sera maintenue. Qui nous dit que, dans l'avenir, elle ne subira pas le même sort que la vignette automobile, initialement prévue pour financer l'action en faveur des personnes âgées ?

La redevance est pourtant actuellement le seul moyen de préserver l'indépendance de l'audiovisuel public. Certes, dans l'état actuel, son produit reste consacré à un budget spécial, dédié à l'audiovisuel. Mais il risque d'y avoir une confusion pour les contribuables.

Dans l'esprit de votre décentralisation, cette mesure peut préluder à une casse de l'audiovisuel public, l'État finançant de moins en moins le service public de l'audiovisuel et laissant aux collectivités territoriales le soin de s'y engager si elles le souhaitent.

J'ose espérer que ce n'est pas cette orientation que vous avez choisie en abondant les fonds investis par les collectivités dans la production audiovisuelle à hauteur d'un euro prélevé sur le compte de soutien du CNC pour deux euros investis par la collectivité.

Un autre sujet d'inquiétude est l'impasse dans laquelle se trouve la chaîne d'information internationale. L'absence de ligne budgétaire et l'éventualité d'une loi de finances rectificative laissent craindre ce que nous avions déjà dénoncé l'an passé. Cette chaîne est-elle définitivement enterrée ?

De même, la TNT doit être proposée aux Français le plus vite possible. Les questions techniques ne doivent pas servir d'alibi à des retards supplémentaires. Chacun sait qu'une offre gratuite sera le facteur essentiel de son succès.

Pourquoi ne pas offrir les décodeurs comme, en leurs temps, les minitels ? Il est vrai que c'était un temps où le service public avait pour vocation la satisfaction des besoins modernes de communication et où il portait l'innovation pour tous.

Nous saluons l'effort significatif accordé à la presse écrite, dont le budget, en hausse de 140 %, va assurément dans le bon sens. Mais attention que « l'adaptation » de la presse écrite aux nouveaux comportements des lecteurs ne se traduise pas par une disparition de la presse d'opinion et de réflexion !

M. Dominique Richard, rapporteur pour avis. C'est un vrai problème.

M. Frédéric Dutoit. La simple application des lois du marché ne pourra pas contribuer à la liberté de la presse. Bien au contraire, elle risque d'accélérer un mouvement inexorable vers l'uniformisation de la pensée. Préservons l'offre pluraliste et démocratique, qui subsiste un peu dans notre pays, pour garantir à la demande la possibilité d'un choix !

La concentration des principaux médias - presse, maisons d'édition, distribution et diffusion, chaînes de télévision, radios - aux mains d'un petit nombre de groupes industriels est dangereuse pour les libertés publiques. Un rassemblement vient d'ailleurs d'avoir lieu à ce sujet devant le ministère de la culture et de la communication, et nous ne pouvons que nous en réjouir.

Nous défendons toutes les formes de pluralisme des médias. À cet égard, les radios associatives françaises constituent en Europe l'exemple unique d'un média de communication indépendant. Le fonds de soutien à l'expression radiophonique garantit la survie et le développement du secteur associatif des radios. Pourtant, la nomination de leurs représentants au sein de la commission du fonds, qui ne tient pas compte de la représentativité des fédérations, a fait l'objet de contestations.

Vous l'aurez compris, monsieur le secrétaire d'État, au regard de toutes ces incertitudes et de ces menaces, nous voterons contre ce budget.

M. le président. La parole est à M. Dominique Richard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.


M. Dominique Richard
. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en l'absence de M. Hamelin, je souhaiterais dire quelques mots au nom du groupe UMP, lequel est particulièrement satisfait du budget proposé pour 2005.

L'heure n'est plus au débat sur les recettes de l'audiovisuel public, mais l'on ne peut que se réjouir de la qualité de la transformation du mode de collecte de la redevance, qui suit les préconisations du rapport de M. Martin-Lalande. En effet, cette réforme pérennisera la recette et permettra de renforcer le rôle du Parlement qui votera, chaque année, son taux et son assiette.

Par ailleurs, ce budget est caractérisé par quelques avancées notoires.

La création du fonds de modernisation sociale, qui résulte d'un remarquable travail de concertation, est un signal de confiance envoyé à la presse écrite française et plus particulièrement à la presse quotidienne nationale, dont nous connaissons les difficultés actuelles.

En ce qui concerne l'audiovisuel, le budget pour 2005 comporte trois avancées majeures. Le fonds de régionalisation, qui a remporté un grand succès en 2004 pour le cinéma, sera étendu en 2005 à la création audiovisuelle, tout comme le crédit d'impôt, qui est certainement le meilleur moyen de combattre le phénomène des délocalisations dont nous avons constaté l'amplification ces dernières années. Enfin, et cela n'a peut-être pas été suffisamment souligné par les observateurs, la création d'un fonds de soutien à l'innovation audiovisuelle, qui répond à une préoccupation ancienne de la profession, permettra d'encourager la prise de risque et d'aider des œuvres de qualité.

Non seulement ce budget est conséquent, mais il s'attaque à des questions de fond. Le groupe UMP le votera donc avec enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus, pour le groupe socialiste.

M. Didier Mathus. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux insister à mon tour sur l'aspect ubuesque de cette procédure qui ne fait pas gagner de temps et escamote les débats. Or, au bout du compte, à travers la communication, c'est la démocratie qui est en cause.

Ce budget s'inscrit dans la continuité de l'action que le Gouvernement mène depuis un peu plus de deux ans, action qui consiste essentiellement à affaiblir la télévision publique : interdiction faite à France Télévisions de développer une chaîne « tout info », suppression de la dotation en capital de 152 millions d'euros destinée au passage au numérique et corbeille de cadeaux aux groupes privés de télévision dans la loi sur la communication électronique.

Nous ne désapprouvons pas la réforme de la redevance, mais l'exonération des résidences secondaires est un cadeau aux foyers les plus aisés. Cette mesure, qui n'a aucune légitimité, privera l'audiovisuel public de 80 millions d'euros de recettes. Il s'agit donc d'une mauvaise mesure.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Vous, vous n'avez pris aucune mesure !

M. Didier Mathus. Quant à savoir si ce budget progresse ou non, nous avons assisté à la partie de bonneteau habituelle, qui consiste à confondre les ressources publiques et les ressources globales attribuées à l'audiovisuel. Il faut donc rétablir la réalité des chiffres. La croissance de la ressource publique, c'est-à-dire de la part budgétaire hors publicité, est de 0,71 %. L'État diminue donc son effort en direction de l'audiovisuel public. Par contre, il demande à la publicité un financement plus important. Ainsi, l'accroissement des ressources de ce secteur est fondé, pour l'essentiel, sur celui des recettes de publicité. Alors que la loi Trautmann tentait de ramener la part de la publicité dans le financement de l'audiovisuel public à de plus justes proportions, conformément à un souhait unanime de notre assemblée, on va dans le sens inverse, en soumettant un peu plus les chaînes de télévision publiques aux diktats de l'audience, donc de la recette publicitaire.

Par ailleurs, le passage au numérique de ARTE et France 5 conduira ces deux chaînes à doubler leur temps d'émission, sans qu'aucun financement ne soit prévu en conséquence.

S'agissant de la TNT, j'observe que la décision du Gouvernement, qui a été présentée dans les médias par le ministre de la culture comme une décision positive et un gage d'indépendance à l'égard du groupe Bouygues, n'en est pas une. En effet, en choisissant la norme MPEG-2 pour la télévision gratuite sans rien décider pour les chaînes payantes, c'est rester au milieu du gué. On pourrait même considérer que c'est une bonne façon de torpiller la télévision numérique terrestre, car il faudra être bien courageux pour acheter, au mois d'avril, un décodeur en MPEG-2 sans savoir si, six mois plus tard, le MPEG-4 sera imposé pour les chaînes payantes. Une telle incohérence s'explique par la volonté manifeste de ne pas trop peiner le groupe Bouygues dont on sait l'hostilité récurrente au numérique, qui l'obligerait à partager le gâteau des recettes publicitaires.

Et pour la chaîne d'information internationale, cette Arlésienne du PAF, dont on parle beaucoup depuis deux ans, pas un centime n'est inscrit au budget, alors que l'on estime à 70 millions d'euros la somme nécessaire à son lancement. Là encore, c'est un manquement aux engagements pris mais, dans cette affaire, nous sommes habitués à ce que le Parlement soit traité avec légèreté - c'est le moins que l'on puisse dire.

Quels que soient les efforts budgétaires consentis en sa faveur, la presse écrite vit une situation dramatique : nous constatons tous les jours les difficultés auxquelles est confrontée la presse d'information générale quotidienne, nationale en particulier. Comme Frédéric Dutoit, je pense qu'il est temps d'organiser des états généraux de l'écrit, car on ne peut pas se contenter de se lamenter.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Nous avons fait mieux que cela !

M. Didier Mathus. Il faut s'intéresser à la structuration profonde de la presse écrite française.

En ce qui concerne les radios, rien ne nous permet d'être optimistes, bien au contraire, puisque la fin programmée des vraies radios locales et associatives est entérinée. Depuis la loi sur la communication électronique, on est engagé dans un formatage définitif de la bande FM, et nous le regrettons, car celle-ci était un espace de diversité et de liberté. Il y est mis fin dans la discrétion. Notre pays a-t-il pour le jacobinisme et la centralisation un goût à ce point prononcé qu'il se méfie de toute diversité ?

Au fond, ce projet de budget ne répond pas à la question centrale que pose à notre démocratie une concentration sans précédent dans les médias, les groupes Lagardère, Bouygues, Dassault et Wendel-Seillière - auxquels il convient d'ajouter le groupe Bertelsmann, le seul groupe de communication authentique, mais il est allemand - contrôlant à eux seuls la quasi totalité des moyens de communication de notre pays. Or il s'agit d'un enjeu vital, car le pluralisme est précieux pour la démocratie. Nous voterons donc contre ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

CULTURE ET COMMUNICATION

M. le président. J'appelle les crédits inscrits à la ligne : « Culture et communication ».

Je mets aux voix les crédits inscrits au titre III de l'état B.

(Les crédits inscrits au titre III de l'état B sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix la réduction de crédits inscrite au titre IV de l'état B.

(La réduction de crédits inscrite au titre IV de l'état B est adoptée.)

M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre V de l'état C.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre V de l'état C sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre VI de l'état C.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre VI de l'état C sont adoptés.)

Article 62

M. le président. J'appelle maintenant l'article 62 rattaché à ce budget.

Je mets aux voix l'article 62.

(L'article 62 est adopté.)

Après l'article 73

M. le président. En accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 73.

Je suis saisi d'un amendement n° 124.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour le présenter.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Cet amendement, que j'ai présenté avec Dominique Richard et qui a été adopté par la commission des finances, a pour objet d'homogénéiser les charges qui pèsent respectivement sur les messages publicitaires et sur le parrainage. Il s'agit en effet de deux formes très voisines d'action publicitaire. Or, elles ont été jusqu'à présent traitées différemment, notamment en ce qui concerne leur participation aux comptes de soutien financier des industries cinématographique et audiovisuelle.

L'amendement n° 124 prévoit que cette disposition entrera en vigueur au 1er janvier 2006, afin de permettre aux sociétés concernées de se réorganiser au cours de l'année 2005.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je veux tout d'abord excuser l'absence de Renaud Donnedieu de Vabres, qui accompagne le Premier ministre au Mexique.

Le Gouvernement n'est pas favorable à votre amendement, monsieur le rapporteur spécial, qui ne nous paraît pas indispensable. En effet, inclure dans l'assiette du compte de soutien financier de l'industrie cinématographique et de l'industrie audiovisuelle - COSIP - les recettes de parrainage aurait pour conséquence de ponctionner les recettes de télévision. Toutefois, lorsque l'amendement sur les SMS viendra en discussion, le Gouvernement s'en remettra à la sagesse de l'Assemblée. Nous avons donc une position équilibrée par rapport à ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Après avoir écouté la réponse du ministre, il me semble que le cumul de ces deux amendements constituerait en effet une charge peut-être trop lourde sur un seul exercice. Néanmoins, il me paraît nécessaire que, à terme, le traitement des différentes formes d'action publicitaire soit homogénéisé. Compte tenu du quasi accord du Gouvernement sur le prochain amendement, je me permets donc de retirer l'amendement n° 124, tout en soulignant que l'homogénéisation devra avoir lieu ultérieurement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.


M. Dominique Richard
,
rapporteur pour avis. Je rappelle qu'à partir du 1er janvier 2007, certains secteurs, telle la grande distribution auront le droit de faire de la publicité sur les chaînes nationales hertziennes, droit qu'ils ont obtenu depuis cette année sur les chaînes locales.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Tout à fait !

M. Dominique Richard, rapporteur pour avis. Si le Gouvernement accepte de remettre à plat l'ensemble de la question de la publicité à l'occasion de cet exercice, la proposition de M. Martin-Lalande aura alors vocation à être reprise.

M. le président. L'amendement n° 124 est retiré.

La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. Monsieur le président, je souhaite reprendre l'amendement de M. Martin-Lalande, qui me semble procéder d'une réflexion tout à fait judicieuse. En effet, dans la mesure où le parrainage s'est développé afin de permettre à certains annonceurs d'échapper aux contraintes du COSIP s'appliquant au marché publicitaire, il paraît opportun de proposer une homogénéisation du traitement du parrainage et de la publicité.

L'ouverture des secteurs interdits prévue pour 2007 doit nous inciter à mettre ce dossier en ordre sans tarder, car l'essor de cette nouvelle forme de publicité que constitue le parrainage fait planer de nouvelles menaces de dérives. C'est pourquoi je reprends l'amendement de M. Martin-Lalande.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 124.

(L'amendement n'est pas adopté. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Frédéric Dutoit. Il y a manifestement une erreur de comptage des voix !

M. Michel Françaix. Scandaleux ! Nous demandons un nouveau vote, monsieur le président !

M. le président. Comme j'en ai le droit, j'ai voté, et l'amendement a été repoussé. (Mêmes mouvements.)

M. Pierre-Christophe Baguet. M. Rodolphe Thomas a voté également !

M. le président. M. Thomas est arrivé après le vote. Je vous confirme que l'amendement est rejeté (Mêmes mouvements.)

Rappel au règlement

M. Didier Mathus. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus, pour un rappel au règlement.

M. Didier Mathus. Monsieur le président, nous ne pouvons laisser passer cet incident de séance, symptomatique de l'échec de la procédure d'examen mise en œuvre pour certains budgets, tel celui de la communication. Si nous sommes si peu nombreux à être présents en séance ce vendredi matin, c'est que ce débat qui intervient après un premier examen en commission élargie présente, dès lors, un très faible attrait.

S'agissant de l'amendement n° 124, j'insiste sur le fait qu'il avait obtenu cinq voix pour et quatre contre. Je vous demande donc, monsieur le président, de prendre acte de la majorité qui s'est dégagée pour son adoption.

M. le président. Monsieur Mathus, cet amendement a été mis aux voix de façon tout à fait régulière. Même si je n'avais pas fait usage de mon droit de vote, nous serions parvenus à l'égalité (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française) et l'amendement aurait été rejeté.

M. Michel Françaix. Il faut apprendre à compter, monsieur le président !

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 136 rectifié et 206, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l'amendement n° 136 rectifié.

M. Dominique Richard, rapporteur pour avis. Cet amendement proposé par Patrice Martin-Lalande et adopté par la commission des affaires culturelles et la commission des finances vise à prendre en compte l'évolution qui a eu lieu en matière de recettes des chaînes. Quand le COSIP a été créé, il y avait très peu de recettes dites de diversification : la technique dite des SMS et les appels surtaxés, notamment, n'en faisaient pas partie. L'évolution technologique ayant donné un poids important à ces nouvelles recettes, notamment en ce qui concerne les émissions de flux - et pas seulement celles de la télé-réalité - il devient nécessaire de procéder à une adaptation du droit en conséquence.

M. le président. La parole est à M. Michel Françaix, pour soutenir l'amendement n° 206.

M. Michel Françaix. Je ne reviendrai pas sur ce qui s'est passé précédemment, monsieur le président, mais je forme le vœu, puisque notre ministre de l'éducation nationale veut revenir à l'apprentissage des notions essentielles, que certains d'entre nous fassent des progrès en arithmétique.

Alors que nous déplorons actuellement la politique de la « redevance honteuse », le méli-mélo de la TNT, une télévision locale en rade, des droits de football exorbitants, une chaîne internationale abandonnée, un déséquilibre de plus en plus important entre la télévision publique et la télévision privée, un Fonds de soutien à l'expression radiophonique à l'agonie, une presse en crise, une AFP déstabilisée parce que l'État ne fait pas son travail... (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Quel héritage !

M. Michel Françaix. ...nous souhaitons que les parlementaires se rassemblent sur la taxation des télémessages courts - je préfère ce terme à celui de SMS...

M. Dominique Richard, rapporteur pour avis. J'ai rectifié mon amendement en ce sens !

M. Michel Françaix. Le ministre de la culture ne peut affirmer son attachement à un service public fort et défendre une conception ambitieuse de ce que doit être l'offre audiovisuelle si, dans le même temps, il ne fait pas en sorte de ponctionner sur une certaine télévision ne répondant pas à cette exigence de qualité, les ressources qui profiteront à une politique dont nous puissions être fiers.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Richard, rapporteur pour avis. L'amendement que j'ai déposé a été rectifié pour le mettre en conformité, sur le plan rédactionnel, avec l'ART. Le parti socialiste, qui avait déposé le même amendement, nous rejoindra donc sans doute sur celui-ci.

M. Michel Françaix. J'avais cru comprendre que vous rejoigniez le nôtre !

M. Dominique Richard, rapporteur pour avis. Non, pour la simple raison que je pense avoir été le premier à déposer cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. La commission des finances saisie au fond a adopté l'amendement n° 136, et la rectification purement rédactionnelle qui lui a été apportée ne remet pas en cause sa position.

En revanche, la commission ne s'est pas prononcée sur l'amendement n° 206, qui n'était pas déposé au moment de sa réunion sur ces crédits.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Dans l'inventaire extrêmement négatif dressé par M. Françaix, il ne manquait qu'un raton laveur victime d'une indigestion de mauvais programmes de télévision ! (Sourires.) Cela étant, c'est votre droit de porter un jugement sur la politique menée par le Gouvernement en matière de communication.

M. Michel Françaix. Merci de reconnaître que nous avons encore ce droit !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Françaix, j'ai été parlementaire suffisamment longtemps pour savoir que ce droit est le plus essentiel de notre république et de notre démocratie.

Cela étant, j'estime que vous avez tort de considérer que la réforme de la redevance est une mauvaise réforme.

M. Michel Françaix. Je n'ai pas dit cela !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Cette taxe mal comprise et qui faisait l'objet d'une fraude massive va être remplacée par un dispositif d'une grande simplicité, tandis que les personnels chargés de sa perception seront employés à d'autres tâches.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. C'est remarquable !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je suis certain qu'à l'heure du bilan de cette réforme, nous nous réjouirons tous de l'avoir adoptée.

Pour en revenir à notre débat, le secteur de la production audiovisuelle bénéficie dans ce budget d'un soutien très marqué du Gouvernement, comme l'a souhaité le ministre de la culture. Je pense notamment à la garantie de progression des ressources publiques des chaînes, fixée à 2,4 % grâce à un amendement de M. Martin-Lalande, à l'extension du crédit d'impôt cinéma, ou encore à la création d'un crédit d'impôt pour la création audiovisuelle, toutes mesures prévues au collectif.

On peut, dès lors, se demander s'il est vraiment utile de mobiliser des ressources supplémentaires en étendant l'assiette de la taxe sur les services de télévision. Cela étant, comme je m'y étais engagé auprès des rapporteurs lors de l'examen de l'amendement précédent, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée pour cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 136 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 206 tombe.

Je suis saisi d'un amendement n° 134.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour le soutenir.

M. Dominique Richard, rapporteur pour avis. Je préfère laisser à M. Baguet, qui est à l'origine de cet amendement, le soin de le présenter.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Cet amendement, voté à l'unanimité par la commission des finances et la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, vient régler un épineux dossier en souffrance depuis plusieurs années, celui de la reconstitution des réserves du Fonds de soutien à l'expression radiophonique.

Les radios locales, en particulier les radios associatives, sont actuellement confrontées à une véritable crise, aggravée par la suppression des emplois jeunes. La grille de perception de la redevance versée par les contributeurs de l'audiovisuel étant plafonnée, le Fonds de soutien voit ses réserves diminuer d'année en année alors que le nombre de radios associatives locales augmente.

L'adoption de cet amendement, ainsi que le règlement du contentieux datant de plusieurs années avec un gros contributeur de l'audiovisuel, devraient permettre de satisfaire au moins pour partie les demandes des radios associatives locales, qui contribuent à la convivialité dans nos régions et surtout à l'expression de la démocratie, à laquelle nous sommes ici particulièrement attachés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des affaires culturelles ?

M. Dominique Richard, rapporteur pour avis. La commission a adopté à l'unanimité cet amendement qui constitue un signal fort en faveur de l'expression de la démocratie locale et de la reconnaissance du lien social que représente l'accès aux ondes pour les personnes les plus humbles.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. La commission des finances a adopté cet amendement, considérant que le soutien aux radios associatives est primordial. En effet, comme je l'avais relevé dans mon rapport, les subventions du Fonds de soutien représentent en moyenne plus du tiers des ressources de ces radios.

Néanmoins, une augmentation des ressources du Fonds devra impérativement s'accompagner d'une réforme de son fonctionnement afin de mieux encadrer la progression des dépenses.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le Gouvernement a été très sensible à la qualité des arguments de M. Baguet et des deux rapporteurs. Il est heureux d'accepter cet amendement visant à améliorer le financement du Fonds de soutien à l'expression radiophonique, indispensable au maintien des radios associatives dans le paysage audiovisuel de notre pays. Le barème actuel ne permettait pas, en effet, d'assurer le niveau de recettes prévu dans le projet de loi de finances.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 134.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 226 de M. Baguet a été retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 125.

La parole est à M. le rapporteur spécial, pour le soutenir.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Cet amendement s'inscrit dans une volonté, également traduite dans l'amendement suivant, de faire en sorte que la Parlement soit mieux associé à la définition d'une part, au suivi d'autre part, des contrats d'objectifs et de moyens. Ceux-ci constituent, comme chacun le sait, l'outil privilégié des relations entre l'État et les sociétés de l'audiovisuel public. Ils permettent au service public de l'audiovisuel d'avoir une vision à long terme - au moins sur quatre ou cinq ans -, de savoir quel est l'effort attendu par les pouvoirs publics de la part de l'audiovisuel public, et quels sont en contrepartie les soutiens financiers ou d'autre nature que les pouvoirs publics peuvent apporter à l'audiovisuel public.

Puisque le Parlement est amené, chaque année, à apporter sur le plan budgétaire mais aussi éventuellement dans le cadre législatif, les réponses permettant la mise en œuvre du contrat d'objectifs et de moyens, il me semble insuffisant que ce contrat soit négocié et signé par le Gouvernement avec l'audiovisuel public, sans que le Parlement ait la possibilité de faire préalablement connaître son avis.


Finalement, alors que les engagements pris par l'État n'auront de traduction que si le Parlement vote les dispositions budgétaires ou législatives nécessaires, celui-ci n'a pourtant pas son mot à dire avant la signature du contrat d'objectifs et de moyens.

La prochaine entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances nous donne précisément l'occasion de rationaliser la concertation entre le Gouvernement, le service public de l'audiovisuel et le Parlement. L'amendement n° 125 vise donc à soumettre au Parlement, pour avis et avant signature, le contrat d'objectifs et de moyens qui aura été préalablement négocié. L'Assemblée nationale et le Sénat s'impliqueront donc dans de meilleures conditions dans l'avenir de l'audiovisuel public. Ils seront ainsi amenés, année après année, à mieux respecter les engagements pris par l'État. La transparence, que la loi organique vise à renforcer, y gagnerait.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement. Nous considérons, en effet, qu'il appartient à l'État de négocier ces contrats et qu'il ne faut pas alourdir à l'excès la procédure. Cela étant, M. Donnedieu de Vabres ne voit aucun inconvénient à ce que le Parlement soit associé à la discussion de façon informelle.

En revanche, monsieur le rapporteur spécial, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 126 que vous allez présenter dans un instant et qui prévoit que le président de France Télévisions présente son rapport annuel devant les commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée. Dans ces conditions, peut-être pourriez-vous, comme précédemment, retirer l'amendement n° 125 ?

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le secrétaire d'État, je regrette la position du Gouvernement sur l'amendement n° 125 qui est très important, selon nous. Avec la culture et la communication, nous abordons des sujets qui sont aussi éminemment économiques. Et encore une fois, il n'y a pas dans cet hémicycle, d'un côté, des députés économes et, de l'autre, des députés qui, parce qu'ils s'intéressent à la culture et à la communication, seraient dépensiers.

Aujourd'hui, le Parlement est mis devant le fait accompli. Il ne reçoit les différents responsables qu'une fois que les accords ont été négociés entre l'État et le président de France Télévisions, des services publics de l'audiovisuel ou de l'AFP. Or, monsieur le secrétaire d'État, par respect pour le Parlement, on pourrait procéder différemment. Bien sûr, le Gouvernement resterait maître du jeu, puisque c'est la loi, et il lui reviendrait de mener les négociations, mais l'accord nous serait soumis avant signature. Il s'agirait pour nous d'émettre simplement un avis et non pas de corriger ou de modifier cet accord. Après tout, nous sommes régulièrement en contact avec les représentants du service public de l'audiovisuel et nous pouvons avoir une vision différente de celle du Gouvernement qui s'en tiendra plus aux aspects économiques et financiers.

Encore une fois, ces sujets sont éminemment publics. Je réclame un dialogue préalable des médias sur le modèle du dialogue social préalable. À chaque fois qu'on touche à l'audiovisuel public et au paysage audiovisuel français, le Parlement devrait être associé à la démarche. Bien sûr, je soutiens les deux amendements de Patrice Martin-Lalande.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Dominique Richard, rapporteur pour avis. Je tiens à rappeler que la commission des affaires culturelles a unanimement émis un avis favorable sur l'amendement n° 125 et que rien ne justifie qu'elle revienne sur sa position, aujourd'hui.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 125.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 126 sur lequel le Gouvernement a émis un avis favorable.

La parole est à M. le rapporteur spécial, pour le soutenir.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Il s'agit d'élargir à la commission des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat la présentation, chaque année, du rapport sur l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens, qui, pour l'instant, n'est soumis qu'à la commission des affaires culturelles. Or la commission des finances a intérêt, elle aussi, à recevoir ces informations sur le bon avancement - ou non - de la réalisation du contrat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 126.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 135.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour le soutenir.

M. Dominique Richard, rapporteur pour avis. Je laisserai M. Baguet présenter sur le fond cet amendement dont il est à l'origine. Je proposerai simplement d'y apporter une légère modification et de remplacer les mots : « A compter de 2005 » par les mots : « En 2005 ».

M. le président. L'amendement n° 135 est ainsi modifié.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Je le rappelle, cet amendement a été voté à l'unanimité par la commission des finances et la commission des affaires culturelles. Il vise à prévoir qu'en 2005, le Gouvernement déposera sur le bureau de l'Assemblée nationale et du Sénat un rapport sur l'opportunité d'élargir le champ d'application du fonds d'aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique et générale à d'autres quotidiens.

Cet amendement ne concerne pas les quotidiens déjà éligibles au fonds de modernisation. Il tend à éclairer l'Assemblée nationale et le Sénat car, parmi les quotidiens éligibles, certains sont à la recherche d'investissements pour se moderniser, tandis que d'autres bénéficient d'aides particulières, je pense notamment au portage. Le rapport que nous souhaitons existe d'ores et déjà, mais il ne circule pas. Seul le ministère des finances en dispose. Même le ministre de la culture et de la communication n'en a pas connaissance. Il ne pourra donc que se réjouir du vote de cet amendement qui s'inscrit d'ailleurs dans un débat plus large, celui de la sensibilisation des jeunes à la presse en général et, plus particulièrement, à la presse sportive. Cela ne peut être que positif, alors que fleurissent les magazines gratuits dans le domaine sportif, entre autres.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Cet amendement a été adopté par la commission des finances. En effet, il existe d'ores et déjà un rapport sur le fonds d'aide à la modernisation de la presse quotidienne. J'ai même fait voter l'année dernière un amendement prévoyant que ce rapport devait nous être remis en juin, et non pas en octobre, pour être en cohérence avec le calendrier budgétaire. Force est cependant de constater que cet amendement n'a pas vraiment été suivi d'effet puisque, à ce jour, nous ne disposons toujours pas de ce fameux rapport. Nous souhaitons donc, non seulement que ce rapport soit rédigé, mais surtout qu'il soit diffusé afin que le Parlement puisse en tenir compte dans l'appréciation qu'il porte sur le fonctionnement du fonds d'aide à la modernisation de la presse quotidienne.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le fonds d'aide à la modernisation est réservé aux journaux d'information politique et générale et aux hebdomadaires de même nature, dont on connaît les difficultés. Le Monde, Le Parisien et d'autres titres importants de la presse française sont concernés. Alors faut-il élargir le dispositif ? Faut-il prévoir un énième rapport de plus ? J'ai, quant à moi, la conviction que notre République souffre de la « rapporterie » ou de la « rapportance ».

M. Pierre-Christophe Baguet. Surtout quand on ne nous transmet pas ces rapports !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Peut-être ne sont-ils pas toujours utiles, monsieur Baguet. Et lorsqu'ils paraissent, encore faut-il qu'ils soient lus.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Et compris ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. On peut les lire le soir, pour trouver le sommeil. (Sourires.) Ou les faire lire par d'autres... Bref, le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement mais, dans le souci d'être à l'écoute de l'Assemblée nationale, il s'en remet à sa sagesse.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Profitant de la discussion de ce budget, je veux appeler l'attention du Gouvernement sur les perspectives de diffusion de la chaîne al-Manar dont la presse s'est fait l'écho, ce matin.

Il s'agit en effet d'une chaîne dont le message est très souvent belliqueux, extrémiste et antisémite. Il ne serait donc pas à l'honneur de la République qu'elle puisse être diffusée en France dans les conditions dont nous avons eu connaissance ce matin. La large diffusion de cette chaîne dans notre pays constituerait une grave atteinte à la démocratie et à la dignité humaine.

M. le président. La parole est à M. Édouard Landrain.

M. Édouard Landrain. J'en reviendrai, quant à moi, à l'amendement. Je me réjouis qu'enfin nous ayons un geste en direction de la presse sportive et destinée aux jeunes. En effet, il était absolument anormal qu'un journal comme L'Equipe, premier quotidien français, n'ait pas les mêmes prérogatives que les autres journaux. Si nous n'y prenons garde, la presse sportive peut elle aussi être fragilisée avec l'arrivée des gratuits. Je suis donc favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Mariton, je comprends votre préoccupation. Compte tenu des règles en vigueur, le CSA ne pouvait pas ne pas conventionner cette chaîne, mais il va naturellement la contrôler étroitement. En outre, le Gouvernement fera preuve d'une très grande vigilance et, le cas échéant, rendra compte au Parlement.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 135, tel qu'il a été modifié.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de la culture et de la communication concernant la communication.

La séance est suspendue pour quelques minutes.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures trente, est reprise à dix heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

    2

FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2005

Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire

M. le président. M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 18 novembre 2004

Monsieur le président,

Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005.

Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l'Assemblée nationale à désigner ses représentants à cette commission.

J'adresse ce jour à M. le président du Sénat une demande tendant aux mêmes fins.

Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

Cette communication a été notifiée à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

    3

LOI DE FINANCES POUR 2005

DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 (nos 1800, 1863).

VILLE ET RÉNOVATION URBAINE

M. le président. Nous abordons les crédits du ministère délégué au logement et à la ville concernant la ville et la rénovation urbaine.

La parole est à M. le ministre délégué au logement et à la ville.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous abordons l'examen des crédits du ministère du logement et de la ville.

J'ai noté avec satisfaction que les députés et les sénateurs partagent notre volonté de maintenir la cohérence entre notre grande politique du logement et de la rénovation urbaine et la politique de la ville.

Dans la situation de crise grave que connaissent nos quartiers en difficulté, que décrit très bien le rapport de l'Observatoire des zones urbaines sensibles que j'ai eu l'occasion, conformément à la loi du 1er août 2003, de commenter devant le Parlement, nous ne voulons pas fossiliser la politique de la ville, dont tout le monde souligne la pertinence depuis de nombreuses années. Je l'avais moi-même indiqué lorsque j'étais rapporteur du projet de loi relatif aux responsabilités locales, il est clair que la politique de la ville sert la politique territoriale et favorise l'égalité des chances. Il nous faut toutefois la refonder, car elle est maintenant structurée par les nouveaux outils mis en place par Jean-Louis Borloo.

Quels sont ces outils ? Les investissements accordés à la rénovation urbaine pour la métamorphose des quartiers en difficultés, la dotation de solidarité urbaine, qui ne figure pas dans le budget de la ville mais dans le projet de loi sur la cohésion sociale que vous examinerez à partir du 23 novembre, sans oublier les équipes de réussite éducative.

Ces outils répondent, pour tous les élus de terrain, à la nécessité d'agir dès la petite enfance et durant tout le cycle scolaire et de mettre en place d'importants moyens de prévention de la délinquance, des moyens qui prennent en compte la réalité du terrain, que ce soit en matière de santé ou d'aides en direction des parents.

Ce budget traduit de nombreuses évolutions. La première est due à la mise en place de la LOLF. Désormais, au-delà des crédits déconcentrés de la politique de la ville, gérés à 95 % par les préfets de département ou de région, nous pourrons concentrer nos actions dans les trois régions de France qui comptent le plus de quartiers en grande difficulté. Parmi ces actions, je citerai le réseau des adultes relais, le dispositif « ville-vie-vacances ».

Les crédits du Fonds d'intervention pour la ville, de 131,6 millions d'euros en 2004, sont passés cette année à 83,15 millions d'euros, auxquels il faut ajouter les 26 millions d'euros déconcentrés dans les trois régions dont je viens de parler et 62 millions d'euros volontairement inscrits une ligne budgétaire spécifique dédiée aux équipes de réussite éducative. Au total, le fonds d'intervention de la ville passe donc de 131,6 millions d'euros à 171,15 millions d'euros.

Par ailleurs, vous avez pu constater que ne figurait pas dans ce budget le soutien aux villes en grande difficulté. Cela s'explique par la réforme de la dotation de solidarité urbaine, que j'aurai l'occasion de détailler devant votre assemblée la semaine prochaine. Cette réforme est historique, comme le reconnaît l'association Villes et banlieues. En effet, aucune réforme d'une telle ampleur n'était intervenue depuis la loi d'orientation pour la ville. Elle va nous permettre de dégager chaque année 120 millions d'euros supplémentaires sur la DSU. Nous pourrons ainsi concentrer nos efforts et multiplier nos actions en direction des quartiers en difficulté et des villes de plus de 10 000 habitants. Certes, les crédits enregistrent une baisse de 20 millions d'euros, mais avec 120 millions supplémentaires, nous pourrons pérenniser l'action entreprise.

Je n'insisterai pas sur la part de ce budget consacrée à la rénovation urbaine. Conformément à la loi Borloo, les 465 millions d'euros qui lui sont consacrés sont répartis entre les budgets de la ville et du logement et, à hauteur de 50 millions d'euros, le fonds de rénovation urbaine.


Au total, l'ensemble de ces actions constitue une véritable politique de la ville, et un cadre de redéfinition des contrats de ville. Je compte donner tout prochainement mission à un élu local spécialiste des questions de la ville de nous aider, en concertation avec les associations d'élus, à structurer cette nouvelle politique de la ville : il s'agit de mettre fin au saupoudrage des crédits, et de concentrer notre politique, afin de « lasériser » notre action en direction des causes structurelles de la fracture sociale. C'est toute la philosophie du plan de cohésion sociale que traduit ce projet de budget de la ville pour 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Rodolphe Thomas, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Rodolphe Thomas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget que nous examinons traduit la montée en puissance de la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, si importante pour nos banlieues. Cela prouve - mais je le savais déjà - que le ministère de la ville est un ministère qui tient ses engagements. Les débats parlementaires qui ont été consacrés à ce texte il y a dix-huit mois nous ont donné l'occasion de déplorer l'insuffisance du volet social de la politique de la ville, et de vous demander un deuxième plan de la même ampleur. Vous avez entendu nos propositions puisque nous devons la semaine prochaine construire ensemble, ici même, le plan de cohésion sociale tant attendu par les Français. Nous saurons, au groupe UDF, nous montrer constructifs, car nous sommes, comme vous le savez, une force de proposition, notamment en la matière.

C'est dans une telle perspective que le groupe UDF a étudié avec attention ce budget. L'effort financier consacré à la politique de la ville et du développement social urbain atteint au total près de 6,4 milliards, ce qui représente une augmentation de 6,65 %. Les crédits spécifiques à la ville et à la rénovation urbaine, que nous examinons aujourd'hui, n'en représentent qu'une partie. Ils sont néanmoins indispensables pour initier les programmes et accompagner leur mise en œuvre.

Le Groupe UDF ne peut que se féliciter de cette hausse, même s'il est conscient du fait qu'elle est en grande partie due à deux postes de dépenses qui n'existaient pas l'an dernier. En revanche, il est à regretter que les interventions publiques de l'État reculent de près de 9 %, au détriment notamment des opérations « ville, vie, vacances », pourtant essentielles pour les quartiers défavorisés. À Hérouville-Saint-Clair autant qu'à Valenciennes, on sait l'utilité de ses mesures, qui s'inscrivent dans la logique de la politique de cohésion sociale que le Gouvernement souhaite mener, et sur lesquelles je reviendrai.

Vous nous expliquerez peut-être, monsieur le ministre, pourquoi les crédits des contrats de ville sont également en baisse : leur insuffisance risque de diminuer la portée de la charte d'insertion qui sera prochainement, je l'espère, adoptée, une fois qu'elle aura été élaborée par l'ANRU. Cette charte devra garantir que les contrats de marchés publics liés à la rénovation urbaine favorisent l'emploi des habitants de nos quartiers défavorisés. Cette « clause d'insertion » doit donner un début d'espoir à toutes les habitants de ces quartiers exclus du bénéfice des dispositifs d'emploi existants.

En parallèle à ces actions, monsieur le ministre, vous est assigné l'objectif de rétablir des conditions de vie décentes dans nos banlieues. Tel est le but de la rénovation de l'offre de logements et des tentatives de désenclavement de ces quartiers, par le développement des activités et des emplois et le rétablissement des services nécessaires à la mixité et au lien social : ce sont autant de chantiers à mener à bien dans un délai très restreint. Les structures nécessaires à une action volontariste dans ce sens ont pu être mises en place grâce à la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 2003, et notamment grâce à l'action décisive du groupe UDF lors de la discussion parlementaire. Le budget de la ville et de la rénovation urbaine doit maintenant vous fournir les moyens de cette politique.

C'est pourquoi il est utile de revenir sur certains points majeurs du dispositif, notamment sur l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, l'instrument financier de cette politique. Les crédits de paiement dont elle bénéficie connaissent une hausse significative, puisqu'ils augmentent de plus de 124 %. Cette montée en puissance est normale du fait de l'âge et du succès de cet outil. Mais si on tient compte des fonds en provenance d'autres budgets, l'augmentation n'est plus que de 8,42 % : si la hausse promise par le Gouvernement est réelle en ce qui concerne les crédits de paiement, elle est inférieure à ce qui était annoncé. C'est pourtant ces crédits qui doivent financer l'ambitieux programme de démolition, de reconstruction et de réhabilitation de 400 000 logements avant 2008. Je vous mets en garde solennellement, monsieur le ministre, contre le risque que l'insuffisance de l'effort financier de l'État fait peser sur les engagements du Gouvernement.

Il convient par ailleurs de préciser que les aides de l'ANRU concernent, sauf exception, les quartiers classés en zones urbaines sensibles, les ZUS, dont 162 ont été identifiés comme prioritaires. Or il est prévu que ces projets soient évalués à mi-parcours, afin de les réviser si besoin est, d'en préciser le contenu et éventuellement d'amplifier leur programme d'actions. Dans ce cadre, un élargissement de l'aire d'application de ces aides pourrait se révéler positif. Ce programme pourrait être utilement élargi aux conventions qui lient l'État aux Grands Projets de ville, les GPV, et aux Opérations de rénovation urbaine, les ORU.

Je regrette enfin, comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, que la dotation du fonds d'intervention pour la ville soit amputée de près de 50 millions d'euros, et j'attends vos explications sur cette question.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr ! Voilà les chiffres !

M. Rodolphe Thomas. Cette faiblesse des financements des contrats de ville et des actions déconcentrées met en danger notre capacité à remplir nos objectifs dans les quartiers prioritaires.

En conclusion, je rappellerai le soutien indéfectible du groupe UDF aux objectifs et à la méthode retenue pour relever le défi que constituent nos banlieues difficiles. Nous vous alertons cependant, sur les risques qui pèsent sur la pérennité de l'effort de l'État en matière de politique de la ville et de rénovation urbaine.

Nous voterons ce budget, monsieur le ministre...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On ne voit pas pourquoi !

M. Rodolphe Thomas. ...mais nous resterons très attentifs et exigeants, afin que les nombreuses attentes de millions de Françaises et de Français, ainsi que des milliers d'élus et des associations qui font un travail remarquable dans les quartiers difficiles ne soient pas déçues. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. François Rochebloine. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Frédéric Dutoit. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons bien sûr, quant à l'appréciation des crédits de la ville et de la rénovation urbaine un désaccord de fond avec le Gouvernement, en dépit de la présentation flatteuse que permet leur inscription dans le cadre du plan de cohésion sociale et dans celui du programme de rénovation urbaine. Vous l'avez confirmé vous-même, monsieur le ministre.

Les crédits inscrits à la section « ville et rénovation urbaine » affichent une hausse de 22,7 % selon le ministère. Cette hausse doit être relativisée, puisqu'elle fait suite à la baisse de 7 % enregistrée l'année dernière ; elle s'explique en outre par l'imputation d'une partie des crédits du plan de cohésion sociale et par l'augmentation du budget de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine. Si l'on s'en tient aux crédits spécifiques, ceux-ci affichent une nouvelle baisse de 14,5 millions d'euros.

S'agissant du programme de rénovation urbaine, la réalité est malheureusement très éloignée de l'optimisme affiché par le Gouvernement. Ce programme, adopté en 2003, devait s'attaquer aux zones les plus sensibles. Je rappelle que M. Borloo avait annoncé 200 000 démolitions, 200 000 reconstructions et réhabilitations. Or ce programme est bien loin d'avoir atteint son rythme de croisière, puisque seules 26 000 constructions et 29 000 démolitions ont été engagées ! Comment cela pourrait-il suffire à remédier à la situation très difficile que connaissent les quartiers déshérités du point de vue du logement privé ? Je pourrais vous inviter, monsieur le ministre, dans certains quartiers de ma circonscription, dans le troisième arrondissement de Marseille.

M. le ministre délégué au logement et à la ville. J'accepterais avec plaisir !

M. Frédéric Dutoit. Je ne veux pas parler de la copropriété Bellevue, mais des quartiers nord eux-mêmes. Vous pourriez y mesurer l'état de dégradation très avancée où se trouve le logement privé - et les propriétaires ne sont pas toujours en situation d'y remédier - dans des quartiers où se concentrent toutes les difficultés.

L'urgence est donc de construire, et non de démolir. Nous continuons de réclamer des mesures qui garantissent que la construction précède toute démolition et qui lient les crédits de démolition à des constructions au moins équivalentes. Il existe en effet à l'heure actuelle un solde négatif de 3 000 logements.

L'examen de ce budget nous conduit à anticiper la discussion du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, dans la mesure où les 62 millions d'euros du volet « réussite éducative » sont imputés sur les crédits du ministère. L'exemple illustre un des caractères généraux de ce plan de cohésion sociale, qui mériterait de ce point de vue de s'appeler « plan d'incohérence gouvernementale ». Il manifeste en effet l'incohérence entre les bonnes intentions affichées et le fort désengagement de l'État en matière d'éducation nationale, qui a cessé depuis trois ans d'être une priorité gouvernementale - on verra ce que sera la réalité des propositions faites hier par M. Fillon.

Du coup les crédits valsent d'imputations en déductions ou en réaffectations, ce qui entretient la confusion, qui engendre le scepticisme quant à la sincérité du budget qui nous est présenté.

Il en va ainsi du programme de réussite éducative, un nouveau dispositif doté de 62 millions d'euros, qui se décompose en deux programmes, destinés à accompagner, l'un les enfants en fragilité, le second les collégiens en difficulté. Ce programme ne pèse pas lourd, ni du point de vue budgétaire, ni en termes de qualité du service public, face aux graves reculs que constituent, entre autres, la disparitions de milliers de postes d'aides éducateurs ou d'enseignants du secondaire, ou le manque criant de personnels péri éducatifs, travailleurs sociaux, infirmiers ou médecins scolaires.

Non que nous contestions l'utilité de dispositifs spécifiques, qui peuvent être un plus comme mode de l'action de l'État dynamique et efficacement ciblé. Mais il s'agit en l'occurrence d'un habillage destiné à camoufler une grave régression en matière d'exigence d'égalité face au service public. L'accroissement de la modeste cerise des crédits spécifiques ne saurait faire oublier la grave diminution du gâteau des crédits et des politiques de droit commun. On souhaiterait, au rebours de vos intentions affichées, la disparition de la politique de la ville qu'on ne s'y prendrait pas autrement.

En matière d'emploi, les quartiers populaires et leurs habitants sont, pour la troisième année successive, les premières victimes de la politique gouvernementale. Ces quartiers, qui ont été les derniers à ressentir les effets bénéfiques de la décrue du chômage entre 1998 et 2001, sont aujourd'hui en première ligne pour affronter sa recrudescence.

Depuis trois ans, le budget de l'État traduit la politique libérale et sécuritaire du Gouvernement : moins d'argent pour l'éducation, les transports ou la santé, crédits en hausse pour l'armée, la police - excepté la police de proximité - et les prisons, qui, par parenthèses, attendent toujours le plan de rénovation annoncé.

L'aggravation du chômage, avec un taux voisin de 10 %, la fin des emplois-jeunes, la réduction de plusieurs mois des droits à l'assurance chômage, les mesures facilitant les licenciements, tout cela fragilise encore la situation de centaines de milliers de personnes parmi les plus modestes. À quoi s'ajoute à moyen terme l'affaiblissement, voire la casse des solidarités en matière de retraite, de droit du travail, de services publics et de santé.

Transversale et interministérielle par essence, la politique de la ville proprement dite devrait associer l'État, les collectivités locales et les associations. Or les partenaires de l'État sont maltraités. Localement les associations souffrent de graves retards, voire - et c'est plus nouveau - de diminutions de subventions, notamment dans le cadre du Fond d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations.

La situation des collectivités locales les plus modestes n'est pas plus enviable. Les dangers d'aggravation des inégalités, dont sont gros les projets de décentralisation, et les risques de recul de services publics en voie de privatisation sont patents : en témoigne l'accueil houleux, voire la fronde, que les maires ont réservée au Premier ministre au début de cette semaine, à l'occasion du congrès de l'association des maires de France. Dans ces conditions, l'augmentation de la modeste dotation de solidarité urbaine apparaît, en marge de ce budget, comme la seule bonne nouvelle. Toutefois, sans pêcher par excès de scepticisme, il faut rappeler que cette hausse fait suite à une diminution l'année dernière, et que son étalement sur cinq ans n'offre pas toutes les garanties.

En conclusion, en nous présentant ces crédits, le Gouvernement ne nous propose au mieux qu'un brancard de meilleure qualité pour ramasser les victimes de la guerre économique et des discriminations sociales et territoriales, alors que durant ce temps la guerre économique et les ségrégations s'amplifient.

M. Philippe Cochet. Demandez au camarade Gerin ce qu'il en pense !

M. Frédéric Dutoit. En tant que député-maire des quartiers Nord de Marseille, je sais de quoi je parle, monsieur le député.

Mieux, le Gouvernement accentue les inégalités par sa politique fiscale et favorise la précarité par ses attaques contre le droit du travail et les garanties collectives.

Aussi, sans vouloir tirer sur l'ambulance, le groupe communiste votera contre ces crédits qui, malgré leur présentation flatteuse, s'inscrivent dans une politique globale qui aggrave les difficultés des quartiers populaires et de leurs habitants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Mignon, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Claude Mignon. Monsieur Dutoit, bien que n'étant pas député des quartiers nord de Marseille, puisque je suis député maire de Dammarie-les-Lys, je crois être aussi bien placé que vous pour parler de la politique de la ville et des problèmes auxquelles sont confrontées depuis de nombreuses années les populations des quartiers difficiles. Je note simplement que cette ville a connu, avant moi, une municipalité communiste pendant vingt-quatre ans. Alors si les quartiers défavorisés, quand ce ne sont pas de véritables ghettos, de cette commune posent aujourd'hui autant de problèmes, vous y avez quand même une sacrée part de responsabilité. Alors, je trouve un petit peu fort de vous entendre nous donner aujourd'hui des leçons en matière de politique de la ville. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. N'importe quoi !

M. Jean-Claude Mignon. Mais revenons-en aux choses sérieuses, monsieur le ministre, c'est-à-dire à votre budget.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On n'a jamais fait avancer les problèmes en se les renvoyant à la figure !

M. Jean-Claude Mignon. Nous pourrons en débattre en d'autres lieux. Je constate simplement que les problèmes se concentrent dans les départements ou les villes que vous avez gérés, ou plutôt tenté de gérer, pendant des décennies.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On connaît la chanson !

M. Jean-Claude Mignon. Le budget de la ville et de la rénovation urbaine que vous nous présentez, monsieur le ministre, étant donné son importance pour nos concitoyens les plus en difficulté, nécessite un effort tout particulier de la part de l'État.

Cet effort, monsieur le ministre, est réel, puisque votre budget, qui s'élève à 423 millions d'euros, connaît une augmentation de 22,7 % par rapport au budget 2004. Cela prouve que le Gouvernement a choisi de donner une forte impulsion à la politique de la ville, en dépit des contraintes budgétaires actuelles. En tant qu'orateur du groupe UMP, et au nom de l'ensemble de mes collègues, je ne peux que saluer ce choix.

Il faut également souligner qu'en complément de ce budget, et dans le cadre de la réforme de la DSU, 120 millions d'euros supplémentaires seront dégagés au profit des 120 villes assumant les charges socio-urbaines les plus lourdes.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On parle de la politique de la ville !

M. Jean-Claude Mignon. Vous aurez la parole tout à l'heure !

Rappelons également que quarante et une nouvelles zones franches urbaines profitent de mesures d'incitation fiscale et sociale destinées à favoriser le développement économique des territoires les plus en difficulté.


Ce budget, monsieur le ministre, mes chers collègues, vient soutenir l'ambitieux programme pour la ville et la rénovation urbaine. Le nombre important de dossiers déjà déposés à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine prouve, en effet, l'intérêt que les élus portent à ce programme.

Les élus de terrain adhèrent complètement à une politique qui fera de nos quartiers difficiles ou fragilisés des quartiers où il fera bon vivre et, je l'espère, en toute sécurité : des quartiers comportant une mixité urbaine, sociale et fonctionnelle en harmonie avec la ville.

Les crédits mis à disposition dans le cadre de votre budget sont un formidable levier pour opérer cette profonde transformation. Il faut toutefois que ces divers dispositifs soient abondés par des financements des collectivités territoriales.

Les communautés de communes et d'agglomération doivent, au titre de leurs compétences - souvent obligatoires - accompagner financièrement les territoires en matière de politique de la ville. Mais elles ne peuvent, à elles seules, faire face à cette énorme charge financière et demandent, à leur tour, à être fortement soutenues par les départements et les régions. Or, on constate en ce domaine de fortes disparités entre les politiques d'accompagnement de la rénovation urbaine qui sont mises en place par les régions et les départements.

J'espère, monsieur le ministre, que vous saurez convaincre ces collectivités territoriales de procéder aux ajustements nécessaires afin que la solidarité joue à plein et que ces projets de rénovation puissent aboutir le plus rapidement possible.

Vous affectez 233 millions d'euros aux actions visant à restaurer l'équité sociale dans les quartiers en difficulté.

Comme vous le savez, monsieur le ministre, la situation dans certains quartiers est, hélas ! très préoccupante. Les travaux de l'Observatoire des zones urbaines sensibles publiés en septembre dernier par la Délégation interministérielle à la ville le confirment. D'où la nécessité de compenser les nombreux handicaps de ces quartiers.

Votre budget, en ce domaine, va permettre de consolider les nombreuses actions déjà mises en place en partenariat avec les collectivités locales et le tissu associatif : prévention de la délinquance par la médiation, développement de la justice de proximité, de l'aide aux victimes, amélioration de l'accès aux soins, interventions éducatives et culturelles.

À cette énumération, qui est loin d'être exhaustive, s'ajoute le financement important consacré aux opérations inscrites dans les grands projets de ville et le soutien au réseau d'associations qui travaillent dans les quartiers.

Votre budget consacre également 62 millions d'euros au financement d'une partie du plan de cohésion sociale.

Il s'agit de financer les futures équipes de réussite éducative et les internats éducatifs, conformément aux programmes 15 et 16 de votre plan de cohésion sociale.

Personne ne peut contester la pertinence de ces programmes face aux situations d'échec scolaire que connaissent aujourd'hui de plus en plus d'enfants issus de quartiers en difficulté. À cet égard, je me réjouis de l'annonce faite hier soir par votre collègue François Fillon, et je ne doute pas que le projet de loi qu'il présentera sera unanimement apprécié.

Je tiens toutefois à souligner qu'il est plus indispensable que jamais de soutenir la volonté et la ténacité des opérateurs locaux. À ce titre, le soutien à la création d'équipes de réussite éducative est certainement une priorité là où le partenariat local fait souvent défaut. Mais là où les équipes ont fait preuve de leur efficacité, il semble vraiment indispensable de les conforter.

En s'attachant à réduire les inégalités scolaires, ce volet budgétaire contribue à briser l'engrenage d'une exclusion sociale qui commence, malheureusement, dès le plus jeune âge, C'est pourquoi, nous soutenons entièrement votre démarche.

Enfin, parce que votre budget conforte également les outils d'observation, de mesure et d'évaluation, parmi lesquels l'Observatoire national des zones urbaines sensibles, nous approuvons totalement cette culture du résultat qui guide désormais la politique de la ville et qui nous semble primordiale compte tenu des enjeux financiers.

Monsieur le ministre, parce que le projet de loi de cohésion sociale, associé à la politique de rénovation urbaine, est manifestement un socle majeur pour les années à venir et que votre projet est à la hauteur des enjeux, l'ensemble du groupe UMP approuve votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget « Ville et rénovation urbaine » pour 2005, dans la droite ligne de l'action conduite depuis deux ans par le Gouvernement, traduit la désintégration de la politique de la ville. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Vanneste. Tout ce qui est excessif est insiginfiant !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. À la fin du mois d'octobre dernier, lors de votre nomination au poste de ministre délégué au logement et à la ville, certains ont pourtant pu espérer une résurrection de cette politique. Alors que le titre de ministre de la ville avait purement et simplement disparu de l'organigramme du gouvernement Raffarin III, voilà qu'il réapparaissait subrepticement au détour d'un remaniement ministériel. Nous étions heureux, mais l'illusion aura été brève.

La politique de la ville, considérée comme une action globale en faveur des quartiers les plus défavorisés, la politique de la ville, conçue comme la mise en œuvre de moyens exceptionnels en faveur de l'insertion professionnelle, de la prévention sanitaire, du développement des services publics, de l'éducation et des loisirs, la politique de la ville, mes chers collègues, a bel et bien vécu.

M. Frédéric Dutoit. Tout à fait !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pourtant expression la plus évidente d'une approche de la transversalité de ces problèmes et de leurs enjeux, le dernier comité interministériel des villes s'est réuni en... 2001 ! En octobre 2002, un communiqué de presse de votre prédécesseur, monsieur le ministre, annonçait pourtant : « un comité interministériel des villes présidé par le Premier ministre présentera les actions complémentaires indispensables au programme de reconquête urbaine : accompagnement social, éducation, formation, insertion et soutien à l'activité économique ». Depuis, monsieur le ministre, nous sommes comme sœur Anne : nous ne voyons rien venir - sauf, car je suis attentif à ce que vous dites, une convocation potentielle en janvier 2005 ! Nous allons donc encore attendre que ce comité se réunisse, comme on nous l'annonce depuis deux ans et demi.

Nous constatons, par contre, une baisse massive des crédits en faveur de l'accompagnement social dans les quartiers en difficulté : les crédits pour les adultes-relais baissent de 17 %,...

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Mais non !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ...tandis que ceux de l'opération « Ville, vie, vacances » chutent de 22 % !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Non !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Plus grave encore, les crédits de fonctionnement du fonds d'intervention pour la ville, le FIV, dont les deux tiers servent à financer les associations qui agissent, au quotidien, au plus près des populations, ces crédits, mes chers collègues, en diminution constante depuis près de deux ans, enregistrent une nouvelle baisse de 36 % !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Mais non !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est cela, le budget de la politique de la ville !

Alors, monsieur le ministre, lorsque vous mettez en avant les 62 millions d'euros consacrés au programme de réussite éducative, je vous invite à plus de prudence, sachant vos convictions dans ce domaine. L'enveloppe globale des ressources du titre IV affectées à l'action sociale reste réduite, au final, de 9 %. Ce sont les chiffres !

De même, les mesures d'exonération fiscale en faveur des associations ne pallieront pas l'effondrement des subventions. Les conditions requises pour profiter de ces exonérations sont en effet extrêmement restrictives : les salariés doivent être employés en CDI ou en CDD depuis douze mois et ils doivent par ailleurs habiter et exercer leur activité dans la ZRU ou la ZFU où l'association est implantée. Compte tenu de ces conditions restrictives ces incitations seront très rarement utilisées et ne permettront pas aux associations d'assurer la pérennité des contrats en cours.

Ainsi, monsieur le ministre, tout concorde pour diagnostiquer la résorption de la politique de la ville dans le seul renouvellement urbain.

Cette priorité donnée au hard - pour reprendre le terme associé habituellement à la politique du béton - est, au surplus, handicapée car sa mise en œuvre est d'une extrême complexité. Nous vous l'avions d'ailleurs laissé entrevoir quand nous avons débattu sur l'Agence nationale de rénovation urbaine.

Créée par la loi du 1er août 2003, l'ANRU devait révolutionner la politique du renouvellement urbain. La formule du guichet unique devait aplanir toutes les difficultés et permettre à chaque collectivité d'obtenir les financements nécessaires à ses projets. Or, malgré toute la compétence et la bonne volonté des responsables de l'agence, soixante dossiers seulement ont été approuvés par le seul comité d'engagement - pas encore par le conseil d'administration ! -, alors que vous espériez signer 150 conventions en 2004. Comment expliquer un tel décalage ? Faut-il comprendre que le guichet unique, loin d'être un instrument au service des collectivités, est une instance de contrôle qui juge l'opportunité et le contenu de leurs projets ? N'avez-vous pas, une fois de plus, cédé à la politique de l'affichage ?

Une autre explication est possible. Les soixante conventions approuvées représentent un montant de travaux estimé à 6,7 milliards d'euros. Sur ce total, l'ANRU en apporte 2 milliards, soit 30 %. Or l'ANRU ne disposera, sur huit ans, que de 7,5 milliards d'euros pour financer des travaux estimés au total à 35 milliards d'euros, soit 21,4 %. Il est donc manifeste, dès à présent, que la participation moyenne de l'ANRU, 30 %, est largement supérieure à celle qu'elle devrait être : 21,4 %. Dès lors, on s'explique, monsieur le ministre, le peu d'empressement de l'agence à signer des conventions. Il faut rester dans les clous budgétaires !

M. Frédéric Dutoit. Tout à fait !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Au rythme où courent ses dépenses, ses caisses seront bientôt vides. Et chacun pourra constater, au grand jour, que les généreuses promesses du ministre de la cohésion sociale n'avaient que la beauté des chimères.

Quant à ce que vous avez dit sur la DSU, monsieur le ministre, nous en reparlerons - et sans nul doute dans des termes qui vous satisferont -, mais cela sort de votre budget de la politique de la ville : il s'agit de fonds destinés à la dotation globale de fonctionnement ! Nous ne pouvons pas considérer qu'il s'agit du financement de la politique de la ville, ou alors tous les financements des collectivités territoriales relèvent de la politique de la ville, ce qui est une aberration que tous les élus contesteraient !

Si vous baptisez tout cela « refondation de la politique de la ville », monsieur le ministre, je parlerai pour ma part de déstructuration de la politique de la ville. Et j'admets que, dans ce domaine, votre gouvernement est un grand spécialiste !

Pour toutes ces raisons, mon groupe politique votera contre votre projet de budget « Ville et rénovation urbaine » pour 2005. C'est dommage parce que nous partageons, avec vous, monsieur le ministre, la volonté de faire de la politique de la ville une grande politique au service de nos quartiers et de leurs habitants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au logement et à la ville.

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Monsieur le Bouillonnec, comme la politique du logement, celle de la ville mérite mieux que des discours politiciens ! Je le dis avec gravité, mais aussi avec sérénité car lorsque, dans l'opposition, j'étais rapporteur du budget de la politique de la ville, je ne tenais pas des propos mensongers, monsieur Le Bouillonnec,...

M. Édouard Landrain. Très bien !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. ...comme ceux que vous venez de tenir, et je vais vous le démontrer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous continuez à parler de mensonges ?

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Je parle de mensonges, monsieur Le Bouillonnec, et je vais vous le démontrer !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cela devient inacceptable ! Vous ne pouvez pas débattre en disant qu'on ment !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Si, monsieur !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous allez encore être obligé de vous excuser dans trois jours !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Non, monsieur, je ne m'excuserai pas !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est incroyable, monsieur le président !

M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, la parole est au ministre !

Monsieur le ministre, poursuivez !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Monsieur Le Bouillonnec, lorsqu'on cite des chiffres dans un débat démocratique, on doit faire preuve de bonne foi ! Il n'est pire sourd que celui qui ne veut entendre ! Vous êtes un homme intelligent, mais quand on ne lit pas ou qu'on fait semblant de ne pas lire un budget, il y a un mensonge, et je le maintiens !

Vous avez parlé de désintégration, monsieur Le Bouillonnec. Je viens de vous expliquer, et je le répète, que nous refondons la politique de la ville, nous la structurons. La politique de la ville, ce n'est pas une politique fossilisée qui sert à faire du saupoudrage, du gaspillage et du copinage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous pensons - vous et nous, et mes prédécesseurs ont toujours agi dans ce sens, y compris M. Bartolone - que la politique de la ville doit reposer sur une géographie prioritaire pour résorber les causes graves de la fracture sociale. Nous pensons qu'il faut arrêter de traiter les conséquences de la crise - et le rapport de l'Observatoire des ZUS le démontre - pour s'attaquer en profondeur à ses causes,...

M. Philippe Cochet. Très bien !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. ...en concentrant l'action sur les leviers que sont l'emploi, l'égalité des chances et le logement.

Jean-Louis Borloo a restructuré la politique de la ville et je suis fier de son projet du 1er août 2003 que je porte haut et clair, car nous allons, enfin, pouvoir agir de façon cohérente. Cette politique, nous l'avons restructurée avec les zones franches urbaines, que vous avez fait disparaître quand la gauche était au gouvernement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Que nous n'avons pas fait disparaître ! Ce que vous dites est inexact !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Nous avons recréé quarante et une zones franches urbaines dans lesquelles, aujourd'hui - tous les chiffres le démontrent, y compris ceux de l'observatoire des ZUS -, travaillent plus de 80 000 personnes.

La politique de la ville, monsieur Le Bouillonnec, c'est également l'Agence nationale pour la rénovation urbaine qui, contrairement à ce que vous prétendez, dispose bien des moyens de sa politique. L'ensemble des moyens annoncés dans la loi du 1er août 2003 seront mis en place en 2005. Les engagements seront tenus dans les années qui viennent, comme en témoigne la loi de programmation financière pour la cohésion sociale. Et mieux que cela, grâce à un amendement présenté au Sénat, nous avons prolongé l'ANRU de trois ans, ce qui permettra de faire face aux demandes des maires.

Monsieur Dutoit, je vous mets au défi de faire venir ici les maires de Vénissieux, de Vaulx-en-Velin, d'Aubervilliers et de Gennevilliers et de leur parler de désengagement de l'État ! Nous mettrons les chiffres dans la balance !


Il faudra placer, dans l'un des plateaux de la balance, une augmentation sans précédent de la DSU.

M. Frédéric Dutoit. Je l'ai dit !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. M. Muzeau, à Gennevilliers, le reconnaît, comme M. Ralite à Aubervilliers, M. Gerin à Vénissieux ou M. le maire de Vaulx-en-Velin à qui j'ai rendu visite et qui, au cours d'une conférence de presse où nous étions assis côte à côte, a salué la nouvelle politique de la ville, ayant l'honnêteté de convenir que nous lui donnons les moyens de métamorphoser sa ville en profondeur. Sur ce plateau de la balance, il faudra également ajouter les exonérations fiscales des zones franches urbaines ou les équipes de réussite éducative.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous n'avez même pas écouté ce que j'ai dit !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Monsieur Le Bouillonnec, vous le savez, la loi prévoit que les maires doivent rendre compte de l'utilisation de la DSU : il s'agit certes d'une dotation, mais un maire ne l'empoche pas simplement en proclamant qu'il va mener des actions dans sa commune. Encore faut-il que ces actions visent à résorber les inégalités et à renforcer les solidarités.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est de l'argent qui est dû aux villes !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Mais le précédent gouvernement ne le leur a pas donné !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est faux !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. C'est d'ailleurs bien pour cela que le président de l'association « Villes et banlieues » a parlé de réforme historique.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Qui vous a dit le contraire ? Vous n'écoutez que ce que vous avez envie d'entendre !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Vous dites que la politique de la ville se résume à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, que la DSU et les équipes de réussite éducative n'en relèvent pas. Nous avons pourtant voulu montrer combien il était important d'agir dès la petite enfance pour prévenir la délinquance et nous avons mis 172 millions d'euros dans le Fonds d'intervention pour les villes. Si j'ai employé le mot « mensonges », monsieur Le Bouillonnec, c'est parce que je vous ai déjà répondu sur cette question en commission, et que vous saviez donc parfaitement à quoi vous en tenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les chiffres n'étaient pas bons !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Les chiffres parlent d'eux-mêmes !

La LOLF du 1er août 2001, votée par la majorité précédente à l'initiative de M. Didier Migaud, nous propose à juste titre des expérimentations transversales, qui ont un effet de levier dans les quartiers prioritaires, et non des actions féodales, verticales, cloisonnées.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est ce que j'ai dit tout à l'heure !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Vous l'avez dit, mais vous ne l'avez pas fait. Il est, dans mon pays du Nord, un dicton : « Grands diseux, petits faiseux. » Vous venez de faire la démonstration de sa justesse.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je suis un « petit faiseux » et un menteur ? Voici comment on traite l'opposition !

M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, laissez terminer M. le ministre !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si on n'est pas d'accord avec vous, on est traité de tous les noms ! C'est la démocratie à la mode du Gouvernement ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Le Bouillonnec !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Les chiffres parlent d'eux-mêmes !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous n'acceptez pas que l'on conteste votre méthode !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Je n'accepte pas les propos mensongers ! Dans ce budget, 172 millions d'euros sont consacrés aux actions d'intervention en faveur de la ville − et je vous mets au défi de prouver le contraire.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je le conteste !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Contrairement à ce que vous affirmez, les contrats de ville ne sont nullement remis en cause. Ce budget, conformément à la LOLF du 1er août 2001, prévoit une déconcentration sur trois grandes régions.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je le conteste !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Contrairement à ce que vous venez de décider à la tribune, les programmes « ville, vie, vacances » et « adultes relais » ne sont pas remis en cause, et vous retrouvez leurs lignes budgétaires en additionnant les actions figurant dans la ligne globale et les actions déconcentrées.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je le conteste !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Et vous le contestez à tort : ce sont donc des propos mensongers, que je ne peux accepter. La différence entre nous, monsieur Le Bouillonnec, c'est que, comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, et comme le disait Camus, vous préférez rendre compte de la souffrance plutôt que de la réduire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous n'êtes pas les seuls à vous occuper de la souffrance !

TRAVAIL, SANTÉ ET COHÉSION SOCIALE
III. VILLE ET RÉNOVATION URBAINE

M. le président. J'appelle les crédits inscrits à la ligne : « Travail, santé et cohésion sociale III. Ville et rénovation urbaine ».

Je mets aux voix les crédits inscrits au titre III de l'état B.

(Les crédits inscrits au titre III de l'état B sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix la réduction de crédits inscrite au titre IV de l'état B.

(La réduction de crédits inscrite au titre IV de l'état B est adoptée.)

M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre V de l'état C.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre V de l'état C sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre VI de l'état C.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre VI de l'état C sont adoptés.)

M. le président. Nous en avons terminé avec l'examen des crédits du ministère délégué au logement et à la ville concernant la ville et la rénovation urbaine.

PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES, COMMERCE ET ARTISANAT

M. le président. Nous abordons l'examen des crédits du ministère délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.

Dans les explications de vote, la parole est à Mme Marcelle Ramonet, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Mme Marcelle Ramonet. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué au logement et à la ville, mes chers collègues, nous vivons depuis quelques années à l'ère de la globalisation de l'économie et de la mondialisation des échanges. Nous assistons à une véritable mutation, qui fait que ce ne sont plus seulement les matières premières ou les sources d'énergie qui comptent, mais, de plus en plus, le savoir, le travail et l'organisation.

Dans ce contexte, grâce aux réformes engagées depuis 2002, nous avons pu, à côté des politiques nationales, faciliter des initiatives prises au plus près du terrain, telle la création de ces comités d'initiative économique locale qui, à l'image de celui de Quimper, nous permettent d'agir par un ancrage dans la réalité de nos territoires.

Il y a deux ans, une enquête révélait que 15 millions de Français songeaient à créer leur entreprise. L'objectif ambitieux fixé par le Président de la République, qui souhaite la création de un million d'entreprises en cinq ans, devrait non seulement être atteint mais dépassé, puisque le mouvement favorable engagé en 2003 s'est amplifié en 2004, avec environ 27 000 créations ou reprises d'entreprises. En 2002, nous en étions à 200 000 créations : nous en aurons 240 000 en 2004. Notre politique porte donc ses fruits.

Le rôle des TPE et des PME est primordial, car ce sont elles qui créent des emplois. Elles représentent en effet 60 % des emplois du secteur marchand, 53 % de la valeur ajoutée, 41 % des investissements, 30 % des exportations − ce dernier point est essentiel.

La simplification administrative se met en place, mais il reste des progrès à accomplir pour faciliter la création et l'exercice quotidien de l'activité d'entrepreneur. La dynamique engagée en 2004, avec le statut de la jeune entreprise innovante, avec les mesures pour les dépenses de recherche des PME ou pour les nouvelles entreprises en zones urbaine ou rurale défavorisées, doit être amplifiée. Nous y parviendrons grâce à la prorogation jusqu'au 31 décembre 2005 du dégrèvement temporaire de la taxe professionnelle pour les investissements productifs des entreprises, au soutien fiscal aux PME pour la prospection commerciale hors Union européenne − qui est essentiel pour nos exportations −, à l'action en faveur du développement de l'apprentissage, aux mesures pour la relocalisation des activités en France, à la mise en place des pôles de compétitivité.

En 2005, l'effort de l'État en faveur des PME s'élèvera à 21,79 milliards d'euros. Le volet fiscal pour 2005 est, pour sa part, estimé à 4,65 milliards d'euros.

Monsieur le ministre, outre mes activités parlementaires, j'exerce des fonctions municipales et agis chaque jour en faveur du commerce local en Cornouaille comme à Quimper, où nous avons lancé des procédures s'inscrivant dans le cadre du FISAC. Aussi, je souhaite que soit réaffirmée la place essentielle du dispositif FISAC, et que ses moyens soient pérennisés.

J'appelle tout spécialement de mes vœux une action forte, volontariste et pragmatique dans divers domaines.

Il importe tout d'abord d'améliorer l'environnement du chef d'entreprise. Cela implique de limiter les conséquences excessives des risques au plan personnel et familial par la séparation des patrimoines personnel et professionnel.

La mise en place d'une assurance perte d'activité pourrait être une mesure novatrice sécurisant la démarche de l'entrepreneur, qu'il soit créateur ou repreneur. Allez-vous proposer des dispositions allant dans ce sens ?

La reconnaissance du rôle du conjoint dans l'entreprise doit également être mieux assurée. Deux tiers des conjoints apportent une contribution déterminante au fonctionnement de l'entreprise, mais seuls 10 % d'entre eux bénéficient de droits sociaux.

Allez-vous prendre des mesures pour la formation ou la validation des acquis ?

Quelles nouvelles pistes d'action allez-vous privilégier pour l'amélioration des conditions de financement des PME ?

Après leur création, les entreprises connaissent souvent des difficultés de croissance et de développement. Des mesures comme l'accès des PME aux marchés publics, le raccourcissement des délais de paiement ou de remboursement de la TVA seraient de nature à les aider à passer le cap délicat des cinq premières années d'existence. Quel est votre sentiment à ce sujet ?

Dans les dix ou quinze prochaines années, 550 000 chefs d'entreprises françaises devront trouver un successeur. II est essentiel que ce passage s'effectue dans de bonnes conditions, car il s'agit à la fois de pérenniser des emplois sur notre territoire et de conserver les savoir-faire attachés à ces entreprises. Quelles décisions entendez-vous prendre pour desserrer les freins que la fiscalité met à la transmission et à la reprise ?

Monsieur le ministre, le soutien du groupe UMP vous est acquis, car nous plaçons le secteur des PME, du commerce et de l'artisanat au cœur de notre engagement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Launay, pour le groupe socialiste.

M. Jean Launay. Monsieur le président, monsieur le ministre, lors de la discussion budgétaire en commission élargie, votre collègue Christian Jacob a passé beaucoup plus de temps à parler de l'après budget que du budget lui-même. Nous ne le lui reprochons pas, mais cela confirme bien ce que nous lui avons dit ce jour-là : à la lecture des documents budgétaires qui nous ont été transmis, il est difficile de mesurer le soutien que l'État apporte réellement aux PME, au commerce et à l'artisanat.

Cependant, personne ne peut nier que, depuis trois exercices, les dotations sont en baisse constante : 172 millions d'euros en 2003, 170 en 2004 et 167 en 2005. Cette diminution n'est donc pas conforme aux ambitions affichées et nous ne pouvons que douter de cette volonté de soutenir un secteur pourtant essentiel au développement de notre pays.

Vous renvoyez à la loi à venir et nous serons très vigilants. Vous devez être conscients que beaucoup s'impatientent, en particulier les artisans qui ne s'accommodent pas du décalage entre le discours et les actes.

Nous attendons toujours la simplification du FISAC et regrettons que les dossiers en cours ne puissent aboutir, faute de crédits suffisants. Leur nombre traduit pourtant une réelle dynamique, qu'il serait dommage de décourager. Nous espérons que la situation va s'améliorer.

La position personnelle du ministre sur la loi Galland a tendance à nous rassurer quant aux arbitrages qui doivent être rendus, mais nous nourrissons de nombreuses craintes, notamment pour les petits commerces.

Nous attendons aussi un bilan des mesures fiscales qui ont été prises, sans réelle contrepartie, en faveur des hôteliers-restaurateurs. Nous aurions, pour notre part, préféré un crédit d'impôt. Nous aimerions surtout savoir combien d'emplois ont été créés et si vous comptez poursuivre la lutte contre le travail illégal.


Nous insistons par ailleurs pour que l'État mette plus d'ardeur à tenir les engagements pris dans le cadre des contrats de plan État-régions en faveur des PME-PMI, du commerce et de l'artisanat. C'est un point qui a été souligné par notre collègue Augustin Bonrepaux dans son rapport devant la commission des finances.

Enfin, nous renouvelons deux demandes précises : d'une part, qu'une aide soit accordée aux commerçants ambulants sur la taxation des carburants, à l'instar de ce qui a été fait pour d'autres professions - le rôle de ces commerçants est essentiel en milieu rural et en particulier vis-à-vis des personnes âgées qui ont des difficultés à se déplacer ; d'autre part, qu'un soutien réel soit apporté à l'action indispensable des associations de consommateurs.

Hormis quelques mesures intéressantes certes, mais qui restent à concrétiser, beaucoup trop d'incertitudes pèsent sur ce budget encore en diminution, qui soulève plus de craintes que d'espoirs. Dans ces conditions, le groupe socialiste ne votera pas les crédits du ministère des PME, du commerce et de l'artisanat.

M. André Chassaigne. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Rodolphe Thomas, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Rodolphe Thomas. Monsieur le ministre délégué au logement et à la ville, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur ces chiffres que tout le monde connaît : les 2,4 millions de PME emploient près de 8 millions de salariés en France. Je préfère insister sur la réconciliation, indispensable à mes yeux, de l'entreprise avec la population.

L'entreprise doit apparaître pour ce qu'elle est, c'est-à-dire le moteur de la croissance et de l'emploi. L'image de l'entreprise est, en effet, trop souvent brouillée, voire négative, aux yeux de nos concitoyens. Les sinistres économiques ont un tel impact sur la région concernée : là où l'entreprise rayonnait sur son environnement, était pourvoyeuse d'emplois et créatrice de lien social, elle devient source de désarrois individuels et collectifs.

Le phénomène des délocalisations contribue à détériorer leur image de marque. La présence d'une entreprise sur un territoire n'est plus vécue comme le fruit d'un enracinement durable qui associe de manière indissociable l'entreprise à la vie d'une région. Elle apparaît, au contraire, de plus en plus précaire et susceptible d'être remise en cause sous l'effet de la conjoncture et d'exigences économiques qui dépassent largement les frontières de nos collectivités.

Or, pour se développer ou se maintenir dans un environnement en mutation rapide, les entreprises doivent relever sans cesse de nouveaux défis et s'intégrer au cercle vertueux de l'économie concurrentielle : compétence, anticipation, réactivité, créativité et innovation. Je suis persuadé que la désindustrialisation, les délocalisations et les problèmes d'emploi que rencontrent les entreprises ne sont pas une fatalité.

Mais il nous faut prendre conscience des situations parfois ubuesques que subissent les PME, les commerçants et les artisans. Je prendrai simplement l'exemple de l'impôt forfaitaire annuel et des charges sociales.

L'impôt forfaitaire annuel est une absurdité, qui oblige les entreprises à payer d'avance, qu'elles aient ou non réalisé des bénéfices. Quant aux charges sociales, elles s'appliquent de la même façon aux entreprises, quelle que soit leur taille. Ainsi, un artisan employant trois personnes qui en embauche une quatrième voit ses frais croître de 33 % tandis que pour un employeur de 1 000 personnes, les frais qu'il supporte du fait de l'embauche d'un salarié supplémentaire n'augmentent que de 1 0/00 !

En tant que parlementaires, il nous revient aussi d'accompagner les mutations économiques. La politique menée par le Gouvernement doit s'accompagner de véritables plans d'actions pour les TPE, les PME, les commerçants et les artisans.

Il faut notamment soutenir les entreprises innovantes. Je salue à ce propos le rapport remarquable que notre ami Christian Blanc a remis au Premier ministre, intitulé « pour un éco-système de la croissance », et dans lequel il met en évidence les handicaps structurels de notre pays et suggère des solutions pour les combattre.

Il faut également améliorer le financement des TPE et PME, et, pour cela, réfléchir sur ce qui ne va pas tout particulièrement dans les relations des entreprises avec les banques. Combien d'entreprises se trouvent confrontées au manque d'audace des banques. Comme on dit dans le milieu économique, les banques « ne suivent pas » ou « on ne prête qu'aux riches » et les jeunes, ou moins jeunes, qui veulent créer leur entreprise ne peuvent réaliser leur rêve car ils n'offrent pas suffisamment de garanties. Bref, notre économie manque d'ambition et donc d'emplois. L'argent et les investissements sont pourtant le nerf du développement économique.

La dotation du FISAC, dont l'utilité n'est plus à démontrer particulièrement en zone rurale, est stable avec 71 millions d'euros. Mais, dans le cadre de l'accord du 17 juin conclu sur la baisse des prix, Nicolas Sarkozy a annoncé qu'une dotation supplémentaire de 29 millions serait proposée pour le FISAC en loi de finances rectificative. De nombreux dossiers sont en attente pour des raisons de trésorerie. Le groupe UDF souhaite avoir des assurances sur la pérennisation des crédits pour les années à venir. À ce sujet, les fédérations de commerçants vous mettent en garde, monsieur le ministre, contre le projet de réformer la loi Galland mais aussi celui d'assouplir la loi Raffarin et faciliter ainsi les implantations de nouvelles grandes surfaces et les ouvertures du dimanche.

Concernant les marges arrières, le groupe UDF avait demandé au Gouvernement de ne pas légiférer dans l'urgence sur ce thème et avait proposé la création d'une commission d'enquête parlementaire. En vain. Le groupe UMP a finalement décidé, après avoir pris conscience des vives inquiétudes qui se sont manifestées notamment chez les artisans et commerçants, de créer une mission d'information. Nous craignons que les conditions dans lesquelles cette mission d'information a été créée ne permettent pas de conduire une réflexion indépendante et pluraliste, susceptible d'éclairer le Parlement sur un sujet majeur qui concerne tant les producteurs que des millions de consommateurs français.

Le ministère des finances a, semble-t-il, rédigé un projet de loi réformant la loi Galland sur les relations commerciales qui prévoit, dans les trois ans, l'élimination des marges arrière en abaissant le seuil de revente à perte. Le texte devrait être transmis au Conseil d'État avant la fin du mois.

En ce qui concerne le régime social des indépendants, le RSI, je rappelle que l'UDF a été à l'origine de la démarche qui a conduit les acteurs de la protection sociale des travailleurs indépendants à s'engager dans un processus historique de rapprochement des caisses ORGANIC, CANCAVA et CANAM. Cette avancée pour les commerçants et les artisans a abouti à la mise en place de l'interlocuteur social unique dans le cadre du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit et à légiférer par ordonnances.

Un désaccord subsiste malgré tout puisque le groupe UDF considère que le RSI doit être l'acteur majeur auprès des artisans commerçants, en assurant lui-même le rôle d'interlocuteur social unique.

Monsieur le ministre, aujourd'hui, le programme de développement économique du secteur des artisans recèle deux incohérences qui conduisent à s'interroger sur les intentions du Gouvernement et sa volonté d'assurer sa pérennité depuis la réforme de 2003.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Thomas.

M. Rodolphe Thomas. Je termine, monsieur le président.

D'abord, une certaine lenteur dans le versement des crédits malgré la mise en place de systèmes d'informations permettant de suivre l'impact des actions réalisées sur le terrain par les artisans eux-mêmes. À ce jour, les organisations professionnelles des artisans n'ont toujours pas obtenu le moindre versement.

Ensuite, la réduction sensible depuis plusieurs années des crédits de ce programme de développement économique en faveur des artisans. Cest en effet sur ces crédits que porte la majeure partie des restrictions budgétaires de 2004 concernant les PME, le commerce et l'artisanat.

Monsieur le ministre, quelles mesures comptez vous prendre pour répondre à cette situation ?

Mes chers collègues, les chefs d'entreprises attendent une baisse significative des charges sociales, un accès plus facile des entreprises aux financements, un allégement de la réglementation sociale et du droit du travail - il est indispensable de compenser les discriminations dont sont victimes les PME et TPE par rapport aux grandes surfaces -, une révision du statut du conjoint collaborateur, et, bien sûr, un assouplissement des 35 heures dans les PME et les entreprises d'artisanat.

Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas tout résoudre en quelques mois, mais les entrepreneurs de ce pays attendent beaucoup du Gouvernement pour libérer les énergies qui leur permettront de participer pleinement à la croissance annoncée. Le groupe UDF votera pour le budget des PME, du commerce et de l'artisanat. Mais, monsieur le ministre, il reste beaucoup à faire.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. André Chassaigne. Monsieur le ministre, le budget consacré aux petites et moyennes entreprises s'appuie sur un mythe, que votre majorité et vos amis cherchent à entretenir, selon lequel les difficultés de nos entreprises seraient la conséquence de deux choses : le niveau des prélèvements obligatoires, par définition toujours trop élevé, et les contraintes administratives et réglementaires, notamment les 35 heures, évidemment, responsables de tous les maux de la société française.

Tout à fait logiquement, votre politique, résumée dans ce budget en baisse, s'attache exclusivement à entretenir ce mythe, et donc à résorber ces prétendues difficultés. Cela permet d'occulter les listes d'attente du FISAC. Dans les préfectures, les dossiers s'accumulent, sans pouvoir remonter, nous dit-on, faute de financement. On nous dit également que, à cause des contrôles de légalité, on ne peut plus apporter d'aides directes, qu'il faut bloquer les dossiers en attendant un éclaircissement du ministère, qui n'arrive pas.

Vous vous attachez essentiellement aux exonérations fiscales censées, en complément des miraculeuses exonérations de charges sociales, venir en aide aux petites entreprises et résoudre tous les problèmes. Vous simplifiez l'environnement réglementaire et administratif des entreprises, en espérant ainsi encourager, comme par enchantement, la création d'entreprises en France.

Curieusement, toutes ces mesures ne semblent pas convaincre les chefs d'entreprise des PME. En effet, selon le baromètre mensuel des PME réalisé par IPSOS pour La Tribune, 63 % d'entre eux estiment votre action en leur faveur peu efficace, 1 % à peine la jugeant très efficace.

La situation de l'emploi comme la conjoncture économique sont d'autres piqûres de rappel qui soulignent l'inefficacité de votre politique en ce domaine.

Comment expliquer que tous vos efforts pour les PME restent aussi vains ? Tout simplement parce qu'il y a loin du mythe, que j'évoquais au début de mon intervention, à la réalité, et que les principales difficultés des PME ne sont pas là où vous les situez.

D'abord, vous le savez, les PME sont aujourd'hui asphyxiées par leurs donneurs d'ordres et leurs clients, qui sont souvent les mêmes, à savoir les multinationales.

M. Rodolphe Thomas. C'est vrai !

M. André Chassaigne. Chacun d'entre nous connaît de multiples exemples. Le responsable régional de la Plasturgie Auvergne m'expliquait hier au téléphone, de façon très crue, la situation des PME dans le domaine de la plasturgie face à l'augmentation de 80 % des matières premières. Quand les chefs d'entreprise téléphonent aux donneurs d'ordre pour leur demander de l'aide, ceux-ci répondent, je ne mens pas, qu'ils ne peuvent pas baisser leurs prix, que c'est à eux de baisser leurs prix de 20 %. Sinon, ils menacent d'aller s'approvisionner sur le marché chinois. La seule solution que les donneurs d'ordres laissent aux PME, finalement, c'est la délocalisation. Les donneurs d'ordres disent par exemple aux entreprises de plasturgie de ma circonscription qui font fabriquer leurs moules sur la ville de Thiers d'arrêter de fabriquer en France et de commander ou de faire fabriquer en Chine. Ou bien, ils leur commandent des recherches et quand le dessin est prêt, ils lancent la réalisation en Chine. Voilà le véritable problème.

M. Philippe Cochet. Les 35 heures n'ont rien arrangé !

M. André Chassaigne. Il faut réfléchir et trouver des solutions pour aider ces PME, qui se sentent artificiellement asphyxiées, sans aide de l'État.

Nous connaissons tous des entreprises qui s'apprêtent à déposer leur bilan. Certes, des mesures d'accompagnement existent, comme celles qui figurent dans le budget, mais le fond du problème n'est pas là. Si on ne s'attaque pas rapidement à cette question au niveau national, mais également européen, on court à la catastrophe, surtout dans les territoires ruraux.

M. Rodolphe Thomas. Vous avez raison, mais les 35 heures n'ont pas arrangé les choses !

M. le président. N'interrompez pas M. Chassaigne, monsieur Thomas, il ne vous a pas interrompu.

M. André Chassaigne. Plus qu'un mythe, vous en faites votre credo. Allez sur le terrain, interrogez les entreprises, vous verrez si le problème est vraiment là.

M. Philippe Cochet. C'est la première chose dont il faut parler quand même !

M. André Chassaigne. Le rapport Canivet contient certes quelques éléments de réponse mais, en aucun cas, il ne peut être considéré comme la panacée et les PME craignent d'être de plus en plus asphyxiées du fait du racket organisé par la grande distribution.

Autre entrave de taille, qui a été soulignée, je m'en réjouis, par le porte-parole de l'UMP et qui est la conséquence de l'économie libérale qui règne dans le milieu bancaire, c'est le financement qui a été privilégié dans les années quatre-vingt des intermédiaires de l'économie. Les marchés boursiers financent en priorité les grandes entreprises et les banques ne jouent plus le jeu du développement local.


Ces banques, qui s'enrichissent avec les comptes des particuliers, ne veulent plus courir de risques. Nous souffrons, dans ce pays, de la disparition d'un pôle bancaire public susceptible d'accompagner les PME dans leur développement, et je ne dis pas que la majorité actuelle en soit la seule responsable. Il en résulte un blocage sur le terrain.

Ce budget repose sur un mythe et ne résoudra rien, car il ne règle pas les problèmes de fond. Voilà pourquoi nous ne le voterons pas.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au logement et à la ville.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je vous prie d'excuser l'absence de Christian Jacob, qui est en voyage à l'étranger avec M. le Premier ministre. C'est avec beaucoup de plaisir que je présente son budget. En effet, le ministère de l'emploi et celui des PME travaillent la main dans la main pour la création d'emplois, en particulier dans les PME-PMI, et Christian Jacob a apporté une contribution déterminante au programme relatif à l'apprentissage du plan de cohésion sociale.

Ce budget s'articule autour de trois axes fondamentaux : la relance de l'initiative économique, la solidarité et la territorialisation des politiques, notamment à travers le FISAC, et les aides du Gouvernement au monde de l'artisanat.

Parlons des actes, monsieur Chassaigne ! Nous pouvons aujourd'hui mesurer les effets de la loi Dutreil. La création d'entreprises est repartie à la hausse : de 175 000 nous sommes passés à 200 000 en 2003 et nous devrions approcher les 240 000 en 2004. Nous pouvons donc dire aujourd'hui, en toute sérénité, que l'objectif fixé par le Président de la République en 2002 de un million de créations au cours du quinquennat sera dépassé. C'est l'effet d'une politique économique qui a libéralisé certaines choses et redonné du souffle à la création d'entreprises, que vous le vouliez ou non, en simplifiant l'acte de création et en débureaucratisant. Lorsque vous demandez aujourd'hui aux PME quels sont les freins majeurs à leur activité, elles vous répondent : les 35 heures et la complexité du circuit administratif.

M. Rodolphe Thomas. C'est vrai !

M. André Chassaigne. Balivernes !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. La grande erreur du gouvernement précédent et de Mme Aubry,...

M. Rodolphe Thomas. La dame des 35 heures !

M. le ministre délégué au logement et à la ville.... que je connais bien - je vais la retrouver tout à l'heure, car elle est deuxième vice-président de la communauté urbaine dont je suis premier vice-président -, a été de vouloir couler tout le monde dans le même moule, de vouloir faire passer toutes les entreprises sous la même toise, alors que c'est au contraire en encourageant la souplesse, la flexibilité, la diversité de nos PME-PMI que nous pourrons favoriser la création d'emplois.

M. Philippe Cochet. Absolument !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Mme Ramonet nous a demandé d'améliorer l'environnement des entreprises. Christian Jacob va présenter au Gouvernement, dans quelques semaines, un projet de loi pour l'entreprise qui reprendra ses suggestions. Les quatre axes principaux de ce texte sont les suivants : faciliter le financement des PME, favoriser de nouvelles formes d'activité et travailler sur le statut du conjoint collaborateur, simplifier le fonctionnement des PME et faciliter la transmission. Mme Ramonet y trouvera bien des réponses positives à ses interrogations.

Le FISAC, monsieur Launay, est victime de son succès : deux fois plus de dossiers à traiter, un montant moyen d'aide versée multiplié par trois et, comme l'a très justement dit M. Thomas, une dotation globale en progression de 42 % - excusez du peu ! - pour atteindre, conformément à l'engagement de Nicolas Sarkozy, 100 millions d'euros. Cela témoigne bien d'une volonté d'encourager ce dispositif. Celui-ci a été victime d'un engorgement, d'où une circulaire du 14 octobre dernier qui a donné aux préfets instruction de reprendre le traitement des dossiers dans l'ordre d'arrivée. Certains financements prévus pour 2004 - il y a actuellement 900 dossiers à l'étude -, ne seront donc examinés qu'en 2005, mais il n'y a aucun désengagement de l'État, bien au contraire, et la progression de la dotation du FISAC en témoigne.

Quant à l'érosion, très modeste, des crédits, il faut, monsieur Thomas, la replacer dans un contexte plus global et regarder le bilan consolidé de l'action menée. La dépense fiscale totale en faveur des entreprises atteint 4,64 milliards d'euros et progresse de 18,82 % - excusez du peu ! C'est bien la preuve que le Gouvernement mène en faveur des PME une grande politique volontariste.

Enfin, monsieur Chassaigne, le russophile que je suis vous rappellera qu'au panthéon de la mythologie figurent en bonne place Marx, Engels et Lénine ! Les Russes disent : « La mort d'une organisation, c'est lorsqu'en haut, on n'en peut plus, et qu'en bas, on n'en veut plus ! ». C'est comme ça que le mur de Berlin s'est effondré ! Alors, je vous renvoie à vos propres mythes !

M. André Chassaigne. Mais vous ne répondez pas à mes questions !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Ce sont les pôles de compétitivité annoncés par Nicolas Sarkozy qui permettront de redynamiser l'activité des PME-PMI. Nous allons sauver la porcelaine de Limoges grâce aux pôles de compétitivité. Dans ma région du Nord - je me tourne là vers Christian Vanneste -, l'industrie textile est inéluctablement confrontée au problème des délocalisations, car, quoi que l'on fasse, le prix de revient est supérieur aux prix de vente des pays du sud-est asiatique en raison du niveau des charges sociales. Il faut donc bien repenser les choses. Nous allons ainsi créer un pôle de compétitivité sur le textile technique, qui est une voie d'avenir, et nous pouvons aussi réfléchir à la constitution d'un pôle de compétitivité à Thiers.

M. André Chassaigne. Chiche !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Quant à la loi Galland, Christian Jacob réunira dès mardi prochain un groupe de travail pour prendre le temps de la réflexion et apprécier l'opportunité d'une éventuelle réforme. Ses conclusions devraient intervenir en février 2005. Il y a donc une volonté de concertation.

Ce budget volontariste, qui sera renforcé par le projet de loi sur l'entreprise de Christian Jacob, donne donc clairement la priorité à la souplesse, à la création et à l'innovation. Vous le verrez en 2007, monsieur Launay, monsieur Chassaigne, il aura permis non seulement de créer de nouvelles entreprises, mais aussi de redynamiser complètement le tissu de l'emploi dans nos PME-PMI dans l'ensemble de nos provinces. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

ÉCONOMIE, FINANCES ET INDUSTRIE

M. le président. J'appelle les crédits inscrits à la ligne : « Économie, finances et industrie ».

Je mets aux voix les crédits inscrits au titre III de l'état B.

(Les crédits inscrits au titre III de l'état B sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix la réduction de crédits inscrite au titre IV de l'état B.

(La réduction de crédits inscrite au titre IV de l'état B est adoptée.)

M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre V de l'état C.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre V de l'état C sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre VI de l'état C.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre VI de l'état C sont adoptés.)

M. le président. En accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 73.

Après l'article 73

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 253.

La parole est à M. Serge Poignant, pour le soutenir.

M. Serge Poignant, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Je l'indique en préalable : nous regrettons que les crédits qui sont venus abonder certaines lignes en loi de finances rectificative pour 2004 n'aient pas été intégrés au présent projet de loi.

Je rappelle, par ailleurs, que Christian Jacob s'est engagé à régler le problème de la TACA pour les commerces non alimentaires. J'ai retiré un amendement, compte tenu de son engagement de revoir ce problème avant le passage au Sénat.

L'amendement n° 253 vise à majorer le plafond du droit fixe de la taxe additionnelle à la taxe professionnelle perçue au profit des chambres de métiers et de l'artisanat. Son objectif est triple.

D'abord, il est prévu de porter de 93,50 euros à 95,50 euros le montant du plafond du droit fixe des chambres de métiers et de l'artisanat.

Ensuite, compte tenu de l'absence de chambres régionales dans les DOM, il est proposé d'augmenter le plafond maximal du droit fixe des chambres de métiers et de l'artisanat des DOM d'un montant équivalent à celui perçu par les chambres régionales de métropole, qui est de 7 euros, ce qui fait un total de 102,50 euros.

Enfin, il est inscrit dans cet amendement une majoration exceptionnelle pour 2005 de 1 euro du droit fixe afin de permettre aux chambres de métiers et de l'artisanat de financer l'organisation des élections.

Ces augmentations permettront aux chambres de métiers et de l'artisanat, tant en métropole que dans les DOM, d'assurer la continuité de leurs missions de service public auprès des artisans.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement.

M. Jean-Jacques Descamps, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. La commission n'a pas examiné cet amendement. Elle a d'ailleurs regretté que le Gouvernement ne lui fasse pas de propositions à ce sujet.

A titre personnel, je ne suis pas opposé à cet amendement, car il est normal que le droit fixe augmente proportionnellement à l'inflation. Il est aussi de tradition que, lorsqu'il y a élection, il y ait une contribution supplémentaire. Je souhaite simplement que cette contribution ne persiste pas comme cela a été le cas il y a trois ans. Nous espérons que le droit fixe ne sera pas augmenté en 2006.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Le Gouvernement a bien noté ce que vient de dire M. le rapporteur spécial et s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 253.

(L'amendement est adopté.)

COMPTES SPÉCIAUX DU TRÉSOR

M. le président. J'appelle les articles 52 à 58 concernant les comptes spéciaux du Trésor.

Articles 52 et 53

M. le président. Je mets aux voix l'article 52.

(L'article 52 est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 53.

(L'article 53 est adopté.)

Article 54

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 223.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Cet amendement technique vise à modifier la nomenclature des dépenses du compte d'affectation spécial pour permettre le versement d'une aide à la restructuration de la société Bull.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Descamps, rapporteur spécial. La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, j'y suis favorable, compte tenu des engagements qui ont été pris vis-à-vis de la société Bull.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 223.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 54, modifié par l'amendement n° 223.

(L'article 54, ainsi modifié, est adopté.)

Articles 55 et 56

M. le président. Je mets aux voix l'article 55.

(L'article 55 est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 56.

(L'article 56 est adopté.)

M. le président. En accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 56.

Après l'article 56

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 224.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Cet amendement technique, lui aussi, tend à autoriser un découvert sur le compte de commerce « Approvisionnement des armées en produits pétroliers », de manière à couvrir à court terme des évolutions non prévisibles des besoins telles que l'évolution du cours du baril ou les déploiements en opérations extérieures.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Descamps, rapporteur spécial. La commission n'a pas examiné cet amendement auquel, à titre personnel, je suis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 224.

(L'amendement est adopté.)

Articles 57 et 58

M. le président. Je mets aux voix l'article 57.

(L'article 57 est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 58.

(L'article 58 est adopté.)

M. le président. Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.


AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

M. le président. Nous abordons l'examen des crédits du secrétariat d'État à l'aménagement du territoire.

La parole est à M. le secrétaire d'État à l'aménagement du territoire.

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'État à l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi de remercier tous ceux d'entre vous qui ont pris part à l'examen de la partie du projet de budget pour 2005 consacrée à l'aménagement du territoire. Aux côtés de Gilles de Robien, j'ai eu le plaisir de participer, lors de la séance de la commission des finances élargie qui s'est tenue le 3 novembre dernier sous la présidence de MM. Méhaignerie et Ollier - et je leur rends hommage -, à un débat de grande qualité. Les rapports de présentation de MM. Louis Giscard d'Estaing et Jacques Le Nay y sont pour beaucoup, ainsi que les interventions nombreuses et pertinentes qui ont contribué à ce résultat.

Dans le projet de loi de finances pour 2005, le montant des autorisations de programme en matière d'aménagement du territoire s'établit à 255 millions d'euros, tandis que les dépenses ordinaires et les crédits de paiement s'élèvent à 265,2 millions d'euros. Ces moyens sont, il est vrai, en diminution par rapport à la loi de finance pour 2004, mais ils traduisent la volonté gouvernementale de maîtrise générale de la dépense publique, sans que soit remise en cause une politique dont l'ambition est de donner à nos territoires toutes les chances pour exercer leur droit à la compétitivité.

Cette politique s'organise autour de trois grands axes : soutenir le développement équilibré des territoires en assurant l'égalité des chances, notamment par l'égal accès de la population à la téléphonie mobile et à l'Internet haut débit ; renforcer la compétitivité de la France par une politique de soutien aux entreprises créatrices d'emplois et aux pôles de compétitivité que nous venons de lancer lors du CIADT du 14 septembre dernier ; enfin, impulser la réalisation de grands projets structurants en termes de développement durable.

Mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement compte sur votre soutien pour mettre en œuvre des objectifs ambitieux qui visent à réduire les inégalités entre nos territoires et à leur donner les moyens de créer plus de richesses et plus d'emplois. Soyez assurés de ma détermination à œuvrer en ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote.

La parole est à M. Jacques Bobe, pour le groupe de l'UMP.

M. Jacques Bobe. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ainsi que cela a été rappelé à plusieurs reprises lors des débats en commission élargie, l'aménagement du territoire dépasse, et de loin, les seuls crédits inscrits à ce budget spécifique.

M. André Chassaigne. C'est trop facile !

M. Jacques Bobe. Le Gouvernement a clairement exprimé sa volonté d'agir prioritairement sur trois axes : les pôles de compétitivité, le développement et la solidarité, enfin l'attractivité des territoires.

En ce qui concerne les pôles de compétitivité, vous nous avez apporté, monsieur le secrétaire d'État, des précisions quant à l'esprit qui les animera, à savoir le partage des ressources et des compétences, quant aux objectifs poursuivis - avant tout le développement de projets importants, viables et tournés vers les nouvelles technologies -, et quant à l'état d'avancement du cahier des charges, qui sera publié très prochainement. Vous avez souligné également le rôle que ces nouveaux pôles pourront jouer dans la lutte contre les délocalisations. Sur ce point, le groupe UMP partage entièrement votre position. Le prochain CIADT, qui devrait se tenir au printemps 2005, pourra certainement ouvrir de nouvelles pistes de réflexion et d'action.

En ce qui concerne la solidarité et le développement, l'effort de rattrapage en matière de couverture du territoire en téléphonie mobile et en haut débit doit être activement poursuivi, afin d'amplifier la progression observée en 2004. Parallèlement, il convient de mieux assurer la fiabilité des réseaux pour éviter que ne se reproduisent les incidents de ces derniers mois et même de ces derniers jours. La prise en charge de la mise en place de la téléphonie mobile par les opérateurs pour les 1 800 communes concernées par la deuxième phase du plan de couverture est une initiative très positive, et l'effort doit être poursuivi. Il en est de même pour l'autorisation donnée aux collectivités territoriales de devenir opérateurs pour l'accès à l'Internet haut débit. Ces deux mesures devraient permettre une avancée très marquée des nouvelles technologies en milieu rural, au bénéfice du développement économique et de l'attractivité de ces territoires tant pour les entreprises que pour les particuliers. À cet égard, selon quel calendrier envisagez-vous la couverture totale du territoire ?

M. André Chassaigne. Cela traîne depuis deux ans !

M. Jacques Bobe. Parce que vous n'aviez rien fait avant !

S'agissant des contrats de plan État-régions, les différentes interventions vous ont permis de constater, monsieur le secrétaire d'État, combien les élus locaux, à tous les niveaux, sont attachés à leur mise en œuvre et au respect de la programmation arrêtée. Un effort important a été réalisé pour combler le retard accumulé au cours des premières années de la mise en œuvre du XIIe contrat de plan, mais il reste encore beaucoup à faire, notamment dans le recentrage sur les grands projets structurants et pour l'amélioration des outils de pilotage mis à la disposition des collectivités territoriales. Nous aurions aimé, en outre, être mieux informés sur l'avenir des fonds structurels européens, qui constituent un enjeu majeur dans la mesure où ils participent pour environ un tiers au financement des contrats de plan.

Pour ce qui est du volet relatif à l'attractivité du territoire, l'objectif de maintien du service au public a été largement confirmé et précisé par le projet de loi sur le développement des territoires ruraux. Dans ce domaine, j'y insiste, toute solution, toute décision, doit être concertée préalablement avec les élus locaux et les usagers, non seulement afin qu'elle réponde aux besoins mais aussi pour qu'elle soit bien comprise.

M. André Chassaigne. La concertation ne suffit pas : il faut une volonté politique !

M. Jacques Bobe. Vous êtes bien mal placé pour en parler, vous qui avez ignoré toute concertation !

Les communes pourront intervenir dans le maintien de ces services aux publics : ainsi le principe de proximité qui doit les caractériser sera-t-il préservé.

La décentralisation, principe encore récent qui redéfinit les responsabilités de l'État et des collectivités locales, a depuis peu été élargie. Elle sert de support à de nouvelles initiatives et de nouveaux partenariats, dans l'optique de servir l'intérêt général. Mettons-la en œuvre avec détermination afin de conserver un avenir à nos zones rurales : il en va de l'équilibre du territoire !

Conscient de ce qu'il reste à faire, mais aussi des efforts très importants et à long terme entrepris, qu'ils soient intrabudgétaires ou extrabudgétaires, sachant que le Gouvernement prévoit en 2005 un effort significatif en faveur des zones rurales, constatant enfin que les moyens engagés sont rationalisés et mieux orientés, le groupe UMP votera sans réserve votre budget, monsieur le secrétaire d'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Launay, pour le groupe socialiste.

M. Jean Launay. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis avril 2004, la politique d'aménagement du territoire est placée sous la responsabilité du ministère de l'équipement et des transports. Cette restructuration pouvait laisser augurer une nouvelle volonté politique, mais il n'en est rien. Le budget pour 2005 que vous nous présentez n'est pas à la hauteur de nos espérances. En baisse de 2,5 % par rapport à 2004, il n'atteint même pas, avec 265 millions d'euros, le niveau de 2003 !

Vous comprendrez dès lors, monsieur le secrétaire d'État, notre scepticisme envers ce que votre gouvernement appelle les « actions prioritaires pour 2005 », d'autant que les annulations de crédits pour 2004 s'élèvent à 2,2 millions d'euros en crédits de paiement pour le fonctionnement des services.

Les moyens alloués seront-ils à la hauteur des enjeux d'un véritable aménagement du territoire ? Nous ne le pensons pas. Nous avons de grandes interrogations, d'une part sur la réalité de la volonté du Gouvernement à œuvrer dans le sens du développement durable et de faire vivre les grandes déclarations faites à Johannesbourg, et d'autre part sur la situation des services publics, en particulier dans les zones rurales et les quartiers sensibles, où le désengagement de l'État va accentuer la fracture territoriale.

Ce budget ne se donne pas les moyens d'affirmer ses priorités. Au cours du CIADT de décembre 2003, le Gouvernement proposait la réalisation de cinquante grands projets d'infrastructures, dont trente-cinq concernaient les transports. Une Agence de financement des infrastructures de transport - l'AFIT - doit les financer jusqu'en 2012 avec une dotation de 7,5 milliards d'euros issue, entre autres, des dividendes autoroutiers. Or le ministre des finances vient d'annoncer l'ouverture prochaine du capital de deux sociétés d'autoroutes. Qu'adviendra-t-il des dividendes après la privatisation ? Comment peut-on miser sur un programme d'une telle ampleur en laissant planer autant d'incertitudes sur son financement ? N'est-ce pas là, une fois de plus, le signe du désengagement de l'État ?

Parallèlement, le Gouvernement confirme la suppression des aides de l'État en faveur des transports collectifs de province. Les subventions aux transports en commun en site propre et aux études liées aux plans de déplacements urbains ont disparu. Au surplus, le retard dans la mise en œuvre des contrats de plan État-régions touche davantage les projets ferroviaires que les projets routiers. De nombreuses opérations sont fortement compromises, ce qui remet en cause non seulement la politique de l'État en matière de transports, mais aussi l'aménagement du territoire tout entier.

Plus grave encore, le Gouvernement remet implicitement en question, par le déséquilibre qu'il provoque entre le volet ferroviaire et le volet routier, les grandes orientations en faveur du développement durable décidées de façon concertée par l'État et les régions en 2000.

Pour mener sa politique de rééquilibrage économique des territoires, il mise encore une fois sur des allègements fiscaux, dont l'exonération totale d'IS sur les bénéfices pendant trois ans, suivie d'une réduction de 50 %. De telles mesures ne sont jamais assorties d'engagements réciproques et on connaît leurs effets.

Le dernier CIADT, en instaurant les pôles de compétitivité pour renforcer les spécialisations de l'industrie française, notamment en matière d'innovation, a voulu faire converger les moyens publics et privés. Les ministères sont appelés à consacrer 25 à 30 % de leurs fonds d'intervention à l'émergence de ces pôles. Il est prévu à cet effet une enveloppe de 360 millions d'euros sur trois ans à compter de 2005. Mais le budget que vous nous présentez est-il en mesure d'amorcer cette dynamique ?

Nous touchons là aux limites d'un budget qui traduit la fin d'une vision globale du territoire, du principe d'accessibilité pour tous les citoyens et du souci de développement durable : vos choix ne vont pas dans le sens d'un meilleur maillage de l'espace et de son irrigation.

Ainsi, la politique de décentralisation s'apparente de plus en plus à une politique des petits pas. Les contrats de plan État-régions, qui sont l'outil de la décentralisation et dont l'enjeu est considérable, puisqu'ils représentent de 15 à 20 % du budget d'investissement de l'État et 20 à 25 % de ceux des régions, sont en difficulté. Si l'on considère les réalisations structurantes menées dans ce cadre et les budgets conséquents qui les caractérisent, le bilan des CPER conduit à penser que ce dispositif doit être d'autant plus conforté que le processus de décentralisation franchit une nouvelle étape. Telle est d'ailleurs la conclusion des rapports de MM. Giscard d'Estaing et Le Nay.

Or qu'en est-il aujourd'hui ? La politique d'investissement de l'État est remise en cause. Invoquer un simple problème d'exécution budgétaire ne suffit plus à masquer la réalité. C'est la philosophie même des contrats de plan État-régions qui est en jeu. La question a été fort bien posée par Augustin Bonrepaux dans son rapport au nom de la commission des finances : l'État a-t-il la volonté de faire vivre ces contrats ? Force est de constater que nous sommes aux antipodes d'une politique de lutte contre les inégalités territoriales, et donc de l'objectif consistant à renforcer l'attractivité et le développement économique du territoire. Les régions sont aujourd'hui dans une situation particulièrement inconfortable et ne peuvent parer aux insuffisances de l'État. Vous dites refuser la fatalité, mais en réalité vous la confortez.

Aussi notre groupe émettra-t-il un vote négatif sur les crédits de l'aménagement du territoire.

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe UDF.


M. François Rochebloine
. Monsieur le secrétaire d'État, le budget de l'aménagement du territoire que vous nous présentez ce matin participe, dans le nouveau cadre du ministère de l'équipement et des transports, de la rationalisation des dépenses décidée par le Gouvernement, ce que le groupe UDF approuve. En effet, les moyens affectés à ce budget s'élèvent à 265 millions euros, ce qui représente une légère baisse de 2,83 % par rapport à 2004. Néanmoins, cette baisse n'entrave pas la politique d'aménagement du territoire, puisque ce budget n'est pas le seul à participer de cette politique. D'autres ministères, ainsi que les fonds structurels européens, y contribuent également. Au total, comme l'a indiqué le rapporteur spécial, les crédits affectés à l'aménagement du territoire en 2005 devraient représenter 8,6 milliards euros.

Le groupe UDF souhaite en premier lieu féliciter le ministre Gilles de Robien d'avoir créé un nouvel instrument en faveur de l'aménagement du territoire, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France - AFITF. La politique de grands travaux qui sera menée grâce à cette agence, dont le budget pour 2005 s'élève à 635 millions d'euros, contribuera à développer nos infrastructures, notamment ferroviaires, et à ouvrir ainsi certains de nos territoires encore mal desservis, particulièrement par les Lignes à Grande Vitesse.

Le groupe UDF se réjouit également que les pôles de compétitivité, dont l'idée avait été avancée et définie par notre collègue Christian Blanc dans son rapport « Pour un écosystème de la croissance », soient lancés à la suite du CIADT du 14 septembre dernier. À cet effet 15 millions euros ont été réservés sur la prime d'aménagement du territoire et 750 millions euros leur seront consacrés d'ici 2007. Ils seront, en tout état de cause, un instrument efficace de lutte contre les délocalisations en réunissant des acteurs clés qui doivent travailler de façon plus complémentaire et partenariale, qu'il s'agisse des entreprises, des centres de recherche, des organismes de formation initiale et continue, des établissements financiers et des collectivités territoriales, au premier rang desquelles doit figurer la région.

Néanmoins, le groupe UDF s'inquiète des retards concernant la réduction de la fracture numérique, ce qui n'est pas le cas dans mon département de la Loire grâce à la volonté et à la détermination du président du conseil général Pascal Clément. La réduction de la fracture numérique est pourtant un thème cher au Président de la République qui s'est engagé à assurer à toutes les communes de France un accès au haut débit d'ici 2007.

Les territoires se trouvent dans une position inégale face au haut débit. Certaines zones sont bien dotées - 2 % du territoire pour 32 % de la population selon un rapport de DATAR de juin 2003 -, d'autres, au contraire, essentiellement des zones rurales, sont très mal dotées - environ 78 % du territoire pour 26 % de la population. Aujourd'hui, seulement 6 % de la population française est abonnée au haut débit et 15 000 petites communes ne sont toujours pas couvertes pas internet. Même si la France se situe au-dessus de la moyenne européenne, elle est encore loin d'avoir réalisé le vœu présidentiel !

Il ne faudrait pas laisser à Bill Gates le monopole de la réduction de la fracture numérique, ni en France, ni dans le monde. À ce titre, je suis persuadé que la France a, dans le cadre de la francophonie, un rôle majeur à jouer, notamment en soutenant par tous les moyens diplomatique, logistique et juridique l'initiative avant-gardiste que représente ACP Numérique pour la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique. Il convient d'aider ces pays à se doter d'un cadre juridique et réglementaire commun et d'une Agence de régulation internationale en vue de lever tous les obstacles à la diffusion des NTIC et de l'internet dans les pays en voie de développement.

En ce qui concerne la téléphonie mobile, le groupe UDF reste sur sa faim. Comme l'a rappelé en commission mon collègue Dionis du Séjour, le plan « Zones blanches » a pris un an à un an et demi de retard, sachant qu'il faut environ deux ans pour aboutir à la mise en service des équipements nécessaires. Environ 10 % des communes de notre pays - soit près de 3 200 - ne sont pas encore couvertes par la téléphonie mobile et certaines zones ne sont couvertes que par un seul opérateur. Il importe donc que le Gouvernement accélère son action en ce domaine, afin que notre ami et collègue Jean Lassalle - et, à travers, lui l'ensemble des populations des campagnes et des montagnes - soit enfin joignable sur son portable dans sa vallée d'Aspe !

Enfin, je souhaite appeler votre attention sur les fonds structurels européens qui contribuent aussi à la mise en valeur du territoire français. Suite à l'élargissement à l'Est, l'enveloppe globale des fonds européens n'augmentera pas et les nouveaux pays entrants seront favorisés, de fait, au détriment des anciens États membres. Dès lors, la perte d'aides communautaires est inévitable pour la France. Il est ainsi prévu qu'après 2006 la métropole ne devrait plus recevoir d'aides structurelles, ce qui constitue une perte de 2,5 milliards euros par an. Seul le maintien des aides aux départements d'outre-mer est acquis. Quand le statu quo actuel disparaîtra, alors se posera la question cruciale de la pérennité des aides aux zones éligibles à la prime d'aménagement du territoire - la fameuse PAT - notamment pour les territoires ruraux de développement prioritaire. Une telle perspective est très préoccupante pour les acteurs du monde rural. Elle doit être clairement anticipée dans le cadre des négociations avec la Commission européenne.

En dépit de ces dernières critiques, le groupe UDF votera le projet de budget du ministère de l'équipement et des transports consacré à l'aménagement du territoire.

M. Édouard Landrain. Très bien !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le secrétaire d'État, le budget consacré à l'aménagement du territoire pour 2005 est à l'image de l'ensemble du projet de loi de finances. Au-delà de vos belles rodomontades sur les territoires, on trouve une réalité crue, celle des chiffres - la seule qui nous intéresse, puisqu'elle est la seule concrète.

Les crédits pour l'aménagement du territoire sont en baisse de 2,8 % hors inflation. La baisse, en termes réels, est donc tout à fait importante. Les autorisations de programme pour ce secteur diminuent, quant à elles, de 8,5 %, ce qui révèle l'absence de toute vision à moyen terme pour nos territoires.

Une telle situation n'est pas la seule conséquence du régime de rigueur que votre gouvernement chercher à imposer à la France. Elle témoigne surtout d'une réorientation profonde de la politique d'aménagement du territoire.

Celle-ci devrait d'abord avoir pour objectif le rééquilibrage géographique des activités économiques, notamment industrielles, entre les territoires. Or l'absence continue de toute ambition en la matière ne saurait être masquée par les discours gouvernementaux. Il s'agit, dans votre esprit, de profiter de l'inquiétude suscitée parmi nos concitoyens par les délocalisations, pour écorner encore davantage les droits qu'ils ont durement acquis au siècle dernier.

Le manque d'ambition industrielle de votre gouvernement se traduit ainsi par la baisse des crédits de la prime d'aménagement du territoire, alors que la vocation de la PAT est de favoriser la localisation d'entreprises dans nos territoires : 50 millions d'euros ont été dépensés en 2004 pour ce chapitre et vous prévoyez peine 39 millions pour l'année prochaine.

Votre politique se traduit également par l'abandon progressif des outils de prospective économique, lesquels seraient à même d'anticiper les mutations économiques, de conseiller les acteurs économiques locaux et de les aider à mieux structurer leurs secteurs d'activité. Une telle mission devrait incomber à la DATAR ou au Commissariat général au Plan. Or la première voit ses crédits rognés et le second est progressivement vidé de toute possibilité d'intervention, les seuls crédits de fonctionnement ayant été amputés de 25 % en 2005 par rapport à 2004, à la suite de la décision malheureusement prise hier, qui nous apporte la preuve de ce que j'ai expliqué dans mon rapport pour avis.

La politique d'aménagement du territoire devrait par ailleurs avoir pour objectif la concrétisation de deux des principes fondateurs de la République : l'égalité et la fraternité.

L'égalité suppose que chacun de nos concitoyens ait accès aux mêmes services publics, quels que soient son lieu d'habitation et sa position sociale. Comment, dans ce cas, justifier la fermeture de milliers de bureaux de poste sur notre territoire, ou bien encore la suppression de dessertes de fret ferroviaire, comme votre propre circonscription, monsieur Giscard d'Estaing, vous en fournit l'exemple ? Comment également justifier la lenteur de votre gouvernement en matière de couverture de notre territoire en téléphonie mobile et en internet haut débit ? J'ai encore en mémoire les propos tenus par M. le ministre Delevoye qui, il y a deux ans, avec force moulinets, nous assurait que c'en était fini de l'immobilisme du gouvernement précédent et que la situation se réglerait dans les mois suivants. Nous attendons toujours ! Dans mon secteur rural auvergnat, la téléphonie mobile brille toujours par son absence. On nous annonce même qu'elle n'arrivera pas dans les douze mois qui viennent. D'un côté, il y a les discours et les grandes promesses ; de l'autre une réalité de l'aménagement du territoire toute différente. Quel décalage entre les promesses et leur mise en application au quotidien sur le terrain !

M. François Rochebloine. Ce n'est pas nouveau !

M. André Chassaigne. Tel est, monsieur le secrétaire d'État, votre sens de l'égalité.

La fraternité, quant à elle, supposerait que l'État, garant de la solidarité nationale, veille à soutenir les régions les plus en retard par rapport à celles qui sont les plus favorisées. Comment, dans ce cas, pouvez-vous justifier la décentralisation et le transfert gigantesque de charges nouvelles aux collectivités territoriales, dont la compensation, vous le savez bien monsieur le secrétaire d'État, ne sera que partielle, puisqu'elle ne tiendra pas compte de l'évolution des besoins ? L'accompagnement budgétaire, privé de tout caractère dynamique, stagnera. C'est la démonstration de l'absence d'une véritable ambition nationale en matière de péréquation financière, puisque vos lois de décentralisation vont aggraver le décalage entre les régions pauvres et les régions riches, quand elles devraient favoriser un développement commun de l'ensemble du territoire ! Loin de viser à un meilleur aménagement des territoires, votre politique ne fera que les asphyxier.

Les maires de France viennent d'ailleurs de vous le rappeler cette semaine, monsieur le secrétaire d'État : vos priorités en matière d'aménagement se déclinent désormais en de curieuses priorités.

Vous souhaitez ainsi encourager l'émergence de pôles de compétitivité, c'est-à-dire de grandes métropoles régionales qui survivraient au milieu de véritables déserts, dont vous accompagnerez le déclin par le biais de contrats de site - l'État intervenant en pompier au travers de mesures d'accompagnement là où surgissent des difficultés - ou, pire encore, par la transformation de ces mêmes territoires en sanctuaires écologiques, sympas pour les touristes, invivables pour les ruraux !

Comment pouvez-vous faire de la compétitivité, c'est-à-dire de la mise en concurrence de tous les territoires et de la course au moins-disant, l'enjeu principal de l'aménagement du territoire ? La notion de concurrence, monsieur le secrétaire d'État, est contradictoire avec l'idée même de l'aménagement du territoire, c'est-à-dire de la coopération entre les territoires.

La politique d'aménagement du territoire est née, notamment, des réflexions du géographe Jean-François Gravier, qui avait dénoncé en 1947 « Paris et le désert français ».

Votre politique signe la mort de l'aménagement du territoire : c'est Clermont-Ferrand et le désert auvergnat, Bordeaux et le désert aquitain, Dijon et le désert bourguignon. C'est la simple déclinaison de ce que la politique d'aménagement du territoire a toujours dénoncé !

M. le président. Je vous prie de conclure, mon cher collègue.

M. André Chassaigne. Je termine, monsieur le président.

Vous avez voulu résumer, monsieur le secrétaire d'État, votre nouvelle politique de désertification des territoires par une formule, à la fois terrible et très belle, qui est souvent reprise par les orateurs de la majorité - une formule d'habillage - : « Le génie local vaut mieux que l'argent public ». Il serait plus pertinent de résumer votre politique non plus par la formule « Aide toi et le ciel t'aidera ! », qui inspirait les politiques d'aménagement des dernières décennies,...

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Édouard Landrain. Excellent ! Un peu de religion fait du bien !

M. André Chassaigne. ...mais par ces mots : « Aide-toi et le ciel t'abandonnera ! ».

C'est une raison suffisante pour refuser de voter ce projet de budget.

ÉQUIPEMENT, TRANSPORTS, AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, TOURISME ET MER

M. le président. J'appelle les crédits inscrits à la ligne « Équipement, transports, aménagement du territoire, tourisme et mer. »

Sur le titre III de l'état B, je suis saisi d'un amendement n° 69.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial de la commission des finances. Il s'agit d'un amendement relatif à la création par décret du 7 septembre 2004 d'un Observatoire des territoires placé auprès du ministre chargé de l'aménagement du territoire, dont l'objectif est de rassembler, d'analyser et de diffuser les informations et les données relatives aux dynamiques et aux inégalités territoriales ainsi qu'aux politiques menées dans le champ de l'aménagement et du développement des territoires - tous motifs qui sont en soi tout à fait louables.

Il est également prévu que l'Observatoire remette tous les trois ans au Premier ministre un rapport qui sera ensuite transmis au Parlement. Or, je tiens à le rappeler, la loi de 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire prévoit déjà la transmission d'un rapport annuel par le CNADT.

Enfin, cet observatoire, présidé par le ministre chargé de l'aménagement du territoire rassemblerait vingt membres de droit et cinq personnalités qualifiées.

Il est apparu à la commission des finances qu'un tel observatoire serait redondant avec le CNADT et avec l'action qui entre dans les attributions de la DATAR.

De plus, un Conseil de la prospective et des territoires a déjà été créé, en 2003, au sein de la DATAR, en vue de mener des réflexions sur la politique d'aménagement du territoire.

Cet amendement repose sur le souhait rappelé dans tous les projets de budget, notamment par la commission des finances, selon lequel, au titre du contrôle de la dépense publique, et dans l'esprit de la LOLF, aucun nouvel organisme ne doit être créé, d'une part, si sa mission peut être assurée par un organisme déjà existant, d'autre part, sans que le coût et les moyens de fonctionnement aient été clairement annoncés au moment de leur création, qu'il s'agisse d'un dispositif législatif ou, a fortiori, d'un décret.

Tel est, monsieur le secrétaire d'État, l'objet de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant, suppléant M. Jacques Le Nay, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 69.


M. Serge Poignant
, rapporteur pour avis suppléant de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. Toutefois, Louis Giscard d'Estaing a rappelé l'existence du CNADT et du Conseil de la prospective et des territoires de la DATAR. N'oublions pas non plus la délégation à l'aménagement du territoire présidée par Émile Blessig.

Je m'interroge moi aussi sur la nécessité qu'il y aurait à multiplier les organismes. Mais j'attends la réponse du ministre...

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'aménagement du territoire. L'Observatoire des territoires est un lieu de synthèse des informations intéressant l'aménagement du territoire. Je tiens à dire qu'il n'existe pas, actuellement, dans le paysage français, d'équivalent. La DATAR fait office, pour les territoires, de tête de réseau légitime, pour rassembler des informations existantes, mises à disposition par plus de quarante-cinq administrations ou centres de ressources. Leur assemblage se fait, notamment, par le biais d'un site internet, qui offre des cartes et des fiches synthétiques explicatives des indicateurs utilisés. Ce site « territoire.gouv.fr. » évitera un certain nombre de dépenses liées à la recherche de ces informations, aujourd'hui le plus souvent facturées par les bureaux d'études. Il profitera également aux centres de ressources locaux, en évitant des dépenses de fonctionnement liées à la collectes d'informations générales.

Les 80 000 euros de crédits de fonctionnement correspondent à une identification de crédits préexistants, notamment au titre des études relevant de la compétence de la DATAR, et non à l'affectation de crédits nouveaux. Je tiens à le souligner, eu égard à la préoccupation légitime de votre commission.

Les vingt-cinq membres de l'Observatoire sont nommés par décret et issus du monde des élus locaux et nationaux, ainsi que de la sphère administrative. Leur participation, j'y insiste, est bénévole. Leurs frais de déplacement en train sur l'ensemble du territoire sont pris en charge dans les strictes conditions du droit commun.

Le CNADT sera utilement secondé dans sa mission d'évaluation et de proposition auprès du Gouvernement par l'Observatoire. Le rôle de ce dernier se limite à une observation, dénuée de toute appréciation subjective, sur l'évolution des territoires. Le lien de complémentarité entre ces deux instances existe déjà, dans la mesure où un décret du 7 septembre 2004, portant création de l'Observatoire des territoires, prévoit de confier au président de la commission permanente du CNADT la qualité de membre de droit de l'Observatoire.

Le Conseil de prospective, quant à lui, exerce une mission bien distincte de celle de l'Observatoire. En revanche, sa contribution à l'alimentation intellectuelle des travaux des groupes constituera un utile complément à ses recherches.

D'une manière générale, la mise en place de l'Observatoire permettra au CNADT et au Conseil de prospective d'obtenir les données de diagnostic requises pour les besoins de leurs missions sans avoir besoin de passer des commandes à des cabinets de conseil. On peut ainsi escompter une rationalisation des divers moyens mis à leur disposition. Plus largement, l'ensemble des administrations publiques et des collectivités territoriales auront accès à un ensemble de prestations intellectuelles de grande qualité et, qui plus est, gratuites.

Le triptyque Observatoire-Conseil de prospective-CNADT offre au Gouvernement et au Parlement trois fonctions complémentaires que sont l'observation, l'anticipation et le conseil.

C'est pourquoi, monsieur Giscard d'Estaing, je souhaiterais que vous retiriez l'amendement n° 69.

M. le président. La parole est à M. Émile Blessig.

M. Émile Blessig. Peut-être y a-t-il une ambiguïté entre outil et structure. Nous avons l'impression qu'on nous demande d'approuver la mise en place d'une structure supplémentaire, un observatoire créé par décret.

La culture administrative de notre pays fait qu'il est impossible d'obtenir la collaboration efficace et spontanée des administrations ; il faut les y contraindre. D'où la nécessité de prendre un décret pour obliger les 44 administrations concernées à mettre en commun une information utile à l'État et à l'ensemble des collectivités territoriales.

Plusieurs centaines d'indicateurs, produits par l'ensemble de ces structures, seront disponibles gratuitement sur un site internet. Ces indicateurs pourront être regroupés en huit grandes familles, comme les conditions de vie, le développement économique, la population, l'infrastructure des transports, etc. À un moment où la connaissance, la mesure et l'évaluation doivent entrer davantage encore dans la pratique des gestionnaires du pays, il est indispensable que nous puissions avoir accès à de telles informations.

Cet observatoire est peut-être mal nommé. Il est peut-être présenté comme une structure supplémentaire. Mais c'est un outil qui fonctionne, comme l'a dit le secrétaire d'État, sur les crédits généraux de la DATAR, et les sommes demandées sont relativement modestes.

En 2005, le premier rapport de l'Observatoire devrait être déposé. Nous aurons l'occasion d'en reparler. S'il n'apportait pas ce que la représentation nationale en attend, il serait encore possible de rectifier le tir.

M. le président. La parole est à M. Alfred Trassy-Paillogues.

M. Alfred Trassy-Paillogues. De l'Observatoire des territoires, du CNADT ou de la DATAR, lequel de ces organismes est chargé du suivi de l'intercommunalité, s'agissant des surcoûts ou, au contraire, des économies d'échelle que celle-ci peut générer ?

En dehors des transferts de compétences et des transferts de personnels, l'intercommunalité est à l'origine de la création de 114 000 emplois. Ce nombre, rapporté aux quelques milliers d'emplois de fonctionnaires économisés dans les récents budgets, devrait nous amener à nous interroger.

Monsieur le secrétaire d'État, dans votre ministère ou dans les structures dépendant de votre ministère, qui s'occupe de l'intercommunalité ? Je vous serai reconnaissant de bien vouloir me le préciser.

M. Jean Launay. C'est déjà la cacophonie, et il vient tout mélanger !

M. le président. Monsieur Giscard d'Estaing, maintenez-vous l'amendement n° 69 ?

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial. M. le secrétaire d'État, nous a apporté quelques précisions. Ainsi, nous connaissons maintenant les crédits affectés à cet organisme.

Ensuite, l'intervention de M. Blessig a permis de rappeler qu'il était important que la délégation à l'aménagement du territoire de notre assemblée soit systématiquement associée à la création de tels organismes et, surtout, aux travaux qui en sortiront.

Enfin, soyez assuré, monsieur le secrétaire d'Etat, que le rapporteur spécial que je suis sera extrêmement vigilant, lors de l'examen du prochain budget, quant la manière dont cet observatoire aura fonctionné.

Eu égard à la réponse que vient de me faire le Gouvernement, je retire l'amendement n°69.

M. le président. L'amendement n° 69 est retiré.

Je mets aux voix la réduction de crédits inscrite au titre III de l'état B.

(La réduction de crédits inscrite au titre III de l'état B est adoptée.)

M. le président. Sur le titre IV de l'état B, je suis saisi d'un amendement n° 70.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean Launay. Il va être retiré !

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial. Cet amendement concerne la refondation de l'Institut des hautes études de développement et d'aménagement du territoire.

Notre assemblée s'était prononcée pour la suspension de la version précédente de cet organisme, dont le budget était à l'époque de 500 000 euros. Je le rappelle à mes collègues de l'opposition, qui avait été à l'origine de la création de cet organisme.

Il est désormais proposé que cet organisme s'appuie sur quatre partenariats : l'État et d'autres acteurs du monde de l'aménagement du territoire qui viendront compléter le financement de cet organisme. Restera à la charge de l'État une part de 125 000 euros.

Par cet amendement, la commission a souhaité savoir comment la part de l'État sera financée ; quels seront les autres ministères ou organismes publics qui pourront y concourir, réduisant d'autant l'impact sur les crédits de la DATAR. Cette part pourrait également prendre la forme, et c'est une de nos propositions, de prestations intellectuelles et d'organisation assurées, à coût constant, par les services de la DATAR.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'aménagement du territoire. L'objet de l'Institut des hautes études de développement et d'aménagement du territoire créé en 2000 était de partager, transmettre et capitaliser un savoir lié aux grandes problématiques de l'aménagement et du développement des territoires. Cette action a été suspendue en 2003 et reprise en 2004 sur des bases nouvelles, à l'initiative d'entreprises privées, de l'association des anciens auditeurs, soutenus financièrement dans leur action par la réserve parlementaire.

Cette initiative s'est concrétisée par la création d'une association qui rassemble quatre collèges : l'État, les collectivités territoriales, les entreprises privées et les auditeurs. Celle-ci a pris pour dénomination « Institut des hautes études de développement et d'aménagement des territoires européens ».

L'IHEDATE a pour objet de réunir annuellement cinquante à soixante auditeurs, des élus, des cadres d'influence, des hauts fonctionnaires, des dirigeants d'entreprise, pour acquérir des connaissances, partager des expériences, au total bâtir des projets communs. L'organisation pédagogique est déterminée en partenariat avec l'École des Ponts et Chaussées et l'Institut d'études politiques de Paris, sous l'égide d'un comité scientifique.

Le financement est assuré à parts égales par les quatre collèges. La participation de l'État est fixée à 120 000 euros. Elle ne sera, en 2004, pour la DATAR, que de 30 0000 euros ; celle du ministère de l'intérieur est acquise pour un montant équivalent ; 30 000 euros de la réserve parlementaire ont d'ores et déjà été attribués à l'association.

La part de l'État pourrait être d'autant plus réduite que des discussions sont actuellement en cours avec la Caisse des dépôts et consignations, le groupe des caisses d'épargne et la Commission européenne, qui contribueraient également au financement de l'Institut. Je précise qu'en aucun cas les agents de la DATAR ne sont rémunérés pour participer aux différents séminaires.

Il me semble important pour l'État que les engagements pris lors des différentes phases de relance de cette initiative puissent être respectés.

Voilà pourquoi, monsieur Giscard d'Estaing, je souhaiterais que vous retiriez votre amendement.

M. le président. Monsieur Giscard d'Estaing, accédez-vous à la demande du Gouvernement ?

M. Louis Giscard d'Estaing. Compte tenu des efforts indiqués par M. le secrétaire d'État, je retire en effet l' amendement.

M. Jean Launay. Je l'avais dit !

M. le président. L'amendement n° 70 est retiré.

Je mets aux voix les crédits inscrits au titre IV de l'état B.

(Les crédits inscrits au titre IV de l'état B sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre V de l'état C.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre V de l'état C sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre VI de l'état C.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre VI de l'état C sont adoptés.)

M. le président. Nous avons terminé l'examen des crédits du secrétariat d'État à l'aménagement du territoire.


JEUNESSE ET SPORTS

M. le président. Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

La parole est à M. le secrétaire d'État à l'aménagement du territoire.

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'État à l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de vous présenter les excuses de Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, qui ne peut être présent aujourd'hui en raison d'un déplacement prévu de longue date. Je me fais bien volontiers son interprète pour remercier, à sa demande, les nombreux députés qui ont participé à l'examen du projet de budget de la jeunesse, des sports et de la vie associative pour 2005, en commission des finances élargie, le 27 octobre dernier. M. Lamour souhaite souligner l'intérêt de cette procédure particulière - déjà utilisée l'an dernier pour le budget des sports -, qui permet le déroulement des débats dans un cadre assoupli facilitant le dialogue. Il tient également à saluer l'efficace présidence de M. Méhaignerie et de M. Dubernard, qui a favorisé des échanges nourris, ainsi que la qualité des rapports de présentation de M. Merville et de M. Baguet.

Les moyens consolidés alloués au développement des politiques conduites dans les secteurs de la jeunesse, du sport et de la vie associative s'élèvent, dans le projet de loi de finances pour 2005, à 797,18 millions d'euros, soit 527,18 millions d'euros de crédits budgétaires stricto sensu auxquels s'ajoutent les ressources provenant du Fonds national de développement du sport. Ces moyens, équivalents à ceux de 2004, seront mobilisés pour la mise en oeuvre de politiques volontaristes autour des grands axes suivants : la poursuite de l'engagement du ministère dans la voie de la réforme et de la modernisation induite par la LOLF ; le renforcement des actions menées en faveur d'une jeunesse mieux reconnue, mieux écoutée et encouragée dans ses initiatives ; la promotion active de la vie associative, facteur d'épanouissement individuel et de cohésion sociale ; l'encouragement, après l'expérience heureuse des Jeux olympiques d'Athènes, de la pratique sportive du plus grand nombre et l'impulsion d'un nouvel élan au rayonnement international de la France par le sport,...

M. François Rochebloine. Avec des moyens ?

M. le secrétaire d'État à l'aménagement du territoire. ...en soutenant notamment la candidature de Paris à l'accueil des Jeux olympiques et paralympiques de 2012.

Mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement compte sur votre soutien pour la mise en œuvre de politiques dynamiques et ambitieuses en faveur de la jeunesse, du sport et de la vie associative en France.

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Frédéric Dutoit, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Frédéric Dutoit. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je le reconnais volontiers, le budget du ministère de la jeunesse et des sports n'a jamais été satisfaisant.

M. Édouard Landrain. Jamais !

M. François Rochebloine. Sous aucun gouvernement !

M. Frédéric Dutoit. C'est bien ce que je dis. Mais les insuffisances de celui-ci, avec une baisse de 3 %, sont patentes. Pour 2005, les crédits alloués à la jeunesse, aux sports et à la vie associative s'élèvent à 527,18 millions d'euros auxquels s'ajoutent les 260 millions du Fonds national de développement du sport - alimenté par la Française des jeux et le PMU -, ainsi que 10 millions représentant la part de la plus-value 2003 de ce fonds reporté sur 2005. Pour la première fois en cinq ans, les crédits du ministère passent sous la barre de 0,2 % du budget général. Une fois de plus, ce sont les crédits extrabudgétaires du FNDS qui viennent renforcer les crédits du ministère, dont le montant total des ressources s'élève ainsi à 797,18 millions d'euros, soit 0,18 % du budget national, la part dévolue au sport représentant 0,12 %, en baisse de 4,1 % par rapport à 2004.

Que le sport, la jeunesse et la vie associative soient de nouveau réunis sous la responsabilité du même ministère nous convient. C'est même un de nos rares motifs de satisfaction. Mais avec 80 emplois en moins, on peut légitimement se demander si les directions départementales disposeront des moyens nécessaires à leur action.

Avec ce budget, M. Lamour prétend soutenir et développer le sport pour tous, maintenir la France à un rang élevé parmi les grandes nations sportives, intensifier la lutte contre le dopage et la protection de la santé des sportifs, promouvoir l'initiative des jeunes et leur participation à la vie sociale et accompagner le développement de la vie associative. Mais comment le pourrait-il avec des crédits en diminution de 2,95 %, à périmètre constant ? Ce ministère ne constitue visiblement pas une priorité pour le Gouvernement. Sa vocation sociale, économique, de santé publique, d'épanouissement individuel et sa dimension internationale devraient pourtant être reconnues par tous. Ainsi que nous l'avions dit lors de l'examen de la proposition de loi sur le sport professionnel, le dopage, la violence dans les stades, la corruption et l'omniprésence de considérations économiques au détriment d'une évolution plus équilibrée du sport sont des maux qu'il faut combattre. La régression budgétaire n'y contribuera pas.

Le sport a une fonction éducative et sociale en favorisant à la fois l'éducation, la santé, l'implication citoyenne, la connaissance et le respect de l'autre. Nous combattrons avec détermination ce qui l'entraîne vers d'autres finalités. Vous comprendrez donc que nous ne puissions pas voter ce budget. En revanche, M. Lamour aura tout notre soutien pour la candidature de Paris - et de toute la France puisque Marseille a passé une convention de partenariat avec la capitale - à l'organisation des Jeux olympiques de 2012. Et nous insistons pour qu'il poursuive l'action, que Mme Buffet avait en son temps menée comme un combat, de lutte contre le dopage afin qu'elle soit renforcée aux niveaux européen et international.

M. le président. La parole est à M. Édouard Landrain, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Édouard Landrain. Je suis d'accord sur au moins un point avec notre collègue du groupe communiste : le budget des sports n'a jamais été totalement satisfaisant.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Édouard Landrain. Je l'avais déjà dit à Mme Buffet, qui n'en a pu mais, et je le regrette profondément.

Grosso modo, ce budget est équivalent à celui de 2004 et acceptable dans un contexte de rigueur financière. Bien entendu, nous le voterons.

Plusieurs points me semblent dignes d'intérêt. D'abord, la mise en place de la décentralisation offre au sport un espace de liberté. Voilà enfin un domaine où la proximité aura son plein effet ! Ensuite, 2005 n'étant pas une année olympique, il faudra engager moins de frais qu'en 2004, même si nous devrons tous travailler à l'objectif de 2012. Enfin, ce budget se place dans le droit-fil des états généraux du sport. Pour une fois, une consultation a été menée sur tout le territoire s'agissant des orientations à prendre et le ministère en a tenu compte. Voilà qui est rafraîchissant et rompt avec l'habitude des décisions prises au niveau des instances supérieures sans consulter la base.

Les recommandations des états généraux du sport se retrouvent dans plusieurs domaines : le handicap, qui pour la première fois est appréhendé de façon complète, avec une résonance financière intéressante ; les femmes, qui font l'objet d'une véritable prise en compte, pour la première fois aussi ; la santé ; la jeunesse, la francophonie et le bénévolat, à la reconnaissance desquels contribue la création de postes FONJEP. Ce budget fait aussi une place aux sports de pleine nature, qui avaient été abandonnés et en faveur desquels j'avais plaidé avec plusieurs de mes collègues. Je suis ravi de les voir réintégrés.

Mais ce budget n'est, il est vrai, acceptable que grâce à l'apport de subsides importants du Fonds national du développement du sport.

M. François Rochebloine. Eh oui !

M. Édouard Landrain. Or il faut conserver au FNDS les moyens qu'il apporte actuellement à nos territoires. Le ministère de la jeunesse et des sports doit veiller à la bonne utilisation de ces crédits, surtout après les bouleversements qui interviendront le 1er janvier 2006. Il ne faudrait pas que les règles actuelles conduisent à un appauvrissement du budget lui-même.

Monsieur le secrétaire d'État, le groupe UMP votera donc ce budget pour témoigner son soutien à M. Lamour dans sa recherche opiniâtre de bonnes solutions sportives dans notre pays. Comme tous mes collègues, je forme l'espoir que 2012 soit une année magnifique pour la France, pour le sport et pour l'olympisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Beauchaud, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Claude Beauchaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord dénoncer le faux procès qui nous a été intenté le 27 octobre, lors de la réunion de la commission des finances élargie. M. le président de la commission des finances nous avait alors sermonnés en ces termes : « Je rappelle que le président de l'Assemblée nationale a souhaité que ces séances adoptent un style rapide et synthétique ». Pour ma part, je persiste à penser qu'après les interventions du ministre, des rapporteurs, des présidents, qui ont mobilisé beaucoup de temps bien que prononcées dans un « style rapide et synthétique », il était correct que chaque groupe s'exprime avant les échanges de questions-réponses. Pour moi, c'est ainsi que s'exerce la démocratie. S'il doit en être autrement, qu'on nous le dise clairement au préalable, que l'on définisse bien les règles du jeu, qui sont, en sport, indispensables.

J'en viens au budget de la jeunesse, des sports et de la vie associative pour 2005. Malgré la recomposition du ministère des sports avec le retour dans son giron des compétences jeunesse, vie associative, innovation sociale et économie sociale, dont à titre personnel je me réjouis, ce budget 2005 est - c'est un euphémisme ! - le plus modeste de tous. L'étude des crédits alloués nous livre sa cruelle vérité : une baisse de près de 3 % hors inflation, qui fait passer le budget pour 2005 à 527,1 millions d'euros à périmètre constant. Ils convient, bien entendu, d'y ajouter les 270 millions d'euros de crédits extrabudgétaires du FNDS. La présentation complexe de ce budget, structuré en programmes et actions conformément à la loi organique relative aux lois de finances, rend difficile toute comparaison à structure constante, passant d'une logique comptable à une logique de résultats. Toutefois, les chiffres sont là : cette baisse de 3 %, malgré les discours vertueux et volontaristes, voire ambitieux, de M. Lamour, démontre le peu d'intérêt du Gouvernement pour la vie associative et le bénévolat, sans parler de la fonction éducative et sociale du sport, bien mal reconnue.

L'augmentation prévue du FNDS ne doit pas être, quant à elle, l'arbre qui cache la forêt. La présentation consolidée des moyens de l'État affectés au sport n'est pas conforme à l'esprit qui a présidé à la création du FNDS, instauré - faut-il le rappeler ? - pour apporter un complément de financement public aux clubs sportifs et non pour pallier les déficiences de l'État. Cet artifice devient d'ailleurs périlleux, le compte d'affection spéciale qui héberge le FNDS étant appelé à disparaître en 2005 pour être affecté à un établissement administratif autonome, au sujet duquel nous attendons toujours des précisions, même si M. le ministre en a partiellement dessiné les contours devant la commission des finances élargie.

Ce budget est marqué par une volonté manifeste et chronique de désengagement de l'État, qui annonce la privatisation future de certains établissements et, dans tous les cas, des transferts de charges vers les collectivités.


Pour rendre concrets mes propos, je vais prendre trois exemples significatifs.

Au nom de l'effort de maîtrise des dépenses publiques, 90 emplois de personnels TOS seront supprimés dans les CREPS, ce qui amplifie le mouvement initié en 2004 avec 69 suppressions d'emplois.

Une fois que les compensations partielles actuelles seront éteintes, comme vous l'envisagez, assistera-t-on à une externalisation de certaines fonctions, à une privatisation pure et simple de ces établissements avec, pour conséquence, l'augmentation des tarifs pour les usagers - les sportifs, les jeunes qui se forment aux métiers du sport et de l'animation - ou bien à un transfert de charges vers les collectivités locales, phénomène que nous ne connaissons déjà que trop ?

De même, la diminution de 19 millions d'euros du programme « Sport » porte en quasi-totalité sur les crédits déconcentrés de promotion, de développement du sport, de formation des animateurs et d'accompagnement de l'emploi sportif. Les organes déconcentrés, comme les ligues régionales et les comités départementaux, et surtout les clubs locaux qui constituent le vecteur majeur du développement des pratiques physiques et sportives sont sacrifiés. Serait-ce aux collectivités locales, dont on connaît la fragilité financière, à prendre le relais ?

Le programme « Jeunesse et vie associative » regorge lui aussi, malheureusement, d'exemples de désengagement de l'État dans les actions et les politiques menées sur l'ensemble du territoire : moins de bourses BAFA-BAFD, moins de crédits pour les Centres d'information jeunesse ou pour les contrats éducatifs locaux, moins de subventions aux associations de jeunesse et d'éducation populaire, diminution des postes FONJEP dont on connaît l'utilité pour permettre aux associations d'éducation populaire de rémunérer un emploi permanent... La liste est longue, trop longue!

Les collectivités devront-elles, une fois encore, mettre la main à la poche pour compenser ces diminutions de crédits et pérenniser ces actions qui animent leur territoire ? C'est là une étrange façon d'envisager la décentralisation !

M. Édouard Landrain. C'est toujours le contribuable qui paie !

M. Jean-Claude Beauchaud. Enfin, ce budget 2005 pose, pour moi, la question de la pertinence de l'existence même de votre ministère dont une part toujours plus grande des moyens est destinée à son fonctionnement et à l'accompagnement d'actions purement nationales.

Dans les faits, vous avez cessé de reconnaître les vertus de la fonction sociale, citoyenne et éducative de la vie associative, ainsi que les valeurs véhiculées par le développement du sport de masse ! Malgré les efforts considérables entrepris par les collectivités locales pour pallier ces démissions successives, nous assistons à une marchandisation des pratiques et, en corollaire, à l'exclusion des moins favorisés.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera contre ce budget de misère. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. François Rochebloine. Le budget qui nous est présenté ce matin est une nouvelle fois un des parents pauvres du budget général, puisqu'il en représente seulement 0,183 %. Pas plus que les années précédentes, il ne répond aux attentes des 14 millions de licenciés, des 26 millions de pratiquants, des 175 000 associations et du million de bénévoles du monde sportif.

L'an dernier, le président Pierre Méhaignerie m'avait rappelé que mes collègues UDF commissaires aux finances ne cessaient de reprocher au Gouvernement son insuffisante maîtrise de la dépense publique. Mais doit-on faire porter l'effort sur un budget dont le montant par personne concernée est certainement le plus faible ?

À cette question, je réponds non et je suis persuadé que mon ami Édouard Landrain partage mon avis.

Les crédits diminuent cette année de 16 millions d'euros. Il est vrai toutefois que ceux du FNDS progressent de près de 9 %. Les recettes provenant du jeu deviennent ainsi prépondérantes dans la modernisation des équipements sportifs. On doit, me semble-t-il, s'interroger sur une telle philosophie. Est-ce le jeu maintenant qui doit permettre le développement du sport ?

Par ailleurs, comme le rapporteur, je crois indispensable que soit créé un établissement public pour assurer sa future gestion.

Je ne doute pas que M. le ministre aurait préféré nous présenter un autre budget. Malheureusement, nous sommes dans la droite ligne des années antérieures, même si les comparaisons sont un peu difficiles en raison du regroupement intervenu en 2004 entre sport, jeunesse et vie associative.

Certes, ce budget n'est pas dépourvu de points positifs. J'ai notamment noté une prise en compte des attentes de la jeunesse et du scoutisme comme l'a souligné mon ami Pierre-Christophe Baguet, le désir de valoriser les éléments d'actifs qui peuvent contribuer à la mise en œuvre du plan de modernisation des établissements, et la volonté de rationaliser le réseau des sites des établissements, notamment les conditions de fonctionnement des établissements éclatés sur plusieurs sites.

Du reste, si je ne conteste pas la disparition de 80 emplois, je me demande toutefois s'il n'aurait pas été préférable de les affecter là où ils font cruellement défaut.

M. Frédéric Dutoit. Eh oui !

M. François Rochebloine. Peut-être faudrait-il donner plus de souplesse aux fédérations dans l'emploi des cadres, dont certains vivent - pardonnez-moi l'expression - trop confortablement, sans être liés par des contrats d'objectifs et de résultats, notamment lors des Jeux Olympiques.

J'ai également entendu la proposition de doubler les primes des athlètes paralympiques. C'est un point positif, certes, mais encore loin du compte pour promouvoir le monde handisport auquel nous sommes tous très attachés.

Enfin, je me réjouis des efforts faits pour la lutte contre le dopage. Ce point doit rester une priorité pour le Gouvernement et nous ne pouvons que nous et vous féliciter de cette orientation.

En revanche, d'autres points me conduisent à être plus critique sur ce budget qui ne répond pas à toutes les attentes.

En commission élargie, j'avais attiré l'attention de M. le ministre sur ce qu'il est advenu de l'excédent d'exploitation de 7 millions d'euros du championnat du monde d'athlétisme de Saint-Denis. Il m'avait répondu que 4,5 millions ont été reversés au budget de la jeunesse et des sports, en précisant que la différence, soit 2,5 millions d'euros, était retournée à Bercy, ce que je ne peux que regretter. En effet, si le résultat avait été déficitaire, le Gouvernement s'était engagé à combler ce déficit.

Le sport aurait dû percevoir la totalité du bénéfice réalisé grâce à une remarquable organisation et à une forte mobilisation du monde sportif. La fédération française d'athlétisme, qui a permis un tel succès, aurait dû, me semble-t-il, être autrement récompensée qu'elle ne l'a été.

Lors de cette même commission élargie, j'ai attiré l' attention sur le programme « jeunesse et vie associative » qui ne recouvre que 150 millions d'euros, dont 111 pour la promotion des acteurs en faveur de la jeunesse et de l'éducation populaire et 10 pour la protection des jeunes, ce qui est largement insuffisant pour mener une politique volontariste en ce domaine.

Quant à la vie associative, elle voit les crédits du FNDVA diminuer, et l'on peut donc se demander comment vous pourrez maintenir une action ambitieuse. En tant que vice-président du conseil général de la Loire chargé de la jeunesse et des sports, je constate une baisse de fréquentation des centres de vacances depuis déjà plusieurs années. Par ailleurs, je partage le sentiment que M. le ministre a exprimé en commission à propos du CIVIS, qui ne suscite pas un véritable engouement, ce qui est dommage car il est de nature à aider les jeunes en difficulté à se former. Je regrette d'ailleurs que l'effort important des directions jeunesse et sports se heurtent dans certains départements, dont le mien, la Loire, aux réticences des directions du travail et de la formation professionnelle.

Pour en revenir aux sports, en cette période où Paris rassemble, toutes sensibilités politiques confondues, pour obtenir l'organisation des Jeux Olympiques de 2012, il est de notre devoir de mobiliser les Françaises et les Français autour de cette candidature ainsi que les moyens. Un récent sondage a montré qu'une très forte majorité des Français y sont favorables. On sait combien le CIO attache d'importance à cette adhésion populaire dans le choix du site. Il me semble donc nécessaire de mener une campagne d'information d'envergure à destination de nos concitoyens mais aussi de ne pas oublier que l'organisation des Jeux ne doit pas se faire au détriment de la préparation des sportifs et du sport de masse.

Le groupe UDF souhaite que le sport bénéficie d'un véritable soutien de l'État et qu'il soit placé, comme l'a demandé le Premier ministre, au rang des priorités nationales.

Dans cette logique, je tiens à rappeler que le budget de la jeunesse, des sports et de la vie associative mérite mieux qu'un simple examen en commission élargie, et qu'en outre, il y a tout intérêt à donner des pouvoirs supplémentaires au ministre. Ce n'est pas moi qui le dis, mais les acteurs qui sont sur le terrain tous les jours, et notamment les bénévoles.

Enfin, j'appelle l' attention du Gouvernement sur les contrôles URSSAF des comités départementaux de football qui ont conduit à des modifications de fonctionnement interne - désignations d'arbitres, limitation à cinq prestations mensuelles, etc. - qui risquent de conduire à terme à l'absence d'arbitres dans les manifestations sportives. Je ne doute pas que M. le ministre aura à cœur de résoudre un problème qui n'existait pas auparavant. Nous aurons l'occasion d'en parler plus précisément lors d'un rendez-vous que j'ai sollicité.

Par ailleurs, je signale que je dépose avec mon collègue et ami Édouard Landrain, une proposition de loi relative au statut des agents sportifs particulièrement attendue par le monde sportif.

Les imperfections de ce budget devraient logiquement amener le groupe UDF à voter contre, comme il l'a fait l'an passé puisque je viens de formuler les mêmes critiques. Toutefois, compte tenu des contraintes budgétaires qui les expliquent en partie, le groupe UDF s'abstiendra, avec l'espoir qu'il en sera tenu compte l'an prochain. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

JEUNESSE, SPORTS ET VIE ASSOCIATIVE

M. le président. J'appelle les crédits inscrits à la ligne « Jeunesse, sports et vie associative ».

Je mets aux voix les crédits inscrits au titre III de l'état B.

(Les crédits inscrits au titre III de l'état B sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix la réduction de crédits inscrite au titre IV de l'état B.

(La réduction de crédits inscrite au titre IV de l'état B est adoptée.)

M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre V de l'état C.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre V de l'état C sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre VI de l'état C.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre VI de l'état C sont adoptés.)

M. le président. Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

JUSTICE

M. le président. Nous abordons les crédits du ministère de la justice.

La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, comme vous le savez, le budget que je vous demande d'adopter pour la justice augmentera de 4 % par rapport à 2004 et permettra de créer 1 100 emplois supplémentaires, soit le tiers des créations d'emplois proposées pour l'ensemble de l'État cette année. Je cite ces deux chiffres car ils témoignent de la priorité réelle accordée par le Président de la République et le Gouvernement à la fonction de justice.

Pour la troisième année consécutive, la justice compte donc au nombre des priorités, conformément à la loi de programmation quinquennale que vous avez adoptée durant l'été 2002. En trois ans, ce budget aura augmenté de 17 %. Des chiffres de cet ordre ont une réelle signification. Il est important de mener une action de renforcement des moyens dans la durée. Un accroissement du budget de 17 % en trois ans signifie des moyens supplémentaires et une amélioration dans le fonctionnement à la fois de nos juridictions, de la protection judiciaire de la jeunesse et de l'administration pénitentiaire.

Je ne reviendrai pas sur la répartition interne de ces crédits qui a fait l'objet d'un échange approfondi et de qualité sous l'impulsion de vos rapporteurs, Mme Pécresse et MM. Albertini et Garraud, lors de la commission élargie du 4 novembre dernier.

Je vous ai aussi rendu compte de l'exécution de la première année de la programmation dans un rapport déposé sur le bureau de votre assemblée il y a une dizaine de jours.

Ces moyens que j'évoquais il y a un instant s'accompagnent d'une action de réforme destinée à renforcer leur impact sur la qualité du service rendu par les différentes administrations du ministère, que ce soit les services judiciaires, l'administration pénitentiaire ou bien encore la protection judiciaire de la jeunesse.

En contrepartie de l'effort financier incontestable que je vous demande d'approuver, je souhaite en effet que le ministère de la justice soit exemplaire sur les résultats obtenus. En particulier, je continuerai à mettre en place des instruments transparents de mesure des performances afin d'être en situation de prendre le plus rapidement possible les mesures correctrices qui sont parfois nécessaires.

Le développement des contrats d'objectifs à partir d'un diagnostic partagé dans les cours d'appel est un premier pas dans cette direction. Les bons résultats des cours qui l'ont expérimenté, comme Douai et Aix-en-Provence, montrent que l'instrument est intéressant.

L'instauration d'un régime de rémunération au mérite pour les cadres du ministère participe du même objectif.

Dans le même esprit, j'ai rendu public hier le baromètre trimestriel des juridictions qui récapitule l'activité judiciaire sous forme de statistiques synthétiques : nombre d'affaires traitées, délais moyens de traitement, durée de résorption du stock des affaires en souffrance.

Je donne également des informations mensuelles sur le nombre de détenus, le nombre de places disponibles - je rappelle que nous avons augmenté la capacité d'accueil des établissements pénitentiaires de 1 700 places en deux ans - ou le nombre de personnes bénéficiant d'un placement sous bracelet électronique.

Il arrive aussi à la justice de se tromper et de porter gravement préjudice à certains de nos concitoyens sans raison légitime. Je trouve juste qu'elle le reconnaisse et qu'elle en assume les conséquences, notamment financières, en proposant des mesures de réparations adaptées.

L'entrée en vigueur prochaine de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, ne peut que me conforter dans cette volonté de responsabilisation et de transparence : responsabilisation des différents échelons des hiérarchies qui constituent le ministère et transparence des résultats obtenus.

Le ministère dans ses différentes composantes passera en expérimentation LOLF pour plus du quart de ses crédits en 2005. Cela représente une part très significative des dépenses de l'administration dont j'ai la responsabilité.

Je rappelle que le ministère de la justice a été l'un des seuls à publier un avant-projet annuel de performance dès le jour de la présentation du projet de budget en conseil des ministres, afin de soumettre au Parlement au plus tôt les 70 indicateurs qui retracent l'ensemble de nos activités.

Pour toutes ces raisons, je vous remercie de bien vouloir adopter ce budget qui permettra au ministère de la justice de mieux assumer les missions difficiles qui sont les siennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Nous arrivons aux explications de vote.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste.


M. Jean-Yves Le Bouillonnec
. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l'année 2005 est une année charnière puisque le projet de budget pour 2005 est censé financer la troisième tranche de la LOPJU, votée en 2002.

D'ores et déjà, nous constatons que l'on est loin des tendances moyennes qui permettraient d'y parvenir. À titre d'exemple, le taux de réalisation de la LOPJU en matière de création d'emplois pour les services judiciaires sera de 39 % à la fin de 2005, alors qu'il devrait être de 60 %.

Vous présentez un budget en progression de 4 %. Nous confirmons votre analyse. Mais il est à craindre que la « progression » que vous affichez ne soit partiellement, voire totalement absorbée, par la pratique dite de la « régulation budgétaire », déjà dénoncée par notre collègue Pierre Albertini. En effet, l'exécution effective des budgets 2003 et 2004 est marquée par des gels, des reports et des annulations de crédits. Le budget réellement exécuté en 2003 a été inférieur de 560 millions d'euros au budget voté à la fin de 2002. Le scénario semble se répéter en 2004, notamment avec les décrets d'annulation de crédits de paiement de juillet et septembre 2004.

La situation de pénurie budgétaire se confirme sur le terrain, puisque des chefs de juridiction signalent que les crédits de fonctionnement leur ont été distribués intégralement dès septembre et qu'ils ne disposent d'aucune réserve, pour la première fois depuis très longtemps. Le renouvellement du matériel informatique, par exemple, est assuré avec beaucoup de difficultés.

À bien des égards, le projet de budget pour 2005 reste insuffisant au regard des besoins. En effet, il ne permettra pas de faire face au coût des nombreuses réformes.

Premièrement, alors que la mise en place des juges de proximité est bien plus complexe que vous ne l'aviez laissé entendre et qu'ils désorganisent, dans de nombreux sièges, les juridictions, vous affectez un million d'euros pour le recrutement des nouveaux juges de proximité et pour la gestion de ceux déjà recrutés.

Deuxièmement, vous ne retenez pas que le « plaider coupable »  est « consommateur » de magistrats dans les grandes juridictions.

Troisièmement, les mesures nécessaires à l'application des peines prévues par la loi dite Perben II, qui entrera en vigueur dès le 1er janvier 2005, généreront des activités supplémentaires pour le personnel d'insertion et pour les greffiers - cela vous est signalé, je crois, chaque jour. Leur mise en œuvre sera donc difficile. On cherchera en vain les crédits à la hauteur de vos ambitions, que, une fois n'est pas coutume, nous partageons. Selon la Chancellerie, onze mesures nouvelles prévues par la loi Perben II vont avoir un impact sur les frais de justice. La création des juridictions interrégionales, la délivrance rendue plus facile des copies des pièces de procédures, le développement de l'aide juridique et de l'assistance des victimes, la réforme du surendettement prévu par M. Borloo auront inéluctablement un impact direct ou indirect sur les frais de justice.

Votre projet de budget n'est pas satisfaisant en termes d'effectifs. C'est un point difficile, certes, mais important.

Pour les agents de justice, aucune perspective n'est, malgré la fin du programme emplois-jeunes, prévue pour les remplacer. Seules sont envisagées des facilités d'accès aux concours. À titre d'exemple 35 emplois contractuels sont prévus pour les suppléer en 2005, alors qu'il en faudrait quatre-vingt-dix pour la seule cour d'appel de Paris.

Douze emplois de greffiers en chef et quatre vingt dix emplois de greffiers sont annoncés, ce qui est bien en deçà des besoins.

En termes de qualité, les écoles de formation ne suivent pas. Pour citer un exemple, la formation à l'ENAP est tombée, de fait, de huit à quatre mois.

Le projet de budget de la justice pour 2005 est incohérent. En effet, vous créez des structures sans prévoir les moyens de mettre en place les services suffisants dotés de personnels compétents.

Votre politique budgétaire est à la hauteur de votre politique pénale. Vous n'avez pas les moyens de vos ambitions.

Comment, dans ces conditions, pouvez-vous prétendre, mettre en œuvre une véritable politique de réinsertion, et donc lutter contre la récidive ? Au-delà de l'affichage, devenu une méthode de Gouvernement, c'est l'enjeu même de la place de la justice dans notre organisation sociale qui est compromise.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera contre ce projet de budget.

M. le président. Pour le groupe UDF, la parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, examiné pour la première fois en commission élargie, le projet de budget de la justice a déjà fait l'objet d'une longue discussion. C'est pourquoi je ne reviendrai pas sur tous les chiffres du projet de loi de finances pour 2005, mais plutôt sur les axes majeurs qui sous-tendent ce budget.

Il est en augmentation de 4 %. Dans ce projet de budget, 41% sont consacrés aux services judiciaires, 30% à l'administration pénitentiaire, le reste étant partagé entre la PJJ et l'administration générale.

Cette augmentation significative recueille d'autant plus notre approbation que nous sommes en période de rigueur budgétaire. Mais que de chemin reste à accomplir, monsieur le garde des sceaux, quand on voit l'étendue des carences de notre justice ! L'effort significatif que représente la création de 1 100 emplois traduit cette volonté de remédier au déficit d'effectifs.

Néanmoins, la répartition de ces postes nous amène à nous interroger sur la politique que l'on souhaite voir conduire. En effet, la moitié de ces postes, quasiment, sera attribuée à l'administration pénitentiaire. Permettez-moi, avec mon collègue Pierre Albertini, de regretter que la création de postes de magistrats prenne du retard par rapport à la loi de 2002.

Quoi de plus normal, me direz-vous, compte tenu de la situation des prisons françaises ? Mais je crains que, une fois de plus, on ne prenne le problème, et surtout la chaîne pénale, à l'envers.

Traiter le problème de la surpopulation carcérale par l'agrandissement du parc immobilier pénitentiaire et par l'augmentation des effectifs ne semble pas être l'unique solution à adopter si l'on raisonne sur le long terme.

Croire que l'on remédiera à l'engorgement des prisons en augmentant substantiellement les crédits et les effectifs ne peut être une fin en soi. Bien sûr, les retards en la matière sont tels qu'il faut pouvoir rapidement trouver des solutions. Cependant, l'engagement figurant dans la loi d'orientation et de programmation pour la justice de créer 1 100 places supplémentaires ne résoudra pas les difficultés que l'on connaît. Aujourd'hui, 64 000 détenus doivent se partager un peu moins de 50 000 places. On peut craindre que cette situation ne s'aggrave encore d'ici à 2007.

II convient donc de trouver des alternatives à l'incarcération plus efficaces que celles qui existent actuellement.

M. Frédéric Dutoit. Bien sûr !

M. Pierre-Christophe Baguet. Les insuffisances du suivi socio-judiciaire et des services d'appui à la réinsertion, mises en lumière par la mission d'information, sont également de nature à nous inquiéter. Il devient urgent de prévenir le risque de récidive, car nous savons tous que la prison demeure un facteur criminogène.

Si l'on ajoute à ces éléments une capacité de traitement des tribunaux, qui reste très longue, et un taux d'exécution des peines encore bien faible, le constat est accablant et peu porteur d'espoir. La relative faiblesse des recrutements de magistrats nous conforte dans l'idée qu'une fois encore l'amélioration des capacités de traitement prendra du temps. Améliorer l'efficacité de la justice au service des citoyens et se donner les moyens de mieux exécuter les décisions pénales sont des orientations louables, certes, urgentes et nécessaires, mais insuffisantes au regard du projet de budget présenté.

Vous me rétorquerez que le chantier est tellement vaste et les priorités tellement nombreuses qu'il est difficile de contenter tous les pôles. J'en conviens, et c'est pour cette raison que le groupe UDF tient à saluer vos efforts et apportera son soutien à ce budget.

Néanmoins, l'urgence de la situation et, surtout, la crise de confiance de nos concitoyens envers leur justice doivent déboucher sur des solutions concrètes et rapides.

Malheureusement, pris entre, d'un côté, la nécessité de remédier au sentiment d'insécurité par la création ou l'aggravation de délits et par la baisse des statistiques de la délinquance et, d'un autre côté, une situation pénitentiaire très délicate, nous avons rompu la chaîne pénale au niveau de son maillon le plus faible et le moins exposé. Le délaissement de ce pan influe considérablement sur la cohérence de la politique que vous souhaitez conduire. Le négliger rendrait inutile tous les efforts entrepris. Un véritable travail de fourmi doit être entamé, dont les effets ne seront visibles qu'à long terme.

C'est à ce prix, et seulement à ce prix, que nous pourrons offrir aux Français une justice dans laquelle ils auront à nouveau confiance. Sinon, nous resterons dans cette optique qui consiste à colmater, certes minutieusement, les brèches, sans procéder à un véritable travail de fond, au risque d'un écroulement aussi brutal que conséquent. Ne nous retrouvons pas dans la même situation que les Pygmées face à Hercule qui, riant de cette entreprise, balaya d'un simple revers de main tous les efforts effectués.

Monsieur le ministre, nous comptons sur vous pour entreprendre cette démarche et traiter cette chaîne pénale dans sa globalité. Continuons à créer des postes, à développer des programmes immobiliers, mais n'oublions pas un seul secteur de notre institution judiciaire. La crédibilité de l'ensemble de l'action politique est en jeu.

M. le président. Pour le groupe des député-e-s communistes et républicains, la parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Le projet de budget de la justice pour 2005 est, une fois encore, un budget à la hausse. Pourtant, si officiellement, il ne cesse de progresser, officiellement en valeur absolue, il ne cesse de reculer, officieusement, en valeur relative.

Chaque année, nous apprenons, que à force de gels et de reports, le budget exécuté est inférieur à celui qui avait été initialement voté. Le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances en vue du règlement de l'exercice 2003 nous le rappelle, comme il l'avait fait pour l'exercice 2002. Ainsi, en 2003, le budget exécuté a-t-il été inférieur de 560 millions d'euros au budget initialement voté. Qu'en sera-t-il de ce projet de budget pour 2005 ? À ce rythme, l'objectif de la loi d'orientation et de programmation pour la justice de porter le budget de la justice à plus de huit milliards d'euros d'ici à 2007 ne sera jamais atteint.

En outre, et quand bien même ce budget serait exécuté, il ne sera pas en mesure de répondre aux enjeux auxquels est désormais confrontée la justice.

La demande judiciaire explose de façon continue et croissante, et le droit se pose comme le nouveau langage de nos démocraties. L'expansion juridique et la judiciarisation de notre société ne sont pas des phénomènes conjoncturels, mais le fruit d'un mouvement profond et permanent. Il incombe donc à notre justice de les considérer comme tels et de lui allouer un budget en conséquence.

Notre système judiciaire souffre d'une mauvaise image et fait l'objet d'une insatisfaction croissante des justiciables, parce que la justice manque de moyens et, essentiellement, de moyens humains. D'ailleurs, le président de notre commission des lois, M. Pascal Clément, ne disait pas autre chose le 7 juillet dernier quand il déclarait à un quotidien : « C'est une question de moyens. La société est en train de payer ses choix budgétaires. Voyez les juges d'application des peines : ils sont 250 pour suivre 170 000 personnes, soit 680 dossiers par juge ! ». Le président de l'Union syndicale des magistrats a raison de considérer que « nous sommes un pays en voie de sous-développement judiciaire, surtout lorsque l'on compare les moyens dont nous disposons à ceux de nos voisins européens ».

Que nous proposez-vous dans ce projet de budget pour 2005 ?

Vous prenez du retard dans le recrutement de magistrats. Le plan pluriannuel visant à créer 950 postes de magistrats entre 2003 et 2008 n'est pas effectif. La parole donnée ne sera donc pas respectée. Mais une fois n'est pas coutume, me direz-vous .

En revanche, un million d'euros seront consacrés à l'accompagnement des recrutements des juges de proximité - faux juges et vrais notables. Pourtant, ils sont loin d'avoir fait la preuve de leur utilité et de leur efficacité. Les exemples de leurs erreurs abondent, alors que leurs décisions ne sont pas susceptibles d'appel. C'est à faire frémir !

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour l'administration centrale et les services judiciaires. Ce n'est pas vrai !

M. Frédéric Dutoit. Sur les 170 juges de proximité déjà installés, une vingtaine d'entre eux ont d'ailleurs déjà donné leur démission.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis pour l'administration centrale et les services judiciaires. C'est faux !

M. Frédéric Dutoit. Au lieu d'attendre une évaluation sérieuse des effets de cette réforme, vous envisagez, monsieur garde des sceaux, d'élargir encore un peu plus leurs compétences, en leur confiant bon nombre d'affaires plus complexes encore que celles dont ils avaient jusqu'alors à connaître.

Votre politique vise à donner la priorité aux affaires les plus visibles et au traitement en temps réel, alors que les procédures les plus complexes ou les plus graves sont en attente de jugement.

La situation est alarmante. Les « stocks » à juger sont, pour les affaires les plus graves, en constante augmentation. Les capacités de traitement des juridictions, malgré les audiences nocturnes et un nombre d'affaires par audience qui constitue un triste record en Europe, restent très en dessous des besoins.

Pour combler ces retards et pallier ces carences, le ministère, soucieux de rentabilité et de rapidité, a mis en place des primes modulables, qui ne sont rien d'autre que des primes au rendement. Les premières ont été distribuées au mois de septembre et ont d'ores et déjà fait l'objet de multiples recours hiérarchiques. Rien d'étonnant à cela, d'ailleurs, puisqu'elles reposent sur un critère vague, contestable, nécessairement discrétionnaire, qui ouvre la porte à tous les favoritismes et à tous les arbitraires ! Nous sommes le seul pays européen à appliquer des primes modulables, et les trente et une organisations syndicales de l'Association européenne des magistrats ont adopté, à l'unanimité, une délibération contre leur principe, estimant qu'elles constituent une intrusion de l'exécutif dans la sphère judiciaire.

Souhaitant à tout prix mettre en place une justice productiviste, désirant rémunérer au rendement, au mépris de la qualité des jugements, vous oubliez de rappeler l'essentiel : malgré les conditions difficiles dans lesquelles ils exercent leurs fonctions, les magistrats français sont par rapport à ceux de l'Union européenne, ceux qui rendent le plus de décisions par magistrat, alors qu'ils ont dû, en deux ans, appliquer plus de huit réformes de la procédure pénale et du droit pénal.

Le temps qui m'est imparti ne me permet pas d'aborder le volet consacré aux services pénitentiaires et à la PJJ. Mais, lors de la réunion de la commission élargie, mon collègue Michel Vaxès vous a rappelé nos inquiétudes.

Pour conclure, j'ajouterai simplement que la LOLF, opérationnelle en 2006, visant à mettre en place une culture de gestion dans les tribunaux, va limiter le financement de la justice criminelle et aggraver encore un peu plus les difficultés de l'enquête.

Le groupe des député-e-s communistes et républicains, qui ne veut pas être le complice des dysfonctionnements et des échecs d'une politique construite sur des effets d'annonce, votera contre ce projet de budget qui se contente d'annonces victorieuses sans effet sur le terrain.


M. le président.
La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Je souhaite corriger une erreur factuelle. M. Le Bouillonnec comme M. Dutoit, à propos de l'exécution du budget 2003, ont fait état d'un chiffre manifestement inexact. Le budget voté a été exécuté en sous-consommation non de 500 millions d'euros, mais de très exactement 90 millions d'euros, dans la mesure où il y avait eu 119 millions d'annulations et 30 millions d'ouvertures de crédits. Vous comprendrez que je ne pouvais laisser passer une telle inexactitude devant le Parlement dont le rôle est de contrôler l'exécution des budgets.

M. Frédéric Dutoit. Cela fait tout de même 90 millions d'euros de moins !

M. le président. Nous vous remercions de cette précision, monsieur le garde des sceaux.

La parole est à M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, jamais sans doute un gouvernement n'a dû faire face à un héritage aussi désastreux. Depuis vingt ans, la France a globalement fait les mauvais choix aux mauvais moments. Cela tient bien sûr à cette stérile opposition entre l'économique et le social, qui nous prive aujourd'hui des moyens nécessaires pour répondre aux obligations essentielles de l'État, et particulièrement à la première de toute : assurer la liberté des Français, c'est-à-dire, comme le soulignait Montesquieu, la sûreté. Le principal contresens commis par les gouvernements socialistes a en effet consisté à oublier ou à mettre au second plan les premières missions de l'État.

De ce point de vue, l'absurde et stérile opposition entre la prévention et la sanction, le mépris pour les problèmes de sécurité et le refoulement idéologique à l'encontre de la chaîne pénale ont conduit la France à une situation qualitativement et quantitativement catastrophique.

De ce point de vue, la critique de l'opposition tout à l'heure a pris des allures d'aveu : « Vous n'allez pas assez vite pour rattraper nos retards ». Merci, messieurs !

Sur le plan qualitatif, il n'est qu'à voir le titre récemment choisi par le Figaro Magazine : « Les Français et la justice : le divorce », avec à l'appui de cruels sondages : 44 % des Français jugent que la justice fonctionne assez mal, 52 % estiment que l'égalité des citoyens devant les tribunaux s'est plutôt détériorée. Il faut toutefois reconnaître une légère amélioration depuis deux ans, puisque le rapport de notre collègue Warsmann faisait à l'époque état de 57 % de Français estimant que ce service public fonctionnait mal.

Sur le plan quantitatif, la situation était très grave : des délais plus longs, des détentions préventives plus nombreuses et plus longues, et paradoxalement un taux d'incarcération plus faible. Lourd bilan ! Des événements récents ont montré que, parfois, certains croupissent en prison, qui ne devraient pas s'y trouver, cependant que d'autres se promènent en liberté, alors qu'ils devraient être en détention.

La sûreté qui, rappelons-le, est l'un des quatre droits fondamentaux de l'homme, consiste précisément à éviter ces deux excès.

En fait, monsieur Baguet, le taux d'incarcération en France est plus faible que la moyenne des pays européens. Nous devrions au moins rejoindre cette moyenne européenne. Le nombre de magistrats en proportion de la population est moins élevé que chez nos voisins allemands, par exemple. C'est la raison pour laquelle Christian Estrosi avait stigmatisé, dans son rapport sur la LOPSI, la perte en ligne considérable de la chaîne pénale, les classements sans suite et les peines non exécutées. C'est dire à quel point ceux qui s'effarouchaient du tout répressif ou du tout carcéral méconnaissaient l'évidente et triste réalité.

L'institution judiciaire se doit de garantir l'État de droit, autrement dit d'assurer la sécurité des rapports juridiques entre les personnes privées et l'effectivité des décisions rendues. Elle se doit de protéger la société et ses membres contre la délinquance.

Au regard du sombre tableau que je viens de décrire, c'est avec satisfaction que je constate, depuis deux ans maintenant, la progression des crédits du ministère de la justice, c'est-à-dire l'application de la loi d'orientation et de programmation de la justice.

Avec une hausse de 4 %, pas moins de 1 100 emplois budgétaires nouveaux - dont 100 emplois de magistrats - seront créés. Ce sera également 8 % de progression des crédits de fonctionnement pour améliorer l'action quotidienne de la justice au service du public. 318 millions de crédits de paiement seront affectés aux opérations d'équipement afin de consolider l'investissement, tant en matière de palais de justice que d'établissements pénitentiaires.

Ce budget, monsieur le garde des sceaux, doit répondre à l'attente première des justiciables, c'est-à-dire l'accélération du temps judiciaire. L'amélioration du fonctionnement et la modernisation des juridictions doivent aller dans ce sens : il faudra en effet accélérer les recrutements des magistrats et de fonctionnaires et celui des juges de proximité. La procédure du plaider coupable - plébiscitée, du reste, par nos concitoyens - mise en œuvre grâce à votre action, est une première réponse dans ce sens.

Je prends note également avec plaisir de l'augmentation des crédits d'aide aux victimes qui permettra de renforcer les capacités d'intervention des associations et de participer aux actions en direction des publics les plus fragilisés.

L'aide juridictionnelle voit également ses crédits augmenter, notamment pour absorber les dispositions de la procédure du  rétablissement personnel . Ces mesures, nos concitoyens les attendaient puisqu'elles permettent de rapprocher les Français de leur justice.

Les chiffres de la justice publiés en octobre 2004 montrent également la progression du nombre des décisions rendues en 2003 : plus 3,9 % en matière pénale, plus 13,3 % pour ce qui concerne les juridictions spécialisées.

C'est une justice corrigeant ses défauts et renforçant ses points forts que nous souhaitons voir mise en œuvre en 2005, une justice plus proche, plus rapide et plus efficace. C'est pourquoi, monsieur le garde des sceaux, l'UMP votera le présent budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

JUSTICE

M. le président. J'appelle les crédits inscrits à la ligne « Justice ».

Je mets aux voix les crédits inscrits au titre III de l'état B.

(Les crédits inscrits au titre III de l'état B sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix la réduction de crédits inscrite au titre IV de l'état B.

(La réduction de crédits inscrite au titre IV de l'état B est adoptée.)

M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre V de l'état C.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre V de l'état C sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre VI de l'état C.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre VI de l'état C sont adoptés.)

M. le président. Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de la justice.

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

    4

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Discussion du projet de loi organique, n° 1833, modifiant la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances :

Rapport, n° 1926, de M. Gilles Carrez, au nom de la commission spéciale ;

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005, n° 1800 :

Rapport, n° 1863, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan,

Articles non rattachés : articles 63 à 70,

Articles « services votés » et articles de récapitulation : articles 45, 46, 47, 50, 51, 59, 60 et 61,

Éventuellement, seconde délibération.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures quarante.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        JEAN PINCHOT

COMPTES RENDUS DES RÉUNIONS DE LA COMMISSION DES FINANCES EN FORMATION ÉLARGIE

COMMUNICATION

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE MÉHAIGNERIE,

président de la commission des finances,
de l'économie générale et du Plan

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. La réunion de la commission élargie est ouverte.

(La réunion de la commission élargie commence le mercredi 10 novembre 2004, à neuf heures trente.)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Je présiderai cette séance en attendant l'arrivée du président Pierre Méhaignerie, et j'invite M. Jean-Pierre Brard à venir à mes côtés comme représentant de la commission des finances.

Monsieur le ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues, je suis heureux de vous accueillir pour cette cinquième réunion de la commission des finances en formation élargie. La clef du succès de cette formule, étendue cette année à l'examen de six budgets, réside dans le caractère dynamique de la discussion, celle-ci étant beaucoup moins contrainte qu'en séance publique. J'ai le sentiment, quant à moi, qu'avec le temps, cette formule va s'améliorant et que nos débats sont de plus en plus intéressants.

Je vous rappelle que la séance publique prévue le vendredi 19 novembre sera exclusivement consacrée à l'examen d'éventuels amendements et aux explications de vote ainsi qu'au vote. La discussion du budget de la communication va donc avoir lieu au sein de cette commission élargie, et non pas dans l'hémicycle. Les conditions de publicité du débat seront identiques à celles de la séance publique. Et nous avons prévu la réunion de cette commission un matin où l'Assemblée ne siège pas pour permettre à tous nos collègues d'y assister.

S'agissant du déroulement de la présente séance, la coprésidence a enregistré l'accord du Gouvernement pour que la présentation des crédits soit faite par le rapporteur spécial et le rapporteur pour avis. Ensuite, le ministre leur répondra et nous organiserons le débat avec l'objectif de rendre les échanges les plus vivants possible. Cela implique que chacun s'astreigne à des interventions courtes pour terminer à une heure raisonnable, mais, surtout, pour assurer à ce débat une plus grande dynamique. J'ajoute que Pierre Méhaignerie et moi-même sommes tout disposés à donner la parole plusieurs fois au même orateur de manière à procéder à un jeu de questions-réponses qui peut toujours être intéressant. Nous souhaitons également que l'opposition puisse s'exprimer très tôt dans le cours du débat.

Monsieur le ministre, vous n'avez donc pas souhaité prendre la parole immédiatement, ce qui me paraît particulièrement respectueux des droits du Parlement. Je salue cette volonté de votre part et je vous en remercie.

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie et du Plan.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, trois points importants marquent l'exercice budgétaire pour 2005. D'abord, d'importantes réformes de structures ont été engagées. Ensuite, l'audiovisuel public est confronté à une évolution modérée des ressources. Enfin, les aides à la presse, qui sont améliorées, ne suffisent pas cependant pour préparer la presse de demain.

Je commencerai donc cette intervention en revenant sur les importantes réformes de structure qui ont été engagées et qui vont se développer au cours de l'exercice 2005.

Premier point : la mise en œuvre de la LOLF, qui doit faire l'objet, selon nous, d'un certain nombre d'améliorations, doit être, pour les crédits de la communication, une opportunité de clarification.

La mission « médias » doit être préservée et rassembler le programme « presse » prévu et un programme « régulation de l'audiovisuel » comprenant les crédits de la direction du développement des médias et du Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui n'ont pas leur place sur le budget du Premier ministre.

Une mission « avances aux organismes de l'audiovisuel public » doit être créée et rassembler un programme par opérateur, ce qui améliorera la clarté. En effet, les objectifs et les indicateurs de ces programmes doivent être directement inspirés par les contrats d'objectifs et de moyens signés entre l'État et chaque opérateur. C'est ainsi que le Parlement et les autres partenaires pourront suivre, point par point, la mise en œuvre de ces contrats d'objectifs et de moyens.

Les objectifs et les indicateurs rattachés au programme « presse » doivent être significativement améliorés afin de mieux refléter la diversité des objectifs poursuivis par l'État en ce domaine et la multiplicité des outils dont il dispose.

Deuxième point : la réforme de la redevance est en train d'être menée à bien dans des conditions qui me semblent satisfaisantes pour l'instant. Les principes de maintien d'une ressource affectée et de recouvrement conjoint avec la taxe d'habitation ont en effet été repris par le Gouvernement.

En outre, la redevance devient un impôt plus juste, puisque un million de nouveaux foyers va être exonéré et que les droits acquis vont être maintenus. Cela va ainsi permettre de régler un certain nombre de problèmes sociaux. J'ajoute que l'Assemblée a adopté un amendement prévoyant la mise hors champ des jeunes de moins de vingt et un ans rattachés au foyer fiscal de leurs parents.

Il est clair que le non-respect du principe de compensation des exonérations doit rester une exception limitée au temps de rodage de la réforme.

Il résulte de cette réforme que la redevance sera un impôt plus simple pour le contribuable grâce à la déclaration sur l'honneur lors de la déclaration de revenus, au principe d'une redevance par foyer, au paiement conjoint avec la taxe d'habitation et à une mensualisation du paiement.

Par ailleurs, l'efficacité dans la lutte contre la fraude sera renforcée. En effet, les moyens de contrôle existants sont maintenus et renforcés par une possibilité de demande d'information aux opérateurs de télévision payante.

Enfin, la réforme permet de moderniser l'État : une économie d'un millier d'emplois sera réalisée, sans que cela traduise un jugement négatif sur l'activité des agents du service de la redevance. Le cadre juridique dans lequel ils agissaient était ainsi fait qu'on ne pouvait pas améliorer davantage la productivité. Ces 1 000 emplois seront réaffectés à de nouvelles missions de l'État. Une attention particulière devra être portée au reclassement de ces personnels.

Troisième point : il faut moderniser le rôle des acteurs institutionnels. Des contrats d'objectifs et de moyens doivent être négociés avec chacun des opérateurs de l'audiovisuel public afin de leur donner une vision pluriannuelle nécessaire dans un monde concurrentiel - cela sera également utile au Gouvernement et au Parlement - et d'inscrire leur action dans le cadre d'objectifs précis et quantifiés, qui correspondent bien à l'esprit de la LOLF.

Il est regrettable que de tels outils n'existent pas encore pour Radio France et RFI ; les changements intervenus en 2004 à la tête de ces deux sociétés doivent être l'occasion d'engager des négociations en vue de conclure des contrats d'objectifs et de moyens avec l'État.

Votre rapporteur vous propose par ailleurs un amendement tendant à rendre obligatoire la transmission de ces contrats d'objectifs et de moyens au Parlement pour que celui-ci puisse en débattre avant leur signature. Le Parlement doit être associé en amont à ces contrats, et notamment la commission des finances, qui sera chaque année saisie au fond sur l'évolution de la redevance audiovisuelle. Désormais, les modifications devront faire l'objet d'avenants aux contrats.

La deuxième remarque développée dans ce rapport est la suivante : l'audiovisuel public connaît une augmentation modérée de ses ressources, tous les bénéfices de la réforme de la redevance n'ayant pas été utilisés.

Monsieur le ministre, face aux incertitudes qui pèsent sur les encaissements de la redevance en 2004, quelle sera la position du Gouvernement dans la loi de finances rectificative pour 2004 si les prévisions de recettes ne sont pas réalisées ? Aujourd'hui, 15 millions d'euros ne sont pas au rendez-vous. Certes, les recettes de la redevance dépassent de 8 millions les prévisions, mais atteindront-elles 15 millions d'euros d'ici la fin de l'année ? De quelle façon sera compensé un tel manque pour le service public audiovisuel ?

Dans le projet de budget pour 2005, l'audiovisuel public connaît une progression modérée de 2,4 % des ressources publiques. Cette progression résulte de plusieurs éléments.

Premièrement, le produit des encaissements nets de la redevance audiovisuelle, qui s'élèvera à 2,2 milliards d'euros nets, est en progression de 83,6 millions d'euros nets, soit une augmentation de 3,9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2004.

Deuxièmement, les crédits budgétaires versés au compte d'avances au titre de la compensation des dégrèvements pour motifs sociaux passent de 428 millions d'euros en loi de finances initiale à 440 millions d'euros.

Troisièmement, la subvention du ministère des affaires étrangères à Radio France Internationale est en augmentation de 1 % et s'élève à 72,13 millions d'euros.

La moindre progression des ressources publiques l'année de la réforme s'explique par l'augmentation des exonérations non compensées. L'Assemblée nationale a néanmoins, vous vous en souvenez, adopté un amendement garantissant aux organismes de l'audiovisuel public une ressource au moins égale en 2005 à celle prévue dans le projet de loi de finances initiale. Ce sera une sorte de filet de secours au cas où la réforme, dans sa période de rodage, ne porterait pas les fruits attendus.

Les objectifs de ressources propres des organismes de l'audiovisuel public sont en hausse de 3,4 % par rapport à 2004 et atteignent 803,5 millions d'euros. Cette évolution relève d'un objectif ambitieux compte tenu du contexte publicitaire, qui est plutôt morose.

Les économies de gestion doivent, elles aussi, contribuer à dégager les moyens de financement nécessaires à l'audiovisuel public. À France Télévisions, le plan Synergia a déjà permis d'économiser 48 millions d'euros en 2003 et Arte a respecté les engagements pris en ce sens. Je me permets d'insister sur ce point car on entend trop souvent dire du service public qu'il fait peu d'efforts et ne recherche pas une meilleure productivité. C'est faux : la dynamique en faveur d'une bonne utilisation de l'argent public est bien engagée et porte déjà ses fruits, comme ont pu le vérifier des audits extérieurs, dont le cabinet KPMG. Nous devons en tenir compte dans notre appréciation de la gestion du service public de l'audiovisuel et des ressources qui lui sont nécessaires.

Compte tenu des perspectives budgétaires, les opérateurs sont confrontés à certaines contraintes. France Télévisions bénéficiera cependant d'une dotation en progression de 2,3 % par rapport à 2004, ce qui permettra notamment de consacrer 25 millions d'euros à la télévision numérique terrestre.

La dotation d'Arte France augmentera également de 2,3 %, ce qui financera le renforcement de la grille à hauteur de 1 million d'euros, compte tenu des autres obligations, notamment celles concernant le numérique.

Quant à Radio France, elle verra sa dotation augmenter de 2,7 %, ce qui permettra de financer certaines évolutions salariales décidées dans le protocole d'accord qui a mis fin au conflit de février dernier et de procéder au règlement progressif du dossier immobilier de Radio France : une dotation spécifique légèrement supérieure à 2 millions d'euros financera la phase d'étude nécessaire avant l'indispensable rénovation de la Maison de la Radio, justifiée par d'évidentes raisons de sécurité, même si le mode de financement des travaux -  subvention d'investissement ou emprunt - n'a pas encore été décidé. La signature d'un contrat d'objectifs et de moyens entre l'État et la société Radio France est en tout cas indispensable pour encadrer cette opération.

La dotation publique de Radio France Internationale augmente de 1,1 %. Il faut constater que, depuis plusieurs années, les crédits budgétaires accordés à l'audiovisuel extérieur stagnent.

Enfin, la dotation de l'INA progressera de 5,7 %, ce qui lui permettra de financer le plan de sauvegarde et de numérisation, qui est un élément important de notre patrimoine audiovisuel.

L'année 2005 devrait être une année de profonde mutation pour l'audiovisuel public, dont le premier défi sera de réussir le lancement de la télévision numérique terrestre. À cet égard, si l'annulation par le Conseil d'État de certaines autorisations a pu jeter le doute sur la procédure d'affectation, elle ne remet pas en cause le calendrier prévu pour le lancement de la TNT. Paradoxalement, cette annulation pourrait même consolider l'offre gratuite de la TNT et renforcer ainsi son attrait auprès des téléspectateurs. Car l'offre de la télévision numérique terrestre devra être substantiellement aguichante par rapport à ce qui existe actuellement dans le domaine de la télévision analogique et faire l'objet d'une vraie promotion en direction du grand public. Nous n'en sommes pas à ce stade, mais nous devons savoir que la réussite de la TNT nous demandera un effort important.

Un autre enjeu de cette année 2005 sera le développement des télévisions locales, sujet largement développé dans le rapport de la commission.

Enfin, le projet de lancement de la chaîne d'information francophone internationale semble marquer une pause, le Gouvernement n'ayant pas notifié le projet à la Commission européenne. Aucun crédit ne figure dans ce projet de loi de finances pour 2005.

Redessiner le paysage radiophonique sera un autre enjeu de l'année 2005, car des décisions devront être prises pour 2006, 2007 et 2008.

J'en viens enfin à l'aide à la presse, pour souligner qu'elle ne suffit pas à préparer la presse de demain.

La presse, notamment la presse quotidienne, nationale et régionale, traverse une crise importante. Les mesures de soutien supplémentaires contenues dans ce projet de loi de finances, et obtenues grâce au redéploiement de crédits affectés au transport postal, sont tout à fait justifiées, en particulier les mesures concernant la modernisation sociale de ce secteur. Il est absolument indispensable d'alléger les coûts de production de la presse française, car ils ont un impact sur le prix de vente des journaux, ce qui pénalise leur diffusion auprès d'un certain lectorat.

Nous devrons engager avec la profession une réflexion sur ce que sera la presse de demain et la façon dont nous voulons l'accompagner. Cette réflexion est nécessaire. L'outil très diversifié et très efficace dont dispose l'État pour maintenir notre presse hors de l'eau nous aidera à préparer l'avenir. Mais nous n'avons aucune garantie sur ce point.

Enfin, l'Agence France presse a signé, à la fin de l'année, un contrat d'objectifs et de moyens avec l'État, qui prévoit notamment une hausse importante des abonnements de ce dernier. Cet engagement est respecté dans le projet de loi de finances pour 2005.

Après avoir porté ces quelques éléments à la connaissance des membres de la commission des finances et de la commission des affaires culturelles, je voudrais souligner l'importance de cet outil que sont les contrats d'objectifs et de moyens, car ils sont conformes à l'esprit de la LOLF - c'est-à-dire la recherche des résultats dans l'utilisation des moyens publics. Ils permettent à l'audiovisuel public de se fixer des objectifs à long terme et de s'engager de manière claire tout en obligeant l'État à respecter sa parole.

En conclusion, je souhaite que l'année 2005 soit marquée par la promotion de ces contrats d'objectifs et de moyens, qui sont des outils indispensables pour nos relations avec l'audiovisuel public.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, réunie en formation élargie. Les deux rapporteurs de ce budget, qui sont de grande qualité et connaissent très bien leur dossier, ont besoin d'un temps de parole supérieur à cinq minutes. Cela dit, mes chers collègues, je vous rappelle que la qualité du débat exige un maximum d'interactivité. Je vous remercie de ne pas l'oublier.

La parole est à M. Dominique Richard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Dominique Richard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon analyse budgétaire sera très brève, le rapporteur spécial ayant fort bien traité cette question. Comme il est de coutume pour la commission des affaires culturelles, je développerai plus particulièrement un aspect de ce budget. Cette année, j'ai choisi d'évoquer avec vous la question du financement de la production audiovisuelle dans notre pays, en commençant par une analyse budgétaire.

La réforme du mode de collecte de la redevance est assurément une bonne réforme, d'ailleurs saluée par l'ensemble de la profession, qui permettra notamment de réduire considérablement les frais de collecte et la fraude. Elle offrira également l'occasion, sans doute unique, d'abonder les ressources de l'audiovisuel public et de rapprocher quelque peu le groupe France Télévisions et Arte des moyens dont disposent les grandes chaînes publiques européennes, et, ainsi, de développer les industries de programmes et d'améliorer la spécificité de leur offre par rapport à celle des diffuseurs privés.

Le budget de l'audiovisuel public pour 2005 ne tient pourtant pas toutes ses promesses. Le service public de l'audiovisuel et la profession attendaient beaucoup de la réforme de la redevance. Ces dernières années, le service public s'est engagé dans une programmation qualitative, offrant aux téléspectateurs fictions françaises, documentaires, animations, grandes émissions politiques, diffusions culturelles, justifiant ainsi sa mission particulière. La question du taux et du rendement de la redevance n'est pas uniquement conjoncturelle. C'est aussi une question de société en ce qu'elle permet à l'audiovisuel public de répondre plus ou moins bien à sa mission. Il est regrettable que le vote des recettes n'ait pas permis de conforter la spécificité du secteur public de l'audiovisuel, de relancer le secteur de la production et d'affirmer ainsi notre identité culturelle.

M. Michel Françaix. Très bien !

M. Dominique Richard, rapporteur pour avis. Sans revenir dans le détail sur les différentes orientations budgétaires, je rappellerai seulement que le budget de l'audiovisuel public s'élèvera en 2005 à 3,464 milliards d'euros, soit une hausse de 2,63 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2004. La part de financement public augmentera de 62,5 millions d'euros, soit une hausse de 2,4 %, pour atteindre 2,659 milliards d'euros. Les ressources propres du service public observeront, quant à elles, une hausse de 26,3 millions d'euros, soit une hausse de 3,38 %, les recettes de publicité et de parrainage atteignant 731 millions d'euros, ce qui représente une hausse de 3,78 %.

Ces progressions auraient pu être jugées satisfaisantes si, au même moment, de nouvelles charges imposées au secteur public ne devaient voir le jour, dont la mise en place de la TNT, le sous-titrage pour sourds et malentendants, ou encore les travaux de la Maison de la Radio.

Dans ce cadre budgétaire contraint et du fait de l'augmentation constante du coût de grille, il conviendra dans les années à venir, de donner au service public des moyens plus conséquents. Cette progression ne pourra être assurée, alternativement, que de trois façons : par une augmentation significative et constante du taux de la redevance - la moyenne européenne, je vous le rappelle, est aujourd'hui de 170 euros -, par le retour dès 2006 aux dispositions de la loi Tasca, donc au remboursement intégral des exonérations à caractère social ; faute de ces recettes liées à la redevance, par le retour à dix minutes de publicité, ce qui n'est pas souhaitable si l'on veut affirmer la différence entre chaînes publiques et chaînes privées.

Toutefois, il faut noter avec satisfaction qu'un amendement déposé par le rapporteur spécial et voté dans la partie recettes de ce projet de loi de finances permettra de garantir la recette au cas où les prévisions ne seraient pas atteintes en fin d'exercice.

L'année 2005 aurait également dû être l'année du lancement, réclamé par tous, d'une chaîne française d'information internationale. Souhaitons qu'il ne s'agisse que d'un report et, selon le principe qu'« à quelque chose malheur est bon », que cela permette au Gouvernement de réexaminer ce projet dans un esprit plus conforme aux préconisations de la mission parlementaire, notamment : privilégier clairement le service public, associer réellement ces acteurs indispensables à la réussite du projet que sont RFI, CFI, l'AFP, Euronews et TV5 - permettez-moi de profiter de l'occasion pour saluer la mémoire de Serge Adda, qui vient de nous quitter - ; ne pas priver enfin les téléspectateurs français de l'accès à une chaîne qu'ils seront appelés à financer.

Je voudrais, en conclusion de mes observations sur le budget de l'audiovisuel, me réjouir de la décision prise avant-hier par le Premier ministre, qui a confirmé le lancement en mars prochain de la télévision numérique terrestre en mode MPEG 2. Ce choix, qui nous évite un nouveau retard qui eût été fatal à la réussite de la TNT française, permettra une réflexion approfondie sur l'introduction de la télévision haute définition dans notre pays.

J'en viens au budget de la presse.

Les aides directes à la presse écrite s'élèveront à 77,45 millions d'euros en 2005, hors abonnements de l'État à l'AFP, ce qui représente une hausse de près de 140 %. Cette hausse s'explique par l'ouverture d'un nouveau chapitre d'aides à la modernisation de la presse d'information politique et générale, doté de 48 millions d'euros. La presse doit poursuivre son effort de modernisation si elle veut conforter son indépendance et créer les conditions de son développement futur.

Les avancées de ce budget vont assurément dans le sens souhaité dans le traitement des difficultés structurelles des entreprises de presse, notamment en ce qui concerne le problème, essentiel, de la distribution. La question fondamentale de l'adaptation de la presse écrite aux nouveaux comportements des lecteurs, et notamment des jeunes, a fait l'objet d'un rapport de Bernard Spitz, dont les conclusions sont trop récentes pour que ce projet de loi de finances en tienne compte. Il ouvre cependant des pistes intéressantes, qui pourraient servir de base à une grande réflexion nationale sur l'avenir de la presse.

Le soutien à la production audiovisuelle française est un autre élément essentiel de ce budget. Comme le prouvent les grilles de rentrée télévisuelles, le service public de l'audiovisuel, refusant la télé réalité, s'est engagé ces dernières années dans une programmation de qualité, qui justifie chaque jour un peu plus sa mission particulière. Ainsi, les chaînes publiques françaises jouent un rôle de premier plan dans le soutien à la production audiovisuelle nationale, même si le poids financier des chaînes privées, notamment de TF1 et de Canal Plus, est loin d'être négligeable dans ce secteur.

Cette production audiovisuelle partage avec le cinéma une réglementation et un système d'aides d'inspiration commune. Mais le cinéma occupant une place prépondérante dans la vie culturelle française, on oublie souvent l'importance économique du secteur audiovisuel : en 2002, la production d'œuvres audiovisuelles a représenté 1 284 millions d'euros, contre 860 millions d'euros pour la production cinématographique. On estime à plus de 20 000 le nombre des emplois de l'industrie audiovisuelle, hors diffuseurs. Dans le même temps, le secteur souffre de faiblesses structurelles, très clairement décrites par M. Antoine Schwarz dans son rapport consacré au financement de la production audiovisuelle française.

S'interroger sur les modalités d'amélioration de ce dispositif de soutien à la production audiovisuelle relève donc d'un choix politique de première importance, en termes patrimonial, culturel et économique. Il s'agit en effet de favoriser la diffusion de la langue, de la culture et du patrimoine français, mais également de soutenir une industrie importante pour notre pays. Le bilan tiré de la mise en œuvre du crédit d'impôt cinéma doit nous faire réfléchir, au moment où la France a rétrogradé au cinquième rang européen en matière de production audiovisuelle. Sachant ainsi qu'un téléfilm représente environ 1 000 heures de travail, le doublement de la production audiovisuelle française, qui ne suffirait pas à nous mettre au niveau des Britanniques, et encore moins à celui des Allemands, générerait cependant 600 000 heures de travail.

Cela relève également d'un choix sociétal de première importance, puisqu'il s'agit de transmettre à nos enfants nos valeurs, et non uniquement celles d'une société mondiale uniformisée.

Sans vouloir revenir sur la description du système de soutien français ni sur les comparaisons européennes qui se trouvent dans mon rapport, je tiens à souligner les améliorations importantes apportées par ce projet de loi de finances.

Devant le succès du crédit d'impôt cinéma, le Gouvernement a décidé d'étendre le bénéfice de ce dispositif à la production audiovisuelle de fictions, d'animations et de documentaires : quarante millions d'euros seront disponibles à ce titre en 2005. On estime que le nombre de jours de travail conservés sur le territoire français grâce à ce nouveau dispositif devrait être de l'ordre de 350 000. Toute la profession attendait et a salué cette avancée incontestable. Il conviendra qu'à l'avenir aucun plafonnement budgétaire n'en limite la portée.

En 2005, comme c'est déjà le cas depuis 2004 pour le cinéma, l'État abondera les fonds de soutien des collectivités locales à la production audiovisuelle, à hauteur d'un euro prélevé sur le compte de soutien du CNC pour deux euros investis par la collectivité. Une dotation de quatre millions d'euros sera ouverte à ce titre. Cela devrait permettre de dynamiser les tournages et les opérations de postproduction en région.

Un fonds pour la promotion de l'innovation audiovisuelle sera créé en 2005 au sein du compte de soutien aux programmes audiovisuels du CNC. Doté de quatre millions d'euros, il financera les dépenses de recherche et de développement de nouveaux concepts de programmes. Ce fonds pourrait utilement encourager la captation moderne de spectacles vivants, afin de rendre leur diffusion plus attractive pour les téléspectateurs. Cela fait partie des progrès indispensables de notre télévision, qu'appelle de ses vœux Mme Catherine Clément dans son rapport de décembre 2002, La Nuit et l'Été. En tout état de cause, la création de ce fonds constitue une avancée majeure en matière de qualité de la production audiovisuelle.

Je voudrais maintenant faire quelques propositions pour l'avenir.

Si les récentes améliorations réglementaires et fiscales évoquées précédemment laissent espérer un léger redressement de la production audiovisuelle française, elles ne suffiront pas à elles seules à nous rapprocher notablement des leaders européens. Il est indispensable d'augmenter les ressources du secteur audiovisuel et du fonds de soutien à la production audiovisuelle. J'ai déjà évoqué le rendez-vous manqué du rendement de la redevance : il aurait fallu affecter l'intégralité des 200 millions d'euros attendus de la réforme de la redevance au service public de l'audiovisuel, en sanctuarisant ce supplément de collecte au bénéfice notamment de la production audiovisuelle. Dans le cadre actuel de la réforme, et dès lors que les résidences secondaires ont été exclues de l'assiette de cette taxe, que le nombre de foyers fiscaux est relativement stable et que la lutte contre la fraude dégagera peu de recettes supplémentaires, on peut craindre que le seul moyen de faire évoluer le produit de la redevance ne soit l'augmentation du taux, qui est en France bien en deçà de la moyenne européenne.

On peut envisager par ailleurs une augmentation rationnelle des recettes publicitaires. II conviendrait de réfléchir, en concertation avec l'ensemble des acteurs de la production audiovisuelle, à la possibilité d'autoriser aux chaînes privées une seconde coupure des œuvres audiovisuelles et des films. Parallèlement, les chaînes publiques pourraient être autorisées à couper les « programmes de flux » - divertissements, débats, magazines - après vingt heures et à revenir progressivement à dix minutes de publicité par heure au cas où une augmentation significative de la redevance se révélerait impossible.

On pourrait également proposer que les recettes de diversification, que vient d'évoquer Patrice Martin-Lalande, soient incluses dans l'assiette de la taxe affectée au financement du COSIP. Actuellement, en effet, cette assiette n'est pas étendue aux recettes issues du parrainage, qui sont pourtant de même nature que les recettes publicitaires ; elle n'intègre pas non plus les recettes liées aux appels surtaxés ou aux SMS, qui alimentent la télé réalité. On peut imaginer qu'elles puissent alimenter également la création cinématographique.

Mon rapport propose d'autres pistes, notamment des assouplissements d'ordre administratif dont le coût financier est nul, qui permettraient d'éviter certaines absurdités actuelles. Ainsi, tourner dans la Cour carrée du Louvre coûtant actuellement environ 100 000 euros par jour, des producteurs préfèrent la faire reconstituer à l'étranger ! Autre exemple, une production audiovisuelle n'a pas le droit de bénéficier de recettes de placement de produits, alors qu'un film comme Taxi est tout du long la promotion de la Peugeot 406 !

Je vais conclure, car je sens une certaine impatience chez M. le président Méhaignerie !

Je voudrais simplement rappeler que la question de la production audiovisuelle dans notre pays ne peut être cantonnée au seul champ de la culture. Depuis l'année dernière, les jeunes Français passent plus de temps dans l'année devant un écran qu'assis sur les bancs de l'école ; en moyenne, nos concitoyens consacrent trois heures et vingt-huit minutes par jour à regarder la télévision. Dans ces conditions, la problématique de l'audiovisuel, loin d'être accessoire, est une véritable problématique politique et sociale.

M. le président. Je voudrais, avant de passer la parole à M. le ministre de la culture et de la communication, formuler trois réflexions à la suite des propos de MM. les rapporteurs.

J'assume tout d'abord, au nom de la commission des finances, la responsabilité de l'évolution des recettes - je sais que le ministre aurait souhaité lui aussi une légère augmentation de la redevance. Ce choix tient à trois raisons. D'abord, les dépenses de vieillesse et de santé vont absorber dans les prochaines années 70 % de nos efforts de productivité, et ces dépenses doivent être sécurisées. À qui devons-nous affecter les 30 % restants, sinon aux moins dotés de la société française ?

M. Michel Françaix. Les propriétaires d'une résidence secondaire ?

M. le président. Or beaucoup de nos compatriotes n'estiment pas, au regard de leurs revenus, faire partie de la classe moyenne. C'est sur eux que nous devons faire porter nos efforts. La commission des finances, dans une grande majorité, estime que des efforts de productivité doivent être engagés dans tous les secteurs publics.

La question de l'identité culturelle, à laquelle nous sommes tous attachés, doit être replacée dans son contexte. Si, sur le plan de l'audiovisuel, nous faisons moins que certains pays, l'effort culturel global de la nation, et en particulier celui consenti par le ministère de la culture, nous place en haut de l'échelle européenne.

Je voudrais dire enfin que l'effort de simplification accompli cette année ne devait pas se traduire aux yeux des Français par une augmentation des dépenses.

Voilà pourquoi, même si je comprends parfaitement le sens de certaines observations, j'assume les choix qui ont été faits, en accord avec l'essentiel des membres du Gouvernement, même si d'autres auraient souhaité une augmentation un peu plus forte. Il ne faudrait pas laisser peser toute la responsabilité sur les épaules du Gouvernement, sans que le Parlement en assume sa part.

La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Messieurs les présidents, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, avant d'aborder l'analyse du budget de la communication - qui n'est pas un simple accessoire de la politique culturelle, pas plus que la culture et la communication ne sont un à-côté, ou un simple « supplément d'âme » de la politique de la nation, mais le cœur de notre rayonnement et de notre capacité d'influence -, je voudrais que s'échappe de cette salle une pensée pour nos deux journalistes toujours retenus en otage, Georges Malbrunot et Christian Chesnot, avec leur chauffeur syrien, Mohamed al Joundi. Nous devons nous souvenir que le pluralisme de l'information, élément nécessaire à la démocratie, dans notre pays et dans le monde, pour lequel nous travaillons aujourd'hui, est porté par des hommes et des femmes qui risquent leur vie. J'espère que chacune et chacun saura faire preuve sur cette question de l'unité et de la solidarité nécessaires, et je l'en remercie.

Respect du pluralisme et promotion de la diversité sont les deux axes essentiels de mon action, en matière de communication comme dans le domaine de la culture. En effet, même si nous distinguons dans l'examen ces deux budgets, je tiens à vous dire qu'ils sont l'expression d'une seule et même politique.

Je tiens à remercier les rapporteurs pour la grande qualité de leurs travaux, qui traduit leur souci d'authenticité et de vérité, reconnu jusque sur les bancs de l'opposition, où l'on a manifesté son approbation aux critiques inévitables lors de l'examen d'un budget.

Vous avez l'un et l'autre mis l'accent sur des aspects des secteurs de l'audiovisuel public et de la presse essentiels pour la vitalité de notre démocratie autant que pour la vie quotidienne de nos concitoyens. Vous avez souligné à juste titre, cher Dominique Richard, l'importance économique de l'audiovisuel public, et en particulier l'effet démultiplicateur de la redevance sur les créations d'emplois de ce secteur. Permettez-moi de vous dire cependant que je trouve votre rapport parfois un peu injuste à l'égard d'une réforme qui était attendue et qui constitue un progrès majeur. En effet - et il est important que l'ensemble des professionnels le sachent - elle conserve au secteur une ressource affectée et pérenne, d'un montant de 2 659 millions d'euros pour 2005. Vous pouvez légitimement être fier, cher Patrice Martin-Lalande, de voir aboutir avec cette réforme l'un des chantiers que vous aviez conduits au sein de la Mission d'évaluation et de contrôle.

Cette réforme est une bonne réforme parce qu'elle est juste, équilibrée et solide, et ce autant pour le secteur public audiovisuel que pour le contribuable. Le secteur public audiovisuel est consolidé par le maintien d'un financement spécifique, d'une garantie de ressources propres et directement affectées. Il est vrai que le mode de recouvrement de cette redevance souffrait de défauts de plus en plus criants, symptomatiques d'un archaïsme fiscal dénoncé régulièrement par le président de la commission des finances.

C'est la raison pour laquelle nous avons estimé que l'adossement du recouvrement de la redevance à la taxe d'habitation permettait une rationalisation conforme à notre ambition commune de réforme de l'État. La réduction du coût de la collecte constituait la principale demande de votre commission. Désormais, le recouvrement et le contrôle de la redevance seront à la fois plus efficaces et moins coûteux, ce qui bénéficiera à l'ensemble de la collectivité. Pour la troisième année consécutive, le contribuable ne verra pas sa redevance augmenter. Mais, pour la première fois, le contribuable téléspectateur et auditeur bénéficiera d'un système plus juste et plus simple.

Un système plus simple : une seule redevance due par foyer fiscal détenteur d'un poste de télévision, quel que soit le lieu de réception.

Un système plus juste : en alignant les dégrèvements de redevance pour motifs sociaux sur ceux de la taxe d'habitation, le Gouvernement permet à un million de foyers modestes supplémentaires - et il faut insister sur cet aspect des choses -, notamment les personnes âgées de soixante à soixante-cinq ans et les bénéficiaires du RMI, de bénéficier de cette exonération.

Au total, comme l'a indiqué le rapporteur spécial, le projet de réforme de la redevance entraîne une progression des encaissements de 84 millions d'euros, ce qui assure au secteur public de l'audiovisuel une progression de ses ressources de 2,4 % en 2005 par rapport à 2004. C'est plus que l'année dernière - 2,34 % - et c'est loin d'être négligeable.

Cette augmentation ne me fait pas oublier les débats qui ont animé l'Assemblée nationale au moment de l'adoption de cette réforme, qui constitue, permettez-moi de vous le dire, un progrès majeur.

Je souhaite aussi saluer le vote par votre assemblée de l'amendement de Patrice Martin-Lalande tendant à sécuriser les ressources de l'audiovisuel public en 2005. Cette initiative permettra, dès 2005, de vous rassurer sur la collecte, ce qui n'est pas encore le cas pour 2004. Je tiens à vous remercier d'avoir pris cette décision. C'est au vu des résultats de 2004 que le Gouvernement prendra toutes ses responsabilités.

La réforme de la collecte de la redevance est importante à mes yeux, mais ne constitue pas une fin en soi. En d'autres termes, la politique audiovisuelle que je mène au nom du Gouvernement ne saurait se réduire à la réforme de la redevance. Mon objectif est d'inscrire la politique de l'audiovisuel dans la stratégie du Gouvernement en faveur du développement de l'emploi et de l'attractivité du territoire, tout en offrant au téléspectateur une télévision et une radio publiques de qualité et clairement identifiées dans leur mission de service public.

La stratégie de l'emploi, d'abord. En écho au débat que vous avez tenu sur les délocalisations, j'inscris pleinement mon action dans cette perspective. Il faut consolider le secteur public audiovisuel au service du développement du cinéma et de la production audiovisuelle française, au service de la relocalisation des tournages dans nos régions, et donc de la création d'emplois. En ce sens, les ressources de l'audiovisuel public ne couvrent pas uniquement les besoins d'un secteur. Mon ambition est avant tout de consolider l'attractivité de notre territoire, tout en développant un secteur économique qui représente plus de 20 000 emplois directs. C'est ma priorité, car elle conditionne toutes les autres.

J'y suis très attentif, et j'ai bien entendu les propos que vous avez tenus, les uns et les autres : tout doit être mis sur la table. S'il y a des responsabilités publiques dans les coûts de mise à disposition d'un certain nombre de monuments, je suis prêt à examiner cette question - il ne faut pas oublier, en effet, le problème du coût du travail, qui est une réalité. Tout doit donc être mis sur la table : les problèmes de captation, de grille d'emploi, mais aussi de la puissance publique en tant que propriétaire.

Ainsi, le crédit d'impôt cinéma voté en fin d'année dernière a tenu toutes ses promesses, puisque la part des semaines de tournages réalisées en France est passée de 61 % à 72 % en 2004. Fort de ce résultat, j'ai souhaité, pour 2005, étendre le crédit d'impôt cinéma aux films ambitieux, susceptibles de créer un nombre important d'emplois. Cela signifie l'augmentation du plafond de l'éligibilité pour pouvoir bénéficier du crédit d'impôt.

Mon objectif est le même pour la production audiovisuelle. La qualité et le talent de nos artistes et de nos techniciens sont reconnus dans le monde entier. La qualité et la diversité de nos paysages et de nos monuments en font des décors naturels incomparables. Et pourtant, ce sont encore près de 22 % des journées de tournages de fictions télévisées qui se déroulent à l'étranger.

Dans le même esprit que pour le cinéma, le crédit d'impôt spécifique pour la production audiovisuelle est une réponse forte et efficace. Dans l'analyse des crédits de l'audiovisuel pour 2005, je vous demande quand même d'intégrer cette mesure nouvelle - essentielle - dans l'appréciation de notre politique.

Il s'agit de rapatrier environ 70 000 jours de travail liés à des tournages dans les domaines de la fiction, de l'animation ou encore du documentaire. Bien sûr, le succès de cette mesure dépend de l'esprit de responsabilité de chacun : diffuseurs publics et privés, producteurs, pouvoirs publics. Comme pour le crédit d'impôt cinéma, je souhaite une évaluation régulière de son impact.

Ces mesures nouvelles en faveur du cinéma et de la production audiovisuelle correspondent à une aide fiscale de 40 millions d'euros en 2005.

En second lieu, j'ai souhaité étendre à la production audiovisuelle, dès 2005, le système des fonds régionaux, qui fonctionne remarquablement bien.

Dans le même esprit, j'ai demandé à France Télévisions d'étudier l'amélioration du financement de certains secteurs fragiles de la production audiovisuelle. Je salue à cette occasion l'accord qui vient d'être passé par France Télévisions avec le secteur du documentaire, dont vous savez qu'il est fragile et mal financé.

La consolidation de l'emploi passe aussi par la requalification de l'emploi précaire dans le secteur public audiovisuel. J'ai réuni lundi 8 novembre - avant-hier - une table ronde des diffuseurs afin de dresser un bilan d'étape et de faire le point sur les actions à mener. En la matière, le secteur public audiovisuel se doit d'être exemplaire. J'approuve et je soutiens le plan présenté par Marc Teissier, président de France Télévisions, tendant à faire passer le taux de recours à l'emploi précaire de 16 % à 10 % au total. Si la politique de l'audiovisuel public que je souhaite mener est bien sûr centrée sur la lutte contre les délocalisations, elle n'en oublie pas pour autant la consolidation et le développement de l'identité propre du service public de l'audiovisuel - second objectif. En d'autres termes, la consolidation économique d'un secteur n'a de sens que si le téléspectateur se voit offrir des programmes plus diversifiés, plus riches et clairement identifiés, et si la notion de service public a bien un sens. Lorsque l'on sait que les Français passent en moyenne trois heures trente par jour devant leur petit écran, la question est loin d'être mineure. Et de ce point de vue, sachons saluer les initiatives réussies : je pense à la « soirée américaine » organisée par France Télévisions, qui était tout à fait remarquable sur le plan des débats et de la diffusion de l'information. Nous étions véritablement là au cœur de notre mission de service public.

Les médias audiovisuels sont, pour moi, un moyen essentiel de la politique culturelle. La large diffusion de l'offre culturelle, la conquête de nouveaux publics passent par l'écran de télévision et les ondes de la radio publique, aussi bien dans l'information donnée que dans la captation, la retransmission et la diffusion d'un certain nombre d'œuvres.

Je crois possible un enrichissement des programmes de télévision et de radio pour donner au service public une identité plus forte, plus audacieuse, qui est plus que jamais nécessaire dans le paysage audiovisuel français. Je sais que vous avez souvent entendu ce discours : ce ne sont pas pour moi des mots vides de sens. Il s'agit d'une démarche de fond que je veux inscrire dans la durée.

En la matière, les résultats concrets sont déjà là.

L'effort additionnel en 2005 de France Télévisions en faveur des programmes de culture et de connaissance s'élèvera à 6,3 millions d'euros.

Le récent accord signé par France Télévisions avec l'Union syndicale de la production audiovisuelle et le Syndicat des producteurs indépendants en faveur du documentaire de création se concrétise par un engagement financier de 64 millions d'euros en 2004 et une enveloppe supplémentaire de 10 millions d'euros pour les années 2005 à 2007. Mais, là encore, j'attire votre attention sur le fait que cet engagement financier est conditionné par l'évolution des ressources publiques qui seront attribuées à France Télévisions au cours des trois années à venir. Je le souligne car cela m'a été indiqué de manière publique par le président de France Télévisions et que, le Parlement étant composé d'une Assemblée nationale et d'un Sénat, je sais que toutes sortes de discussions sont en cours.

France Télévisions, il faut le souligner, investit plus que ses obligations dans la production audiovisuelle. L'accord signé avec le Bureau de liaison des organisations du cinéma et la Société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs est également très important pour le financement de l'industrie cinématographique.

Je crois aussi à une plus grande diversité culturelle. Les succès du « Silence de la mer » ou de « l'Odyssée de l'espèce » montrent tout l'apport que peut incarner le service public, qui doit savoir rendre plus tangible encore sa différence.

Cette diversité culturelle, c'est aussi une meilleure représentation des minorités visibles sur les antennes de service public et une véritable place donnée dans le service public au dialogue des peuples et des cultures.

Enfin, l'enrichissement de l'offre de programmes se concrétisera en 2005 par la place du secteur public audiovisuel au sein de la Télévision numérique de terre.

Certains d'entre vous ici présents doivent peut-être regretter leurs propos, annonçant le cataclysme, la catastrophe, pensant que le ministre de la culture et de la communication était devenu une sorte de valet ! Je suis ravi de la décision du Premier ministre - que j'ai largement préparée - annoncée au peuple français lundi dernier !

M. Jean-Pierre Brard. Tout seul, il n'y fût point parvenu !

M. le ministre de la culture et de la communication. Vous savez, monsieur Brard, la stéréo est toujours positive ! Et il faudra toujours que vous fassiez attention à vos propos ! Je vais en effet vous rappeler des paroles qui resteront à jamais dans ma tête. Pour ceux qui ne les connaissent pas, l'histoire se passait en marge du Festival de Cannes, lors d'une conférence de presse à laquelle j'avais décidé de participer et où je devais répondre aux questions du comité de suivi. Au moment où j'entrais, sans que personne ne le sache, dans la salle, Jean-Pierre Brard a dit : « La question politique est de savoir si Donnedieu de Vabres est un leurre. » Eh bien sur la question de l'intermittence, comme sur celle de la TNT, le ministre de la culture et de la communication, cher Jean-Pierre Brard, n'est pas un leurre ! (Sourires). Et je suis ravi de la décision prise récemment par le Premier ministre !

M. Michel Françaix. Demi-décision !

M. le ministre de la culture et de la communication. Nous y reviendrons dans le débat, mais la décision sur les chaînes gratuites est prise, et celle sur les chaînes payantes le sera dans les jours prochains.

L'enrichissement de l'offre de programmes est évidemment essentiel. À tous ceux qui critiquent le choix de la norme de diffusion de la TNT, je veux dire qu'il s'agit d'un vrai choix stratégique, apportant une réelle, concrète et rapide valeur ajoutée à l'offre de programmes du secteur public audiovisuel. Pour le téléspectateur français, la TNT, ce sera avant tout la diffusion vingt-quatre heures sur vingt-quatre d'Arte et de France 5, deux chaînes emblématiques de la diffusion des programmes de culture et de connaissance. De même, la création de la chaîne Festival permettra une large diffusion du spectacle vivant et de concerts en particulier - en tout cas, de toutes les formes d'expression musicale et artistique, monsieur le président de la commission des finances. L'arrivée de la TNT sur les écrans de nos concitoyens illustrera cette volonté de rendre accessibles à tous et à toute heure nos programmes de culture et de connaissance.

En d'autres termes, mesdames et messieurs les députés, ces actions traduisent un engagement solennel que je prends devant vous : celui de veiller à ce que chaque euro du contribuable trouve sa contrepartie dans les programmes qui lui sont offerts par le service public audiovisuel. Cette démarche ne peut s'inscrire dans le seul cadre annuel, et je retiens les propos des uns et des autres ici insistant sur l'importance des contrats d'objectifs et de moyens. Mais leur respiration, dans le cadre du droit français, ne peut pas ne pas se faire dans le cadre de l'annualité budgétaire ! Cela dit, cette lisibilité que vous souhaitez continue évidemment d'avoir sa traduction dans le cadre de l'annualité budgétaire.

Je souhaite que l'année prochaine soit l'occasion d'améliorer, de rationaliser et de rendre plus efficaces les rapports entre l'État et les entreprises publiques de l'audiovisuel. Ainsi, le deuxième contrat d'objectifs de l'INA pourrait être conclu dans les prochaines semaines. Les contrats d'objectifs de Radio France et de Radio France Internationale sont relancés. Je souhaite définir avec vous le moyen de donner à l'engagement financier de l'État une crédibilité et un sens. Je sais, cher Patrice Martin-Lalande, que vous avez des propositions qui vont dans ce sens. Elles constituent un pas dans la bonne direction. Mais, à mes yeux, il faut aller plus loin encore. Le temps est peut-être venu d'une réflexion prospective et libre pour dissiper les critiques injustes et définir ensemble une stratégie de développement. Si l'on reste les bras croisés, les critiques vont se multiplier, l'incompréhension se développer, et les progrès nécessaires n'auront pas lieu. Je souhaite donc réfléchir avec vous, dans le strict respect de l'annualité budgétaire, à la constitution d'un groupe de travail sur ce sujet, auquel le Parlement devra être associé.

Il s'agit d'abord de soutenir les options stratégiques de Radio France : numérisation des antennes, achèvement du « plan bleu », régionalisation de l'offre de programmes, restructuration de la Maison de la Radio. Il ne s'agit pas seulement, dans ce dernier cas, d'une mise aux normes techniques, mais d'une modernisation des espaces, avec toutes les conséquences que cela implique en termes d'organisation du travail. L'adaptation des programmes de la radio publique aux attentes des auditeurs doit être un souci permanent.

Je veux aussi vous dire combien je suis préoccupé par la situation des radios associatives. En effet, le Fonds de soutien à l'expression radiophonique voit ses recettes diminuer. J'ai saisi de ce problème récurrent mon collègue, le ministre d'État, afin qu'une solution puisse être trouvée dans les meilleurs délais. Il en va, là aussi, du respect du pluralisme, auquel, je le sais, vous êtes tout aussi attachés que moi.

Le respect et la défense du pluralisme sont en effet les fils conducteurs de ce budget. Et cela vaut tout particulièrement pour la presse écrite.

Ce budget marque un effort historique en faveur de la presse, à la hauteur des défis que doit aujourd'hui relever ce secteur. Ces moyens doivent contribuer à la modernisation de la presse écrite. Vous avez raison, Patrice Martin-Lalande : cette rénovation doit être la préfiguration de ce que nous souhaitons réaliser dans l'avenir.

Atteignant un montant total de près de 280 millions d'euros, soit une progression, à périmètre constant, de près de 30 % par rapport à 2004, le projet de budget que je vous présente consacre à la presse des moyens exceptionnels par leur ampleur, à la mesure du soutien concret que le Gouvernement entend apporter au pluralisme. La presse doit saisir cette occasion unique de moderniser ses structures de production, ce qui implique un effort financier de l'État très important et soutenu.

L'action du Gouvernement vis-à-vis de la presse écrite porte d'abord sur la rénovation des aides existantes, dans un dessein de plus grande transparence et d'efficacité.

La réforme de l'aide au transport postal de la presse s'inscrit dans cette dynamique nouvelle : à l'issue de plusieurs mois de négociations, le protocole d'accord signé le 22 juillet 2004 définit le nouveau cadre des relations entre l'État, la presse et La Poste.

Les modalités du soutien public au transport postal de la presse, d'un montant global de 242 millions d'euros, sont recentrées autour de deux actions prioritaires : l'aide à la diffusion des journaux d'information politique et générale et l'aide à la distribution de l'ensemble de la presse écrite dans les zones de faible densité.

Je veux aussi mentionner la réforme du Fonds d'aide à la modernisation et à la distribution de la presse, qui est l'instrument fondamental de la modernisation du secteur et qui entrera en vigueur en 2005.

Elle permettra à la commission de contrôle du Fonds de procéder à une véritable évaluation de l'efficacité économique des subventions. Cette réforme relèvera aussi les plafonds et les taux de subventions : 40 % pour les projets individuels, 80 % pour les projets collectifs.

Le dispositif que je vous propose comporte en outre de nouvelles aides, qui interviennent à chaque étape du processus : fabrication, distribution, diffusion. L'efficacité est à ce prix.

La première aide vise à moderniser la fabrication de la presse quotidienne d'information politique et générale nationale, régionale et départementale. En 2005, l'État consacrera 38 millions d'euros à soutenir la modernisation des processus de production et la rénovation des relations du travail susceptibles d'être mises en œuvre par la presse quotidienne nationale et la presse quotidienne dans les régions et dans les départements. Il s'agit de permettre à ces entreprises de mieux maîtriser leurs conditions d'exploitation, de conforter l'indépendance économique de leurs titres et donc la liberté de la presse elle-même.

Deuxième aide nouvelle : la distribution de la presse, indispensable à sa diffusion. La vente au numéro demeure essentielle, puisqu'elle continue de représenter plus de 60 % des ventes de la presse, en dépit de la progression soutenue des abonnements depuis plusieurs années.

L'aide à la distribution de la presse quotidienne d'information politique et générale, qui, à l'origine, devait expirer le 31 décembre prochain, est donc prorogée en 2005 à hauteur de 12,7 millions d'euros. Les Nouvelles messageries de la presse parisienne doivent en effet poursuivre l'effort de restructuration engagé depuis 2000 afin de ramener la qualité et le coût de la distribution des quotidiens à un niveau plus acceptable, notamment sur le plan économique et financier.

L'aide publique mise en place en 2005 a vocation à accompagner cette nouvelle phase de modernisation. Ce dispositif s'inscrira néanmoins dans un cadre rénové, ménageant une plus large place à la contractualisation avec l'État, afin de mieux définir les efforts de modernisation réalisés en contrepartie du versement de l'aide.

Troisième priorité : la diffusion de la presse écrite. J'en suis convaincu, l'érosion de la presse écrite n'est pas une fatalité. Certes, le nombre des points de vente de presse a diminué de 16 % depuis 1995. Cette situation s'explique par les difficultés bien connues de la profession, que le rapport a rappelées. Lors de l'examen des crédits du budget de la culture, j'avais établi un parallèle entre la situation de la librairie de proximité et celle des kiosques et de la diffusion de la presse. En la matière, l'offre crée la demande.

Les professionnels ont élaboré un plan de consolidation, de modernisation et de développement du réseau de vente de la presse. Là aussi, il faut que nous soyons futuristes, que nous imaginions ce que doivent devenir les kiosques pour être plus attractifs. Les grandes orientations de ce plan ont été présentées le 30 juin 2004 par le président du Conseil supérieur des messageries de presse.

Afin que l'État soutienne et accompagne cette évolution, j'ai décidé la création d'un Fonds de modernisation du réseau des diffuseurs de presse à hauteur de 3,5 millions d'euros.

Vous le voyez, c'est toute la chaîne de fabrication et de diffusion de la presse qui est concernée par ces mesures nouvelles. La cohérence de ces actions est la clé de leur efficacité.

C'est à dessein que je souhaite terminer cette présentation du budget 2005 en évoquant les mesures en faveur du lectorat des jeunes. Ils représentent l'avenir de la diffusion de la presse écrite et donc la pérennité du pluralisme de l'expression des pensées et des opinions. Une somme de 3,5 millions d'euros pourra être mobilisée à cet effet dans le fonds de modernisation : cela figure d'ores et déjà dans le budget, ce n'est pas l'annonce d'une mesure hypothétique. M. Bernard Spitz m'a remis il y a quelques semaines son rapport sur « les jeunes et la lecture de la presse quotidienne d'information politique et générale ». Il y évoquait de nombreuses pistes de réflexion qui méritent de retenir notre attention. J'installerai dans les tout prochains jours un comité de suivi et d'évaluation, auquel seront associés tous les acteurs du secteur, et j'annoncerai très prochainement les initiatives très concrètes que je compte prendre dans ce domaine. En tout cas, les crédits sont déjà là.

On le voit, l'ambition du budget 2005 de la communication est bien de favoriser la diversité des expressions, de faire éclore la pluralité des talents, de soutenir le pluralisme des opinions dans toutes ses composantes, de permettre à la liberté éditoriale d'éclairer le chemin de notre démocratie et nos débats.

M. Michel Herbillon. Très bien !

M. le président. Merci, monsieur le ministre, pour cette présentation très complète.

Neuf orateurs ont demandé à intervenir. Je vais d'abord donner la parole aux quatre représentants des groupes − MM. Didier Mathus, Jean-Pierre Brard, Pierre-Christophe Baguet et Alain Joyandet −, puis les cinq autres intervenants poseront une question.

La parole est à M. Didier Mathus, pour le groupe socialiste.

M. Didier Mathus. Monsieur le ministre, l'intervention de Pierre Méhaignerie a dû sonner le glas de vos illusions, puisqu'il considère que la culture et la communication sont des réalités accessoires et secondaires...

M. le président. Ne caricaturez pas mes paroles ! Nous avons ici un débat sérieux !

M. Didier Mathus. Monsieur le président, ne rognez pas davantage notre droit d'expression.

En gros, le président de la commission des finances nous a dit : le budget de la culture est globalement assez élevé si on le compare à celui des autres pays européens ; contentons-nous de cela ; on répare le toit des églises, à quoi bon dépenser en plus de l'argent dans l'audiovisuel public ? De telles réflexions trahissent un défaut de perspective, de vision et de lucidité à l'égard des enjeux pour l'avenir que représente la communication dans un pays démocratique. Du reste, nous l'avons bien compris en écoutant nos deux rapporteurs, l'effort public en faveur de l'audiovisuel diminue.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Pas du tout !

M. Didier Mathus. Nous devons situer votre action dans la continuité. Je veux rappeler rapidement ce qui s'est passé depuis deux ans et demi : mesures dilatoires sur la télévision numérique terrestre − j'en parlerai plus longuement tout à l'heure, non pas pour faire repentance mais pour vous signaler que, pour l'instant, vous n'êtes là qu'au milieu du gué −, abandon d'une grande ambition pour l'audiovisuel public, déstabilisation méthodique de France Télévisions par le précédent ministre, disparition de la dotation de 152 millions d'euros prévue pour le passage au numérique, interdiction faite à la télévision publique de développer une chaîne d'information continue pour ne pas concurrencer celle du groupe Bouygues, démantèlement par la loi de juillet 2004 du très modeste dispositif anti-concentration − au détriment du pluralisme et de la démocratie, et pour le plus grand profit de certains opérateurs privés. C'est dans ce paysage que s'inscrit votre action.

En ce qui concerne la redevance, personne n'a réclamé son augmentation, monsieur le président de la commission des finances. Nous avons simplement souhaité que l'État rembourse les exonérations, comme il s'y était engagé dans la loi d'août 2000. En y manquant, il prive tout de même l'audiovisuel public de la bagatelle de 80 millions d'euros.

De même, je vois mal comment justifier l'exonération des résidences secondaires, si ce n'est par la volonté de faire un cadeau aux ménages les plus aisés. Les propriétaires de résidences secondaires ne sont peut-être pas obligatoirement riches, mais, jusqu'à preuve du contraire, ils ne figurent pas non plus parmi les plus pauvres. On aurait pu mettre à profit la réforme de la redevance pour assurer une consolidation des moyens de l'audiovisuel public. Même si l'on ne peut comparer que ce qui est comparable, on a toujours intérêt à se replacer dans le cadre européen et à ne jamais oublier que l'idée fondamentale de la politique française en matière d'audiovisuel est d'assurer une forme d'équilibre entre le secteur public et le secteur privé. À l'origine du projet de télévision numérique terrestre, il y avait cette idée que, par sa présence et son importance, le secteur public devait être un élément moteur. Il ne peut plus l'être, car, depuis plus de deux ans, vous avez considérablement réduit ses moyens.

Dans le budget de l'audiovisuel public, les ressources publiques augmentent de 0,71 %, ce qui revient, du fait de l'inflation, à une baisse des moyens en euros constants. Ce sont donc les ressources propres qui augmentent, ce qui signifie simplement que vous comptez sur la publicité pour financer l'audiovisuel public. Ce choix me paraît être un contresens majeur. Il va à l'encontre des grandes orientations prises ces dernières années et, en particulier, de la réduction à huit minutes par heure de la publicité autorisée sur les chaînes publiques. C'est là en effet un objectif que vous serez obligé d'abandonner afin de compenser le manque de ressources publiques par des ressources publicitaires.

C'est l'identité même du service public qui est ainsi mis en cause. J'en veux pour preuve l'évolution, par ailleurs positive, que constitue le passage au numérique d'Arte et de France 5 : ces chaînes, dites-vous, pourront augmenter leurs heures d'antenne ; mais, à moyens constants, sans financement supplémentaire, cela relève de la haute voltige, surtout quand l'on connaît le coût d'une heure de télévision.

J'en viens, monsieur le ministre, à la télévision numérique terrestre. Heureusement que l'opposition s'est exprimée pour vous aider à mettre de l'ordre dans la pensée majoritaire, où depuis deux ans régnait la plus grande confusion ! Cependant, vous vous trouvez aujourd'hui au milieu du gué.

Je salue la décision de retenir le format MPEG 2 pour le lancement des chaînes gratuites. Je l'ai appelée de mes vœux et je m'en félicite donc. Toutefois, cette décision ne règle rien puisque, dans le même temps, vous parlez du format MPEG 4 pour les chaînes payantes. Concrètement, cela signifie que les gens devront acheter un décodeur au mois de mars sans savoir si, six mois après, il ne faudra pas en acquérir un second pour capter les chaînes payantes. Une telle solution ne permet pas d'assurer le développement de la télévision numérique terrestre gratuite pour tous, comme nous l'avons voulu avec la loi d'août 2000. Le cas échéant, vous pouvez compter sur nous pour vous aider à franchir la deuxième moitié du gué.

J'en arrive, car il serait fâcheux de l'oublier, à cette Arlésienne du PAF qu'est la CFII, chaîne française d'information internationale, chère au cœur du Président. Une fois de plus, pas un centime n'est inscrit dans le budget de la nation pour 2005, alors que l'on nous avait dit - ce sur quoi nous étions plutôt d'accord - qu'il s'agissait d'une ardente obligation pour le rayonnement de la France ! Le ministre des affaires étrangères a lui-même souligné cette absence de moyens. Dans ces conditions, mieux vaudrait assumer clairement l'abandon de cette chaîne internationale plutôt que souligner sa nécessité sans prévoir pour autant de ligne budgétaire.

J'en terminerai par un sujet devenu aujourd'hui essentiel, à savoir la crise que traverse l'audiovisuel. Celle-ci me paraît régner dans trois grands secteurs.

Le premier est celui de la création audiovisuelle. Je salue les propos tenus à cet égard par Dominique Richard car la mesure relative au crédit d'impôt est tout à fait opportune. Toutefois, je ne crois pas qu'elle soit de nature à régler tous les problèmes. On voit bien en effet que, peu à peu, nos télévisions, qu'elles soient publiques ou privées, sont cannibalisées par les émissions de plateau et de flux, au détriment de la création audiovisuelle.

Sans doute s'agit-il là plus d'une question de société que d'une question de budget, mais il nous faudra réfléchir à ce que doivent être les cahiers des charges des télévisions publiques aujourd'hui. Va-t-on laisser indéfiniment se développer une société du spectacle qui s'autocaricature, où la télévision se met en scène elle-même à longueur de temps d'antenne au détriment de la création véritable ? La mesure fiscale proposée est, je le répète, positive, mais elle ne répondra pas complètement à la crise de la création audiovisuelle en France.

Le deuxième secteur de crise est celui des droits du football. On ne peut laisser les choses continuer en l'état quand les sommes en jeu risquent, parallèlement, d'appauvrir les capacités de création de la télévision française dans son ensemble. Quand on songe que les droits de retransmission d'un match de football représentent à peu près le coût de production d'un film, on est en effet en droit de se poser des questions sur l'intérêt des flux financiers qui sont en jeu dans cette affaire.

Enfin, troisième secteur de crise, les relations de l'État avec la télévision publique. Ce dernier doit préciser clairement ce qu'il attend d'une télévision publique. Vous nous avez dit, monsieur le ministre, que, pour vous, le service public était essentiel. Je veux bien le croire, encore que cela ne se voie pas dans le budget. Mais il me semble que l'État en tant que tel doit redéfinir ses relations avec la télévision publique et, encore une fois, faire clairement savoir ce qu'il attend d'une télévision publique dans le paysage audiovisuel d'aujourd'hui.

Ce débat, nous y sommes prêts, car la communication, monsieur le président de la commission des finances, n'est pas seulement une dépense publique, elle est un enjeu démocratique.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jean-Pierre Brard. Puisque le président Méhaignerie a tenu à s'exprimer au nom de la commission des finances sur le remboursement des exonérations, je rappelle qu'il n'y a pas unanimité sur ce point.

Quant à notre collègue Dominique Richard, dont j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les propos, il me paraît quelque peu schizophrène : il s'exprime librement, certes, mais, en bon soldat, il finit, au moment du vote, par rentrer dans le rang et par marcher au pas ! (Murmures.)

M. Michel Herbillon. C'est plutôt ce qui se passe dans votre groupe, en général !

M. Jean-Pierre Brard. Vous me dites cela, à moi ?

M. le président. Mes chers collègues, n'oubliez pas que M. Brard aime être interpellé...(Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Herbillon, il ne faut jamais juger les autres à son image. Parce que celle qui vous est renvoyée n'est pas forcément flatteuse, pour ne pas dire plus.

Le président de la commission des finances faisait remarquer que la France était en tête pour l'effort fait en faveur de la culture. Certes, mais au royaume des aveugles, les borgnes sont rois. En tout état de cause, il me semblerait nécessaire que les héritiers de notre grande nation aient en ce domaine d'autres ambitions que MM. Berlusconi et Blair ou que M. Schröder dont on se rappelle la prestation, ici, à l'Assemblée nationale : sa culture est si vaste qu'il ne retint de l'influence culturelle française en Allemagne que les boulettes censées avoir été importées par les Huguenots !

M. le ministre a rappelé que je m'étais demandé s'il n'était pas un leurre. C'est une question que je me pose toujours. Cependant, je ne demande qu'à avoir tort et qu'à ce qu'un jour, il entre au panthéon fort peu peuplé des ministres de la culture qui auront marqué l'histoire depuis 1958.

Simplement, comme dans l'affaire des intermittents du spectacle, nous jugerons sur pièces, sachant, monsieur le ministre, que, dans cette dernière bataille - qui pourrait vous conduire à gagner vos galons de maréchal si vous la meniez à bien -, nous vous aidons puissamment, et ce n'est pas Patrick Bloche qui me contredira.

Nous saluons l'effort réel accompli en faveur de la presse écrite, mais il n'en reste pas moins quelques sujets d'inquiétude.

Le premier tient à la déclaration d'un député de la majorité à l'AFP le 22 septembre dernier, remettant en cause les conventions collectives de l'audiovisuel public. Notre collègue s'inscrivait ce faisant dans une tradition bien attestée depuis le démantèlement de l'ORTF, la disparition, dans les conditions que l'on sait, de la SFP et l'atomisation de TDF. Je souhaiterais donc avoir votre sentiment, monsieur le ministre. Le président Méhaignerie rappelait tout à l'heure que vous aviez des opinions particulières. Peut-être, après tout, n'êtes-vous pas en phase avec notre collègue de l'UMP ?

Un autre sujet d'inquiétude a trait à l'impasse dans laquelle se trouve la chaîne d'information internationale qu'évoquait à l'instant Didier Mathus. Cette future chaîne devait être détenue à parts égales par France Télévisions et par TF1 et financée à hauteur de 70 millions d'euros par l'État. Cette chaîne est-elle définitivement enterrée ? Certes, les choix de la ligne éditoriale, des langues utilisées, des zones de couverture et du financement ne sont pas tranchés. Mais il faut prendre position, même s'il peut être préférable de prendre son temps, encore qu'à force de le prendre, on se perde dans la nuit des temps... L'absence de ligne budgétaire et l'éventualité du recours à une loi de finances rectificative ne font que renforcer les craintes que nous avions exprimées l'an passé.

La concentration des principaux médias - presse, maisons d'édition, de distribution et de diffusion, chaînes de télévision, radios - entre les mains d'un petit nombre de personnes qui ne sont pas gens de culture mais capitaines d'industrie, est dangereuse pour les libertés publiques. Or, qui contrôle aujourd'hui les principaux médias ? Il s'agit, pour l'essentiel, de M. Lagardère et des familles de Wendel - dont l'un des fleurons est notre fameux baron national ! - et Dassault, pour qui les seules valeurs qui comptent sont celles qui sont cotées en bourse. Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'en matière d'audiovisuel et de politique culturelle en général, les valeurs devraient tout de même être d'une autre essence ?

Nous défendons tout ce qui peut contribuer au pluralisme des médias. Ainsi les radios associatives françaises constituent-elles en Europe un exemple unique d'un média de communication indépendant. À cet égard, le fonds de soutien à l'expression radiophonique garantit la survie et le développement du secteur associatif des radios. Pourtant, la nomination des représentants des radios au sein de la commission gérant ce fonds a fait l'objet de contestations car il n'aurait pas été tenu compte de la représentativité des fédérations. Il est dit, monsieur le ministre, que vous auriez fait un choix très politique, ce qui est d'ailleurs plutôt dans votre mission de ministre.

La Confédération nationale des radios libres, qui est majoritaire dans le secteur, n'a obtenu qu'un poste de titulaire et qu'un seul de suppléant, perdant ainsi un représentant à la commission, alors que la CNRA, minoritaire, a raflé tous les autres postes. Pour reprendre la formule du communiqué de la Confédération nationale des radios libres, ce serait vous, monsieur le ministre, qui seriez à l'origine de cette situation choquante. Qu'en est-il ?

Les crédits accordés à ce fonds renvoient aux insuffisances du budget de 2004. Vous prétendez renforcer dans les trois prochains mois le dynamisme des ressources affectées à ce fonds. Pourriez-vous nous éclairer sur les moyens mis en œuvre pour atteindre cet objectif ?

Pour ce qui est de la redevance, nous avons eu dans l'hémicycle un ample débat lors de l'examen de la partie recettes du projet de loi de finances. Je n'y reviendrai donc pas, même pour faire écho à notre excellent collègue Patrice Martin-Lalande, qui a beaucoup travaillé sur ce sujet sans toutefois parvenir aux mêmes conclusions que moi...

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le groupe UDF.

M. Pierre-Christophe Baguet. Je n'entrerai pas trop dans le détail de la technique budgétaire, car, bien que positive, la réforme introduite par la LOLF n'a pas encore produit tous ses effets, et, si le nouveau document qui nous est présenté est très intéressant, il comporte encore beaucoup de pages blanches, ce qui est normal puisque nous ne sommes qu'au début de la réforme. De plus, l'organisation de nos débats est un peu compliquée, puisque certains amendements seront examinés lors de la discussion sur le budget de la communication vendredi matin tandis que d'autres seront débattus dans le cadre des articles non rattachés vendredi après-midi.

Je voudrais en revanche me féliciter de cette réunion, qui répond un peu à un souhait que j'avais formulé lors de l'examen des crédits de la culture. J'avais en effet demandé que le ministre des finances et le ministre de la culture puissent s'exprimer devant les commissions des finances et des affaires culturelles réunies sous l'autorité de leurs présidents respectifs. Je ne crois pas en effet qu'il y ait d'un côté, les dépensiers de la culture et de la communication et, de l'autre, les économes des finances. Je crois plutôt à la responsabilisation des uns ou des autres. N'oublions pas que la culture et la communication jouent un rôle économique fondamental. Je rappelle simplement que le budget de la presse écrite est de l'ordre de 10 milliards d'euros, et que ce secteur emploie plus de 50 000 personnes. Les interférences entre la culture, le choix de société qu'on veut et le développement économique sont bien réelles.

J'avais également demandé, le 13 janvier 2004, à l'occasion de la niche annuelle que le groupe UDF avait, avec responsabilité, consacrée à la presse et à l'audiovisuel, qu'on instaure un dialogue préalable avec les médias pour toutes les grandes décisions qui touchent au secteur de l'audiovisuel. Nous n'avons pas été consultés officiellement sur les choix technologiques lorsqu'a été arrêtée la décision sur la TNT. Je le regrette.

Nous avons bien essayé d'organiser un débat en interne, à travers la création, par notre collègue Emmanuel Hamelin, d'un groupe de travail informel sur la TNT, mais nous n'avons jamais eu l'occasion de nous saisir au fond de ce dossier et de soulever les problèmes que posent les nouvelles technologies.

Globalement, l'offre culturelle nouvelle ne me paraît pas suffisante pour qu'on ne réfléchisse pas un peu plus sur les choix technologiques. Rappelons-nous les graves erreurs du passé, TDF 1, TDF 2, le D2MAC et autres. On se demande parfois à quoi sert le Parlement. Prenons l'exemple de la décision que doit prendre prochainement la ligue professionnelle de football. Nous avons légiféré, nous avons créé des instances de régulation, mais la décision, peut-être la plus importante dans le paysage audiovisuel français depuis 1986, nous échappe totalement. Pourtant, les conséquences peuvent être terribles : modification de la concurrence, voire disparition d'un opérateur satellite, avec de graves répercussions sur la culture, la création audiovisuelle et surtout le cinéma risquant d'être frappés en pleine face. Il y a bien quelque chose qui ne va pas dans ce fonctionnement.

Ensuite, monsieur le ministre, je voudrais insister sur la situation de la presse. Elle est au bord du désespoir. Je ne sais pas si certains d'entre vous ont entendu le discours que le président François d'Orcival a prononcé à l'Assemblée nationale, en présence de Jean-Louis Debré, à l'occasion du soixantième anniversaire du syndicat professionnel de la presse magazine et d'opinion il y a une semaine. C'était pathétique.

Il faut tout remettre à plat, réunir des états généraux de la presse, ou une table ronde géante - je ne sais pas quelle est la meilleure formule. En tout cas, il faut réfléchir très sérieusement.

Pourquoi ne nous inspirerions-nous pas de ce qui a été fait dans le domaine du cinéma ? Les gouvernements successifs, le Parlement, la nation tout entière se sont mobilisés pour sauver le cinéma. On pourrait faire la même chose pour la presse. Il faudrait étudier toutes les aides, toutes les mesures positives qui ont été prises pour financer le cinéma, se pencher sur les crédits d'impôt que vous avez créés pour l'audiovisuel, qui sont très bien ressentis, et c'est une bonne chose, surtout avec le relèvement du plafond. On pourrait réfléchir à la création d'une taxe de sauvegarde, même si le président Méhaignerie n'aime pas qu'on parle de créer de nouvelles taxes. On pourrait envisager des réductions fiscales pour les particuliers qui souscriraient des abonnements. La situation de la presse est telle qu'on ne peut plus se cantonner à des mesures simples.

Je proposerai certes tout à l'heure quelques amendements, mais, ponctuels. Ils ne peuvent remplacer une véritable vision globale.

Il faut travailler sur le rapport de Bernard Spitz, qui ouvre des perspectives très intéressantes. J'ai déposé à ce propos un amendement pour permettre à la presse de mieux prendre en compte les centres d'intérêt de notre jeunesse. En tant que rapporteur du budget des sports, j'ai consacré l'essentiel de mon rapport sur les liens entre sports et médias au journal L'Équipe.

Par ailleurs, il conviendrait de réfléchir à l'inégalité d'accès des jeunes aux supports écrits. Des journaux très largement financés par l'État, voire gratuits, sont distribués dans les lycées, sous couvert d'une sensibilisation très légitime à la lecture des jeunes lycéens. Ainsi, le conseil général des Hauts-de-Seine distribue un journal gratuit dans les collèges. Mais il faut bien voir que cela crée une concurrence déloyale.

J'ai aussi déposé un amendement sur les kiosquiers. Nous avions voté un abattement des bases de taxe professionnelle les concernant, avec plusieurs tranches - 1 600, 2 800 et 3 400 euros -, laissant aux présidents ou aux maires des collectivités territoriales la liberté de favoriser la diffusion de la presse par ce biais. Vous en avez parlé tout à l'heure, monsieur le ministre. Malheureusement, un an après, seuls 25 % des présidents et des maires ont souscrit à cette autorisation. Peut-être faudrait-il aller plus loin, dans le respect bien sûr de la Constitution et de l'indépendance de chaque institution.

Toujours sur la presse, nos collègues du Sénat ont voté, dans le cadre du projet de loi Borloo de cohésion sociale, un très bon amendement sur le travail de nuit à l'initiative de M. de Broissia. Alors qu'une directive européenne proposait que le travail de nuit commence à vingt et une heures, l'amendement propose que ce travail ne commence qu'à minuit pour permettre de bien distinguer les entreprises qui cherchent un plus gros profit en faisant travailler leurs salariés la nuit et celles qui sont dans l'obligation de travailler la nuit. Nous comptons tous défendre cet amendement quand ce texte viendra en discussion à l'Assemblée et j'aimerais, monsieur le ministre, que vous fassiez de même. Il serait bien en effet que le Gouvernement ait une position cohérente sur ce sujet, mais ce ne serait pas le cas si j'en crois la rumeur.

S'agissant toujours de la presse, je voudrais dire que si on peut comprendre la normalisation, légitime dans le cadre européen, des rapports entre la presse et La Poste, il ne faut pas oublier que la presse a consenti de très gros efforts ces dernières années, justement pour répondre aux demandes de La Poste. Elle a même accepté, dans l'accord qui vient d'être conclu, une augmentation de 10 % des tarifs postaux sur les quatre ans qui viennent. En contrepartie, vous avez proposé, monsieur le ministre, un accompagnement de 19 millions d'euros, mais il faudrait que vous preniez l'engagement solennel de pérenniser cet accompagnement, au moins pendant les quatre ans qui viennent. Je sais que vous ne pouvez pas prendre d'engagements pluriannuels, mais il serait quand même inélégant de laisser tomber cette presse après la première année alors qu'elle vit des moments difficiles.

Un mot sur la radio, sujet qui m'est cher. La refonte de la bande FM progresse - comme quoi le Parlement peut être un élément stimulateur. Le CSA a l'air de s'y mettre. Il a lancé l'appel d'offres. On va avancer, et c'est une bonne chose que chaque concitoyen puisse capter la radio de son choix où qu'il se trouve sur le territoire national.

Aujourd'hui, ce sont les radios associatives qui traversent une grave crise, monsieur le ministre. Elles ont subi de plein fouet deux événements simultanés : d'une part, la disparition des emplois jeunes, des CEC et des CES, dont beaucoup travaillaient dans les radios associatives ; d'autre part, le plafonnement du fonds de soutien à l'expression radiophonique, en stagnation depuis plusieurs années. J'ai proposé, avec mes collègues Christian Kert et Dominique Richard, un amendement qui va peut-être être soumis tout à l'heure à la commission pour déplafonner les tranches supérieures et permettre au fonds de soutien à l'expression radiophonique de retrouver une certaine marge de manœuvre.

Sur la télévision, je souscris totalement à l'appel de Pierre Méhaignerie pour une meilleure productivité du service public. Mais il faut que tout le monde coopère et que les gouvernements, quels qu'ils soient, respectent les contrats d'objectifs et de moyens qu'ils signent, ce qui n'est pas toujours le cas, et remboursent les exonérations nouvelles de redevances. Aujourd'hui, c'est l'audiovisuel qui est touché par la remise en cause d'un engagement solennel de l'État. Demain, ce seront peut-être les collectivités locales, ou d'autres secteurs. Cela me gêne beaucoup.

Il faut respecter les contrats d'objectifs et de moyens, je pense notamment à Arte et à l'AFP. Je sais que certaines sociétés ont pris du retard, mais, lorsque des efforts sont faits par les directions pour améliorer la productivité, il faut les accompagner.

Quant à la réforme de la redevance, elle était nécessaire. On ne peut pas continuer à dépenser autant pour la collecte. Mais je suis un peu inquiet sur le résultat final.

Un dernier mot sur la politique audiovisuelle extérieure. Je continue à regretter le double tutorat dont souffre ce secteur. Il suffit de constater la progression très faible de certains crédits. Il serait quand même beaucoup plus cohérent que ce soit le ministre de la culture et de la communication qui assume seul le tutorat sur la politique extérieure audiovisuelle de la France.

Enfin, je forme, moi aussi, un vœu sur la création d'une future chaîne française d'information internationale qui soit vraiment cohérente et crédible. Des amendements ont été déposés en ce sens, notamment par notre ami Christian Kert. J'espère que cette chaîne verra le jour, avec un véritable financement et une structure adaptée.

En conclusion, dans un contexte financier très contraint, je salue à mon tour les efforts du ministre. Le groupe UDF votera ce budget, mais j'attends beaucoup de vos réponses, monsieur le ministre, notamment sur la presse et la radio.

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour le groupe UMP.

M. Alain Joyandet. Monsieur le ministre, le groupe UMP est très satisfait du budget que vous lui présentez à l'occasion de cette loi de finances. Des avancées très importantes sont faites. Cela a été dit. Je ne m'y attarderai pas, pour répondre au souhait du président Méhaignerie que l'on profite de cette réunion pour lancer des débats plutôt que de répéter les mêmes choses.

Le secteur de la communication est extraordinairement complexe. Je salue d'autant plus l'évolution que vous voulez lui donner, monsieur le ministre. La polémique est tout à fait inutile. On voit bien que, depuis vingt ans, quels que soient les gouvernements en place, de gauche comme de droite, les décisions ont souvent été mauvaises ou bien n'ont fait que confirmer ce que le secteur économique avait déjà fait avant. Nous n'avons jamais été capables d'anticiper. Or les nouvelles technologies changent complètement la donne. Nous sommes tous très attachés au pluralisme, mais la diversité ne peut exister que si le secteur marche économiquement. L'indépendance des médias passe avant tout par l'indépendance économique et on voit bien que la moindre modification technologique entraîne des modifications d'ordre économique.

Je ne rappellerai que l'expérience des radios. Tout à l'heure, j'entendais parler de la sauvegarde du secteur public. Il me semble que le débat public-privé dans la communication est totalement dépassé puisque l'ouverture de la bande FM dans les années quatre-vingt a conduit à atomiser complètement les audiences des différentes radios, y compris des radios de service public. Je rappelle en effet qu'en 1980, trois radios se partageaient 100 % de l'audience. La radio leader, selon Médiamétrie, était à 40 %. Vingt ans plus tard, la radio leader paie des pages de pub pour annoncer son leadership avec 10 ou 11 % d'audience ! Ce n'est pas nous qui avons décidé cette évolution. Nous constatons simplement que l'ouverture à une technologie qui n'était pas révolutionnaire - on passait des grandes ondes à la FM - a complètement atomisé le secteur des radios, et du même coup la radio publique.

Je suis, comme vous tous, très heureux de cette ouverture, mais je dis qu'assurer notre mission de législateur dans un secteur où la technologie est particulièrement évolutive n'est pas aisé. Les choses se font avant que nous ayons pensé qu'elles allaient se faire. Je rejoins mon collègue du groupe UDF, nonobstant tous les efforts qui sont faits par vous, monsieur le ministre, pour gérer des situations difficiles et pour aller de l'avant, je pense qu'il est tout à fait utile que nous ayons une réflexion globale sur l'ensemble du secteur des médias. Quels médias trouvera-t-on dans dix ans au cœur de notre démocratie si l'on essaie de projeter les différentes modifications technologiques qui arrivent ? Quelle place tiendra encore l'écrit ? À quels transferts de l'écrit vers le numérique assistera-t-on ? Quelles seront les conséquences de la TNT sur l'équilibre des chaînes hertziennes actuelles ?

Tout cela pour dire que ce secteur est extraordinairement compliqué. Dès qu'on touche un petit morceau, on risque de remettre en cause tout l'équilibre de ce secteur médiatique - je ne parle pas d'audiovisuel ou de presse puisque, pour moi, les médias sont un tout au cœur de cette démocratie. Il y a vraiment une problématique de société très compliquée, à laquelle il faut que nous réfléchissions tous ensemble, parce que, dans les dix ans qui viennent, il va se passer des choses énormes sur le plan des technologies et donc sur le plan des transferts. Il ne se passe pas un mois sans que nous soyons invités à des expérimentations nouvelles. Va-t-on les autoriser ? Va-t-on les interdire ? Quelles sont les conséquences sur les audiences et donc sur l'économie de nos entreprises de presse, de médias, qu'elles soient audiovisuelles ou écrites ?

M. Jean-Pierre Brard. Parlez-nous de Seillière et de Lagardère.

M. Alain Joyandet. Je ne veux pas vous parler de Seillière ou de Lagardère. Simplement, il ne me semble pas qu'en faisant Canal Plus, la gauche ait forcément œuvré dans le sens de l'intérêt général immédiat pour le grand service public de télévision.

Pour vous, c'est : « Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais ! » Je n'ai vraiment pas l'impression que la gauche ait véritablement servi la démocratie pendant les dix ans où elle était au pouvoir en donnant de l'oxygène à l'audiovisuel et aux médias pour qu'ils soient plus vivants ! Votre inaction a largement préparé ce qui s'est passé et que vous semblez regretter. Il ne restait plus qu'un petit but à marquer, car la partie, c'est bien vous qui l'avez jouée, et de manière totalement inefficace. Je n'avais pas l'intention de vous répondre, mais, puisque vous me tendez la perche, je la saisis. Étant moi-même acteur et observateur de ce milieu de la communication depuis les années quatre-vingt, je dois dire que votre action n'a pas été portée au Panthéon. Revoyez donc votre copie avant de nous donner des leçons sur le sujet ! Je pourrais citer bien des exemples de votre inefficacité et des contre-décisions que vous avez prises, qui ont fait beaucoup de mal au secteur, particulièrement au secteur public de la communication. Mais j'en reste là, car je ne veux pas céder à la polémique. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je ne fais que répondre à M. Brard.

M. Michel Herbillon. Il adore ça !

M. Alain Joyandet. Vous ne voudriez tout de même pas que nous vous écoutions asséner vos vérités et vos provocations sans répondre ! La situation est très compliquée et mérite réflexion.

Nous nous réjouissons, monsieur le ministre, des différentes réformes entamées à l'occasion de ce projet de budget pour 2005. On a beaucoup parlé de la réforme de la redevance audiovisuelle, mais, puisqu'il y a de plus en plus d'exceptions à la règle, ne pourrait-on pas aller un peu plus loin et faire une redevance universelle qui ne soit plus liée à l'achat d'un poste de télévision, pour financer la radio et la télévision publiques ? Aujourd'hui, nous allons en effet vers la convergence et l'on voit la télé partout : sur un ordinateur, un téléphone portable. Certes, on est censé faire une déclaration en achetant ce type de portable. Mais est-ce vraiment le cas ? La simplification pourrait consister à instaurer une redevance universelle par foyer, d'autant que, quand on n'a pas de télévision, on la regarde quand même. Je suggère donc que l'on franchisse ce pas supplémentaire. Cela permettrait d'avoir des bases taxables qui assurent la pérennité de la ressource compte tenu de l'évolution des nouvelles technologies et de la convergence vers laquelle nous allons.

S'agissant de la TNT, je me pose quelques questions concernant l'éventuelle double norme, qui ne me satisfait pas complètement. Je m'exprime là à titre personnel, non pas au nom du groupe.

M. Pierre-Christophe Baguet et M. Michel Françaix. Ils sont libres, à l'UMP !

M. Alain Joyandet. Mais nous sommes en effet libres à l'UMP, malgré vos caricatures, chers collègues ! La norme MPEG 4 ne peut-elle pas entraîner notre industrie à aller de l'avant ? Je sais que c'est la norme MPEG 2 qui a été choisie pour la première salve de nos chaînes, mais c'est un point sur lequel il faudrait, monsieur le ministre, nous donner des informations.

Je conclurai sur la presse écrite. A cet égard, je fais miens les propos de mon collègue Baguet. Un très gros problème d'avenir se pose pour la presse écrite d'information, qu'elle soit nationale, régionale, départementale ou assimilée. Elle subit en effet de plein fouet toutes ces évolutions technologiques qui font que l'on trouve l'information partout. Ce que vous avez dit, monsieur le ministre, s'agissant des jeunes et de la presse écrite est important. Il y a là quelque chose à faire. Bien évidemment, nous vous soutiendrons, monsieur le ministre, mais les aides nouvelles très ciblées que vous mettez en place pour la presse écrite dans le cadre du redéploiement lié à la modification de financement de La Poste ne pourraient-elles pas être redéployées elles-mêmes ? Au lieu d'aides conjoncturelles très ciblées, ne pourrait-on envisager une aide supplémentaire à la presse qui soit pérenne, qui soit non pas conjoncturelle, mais structurelle ? A budget constant, monsieur le président Méhaignerie, plutôt que des aides très spécifiques un peu contraignantes, ne pourrions-nous pas ouvrir une ligne pour une exonération ou une aide générale supplémentaire ? J'ai déposé un amendement la semaine dernière afin de lancer le débat de la création d'une prime pour les entreprises de presse qui embauchent des journalistes professionnels. Il s'agit de bien faire la différence entre les entreprises de presse qui participent au débat démocratique en employant ces journalistes professionnels et les autres.

Monsieur le ministre, nous sommes très heureux de votre action dynamique dans un contexte particulièrement tendu sur le plan budgétaire. Je vous félicite pour votre éclectisme dans l'approche des différents sujets. Il n'en reste pas moins que ce grand secteur mérite que nous y réfléchissions, parce qu'il va énormément bouger dans les années à venir. Si, pour une fois, nous pouvions essayer d'anticiper !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur Mathus, la caricature ne sert à rien, surtout quand elle est aussi facile à démentir. Les propos du président de la commission des finances que vous avez voulu vilipender ne correspondent absolument pas à notre logique politique. Nous avons à faire face à des responsabilités, et nous entendons faire de la culture et de la communication un atout stratégique pour notre avenir. Il ne s'agit pas de quelque supplément d'âme, de la cerise sur le gâteau, d'un petit plus lié aux loisirs et aux distractions ! Nous sommes au cœur même de notre influence, de notre rayonnement et de notre avenir. Le lancement de l'année de la France en Chine a bien montré combien la communication contribue au rayonnement de notre pays et à son développement économique. Des centaines de millions de téléspectateurs chinois ont ainsi admiré de nombreux aspects de la création culturelle ou artistique française.

Je ne peux donc pas laisser dire que le Gouvernement agit comme si cette activité était résiduelle. Vous nous accusez d'abandonner une grande ambition, de procéder à une déstabilisation méthodique. Tout cela, c'est de la caricature. Vous avez vous-même dit, en parlant de la TNT - j'ai votre déclaration sous les yeux - : « La soumission du Gouvernement aux intérêts particuliers étant ce qu'elle est, mieux vaudrait, monsieur le ministre, céder votre fauteuil à M. Le Lay . » (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Michel Françaix. Vous avez quelque chose contre M. Le Lay !

M. le ministre de la culture et de la communication. Il me semble que nos concitoyens ont droit à la vérité. Dans une période d'évolution aussi rapide des technologies, la pertinence des choix concernant la TNT ne peut être vérifiée que par le dialogue entre responsables politiques, parlementaires et techniciens. Ce n'est que si nous n'y avions pas procédé que vous pourriez nous accuser de prendre des décisions à la légère et de ne pas anticiper suffisamment ce que peut permettre l'évolution de la technologie. Nous avons choisi de faire passer l'offre gratuite de cinq chaînes à au moins quatorze, en nous servant du dispositif technologique pertinent au meilleur coût. À ce propos, ne parlez jamais de décodeur, car ce serait induire nos concitoyens en erreur ! En effet, il ne s'agit pas d'une télévision payante déguisée. L'offre élargie sera accessible avec un simple adaptateur, disponible à partir du 1er mars, que l'on achètera une fois pour toutes. Le prix n'en a pas encore été fixé. Je pense qu'il se situera entre 75 et 100 euros.

Dans ce domaine, l'ère de la bakélite et de la chaîne unique est révolue. La technologie ouvre plusieurs possibilités d'accès à la télévision. Dans la France d'aujourd'hui, la diversité liée à la technologie est durablement inscrite dans les faits. Notre objectif est d'offrir les chaînes gratuites au plus grand nombre. Quant aux chaînes payantes, leur diversité, tant en termes de capacité que de prix, fait partie de la réalité. La vérification demandée par le Premier ministre et qui est en cours de discussion avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel consiste à déterminer quelle est la norme technologique que vous devrons retenir pour la télévision payante, et il me semble que, sur ce sujet, je fais preuve d'ouverture d'esprit.

M. Michel Françaix. Sur ce sujet !

M. le ministre de la culture et de la communication. Accompagnez-moi donc lorsque je discute avec les partenaires sociaux ou les professions en crise. Vous serez les bienvenus ! Certains d'entre vous sont d'ailleurs présents dans les débats que j'organise. Mon attitude consiste à faire preuve d'ouverture d'esprit dans des périodes électriques et difficiles. Ne faites pas de ce débat un règlement de comptes à caractère financier ! Je veux savoir de quelle manière on utilise les dispositifs technologiques qui s'offrent à nous et selon quel rythme.

De toute façon, en ce qui concerne la réception de la télévision, la diversité est maintenant inscrite dans la réalité de nos concitoyens. Alain Joyandet a donc eu raison de souligner que la taxe audiovisuelle, qui, dans son fondement, était liée au poste de télévision, le sera ultérieurement à tous les supports qui permettent l'accès à ce média. D'où le fait qu'il s'agisse désormais d'une taxe que doivent acquitter les ménages, plutôt que d'une taxe exclusivement liée à la possession d'un poste. C'est dans cette voie qu'il faut aller pour asseoir la pérennité de la ressource audiovisuelle.

En ce qui concerne la TNT, une décision définitive sera prise dans quinze jours ou trois semaines à propos du choix de la norme retenue. La norme pour le payant permettra bien évidemment d'avoir accès aux chaînes gratuites. Pour celles-ci, le fait que l'adaptateur soit peu cher et ne soit pas d'emblée un décodeur multifonctions répond à un objectif politique. Nous voulons en effet que le plus grand nombre de nos concitoyens puissent bénéficier de cette offre élargie. Notre objectif est clair, et nous ne voulons pas être sourds ou aveugles aux évolutions de la technologie.

Plusieurs interrogations se sont exprimées au sujet de la chaîne internationale. Ne soyez pas injustes envers le fonctionnement actuel de notre système d'information. Son rayonnement international est déjà assuré, dans l'état actuel de notre budget et de nos institutions, par l'Agence France Presse, par RFI, par France Télévisions, par Euronews, par CFI et par TV5. De grandes institutions assument ainsi cette responsabilité.

À ce sujet, permettez-moi, à mon tour, d'avoir une pensée personnelle pour Serge Adda, qui fut un grand Français, un grand méditerranéen et un grand humaniste. Sa disparition est une perte cruelle.

Chacun mesure parfaitement que, dans le monde qui s'installe, le rayonnement de notre langue et de nos idées est un élément essentiel de l'avenir international de notre pays. Plusieurs projets sont en discussion.

L'un d'eux rassemble France Télévisions et le groupe TF1. S'il devait voir le jour, j'aurais à cœur qu'il associe toutes les institutions existantes qui remplissent la même fonction - TV5, l'AFP, RFI... - car on ne peut pas ne pas vouloir se pencher avec attention sur leurs objectifs et leurs besoins. Demander qu'on prenne le temps de réfléchir à ce sujet, ce n'est en rien tenter une manœuvre dilatoire, mais simplement vouloir trouver la meilleure configuration face à la nécessité stratégique du rayonnement international de notre pays.

D'autres projets sont possibles. En tant que ministre de la communication, je travaille actuellement avec le ministre des affaires étrangères pour faire des propositions au Président de la République et au Premier ministre. Nous ne prenons aucun retard, mais il s'agit d'un projet très délicat et j'ai la volonté que l'ensemble des partenaires naturels d'une telle opération soient associés à sa mise en œuvre.

Dans la loi de finances pour 2005, les sommes ne sont pas prévues d'emblée à cette fin. Mais les décisions opérationnelles seront bientôt prises. On sait que les budgets sont faits pour être modifiés, avec l'aimable complicité des responsables de la commission des finances. (Sourires.) Nous saurons, de manière responsable, inscrire les moyens nécessaires à la réalisation de nos décisions.

Les uns et les autres, vous avez parlé du football.

Sachez tout d'abord reconnaître votre propre mérite. Le Parlement et le Gouvernement ont fixé, de manière législative et réglementaire, un cadre nouveau, en se donnant pour objectif d'assurer une transparence absolue pour les négociations actuelles menées en matière de droits avec la ligue de football et l'ensemble des professionnels. Vous pouvez être fiers de l'étape qui a été franchie grâce à vous. C'était en effet une nécessité.

Ensuite, il faut reconnaître que les chiffres sont considérables, ce qui n'est pas sans conséquence sur cette autre grande fierté de l'audiovisuel privé qu'est le cinéma. J'attache la plus grande importance au système de vases communicants qui peut exister en matière financière entre ces deux domaines. Il faut toutefois savoir que le montant global des transactions est bien moins élevé en France que dans d'autres pays européens. Je crois même qu'il est pratiquement deux fois moins important qu'en Grande-Bretagne.

Je souhaite donc, dans le respect de la procédure et sans interférer de la moindre manière dans les décisions, que les pluralités d'intervention et les pluralités budgétaires soient maintenues. Un excellent accord a été conclu entre Canal Plus et l'industrie cinématographique. Il mérite d'être salué, car il est important pour les artistes et les techniciens. Je souhaite évidemment que les décisions qui seront prises à propos du football ne le remettent pas en cause.

Monsieur Brard, vous avez évoqué le jour où vous aurez à délibérer sur mon accès au Panthéon. Je souhaite qu'il soit le plus éloigné possible. (Sourires.)

M. Michel Herbillon. On peut difficilement organiser le transfert d'un ministre de son vivant... 

M. le ministre de la culture et de la communication. Plus sérieusement, toutes les mesures que j'ai annoncées ont trait au respect du pluralisme des formes d'expression, des idées et des cultures. C'est pour moi une valeur fondamentale. Vous livrez en pâture à vos collègues le nom de grandes entreprises françaises ou de leurs propriétaires. Mais le pluralisme a besoin aussi de financement et de règles, ce qui veut dire qu'il faut être prudent.

Pour ma part, je suis extrêmement vigilant, comme toute la majorité présidentielle, à l'égard de dispositifs de concentration excessifs qui pourraient porter atteinte au pluralisme. Mais, lorsque des investisseurs veulent soutenir financièrement le secteur de l'édition, du cinéma, de la presse, voire toute l'activité culturelle, au sens le plus global du terme, si je veille évidemment à éviter tout abus, je souhaite aussi que l'argent puisse être investi, notamment dans le domaine de la communication et de la presse.

Vous avez évoqué l'expression radiophonique, sujet qui me tient à cœur, en vous étonnant de la composition de la commission du fonds de soutien à l'expression radiophonique. À cet égard, peut-être ai-je manqué d'esprit d'innovation. Quoi qu'il en soit, votre attaque est un boomerang, puisque je n'ai fait que reconduire le dispositif adopté par Mme Tasca selon lequel les quatre sièges attribués aux représentants de radios associatives le sont, pour trois d'entre eux, aux représentants du CNRA, le quatrième l'étant au CNRL. Le renouvellement intervenu en 2004 s'est borné à reconduire cet équilibre.

Toutes les propositions sont bonnes à entendre. Mais vous le voyez : sur ce sujet, si j'ai manqué d'audace, c'est par rapport à vous, puisque je ne me suis pas inscrit en rupture avec ce que vous avez fait.

M. Jean-Pierre Brard. Le mimétisme ne fait pas une politique !

M. le ministre de la culture et de la communication. J'en suis persuadé !

Monsieur Baguet, vous avez souhaité tirer une sonnette d'alarme en ce qui concerne le fonctionnement de la presse, notamment écrite. J'ai pris la décision, que je soumets à votre approbation, de prendre en compte cette réalité et d'agir concrètement. Les chiffres du budget pour 2005 consacrés au soutien indispensable de la presse écrite traduisent une urgence.

Tout comme le président de l'Assemblée nationale, j'étais à la réunion organisée par François d'Orcival. Comme celui-ci, je pense qu'il faut tenir compte de la diversité des situations dans le domaine de la presse. Le secteur des magazines fonctionne en effet relativement bien, et c'est heureux. Mais d'autres ont besoin d'un soutien spécifique. Il faut faire preuve de discernement, d'autant que certaines questions fâchent. Les aides actuelles sont centrées principalement sur la presse quotidienne nationale, départementale ou régionale d'information politique et générale. Elles sont attribuées en fonction de critères précis.

Certes, on pourrait vouloir élargir ce périmètre d'intervention en utilisant la notion de soutien à l'écrit. Mais telle n'est pas la position du Gouvernement. Les mesures spécifiques sont ciblées sur la presse d'information générale et politique. Ce point me paraît essentiel. Si l'on commence à ouvrir le champ, les critères seront évidemment très difficiles à définir. Je suis prêt à toutes les concertations nécessaires sur ce point. Mais j'agis non de manière hasardeuse, sous l'effet d'un mouvement brownien, mais en tenant compte de toutes les questions qui se posent, notamment de la prospective.

C'est pour cela que j'attache la plus grande importance à la lecture, surtout des jeunes. En matière de diffusion de la presse écrite, je suis prêt à soutenir toute opération expérimentale intelligente et novatrice. Tous les projets originaux qui naîtront dans vos villes ou dans vos départements et pourront être testés auprès de nos concitoyens rencontreront auprès de mes services la mobilité opérationnelle la plus grande. C'est en effet un domaine essentiel. Tout à l'heure, j'ai esquissé un parallèle avec les librairies. Paradoxalement, il ne me semble pas contradictoire de prévoir une diffusion de la presse écrite dans les lieux où sont implantées des bornes d'accès à Internet. Il faut aller au-devant des besoins de nos concitoyens, notamment des plus jeunes d'entre eux.

M. Baguet a parlé à juste titre du problème du fonds de soutien à l'expression radiophonique. Il sait bien, puisqu'il en a manifesté le souci, que celui-ci se trouve dans une situation financière délicate en raison de la combinaison de deux facteurs.

Tout d'abord, les recettes de la taxe sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision destinées à l'alimenter plafonnent car la contribution des principales régies publicitaires est à leur maximum. Ce phénomène est encore aggravé en 2004 du fait de rentrées inférieures aux prévisions.

De plus, les dépenses ont considérablement augmenté sous l'effet de la double augmentation du nombre de radios, qui dépend des décisions d'attribution de fréquence du CSA, et du barème des subventions, qui ont été décidées avec beaucoup de légèreté par le gouvernement de Lionel Jospin en 2000 et 2001. Cet accroissement a eu pour effet de consommer l'intégralité du fonds de roulement.

Depuis 2002, nous avons été amenés à geler le barème des subventions de fonctionnement. D'où les difficultés que vous avez évoquées. Cette année, l'insuffisance des recettes alliée à l'épuisement de la trésorerie a impliqué le report de l'examen de certaines demandes de subvention. Une réforme des conditions mêmes de fonctionnement de ce fonds devra être mise en chantier dès l'année prochaine. Mais l'effort d'ajustement des dépenses ne saurait nous dispenser d'une augmentation des recettes. Je souscris au constat qui a été fait : des initiatives paraissent nécessaires.

S'agissant du travail de nuit, il me semble que le Sénat a pris une décision d'une grande sagesse, car il faut savoir avancer sur ces questions délicates. Pour ce qui est d'exonérer les kiosquiers de la taxe professionnelle, il m'est très difficile de sembler vouloir dicter leurs politiques aux collectivités territoriales. Pour autant, je partage vos préoccupations, et tous les moyens peuvent être employés pour soutenir la diffusion de la presse écrite.

Comme M. Baguet, M. Joyandet a évoqué la nécessité de mener une réflexion globale et d'avoir une vision prospective de l'ensemble des secteurs de la communication, de l'audiovisuel et de la presse écrite. Je suis prêt à engager une telle réflexion, mais j'agis aussi dans l'urgence, en fixant un calendrier le plus serré possible, pour qu'un certain nombre de modernisations puissent avoir lieu, dans le souci de respecter l'équilibre entre la presse nationale et la presse départementale et régionale. En tout cas, il est très important que les entreprises de presse écrite sachent que l'État est un partenaire solide et que des moyens très importants sont inscrits dans le budget pour 2005. Aussi, j'espère que les projets et les propositions seront portés à notre connaissance, pour que nous puissions agir.

En ce qui concerne la double norme pour la télévision numérique terrestre, l'objectif n'est pas de créer le trouble, mais de faire en sorte que le plus grand nombre de Français puissent bénéficier dans les meilleures conditions d'une offre gratuite et que soit étudié, pour les chaînes payantes, le mode le plus opératoire parmi les perspectives technologiques qui sont offertes. De toute façon, il n'y aura pas de confusion. La décision de diffuser les chaînes gratuites selon la norme MPEG 2 engage l'avenir pour longtemps. Les consommateurs ne doivent donc pas être inquiets : ils peuvent acheter leur adaptateur sans craindre d'être obligés d'en changer rapidement. En ce qui concerne les chaînes payantes, la décision n'est pas encore prise, mais nous aurons le souci de rendre la technologie et son évolution accessibles à chacun.

M. le président. La parole est à M. Michel Françaix.

M. Michel Françaix. J'essaierai d'être bref, monsieur le président, mais je m'interroge sur l'expression du pluralisme dans le cadre de notre débat puisque, pour l'instant, le groupe socialiste n'a pu s'exprimer que sept minutes trente sur deux heures et demie. Nous avons donc le sentiment d'être perdants par rapport à une séance plénière.

Vous avez raison, monsieur Joyandet : il nous est arrivé de nous tromper dans un domaine aussi mouvant que celui de l'audiovisuel et de la presse. Vous auriez même pu être plus désagréable en nous rappelant que La Cinq n'a pas été une réussite extraordinaire et que la chaîne musicale n'était pas forcément excellente. Néanmoins, nous avons toujours cherché à créer de nouveaux espaces de liberté et à casser le modèle radiophonique ou télévisuel dominant. À cet égard, Canal Plus a été une réussite, qui, du reste, a permis de sauver le cinéma français. Tout ce qui ouvre des espaces de liberté doit être encouragé, même s'il y a des échecs. En revanche, tout ce qui les referme ne peut recueillir notre approbation.

Monsieur le ministre, certains ont dit que vous étiez un héros, d'autres un leurre. Vous seriez un héros parce que, écartelé entre les contradictions de votre majorité, vous auriez sauvé la redevance et la TNT. Mais, alors, qu'alliez-vous faire dans cette galère ? Pour ma part, je ne peux pas me contenter d'un discours sur le mode du « tout va bien ».

M. le ministre de la culture et de la communication. Je n'ai jamais dit cela !

M. Michel Françaix. En tout cas, c'est ce que j'ai compris, monsieur le ministre.

M. Jean-Pierre Brard. C'était subliminal !

M. Michel Françaix. Ainsi, il n'y aurait pas de politique de la redevance honteuse et la TNT n'aurait pas donné lieu à un méli-mélo. Et je n'ai pas entendu dire que les télévisions locales étaient en rade, que la chaîne internationale faisait l'objet d'atermoiements, que les droits du football étaient exorbitants, que le déséquilibre entre télévision publique et télévision privée était important, que la concentration s'accentuait, et ce souvent - pas toujours, c'est vrai - au détriment du pluralisme. Je n'ai pas entendu dire aussi nettement que je l'aurais voulu que le fonds de soutien à l'expression radiophonique était à l'agonie, que la presse était en berne, l'AFP en crise et que la multiplication des « gratuits » pouvait porter atteinte à l'ensemble de la presse.

Je ne reviendrai pas sur la redevance, mais on peut s'étonner que le remboursement des exonérations partielles ne soit plus, tout à coup, à l'ordre du jour et que l'on abandonne la taxe pour les résidences secondaires. Pour justifier cette décision, on avance des raisons techniques. Or, je vous rappelle que les propriétaires de résidences secondaires doivent acquitter une redevance sur les ordures ménagères. On doit donc être capable de régler ces problèmes techniques.

Je ne reviendrai pas davantage sur la TNT, mais, après avoir entendu le ministre de l'industrie estimer que celle-ci avait pour but d'exploiter de nouvelles technologies et que la priorité n'était pas de lancer de nouvelles chaînes en France, j'ai eu le sentiment que l'on avait inversé l'ordre des priorités.

M. le ministre de la culture et de la communication. Il y a beaucoup de ministres !

M. Michel Françaix. Parfois, ils se contredisent.

M. Michel Herbillon. Cela n'arrive jamais aux députés !

M. Michel Françaix. Les députés ont le droit de se contredire : ils ne détiennent pas le pouvoir exécutif.

Quoi qu'il en soit, la gauche et la droite ont une conception différente de la TNT. Nous voulions beaucoup de chaînes publiques ; nous aurons beaucoup de chaînes privées. Nous voulions beaucoup de chaînes gratuites ; nous aurons beaucoup de chaînes payantes. Nous voulions beaucoup de chaînes locales ; nous aurons beaucoup de chaînes nationales. Nous voulions donner la priorité aux nouveaux entrants ; elle sera, tout de même, encore donnée aux sortants.

Quant aux droits de retransmission du football, ils vont dépasser les 500 millions d'euros. Pour le seul match PSG-OM, ils s'élèvent à 5,5 millions d'euros, c'est-à-dire à un niveau supérieur au coût de production de nombreux films. Contrairement à ce que vous dites, monsieur le ministre, ce n'est pas partout pareil : la compétition entre TPS et Canal Plus est un cas unique en Europe. Il en résulte, pour les clubs, un développement bancal et une « télé dépendance » telle que, bientôt - et cela concerne le ministre des sports -, 70 % de leurs recettes proviendront de la publicité et que ce ne sera plus en allant voir les matchs mais en les regardant à la télévision que l'on fera vivre les clubs. Si, demain - allons au bout de cette logique absurde -, une des deux chaînes réussissait à décrocher l'exclusivité de la retransmission du championnat, l'autre serait promise à une mort certaine. Mais je sais que vous ne le souhaitez pas.

Par ailleurs, puisque nous cherchons tous à développer la création, n'est-il pas temps de redéfinir la notion d'œuvre audiovisuelle, ce terme recouvrant en réalité, pour un tiers, des divertissements en tous genres ? Ne devrait-on pas prendre en compte, pour les obligations de production, les chiffres d'affaires des activités de diversification, qui dépassent allégrement les 40 % pour TF1 et M6 ? N'est-il pas temps de faire en sorte que l'ouverture des secteurs publicitaires interdits, qui a produit un effet d'aubaine pour le privé, profite à la presse ?

J'en viens au sujet sur lequel je souhaite concentrer mon intervention : le secteur de la presse. La presse d'information, en particulier quotidienne, se porte mal. Vous avez raison de dire, monsieur le ministre, qu'il ne faut pas tout mélanger. En effet, actuellement, certaines formes de presse se développent, alors que d'autres rencontrent des difficultés. Ces difficultés concernent les prix, la distribution, le lectorat, la publicité et l'AFP.

Monsieur le ministre, vous connaissez mieux que personne la fragilité de la presse quotidienne française, mais permettez-moi de citer quelques chiffres : 24 millions d'exemplaires en Allemagne, 18 millions au Royaume-Uni et 8,5 en France. Rapporté au nombre d'habitants, le taux d'achat est de 385 exemplaires pour 1 000 habitants en Grande-Bretagne, de 346 en Allemagne et de 180 en France. L'Allemagne a 350 titres, le Royaume-Uni 109, la France 87. Les recettes publicitaires des quotidiens allemands représentent 6 milliards d'euros, celles des quotidiens anglais 3,3 milliards et celles des quotidiens français 1,3 milliard. La part du marché publicitaire consacrée à la presse quotidienne est de 32 % en Allemagne, de 24 % au Royaume-Uni et de 16 % en France. Le déclin rapide des quotidiens politiques a entraîné, en cinquante ans, la chute du tirage total de 12 millions à 8,5 millions. Vous me répondrez que cette situation n'est pas nouvelle et que lorsque nous étions au pouvoir, nous n'avons pas trouvé les solutions. Mais, aujourd'hui, on ne peut plus se contenter de saupoudrage, car la crise est totale.

Le manque d'adaptation du réseau, la disparition des points de vente et le coût élevé des frais de production contraignent les entreprises de presse à augmenter les prix. Ainsi, la presse française est la plus chère d'Europe - environ 1 euro, pour 0,60 au Royaume-Uni et 0,75 en Allemagne - alors que, paradoxalement, elle est la plus aidée.

Cela prouve bien que les aides actuelles ne sont plus adaptées. On ne peut pas continuer comme ça. Actuellement, les aides à la presse - le taux réduit de TVA et les tarifs préférentiels de La Poste - profitent à tout le monde de la même façon. Du reste, dans les années 1981-1982, les patrons de presse estimaient qu'il ne s'agissait pas d'une aide à la presse mais d'une aide au lecteur. Alors, êtes-vous décidé à avantager le lecteur citoyen, qui achète des journaux d'opinion, par rapport au lecteur consommateur ? Pourquoi ne pas faire en sorte que les aides bénéficient en priorité à ces journaux, le lecteur de la presse de loisirs payant le juste prix ?

M. Christian Kert, vice-président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Votre temps de parole est bientôt écoulé, monsieur Françaix.

M. Michel Françaix. Lorsqu'il le sera, le groupe socialiste se sera exprimé dix-huit minutes.

J'en viens aux gratuits, phénomène qui ne fait que s'amplifier. La presse de ce type a-t-elle pour finalité de servir de réceptacle à la publicité payante, ou attire-t-elle de nouveaux lecteurs qui n'auraient jamais lu de presse quotidienne traditionnelle ? Les deux, sans doute. Sommes-nous dans le domaine de la presse d'opinion ou dans celui du prospectus commercial, qu'il faut taxer ? Il faut y réfléchir. Faut-il y voir la presse de notre époque, une presse d'accès facile, qui séduit les jeunes, ou doit-on considérer, comme je le pense et comme l'affirme Patrick Eveno, que l'information ne peut pas être un produit gratuit ? Certains affirment que la presse est un produit comme les autres, mais, comme le faisait plaisamment remarquer je ne sais plus quel intervenant lors d'un colloque,...

M. Pierre-Christophe Baguet. Jean-François Kahn !

M. Michel Françaix. ...si la presse est un produit comme les autres, en ce cas elle ne saurait être gratuite. Peut-on imaginer d'aller chercher son pain gratuitement chez le boulanger ? Par ailleurs, considérer que la presse est un produit comme les autres ne tient pas compte de la nécessité de maintenir la liberté de choix entre plusieurs journaux dans une région donnée. Comme on le voit, il y a beaucoup à dire sur cette question.

Le temps me manque pour évoquer la crise de l'AFP.

Pour conclure, j'aimerais vous demander, monsieur le ministre, ce que vous pensez des agissements de certaines entreprises de presse qui investissent dans un but purement spéculatif, revendant ensuite par appartements, et dont la vocation n'est pas de vivre des commandes de l'État.

Enfin, le journal L'Équipe, quotidien sportif, dont le rôle social n'est plus à démontrer, ne pourrait-il pas bénéficier lui aussi d'aides provenant du Fonds de modernisation ?

M. Christian Kert, vice-président de la commission des affaires culturelles. La parole est à M. Dominique Paillé.

M. Dominique Paillé. Je souhaite aborder trois points, pour conclure par une unique question.

Premier point : l'audiovisuel. Je n'ai pas pu participer au débat sur la partie recettes, mais, si je l'avais fait, j'aurais salué ce que vous avez fait en matière d'audiovisuel, monsieur le ministre, en particulier le crédit d'impôt pour la création, ainsi que le soin que vous apportez à la résorption de l'emploi précaire, notamment dans les chaînes publiques.

En revanche, j'aurais signifié mon désaccord profond sur ce qui me semble une erreur, à savoir non pas le principe d'une réforme de la redevance audiovisuelle, mais l'exemption des résidences secondaires, qui n'était demandée par personne et dont personne ne pourra d'ailleurs tirer un bénéfice politique, et surtout le fait d'avoir diminué le montant de la redevance. Celle-ci est passée de 116,50 euros à 116 euros, ce qui est très faible en comparaison de ce qui se fait dans le reste de l'Union européenne et, surtout, envoie un signal extrêmement négatif à nos concitoyens. Je souhaite donc ardemment que la réforme mise en place cette année ne soit pas close. Pour faire écho à ce que vient de dire Alain Joyandet, je pense que nous avons de nouvelles bases à dégager dans la perspective de ce qui pourrait être une redevance universelle. C'est un chantier auquel nous devons nous atteler très vite, monsieur le ministre, car la réforme qui vient d'intervenir me fait craindre le pire.

Le deuxième point sur lequel je voulais attirer votre attention est celui du Fonds de soutien à l'expression radiophonique. Je sais que vous y êtes très attaché, et je vous remercie pour ce que vous avez fait dans ce domaine, car les radios associatives sont indispensables au fonctionnement démocratique de notre pays. Il faut d'ailleurs rendre hommage à l'opposition, puisque c'est en 1981 que la plupart de ces radios ont été créées. Mais aujourd'hui, il convient de réfléchir à une réforme plus large qui pérennise et garantisse l'existence des radios associatives, ce qui évitera les sueurs froides et les revendications qui sont leur lot chaque année quand des baisses de crédits remettent leur existence en question.

Le dernier point que j'aborderai est celui de la presse écrite, sujet de préoccupation majeure sur lequel beaucoup de choses ont déjà été dites. Je souhaite là aussi qu'une réflexion d'ensemble associant toutes les parties prenantes à cette question soit mise en œuvre, afin de déboucher sur le projet d'une véritable réforme tenant compte de tous les paramètres à réajuster.

Au terme de ce court propos, je vous poserai une seule question, monsieur le ministre. Le Gouvernement et le Parlement ont déjà bien travaillé sur certains points, notamment ceux relatifs aux métiers artistiques, au sujet desquels notre groupe de travail rendra ses conclusions dans quelques semaines. Pouvez-vous nous préciser ce que vous attendez du Parlement, de manière que nous puissions agir en amont d'éventuelles réformes, et non pas uniquement en aval ?

M. Christian Kert, vice-président de la commission des affaires culturelles. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je vais apporter ma contribution au temps de parole de l'opposition, sans toutefois en abuser compte tenu de l'heure tardive.

M. Jean-Jacques Descamps, suppléant M. Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Vous avez cinq minutes, monsieur Bloche. Pas une de plus !

M. Patrick Bloche. C'est vous qui présidez quand je prends la parole, monsieur Descamps ? (Sourires.)

M. Jean-Jacques Descamps, suppléant M. Méhaignerie, président de la commission des finances. Je suis, moi aussi, responsable du bon déroulement des débats et comptable du temps de parole de chacun.

M. Patrick Bloche. Je voudrais aborder trois points. Le premier est celui de l'audiovisuel public et de son financement, sujet qui nous a déjà largement occupés ce matin, et a pu donner à ceux d'entre nous qui étaient présents le vendredi 22 octobre, lors de la séance consacrée à l'examen des recettes, une certaine impression de déjà-vu. Le cadre budgétaire est tellement contraint que je ne vois pas très bien ce que l'on peut dire de plus.

Je crains par contre d'avoir un débat d'avance en abordant la question de la chaîne d'information internationale, puisque les crédits du budget du ministère des affaires étrangères seront débattus lundi.

Reste la diffusion de la presse, troisième point que j'aborderai, le seul peut-être au bon tempo.

Sur l'audiovisuel public, tant de choses ont été dites, notamment par Didier Mathus et Michel Françaix, que je ne m'étendrai pas sur la préoccupation majeure du groupe socialiste, à savoir ce que seront les ressources publiques de l'audiovisuel en 2005. L'amendement de Patrice Martin-Lalande offre des garanties sur ce point. Nous aurions tout de même souhaité que l'amendement proposant d'augmenter le plafond du remboursement des exonérations aux chaînes publiques par l'État soit adopté. Porter ce plafond à 480, 500 ou 520 millions d'euros aurait sans doute été préférable à la garantie de ressources que nous avons obtenue en compensation.

Je ne reviens pas sur le montant de la redevance en 2005, ou l'exonération des résidences secondaires. En revanche, j'insiste sur le fait que l'audiovisuel public ne nous paraît pas disposer à l'heure actuelle des ressources nécessaires pour honorer ses engagements de production dans le domaine de la création audiovisuelle, notamment les fictions et documentaires, et pour participer pleinement au lancement de la TNT. Notre interrogation porte sur les ressources propres de l'audiovisuel public, notamment les recettes publicitaires. Sur ce point, les hypothèses évoquées par M. Dominique Richard - notamment le retour éventuel à dix minutes de publicité par heure - ne sont pas de nature à nous rassurer et mériteraient pour le moins d'être replacées dans le cadre d'une réflexion sur la définition des missions du service public confiées à l'audiovisuel. Les rapports qu'avait commandés M. Aillagon, loin de clarifier la question de l'audiovisuel public, ont plutôt brouillé le message en menant le débat sur des terrains sociétaux ne permettant pas de dégager des propositions concrètes. Il ressort d'un sondage sur le thème de l'audiovisuel public, paru fin septembre dans un hebdomadaire consacré à la télévision, que 48,4 % des Français sont mécontents des programmes, mais surtout que TF1 est considérée par 28,6 % des personnes interrogées comme la chaîne qui incarne le mieux le service public, devançant assez largement France 2 avec 18,8 % et France 3 avec 18,3 %. Il semble donc hautement souhaitable, monsieur le ministre, que vous précisiez quelles sont pour vous les missions de service public confiées à l'audiovisuel public et dans quelles conditions France Télévisions sera à même de les remplir sans augmenter ses ressources propres de manière exagérée par rapport aux ressources publiques.

En ce qui concerne la chaîne française d'information internationale, je ne reviens pas sur les travaux parlementaires ignorés par le Gouvernement en leur temps. Il ressort des déclarations de Patrice Martin-Lalande et de celles du ministre des affaires étrangères que d'importants problèmes de financement se posent, puisque le budget 2005 ne contient aucun budget affecté à ce projet de chaîne, même pas les quelques milliers d'euros qui auraient permis de procéder à une étude de faisabilité. Je ne reviens pas sur le retard pris dans le calendrier, ni sur l'idée, évoquée par Pierre-Christophe Baguet, de retirer cette chaîne de l'autorité du ministre des affaires étrangères pour la placer sous votre tutelle. Je me contenterai de rappeler que l'audiovisuel extérieur, notamment TV5, engage la présence de la France à l'extérieur.

L'interrogation fondamentale au sujet de la chaîne française d'information internationale est celle du standard auquel nous avons été amenés à réfléchir, correspondant à ce que l'on a appelé une « CNN à la française ». Or, en ce domaine très concurrentiel où l'offre audiovisuelle est surabondante, les standards passent vite, et je me demande si le retard pris par le calendrier et l'absence de financement prévu pour cette chaîne n'ont pas rendu caduc le standard initialement envisagé. Peut-être faudra-t-il, le moment venu, travailler sur une nouvelle ligne éditoriale, un formatage, un contenu très différents. Je ne développe pas davantage sur ce point, puisque je serai amené à évoquer lundi après-midi cette question à laquelle j'ai consacré mon rapport budgétaire. Je l'ai abordée, non pas sous l'angle de la thématique classique : « Une chaîne d'information internationale, pour quoi faire ? », mais plutôt en me demandant à quel public cette chaîne était destinée, et pour répondre à quelles attentes. Je suis revenu d'une mission au Caire avec le sentiment que le temps qui passe a pour effet inévitable de remettre en cause nos réflexions.

Ma dernière réflexion porte sur les diffuseurs de presse, sujet sur lequel le ministre nous a appelés à être futuristes. Un maire que je connais bien parlerait de créativité ; or, à l'exception du Fonds de modernisation, la créativité ne me semble guère au rendez-vous. La crise qui touche les diffuseurs de presse, notamment les boutiquiers et les kiosquiers, est grave et risque d'avoir d'importantes répercussions sur la diffusion de la presse d'opinion, donc sur le pluralisme et la diversité démocratique. Cette question aux multiples incidences, jusqu'à présent ignorée, ou abordée sans que l'on ait pris la véritable mesure du problème, me semble mériter d'être traitée au fond. Elle tient à la baisse de diffusion de la presse quotidienne et à l'essor des gratuits ; en ce domaine, une définition plus précise du colportage s'impose. S'y ajoutent les difficiles conditions de travail des kiosquiers. Les kiosques sont en effet surchargés par un trop grand nombre de titres livrés dans des locaux le plus souvent exigus. On peut, certes, envisager de moderniser et d'agrandir les locaux, mais cela n'est pas toujours facile, notamment dans une ville comme Paris. Chez un kiosquier moyen qui, en vertu de la loi Bichet, se voit obligé de diffuser 2 000 titres, il faut savoir que 500 titres, soit le quart, c'est 100 % d'invendus. Le faible montant des commissions perçues accroît la difficulté des kiosques à subsister. Il conviendrait donc de revoir, non pas les commissions sur les quotidiens, l'équilibre en ce domaine étant trop fragile, mais au moins celles sur les autres publications.

Plusieurs réformes passent sans doute par un toilettage de la loi Bichet de 1947, très contraignante à bien des égards. Êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à vous atteler à ce travail de fond ?

M. Christian Kert, vice-président de la commission des affaires culturelles. La parole est à M. Michel Herbillon.

M. Michel Herbillon. En préambule, je me demande - et peut-être aurons-nous l'occasion d'en discuter - si la formule de la commission élargie présente tous les avantages qu'on en attend, mais c'est un autre sujet.

Les propos de nos collègues de l'opposition m'amènent à leur faire remarquer très cordialement que, si la majorité ne peut en aucun cas dire que tout va bien, tout ne va pas mal pour autant. Or c'est ce qui ressort de leurs propos, qui ne résistent pourtant pas à un examen objectif du budget. Avant d'en venir - rapidement, monsieur le président, rassurez-vous - aux questions, je voudrais souligner que le projet de budget comporte plusieurs mesures que nous demandions de longue date, toutes sensibilités politiques confondues. Un minimum d'objectivité oblige à le reconnaître.

Ainsi, nous réclamions depuis longtemps la réforme de la redevance : c'est désormais chose faite. Nos points de vue ne sont pas forcément convergents, en particulier pour savoir s'il fallait l'augmenter sensiblement, l'arrondir à l'euro supérieur, ou au contraire à l'euro inférieur. Je ne relance pas le débat, mais je prends acte d'une réforme essentielle. Qui plus est, elle est juste, équilibrée, et elle illustre parfaitement ce que doit être la réforme de l'État. Dans ce domaine, on ne peut pas se contenter d'incantations. Il faut agir concrètement, et c'est bien le cas. Ce changement induisant des économies dans la collecte, il me paraît pour le moins souhaitable qu'il ne traduise pas pour les Français par une augmentation de la redevance. La réforme deviendrait alors illisible ! On ne peut pas se féliciter des réformes engagées et des économies réalisées et augmenter la redevance. À ce sujet, comme sur d'autres parfois, je ne partage absolument pas l'avis de Dominique Paillé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le ministre de la culture et de la communication. C'est comme pour l'Europe : à chacun son débat ! (Mêmes mouvements.)

M. Michel Herbillon. Par ailleurs, je demande depuis longtemps aussi de profiter de l'occasion de cette réforme pour expliquer aux Français ce qu'est la redevance et à quoi elle sert. Vous avez évoqué une sorte de redevance universelle, mais la première étape consiste à établir un document de communication et d'information pour que la redevance cesse d'apparaître comme une simple taxe. Il faut expliquer aux Français, car ils ne le savent pas, qu'elle profite à l'INA, aux radios et à la télévision publiques. Il faut un document bien fait, à vocation pédagogique. Je ne désespère pas, monsieur le ministre, compte tenu de votre attachement au rôle du Parlement, de voir les parlementaires associés au processus en amont, afin qu'ils aient connaissance du projet et puissent faire part de leurs suggestions avant le bon à tirer. Telle est-elle bien votre intention ?

De même, nous revendiquions avec insistance une augmentation des crédits de l'INA, dont l'enjeu n'était rien de moins que la préservation d'une partie de notre patrimoine audiovisuel. Nous avons été nombreux, sur tous les bancs, monsieur Mathus, à la demander. Nous l'avons obtenue : + 5,7 %. Il s'agit d'une bonne mesure, qui permettra de sauvegarder, en les numérisant, des événements marquants de l'histoire de la télévision, qui font partie de la mémoire collective des Français.

Ma deuxième question concerne la TNT. Il ne faut pas, là non plus, s'en tenir au récit de catastrophes annoncées. Des décisions ont été prises s'agissant des chaînes gratuites. Vous avez dit, monsieur le ministre, le contraire de ce qu'a compris mon éminent collègue Michel Françaix. Mais, si vous répétez, il devrait comprendre...

M. Michel Françaix. Deux fois mieux ! (Sourires.)

M. Michel Herbillon. ...que les Français auront accès à quinze chaînes gratuites. Ne dites donc pas, cher collègue, qu'il n'y en aura que pour les chaînes payantes. En revanche, nous restons un peu sur notre faim puisque vous avez parlé, monsieur le ministre, de décisions imminentes dans ce domaine. Il faut, dans le cadre de notre échange interactif, que vous nous donniez plus de précisions. Quels sont les critères qui vont présider à vos choix en matière de normes, de télévision haute définition ?

Ma troisième question concerne la chaîne internationale d'information. À l'époque, vous n'étiez pas responsable du dossier, monsieur le ministre, mais certaines questions ont été tranchées après avoir été très largement débattues. Dois-je rappeler que la mission parlementaire ad hoc, qui a travaillé pendant de longs mois, a rendu des conclusions et un rapport qui a été voté à l'unanimité ? Or force est de reconnaître que, jusqu'à présent, il n'en a pas été beaucoup tenu compte. Si l'on attache de l'importance au Parlement, il faut prendre acte de ses travaux, ne serait-ce qu'en répondant que le Gouvernement ne partage pas l'avis des membres de la mission parlementaire, même unanimes, et en expliquant pourquoi. En tout état cause, on ne peut pas passer les rapports par pertes et profits ou se contenter d'un silence assourdissant. Tel n'a pas été votre cas, monsieur le ministre, puisque vous y avez fait allusion dans vos réponses, mais nous sommes demandeurs de davantage d'information. Nous ne sommes pas au grand journal télévisé,...

M. Jean-Jacques Descamps, suppléant M. Méhaignerie, président de la commission des finances. Monsieur Herbillon, il est temps de conclure.

M. Michel Herbillon. ...où le présentateur reprend pour ceux qui ont manqué le début. Aucun d'entre nous n'a raté un épisode du feuilleton de la chaîne internationale d'information. Il faut choisir entre deux options antagonistes : soit partir de l'existant, soit créer une nouvelle structure. Où en est-on du choix de la ligne éditoriale ? Dans quelles langues émettre ? Quelles seront les zones couvertes ? Avec quel financement ? Et quelles structures ? Le spectateur français aura-t-il accès à cette chaîne sachant qu'il aura mis la main à la poche par le biais de la redevance ? Il est temps que nous en sachions davantage.

M. Christian Kert, vice-président de la commission des affaires culturelles. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Je voudrais commencer par saluer la volonté politique exprimée tout à l'heure par M. le ministre, d'abord en matière de renforcement de l'identité du service public, qui est la justification même de la redevance. C'est bien là le cœur du problème : la spécificité du service public rend légitime un prélèvement public affecté. Ensuite, j'avais déposé l'année dernière un amendement en faveur de la production audiovisuelle proposant un crédit d'impôt et il avait été repoussé. Je suis heureux de la décision prise cette année, qui marque une avancée dans une direction essentielle.

S'agissant du différentiel possible dans la collecte de la redevance pour 2004, vous avez dit, monsieur le ministre, que le Gouvernement prendrait toutes ses responsabilités. Confirmez-vous donc que les 15 millions qui manquent pour l'instant, 8 millions seulement si la collecte reste à son niveau actuel, seront compensés par des crédits budgétaires ?

En ce qui concerne les contrats d'objectifs et de moyens, vous avez souligné les contraintes de l'annualité budgétaire. Certes, la décision intervient tous les ans au Parlement, mais convenez, monsieur le ministre, qu'elle sera d'autant plus facile à prendre, dans le cadre de la LOLF notamment, que le Parlement aura été associé en amont aux termes de ces contrats et de leurs avenants. Il faut faire un pas dans ce sens. Sinon, le système restera bancal : les contrats seront conclus entre le Gouvernement et les services publics de l'audiovisuel sans que le Parlement, qui vote les ressources, ait eu son mot à dire sur leur affectation.

Il faut aussi mettre un terme aux procès d'intention faits au service public sur sa productivité. J'ai déjà eu l'occasion de le dire, d'énormes efforts ont été réalisés.

M. Michel Françaix. C'est vrai !

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Je souhaite que nous demandions à la Cour des comptes, en application de l'article 58 de la LOLF, de travailler dès 2005 sur l'évaluation, le contrôle et la productivité dans le service public de l'audiovisuel. Il nous faut purger la querelle qui est souvent un faux débat. J'insiste sur les efforts accomplis, sur les instruments destinés à mesurer les performances, qui sont désormais en place. La Cour des comptes sera un arbitre objectif qui établira un diagnostic irréfutable.

Au titre de la modernisation sociale, 38 millions d'euros sont prévus pour la presse écrite. Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le ministre, que les versements s'étaleront sur quatre ans ? Vous ne manquerez pas de m'objecter l'annualité budgétaire, certes, mais un engagement sur plusieurs années a été pris dans le cadre des accords conclus avec La Poste dont la contrepartie réside dans cette aide. Dans la mesure où les besoins s'exprimeraient pendant les quatre prochaines années, l'État accompagnera-t-il le mouvement de réforme ?

Je reviens un instant sur la redevance. Les propos de Dominique Paillé, qui n'est plus là, m'ont passablement étonné. Il faut savoir que la réforme permettra non seulement à l'État de faire des économies, notamment de frais de fonctionnement, mais aussi au service public de l'audiovisuel de disposer, sous réserve d'une compensation intégrale, de 80 millions d'euros supplémentaires. Il n'est donc pas nécessaire d'augmenter la redevance. Utilisons en priorité cette somme, si les besoins le justifient, mais ne commençons pas par augmenter la redevance. Ce serait la négation des résultats positifs qui légitiment la réforme. Je voudrais également dissiper certains malentendus sur les résidences secondaires. Maintenir le régime actuel, compte tenu des évolutions technologiques qui se profilent - or, nous ne légiférons pas pour six mois -, n'aurait pas eu de sens. Ainsi, au motif qu'il s'agit d'un poste fixe, un vieux récepteur qui viendrait finir sa vie dans une maison de campagne serait taxé, mais pas l'heureux propriétaire qui recevrait les programmes sur un micro-ordinateur ou par téléphone. Ce serait contraire à la logique, contraire à l'évolution technologique et à l'équité. Le Gouvernement a donc eu raison de revenir à une redevance par foyer. Le statu quo n'aurait satisfait que les réactionnaires.

Il est nécessaire, monsieur le ministre, d'informer en permanence les contribuables téléspectateurs, notamment sur cette réforme, afin de leur expliquer l'utilité de la redevance pour financer le service public de la télévision.

Dernier point : le rapport qui a été distribué est, pour des raisons matérielles, provisoire et doit être considéré comme tel. Il sera ultérieurement complété.

M. Christian Kert, vice-président de la commission des affaires culturelles. La parole est à M. le ministre, pour une réponse brève, s'il le veut bien.

M. Michel Herbillon. Mais qui ne doit faire l'impasse sur aucune question !

M. le ministre de la culture et de la communication. Je vous remercie pour cette exigence de rapidité, car, si je ne peux répondre à toutes les questions, je n'en serai pas tenu pour l'unique responsable. (Sourires.)

En effet, je m'aperçois que, pour pouvoir répondre à toutes vos questions, mesdames et messieurs les députés, il me faudrait devenir Premier ministre ! Mais il ne s'agit pas d'un projet politique immédiat. Le simple ministre de la culture et de la communication que je suis ne peut en effet garantir les arbitrages nécessaires sur un nombre aussi grand de questions. Je me situe dans un principe hiérarchique. Certaines décisions sont prises, après consultation du ministre concerné, directement par le Premier ministre.

Les arbitrages interviennent également dans le cadre de l'annualité budgétaire. Ainsi, je partage avec vous l'objectif politique de garantir, notamment à la presse écrite, la pérennité de certaines aides. Vous n'ignorez pas cependant que le principe de l'annualité budgétaire vous rend souverains en la matière et que, en fin de compte, c'est vous qui confirmez ou non, pour l'année qui vient, les objectifs fixés.

Que je sois un héros ou un leurre n'est pas vraiment la question. Je pars de la réalité, afin de l'accompagner et de la transformer, tout en m'efforçant de ne pas noircir le tableau. Je prendrai l'exemple de l'AFP. Dans les heures qui ont suivi l'élection présidentielle américaine, je me suis rendu au siège de l'AFP afin de voir fonctionner cette immense entreprise internationale. Contrairement à ce que d'aucuns pensent, son rayonnement est mondial. L'AFP travaille dans un grand nombre de langues étrangères.

M. Michel Françaix et M. Pierre-Christophe Baguet. Nous en sommes tous d'accord !

M. le ministre de la culture et de la communication. Ses difficultés sont réelles - le reconnaître doit être une attitude collective -, mais ne cherchons pas à noircir le tableau, en parlant de crise à tout propos ! L'AFP connaît des difficultés conjoncturelles et doit satisfaire de nouveaux besoins, ce dont nul ne disconviendra, mais sachons être fiers des réussites et des performances de nos entreprises sur la scène mondiale, ce qui est le cas pour l'AFP.

M. Michel Françaix. Mais nous sommes extrêmement fiers de l'AFP !

M. Pierre-Christophe Baguet. Je n'ai jamais dit le contraire !

M. le ministre de la culture et de la communication. Je ne fais pas allusion à vos propos, monsieur Baguet, mais à ceux de M. Françaix sur la crise de l'AFP.

M. Michel Françaix. Je n'ai jamais prononcé ce mot ! Vous pourrez le vérifier. J'ai simplement affirmé qu'il convient d'aider davantage l'AFP.

M. le ministre de la culture et de la communication. Chacun peut s'en rendre compte en visitant les sites Internet de très nombreux groupes de presse internationaux ou d'institutions internationales : les infographies de l'AFP pour les résultats de l'élection américaine ont été reprises dans le monde entier. Reconnaître la réalité n'oblige pas nécessairement à noircir le tableau.

Ne prétendez pas non plus que le projet de budget ne prévoit rien au titre de l'audiovisuel public pour l'entrée en vigueur de la télévision numérique terrestre au 1er mars 2005 : dans cette perspective, 40 millions d'euros supplémentaires sont inscrits au budget de France Télévisions, en vue de financer tant la numérisation que les nouveaux programmes.

Vous avez évoqué les problèmes difficiles posés par les nouveaux entrants. La loi prévoit que les chaînes gratuites seront majoritaires. Dans le cadre de l'équilibre actuel, et compte tenu de la décision du Conseil d'État, il est prévu qu'au moins quatorze chaînes gratuites seront offertes le 1er mars 2005 aux téléspectateurs, et peut-être davantage, la redéfinition entreprise par le CSA s'achevant dans les semaines qui viennent. Ce chiffre n'est donc pas limitatif.

Sur les quatre nouvelles chaînes gratuites, trois sont privées. La chaîne Festival, quant à elle - la quatrième -, rénove actuellement ses programmes, en vue de les rendre plus attractifs. Il n'est donc pas vrai de prétendre que nous ne consacrons aucun moyen dans le projet de budget à la réussite de la télévision numérique terrestre.

L'œuvre audiovisuelle constitue un sujet difficile. La priorité du Gouvernement a été de conduire une politique très active de soutien à la création audiovisuelle et c'est à quoi servira le crédit d'impôt que vous avez voté. Le problème n'est donc pas seulement de délimiter les périmètres juridiques, mais également de concrétiser les soutiens financiers.

Monsieur Françaix et monsieur Bloche, quant à la question de savoir s'il convient d'adopter, pour la presse, une politique uniforme ou une politique différenciée en fonction du type de support, je vous répondrai que l'addition des deux me paraît constituer une démarche positive. Il est bon que des mesures s'appliquent à l'ensemble de la presse - il en est ainsi de la TVA : tous nos partenaires européens considèrent actuellement que le taux réduit est une bonne perspective. Mais j'affirme haut et fort qu'une partie de la presse justifie une politique spécifique. Je n'éluderai pas les questions qui fâchent ou qui sont complexes, notamment les difficultés, évoquées ici même, du quotidien L'Équipe. La question est de savoir s'il est possible, aujourd'hui, en matières d'aides, d'assimiler ce quotidien à la presse d'information générale et politique. La décision n'est pas encore prise. La mesure n'entre pas dans le cadre de l'exercice 2005. Le souci du pluralisme politique, pour nous une valeur essentielle, obéit à des critères précis et nous conduit à concentrer les aides sur un périmètre bien délimité : celui que constitue aujourd'hui la presse d'information générale et politique.

Je partage votre analyse, monsieur Françaix, sur les « gratuits ». Elle était très équilibrée.

M. Michel Françaix. Enfin !

M. le ministre de la culture et de la communication. La question qui se pose est de savoir si l'apparition des « gratuits » nuit aux grands équilibres ou si, au contraire, elle ne fournit pas l'occasion à un public qui, de toute façon n'aurait pas acheté de journal, de se familiariser avec la lecture de la presse écrite, les « gratuits » constituant une première étape vers l'achat d'un titre. Cela conduit à s'interroger sur le prix des quotidiens, ce que font d'ailleurs la plupart des responsables de la presse écrite. Des études sont en cours pour déterminer l'importance de l'« effet prix » sur l'augmentation du nombre des lecteurs.

M. Paillé a évoqué l'évolution du prix de la redevance. Je rappellerai que la solution retenue par le Gouvernement - l'arrondi à l'euro inférieur - est la disposition applicable à tous les impôts.

M. Pierre-Christophe Baguet. Effectivement !

M. Michel Herbillon. C'est une très bonne mesure.

M. le ministre de la culture et de la communication. Il ne s'agit donc pas d'une mesure spécifique. L'arrondi à l'euro supérieur aurait peut-être permis de dégager des marges de manœuvre supplémentaires. L'Assemblée nationale a tranché. Le Sénat est saisi de la question, puisque nous sommes dans un système bicaméral. Une commission mixte paritaire tranchera définitivement un éventuel désaccord, que celui-ci porte sur cette question ou sur celles afférentes au plafond. Comme vous l'avez rappelé, mesdames et messieurs les députés, de nouvelles perspectives sont à explorer en la matière, en association étroite avec le Parlement.

L'idée de la chaîne d'information internationale, monsieur Herbillon, a suscité une pluralité de projets, l'un parlementaire, les autres gouvernementaux. Cela nous a conduits, le ministre des affaires étrangères et moi-même, à reconnaître publiquement non seulement que cette chaîne répond à une nécessité stratégique, mais également que nous avons besoin d'y voir plus clair, puisque nous avons pris, l'un comme l'autre, récemment nos fonctions. Nous partons, je le rappelle, du postulat selon lequel cette chaîne doit remplir deux missions distinctes : promouvoir la francophonie et une information en langue française disponible partout dans le monde ; diffuser des messages en langues étrangères, mission essentielle intimement liée à la situation internationale actuelle. Chacun a pu observer, en termes de communication, la nécessité de diffuser de tels messages dans le cadre de la politique menée par l'exécutif pour obtenir la libération de nos otages. La diffusion de ces messages, je le répète non sans gravité, est une nécessité dans la poudrière que constitue aujourd'hui la situation internationale.

Ce sujet fait toujours partie de nos priorités. Il y a pluralité des points de vue. Vous avez vous-même dénoncé le fait que les propositions du Parlement en la matière n'ont pas été suffisamment prises en compte. Le travail de synthèse est actuellement effectué au sein du Gouvernement. Dès lors que des arbitrages auront été rendus, nous nous retournerons tout naturellement vers le Parlement.

M. Michel Herbillon. En clair, monsieur le ministre, y a-t-il report ou abandon du projet ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Il n'y a en aucune manière abandon du projet politique qui consiste à permettre, sous une forme qui reste à déterminer, l'expression de la pensée française au-delà de nos frontières.

M. Pierre-Christophe Baguet. La question reste donc ouverte !

M. le ministre de la culture et de la communication. Je le répète, je respecte, au sein du Gouvernement, le principe hiérarchique. J'ai l'habitude de me plier aux décisions du Premier ministre. Mes propositions sont arbitrées tantôt dans un sens positif, tantôt dans un sens négatif. Je ne révélerai rien des discussions internes au Gouvernement. Lorsque le Premier ministre a pris une décision, je la respecte, même si elle ne correspond pas à ce que je proposais. Je dois reconnaître d'ailleurs que, jusqu'à présent, j'ai beaucoup de chance !

En ce qui concerne la révision de la loi Bichet - un véritable défi -, je rappellerai que cette loi pose le principe de l'égalité de traitement des titres de presse sans interdire de mettre en place des mesures permettant de lutter contre des pratiques abusives ou contre l'encombrement des points de vente. Un groupe de travail réunissant les coopératives de messageries réfléchit à une meilleure régulation des pratiques professionnelles. Des mesures sont envisagées, notamment sur les invendus. La réflexion est en cours. Je n'ai pas pour objectif politique, à l'heure actuelle - personne ne me l'a d'ailleurs véritablement demandé -, de remettre en cause la loi de 1947. Je compte beaucoup sur le travail en cours des professionnels pour définir des mesures concrètes.

Monsieur Herbillon, vous avez eu raison de me rappeler l'excellente idée dont vous m'avez fait part lors d'une précédente rencontre : il faudrait en effet que la redevance, comme tous les autres impôts, soit accompagnée d'une explication très claire de ce à quoi elle sert.

M. Pierre-Christophe Baguet. Cela fait quatre ans que Didier Mathus et moi le réclamons dans l'hémicycle !

M. le ministre de la culture et de la communication. Je ne l'ignore pas ! Je vais réitérer mes démarches auprès du ministère de l'économie et des finances et je vous soumettrai les projets qui en résulteront. Nos concitoyens, effectivement, ne savent pas très bien à quoi sert la redevance : à cause de son assiette, qui est liée à la détention d'un poste de télévision, on oublie notamment qu'elle finance la radio de service public, l'INA, etc.

M. Pierre-Christophe Baguet. Une telle initiative vient bien tard ! Je crains que ce ne soit difficile maintenant.

M. le ministre de la culture et de la communication. Elle a déjà été prise. Je ne sais pas où en sont les services concernés, mais je vais m'en occuper au plus vite.

À propos de la compensation budgétaire pour 2004, monsieur Martin-Lalande, je souhaite de nouveau partir de la réalité. Quand celle-ci me sera connue, je prendrai mon bâton de pèlerin. Comme je l'ai dit à certains hier, je ne suis pas, malgré l'intérêt que je leur porte, le ministre des vieilles pierres et des troubadours. Je me vois parfois comme un éternel mendiant auprès du ministre du budget ou du Premier ministre. Vous me permettrez donc de séquencer mes demandes : dès que j'aurai suffisamment avancé sur le problème du patrimoine, qui m'occupe aujourd'hui, je passerai aux besoins de financement de court terme pour l'audiovisuel public. J'ai bien cela en tête, mais, tant que les décisions ne sont pas prises, je ne veux pas les compromettre par des annonces maladroites et prématurées.

Pour conclure, permettez-moi de souhaiter que l'atmosphère de travail dans laquelle nous avons examiné ce budget puisse perdurer. La situation n'est pas facile et il nous faut répondre à des enjeux importants. En tout cas, sans verser dans le triomphalisme, on peut affirmer que les chiffres traduisent une volonté politique claire. Je remercie par avance ceux qui accepteront de voter ce budget.

M. Christian Kert, vice-président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour avoir clairement répondu à tant de questions en un quart d'heure.

(La réunion de la commission élargie s'achève à douze heures quarante-cinq.)

VILLE ET RÉNOVATION URBAINE

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE MÉHAIGNERIE,

président de la commission
des finances, de l'économie générale et du Plan

M. le président. La réunion de la commission élargie est ouverte.

(La réunion de la commission élargie commence le mercredi 17 novembre 2004, à neuf heures trente.)

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux, avec Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, d'accueillir M. le ministre délégué au logement et à la ville, pour notre dernière commission élargie.

Je rappelle que la clé du succès de cette formule, étendue, cette année, à six commissions, réside dans le caractère dynamique du débat, moins contraignant qu'en séance publique. Celle-ci, le vendredi 19 novembre, sera exclusivement consacrée à l'examen d'éventuels amendements, aux explications de vote et au vote.

La réunion en commission élargie se substitue à la réunion dans l'hémicycle, les conditions de publicité étant identiques.

En ce qui concerne le déroulement de la séance, je donnerai la parole à mon collègue Patrick Ollier, coprésident, puis au rapporteur général - le rapporteur spécial étant pris dans les encombrements - et au rapporteur pour avis. Ensuite, dans le débat avec le Gouvernement, l'objectif sera d'avoir les échanges les plus vivants possible : à cet égard, la méthode des questions-réponses est toujours la plus satisfaisante pour nos collègues.

La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.


M. Patrick Ollier
,
président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. À mon tour, je me réjouis du succès de la formule d'examen de certains budgets en commission élargie.

Le président de la commission des finances conduira, ce matin, nos travaux, en accord avec la commission des affaires économiques. J'invite mes collègues à bien vouloir attendre la fin des débats, car il faudra ensuite procéder au vote.

Je suis heureux, moi aussi, de vous accueillir, monsieur le ministre, et je salue l'augmentation de 22 % de votre budget.

Je souhaiterais que les débats s'orientent, d'une part, sur le programme de rénovation urbaine - des engagements ont été pris et tenus dans ce domaine, ce qui est très satisfaisant à nos yeux -, et, d'autre part, sur l'équité sociale et territoriale. Je me réjouis que 300 millions d'euros soient consacrés à la prévention de la délinquance, la prévention étant essentielle pour rétablir le lien social. Ceux qui sont maires parmi nous - et certains sont absents aujourd'hui en raison de la tenue du congrès de l'Association des maires de France - savent l'importance, pour la politique municipale, des initiatives prises par votre ministère dans ce domaine.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. La parole est à M. le rapporteur général du budget.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le budget de la ville et de rénovation urbaine est un excellent budget, comme vient de le dire à l'instant Patrick Ollier. 2005 sera l'année de la montée en puissance de la loi du 1er août 2003 sur la ville et la rénovation urbaine. 2005 sera aussi la première année d'application du plan de cohésion sociale. Le budget de la ville et de la rénovation urbaine est à la hauteur de ces deux rendez-vous : il s'élève à 422,7 millions d'euros en 2005 contre 344,4 millions d'euros en 2004, soit une hausse de 23 %.

Cette augmentation profite surtout aux dépenses d'investissement, pour lesquelles les crédits de paiement progressent de 62,5 millions d'euros et s'élèvent à 172,5 millions d'euros, contre 110 millions d'euros l'année dernière. L'augmentation apparente des moyens de fonctionnement, qui atteignent 47,25 millions d'euros, n'est due qu'à la présentation formelle liée aux modifications introduites par la loi organique de 2001 relative aux lois de finances, la LOLF.

Un mot pour commencer, justement, sur l'application de cette loi organique de 2001. À partir de l'année prochaine, et conformément à une suggestion de la commission des finances, les crédits de la ville et du logement seront unis dans une mission « Ville et logement ». Elle sera composée de quatre programmes : deux correspondent aux crédits du logement - « aide à l'accès au logement » et « développement et amélioration de l'offre de logement » - deux correspondent aux crédits de la ville, qui nous intéressent aujourd'hui : le programme « rénovation urbaine » et le programme « équité sociale et territoriale, tous deux pilotés par la Délégation interministérielle à la ville, la DIV.

Le programme « rénovation urbaine » serait doté de 226,6 millions d'euros en 2005, la ville y contribuant à hauteur de 128,1 millions d'euros. Ces crédits seront délégués à l'Agence nationale de rénovation urbaine, l'ANRU.

Le programme « équité sociale et territoriale (et soutien) » regroupe, outre une fonction « soutien », les autres actions prioritaires de la politique de la ville. Le budget de la ville y apporte 294,6 millions d'euros en 2005, les autres crédits étant les compensations d'allégements de charges sociales en zones urbaines sensibles pour 363 millions d'euros sur le budget du travail pour 2005.

Cette structuration de la mission « Ville et logement » est satisfaisante. Il reste à définir les conditions de sa déclinaison au plan déconcentré et sur le terrain. C'est à quoi contribueront les expérimentations dans trois régions - Bretagne, Nord-Pas-de-Calais et Rhône-Alpes - qui bénéficieront d'une enveloppe globale de 38,74 millions d'euros pour appliquer le programme « équité sociale et territoriale ».

Pour vous présenter maintenant l'évolution des crédits du budget de la ville, je suivrai justement ce découpage en deux programmes : rénovation urbaine d'un côté, restauration de l'équité sociale et territoriale de l'autre.

S'agissant du programme de rénovation urbaine initié par la loi du 1er août 2003, les crédits de l'État sont à la hauteur des promesses et des attentes. En 2005, l'ANRU bénéficiera, en autorisations de programme, de 192 millions d'euros émanant du budget de la ville, qui s'ajouteront aux 223 millions d'euros apportés par le budget du logement. Pour siéger au conseil d'administration de l'ANRU, je peux vous dire que nous sommes parfois étonnés par le montant des crédits engagés. Sur deux opérations, concernant deux villes, ce sont quelque 500 millions d'euros qui ont été engagés En crédits de paiement, l'Agence recevra 74,5 millions d'euros de la ville et 98,5 millions d'euros du logement. En outre, la Caisse des dépôts et consignations devrait apporter un soutien supplémentaire, sous forme de prélèvement sur les excédents du Fonds de renouvellement urbain, le FRU, lors de la prochaine loi de finances rectificative.

Au total, donc, l'apport de l'État à l'ANRU en 2005 sera de 465 millions d'euros en autorisations de programme et de 273 millions d'euros en crédits de paiement.

Ceci permettra de soutenir le programme de rénovation urbaine, qui a bien démarré. En effet, vingt et une conventions ont d'ores et déjà été signées : elles concernent vingt-cinq ZUS et trente communes et représentent un engagement de 833 millions d'euros. Au-delà des conventions signées, quarante-neuf projets ont été examinés par le comité d'engagement de l'Agence, représentant un coût global de 5,5 milliards d'euros dont 1,7 milliard d'euros de subventions de l'ANRU. Ces chiffres témoignent du changement de régime en matière de politique de la ville.

Les opérations de renouvellement urbain - ORU - et les grands projets de ville - GPV - ont vocation à être intégrés dans le nouveau programme de rénovation urbaine. Mais les crédits de paiement correspondant aux engagements pris jusqu'à 2003 restent en gestion de la DIV, soit 53,6 millions d'euros.

S'agissant maintenant de la restauration de l'équité sociale et territoriale, c'est-à-dire des autres crédits de la ville, je signale d'abord une mesure nouvelle de 62 millions d'euros. Ces crédits nouveaux serviront à financer le programme de réussite éducative figurant dans le plan de cohésion sociale. Ce programme devrait mobiliser près de 1,5 milliard d'euros d'aides de l'État sur cinq ans. Il s'agira de financer des « équipes de réussite éducative » pour les élèves des classes primaires et maternelles, réunissant enseignants, éducateurs, animateurs, travailleurs sociaux, psychologues, pédopsychiatres, etc.

L'objectif est d'en créer 750 en cinq ans, réparties dans les 900 zones ou réseaux d'éducation prioritaire ;

Des « plates-formes de réussite éducative » seront mises en place à destination des élèves de l'enseignement secondaire : 150 seraient mises en place en 5 ans ;

Des « internats de réussite éducative » accueilleront les collégiens les plus en difficulté. Une trentaine de ces établissements devraient être créés.

En dehors des 62 millions d'euros consacrés à ce programme de réussite éducative, d'autres moyens sont proposés en 2005 à hauteur de 232,55 millions d'euros. Il y a là une diminution par rapport à 2004, mais qui s'explique en partie par la suppression des crédits spécifiquement consacrés au soutien des villes en grande difficulté - 20 millions d'euros en 2004 sur le chapitre 46-60 article 40. Ces crédits ne se justifient plus compte tenu de la réforme de la dotation de solidarité urbaine - la DSU - et des 120 millions d'euros supplémentaires attendus à ce titre en 2005, et jusqu'en 2009.

D'une manière générale, d'ailleurs, l'appréciation des crédits budgétaires ne peut se faire qu'en prenant en considération les autres mesures : d'abord, réforme de la DSU - + 120 millions d'euros, soit plus de 20 %. Certaines communes vont même bénéficier d'une augmentation pouvant aller jusqu'à 150 %. Ensuite, les allégements de cotisations sociales en faveur des nouvelles zones franches urbaines - 363 millions d'euros en 2005 contre 294 millions d'euros en 2004 -, et la réforme du prêt à taux zéro, qui devrait permettre une meilleure rotation dans le parc locatif social.

Parmi les actions directement financées par le budget de la ville, je précise d'emblée qu'il faut réintégrer dans les montants une part des crédits alloués aux trois régions expérimentant la LOLF. Une fois ce réajustement fait, deux actions restent stables par rapport à 2004 : les opérations « ville, vie, vacances » bénéficieront de 10 millions d'euros et le dispositif « adultes relais » conservera une dotation de 57 millions d'euros.

La ligne consacrée aux actions de partenariat est en revanche de 3 millions d'euros, soit une baisse d'un million.

Le fonds d'intervention pour la ville - le FIV - recevra lui 109,15 millions d'euros en crédits d'intervention - titre IV - et 44,4 millions d'euros en investissement, titre VI. En investissement, la baisse par rapport aux 53 millions d'euros de 2004 est logique car beaucoup d'opérations seront intégrées dans le nouveau programme de rénovation urbaine, qui bénéficie de 71,1 millions d'euros de plus qu'en 2004, soit + 125 %. Quant à la baisse sur les crédits d'intervention, elle peut se compenser par le nouveau programme de réussite éducative : 62 millions d'euros ; certaines actions préexistantes des contrats de ville pourront être financées sur cette ligne budgétaire.

Au total, le budget de la ville et de la rénovation urbaine apparaît donc crédible et bien adapté aux priorités de l'année à venir.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Philippe Pemezec, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. La politique de la ville conduite en France depuis près de vingt ans a permis d'atténuer la fracture territoriale. Mais elle n'a pas résolu la crise urbaine et sociale qui frappe un nombre croissant de villes et d'agglomérations.

Face à ce bilan, et situé à mi-chemin entre la loi relative à la rénovation urbaine de 2003 et le projet de loi de cohésion sociale en ce moment en discussion à l'Assemblée nationale, le budget consacré à la politique de la ville en 2005 illustre l'engagement fort pris par le Gouvernement en faveur de la cohésion et de la mixité sociales. En effet, M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale a présenté lors du Conseil des ministres du 15 septembre 2004 un projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, qui comporte des dispositions importantes en faveur des logements sociaux, majoritaires dans les zones d'intervention de la politique de la ville.

C'est dans le cadre pluriannuel de ce projet de loi que s'inscrit le projet de loi de finances, qui traduit clairement ces orientations pour l'année 2005. En effet, le budget de la ville connaît une forte hausse en 2005, s'élevant à plus de 420 millions d'euros, contre 344 millions d'euros en 2004. Il s'agit d'une augmentation importante, de 22,7 % par rapport à 2004. Il s'agit en outre d'un budget qui conjugue la rénovation urbaine, la cohésion sociale - puisque le plan de cohésion du Gouvernement prévoit que 1es communes qui comprennent des zones urbaines sensibles bénéficieront d'une augmentation de la dotation de solidarité urbaine - et, enfin, la mixité sociale.

Cette hausse mérite d'être saluée tant nous nous trouvons aujourd'hui dans un contexte très contraint pour nos finances publiques : en effet, la France s'est engagée auprès des instances communautaires à réduire son déficit budgétaire de 3,6 à 2,9 % en 2005. Cet engagement européen a contraint le Gouvernement à faire des arbitrages difficiles et, à cet égard, il me semble que la politique de la ville et de la rénovation urbaine, allant de pair avec la politique de soutien au logement social, constitue une priorité de son action pour l'année à venir.

S'agissant de la répartition des crédits, je m'efforcerai d'en esquisser les deux orientations principales.

En premier lieu, le budget 2005 traduit la volonté du Gouvernement de renforcer les actions entreprises en faveur de la rénovation urbaine. L'application du programme défini par la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 2003 aura pour enjeu de rendre plus attractifs les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Le programme visera à restructurer, dans un objectif de mixité sociale et de développement durable, les quartiers où le cadre bâti est le plus dégradé.

Ce programme prévoit par conséquent la démolition et la reconstruction de 200 000 logements, ainsi que la réhabilitation de 200 000 autres logements d'ici 2008 dans les quartiers prioritaires. Dans ce cadre, l'ANRU joue un rôle clef : 30 % des crédits du budget de la politique de la ville sont consacrés à la rénovation urbaine et à l'amélioration du cadre de vie, soit 128 millions d'euros en crédits de paiement.

En second lieu, le projet de loi de finances pour 2005 prévoit une action visant à restaurer l'équité sociale et territoriale : cette équité passe par la prévention de la délinquance, le rétablissement du lien social grâce aux emplois « adultes-relais », la mise en œuvre de l'opération « ville, vie, vacances », et la requalification urbaine ; 70 % des crédits du budget, soit près de 296 millions d'euros, sont consacrés à ce programme, dont 233 millions d'euros en faveur de l'équité territoriale proprement dite, et 62 millions d'euros en faveur de la réussite éducative, troisième pilier et non des moindres de ce budget. Je pense aux plates-formes de réussite éducative, aux internats de réussite éducative, aux équipes et aux pôles d'excellence éducative.


Enfin, j'ajoute à ces éléments que le projet de loi de finances pour 2005 prévoit des mesures de relance des dispositifs d'accession sociale à la propriété avec la réforme du prêt à taux zéro, évoquée la semaine dernière lors de l'examen en commission du budget du logement.

Cette réforme prévoit d'élargir le nombre de ménages aidés, grâce au relèvement des plafonds de ressources ; de favoriser les familles, en bonifiant la majoration en fonction du nombre de personnes appartenant au foyer ; d'étendre le champ d'application du prêt à l'immobilier ancien, actuellement peu concerné par le prêt à taux zéro ; de transformer son mode de financement, le prêt prenant désormais la forme d'un crédit d'impôt. Ce sont autant d'aménagements positifs que je tiens à saluer.

Mais je pense que l'examen de ce budget doit aussi être l'occasion d'apporter des éclaircissements sur un certain nombre de dispositifs essentiels pour le secteur de la politique de la ville et je me tourne vers vous, monsieur le ministre, pour vous poser quelques questions.

Le projet de loi de cohésion sociale contient-il une mesure incitant les organismes HLM à vendre des logements sociaux, afin d'aller dans le sens de l'accession sociale à la propriété, qui fait l'objet de la réforme du prêt à taux zéro ?

Pourriez-vous nous indiquer quelles sont les perspectives d'évolution après 2006 en matière d'aides structurelles communautaires à la politique de la ville ? Les perspectives financières sont-elles défavorables à la France après l'élargissement ?

Pourriez-vous nous donner des précisions quant à l'application en zone urbaine sensible de la délégation de compétence en matière d'aides à la pierre, prévue par la loi relative aux responsabilités locales et abordée à l'article 42 du projet de loi de cohésion sociale ?

Pour conclure, et en dépit de ces interrogations, il me semble que le budget de la politique de la ville devrait permettre d'atténuer les effets les plus préoccupants de la crise qui affecte actuellement les quartiers en difficulté. Je vous invite donc, mes chers collègues, à l'adopter.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Messieurs les présidents de commission, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un premier temps, j'ai craint que nous ne parlions pas du même budget. Mais après avoir entendu évoquer l'ANRU et le renouvellement urbain, j'ai constaté qu'il s'agissait bien du budget de la ville.

La totalité des crédits inscrits dans le projet de budget pour la ville s'élevait en 2004 à 344 millions d'euros, contre 321,8 millions d'euros cette année. Les chiffres sont là. Seuls le programme de réussite éducative - 62 millions d'euros - et l'expérimentation au titre de la LOLF font monter le budget à 422 millions d'euros. Mais si l'on prend les périmètres de l'année passée, qui délimitent traditionnellement la politique de la ville, englobant non seulement le bâti et le renouvellement urbain mais aussi l'ensemble des dispositifs d'accompagnement sociaux, éducatifs et économiques pour les territoires en difficulté, l'effort du Gouvernement se réduit. Or cela touche des domaines essentiels de la politique de la ville telle que l'ont voulue vos prédécesseurs, quels qu'ils soient, monsieur le ministre.

Pour le fonctionnement de la Délégation interministérielle à la ville et au développement urbain, les crédits passent de 6,6 millions d'euros en 2003 à 5,5 millions d'euros. Pour ce qui concerne les services publics, l'animation, la formation, ils sont ramenés à 3 millions, soit moins de la moitié qu'en 2003. Pour le fonds interministériel pour la ville, premier instrument d'intervention en direction des associations, celles dont les maires, aujourd'hui en congrès, sollicitent les financements pour les opérations courantes de la vie des quartiers, ils sont de 83,1 millions d'euros contre 145,8 millions d'euros en 2003. S'agissant du fonds d'intervention pour la ville, autre instrument d'intervention, les crédits baissent à 44,4 millions d'euros, alors qu'ils étaient en légère progression en 2004. Je ne parle pas de la progression des grands projets de ville puisque nous nous situons dans le cadre de l'ANRU.

Ce budget illustre votre choix de centrer la politique de la ville sur le processus de renouvellement urbain, à travers les instruments créés dans la loi du 1er août 2003, et sur la cohésion sociale, notamment à travers le programme de réussite éducative, que nous trouvons positif même si nous aimerions avoir des précisions sur son contenu. Quant au fond, vous abandonnez la dimension transversale de la politique de la ville.

Ce choix, nous le contestons car nous estimons que vous favorisez trop l'habitat, point fondamental, certes, mais auquel ne se résument pas toutes les difficultés que rencontrent les quartiers. Vous le dites vous-même et Jean-Louis Borloo aussi, si bien qu'on a du mal à saisir votre conception de la politique de la ville.

Citons quelques exemples.

S'agissant du dispositif « adultes-relais », je dois dire que je n'ai pas bien compris le rapporteur général du budget, même s'il a l'immense mérite d'être Val-de-Marnais, qualité incontestable à mes yeux. Il prétend qu'il y a une progression des crédits. Or j'ai observé au contraire une diminution de 10 millions d'euros.

S'agissant des opérations « ville-vie-vacances », destinées à occuper les enfants soit dans les villes, soit hors des villes, pendant les vacances scolaires, les crédits, en progression l'an passé, baissent de 2,2 millions d'euros.

En faisant tout basculer sur le renouvellement urbain, vous commettez une erreur fondamentale. Mais j'en viens maintenant à mes questions.

J'aimerais d'abord savoir, monsieur le ministre, combien de conventions ont été approuvées par le conseil d'administration de l'ANRU et ce qu'elles représentent en termes financiers. Par ailleurs, pour prendre un critère sur lequel tout le monde s'accorde, quelle proportion de la population des ZUS concernent-elles ?

Ensuite, je souhaiterais connaître la philosophie du Gouvernement quant à sa participation à l'ANRU. Le total des financements de l'État en autorisations de programme pour 2005 s'élève à 415 millions d'euros, si je ne me suis pas trompé - mais tout le monde reconnaît qu'il est difficile aujourd'hui de lire les budgets et vous admettrez, monsieur le président, que notre travail est compliqué par la multiplication des paramètres. Or, dans le cadre du projet de loi de rénovation urbaine et du budget, nous avons voté l'année dernière 465 millions d'aide annuelle de l'État. Comment expliquez-vous cette différence ?

En outre, quand le prochain comité interministériel pour la ville se tiendra-t-il ? Il paraît aujourd'hui fossilisé car, à ma connaissance, il n'a jamais été réuni depuis le changement de majorité.

Comment expliquez-vous la baisse des crédits destinés au Fonds d'intervention pour la ville, aux opérations « ville-vie-vacances » et au dispositif des adultes-relais ?

Enfin, combien d'associations bénéficieront des exonérations fiscales en ZFU et ZRU ? Nous craignons qu'il y en ait très peu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Mignon.

M. Jean-Claude Mignon. Monsieur le ministre, nous examinons aujourd'hui un budget important pour nos concitoyens les plus en difficulté, qui de ce fait nécessite un effort tout particulier de la part de l'État, vous l'avez parfaitement compris. Cet effort est réel : votre budget, qui s'élève à 423 millions d'euros, connaît en effet une augmentation de 22,7 % par rapport au budget 2004. C'est un élément qu'il importe de souligner dans le contexte actuel de maîtrise des dépenses publiques. Au total, l'effort financier consacré à la politique de la ville et au développement social urbain, toutes administrations confondues, représente 6 milliards d'euros.

Le Gouvernement a donc fait le choix de donner une forte impulsion à la politique de la ville, en dépit des contraintes budgétaires. En tant qu'orateur du budget pour la ville et la rénovation urbaine du groupe UMP, je ne peux que l'en féliciter.

Au budget présenté aujourd'hui, il convient d'ajouter les 62 millions d'euros correspondant au financement d'une partie du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale et les 31,5 millions d'euros prévus pour l'Agence nationale pour la rénovation urbaine. On peut y adjoindre, bien qu'ils n'apparaissent pas dans les crédits de la ville, les 120 millions d'euros supplémentaires au profit des 120 villes ayant les charges socio-urbaines les plus importantes. Ils seront financés par un prélèvement sur recettes au sein de l'enveloppe globale de la DGF, comme prévu dans le cadre de la réforme de la DSU proposée dans votre projet de loi de programmation pour la cohésion sociale. Il s'agit ici non d'un effort de l'État mais des collectivités territoriales les plus riches à l'égard des plus pauvres, ce qui mérite aussi d'être salué.

Nous pouvons constater que 2 % des crédits sont affectés à la section de fonctionnement, 57 % en intervention et 41 % en investissement. C'est donc plus un budget d'action que de gestion, ce que l'ensemble du groupe UMP ne peut qu'approuver. Il vient soutenir l'ambitieux programme pour la ville et la rénovation urbaine, avec la démolition et la reconstruction de 200 000 logements et la réhabilitation de 200 000 autres d'ici à 2008 dans les quartiers prioritaires.

Au-delà des crédits budgétaires, soulignons également l'importance des incitations fiscales et sociales - exonérations de taxe professionnelle, d'impôt sur les bénéfices, de cotisations sociales - qui stimulent l'activité économique et l'emploi dans les quarante-quatre zones franches urbaines créées dès 1997 et les quarante et une nouvelles zones franches urbaines créées au 1er janvier 2004. L'effet ZFU est réel : entre 1999 et 2002, le parc d'établissements a augmenté de près de 40 %, et 56 % des établissements installés en ZFU ont au moins un salarié.

Ce budget doit permettre de restaurer l'équité sociale dans les quartiers en difficulté. La situation est en effet préoccupante et ce ne sont pas mes collègues maires de communes en difficulté qui nous diront le contraire.

Quelques chiffres révélateurs issus des travaux de l'Observatoire des zones urbaines sensibles, publiés en septembre dernier par la Délégation interministérielle à la ville, incitent à la réflexion. Ils démontrent l'urgente nécessité d'une politique volontariste pour tenter de compenser les nombreux handicaps de ces quartiers. Même si je partage votre préoccupation constante de valoriser toute la richesse, le dynamisme, l'inventivité qu'ils recèlent, il n'en reste pas moins vrai que les sept cent cinquante et une zones urbaines sensibles du territoire national comptent 27 % de ménages pauvres, 20 % de chômeurs et plus de 17 % de 15-24 ans sans qualification.

C'est aussi ce sentiment d'insécurité qui persiste malgré la politique courageuse menée par les ministres de l'intérieur successifs. Car, il faut le rappeler, 52 % des ménages se sont déclarés victimes à titre individuel ou collectif de dégradations et de vandalisme, chiffre certainement en deçà de la réalité car je sais la peur qui règne dans certains quartiers et qui mure dans le silence de trop nombreuses victimes, quand ce ne sont pas certaines administrations.

Votre budget renforce l'outil concentré et efficace qu'est l'Agence nationale pour la rénovation urbaine. Dotée d'un important budget, elle a pour vocation d'appuyer financièrement les projets de rénovation de quartiers prioritaires. D'ores et déjà, soixante d'entre eux ont bénéficié d'un avis favorable et quarante-deux conventions pluriannuelles sont prêtes à être signées entre les villes porteuses de projets, les maîtres d'ouvrage et les financeurs : conseils généraux et régionaux, Union européenne, Caisse des dépôts et consignations.


Concrètement, cela se traduira par 20 000 constructions de logements sociaux, 53 000 améliorations profondes, 24 000 démolitions et de nombreuses opérations d'aménagement et de construction d'équipements qui doivent radicalement transformer le cadre de vie des habitants des quartiers prioritaires.

Par ailleurs, l'article 44 du projet de loi sur la cohésion sociale va modifier le régime des aides de l'ANRU en lui permettant d'accorder des majorations de subventions, de modifier l'assiette de calcul de la subvention ainsi que les conditions de versement des aides en versant des acomptes. Il s'agit bien d'une politique de la ville pragmatique au plus près du terrain et l'élu que je suis, confronté par le passé à la difficulté de monter des dossiers de financement auprès de différents interlocuteurs - et je ne suis pas le seul ici - ne peut que s'en réjouir.

62 millions d'euros sont affectés au financement d'une partie du plan de cohésion sociale. Il s'agit de financer les futures équipes de réussite éducative et les internats éducatifs, conformément aux programmes 15 et 16 du plan de cohésion sociale.

Votre budget est doté de 50 millions d'euros pour permettre le financement du programme 15 visant à accompagner « les enfants en fragilité » et de 12 millions d'euros pour le programme 16 visant à « accompagner les collégiens en difficulté et rénover l'éducation prioritaire ».

Il est plus que jamais indispensable de rester vigilant et de soutenir la volonté et la ténacité des opérateurs locaux. À ce titre, le soutien à la création d'équipes de réussite éducative est certainement une priorité là où le partenariat local fait défaut ou n'a pu être suffisamment développé. Mais là où les équipes ont fait leur preuve, il semble vraiment nécessaire de les écouter, de les conforter et souvent de les soutenir, ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas.

233 millions d'euros sont également affectés aux actions de prévention de la délinquance, qu'il s'agisse de la médiation sociale, du développement de la justice de proximité ou de l'aide aux victimes.

Votre budget contribue à rétablir le lien social en finançant des emplois d'adultes relais chargés de missions de médiation, en améliorant l'accès aux soins, en maintenant les services publics dans les quartiers.

10 millions d'euros sont affectés à l'opération « ville, vie, vacances », 44 millions financent les opérations de requalification urbaine inscrites dans les GPV, les grands projets de ville, et 50 millions viendront soutenir le réseau des associations qui travaillent dans les quartiers. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes.

En conclusion monsieur le ministre, la force de votre budget est de rompre avec l'approche cloisonnée et morcelée qui prévalait jusqu'alors. Vous mettez en place une politique de la ville essentiellement partenariale, associant notamment les collectivités locales et le tissu associatif et fondée non sur la contrainte comme sous les précédents gouvernements, mais sur la notion de contrat.

La politique de la ville se dote également d'outils de mesure de son efficacité et de sa réactivité. Compte tenu des enjeux financiers, il ne me semble pas anormal, en effet, que la politique de la ville ait enfin une culture du résultat.

Le projet de loi de cohésion sociale associé à la rénovation urbaine est manifestement un socle majeur pour les années à venir. Par ce budget, vous réaffirmez le rôle essentiel que doit avoir l'État en matière de politique de la ville.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, l'ensemble du groupe UMP approuve ce budget et le votera sans aucune réserve.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, que je pardonne pour son retard.

M. François Grosdidier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, je tiens à remercier le rapporteur général d'avoir pris le relais.

Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur l'état d'avancement du programme de rénovation urbaine, sur le passage des dossiers à l'ANRU et, par voie de conséquence, sur les perspectives du besoin de financement pour 2005, 2006 et 2007. Quelles précautions sont prises ? Quelle méthode est utilisée pour maîtriser le coût de ce programme qui sera prolongé pendant trois années ? Quelle est l'ampleur de la sollicitation générée par l'article 6 de la loi de 2003 qui ouvre à l'ensemble des quartiers présentant des caractéristiques analogues aux zones urbaines sensibles l'accès au financement de l'ANRU ? Est-ce marginal ou, au contraire, massif ?

Le programme de réussite éducative du plan de cohésion sociale est un élément important du plan de cohésion sociale. L'État y consacre des moyens importants, mais j'aimerais savoir quels autres financements seront mobilisés et selon quels partenariats.

Quant à la mise en œuvre de la LOLF de 2001, il faut insister sur le fait que l'expérimentation a déjà lieu dans trois régions et donc que la diminution des crédits du FIV, du dispositif « adultes relais » ou des opérations « ville, vie, vacances » ne sont que l'effet de leur soustraction de ces fonds et de leur globalisation dans les régions Nord-Pas-de-Calais, Ile-de-France et Bretagne. À une lecture au premier degré, on peut penser que les crédits de fonctionnement de la ville diminuent si on oublie de dire que trois régions, dont deux grandes, sont sorties de ces crédits pour être globalisées ailleurs au titre de l'expérimentation de la LOLF.

En attendant la généralisation de cette expérimentation, je souhaite savoir si les objectifs et les indicateurs de performance seront tous disponibles pour le projet de loi de finances pour 2006.

J'aimerais également savoir si le mode de calcul du futur plafond d'autorisation des emplois a été arrêté, et surtout comment seront pris en compte les agents, très nombreux, de l'équipement mais aussi du ministère de l'intérieur, avec les sous-préfets à la ville.

Par ailleurs, quels sont les premiers éléments d'évaluation pour les 41 nouvelles zones franches urbaines ? L'Observatoire national des zones urbaines sensibles est-il opérationnel ? Quand paraîtra le rapport prévu par la loi sur l'évaluation des zones urbaines sensibles et des zones franches urbaines ?

Enfin, monsieur le ministre, envisagez-vous de proposer aux acteurs de tous les contrats de ville une grille de critères d'évaluation qui leur serait fort utile, en particulier en matière d'animation, où le meilleur côtoie souvent le pire, comme l'a montré le rapport de la Cour des comptes sur la politique de la ville ? Il s'agit d'actions pour lesquelles les acteurs, sous-préfets à la ville et maires, rencontrent des difficultés particulières d'évaluation.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au logement et à la ville.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville. Mesdames, messieurs les députés, parmi les nombreux sujets que j'aborderai ce matin, le plus important concerne l'Observatoire national des zones urbaines sensibles.

Le premier rapport que nous avons réalisé avec la Délégation interministérielle à la ville - et je remercie Mme Brévan - comporte une masse d'informations dans lesquelles il faudra trouver un fil conducteur. Mais nous avons préféré vous présenter une première photographie pour engager la concertation avec l'ensemble des partenaires, les parlementaires bien sûr mais aussi le CIV que je réunirai début 2005, l'association ville et banlieue, bref toutes les associations d'élus locaux qui travaillent sur la politique de la ville, afin que nous puissions dégager des tendances fortes.

Mme Malgorne, préfète de la région Bretagne, préside l'Observatoire qui a été créé par la loi du 1er août 2003 et qui a été installé le 25 octobre par Jean-Louis Borloo. Cet observatoire est important pour les travaux de la politique de la ville.

Je rappelle que ce rapport est prévu par la loi du 1er août 2003. Il est important de respecter ces demandes de rapports, sinon à quoi cela servirait-il d'en demander ?

Ce rapport présente deux grandes parties : d'abord les éléments de diagnostic, ensuite les enjeux.

S'agissant des éléments de diagnostic, les 751 ZUS représentent, vous le savez, 4,7 millions d'habitants. Vous voyez la grande diversité des zones urbaines sensibles, qui vont de 330 à plus de 50 000 habitants. Les quatre grandes régions - Île-de-France, Rhône-Alpes, PACA et Nord-Pas-de-Calais - représentent 50 % du total des zones urbaines sensibles, ce qui explique qu'en application de la LOLF nous ayons fait une expérimentation et que vous n'ayez pas tous les chiffres du Fonds d'intervention pour la ville puisque des crédits ont été déconcentrés sur toute une série de chapitres - dispositif adultes relais, opération « ville, vie, vacances » et Fonds d'intervention pour la ville, pour expérimenter une fongibilité de la ligne dans ces régions importantes.

Le rapport montre un déclin démographique quasi général entre 1990 et 1999 dans les zones urbaines sensibles et une baisse marquée du nombre d'étrangers résidant dans ces zones puisque, même si le poids des étrangers dans les ZUS - 16,5 %, à comparer aux 5,6 % de la France entière - reste prégnant, la baisse a été de 16,4 % entre 1990 et 1999.

Les ZUS abritent 6,7 % des logements en France, avec un parc collectif et du logement social. Les logements de trois et quatre pièces prédominent et les deux tiers du parc des logements en ZUS ont été construits entre 1949 et 1974. Il est donc important de réfléchir à la métamorphose de ces quartiers, à la fois par la démolition-reconstruction et par la réhabilitation.

Les ZUS comptent trois fois plus de ménages pauvres que le reste de l'espace urbain. La structure du parc de logements démontre que le parc social est présent et accueille encore plus les ménages pauvres que le parc social du reste de l'espace urbain. La concentration de la pauvreté se double d'une concentration des ménages dont la personne de référence est étrangère : 17 % des ménages.

L'activité économique s'est traduite, de par les ZFU, par un accroissement du parc d'entreprises. Les ZUS qui possèdent également une zone franche urbaine ont augmenté de 10,5 % en termes de fonction économique. On compte 2 572 établissements de plus entre 1999 et 2002 dans les ZUS, hors ZRU et ZFU. L'effet ZFU est donc très net, le parc d'établissements y croît six fois plus que dans les unités urbaines et on a constaté 6 497 établissements supplémentaires dans la période, soit une hausse de 37,3 %.

Les zones urbaines sensibles sont plutôt mieux dotées en équipements publics que les autres quartiers, mais comptent moins de commerces de proximité et de services marchands que le reste des villes. La vie sociale y est plus réduite que dans les autres quartiers et l'on trouve malheureusement en tête des loisirs la télévision. Le déficit en matière de lecture est très important, et on en voit les effets dans l'échec scolaire.

Le bruit et l'insécurité apparaissent comme les deux principaux facteurs de la mauvaise qualité de vie. Les enjeux de scolarité sont majeurs. Ainsi, le taux de bacheliers est passé de 12,5 % à 24,6 %, tandis qu'il progressait de 18,8 % à 36,8 % en moyenne nationale. Le retard scolaire est significatif dès le CE2 et est fortement marqué en sixième puisque 39 % des élèves y sont en retard, contre 29 % dans le reste du pays. L'écart des taux de réussite au brevet est de 10 %.


La lacune de ce rapport, c'est sans doute la santé. Nous avons eu énormément de mal à trouver des informations pertinentes. La médecine scolaire fait état d'un taux d'obésité dû à l'alimentation plus élevé dans les ZUS que pour le reste de la France. Elle met également en évidence l'absence d'hygiène bucco-dentaire. Mais nous ne sommes pas allés beaucoup plus loin, et il faudra approfondir la réflexion sur la santé au quotidien.

Je conclus sur l'activité, le chômage et l'emploi. Il faut savoir que 20 % des actifs résidant en ZUS sont au chômage, et le taux est particulièrement élevé pour les jeunes adultes, filles ou garçons : en 2003, un tiers des 20-29 ans n'est plus en formation et n'a pas d'emploi.

J'arrête là, même s'il aurait été préférable de faire une synthèse complète. En tout état de cause, le rôle de l'observatoire est fondamental dans la mesure où il permet de mesurer l'impact des politiques de la ville. Les ZUS n'ont pas vocation à le rester à perpétuité ; il faut tout faire pour tendre à changer le cours des choses.

Il n'est pas question d'une politique de la ville fossilisée, monsieur Le Bouillonnec, - les rapporteurs M. Pemezec, M. Grosdidier, relayés par Gilles Carrez l'ont pourtant montré dans leurs rapports - dans la mesure où il ne s'agit pas de superposer des couches successives à un existant qui serait immuable. Nous procédons à une refondation complète de la politique de la ville. À l'époque où j'étais rapporteur du budget de la ville, et je vous renvoie à mes déclarations, je ne faisais pas de procès d'intention à mon prédécesseur, Claude Bartolone. J'ai au contraire essayé de construire avec des élus de tendances différentes une réflexion sur la politique de la ville.

Quelle est la pierre angulaire sur laquelle repose la loi du 1er août 2003 de Jean-Louis Borloo, action que je revendique, que j'assume et dont je suis fier ? Le principe est de « lasériser » l'intervention publique, de la concentrer sur les quartiers les plus en difficulté en appuyant sur les leviers qui permettent d'agir contre la fracture sociale, que souligne encore une fois le rapport de l'Observatoire des ZUS. Nos instruments sont, premièrement, dans le domaine économique, les zones franches urbaines qui sont un vrai succès ; deuxièmement, les équipes de réussite éducative qui opèrent, comme leur nom l'indique, dans le domaine de l'éducation, auxquelles nous consacrons 62 millions d'euros cette année, et qui seront dotées, en vertu de la loi de programmation, de 400 millions à la fin du plan quinquennal. Troisièmement, les communes en grande difficulté, qui ont à la fois un faible potentiel fiscal et des charges sociales considérables, bénéficieront de la réforme de la dotation de solidarité urbaine. Quatrièmement, nous travaillerons aussi à la métamorphose des quartiers via l'Agence nationale pour la rénovation urbaine.

Bref, si j'ose la comparaison, nous jouons à la fois sur le hardware et le software. Toutes les politiques de la ville se déclinaient en contrats-ville et, au fil des ans, sont venus s'ajouter différents dispositifs, que je n'ai, en ce que me concerne, jamais critiqués, qu'il s'agisse des adultes relais, des projets « ville, vie, vacances » ou des actions en faveur des associations. Mais, sans négliger l'existant, il faut le redéployer autour d'un nouveau contrat-ville dont je viens de définir les axes structurants. Les éléments budgétaires ne suffisent donc pas à prendre toute la mesure de la politique de la ville, qui passe aussi par la dotation de solidarité urbaine, par les équipes de réussite éducative, par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine et les zones franches urbaines. Il manque sans doute, je le répète, un volet important : la santé. Je quitte à l'instant Philippe Douste-Blazy et, au vu des expériences étrangères, nous sommes d'accord sur la nécessité d'agir massivement sur la prévention de la santé, peut-être par le biais des équipes de réussite éducative.

Malgré l'effort de présentation des rapporteurs, la complexité du sujet explique sans doute que vous ne nous ayez pas bien compris, monsieur Le Bouillonnec, à moins que vous n'ayez lu les documents un peu rapidement. Mais nous sommes entre gens de bonne compagnie et qui connaissent le sujet. Alors, certes, 20 millions d'euros disparaissent des aides aux communes en grande difficulté, mais la réforme concomitante de la dotation de solidarité urbaine aboutit à 120 millions d'euros supplémentaires, d'où un effet multiplicateur considérable pour les communes en grande difficulté. Gilles Carrez a parlé d'augmentations de 150 %, et, à Roubaix, ce sera + 350 % en 2009 : de 5,9 millions à 25,9 millions d'euros. Au final, le différentiel global sera de 100 millions d'euros.

Un mot sur la réforme de la dotation de solidarité urbaine, puisque vous allez en débattre lors de l'examen de la loi de programmation pour la cohésion sociale. À la suite du débat avec les sénateurs qui a été très riche, le texte garantit des augmentations de la DSU - et je salue au passage la contribution de Gilles Carrez dans le cadre du Comité des finances locales, ainsi que de Jean-Pierre Fourcade, Didier Migaud et Jean-Marie Bockel, je ne fais pas d'exclusive. L'objectif visé est de pérenniser la dotation de solidarité urbaine, afin que les élus puissent prévoir. Avant d'entrer au gouvernement, j'ai été maire pendant seize ans, et je sais que le maires en avaient assez de ne pas savoir où ils allaient, compte tenu des menaces qui planaient sur cette dotation. Pour la première fois, nous faisons une réforme sur cinq ans. Nous dégageons cette année 674 millions d'euros qui iront à la dotation forfaitaire - + 1 % -, à la dotation d'intercommunalité, et à la DSU, qui augmentera de 120 millions d'euros, soit une hausse de 20 %. La dotation de solidarité rurale progressera dans la même proportion pour atteindre 80 millions d'euros. Le mécanisme mis en place garantit une augmentation de 5 % la première année, de 10 % la deuxième année, puis respectivement de 16 %, 22 % et 29 %, pour les communes de plus de 10 000 habitants éligibles à la DSU. Autrement dit, à Cachan qui reçoit 515 565 euros en 2003, vous vous retrouverez en 2005 avec environ 25 000 euros supplémentaires, et en 2009 avec 140 000 euros de plus. En se fiant à une simulation sur les dix dernières années, durant lesquelles de fortes variations des dotations - à la hausse comme à la baisse - ont été enregistrées, les sénateurs ont voté une clause qui garantit, au cas où la croissance ne serait pas celle espérée, un équilibre global entre dotation forfaitaire, DSR, DSU et dispositions en faveur des communes DSU. Vous ne pouvez pas ne pas tenir compte de ce mécanisme. Si le Fonds d'intervention pour la ville est moins doté, il y aura parallèlement une augmentation de la DSU.

À périmètre constant, c'est-à-dire en enlevant les communes en grande difficulté qui bénéficient de ce mécanisme de compensation, le budget de la ville augmente de 30 %, et en intégrant la réforme de la DSU, la progression est de 50 %.

Les équipes de réussite éducative confortent encore cette action ciblée puisque le Fonds d'intervention pour la ville recevra 109 millions d'euros, y compris la déconcentration faite par une ligne fongible unique sur les différentes régions, auxquels s'ajoutent les 62 millions d'euros des équipes de réussite éducative. On aboutit donc à 172 millions d'euros pour la ville.

La démarche doit être la même en ce qui concerne l'Agence nationale pour la rénovation urbaine. On ne peut pas faire abstraction de sommes aussi considérables. Gilles Carrez, membre du conseil d'administration de l'Agence, sait que nous avons travaillé à guichets ouverts pendant la première année. Les engagements pris par Jean-Louis Borloo dans la loi du 1er août 2003 sont tenus puisque nous arrivons à 7 milliards d'euros de travaux ont été approuvés par le comité d'engagement, dont un tiers est apporté par l'ANRU.

Mais il va falloir classer les priorités et regarder dans le détail. Les opérations de rénovation urbaine doivent être décidées d'après un bilan entre démolitions, reconstructions et réhabilitations. Elles ne sont pas destinées à financer en douce des équipements publics, o ou uniquement gdes travaux de voirie, même s'ils sont structurants. Pour faire le tri, nous avons mis en place deux outils : d'une part, un conseil d'administration transparent représentant toutes les tendances politiques de l'Assemblée nationale - Michel Delebarre en fait partie par exemple -, tous les financeurs et les partenaires sociaux ; d'autre part, un comité de vigilance indépendant présidé par Yazid Sabeg, et dont fait partie Fadela Amara. Nous avons donc pris toutes les garanties pour que l'évaluation soit effectuée correctement.

La rénovation urbaine, monsieur Le Bouillonnec, recevra 415 millions d'euros au titre des deux budgets ville et logement ainsi que, et tous les partenaires sociaux pourront vous le confirmer - du MEDEF jusqu'à la CFDT, la CFTC ou la CGT -, 50 millions d'euros prévus initialement pour le Fonds de renouvellement urbain, soit 465 millions d'euros à l'arrivée pour l'ANRU. Les financements sont donc au rendez-vous.

M. Pemezec m'a interrogé sur la vente d'appartements par les organismes HLM. Bien que le sujet concerne plutôt le logement, je lui répondrai qu'il faut accélérer le processus. Monsieur Ollier, vous avez eu raison de faire des propositions pour rendre plus cohérente la politique d'accession sociale à la propriété et pour lui donner autant d'importance que la politique en faveur du logement locatif social. Les maires ont un rôle structurant et rassembleur à jouer dans ce domaine.

Nous avons des outils majeurs, à commencer par la location-accession, dont le dispositif fiscal a été arrêté au mois de juin. C'est un sujet consensuel et c'est très bien ainsi. Mme Lienemann m'avait fait des propositions, et vous me connaissez suffisamment pour savoir que je prends toutes les idées intéressantes, car je considère, dans la situation dramatique que nous connaissons, qu'elles n'ont pas de couleur politique et qu'il faut les promouvoir. Quant au dispositif juridique, il est prévu dans la loi de programmation pour la cohésion sociale.

La vente HLM figurera dans le volet « propriété pour tous » du projet de loi « habitat pour tous » qui complétera la loi de cohésion sociale en matière de logement. Mes services sont sur le point d'en finir la rédaction. Ce texte devrait être soumis au Gouvernement début janvier et au Parlement au cours du premier semestre 2005. Vous y trouverez, monsieur Pemezec, des réponses à vos questions.

En ce qui concerne le PTZ+, dont nous reparlerons vendredi soir, il s'agit d'un outil essentiel. Nous allons opérer des avancées sociales : les ménages percevant moins de 2,3 SMIC seront les principaux bénéficiaires de la réforme du prêt à taux zéro.

Cela étant, les différents dispositifs ont des noms baroques. Et ce serait une bonne idée de rationaliser l'action publique dans une grande politique d'accession à la propriété, qui est aussi une des réponses à la crise de l'offre de logement dans la mesure où les personnes qui accèdent à la propriété libèrent des places dans le parc locatif.

Quant aux aides structurelles communautaires à la politique de la ville, les fonds structurels européens mobilisés au titre de la politique de la ville représentent 1,540 milliard d'euros sur un total de 15 milliards pour la période 2000-2006.


La somme de 1,5 milliard d'euros provoque un effet de levier important de mutualisation des fonds de l'ordre de 4,5 milliards d'euros. Le programme le plus intéressant pour la politique de la ville, URBAN 2, porte spécifiquement sur le développement urbain durable et dispose de 105 millions d'euros pour la période 2000-2006. Ce programme concerne neuf quartiers en GPV ou en ORU.

L'arbitrage sur l'usage des fonds provenant des futurs programmes européens pour la politique de la ville devra-t-il être rendu au niveau local ou en fonction d'un programme national dédié à l'urbain ? La question est actuellement discutée sous l'égide de la DATAR et la décision devrait être prise au milieu de l'année prochaine. En conformité avec la philosophie de la loi Borloo du 1er août 2003, nous avons souhaité mutualiser les moyens de l'ANRU, afin d'obtenir un effet de levier au profit des opérations de rénovation urbaine, sans pour autant mettre en cause la déconcentration forte des crédits alloués à la politique de la ville, puisque 95 % d'entre eux sont aujourd'hui déconcentrés. Étant favorable à la décentralisation, j'ai tendance à faire confiance en la matière aux élus locaux, qui doivent pouvoir bénéficier de systèmes d'évaluation.

S'agissant de l'application en ZUS de la délégation de compétences prévue par le projet de loi relatif aux responsabilités locales, vous n'êtes pas sans savoir, monsieur Pemezec, que la délégation de compétences ne vise pas les crédits des ZUS, gérés par l'ANRU, en raison de la mutualisation centralisée et financière que j'ai évoquée à l'instant, et que l'article 42 du projet de loi de cohésion sociale, qui organise les conventions de délégation de compétences, indique que celles-ci doivent tenir compte des actions qui sont conduites dans les ZUS dans le cadre des objectifs du plan de cohésion sociale. Je fabrique actuellement un carburateur, qui a l'inconvénient d'être un peu compliqué mais qui aura le double avantage d'être opérationnel dès le début de 2005 et de permettre le branchement de l'ensemble du dispositif relatif à la délégation de compétences. J'adresserai à cet effet un petit guide pratique aux préfets, et aux élus qui le souhaiteront, précisant le mode d'emploi de la délégation de compétences, du plan de cohésion sociale et de la politique du logement et de la ville.

M. Grosdidier, qui a fait un rapport remarquable, m'a demandé si des rallonges de crédits étaient prévues dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Le Gouvernement a demandé un abondement des crédits destinés à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine de 100 millions d'euros, imputés sur le reliquat constaté à la fin 2004 du fonds de renouvellement urbain de la Caisse des dépôts et consignations. Cette somme - deux fois 50 millions d'euros - correspond à celle dont nous étions convenus avec la CDC et les partenaires sociaux : 50 millions d'euros abonderont en 2005 les 415 millions d'euros que j'ai précédemment évoqués.

Plusieurs orateurs ont soulevé la question de l'avancement des projets de l'ANRU. À l'heure actuelle, soixante projets ont été validés par le comité d'engagement, mais le chiffre évolue chaque jour, puisque de nouveaux projets ne cessent d'être évalués. Parmi ces soixante projets, quatorze ont reçu l'avis favorable du conseil d'administration. Ils concernent quatre-vingt-trois quartiers, dont quarante-sept des 162 quartiers prioritaires, pour un coût global des travaux de 6,7 milliards d'euros, dont 2 milliards d'euros de subvention de l'ANRU - soit quelque 30 %. Ils prévoient 26 000 constructions, 29 000 démolitions et 68 000 réhabilitations ; ce dernier chiffre est plus élevé que prévu, suite à la concertation avec les élus locaux, concertation sur laquelle, chacun le sait, repose l'ANRU. En revanche, le nombre des démolitions et des constructions n'a suscité aucune surprise. Il convient en effet de tenir compte, dans les quartiers, du nombre de logements vacants. Le principe d'une construction pour une démolition se traduit donc dans les faits par un rapport de 0,8 pour un : le nombre de logements reconstruits correspondra ainsi au nombre de logements démolis effectivement occupés. Ainsi l'offre nette de logements respectera les objectifs inscrits dans le budget consacré au logement.

La répartition moyenne du coût global des projets est la suivante : 74 % des crédits iront au logement, 13 % à l'aménagement d'espaces publics, 11 % aux équipements et 1 % à l'ingénieurie. Le taux de participation des principaux financeurs aux soixante projets que je viens d'évoquer est identique à celui des quarante-neuf projets examinés préalablement : l'ANRU participera pour 30 %, les OPCI et les communespour 8 %, les départements pour 4 %, les régions pour 40 %, les bailleurs sociaux et les fonds européenspour 2 %.

Les perspectives des besoins de financement pour 2005 et 2006 doivent se faire dans le cadre d'une maîtrise du coût des programmes. Nous avons inscrit, comme prévu, au projet de loi de finances pour 2005, la participation annuelle de 465 millions d'euros, également garantis pour 2006. La mobilisation du reliquat du FRU - je l'ai rappelé - permet d'assurer 515 millions d'euros pour 2004, compte tenu du fait qu'il a fallu, cette année, rassembler la trésorerie nécessaire à la mise en place du dispositif.

Dès la création du ministère de la cohésion sociale, Jean-Louis Borloo a obtenu du Premier ministre l'assurance qu'aucun risque de gel budgétaire ne pèserait sur la politique de la ville, la politique du logement et l'ANRU, ce qui aurait gravement compromis la mise en œuvre des dispositifs. Les crédits de paiement pour 2004 et 2005 suffisent donc à assurer la montée en puissance du programme.

Le Gouvernement a demandé au Sénat de prolonger l'ANRU de trois ans, sur la période 2008-2011, afin de faire face, dans les ZUS, à tous les besoins et à toutes les demandes des élus, d'ajuster, ici ou là, les périmètres des ZUS et de réfléchir aux actions à mener dans l'habitat ancien ou aux mesures à prendre en faveur de l'habitat minier, ce dernier - je pense notamment au département de François Grosdidier ou au mien - présentant des spécificités qui m'ont conduit à accepter au Sénat un amendement relatif à l'EPINORPA.

L'augmentation du budget, qui est passé de 30 milliards d'euros à 40 milliards d'euros sur huit ans, nous permet d'envisager une véritable programmation de nos actions de rénovation urbaine. Des demandes de dérogation au titre de l'article 6 nous ont été présentées : quatre-vingts de ces demandes, concernant des sites hors ZUS inclus dans des périmètres GPV ou ORU, sont accompagnées de dossiers solides, mais 120 demandes concernent des communes qui ne sont pas situées en ZUS. À saupoudrer les crédits, on viderait de son sens toute politique d'action prioritaire. Dans le cadre de l'évolution de la carte des ZUS, il est préférable de tenir compte de paramètres objectifs. C'est pourquoi j'ai demandé à la DIV d'établir des indices équivalents ZUS. Catherine Vautrin et moi-même avons pu ainsi élaborer un classement nous permettant de retenir une trentaine de dossiers de dérogation au titre de l'article 6. Aller au-delà ferait perdre tout son sens à la notion même d'exception, mais il n'est nullement interdit d'accompagner les quartiers non retenus au travers des politiques du logement ou de la ville.

Les équipes de réussite éducative - les rapporteurs l'ont rappelé - ont pour objectif, quant à elles, de mobiliser l'ensemble de la communauté éducative autour des enfants de deux à seize ans. Nous nous apercevons chaque jour davantage que, pour une bonne part, les problèmes de santé, de violence, de délinquance ou d'échec scolaire se jouent très tôt. La politique de prévention doit commencer dès la petite enfance. Jean-Louis Borloo souhaite que, le mercredi et en dehors des temps scolaires, des équipes de réussite éducative interviennent auprès des plus jeunes, et que leur action se poursuive, au collège, dans le cadre de plates-formes de réussite éducative, puis d'internats d'excellence qui assureront une véritable mixité sociale auprès de jeunes qui, issus des zones difficiles, ont la volonté de s'en sortir, dans le cadre d'une réelle confrontation avec d'autres milieux sociaux. J'ai été élève, comme certains d'entre vous ici, des classes préparatoires aux grandes écoles, en mathématiques supérieures. À mon époque, les fils d'ouvriers, qui étaient internes étaient proportionnellement plus nombreux qu'aujourd'hui. L'absence d'une réelle mixité sociale constitue pour notre société un véritable handicap. Ceux qui veulent s'en sortir ne trouvent pas nécessairement les filières qui les y aideraient, alors même que l'adversité les rend souvent plus combatifs et qu'ils réussissent très bien lorsqu'on leur en donne les moyens. Les équipes de réussite éducative, dont la montée en puissance sera progressive, participeront à la refondation de la politique de la ville, dont elles constitueront un outil structurant. Le dispositif sera décentralisé, sur le modèle de l'ANRU, s'appuyant sur les CAF, les conseils généraux et les maires, qui en seront les pivots. Il n'interdira pas la mobilisation des dispositifs existants - le contrat temps libre ou les contrats éducatifs locaux - ou des concours financiers déjà en place, extérieurs ou non. L'État garantira à chaque équipe de réussite éducative une subvention de quelque 500 000 euros.

Leur fondement juridique doit faire preuve, quant à lui, d'une grande souplesse. La loi ne saurait le définir de façon trop rigide. Ces équipes pourront dépendre de la caisse des écoles ou d'un établissement public local éducatif. Nous proposerons sans doute, comme nous l'ont suggéré le Conseil national de l'éducation et le Conseil économique et social - la question a été abordée au Sénat - des établissements publics de coopération éducatifs, EPCE, créés sur le modèle des établissements publics de coopération culturelle, et qui agiraient aux côtés de l'école. En tout état de cause, et dans un souci de proximité, les structures devront rester suffisamment légères pour permettre aux maires de les diriger.

Mon dernier point concernera les premiers éléments d'évaluation, très positifs, des quarante et une nouvelles zones franches urbaines. Celles-ci, je le rappelle, ont été créées il y a quelques années, avant d'être abandonnées par la majorité précédente, puis reprises par l'actuelle majorité à la satisfaction de tous les maires, de droite et de gauche, qui en bénéficient sur le territoire de leur commune. En 2004, ces zones regroupent 1, 138 million d'habitants, c'est-à-dire plus de 30 % de la population totale des 751 quartiers classés en ZUS. On relève en 2004 peu de transferts d'entreprises sans créations d'emplois, à la différence de ce qui avait été observé en 1997, où s'était produit un effet d'aubaine. Les créations d'emplois reposent d'une part sur le développement des entreprises déjà présentes au 1er janvier 2004, d'autre part sur les créations d'emplois qui accompagnent les ZFU. Le bilan de la politique d'exonération entrée en vigueur le 1er janvier 1997 est positif : en cinq ans, de 1997 à fin 2001, le nombre d'entreprises installées en ZFU a presque doublé, passant de 11 000 à 21 000, et le nombre d'emplois salariés a triplé : de 25 000 en 1997, il s'est accru de 45 000 postes. La progression s'est poursuivie, si bien qu'à la fin de l'année 2003, 24 000 établissements exonérés étaient en exercice dans quarante-quatre ZFU, dont près de 11 000 employant des salariés. Le nombre total des salariés est de 81 000, dont près de 59 000 ouvrent droit à des exonérations de charges.

Nous pourrons communiquer aux parlementaires un premier bilan relatif aux associations. Nous avons demandé à la DIV de mener une étude complète sur le monde associatif. Lorsqu'elle sera achevée, monsieur Le Bouillonnec, nous pourrons répondre plus précisément à vos questions.

La politique de la ville mobilise donc au total 6,4 milliards d'euros, dont 434 millions d'euros de crédits spécifiques de la ville, 2,184 milliards de crédits des autres ministères, 586 millions pour la DSU, 792 millions d'exonérations fiscales, 221 millions de fonds européens, 123 millions de bonifications de la Caisse des dépôts et consignations, 400 millions de la CAF, 550 millions de participation de l'UESL, 30 millions de participation de la CGLLS au bénéfice de l'ANRU et 1,070 milliard de contributions des collectivités locales. Évoquer la politique de la ville, c'est donc prendre en compte la totalité de cette somme, qui nous permet de jeter les bases d'une politique véritablement efficace.


M. le président.
Merci, monsieur le ministre. Votre propos a été un peu long, mais on sent que la passion vous anime : je crois que chacun aura été convaincu !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Le président Méhaignerie étant obligé de nous quitter, je devrai désormais assumer seul la présidence.

Monsieur le ministre, vous avez abordé un sujet qui me tient à cœur et sur lequel, anticipant le débat qui aura lieu vendredi prochain, je tiens à clarifier les choses. La commission des affaires économiques se préoccupe de la lisibilité de la politique très positive que mène le Gouvernement, notamment en matière d'accession sociale à la propriété. Elle souhaite donc la mise en place d'une procédure analogue à celle du logement locatif social dans les HLM, afin de permettre une simplification des démarches. L'instrument du PTZ - qui, même s'il ne suscite pas d'appréhension particulière chez les Français, reste difficilement lisible - ou encore la location-accession à la propriété doivent entrer dans ce cadre. Je vous sais gré, monsieur le ministre, d'accueillir positivement cet effort de simplification.

Il y a, je crois, 54 % de propriétaires en France contre plus de 80 % en Espagne et environ 70 % en Grande Bretagne. Grâce à votre politique, que la procédure que nous proposons contribuera à rendre plus accessible aux citoyens, ce retard sera progressivement comblé. Tel est le but des amendements que je proposerai vendredi prochain en séance publique.

Cette précision apportée, nous en venons aux questions. Cinq orateurs sont inscrits, pour un temps de parole de deux minutes chacun.

La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Partageant la passion du ministre, j'aimerais disposer d'un peu plus de deux minutes !

Ma première remarque concerne l'ampleur des augmentations. On ne peut rattacher entièrement la DSU à la politique de la ville. Certaines villes étant littéralement asphyxiée, il était devenu nécessaire d'affecter des budgets de DGF - en forte augmentation - à la DSU. Mais ces sommes leur permettront tout juste d'équilibrer leur budget, et non pas de développer une politique de la ville. Je salue donc l'effort accompli, mais on ne peut l'inscrire dans ce cadre-là.

En second lieu, je veux souligner que, si nous pouvons émettre des avis critiques, nous sommes en revanche tous favorables à la politique de la ville. Nos principaux adversaires sont les nombreuses personnes qui y sont hostiles. Votre budget, monsieur le ministre, commence à conférer une véritable visibilité à cette politique, qui depuis vingt ans, malgré les alternances et les évolutions, nous rassemble sur le fond. Cela dit, nous ne pouvons que critiquer l'abandon dans lequel on laisse les associations depuis trois ans. Celles-ci ont pris, dans les quartiers, un rôle extrêmement important, allant presque jusqu'à exercer des responsabilités de service public. Pour répondre à leurs attentes, à leur angoisse parfois, il est de notre devoir d'avoir une discussion franche à ce sujet.

Je relève également que l'affectation de 38 millions d'euros dans la présentation conforme à la LOLF est inférieure à la diminution de la ligne consacrée au Fonds d'intervention pour la ville. Il est donc faux de dire que cette diminution est compensée dans la nouvelle présentation.

Vous reprenez régulièrement le point de vue que M. Borloo a soutenu en même temps que sa loi d'orientation pour la ville, selon lequel la politique de la ville se résume presque entièrement au renouvellement urbain - au hard, pour reprendre votre terminologie -, et ce au détriment du soft. C'est faire là un choix grave, celui d'aller à contre-courant de ce qui a été réalisé depuis vingt ans. La politique de la ville, j'y insiste, doit prendre en compte un ensemble de territoires. D'ailleurs, le fait qu'elle entre dans les compétences des communautés d'agglomération montre bien que la réponse ne peut être limitée au territoire des ZUS. En concentrant votre action sur ces territoires, vous persistez dans l'erreur que nous avons déjà dénoncée dans votre loi.

Cela dit, je souhaiterais avoir des éclaircissements sur les 62 millions d'euros consacrés aux équipes de réussite éducative. Je suis partisan de la démarche de « veille éducative », qui a démontré son efficacité et sa capacité à mobiliser les bonnes volontés et à identifier les difficultés rencontrées par les enfants ou les jeunes.

M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Cohen.

M. Pierre Cohen. Ce dispositif a le mérite d'exister et de bien fonctionner malgré sa complexité : il permet de faire travailler ensemble l'éducation nationale, les services sociaux et les communes. Dès lors, à quel niveau les 500 000 euros prévus pour chaque équipe vont-ils être affectés ? Vous avez parlé des caisses des écoles, mais l'opération s'annonce difficile car ces organismes ont pratiquement disparu. Vous avez également évoqué les GIP, mais ceux qui fonctionnent se situent au niveau de l'agglomération, et donc du contrat de ville. Quant à d'éventuels établissements publics à caractère éducatif, il faudra trois ou quatre ans pour les mettre en place...

À quel niveau, donc, seront mises en place ces équipes ? À quels besoins répondront-elles ? Quelles seront leurs compétences ?

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je relève, monsieur le ministre, que la loi de cohésion sociale ne se bornera pas à modifier les règles de licenciement : la DSU y sera également abordée.

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Merci de l'avoir remarqué !

M. François Brottes. On peut regretter ce mélange des genres...

Ma question a trait à l'impact financier de la politique de la ville sur les campagnes. Il semble que l'on oblige les organismes HLM des départements ruraux à cotiser à l'ANRU, alors que les territoires ruraux n'ont rien à attendre de cette agence. Les campagnes doivent-elles payer pour les villes ? Cela n'irait pas dans le sens de la péréquation telle que le Premier ministre vient de la définir, une nouvelle fois, devant le congrès des maires de France !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. La parole est à M. Jean-Pierre Nicolas.

M. Jean-Pierre Nicolas. Vous avez évoqué, monsieur le ministre, le rapport de l'observatoire national des ZUS, qui fait bien apparaître la nécessité de remédier aux situations décrites, quels que soient nos parcours et nos origines. À l'évidence, les politiques de la ville menées par tous les gouvernements depuis vingt ans n'ont pas répondu aux attentes. Il faut donc se féliciter de la lisibilité de ce budget. Vous avez défini des axes clairs, en privilégiant l'investissement et en réduisant les dépenses de fonctionnement. Vous évitez ainsi le saupoudrage coûteux et inefficace trop souvent pratiqué par le passé.

Je me félicite enfin de la prolongation du dispositif ANRU, dont j'ai pu constater localement l'efficacité. Il est essentiel d'avoir des dossiers parfaitement montés si l'on veut de réelles modifications dans les quartiers. J'espère que les nouveaux dispositifs que vous mettez en place nous permettront d'obtenir les évaluations les plus fines possible pour vérifier que nous sommes dans la bonne voie.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. La parole est à Mme Odile Saugues.

Mme Odile Saugues. Le rapport de l'observatoire national des zones urbaines sensibles, dont nous venons de prendre connaissance, livre un chiffre qui doit nous faire prendre conscience de la gravité de la situation : on compte trois fois plus de pauvres dans les zones urbaines sensibles que dans le reste de l'espace urbain. Et nous savons bien, nous qui sommes des élus de terrain, que ce sont de vrais pauvres !

À cet égard, il nous faut reparler du problème du poids des charges dans le logement social : selon ce rapport, elles représentent 30 % du montant du loyer, contre 18 % dans le parc locatif privé. Et il faut compter 6 % de plus dans les ZUS. Pour des locataires extrêmement pauvres, c'est énorme, d'autant que le forfait charges, on le sait, ne suffit pas à les solvabiliser. Les associations de locataires ont beau soulever le problème chaque année au congrès HLM, nous restons à la traîne sur ce sujet. La hausse du prix du fioul et du gaz alourdit encore la facture du chauffage, cependant que l'application de la loi « ascenseurs » n'a été assortie d'aucun soutien financier. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour alléger quelque peu ces charges qui pèsent sur les plus pauvres d'entre nous ?

Par ailleurs, vous avez parlé de « rallumer les feux du CIV ». Lorsque vous avez pris ma succession au conseil national de l'habitat, nous étions sur le point de mutualiser nos moyens avec le comité interministériel des villes. Je ne saurais trop vous inciter à réactiver ces structures et à prendre en compte leurs demandes.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. La parole est à M. Jean-Claude Mignon.

M. Jean-Claude Mignon. Je voudrais tout d'abord m'inscrire en faux contre ce qu'a dit mon excellent collègue socialiste. Opposer villes et campagnes n'est pas une bonne solution. Force est de constater que la plupart des villes disposent sur leur territoire des principaux éléments structurants. Cela finit d'ailleurs par coûter très cher. Il me semble donc normal que chacun mette la main à la poche.

Je me réjouis que les priorités actuelles de la politique passent par des projets de rénovation urbaine. Je suis intimement convaincu, depuis longtemps, que c'est en s'attaquant à ce type de problème qu'on en résoudra bien d'autres. Des erreurs ont été commises dans le passé. On a construit un peu tout et n'importe quoi, sur des périmètres très étriqués. Il faut avoir le courage de dire aujourd'hui : démolissons et reconstruisons.

Reconstruire un pour un, c'est bien, mais l'on sait pertinemment qu'on ne peut pas reconstruire dans le simple périmètre communal. Je prends l'exemple de ma ville. Dans un quartier qui compte à lui seul la moitié de la population, démolir des immeubles pour les reconstruire en périphérie de ce même quartier, serait une véritable aberration, très mal perçue. Quel est donc le périmètre adéquat ? Celui de la communauté d'agglomération lorsque celle-ci existe ? Celui du département ?

Ne peut-on pas penser aux villes nouvelles ? Il se trouve que ma communauté d'agglomération jouxte une ville nouvelle dont le statut est très particulier. En effet, cette structure peut se permettre de voter un budget en déséquilibre sans risquer d'être mise sous tutelle car le budget est rééquilibré du fait du département, de la région et de l'État.

On pourrait envisager, dans le périmètre des villes nouvelles, de reconstruire prioritairement, eu égard à leur statut, ce qui est démoli par ailleurs.

Enfin, les établissements publics de coopération intercommunale, les communautés d'agglomération constituent des échelons supplémentaires. Peut-être pourrait-on les inciter à faire en sorte que leurs compétences obligatoires passent avant leurs compétences optionnelles ou facultatives, ce qui n'est pas forcément le cas.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Gautier.

Mme Nathalie Gautier. S'agissant du montage financier des dossiers ANRU, il ne semble pas y avoir de difficulté majeure. Mais un problème se pose s'agissant du financement du logement social hors ANRU. Que ce soit pour la réhabilitation ou la construction neuve, nous rencontrons de fortes difficultés, amplifiées par les surcoûts fonciers, aujourd'hui assumés par les collectivités locales.

La loi oriente l'ANRU sur les seules ZUS. Or vous avez évoqué des dérogations concernant d'éventuels dossiers de démolition hors ZUS.

Les ZUS ont été créées en 1996 sur des critères issus du recensement de 1990. Or la géographie de la politique de la ville a fortement changé depuis cette date. L'État reçoit de très nombreuses demandes : 210 ou 230, alors que 30 seulement pourraient être prises en compte. Cela me semble peu, étant donné l'évolution de la politique de la ville. J'espère qu'on pourra faire davantage, même si je comprends que les interventions de l'ANRU doivent être ciblées sur des territoires spécifiques.

Dans l'agglomération lyonnaise, qui représente 5 % de la politique de la ville au plan national, le dossier de La Norenchal à Fontaines-sur-Saône nécessiterait une dérogation. Une telle opération est emblématique dans la mesure où elle imposerait une négociation avec les communes alentour de l'Ouest lyonnais, afin d'y construire des logements sociaux. Certaines d'entre elles en effet ne respectent pas les critères de la loi SRU. Ce serait une étape très importante dans le rééquilibrage de l'agglomération lyonnaise.

Par ailleurs, je regrette, tout comme mes collègues, la diminution des crédits du FACIL, qui sont exclusivement réorientés sur les primo-arrivants. Cela, de fait, nuit à toutes les autres actions menées en vue de l'intégration des populations déjà en place dans les quartiers. Je souhaitais souligner à nouveau aujourd'hui ce qui constitue une vraie difficulté.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Je poserai deux séries de questions relatives à l'équité sociale et à l'équité territoriale, annoncées dès l'ouverture de cette séance.

Je voudrais caler mon intervention sur ce qui se passe sur le terrain. Les acteurs du logement social sont fortement mobilisés, mais ils s'inquiètent.

Au-delà de tout ce qui a été dit quant à l'ANRU, au-delà des budgets, des opérations, il faut tenir compte des populations, souvent en difficulté.

Toute opération débute par leur déménagement. J'appelle votre attention, monsieur le ministre, sur les conséquences que peut avoir une non-maîtrise de ces flux, dans des secteurs où l'accueil n'existe pas obligatoirement en termes d'accompagnement social.

Sans doute cette question sera-t-elle posée cet après-midi à Jean-Louis Borloo, mais je vous la pose dès maintenant : quelle place donnez-vous ou entendez-vous conserver aux acteurs de l'économie sociale, tout particulièrement les associations qui accueillent, accompagnent, forment et innovent ?

Il me semble que certains, au sein du Gouvernement, ont de l'économie sociale une vision très réductrice. Les acteurs de l'économie sociale, qu'il s'agisse des associations, des coopératives ou des mutuelles, ont beaucoup de craintes quant à l'avenir de la DIS. Et ce n'est pas neutre au regard de toutes les questions que mes collègues ont posées précédemment, en particulier sur les charges.

Certaines familles, dans le logement locatif, ont des droits qui sont ouverts mais ne sont pas versés. C'est ainsi que la Caisse nationale d'allocations familiales avait décidé de ne plus verser les sommes inférieures à 15 euros/mois, sommes aujourd'hui passée à 24 euros/mois pour les nouveaux arrivants. Cela représente tout de même, respectivement, 150 et 288 euros/an. Pourrait-on prévoir des versements semestriels, trimestriels ou annuels, d'autant que, comme l'a dit Odile Saugues, les charges augmentent ?

Enfin, j'avais cru comprendre, s'agissant de la vente d'HLM, qu'après la période de Robien nous étions parvenus à un accord entre l'ensemble des bailleurs sociaux. Cet accord, qui est écrit, devrait être finalisé assez rapidement. Les discussions sont importantes. Déjà, l'accession sociale ou très sociale à la propriété connaît un grand dynamisme. J'avais cru comprendre que vous envisagiez de la réinscrire dans la prochaine loi. Rassurez-moi, monsieur le ministre.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je demande à nos collègues de la commission des affaires économiques de bien vouloir rester à l'issue de la réponse de M. le ministre. Nous allons en effet procéder au vote des crédits par notre commission. Puis nous quitterons la salle pour laisser nos collègues de la commission des finances terminer ses travaux.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué. Monsieur Cohen, la loi prévoit que les communes doivent rendre compte de la manière dont elles utilisent l'argent de la DSU. Je serai très vigilant sur ce point. S'il existe en effet des communes en grande difficulté, il en existe d'autres dont le potentiel fiscal est faible mais qui ne sont pas en très grande difficulté.

Nous annonçons, dans les documents du ministère, que le budget de la ville augmente de 22,7 %. Il eût été plus pertinent d'en ôter l'aide aux villes en grande difficulté. Il s'agissait en effet, au départ, d'une action politique de la ville destinée à compenser la « non réforme » de la DSU.

20 millions d'euros étaient consacrés à des villes en grande difficulté. Nous procédons à une réforme de la DSU où l'on injecte 120 millions d'euros. Nous pourrions considérer que ces 20 millions d'euros ont pour contrepartie...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le supplément de DSU sera financé par prélèvement sur la DGF !

M. le ministre délégué. Ne vous en faites pas, monsieur Le Bouillonnec, nous allons continuer à débattre. Une clause de sauvegarde devrait garantir et pérenniser les équilibres. Je tiens d'ailleurs à saluer mon prédécesseur, Catherine Vautrin, qui a fait un remarquable travail de fond avec ses équipes. Un quasi-consensus politique s'est dégagé et les sénateurs socialistes ont émis un vote positif sur l'article DSU.

Il en va de même du FIV, dont les interventions étaient destinées, hier, à des actions de réussite éducative et de prévention de la délinquance. Nous attribuons 62 millions de plus aux équipes de réussite éducative ; et ces 62 millions ne se « promènent » pas. Ils participent à des actions d'intervention sur la ville : 172 millions au total. Comparons ce qui est comparable.

Mme Gautier a raison. Jean-Louis Borloo et moi-même en sommes bien conscients, il va falloir rouvrir le périlleux chantier de la carte des ZUS. Cette carte a été établie à une époque où les maires ne se précipitaient pas vers les zones urbaines sensibles par crainte que leur image en souffre ; or, aujourd'hui, ils se précipitent car ils voient les effets de la concentration des moyens. Cela dit, il nous faudra un peu de temps pour refaire cette carte. La DIV en sera le pivot.

S'agissant des dérogations au titre de l'article 6, nous avons établi des indices synthétiques « équivalents ZUS » pour comparer ce qui est comparable.

Madame Gautier, nous avons répondu positivement à la plupart des demandes faites dans les GPV et les ZORU, ce qui correspond déjà à d'assez nombreuses exceptions. Sans compter qu'on ne peut pas faire de l'exception une généralité. Car comment, alors, concentrer notre action ?

Je pourrai vous répondre plus précisément sur Fontaines-sur-Saône avant la fin du mois et je vous dirai où nous en sommes s'agissant des exceptions à l'article 6.

Monsieur Brottes, les bailleurs sociaux ruraux cotisent à l'ANRU par solidarité mais, en contrepartie, ils bénéficient de la garantie de la CGLSS. Toutefois, nous n'abandonnons pas des actions de logement en milieu rural. En effet, les crédits que j'ai obtenus parallèlement pour l'ANAH me permettent d'y relancer des OPAH. Enfin, corollairement à la réforme de la DSU qui nous a permis d'augmenter cette dernière de 120 millions d'euros, nous réformons la DSR et nous l'augmentons de 80 millions d'euros. Autrement dit, nous menons une action conjuguée en faveur des zones urbaines et des zones rurales.

M. Nicolas et M. Mignon se sont interrogés à propos du financement de l'ANRU et à propos du périmètre à retenir pour les reconstructions.

Il ne faut pas que l'ANRU soit un guichet. Il faut que nous soyons dans une logique de projets. En cas de grande densité de logements, pour faire de la vraie mixité sociale et éviter de reconcentrer toute une population sur une même zone, si on accepte par exception de raisonner sur le territoire d'une communauté d'agglomération plutôt que sur le territoire de la ville, il faut faire en sorte de ne pas « cannibaliser » le programme de doublement de l'offre de locatif social.

Dans ma métropole lilloise, certains maires viennent me voir et proposent de contribuer à l'effort de l'ANRU... dans la mesure où ils bénéficieront de certains avantages ! Il faut avoir une logique de projets. Comme Jean-Louis Dumont, je considère qu'une politique de peuplement doit être menée en fonction de la réalité humaine et des réseaux de solidarité auxquels peuvent s'adresser les populations qui seront provisoirement relogées, avant de se réinstaller dans un quartier où elles vivront mieux.


Les associations qui accompagnent ces populations doivent être aidées. Les montages élaborés dans le cadre des MOUS ont permis à l'ANRU d'améliorer cette aide. Et vous avez pu constater, monsieur Dumont, notre volonté de faire plus pour ces associations à travers les mesures prises lors du comité interministériel que nous avons tenu avec Mme Olin à la mi-juillet. Le monde associatif fait partie du réseau de fils invisibles qui permet de bâtir une action qui soit un vrai projet, pas une simple opération de guichet où l'on vient toucher de l'argent. La difficulté de la mise en œuvre sur le terrain n'entame pas notre volonté politique.

En matière de territorialisation, la carte des ZUS est à revoir, de même, monsieur Mignon, que le caractère facultatif de certaines compétences des communautés d'agglomération. D'ailleurs, même pour les communautés urbaines, la compétence habitat n'est pas obligatoire aujourd'hui. Doit-on s'orienter vers une structuration du territoire qui soit plus liée à une agglomération ? C'est un vrai débat sur lequel le Gouvernement est à l'écoute des parlementaires.

M. Pierre Cohen. La compétence habitat est obligatoire pour les communautés d'agglomération !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Oui, mais pas pour les communautés urbaines, qui sont tout de même la forme la plus aboutie de l'intercommunalité.

M. Pierre Cohen. En revanche, la politique de la ville l'est !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Vous voyez bien la contradiction.

M. Pierre Cohen. C'est vous qui la créez !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Gilles Carrez l'a indiqué, conformément à la LOLF, la politique du logement est désormais étroitement associée à la politique de la ville.

M. Jean-Louis Dumont. Là, il y a une cohérence !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. C'est déjà une avancée. Laissez-moi le temps de structurer les outils pour que cette cohérence se traduise en actions concrètes. C'est en tout cas l'esprit dans lequel travaille Jean-Louis Borloo.

Vous vous êtes inquiétée, madame Saugues, du montant des charges locatives dans le logement social. J'ai confié une mission sur cette question. À cette heure, je ne dispose pas encore du rapport. De ce fait, je n'ai pas pu, comme le laissent entendre certains tracts, décider d'augmenter les charges. Vous l'avez dit, une large part de l'augmentation de ces charges provient de l'inadaptation des systèmes de chauffage. D'ailleurs, les projets ANRU montrent bien que, quand le problème est traité, les charges sont plus faibles. Ce sera un des thèmes de travail des prochaines assises du logement et un chantier pour 2005.

Vous m'avez également interrogé sur un rapprochement entre le CNH et le CIV. Le CIV est lié à une action interministérielle de politique de la ville. Mais, l'ancien président du CNH que je suis est d'accord avec l'ancienne présidente du CNH que vous êtes : ils doivent travailler le plus ensemble possible. C'est une démarche que j'avais favorisée dans plusieurs groupes de travail. Et c'est dans cette optique que j'avais reçu plusieurs délégations du CIV lorsque j'étais secrétaire d'État au logement.

M. Dumont a évoqué la vente d'HLM. Comme prévu, la loi « propriété pour tous » comportera un volet destiné à favoriser la vente d'HLM sans la rendre obligatoire.

M. Jean-Louis Dumont. Il faut la dynamiser en fonction du patrimoine.

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Nous sommes bien d'accord et il n'y a pas de changement de cap.

S'agissant de l'accompagnement social, je pense avoir répondu à tous les intervenants. Je précise à M. Mignon que je suis preneur d'une réflexion sur le sujet.

En conclusion, chacun voit bien que les éléments structurants de la politique de la ville figurant dans le plan de cohésion sociale ne sont pas forcément pris en compte dans le budget de la ville. C'est pourquoi il faudra repenser, refonder complètement le contrat de ville et agir sur le soft en même temps que sur le hard. Je confierai très prochainement une mission à un élu local compétent dans ce domaine afin d'en définir les éléments fondamentaux. Le moment venu, nous en discuterons avec les parlementaires.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Merci, monsieur le ministre, pour vos réponses extrêmement précises.

(L'audition de M. le ministre délégué au logement et à la ville s'achève à onze heures trente-cinq.)

PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES,
COMMERCE ET ARTISANAT

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE MÉHAIGNERIE,

Président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan

M. le président. La réunion de la commission élargie est ouverte.

(La réunion de la commission élargie commence, le mardi 9 novembre 2004, à neuf heures trente.)

M. le président. Avec Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, je suis heureux d'accueillir en votre nom M. Christian Jacob, ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, pour notre quatrième commission élargie.

Je rappelle, mes chers collègues, que la clé du succès de cette formule, étendue cette année à six budgets, réside dans le caractère dynamique du débat, moins contraint qu'en séance publique. Celle-ci sera exclusivement consacrée, le vendredi 19 novembre, à l'examen d'éventuels amendements, aux explications de vote et au vote.

Je rappelle que la commission élargie, s'agissant du débat, se substitue à l'hémicycle. Les conditions de publicité du débat sont identiques à celle de la séance publique. L'Assemblée ne siège pas afin de permettre à tous nos collègues d'assister aux réunions.

Sur le déroulement de la séance, la coprésidence donnera d'abord la parole au Gouvernement, puis, aux rapporteurs et, enfin, aux quatre représentants des différents groupes. Afin que chacun puisse intervenir dans des délais convenables, je demande que les interventions soient brèves. La qualité du débat en dépend.

La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Je me réjouis également de cette formule que j'estime positive, bien qu'elle reste à préciser. Cela étant, l'expérience nous conduit peu à peu vers le bon format.

Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, de venir nous présenter votre budget.

Pierre Méhaignerie conduira les débats, car, si nous travaillons en stéréo, c'est la commission des finances qui tient les manettes. Aussi n'interviendrai-je que lors du vote de la partie concernant la commission des affaires économiques et, éventuellement, des amendements qui en dépendent.

Je tiens à féliciter Christian Jacob pour son excellent travail depuis son entrée en fonctions et à saluer le remarquable bilan de son ministère. Je soulignerai l'importance des mesures de simplification administrative, qui n'apparaissent pas directement dans le budget, mais allègent considérablement le fardeau qui pèse sur les petites et moyennes entreprises.

Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, où en est la préparation du deuxième projet de loi pour l'initiative économique, après la LIE ? Cette question préoccupe en effet la commission des affaires économiques.

Deux groupes de travail, dont l'un était coprésidé par M. Serge Poignant, rapporteur pour avis de notre commission, vous ont remis leurs conclusions mi-octobre. Nous serons attentifs aux orientations que vous allez annoncer à partir de ces travaux.

Enfin, les deux rapporteurs partagent une même inquiétude quant aux crédits du FISAC et au montant de la TACA.

Les élus locaux portent un vif intérêt au FISAC, le fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce, qui demeure pour eux un fonds traditionnel. Quelles assurances le Gouvernement peut-il donner quant à la pérennisation de ces crédits, quelle que soit leur forme ?

S'agissant de la TACA, la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, le nouveau système pénalise fortement les commerces non alimentaires. Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous mettre en œuvre pour rétablir l'équilibre ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.


M. Christian Jacob,
ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Comme les présidents des deux commissions m'y ont invité, je me limiterai à un propos liminaire très court, de façon à laisser le plus de temps possible aux échanges.

Les crédits consacrés à mon ministère dans le projet de loi de finances pour 2005 s'élèvent à 167,27 millions d'euros. Avant de les étudier dans le détail, il convient de rappeler les mesures décidées sur le plan fiscal en faveur des PME. En effet, la première partie du PLF pour 2005 comprend 4,65 milliards d'euros de dépenses fiscales, soit une augmentation de 19 %. Il faut le prendre en compte pour apprécier l'ampleur des efforts consentis.

Ce projet de budget est articulé autour de quatre axes principaux.

Le premier, consacré à l'initiative économique et aux moyens de la favoriser, représente un montant d'une soixantaine de millions d'euros. Il concerne en particulier la compétitivité des entreprises : soutien aux associations professionnelles via le FISAC, fonctionnement des réseaux d'appui aux entreprises. Vous le savez, un grand nombre d'entreprises rencontrent d'importantes difficultés dans les cinq premières années de leur vie. Or les réseaux d'accompagnement peuvent contribuer à diviser par deux le risque de fermeture pendant cette période. Le soutien peut être d'ordre technique, mais concerne beaucoup plus souvent la gestion ou les aspects juridiques. Il est d'une très grande importance.

Cette partie comprend également le soutien aux filières en mutation - métiers d'art, distributeurs de carburants, par exemple - et l'aide à la création et la reprise d'entreprise : stages d'initiation, subventions à l'APCE, conventions passées en matière de formation avec les chambres de métiers et les chambres de commerce et d'industrie, garanties d'emprunts auprès de la BDPME et de sa filiale, la SOFARIS.

Deuxième axe : la tutelle et la régulation dans les secteurs du commerce, de l'artisanat, des services et des professions libérales. Il s'agit notamment de la tutelle sur les établissements publics comme la SEMMARIS, ainsi que des régimes d'autorisation ; je pense en particulier au rôle joué par la CNEC en matière d'équipement commercial.

Le troisième axe, qui représente une cinquantaine de millions d'euros, concerne les actions de solidarité économique, notamment par l'intermédiaire du FISAC. Dans ce domaine, une dotation permet de faire face aux événements exceptionnels, tels que la marée noire de l'Erika ou l'explosion de l'usine AZF à Toulouse. Par ailleurs, il existe une aide au départ destinée aux commerçants et artisans, sur laquelle il conviendrait de réfléchir tant elle s'apparente à une « aide à tirer le rideau ». Peut-être faudrait-il inverser le sens de la démarche et favoriser davantage la recherche d'un successeur. Cela fait partie des priorités sur lesquelles nous pourrons revenir si vous le souhaitez.

Enfin, le quatrième axe concerne le développement économique des territoires, qui passe par le FISAC, dont vous connaissez bien la mécanique, par les contrats de plan et par les partenariats locaux d'initiative et de développement économique conclus avec les chambres de métiers.

Vous m'avez interrogé, monsieur le président de la commission des affaires économiques, sur les perspectives de la future loi d'orientation en faveur des entreprises, ainsi que sur le FISAC et la TACA.

Le FISAC connaît un succès grandissant. La demande des communes n'a jamais été aussi importante, ni celle des associations de commerçants. Il s'agit, je crois, d'une bonne intervention de l'État. Les sommes sont modestes - 10 % du total, 20 % dans certains cas, parfois plus -, mais le plus important est qu'elles permettent de déclencher les autres financements. C'est pour cette raison que nous avons proposé un abondement supplémentaire significatif du FISAC : 29 millions d'euros, ce qui porterait le total à 100 millions. Cette augmentation aura lieu dans le projet de loi de finances rectificative, à moins que l'on trouve le moyen d'y procéder dès maintenant. Elle correspond à une vraie demande et vient consacrer l'effet de levier qu'exerce le FISAC sur l'activité économique.

La TACA fait l'objet d'une réflexion au sein du ministère du budget et des services du Premier ministre. Beaucoup d'entre vous m'ont déjà alerté sur la nécessité de l'adapter : non seulement elle a connu des augmentations significatives, mais l'obligation de verser de façon quasiment simultanée la TACA de 2004 et celle de 2005 pourrait amplifier les difficultés des entreprises. Je suis ouvert à toute proposition, même si le sujet est plutôt de la compétence de Dominique Bussereau. En tout état de cause, nous restons, sur ce point comme sur tous les autres, en étroite relation avec le ministre du budget.

J'en viens maintenant à la future loi « entreprise », sur laquelle ont travaillé deux groupes de travail composés de responsables professionnels ou du monde consulaire, de personnalités qualifiées et de parlementaires ; l'un de ces groupes était piloté par Serge Poignant, dont je salue la présence. Cette loi d'orientation comprendra quatre grands axes.

Le premier concerne l'accès au financement, principale difficulté rencontrée par les chefs d'entreprise. En effet, beaucoup de bons projets restent aujourd'hui dans les tiroirs faute de pouvoir accéder à un premier financement. À ce sujet, les deux groupes de travail ont suivi plusieurs pistes. Ils ont réfléchi notamment à la mise en place de fonds de garantie ou de fonds de caution.

Un des éléments déterminants du fonctionnement d'une entreprise dans les quatre ou cinq premières années est l'existence d'une capacité de trésorerie suffisante pour encaisser les premiers chocs. Une des pistes consiste donc à renforcer le fonds de roulement des jeunes entreprises.

Par ailleurs, pour permettre aux PME, aux TPE et aux entreprises de l'artisanat de prévoir l'investissement, nous réfléchissons au moyen d'adapter le système des provisions pour investissement qui fonctionne dans le monde agricole.

Deuxième axe fort de la préparation de la future loi d'orientation : les nouvelles formes d'activité. Il s'agit d'abord du statut du conjoint. Vous le savez, les conjoints travaillent dans les deux tiers des entreprises d'artisanat et de commerce, mais ils ne sont que 10 % à se voir ouvrir des droits. Il convient, de mon point de vue, de se diriger vers un statut obligatoire. C'est d'ailleurs l'une des propositions des groupes de travail. L'objectif est, certes, d'ouvrir des droits sociaux, mais également de permettre l'accès à la formation et la validation des acquis de l'expérience. Vous rencontrez tous, et de manière régulière, dans vos permanences, des conjoints de commerçants ou d'artisans qui, au bout de vingt, vingt-cinq ou trente ans d'activité, sont confrontés à un veuvage ou à une séparation et se retrouvent sans rien. Nous devons reconnaître leur expérience professionnelle et leur donner accès aux fonds de formation.

La question du statut du collaborateur libéral a également été abordée. L'idée est d'élargir aux autres professions libérales - médecins, vétérinaires, professionnels du droit - un système que les avocats connaissent déjà. Certains professionnels - généralement des jeunes à peine sortis de l'école - n'ont pas la capacité financière de racheter une clientèle. Il faut leur permettre de commencer leur activité dans un cabinet existant et de se constituer une clientèle avant de s'associer avec leur « hébergeur » ou bien de voler de leurs propres ailes.

Une autre piste, celle du « professionnel autonome », concerne des gens qui se trouvent trop contraints dans leur statut de salarié, sans pour autant se sentir l'âme de chefs d'entreprise. Il faut leur donner un peu de souplesse en leur permettant d'organiser librement leur travail et de dépendre de plusieurs donneurs d'ordres.

Le troisième axe s'attache à tout ce qui concerne la transmission d'entreprises. Il est possible, dans ce domaine, de procéder à des aménagements fiscaux, et je fais confiance pour cela à l'imagination des parlementaires, que je sais fertile. Mais, au-delà, il convient de prendre certaines mesures de bon sens afin de faciliter la transmission et, ce faisant, de pérenniser des outils économiques qui ont l'avantage d'exister et de générer déjà de l'activité et des résultats.

Dans ce but, il est possible de mettre en place une forme de tutorat. Il s'agirait de donner à des chefs d'entreprise qui souhaitent faire valoir leur droit à la retraite la possibilité d'accompagner le repreneur de leur société - dans des modalités qui restent à déterminer - afin de lui mettre le pied à l'étrier. De même, nous devons nous demander comment il serait possible d'utiliser le savoir-faire de chômeurs proches de la retraite, et qui éprouvent des difficultés à retrouver du travail, dans le but d'aider les plus jeunes à se lancer dans une activité.


Au-delà des aménagements fiscaux, il faut aussi trouver des financements mieux adaptés, et je pense aux fonds d'investissement de proximité. L'idée est excellente, il faut les valoriser davantage, et nous réfléchissons à la manière de mobiliser des financements dans ce sens. La prime de transmission accompagnée doit également être valorisée. Il y a enfin les systèmes de bourses et autres, mais nous pourrons revenir sur tous ces sujets.

Dernier axe, la simplification. C'est effectivement dans ce domaine que tous les gouvernements ont la plus grande marge de progression car nous avons toujours tendance, les organisations professionnelles et le milieu consulaire parfois aussi, à complexifier les choses.

Il y a quelques jours, j'ai proposé à l'UPA que nous rêvions ensemble ; j'en avais parlé aussi aux chambres de métiers. Imaginons ainsi un document en cinq lignes où il suffirait d'inscrire le nom et le prénom du salarié, son numéro d'affiliation, le nombre d'heures normales et supplémentaires, le salaire brut et le salaire net. Il pourrait se substituer à la déclaration préalable d'embauche, au contrat de travail, au bulletin de paie et au titre de paiement. Ce serait une belle réalisation, et cela fait partie des propositions qui remontent des groupes de travail.

Voilà, monsieur le président, peut-être de manière un peu décousue, les pistes sur lesquelles nous travaillons. L'objectif, c'est que la loi Entreprises puisse être présentée dès le premier semestre 2005, enrichie de toutes vos propositions.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Merci, monsieur le ministre. Il n'y a pas seulement un budget, il y a aussi des actions qui sont engagées, et votre exposé a été très intéressant à ce titre.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Jean-Jacques Descamps, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Je vous remercie, monsieur le ministre, de l'action que vous menez pour le développement de nos petites entreprises, qui jouent un rôle majeur dans la vie économique nationale. Il faut tout de même rappeler qu'elles représentent 99 % des entreprises, 59 % des crédits, la moitié de la valeur ajoutée et le quart des exportations, ce qu'on oublie souvent.

Nous avons à discuter aujourd'hui d'un budget, mais, vous l'avez bien montré, les mesures législatives et réglementaires sont aussi importantes, et même plus importantes, que les mesures purement budgétaires, d'autant que ce budget ne tient pas compte des frais de structures de votre ministère, puisque nous ne parlons que des crédits d'intervention, les dépenses de fonctionnement étant mêlées à celles du ministère de l'économie. Cela dit, je reconnais qu'il se fait un travail considérable pour améliorer l'efficacité de ce ministère dans son ensemble.

Je ne reviens pas sur la structure de votre budget, je vais simplement vous poser quelques questions.

Vous avez d'abord évoqué l'aide à la création d'entreprises. Le budget de l'agence pour la création d'entreprise augmente de 6,2 %, ce qui est une bonne chose compte tenu de l'objectif qui est d'augmenter le nombre de créateurs d'entreprises tous les ans, mais pourquoi l'APCE n'est-elle pas intégrée dans le regroupement envisagé entre l'ANVAR, la BDPME et la SOFARIS ? Peut-être y aurait-il là quelques effets d'échelle qui aboutiraient à des économies non négligeables. En tout cas, ce serait plus efficace.

Je reviens sur le FISAC, qui est très utile. Étant moi-même en zone rurale, j'utilise souvent ces procédures. Il avait été inscrit 71 millions l'année dernière pour 2004, et il est prévu d'abonder cette somme de 29 millions d'euros, pour l'amener à 100 millions, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2004. Bien entendu, on ne peut qu'espérer que cet abondement sera pérennisé dans le budget pour 2005. C'est ce qu'ont compris l'ensemble des professionnels et des élus en écoutant le ministre de l'économie et des finances parler des mesures de redynamisation du commerce traditionnel. Vous nous avez expliqué, monsieur le ministre, que vous étiez en train de chercher des solutions. J'aurais volontiers déposé un amendement en ce sens mais le président de la commission des finances m'aurait tout de suite rappelé à l'ordre puisque l'article 40 aurait joué. Un amendement du Gouvernement serait donc le bienvenu.

La TACA a fait l'objet l'année dernière d'une augmentation particulièrement décourageante pour un certain nombre de grands commerces non alimentaires. Une augmentation de cette taxe était nécessaire en raison de la suppression de la taxe sur les achats de viande, la taxe d'équarrissage. L'État a prévu deux recettes de substitution dans la loi de finances pour 2004, une taxe additionnelle à la redevance sanitaire d'abattage, supportée par la filière viande, et la hausse de la TACA, pour 374 millions d'euros. Cette hausse se traduirait par une augmentation de 168 % du produit de cette taxe, ce qui est évidemment excessif, d'autant plus que l'augmentation est la même pour les secteurs non alimentaires et les secteurs alimentaires. C'était déjà compliqué, et, en plus, le décret d'application a été publié de façon tardive. Certains seraient donc obligés de verser de façon quasiment simultanée la TACA de 2004 et celle de 2005. L'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie nous a fourni quelques simulations. En 2005, un distributeur non alimentaire pourrait avoir un prélèvement cinq fois supérieur à celui de 2003. C'est inacceptable. De tels prélèvements se rapprochent parfois fortement de la marge bénéficiaire. Des aménagements sont donc nécessaires.

Nous avons cherché avec vos services à faire des simulations. C'est complexe parce que l'objectif était de travailler à somme nulle, pour diminuer assez fortement la taxe des petites grandes surfaces non alimentaires, quitte à demander un peu plus aux secteurs alimentaires. C'est un sujet difficile, j'espère que vous trouverez une solution d'ici à la discussion au Sénat et que le Gouvernement déposera un amendement. Je n'ai pas pu en rédiger un compte tenu de la difficulté à faire des simulations techniques approfondies dans un temps limité.

Je termine par la mise en œuvre de la loi organique. Je rappelle que les crédits relatifs au développement des PME sont regroupés, dans le cadre de la nouvelle présentation budgétaire, au sein de l'action 2 du premier programme de la mission développement et régulation économiques. Viennent alors à l'esprit deux observations.

Première observation : les actions deviennent le véritable niveau d'identification des politiques alors qu'elles ont été conçues comme des unités budgétaires sans valeur normative, ne constituant ni l'unité de vote ni l'unité de spécialité des crédits. L'enveloppe budgétaire dévolue à ces actions n'a donc qu'un caractère indicatif, les programmes formant des enveloppes totalement fongibles. Il y a un problème de fond qu'il faudra régler. Un budget centré sur les actions risque de se traduire par une désincarnation de l'autorisation de dépenses et une moindre capacité de contrôle.

Seconde observation : les indicateurs de performances contenus dans l'avant-projet constituent un progrès pour rationaliser l'emploi des crédits, mais il nous semble que l'effort pourrait être approfondi. En effet, le développement des PME du commerce et de l'artisanat pourrait donner lieu à la définition d'objectifs et d'indicateurs plus précis sur l'évolution du chiffre d'affaires des différents types de PME, leur excédent brut d'exploitation, bref des choses pratiques concernant les entreprises dont il est question dans votre budget.

Je vous remercie, monsieur le ministre, et j'attends surtout avec beaucoup d'intérêt le projet de deuxième loi de développement et d'initiative économique et toutes les mesures dont vous avez parlé.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

M. Serge Poignant, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le ministre, messieurs les présidents, mesdames, messieurs les députés, votre rapporteur pour avis tient à saluer le remarquable bilan du ministère des PME, puisque les chiffres de la création d'entreprises, repartis à la hausse depuis 2002, connaissent cette année un nouveau record.

La création d'entreprises en septembre 2004 a connu une augmentation de 7,2 % par rapport à septembre 2003. La comparaison des neuf premiers mois de l'année 2004, 172 419 créations pures, par rapport à ceux de l'année 2003, 147 674, montre une forte hausse de la création, de 16,8 %, alors que les chiffres de l'année 2003 étaient déjà particulièrement élevés.

L'enquête semestrielle de conjoncture de la BDPME révèle les anticipations confiantes des chefs d'entreprise, qui prévoient une augmentation de 2,2 % de leur chiffre d'affaires en 2004, après une progression de 1,6 % en 2003.

Dans ce contexte, il est à noter que les PME sont parvenues à maintenir leurs effectifs pour le troisième semestre consécutif.

Ces résultats sont dus à l'impulsion salutaire donnée par le ministère. Ce ministère est une structure de missions, et son budget n'est pas destiné à fournir des aides d'exploitation pérennes mais à déclencher des effets de levier grâce à des incitations judicieuses.

Ces crédits doivent par ailleurs être appréciés au regard de l'effort global en faveur des entreprises, et spécialement des PME, dans le projet de loi de finances pour 2005. L'effort financier de l'État en faveur des PME s'élèvera en effet en 2005 à plus de 21 milliards d'euros, sans compter le volet fiscal dont la partie chiffrée est estimée à plus de 4,6 milliards d'euros.

Les crédits du ministère délégué aux PME, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation s'élèveront en 2005 à 167,7 millions d'euros. Globalement, les crédits sont en retrait de 2 % par rapport au projet de loi de finances pour 2004, ce qui correspond à une diminution de 3,6 millions d'euros.

Le ministère prend sa part de la réduction des déficits publics, qui était nécessaire et urgente.

Cette contribution à la réduction des déficits affecte principalement les « interventions en faveur du commerce et de l'artisanat », de l'ancien chapitre 44-03, dont les crédits sont en diminution de 2,5 %.

Les autres baisses de crédits s'analysent comme des mesures techniques. Ainsi, la diminution des aides au départ des commerçants et artisans prend acte de la diminution progressive du nombre des bénéficiaires, et la baisse du montant des bonifications d'intérêts s'explique par l'extinction de prêts anciens.

Votre rapporteur salue donc le caractère limité des baisses de crédits, qui ne devraient pas remettre en cause le financement de priorités ciblées.


Il faut ainsi mentionner la hausse de 50 %, des crédits consacrés aux stages d'initiation à la gestion d'entreprises commerciales, et celle de la subvention de l'Agence pour la création d'entreprise, qui marquent la volonté du Gouvernement et de la majorité de soutenir la création et le développement des entreprises.

Le président de la commission des affaires économiques et le rapporteur spécial ont exprimé deux préoccupations, que je partage et auxquelles vous avez déjà apporté des réponses : le soutien au FISAC et le problème de la TACA.

L'annonce d'un abondement de 29 millions d'euros des crédits du FISAC en loi de finances rectificative pour 2004 est une bonne nouvelle dans ce contexte budgétaire difficile. Ne serait-il pas possible, afin de pérenniser cette mesure, d'augmenter d'autant ces crédits dès le projet de loi de finances pour 2005, plutôt que d'attendre à nouveau - et sans les mêmes certitudes - le projet de loi de finances rectificative pour 2005 ? Je prendrai le risque de proposer au vote de la commission deux amendements en ce sens.

Notre deuxième sujet de préoccupation concerne le montant de la TACA. Vous avez cité quelques inconvénients de cette taxe, mais je pense nécessaire d'insister sur le caractère différentiel d'application entre le non alimentaire et l'alimentaire. En effet, la suppression de la taxe d'équarrissage, déclarée contraire au droit communautaire, et l'augmentation en conséquence de la TACA ont créé l'an dernier une situation paradoxale, sur laquelle nous avions déjà attiré l'attention du Gouvernement : pour les entreprises de la grande distribution commerciale assurant la vente de produits alimentaires, qui supportaient l'essentiel de la taxe supprimée, cette augmentation de la TACA a conduit à une diminution globale de leurs charges. En revanche, les commerces non alimentaires, et particulièrement les plus petites surfaces, ont subi une augmentation de charges extrêmement dommageable. Je proposerai là encore à la commission de soutenir un amendement destiné à remédier à ces déséquilibres.

Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir réagir à ces deux amendements, et éventuellement de proposer tout autre moyen d'atteindre ces objectifs, ayant conscience des difficultés qui ont été soulevées par M. Jean-Jacques Descamps.

Le développement de l'esprit d'entreprise ne tient pas seulement à des mesures financières. Votre rapporteur tient donc à saluer l'effort de réforme administrative et de simplification des structures auquel s'astreint le ministère.

La poursuite de la mise en œuvre de la loi sur l'initiative économique fait également sentir ses effets. Les défis majeurs portent maintenant sur le développement des entreprises et sur leur transmission. À cet égard, le plan de réforme de l'apprentissage, et le futur projet de loi « Entreprises », dont vous pourrez peut-être nous tracer les grandes lignes, devraient répondre aux attentes.

Je profite de cette audition pour vous remercier de votre initiative. J'ai eu le plaisir de coprésider l'un des deux groupes de travail, et j'ai pu apprécier l'ampleur des propositions concrètes qui vous ont été présentées, après de nombreuses auditions de l'ensemble des partenaires professionnels.

Les questions que je m'apprête à vous poser, monsieur le ministre, permettront de mieux cerner les orientations de la réforme.

En ce qui concerne d'abord le commerce et l'artisanat, pourriez-vous nous rassurer sur la pérennité des crédits du FISAC et sur la possibilité de rétablir un équilibre, concernant la TACA, au profit des commerces non alimentaires ? Où en est la réflexion sur les modalités de délégation des crédits du FISAC aux régions ? Parviendra-t-on à réduire les délais d'attribution des aides ?

Pourriez-vous également nous préciser les intentions du Gouvernement quant à la réforme de la loi Galland, et éventuellement de la loi Raffarin, dont on parle beaucoup ces derniers temps, et qui nous préoccupe tous ?

Comment faire profiter les consommateurs d'une baisse des prix sans déclencher une guerre des prix qui serait néfaste aux PME et aux petits commerces, notamment dans les zones rurales et en centre ville, mais aussi aux producteurs agricoles ?

Vous venez d'annoncer la mise en place d'un groupe de travail ministériel, présidé par un parlementaire, qui devra présenter des propositions d'ici à trois à quatre mois. Comptez-vous lui donner des orientations particulières ? Comment ce groupe devrait-il se situer par rapport au groupe de travail de notre commission, qui devrait se transformer en mission d'information la semaine prochaine ?

Où en est le plan de réforme de l'apprentissage ? Quelle sera la place du dispositif de soutien à l'alternance ? Les contrats de professionnalisation répondent-ils aux besoins ?

Pouvez-vous déjà nous indiquer les grandes étapes du calendrier législatif pour le projet de loi « Entreprises » et nous donner des détails sur les quatre axes que vous avez retenus à partir des conclusions qui vous ont été remises ?

Seriez-vous favorable à la poursuite de l'adaptation de l'ISF l'an prochain, dans le sens d'une incitation à l'investissement dans les PME ?

La mise en place d'une nouvelle agence des PME, réunissant l'ANVAR et la BDPME, procède d'un souci de simplification louable. Pouvez-vous nous préciser les moyens dont disposera cette agence ?

Enfin, pourriez-vous faire le point sur le nouveau code des métiers et de l'artisanat ?

Je ne peux que conclure en vous encourageant à poursuivre votre action en faveur des entrepreneurs et de l'esprit d'entreprise, si essentiel à la vitalité de notre économie, et en appelant mes collègues à donner un avis très favorable à ce budget.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, n'adaptez pas la longueur de vos interventions à la grandeur de la salle ! Il faut que chacun respecte son temps de parole.

Nous en venons aux questions.

Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier. Monsieur le ministre, comme chaque année, la lecture de votre budget, parce qu'il ne représente qu'une petite partie des mécanismes d'aide et de soutien aux PME, au commerce et à l'artisanat, s'avère plutôt difficile. Sa présentation, si elle a le mérite de la simplicité, semble néanmoins trop peu détaillée pour permettre de connaître l'utilisation des crédits.

Quoi qu'il en soit, les chiffres sont têtus et, en dépit du concert de louanges qui vient de vous être adressé, les dotations sont en baisse régulière : 172 millions d'euros en 2003, 170 millions d'euros en 2004, 167 millions d'euros en 2005. Les ambitions affichées pour défendre ce secteur ne sont pas en rapport avec les crédits. Certes, votre prédécesseur disait, de manière habile, que les entreprises avaient plus besoin d'air que d'aides, mais je lui ai expliqué combien il était utile, notamment pour les aides collectives, que l'État joue son rôle dans les domaines d'intervention qui sont les siens. En effet, on ne voit pas comment le budget peut répondre aux orientations essentielles que sont la création, le développement, la modernisation, l'amélioration de l'environnement administratif, financier et juridique. Comme d'habitude, le Gouvernement nous renvoie à la loi qui suit et qui est toujours attendue avec la même impatience. Attention : les artisans, dont je suis issu, sont maintenant assez impatients. Ils vous le disent d'ailleurs régulièrement : il y a un décalage entre les discours et les actes.

Je suis très attaché à ce secteur et je suivrai donc avec une réelle attention la loi que vous nous proposez. Les grands chapitres évoqués me semblent intéressants mais je remarque que vous avez consacré beaucoup plus de temps à ce qui se passera après-demain qu'à la description de la situation présente.

L'année dernière, je m'étais félicité de l'annonce de la simplification et de la régionalisation du FISAC, mais nous n'avons rien vu venir. Je sais, monsieur le ministre, pour vous avoir interpellé sur ce sujet, que de nombreux dossiers pour 2004 ne seront pas abondés, faute d'argent. Vous annoncez qu'ils seront traités en 2005. Je vous fais confiance. Mais si l'on traite en 2005 les dossiers de l'année 2004, qu'en sera-t-il de ceux de 2005 ? Quel sera le financement réel du FISAC ? D'autres aides, notamment européennes, sont liées au FISAC.

Dans son propos, dont je salue l'honnêteté, notre rapporteur vous a demandé votre position sur la loi Galland. J'ai cru comprendre qu'il y avait, entre vous et le ministre de l'économie et des finances, quelques divergences. Nous préférons votre approche. Pouvez-vous nous la confirmer ?

S'agissant de la taxation des carburants, des aides ont été accordées à certaines professions, dont une qui nous est chère à tous les deux, les agriculteurs. Mais une catégorie a été oubliée, celle des commerçants ambulants. Or leur contribution au maintien de l'activité en milieu rural est essentielle. Ils ont même une vocation de service public. Si la situation perdure, que comptez-vous faire pour eux ? Par ailleurs, maintenant ou dans le cadre de la future loi, comment envisagez-vous de favoriser l'installation de commerces ambulants en milieu rural ? Dans les départements - dont le mien - où vivent un grand nombre de personnes âgées, ces commerces ambulants sont un outil indispensable pour leur maintien à domicile. Nous attendons des réponses précises.

Les mesures fiscales que vous avez prises en faveur des hôteliers-restaurateurs ont-elles eu un effet ? Si oui, peut-on le chiffrer ? Nous aurions préféré que soit instauré un crédit d'impôt. Le budget de l'État aurait davantage été mis à contribution que le secteur social. Cela aurait donc été plus intéressant. Cette mesure a-t-elle permis des créations d'emplois ? Comptez-vous lutter contre le travail illégal qui continue à faire des dégâts ?

S'agissant des contrats de plan, Augustin Bonrepaux a mis en évidence dans son rapport la mauvaise exécution des obligations de l'État à l'égard des PME, du commerce et de l'artisanat. Il y a donc une contradiction entre les annonces relatives aux aides sous forme de défiscalisation dans les transmissions et le non-respect de la parole de l'État dans les contrats de plan. Pourriez-vous nous en dire quelques mots ?

Enfin, une question m'est chère, sur laquelle j'aimerais quelques précisions, puisque vous êtes aussi le ministre de la consommation : celle des associations de consommateurs. Quelle sera votre politique dans ce domaine pour l'année à venir ? En effet, la protection des consommateurs passe par une action forte de leurs représentants, qu'il faut donc soutenir.

Vous le voyez, monsieur le ministre, votre action, hors quelques mesures intéressantes si elles se confirment, suscite beaucoup de craintes et d'incertitudes. Vous comprendrez, dans ces conditions, que nous ne puissions voter votre budget.

M. le président. Quel regret !

Pour le groupe UMP, la parole est à Mme Marcelle Ramonet.

Mme Marcelle Ramonet. Les TPE et PME jouent un rôle moteur dans l'économie et dans la création d'emplois. Elles représentent 60 % des emplois du secteur marchand, 53 % de la valeur ajoutée, 41 % des investissements et 30 % des exportations.

Depuis 2002, les réformes engagées ont considérablement changé notre paysage économique en levant des freins économiques, juridiques, fiscaux, en réconciliant par conséquent l'État et les entreprises, seules créatrices d'emplois et de richesses pour notre pays.

La création d'entreprises est l'enjeu primordial pour la société française, pour notre économie et pour nos concitoyens. Toutes les énergies doivent tendre vers cet objectif et cela implique une mobilisation au niveau national, là où se décident les mesures législatives, fiscales notamment, propres à créer cet environnement propice à la création d'entreprises, mais aussi à s'exercer au plus près du terrain.

C'est pourquoi je tiens à saluer la mise en place un peu partout en France des comités d'initiative économique locale, les CIEL, qui permettent d'agir par un ancrage sur la réalité de nos territoires.

De fait, le mouvement favorable des créations d'entreprises en France, largement engagé en 2003, s'est amplifié en 2004, avec environ 27 000 créations ou reprises d'entreprises par mois.

Monsieur le ministre, je considère que votre projet de budget pour 2005 est assurément favorable aux entreprises et donc à l'emploi. Il donne une réelle lisibilité et traduit une volonté de simplification pour aller vers des actions prioritaires et efficaces.

L'effort de l'État en faveur des PME s'élèvera au final en 2005 à 21,79 milliards d'euros, le volet fiscal représentant 4,65 milliards d'euros.

Je citerai quelques exemples des dispositions de la loi de finances en faveur des entreprises. L'année 2005 sera marquée par la diminution du taux de l'impôt sur les sociétés. La suppression en deux ans de la contribution additionnelle permettra de ramener le taux effectif d'imposition à 33,33 %, contre 34,33 % actuellement.


Le dégrèvement temporaire de la taxe professionnelle pour les investissements productifs des entreprises réalisés entre le 1er janvier 2004 et le 30 juin 2005 sera prolongé jusqu'au 31 décembre 2005. Un crédit d'impôt pour les dépenses de prospection commerciale hors de l'Union européenne sera mis en place, ainsi que la contribution au développement de l'apprentissage. En parallèle, un crédit d'impôt de 1 600 à 2 200 euros par apprenti est prévu par le projet de loi de cohésion sociale.

Pour lutter contre les délocalisations, des actions importantes sont prévues, comme un crédit de taxe professionnelle de 1 000 euros par an et par salarié pour les entreprises situées dans des zones du territoire exposées aux délocalisations et aux restructurations industrielles, le crédit d'impôt en faveur des entreprises qui relocalisent leur activité en France et la mise en place de pôles de compétitivité.

Il importe, monsieur le ministre, que vous réaffirmiez ici deux principes forts pour mettre fin à des rumeurs entretenues depuis quelques mois, qu'ont évoquées certains intervenants et le président Ollier, selon lesquelles l'État se désengagerait des contrats de plan État-région ou du FISAC.

Grâce à ce budget, aux effets de la première loi sur l'initiative économique et au vote de la seconde loi sur ce thème, 2005 sera l'année des entreprises. Des réflexions sont menées depuis des mois. Avec le groupe UMP, j'appelle de mes vœux une action forte, volontariste et pragmatique en faveur du statut de l'entreprise, de l'entrepreneur et de son conjoint, ainsi que du financement, du développement et de la transmission des entreprises. Je souhaiterais donc connaître votre position sur ces points et les axes que vous entendez privilégier dans la perspective de la seconde loi sur l'initiative économique.

Monsieur le ministre, le soutien du groupe UMP vous est acquis car nous plaçons le secteur des PME, du commerce et de l'artisanat au cœur de notre engagement.

M. le président. Pour le groupe des députés communistes et républicains, la parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Ce budget s'inscrit, comme beaucoup d'autres, dans un mouvement de baisse régulière des crédits et révèle une contradiction entre l'affirmation d'un développement d'entreprises créatrices de richesses et d'emplois et une logique libérale qui se traduit par toujours moins d'État et d'interventions publiques. Il est bien en deçà de ce que promettaient vos effets d'annonce pour le développement des petites et moyennes entreprises, de l'artisanat et du commerce dans notre pays.

Je tiens à soulever quelques points. Tout d'abord, monsieur le ministre, ni vous ni les intervenants qui m'ont précédé n'avez évoqué l'étranglement des petites et moyennes entreprises par leurs donneurs d'ordres. Sur le terrain, les petites entreprises qui travaillent pour des entreprises plus importantes, par exemple dans le secteur automobile, nous disent les difficultés qu'elles ont à s'aligner sur les prix qui leur sont imposés. Elles sont également soumises à la menace constante d'une fabrication à l'étranger, qui les dépouille en outre de leur technologie. Dans le secteur de l'automobile, par exemple, des moulistes peuvent ainsi, après avoir reçu les premières commandes, voir leur donneur d'ordres transférer ailleurs la fabrication.

Quelles mesures comptez-vous prendre pour mettre fin à cette politique d'étranglement des petites et moyennes entreprises ?

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

M. André Chassaigne. Il faut souligner par ailleurs les difficultés que rencontrent ces entreprises dans leurs relations avec les banques. Chaque jour, sur le terrain, nous entendons dire que ceux qui veulent investir, créer de l'emploi, créer et développer des entreprises, en recourant notamment à des technologies nouvelles et à des transferts de technologie en lien avec la recherche, ne peuvent obtenir de crédits. Les banques de notre pays choisissent en effet la facilité et préfèrent gagner de l'argent en gérant les comptes des particuliers ou en spéculant au profit des grandes entreprises qui réalisent des OPA, au mépris des demandes exprimées dans nos territoires par les petites et moyennes entreprises.

En troisième lieu, je rappellerai les difficultés auxquelles se heurte la mise en œuvre de l'observatoire des difficultés des entreprises. Ce dispositif manque de réactivité. Ainsi, on ferme des succursales de la Banque de France qui jouaient un rôle d'accompagnement auprès des PME, et celles-ci sont désormais livrées à elles-mêmes pour faire face aux difficultés conjoncturelles qu'elles peuvent rencontrer. Quels partenariats avec les services de l'État - comme le Trésor public ou les préfectures - peuvent permettre aux entreprises de passer le cap de ces difficultés ?

Je souhaiterais également connaître votre sentiment sur la mise en œuvre éventuelle du rapport Canivet et ses conséquences possibles pour les petits commerces et les petits fournisseurs. Ne risquons-nous pas de connaître une véritable guerre des prix qui, au nom de la consommation et de l'accompagnement de la grande distribution, pourrait avoir des conséquences catastrophiques pour les petites et moyennes entreprises ?

Quant à l'économie solidaire, qui n'a pas été évoquée, nous pensons que, sur les territoires ruraux, une réponse en ce sens est possible, même si elle est partielle et ne représente qu'une niche en termes de production. Avec les sociétés coopératives ouvrières de production, les SCOP, ou d'autres formules nouvelles, comme les sociétés civiles d'investissement coopératif, les SCIC, il est possible de développer des entreprises relevant de l'économie solidaire, notamment dans le secteur des pépinières ou couveuses d'entreprises dans les territoires ruraux. Cela suppose toutefois un engagement plus important de l'État.

M. le président. Pour le groupe UDF, la parole est à M. Rodolphe Thomas.

M. Rodolphe Thomas. Monsieur le ministre, je tiens tout d'abord à souligner l'importance d'une politique en faveur des PME, qui sont dans notre pays, comme l'a rappelé M. Descamps, 2,4 millions, représentant 99 % des entreprises et employant 8,3 millions de salariés. Il importe donc de mettre en œuvre un vrai plan d'action pour les artisans, commerçants et indépendants de notre pays. De nombreux points de réforme font trop souvent l'objet d'annonces parfois contradictoires.

La politique annoncée par le Gouvernement doit se traduire par un ensemble de mesures visant notamment à soutenir les entreprises innovantes, améliorer le financement des PME, limiter les procédures administratives complexes et favoriser une dynamique des acteurs.

Le projet de loi de finances pour 2005 est l'occasion de faire entendre les nombreuses demandes des entrepreneurs de notre pays. Des détaillants ont récemment sollicité une action forte des pouvoirs publics. Outre l'importance que revêt, en termes de cohésion sociale, un maillage équilibré des commerces de proximité, je rappelle que le commerce de détail représente une grande part de marché et génère des milliers d'emplois.

Dans le cadre du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce, le FISAC, les commerces de détail souhaitent la création d'un fonds spécifique pour le développement de nouveaux magasins dans les quartiers, à hauteur de 7 millions d'euros pendant trois ans et plafonné à 50 000 euros par magasin. Cela permettrait selon eux l'installation de nouveaux magasins et la création de milliers d'emplois directs.

Le FISAC a été créé en 1989 pour répondre aux menaces pesant sur l'existence de l'offre commerciale et artisanale à proximité des zones rurales ou urbaines fragilisées par les évolutions économiques et sociales. Pour la troisième année consécutive, la dotation du FISAC est stable avec 71 millions d'euros. Mais, dans le cadre de l'accord conclu à Bercy le 17 juin sur la baisse des prix, Nicolas Sarkozy a annoncé une dotation supplémentaire de 29 millions d'euros pour le FISAC, qui devrait être proposée dans le cadre de la loi de finances rectificative. Nous souhaiterions donc savoir si le Gouvernement envisage une mise à l'étude de cette mesure en faveur des détaillants dans le cadre des augmentations de crédits du FISAC en loi de finances rectificative.

Par ailleurs, le groupe UDF se réjouit que des propositions concrètes aient été formulées pour supprimer les marges arrière. Les solutions doivent être étudiées dans le détail. Il faut rendre plus transparentes et plus équilibrées les relations commerciales entre les producteurs et la grande distribution.

Le dossier de la baisse des prix à la consommation ne peut être abordé sans une réforme durable de l'ensemble de notre système de concurrence, qui doit concerner les relations d'entente entre les centrales d'achat, les rapports commerciaux entre les différents types de producteurs et distributeurs et les conditions de la concurrence entre grande distribution et commerce de détail et de proximité.

C'est pourquoi le groupe UDF avait - mais en vain - demandé au Gouvernement de ne pas légiférer dans l'urgence et avait proposé la création d'une commission d'enquête parlementaire sur ces sujets. Le groupe UMP a finalement décidé de créer une mission d'information après avoir pris conscience des « vives inquiétudes » qui se sont manifestées notamment chez les artisans et commerçants.

Le ministère des finances a commencé à rédiger le projet de loi réformant la loi Galland sur les prix, qui prévoit l'élimination des marges arrière dans les trois prochaines années en abaissant le seuil de revente à perte. Le texte devrait être transmis au Conseil d'État avant la fin du mois de novembre. Nous en prenons acte, tout en regrettant une fois encore le retard pris par le Parlement à se saisir de sujets qui concernent des millions de Français et ne peuvent être laissés à la seule appréciation des experts, aussi compétents soient-ils.

En ce qui concerne le régime social des indépendants - le RSI -, je rappelle que l'UDF a été à l'origine de la démarche qui a conduit les acteurs de la protection sociale des travailleurs indépendants à s'engager dans un processus historique de rapprochement des caisses ORGANIC, CANCAVA et CANAM. Cette avancée pour les commerçants et les artisans a abouti à la création du RSI et à la mise en place de l'interlocuteur social unique, l'ISU, dans le cadre du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit et à légiférer par ordonnances.

Un désaccord subsiste toutefois à propos de l'Interlocuteur social unique et des missions qui devaient lui être dévolues en matière de recouvrement des cotisations. Le Groupe UDF avait demandé que le RSI assure lui-même le rôle d'interlocuteur social unique auprès des artisans et des commerçants et puisse déléguer aux URSSAF - et seulement s'il le juge utile - certaines missions liées au recouvrement des cotisations et contributions des travailleurs indépendants. Cette proposition a toutefois été repoussée par l'Assemblée nationale, mais le problème subsiste : il serait bon de pouvoir le résoudre et d'entendre notamment les propositions des ORGANIC sur le partage des tâches dans le cadre du nouveau RSI.

Je souhaiterais enfin connaître la position du Gouvernement sur la TVA sociale. Dans le contexte quotidien des délocalisations d'entreprises, remplacer une partie des cotisations employeur par la TVA sociale aurait le double avantage de taxer les produits importés au même titre que ceux qui sont fabriqués en France et de renforcer ainsi la compétitivité de ces derniers à l'exportation. Le dispositif ayant fait ses preuves au Danemark, l'instauration d'une TVA sociale en France permettrait à nos entreprises d'être mieux armées dans la lutte pour une meilleure compétitivité en faisant basculer vers la consommation le coût de la protection sociale du travail. Je rappelle que cette proposition est soutenue par le président de la commission des finances du Sénat, Jean Arthuis. Il serait intéressant de connaître l'avis du ministre sur cette grande réforme de notre fiscalité.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Pour répondre aux différents intervenants, je regrouperai par thèmes les questions posées.

Pour ce qui est du FISAC, à propos duquel les deux rapporteurs et de nombreux intervenants m'ont interrogé, l'objectif est très clair : procéder à une augmentation de 29 millions d'euros, qui a fait l'objet d'un accord au terme de plusieurs mois de discussions. À l'heure actuelle, il est prévu d'inscrire cette augmentation dans la loi de finances rectificative.


Mais nous verrons en fonction de la date d'examen de cette loi rectificative. Par souci de cohérence, il sera peut-être possible de faire voter cette mesure lors de la deuxième lecture. De toute façon, quant au montant global, l'engagement du Gouvernement sera tenu.

Cela me permet de faire un aparté : j'ai été déçu, monsieur Vergnier, parce que vous m'avez annoncé que vous ne voteriez pas mon budget, sans même attendre mes réponses ! Cela m'a beaucoup chagriné. (Sourires.)

M. Michel Vergnier. Parce que je l'ai analysé !

M. le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Vous avez notamment pris comme argument les baisses de crédits. Vous avez comparé les 167, 65 millions d'euros prévus pour 2005 et les quelque 170 millions votés l'année dernière. Mais nous allons augmenter le FISAC de 29 millions d'euros, auxquels s'ajoutent les mesures en faveur des entreprises. Nous allons également développer les dispositifs d'aide. 19% des dépenses fiscales iront droit aux entreprises, sur un total de 4,5 milliards d'euros. L'effort en faveur des entreprises et de la création d'activités et d'emplois est donc vraiment significatif. Je tenais à apporter ces éléments d'information parce que je suis sûr que cela va changer la nature de votre vote.

M. Michel Vergnier. Il faut comparer ce qui est comparable.

M. le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. S'agissant de l'utilisation du FISAC, le nombre de dossiers qui nous remontent des communes est en très forte augmentation. Et je sais qu'il y a, malheureusement, des délais d'attente pour des raisons de trésorerie. Mais je répète que l'objectif est d'accroître les fonds et d'avoir l'efficacité la plus importante. Croyez-moi : on fait le maximum pour instruire les dossiers dans les meilleurs délais. Mais, parfois, même si je sais que les maires y sont attentifs, il y a des lacunes dans des petits dossiers, ce qui suscite des allers et retours. Vous êtes plusieurs à intervenir régulièrement auprès de mon ministère pour me dire qu'un dossier a pris du retard. Il manque souvent une ou deux pièces jointes et on prend ainsi deux mois de retard. Sachez que nous y sommes attentifs et qu'il y aura une augmentation tout à fait significative du fonds : plus 40 %.

Un autre point a été évoqué par plusieurs d'entre vous, notamment par Jean-Jacques Descamps : le regroupement BDPME-ANVAR et, pourquoi pas, la possibilité d'y adjoindre l'APCE. Il y a des liens très étroits entre eux. Mais il s'agit de deux modes de fonctionnement différents. D'un côté il y a un outil, l'APCE, de conseil aux entreprises et, de l'autre, l'ANVAR et la BDPME, qui gèrent des lignes de garantie ou de crédits pour faire de l'intervention directe. Mais les deux outils travaillent en parfaite coordination. Nous allons d'ailleurs veiller, dans les prochaines semaines, à renforcer encore celle-ci. Car vous avez raison de souligner, monsieur Descamps, que l'objectif est d'être le plus efficace possible non seulement en faveur de l'entreprise, de la création d'entreprises, mais aussi de la création d'activités. Nous nous inscrivons complètement dans cette démarche.

S'agissant de la TACA, plusieurs d'entre vous sont intervenus. Je ne reviens pas sur l'historique que chacun connaît, marqué notamment par la suppression de la taxe à l'équarrissage et la mise en place de la TACA. Pour des raisons qui ont été évoquées, les décrets n'ont pas été pris. Il faut donc maintenant trouver très rapidement une solution. J'ai évoqué dans mon propos liminaire à la fois la difficulté de cumuler deux années en une et le problème de la base de l'assiette. Il faut étudier toutes les propositions que vous avez faites, mesdames, messieurs les députés. Je sais que Serge Poignant est très attaché à ce sujet. Nous traitons en ce moment cette question avec Dominique Bussereau et avec les services du Premier ministre, avec l'objectif de trouver, avant le vote final de la loi de finances, une solution conforme à toutes les remarques de bon sens que vous nous faites remonter.

Concernant les créations d'entreprises, Serge poignant et Marcelle Ramonet ont rappelé qu'il y a une augmentation très significative en ce domaine. Je tiens à insister là-dessus car il faut savoir tirer le bilan des actions qui sont engagées. Pour la loi initiative économique - la deuxième sera une loi entreprises, de nature différente -, les résultats sont là. En chiffres nets, nous étions, il y a un peu plus de deux ans, à moins de 200 000 entreprises créées par an ; nous allons finir l'année avec 240 000 entreprises nouvelles. Chaque fois qu'une société se crée, c'est un jalon planté pour l'emploi, pour l'activité. Il faut donc rappeler que les mesures que vous avez votées ces deux dernières années ont tout à fait porté leurs fruits.

Quant aux commerçants ambulants, j'ai pris bonne note de votre remarque, monsieur Vergnier. Ils sont pénalisés plus que d'autres par le coût du transport. Nous les aidons dans le cadre du FISAC.

S'agissant de la loi Galland, évoquée par Serge Poignant, je vais prendre un peu de temps pour en parler.

Tout d'abord, monsieur Chassaigne, vous m'avez interrogé sur le rapport Canivet. Je considère que c'est un excellent rapport qui contient de nombreuses propositions tout à fait intéressantes. Je pense notamment à celles sur les sanctions, sur les délais de jugement, sur la définition de la coopération commerciale. Il y a beaucoup de propositions que l'on pourrait tout à fait reprendre. Mais il y en a d'autres sur lesquelles je suis réservé, et je m'en suis expliqué très largement. Il faut, sur ce sujet, prendre du temps. C'est pourquoi je me félicite de l'initiative de Patrick Ollier consistant à mettre en place une mission d'information. Celle-ci va vous permettre, avec les relais que vous avez sur le terrain, d'enrichir les propositions en ce domaine. Rien ne serait pire que de trancher à la hâte sur un tel dossier. Ainsi, la proposition du triple net, qui a souvent été évoquée : dans la salaisonnerie, les taux de marge arrière sont les plus élevés, parfois de 60 %. Que signifierait alors un prix que l'on diminuerait non seulement du double net, c'est-à-dire des rabais, ristournes et remises, mais en plus des marges arrière ? Le prix baisserait de plus de 60 %. Cela n'aurait aucun sens ! C'est pourquoi je pense qu'il faut prendre le temps de définir ce qui relève de la coopération commerciale, ce qui constitue le travail normal d'un distributeur - prendre un produit et le placer sur un étal -, et qui ne doit pas être payé par le fournisseur. C'est la prestation normale d'un commerçant. Tout cela mérite d'être défini avec beaucoup de précision.

Mais il faut aussi tester un certain nombre de pratiques susceptibles d'évoluer. Je reviens d'un déplacement aux Pays-Bas où je me suis rendu avec l'ensemble des acteurs économiques concernés par ce sujet, notamment la fédération des entreprises du commerce et de la distribution, des représentants de la CGPME, de la confédération générale de l'alimentation de détail - pour le commerce de proximité -, ainsi que de l'Association nationale des industries alimentaires, et tous les représentants des grandes marques. Nous sommes allés voir ce qui s'est passé avec l'opération Ahold. Il y a un an, les prix ont été baissés, en moyenne, de 3 %, et jusqu'à 10 % sur les principales références. Un an après, le constat est sans appel : 17 000 emplois supprimés, soit 10 000 équivalents temps plein. Ce sont les chiffres que nous a donnés le gouvernement néerlandais.

Voilà pourquoi, monsieur Thomas, je ne veux pas travailler dans la précipitation sur un tel sujet. la mission d'information souhaitée par Patrick Ollier est frappée au coin du bon sens. Parallèlement, je souhaite mettre en place un groupe de travail, avec l'ensemble des acteurs économiques concernés par ce sujet. Ses travaux seront enrichis par ceux de votre commission. Car la loi Galland est appliquée depuis une dizaine d'années et il est légitime de faire le point et d'examiner ce qui mériterait d'être aménagé dans le code du commerce.

Il en est de même pour la loi Raffarin, à propos de laquelle serge Poignant m'a également interrogé. Là aussi, je ne suis pas favorable au système mécanique d'agrandissement, au système des droits de tirage : sous prétexte qu'un tel posséderait un magasin de tant de mètres carrés il aurait, x années après, automatiquement le droit de s'agrandir. Il faut, là aussi, prendre le temps de la concertation, avec les acteurs économiques, avec les élus locaux, qui mesurent bien l'impact d'un agrandissement. Il y a sans doute des mesures d'aménagement et de simplification à envisager. Un excellent rapport a été fait par le sénateur Fouché sur ce sujet. Il faut s'en inspirer et prendre le temps d'examiner l'ensemble des propositions du rapport Canivet, de celui du sénateur Fouché et de la mission d'information. Ensemble, donnons-nous deux à quatre mois pour faire des propositions d'aménagement du code du commerce.

S'agissant de la future loi entreprises, je me suis exprimé assez largement dans mon propos liminaire. Je crois que vous en avez tous bien cerné les axes. L'ensemble des propositions émises par les groupes de travail que Serge Poignant et Emmanuel Hamelin ont animés sont disponibles sur le site du ministère. Il y en a une quarantaine. Ce que j'attends de vous, c'est que vous me disiez, lorsque vous les confrontez à la réalité du terrain, comment les gens réagissent et comment on peut construire au mieux une loi sur les entreprises qui favorise le plus possible la création, le développement, la création d'emplois et les transmissions d'entreprises.

Parmi les autres points qui ont été évoqués, il y a le régime social des indépendants, le RSI. Il convient de distinguer, monsieur Thomas, ce qui relève de la loi et ce qui relève des ordonnances. Sur ce dernier point, nous travaillons en étroite relation avec les trois caisses concernées : La CANAM, la CANCAVA et l'ORGANIC. C'est le principe de la délégation qui a été retenu et nous nous engageons à mettre en place le RSI. Il y aura une période transitoire, l'objectif étant qu'elle soit la plus courte possible, mais qu'elle nous permette tout de même de tester les choses. Je pense donc qu'elle sera d'une durée d'un an à dix-huit mois, de façon que le dispositif soit mis en place dans les meilleures conditions.

Pour ce qui est des associations de consommateurs, je signale simplement qu'elles n'ont pas fait l'objet de régulation budgétaire. Les crédits sont donc maintenus.


S'agissant de l'accord qui a été conclu sur la TVA, vous connaissez l'objectif, qui a été rappelé à plusieurs reprises : nous devons aboutir le 1er janvier 2006. L'UMIH s'est engagée à créer 40 000 emplois en contrepartie de l'allégement des charges sociales. Il faudra évaluer les choses le moment venu, et voir cela avec le ministère du budget. Je n'ai pas en ma possession les éléments qui permettent de chiffrer exactement les créations d'emplois qui ont été générées. Mais il faudra bien évidemment faire le point, vous avez raison de le souligner.

Je pense avoir fait à peu près le tour des questions que vous avez soulevées.

M. André Chassaigne. Vous n'avez pas répondu sur l'économie solidaire.

M. le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. L'économie solidaire, voilà une bonne question.

Vous savez, ma conception de la solidarité est que le rôle de l'État n'est pas de se substituer à l'entreprise. Chaque fois qu'il l'a fait, le moins que l'on puisse dire, c'est que cela n'a pas été couronné de succès. Le rôle des pouvoirs publics est en revanche de créer un environnement qui soit le plus favorable au développement économique. C'est ce que nous faisons avec les fonds du FISAC et avec les aménagements fiscaux. Chaque fois que l'État peut générer de l'activité ou de la dynamique, il doit le faire, la richesse devant être répartie au mieux. C'est ce que font les entreprises dès qu'elles disposent de la souplesse nécessaire.

Dans un contexte marqué par une croissance extrêmement faible, qui, Dieu merci, est plus favorable aujourd'hui que l'année dernière, notre action bénéficiera à tous. La première exigence de la solidarité, c'est de développer l'emploi, et c'est à quoi s'attache le Gouvernement. Je rappelle que, en deux ans, nous sommes passés de 200 000 à 240 000 créations nettes d'entreprises. Or chaque création d'entreprise est un potentiel de création d'emplois et de richesse. C'est dans cette logique qu'il faut s'inscrire, en faisant tout pour développer la création et la pérennité des entreprises. Je parlais tout à l'heure de fonds de roulement, de provisions pour investissement, de fonds de garantie : c'est dans cette logique que s'inscrivent les mesures que nous prenons.

M. le président. Sept orateurs demandent la parole.

Je rappelle, après Patrick Ollier, que la règle est de respecter un temps de parole de deux minutes, quitte à reprendre la parole ensuite. Si nous ne respectons pas cette règle, nous tuons le débat.

La parole est à M. Jean-Paul Charié.

M. Jean-Paul Charié. Il ne faut pas tuer le débat, mais il ne faut pas non plus tuer les PME. Monsieur le ministre, tout ce que vous faites, tout ce que le Gouvernement fait ou a l'intention de faire, tout ce que notre majorité fait ou a l'intention de faire, tout cela ne sert à rien si les PME sont rackettées par leurs donneurs d'ordres et, à cause de la pression de leurs clients, ne dégagent pas de marges d'exploitation et n'ont aucune visibilité.

Tout cela ne sert à rien si nos discours ne sont pas concrétisés dans les faits. Je ne donnerai que trois exemples : l'exonération sur la transmission de fonds de commerce ; l'UGAP ; le seuil de vente à perte.

Cet été, nous avons voté une exonération de droits sur la transmission de fonds de commerce jusqu'à 300 000 euros. Nous avions dit que, dans notre esprit, il s'agissait de pérenniser le fonds de commerce quand un commerçant vend à un autre commerçant. C'est ainsi que nous avons annoncé à tous les commerçants qu'ils allaient bénéficier de cette exonération. Or les services fiscaux considèrent que cette mesure ne concerne pas les fonds de commerce et les fonds d'entreprises artisanales !

Deuxième exemple, on dit qu'il faut pérenniser et soutenir nos commerces traditionnels dans les centres-villes. Or les nouvelles règles d'appel d'offres de l'UGAP obligent les communes à ne plus passer par les commerces de proximité.

Troisième exemple : les marges arrière. La loi Galland a institué un seuil de revente à perte. Grâce à ce seuil, que nous avons bien défini en 1996, il n'y a plus de baguette de pain à quinze centimes, ni de longe de porc vendue en dessous du prix de revient. Nous avons ainsi permis une loyauté de la concurrence. Le seuil de revente à perte n'est pas à l'origine ni n'est la justification de l'augmentation des marges arrière.

Si c'était le cas, les marges arrière auraient aussi augmenté dans le secteur du bricolage ou du monde du jardin. Or elles n'ont pas augmenté.

Si c'était le cas, les marges arrière auraient aussi augmenté pour les marques de distributeurs ou les marques à prix bas. Or elles n'ont pas augmenté.

Si c'était le cas, les marges arrière auraient aussi augmenté dans les relations entre les fournisseurs PME et le secteur de la transformation industrielle. Or ce n'est pas ce que l'on constate.

Que s'est-il passé ? C'est uniquement parce que nous n'avons pas appliqué la loi qui interdit les fausses factures que la grande distribution les a développées, ce qui est en train d'asphyxier nos petites et moyennes entreprises. Vous avez vous-même dit, monsieur le ministre, que jusqu'à 60 % de ce qui est facturé par un producteur à une grande surface est refacturé au producteur. Aujourd'hui, d'après un rapport de la DGCCRF, on facture des services qui sont rendus par le producteur à la grande distribution. On facture cinq ou dix têtes de gondole le même jour alors qu'on ne peut en faire qu'une. Le nombre de fausses factures est impressionnant. Il suffirait d'appliquer la loi pour que nos petites et moyennes entreprises puissent baisser leurs tarifs, retrouver une marge d'exploitation et devenir plus compétitives vis-à-vis de leurs concurrents.

Que pensez-vous de ces trois points, monsieur le ministre, et notamment du fait que nous sommes, vis-à-vis des PME, un peu en décalage avec la réalité du terrain ? Vous connaissez mon engagement auprès des PME et ma loyauté à votre égard. Si je suis très sévère, c'est pour mieux vous aider.

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli.

M. Hervé Novelli. Je voudrais vous féliciter, monsieur le ministre, pour ce que vous faites et ce que vous entendez faire dans les années qui viennent.

Beaucoup a été fait depuis une décennie pour favoriser la création et le développement des entreprises. C'est là un constat : entre la loi Madelin de 1994 et la loi Dutreil de 2002, il s'est passé huit ans. Et il y aura peut-être moins de deux ans entre la loi Dutreil et ce que la postérité retiendra, je l'espère, sous le nom de loi Jacob. C'est dire que les pouvoirs publics, notamment notre majorité, et nous nous en réjouissons, « mettent le paquet » sur la création et le développement des entreprises. Beaucoup a été fait dans plusieurs domaines, notamment celui de la fiscalité, où il n'y a aucune commune mesure entre toutes les dispositions qui ont été prises et ce qui existait auparavant. Vous vous apprêtez d'ailleurs à en prendre d'autres. En matière de soutien à la transmission, de bonnes choses ont été faites. Vous avez aussi souligné l'importance de la simplification.

Aujourd'hui, les PME demandent un soutien et un accompagnement en ce qui concerne le problème du droit du travail. À cet égard, je souhaiterais que vous puissiez vous rapprocher de votre collègue des affaires sociales. Car s'il y a bien un point qui me semble fondamental dans les années qui viennent, c'est celui de l'allégement du droit du travail pour les petites et moyennes entreprises. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'elles ne sont pas dans une situation d'égalité par rapport aux grandes, comme nous l'avons tous souligné. Si toutes les dispositions que vous prenez et que vous vous apprêtez à prendre, qui sont bonnes, ne sont pas accompagnées d'un dispositif d'allégement de toute la réglementation sociale et du droit du travail en direction des petites et moyennes entreprises, vous passerez à côté du problème majeur qui reste à régler.

Je prendrai l'exemple des 35 heures. Je n'entrerai pas dans le détail de toutes leurs implications, car je crois que nous en avons suffisamment parlé. Elles ont aujourd'hui des effets pervers, même dans les entreprises de moins de vingt salariés qui ne les appliquent pas. Aujourd'hui, les salariés sont moins attirés par les petites entreprises, notamment du fait que les fameuses RTT n'y sont pas appliquées. On a là une discrimination forte, qu'il faut à mon avis compenser. Je n'emploierai pas le terme de discrimination positive, mais c'est un peu l'idée. Si nous ne sommes pas capables de réformer suffisamment pour supprimer complètement le décalage entre PME et grandes entreprises, allégeons au moins le droit du travail dans les petites et moyennes entreprises et nous aurons fait beaucoup.

Au-delà de cette question générale, à laquelle je vous demande vraiment d'être attentif, parce que je pense que c'est le problème majeur qui va se poser dans les années qui viennent, je voudrais poser deux questions très ponctuelles.

Sur la LOLF, d'abord, il me semble que vous n'avez pas répondu. Je voudrais reprendre ce qu'a dit mon collègue Jean-Jacques Descamps, et qui me semble très important. Dans les années qui viennent, nous aurons un programme général de développement économique, dans lequel les crédits des PME seront fondus. Nous avons là un problème de contrôle. Nous nous arrangerons, à la commission des finances, pour que ce contrôle soit efficient. Mais si, à ces changements comptables et budgétaires, ne correspondent pas des changements au niveau ministériel, nous aurons du mal à savoir qui fait quoi et qui est responsable de quoi. Car l'année prochaine, nous devrions avoir en face de nous, nonobstant la qualité du ministre, les directeurs des programmes ou des missions. Voilà pourquoi la réforme des ministères est indispensable. Sans une telle réforme, nous aurons la même discussion l'an prochain, mais sans avoir les bons interlocuteurs, ceux auxquels nous devrons adresser nos commentaires.

Dernier point : les ORAC. Le FISAC déconcentré aux régions dans les années qui viennent, cela va poser un problème. Lorsque le Gouvernement impulse une politique, il le fait actuellement au moyen du FISAC, qui est le support d'une politique nationale en direction des petites et moyennes entreprises. Par contre, autant de régions, autant de FISAC déconcentrés, autant de risques de politiques différentes. Il me semble important de vérifier que les orientations nationales en direction des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat qui sont mises en œuvre au moyen du FISAC perdurent au-delà de la déconcentration des crédits, et qu'elles ne soient pas soumises à des variations, au gré de telle ou telle orientation régionale.

M. le président. Je trouve là un Hervé Novelli centralisateur, ce qui m'étonne ! (Sourires.)

M. Hervé Novelli. Pas du tout ! Je tiens à ce que la liberté perdure, au-delà de la déconcentration.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Ce qui perdure, c'est l'obsession de M. Novelli de réformer le code du travail.

Monsieur le ministre, le Gouvernement a choisi un terrain d'expérience, celui de la restauration. Mon collègue du groupe socialiste a posé tout à l'heure la question de savoir quels étaient les résultats. On baisse les cotisations, pour ne pas dire les charges, on assouplit considérablement la réduction du temps de travail, soit. Mais je vous donne rendez-vous au moment où l'on dressera le bilan de cette expérience. On verra bien si le fait d'exaucer les vœux de M. Novelli donne des résultats en termes d'emplois !

Il me semble qu'il y a des problèmes à résoudre et des chantiers à ouvrir avant de toucher au code du travail. J'en citerai deux.

Le premier correspond à ce que j'appellerai le coup du banquier en vacances. Je m'explique. Combien de fois des PME, en août ou en juillet, sont confrontées, dans leur banque, à un autre interlocuteur que leur interlocuteur habituel ? Ne connaissant ni l'entreprise ni le chef d'entreprise, il prend des décisions à la va-vite et met en péril la PME ou l'artisan en question.


Il conviendrait, à l'avenir, de faire en sorte que certaines décisions graves concernant les entreprises ne puissent être prises sans y associer l'interlocuteur habituel. Je n'ai pas de solution mais, pour avoir vécu la scène à plusieurs reprises, je vous livre cette réflexion. J'imagine d'ailleurs que certains de mes collègues peuvent témoigner dans le même sens. Supprimer les vacances, me dirait M. Novelli, n'est peut-être pas la meilleure solution.

Ma seconde remarque est extrêmement sérieuse, monsieur le ministre, vous ne l'avez pas évoquée dans les chantiers que vous avez ouverts. De nombreux intéressés, aujourd'hui, ne peuvent accéder à la création d'entreprises parce que les assurances ne sont pas au rendez-vous des risques que leurs métiers - je pense entre autres aux bureaux d'études - les obligent à prendre. Or, vous le savez, faute d'être assurées, un certain nombre d'activités professionnelles ne peuvent pas voir le jour. Lorsque toutes les assurances leur ferment les portes sans raisons valables, les projets d'entreprise ne peuvent pas naître. Il est donc nécessaire de mettre en place un système de mutualisation du risque en cas de nouvelle activité, parce qu'il est paradoxal de demander à quelqu'un qui crée son entreprise d'avoir de l'expérience ! Certes, ce n'est pas nouveau, mais c'est un véritable frein à la création d'activité dans un certain nombre de domaines.

M. le président. La parole est à M. Michel Raison.

M. Michel Raison. Je poserai deux questions. La première, sur laquelle je serai assez bref, porte sur la loi Galland, puisque mon collègue Charié en a beaucoup parlé et que le ministre a déjà donné quelques éléments de réponse. Quelle méthode de travail devra-t-on suivre quant à une éventuelle réforme de la loi Galland ? Dans quel but devons-nous la réformer ? S'il s'agit simplement d'aider la grande distribution à lutter contre ses pertes de parts de marché par rapport au hard discount, ou de faire baisser les prix jusqu'à laisser croire au consommateur qu'il pourra un jour aller faire ses courses quasi gratuitement, je n'en vois pas l'intérêt. Donc nous devrons nous poser ces questions en matière de seuil de revente à perte. Rien que ce terme est déjà en soi anormal, puisque une entreprise commerciale ne peut pas revendre à perte, à moins de répercuter ses charges sur un autre produit fourni par une PME qui rencontrera des difficultés dans sa lutte avec la grande distribution.

Ma deuxième question porte sur la taxe professionnelle. Elle a déjà fait l'objet d'un plafonnement à hauteur de 3,5 % de la valeur ajoutée pour que certaines entreprises ne supportent pas une imposition trop lourde, la différence étant prise en charge par l'État afin de ne pas pénaliser les collectivités locales. La taxe professionnelle peut néanmoins représenter des montants considérables pour les petites entreprises. Les salaires représentent en moyenne un tiers de la valeur ajoutée dans les entreprises françaises. La réforme est certes en cours. Afin d'écrêter cette taxe pour les entreprises dans lesquelles la part de main-d'œuvre est supérieure à la moyenne nationale, ne pourrait-on pas prévoir un plafonnement fondé sur la différence entre la valeur ajoutée et la masse salariale à hauteur de 5 %, par exemple ? Cette mesure présenterait également l'intérêt de lutter contre les délocalisations dont souffrent ces entreprises.

En troisième lieu, notre pays souffrant d'une culture de la complexité, je souhaite que les ministres fassent preuve de beaucoup de persévérance et de fermeté dans leur volonté de simplification.

M. le président. Et le Parlement aussi !

M. Michel Raison. En effet, et nous vous aiderons donc dans cette tâche. Nous parlons toujours de simplification, mais tout est encore compliqué. Prenons, en conséquence, ce problème à bras-le-corps !

Acceptez-vous que je pose la question de mon collègue Jacques Bobe, monsieur le président ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Toute à fait, mais vous avez trente secondes, monsieur Raison !

M. Michel Raison, suppléant M. Jacques Bobe. Chacun a pu observer une hausse très nette des prix depuis la mise en place de l'euro. Conscient de cette situation dramatique pour certaines familles à revenus modestes, le Gouvernement a signé, le 17 juin dernier, un accord de baisse des prix en concertation avec la grande distribution et les secteurs de l'agriculture et de l'industrie. Ainsi, une baisse a déjà été enregistrée début septembre et elle devrait continuer à compter du 1er janvier. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Malheureusement, ces dispositions ne règlent pas le problème de la marge arrière qui pénalise les petits commerçants, les PME et le monde agricole. Cela est particulièrement visible dans nos zones rurales, où la concurrence entre les grandes surfaces installées à la sortie des communes et les petits commerçants des centres villes est particulièrement rude. Les grandes surfaces ont pu utiliser comme argument de vente les rabais imposés par le Gouvernement. Des mesures complémentaires avaient été annoncées pour renforcer le plan sans précédent établi au profit du petit commerce, qui contenait notamment des accords d'utilisation de places réservées dans les linéaires des grandes surfaces.

Où en est la réalisation de ces mesures de compensation ? Quelles nouvelles dispositions sont envisagées depuis que la commission d'experts a remis ses conclusions ?

M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost.

Mme Arlette Grosskost. Permettez-moi, monsieur le ministre, de saisir l'occasion de l'examen du budget des petites et moyennes entreprises pour relayer auprès de vous les inquiétudes qui sont exprimées sur le terrain par les dirigeants des PME-TPE.

Avant d'aborder très rapidement l'une ou l'autre question spécifique à ce tissu d'entreprises, qui sera peut-être redondante, permettez-moi de vous faire part de l'impatience des acteurs économiques suite au retard qu'ont pris certains décrets d'application de la loi pour l'initiative économique portée par votre prédécesseur. Nous nous réjouissons, c'est évident, de votre nouveau projet de loi entreprises qui nous donnera un second souffle, notamment en ce qui concerne le statut des conjoints d'artisans et l'apprentissage. Cependant, l'orientation générale des travaux préparatoires de ce projet de loi ne doit pas occulter des problèmes qui restent évidents. Une fiscalité toujours trop peu incitative - le poids cumulé de l'impôt sur les sociétés, de la taxe professionnelle et de la taxe foncière - freine toujours et encore trop à mon gré l'investissement et donc le développement de ces PME. À cet impératif reste lié l'objectif de la baisse des charges sociales que, je le rappelle, les dirigeants des TPE placent toujours en tête de leur classement des actions gouvernementales à mener. La réglementation est encore trop lourde, cela a été souligné. Alors que l'agence des PME se met en place, le mouvement de simplification des formalités administratives doit impérativement être poursuivi. Il en est ainsi du chèque-emploi, qui devrait être élargi à bref délai aux TPE. De même, le régime des 35 heures doit, c'est évident, continuer à être assoupli, plus particulièrement pour les PME-TPE, afin qu'elles puissent rester totalement compétitives. En un mot, il est évident qu'il est urgent de mettre la fiscalité encore mieux au service de l'emploi et de la compétitivité.

Dans le même esprit et toujours au service de l'emploi, il y a lieu de promouvoir la mutualisation de l'emploi dans les petites entreprises par le développement de groupements d'employeurs. Cette question nous a souvent été posée.

Plus généralement, et pour pérenniser au mieux les petites entreprises, il serait opportun de mieux accompagner, en amont et de manière personnalisée, les chefs d'entreprise dans le montage de leurs projets. Ce recours à l'accompagnement en amont, que certains appellent de leurs vœux, pourrait bénéficier de mesures incitatives pour se généraliser et devenir ainsi un réflexe naturel.

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Je partage les propos de notre collègue Hervé Novelli, notamment sur les 35 heures et sur le FISAC. Je vous remercie, monsieur le ministre, de l'annonce d'une augmentation importante de ce fonds. On ne peut que s'en féliciter. Je crois ne pas avoir entendu de réponse à la question de Rodolphe Thomas sur la TVA sociale.

Ma question n'a certes pas de lien direct avec le budget, mais elle revêt, me semble-t-il, une importance certaine.

Plusieurs déclarations sont venues raviver ces derniers mois le débat sur l'ouverture dominicale des grandes surfaces. Nous savons par expérience que ce sujet a toujours donné lieu à un débat vif et à des prises de position tranchées de part et d'autre.

Dans le contexte actuel, je pense qu'il faut agir avec prudence et mesure, car les conséquences d'un éventuel assouplissement de la réglementation en ce domaine ne sauraient être négligeables.

Il est facile d'observer, en effet, que pour nombre d'artisans ou commerçants, une telle mesure serait pénalisante, car elle créerait des conditions de concurrence particulièrement défavorables avec la grande distribution.

Considérant la situation de grande fragilité dans laquelle se trouve le commerce de détail ou de proximité dans de nombreux quartiers de nos villes et villages, il y a lieu de s'interroger sur l'impact d'une telle mesure, qui renforcerait indéniablement la grande distribution et conduirait ainsi à remettre en cause le fragile équilibre qui prévaut aujourd'hui entre ces deux formes de distribution, tout en nuisant gravement à un certain nombre d'activités, notamment culturelles.

Par ailleurs, il convient de regretter qu'une telle orientation semble a priori inspirée par des considérations à caractère économique, voire consumériste, au risque de reléguer au second plan les aspirations ou les préoccupations qui viseraient, à l'inverse, à favoriser une meilleure cohésion sociale et familiale et une qualité de vie pour nos concitoyens par l'amélioration de leur rythme de vie.

Je suis persuadé que ces arguments ne peuvent échapper au Gouvernement. Il conviendrait de clarifier et de simplifier la réglementation en vigueur, notamment le régime des dérogations au principe du droit au repos dominical. Quelles sont, monsieur le ministre, les intentions du Gouvernement sur cette délicate question ?

M. le président. La parole est à M. Daniel Boisserie.

M. Daniel Boisserie. Je vous poserai trois questions, monsieur le ministre.

La première concerne les métiers de l'hôtellerie et de la restauration. Malgré les mesures que vous avez prises récemment, 52 % des dirigeants souhaitent transmettre leur entreprise dans les cinq ans, contre 24 % en moyenne. On ne peut pas dire que l'accord HCR de juillet 2004 rende ces métiers très attrayants pour les jeunes. Vous avez évoqué les mesures nouvelles comme le tutorat des anciens exploitants ou des chômeurs proches de la retraite et l'attribution de bourses ou de financements issus des FIP. Tout cela me semble vague. Le manque de perspectives claires est un facteur loin d'être incitatif. Pouvez-vous à cet égard être un peu plus précis ?

Le FISAC, dont on a beaucoup parlé, est une aide particulièrement appréciée, tant par les commerçants et les artisans que par les collectivités locales, communes et communautés de communes. Il est regrettable, comme l'a précisé Michel Vergnier, que ses crédits soient insuffisants. De nombreux projets, je pense notamment aux aménagements de centres-bourgs, sont en attente et parfois après les appels d'offres. J'ai noté avec satisfaction que vous vous engagiez à abonder ce fonds de 29 millions d'euros. Cela sera-t-il suffisant pour financer les trop nombreux dossiers en attente et surtout ceux programmés pour 2005 ?

Enfin, M. Sarkozy s'était engagé à créer un pôle porcelaine-céramique à Limoges. Or, vous le savez, la porcelaine française, particulièrement celle de Limoges, est totalement sinistrée. Le problème est bien plus complexe que ce dont nous débattons aujourd'hui. Depuis quelques jours, plusieurs entreprises déposent le bilan. Cela devient dramatique. Je sais qu'un pôle ne réglera pas tout, mais il y a urgence. Quand sera-t-il créé ?

M. le président. La parole est à M. Denis Merville.


M. Denis Merville
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Je voudrais d'abord vous féliciter, monsieur le ministre, de l'action que vous menez et, plus généralement, de ce qu'a accompli le Gouvernement en la matière depuis plusieurs années. Dans le contexte économique actuel et futur, ce sont en effet les PME qui sont indiscutablement susceptibles de créer des emplois.

Je voudrais néanmoins appeler votre attention sur quelques points, quitte à répéter des choses déjà dites.

J'insisterai d'abord sur la lourdeur de la réglementation applicable aux PME, notamment en matière fiscale et sociale, et plus particulièrement, je dois le dire, du fait de la direction du travail.

J'ai entendu que l'exonération des plus-values pour les cessions de moins de 300 000 euros était remise en cause. Dieu sait pourtant que c'était une excellente mesure car on voit les commerces disparaître de nos centres bourgs et se faire racheter par les banques ou les compagnies d'assurance. S'il se confirme que l'administration fiscale n'applique pas cette excellente disposition, je ne le comprends pas et je le regrette.

Il est nécessaire, me semble-t-il, d'avancer sur les dossiers du statut du conjoint et de l'apprentissage, et j'appelle aussi tout particulièrement votre attention sur l'enjeu de la transmission des entreprises, qui, dans les dix ans à venir, sera essentiel pour notre pays, en particulier dans des régions comme la mienne. Nombre d'artisans et de commerçants arrivent à l'âge de la retraite sans être certains de trouver un repreneur. Il convient d'imaginer une action forte pour accompagner ce que vous avez déjà prévu, c'est-à-dire l'augmentation des crédits pour l'initiation à la gestion des repreneurs des entreprises ; car reprendre une entreprise ne suffit pas, encore faut-il bien la gérer.

Enfin, je crois avoir lu, dans le rapport spécial, une mise en garde justifiée à propos de l'augmentation de la TACA. Il ressort des remontées du terrain que les conséquences risqueraient d'être lourdes et de mettre en péril un certain nombre d'entreprises, voire de les faire disparaître.

M. le président. J'ajoute trois observations brèves.

Premièrement, comme le dit Michel Raison, la culture de la complexité est vraiment un problème franco-français, et nous ne nous améliorons pas.

Deuxièmement, tout ce qui concerne le TACA ou la taxe d'équarrissage est entouré d'une grande opacité, sans parler, pour les grandes surfaces, du remboursement prévu des taxes sur la viande, à la suite de l'affaire des farines animales.

M. Jean-Paul Charié. Absolument !

M. le président. Troisièmement, compte tenu de la situation de l'emploi, des problèmes des commerces de centre ville et des risques d'OPA sur certaines de nos grandes entreprises, je comprends parfaitement la position de Jean-Paul Charrié et du président Ollier à propos de la loi Galland et leur appel à la prudence. Mais, d'un autre côté, certaines rentes de situation sont inacceptables. Une surface moyenne se vend cinq fois plus cher qu'il y a dix ans, au détriment des consommateurs ou des producteurs. Ne rien faire n'est donc pas la bonne solution : si la prudence s'impose, je pense que nous devons réfléchir ensemble au problème des rentes de situation des grandes surfaces, mais aussi des très grandes entreprises, qui peuvent imposer leurs produits sur les lignes, souvent au préjudice des PME.

La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Le ministre ayant posé une question sur ce problème, je souhaiterais apporter une réponse et lui poser à mon tour une question.

Je souscris à la prudence. C'est justement pourquoi je souhaite que nous votions le meilleur texte législatif possible, le moment venu, après nous être donné le temps de la réflexion, afin d'éviter tout effet pervers, y compris pour ce que vient de dire le président Méhaignerie. À cet égard, un délai de trois ou quatre mois me semble tout à fait raisonnable.

Je vous remercie, monsieur le ministre, de reconnaître l'efficacité de la mission d'information issue de notre commission, mais je propose, puisque vous créez vous-même un groupe de travail, que des représentants de notre mission d'information puissent suivre ses travaux - selon des modalités que vous fixeriez -, afin que nous agissions en osmose et que les deux groupes n'en fassent plus qu'un. Ils concourent en effet au même objectif : apporter la meilleure solution législative pour éviter les effets pervers relevés par Jean-Paul Charié et ceux, d'une autre nature, soulignés par Pierre Méhaignerie. J'ai récemment reçu le président d'un groupe - dont je préfère taire le nom pour l'instant -, qui m'a indiqué ne pas avoir renouvelé 1 500 emplois depuis le mois de juin ; c'est préoccupant.

Il est donc urgent de décider mais il convient de se donner le temps de prendre les bonnes décisions. Le mode de travail que je propose entre le Gouvernement et l'Assemblée, monsieur le ministre, éviterait peut-être aussi de perdre un temps précieux.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur Charié, vous avez d'abord évoqué l'exonération fiscale au profit des fonds de commerce et des artisans. Il est évident que le dispositif adopté au mois d'août doit être respecté. Quel intérêt y aurait-il à voter un texte pour ensuite l'encadrer de telle façon qu'il devienne inapplicable ? Je vous propose donc que nous nous rapprochions pour examiner la situation de la manière la plus précise qui soit, point par point.

À propos des règles d'appels d'offres de l'UGAP, je ne dispose pas d'éléments pour vous répondre à chaud, mais nous allons regarder le problème de près.

Sur la loi Galland, je crois m'être exprimé clairement : je suis opposé à la précipitation ; il convient de prendre le temps suffisant et d'évaluer l'impact de chaque décision sur l'emploi. L'objectif n'est pas de réduire les prix par principe, pour une raison simple, que je répète : il suffit de comparer avec la situation constatée en Hollande, imputable, entre autres, au groupe Ahold. L'intérêt est de pouvoir relancer la consommation, et toutes les mesures qui créent de la dynamique vont dans le bon sens. C'est pourquoi je me suis inscrit en faux contre certaines propositions qui me paraissaient précipitées et insuffisamment évaluées. Tout ce qui contribue à favoriser la consommation va dans le bon sens, à condition que cela ne vienne pas déstructurer la situation de l'emploi, qui, dans certains secteurs, peut être fragile

Quant aux contrôles, j'estime qu'il existe un cadre légal et j'entends qu'il soit appliqué ; j'ai eu l'occasion de le rappeler à mes services, mais peut-être faudra-t-il recommencer. Certes, Pierre Méhaignerie l'a dit, depuis une dizaine d'années, la situation a évolué, mais il faut conserver le souci de maintenir les emplois et de dynamiser le secteur. Nous nous inscrivons dans cette logique et je partage complètement la proposition de Patrick Ollier : faisons ce travail ensemble ; c'est la bonne méthode pour avancer.

Toujours à propos de la loi Galland, Michel Raison a posé une question au nom de Jacques Bobe. L'attribution de linéaires aux PME fait partie des propositions qui ont été avancées et, sur le principe, j'y suis tout à fait ouvert. La seule difficulté consiste à déterminer dans quel cadre juridique faire reposer cette mesure et comment la mettre en application concrètement, en fonction du droit du commerce. L'idée de valoriser davantage les PME est donc intéressante mais, honnêtement, je ne connais pas la solution technique, même si je ne désespère pas que nous puissions y arriver. C'est un motif de plus - s'il en fallait encore un - pour montrer qu'un peu de temps supplémentaire est nécessaire.

Monsieur Novelli, je rejoins votre analyse sur les dispositifs d'allégement social et les distorsions existantes. L'application pure et dure de la loi des 35 heures aux entreprises de moins de vingt salariés aurait été catastrophique, les conséquences seraient dramatiques ; on mesure l'intérêt du dispositif qui a permis de l'éviter. Cela dit, il faut voir s'il ne crée pas une distorsion entre salariés, selon que ceux-ci travaillent dans une entreprise de moins de vingt salariés ou de taille plus importante, et, par conséquent, décider éventuellement de faire bouger les curseurs. Nous faisons ce travail en étroite relation avec mon collègue Gérard Larcher, qui suit ces questions de très près. Il est actuellement en discussion et je ne puis par conséquent aller plus loin dans les propositions - je lui laisse le soin de poursuivre les négociations -, mais vous avez tout à fait raison d'aborder le sujet. De même, la multiplicité des dispositifs d'allégement de charges sociales, évoquée à juste titre par Pierre Méhaignerie, crée de la confusion et empêche les gens de s'y retrouver : ils sont par conséquent peu ou pas utilisés, et mal utilisés. Je vous assure donc que nous agissons au quotidien, avec le ministère chargé de la cohésion sociale et notamment les services de Gérard Larcher.

Monsieur Brottes, la mesure relative aux interlocuteurs bancaires que vous proposez vous a été soufflée, je crois... Au-delà de la boutade, je vous répondrai que nous travaillons avec la Fédération bancaire française à un système d'accueil pour les PME et les TPE. Je pense en effet que, parmi les services bancaires, les spécialistes de ces domaines manquent. J'ai déjà eu l'occasion de dire, de manière peut-être un peu caricaturale, qu'il était plus facile d'obtenir un rendez-vous quand on demandait 500 000 euros que quand on en demandait 5 000, mais ce n'est pas complètement faux. Nous réfléchissons donc à l'idée d'une charte d'accueil à l'usage des spécialistes du financement des TPE, qui constituent des gisements d'emplois. Et ce n'est pas parce qu'un projet n'a besoin que de 5 000 euros pour être lancé qu'il est mauvais, au contraire : il peut générer de l'activité et être tout à fait porteur. Ce dont vous avez parlé à propos du réseau des assurances s'inspire de la même logique d'accueil, de réactivité et de prise en compte des spécificités des petites TPE.

À propos de la mutualisation du risque, je voudrais souligner le travail significatif accompli par les organismes consulaires, et je souhaite qu'il puisse être dynamisé, au-delà du cadre législatif, dans un plan PME sur les réseaux d'accompagnement. J'en ai dit un mot tout à l'heure : quand les entreprises sont accompagnées au mieux, les résultats sont tout à fait probants.

Monsieur Raison, j'ai évoqué le seuil de revente à perte. Il ne s'agit pas de réformer pour réformer mais de déterminer comment la consommation peut être renforcée. Vous avez tout à fait raison : évaluons d'abord les dispositifs en place, comment ils fonctionnent et quels aspects de la législation ne sont pas suffisamment appliqués.

J'ai noté la remarque que vous avez faite sur la taxe professionnelle. Ce sujet est actuellement en discussion dans les services du ministère de l'économie et des finances, et les groupes de travail fonctionnent. Je pense donc qu'il faut faire remonter votre proposition mais je ne suis pas en situation de donner un avis aujourd'hui.

S'agissant des décrets d'application de la loi relative à l'initiative économique, madame Grosskost, une dizaine d'entre eux sont sortis et il en reste huit en attente. Je ne me défausse pas mais ces derniers ne dépendent pas de mon ministère : tous ceux qui relevaient de ma signature sont sortis ; les autres sont en discussion, non par volonté de blocage mais parce que les sujets sont souvent plus complexes et sont actuellement examinés par les services du garde des sceaux ou du ministère des affaires sociales.

Monsieur Rochebloine, je considère que le système en vigueur pour ce qui concerne le repos dominical est plutôt bon, avec la possibilité de dérogations municipales pour cinq dimanches. Le seul aspect sur lequel on peut envisager des aménagements est celui concernant les zones touristiques. Sinon, je ne suis pas du tout favorable à une remise en cause du système. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Paul Charié. Nous vous soutenons, monsieur le ministre !

M. le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Je vous en sais gré, monsieur le député.


Pour ce qui est de la TVA sociale, je ne vais pas ouvrir un débat sur ce sujet à cette heure-ci. Vous en connaissez les conséquences : elle aurait un impact direct sur le prix des produits et, par conséquent, sur la consommation. Il faut donc l'examiner à l'aune de ces objections. Si votre commission décidait de se saisir de ce dossier, je l'examinerais de plus près, mais je ne peux, en deux mots, vous donner un avis tranché dès maintenant. Cela dit, chaque fois que des propositions nous sont remontées, nous avons achoppé sur leur impact sur les prix et la consommation. Peut-être ce point de blocage pourrait-il être levé. Je ne suis pas fermé à la discussion mais, pour l'instant, nous en sommes là.

Monsieur Boisserie, vous considérez notre projet comme un peu vague. Je vous invite à le lire et à vous connecter sur le site du ministère, où vous trouverez une quarantaine de propositions qui sont très précises. Quant au mode de fonctionnement que j'ai retenu, il traduit le fait que je ne crois pas à la vérité révélée, mais bien plutôt à la rigueur et au sérieux d'un travail qui prend du temps. C'est ainsi que nous avons procédé, avec des parlementaires comme Emmanuel Hamelin, Serge Poignant, ainsi que le sénateur Gérard Cornu. Pendant plus de trois mois, vingt-cinq groupes de travail ont été à l'œuvre, procédant à une trentaine d'auditions, ce qui a permis d'aboutir à cette quarantaine de propositions bien ciblées. À présent, nous allons les reprendre une par une, avec les responsables professionnels et les chambres consulaires, puis avec l'ensemble des services administratifs, pour les évaluer, mesurer leurs conséquences en termes d'emploi et leurs implications budgétaires.

Après quoi, nous entrerons dans une phase de choix, et votre commission, bien entendu, sera la première informée. Des propositions lui seront soumises, qui donneront lieu au travail parlementaire habituel. Mais nous n'en sommes pas au stade d'une proposition ficelée.

S'agissant du pôle porcelaine et céramique de Limoges, je ne suis pas en mesure de vous répondre aujourd'hui. Je vous invite à interroger le ministre de l'économie et des finances lui-même à propos des engagements qu'il a pris. Pour l'instant, je ne puis que lui transmettre votre interrogation.

Monsieur Merville, on a déjà beaucoup parlé de la lourdeur de la réglementation et je partage votre sentiment à ce sujet. Elle a plusieurs sources, comme Pierre Méhaignerie l'expliquait. Il y a, d'abord, ce que font les gouvernements, avec les administrations, qui sont pointilleuses ; et, parfois, l'on met dans la loi ce qui n'en relève pas. Il y a aussi les débats parlementaires, qui alourdissent le texte à coups d'amendements. Et les représentants professionnels ne sont pas les derniers à nous demander de compliquer les choses ! Ce qui n'empêche pas tout ce monde-là de nous demander ensuite de simplifier !

La simplification, je l'ai dit tout à l'heure et ce n'était pas qu'une boutade, est sans doute le dossier où un gouvernement, quel qu'il soit, dispose des plus grandes marges de progression. J'ai évoqué le chèque-emploi TPE, mais les groupes de travail nous ont fourni bien d'autres propositions de mesures frappées au coin du bon sens. J'espère que, avec votre précieux soutien, nous pourrons les mettre en œuvre.

Sur la transmission, je partage votre point de vue. Créer des entreprises est important mais pérenniser des outils de production existants l'est tout autant.

J'ai bien entendu les remarques de Pierre Méhaignerie et de Patrick Ollier. Qu'ils soient assurés que je m'attache à lutter contre la complexité. Je ne veux pas prendre d'engagements dans ce domaine où beaucoup, dans le passé, n'ont pas été tenus. Je préfère qu'on me juge sur les faits, lorsque nous aurons à travailler ensemble sur le texte.

J'ai évoqué, il y a quelques minutes, les problèmes de l'opacité et la TACA. Les services de Dominique Bussereau, secrétaire d'État au budget, et du Premier ministre travaillent en ce moment sur une proposition qu'ils vous présenteront avant le vote final de la loi de finances.

Je ne reviens pas sur la loi Galland, m'étant déjà exprimé sur ce sujet. Quant à la collaboration entre mission d'information et groupe de travail, je suis d'accord, bien évidemment.

M. Pierre Méhaignerie, président. Je vous remercie, monsieur le ministre.

(La séance est levée à onze heures cinquante.)

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE MÉHAIGNERIE,

président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan

M. le président. La réunion de la commission élargie est ouverte.

(La réunion de la commission élargie commence,le mercredi 3 novembre 2004, à neuf heures trente.)

M. le président. Avec Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, je suis heureux d'accueillir en votre nom M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer et M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'État à l'aménagement du territoire.

Je rappelle, mes chers collègues, que la clé du succès de cette formule réside dans le caractère dynamique du débat, moins contraint qu'en séance publique. Celle-ci sera exclusivement consacrée, le vendredi 19 novembre, à l'examen d'éventuels amendements, aux explications de vote et au vote.

Je rappelle que la commission élargie, s'agissant du débat, se substitue à l'hémicycle. Les conditions de publicité du débat sont identiques à celle de la séance publique.

Sur le déroulement de la séance, la coprésidence donnera d'abord la parole aux rapporteurs pour la présentation des crédits, puis au Gouvernement et, enfin, aux quatre représentants des différents groupes. Ensuite, avec Patrick Ollier, nous organiserons le débat avec comme but des échanges les plus vivants possibles, ce qui implique que chacun s'astreigne à des interventions courtes pour terminer à une heure raisonnable, sauf à ce que cinq collègues seulement soient présents pour le vote des crédits. Nous préférons donner la parole plusieurs fois au même orateur, afin d'éviter de longs discours, source d'inattention.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2005 prévoit un budget de 265,198 millions d'euros pour l'aménagement du territoire, soit une baisse de 2,83 % par rapport à 2004.

Cependant, les crédits affectés à ce budget ne retracent qu'une partie de l'effort financier en faveur de la politique d'aménagement du territoire, soit environ 3,06 % de la masse totale. D'autres ministères, comme ceux de l'équipement et de l'éducation nationale, ainsi que les fonds structurels européens, contribuent aussi financièrement à l'aménagement du territoire français.

L'effort financier en faveur de l'aménagement du territoire devrait globalement représenter 8.664,91 millions d'euros en 2005.

Les moyens des services - titre III - qui constituent le budget de la DATAR, s'élèvent à 12,71 millions d'euros. Ils diminuent de 3,85 % par rapport à 2004, après une baisse de 2,27 % en 2003. Cette deuxième baisse consécutive montre l'effort mené par la DATAR pour restreindre ses dépenses de fonctionnement.

Le nombre d'emplois budgétaires pour l'année 2005 sera ainsi fixé à 120, auxquels il convient d'ajouter quarante-quatre mises à disposition dont quarante ne font pas l'objet d'un remboursement aux administrations concernées.


Au titre des dépenses ordinaires - évoquées au titre IV -, le FNADT devrait se voir doté de 74,85 millions d'euros, ce qui représente une légère baisse, de 1,3 %, par rapport aux crédits votés en 2004. En revanche, les crédits destinés au volet contractualisé du FNADT, qui s'élèvent à 42,21 millions d'euros, connaissent une augmentation de 17,25 %. Cette hausse des crédits en faveur des contrats de plan montre le souci du Gouvernement de donner une véritable impulsion au volet territorial des contrats de plan financés par le FNADT.

Pour ce qui concerne l'Agence française des investissements internationaux - l'AFII -, le projet de budget pour 2005 prévoit une dotation de 7,45 millions d'euros, soit une diminution de 0,2 %. Parallèlement, en effet, à une quasi-stabilité de la part de ces crédits provenant de l'aménagement du territoire, la légère diminution des moyens de l'agence en 2005 tient notamment à la baisse des moyens budgétaires provenant de l'autre partenaire de tutelle : le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, au titre de la DREE. La lourdeur d'une double tutelle exercée par la DATAR et la DREE du ministère de l'économie, ainsi que la proportion importante du personnel provenant de mises à disposition de divers organismes empêchent toute souplesse dans la gestion quotidienne de l'agence.

Pour le titre VI, les crédits d'investissement du FNADT devraient s'élever à 207,02 millions d'euros d'autorisations de programme, accusant une baisse de 9,53 %, tandis que les crédits de paiement, d'un montant de 138,71 millions d'euros, seront en baisse de 3,58 %.

Pour faire un rapide bilan de la prime d'aménagement du territoire - la PAT -, je rappellerai qu'en 2003, 156 dossiers ont été présentés, dont 126 ont été acceptés et 30 rejetés. Les dossiers primés représentent 11 177 créations d'emplois prévisionnelles, soit en moyenne 88 créations d'emplois par dossier, et un montant d'investissement prévisionnel de l'ordre de 2,3 milliards d'euros. Le montant des primes octroyées s'élève à 69,4 millions d'euros, soit 511 904 euros en moyenne par dossier et un taux moyen par emploi de 6 200 euros.

En 2005, la PAT devrait être dotée de 48 millions d'euros d'autorisations de programme, et de 38,92 millions d'euros de crédits de paiement, ce qui représente respectivement une baisse de 4 % et de 2,7 % par rapport à 2004.

Par ailleurs, le CIADT du 14 septembre 2004 a décidé de réserver 15 millions d'euros sur la dotation de la PAT en faveur des pôles de compétitivité. L'attractivité du territoire constitue en effet une priorité du Gouvernement, comme en témoignent les nombreuses politiques menées en faveur des pôles de compétitivité et des contrats de site pour les zones en reconversion économique.

Trois points appellent réflexion.

En premier lieu, dans le cadre de la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, il est prévu de créer, au sein de la mission « politiques des territoires », un programme « aménagement du territoire » qui devrait reprendre l'intégralité des crédits de l'actuel fascicule, auxquels seraient adjoints les crédits réservés aux réimplantations d'administrations. Le responsable du programme devrait être le délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale.

Au sein de ce programme, trois actions sont aujourd'hui prévues : « attractivité et développement économique », « développement territorial et solidarité » et « grands programmes interministériels d'aménagement du territoire ».

Deux questions méritent attention. Il conviendrait, d'abord, de savoir quel mécanisme sera retenu pour conserver le dispositif des mises à disposition de la DATAR d'agents de différents ministères et organismes, qui concerne actuellement 44 emplois. Le même problème se pose d'ailleurs pour l'Agence française pour les investissements internationaux, qui bénéficie de mises à disposition non remboursées et non facturées par les administrations concernées.

Par ailleurs, les indicateurs de performance se révèlent insuffisants. Ainsi, pour l'objectif « aider les entreprises à créer des emplois dans les zones les plus fragiles du territoire national », deux indicateurs sont proposés : l'un est le différentiel d'évolution des taux de chômage entre les zones soumises à la PAT et l'ensemble du territoire national, et l'autre le nombre d'emplois effectivement créés par les entreprises bénéficiaires de la prime d'aménagement du territoire. Le premier de ces indicateurs a toutes les chances d'être devenu obsolète en 2006, car le zonage de la PAT sera probablement remis en cause par la réglementation communautaire. Le second est peu révélateur de l'efficacité de la PAT par rapport à d'autres objectifs. Le nombre d'emplois créé chaque année est déjà connu et ne constitue pas un indicateur de performance suffisant.

Une deuxième piste de réflexion porte sur la multiplication des organismes de prospective. Au Conseil de prospective et de dynamique des territoires créé en septembre 2003 au sein de la DATAR s'ajoute désormais un Observatoire des territoires, créé par décret du 7 septembre 2004 et placé auprès du ministre chargé de l'aménagement du territoire. En outre, un projet prévoit de refonder l'Institut des hautes études d'aménagement du territoire - l'IHEDAT -, supprimé en décembre 2002 lors du débat budgétaire sur la loi de finances pour 2003. Ce nouvel Institut des hautes études d'aménagement des territoires européens, ou IHEDATE, serait constitué en association sous le régime de la loi de 1901 et organisé autour de quatre collèges - État et établissements publics, collectivités territoriales, entreprises privées et auditeurs. Un budget de 500 000 euros serait assuré à parts égales par les quatre collèges.

Je proposerai par amendement de ne pas installer l'Observatoire des territoires, qui fait double emploi avec plusieurs organismes existants, dont le CNADT, et de nous assurer que la dotation de l'État au nouvel institut ne se fera pas sous forme budgétaire, mais sous forme de prestations intellectuelles dans le cadre des fonctions exercées par les collaborateurs et les agents de la DATAR.

Ma dernière piste de réflexion porte sur la politique d'aménagement du territoire en matière de lignes aériennes. Le projet de loi de finances pour 2005 a prévu de budgétiser le compte d'affectation spéciale du FIATA à compter du 1er janvier 2005. La quote-part de la taxe de l'aviation civile affectée antérieurement à ce fonds est reversée au budget général. Un nouveau chapitre de la section « transports et sécurité routière » du budget du ministère chargé de l'équipement et des transports regroupera les crédits consacrés aux subventions des liaisons aériennes réalisées dans l'intérêt du territoire et à la sécurité dans les aéroports. Au sein de ce chapitre, la dotation prévue dans le projet de loi de finances pour 2005 au titre des lignes d'aménagement du territoire s'élèvera à 73,87 millions d'euros en autorisations de programme et à 21,5 millions d'euros en crédits de paiement.

Le rapporteur spécial de la commission des finances tient à souligner l'importance de cette dotation, qui permet de maintenir des liaisons aériennes pourtant déficitaires ou ayant un faible trafic : c'est un aspect majeur de la politique d'aménagement du territoire. Il conviendrait donc que, dans le projet de loi de finances pour 2006, ces crédits soient rattachés à ceux de l'aménagement du territoire proprement dit.

M. le président. Messieurs les ministres, on a en effet le sentiment qu'il pleut chaque semaine de nouvelles structures. La commission des finances a donc décidé à l'unanimité de supprimer les crédits destinés à des structures nouvelles tant que des suppressions équivalentes ne sont pas proposées. L'allègement des procédures et la remise en cause de l'empilement des structures sont en effet une condition d'efficacité de la réforme de l'État. (« Très bien ! » sur divers bancs.)

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

M. Jacques Le Nay, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'examen du budget de l'aménagement du territoire est l'une des compétences essentielles de notre commission de l'économie, de l'environnement et du territoire. Il nous donne l'occasion de dresser un vaste état des lieux de la politique d'aménagement du territoire impulsée par le Gouvernement.

Je vous livre d'emblée mon sentiment : le budget 2005 de l'aménagement du territoire participe certes à l'effort national de rationalisation des dépenses, mais cet effort n'entrave pas le bon déploiement de cette politique. Il incite au contraire à la recentrer sur ses vrais enjeux et à en élaguer les digressions inutiles. Au regard de ses nouvelles priorités, la politique d'aménagement du territoire souffre moins de la rationalisation de ses moyens budgétaires que de l'inadaptation de certains de ses instruments. Aussi ce budget m'inspire-t-il trois commentaires.

En premier lieu, il est placé sous le signe d'une rationalisation modérée des dépenses, l'orientation générale étant la compression des dépenses avec, en autorisations de programme, une baisse de 8,5 % pour un budget de 255 millions d'euros et, en crédits de paiement, un léger tassement, de 2,8 %, pour 265 millions d'euros.

Il s'agit d'une rationalisation, et non d'une compression, car l'essentiel de la baisse porte sur les moyens de fonctionnement et les dépenses les moins structurantes. La baisse de 4 % des moyens de fonctionnement de la DATAR va l'obliger à accentuer ses efforts de bonne gestion de ses fonds. La baisse de 26 % des subventions aux associations relais de la DATAR est certes importante, mais il convient de la relativiser. Comme l'a relevé en effet la Cour des comptes, cet ensemble d'associations recouvre un certain nombre d'abonnés pour qui la subvention est devenue une habitude plus qu'une nécessité prouvée.

Cette rationalisation est cependant modérée, car les moyens d'intervention et d'investissement de la DATAR, regroupés dans la PAT et le FNADT, sont préservés. Le projet de loi de finances pour 2005, qui fait apparaître un tassement de 2,5 %, favorise en réalité le recentrage des deux instruments sur leur vocation première : les grands projets structurants pour la PAT et les projets contractualisés pour le FNADT, dont les crédits augmentent de 7,7 %.

En deuxième lieu, cette nouvelle donne budgétaire est satisfaisante au vu des nouvelles priorités de l'aménagement du territoire. La politique d'aménagement du territoire vise une meilleure efficacité, qui peut s'exprimer selon trois axes. Le premier consiste à renforcer la compétitivité des territoires : ce ne sont pas seulement, en effet, les fonds publics qui font vivre un territoire, mais aussi l'activité économique. Développer celle-ci suppose des projets concrets, tels que le désenclavement - qui pourrait avoir pour support les cartes de transport à l'horizon 2025 -, la constitution de métropoles d'envergure européenne, des pôles de compétitivité qui favorisent l'ancrage territorial des industries de pointe et l'anticipation des reconversions industrielles.

Le deuxième axe consiste à renforcer la solidarité interterritoriale. Celle-ci passe par une discrimination positive en faveur des territoires à handicaps, l'égalité des chances impliquant l'inégalité des traitements. Elle passe également par la réduction de la fracture numérique, qui suppose de rendre accessibles à tous la téléphonie mobile et le haut débit. Elle passe encore par un effort d'innovation pour maintenir des services de proximité.

Le troisième axe consiste à définir le rôle de l'État dans une France décentralisée : l'État recentrera son action sur de grands projets structurants, sur un mode contractuel et partenarial, tout en développant à l'échelle nationale des outils de pilotage qu'il mettra à la disposition des collectivités territoriales.

Enfin, si certains outils au service de l'aménagement du territoire ont été perfectionnés, d'autres mériteraient de l'être.

Une question primordiale, mais fort peu discutée, est celle de l'avenir de fonds structurels. Alors que l'Union intègre dix nouveaux États membres, plus pauvres que les quinze qui les ont précédés, l'enveloppe globale des fonds structurels n'augmentera pas et sa répartition favorisera les dix nouveaux membres. La métropole pourrait ainsi être privée de ces fonds dès 2007, ce qui représenterait la perte de 2,5 milliards d'euros par an, soit douze fois le budget de la DATAR.

Je me félicite de voir le régime des pays issu de la loi Voynet assoupli, les contrats d'agglomération redynamisés et les schémas de services collectifs prévus par cette même loi bientôt assouplis. Pour aller plus loin et dans le souci de maintenir les populations - notamment les jeunes générations - sur l'ensemble de nos territoires, je suggère que les règles d'urbanisme puissent être adaptées aux nécessités locales. Comme l'a rappelé le ministre de l'équipement dans une réponse récente, en matière d'urbanisme, il faut faire confiance aux élus locaux. Aussi me semble-t-il important que M. le ministre nous soumette des propositions d'assouplissement du droit de l'urbanisme.

Enfin, M. Louis Giscard d'Estaing et moi-même proposons, au nom de la délégation à l'aménagement du territoire présidée par Émile Blessig, des éléments pour une réforme des CPER dont les principaux axes seraient le recentrage des CPER sur des projets structurants, un assouplissement des règles comptables dans l'esprit de la LOLF et un horizon d'exécution des CPER suffisamment long pour permettre la formalisation et la réalisation des programmes les plus ambitieux, ainsi que des périodes de revue à échéance plus rapprochée, pour assurer leur bonne exécution.

Pour conclure, j'estime que ce projet de loi de finances est, du point de vue de la politique d'aménagement du territoire, tout à fait satisfaisant. Je recommande donc à la commission d'adopter les crédits de l'aménagement du territoire.

J'ai, pour ma part, trois questions à soumettre à MM. les ministres. Tout d'abord, comment le Gouvernement anticipe-t-il le probable tarissement des fonds structurels ? Quelles sont ses marges de négociation ? Quels dispositifs de soutien transitoire peut-il mettre en œuvre, et avec quels moyens ? Deuxième question : quelle est la position du Gouvernement sur les éléments que Louis Giscard d'Estaing et moi-même proposons en vue de réformer les CPER ?


Enfin, une fois habilité à assouplir, voire à supprimer, certains schémas de services collectifs, que fera le Gouvernement en la matière ? Lesquels seront supprimés ? Parallèlement, quelle sera la portée du plan d'orientation des transports à grand trafic a dopté par le CIADT du 18 décembre 2003 ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Messieurs les présidents de commission, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, nous souhaitons, avec Frédéric de Saint-Sernin, réagir rapidement aux excellents exposés qui viennent d'être faits en vous présentant les grandes lignes de la politique d'aménagement du territoire avant, bien sûr, monsieur le président de la commission des finances, d'entamer un débat que vous avez voulu interactif, voire vif.

Premier point : notre République est désormais décentralisée. C'est un choix politique au sens premier du terme, au sens de l'organisation de la cité. Ce choix n'a pas de dimension partisane ou politicienne. Les premières lois de décentralisation ont d'ailleurs été votées sous le gouvernement de Pierre Mauroy. L'ancien Premier ministre a aussi piloté la rédaction de propositions dont l'actuel gouvernement s'est inspiré largement pour la préparation du projet de loi sur les libertés et les responsabilités locales, qui est le volet pratique de l'acte II de la décentralisation.

C'est un choix politique, pour plusieurs raisons.

D'abord, il affirme clairement la volonté de la nation que, désormais, les décisions soient prises au plus près des citoyens, « à portée de baffe », comme dit joliment le Premier ministre. Un citoyen a d'ailleurs un moyen tout à fait direct et efficace pour dire à un élu s'il est content ou non de son travail : il vote pour ou contre lui aux échéances suivantes, il participe éventuellement à son départ ou à son maintien ; vous le savez tous, vous qui êtes élus. Cela responsabilise.

C'est aussi un choix politique parce qu'il redéfinit le rôle de l'État dans la République. Il est clairement passé, le temps où l'État s'occupait de tout, faisait tout, décidait tout, souvent depuis un « bureau parisien » comme on dit, parfois - pour ne pas dire fréquemment - déconnecté complètement des réalités. Nous devons donc redéfinir ce que doit être le rôle de l'État et comment il va savoir se mettre au service des collectivités locales pour mieux servir nos concitoyens, tout particulièrement, bien sûr, en termes d'aménagement du territoire.

Avec Frédéric de Saint-Sernin, nous voyons la puissance publique jouer un triple rôle : celui d'un État éclaireur, celui d'un État qui aide les territoires à donner le meilleur d'eux-mêmes, à atteindre l'excellence, et enfin celui d'un État garant de la solidarité nationale et donc au service des territoires les plus fragiles.

S'agissant d'abord de l'État éclaireur, le choix que nous faisons et que font les collectivités locales engage l'avenir des territoires pour des années, souvent même pour des décennies. Il est donc indispensable de disposer, de façon partagée, d'une vision commune de ce que pourrait être l'avenir. C'est pour cela que disposer d'une vraie observation territoriale et d'une démarche prospective de qualité nous apparaît comme vraiment indispensable. Cela nécessite donc de connaître chaque territoire pour bien mesurer ses forces, mais aussi ses faiblesses. Nous ne nous sommes probablement pas assez donné les moyens de l'observation et de la prospective. Les services de l'État, des collectivités locales, les services publics, disposent de l'essentiel des informations nécessaires, mais nous ne sommes jamais parvenus à centraliser, à agglomérer correctement cette masse formidable d'informations, ni surtout à l'exploiter de façon à la fois scientifique et démocratique. Pour être crédible, la fonction d'observation doit être évidemment indépendante des positions partisanes. Elle doit aussi être pérenne et globale. Nous devons relancer une vraie démarche prospective nationale et locale au sein des services de l'État.

Au plan national, Frédéric de Saint-Sernin et moi-même venons de mettre en place un observatoire des territoires, qui est un lieu de coordination de l'ensemble des structures existantes. Ce n'est pas une structure de plus et d'ailleurs elle n'a pas de moyens en plus, pour répondre, monsieur le président de la commission, à votre objection. Son premier rapport sera sur le bureau du Parlement au premier semestre 2005. Avec Frédéric de Saint-Sernin, je l'attends avec impatience, parce qu'il va nous donner un véritable état des lieux, matière, pour l'ensemble des forces vives de la nation, à discussion globale à partir d'éléments concrets et objectifs.

Au plan local, je vais donner aux directeurs régionaux de l'équipement les moyens, aussi bien en personnels qu'en termes de financement, pour qu'ils puissent faire émerger de réelles compétences dans ce domaine afin de donner aux territoires les moyens d'une vraie démarche prospective locale indispensable à l'élaboration de projets partagés.

Ensuite, il s'agit de promouvoir l'excellence et l'attractivité des territoires. Monsieur le président, je propose de donner la parole à Frédéric de Saint-Sernin pour exposer ce chapitre.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'aménagement du territoire.

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'État à l'aménagement du territoire. Messieurs les présidents de commission, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, nous revendiquons, pour l'aménagement du territoire, la double référence à la solidarité et à la compétitivité. Il me paraît indispensable de fonder sur ces deux piliers la politique d'aménagement et de développement du territoire que nous voulons promouvoir, dans une France décentralisée et ouverte sur l'Europe, avec un État avant tout garant de la cohésion, mais aussi libérateur d'énergies pour la croissance et pour l'emploi.

L'attractivité repose sur deux piliers : d'une part, la capacité à préparer les territoires à accueillir et à maintenir des activités économiques et, plus largement, une vie sociale active, et, d'autre part, la promotion d'une offre territoriale auprès des décideurs économiques - évidemment adaptée à leurs attentes.

L'attractivité d'un territoire pour des entreprises est le résultat de multiples facteurs, parmi lesquels leur capacité d'échange d'informations et de biens.

Je citerai simplement, en dehors des réseaux de transports, les outils que nous mettons en œuvre très directement pour accompagner certains projets précis.

D'abord, en matière d'accès au haut débit et à la couverture en téléphonie mobile - Gilles de Robien y reviendra dans quelques instants -, nous avons veillé à ce que les décisions prises remplissent leur objectif d'aménagement du territoire, qu'elles soient d'ordre budgétaire ou contractuel. Sur le plan financier, nous sommes intervenus en particulier lors de la phase 1 de la couverture en téléphonie mobile avec le fonds européen pour le projet haut débit et aussi dans le cadre de l'appel à projets pour l'expérimentation des technologies alternatives. Je rappelle que celui-ci est financé par le FNADT. Sur le plan contractuel, comme vous le savez, la négociation en téléphonie mobile s'est déroulée dans le cadre d'une phase 1, avec les opérateurs et les collectivités territoriales ; puis, au cours de la phase 2, les équipements ont été complètement pris en charge par les opérateurs. En outre, l'aspect législatif est très important pour les collectivités puisque l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales permet aux collectivités d'intervenir en cas de carence du marché, donc de manque d'offre du privé. Le bilan des efforts entrepris est positif : sur le seul haut débit, entre fin 2002 et mai 2004, la proportion de la population desservie par l'offre d'accès à Internet haut et moyen débit est passée de 62 % à 83 % au niveau national. Un peu de plus de 8 % de la population est abonnée à une offre Internet haut débit. Nous avons dépassé la moyenne européenne.

Ensuite, l'attractivité du territoire vise à renforcer le potentiel industriel français et donc à créer des conditions propices à l'émergence de nouvelles activités. C'est pour cela que le Gouvernement a arrêté une nouvelle stratégie fondée notamment sur le développement des pôles de compétitivité. Nous aurons peut-être l'occasion d'entrer dans le détail selon les questions qui nous seront posées. L'idée de ces pôles est de maintenir ou de développer le dynamisme et l'attractivité de nos territoires. Le Gouvernement lancera, dans les jours qui viennent, un appel à projets destiné à identifier, sur la base d'un cahier des charges rigoureux, les projets éligibles au dispositif de soutien mis en place. Je sais, mesdames, messieurs les députés, que vous êtes très attentifs à l'arrivée des appels à projets dans les préfectures. D'ici 2007, les moyens financiers publics atteindront 750 millions d'euros, provenant pour la moitié du budget général de l'Etat, c'est-à-dire à hauteur de 370 millions.

Enfin, nous sommes conscients que les territoires moins typés ont besoin de se différencier. Les aides aux entreprises constituent bien évidemment un levier important. Nous ne devons pas nous priver de cet outil si nous ne voulons pas pénaliser lourdement l'attractivité de notre pays et celle de certains territoires. C'est pour cette raison - je rebondis sur l'intervention des rapporteurs - que Gilles de Robien et moi sommes très attachés à ce que notre ministère puisse poursuivre ses interventions, via la prime à l'aménagement du territoire, afin de soutenir les projets de création ou de développement des entreprises qui entrent dans les objectifs d'aménagement. Ainsi, pour 2005, les grands projets d'investissement et de création d'emplois, ainsi que les projets de moindre envergure quantitativement mais qui sont qualitativement structurants, seront privilégiés. Vous savez que, dans le cadre des pôles de compétitivité, la PAT sera au cœur de notre intervention financière.

S'agissant du second pilier de l'attractivité, celui qui est relatif aux décideurs, nous soutenons deux acteurs, complémentaires dans leurs attributions : L'AFII - l'Agence française pour les investissements internationaux - et les agences régionales de développement. Vous savez que l'AFII existe depuis 2001. Les résultats acquis ces deux dernières années indiquent que l'Agence et son réseau à l'étranger sont très performants. Un important programme de travail sur l'image de la France a été réalisé. Je tiens à préciser que l'équilibre entre les deux ministères de tutelle me paraît bénéfique pour l'AFII ; Gilles de Robien et moi considérons que cela doit être poursuivi pour le bénéfice des territoires.

Si l'AFII dispose de la capacité à appréhender la demande des entreprises, seuls les acteurs proches du terrain ont celle de proposer une offre adaptée. Les agences de développement économique remplissent complètement cette fonction essentielle. Dès l'origine, la DATAR a soutenu un réseau directement opérationnel. Il est vrai que le contexte a changé, mais je ne pense pas être démenti en vous disant que le besoin d'État se fait toujours sentir dans nos régions. C'est pourquoi j'ai souhaité que la DATAR nous propose, d'ici à la fin de l'année, une stratégie de repositionnement de ce réseau, sur la base des consultations qui ont d'ores et déjà été engagées depuis cet été par les préfets de région.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. J'ai traité de l'État éclaireur, Frédéric de Saint-Sernin a abordé l'attractivité des territoires et la promotion de l'excellence ; je tiens maintenant à vous parler de la réduction de la fracture territoriale.

Aujourd'hui, une partie de notre territoire national ne peut participer au formidable défi de l'ouverture de notre pays à l'Europe, mais aussi au monde, parce que les infrastructures de transports ou de télécommunications - Internet haut débit, téléphonie mobile - ne le lui permettent pas. Il est donc absolument du devoir de la solidarité nationale de donner à tous les territoires, y compris et surtout les plus faibles, le droit à la compétitivité, le droit de vivre dans le xxie siècle, de s'y développer et d'y avoir la même efficacité que les autres.

En conséquence, le comité interministériel de l'aménagement durable du territoire du 18 décembre 2003 a décidé de mettre en place les outils nécessaires au financement de grands projets d'infrastructures de transports. Il nous faut maintenant mettre en œuvre ces décisions pour vraiment désenclaver l'ensemble du territoire national, pour que le téléchargement de données ne soit pas un véritable calvaire dans certaines communes, du fait de l'absence de lignes bénéficiant du haut débit, ou encore pour que rejoindre par voie terrestre un aéroport international ne soit pas aussi long que de voler de cet aéroport jusqu'à New-York !

À cet égard, je réponds à M. Louis Giscard d'Estaing que le FIATA contribue directement à l'aménagement du territoire. Il s'inscrit aussi dans un cadre juridique européen précis, qui exige une analyse précise des coûts déclarés par les compagnies aériennes. L'expertise technique pour s'assurer que les subventions versées aux entreprises sont justifiées relève bien sûr de la DGAC. L'intervention de l'État sur le marché ouvert du transport aérien est aussi très encadrée, cela relève des services de l'aviation civile dans les États membres. Nous devons donc trouver une articulation pour que la mise en œuvre pratique du FIATA soit gérée par les administrations les plus compétentes sur ce sujet, l'analyse des lignes subventionnées restant dans le champ du comité FIATA, lequel associe notamment des élus et la DATAR.


Pour une plus grande lisibilité des nombreux moyens qui contribuent à l'aménagement du territoire, je vous propose de construire un document qui récapitulera toutes les actions de l'État en cette matière. Il vous donnera ainsi une vision claire du passé, et bien sûr une visibilité pour le futur.

Je reviens au haut débit. Aujourd'hui, le déplacement des idées est aussi important, si ce n'est plus, que celui des biens et des hommes. C'est pourquoi Frédéric de Saint-Sernin et moi-même voulons faire en sorte que l'accès au haut débit se généralise le plus rapidement possible, comme le Président de la République nous l'a récemment demandé. Nous serons évidemment aidés par les révolutions technologiques permanentes, qui rendent aujourd'hui envisageable ce qui hier paraissait difficile, voire inconcevable techniquement et financièrement. S'il le faut, l'État fera son devoir de solidarité nationale sur ce sujet essentiel. Car accéder au haut débit est devenu une condition indispensable de ce droit à la compétitivité, aussi indispensable que des autoroutes ou des liaisons ferroviaires de qualité. La fracture territoriale, vous le savez, peut être numérique. C'est pourquoi le Gouvernement et le Parlement ont donné aux collectivités locales la capacité légale d'agir, d'être opérateurs d'opérateurs de télécommunications, et, en cas de carence du marché, d'être opérateurs en direct, c'est-à-dire de fournir directement les services. Cette clarification juridique était vraiment indispensable. Pour agir, il faut d'abord en avoir le droit.

Aujourd'hui, près de 200 projets d'infrastructures de télécommunications sont portés par des collectivités locales. Ils représentent un investissement de l'ordre de 2 milliards d'euros, partagés entre secteurs public et privé, notamment dans le cadre de délégations de service public. D'autre part, le Gouvernement a décidé d'accompagner financièrement les collectivités locales en créant un fonds de soutien au haut débit, doté d'une première enveloppe de 100 millions d'euros. À la demande du Premier ministre, Patrick Devedjian, Frédéric de Saint-Sernin et moi-même travaillons à la définition d'un plan d'action en faveur des zones non couvertes par les initiatives des opérateurs privés, pour assurer notamment la desserte de chaque école, de chaque mairie. Nous présenterons ce plan et ses moyens financiers dans les semaines qui viennent. Évidemment, Frédéric de Saint-Sernin et moi-même sommes à votre disposition pour dresser un état des lieux de la situation actuelle.

De même, alors que la troisième génération de téléphonie mobile entre dans sa phase commerciale, il n'est pas acceptable que des villages soient encore dans des zones d'ombre. Nous avons donc signé au mois de juillet l'avenant au protocole de juillet 2003 pour assurer le financement de l'ensemble de la couverture mobile de nos centres-bourgs. Pour rendre effectif ce plan de déploiement, nous avons décidé de mobiliser les services du ministère de l'équipement, pour qu'ils aident les élus à répondre à la question de savoir où et comment installer les relais nécessaires à cette couverture.

Mais, les élus locaux que nous sommes le savent, il n'est pire événement pour un territoire que la fermeture de la principale entreprise d'un pays. C'est un séisme. Il faut alors savoir panser les plaies, recréer une dynamique porteuse pour le territoire concerné, mais aussi et surtout pour les gens qui l'habitent et qui subissent de plein fouet, directement ou indirectement, ce qui est pour eux une vraie catastrophe. C'est pourquoi le Gouvernement a créé les contrats de site, dans le cadre desquels, sous l'égide du préfet, tous les hommes de bonne volonté se mettent autour d'une même table pour bâtir un nouveau projet, partagé, pour le territoire, et examinent les moyens de le mettre en œuvre concrètement. C'est une démarche qui n'a aujourd'hui qu'une année, mais les premiers résultats commencent à se concrétiser sur les premiers territoires qui s'y sont engagés. Je pense vraiment qu'ils sont porteurs d'espoir.

Voilà, messieurs les présidents, mesdames, messieurs les députés, le rôle que nous pensons devoir assigner à l'État et que nous avons tenu à vous présenter avant de débattre avec vous du budget de l'aménagement du territoire, lequel ne reflète, vous le savez bien, qu'une partie des moyens que l'État consacre à l'aménagement de nos territoires.

M. le président. Je vais maintenant donner la parole aux orateurs des groupes.

La parole est à M. Jacques Bobe, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Jacques Bobe. Messieurs les présidents, messieurs les ministres, mes chers collègues, le budget global de l'aménagement du territoire a été, comme il se doit, développé par les rapporteurs.

Je voudrais simplement souligner que, dans le cadre des fortes contraintes budgétaires que nous connaissons, l'essentiel est de faire les bons choix et de maîtriser les crédits.

De plus, il convient d'insister sur l'effort complémentaire très important, de 8,6 milliards d'euros, comprenant les interventions de différents ministères, les exonérations fiscales et sociales, ainsi que les concours des fonds européens.

Permettez-moi de m'attarder sur les trois axes majeurs des budgets de la DATAR, du FNADT et de la PAT, qui sont essentiels pour la compétitivité, pour l'attractivité des territoires, pour la solidarité et le développement.

En ce qui concerne, tout d'abord, la compétitivité, les pôles de compétitivité mis en place par le CIADT du 14 septembre dernier vont très prochainement être concrétisés. Il s'agit d'une initiative innovante et riche de promesses. Vous avez annoncé, messieurs les ministres, que ces pôles seront définis et labellisés. De son côté, le projet de loi de finances a détaillé les mesures d'accompagnement. Il est important pour les élus locaux et les entreprises de savoir d'ores et déjà comment seront opérés les choix pour l'implantation des sites et pour la répartition de la prime à l'aménagement du territoire. Êtes-vous en mesure de nous en dire davantage aujourd'hui sur la définition, sur la localisation géographique et sur les critères d'éligibilité des projets ?

S'agissant, en second lieu, de l'attractivité des territoires, la rénovation en cours des zones de revitalisation rurale, dans le cadre du projet de loi sur le développement des territoires ruraux, doit permettre, en rapprochant leur statut de celui des zones franches urbaines, de donner un nouvel élan à ces territoires et de lever de nombreux obstacles. Un deuxième point en matière d'attractivité est le maintien des services publics en zone rurale et le maintien du service au public. La volonté du Gouvernement d'assurer un égal accès de tous aux services publics est essentielle, même s'il est indispensable d'adapter la durée et la fréquence du service en fonction de la nature de celui-ci et des nouvelles technologies, ainsi que de l'importance de la population à desservir, et de tenir compte de la concurrence imposée notamment par l'Europe. De ce point de vue, il est nécessaire d'assurer le développement économique de ces territoires et d'y réaliser une politique de l'habitat active, seul moyen d'y maintenir ou d'y accroître la population sans laquelle toute politique de services au public est vouée à l'échec. Dans ce contexte, comment envisagez-vous, messieurs les ministres, l'évolution des services publics en zone rurale et, plus généralement, le réaménagement des services au public, sachant que le rôle des collectivités locales et des opérateurs privés peut être important ? Quel est l'état d'avancement des réflexions engagées dans ce domaine en s'appuyant notamment sur les expériences réalisées dans quatre départements pilotes ?

S'agissant, enfin, de la solidarité et du développement, plusieurs aspects sont mis en lumière par les projets de loi et les différents CIADT, qui constituent, il faut le souligner, une instance efficace de programmation.

Je souhaiterais que vous puissiez nous préciser l'avenir auxquels sont promis les contrats de plan État-région, dans la mesure où les fonds structurels européens fournissent actuellement le tiers des ressources et sont amenés à diminuer considérablement, voire, dans certains domaines, à disparaître.

De plus, et nous abordons là un aspect extrêmement important de l'aménagement du territoire, le Gouvernement s'est engagé, comme vous venez de le rappeler, monsieur le ministre, à réduire la fracture numérique en assurant l'égal accès de la population à la téléphonie mobile et au haut débit. Le développement massif des technologies alternatives et la couverture complète du territoire sont un enjeu majeur. Où en sommes-nous aujourd'hui ? Le calendrier est-il tenu sur l'ensemble du territoire ? Quels problèmes locaux rencontrez-vous ? Comment le Gouvernement compte-t-il réussir ce pari ?

Enfin, les mesures en faveur des territoires les plus fragiles, notamment la montagne, constituent une avancée qui doit être saluée.

En conclusion, l'ensemble des dispositions contenues dans ce projet de loi nous apparaissent satisfaisantes. La volonté affichée par le Gouvernement dans le cadre du CIADT, du projet de loi sur le développement des territoires ruraux, du débat sur les délocalisations et du présent budget nous conduit en effet à vous apporter, au nom du groupe UMP notre soutien sans réserve.

M. le président. Vous êtes un bon élève, monsieur Bobe : quatre minutes quarante-cinq ! Je rappelle que l'objectif est de ne pas dépasser cinq minutes, pour permettre ensuite à un maximum de collègues de poser des questions.

La parole est à M. Pierre Cohen, pour le groupe socialiste.

M. Pierre Cohen. Je n'irai pas dans le sens du discours gratifiant de mon collègue Bobe. Je tiens tout d'abord à souligner que les députés du groupe socialiste se félicitent de la présence de M. de Robien. Jean-Marc Ayrault avait écrit une lettre à M. Debré pour s'inquiéter de la seule présence de M. de Saint-Sernin. Il n'est pas question pour nous de remettre en cause ce dernier, mais il nous semble important que ce débat sur l'aménagement du territoire ne soit pas simplement une analyse du budget de l'aménagement du territoire. Il doit être aussi l'occasion d'une confrontation autour des manières de concevoir ce qu'est un aménagement du territoire. Il aurait donc été bon que d'autres ministres soient également présents ce matin, qui ont aussi une responsabilité en la matière. Cela aurait permis un débat croisé. Quoi qu'il en soit, nous remercions M. de Robien d'être présent.

Je ne m'attarderai pas longuement sur l'analyse du budget, d'autant que M. Giscard d'Estaing en a parlé d'une manière lucide et critique dans la première partie de son intervention. Il me suffit de me référer à son rapport, qui montre bien que pratiquement tous les crédits sont en baisse. Le peu d'intérêt que vous portez à l'aménagement du territoire se manifeste également par l'empressement que vous avez à remplacer le délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale. Il est déjà parti avant que nous ayons eu le temps de le connaître et de l'apprécier, et vous n'avez pas encore eu l'occasion de le remplacer.

Mon propos portera essentiellement sur les contrats de plan État-région, qui sont un outil extrêmement important de l'aménagement du territoire, ainsi que sur certaines des politiques que vous menez, et où l'on constate un formidable décalage entre les intentions affichées et la réalité.

S'agissant des contrats de plan État-région, je voudrais répondre à un propos que vous avez tenu hier, monsieur de Robien, et que vous tenez d'ailleurs régulièrement, mais qui me semble absolument faux. Vous essayez de nous expliquer que vous êtes en train de rattraper un retard qui aurait été pris dans les années 2001 et 2002. En réalité, chacun sait très bien que quand on crée des contrats de plan État-région, l'exercice des premières années se fait sur la base d'études lourdes concernant des projets dont la réalisation est reportée à la troisième, la quatrième ou la cinquième année, jusqu'à la fin du contrat. Or non seulement vous avez eu le culot de critiquer cette période, où l'on n'était effectivement pas complètement en phase par rapport à des septièmes de projet qui auraient dû se réaliser, mais vous avez eu le front de geler une bonne partie des crédits. De sorte que si les projets ne sont pas actuellement en voie de réalisation, ce n'est pas parce que nous sommes en période d'étude, c'est parce que l'argent de l'État fait défaut. Il suffit de se promener dans nos départements et dans nos régions pour entendre tous les préfets dire que l'État n'a plus d'argent.

Je n'entrerai pas dans le détail du bilan, puisque le rapport de M. Bonrepaux, qu'il aura certainement l'occasion de commenter tout à l'heure, montre que, mis à part celui de l'éducation nationale, qui n'a qu'un an de retard, et que l'on peut considérer comme étant à peu près dans les temps, tous les budgets, même le vôtre, monsieur de Robien, ont au minimum deux ou trois ans de retard. Certains, en particulier celui de la santé, ont jusqu'à sept ans de retard.

Ce n'est donc pas par hasard que votre discours est marqué par une forte ambiguïté quant à ce que vous voulez faire des contrats de plan État-région. D'un côté, vous voulez les rallonger, parce que vous ne pouvez pas faire autrement pour honorer les engagements de l'État. Mais, d'un autre côté, vous voulez les raccourcir, en instaurant des périodes d'étapes, qui doivent prétendument permettre de procéder à des réajustements. Précisément, et c'est sur ce point que je voudrais essayer d'avoir un débat avec vous, n'y a-t-il pas une véritable remise en cause du rôle de l'État ? Il faudrait approfondir ce que vous avez appelé « l'État éclaireur ».

Mais avant d'en venir là, je voudrais montrer que les contrats de plan État-région nous fournissent une bonne illustration des contradictions entre le discours que vous tenez au plan national et la réalité des faits.

Vous rappelez toujours le discours du Président de la République, qui met en avant la volonté de s'inscrire dans un développement durable. Or force est de constater que, même si votre budget routier est en retard, il l'est moins que tout ce qui permettrait de mener une politique de développement durable véritablement offensive. C'est vrai en particulier pour le fret, sujet sur lequel notre collègue Jean Launay interviendra certainement. De même, il faut souligner votre abandon total des aides au transport en commun en direction des agglomérations, ce qui est absolument catastrophique pour celles-ci. Malheureusement, le retard dont elles souffrent toutes se creusera.

Je veux respecter la règle des cinq minutes.

M. le président. Il ne vous en reste plus qu'une !

M. Pierre Cohen. Je ne dirai donc pas ce que j'aurais aimé dire sur les services publics. Mais ce que je ne dirai pas ici, vous aurez certainement l'occasion de l'entendre au Congrès des maires de France, puisque la plupart des services publics sont démantelés, non seulement dans le monde rural, mais aussi dans les quartiers en difficulté.


J'aborderai, pour terminer, la stratégie de l'État. Le groupe socialiste s'interroge en effet sur la manière dont vous faites évoluer les contrats de plan État-région. Alors qu'une centaine de contrats territoriaux sont déjà prêts, vous n'en avez signé que la moitié.

L'État ne doit-il pas avoir pour but la planification, la redistribution, la péréquation sur l'ensemble des territoires ? Ce qui signifie que l'outil indispensable doit être le contrat de plan État-région, les schémas de services collectifs et les contrats territoriaux, qu'ils soient posés avec les pays ou les agglomérations.

Vous créez un véritable mythe autour des pôles de compétitivité, dont vous renforcez l'excellence, ce qui en soit n'est pas condamnable, bien au contraire, mais cela donne l'impression que ce serait la priorité, voire la seule politique. Ce serait dangereux car ces pôles de compétitivité ont déjà des dynamiques, des moyens et des compétences reconnus.

Il faut favoriser l'émergence de l'ensemble des dynamiques afin que l'emploi soit réellement l'objectif premier de l'organisation locale du territoire.

Faut-il voir là une remise en cause déguisée des contrats de plan État-région et du rôle de péréquation, de redistribution et de dynamisme local en faveur des territoires fragiles et en difficulté ? Les pôles de compétitivité ne vont-ils pas progressivement remplacer les contrats territoriaux, qui sont indispensables sur l'ensemble de notre territoire ?

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. André Chassaigne. Ce qui frappe dans ce budget, c'est d'abord l'immense décalage entre la réalité des crédits et les annonces faites dans les CIADT successifs qui, de ce fait, apparaissent comme autant de rodomontades, de rideaux de fumée ou d'effets de manche. Et ensuite, l'immense gouffre entre votre discours, qui n'est qu'habillage, et la réalité du budget.

Lorsque vous parlez de prospective, d'excellence, de réduction de la fracture territoriale, on a un peu le même sentiment qu'en entendant le commissaire au Plan parler de « l'État stratège », alors que ce même État abandonne complètement toute approche de planification.

Le budget en lui-même marque le recul des interventions pour accompagner le développement local, ce que nous appelions la philosophie « aide-toi, le ciel t'aidera ». En effet, le FNADT est aujourd'hui de plus en plus absent. Il ne se passe pas de semaine sans que remontent des territoires dont nous sommes les élus des demandes non satisfaites. Cela va se confirmer cette année avec une baisse des crédits de 5 millions d'euros.

De même, la prime d'aménagement du territoire enregistre une baisse importante : 50 millions d'euros ont été dépensés en 2004, alors qu'à peine 39 millions d'euros sont prévus pour 2005.

La philosophie de l'État ne semble pas être une approche d'accompagnement du développement local, mais plutôt une intervention en « pompier ». Cela transparaît dans l'augmentation des crédits consacrés aux contrats de sites et aux contrats territoriaux : vingt et un contrats ont été signés. Ce n'est donc pas une approche globale du développement des territoires.

On retrouve cette même approche pour les contrats de plan État-région, puisque les programmes votés au titre de la participation de l'État s'élèvent, en 2005, à 125 millions d'euros et que les crédits de paiement ne seront que de 71 millions d'euros. Ces baisses sont bien l'illustration d'un choix politique.

Je soulignerai quelques points brièvement. Tout d'abord, les orientations actuelles en ce qui concerne le fret ferroviaire auront des résultats catastrophiques pour le développement économique et l'aménagement du territoire. M. Giscard d'Estaing aurait pu nous parler de leurs conséquences dans le parc naturel des volcans, où désormais des dizaines de camions vont sillonner les routes de montagne, avec les conséquences que l'on peut deviner, pour transporter les eaux minérales.

De même, l'abandon du projet de ligne ferroviaire Béziers-Neussargues aura pour conséquence d'asphyxier dans les années à venir le sillon rhodanien. Ces orientations auront des effets terribles pour l'économie et l'environnement.

Quant aux routes, comment peut-on parler d'aménagement du territoire après la décision défavorable donnée par la Commission européenne sur le projet de tronçon autoroutier entre Balbigny et La Tour de Salvigny, le fameux barreau de Balbigny ?

Je voudrais montrer à quel point des décisions de développement, d'aménagement du territoire, de lutte contre les fractures territoriales, sont réduites à néant par l'abandon d'une politique de fret ou de liaisons autoroutières.

Je terminerai par quelques mots sur le haut débit. Vous avez parlé à juste titre, monsieur le ministre, du fonds de soutien au haut débit. Il est vrai que l'enjeu est phénoménal. Mais en pratique, dans des secteurs entiers, les collectivités territoriales sont comme des bateaux ivres face aux technologies alternatives.

Par manque de coordination, par manque de réflexion, on fait un peu n'importe quoi parce qu'un retard phénoménal a été pris dans le haut débit. Cela vaut aussi pour la téléphonie mobile. M. Delevoye nous a annoncé que tout serait réglé, que nous allions voir ce que nous allions voir... mais nous ne voyons rien venir !

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Jean Dionis du Séjour. Le budget de l'aménagement du territoire est stable en moyenne avec 255 millions d'euros en autorisations de programme et 165 millions d'euros en crédits de paiement, et ses choix stratégiques, que ce soit pour les pôles de compétitivité ou la modernisation des services publics, sont bien orientés.

Pour mettre fin à un suspens insoutenable, j'annonce donc dès maintenant que le groupe UDF soutiendra ce budget. (Sourires.)

Ma première question portera sur les services publics. Il s'agit là d'un débat vital pour l'aménagement du territoire. Plusieurs politiques sont défendues, du moratoire à la modernisation du service public.

Je suis convaincu que les habitants peuvent comprendre la nécessité de moderniser certains réseaux, comme celui de La Poste - sur lequel nous aurons un débat historique -, à condition que la modernité, la mobilité, le travail à distance soient accessibles à tous.

Or, monsieur le ministre - et je parle sous le contrôle de M. Alfred Trassy-Paillogues- ; le plan « zones blanches » a pris un an à un an et demi de retard. Quelles mesures envisagez-vous pour désensabler la phase 1 de ce plan, sachant que l'activation du réseau DDE nous semble une mesure insuffisante ? Aujourd'hui, dix-huit sites seulement sont opérationnels pour plus d'un millier de communes annoncées.

S'agissant d'Internet, la fracture numérique territoriale est en cours de résorption et France Télécom se recentre sur le territoire national. Tant mieux. Mais quelle technologie le Gouvernement entend-il pousser pour les territoires qui vont rester en dehors du déploiement de l'ADSL ? Si c'est le Wimax, qu'on nous dise comment faire pour le privilégier.

L'activité touristique est devenue pour beaucoup de territoires une dimension stratégique. Le levier fiscal est déterminant, comme le Lot-et-Garonne peut en témoigner. Les mécanismes de défiscalisation sont abordés dans le projet de loi sur le développement des territoires ruraux. Quelle est la position du Gouvernement ? Compte-t-il peser lors de la discussion de ce texte en deuxième lecture au Sénat ?

Avec Christian Blanc, nous avons eu, sur les pôles de compétitivité, une réflexion qui nous a conduits, de manière complémentaire, à allier les pôles de compétitivité, peu nombreux, et une masse critique réelle en nombre de chercheurs, avec d'un côté, une vraie proximité université, chercheurs, industrie, et de l'autre des systèmes productifs locaux, beaucoup plus nombreux sur le territoire, qui rassemblent les acteurs d'une même filière économique. Confirmez-vous que cette philosophie a été intégrée dans le cahier des charges des pôles de compétitivité ? Quel nombre de pôles le Gouvernement a-t-il en tête en lançant son appel d'offres ?

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Sur l'analyse des chiffres, il est possible de discuter pendant des heures. Je ne pense pas qu'en termes d'aménagement du territoire l'analyse budgétaire puisse être négative. Mais l'aménagement du territoire, ce ne sont pas seulement des crédits.

Monsieur Cohen, si aujourd'hui nous sommes à la recherche d'une définition de la politique globale d'aménagement du territoire - dont j'attends que MM les ministres la précisent dans quelques instants -, c'est bien parce qu'en 1994 nous avions adopté une loi-cadre pour les vingt ans suivants. (Interruption de M. Pierre Cohen.)

Et si je le répète, c'est parce qu'il y a des témoins extérieurs et que je souhaite qu'ils l'entendent.

Or ce travail a été déstructuré lorsque Mme Voynet a abrogé, dans sa loi, le schéma national d'aménagement du territoire et a mis en place les fameux schémas collectifs de services publics qui, malheureusement, sont aujourd'hui dans une impasse. Le phénomène de déstructuration que nous constatons provoque un manque de lisibilité.

Vous avez parlé, monsieur le ministre, d'« État éclaireur », d'« État garant » ; j'ajouterai « État moteur ».

M. Augustin Bonrepaux. Le moteur est en panne !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Fracture territoriale, services publics, développement économique, santé, maintien de l'agriculture, transports ne figurent pas dans un catalogue où chacun peut faire son marché. Nous essayons d'imaginer une ligne directrice à laquelle se tenir.

Monsieur le ministre, vous avez parlé de décentralisation. Le fait est que la décentralisation suscite des interrogations chez certains élus locaux. La manière dont elle est reçue peut connaître une réponse dans l'affirmation encore plus forte d'une politique d'aménagement du territoire.


Je fais partie de ceux qui, dans la majorité, croient au rôle essentiel de l'État. Je crois à l'État moteur, qui prend l'initiative au lieu de laisser filer les choses sans intervenir. Vous êtes dans cette logique de l'État moteur, monsieur le ministre, et je vous en remercie, car plus la décentralisation s'accentue, plus la politique d'aménagement du territoire doit être lisible. C'est en cela que les élus attendent des signaux.

Il faut répondre aux questions soulevées par les politiques territoriales. La politique de création de pays connaît-elle des limites ? Faut-il la mener à son terme ? Soyez rassuré : je pose cette question non parce que je fus, en 1994, le rédacteur de l'amendement qui créa les pays, mais parce que la lisibilité de l'architecture intercommunale conditionne le développement futur de regroupements comme les pays et leur capacité à prendre des initiatives.

S'agissant des régions, j'attends beaucoup de la réforme préconisée par M. Giscard d'Estaing et M. Launay à propos des contrats de plan État-région, et j'espère, monsieur le ministre, que l'on en verra le bout.

Il faut considérer les points d'appui d'une politique puis ses instruments. Je terminerai mon intervention sur ces derniers. Comment faire pour qu'ils fonctionnent ? Comme je le disais en critiquant les propos des représentants du groupe socialiste, ils ne peuvent fonctionner que si la politique menée suit une cohérence d'ensemble.

M. François Brottes et M. Pierre Cohen. Cela ne tient qu'à vous !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Maintenant que le schéma national a été abandonné, je préconise, monsieur le ministre, que nous imaginions une sorte de charte nationale fixant les lignes directrices de la politique d'aménagement et de développement durable de nos territoires.

Le Gouvernement prend des initiatives extrêmement positives et courageuses, et je l'en remercie, mais il n'empêche que les différents acteurs sont à la recherche d'une cohérence et surtout d'une lisibilité. Croyez-moi, cette critique est positive et nécessaire.

M. le président Méhaignerie a très justement dit qu'on ne réglera pas le problème en créant de nouveaux organismes. Il existe un Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire. Ne peut-il pas - peut-être M. Blessig en parlera-t-il - coordonner en son sein tous les instruments d'observation et d'étude nécessaires ? J'ai participé pendant quinze ans aux travaux du Conseil et, sincèrement, je le dis d'expérience, quelle que soit la majorité, ces grands-messes sont ainsi préparées que nous ne pouvons réellement en être les acteurs.

Une réforme des moyens et surtout des modalités des instruments existants doit donc être conduite, sans en créer de nouveaux, afin que la politique territoriale puisse être mieux appréhendée. Voilà ce que j'appelle de mes vœux.

M. le président. J'ajoute deux observations très brèves.

Premièrement, de nombreuses questions ont porté sur les contrats de plan. La commission des finances, par souci de transparence, a accepté qu'une mission d'information soit constituée. Nous verrons que l'élaboration des contrats de plan a pris du retard, pour plusieurs raisons sur lesquelles je ne reviens pas. Mais le plus intéressant est d'examiner comment nous pourrions recentrer l'effort sur des investissements structurels propres à améliorer la productivité du pays.

Deuxièmement, je souhaite bonne chance aux pôles de compétitivité. Dans notre pays, on aime multiplier les sigles, à tel point que l'on s'y perd. Mais peut-on vraiment aimer ce qu'on ne comprend pas ? Il faut se méfier de ces zonages multiples dont il est très difficile de sortir. On a par exemple concentré sur les ZUS - même si certains le contestent - les 120 millions supplémentaires d'effort budgétaire de dotation globale. Très bien ! Mais des collectivités très riches bénéficieront ainsi de dotations supplémentaires tandis que d'autres, pauvres quoique dépourvues de ZUS, n'en verront pas la couleur.

M. Augustin Bonrepaux. Très bien ! Vous l'avez dit mieux que moi !

M. le président. Il convient d'avoir ce regard sur la réalité, tout en ayant conscience qu'il ne faut pas attendre de l'État ce qu'il ne peut donner. Je rappelle tout de même que l'outil le plus important et le plus efficace de la politique d'aménagement du territoire, ce sont les dotations de l'État aux collectivités locales, qui, cette année, atteignent 60 milliards d'euros ! J'insiste : 60 milliards d'euros !

M. Pierre Ducout. Cette somme inclut les compensations !

M. le président. Je vais maintenant donner la parole à M. le ministre, en lui demandant d'être bref...

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Cela va être difficile, monsieur le président !

M. le président. ...pour qu'un maximum de collègues puissent ensuite poser leur question.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Nous allons nous partager le travail, si vous le voulez bien, avec Frédéric de Saint-Sernin.

D'abord, la France dispose d'une industrie puissante et compétitive, contrairement à tout ce qu'il nous est donné d'entendre ou de lire. Mais cette industrie, dans un monde qui évolue, doit toujours se perfectionner, devenir plus compétitive et réactive, grâce à une meilleure capacité à développer des technologies, notamment des technologies du futur. Il s'agit en effet de gagner des points de productivité alors que les nouvelles technologies se caractérisent par une complexité toujours croissante, le rythme d'évolution étant de plus en plus rapide.

Les pôles de compétitivité mettent en commun des ressources et des compétences en instaurant une collaboration étroite entre tous les acteurs d'une activité destinée au marché final pour créer les conditions d'une sorte de fertilisation croisée.

J'ai effectué, il y a un mois, une visite des plus intéressantes en Finlande, au nord d'Helsinki, et peut-être avez-vous vécu des expériences similaires. Dans cette zone apparemment désertique vue d'avion, composée de communes très disparates et peuplée de 300 000 habitants environ, l'université décentralisée, les collectivités locales et les industries mettent en commun leurs moyens en matière de recherche, d'enseignement et de formation pour sauver la filière bois tout en se portant à la pointe des technologies de l'information et de la communication. On ne peut que se dire que la France a du chemin à parcourir avant d'aboutir à de telles synergies entre la matière grise, le savoir-faire et la volonté politique locale.

Ces synergies doivent être recherchées car elles constituent autant de remparts contre les délocalisations. En effet, même s'il convient de relativiser, ce phénomène existe bien. Or, s'il est relativement facile de délocaliser une entreprise de main-d'œuvre, c'est déjà beaucoup plus dur de faire de même avec un centre de recherche et pratiquement impossible avec un réseau comme celui que je viens de décrire. Quand la France sera couverte de tels réseaux, de tels pôles de compétitivité, on ne parlera plus de délocalisations ou du moins on en parlera beaucoup moins, j'en suis persuadé.

Voilà pourquoi le Gouvernement a décidé de promouvoir les pôles de compétitivité. Nous souhaitons approfondir, accélérer et formaliser des synergies potentielles entre structures qui n'ont pas l'habitude de travailler ensemble. L'État, en l'occurrence, doit jouer le rôle de facilitateur ou de « moteur de synergie », si j'ose dire. C'est pourquoi, monsieur le président, plutôt que de définir de nouveaux périmètres, nous avons retenu la formule de l'appel à projets.

Au printemps 2005, une vingtaine de pôles de compétitivité devraient être sur pied ; ils bénéficieront de moyens financiers importants. Dans trois ans, c'est-à-dire en 2007, les moyens financiers dédiés au lancement et à l'accompagnement des pôles de compétitivité atteindront 750 millions d'euros, plus de la moitié - 370 millions - provenant du budget général de l'État et le reste d'établissements publics de l'État : la Caisse des dépôts et consignations, l'ANVAR, Agence française de l'innovation, la Banque de développement des petites et moyennes entreprises et sa filiale SOFARIS. Les partenaires associés aux pôles de compétitivité labellisés bénéficieront de trois types de mesures incitatives non exclusives : les subventions publiques ; des exonérations fiscales et des allégements de charges sociales ; des systèmes de financement et de garantie spécifiques.

En 2005, 25 à 30 % des crédits d'intervention et d'animation des ministères concernés par le développement des pôles de compétitivité seront dédiés à leur émergence et à leur développement, et 8 millions d'euros de crédits ont été réservés pour accompagner la démarche d'animation, d'action collective et d'ingénieurie.

L'accès à l'Internet à très haut débit constituera évidemment l'un des critères déterminants pour la compétitivité et l'implantation d'activités nouvelles. La CDC soutiendra prioritairement ces projets à travers une enveloppe de 235 millions d'euros consacrée à l'équipement numérique du territoire.

C'est peut-être exagéré et cela fait parfois sourire, mais je suis convaincu de l'existence, sur chaque territoire, de ce que j'appelle le « génie local », qui s'ignore mais ne demande qu'à s'exprimer et à se mettre en synergie. Dans notre pays, on reste souvent trop cloisonné. Il faut donc conforter ce « génie local » pour lui permettre d'atteindre l'excellence sans pour autant qu'il reste l'apanage des pôles de compétitivité. Nous avons aussi, vous le savez, décidé de mobiliser annuellement 4 millions d'euros afin d'accompagner les pôles d'excellence locaux pour qu'ils travaillent ensemble, et les explications que Frédéric de Saint-Sernin donnera sur les micro-pôles d'excellence rassureront aussi, je pense, M. Cohen.

Je vais maintenant répondre à M. Bobe en faisant l'état des lieux du haut débit.

Fin juin 2004, plus de 50 millions de Français, soit 83 % de la population, avaient la possibilité technique d'accéder à une connexion permanente à l'Internet, au lieu de 37 millions fin 2002, ce qui représente une progression de 35 % en un an. Nous nous situons à la première place européenne pour le nombre de lignes raccordées en technologie ADSL et à la quatrième place pour le taux de pénétration. La France est également le troisième pays au monde s'agissant du nombre de points d'accès à l'Internet sans fil par technologie wifi. C'est la France qui, en Europe, connaît aujourd'hui la plus forte croissance du nombre d'abonnements et d'offres d'accès à l'Internet à haut débit. Elle a maintenant dépassé la moyenne européenne : plus de 8 % de la population, soit près de 5 millions de personnes, est abonnée au haut ou moyen débit. Ç'en est donc fini des complexes que nous entretenions encore il y a deux ou trois ans : en novembre 2004, la France a rattrapé l'essentiel de son retard.

D'ailleurs, mi-2004, 19 300 communes avaient totalement ou partiellement accès à des connexions permanentes à Internet. Des zones étendues ne bénéficient cependant pas encore du haut débit, tout particulièrement des communes rurales et des quartiers éloignés des répartiteurs téléphoniques. Toutefois, même si 95 % de la population était couverte, plus de 15 000 communes de petite taille ou parties de communes ne le seraient toujours pas.

Nous ne devons évidemment pas nous endormir sur ces lauriers. Au-delà des premières mesures que je vous ai présentées, je répondrai à M. Dionis du Séjour qu'il n'existe pas de technologie miracle ; il le sait du reste mieux que moi car c'est un spécialiste en ce domaine. Il faut chaque fois trouver la solution la mieux adaptée, selon le moment et le territoire, et tout évolue très vite, vous le savez très bien : ce qui est vrai aujourd'hui ne le sera plus forcément à la fin de l'année 2005.

Enfin, pour accompagner les collectivités locales dans leurs projets, je répète que nous avons décidé, avec Frédéric de Saint-Sernin, de mobiliser les services du ministère de l'équipement en constituant, à Nantes, une équipe d'experts nationaux mis à la disposition des collectivités pour les conseiller en toute indépendance. Quand on engage des investissements de très grande ampleur dans ces domaines, il faut pouvoir trouver le bon conseil, et un conseil neutre, car la concurrence est très vive et ce qu'on entend est souvent très contradictoire. L'État a aussi pour rôle de savoir mettre en place et proposer expertise et conseil aux partenaires locaux.

Sur la téléphonie mobile, je laisserai la parole à Frédéric de Saint-Sernin.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'aménagement du territoire. Monsieur le président, si vous le voulez bien, je répondrai en effet sur la téléphonie mobile, ainsi que sur les SPL et d'autres sujets.

Jean Dionis du Séjour a évidemment fait part de ses inquiétudes sur l'état d'avancement de la phase 1 du plan de téléphonie mobile. Cette phase 1, vous le savez, concernait la répartition du financement entre l'ensemble des collectivités territoriales, l'État et les opérateurs. Je vais vous exposer la situation fin septembre 2004.

Sur les 86 protocoles départementaux potentiels, 34 étaient signés, au lieu de quatre en février : la progression est donc exponentielle. Sur les 1 250 sites concernés par un emplacement potentiel, 1 137 avaient fait l'objet d'une recherche et 474 avaient été retenus, au lieu de 39 en février.


Dix-huit pylônes ont été mis à disposition par les collectivités et quatre sites ont été ouverts.

Je partage votre opinion : ce bilan est en effet insuffisant. Cependant il progresse et il va progresser de manière exponentielle. Il faut bien comprendre que ces chiffres résultent aussi du délai nécessaire à l'implantation des pylônes, que l'on évalue à une quinzaine de mois.

Nous avons adressé une circulaire aux préfets le 5 octobre pour permettre à la DDE de mobiliser ses moyens, ce qui devrait faciliter, je pense, les démarches préalables à l'implantation de ces pylônes.

Après Gilles de Robien, je reviendrai sur les pôles de compétitivité, lesquels, on l'aura compris, ne correspondent pas systématiquement aux besoins et à la réalité socio-économique et industrielle de notre territoire. Depuis que le CIADT du 14 septembre les a présentés, nous avons eu, Gilles de Robien et moi-même, beaucoup de réactions des parlementaires, qui sont très intéressés par le concept mais souhaitent des compléments d'information.

La circulaire, qui établira en particulier le cahier des charges, sortira dans la première quinzaine de ce mois. Jean Dionis du Séjour s'interrogeait sur le numerus clausus : sur une vingtaine, selon les résultats de l'expertise, il sera décidé lesquels seront estampillés « pôles de compétitivité ». Là encore, nous nous situons dans la durée.

Cela dit, nous avons besoin d'une autre maille car, sur le terrain, nous sommes très sollicités à propos de sujets de dimension plus nationale ou plus régionale qu'internationale. Il nous faut répondre aux préoccupations des élus, des industriels, des acteurs socio-économiques, qui réfléchissent à la création d'une éventuelle structure.

On connaît les SPL. Les politiques complémentaires ou d'accompagnement sont nécessaires pour stimuler ces activités qui sont de taille plus modeste. Le CIADT du 14 septembre a décidé d'affecter une enveloppe de 2 millions d'euros du FNADT pour l'animation et l'accompagnement de ces organisations qui seront identifiées au niveau national, en concertation, bien sûr, avec les échelons régionaux. Le ministère chargé de l'industrie contribuera à cette action à hauteur de 2 millions d'euros également, à travers les crédits déconcentrés de politique industrielle.

Au printemps, lors d'un nouveau CIADT qui permettra d'estampiller les pôles de compétitivité, nous souhaitons, Gilles de Robien et moi-même, formuler très précisément des propositions de mesures complémentaires pour ces nouveaux réseaux.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. S'agissant des contrats de plan, fin 2003, les crédits délégués par l'ensemble des ministères portaient le taux de mise en œuvre des crédits de l'État à 45,70 %, taux à comparer avec le taux théorique de 57,14 % : nous sommes en retard. Fin 2004, selon la programmation des ministères, le taux de mise en œuvre des crédits devrait atteindre 55 %. À la fin de 2002, le niveau d'engagement s'élevait à 35 %, pour une avancée de 42 %, soit déjà la moitié du retard : c'est de la mathématique, pas de la politique partisane ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Dans les années 2000 et 2001, on n'a pas affecté de crédits parce qu'on ne faisait que des études ! C'est trop facile ! (Mêmes mouvements.)

L'avancement des crédits de plan n'est pas une question partisane, contrairement à ce que semble penser très fort M. Cohen !

Je vous rappelle que, en 2002 et 2003, notre pays a connu une crise économique très forte et que les ressources ont, de ce fait, été bien moindres. Il faut reconnaître, ce que j'ai fait hier devant la commission du développement économique, que le budget de l'équipement et des contrats de plan constitue une des rares variables d'ajustement - en connaissez-vous d'autres ? - quand les frais de fonctionnement d'un État atteignent un tel niveau et qu'il subit en outre une crise économique. Dans ce cas, il faut être très attentif aux problèmes sociaux. C'est ce que nous avons privilégié. Vous ne pouvez faire au Gouvernement le reproche d'être attentif au volet social de sa politique quand il y a crise économique ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Le Gouvernement mettra tout en œuvre pour mener à bien les contrats de plan. Sa capacité à rattraper l'énorme retard accumulé par les deux gouvernements précédents dépendra encore de la conjoncture économique et de la reprise de la croissance, à laquelle je crois, et je ne suis pas le seul. En tout état de cause, les investissements contractualisés seront réalisés. Le retour de la croissance devrait nous permettre, dès la loi de finances rectificative pour 2004, de rattraper une partie du retard qui a été accumulé par nos prédécesseurs comme par nous-mêmes.

Monsieur Cohen, rassurez-vous : le délégué sera nommé dans les tout prochains jours.

Monsieur Chassaigne, vous avez déclaré qu'il y avait un décalage entre le CIADT et la réalité. Je vous rappelle que mon prédécesseur m'a laissé une ardoise de 15 milliards d'euros sur des projets annoncés mais non financés. Pour notre part, au CIADT du 18 décembre, nous avons aussi annoncé des projets, mais également la façon dont nous les financerions, avec l'AFIT, à laquelle seraient affectés directement les dividendes des autoroutes. Voilà comment on est crédible, en annonçant des infrastructures et en montrant comment on va les financer. L'AFIT est désormais susceptible de financer tous les projets que nous avons annoncés.

L'agence de financement sera d'ailleurs opérationnelle dès le début de 2005. Elle sera alors dotée de 635 millions d'euros, avec un accroissement très substantiel dans les prochaines années des dividendes d'autoroutes. En effet, les remboursements des dettes des autoroutes vont augmenter. Nous sommes au début d'un processus qui voit les péages, donc les ressources des autoroutes continuer d'augmenter à un rythme de 2 à 5 % tandis que le remboursement des dettes s'accroît fortement. Nous aurons donc beaucoup de ressources pour réaliser les projets que nous avons annoncés et dont on sait maintenant non seulement qu'ils sont finançables, mais qu'ils seront financés.

Pour ce qui concerne le fret ferroviaire, je rappelle à M. Cohen que si l'on en a beaucoup parlé au cours des années passées, on n'a pas fait grand-chose : 40 % de pertes de marchés en quarante ans ! Tel est l'état des lieux. L'écrasante majorité des moyens de mon ministère est maintenant consacrée aux modes de transports propres et à leur fonctionnement. Au CIADT du 18 décembre, les deux tiers, presque les trois quarts des projets sont des projets « propres » : ferroviaire, fluvial, autoroute maritime, notamment.

Ce sont 900 millions d'euros que nous avons décidé de consacrer au gros entretien des voies ferrées à partir de 2004 et 1,5 milliard d'euros pour maîtriser la dette ferroviaire. Et, je le répète, près de 75 % de l'AFIT seront consacrés à des modes de développement durable : lancement en février de la liaison avec l'Espagne, Perpignan - Figueras pour le fret, sans oublier la grande vitesse. Ça, c'est du concret !

En plus des grandes infrastructures de fret ferroviaire, nous avons aussi décidé de sortir de la spirale catastrophique que nous avons trouvée en arrivant aux affaires. La majorité précédente prétendait doubler le fret ferroviaire alors que le trafic continuait à baisser et que les pertes augmentaient de 100 millions d'euros par an pour dépasser les 500 millions d'euros. Pour notre part, nous en parlons moins - nous avons peut-être tort - mais nous avons décidé de consacrer 800 millions à sauver le fret ferroviaire, en enrayant la baisse et en modernisant l'offre, avec des locomotives neuves et une amélioration de la qualité du service qui permette d'attirer de nouveaux clients alors que, année après année, on les a vus préférer la route et se tourner vers le transport par camion.

Nous ne voulons pas reproduire ce qui s'est passé pendant des années. Ce n'est pas notre ambition pour le fret ferroviaire ! Je vous fais observer que le déficit de la SNCF en 2002 n'était constitué pratiquement que du déficit du fret ferroviaire. Nous devons redonner à ce dernier toutes ses chances et sa compétitivité, et donner à son sujet aux cheminots la fierté qu'ils éprouvent déjà pour les lignes à grande vitesse. C'est un vrai travail, il est en cours et l'année 2004 est celle de l'inversion des tendances. Les chiffres devraient confirmer le rétablissement du fret cette année, puisque la SNCF devrait retrouver l'équilibre, et l'année 2005 devrait être véritablement celle de la reconquête.

M. le président. La parole est à M. Émile Blessig.

M. Émile Blessig. Monsieur le ministre, j'ai beaucoup apprécié que, pour l'aménagement du territoire, vous fassiez confiance au « génie local ».

Nous construisons l'aménagement du territoire dans un contexte institutionnel radicalement nouveau, celui de la décentralisation. Par conséquent, les actions de l'État, État « moteur, stratège ou péréquateur », ainsi que vous l'avez qualifié, doivent se conjuguer avec celles des différents échelons. Si l'on n'arrive pas à définir clairement, au niveau de l'État, des priorités sur lesquelles il pourrait y avoir un accord, l'arbitrage selon les différents niveaux soulèvera des difficultés.

Nous sommes dans une société ouverte où les échanges sont la base du développement, qu'il s'agisse de la circulation des marchandises, du déplacement des hommes ou des échanges d'informations. Si un territoire ne maîtrisait pas ces trois défis, il resterait au bord du chemin.

Toute la difficulté réside dans le fait que certains territoires sont en avance sur les autres, mais néanmoins en compétition dans le cadre d'une économie ouverte et mondialisée : il faut donc les soutenir. Quant aux autres, ils risquent d'être marginalisés et de rester « zone blanche ».

M. Giscard d'Estaing a formulé des objections à propos de la multiplication des organismes. Mais une des missions du Conseil national de l'aménagement du territoire ne serait-elle pas précisément de définir les priorités, plutôt que de s'évertuer à observer la réalité, et de voir comment agir sur la réalité ?

Je me félicite de votre proposition de mettre à la disposition des territoires l'expertise de l'État pour leur permettre notamment l'accès au haut débit. La multiplicité des intervenants à l'échelon local, départemental ou régional, des techniques et des opérateurs le rend en effet très difficile. Pourtant, c'est un enjeu fondamental non seulement pour l'économie mais aussi pour les modes de vie de demain.

M. le président. La parole est à M. Yves Deniaud.


M. Yves Deniaud
. Je voudrais revenir sur les propos de Louis Giscard d'Estaing concernant l'organisation des structures qui concourent à l'aménagement du territoire.

Bien qu'étant coprésident de la mission d'évaluation et de contrôle des dépenses publiques, ses travaux ne m'appartiennent pas. Cela étant, nous avons sans doute fait œuvre utile en examinant l'ensemble des structures qui s'occupent d'évaluation et de prospective dans notre pays. À l'évidence, une simplification s'imposait.

Des mouvements ont récemment affecté les personnes dans les principaux organismes en cause. Il serait temps que le Gouvernement cherche, à la lumière de nos travaux, à rendre cet édifice moins lourd, moins procédurier dans l'exécution et plus cohérent dans la recherche intellectuelle de ce que doit être l'avenir de notre pays.

S'agissant de la régulation budgétaire, monsieur le ministre, nous ne nous résignons pas à ce que les crédits d'investissements civils de l'État constituent l'essentiel des variables d'ajustement. Certes, nous comprenons l'exigence absolue de respecter le niveau de dépenses fixé par le Parlement dans l'exécution du budget, mais on a atteint les limites de l'exercice en utilisant principalement les investissements pour procéder aux ajustements nécessaires. La perpétuation d'une telle attitude serait extrêmement dommageable à l'équipement et donc à la productivité de notre pays.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. J'estime que les propos tenus en commission des finances ou des affaires économiques doivent être sérieux et responsables, comme les rapports qui nous sont soumis. Or si le rapporteur de notre commission s'est montré modérément critique, son rapport l'est davantage.

On y lit en effet que si les crédits du chapitre 44-10 sont affectés prioritairement aux contrats de plan, les dépenses en capital, quant à elles, sont en diminution et le volet contractualisé en baisse de 7 %.

Messieurs les ministres, avec une baisse de crédits du FNADT, allez-vous compenser dans les territoires les crédits du FEDER que vous avez souvent utilisés pour la politique du Gouvernement ?

Par ailleurs, 43 millions d'euros ont été consacrés en 2003 à la prime d'aménagement du territoire, et le rapporteur se félicite que la consommation des crédits augmente. Il est vrai que, lorsqu'on diminue les crédits, la consommation augmente ! En effet, ceux-ci ne s'élèvent en 2004 qu'à 40 millions et à 38 millions pour 2005.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, attendez-vous moins de créations d'emplois en 2005 qu'en 2003 ? Si tel est le cas, vous n'êtes pas très optimistes. Et s'il devait y en avoir autant qu'en 2003, comment les financeriez-vous ?

Enfin, s'agissant des pôles de compétitivité, monsieur le président de la commission des finances, je vous remercie des critiques que vous avez faites.

M. le président. C'étaient plutôt des suggestions !

M. Augustin Bonrepaux. Je m'y suis d'ailleurs associé lors du débat en commission sur le projet de loi de finances. Mais, en dehors des pôles de compétitivité, quelle est la politique d'aménagement pour l'ensemble du territoire ? Que faites-vous pour les zones de revitalisation rurale dont on parle tant ? Vous faites croire qu'elles bénéficieront d'avantages similaires à ceux des zones franches urbaines. Or il n'en est rien. Quels moyens supplémentaires entendez-vous octroyer aux zones rurales en difficulté, au-delà des 4 millions d'euros accordés au SPL ? Vous vous moquez du monde !

Enfin, les crédits délégués aux contrats de plan n'ont jamais été à la hauteur de ceux de 2001, que ce soit en 2002, 2003 ou 2004. Monsieur le ministre, relisez les comptes de vos prédécesseurs et vous constaterez qu'un effort important a été fait en 2001.

S'agissant du réseau ferroviaire, nous n'avions certes que des études. Les crédits affectés étaient pourtant de 5,8 millions d'euros en 2001, alors qu'aujourd'hui, ils n'ont augmenté que de 10 %. Le réseau ferroviaire a donc pris un retard extrêmement important. Peut-on mener une politique d'attractivité en octroyant simplement quelques réductions fiscales - par exemple, 30 000 euros par an pour relocaliser l'entreprise en France - et en négligeant l'aménagement des infrastructures ? Les contrats de plan accusent un retard de l'ordre de 55 %. Cela confirme ce que j'ai écrit dans le rapport : nous avons pris trois ans de retard pour les travaux routiers et sept pour le ferroviaire.

On a répondu au président de la région Rhône-Alpes que les contrats de plan pour les travaux ferroviaires seraient achevés en 2012. En réalité, monsieur le ministre, vous affirmez que les travaux seront terminés, mais vous ne dites pas quand. Quels crédits supplémentaires allez-vous affecter aux contrats de plan pour qu'ils soient achevés dans les délais prévus, voire avec un an de retard, comme les contrats précédents ?

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Augustin Bonrepaux vient d'exprimer mes interrogations sur le réseau ferroviaire et je n'y reviens pas.

J'ajouterai seulement qu'il est toujours un peu désagréable pour une région de devoir préfinancer, faute de ressources, comme nous venons de le faire à hauteur de 9 millions d'euros, ce qui était inscrit au contrat de plan. Certains choix en matière de recettes ont sans doute été lourds de conséquences.

Concernant le « génie local », et sans vouloir faire de prosélytisme politique, je vous invite à visiter le pays de Vitré ou celui de Lorient - il n'y a pas que la Finlande ! - : vous constaterez que des systèmes sont prêts à fonctionner. La région Bretagne, dans laquelle je vis, est entièrement organisée en pays. Mais il y a une énorme inquiétude car, après le lourd travail de mise en réseau, surviennent les pôles de compétitivité.

Nul n'est profondément choqué par cette idée, mais s'il faut sélectionner à tout prix, la raison vous entraînera vers des systèmes productifs locaux fortement métropolisés, dont on attend une haute compétitivité. Nous ne devons pas décourager la formidable énergie de ceux que l'on appelle aujourd'hui les SPL et qui gèrent le génie local déjà mis en œuvre, avec des contrats auxquels on attendait une participation de l'État. Je puis vous assurer, pour avoir visité récemment vingt pays, que l'inquiétude est grande.

D'autant que, s'agissant de pôles de compétitivité, vous vous détournez de la politique de zonage tout en prévoyant de nouvelles exonérations fiscales. Comment y parviendrez-vous ? L'ensemble des régions concernées bénéficiera-il d'exonérations fiscales ? Faut-il remettre le doigt dans le système des zones franches qui génère une inégalité en matière de concurrence ? Ne risque-t-on pas d'encourager des déménagements intrarégionaux, certaines entreprises préférant s'installer dans un secteur bénéficiant d'exonérations fiscales ? Autant de questions qui se posent au plan local et auxquelles j'aimerais avoir des réponses.

Quels sont les critères pour obtenir un contrat de site ? Plusieurs pays ont connu, et le président de la commission des finances peut en témoigner, des désastres économiques importants et n'ont pas obtenu de contrats de site, sans comprendre les motivations de ce refus. En effet, la définition des critères n'est pas suffisamment claire. Quelle est la participation de l'État à la redynamisation après un sinistre industriel ? Comment sera prise en compte, par exemple, une grave crise agricole ou agroalimentaire sur un territoire ? En réalité, le dispositif pose plus de questions qu'il n'en résout.

Je ne reviens pas sur les crédits : il suffit de lire le rapport de M. Giscard d'Estaing.

Enfin, on annonce à grand renfort de publicité les autoroutes maritimes. Mais les opérateurs disent qu'elles ne fonctionneront que si elles sont entièrement gratuites, autrement dit si les camions peuvent les emprunter en ne payant que la taxe portuaire. Dès lors, qui portera les investissements nécessaires ? L'énergie que vous demandez aux partenaires républicains que sont les collectivités régionales ou les collectivités territoriales se trouve confrontée à un mur. Si ces autoroutes maritimes sont gratuites, qui va financer et qui va accompagner le fonctionnement ?

Beaucoup d'idées sont lancées, mais une grande inquiétude se fait jour et je me fais ici le relais de nombreux collègues issus de tous les bancs. L'État est moins présent, s'agissant notamment du réseau ferroviaire, alors qu'il est de sa responsabilité d'anticiper et de mobiliser tous les acteurs. Mais la moindre déception démobilise. Aussi je pense, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, que l'énergie et la création de valeur ajoutée dans notre pays viendront du fait que nul ne sera démobilisé, ni donc déçu.

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec.

M. Yannick Favennec. Messieurs les ministres, en ce début de xxie siècle, chacun mesure l'importance de l'accès à ces nouveaux outils de communication que sont l'Internet haut débit et la téléphonie mobile.

Les nouvelles technologies de l'information sont une chance pour nos territoires, pour les rendre plus attractifs et compétitifs, notamment les plus fragiles d'entre eux. Elles permettent de créer des synergies nouvelles dont le rôle est capital pour l'emploi et la compétitivité de nos territoires. Cela permet de mettre en relation des acteurs géographiquement éloignés. Ils sont en effet des instruments indispensables au développement économique de nos territoires, notamment à la pérennité des entreprises artisanales, commerciales et industrielles, et à l'implantation de nouvelles activités dans les zones rurales. De ce fait, ils participent au désenclavement et au développement de ces secteurs.

Comme vous l'avez indiqué, monsieur le ministre, la France du haut débit progresse très rapidement. C'est pourquoi je souhaite saluer le bilan positif et très encourageant des efforts entrepris par l'État et les collectivités locales dans ce domaine. Cela prouve que l'action commune des opérateurs téléphoniques et des initiatives locales est essentielle. Par exemple, dans mon département de la Mayenne, un effort considérable a été entrepris par le conseil général, en lien avec France Télécom, en en faisant un département pilote en matière d'accès à l'Internet haut débit puisque, fin 2005, l'ensemble de la population pourra y avoir accès.

En revanche, le bilan est moins positif pour la téléphonie mobile, puisque environ 3 000 communes sont encore situées en zone blanche. En outre, si l'on ne peut parler réellement de zone blanche, il reste des secteurs géographiques importants où la population n'est couverte que par un seul opérateur. Cette absence de couverture mobile touche principalement les zones rurales, et c'est le cas notamment dans ma circonscription du Nord-Mayenne.

L'amélioration de la couverture nationale de la téléphonie mobile est à l'évidence un enjeu d'avenir essentiel pour l'aménagement du territoire. Il est donc prévu de couvrir 65 % des zones blanches selon le principe de l'itinérance locale, les 35 % restants étant équipés selon le principe de la mutualisation.


L'itinérance locale et la mutualisation présentent un triple atout : la garantie d'une accessibilité pour tous, quel que soit l'opérateur choisi par l'usager ; l'optimisation de l'utilisation des financements publics ; la protection de l'environnement, en facilitant la réutilisation des pylônes existants.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, je vous serais très reconnaissant de bien vouloir m'indiquer très concrètement et très précisément la manière dont le Gouvernement entend accélérer la mise en place de l'itinérance locale. Je souhaiterais également savoir s'il est envisagé d'améliorer la couverture des zones qui ne sont desservies que par un opérateur et ne sont par conséquent plus considérées aujourd'hui comme des zones blanches.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, je souhaite dresser un constat et vous poser deux questions.

S'agissant du constat, je répète ce que j'ai déjà dit à Amiens, au congrès de l'association des DCF : je suis très inquiet pour la France des villes moyennes et des petites villes. Je vois monter certaines problématiques comme l'attractivité territoriale mais, d'une certaine manière - et quitte à être un peu méchant -, Grenoble et les nanotechnologies n'ont pas besoin des pôles de compétitivité. Et mon ami Delebarre pourrait vous le confirmer : à Dunkerque, le problème du risque industriel n'est pas inintéressant, mais il est déjà bien cerné.

Ne soyons pas démagogiques : la création des pôles de compétitivité - une vingtaine, selon M. le secrétaire d'État - est probablement une bonne chose dans le cadre de l'ouverture des marchés, de la mondialisation, de la construction de l'Europe. Mais le vrai risque a été soulevé par Marylise Lebranchu : c'est celui d'aboutir, non à une mise en réseau à l'intérieur de territoires assez larges, mais à ce que l'on connaît déjà et que l'on pourrait appeler des « pôles de compétences », c'est-à-dire un resserrement des activités autour des universités et des grands centres de transferts technologiques. Et cette inquiétude, on l'éprouve sur tout le territoire français, quelle que soit son appartenance politique. Je sais bien qu'il n'est pas facile, lorsque l'on est ministre, de parvenir à un bon équilibre, mais il me paraît nécessaire, à un moment où on parle de moins en moins d'aménagement du territoire, de garder ce problème à l'esprit.

La conclusion qu'il faut tirer de ce constat, c'est ce que j'ai demandé avec l'appui de tous les présidents de communautés de communes et d'agglomération en France : la signature de contrats territoriaux. Si Augustin Bonrepaux a bien décrit les mécanismes mettant en jeu les engagements de l'État, mon propos concerne, lui, les contrats territoriaux : on a mobilisé tous les acteurs de ce pays, de toutes tendances, à travers les communautés de communes et d'agglomération. C'est ainsi qu'ont été élaborées des chartes de pays, 300 en France, contrairement au chiffre cité tout à l'heure. Sur ces 300 chartes de pays acceptées par l'État, combien de contrats ont été réellement signés, au point d'engager, je le rappelle les signataires jusqu'en 2006 ? Une soixantaine. Comment cela se fait-il ? Et comment se fait-il que seules une cinquantaine de communautés d'agglomération aient vu le jour sur cent projets acceptés ? Voilà qui nous inquiète.

Nous voulons que l'État soit au rendez-vous. L'argent se fait rare, et nous comprenons que des choix soient nécessaires. Mais, s'agissant de la transversalité territoriale, on a besoin de la présence de l'État. Quand on a 15 % ou 20 % dans des contrats territoriaux, l'effet de levier est loin d'être négligeable, et on est obligé de le faire jouer. Faites donc attention de ne pas démobiliser les acteurs que sont les communautés de communes et d'agglomération. Je laisse de côté les communautés urbaines, qui nous mèneraient à la problématique des pôles de compétitivité.

Après ce plaidoyer prononcé au nom de beaucoup de mes collègues, quelle que soit leur appartenance partisane, je poserai deux questions précises.

Premièrement, s'agissant de la localisation des activités, j'aimerais bien que l'on fasse un peu d'évaluation, compte tenu du changement de formule du CIALA et de la gestion par la DATAR de la localisation d'activités, ou de la création de l'AFII, que je ne vous impute pas, puisqu'elle est l'œuvre du gouvernement précédent. On nous dit qu'il y a beaucoup de dossiers, que la France est le deuxième pays d'accueil des investissements étrangers, etc. Très bien ! Mais la localisation, la territorialisation de l'action de l'AFII, pourrait-on la connaître ? J'aimerais qu'une évaluation soit réalisée.

Ma deuxième question porte sur les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant sur le « jaune » budgétaire - c'est un problème un peu technique mais je fais partie de la commission des finances -, car je comprends mal. Je lis : 67 millions d'AP en PAT en 2003, 50 millions en 2004, et 48 millions en 2005. Quand des AP sont ouvertes, je regarde les CP, d'autant plus qu'en matière de prime à l'aménagement du territoire, on dispose de trois ans pour réaliser l'investissement. Quand on ouvre 67 millions d'euros d'autorisations de programme, les investissements doivent suivre. Or, en 2004, on a 40 millions en CP, et 38,92 millions en 2005. D'où ma question : a-t-on annulé des crédits faute de dossiers, ou a-t-on fait l'impasse sur les CP ? Normalement, dans les trois années suivant les autorisations de programme, on devrait constater un suivi dans les crédits de paiement.

M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur. Je formulerai deux remarques avant de poser mes questions.

Première remarque : je suis toujours étonné d'entendre certains orateurs affirmer que l'on ne dépense pas assez et que l'application des contrats de plan prend du retard. Je rappelle que notre pays accuse 1 000 milliards d'euros de dettes, et que l'on a continué à augmenter fortement nos dépenses de fonctionnement en période de croissance. Il ne faut pas s'étonner aujourd'hui que nous éprouvions des difficultés à financer tous les projets.

Ma deuxième remarque concerne les fonds structurels européens. Ne nous battons pas pour en bénéficier au titre de l'objectif 2 car, pour un euro reçu, il faudra en donner trois à l'Europe. S'agissant de l'objectif 1, il est bien sûr naturel que l'on continue à en bénéficier mais, pour l'objectif 2, il faut prendre conscience de ce que cela nous coûterait.

J'en viens à mes questions. Les pôles de compétitivité sont une très bonne initiative mais j'aimerais obtenir quelques éclaircissements sur les modalités pratiques. Bien que les rapports qui nous ont été distribués laissent déjà apparaître certains noms, il est impossible d'obtenir le moindre dossier de candidature.

Par ailleurs, qui sera le pilote ? J'ai entendu que les régions pourraient jouer ce rôle. Je ne dis pas qu'elles ne devraient jamais le faire mais, alors que nous menons une politique de décentralisation, est-il nécessaire de recentraliser le pilotage des pôles au niveau des régions ? Cela ne me paraît pas la meilleure solution.

Enfin, s'agissant des services publics, il importe de ne pas faire de la démagogie. Nous savons très bien que tous les territoires ruraux ne pourront pas conserver tous les services publics. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il faut rendre moins rigides les statuts des personnels. Des commerçants pourraient être en même temps postiers ou s'occuper de la caisse d'épargne. C'est la seule solution pour conserver des services publics en milieu rural. Or on bute souvent sur le statut de la fonction publique.

M. le président. La parole est à M. Jean Proriol.

M. Jean Proriol. Après un examen raisonné et objectif, comprenant interrogations et critiques, le rapport de Louis Giscard d'Estaing et de Jacques Le Nay se conclut par un certain nombre de propositions. La première d'entre elles concerne le respect par l'État de l'échéancier des dépenses résultant des contrats qu'il a signés. Tout le monde s'accorde pour constater des retards dans le domaine des contrats de plan État-région, et la situation ne date pas d'aujourd'hui.

Nous savons bien que les contrats n'ont pas toujours été signés au jour dit. Certains l'ont été au cours de l'année 2000, voire au début de 2001. On a ainsi perdu un an à un an et demi. À cet égard, les torts sont relativement partagés. Vous avez annoncé, monsieur le ministre, votre intention de rattraper ce retard. Nous en acceptons l'augure.

Reportons-nous deux ou trois ans plus loin. Vous devrez vraisemblablement redéfinir le zonage de la PAT et, s'il existe toujours, celui du FEDER. Vous devrez également discuter de nouveaux contrats de plan, auxquels il faudra intégrer tout ce qui sort maintenant. Existe-t-il un calendrier prévisionnel pour 2005 et 2006 ? Comment allez-vous gérer ces zonages ?

Nous avons tous vécu la période délicate pendant laquelle le zonage du FEDER a été rendu public : les préfets de région, munis de cartes et de baguettes, nous ont montré que telle zone allait évoluer, que telle autre serait intégrée... Ce zonage ne coïncidait pas toujours avec celui de la PAT. Réfléchissez-vous à ce genre de questions ? Elles sont devant nous, et le temps court plus vite qu'on ne croit.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. À la suite de Pierre Cohen, je m'adresserai aux présidents de la commission des finances et de la commission des affaires économiques pour leur demander de retenir cette leçon : en l'absence de M. Copé, ministre compétent pour les dotations aux collectivités - dont on a dit qu'il s'agissait de l'élément le plus important en matière d'aménagement du territoire -, et sans M. Devedjian, ministre en charge des services publics et des pôles de compétitivité, il est difficile d'avoir un débat constructif sur l'ensemble des problématiques liées à l'aménagement du territoire.

En ce qui concerne les pôles de compétitivité, comme Marylise Lebranchu et Jean-Pierre Balligand, je vous mets en garde : ne jouez pas les apprentis sorciers. Je le dis d'autant plus solennellement que je suis l'élu d'une des communes ayant servi d'exemple pour l'excellent rapport que M. Blanc a consacré à ce sujet.

C'est une question de filière industrielle et non de développement territorial. Le mélange des deux produit une alchimie extrêmement dangereuse, susceptible de désespérer certains territoires. Un volontarisme industriel et économique est nécessaire pour neutraliser les effets les plus néfastes de la libéralisation, en particulier les délocalisations ; ce n'est pas de l'idéologie mais un simple constat. La réflexion doit donc porter sur l'approche industrielle des pôles de compétitivité. Or, ce débat, nous ne l'avons pas, faute des interlocuteurs nécessaires.


Le budget de la DATAR est en baisse. Je ne vous redemande pas le nom de son délégué, dont nous attendons la nomination. Je voudrais savoir si les postes de commissaire de massif, chers aux territoires de montagne, sont maintenus.

Certains d'entre nous pensent que le boulanger ou le charcutier pourra désormais tenir nos comptes et nos livrets d'épargne, mais je ne suis pas sûr que, sur le plan de l'éthique, ce soit une excellente chose. Cela dit, on ne renonce pas aux maisons de service public, et M. de Saint-Sernin nous dira sûrement comment l'État peut accompagner le financement de leur mise en place. C'est tout de même la garantie d'une approche mutualisée de la présence sur le territoire d'un certain nombre de services au public. Il faut en effet raisonner un peu largement.

Une question un peu sectorielle, enfin, mais c'est l'occasion de la poser puisque nous ne pourrons pas le faire dans le cadre du budget de l'agriculture.

Vous avez parlé tout à l'heure de fertilisations croisées, monsieur le ministre. La filière bois doit faire face à deux difficultés. On ferme les gares réservées au tri et à l'acheminement du bois, et, pour la route, votre ministère refuse depuis plusieurs années de transcrire par décret une disposition législative sur la charge autorisée pour les grumiers votée en 2001. La forêt, cela représente environ 25 % du territoire, et le bois est acheminé vers toutes sortes de territoires, notamment pour être transformé. C'est bien une question transversale d'aménagement du territoire. Si on veut conforter cette filière et en faire un pôle de compétitivité national digne de ce nom, il ne faut pas entraver le travail des opérateurs. J'imagine que vous nous répondrez sur ce point parce que, si je pose la question à M. Gaymard lundi lors de l'examen du budget de l'agriculture, il me répondra que ce n'est pas de sa compétence.

M. le président. La parole est à M. Gilles Artigues.

M. Gilles Artigues. Nous partageons bien sûr, messieurs les ministres, votre souci de réaliser un aménagement harmonieux du territoire, ce qui n'empêche pas les élus locaux que nous sommes d'être inquiets. Nous attendons notamment que les projets actés par les CIADT soient vraiment des engagements de l'État sur lesquels on ne puisse plus revenir, car le développement économique de nos agglomérations repose souvent sur ces projets à réaliser à échéance raisonnable.

Les exemples ne manquent pas, nous pourrions tous en donner. Pour ma part, j'attends des assurances sur la construction de l'autoroute A 45 entre Saint-Étienne et Lyon, qui sont les deux principales agglomérations de Rhône-Alpes, sur son financement, son échéancier et les tracés, spécialement l'arrivée à Lyon. Nous savons par ailleurs que ces projets mettent souvent très longtemps à voir le jour et, en attendant, je pense qu'il serait indispensable de sécuriser les voies existantes. C'est le cas de l'A 47, très accidentogène, pour laquelle les collectivités locales sont prêtes à apporter un complément au financement de l'État.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Contrairement à ce qui a été dit, messieurs les ministres, je ne pense pas que refuser le délitement accéléré des services publics dans le territoire soit faire preuve de démagogie.

Les services publics participent-ils oui ou non d'une politique d'aménagement du territoire ? Des collèges et des lycées dotés de filières attractives et variées, un bon réseau postal concourent-ils oui ou non à l'attractivité de nos territoires ? Des subdivisions de l'équipement offrant une ingénieurie aux élus locaux, un bon réseau en trésorerie, offrant aussi des services aux élus locaux, participent-ils oui ou non de l'aménagement du territoire ? Je pense que oui. J'en veux pour preuve le fait que, dans ma région, la semaine dernière, 200 élus d'un département, toutes tendances politiques confondues, ont démissionné pour s'insurger contre ce long délitement des services publics dans leur zone rurale.

M. Marc Laffineur. Folklore !

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Au moment où les collectivités territoriales assument de mieux en mieux leurs missions de service au public, il est tout de même singulier que l'État s'exonère d'un certain nombre de ses responsabilités. Les acteurs des territoires locaux ne sont pas des obtus qui ont arrêté leur logiciel et refusent toute évolution des services publics. Ils demandent simplement qu'il y ait au préalable un minimum de négociations et que tout ne se délite pas à la fois.

Monsieur le secrétaire d'État, vous étiez dans mon département la semaine dernière. Vous avez été fortement interpellé sur cette question qui est sur toutes les lèvres. Parler d'aménagement du territoire dans un tel contexte, ça provoque, au mieux, chez les gens polis, des sourires amusés, et, chez les plus virulents, des critiques acerbes.

M. le président. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Hier, monsieur le ministre, lors de votre audition en commission des affaires économiques, j'ai relayé une préoccupation du président de notre commission, Patrick Ollier, sur le thème « sauver le fret ferroviaire ». M. Goulard m'a répondu sans langue de bois, notamment sur les difficultés d'analyse des comptes de la SNCF, mais il a conclu sur la nécessité économique de fermer certaines lignes de fret pour les rouvrir peut-être un jour. Je n'y crois pas. C'est la raison pour laquelle je veux poser la même question de fond au secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire.

Le 21 juillet dernier, la commission des affaires économiques a entendu Louis Gallois. Jeudi dernier, au Conseil économique et social, le comité central d'entreprise de la SNCF organisait un colloque sur ce sujet, en présence de M. Véron, qui a présenté un plan qui porte son nom.

Loin de moi l'idée de méconnaître la réalité des comptes, la nécessité de tendre vers l'équilibre, à la réserve près, et elle est de taille, que la SNCF a du mal à nous en donner elle-même une analyse claire ; mais de quel fret parlons-nous, quel fret ferroviaire voulons-nous sauver ?

Nous avons tous dans nos régions de multiples exemples pour illustrer les désengagements locaux, les suppressions d'embranchements particuliers et les mises en danger des lignes transversales. Joël Giraud, député des Hautes-Alpes, a mis en avant, lors du colloque du comité central d'entreprise de la SNCF la semaine dernière, le problème des dessertes des zones de montagne, et François Brottes vient de l'évoquer à nouveau.

Moi, comme je l'ai expliqué devant M. Gallois, j'ai dans ma circonscription le dernier chantier de traverses en bois de la SNCF, à Biars-sur-Cere. Comment expliquer aux salariés, aux élus et à la population de toute la région que les entrées et les sorties de traverses, avant ou après leur traitement spécifique, se fassent en majorité par camion ? Je maintiens qu'il s'agit là d'une provocation. Il y a bien deux logiques qui s'opposent, celle de la massification, des trains longs, des liens avec nos voisins européens, et celle de l'irrigation des territoires et de notre tissu économique profond, qui risque d'être déstabilisé par ces remises en cause des lignes les plus diffuses dans notre territoire.

Vous êtes vous aussi, monsieur le secrétaire d'État, l'élu d'un monde rural qui veut encore vivre. Où vous situez-vous dans ce débat ? Quelle vision politique a le gouvernement auquel vous participez sur ce vrai sujet d'aménagement du territoire ? Quel rôle entendez-vous conserver à l'État sur ce sujet qui conditionne l'équilibre du développement du territoire et aussi la pérennité de l'idée du contrat entre l'État et les régions ? Y aura-t-il toujours in fine un copilote de l'État dans le train ? Au-delà, ma question portant sur le fret peut aussi s'élargir au problème des grandes lignes voyageurs.

M. le président. Avec Patrick Ollier, j'ai noté trois thèmes principaux dans les interrogations de nos collègues : les pôles de compétitivité, les contrats de plan et les zonages, la simplification des structures.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Je vais essayer, avec Frédéric de Saint-Sernin, de répondre à vos questions.

M. Blessig est satisfait que l'expertise de l'État soit mise à la disposition des collectivités locales. J'en prends note.

M. Deniaud ne se résout pas à la régulation budgétaire. Les ministres non plus, vous savez. On préfère dépenser plutôt qu'avoir des crédits gelés. Ce n'est pas facile de gérer dans des périodes comme 2002 et 2003. Comme l'année 2004 est meilleure, le Premier ministre est très ouvert, et nous travaillons avec lui pour voir ce qu'il est possible de faire.

Monsieur Bonrepaux, c'est vrai qu'il y a eu des retards pour le ferroviaire, et tout le monde est responsable, mais notre action ne se limite pas aux contrats de plan. Il y a les 800 millions d'euros dont on a beaucoup parlé, dont nous discutons avec Bruxelles. Par ailleurs, lors du CIADT du 18 décembre, nous avons donné une large place, sinon la prépondérance, au transport ferroviaire. Quand vous ajoutez toutes ces sommes, cela fait une vraie politique de transport par des modes propres. On en avait beaucoup entendu parler les années précédentes, sans voir le début du commencement d'un financement. Ce sont des investissements extrêmement lourds. Le fret ferroviaire, par exemple, pourra bientôt traverser les Pyrénées à grande vitesse. Les travaux ont commencé et le percement du tunnel Perpignan-Figueras débutera en février.

Sur le volet routier, je travaille avec le Premier ministre, et j'espère vous rassurer très rapidement.

Pour les contrats de plan, le taux d'avancement était de 43,84 % pour les projets routiers à la fin de l'année 2003 et seulement de 26,74 % pour les projets ferroviaires. Tous les engagements de l'État seront tenus. Je ne peux pas vous donner de date car je ne connais pas la conjoncture de 2005, même si j'espère que la croissance sera de 2,3, 2,4 ou 2,5 %. Je connais encore moins la croissance de 2006 et 2007. Quel que soit le gouvernement, il sera tributaire du taux de croissance. En fonction des recettes, on peut ou on ne peut pas faire. Les dotations des collectivités locales sont moins aléatoires que les recettes de l'État. Cela dit, nous sommes tous républicains, et la parole de l'État doit être respectée.

Madame Lebranchu, les contrats de plan État-région prévoient un investissement global d'environ 40 milliards, dont 17,5 pour l'État, 17,1 pour les régions, et 5,750 pour les autres collectivités, Il y a une profonde différence entre les modes de financement et d'action de l'État et des régions. Les recettes de l'État sont presque exclusivement fiscales. Ses dépenses sont, pour une part significative, des dépenses sociales, qui sont directement liées à la conjoncture économique. Quand la conjoncture économique se dégrade, elles augmentent naturellement. Les régions, elles, sont des collectivités qui investissent et qui doivent dépenser de manière contracyclique. Elles intensifient leur action lorsque le pays connaît une récession pour soutenir l'activité économique. Voyez l'activité économique du bâtiment et des travaux publics en 2003 et en 2004, interrogez les fédérations. Elles restent optimistes.


Les contrats de site ont été créés pour remédier aux difficultés des bassins d'emplois sinistrés par une conjoncture économique défavorable. Les contrats de redynamisation économique, quant à eux, ont pour but d'accompagner ces territoires afin qu'ils puissent surmonter les épreuves qu'ils traversent. Il s'agit d'engager sur une période de trois ans des initiatives destinées à améliorer l'attractivité économique de ces territoires, en y favorisant l'émergence des filières de production les plus porteuses, la formation et la qualification des salariés. Ces contrats visent donc à développer et à renforcer les dynamiques locales, tout ce qui fait le génie local de ces bassins d'emplois.

Depuis deux ans, douze contrats de site et dix contrats de redynamisation économique ont été élaborés. Les premiers ont été passés et sont mis en œuvre depuis fin 2003. En 2005, le Gouvernement poursuivra son effort d'accompagnement, notamment par une contribution au titre du FNADT d'un montant de l'ordre de seize milliards d'euros, à quoi s'ajoutera la participation des ministères concernés. Avec Frédéric de Saint-Sernin nous allons prochainement réunir les préfets des départements où s'applique ce dispositif afin de dresser un premier bilan des contrats de site existants et d'examiner les moyens de les dynamiser encore davantage.

S'agissant de la création de pôles de compétitivité, nous nous montrerons sélectifs et ne retiendrons que les projets qui ont une véritable envergure internationale. Les projets de dimension nationale, voire régionale, ne seront pas pour autant négligés, et Frédéric de Saint-Sernin vous a indiqué ce que nous ferons pour leur permettre de donner le meilleur d'eux-mêmes. Ce n'est pas parce qu'il souhaite développer des pôles de compétitivité que le Gouvernement laissera tomber les autres territoires. Il s'agit de ne pas accepter que la France soit la « vieille Europe » dénoncée par certains, en développant des pôles d'excellence qui bénéficieront à l'ensemble du territoire national, en jouant un rôle moteur, comme dirait Patrick Ollier.

les autoroutes de la mer ne seront pas des autoroutes gratuites, madame Lebranchu. Des études sont actuellement menées conjointement avec les professionnels. L'État sera là pour donner l'impulsion financière par l'intermédiaire de la future agence de financement des infrastructures terrestres. Je compte sur ce travail en cours pour construire, en concertation avec les professionnels, une offre adaptée aux besoins, en termes de distance, de fréquence, de capacité ou de prix. Il faudra probablement travailler sur des hypothèses de longues distances si on veut que ce service soit viable. J'entretiens actuellement sur ces projets des échanges très constructifs avec mes homologues européens, espagnol et italien notamment.

Monsieur Balligand, j'approuve ce que vous avez dit sur les villes moyennes, mais c'est peut-être par solidarité picarde ! Plus sérieusement, nous avons, avec Frédéric de Saint-Sernin, demandé à la DATAR une étude sur les villes moyennes, qui nous permettra de préparer pour 2005 un CIADT consacré à ces villes, qui sont au bord du désespoir, quand certaines n'y ont pas déjà sombré. Il est absolument indispensable de redonner espoir à ces communes : on connaît trop les risques politiques d'une désespérance propice à tous les extrémismes, et je parle là en dehors de toute considération partisane.

Quant à votre question concernant les crédits de la PAT, monsieur Balligand, l'écart entre les AP et les CP traduit essentiellement l'allongement du délai de mise en œuvre des projets. Le Gouvernement n'a aucun intérêt à jouer avec la trésorerie des entreprises puisqu'il s'agit d'emplois. Nous sommes au contraire très heureux de verser ces primes parce que nous savons qu'elles se traduisent par des créations d'emplois.

Je vous indique, monsieur Proriol, que les zones PAT vont probablement disparaître : les discussions sont en cours à Bruxelles. Quant au zonage objectif 2, son sort est très incertain et dépend de la négociation qui va s'ouvrir à Bruxelles. Même si nous avons l'intention de simplifier le dispositif, le Gouvernement a le souci de ne pas diluer des territoires fragiles. Tel est l'objectif de notre politique en faveur des ZRR, des ZUS et des ZFU.

Comme vous le savez, monsieur Brottes, les dispositions relatives à l'augmentation du tonnage autorisé pour le transport routier du bois ont été prises à la suite de la tempête de 1999. Les pérenniser suppose au préalable une véritable concertation avec les collectivités locales, la majorité des routes relevant des communes et des départements. Toute augmentation incontrôlée du tonnage autorisé serait dommageable pour ces collectivités. La bonne solution ne pourra résulter que d'une concertation entre les professionnels du bois et les gestionnaires des routes, sur le choix des itinéraires, leur renforcement et la fixation d'un maximum de tonnage autorisé. On pourrait envisager que la filière bois participe au financement, comme cela existe dans d'autres métiers saisonniers : je pense par exemple aux betteraviers.

Toujours à propos de la filière bois, monsieur Lannoy, je peux vous donner quelques informations sur le plan fret. Sur les 207 gares-bois ouvertes en 2003, 18 n'avaient aucun trafic ; 34 388 wagons étaient expédiés par an, soit un wagon par jour ouvré et par gare. La SNCF transporte deux millions de tonnes de bois, soit 6 % du marché national : cela signifie que 94 % du trafic bois en France se fait par la route. Le marché bois représente 1,7 % du chiffre d'affaires du fret SNCF et 5 % du déficit : une telle situation pouvait d'autant moins durer que la branche fret est le secteur où la SNCF connaît les plus lourdes pertes.

La SNCF s'est attachée dans un premier temps à obtenir des gains de productivité interne, en réduisant le parc de wagons et les effectifs. Ces efforts ont porté leurs fruits puisqu'ils ont permis de réduire le déficit de 30 %. Le montant des pertes du secteur bois en 2004 est estimé à seize millions d'euros.

La SNCF a organisé une concertation avec la filière bois pour améliorer le transport ferroviaire du bois, réunissant les trois fédérations du secteur, la fédération française des producteurs de pâte de cellulose, la fédération nationale du bois et l'union de la coopération forestière française, aux niveaux régional puis national. Seize réunions ont eu lieu entre janvier et septembre, huit au niveau national, huit au niveau régional. Un comité de suivi va être créé, chargé de veiller en continu à l'organisation concertée du secteur avec la SNCF.

Aujourd'hui seules onze gares ont été fermées, et elles jouaient un rôle mineur dans le trafic bois, puisque leur trafic moyen était de cent wagons par an, soit deux par semaine.

Suite à la concertation avec la profession, le plan fret de la SNCF prévoit par ailleurs une augmentation d'environ 30 % par an, avec une hausse des prix de 5 % au 1er février 2004, et une augmentation de 18 % en moyenne pour l'année 2005.

Nous aurions pu laisser la situation se dégrader jusqu'à ce que, inéluctablement, les chargeurs reportent l'ensemble de leur trafic vers la route. Nous avons fait au contraire, avec la SNCF, le choix du volontarisme, dans le cadre du plan Véron, directeur général délégué du fret, comme vous le savez, Marc Véron a contribué au redressement d'Air France. J'espère qu'il fera preuve du même doigté en ce qui concerne le fret SNCF. L'objectif de ce plan est de sauver le fret, notamment le fret de bois. Comme j'ai déjà eu souvent l'occasion de le dire aux agents de la SNCF, ce plan est probablement celui de la dernière chance pour le fret ferroviaire.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'aménagement du territoire. Je voudrais apporter quelques informations complémentaires, notamment à propos des pôles de compétitivité, sujet qui a déjà été largement évoqué. Je préciserai simplement quelques points de procédure. L'appel à projets sera finalisé d'ici la semaine prochaine, avant d'être transmis aux préfectures. Il sera suivi d'une concertation et d'un avis de l'ensemble des partenaires, élus locaux, entrepreneurs, industriels. Les dossiers remonteront ensuite à la DATAR et au MINEFI, et leur instruction sera confiée à un groupe d'experts, choisis en relation avec la spécificité de chaque pôle. La décision finale sera évidemment interministérielle, puisque six ministères financent ce dispositif. Elle sera prise dans les premiers temps dans le cadre du CIADT - probablement au cours du premier semestre 2005. Nous n'aurons pas alors nécessairement traité l'ensemble des dossiers, même si nous avons « estampillé » certains projets pôles de compétitivité, et nous poursuivrons notre tâche.

Je veux également apporter quelques informations complémentaires à propos de la prime à l'aménagement du territoire, qui jouera évidemment un rôle dans le dispositif des pôles de compétitivité. En matière d'exécution des crédits de la PAT, 36 millions d'euros ont été effectivement consommés en 2004. Un montant de 39 millions sera inscrit dans le projet de loi de finances pour 2005. Il va de soi que le taux de consommation de ces crédits dépend de la conjoncture. Comme l'a souligné Gilles de Robien, l'écart entre crédits de paiement et autorisations de programme s'explique souvent par l'allongement du délai de mise en œuvre des projets.

Le sujet des contrats territoriaux a lui aussi été largement abordé. J'ajouterai simplement que 110 contrats territoriaux ont été signés à la fin du mois de septembre, et qu'on en sera à 200 contrats signés à la fin de l'année.

Le montant des crédits délégués inscrits au titre VI du budget du FNADT atteignait 83 millions d'euros en 2003, 130 millions d'euros en 2004. Il est prévu qu'il soit de 135 millions d'euros en 2005. Comme vous le savez, les deux tiers du financement des contrats territoriaux viennent d'autres ministères que de celui en charge de l'aménagement du territoire.

Je voudrais revenir assez rapidement sur la question des structures, qui a été soulevée par plusieurs députés, dont Louis Giscard d'Estaing. Je parlerai notamment de l'IHEADT, appelé à devenir l'IHEADTE. L'ajout de ce « e » marque une vraie rupture, puisqu'il signe la nouvelle dimension européenne de cet institut. Notre pays et nos régions devront désormais tenir compte de ce nouvel enjeu de la politique d'aménagement du territoire.

Il s'agit d'un outil partenarial partagé par l'État, les collectivités territoriales, les entreprises privées et les auditeurs, dans un cadre associatif. L'initiative en revient d'ailleurs aux entreprises privées. Il est doté d'un budget de 500 000 euros, l'État apportant 120 000 euros. Comme cela a été rappelé, le budget de cet organisme - qui était précédemment de 545 000 euros - était jusqu'ici intégralement pris en charge par la DATAR.

Je veux également apporter quelques précisions à propos de l'Observatoire des territoires. On a rappelé que cette initiative avait été lancée dans le cadre du CIADT du 13 décembre 2002. il s'agissait de satisfaire des besoins de cohérence et de transparence apparus à la suite du processus de décentralisation. Le panorama actuel des organismes publics qui concourent à l'observation des territoires est caractérisé par l'absence de lieu de synthèse intersectoriel et de mutualisation des méthodes.

Cet observatoire ne sera donc pas simplement une structure de plus. Il a pour mission d'assurer la transparence sur l'état des territoires et sur les politiques publiques par la mise à disposition d'informations synthétiques, qui seront très régulièrement actualisées. Il doit également apporter une nécessaire cohérence entre les dispositifs existants. Il assure enfin le dialogue et la mutualisation des méthodes.

J'ajoute qu'il fonctionne à budget constant. Il s'agit en effet d'une organisation en réseau autour d'une structure très légère implantée à la DATAR. Il emploiera quatre personnes, d'ores et déjà membres de la DATAR : il n'y aura donc pas de recrutement supplémentaire. Les crédits destinés à l'informatique et aux études seront dégagés sur les moyens de fonctionnement courant de la DATAR. Je le répète donc : il n'y a ni augmentation des effectifs, ni augmentation des moyens.

Je voudrais, monsieur Brottes, calmer vos inquiétudes à propos des commissaires de massif, qui ne sont pas vraiment d'actualité. Comme vous le savez, en effet, les statuts et les missions ont été maintenus et confortés par le décret de janvier 2004 ; il n'y a donc aucun souci à avoir en la matière.


Le service public a fait l'objet de beaucoup d'interventions, notamment à propos des maisons de service public. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, nous concentrerons l'effort sur les maisons de service public, grâce à la section libre d'emploi du FNADT. Le ministre de l'intérieur a réitéré aux préfets le même souhait en ce qui concerne l'attribution de la DGE et de la DDR. Nous voulons vraiment que l'État contribue de manière partenariale à la mise en place de ces maisons de service public.

Nous avons eu l'occasion d'intervenir sur ces sujets, aussi bien au Sénat qu'à l'Assemblée, lors de l'examen du projet de loi sur le développement des territoires ruraux. Nous avons abordé le sujet de la concertation locale qui émanait de la réflexion née à la suite des expérimentations qui ont eu lieu dans plusieurs départements - dont plusieurs députés ici présents sont issus -, en particulier sur le rôle du préfet.

Nous avons également beaucoup insisté sur la polyvalence de l'accueil, d'où l'idée de ces maisons de service public.

Enfin, nous avons insisté sur le traitement à distance des dossiers. Aujourd'hui, le service public et les services aux publics ne doivent pas être figés, mais s'adapter aux nouvelles techniques et, surtout, aux besoins nouveaux des usagers, lesquels, ne l'oublions pas, sont également des contribuables.

Madame Pérol-Dumont, c'est vrai : en milieu rural, on peut avoir une réflexion très large sur les services publics. J'étais dans votre département la semaine dernière, et le représentant du conseil général a émis un souhait : avoir un gendarme de plus dans la brigade que nous inaugurions dans le cadre d'une communauté de brigades.

En milieu rural, on peut avoir une vision extrêmement large des services publics. Les expérimentations qui se poursuivent dans les quatre départements, et qui seront éventuellement mises en place dans d'autres départements qui le souhaitent, montrent bien que des réalités locales peuvent être identifiées et, partant, élargies au cadre national. Mais il est aussi des réalités locales que nous devons prendre en compte afin de répondre à la diversité des problématiques et des attentes des usagers.

M. le président de la commission des affaires économiques. Monsieur le ministre, je tiens à vous faire part d'une réflexion sur les propos que j'ai entendus tout à l'heure concernant l'Europe.

Étant très favorable à la politique européenne, je ne vois pas d'inconvénient à ce que le Portugal, le sud de l'Espagne ou d'autres pays européens aient pu bénéficier des fonds européens pour se moderniser ; je n'y vois même que des avantages.

Cela dit, 2006 est un butoir terrible pour nous. Parmi les Quinze et les « anciens » pays européens, nous sommes les seuls à avoir cette spécificité : un territoire de faible densité, une zone que l'on peut qualifier d'« intermédiaire ». Il n'est pas normal, à mes yeux, que nous ne puissions obtenir, eu égard à cette spécificité, le maintien d'une partie des aides comme celles qui vont disparaître avec les zonages de la PAT.

Mon credo est que la discrimination positive est justement un des instruments à utiliser. Or, à force de supprimer des moyens d'action - et même si les ZRR et les ZRU sont renforcées grâce au texte que vous avez défendu au Parlement -, il ne restera plus grand-chose pour notre politique d'aménagement du territoire.

Que l'égalité des chances passe par l'inégalité des traitements est un élément fondateur de la politique d'aménagement du territoire. Y a-t-il une chance que cette spécificité française - une de plus, c'est vrai, il y en a beaucoup, mais peut-être sommes-nous pilotes dans certains domaines - soit mieux préservée au niveau européen qu'elle ne l'est aujourd'hui ?

Il s'agit, je le comprends, d'un débat difficile pour vous, monsieur le ministre, mais cette spécificité devrait néanmoins être affirmée par le Président de la République et par le Gouvernement. Je sais que vous l'avez fait pour l'agriculture, mais il reste à le faire pour l'aménagement du territoire. Je suis très inquiet de voir disparaître, petit à petit, un certain nombre de nos instruments, noyés dans la politique européenne, car il ne nous restera plus grand-chose pour faire fonctionner notre politique d'aménagement du territoire.

Je vous ai fait part d'une réflexion, d'un souhait. Monsieur le ministre, si vous pouviez m'indiquer la manière dont vous recevez ce message, j'en serais très heureux.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. C'est vrai : la France se caractérise par trois spécificités. D'abord, elle est un pays à faible densité, en comparaison avec le Benelux par exemple. Ensuite, une grande partie, voire toute l'Europe de l'Ouest a besoin de la France, car elle est un pays de transit. Cette double spécificité doit être prise en compte par l'Europe.

Mais il est une troisième spécificité : la France est marquée par de très forts contrastes régionaux. Certaines de nos régions s'en sortent très bien, d'autres ont un niveau de développement moindre. Il existe des fractures territoriales dans notre pays et l'Europe ne peut pas l'ignorer.

Les négociations, notamment à Bruxelles, sont très longues, complexes, difficiles. Mais soyez assurés que nous déployons une extrême vigilance pour que l'Europe tienne compte de nos trois spécificités. Un pays à faible densité de population, un pays de transit et un pays avec de fortes disparités d'un endroit à l'autre : nous devons être très volontaristes dans cette plaidoirie en faveur de la France.

Monsieur le président Ollier, je suis tout à fait d'accord avec vous pour affirmer que l'État doit être « moteur ». Cette notion convient d'ailleurs bien au ministère des transports et de l'aménagement !

Mais ce rôle moteur doit s'exercer dans le respect du principe de subsidiarité applicable aux collectivités, afin que le génie local puisse pleinement s'exprimer ; nous avons abordé tout à l'heure les moyens locaux.

L'AFIT, par exemple, joue un rôle moteur, puisque 7,5 à 8 milliards d'euros seront mobilisés d'ici à 2012 pour contribuer au financement de grandes infrastructures. Certes, s'y ajoutent l'aide des collectivités et les fonds européens, mais une somme aussi importante mobilisée pour de grandes infrastructures témoigne bien d'un État moteur.

Enfin, dans d'autres très grands projets, comme Aéroconstellation ou le désensablement de la baie du Mont-Saint-Michel, l'État, dans le respect du principe de subsidiarité s'appliquant aux collectivités locales, sera là encore moteur.

Pour les pôles de compétitivité et les pôles d'excellence, je dirai aussi que l'État doit être fédérateur, incitateur, le rôle moteur intervenant surtout et avant tout où sévit la fracture territoriale. Car si l'État n'agit pas en ce domaine, qui le fera ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. Je vous remercie, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État.

(La séance est levée à midi vingt-cinq.)

JEUNESSE, SPORTS ET VIE ASSOCIATIVE

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-MICHEL DUBERNARD

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte, le mercredi 27 octobre 2004, à neuf heures trente.)

M. le président. Mes chers collègues, nous voici réunis en commission élargie, formule particulièrement intéressante qui va permettre à la commission des finances et à celle des affaires sociales d'examiner le budget de la jeunesse, des sports et de la vie associative dans de meilleures conditions tout en allégeant le travail dans l'hémicycle.

Il est de tradition que la présidence soit assurée par le président de la commission des finances. M. Méhaignerie n'étant pas disponible pour le moment, je laisse la place à M. Édouard Landrain, qui, je l'espère, s'est remis de sa nuit de lundi. (Sourires.)

C'était la première Nuit du rugby, monsieur le ministre des sports. Comme nous sommes nombreux, ici, à aimer le rugby, je me permets de faire allusion à cet événement unique et passionnant ! (Sourires.)

(M. Édouard Landrain remplace M. Jean-Michel Dubernard au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. ÉDOUARD LANDRAIN

M. le président. Il ne s'agit pas d'un coup d'État ! (Sourires.) J'ouvre le ban aujourd'hui en tant que doyen d'âge de la commission des finances.

Je suis heureux d'inaugurer les commissions élargies par votre audition, monsieur le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, et de saluer la coprésidence de Jean-Michel Dubernard.

La clef du succès de cette formule, étendue cette année à six commissions, réside dans le caractère dynamique du débat, moins contraint qu'en séance publique - du moins, je l'espère. Celle du vendredi 19 novembre sera exclusivement consacrée à l'examen d'éventuels amendements, aux explications de vote et au vote.

Je rappelle, s'agissant du débat, que la commission élargie se substitue à la séance publique. Les conditions de publicité sont identiques et l'Assemblée ne siège pas pour permettre à tous nos collègues d'assister à ces réunions.

En ce qui concerne le déroulement de nos travaux, la coprésidence donnera d'abord la parole aux deux rapporteurs, M. Denis Merville et M. Pierre-Christophe Baguet, pour qu'ils présentent les crédits, puis au Gouvernement. Ensuite, afin que les échanges soient les plus vivants possible, j'invite chacun à s'astreindre à des interventions courtes pour terminer à une heure raisonnable, mais surtout pour assurer à notre débat une plus grande dynamique. J'ajoute que je suis prêt, avec Jean-Michel Dubernard, à donner la parole plusieurs fois à un même orateur, notamment aux rapporteurs, de manière à procéder par questions-réponses.

La parole est à M. Denis Merville, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Denis Merville, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, mes chers collègues, pour entrer directement dans le vif du sujet, je présenterai très sommairement les grandes évolutions du budget pour 2005 - dont M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, Jean-François Lamour, pourra nous expliciter la philosophie générale - avant de faire quelques commentaires sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, et de poser à M. le ministre plusieurs questions précises.

Les crédits du budget général sont portés à 527 millions d'euros, en progression apparente de 32 %. En effet, cette hausse résulte du retour, dans le budget des sports, des crédits de la jeunesse et de la vie associative et l'on peut se réjouir que ces crédits, si complémentaires au niveau local, soient à nouveau sous la responsabilité d'un seul et même ministre.

Si, comme nous le verrons, ce projet de budget est globalement stable, le ministère n'est pas exempté d'efforts puisque les crédits du budget général seront, à périmètre constant, en diminution de 2,95 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2004.

Bien que soucieux de l'intérêt général, votre rapporteur regrette quelque peu cette évolution tout en étant convaincu que le ministre et l'ensemble des agents du ministère feront en sorte que les actions n'en pâtissent pas.

Ce budget enregistre la suppression nette de quatre-vingts emplois, qui est le fruit d'efforts d'externalisation dans les fonctions logistiques - restauration, entretien -, de la création de postes spécialisés, du renforcement de l'expertise et de la formation des personnels du ministère. Votre rapporteur note avec satisfaction que les métiers qui sont au cœur de l'action du ministère ne sont pas touchés, bien au contraire. Globalement, les dépenses de personnel, qui se monteront à 268 millions d'euros en 2005, connaîtront, à structure constante, une évolution limitée à + 1,3 % par rapport à 2004.

Je rappelle brièvement que les dépenses de fonctionnement s'élèveront à 81,5 millions d'euros en 2005, en augmentation de presque 3 % par rapport à 2004, et que, si l'on agrège les autorisations de programme figurant au PLF et celles du Fonds national pour le développement du sport, les dépenses en capital progresseront de 3,1 % en 2005 pour atteindre 75,5 millions d'euros.

Quant aux ressources provenant du FNDS, alimenté par la Française des Jeux et le PMU, elles devraient s'élever à 270 millions d'euros l'an prochain, en hausse de près de 9 %. Les prévisions de recettes passent ainsi de 248 millions d'euros en 2003 à 260 millions en 2004, auxquels s'ajouteront 10 millions de reports.

Au total, les moyens consolidés du ministère en 2005 s'élèveront à 797 millions d'euros, soit une hausse de 0,76 %. Ils restent donc globalement équivalents, dans un contexte budgétaire dont il est inutile de rappeler les contraintes et les nécessités.

Pourtant, au-delà de la stabilisation de ces crédits, je ne peux que regretter la faible part de ce budget au sein du budget général de l'État. Dès que les moyens le permettront, il conviendra de faire plus. Nous sommes donc dans un budget de transition, c'est du moins ce que nous espérons.

Je veux également faire prendre conscience à tous des fortes tensions liées à la régulation budgétaire. Elles ne sont pas sans incidence sur la définition des priorités et la mise en œuvre des politiques. Mon rapport recense une série d'exemples précis - retard dans la modernisation des équipements, obsolescence de certains outils informatiques, perturbations du programme régional d'amélioration du fonctionnement des services déconcentrés, retards dans la mise en œuvre des actions de formation,... - qui illustrent concrètement les effets de la régulation sur le terrain.

Jusqu'où ira-t-on ? Rappelons-nous que l'évolution des moyens budgétaires doit être compatible non seulement avec les objectifs assignés à une politique publique essentielle d'intégration et d'épanouissement des personnes dans notre société - elle pourrait d'ailleurs à ce titre trouver sa place dans le plan de cohésion sociale - mais aussi avec l'ambition internationale que la France entend porter dans le domaine sportif.

Le ministère est engagé dans un processus de modernisation de grande ampleur, rendu possible par la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, et des stratégies ministérielles de réforme, les SMR. Si celles-ci doivent se traduire par une réorganisation des services, il est également permis d'en attendre une amélioration des relations avec les usagers, ainsi qu'une modernisation des modes de gestion et du financement des établissements publics. Monsieur le ministre, pourrez-vous nous le confirmer ?


J'ai constaté avec intérêt que la mise en œuvre de la LOLF, qui interviendra pleinement avec le PLF pour 2006, est d'ores et déjà bien avancée. Le ministère présente, dès cette année, une préfiguration de la nouvelle nomenclature, ainsi qu'un avant-projet annuel de performance, assorti d'objectifs et d'indicateurs de résultat.

Ces documents sont globalement satisfaisants. Je veillerai, conjointement avec la mission LOLF de la commission des finances, à ce que cette réforme se traduise bien, pour les citoyens, par une clarification de l'action publique et, pour les parlementaires, par la possibilité d'effectuer un meilleur contrôle.

Je souhaiterais néanmoins faire plusieurs remarques.

Je regrette tout d'abord vivement le caractère tardif de la transmission de l'avant-projet annuel de performance par le ministère chargé du budget. Je n'ai eu que vendredi dernier le rapport spécial.

Je m'interroge ensuite sur la qualité et la variété des indicateurs, regrettant notamment le faible nombre d'indicateurs reflétant la qualité du service rendu. Il me semble en revanche délicat de multiplier des indicateurs par trop précaires, ponctuels ou provisoires. Je pense notamment à l'indicateur « mise en place du dispositif LOLF de répartition des effectifs pour le 1er décembre 2005 ». L'évaluation d'une politique exige plusieurs années. Un tel type d'indicateur est donc sujet à caution.

Je me demande si, au fond, monsieur le ministre, vous n'avez pas retenu trop d'objectifs, notamment trop d'objectifs ne comportant qu'un seul indicateur, ce qui donne le sentiment d'une certaine dispersion. C'est un exercice nouveau et délicat, qui mérite encore réflexion.

Enfin, quelles garanties pouvez-vous nous apporter sur la transformation du FNDS en centre national ?

M. Alain Néri. Bonne question !

M. Denis Merville, rapporteur spécial. L'essentiel, en effet, est de trouver une forme de financement qui conserve la même logique d'imperméabilité relative des ressources aux effets de la régulation, en maintenant l'enveloppe globale de crédits opérationnels. Chacun le sait, le FNDS, tel qu'il existe aujourd'hui, joue un rôle essentiel, que ce soit sur le plan national ou sur le plan régional.

Je souhaiterais vous poser, monsieur le ministre, quelques questions précises.

La question des normes imposées par les fédérations avait été clarifiée par l'avis, que vous aviez sollicité, du Conseil d'État. Aujourd'hui, semble-t-il, certaines ligues tentent de contourner la position du Conseil, en imposant aux clubs de nouvelles normes. Qu'en est-il, monsieur le ministre ? Quel est le fondement juridique d'un tel contournement ? Quelles garanties pouvez-vous apporter à tous les élus locaux préoccupés par ce problème ?

En matière de lutte contre le dopage, les mesures prises par la France sont vertueuses, mais elles ne peuvent avoir de sens que dans le cadre d'une réglementation européenne, voire mondiale. Des exemples spectaculaires ont été fournis par les derniers Jeux olympiques. Comment mettre en cohérence les textes français avec les normes internationales en matière de dopage, sans tirer la réglementation vers le bas ? La future Constitution européenne n'est-elle pas l'occasion d'harmoniser les législations nationales en les tirant vers le haut ? Que devient la Convention internationale contre le dopage ?

À la lumière d'affaires récentes qui ont concerné de grands clubs formateurs - je pense notamment au Havre Athlétic Club -, la question de la valorisation de la formation de nos jeunes footballeurs est clairement posée. Comment éviter que les jeunes formés en France n'intègrent trop rapidement de grands clubs ou centres sportifs étrangers ? Il est essentiel que les pays européens s'entendent ! Quelle action entendez-vous conduire en la matière, monsieur le ministre ?

Sur la modernisation de l'INSEP - j'avais rappelé, dans le rapport de l'an dernier, combien elle s'avérait nécessaire - quels renseignements pouvez-vous nous donner sur la passation des contrats ? Comment comptez-vous mettre en œuvre le partenariat public-privé ? Pouvez-vous nous donner un calendrier de l'avancement des travaux de rénovation ?

Monsieur le ministre, vous savez combien le bénévolat est indispensable à nos multiples associations. Le statut du bénévolat est une revendication ancienne : est-il possible de valoriser le travail des bénévoles qui encadrent nos multiples associations sportives, et comment ? Des incitations fiscales sont-elles envisageables ?

Par ailleurs, un rapport de la mission parlementaire critique sévèrement la gestion de l'Office franco-allemand pour la jeunesse. Ne serait-il pas essentiel que la France envoie des jeunes déjà initiés à la culture allemande, plutôt que des jeunes manquant quelquefois de motivation ? L'Office franco-allemand pour la jeunesse est une belle réalisation. Il convient qu'une suite soit donnée au rapport.

S'agissant des différents dispositifs d'aide existants, certaines améliorations sont nécessaires. Nous avions ainsi souhaité, l'année dernière, que le CIVIS soit étendu au domaine sportif. Nous aimerions connaître le résultat de cette démarche. De même, le dispositif du coupon-sport est manifestement entravé par des lourdeurs administratives, voire par une dérive clientéliste. Quant à la mise en œuvre des contrats éducatifs locaux, de quels éléments disposez-vous, monsieur le ministre ? Il serait peut-être nécessaire de dresser un bilan exhaustif des CEL, comportant notamment une évaluation qualitative.

Vous avez fait de l'accès des personnes handicapées aux pratiques sportives l'une de vos priorités : comment cette priorité se traduit-elle dans votre projet de budget ?

Je rappellerai enfin, monsieur le ministre, votre attachement à la vie associative. J'ai cependant dû noter, en ce domaine, une baisse relative des crédits dans le projet de budget. Or, les bénévoles, chacun le sait, sont indispensables à la vie de nos associations.

Tels sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les principaux point que je souhaitais soulever sur le budget du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, je tiens tout d'abord à remercier les services du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative de m'avoir apporté une aide précieuse. En tant que rapporteur, c'est la première fois que, dans une modeste carrière de parlementaire qui compte huit années, j'obtiens cent pour cent de réponses à un questionnaire.

M. Denis Jacquat. Vous allez donc voter le budget !

M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur pour avis. Je tiens également à remercier M. Sagot qui m'a préparé un document très dense. Je ne pourrai naturellement pas le suivre dans le détail.

Pierre Méhaignerie a coutume de dire qu'un budget ne se mesure pas à son volume. J'ajouterai que l'on apprécie un ministre à sa capacité de gestion. Vous avez de grandes qualités, monsieur le ministre, chacun le sait. Mais, cette année, vous devrez faire fort puisque, pour la première fois depuis cinq ans, le budget du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative passe au-dessous de la barre de 0,2 %. Un volume si restreint ne facilitera pas votre tâche ! Je ne doute aucunement de vos capacités, et le projet de budget présente des éléments positifs, notamment votre volonté de réformer l'administration centrale de votre ministère et de réorganiser par pôle les CREPS. Vous vous inscrivez par anticipation dans la réforme de l'État. Tous les ministères ne le font pas avec une aussi grande énergie et une telle détermination. C'est une très bonne chose.

Je tiens également à saluer les actions ciblées que M. le rapporteur spécial a rappelées : les opérations « Solidar'été » ou « Envie d'agir », ou encore les coupons-sports. Ces derniers doivent être améliorés. Ils permettent actuellement de payer les licences. Or les licences ne sont pas le premier obstacle à l'entrée dans un club d'un enfant issu d'un milieu défavorisé. L'obstacle principal est le plus souvent représenté par le coût de l'équipement. Si je prends l'exemple du football, les dépenses relatives à l'équipement personnel - le maillot, le short et les crampons adaptés - sont plus importantes que le coût lié à l'achat de la licence. N'oublions pas non plus que posséder le même équipement que ses camarades, c'est, pour un enfant, un facteur important d'insertion sociale.

Je tiens à saluer encore votre politique en faveur du sport de haut niveau. Je me suis déplacé à l'INSEP. J'ai été impressionné par l'état de dégradation du site. On peine à croire, qu'en dépit des conditions d'entraînement, un tel centre de formation permette d'obtenir autant de médailles aux Jeux olympiques ! J'ai vu la salle d'armes où vous vous entraîniez, monsieur le ministre. Elle n'a pas été rénovée depuis longtemps !

Vous vous engagez dans un projet tout à fait louable d'aménagement, d'un montant de 115 millions d'euros, lequel repose sur des financements originaux : le PPP - partenariat public privé -, la FNDS et la vente d'une part du patrimoine du ministère, rue de la Fédération. Le président de la commission des finances, lundi soir dernier, dans l'hémicycle, avant le vote sur l'article d'équilibre, a demandé que l'État fasse un effort sur la gestion de son patrimoine. Vous montrez l'exemple en la matière, monsieur le ministre, je tenais à le noter.

Votre politique de lutte contre le dopage est énergiquement conduite. Le dopage, c'est la tricherie. Sa pratique dégrade l'image du sport. Elle est inacceptable.

Je regrette en revanche que le projet de budget ne marque pas davantage la volonté collective d'obtenir l'organisation des Jeux olympiques à Paris en 2012. Seule une petite ligne budgétaire y est consacrée. Si Paris est retenu, ce que je souhaite ardemment, le renforcement des engagements politique et financier s'avérera nécessaire. Dans le cas où la France n'obtiendrait pas l'organisation des Jeux olympiques, il ne faudrait pas que le sport retombe dans l'oubli dans lequel il est resté durant de trop nombreuses années. En outre, l'organisation éventuelle des Jeux olympiques à Paris devra se faire dans le strict respect des critères du CIO en matière de protection de l'environnement. Je pense notamment à l'extension du stade Roland-Garros, laquelle me concerne directement et dont je vous ai déjà entretenu, monsieur le ministre.

Je ne saurais omettre quelques bémols, relatifs notamment à la baisse budgétaire concernant le Fonds national pour le développement de la vie associative. Le CDVA - Conseil de développement de la vie associative - a mené une campagne auprès de chacun d'entre nous, mes chers collègues, en vue de nous en alerter. Pouvez-vous nous expliquer, monsieur le ministre, les raisons d'une telle baisse budgétaire ?

En outre, la formation des cadres du ministère de la Jeunesse et des sports dans les départements est inadaptée. Il convient de pallier l'absence de formation spécifique relative à la protection des mineurs. Nos inspecteurs Jeunesse et sports sont de plus en plus invités à siéger dans les commissions de la sauvegarde et à traiter des contentieux d'action administrative, voire judiciaire. Or, en la matière, ils manquent de formation sur le terrain.

Je me demande aussi pourquoi les cadres techniques nationaux, comme les entraîneurs, sont payés sur le budget de la région Île-de-France et non du ministère.

Je tiens à mentionner un autre sujet de préoccupation : depuis 1982, la formation des professeurs d'éducation physique et sportive est de plus en plus universitaire. Cette évolution entraîne un relâchement inquiétant du lien entre l'école et le club. Il conviendrait de retrouver un équilibre entre l'école, le club et la formation universitaire.

Je tiens à appeler également votre attention sur la réglementation des centres de vacances et de loisirs. Peut-être, mes chers collègues, l'ignorez-vous, mais un enfant, dans nos villes, passe cent jours en centre de loisirs sans hébergement pour 143 jours à l'école. Souvent, l'enfant ne quitte pas son environnement et reste dans la même structure - son école -, passant des enseignants aux animateurs. Il conviendrait de se pencher sur la professionnalisation des animateurs. L'animation d'un centre de loisirs sans hébergement est en effet devenue un véritable métier. Or, les chiffres de la formation BAFA ont baissé. Une réflexion doit être conduite sur le sujet.


J'attire également votre attention sur le sérieux coup porté au scoutisme par une décision malheureuse de Marie-George Buffet entre les deux tours des élections présidentielles. École de vie, de solidarité, d'initiative et de responsabilité, le scoutisme ne sait plus où il en est aujourd'hui. Il serait bon de revoir la législation en la matière ou, à tout le moins, de regrouper tous les textes législatifs et réglementaires existants pour lui assurer une véritable pérennité et un développement harmonieux.

Ma dernière question concerne la sécurité dans les stades. À quand la parution du décret « anti-hooligans », monsieur le ministre ? Je rappelle que l'Assemblée a voté l'article correspondant en janvier 2003.

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Il faudra que vous en parliez à l'un de mes collègues...

M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur pour avis. Je sais bien que ce n'est pas chez vous que cela bloque. Mais dès lors que l'on parle de stades, on pense au ministre des sports : vous êtes donc en première ligne, ce qui est injuste. Il n'est pas acceptable que certains ministères se renvoient la balle, car ces décrets doivent être pris !

La deuxième partie de mon intervention traitera plus spécifiquement de la place du sport dans les médias.

M. le président. Monsieur Baguet, afin que le dialogue puisse s'instaurer, je vous prie d'accélérer quelque peu.

M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur pour avis. J'ai déjà été très court dans ma première partie, monsieur le président : j'ai résumé dix pages en trois pages !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Les membres de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales auraient préféré que vous concentriez vos efforts sur la deuxième partie, qui paraît particulièrement intéressante et pertinente.

M. Pierre-Christophe Baguet. En matière de sport et de médias, on assiste à un décalage extraordinaire. Quatorze millions de Français sont détenteurs d'une licence, vingt-six millions pratiquent le sport. Le sport occupe une place de plus en plus importante dans la société, et, parallèlement, dans les médias.

La coupe du monde de 1998 a constitué de ce point de vue un tournant. Le nombre des pages « sports » dans les journaux s'est multiplié. Ainsi, depuis 2002, Le Monde consacre quatre pages au sport dans son édition du mardi. En 2004, il y aura eu plus de pages « sports » que de pages « politique » dans Le Figaro. L'arrivée des magazines sportifs gratuits représente également un événement considérable : Sport est diffusé à 600 000 exemplaires, le magazine de la chaîne Go sport à 400 000 et celui de la chaîne de magasins Courir à 300 000. Au total, donc, 1,3 million de magazines sportifs gratuits circulent en France. Et il est inutile d'insister sur la place qu'occupe le journal L'Équipe.

En volume, la communication sportive dans le monde s'élève à 26 milliards de dollars. Les Échos ont révélé que la publicité sur les investissements en faveur du sport représentait en France 1,1 milliard d'euros en 2000. L'image du sport intéresse deux annonceurs sur trois. À ces chiffres impressionnants, il convient d'ajouter que la France est en tête, parmi les pays d'Europe, en matière de consultation de sites sportifs sur l'Internet : 17,8 % des internautes consultent régulièrement un site. En août 2003, 2,846 millions d'internautes ont consulté un site sportif, soit 21,5 % des internautes ce mois-ci. Le sport représente 12,3 % du chiffre d'affaire de l'ensemble des chaînes thématiques, soit 97,8 millions d'euros. Le CSA, pour sa part, s'est saisi du dossier en créant une « mission sport » il y a deux ans. France 2 et France 3 ont totalisé, en dix-sept jours de Jeux olympiques, 44 millions de téléspectateurs pour 400 heures d'antenne. En dix ans, la part des droits de télévision dans le financement du football professionnel est passée de 15 à 50 %.

Savez-vous, mes chers collègues, qu'il existe même une équipe football, le Web football club, qui est entraînée par 1 600 entraîneurs en ligne ? Elle joue en deuxième division de district en seniors amateurs, aux environs de Caen, et ce sont les internautes qui, chaque semaine, sélectionnent les joueurs et choisissent la stratégie du match à venir. Le virtuel de l'Internet rejoint ici le réel sur le terrain.

M. le président. Pourriez-vous accélérer, monsieur Baguet ?

M. Pierre-Christophe Baguet. Enfin, RTL et Europe 1 diffusent plus de trois heures de sport par jour.

Tous ces chiffres doivent nous conduire à nous interroger sur l'adaptation du sport aux médias - le « sport spectacle » - et sur la pression que cela exerce sur les règles. Ainsi, la ligue française de basket-ball a modifié son règlement pour mieux coller aux exigences de la télévision : elle a remplacé les play-off en fin de championnat par des demi-finales et une finale. Il n'est d'ailleurs pas plus mal de se déconnecter de la pratique américaine pour revenir à une tradition française, mais la modification n'a été dictée que par le souci des médias. On pourrait aussi prendre l'exemple du tie break en tennis ou du décompte des points en volley-ball.

Dans ce contexte, la décision que prendra prochainement le président de la ligue de football professionnel, M. Thiriez, sera la peut-être la décision la plus importante pour le paysage audiovisuel français depuis la loi de 1986. Si l'un des deux opérateurs obtient les quatre lots, c'est bien l'ensemble du paysage audiovisuel français qui s'en trouvera modifié. Peut-on confier une telle décision à une seule personne, ou plutôt à une seule structure, alors que nous faisons ici loi sur loi pour essayer de réguler le système et que nous disposons d'une instance de régulation, le CSA ?

M. Alain Néri. Excellente remarque !

M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur pour avis. Telles sont les vraies questions que je voulais soulever.

M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, la jeunesse, le sport et la vie associative sont aujourd'hui rassemblés au sein d'un même ministère.

Le mouvement, l'engagement, la citoyenneté sont au cœur des politiques que j'ai l'ambition de conduire en mobilisant les moyens consolidés alloués au ministère pour 2005 : 797,18 millions d'euros, ce qui correspond, je tiens à le souligner, à des moyens équivalents par rapport à 2004.

De plus, le ministère s'est pleinement engagé dans la voie de la modernisation, avec pour objectif d'améliorer ses performances de gestion, en cohérence avec l'esprit de la LOLF. Ce point a été relevé tant par M. Merville que par M. Baguet.

Depuis 2002, mon ambition est de recentrer le ministère sur le cœur de ses missions. La restructuration de l'administration centrale, qui sera effective en 2005, donnera plus de lisibilité à l'intervention de l'État et permettra une plus grande réactivité aux sollicitations de nos partenaires. Les créations d'emplois - majoritairement des contrats de préparation olympique ou de haut niveau et des emplois de conseillers techniques et pédagogiques supérieurs - illustrent ma volonté de donner la priorité aux emplois ayant une forte valeur ajoutée pour la mise en œuvre des politiques ministérielles.

J'ai par ailleurs engagé un plan actif de modernisation des établissements, construit autour de trois axes : rationaliser le fonctionnement des établissements éclatés sur plusieurs sites, poursuivre l'externalisation des fonctions logistiques qui ne relèvent pas des missions de service public de l'État, encourager dans les établissements les démarches « qualité en formation » selon la norme ISO 9001.

Enfin, j'ai à cœur de mener une politique volontariste de gestion des ressources humaines, sans laquelle il n'y a pas de modernisation possible. La valorisation des filières professionnelles et l'effort consacré à la formation des personnels - les crédits, déjà en hausse l'année dernière, atteignent cette année 3,54 millions d'euros, soit une augmentation de 10,6 % - en témoignent.

Cette dynamique de réformes et la mobilisation de moyens préservés permettront la conduite de politiques ambitieuses au service de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Les moyens consacrés au développement du sport s'inscrivent dans le cadre des grandes priorités définies lors des États généraux du sport et qui ont commencé à être mises en œuvre au travers des budgets 2003 et 2004. Après le succès des Jeux d'Athènes, le projet de loi de finances pour 2005 permettra d'encourager en France l'accès au sport du plus grand nombre. 2004, année européenne de l'éducation par le sport, nous rappelle la dimension éducative et sociale de la pratique sportive et le rôle majeur qu'elle peut jouer dans le maintien du lien social et dans la lutte contre toute forme d'exclusion. Ces politiques seront poursuivies en 2005, dans l'objectif, notamment, de développer la pratique sportive chez les jeunes.

Dans le même esprit, 2005 verra la concrétisation des préconisations issues du rapport « Femmes et sport », qui m'a été remis en avril dernier, afin de renforcer la place des femmes au sein des instances fédérales qui seront renouvelées en 2005 et de soutenir le sport féminin dans les quartiers sensibles. Nous savons en effet que la pratique y connaît une baisse significative, et ni les dispositifs ponctuels ni les « coupons sport » n'ont pu inverser cette tendance.

C'est aussi en 2005 que le recensement national des équipements sportifs sera achevé, permettant d'améliorer l'offre sportive par un meilleur ciblage des aides à l'investissement. L'effort en matière d'accessibilité aux personnes handicapées continuera également d'être renforcé dans le cadre du FNDS. Sur ce sujet, je répondrai tout à l'heure plus en détail à une question de M. Merville.

Dans le même temps, les structures de promotion du sport de haut niveau seront adaptées et dynamisées. Le plan de rénovation de l'INSEP, vitrine de l'excellence du sport français, sera pleinement engagé en 2005. La préservation de la santé des sportifs et la lutte contre le dopage seront rendues plus efficaces : les moyens s'élèveront cette année à 19,3 millions d'euros, soit une hausse de 7 % qui permettra de renforcer les actions de prévention et d'atteindre, comme je m'y étais engagé, 65 % de contrôles inopinés sur les neuf mille contrôles annuels organisés sur notre territoire. Je présenterai par ailleurs, avant la fin de l'année, un projet de loi destiné à renforcer l'efficacité de notre dispositif législatif en le mettant en cohérence avec les textes adoptés au niveau international.

Le développement du sport pour tous et le rayonnement du sport de haut niveau sont intimement liés, dans le respect de l'unité du sport. C'est dans cet esprit que l'État soutient la candidature de Paris à l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2012. Le succès de cette candidature modifierait durablement et profondément le paysage sportif de notre pays au bénéfice de toute la population française.

Les crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2005 permettront également de mettre en œuvre avec une efficacité renforcée les politiques en faveur d'une jeunesse mieux reconnue, mieux écoutée et encouragée dans ses initiatives.

Je m'emploierai à restaurer une image positive des jeunes et à mieux les accompagner dans leurs prises de responsabilités ou leurs projets, en renforçant la cohérence des dispositifs d'aide aux initiatives des jeunes - je pense notamment à « Envie d'agir » et aux bourses « Défi jeunes ».

Je souhaite aussi renouveler et amplifier l'opération « Solidar'été » lancée cette année, dans le double objectif d'accueillir dans les établissements du ministère les jeunes qui ne partent pas en vacances - nous en avons accueilli cette année 4 500 et espérons doubler ce chiffre en 2005 - et de mettre en valeur des actions de solidarité menées au sein d'associations par des jeunes ou des adolescents en direction, par exemple, des personnes en difficulté ou des personnes âgées.

Valoriser les jeunes, c'est aussi savoir les écouter. Le rôle et les moyens du Conseil national de la jeunesse sont actuellement redéfinis afin de favoriser l'expression de tous jeunes - ce qui n'était pas le cas précédemment - dans les grands débats de notre société. Je souhaite, dans cet esprit, développer des actions de sensibilisation à la citoyenneté européenne et encourager les échanges internationaux de jeunes. En outre, l'accueil à Paris de la conférence multilatérale des ministres de la jeunesse et des sports francophones, la CONFEJES, constituera un événement fort de l'année 2005.

Aider les jeunes à accéder à l'autonomie est aussi une de mes préoccupations majeures. Je donnerai un nouveau dimensionnement à l'opération « Jobs d'été », menée par le réseau « Information jeunesse », pour offrir aux jeunes l'opportunité d'une première expérience professionnelle de qualité.

Mon ambition est également de mettre en œuvre une politique volontariste de promotion de la vie associative, facteur d'épanouissement individuel et de cohésion sociale.

Vous aurez à débattre prochainement du projet de loi sur le volontariat, qui vise à doter d'un statut les volontaires qui s'engagent à plein temps dans une activité d'intérêt général sur le territoire national. Ce statut tant attendu deviendra réalité en 2005.


Les autres formes d'engagement associatif - et je réponds ici à une question de Pierre-Christophe Baguet sur les centres de vacances -, au premier rang desquelles le bénévolat, continueront naturellement d'être soutenues, un effort particulier étant consenti à la formation des bénévoles et à la professionnalisation des associations.

Vous le savez, le FONJEP est un instrument précieux au service de l'emploi associatif. C'est pourquoi je m'engage à rétablir sur trois ans l'intégralité de ses moyens d'action.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Le financement du dégel de 90 postes en 2005 viendra s'ajouter aux 75 nouveaux postes créés dans le secteur jeunesse et sports - en particulier pour accompagner l'installation des CRIB - centres de ressources et d'information des bénévoles.

L'accès à une information exhaustive et de qualité est un besoin essentiel pour les associations. La consolidation du réseau des CRIB et la création de trois nouveaux pôles ressources dans les établissements du ministère renforceront l'appui et l'expertise apportés aux associations et permettront la mutualisation des expériences.

Je tenais, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, à rappeler les grands axes de l'action du ministère en 2005 avant de répondre à vos questions.

Si vous en êtes d'accord, je commencerai par celles de MM. Merville et Baguet.

Monsieur Merville, vous avez évoqué, dans le cadre de la modernisation de l'activité du ministère, l'application de la LOLF et des SMR, ainsi que la multiplicité de ce que vous appelez les « indicateurs ».

Sur le fond, je suis assez d'accord avec vous. La multiplicité des indicateurs n'est pas un facteur de lisibilité. Mais convenez-en aussi, nous avons fait un très gros effort de modernisation, au point que je pense que nous sommes en avance par rapport à d'autres secteurs ministériels.

Nous tentons d'évaluer la pertinence de certains indicateurs et de certains objectifs. Mais cette évaluation ne sera possible que lorsque nous serons capables d'appliquer la LOLF.

Pourquoi ne pas envisager, dans les mois et les années qui viennent, un resserrement du nombre de ces indicateurs ? Mais laissez-nous la possibilité de juger de leur pertinence, à l'aune de leur efficacité en matière d'évaluation des programmes mis en place dans le cadre du secteur ministériel que je dirige.

Encore une fois, il nous faut un peu de temps. Un tel exercice demande une adaptation de nos services et de nos modes d'évaluation.

Vous avez également évoqué, et ce point a été repris dans l'assistance, la transformation du FNDS. Je vous en rappelle le principe. L'application de la LOLF entraîne la disparition du compte d'affectation spéciale et une vraie crainte est née : celle de la budgétisation pure et simple de ce fonds. Comme vous le savez, j'y suis opposé et je me suis prononcé à ce propos dès les conclusions des États généraux du sport, en décembre dernier.

J'ai également obtenu la création d'un établissement public, le Centre national de développement du sport, ou CNDS, qui reprendra la fonction de l'actuel FNDS : assurer une gestion paritaire - mouvement sportif et État - des investissements et de la part régionale dédiée au fonctionnement de l'ensemble des structures locales, départementales et régionales - porté par la part régionale de l'actuel FNDS.

Au-delà de cette création, reste à définir deux éléments : le périmètre et le financement du futur CNDS.

S'agissant du périmère du CNDS, nous en sommes encore à réfléchir avec le mouvement sportif. C'est bien la moindre des choses, s'il l'on veut gérer de façon paritaire un tel outil. Remarquons que le mouvement sportif a varié dans ses positions, passant d'un périmètre très large à un périmètre beaucoup plus restreint, puis à un périmètre un peu plus large... Actuellement, nous finalisons cette réflexion et je pense que nous serons en mesure, en début d'année prochaine, de définir ensemble ce que sera le périmètre du futur CNDS.

La manière dont le futur CNDS sera financé reste également à définir. Le pourcentage sur le chiffre d'affaires de la Française des jeux sera-t-il un outil pertinent au regard du ministère de l'économie et des finances ? Nous sommes en négociation avec Bercy à ce propos, le préalable étant de garantir une certaine stabilité, en dehors de tout gel, de toute régulation, de tout report au fil des discussions à l'Assemblée ou au Sénat.

Nous sommes donc en train de mettre au point un outil qui permettra, comme je m'y étais engagé au moment des États généraux du sport : la stabilité et l'évolution des fonds du futur CNDS ; une gestion paritaire entre le mouvement sportif et l'État, qui est un peu le symbole de l'organisation du sport dans notre pays.

Votre troisième question concernait l'application des normes sportives. Le Conseil d'État avait très clairement rétabli les choses s'agissant l'imposition de ces normes aux collectivités - sujet qui intéresse avant tout le football et, dans une moindre mesure, le rugby. Or il semble que la Ligue professionnelle de football essaie, de manière non pas détournée, mais habile, d'imposer un certain nombre de normes aux collectivités et, surtout, aux clubs sportifs professionnels. J'ai rappelé au président de la Ligue, par un courrier de la direction des sports, que ce n'était pas à la Ligue professionnelle d'établir ses normes, mais bien à la Fédération. Je précise que la Ligue va se trouver impliquée dans plusieurs contentieux, si elle continue à remettre en cause le principe de concertation, confirmé par l'avis du Conseil d'État. Je souligne enfin que le Conseil national des activités physiques et sportives, le CNAPS, est là pour organiser en amont cette concertation entre les collectivités et les structures professionnelles. Ces structures ont tendance, vous en conviendrez, à essayer d'obtenir le meilleur de la part des collectivités territoriales et des clubs professionnels.

Nous avons rappelé la règle suivante : ce sont les fédération et non pas les ligues professionnelles qui établissent les normes.

Je le répète, si les ligues continuent à agir dans le même sens, elles vont au-devant d'un certain nombre de contentieux. Et vous vous en doutez, je serai particulièrement vigilant s'agissant de ce dossier.

La lutte contre le dopage est un sujet qui a été abordé par vos deux rapporteurs. Dès mon arrivée à la tête du ministère, en mai 2002, j'ai décidé de m'orienter vers une organisation plus cohérente de la lutte contre le dopage au niveau international.

Nous ne serons efficaces que si nous sommes coordonnés au niveau international. Nous avons beau avoir une des lois les plus abouties sur notre territoire, nous avons bien vu, malheureusement, que les dopés et, surtout, ceux qui les aident ne connaissent pas les frontières. Si nous laissons se créer des « paradis du dopage », les 19,3 millions d'euros par an que nous consacrons à la lutte contre le dopage le seront en pure perte.

Je suis allé, en mars 2003, à Copenhague pour signer le principe du code mondial anti-dopage. Vous avez rappelé tout à l'heure, monsieur Merville, la convention internationale rédigée par l'UNESCO. Nous participons activement à cette rédaction qui doit aboutir avant février 2006. Cette date n'est pas neutre, puisqu'elle correspond à la date de l'ouverture des jeux Olympiques d'hiver de Turin. Les fédérations internationales et l'ensemble des gouvernements auront ainsi adopté le principe du code et le code lui-même, au travers de cette convention internationale.

J'y vois une étape cruciale dans la lutte contre le dopage. Il sera possible d'aller traquer les dopés, et surtout ceux qui les entourent, partout dans le monde. Les différents moyens mis à la disposition de la lutte anti-dopage seront coordonnés, qu'ils soient mis en place par les fédérations internationales, par l'AMA elle-même ou par les gouvernements.

M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur pour avis. AMA dont vous êtes un digne représentant !

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Merci, monsieur le rapporteur. J'ai en effet tenu à revenir au niveau international, car il nous faut porter la parole de la France.

Il ne s'agit pas d'être arrogant, d'imposer, mais d'amener la réflexion européenne au sein de l'AMA. Alors que mon collègue danois Brian Mikkelsen va devenir vice-président de l'AMA, j'entrerai à la commission exécutive, à moins d'un bouleversement. Je pense que tout cela sera effectif avant la fin novembre.

Restera ensuite à être efficaces, s'agissant, entre autres, de la rédaction de la liste des produits. On sait qu'il y a des divergences à ce propos. Mais c'est la réalité internationale. Il ne faut pas être effaré des différentes positions prises par tel ou tel gouvernement, ou telle ou telle fédération internationale. Il faut s'atteler au problème avec détermination et, sans aller jusqu'au compromis, de rendre plus cohérente la lutte anti-dopage et de mutualiser un certain nombre de moyens. Je pense en particulier à la recherche appliquée à la détection de certains produits. Vous savez que le laboratoire de Châtenay-Malabry, après avoir détecté l'EPO, a travaillé sur l'hémoglobine réticulée, une sorte d'hémoglobine de synthèse et il continue ses recherches dans ce domaine.

Soyons clairs : nous sommes loin du compte. Je crois que l'application du code, la volonté de mutualiser les moyens et d'être actifs sur un réseau international constituera une véritable avancée dans le domaine anti-dopage. Mais c'est un combat permanent dont nous ne verrons jamais l'issue.

Nous serons malgré tout en mesure d'isoler les tricheurs et ceux qui les pourvoient. J'ai mis en place sur tout le territoire des commissions régionales de lutte contre les produits dopants. J'ai incité, entre autres, Interpol à mettre en place un dispositif de banques de données en matière de trafic. L'AMA fait de même, le CIO également.

S'agissant de la formation et du recrutement des jeunes footballeurs, le tribunal arbitral du sport a rendu un avis favorable au club du Havre. Il a rappelé quelles étaient les procédures en la matière. Nous sommes encore loin du compte, mais je tiens à vous dire que le sport est mentionné dans la nouvelle Constitution européenne et que notre première réunion des ministres du sport, qui se déroulera à La Haye au début de décembre prochain, va inscrire à son ordre du jour le problème de la formation et de la protection des jeunes sportifs professionnels. Ce sera le premier Conseil des ministres européens du sport.

S'agissant de l'INSEP, nous en sommes à l'appel à candidatures pour les projets architecturaux et au lancement d'appel d'offres, notamment pour le marché de couverture de la halle Maigrot. Vous l'avez dit, l'INSEP est dans un état lamentable. Il n'est pas acceptable que des sportifs, qui consacrent quatre à cinq heures par jour à leur entraînement, le fassent dans des conditions aussi pitoyables. Il y va du rayonnement de notre pays, mais aussi de la sécurité de nos sportifs. Ce serait un signe de reconnaissance de l'État à leur égard.

L'INSEP bénéficiera - enfin ! - d'un véritable plan de refondation, en relation étroite avec la Ville de Paris et l'ensemble des instances chargées d'étudier un tel projet, au sein d'un environnement très contraint qui est celui du bois de Vincennes. J'espère tenir mes engagements de rénover en profondeur l'INSEP à l'échéance de 2008, afin d'offrir à nos athlètes et à leur encadrement un dispositif particulièrement efficace dans le cadre de la préparation des jeux de 2012 - que nous comptons tous voir se tenir à Paris.


Je ne suis pas favorable, je vous l'ai dit à plusieurs reprises, monsieur Merville, à un statut du bénévole, qui risquerait d'enfermer les intéressés dans une sorte de carcan quand la loi de 1901 offre, à l'inverse, un espace de liberté en termes d'initiatives et d'engagement. J'ai donc ouvert plusieurs chantiers pour permettre, par exemple, aux associations et à leurs dirigeants d'accéder à certains produits financiers et à une meilleure protection en matière de responsabilité civile. J'ai également favorisé la mise en place des centres de ressources et d'information pour les bénévoles sur l'ensemble du territoire. Pour l'instant, ils s'adressent uniquement aux associations sportives, mais je compte, par la suite, les ouvrir aux autres secteurs associatifs, avec le réseau MAIA qui aide déjà le monde associatif. Je vous ai dit l'intérêt que je porte, de même que le Premier ministre, à un statut du volontaire, qui permettra d'encourager la forme la plus aboutie de l'engagement bénévole.

Je pense dangereux de susciter le bénévolat par des incitations fiscales. Il en existe déjà, notamment l'exonération sur les frais de transport et sur la rémunération de certains dirigeants bénévoles, introduite par la loi de finances de 2002. Restons-en là. De telles mesures ne sont pas conformes à ma conception du bénévolat, dont, d'ailleurs, les acteurs ont plutôt besoin d'être aidés dans la conduite de leurs projets d'animation et dans le développement de leurs structures associatives.

L'OFAJ est en phase de profonde restructuration, avec la modification de son conseil d'administration et l'installation de meilleurs outils de gestion et de contrôle de gestion. J'étais hier à Berlin où, avec mon homologue, Renate Schmidt, nous avons arrêté plusieurs principes. Nous avons réduit très sensiblement les frais de gestion et de fonctionnement de l'OFAJ, qui avaient explosé, et avons décidé de les maintenir, pour l'année 2005, à moins de 25 %, laissant ainsi 75 % des moyens disponibles pour le développement de projets en direction des jeunes. Conformément au souhait du Président Chirac et du Chancelier Schröder, l'OFAJ sera plus fortement impliqué dans l'apprentissage de la langue - même si ce n'est pas sa fonction première -, qui sera attaché à chacun des projets. Nos deux secrétaires généraux sont donc en train d'effectuer un travail de rénovation en profondeur de la gestion de l'OFAJ. Un déficit colossal avait été trouvé pour la précédente année de gestion. Nous allons faire en sorte d'inverser la tendance et d'offrir aux jeunes Allemands et Français des conditions de mobilité et d'échanges à nouveau pertinentes.

S'agissant du contrat d'insertion dans la vie sociale, il faut bien reconnaître qu'il n'est pas l'objet d'un véritable engouement. C'est bien dommage, car il offre aux associations un moyen intéressant de prendre en charge la formation et l'accompagnement de jeunes en difficulté.

M. François Rochebloine. Il faudrait que le dispositif soit plus souple !

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Je fonde beaucoup d'espoirs sur le dispositif de cohésion sociale de M. Borloo et sur les contrats d'avenir, qui vont permettre à ces jeunes en difficulté de trouver, au sein d'associations de toute sorte, les moyens d'avoir une première expérience professionnelle, mais surtout une formation débouchant réellement sur un emploi, ce qui n'était pas le cas avec le dispositif « nouveaux emplois - nouveaux services ». Nous travaillons donc en partenariat étroit avec M. Borloo pour développer le volet associatif, sport, jeunesse et autres secteurs, des nouveaux contrats d'avenir.

Le coupon sport est un vrai sujet, qui ne doit pas donner lieu à polémique. S'agissant de ces coupons, qui ont été créés en 1998, une enquête effectuée en 2001 et 2002 a montré que le dispositif avait été dévoyé, les coupons étant distribués sans discernement, par une pratique non pas tant clientéliste que routinière. En outre, le dispositif ne répondait pas à ce qui était pour moi une vraie priorité : l'accès des jeunes filles et des jeunes femmes à la pratique sportive dans les quartiers. Ainsi, quand une direction départementale, avec l'appui des clubs, proposait aux familles des coupons sports, celles-ci les destinaient essentiellement aux garçons, pas aux filles. Vous avez beau faire, c'est toujours comme cela : à partir de l'âge de douze ans, les jeunes filles de ces quartiers disparaissent des clubs et de la pratique sportive, pour différentes raisons, que j'ai évoquées notamment devant la commission Stasi, sur lesquelles je ne reviendrai pas. Il est donc clair que ce dispositif, qui devait permettre une véritable égalité de la pratique sportive, ne répond pas.

C'est pourquoi j'ai décidé de donner aux directions départementales une plus grande liberté d'agir au travers des contrats éducatifs locaux. Ces contrats proposent, non plus des incitations individuelles à adhérer aux clubs, mais des moyens coordonnés pour permettre aux jeunes - garçons et filles - de pratiquer une discipline sportive dans des clubs. Il s'agit d'une incitation collective aux activités périscolaires juste à la sortie de l'école, là où l'on peut capter les jeunes filles beaucoup plus facilement que chez elles. J'ai donc incité les directions départementales à privilégier ces contrats éducatifs locaux, qui, à mon avis, répondent beaucoup mieux à la problématique de la pratique sportive dans les quartiers en difficulté, en particulier chez les jeunes filles.

En matière de pratique sportive par les handicapés, je rappelle les efforts qui ont été faits - d'ailleurs, je ne devrais pas parler d'efforts, car cela est normal - pour accompagner nos meilleurs éléments aux Jeux paralympiques. Nous avons doublé la prime récompensant les médailles. Nous sommes loin du compte, mais c'est un premier geste important, plus que symbolique, en tout cas en parfaite adéquation avec l'analyse pertinente du président de la Fédération française handisport, André Auberger. Nous avons doublé la bourse destinée à aider les sportifs à se préparer dans les meilleures conditions. Nous avons mis en place des référents handicap dans les directions départementales et régionales, ainsi qu'un pôle des ressources nationales basé à Bourges, qui sera un modèle du genre et qui disposera de tous les outils pour reconnaître et développer des initiatives locales en matière d'intégration du handicap dans la pratique sportive. Nous veillons au renforcement des partenariats entre les fédérations nationales et la Fédération handisport pour promouvoir l'ouverture de structures handisport au sein des clubs valides. L'État intervient là à trois niveaux. D'abord, dans la formation des éducateurs sportifs à l'accueil spécifique des handicapés dans les clubs valides. Ensuite, dans la mise aux normes d'accessibilité des installations, auxquelles beaucoup, datant des années 70 et 80, ne répondent pas. Depuis mon arrivée au ministère, j'ai quadruplé, en accord avec Henri Sérandour, le président du Comité olympique français, cette enveloppe au sein du FNDS, et je compte la quintupler. Enfin, la part régionale du FNDS comportera une instruction très précise pour aider les clubs à se doter d'équipements spécifiques horriblement chers, tels que des fauteuils pour basketteurs ou du matériel permettant de pratiquer l'escrime avec un minimum de manutention. Je souhaiterais atteindre l'objectif ambitieux qu'en 2007, toute personne en situation de handicap puisse pratiquer un sport dans un club de façon encadrée. Cela demande un gros effort, pas simplement de l'État, mais également du mouvement sportif et de l'ensemble des collectivités locales.

(M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, remplace M. Édouard Landrain au fauteuil de la présidence.)

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Je vous prie d'excuser mon retard. Nous avons ressenti votre passion dans la qualité de vos réponses, monsieur le ministre, et je vous en remercie. Pour que chacun puisse s'exprimer, je souhaite que les questions et les réponses soient brèves, quitte à donner plusieurs fois la parole au même intervenant. La raison d'être des présentations budgétaires sous cette forme est d'avoir un dialogue aussi vivant que possible.

Je donnerai la parole par groupes de trois ou quatre orateurs et, pour commencer, la parole est à M. Jean-Claude Beauchaud.

M. Jean-Claude Beauchaud. J'ai quelques commentaires à apporter sur ce projet de budget, qui est le plus modeste de la loi de finances malgré le retour dans vos compétences, monsieur le ministre, de la jeunesse, de la vie associative et de la délégation interministérielle à l'innovation sociale et à l'économie sociale. Une fois de plus, nous constatons que les crédits extrabudgétaires du FNDS viennent renforcer ceux du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative, lesquels s'élèvent à 527 millions d'euros, contre 539 millions en 2004, soit une baisse de 2,9 %, hors inflation et à périmètre constant. Cette évolution est grave pour le sport, la vie associative et la jeunesse.

Sur la forme, je continue à dénoncer cette présentation consolidée des moyens de l'État affectés au sport comme non conforme à l'esprit qui a présidé à la création du FNDS. Celui-ci était essentiellement destiné au financement des clubs sportifs et non à pallier les déficiences du budget de l'État. Monsieur le ministre, vous avez en partie répondu à la question que je voulais vous poser sur le futur établissement administratif autonome qui doit recevoir les fonds du FNDS. Mais pouvez-vous apporter quelques éclaircissements ? Soyez assuré de notre soutien pour que ces fonds ne soient pas détournés de leur destination.

À deux mois de la fin de l'année, pouvez-vous nous indiquer quelle part du budget de 2004 a été réalisée ou engagée ? Où en sont les gels de crédits qui ont frappé ce budget ? Bien que la lecture des chiffres ne soit pas toujours évidente - le rapporteur spécial ne me démentira pas -, le survol de votre plaquette, fort bien présentée, laisse entrevoir des points positifs concernant le CNOSF, les fédérations, la préparation des sportifs de haut niveau, le sport handi. Comme la lutte contre le dopage, ces secteurs sont bien traités. On peut également se réjouir du financement enfin trouvé pour la rénovation de l'INSEP. Ce n'est pas du luxe !

Votre plaquette évoque pudiquement la contribution du ministère à l'effort de maîtrise des dépenses publiques, qui se traduit par la perte de quatre-vingt-dix emplois dans les CREPS, lesquels s'ajoutent aux soixante-dix emplois supprimés en 2004. Sachant que les promesses de compensation ne sont jamais tenues à 100 %, parce que souvent plafonnées, ces établissements publics devront augmenter leurs tarifs. Qui financera les besoins de formation des jeunes aux métiers du sport et de l'animation ? Les collectivités locales, qui mettront, une fois de plus, la main à la poche, à moins qu'on ne privatise certains établissements...

Mais ce transfert de charges se dessine tout au long des chapitres de ce budget, tant dans le domaine du sport que dans celui de la vie associative. Ainsi, le titre IV, consacré aux subventions versées au mouvement associatif, subit une forte réduction de 19,6 millions d'euros.


L'extension des compétences du ministère à la vie associative avait fait naître des espoirs tant elle était présentée comme une avancée historique. Elle a donné lieu, hélas, encore à une déception, d'ailleurs soulignée parle rapporteur spécial, puisqu'on constate une diminution de 6 % des crédits d'intervention dans un domaine, lui aussi, déterminant pour la vie sociale. À preuve les difficultés à financer et mettre en place des postes FONJEP, qui apportent une aide considérable aux associations et aux collectivités.

Sur le terrain, cette carence s'accompagne d'un important désengagement dans le domaine de l'action sociale, la politique de la ville et l'éducation nationale, pour ne citer que ces secteurs.

M. Céleste Lett. La question !

M. Jean-Claude Beauchaud. Ce mauvais budget traduit une politique qui inquiète les milieux sportifs et associatifs : les clubs sportifs parce qu'ils espéraient une aide pour pérenniser leurs emplois-jeunes, dont l'action a, dans beaucoup de cas, permis de bien coordonner les activités des bénévoles ; les dirigeants des bénévoles parce qu'ils attendent des mesures concrètes et des aides en faveur de l'encadrement et de la formation. Ce qu'ils veulent, ce n'est pas forcément, je suis d'accord avec vous, monsieur le ministre, un statut du bénévole mais c'est être reconnus et avoir les moyens de travailler dans de bonnes conditions, notamment en matière de sécurité et d'assurances car l'encadrement d'enfants peut poser aujourd'hui de graves problèmes.

Les effets de votre politique ne se feront pas sentir dans l'immédiat mais la non-prise en compte du sport de masse sera préjudiciable demain à tous les niveaux.

Mêmes remarques pour les associations et leurs animateurs.

Comment affirmer, comme je l'ai entendu hier encore lors de la séance des questions au Gouvernement, que les impôts locaux n'augmenteront pas ? Nos collectivités sont de plus en plus sollicitées. À l'investissement et au fonctionnement des installations sportives, qui sont devenues les normes, s'ajoutent les frais de fonctionnement des associations pour pallier, vous l'avez à juste titre fait remarquer, monsieur le ministre, les difficultés des familles et des enfants qui ont un droit d'accès aux activités culturelles et sportives.

Je suis persuadé, monsieur le ministre, que vous auriez souhaité, nous présenter un autre budget, prenant en compte les valeurs humaines de la vie associative, le lien social et l'éducation par le sport. En tout cas, celui que vous nous proposez est très loin de satisfaire mon groupe ...

M. Céleste Lett. Il fallait commencer par là !

M. Jean-Claude Beauchaud. ...et nous regrettons qu'il se réduise à une peau de chagrin. Comme c'est le plus petit des budgets, il aurait pu, en effet, être augmenté.

M. le président. Je rappelle que le président Debré a souhaité, avec l'accord du Bureau, et, donc, des différentes formations politiques, que ces séances de présentation budgétaire adoptent un style rapide et synthétique. Je demande à tous de bien vouloir respecter cette décision. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs.) L'annonce en avait déjà été faite l'année dernière mais le président Debré m'a demandé de la rappeler avec vivacité.

M. François Rochebloine. Et quand il n'y a qu'un orateur par groupe ? Il est fatal qu'on en revienne aux pratiques anciennes !

M. Jean-Claude Beauchaud. Une remarque, monsieur le président. Sur ce budget des sports, notre groupe a travaillé en équipe : un orateur principal a été désigné pour balayer l'ensemble du sujet, mais cela ne nous empêchera pas d'intervenir sur des points précis. Telle est la méthode que nous avons adoptée. Si elle n'est pas bonne, je demande à ce que nous en soyons informés bien en amont afin que, comme tout bon sportif à l'approche d'une compétition, nous puissions nous préparer. Nous ne nous dopons pas, nous !

M. le président. Je demanderai aux présidents des groupes de rappeler à tous la décision du président Debré.

La parole est à M. Édouard Landrain.

M. Édouard Landrain. Je vais essayer, monsieur le président, d'obéir à vos injonctions.

Ce budget, qui est le dix-septième que j'examine, n'est ni pire ni meilleur que les précédents. Pendant très longtemps, nous avons été à 0,18 % et à 0,19 % et le fait que nous approchions aujourd'hui 0,20 % est une excellente chose. D'ailleurs, à l'époque, le prélèvement du FNDS n'était pas de 2,9 mais de 2,4 %. Vous êtes donc, monsieur le ministre, mieux servi que vos prédécesseurs.

Ce budget vous donne l'occasion de réorganiser le sport, d'où son importance. Cette réorganisation s'inscrit dans le droit fil des états généraux. Ce que vous proposez montre, en effet, que leurs préconisations ont été entendues. Ils ont donc servi à quelque chose.

Ainsi, s'agissant du sport professionnel, nous avons adopté tout récemment une loi très attendue, qui est bien acceptée par les fédérations comme par les ligues.

En ce qui concerne le sport de pleine nature, nous souhaitions depuis longtemps être entendus. Nous le sommes cette année, pour la première fois : grâce aux efforts conjugués de l'opposition et de la majorité, les CDESI sont enfin acceptés et cela mérite d'être signalé.

Je mettrai également en avant un aspect particulier de votre budget dont vous n'avez pas parlé, monsieur le ministre : le renforcement du lien entre le sport et la francophonie. C'est, en effet, un vecteur fondamental pour le développement de notre langue.

Je me félicite que, pour la première fois, 1,6 million d'euros soient affectés pour faciliter l'accès à la pratique physique et sportive du plus grand nombre.

Les filières d'accès au sport de haut niveau se voient attribuer 1,98 million d'euros.

Pour la première fois cette année - et nous vous en remercions, monsieur le ministre - une somme de 1,5 million d'euros est prévue pour le recensement des équipements sportifs, sites et lieux de pratique. Cela permettra de les améliorer et de les mettre aux normes de sécurité.

Je me réjouis que 2,25 millions d'euros soient consacrés aux actions en faveur des femmes dans le sport : cela correspond à une aide moyenne de 1 500 euros par projet.

L'action en faveur de sport et handicap est fondamentale. C'est, pour nous, une question de dignité humaine. Ces sportifs ont des réflexes quelquefois supérieurs à ceux que l'on appelle les « valides ». Il faut être à leur côté et les encourager, surtout quand ils apportent des médailles à la France. Une somme de 400 000 euros est prévue à ce titre. Vous devez en être complimenté, monsieur le ministre.

Je signale, enfin, au chapitre sport et santé, qui ne concerne pas seulement le dopage, l'inscription de 450 000 euros supplémentaires pour l'entretien de la forme pour les jeunes comme pour les anciens et de 1 500 euros pour la surveillance sanitaire des sportifs.

J'espère qu'à la veille du succès, que nous souhaitons tous, de la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2012, le budget des sports sera très largement amélioré afin que la France ait les moyens d'une politique sportive qui puisse éclater aux yeux du monde. J'engage l'ensemble des députés à être moteurs pour cette candidature et à porter, haut et fier, comme je le fais aujourd'hui, l'insigne de la candidature. (« Très bien ! » sur de nombreux bancs.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Pour répondre à votre vœu, monsieur le président, je présenterai rapidement une synthèse générale au nom de mon groupe, à laquelle j'ajouterai quelques questions plus particulières.

Même si les budgets des sports n'ont jamais été suffisants - et ce n'est pas Mme Marie-George Buffet qui me contredira - force est de constater que, contrairement à ce qu'a dit mon prédécesseur, celui qui nous est présenté aujourd'hui subit une baisse, masquée par un tour de passe-passe dénoncé par tout le monde, de près de 3 %. Je me fie en cela à l'analyse des rapporteurs qui ont mis clairement en lumière ses insuffisances. Comment, dans ces conditions, comptez-vous, monsieur le ministre, mettre en pratique les bonnes intentions que vous avez affirmées dans votre discours liminaire et avoir une action pertinente, par exemple, en matière de contrats éducatifs locaux, pour lesquels beaucoup de travail reste à faire sur le terrain, alors que les crédits qui leur sont alloués diminuent ? Je m'interroge également sur les actions de formation en direction de la jeunesse, en particulier sur le BAFA et sur le rôle des futurs CIVIS destinés à venir en aide aux associations. Vous savez que le tissu associatif est actuellement en crise et qu'il connaît d'énormes difficultés du fait de la diminution des moyens qui lui sont alloués.

Nous n'en avons pas fini, par ailleurs, avec le débat sur les relations entre sport et spectacle et sur l'intervention d'entreprises à but très lucratif dans le domaine du sport. M. Baguet a montré le risque que la loi que nous venons d'adopter ne soit détournée de ses objectifs, qui sont d'aider le sport à se développer en dehors de considérations de spectacle ou de rentabilité financière.

Avec 80 emplois de moins, les personnels de votre ministère se demandent si les directions départementales de la jeunesse et des sports disposeront des moyens nécessaires.

Nous sommes, nous aussi, tout à fait favorables à la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2012. En tant que Marseillais, j'y suis d'autant plus favorable que ma ville a passé une convention de partenariat avec Paris à cet effet. C'est un véritable challenge, au sens positif du terme.

Si nous ne pouvons soutenir vos orientations budgétaires, monsieur le ministre, sachez que nous vous serons à vos côtés pour que les règles que nous avons déjà adoptées pour lutter contre le dopage soient exportées en dehors de nos frontières. L'Europe, en ce domaine, pourrait être exemplaire.

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.


M. François Rochebloine
. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je poserai à mon tour un certain nombre de questions et formulerai quelques observations.

Je constate, une nouvelle fois, que le budget de la jeunesse, des sports et de la vie associative appartient à la catégorie que je qualifierai de « parent pauvre » du budget général de l'État.

Ce n'est pas nouveau, me direz-vous. Comme l'a rappelé mon excellent collègue et ami Édouard Landrain, on se situe toujours dans le même pourcentage par rapport au budget général de l'État : 0,184 en 1998 et aujourd'hui 0,183 %. En la matière, les gouvernements assurent une certaine continuité.

L'an passé, le président de la commission des finances, Pierre Méhaignerie, avec une amitié qui est réciproque, m'avait fait remarquer que mes collègues UDF de la commission des finances ne cessaient de rappeler que le Gouvernement ne maîtrisait pas suffisamment la dépense publique.

Sans doute, pourriez-vous me faire la même remarque cette année...

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Exactement !

M. François Rochebloine. ... et je l'espère avec toujours autant d'amitié. (Sourires.) Pourtant, monsieur le président, il n'est pas contradictoire de vouloir maîtriser les dépenses publiques dans un certain nombre de domaines, mais non pas sur un budget dont le ratio montant par personne concernée est sans doute le plus faible.

Les crédits réservés à ce domaine diminuent donc de 10 millions d'euros. Il est vrai que les crédits mobilisables au titre du fonds national pour le développement du sport augmentent eux considérablement, puisqu'ils progressent exactement de 8,87 %.

M. Alain Néri. Le Gouvernement n'y est pour rien !

M. François Rochebloine. Cela permet de couvrir cette diminution importante.

Mais avouez qu'il est quand même regrettable que ce soit le jeu qui devienne la part indispensable pour permettre la modernisation de nos équipements sportifs.

À propos du FNDS, je partage les préoccupations de notre rapporteur quant à la nécessité de créer un établissement public - et M. le ministre y a fait allusion.

Monsieur le ministre, je ne doute pas qu'au fond de vous-même, vous auriez sans doute souhaité présenter un autre budget que celui-ci. Les comparaisons sont, il est vrai, relativement difficiles, puisqu'il s'agit du premier budget qui prend en compte le regroupement intervenu en 2004 au sein du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Je ne conteste pas la suppression des 80 emplois de personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service. Mais peut-être aurait-il fallu les affecter dans d'autres secteurs, où ils sont absolument indispensables, comme vous le savez, monsieur le ministre.

Ne pensez-vous pas qu'il serait nécessaire de laisser plus de souplesse aux fédérations pour l'emploi de leurs cadres, qui vivent pour certains un peu trop confortablement, si j'ose dire ? Ils n'ont pas défini de contrat d'objectif, sachant que leur emploi est assuré, quels que soient les résultats obtenus, lors des compétitions internationales, comme les Jeux olympiques. Ils retrouvent leur place sans problème. J'attends votre réponse sur cette question, tout comme sur d'autres thèmes qui me tiennent à cœur.

J'ai retenu de vos propos, monsieur le ministre, le doublement des primes accordées aux athlètes médaillés lors des Jeux paralympiques. Nous sommes encore loin du compte, même si je note l'effort accompli, dont je me réjouis. Il reste encore beaucoup à faire en ce domaine, pour parvenir à la promotion du Sport Handicap. Les collectivités, dont le département de la Loire, s'attachent à développer le Sport Handicap et notamment une discipline qui vous est chère : l'escrime. Notre section escrime en fauteuil fonctionne très bien.

S'agissant de la lutte contre le dopage, je ne peux que me réjouir de l'effort réalisé.

Je souhaite également obtenir des éléments de réponse au sujet du résultat d'exploitation du championnat du monde d'athlétisme organisé à Paris en 2003 - je vous avais déjà posé la question l'année dernière. Il y a un excédent de 7 millions d'euros. L'État s'était engagé, le cas échéant, à couvrir le déficit. Aujourd'hui, un bénéfice a été réalisé. Il me paraît légitime de connaître la répartition de ces bénéfices, en sachant qu'il serait logique que la Fédération française d'athlétisme en soit le premier bénéficiaire. En effet, ce résultat est, en grande partie, dû à l'organisation de cette manifestation et à la qualité du GIF qui en avait la charge, placé sous la responsabilité du préfet Jean Dussourd.

Enfin, j'aimerais savoir quelles sont les priorités du Gouvernement dans les domaines de la jeunesse et de la vie associative. Les crédits qui leur sont consacrés ont pâti de la budgétisation du fonds national pour le développement de la vie associative - le FNDVA - et leur montant a subi une baisse puisqu'il est de 7,02 millions d'euros contre 8,2 millions en 2004.

Monsieur le ministre, on constate une diminution importante de la fréquentation des centres de vacances. Je connais bien le sujet car je suis en charge de la jeunesse et des sports, en tant que vice-président du conseil général. Cela s'explique par différentes raisons : les problèmes de pédophilie qui ont pu se poser dans certains centres de vacances ; le coût pour les familles, et l'on assiste à une fréquentation plus importante des centres de loisirs avec ou sans repas. Vous êtes, conscient, monsieur le ministre, de ces difficultés.

Je partage pleinement votre avis sur le CIVIS, monsieur le ministre. Je vous prie de m'excuser de citer encore une fois mon département de la Loire, où un effort important est accompli par la direction départementale de la jeunesse et des sports. Mais cette dernière se heurte à la direction départementale du travail et de la formation professionnelle, qui se retranche, de façon assez scandaleuse, derrière des avis de la jeunesse et des sports.

Des indications devraient être fournies, dans ce domaine, aux directions départementales qui font tout pour freiner et faire échouer le CIVIS. Depuis un certain temps, cela commence à m'agacer. C'est pour cela que je m'en fais l'écho.

Je me félicite des 33 médailles obtenues par la France lors des derniers Jeux olympiques d'Athènes. Mais je note, comme vous-même, monsieur le ministre, une certaine érosion de nos résultats depuis les Jeux olympiques organisés à Atlanta et à Sydney. Il est également nécessaire de préciser que plusieurs de ces 33 médailles ont été remportées dans des disciplines où les délégations des autres pays sont souvent modestes.

Au nom des 14 millions de licenciés, des 26 millions de pratiquants, des 175 000 d'associations et du million de bénévoles du monde sportif, je vous rappelle que le Premier ministre avait considéré, il y a maintenant deux ans, lors de la réunion de synthèse des États généraux du sport à Besançon - M. Édouard Landrain y a fait allusion tout à l'heure -, qu'il fallait absolument placer le sport au rang des priorités nationales. Aussi, je souhaite que le Gouvernement soit fidèle à cet engagement.

Vous connaîtrez le vote du groupe UDF lors de l'examen des crédits de votre budget en séance publique, le 19 novembre (Exclamations et rires sur tous les bancs), en fonction des réponses apportées à nos questions.

Monsieur le président, je pense avoir réduit considérablement mon propos. Mais je souhaite que pour l'avenir les « règles du jeu » soient éclaircies, car nous ignorions tout.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. M. Rochebloine a anticipé mes propos.

En chacun de nous un schizophrène sommeille. (Sourires.) On monte à une tribune pour dire qu'il faut réduire les dépenses publiques et les déficits, puis à une autre pour regretter qu'il n'y ait pas assez de crédits.

M. François Rochebloine. Je vous ai apporté la réponse, monsieur le président !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Je vais reprendre une expression du général de Gaulle, qui disait à ses collaborateurs : « Ne m'embêtez pas avec les problèmes sans solution. Concentrez-vous sur les problèmes solubles. » (Sourires.)

Il y a sur ce budget tellement d'autres problèmes solubles ! Je pense que les crédits budgétaires de l'État ne sont qu'un des éléments de la politique sportive.

La loi sur le mécénat, promulguée au mois d'août, offre aux associations sportives des perspectives importantes, venant des entreprises et des particuliers. J'ai mis moi-même ses principes en application.

Je pense que la façon de donner et la simplification sont aussi importantes que ce que l'on donne. (Exclamations sur tous les bancs.)

M. François Rochebloine. C'est vrai !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. On assiste à une bureaucratisation. Les associations gèrent des dossiers massifs, effectuent de multiples démarches.

Je suis président d'une communauté d'agglomérations, basketteur passionné et toujours sportif autant qu'Édouard Landrain. Lorsqu'une communauté d'agglomérations aborde le problème de la jeunesse et des sports dans un contexte global et a un projet qui concourt aux objectifs du ministère, pourquoi ne serait-il pas possible de lui donner une dotation globale ? Cela nous simplifierait la vie et permettrait aux animateurs d'être plus sur le terrain que plongés dans des papiers.

Monsieur le ministre, il serait bon que les dotations globales soient expérimentées en direction des communautés d'agglomérations ou de communes qui ont vraiment un projet sportif et un projet jeunesse.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur le président, je vais vous répondre. S'il s'agit d'un objectif de fonctionnement, nous le faisons à travers la globalisation des moyens mis à la disposition des directions départementales et régionales. Cela a d'ailleurs été fortement critiqué. On m'a reproché de ne plus « flécher » aussi nettement les crédits. La globalisation de l'enveloppe a quelque peu perturbé les directeurs régionaux et départementaux. Cela était fait, en partie, pour répondre à cette logique de coordination des rapports entre une direction régionale ou départementale avec les agglomérations ou les communautés de communes.

En ce qui concerne l'investissement, l'objet de la cartographie, qu'évoquait, tout à l'heure M. Édouard Landrain, est d'être en capacité de savoir où se trouvent les piscines, gymnases, stades sur l'ensemble du territoire. C'est pour que l'État et son outil principal actuel - le FNDS - ou le futur CNDS soient capables d'initier un aménagement harmonieux en matière d'équipements sportifs sur notre territoire.

J'ai été très marqué par une déclaration de l'un des présidents de région faite à mon arrivée au ministère. Il souhaitait obtenir les compétences « sports » pour sa région. Il m'a dit : « Ce qui m'intéresse, c'est le foot, le cyclisme et la voile. » J'ai freiné des quatre fers. Qui s'occuperait du reste ?

Le but du FNDS, dont la part de financement oscille entre 10 et 20 %, est d'impulser, quand c'est nécessaire, et de réguler en matière d'aménagements.

Je suis persuadé que les solutions, à l'avenir, en matière d'équipements sportifs structurants seront trouvées au travers des communautés d'agglomérations et des communautés de communes, et, là, je vous rejoins totalement sur ce point. La cartographie est nécessaire pour comprendre comment mieux harmoniser et réguler, en matière d'aménagement du territoire, les équipements sportifs, comme le rappelaient MM. Édouard Landrain et Denis Merville. Nous ne serons efficaces qu'à ce prix. Et je ne parle pas en dotations globales car si je comprends ce terme pour le fonctionnement, il n'en va pas de même pour l'investissement. En effet, la part du FNDS est faible au regard de l'investissement global.

Nous sommes confrontés à un grave souci pour les années qui viennent : la construction et la rénovation des piscines. Cela tombe aujourd'hui, au niveau des services du ministère, « comme à Gravelotte ».

M. Alain Néri. C'était prévu depuis dix ans !

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Certes ! Mais rien n'a été fait dans ce domaine-là.

Tout le monde veut rénover ou construire son équipement. Nous sommes incapables aujourd'hui de mettre en adéquation le bassin de vie, la taille de la piscine et le coût de fonctionnement. Vous savez bien que la majorité des équipements subissent un déficit de fonctionnement.

C'est donc dans cet esprit que je souhaite parvenir à moderniser les rapports entre l'État, le mouvement sportif et les collectivités. Tant que nous ne disposerons pas des outils nécessaires, nous ne pourrons pas vous aider.

Monsieur le président, encore une fois, la décision finale revient aux élus. C'est eux qui engagent leur responsabilité dans la construction. Je souhaite les accompagner tout au long de cette démarche.

Monsieur Beauchaud, la part des moyens consolidés revenant aux moyens extrabudgétaires est évidemment importante. Je suis un « pragmatique ». C'est le seul endroit jusqu'à fin 2005 où ces moyens ne sont ni gelés, ni consolidés, ni reportés. Vous me reprochiez, monsieur Néri, de n'y être pour rien sur le FNDS. C'est faux. Vous savez que j'ai négocié avec Bercy d'arrache-pied, pour obtenir cette ouverture de moyens au travers du compte d'affectation spéciale au sein du FNDS.

Nous sommes passés en deux ans de 218 millions à 270 millions. Cela ne se fait pas par l'opération du Saint-Esprit. C'est aussi grâce à la négociation que nous avons obtenu les 10 millions de report. Il s'agit d'un véritable engagement. Je suis convaincu que c'est la meilleure solution pour donner des moyens consolidés au mouvement sportif en particulier, mais aussi au secteur jeunesse et vie associative, puisque - je le répète - c'est un ministère du mouvement, de la citoyenneté qui est dans ces secteurs-là. Je préfère la stabilité, voire l'évolution des moyens alloués par le FNDS, tant dans sa part nationale, qui intéresse également les conventions d'objectifs, que dans sa part régionale, que gérer un budget qui subira gel ou régulation. C'est valable pour nous ; cela l'a été pour les précédents gouvernements.


Je suis un pragmatique. Je suis donc persuadé que c'est la meilleure solution si nous voulons être assurés d'une certaine stabilité de moyens pour faire fonctionner les services du ministère et permettre au mouvement sportif, aux mouvements de la jeunesse et au mouvement associatif dans son ensemble de vivre. Voilà pourquoi je choisis cette voie. Certes, nous allons devoir, non la remettre en cause, mais la faire évoluer d'ici à la fin 2005 comme la LOLF nous y oblige. Nous sommes en pleine négociation avec Bercy et avec le mouvement sportif pour trouver la meilleure façon de sortir de ce dispositif et de mettre en place le futur Conseil national de développement du sport.

M. Beauchaud a demandé quelle était la part du budget engagée : pour 2004, 94 % des crédits disponibles ont été engagés. Il a également évoqué, ainsi que M. Pierre-Christophe Baguet, le problème du FNDVA. L'erreur majeure a été de le budgétiser. C'était une erreur de ne pas avoir cherché, comme nous sommes en train de le faire pour le FNDS, une bonne sortie pour le FNDVA. Cela aurait en tout cas mérité une discussion entre les associations de jeunesse, et plus globalement le secteur associatif, et le ministre chargé du FNDVA. Cela n'a pas été le cas ; le résultat, lorsque j'ai pris la tête de ce ministère, c'est qu'il n'y avait rien dans le FNDVA. Nous avions réussi à le remonter à son niveau de 8,2 millions d'euros, plus un petit report.

Aujourd'hui, l'ex-FNDVA est, il est vrai, appelé à subir une légère baisse de l'ordre de 6 %. Mais nous allons recentrer ses actions sur la formation, les études et ce que l'on appelle les expérimentations. Il faut savoir que sur la partie « expérimentations », et ce jugement est partagé par le monde associatif, règne un flou proprement abyssal. Personne ne sait trop ce qui s'y passe... Quant aux études, on a du mal à les évaluer. La formation est peut-être le secteur qui fonctionne le mieux et je conviens qu'il est nécessaire au renforcement de notre dispositif associatif. Nous allons évidemment mieux cibler les formations ; rappelons que, dans le même temps, nous avons mis en place les centres de ressources et d'information des bénévoles - CRIB - appelés, pour autant que le dispositif fonctionne correctement au niveau des territoires, à être ouverts sur l'ensemble du secteur associatif. Parallèlement, nous nous emploierons à simplifier les procédures administratives en développant notamment les télé-procédures, à faciliter l'accès aux outils financiers et à mettre en place un véritable outil de développement et de protection des dirigeants bénévoles sur le plan de leur responsabilité civile.

Ainsi, même si l'ex-FNDVA apparaît en légère baisse, nous retrouvons globalement intacts les moyens destinés au mouvement associatif et surtout à leurs dirigeants. J'ai entendu critiquer le fonctionnement du FONJEP ; non seulement j'ai amorcé un fort mouvement de dégel, mais je me suis engagé sur une résorption des postes gelés sur trois ans - et nous entendons bien respecter ce phasage.

S'agissant du sport professionnel, je souscris totalement à l'appréciation d'Édouard Landrain. Rappelons que ce n'est pas une simple loi sur le « sport pro » que nous avons votée...

M. Henri Nayrou. Cela y ressemble pourtant !

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.... même si c'est effectivement ainsi qu'elle s'intitule, monsieur Nayrou. Rugby compris ! (Sourires.) Et je puis vous assurer qu'ils sont tous d'accord !

M. Alain Néri. Les ligues ne peuvent qu'être d'accord !

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur Néri, la fédération, la ligue et PROVAL sont toutes les trois d'accord avec la loi. Tout simplement parce qu'elles ont été consultées au préalable, qu'elles ont travaillé à sa rédaction et qu'elles ont participé aux groupes de travail. M. Nayrou peut en attester.

Une logique prévaut dans cette évolution du « sport pro » : l'unité du sport français. Vous savez très bien dans quelle situation j'ai trouvé notre sport professionnel. Certaines fédérations, à l'image de la fédération française de ski, étaient en plein délitement. En permettant à des groupements sportifs et à des sociétés privés - à des niveaux bien sûr suffisamment bas pour ne pas prendre le contrôle des fédérations -, la loi d'août 2003 nous permet de retrouver des marges de manœuvre. C'est l'unité du sport qui est en jeu dans ce domaine. Il faut savoir évoluer : ceux qui continuent à soutenir que le sport se réduit au seul monde associatif se trompent. Le monde associatif n'est pas dans une bulle et interdire aux collectivités locales, à l'État et aux acteurs économiques d'entrer dans ce qui serait son domaine réservé est aberration, une idée invendable et surtout injouable pour le mouvement sportif. C'est le grand mérite de la proposition de loi d'Édouard Landrain et de Jean-Marie Geveaux d'avoir offert cette capacité d'ouverture maîtrisée qui donne du sens au « sport pro » dans notre pays tout en préservant le lien entre sport amateur et sport professionnel.

Je rejoins Édouard Landrain lorsqu'il nous appelle à un gros travail de réorganisation de nos services, tant pour ce qui touche aux coûts que sur le plan de la réorganisation et la rationalisation de nos équipements : certains sites ne sont effectivement plus en adéquation avec les missions du ministère. Il nous faut en tirer les conséquences qui s'imposent et recentrer nos moyens sur les établissements et les services particulièrement opérationnels.

M. Dutoit a fait part de ses inquiétudes à propos des directions départementales. Je l'ai répété lors de la conclusion des états généraux du sport : le maintien de l'architecture des services et établissements du ministère - directions régionales, directions départementales, établissements, CREPS entre autres - était à mes yeux indispensable pour mener à bien une politique et garantir un vrai service public « sport, jeunesse et vie associative ». Votre inquiétude, monsieur Dutoit, n'est donc pas fondée et je tiens à réaffirmer ce principe d'organisation des services de l'État sur notre territoire. Les directions régionales, quoi qu'on ait dit, continuent à exister et ma position est rigoureusement identique pour ce qui est des directions départementales et des établissements du ministère.

La francophonie est appelée à jouer un rôle important. L'organisation de la CONFEJES en France en avril prochain lui donnera tout son sens. Je suis également très heureux de voir que les commissions départementales des espaces, sites et itinéraires - CDESI - pourront enfin être installées sur l'ensemble du territoire. Ainsi se termine heureusement le combat global qu'il a fallu mener pour mettre en place cet outil de développement des sports de nature dans tous les départements concernés.

Quant à la lutte contre le dopage, elle s'inscrit, je l'ai dit, dans le cadre d'une réelle volonté de cohérence au niveau international. Je trouve à ce propos un peu bizarre, monsieur Dutoit, l'aversion que vous professez à l'égard du sport spectacle. Que je sache, c'est bien Mme Buffet qui a instauré le prélèvement de 5 % sur les droits télévision. C'était du reste une excellente chose.

M. Henri Nayrou. Combattue par l'opposition de l'époque !

M. Édouard Landrain. Non !

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. L'opposition ne portait que sur la forme, monsieur Nayrou.

M. Édouard Landrain. Il a la mémoire courte !

M. Henri Nayrou. Relisez le compte rendu de la séance !

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. On ne peut tout à la fois critiquer le sport spectacle et accepter qu'un prélèvement de 5 % sur les droits télé vienne abonder le FNDS... Laissons vivre le sport spectacle, tâchons de le rendre plus transparent, notamment pour ce qui est des normes sportives, comme le disait Denis Merville. Ces 5 % sont une réalité, le sport spectacle également. À nous d'en maintenir la cohérence et de le réguler, mais n'allons pas dire en permanence tout et son contraire. Heureusement du reste que ce secteur économique existe et permet d'aider au développement de la pratique amateur.

Nous sommes effectivement, monsieur Rochebloine, dans une logique de maîtrise des dépenses ; je m'y engage, y compris sur le plan des emplois - le solde net est bien de 80 et non de 90 emplois. S'agissant du sport paralympique, j'ai privilégié tout à la fois la reconnaissance des athlètes paralympiques et la structuration de la pratique handisport sur tout le territoire. C'est bel et bien un double projet. Sans doute faudra-t-il aller encore un peu plus loin pour ce qui touche à la reconnaissance de ces athlètes. Reste que nous avons à mener de front un double projet, et nous poursuivrons l'effort dans le budget 2005 avec des moyens renforcés : 4,8 millions d'euros. Jamais, vous en conviendrez, pareille n'aura été investie dans le budget pour le développement de la pratique du sport par les handicapés.

S'agissant du boni de liquidation, sur les 7 millions auxquels vous faisiez référence, 4,5 millions ont été reversés au budget du ministère de la jeunesse et des sports. Rappelons que l'État avait tout de même investi 22 millions d'euros et que les prévisions de budgets initialement arrêtées par Mme Buffet à 22 millions ont finalement été réévaluées à 50 millions d'euros. Autrement dit, il a fallu doubler l'aide de l'État... Il était bien normal qu'une négociation s'engage avec Bercy ; nous avons finalement récupéré 4,5 millions d'euros, ce qui n'était pas prévu au départ. La fédération française d'athlétisme, que vous avez citée, a ainsi pu bénéficier de près 600 000 euros sur ce boni de liquidation pour accueillir les jeunes qui, après avoir vu les images des championnats du monde - et un peu moins d'images des Jeux, malheureusement -, se sont pressés aux portes des clubs d'athlétisme.

À ce propos, puisque vous avez fait allusion à nos résultats d'athlétisme aux derniers Jeux, rappelons que nous n'avions récolté qu'un zéro pointé à Sydney... Nos athlètes sont tout de même revenus d'Athènes avec deux médailles ! Certes, nous aurions aimé en avoir un peu plus, mais les résultats de notre délégation aux Jeux olympiques et paralympiques sont dans l'ensemble satisfaisants.

M. François Rochebloine. Et pour le CIVIS ?

M. le président. Et les autres types d'emplois sportifs possibles ?

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. J'y venais.

Un gros effort a été entrepris pour ce qui touche à la formation de tous les éducateurs sportifs. Nous avons réorganisé la filière et renforcé la structure dévolue à la formation aux métiers du sport au sein du ministère. Se pose encore, M. Baguet l'a justement rappelé, un réel problème par le fait que la formation universitaire STAPS aboutit à former plutôt des éducateurs polyvalents alors que nous-mêmes formons des spécialistes qui trouvent plus facilement du travail.

M. François Rochebloine. Exact !

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Tant et si bien que 50 000 jeunes se retrouvent en formation STAPS, pour lesquels nous n'avons toujours pas trouvé de solution. Le cursus STAPS ne forme pas les spécialistes de l'entraînement et de la pratique sportive dont, quel que soit leur niveau, nous avons besoin dans les clubs. Aussi allons-nous réorganiser notre filière afin qu'elle devienne réellement capable de répondre aux besoins des collectivités et de nos clubs, quel que soit le niveau de pratique sportive. Nous sortons, vous le savez, d'un conflit avec les STAPS à propos de l'inscription de certaines formations au répertoire national des formations professionnels ; une fois tout cela stabilisé, il deviendra urgent de reparler de cette affaire. Cinquante mille jeunes s'entassent dans des filières STAPS qui n'offrent que très peu de débouchés.

Les CIVIS commencent doucement, non sans rencontrer certains obstacles. Je crois beaucoup au travail en commun que nous avons engagé avec mon collègue Jean-Louis Borloo sur les contrats d'avenir et à l'utilisation que nous pourrons en faire dans le monde associatif, tous secteurs confondus. Les contrats d'avenir devraient nous permettre d'offrir à ces jeunes en difficulté, particulièrement dans le domaine du sport, un véritable cursus de formation débouchant sur un vrai métier. Le dispositif emploi-jeune a été dévoyé de son objectif principal,...

M. Édouard Landrain et M. François Rochebloine. Absolument !

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. ...à savoir l'insertion des jeunes en grande difficulté, cependant que d'autres, très bien formés, ont bénéficié, sinon d'un confort, en tout cas d'un réel accompagnement pour trouver un métier au sein d'une association. Les populations en réelle difficulté sont quant à elles restées sur le bord du chemin, sans trouver ni formation adéquate ni métier pérenne.

M. le président. La parole est à M. Alain Néri.


M. Alain Néri
. Permettez-moi une remarque sur le déroulement de nos débats. Je suis au regret de constater que les parlementaires ne disposent pas de plus de temps pour s'exprimer que dans le cadre des expériences précédentes.

M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur pour avis. Je ne suis pas d'accord !

M. Alain Néri. Mon cher collègue, je suis obligé de constater que depuis deux heures que nous sommes réunis, nous avons entendu le président de la commission, le ministre, les rapporteurs et seulement quatre interventions de députés.

M. Pierre-Christophe Baguet. Nous ne sommes donc pas députés ?

M. Céleste Lett. Que diriez-vous si le ministre n'avait pas été exhaustif ?

M. Alain Néri. On ne peut pas à la fois prétendre revaloriser l'action des parlementaires et nous reprocher de nous exprimer longuement !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Nous vous avons entendu, monsieur Néri.

M. Alain Néri. En somme, seule l'opposition se doit d'être concise !

Cela dit, nous ne pouvons que déplorer, monsieur le ministre, que votre budget ne soit pas meilleur, mais ce n'est pas nouveau. Il est en baisse de 4,8 %, malgré l'augmentation du FNDS, qui ne vous est pas imputable, car celle-ci ne tient qu'à l'amélioration des recettes du prélèvement sur les jeux. Lorsque M. Charasse était en charge du budget, nous avions obtenu l'assurance que le montant du FNDS serait garanti. J'espère qu'il le restera.

S'agissant des postes FONJEP, soixante nouveaux postes ont été créés en 2003, mais cent postes ont subi un gel. À cela, s'est ajoutée une baisse de 150 euros dans la prise en charge de ces postes par l'État. En 2004, quarante postes ont été créés. En 2005, cinquante postes seront créés sur les crédits déconcentrés. Ma question est simple : combien d'entre eux passeront l'hiver ?

Vous nous annoncez un rattrapage sur trois ans, je serai donc attentif au respect de vos engagements, car pour l'instant, nous ne constatons que des diminutions.

Nous notons également la diminution du montant annuel consacré à chaque poste FONJEP : de 7 564 euros on est passé à 7 400 euros. Or quand les crédits diminuent, les collectivités locales trinquent et sont obligées de mettre la main à la poche.

Conséquence de leur budgétisation, les crédits de l'ancien FNDVA reculent, nous le déplorons tous, de 1,18 million d'euros sur un total de 8,2 millions, ce qui n'est pas négligeable, vous en conviendrez ! Il serait intéressant que ces crédits figurent une ligne spécifique pour qu'ils soient identifiés.

Vous connaissez notre attachement au FNDS : nous soutiendrons donc votre combat pour son maintien et sa gestion paritaire. L'expérience du FNDVA devrait nous instruire : la suppression du FNDS se traduirait par une évaporation de crédits.

Nous souhaiterions, et le CNDS doit être à cet égard très vigilant, que la part régionale qui avait été augmentée dans la réorientation des crédits soit maintenue. Or j'ai quelques inquiétudes. En effet, je constate que les crédits des programmes sport de cette année, diminuent de 19 millions d'euros, soit 46 %, deux fois plus que l'année dernière !

On peut noter une augmentation de 5,5 millions d'euros en faveur des actions nationales et des sommes versées aux fédérations nationales. En fait, il s'agit d'un transfert de charges en direction des collectivités territoriales. Or nous savons qu'avec le budget dont vous disposez, ce seront, une fois de plus, les collectivités locales qui assureront le développement du sport de masse dans ce pays en assurant son financement ! Or, nous sommes en droit d'attendre un effort complémentaire de la part de l'État. Compte tenu des transferts de charges prévus par la nouvelle loi de décentralisation, les collectivités locales ne pourront pas indéfiniment supporter seules cet effort.

Pour ce qui concerne les ensembles sportifs, il faut que vous interveniez, monsieur le ministre, auprès des ligues pour leur faire comprendre que les collectivités locales et territoriales ne peuvent pas accepter une remise en question continuelle des normes. La construction de structures sportives importantes - football, rugby, basket - nécessitent un investissement lourd et alors même qu'il n'est pas fini d'être payé, car les emprunts courent pendant des années, il faut déjà modifier l'infrastructure. Financièrement, c'est difficilement supportable et nous passons, aux yeux de nos concitoyens, pour de piètres gestionnaires. L'irresponsabilité des ligues rejaillit sur les finances des collectivités locales, que l'on considère à tort, comme incapables de faire la moindre prévision.

M. le président. La parole est à M. Henri Nayrou.

M. Henri Nayrou. Permettez-moi de revenir d'un mot sur la proposition relative au sport professionnel : justifier la suppression du prélèvement de 1 % sur les contrats à durée déterminée équivaut à justifier les dépôts d'argent en Suisse.

Revenons aux chiffres : à périmètre constant, votre budget est en recul de 2,95 %. Comme le FNDS augmente de 8,87 %, l'ensemble est en hausse de 0, 76 %.

Vous mettez l'accent sur le succès financier du FNDS pour tenter de donner quelque allure à votre budget. Il est étonnant que l'équilibre d'un budget qui devrait être deux fois plus important, quel que soit le gouvernement en place, dépende du hasard. En outre, l'avenir du CNDS est flou.

Vous avez dit qu'il conserverait son caractère paritaire, mais ses ressources seront-elles garanties ? Même le rapporteur spécial s'en est ému. Envisagez-vous une budgétisation partielle ? Reviendra-t-il à sa vocation initiale, qui était de soutenir le sport de masse et les clubs au plan local ?

Qu'envisage la puissance publique à l'égard de la pratique sportive et de l'organisation administrative et territoriale qu'elle souhaite mettre en place ? Je pose le problème des directions départementales de la jeunesse et des sports dont la disparition a récemment été évoquée et dont le regroupement à l'échelon régional est envisagé. Or la récente circulaire Raffarin portant sur l'organisation de l'État en huit pôles, ne mentionne pas votre administration, alors que l'on entend dire par ailleurs que le sport pourrait être associé aux politiques publiques sous l'autorité du préfet de région. Quel est l'avenir territorial de l'administration du sport français ?

S'agissant de la décentralisation, pouvez-vous vous satisfaire du fait que votre ministère doive se contenter d'établir des plans départementaux de randonnées avec les collectivités territoriales ? Je rappelle que les élus locaux sont opposés à l'acte II de la décentralisation, car elle leur transfère des compétences sans les assortir des moyens correspondants.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Je regrette, monsieur le ministre, que vous n'ayez jamais parlé de l'économie sociale. Cela ne me surprend pas vraiment, car le gouvernement auquel vous appartenez n'est pas très sensible aux valeurs portées par ce groupe d'acteurs, notamment si l'on se réfère aux prises de position des différents ministres de l'économie et des finances qui se sont succédé ces deux dernières années.

Je rappelle que la délégation interministérielle à l'économie sociale - DIES - est sous votre autorité. Le flou le plus absolu règne,² à tel point que nous ne pouvons pas ou très difficilement identifier les budgets de cette délégation. Or l'économie sociale représente quatre millions d'emplois sur notre territoire. Il ne faut donc pas négliger cette famille d'acteurs.

Les crédits du budget de fonctionnement de la DIES ont diminué. Quel est le montant des crédits qui lui sont consacrés ?

Conformément à la LOLF, les grandes politiques publiques vont être regroupées par mission. Que pensez-vous faire de la DIES ? Une mission ? Un programme d'action ? Les acteurs de l'économie sociale sont très inquiets. Il n'y a aucune lisibilité dans ce secteur pour les personnes qui travaillent dans ce domaine. Il est fondamental de clarifier l'avenir de cette délégation.

M. le président. Je vous remercie, pour votre concision.

La parole est à M. Jean-Marie Geveaux.

M. Jean-Marie Geveaux. Les postes de cadres techniques sont indispensables dans nos départements. Même si de nouveaux types d'emplois sont créés - le CIVIS, par exemple - ces cadres brevetés d'État - premier, voire deuxième degré - ne peuvent plus se contenter de salaires voisins du SMIC. Il y a donc un réel problème pour aider les structures départementales, parce que l'on a besoin de techniciens pour faire évoluer le sport et l'encadrer techniquement.

Ces postes ont pratiquement tous été supprimés au cours de ces dernières années. Je souhaite que l'on maintienne ceux qui subsistent et que l'on en crée d'autres. Les collectivités s'impliquent fortement, mais sans les aides de l'État, cela ne suffit pas.

Par ailleurs, je suis inquiet du retard pris dans la réhabilitation et la mise aux normes des grands équipements sportifs. Je ne pense pas seulement à l'INSEP. J'espère comme tout le monde que Paris sera retenu pour accueillir les Jeux olympiques en 2012. Il est donc important de rattraper un certain retard et de rendre ces équipements utilisables.

L'avenir du bénévolat est un réel souci, toutes disciplines confondues. J'ai appris avec surprise que les responsables du judo français étaient tous des ceintures noires, à quelques dérogations près. Ce n'est pas le meilleur moyen pour encourager le bénévolat. Vous pouvez, sans être ceinture noire, assurer des tâches de trésorier ou de secrétaire ! Il y a là une dérive préjudiciable.

Vous avez annoncé des mesures auxquelles je souscris, mais contrairement à ce qui a pu être dit, les 35 heures n'ont pas contribué à développer le bénévolat, loin de là !

M. François Rochebloine. C'est même le contraire !


M. Jean-Marie Geveaux
. Enfin, j'évoquerai les aides à la pratique du sport et à la vie associative dans les quartiers sensibles, notamment en direction des jeunes filles.

Monsieur le ministre, je souscris à votre avis. Aujourd'hui, les coupons sport et d'autres dispositifs ont montré leur inefficacité. Habitant moi-même une cité située en zone franche au Mans, je sais de quoi de parle.

Aujourd'hui, il est nécessaire de mettre des crédits à disposition des collectivités locales, en particulier des communes, pour la vie associative, comme cela se fait déjà dans le cadre de la politique de la ville et de l'action des directions départementales. Il s'agit d'aider les associations qui mettent en place des actions efficaces. J'en connais dans mon quartier qui font un travail extrêmement intéressant contre la violence, pour la pratique du sport, en allant presque chercher les jeunes au bas de leur immeuble. Il faut encourager ces professionnels et ces bénévoles, qui obtiennent des résultats probants. Ils en ont bien besoin.

M. le président. La parole est à M. Daniel Prévost.

M. Daniel Prévost. Monsieur le ministre, je tiens à louer votre combat contre le dopage et votre lutte pour l'éthique sportive.

Pour ma part, je reviendrai sur la question des piscines. Nous savons l'importance de l'apprentissage de la natation, dans le cadre scolaire et périscolaire. Nous connaissons aussi les problèmes soulevés par l'application de la loi de 1951, en milieu rural et en bord de mer, s'agissant en particulier de l'accompagnement des élèves. Ces temps derniers, il y a eu une augmentation du nombre des noyades. Dès lors, une meilleure formation s'impose, d'autant que les résultats de l'équipe de France de natation aux Jeux olympiques inciteront sans doute davantage de jeunes de pratiquer ce sport.

M. le président. Je partage l'opinion de Jean-Marie Gevaux sur les difficultés à trouver un équilibre entre professionnels et bénévoles. Il ne faudrait pas que les uns aient tendance à chasser les autres. On le ressent dans toutes les structures associatives.

M. François Rochebloine. Même chez les sapeurs-pompiers !

M.le président. C'est en effet exactement pareil !

S'agissant de la LOLF, monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir évité une mission monoprogramme. Les trois programmes - sports, jeunesse et soutien - me paraissent beaucoup plus intéressants qu'un programme unique. Il faudrait sans doute mieux identifier, sans en faire un programme à part entière, la lutte contre le dopage, en trouvant les bons indicateurs, qualitatifs et quantitatifs, de façon à avoir une vue d'ensemble. Étant entendu que, pour les parlementaires, le droit d'amendement portera sur les programmes.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. En effet, la lutte contre le dopage concernant tant la préservation de la santé des sportifs que les procédures de contrôle et de sanction, en faire un programme en soi aurait rendu moins lisible l'action du ministère.

Monsieur Néri, sachez que j'entends poursuivre la politique de créations de postes FONJEP avec 50 postes pour la jeunesse et 25 pour les sports. Je m'engage à rétablir intégralement sur trois ans les 265 postes que j'ai trouvé gelés, à mon arrivée à la tête du ministère, en avril 2004. En 2005, le montant de la subvention liée à la convention FONJEP s'élève à 24 millions d'euros. Le dégel des 90 postes, soit un tiers du total des postes gelés, suppose de dégager un peu plus de 660 000 euros de crédits supplémentaires, le plan de résorption allant de 2005 à 2007.

Je ne reviendrai pas sur le problème du FNDVA. Je vous ai dit dans quelle situation je l'ai trouvé, ce que j'ai souhaité faire dès 2004 et ce que nous comptons faire, avec un peu plus 7 millions d'euros, pour 2005, en axant le travail du Conseil national de la vie associative, chargé de la répartition des fonds, sur la formation et les études, l'expérimentation restant un domaine où l'effectivité des fonds alloués m'échappe quelque peu.

S'agissant de la part régionale du FNDS, je vous donnerai un chiffre, monsieur Néri, puisque vous êtes inquiet et, semble-t-il, plus qu'avant mon arrivée.

M. Alain Néri. Nous avons toujours été inquiets à ce sujet. N'oubliez pas que c'est nous qui avons obtenu que cette part soit portée à 50 %.

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Je vais dans votre sens, car je partage votre optique, tout comme les députés de droite. De 2002 à 2004, les moyens alloués à la part régionale sont passés de 88 millions d'euros à 98 millions d'euros, soit une augmentation de 5 % par an. Au sein du CNDS, cette part régionale trouvera toute sa place.

Vous avez également évoqué le sport de masse. Je rappelle que nous ne faisons qu'appliquer les principes de la LOLF en présentant des moyens consolidés. Le programme sport représente 497 millions d'euros, dont 127 millions sont consacrés au sport de haut niveau et 290 millions au sport pour tous, qui est particulièrement privilégié, vous le voyez.

Je partage aussi votre souci de réaffirmer ce que doivent être les normes sportives et leur application. Je vous ai d'ailleurs dit, monsieur le président, que la direction des sports avait adressé une lettre au président de la ligue de football pour lui rappeler que ce n'était pas à la ligue d'édicter les normes mais à la fédération.

Monsieur Nayrou, comme vous l'avez constaté, les directions régionales ne sont pas intégrées à un pôle. Pourtant, j'ai tenté de les rapprocher des services du ministère de la culture. Il y avait en effet un intérêt évident à le faire puisqu'il n'existe pas d'échelon départemental pour les directions des affaires culturelles alors que c'est le cas pour les directions de la jeunesse et des sports. Le ministère de la culture n'a pas souhaité donner suite. Je le regrette car nous aurions pu créer une véritable synergie.

Si vous avez lu l'instruction envoyée par le Premier ministre, vous savez que les directions régionales existent toujours en tant que telles. J'ai demandé à M. Raffarin qu'il intervienne auprès du ministre de l'intérieur afin d'inciter les préfets de région à intégrer ces directions dans les fameux CAR. C'est le cas aujourd'hui : la plupart participent à l'élaboration des stratégies régionales. Les directions régionales existent donc bel et bien et jouent leur rôle à part entière en matière de proximité. Je veillerai à ce que les directions départementales tiennent ce même rôle, en ayant leur part dans le champ d'action préfectoral.

Madame Perrin-Gaillard, si vous aviez lu avec attention les décrets d'attribution des différents ministres du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, vous auriez vu que l'économie sociale demeure de la compétence de M. Jean-Louis Borloo.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. En partie seulement !

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Non, ce secteur est sous l'autorité de M. Borloo. D'ailleurs, la délégation interministérielle à l'innovation sociale et à l'économie sociale - la DIES - a été placée auprès de son ministère.

En ce qui concerne la vie associative, vous avez pu vous rendre compte que la réforme de notre administration centrale intègre cette nouvelle dimension. C'est dans le cadre de la concertation avec mon collègue Jean-Louis Borloo que l'avenir de la structure interministérielle sera débattu. Dans le budget pour 2005, les moyens consacrés à la DIES, transférés à la faveur de la réorganisation du gouvernement, atteignent 6,8 millions d'euros.

Enfin, monsieur Geveaux, vous avez évoqué la question des cadres administratifs, mais j'aimerais que vous me précisiez de quels cadres techniques il s'agit.

M. Jean-Marie Geveaux. Les conseillers techniques sportifs.

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Pour ce qui les concerne, non seulement j'ai tenu à maintenir une enveloppe globale d'un peu plus de 1 600 postes...

M. François Rochebloine. Ce qui n'est pas beaucoup !

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. C'est déjà non négligeable d'autant que nous commençons à préparer une refonte totale de la formation initiale et continue des cadres techniques et le départ à la retraite d'un certain nombre d'entre eux. Vous savez également que pour valoriser leur savoir-faire a été créé le corps supérieur des techniciens, qui leur permet de devenir de véritables experts, exerçant un rôle de conseil auprès des collectivités locales et du mouvement sportif. Ils jouent pleinement leur rôle.

J'ajoute que certaines collectivités ont elles-mêmes créé leurs structures de cadres qui viennent en appui du rôle de coordination et de conseil des cadres techniques. Certes, on pourrait espérer voir l'enveloppe globale augmenter. Il est évident que, dans la perspective de l'organisation des Jeux olympiques dans notre pays, c'est un sujet qu'il faudra aborder. Reste que nous avons préservé le nombre des cadres. Je souhaite qu'ils travaillent en parfaite liaison avec l'ensemble des réseaux des cadres locaux, que ce soit ceux des communes, des agglomérations, voire des départements, afin qu'il y ait un bon maillage du territoire et une vraie coordination. C'est déjà le cas dans certains départements et cela se passe remarquablement bien. Encore une fois, je souhaite renforcer la formation initiale et continue de ces cadres pour en faire de véritables experts.

S'agissant de la réhabilitation des équipements sportifs, vaste sujet, je réaffirme la nécessité d'établir une cartographie. C'est un élément incontournable du processus de prise de décision, qui revient en dernier lieu aux élus, pour connaître la pertinence des opérations de réhabilitation des établissements structurants.

Pour le bénévolat, on rencontre toujours le même problème : le dispositif des emplois jeunes a fortement perturbé l'engagement des bénévoles au sein des associations. Certaines en avaient besoin pour développer leurs activités mais d'autres y ont eu recours par pur confort. Et il ne faudrait pas que celles qui ont bénéficié de cet effet d'aubaine viennent à présent demander à l'État et aux collectivités locales de trouver à tout prix des solutions. Nous essayons d'en mettre en place au travers des dispositifs locaux d'aménagement, notamment pour la pérennisation des emplois. J'ai cité également les contrats d'avenir, qui constituent de véritables outils d'insertion des jeunes en difficulté.


Les contrats CIVIS et le dispositif sport-emploi visent à renforcer la professionnalisation des associations. Mais, convenez-en, et nous l'avons dit dès 2002, l'effet d'aubaine lié aux emplois jeunes perturbe profondément l'équilibre entre dirigeants bénévoles et monde professionnel d'encadrement.

Il faut tenir compte également de la demande des pratiquants ou des familles pour renforcer la sécurité et la qualité de l'encadrement, qui pousse à la professionnalisation d'un certain nombre de pratiques. Nous devons maintenir, ensemble, cet équilibre très sensible entre l'engagement associatif et bénévole. À cet égard, j'ai révélé les projets de renforcement des moyens mis à la disposition des bénévoles, tant en ce qui concerne l'animation, la protection de ceux-ci, que le renforcement de la qualité de l'encadrement sportif ou encore la formation des éducateurs.

Sur le coupon sport, au-delà d'un dispositif qui ne fonctionne pas, je compte, dans le cadre des contrats éducatifs locaux, les développer davantage quand ils existent. Je rappelle que l'instruction que j'ai donnée aux directions départementales sur la fonction éducative et sociale du sport entre totalement dans la logique qui consiste à apprendre des repères au travers de la pratique sportive. Trop longtemps, surtout dans les années 80, on a considéré le sport non comme un outil éducatif mais comme un simple outil occupationnel. Or les éducateurs sportifs ne sont pas formés pour mettre en œuvre les projets éducatifs. Il faut donc consentir un effort important en matière d'éducation, de projet éducatif. J'ai demandé que 10 % de l'ensemble des associations sportives aient un vrai projet éducatif et social. Mais ce n'est pas simple et l'on a beaucoup de mal à convaincre les collectivités comme le mouvement sportif. En tout état de cause, il est important de se donner des objectifs chiffrés.

M. Daniel Prévost a parlé des piscines. Nous avons augmenté de 25 % en 2004 le nombre de formations au BNSSA car le problème de l'encadrement est réel. L'offre des BESAN, la formation complémentaire des BNSSA, a été augmentée, quant à elle, de 16 %. Si la simplification reste un objectif, bien évidemment il ne faut pas pour autant oublier la sécurité.

Reste que la construction des piscines pose un problème d'équilibre financier, car il s'agit tant d'équipements de loisirs que sportifs. De plus en plus de clubs sportifs, qui ont la gestion déléguée, doivent se contenter de créneaux horaires très tard le soir et très tôt le matin pour laisser l'entrée libre pendant la journée. C'est un travail que nous devons mener en commun. Mais, là aussi, tant que nous n'aurons pas la cartographie, tant de l'implantation des sites que de l'utilisation, du mode de fonctionnement des équipements, nous ne pourrons pas appliquer une règle commune sur l'ensemble du territoire.

(M. Jean-Michel Dubernard remplace M. Pierre Méhaignerie au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-MICHEL DUBERNARD

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Monsieur le ministre, répondant à une question de M. Geveaux à propos des CTS, vous avez indiqué qu'il y avait 1 600 postes de cadres techniques. Je suis assez surpris parce que, dans la Loire, il ne reste que trois postes. Le conseil général a pris en charge 50 % du coût d'un CTS pour dix-sept disciplines. Ma suggestion est simple, et je l'avais déjà faite à Mme Buffet qui ne l'avait malheureusement pas prise en considération : dans le cas où une collectivité accepte de prendre en charge 50 % du coût d'un CTS, l'État ne pourrait-il pas prendre l'autre moitié à sa charge ?

M. le président. On a entendu votre message, monsieur Rochebloine.

La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri. Monsieur le ministre, nous soutenons totalement votre action de lutte contre le dopage. Je souhaite que l'on passe, cette année, de 60 à 65 % de contrôles inopinés. J'espère que nous parviendrons un jour à 100 %, car seuls les contrôles inopinés sont efficaces. Ce sont en effet bien souvent ceux qui sont les mieux organisés qui passent à travers.

La France doit conserver le rôle de pionnier qu'elle a eu au niveau mondial. À cet égard, je me félicite que vous fassiez partie de la commission exécutive de l'Agence mondiale antidopage.

S'agissant du « plan piscines », ne pensez-vous pas qu'il serait possible que le ministère signe des contrats avec les départements ou les régions ?

Le département du Puy-de-Dôme est prêt à lancer un « plan piscines » pour desservir l'ensemble du département, en particulier les zones rurales, en s'appuyant sur les communautés de communes. Nous sommes ouverts à toute réflexion avec vos services.

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour une brève réponse.

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur Néri, cela me rappelle étrangement le plan « 1 000 piscines ».

M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur pour avis. Et le plan « 1 000 clubs » !

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Mais depuis ce plan célèbre, le mode d'organisation du sport dans notre pays a évolué. D'ailleurs, certaines de ces 1 000 piscines sont tellement à bout de souffle qu'il faut trouver des solutions.

Je vous en dirai plus quand nous disposerons de la cartographie des équipements. Monsieur le président, nous pourrions peut-être alors envisager de réfléchir en commun à la meilleure organisation. Mais chacun doit s'y mettre, car je connais aussi la logique selon laquelle chaque commune veut sa piscine.

M. Alain Néri. C'est pour cela que j'ai parlé de communauté de communes !

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur Rochebloine, quel statut demandez-vous pour les cadres techniques ?

M. François Rochebloine. Dans l'exemple que je cite, le département a pris en charge un « faisant fonction » qui coûte environ 220 000 francs. L'État accepterait-il de prendre à sa charge 50 %, dans le cadre d'un conventionnement ?

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. S'agirait-il de fonctionnaires territoriaux ou de fonctionnaires d'État ?

M. François Rochebloine. De fonctionnaires territoriaux.

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur Rochebloine, nous ne pourrons pas augmenter le nombre d'emplois de façon indéterminée. Il existe déjà un conventionnement, non entre l'État et les collectivités, mais entre les collectivités et les fédérations sportives. Nous apportons une aide dans la mesure où nous avons signé des conventions d'objectifs avec les fédérations. Quand un directeur technique national, un président de ligue ou encore un président de fédération vous propose de créer un poste de conseiller technique local, départemental, avec quel argent croyez-vous qu'il le fait ? Avec l'argent des conventions d'objectifs du ministère ou au travers des ligues qui, comme vous le savez, bénéficient soit d'une retenue à la source des licences, ce qui leur permet de dégager des moyens pour créer des postes comme ceux-là, soit des moyens issus de la fédération. Sans doute faut-il affiner un peu le dispositif, voire l'harmoniser, mais je ne tiens pas à ce que l'État signe des conventions avec les collectivités territoriales.

M. le président. Cela simplifierait pourtant les choses !

Monsieur le ministre, vous avez entendu les suggestions de M. Rochebloine et de M. Néri. Bien entendu, nous sommes d'accord pour travailler ces questions avec vous et votre ministère.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Denis Merville, rapporteur spécial. Monsieur le président, tout à l'heure j'ai rapporté l'avis de la commission des finances et souligné les points de satisfaction de ce budget, mais aussi ceux qui le sont un peu moins.

En tout état de cause, j'émets un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, la commission des affaires culturelles a également approuvé ces crédits.

Je note que vous n'avez pas eu le temps de répondre à ma question relative au scoutisme. Le mouvement scout a été traumatisé par le décret Buffet et par les deux années passées sous la tutelle du ministère de l'éducation nationale. Maintenant qu'il est revenu dans votre giron, monsieur le ministre, reprenez le flambeau. Je suis président du groupe d'études sur le scoutisme à l'Assemblée nationale et je peux vous dire qu'il y a vraiment quelque chose à faire. Mes collègues parlementaires, toutes tendances confondues, attendent beaucoup de vous.

En ma qualité de rapporteur, j'invite mes collègues à donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. S'agissant des scouts, la loi d'habilitation nous permet de simplifier les procédures d'autorisation. Sachez que nous y travaillons déjà d'arrache-pied. Vous savez aussi que nous aidons, à travers plus de quarante-huit postes FONJEP, le mouvement scout dans notre pays et que 680 000 euros sont consacrés chaque année au scoutisme. Ce sujet trouve une attention toute particulière au sein du ministère, en particulier sur tout ce qui touche à la simplification administrative, car les procédures administratives posent beaucoup de problèmes pour mettre en place les projets portés par le scoutisme français.

M. le président. Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir participé à cette réunion un peu particulière. Nous sommes en train de roder le système dont j'ai bien perçu aujourd'hui les avantages et les inconvénients. Je suis persuadé que, avec l'aide des administrateurs et avec M. Méhaignerie, nous parviendrons à trouver un nouvel élan pour faire en sorte qu'à l'avenir ces séances soient encore plus intéressantes que celle d'aujourd'hui. Je suis convaincu que nous trouverons l'an prochain un équilibre plus convaincant entre le ton habituel des réunions de commissions et le ton un peu plus solennel de la séance publique.

La réunion de la commission élargie est terminée.

(La réunion de la commission élargie s'achève à douze heures quinze.)

JUSTICE

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE MÉHAIGNERIE,

président de la commission des finances,
de l'économie générale et du Plan

M. le président. La réunion de la commission élargie est ouverte.

(La réunion de la commission élargie commence, le jeudi 4 novembre, à neuf heures trente.)

M. le président. Mes chers collègues, Pascal Clément et moi-même sommes heureux d'accueillir, pour notre troisième commission élargie, Dominique Perben, garde des sceaux, et Nicole Guedj, secrétaire d'État aux droits des victimes. Je le répète chaque fois − sans toujours être entendu −, la clef du succès de cette formule, c'est le caractère dynamique du débat qui, moins contraint qu'en séance publique, appelle des interventions rapides et multiples, quitte à ce que les rapporteurs ou les orateurs principaux reprennent ensuite la parole.

La coprésidence donnera d'abord la parole au Gouvernement, puis au rapporteur spécial et aux rapporteurs pour avis.

Merci, chers collègues, d'être énergiques et dynamiques. Du reste, le président de la commission des lois va nous montrer l'exemple.

La parole est à M. Pascal Clément.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Je voudrais d'abord remercier le président de la commission des finances, qui, si j'ai bien compris, est l'auteur des choix concernant les commissions élargies.

M. le président. Non, c'est le bureau de l'Assemblée nationale.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Je vous remercie de cette précision, qui répond à mon interrogation.

Vous avez présenté, monsieur le président, les avantages de la commission élargie : nous devons gagner en explications et en échanges ce que nous perdons en solennité. Je souhaite donc que le budget de la justice soit mieux traité qu'il ne pourrait l'être en séance solennelle et que nous lui donnions néanmoins toute son importance.

Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, les membres de la commission des lois, dont vous êtes les interlocuteurs naturels, ont plaisir à vous recevoir.

Je voudrais, pour commencer, féliciter l'administration pénitentiaire. Vous avez décidé de créer dès 2005 près de 70 % des emplois prévus par la loi d'orientation et de programmation pour la justice. Le Gouvernement respecte donc très largement les engagements qu'il a pris devant la représentation nationale.

Le processus est moins rapide au sein des services judiciaires et des juridictions administratives. Pourrez-vous préciser comment et à quel rythme le retard sera comblé au cours des deux dernières années d'exécution de la LOPJ ?

Pour l'exécutif comme pour le Parlement, la maîtrise du budget de la justice dépend en grande partie de l'évolution des frais de justice, qui, malheureusement, connaissent depuis plusieurs années une accélération très importante, au détriment des autres dépenses des juridictions. Pouvez-vous nous indiquer les mesures que vous avez prévues pour endiguer l'inflation des frais de justice ? Pourriez-vous également préciser où en est, dans les secteurs relevant de votre ministère − notamment dans le domaine de l'administration pénitentiaire −, la mise en œuvre des contrats de partenariat public-privé institués par l'ordonnance de juin 2004 ?

Telles sont, monsieur le président, les quelques questions que je voulais poser au Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Messieurs les présidents, mesdames et messieurs les députés, merci de nous accueillir ce matin. Si j'ai bien compris les règles de l'exercice, vous souhaitez une intervention rapide et, surtout, un jeu de questions-réponses. Loin de faire une présentation exhaustive du budget de la justice pour 2005, je me contenterai donc d'en exposer les chiffres clefs.

Ce budget progresse globalement de 4 % en 2005 par rapport à 2004, soit de 210 millions d'euros à périmètre constant, après neutralisation du transfert des allocations familiales, qui concerne tous les budgets. Sans cette correction, on ne peut en effet comparer les budgets de 2004 et de 2005.

Les emplois représentent un élément important de la loi d'orientation et de programmation : en 2005, 1 100 emplois budgétaires seront créés, soit plus du tiers du total des créations d'emplois de l'État − je ne parle évidemment pas des suppressions d'emplois qui concernent d'autres ministères.

Les crédits de fonctionnement augmentent de 8 %. Je ne vous cache pas que la discussion que j'ai eue à ce sujet avec le ministre des finances n'a pas été facile. En période de forte maîtrise des budgets, il faut pouvoir justifier une exigence minimale de 8 % d'augmentation. Je l'ai fait, en invoquant notamment l'augmentation des dépenses dans l'administration pénitentiaire − pour des raisons qui sont faciles à comprendre : plus il y a de détenus, plus ça coûte cher − et les juridictions, qui, certes, voient arriver des magistrats et des greffiers, mais qui ont du mal à les accueillir si on ne leur accorde pas les budgets de fonctionnement correspondants. Il était très important, à mes yeux, d'obtenir cette augmentation de 8 % pour l'ensemble du ministère. Je donnerai tout à l'heure des chiffres plus détaillés.

Enfin, 1'effort d'investissement est maintenu au niveau de l'année dernière à 320 millions d'euros.

Pour la troisième année consécutive, la loi de programmation quinquennale que vous avez adoptée est ainsi mise en œuvre.

J'en viens, pour répondre à la question du président Clément, aux créations d'emplois. Pour des raisons que vous comprendrez, j'ai donné sur le plan quantitatif, pour les trois premières années de la programmation, la priorité à la Pénitentiaire. En effet, l'accueil jusqu'au mois de juillet dernier de 10 000 détenus de plus sur deux ans et demi nous a obligés à renforcer rapidement les effectifs des surveillants. Nous avons ainsi accru la capacité d'accueil de l'école d'Agen, dont l'agrandissement en dur sera réalisé en 2005 afin de remplacer les locaux préfabriqués qui avaient été installés dans un premier temps. Nous nous sommes donné un flux de recrutement de 2 000 surveillants par an pendant les cinq années - il ne s'agit pas bien entendu de 2 000 créations de postes mais de 2 000 recrutements tenant compte à la fois des créations de postes budgétaires et des départs en retraite. Un tel flux - je parle sous le contrôle du directeur de l'administration pénitentiaire ici présent - nous permettra d'avoir du monde dans les coursives, comme disent les surveillants, afin qu'en dépit de la charge de travail que représente la surpopulation carcérale, ces derniers puissent, sur les plans psychologique et physique, faire face aux obligations de leur métier dont vous connaissez bien les difficultés.

Compte tenu de cette priorité, le chiffre des créations d'emplois sur 2004 et surtout sur 2005 concernant les juridictions a légèrement baissé - je parle là des magistrats et non pas des greffiers. J'espère que sur 2006 et sur 2007 nous pourrons corriger les conséquences de mon choix en matière d'emplois.

Deux réformes majeures doivent permettre de compenser à terme, c'est-à-dire d'ici à trois ou quatre ans, ce ralentissement.

La première a trait à l'organisation judiciaire. Il s'agit d'abord du déploiement des juges de proximité. Je présidais ainsi hier une séance du Conseil supérieur de la magistrature au cours de laquelle plus d'une centaine de ces juges ont été nommés. Il s'agit ensuite de la réorganisation en pôles pour le suivi des dossiers de grande criminalité aussi bien classique que financière. Une telle réorganisation devrait également nous permettre des progrès en termes de productivité.

La seconde réforme concerne les méthodes et les procédures utilisées. L'exemple le plus probant de simplification à laquelle nous avons procédé ensemble est celui du divorce. A partir du 1er janvier, la nouvelle loi qui entrera en application conduira ainsi, en cas de divorce par consentement mutuel, à un seul passage devant le juge. Cette mesure ne changera pas tout mais elle représentera, au moins pour les juges aux affaires familiales, une économie de temps importante.

Pour l'avenir, il nous faudra sans doute nous pencher sur les conclusions du rapport Magendie. Ce rapport, qui m'a donc été remis par le président du tribunal de grande instance de Paris et qui fera l'objet d'une concertation, contient nombre de propositions très intéressantes, en particulier en matière civile. Il nous faut nous donner le temps d'y réfléchir car il est très novateur sur de nombreux points. Il pourrait conduire à des marges de productivité importantes, notamment en termes de rapidité des procédures.

Les crédits de fonctionnement de l'administration pénitentiaire progresseront de 10 %, ce qui répond aux nécessités que j'évoquais précédemment.

S'agissant de la sécurisation des établissements pénitentiaires, je poursuis la politique que j'avais engagée avec Pierre Bédier dès l'année 2002, c'est-à-dire l'équipement des établissements en filins anti-hélicoptères, en tunnels à rayon X et en brouillage des téléphones portables. Ce dernier point préoccupait à juste titre nombre de parlementaires. Ils y avaient été sensibilisés par les organisations de surveillants, dont c'était voilà deux ans une exigence forte. Aujourd'hui, l'équipement en brouillage de l'ensemble des zones à risque des établissements est pratiquement terminé. On ne traite pas en effet la totalité des établissements mais seulement les secteurs qui accueillent des gens un peu difficiles.

S'agissant toujours de la Pénitentiaire, j'insisterai sur le volet santé, conformément d'ailleurs aux préoccupations qui se sont exprimées ces dernières semaines au sein de votre assemblée. Le programme des unités hospitalières sécurisées interrégionales se développera en 2005 après l'essai réussi de Nancy. Le ministère de la santé y est, comme nous, décidé.

Pour ce qui est du volet éducatif en prison, le projet de budget pour 2005 prévoit, dans la perspective des lois Warsmann, la création de 200 emplois de conseillers d'insertion et de probation après 160 emplois en 2004 - M. Molle m'indique même qu'ils sortent de l'école. La loi de mars dernier, dont nous avons une responsabilité partagée, ne s'appliquera bien que si les SPIP peuvent traiter tous les dossiers, c'est-à-dire ceux des 13 000 personnes qui sortent chaque année. Mettre en œuvre cette préparation à la sortie constitue donc un travail considérable.

Sur le plan immobilier, les choses avancent. Certes, on a toujours le sentiment que cela pourrait aller plus vite, mais voici ce qui devrait se passer en 2005.

Dans les juridictions, nous bénéficierons au cours de l'année prochaine des livraisons de la deuxième tranche du palais de justice de Pontoise, de Besançon et de Narbonne et nous démarrons les travaux de l'École nationale des greffes, des palais de justice de Toulouse, de Thonon, de Nanterre, d'Avesne-sur-Helpe, d'Ajaccio, de Bordeaux et de Niort.

En matière pénitentiaire, je rappelle que nous avons augmenté la capacité d'accueil de près de 1 700 places en deux ans, soit par la construction d`établissements nouveaux, soit par des travaux permettant des gains de place dans les établissements existants. L'effort se poursuivra en 2005 avec notamment :

La mise en service du dernier établissement du programme 4 000 à Sequedin dans le Nord, ce qui améliorera la situation actuelle, qui est dramatique ;

Le démarrage des travaux des premiers établissements pour mineurs, puisque, après le lancement des appels d'offre, les entreprises ont été choisies, la perspective étant que les sept établissements pour mineurs ouvrent fin 2006 ;

Le début des travaux de la maison d'arrêt de la Réunion, les difficultés rencontrées pour trouver un terrain ayant finalement été résolues après des discussions très compliquées ;

La réalisation de trois centres de semi-liberté à Aix, à Bordeaux et à Lille ;

La poursuite de la rénovation de Fleury-Mérogis et des Baumettes. Ces deux opérations de rénovation dureront un certain nombre d'années car il s'agit des deux plus gros établissements pénitentiaires de France ;

Enfin, la livraison de l'extension de l'École nationale de l'administration pénitentiaire, dont il a fallu doubler la capacité, ainsi que je l'évoquais tout à l'heure. Les aménagements tiennent compte de l'évolution pédagogique que j'avais souhaitée avec l'administration pénitentiaire afin que la formation soit plus professionnelle est moins théorique.

En matière de partenariat public-privé, les annonces d'appel public à la concurrence pour quatre gros établissements pour adultes ont été publiées en juillet 2004 et les attributaires de ces marchés devraient être désignés au cours de l'année 2005. Il s'agit, je le rappelle, de déléguer la maîtrise d'ouvrage et d'obtenir du secteur privé un service comprenant la construction, la maintenance et la gestion - hôtelière et non celle, régalienne, de surveillance - des établissements pénitentiaires.

S'agissant de l'évaluation des résultats, nous disposons maintenant des instruments transparents de mesure des performances, en particulier dans les juridictions. Les contrats d'objectifs entre la Chancellerie et les cours d'appel se développent. Ce mode de raisonnement, de discussion et de négociation entre les juridictions et le ministère me paraît vraiment constituer une amélioration en termes d'état d'esprit et de manière de travailler. Les résultats des cours qui l'ont expérimenté, comme Douai et Aix, sont probants, qu'il s'agisse des moyens octroyés à ces cours ou des résultats statistiques concernant le traitement des dossiers - je pense à la résorption du stock au niveau de l'appel.

Le régime de rémunération au mérite a fait l'objet de nombreuses discussions - peut-être y en aura-t-il encore sur ce point aujourd'hui ! - et a été mis en place. Par ailleurs, je dispose dorénavant d'un baromètre trimestriel des juridictions, qui récapitule l'activité des 181 juridictions.

La préparation de la LOLF se fait dans des conditions satisfaisantes. J'ai publié, en même temps que le traditionnel projet de budget, le projet annuel de performance. Ce document est plus lisible que les textes budgétaires habituels que seuls à peu près, du moins lorsque j'étais député, le rapporteur général et ses collaborateurs arrivaient à comprendre. (Sourires.) Aujourd'hui, nous disposons d'un dispositif qui comporte 70 indicateurs, ce qui sera intéressant ultérieurement pour mener les comparaisons année par année.

Globalement, les résultats au niveau du ministère sont encourageants. L'effort continu entrepris deux ou trois ans commence à porter ses fruits :

La délinquance des mineurs décroît. Ce résultat n'était pas évident à atteindre car les dernières années étaient très préoccupantes sur ce point. L'emprisonnement des mineurs a baissé de façon très substantielle puisque le nombre est passé d'un peu plus de 900 à un peu moins de 600, soit une baisse de plus de 30 %. Les solutions alternatives comme les centres éducatifs fermés ont été développées ;

Les délais de traitement des affaires civiles continuent à baisser pour les cours d'appel et commencent, pour la première fois, à s'inverser pour les TGI ;

Enfin, le taux de réponse pénale augmente alors que les classements sans suite baissent corrélativement, ce qui constitue un double mouvement positif.

Tels sont, mesdames et messieurs, les quelques chiffres que je souhaitais porter à votre connaissance. Je reste à votre disposition pour répondre à vos questions.

M. le président. La parole à Mme la secrétaire d'État aux droits des victimes.

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'État aux droits des victimes. Messieurs les présidents de commission, mesdames et messieurs les députés, l'amélioration de la prise en charge des victimes constitue l'une des priorités de la loi d'orientation et de programmation. Elle a trouvé sa concrétisation dans la création du secrétariat d'État aux droits des victimes.

Il s'agit, à la suite des actions déjà engagées par le garde des sceaux dans le cadre de son programme de septembre 2002, de marquer la volonté du Gouvernement de prendre en compte la condition des victimes, de reconnaître, d'établir et de préserver durablement leurs droits par l'élaboration d'une politique publique et globale en faveur de toutes les victimes.

J'ai présenté, à la fin du mois de septembre dernier, à l'occasion d'une communication en conseil des ministres, un premier train de mesures.

Ce plan d'action répond à une triple exigence : généraliser et mettre en cohérence les dispositifs de prise en charge des victimes ; apporter aux victimes une réponse indemnitaire améliorée dans le cadre de modifications législatives et réglementaires ; développer des actions de soutien et de réinsertion en faveur des victimes de telle sorte que celles-ci, souvent fragilisées ou confrontées à un sentiment d'isolement ou d'abandon, puissent maintenir ou renouer des liens avec leur environnement social, affectif ou professionnel.

Sur le plan financier, 750 000 euros sont inscrits en mesures nouvelles au budget du ministère de la justice qui seront complétés par des crédits destinés à l'accompagnement de dispositifs innovants, éligibles au fonds social européen, au bénéfice des publics les plus fragilisés de la justice, à hauteur de 250 000 euros. Ce million d'euros supplémentaire représente une augmentation de 13 % du budget consacré par le ministère de la justice à ces actions en 2004. Ceci ne tient pas compte des mesures présentencielles qui ont été transférées, en 2004, sur les frais de justice.

Sur le plan de l'action, deux axes sont définis.

Le premier axe, c'est le renforcement des capacités d'intervention auprès des associations et services d'aide aux victimes.

Sur ce point, deux directions ont été privilégiées :

D'une part, l'amélioration de la prise en charge des victimes par le réseau associatif, notamment dans les situations d'urgence.

Cet objectif passe par un renforcement des capacités d'intervention des associations d'aide aux victimes, conventionnées par les cours d'appel, afin d'exercer cette mission de service public. Ces associations, au nombre de 168, mobilisent près de 1 300 personnes dont 500 bénévoles. Elles ont accueilli près de 240 000 personnes en 2003 dont 160 000 victimes d'infractions pénales, soit une augmentation de 25 % par rapport à 2001. Leur financement repose, dans des proportions très variables, sur le ministère de la justice mais aussi sur les crédits du fonds interministériel pour la ville et des contributions en provenance de toutes les collectivités territoriales.

L'amélioration de la prise en charge des victimes se traduira d'abord par la mise en place d'astreintes téléphoniques et l'élargissement des horaires de permanence. J'ai en outre prévu, dans le cadre de mon programme d'action, la création, dans les tout prochains mois, d'un numéro unique d'appel pour toutes les victimes, dans le but de faire connaître les dispositifs d'aide aux victimes existant dans notre pays. Ce numéro, facilement mémorisable, sera le « 08 Victimes ».

L'amélioration de la prise en charge passera ensuite par le recrutement de psychologues à temps partiel, afin qu'à terme, l'ensemble des associations d'aide aux victimes puissent proposer un soutien psychologique personnalisé pour offrir aux victimes, au plus près du traumatisme, un accueil, une écoute et une orientation adaptés.

Parmi ces 168 associations, la moitié doit pouvoir être mobilisée en urgence compte tenu du secteur géographique et des populations sur lesquelles elles interviennent particulièrement.

D'autre part, il a été décidé de privilégier, au plan national, l'organisation d'actions relevant du champ de compétence du nouveau secrétariat d'État aux droits des victimes, actions en relation avec les autres départements ministériels et tous les partenaires concernés que sont les associations, les collectivités territoriales, les universités, les entreprises, etc.

Le secrétariat d'État aux droits des victimes a en effet vocation, conformément au décret qui fixe sa compétence d'attribution, à intervenir et à apporter son soutien à des associations qui œuvrent dans d'autres domaines que ceux dévolus au ministère de la justice, pour les victimes de catastrophe naturelle ou les victimes de l'amiante par exemple.

Les soutiens apportés peuvent concerner des réseaux associatifs existants ayant une compétence nationale et intervenant dans des champs autres que celui des victimes d'infractions pénales. Il s'agit en réalité de renforcer les conditions de prise en charge de toutes les victimes.

Ces soutiens peuvent également être destinés à la réalisation d'initiatives ponctuelles que sont la rédaction de guides ou de recueils d'informations à destination tant des victimes que d'un certain nombre de professionnels qui, aujourd'hui, ne disposent pas de moyens suffisants.

Il convient de relever que le choix a été fait, compte tenu des crédits encore disponibles, de ne pas demander cette année la consolidation du fonds de réserve prévu en cas d'accident collectif ou de catastrophe dont les actions en cours concernent notamment le crash de Charm-el-Cheikh et le procès du Mont-Blanc.

Le second axe concerne le développement de la politique d'accès au droit et d'aide aux victimes à destination des publics fragilisés.

Cette mesure vise à soutenir les projets d'accès au droit concernant les publics fragilisés de la justice en situation de désinsertion sociale et professionnelle, notamment les victimes de violences intrafamiliales ou de discrimination, dans la perspective d'un retour à l'employabilité et à l'insertion professionnelle. Cette démarche, particulièrement originale en ce qu'elle peut s'adresser à des victimes, sera impulsée par les chefs des cours d'appel dans le cadre des dix plates-formes Europe nouvellement mises en place par la Chancellerie.

Les projets pourront également bénéficier d'un financement dans le cadre du projet d'initiative communautaire EQUAL, partenariat interministériel et transnational organisé avec d'autres pays candidats au sein de l'Union européenne.

Cette mesure s'inscrit dans le prolongement de la communication du garde des sceaux au conseil des ministres du 21 avril 2004 présentant le plan d'action de la justice en faveur des personnes en difficultés, de la réflexion interministérielle de lutte contre les violences familiales, ainsi que dans le cadre des orientations du travail définies par le secrétariat d'État aux droits des victimes.

Il s'agit d'initier, avec les partenaires du monde du travail et les responsables des politiques d'insertion professionnelle, des dispositifs expérimentaux innovants et adaptés aux situations des personnes les plus touchées par la précarité, la désinsertion et la violence, en permettant d'organiser des collaborations actives sur le terrain entre les conseils départementaux d'accès au droit, les auxiliaires de justice, les associations et les organismes de formation et de réinsertion.

C'est ainsi que pourront être développées des actions spécifiques en lien avec les différents réseaux associatifs spécialisés intervenant auprès des publics fragilisés - droit des femmes, lutte contre les discriminations, violence routière et autres - mais aussi des dispositifs d'accès au droit expérimentaux innovants et adaptés aux situations des personnes les plus touchées par la précarité. L'efficacité de ces dispositifs a fait l'objet d'une évaluation des différents partenaires publics mobilisés, que ce soient les collectivités locales, les CAF, le ministère du logement, le FASILD...

Voici très brièvement les grandes lignes de l'attribution et de l'utilisation des crédits supplémentaires qui ont été accordés au secrétariat d'État aux droits des victimes.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois .La parole est à M. Pierre Albertini, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la justice.

M. Pierre Albertini, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la justice. Monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d'État, messieurs les présidents, mes chers collègues, j'avais prévu de vous proposer quelques transparents - cela aurait donné un caractère plus interactif à notre discussion, comme le souhaitent les présidents - mais la disposition de la salle rend difficile la mise en place d'un écran visible par tout le monde. Nous essaierons une autre fois.

Faute de transparents, je vous propose de parcourir rapidement d'abord l'ensemble des chiffres clés du budget de la justice.

M. le garde des sceaux l'a indiqué tout à l'heure, le budget de la justice progresse de 4 %. L'affectation des crédits de la justice se décompose de la façon suivante : les services judiciaires, 41,6 %, les services pénitentiaires, un peu plus de 30 %, la protection judiciaire de la jeunesse, un peu plus de 11 %, l'administration générale, un peu plus de 13 %.

Sur le plan des effectifs, le ministère de la justice comptera, en 2005, un peu plus de 72 000 agents, ce qui représente 3,6 % des effectifs de l'État, sachant que le budget de la justice est assez nettement inférieur à 2 % de l'ensemble du budget de l'État en termes de crédits. C'est dire que ce budget est encore perfectible si nous voulons combler - c'était l'objet de la loi d'orientation et de programmation de la justice - le retard chronique pris par la justice française.

Les créations d'emplois, le ministre l'a indiqué, s'élèvent à 1 100 emplois budgétaires, auxquels il faut ajouter 135 consolidations, 120 emplois jeunes et 15 assistants de justice, ce qui n'est pas négligeable. Bien entendu, le principal bénéficiaire, le ministre l'a souligné tout à l'heure, c'est l'administration pénitentiaire, avec 533 emplois nouveaux, essentiellement pour les surveillants et le service pénitentiaire d'insertion et de probation, le SPIP.

Quant aux services judiciaires, ils bénéficient d'une augmentation de 355 postes, qui profitera, dans une proportion relativement faible, cela a été également évoqué, au recrutement de magistrats puisque 121 postes de magistrats sont créés, 100 pour l'ordre du judiciaire, 21 pour les juridictions administratives. Il faudra envisager de rattraper le retard sur les années 2006 et 2007, les deux dernières années d'exécution de la loi d'orientation du 9 septembre 2002.

Les crédits de fonctionnement progressent globalement de 8 %. Les magistrats, d'une manière générale, y sont spécialement attachés parce que ce sont les crédits qui financent l'achat des codes, les frais de photocopies, bref qui assurent le fonctionnement un peu prosaïque mais tout à fait efficace des juridictions. La progression, là aussi, est inégale puisqu'elle s'échelonne de 5 à 10 %. L'administration pénitentiaire est la principale bénéficiaire de cette augmentation, avec une augmentation des crédits de fonctionnement de 9,7 %.

Quant aux crédits de paiement, ils s'élèvent à environ 318 millions d'euros, chiffre très stable par rapport à celui de l'année précédente. Comme le ministre l'a rappelé tout à l'heure, l'année 2005 verra donc le lancement du nouveau programme d'établissements pénitentiaires, avec la construction de huit établissements, dont quatre réalisés grâce à un partenariat public privé, partenariat qui, sur le plan juridique, est un processus complexe, le Conseil d'État ayant toujours à l'esprit les anciennes formules du marché d'entreprise de travaux publics, le METP, et ayant tendance à assimiler le partenariat public privé à ce qu'il a connu. Je sais bien qu'on enseigne bien que ce qu'on a soi-même déjà vécu ; malgré tout, je pense qu'on pourrait envisager ce partenariat public privé d'une façon un petit peu plus ouverte et dynamique.

Les chiffres que je viens de vous rappeler très rapidement doivent être rapportés aux objectifs de la loi d'orientation et de programmation de septembre 2002. Un rapport d'exécution devrait nous parvenir dans quelques jours.

La priorité, je viens d'en parler, concerne le rattrapage nécessaire de création de postes de magistrats. Vous me permettrez de dire un petit mot des juridictions administratives et spécialement des tribunaux administratifs qui sont aujourd'hui quelque peu submergés par le contentieux des étrangers, en particulier les reconduites à la frontière. Il faudra tenir compte, dans le redéploiement des postes, du positionnement des centres de rétention car la charge des tribunaux administratifs sera inégale en fonction du positionnement de ces centres de rétention sur l'ensemble du territoire français.

Je voudrais maintenant exposer très rapidement quelques préoccupations.

La première concerne la surpopulation carcérale. Je n'insiste pas, mais je crois qu'il est très important de trouver des alternatives à l'incarcération plus efficaces que celles utilisées jusqu'à présent.

Je voudrais dire un mot également du travail en prison, qui fait l'objet d'un compte spécial du Trésor que nous examinerons tout à l'heure. Un certain fléchissement du travail en prison a été observé ces dernières années alors que, pour les détenus, c'est un moyen privilégié, souvenons-nous en, de préparer leur réinsertion.

Quant à la prévention de la récidive, je rappelle simplement que la mission d'information présidée par Pascal Clément a insisté, à juste titre, sur les insuffisances actuelles de ce que l'on appelle classiquement le suivi sociojudiciaire, insuffisance du nombre des juges de l'application des peines, insuffisance également du personnel du SPIP. Le secteur psychiatrique est, lui, en très forte déshérence, notamment dans le secteur public, pour lequel il est aujourd'hui extrêmement difficile de recruter des psychiatres.

Je dirai un mot sur la protection judiciaire de la jeunesse. La Cour des comptes a souligné, dans un rapport sévère, peut-être trop, que le chemin à parcourir était encore très long. Il y a en effet beaucoup à faire dans ce secteur, pour la réorganisation territoriale et fonctionnelle, pour imposer des bonnes pratiques, pour mieux contrôler le secteur habilité. Je signale d'ailleurs au passage, ces chiffres ne vous ont sans doute pas échappé, que le coût des mineurs ne cesse d'augmenter du fait notamment de l'application aux jeunes majeurs des dispositions qui étaient jusqu'ici réservées aux mineurs. C'est un souci.

Les dépenses du secteur habilité croissent fortement. Je vous rappelle que la Cour des comptes a rappelé la nécessité de mieux contrôler, de mieux évaluer, de mieux connaître la réalité au sein du secteur associatif habilité. Comme l'a signalé M. le ministre, le nombre de mineurs incarcérés a fortement diminué, ce dont nous nous félicitons tous.

S'agissant des frais de justice, qui étaient jusqu'à présent évaluatifs, ils seront désormais intégrés à la procédure de la LOLF, ce qui va changer totalement la problématique. Or, indépendamment des frais exceptionnels comme ceux occasionnés par le renflouement du Bugaled Breizh, par exemple, on assiste à une augmentation récurrente des frais de justice due, notamment, au coût des interceptions téléphoniques et aux expertises génétiques qui sont et seront de plus en plus souvent pratiquées - c'est une tendance lourde sur laquelle nous devons nous interroger.

Par ailleurs, je plaide pour une réforme rapide des tutelles. Plus de 600 000 personnes sont aujourd'hui traitées par une centaine seulement de juges des tutelles en équivalent temps plein, ce qui est très peu. Il faut donc restaurer un équilibre entre la vocation judiciaire et la vocation sociale. Je pense à cet égard aux conseils généraux, car ce sont eux qui financent largement ces dépenses. Nous aurions intérêt à y réfléchir, mais je crois savoir qu'un projet de loi est en préparation. Nous souhaitons ardemment qu'il soit rapidement déposé.

Je terminerai par la mise en œuvre de la LOLF. Je me plais à souligner la qualité du travail réalisé par le ministère de la justice. La mission justice se décompose en six programmes - justice administrative, justice judiciaire, administration pénitentiaire, protection judiciaire de la jeunesse, accès au droit et à la justice, soutien de la politique de la justice et organismes rattachés - et trente-trois actions. Cela n'est pas très original, mais cela n'est pas un défaut. Nous sommes en effet trop souvent tentés par le démon de la sophistication en matière d'évaluation et d'indicateurs.

Ce qui me paraît important, c'est que ces programmes épousent bien les contours actuels de la politique de la justice. Or, c'est le cas. Il faut ensuite disposer d'indicateurs de performance, rapportés aux objectifs que l'on assigne à ces programmes, qui puissent être appliqués de manière cohérente dans la durée. C'est, à mon avis, l'aspect majeur de la réussite de la mise en œuvre de la LOLF. Je félicite les services pour la clarté du projet annuel de performance qui nous a été soumis. Il est infiniment plus compréhensible que les tableaux classiques auxquels nous faisions référence tout à l'heure, d'autant que leur lecture est aujourd'hui compliquée par la prise en compte de l'expérimentation qui conduit souvent les organisations professionnelles elles-mêmes à se perdre dans l'analyse des chiffres. L'expérimentation est très avancée. Elle n'est pas loin de toucher 30 % de l'effectif de la justice, ce qui est intéressant.

Après avoir souligné le très bon climat de préparation de la LOLF et de sa préfiguration, j'indiquerai que, parmi les indicateurs de résultats qui nous ont été proposés, il y a une très forte prégnance des indicateurs quantitatifs : stock, déstockage, nombre de dossiers traités par magistrat, délais. Il est vrai que ces indicateurs quantitatifs, qui sont les plus faciles à établir, sont des vecteurs importants concourant à une bonne perception de la justice dans l'opinion publique, mais ils n'épuisent pas le champ de la qualité du service public de la justice.

Il serait donc souhaitable d'introduire des aspects qualitatifs. Je pense, par exemple, qu'en s'adressant aux usagers mêmes - je ne parle pas des justiciables -, c'est-à-dire aux greffiers, aux magistrats, on pourrait faire des enquêtes de satisfaction pour mesurer la réussite de la mise en œuvre du programme informatique, par exemple. Il faut associer ceux qui rendent la justice chaque jour à des enquêtes de satisfaction de ce genre. Le GIP pourrait d'ailleurs lui aussi s'attacher à mieux mesurer dans le temps l'image de la justice aux yeux des Français. Il a une vocation scientifique que personne ne conteste. C'est un organisme qui a inscrit son travail dans la durée, la cohérence et la rigueur. Nous aurions donc intérêt à lui confier une mission de mesure sur le long terme de l'évolution de l'image de la justice.

Voilà ce que je souhaitais dire en préambule. Les rapporteurs de la commission des lois compléteront le tableau que j'ai taillé à coups de serpe.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pecresse, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour les services pénitentiaires et la protection judiciaire de la jeunesse.

Mme Valérie Pecresse, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour les services pénitentiaires et la protection judiciaire de la jeunesse. S'agissant de l'administration pénitentiaire, j'évoquerai trois points : la totale conformité du budget aux exigences de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, la prise en charge des délinquants sexuels et des détenus souffrant de troubles mentaux, le travail et l'insertion professionnelle des détenus.

D'abord, le budget est conforme aux exigences de la loi d'orientation et de programmation pour la justice. Il connaît une augmentation de 4 % et prévoit d'importants recrutements dans un contexte budgétaire pourtant contraint. Sur les 3 000 emplois dont la création est prévue par le projet de loi de finances pour 2005, plus de 1 100 sont alloués à la justice. Compte tenu des créations prévues en 2005, le taux de réalisation de la LOPJ s'élèvera à 68 % fin 2005, ce qui est énorme comparé à un taux de réalisation théorique qui devrait atteindre 60 %.

Je salue la création de 200 postes relevant des services pénitentiaires d'insertion et de probation - SPIP. Ces effectifs supplémentaires seront nécessaires pour mettre en œuvre la réforme interdisant les « sorties sèches » de prison. C'est donc une très bonne mesure. Néanmoins, le nombre important de vacances de postes dans l'administration pénitentiaire - 2 250 postes non pourvus au 1er janvier 2004 - témoigne d'une fragilisation de cette volonté politique de recrutement. Il y a, entre la volonté que retrace le budget et la réalité, un décalage que je me devais de relever. Pour répondre à ce problème de vacances, de bonnes mesures renforceront l'attractivité des métiers pénitentiaires : campagne de communication, réformes statutaires des SPIP, des corps de direction et des personnels de surveillance.

Je passerai rapidement sur les mesures destinées à améliorer les conditions de travail des personnels et la prise en charge des détenus. En dix ans, le taux d'encadrement dans les prisons est passé de 2,8 à 2,5 détenus par surveillant. S'agissant de la prise en charge sanitaire, le programme de création de huit unités interrégionales d'hospitalisation sécurisées - UHSI - se poursuit. J'ai visité celle de Nancy, qui est intéressante pour l'hospitalisation de longue durée. Le taux d'occupation de cette UHSI est néanmoins très faible. Est-ce dû aux mentalités, à une mauvaise information ou au poids des habitudes et à la difficulté de changer de comportement ? L'hospitalisation n'est-elle pas entrée dans les mœurs de la prison ? A moins que cela ne soit une question territoriale : n'a-t-on pas surévalué les besoins sanitaires de la région Est ? Je ne sais pas, mais je tenais à appeler votre attention sur ce point pour le bon usage des crédits budgétaires que nous devons contrôler.

Je ne reviendrai pas en détail sur les dépenses d'équipement. Les programmes de rénovation se poursuivent. Les opérations sont en bonne voie pour la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis et le centre pénitentiaire de Marseille-Baumettes. Elles sont, en revanche, plus lentes pour ce qui concerne les maisons d'arrêt de Fresnes et de la Santé et le centre pénitentiaire de Loos-lès-Lille.

Lancé au cours de l'année 1997, le « programme 4 000 » va s'achever : 3 021 nouvelles places auront été créées. Quant au « plan 13 000 », il est en bonne voie. La sécurisation des établissements est renforcée, M. le garde des sceaux l'a dit - 17 millions de crédits sont affectés à la mise aux normes des miradors, au brouillage des téléphones portables, à la sécurisation des maisons centrales et à mise en œuvre d'un dispositif de contrôle biométrique des détenus, ce qui est d'autant plus important que trois évasions par substitution ont eu lieu au cours de ces dernières années.

J'en viens à la question de la prise en charge des délinquants sexuels et des personnes souffrant de troubles mentaux en prison. La délinquance sexuelle est la première cause d'incarcération en France. En dix ans, la part des délinquants sexuels au sein de la population des condamnés a crû de plus de 100 %. Elle concerne aujourd'hui 7 400 personnes, soit 20 % des condamnés. Nous avons un vrai problème de prise en charge. Vous savez qu'aucun traitement ne peut être entamé sans l'accord de la personne. Le remarquable rapport du président Clément et de Gérard Léonard a souligné la difficulté d'évaluer la dangerosité sociale de ces détenus au moment de leur libération, le risque de récidive et le problème de l'injonction de soins. Sur cette dernière question de l'injonction de soins, nous n'avons pour l'instant que très peu de statistiques. Cela va être un vrai défi pour l'administration pénitentiaire.

On observe également un accroissement des personnes incarcérées souffrant de troubles mentaux. En 2001, elles représentaient la moitié des entrants. Une étude épidémiologique, lancée en 2003 par le ministère, dont les résultats ne sont pas encore disponibles, semble néanmoins faire apparaître une aggravation très sensible de la souffrance psychique et psychiatrique dans les prisons. Le nombre des agressions subies par les personnels pénitentiaires est passé de 127 en 1996 à 500 en 2003 et celui des suicides en détention de 59 en 1990 à 120 en 2003. Le nombre des psychotiques et des dépressifs en prison a connu une très forte augmentation : 10 % des nouveaux détenus déclarent avoir fait l'objet d'un suivi psychiatrique régulier dans l'année précédant leur incarcération.

Ces chiffres sont inquiétants. Ils recoupent les témoignages de psychiatres intervenant dans les prisons selon lesquels, derrière tout cela, il y aurait une faillite de la prise en charge des malades mentaux par le système psychiatrique. L'on met en prison aujourd'hui des personnes qui sont en souffrance psychique ou en rupture de soins, ce qui les a amenées à commettre des délits. Ils ne sont pas là par hasard ; ils ont bien commis des infractions et des délits, mais c'est une maladie d'origine psychiatrique qui en est la cause principale.

L'insuffisance des moyens psychiatriques en prison ne fait aucun doute, Pierre Albertini en a parlé : 800 postes de psychiatres sont vacants dans le secteur public. La prise en charge de nuit n'existe pas dans les prisons. Se posent aussi les problèmes de l'impossibilité d'assurer la mise en œuvre d'un traitement médicamenteux sans le consentement du détenu et des réticences des établissements de santé à hospitaliser d'office les détenus qui font des crises psychiatriques en l'absence de garde statique par les forces de l'ordre à l'entrée de l'hôpital, ce qui a un coût et nécessite une organisation particulière.

Nous appelons donc de nos vœux l'une des avancées importantes de la LOPJ : les UHSA, unités hospitalières spécialement aménagées, qui sont destinées au traitement psychiatrique des détenus.

M. le rapporteure spécial a posé le problème de l'insertion professionnelle des détenus et du travail en prison. À cet égard, la population carcérale cumule les difficultés. Je rappelle que, parmi les détenus, 60 % ont un niveau inférieur à celui de l'école primaire et que 20 % disposent, à leur sortie, d'un pécule de moins de huit euros, ce qui les expose évidemment à la récidive. C'est là une des faillites du système pénitentiaire.

Les actions de formation professionnelle sont nombreuses et diversifiées. On considère que 26 000 détenus travaillent, ce qui représente une augmentation de 13 % en cinq ans, traduisant un souci réel de l'administration pénitentiaire. Mais l'emploi des détenus est très sensible à la conjoncture économique. Alors qu'il avait considérablement augmenté entre 1997 et 2000 grâce à la croissance - à cette époque, on relevait une hausse de 25 % des rémunérations versées, avec un véritable plan d'amélioration des conditions de travail et d'emploi des détenus -, il a baissé de 12 % entre 2001 et 2003 du fait de la fragilisation de la situation économique. Le phénomène s'est encore accru du fait de l'augmentation de la délocalisation des emplois peu qualifiés, dont le travail pénitentiaire pâtit au premier chef. À titre personnel, je demande au garde des sceaux de faire de ce dossier une priorité pour l'avenir.

En ce qui concerne la PJJ, la protection judiciaire de la jeunesse, j'évoquerai la hausse remarquable de l'activité de ses services, la diminution du nombre de mineurs incarcérés et la culture d'évaluation qu'elle tend à instaurer.

La hausse de l'activité de ses services mérite, en premier lieu, d'être saluée. Les opérations exécutées par la PJJ sont en hausse de 77 %, ce qui représente une augmentation supérieure à celle du nombre de mineurs mis en cause, qui n'est que de 57 %. Cette évolution se traduit par une spécialisation du secteur public de la PJJ dans les mesures pénales qui, alors qu'elles ne représentaient, en 1990, que de 33 % de ses actions dans le secteur public, sont aujourd'hui de 64 %. Il s'agit donc d'une vraie spécialisation permettant une plus grande efficacité de ce secteur. De ce fait, le nombre de mesures en attente diminue. Leur baisse a été de 20 % entre 2002 et 2003. Il s'agit d'un progrès significatif pour les mineurs. On sait en effet que la rapidité de la réponse judiciaire conditionne en partie l'absence de récidive. Je souligne néanmoins un chiffre inquiétant : dans le milieu ouvert pénal, le délai d'exécution des mesures est encore de cinquante et un jours, ce qui est trop long. Enfin, le budget conforte les moyens alloués à la PJJ, en augmentation de 4,42 %, et l'on relève la création de 101 postes et le chiffre de 20 millions d'euros de crédits d'investissement.

J'en viens, en second lieu, à la diminution du nombre de mineurs incarcérés, qui a été mentionnée par M. le rapporteur spécial. Aujourd'hui, on compte environ cent mineurs incarcérés de moins qu'en 2002. Cette évolution, déjà constatée l'année dernière, se confirme, ce dont je tiens à féliciter le garde des sceaux et la commission des lois. Le mérite en revient en effet, à travers la LOPJ, à la politique de diversification de la réponse pénale pour les mineurs multirécidivistes, qui sont le plus ancrés dans la délinquance. Désormais, on compte 47 centres de placement immédiat, qui offrent une alternative intéressante à la détention provisoire, puisqu'ils permettent le placement rapide des mineurs qui doivent être éloignés de leur milieu. Ces centres ont traité 1 500 jeunes l'année dernière. On compte également 72 CER, centres éducatifs renforcés, qui permettent des séjours de rupture de trois à six mois pour des mineurs particulièrement déstructurés. Ces centres ont traité 1 100 jeunes l'année dernière. On compte enfin neuf centres éducatifs fermés, qui ont traité, l'an dernier, 146 mineurs. J'ajoute que 14 centres de ce type doivent encore être créés.

Je salue, en troisième lieu, l'initiative très intéressante de l'administration de la justice, qui consiste à faire évaluer les résultats des centres éducatifs fermés. Le ministère de la justice tente ainsi pour la première fois l'évaluation d'un dispositif créé moins de deux ans plus tôt, créant ainsi la possibilité de tirer des conséquences de son mode de fonctionnement et de l'améliorer.

En ce qui concerne la PJJ, deux autres points méritent d'être signalés.

Le premier est l'intervention en faveur des mineurs incarcérés dans les quartiers mineurs pénitentiaires. Dix établissements en bénéficient depuis 2003 et les rapports de la PJJ avec l'administration pénitentiaire sont excellents. Ce nouveau rôle de la PJJ préfigure celui qu'elle jouera dans les futurs établissements pénitentiaires pour mineurs, qui seront organisés autour de la salle de classe. Introduire davantage d'éducatif dans la détention des mineurs me semble une excellente initiative.

Le second lieu point est la diversification des recrutements de la PJJ. Le profil des éducateurs est trop souvent généraliste et scolaire, du fait de l'orientation du concours externe. Le concours interne sur titre pour les éducateurs spécialisés, le concours interne pour les agents de justice et l'ouverture d'une troisième voie de recrutement pour ceux qui auront accompli cinq ans d'activité dans le domaine éducatif, social, sportif ou culturel permettront des passerelles judicieuses vers le métier d'éducateur PJJ.

Ainsi, la PJJ évolue dans le bon sens. Après avoir tiré les conséquences d'un rapport alarmiste de la Cour des comptes, elle a mis en place des instruments d'évaluation et des indicateurs de son activité, ainsi qu'une sous-direction des ressources humaines. Elle s'oriente ainsi avec raison vers une logique d'évaluation et de contrôle de son mode de fonctionnement. Outre l'évaluation des centres éducatifs fermés, des décrets permettront de codifier les bonnes pratiques dans les établissements. La mise en place d'indicateurs relatifs à l'utilisation du patrimoine immobilier est également intéressante. L'objectif est d'établir de véritables référentiels professionnels des bonnes pratiques et d'évaluer leur efficacité en matière d'éducation des mineurs, de remise à niveau scolaire et de suivi à la sortie des établissements.

Encore un chiffre sur les centres éducatifs fermés, qui ont été au cœur d'une polémique : seulement 16 % des mineurs qui en sortent sont incarcérés. Un tel taux d'échec est faible. En outre, bien que la procédure qui permet de les mettre en œuvre soit lourde et complexe, des indicateurs quantitatifs seront fournis à la PJJ sous la forme d'un panel des mineurs.

Je souligne, pour finir, combien la question de la récidive des mineurs est cruciale. Or, M. le rapporteur spécial l'a signalé, on manque d'indicateurs qualitatifs sur ce point qui seul permet de mesurer le succès de la PJJ.

M. le président. Je vous remercie de ce tour d'horizon très complet.

La parole est à M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour l'administration centrale et les services judiciaires.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour l'administration centrale et les services judiciaires. Je relève avant tout que le budget pour les services judiciaires, les juridictions administratives et l'administration générale du ministère de la justice s'est accru de 3,8 % par rapport à 2004, ce qui représente une augmentation de 3,2 milliards d'euros en crédits de paiement. Voilà qui montre, une fois de plus, que le budget de ce département représente une priorité pour le Gouvernement.

Je salue, outre le travail assidu du secteur associatif, les efforts remarquables faits en direction des victimes, évoqués par Mme la secrétaire d'État aux droits des victimes, qui montrent l'importance qu'y attache le Gouvernement. Celui-ci entend rapprocher la justice des citoyens, ce qui traduit une excellente orientation.

Pour ce qui est des juridictions de l'ordre judiciaire, on relève plusieurs traits marquants. Le stock des affaires à juger au civil devant la Cour de cassation et devant les cours d'appel diminue. Toutefois, en 2003, le délai de traitement des affaires par les cours d'appel est encore assez long, puisqu'il se situe à 16,1 mois. Dans les tribunaux d'instance, ce stock est stable. En revanche, il est en hausse dans les tribunaux de grande instance, notamment du fait de l'augmentation du contentieux des affaires familiales. Au pénal, on note une diminution des condamnations. Mais ce chiffre ne concerne que l'année 2002, puisque l'outil statistique, encore perfectible, ne permet pas de disposer de références plus récentes, ce qui rend l'impact des réformes difficile à mesurer. Quant à la diminution de 11 % des condamnations au pénal en 2002, elle s'explique en grande partie par l'application de la loi d'amnistie.

Pour 2003, on relève une progression très nette du nombre d'affaires élucidées par la police et la gendarmerie. J'espère que nous disposerons à l'avenir de données plus complètes. Le taux de réponse pénale, qui pouvait justifier auparavant certaines critiques, est lui aussi en augmentation sensible, notamment grâce à l'augmentation des procédures alternatives aux poursuites, et à l'utilisation de plus en plus efficace de la composition pénale, qui commence à entrer dans les mœurs. En 2003, le taux de réponse pénale est supérieur à 72 %.

En ce qui concerne les personnels, je relève plusieurs éléments intéressants dans ce projet de budget. Les magistrats bénéficieront d'une extension de la nouvelle bonification indiciaire pour les fonctions d'encadrement et d'une nouvelle revalorisation indemnitaire, dont les effets se font déjà sentir : une augmentation sans précédent de 4 % est intervenue dès 2003, une autre augmentation de 4 % s'applique en 2004 et une augmentation de 1 % est prévue pour 2005. À cela s'ajoute la mise en place des primes modulables, également appelées « primes au mérite », qui varient de 4 à 8 % en taux moyen et peuvent aller jusqu'à 15 %. Leur mise en place n'a pas été sans polémique, mais il faut rappeler que le service public de la justice doit ménager tant l'indépendance des magistrats, qu'il convient de préserver par tous les moyens, que la nécessité de répondre de la meilleure façon aux attentes de nos concitoyens. Ces primes modulables sont fondées sur l'évaluation des magistrats du parquet ou du siège effectuée par leurs chefs de juridiction.

Une partie de mon rapport concerne la justice administrative. On note dans ce domaine une augmentation considérable du contentieux. Celle-ci concerne particulièrement les tribunaux administratifs, qui connaissent un certain engorgement, alors que le stock des affaires traitées par le Conseil d'État et les cours administratives d'appel est en stagnation. Entre 1993 et 2003, on relève une augmentation de 63 % du contentieux administratif, ce qui est déjà considérable. En 2004 intervient une nouvelle augmentation, de 27,3 %, par rapport à 2003. J'ajoute que les chiffres annoncés pour le premier semestre de 2004 sont également très importants. Il est par conséquent nécessaire non seulement de prévoir des moyens destinés aux tribunaux administratifs, mais aussi de revoir les procédures, qui peuvent être très lourdes sur certains contentieux. Leur modification est la clé de toute amélioration. C'est par ce biais qu'on peut gagner en rapidité, tout en garantissant les droits des citoyens.

J'ai remarqué, à cet égard, que, très souvent, les recours gracieux formés par nos concitoyens restent sans réponse, les administrations laissant passer le délai. Les justiciables vont alors devant le tribunal administratif. Si nous incitions les administrations à répondre à ces recours gracieux, le nombre des saisines des tribunaux administratifs diminuerait certainement.

Par ailleurs, dans le cadre de la lutte contre l'immigration illégale, on enregistre une très nette augmentation des reconduites à la frontière, et c'est une bonne chose. Mais l'on s'aperçoit que le taux d'exécution des arrêtés de reconduite à la frontière envoyés par voie postale, qui monopolisent les juridictions et dont les procédures sont très lourdes, est d'à peine 4 %.

Ces deux points, qui méritent une attention particulière, feront l'objet d'une question, monsieur le garde des sceaux.

J'en viens aux juridictions de proximité, qui ont été mises en place par la loi de programmation du 9 septembre 2002, la loi organique du 26 février 2003 et le décret d'application du 23 juin 2003. Je rappelle que ces juridictions sont composées de juges non professionnels, recrutés pour une période de sept ans non renouvelable et soumis au statut de la magistrature, donc au Conseil supérieur de la magistrature. Ils connaissent, en matière civile, des « petits litiges », dont le contentieux n'excède pas 1 500 euros, et, en matière pénale, des contraventions de police, y compris celles de quatrième classe et une partie de celles de cinquième classe. J'ajoute que ces juges entretiennent des liens étroits avec les tribunaux d'instance, puisque le juge d'instance organise leurs audiences et procède à leur évaluation.

Afin de répondre aux critiques dont elles ont fait l'objet, j'ai souhaité dresser un petit bilan des juridictions de proximité, sachant que nous manquons de recul, puisque les premiers juges de proximité sont entrés en fonction au début de l'année 2004.

En ce qui concerne leur recrutement, les juges de proximité sont tenus de suivre une formation, qui, pour certains d'entre eux, est probatoire, avant leur nomination par le Conseil supérieur de la magistrature. Quant à leur profil, il s'agit, pour 40 %, de personnes qui exerçaient auparavant une profession libérale - surtout des avocats -, pour 10 %, d'anciens magistrats, pour 40 %, de personnes ayant le niveau bac + 4 et quatre années d'expérience dans le domaine juridique - ce sont surtout des juristes d'entreprise, des policiers, des gendarmes ou des fonctionnaires de catégorie A -, pour 8 %, de personnes bénéficiant d'une expérience juridique de vingt-cinq ans dans des fonctions d'encadrement, pour 1 %, d'anciens greffiers en chef et greffiers et pour 1 %, de conciliateurs bénéficiant de cinq années d'expérience. Leur âge moyen est de cinquante-trois ans.

Ces quelques indications, qui révèlent un recrutement de grande qualité, sont de nature à rassurer les personnes qui ont émis des critiques sur la justice de proximité. J'ajoute, monsieur le garde des sceaux, que lorsque je vous ai accompagné, ainsi que d'autres députés, lors de votre visite au tribunal de police de Paris, nous avons pu constater que les juges de proximité s'intégraient parfaitement dans le milieu judiciaire. Des moyens financiers sont d'ailleurs inscrits au budget du ministère de la justice pour faciliter cette intégration. Ainsi, des greffiers et des agents de catégorie C seront nommés, afin d'accompagner la mise en place de la réforme.

Au 13 septembre 2004, 172 juges de proximité étaient en exercice et, au 15 octobre, quatre promotions avaient été formées à l'École nationale de la magistrature, soit un total de 466 personnes. Cependant, monsieur le garde des sceaux, comme vous l'avez souligné à juste titre lors de votre visite au tribunal de police de Paris, le temps qui s'écoule entre la fin de la formation et l'installation effective des juges de proximité dans les juridictions est long. Sans doute faudra-t-il revoir les procédures de nomination et de formation, afin de résoudre ce problème.

Enfin, une proposition de loi - dont le président de la commission des lois, notamment, est cosignataire - vient d'être déposée, qui vise à étendre les compétences des juges de proximité. Quels moyens accompagneront l'entrée en vigueur de cette réforme lorsque, comme je l'espère, elle sera votée ? Si l'on étend les compétences des juges de proximité, il conviendra de modifier leur formation en conséquence.

J'en termine par deux remarques.

La première concerne l'évolution des frais de justice, qui semble difficilement maîtrisable. En 2006, les chefs de cour d'appel bénéficieront tous d'enveloppes globalisées pour remplir les objectifs qui ont été assignés au programme prévu par la LOLF. Comment pourront-ils faire face à l'inflation des frais de justice et éviter que cette inflation ne les prive de toute marge de manœuvre ?

Par ailleurs, je salue les réformes courageuses entreprises par le ministère de la justice, en particulier la mise en place de contrats d'objectifs. Ces contrats, qui ont été lancés dès 2002 et qui ont vocation à être généralisés, visent à améliorer l'efficacité socio-économique, la qualité du service rendu à l'usager et l'efficience de la gestion des ressources. Cette mesure révolutionnaire permet à notre justice de se rapprocher des préoccupations de nos concitoyens, et c'est une excellente chose.

M. le président. Je vais maintenant donner la parole aux orateurs des groupes, qui, je le rappelle, disposent chacun de cinq minutes.

La parole est à M. Christian Vanneste, pour le groupe UMP.

M. Christian Vanneste. Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, selon Claude Hanoteau, ancien directeur de l'ENM, en France, on passe son temps à réformer la justice sans jamais se donner le temps ni les moyens d'appliquer les réformes. Nous avons entrepris des réformes indispensables et chaque budget nous permet de les mettre en œuvre. C'est donc avec satisfaction que je constate, année après année, une augmentation des crédits du ministère de la justice, afin d'appliquer la loi d'orientation et de programmation pour la justice. Leur hausse de 4 % en 2005 permet la création de 1 100 emplois budgétaires nouveaux, dont 100 emplois de magistrats, et une augmentation de 8 % des crédits de fonctionnement, qui contribueront à améliorer l'action quotidienne de la justice au service du public.

Ce budget doit en effet répondre à l'attente des justiciables, c'est-à-dire accélérer le temps judiciaire. L'amélioration du fonctionnement des juridictions et leur modernisation doivent aller dans ce sens. À cet égard, il faudra accélérer le recrutement des magistrats et des fonctionnaires, ainsi que celui des juges de proximité, qui font preuve de leur efficacité. Je constate également avec plaisir l'augmentation des crédits de l'aide aux victimes, qui permettra de renforcer les capacités d'intervention des associations et de participer à des actions à destination des publics particulièrement fragilisés. Enfin, l'aide juridictionnelle voit également ses crédits augmenter, notamment pour absorber les dispositions de la procédure du rétablissement personnel. Ces mesures permettent de rapprocher les Français de leur justice.

Les chiffres de la justice publiés en octobre 2004 révèlent une augmentation du nombre des décisions rendues en 2003, notamment en matière pénale - plus 3,9 % - et dans les juridictions spécialisées : plus 13,3 %.

Philippe Bilger résume bien le préjugé qui domine dans le monde judiciaire lorsqu'il estime que, à force de répéter que la justice n'est pas le service public qu'elle est pourtant, on a répudié les notions de base comme l'efficacité, la célérité et la responsabilité, au profit de la perfection formelle des démarches juridiques.

Monsieur le garde des sceaux, ces préoccupations sont au cœur des quatre orientations principales de votre budget - l'excellent document qui nous a été remis permet d'en prendre pleinement conscience.

Ce constat me conduit cependant à formuler trois souhaits.

Le premier concerne l'efficacité de la justice. Je me fais le porte-parole des justiciables, qui souhaitent avoir la certitude qu'une réponse judiciaire sera apportée aux délits. Or, je vous ai souvent rappelé la problématique de la « perte en ligne » dans l'articulation entre la police et la justice et le phénomène d'entonnoir qui se crée entre la partie policière de la chaîne pénale - les policiers étant plutôt plus nombreux que dans les autres pays européens - et sa partie judiciaire, les magistrats étant plutôt moins nombreux. Au final, le taux d'incarcération est plus faible que la moyenne européenne.

À cet égard, il faut être clair. Certes, la population des prisons est surabondante, mais si la bouteille déborde, ce n'est pas parce que le liquide est trop important, mais parce que la bouteille est trop petite. En effet, je le répète, lorsque l'on compare les taux d'incarcération en France, en Allemagne et en Grande-Bretagne, on s'aperçoit que c'est dans notre pays qu'il est le plus faible. L'absence de toute initiative des gouvernements précédents dans ce domaine, et singulièrement du gouvernement socialiste, et l'engorgement qui en résulte doivent nous inciter à combler notre retard. Les peines de substitution, le bracelet électronique et les TIG doivent permettre à la société d'apporter une réponse aux plus petites infractions - c'est absolument nécessaire.

Monsieur le garde des sceaux, pouvez-vous nous éclairer, d'une part, sur l'évolution comparée des décisions de mise en détention et des places disponibles et, d'autre part, sur l'évolution et l'efficacité des peines alternatives, notamment des TIG, qui sont une réponse utile mais insuffisamment accompagnée ?

S'agissant de la mise en œuvre des solutions pour les jeunes délinquants, où en est l'installation des centres d'éducation fermés ? Force est de constater que ma région - j'ai eu l'occasion de vous écrire à ce sujet - ne dispose toujours pas de centres de ce type, alors qu'elle est l'une des plus importantes et des plus peuplées de France.

Enfin, dans l'objectif d'optimiser les crédits du ministère de la justice, ne serait-il pas possible de permettre à des sociétés privées de participer au transfert des détenus ?

Ma deuxième préoccupation est relative à l'accélération du traitement des affaires, elle-même subordonnée au point précédent. En effet, il n'est pas rare de voir des affaires judiciaires s'éterniser pendant plusieurs années, dès lors qu'il y a contestation du jugement en première instance, appel puis cassation. S'il est évident qu'une justice efficace nécessite du temps, il ne faut pas oublier que des vies humaines se retrouvent parfois broyées dans les rouages de la justice. Si la procédure dite du plaider-coupable, que vous avez mise en œuvre, apporte une réponse concrète à cette difficulté, c'est l'ensemble de la chaîne judiciaire qui doit accélérer le temps de traitement des dossiers.

Je conclus par la question de la responsabilité des magistrats. L'actualité récente a mis en lumière des dysfonctionnements au sein des tribunaux et parquets. Je pense notamment à l'affaire d'Outreau, où la plupart des personnes mises en détention pour les besoins de l'instruction ont été innocentées ou relaxées. La justice est garante du lien social de notre pays et cette responsabilité impose aux juges d'instruction et aux magistrats d'agir avec discernement et lucidité dans l'accomplissement de leur profession. Le non-respect de telles précautions rend incompréhensible l'action judiciaire aux yeux de la population : la justice remettrait en liberté des délinquants coupables, et laisserait en détention des innocents. De telles affaires risquent de créer un réel traumatisme au sein de la société française et de décrédibiliser l'institution judiciaire. Selon Émile Durkheim, la « solidarité mécanique » de notre société est avant tout fondée sur la foi en ses institutions, notamment celle de la justice. Je vous invite à y réfléchir.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Nous avons décidément beaucoup de philosophes en commission des lois ! (Sourires.)

Pour le groupe socialiste, la parole est à M. André Vallini, à qui je demande de bien vouloir respecter le temps de parole de cinq minutes qui lui est imparti.

M. André Vallini. Comment voulez-vous que je parvienne à nuancer, en cinq minutes, cette avalanche de satisfecit et de louanges adressée au Gouvernement ? Il me faudra sans doute un peu plus de cinq minutes pour cela. (Sourires.)

Madame la secrétaire d'État, monsieur le ministre, pouvez-vous nous garantir que le budget que vous nous présentez cette année ne sera pas, comme en 2003 et en 2004, un budget virtuel ? En effet, l'exécution de vos budgets 2003 et 2004 a été marquée par des gels, des reports et des annulations de crédits. Il semble d'ailleurs que vous continuiez sur cette voie si l'on se réfère à deux décrets que vous avez pris le 16 juillet 2004 et le 9 septembre 2004. Le premier porte annulation de 2,9 millions d'euros d'autorisations de programmes et 4,2 millions d'euros de crédits de paiement. Le second annule 51 millions d'euros de crédits votés fin 2003, dont 19 millions d'euros pour les services pénitentiaires, 11 millions d'euros pour les services judiciaires, notamment en leurs moyens de fonctionnement et de formation, 6 millions d'euros pour les dépenses d'informatique et de télématique, et 3 millions d'euros pour les services de la protection de la jeunesse, notamment en leur moyens de fonctionnement et de formation. J'ajoute, monsieur le ministre, que, par une circulaire du 15 juillet 2004, vous avez institué une réserve de précaution qui gèle 8,5 % des crédits de fonctionnement de votre ministère.

Dans ces conditions, vous nous présentez un budget certes en augmentation de 4 %, ce dont les orateurs de la majorité se sont félicités, mais qui reste à mes yeux un budget virtuel tant que vous n'apportez pas la garantie qu'il sera vraiment exécuté dans les douze mois qui viennent, ce qui est peu probable si l'on se réfère aux deux années précédentes. On ne peut que déplorer cette insincérité budgétaire dont vous vous rendez responsable, monsieur le ministre - j'ai bien dit responsable, et non coupable.

Quand bien même ce budget serait exécuté en totalité, il est insuffisant au regard des besoins de la justice dans notre pays. En premier lieu, il est inférieur au budget des grandes démocraties européennes. Ainsi le budget de l'Allemagne, rapporté au nombre d'habitants, est-il deux fois supérieur au nôtre.

Contrairement à ce qu'a dit M. Garraud, je rappelle que le budget de la justice a augmenté de 29 % lors de la précédente législature, c'est-à-dire sous la précédente majorité. Il continue effectivement à augmenter, mais vous ne partez pas de rien, puisque c'est près de 30 % d'augmentation qui ont été enregistrés entre 1997 et 2002. L'année 2005, troisième année d'application de la LOPJU, sera une année charnière pour votre loi d'orientation. Or, force est de constater que nous sommes loin de la progression moyenne qu'il faudrait avoir observée pour que cette loi d'orientation soit totalement appliquée à l'expiration du délai prévu.

En outre, les besoins de la justice sont aggravés par le coût de vos réformes - je pense notamment aux juges de proximité, grands consommateurs de crédits, sur lesquels je reviendrai en conclusion - et bien sûr par l'entrée en vigueur de la loi dite Perben II. On assiste notamment à un allongement de la durée de l'instruction en raison d'une mauvaise coordination entre les pouvoirs du juge d'instruction, qui ont diminué, et ceux du juge des libertés et de la détention, qui se sont accrus.

S'y ajoute le coût des réformes que vous avez engagées sur les frais de justice, monsieur le ministre. Les 20 millions d'euros que vous avez prévus à ce titre en 2005 paraissent insuffisants si l'on considère, comme l'ont indiqué vos propres services, que pas moins d'onze mesures nouvelles prévues par la loi Perben II vont avoir un impact sur les frais de justice.

Les mesures de personnalisation des peines que nous avons adoptées à l'initiative du rapporteur Warsmann, certes positives, vont cependant coûter cher en frais d'expertise et d'enquête sur la personnalité. Il en est de même de la politique impulsée par Mme Guedj, visant à la prise en compte renforcée des droits des victimes au moyen de mesures favorisant l'accueil des victimes, leur accompagnement à l'audience, et à une meilleure appréciation du préjudice subi, notamment au moyen d'expertises médicopsychologiques. Les nouvelles techniques d'investigation, notamment les nouveaux moyens de preuve, les technologies de pointe utilisées aujourd'hui par la police judiciaire, et les moyens de télécommunication et de recherche très sophistiqués mis en œuvre par vos services, sont également très coûteux.

Enfin, monsieur le ministre, quid des repentis ? Si 20 millions d'euros sont prévus pour les frais de justice, aucun crédit n'est destiné à accompagner ce nouveau dispositif inspiré de ce qui se pratique en Italie, figurant dans la loi Perben II. Or, il faut savoir que les repentis coûtent 80 millions d'euros par an au budget de la justice italienne.

En ce qui concerne les personnels, le Gouvernement a décidé de supprimer les postes d'agents de justice créés dans le cadre du dispositif emplois jeunes, sans aucune perspective pour les intéressés si ce n'est d'offrir à ceux-ci des facilités d'accès aux concours. Vous avez prévu 135 emplois contractuels pour suppléer les emplois jeunes en 2005, alors qu'il en faudrait 90 pour la seule cour d'appel de Paris. Quant aux greffiers, les créations d'emplois prévues seront sans doute insuffisantes par rapport au travail supplémentaire qu'occasionnent les juges de proximité, d'une part, et les nouvelles mesures d'application des peines, d'autre part.

Le budget de l'administration pénitentiaire augmente, notamment en termes de crédits de fonctionnement, mais l'essentiel de cette augmentation est absorbé par l'immobilier, où un retard considérable a été accumulé. Nous arrivons seulement à la fin du programme 4 000, et le programme 13 000 ne commencera qu'en 2005. Or je peux vous assurer que les conditions de vie dans les prisons françaises, que certains d'entre nous ont visitées au début de l'été 2004, en font de véritables enfers. Certes, les délais tiennent aussi aux contraintes liées à la passation des marchés publics, mais le retard en ce domaine est intolérable. Nous avons heureusement voté les mesures Warsmann sur les libérations conditionnelles et la semi-liberté, mais cela ne suffira pas à alléger la surpopulation carcérale.

Dans le domaine de la politique de santé, Mme Pecresse a évoqué les UHSA. Peut-être voulait-elle parler des UHSI, unités hospitalières sécurisées interrégionales...

Mme Valérie Pecresse, rapporteure pour avis. Non, je parlais des UHSA, unités hospitalières spécialement aménagées, destinées à prendre en charge les détenus nécessitant des soins psychiatriques.

M. André Vallini. Il n'existe que deux UHSI à ce jour, alors qu'il en faudrait au moins le double. À terme, huit sont prévues.

Actuellement, 40 % des personnes détenues dans les prisons françaises souffrent de troubles psychiatriques et ne sont pas suivies comme il le faudrait, ce qui représente un vrai danger pour leurs codétenus et pour les personnels pénitentiaires.

En ce qui concerne ces derniers, les créations de postes que vous avez évoquées, monsieur le ministre, sont à relativiser en raison des nombreux départs en retraite prévus dans l'année qui vient. La mise en œuvre des mesures Warsmann sera difficile, les syndicats pénitentiaires estimant qu'il faudrait au moins 3 000 agents supplémentaires pour appliquer correctement les mesures que nous avons votées sur les fins de peine et leur aménagement. À ce sujet, les chiffres ne sont pas encourageants, puisqu'on a assisté en 2003 à une diminution des sursis avec mise à l'épreuve par rapport à 2002 - moins 2,4 % -, à une diminution des TIG - moins 5,8 % - et à une diminution des placements en semi-liberté - moins 4,1 %. On peut espérer que les mesures Warsmann, à condition que l'on donne à la justice les moyens de les appliquer, permettront d'endiguer cette diminution.

Pour ce qui est de la PJJ, protection judiciaire de la jeunesse, je déplore, comme Mme Pecresse, que les moyens soient concentrés sur le milieu fermé, alors que le milieu ouvert est très demandeur de moyens supplémentaires. La prise en charge des mineurs délinquants est souvent trop tardive, ce qui a souvent pour conséquence de priver de leur efficacité les mesures prises à leur égard.

Puisque vous avez élargi votre propos à la politique de justice que vous menez dans notre pays, je vais moi aussi m'éloigner du strict cadre budgétaire pour aborder certains points en guise de conclusion.

M. Garraud, dans la langue de bois qui lui est familière, nous a dit que l'institution des juges de proximité fonctionnait à merveille. Or, c'est exactement le contraire : tous les magistrats et les syndicats considèrent que cette réforme est un échec. La vraie justice de proximité est assurée par les juges d'instance, avec un délai moyen de traitement des dossiers de quatre mois. Alors que cette justice donne parfaitement satisfaction, vous avez décidé, pour respecter un engagement électoral - pour ne pas dire électoraliste - de Jacques Chirac, de créer ces juges de proximité qui ne font que compliquer le fonctionnement de la justice. Aujourd'hui, dans une espèce de fuite en avant, vous avez décidé d'étendre leurs compétences, ce qui ne fera qu'aggraver la situation actuelle. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

En ce qui concerne la loi Perben II, les craintes que nous avions exprimées sur la porosité entre les procédures d'exception et les procédures de droit commun restent intactes. Nous allons rester attentifs sur ce point, ainsi que sur la CRPC, comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, dite « plaider-coupable ». Il convient d'être particulièrement vigilants sur deux aspects : d'une part, les droits de la défense, même si des garde-fous ont été prévus lors de la discussion parlementaire ainsi que par le Conseil constitutionnel, qui a émis des réserves d'interprétation ; d'autre part, les affaires sensibles, dont nous ne souhaitons pas qu'elles soient étouffées ou occultées grâce à la procédure du « plaider-coupable ».

Quant à la délinquance des mineurs, si nous nous réjouissons, comme vous, de sa diminution, il nous semble que le constat doit être nuancé. Ainsi, les violences aux personnes augmentent de 7 à 8 % d'une année sur l'autre, et sont en partie le fait de mineurs. La délinquance, y compris celle des mineurs, est en hausse en zone rurale. La violence à l'école augmente beaucoup - plus 8 % d'une année sur l'autre -, comme l'a reconnu le ministre de l'éducation nationale. Le combat contre la délinquance des mineurs est donc loin d'être gagné.

Je veux également revenir sur ce qu'il faut bien appeler la reprise en main de la justice par la Chancellerie que nous constatons depuis deux ans, et qui m'a été confirmée par les magistrats de toutes tendances, du siège comme du parquet, que j'ai rencontrés. Vous assumez d'ailleurs cette reprise en main, puisque dès votre entrée en fonction en juin 2002, vous avez rétabli les instructions au parquet dans les affaires individuelles.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis. C'est normal !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est la loi !

M. André Vallini. La pratique du gouvernement précédent était différente...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois .C'était de l'hypocrisie !

M. André Vallini. ...et une réforme était en discussion, que vous n'avez pas voulu mener à son terme.

Monsieur le ministre, vous ne suivez plus les avis du CSM relatifs aux nominations des magistrats, et vous le revendiquez également. Des nominations récentes aux plus hauts postes de la hiérarchie judiciaire posent problème, ainsi que la nomination de votre propre directeur adjoint de cabinet au CSM. Et que dire de l'attitude de l'exécutif dans l'affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris et du financement du RPR, et du déclenchement de trois enquêtes - administrative, judiciaire et parlementaire - sur le verdict rendu par le tribunal de Nanterre, enquêtes qui n'ont d'ailleurs abouti à rien ? On peut également s'interroger sur la déstabilisation dont a été victime il y a un an ou deux le procureur de Nice, Éric de Montgolfier, à l'initiative de la Chancellerie, ainsi que sur la sanction récente du procureur adjoint Dujardin à Évry.

M. le garde des sceaux. Monsieur Vallini, pouvez-vous préciser le nom du garde des sceaux qui a demandé l'inspection de M. de Montgolfier ?

M. André Vallini. C'est votre prédécesseur, je crois...

M. le garde des sceaux. Effectivement, c'est Mme Lebranchu.

M. André Vallini. Mais les mesures de déstabilisation venaient bien de votre cabinet, monsieur le ministre. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) L'inspection diligentée par le CSM, conduite par M. Lamanda, a heureusement fait justice de tout ce qui était reproché à M. de Montgolfier, et démontré au contraire le bien-fondé des accusations portées contre le juge Renard. Enfin, les primes au mérite récemment instituées, qui donnent lieu à tous les favoritismes et à tous les abus, sont à ce titre dénoncées par tous les magistrats de toutes tendances. Pour reprendre un terme juridique, il y a là un « faisceau d'indices graves et concordants » qui nous font conclure à une reprise en main de la justice.

En conclusion, la justice traverse une crise de confiance sans précédent dans notre pays. Au lieu de fixer un cap, monsieur le ministre, votre politique pénale semble varier au gré des humeurs de l'opinion publique. Ainsi, en 2002-2003, la psychose sécuritaire entretenue par votre collègue de l'intérieur de l'époque vous a conduit à mener une politique du tout-répressif, donc du tout-carcéral, au mépris de la présomption d'innocence. Il aura malheureusement fallu l'affaire d'Outreau pour vous faire redécouvrir l'importance de la présomption d'innocence et de son corollaire, le strict encadrement de la détention provisoire.

Bref, il n'y a pas de politique pénale dans ce pays. Les Français doutent de leur justice. Mais vous ne fixez pas de cap, vous ne les rassurez pas. Monsieur le garde des sceaux, quand on est à la Chancellerie, il faut avoir de grands principes. Ceux que nous avons mis en œuvre pendant cinq ans de 1997 à 2002 s'articulaient autour de trois axes. Premièrement, une justice accessible et rapide. Deuxièmement, une justice indépendante et responsable. À cet égard, je vous renvoie, monsieur Garraud à la réforme du CSM votée par la majorité d'alors et par vos amis, ici et au Sénat, mais qui n'a pu aller jusqu'à son terme puisque le Président Chirac a annulé la réunion du Congrès prévue à Versailles. Troisièmement, une justice respectueuse et protectrice des libertés.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Michel Vaxès. Je ferai trois remarques de caractère général et poserai deux questions un peu plus précises pour tenter de rester dans le temps très contraint qui est imposé, notamment à l'opposition. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La comparaison entre les règles de la séance publique et celles en vigueur ici font en effet apparaître une différence qui n'est pas à notre avantage.

Monsieur le garde des sceaux, le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances en vue du règlement du budget de l'exercice 2003 révèle, tout comme l'an passé, qu'au total, près de 200 millions d'euros ont été bloqués en moyens de paiement et plus de 53 millions d'euros en autorisations de programme. Il indique également qu'en ce qui concerne le chapitre 57-60 qui touche à tous les équipements judiciaires, pénitentiaires et de la PJJ, seulement 33,6 % des crédits disponibles ont été utilisés en 2003. En fait, le budget exécuté a été inférieur de 560 millions d'euros au budget initialement voté.

Aussi convient-il de relativiser la hausse de 4 % qui porte à un peu plus de 5 milliards d'euros le projet de budget pour 2005.

L'Union syndicale des magistrats a d'ailleurs considéré que l'objectif de la loi de programmation de la justice visant à porter le budget de la justice à plus de 8 milliards d'ici à 2007 ne sera, à ce rythme, jamais atteint. C'est aussi notre appréciation.

La demande judiciaire évolue de façon continue. Le droit se pose en effet aujourd'hui comme le nouveau langage de nos démocraties. L'expansion juridique et la judiciarisation de notre société sont à considérer non plus comme des phénomènes conjoncturels mais comme un mouvement profond et permanent. Notre justice devrait donc intégrer ce mouvement et disposer d'un budget en conséquence.

Or, avec à peine plus de 7 000 magistrats pour répondre à des besoins croissants, il n'est guère étonnant que notre système judiciaire continue de souffrir d'une mauvaise image et fasse l'objet d'une insatisfaction croissante des justiciables.

Comment pourrait-il en être autrement quand, en 2002, un peu plus de 7 000 magistrats - 7 144 exactement - ont rendu 2,5 millions décisions civiles et 11,3 millions décisions pénales ? Quand les prisons françaises comptent aujourd'hui environ 60 000 détenus pour à peine plus de 22 000 surveillants ?

La justice manque de moyens, et essentiellement de moyens humains. Et ce budget ne permettra pas de répondre aux enjeux auxquels elle est confrontée.

Ma deuxième remarque, qui complétera utilement l'intervention de M. Garraud, porte sur les juges de proximité.

Cette année, 1 million d'euros sera consacré à l'accompagnement des recrutements prévus. Pourtant, à peine plus d'un an après la mise en place de ces juges, dont la création devait contribuer à parvenir à une justice plus rapide, plus efficace, plus simple, il semble que le bilan soit très mitigé. Ces personnels n'ont fait la preuve ni de leur utilité pour le désengorgement des tribunaux - cela ne va pas dans le sens de ce qu'a indiqué notre collègue - ni de leur efficacité dans l'accomplissement des missions qui leur étaient confiées.

La présidente d'un tribunal de grande instance a même déclaré à la presse que leurs jugements étaient truffés de bourdes et sans possibilité d'appel. Il n'est pas surprenant, dans ces conditions, que, sur les 170 juges déjà installés une vingtaine ait déjà donné leur démission - plus de 10 %, ce n'est pas rien !

M. Guy Geoffroy. Ce n'est pas vrai !

M. Michel Vaxès. L'un d'entre eux expliquait que les quinze jours de formation reçus n'étaient pas suffisants pour lui permettre d'exercer sereinement sa fonction. Un autre, toujours en fonction, n'a pas hésité à affirmer que cette fonction était un pis-aller et que la justice méritait mieux que du rafistolage.

Nous sommes donc dans l'attente d'une évaluation sérieuse des effets de cette réforme sur la qualité de notre justice et de sa contribution au désencombrement des tribunaux. Au lieu de cela, nous avons appris avec étonnement et inquiétude, que vous envisagiez, monsieur le garde des sceaux, d'élargir encore un peu leurs compétences en leur confiant des affaires bien plus complexes que celles qu'ils avaient jusqu'alors à connaître. Ils seraient compétents, avez-vous annoncé, pour les contentieux portant sur des montants allant jusqu'à 4 000 euros, contre 1500, aujourd'hui. Les particuliers pourront saisir les nouveaux juges pour des litiges liés à leur activité professionnelle. Enfin, des personnes morales telles que les entreprises ou les associations pourront, elles aussi, saisir le juge de proximité.

À l'évidence, nous changeons totalement d'échelle. Nous ne sommes plus du tout dans la notion de petits litiges. D'ores et déjà, cette perspective inquiète, par exemple, les grandes associations de défense des consommateurs quant à des contentieux touchant au droit de la consommation, matière particulièrement aride.

Troisième remarque, comme vous, monsieur le garde des sceaux, nous aspirons à ce que notre justice soit plus rapide mais sans sacrifier à sa qualité.

Je crains, pourtant, qu'une fois de plus, vous n'empruntiez pas les bons chemins pour nous y conduire. Un seul exemple, pour l'illustrer, celui des primes de rendement, pudiquement dénommées les « primes modulables ». Selon le décret du 26 décembre 2003, cette prime est attribuée « en fonction de la contribution du magistrat au bon fonctionnement de l'institution judiciaire ». Il s'agit là d'un critère pour le moins vague et contestable car il peut conduire à de graves dérives. Déjà, les premières primes distribuées au mois de septembre sont contestées et ont fait l'objet de multiples recours hiérarchiques.

Parce que les critères purement quantitatifs ne pouvaient être raisonnablement retenus, parce que les limites d'une justice productiviste se sont fait vite ressentir, le décret s'en est tenu au critère d'une « contribution au bon fonctionnement ». Il reste que, s'il s'agit d'une évaluation de la qualité, celle-ci tient de la gageure, tant la qualité de la justice tient intuitivement à des choses plus importantes et plus impalpables comme le respect, l'écoute ou, tout simplement, le sentiment de justice. Les magistrats ne rejettent pas le principe de l'évaluation, mais ils contestent comme nous les outils actuels et leur inadaptation.

J'en viens à présent à mes questions.

La première concerne l'aide juridictionnelle. Lors de l'assemblée générale du Conseil national des barreaux du 25 octobre dernier, son Président a fait part de son incompréhension face à la décision du Conseil national de l'aide juridictionnelle. Celui-ci a voté une indemnisation moindre pour les procédures de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Pourriez-vous nous éclairer sur les raisons de ce choix ? Devons-nous en conclure que le travail de l'avocat, dans le cadre de cette procédure, est considéré comme différent, et par là même moins important, alors que, pourtant, la liberté du prévenu est en jeu ?

Ma seconde question concerne les conditions de la détention. Fin juillet 2004, le tribunal administratif d'Amiens a retenu la responsabilité de l'État à la suite du suicide d'un détenu. Le 15 octobre dernier, le tribunal administratif de Rouen a condamné l'État après le suicide d'un détenu. Ces condamnations sont la preuve, si besoin en était encore, que les effectifs de l'administration pénitentiaire ne sont pas en mesure de garantir la sécurité aux détenus et que leurs conditions de détention appellent à la plus grande vigilance. En 2003, 117 suicides ont été à déplorer. Les dispositions contenues dans ce projet de budget garantiront-elles aux détenus des conditions de détention dignes, permettant pour le moins d'assurer leur sécurité ? Cette question, je vous la pose, monsieur le garde des sceaux, car, au-delà des mesures prises sur le moyen terme, cela risque de se solder en 2005 par la mort d'une centaine de personnes dans les prisons françaises.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Monsieur Vaxès, il s'agit avec cet exercice nouveau pour nous d'être plus interactifs. Le temps d'intervention est limité à cinq minutes précisément pour permettre à chacun de pouvoir éventuellement reprendre la parole. Ne retombons pas ici dans les travers de la séance publique. Liturgie, litanie, léthargie, avait dit Edgar Faure.

La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour le groupe UDF.

Mme Anne-Marie Comparini. C'est ainsi que j'avais conçu cette initiative dont je veux vous remercier, monsieur le président.

Monsieur le garde des sceaux, la réunion de ce matin nous permet de mettre en lumière un élément fondamental. En présentant votre budget, vous avez redit la priorité que vous accordez à la pénitentiaire avec un plan complet pour le personnel et ses conditions d'exercice de la fonction, ainsi que pour les détenus et leurs conditions de détention. Je m'en félicite au nom de mon groupe.

Les deux rapporteurs, Pierre Albertini et Valérie Pécresse, viennent en outre d'ouvrir des pistes très intéressantes pour parfaire ce plan. Je veux parler de la tutelle - et cette proposition remonte beaucoup de nos rencontres sur le terrain. Je veux parler aussi de la nécessité de préparer les délinquants sexuels à leur sortie. Il importe à présent de faire en sorte que ces deux pistes ne restent pas virtuelles. Il nous revient de les mettre en œuvre car elles viennent en complément de ce qui a déjà été fait pour la pénitentiaire.

Je souhaite, par ailleurs, revenir sur le parc immobilier. Les dispositions en la matière font partie de l'ambitieux programme que vous avez lancé en 2002. Elles sont extrêmement attendues par le personnel pénitentiaire, par les acteurs de la justice et par les détenus eux-mêmes. Vous avez fait le point sur les rénovations et les créations d'établissements en cours tant pour les adultes que pour les mineurs.

J'aimerais, monsieur le ministre, que vous m'apportiez deux précisions. Vous avez fait le point sur les opérations en cours, mais pouvez-vous nous dire ce qu'il reste à programmer, et à quelle échéance ? Comme l'a rappelé Pierre Albertini tout à l'heure, vous nous direz la semaine prochaine où en est l'exécution de la loi de programmation, mais il serait intéressant pour nous de connaître dès maintenant la liste des programmes à venir.

Par ailleurs, quel est le bilan, sur le plan immobilier, de ces deux années passées au ministère de la justice ? Certains dossiers ont-ils rencontré des difficultés locales ? Élue de Lyon, je connais les problèmes qui se posent dans les prisons Saint-Paul et Saint-Joseph. Quelles solutions envisagez-vous pour y remédier ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Je vous remercie, madame Comparini.

Nous en venons aux questions. Je rappelle à chacun la nécessité d'être bref.

La parole est à M. Gérard Léonard.

M. Gérard Léonard. Je serai d'autant plus bref que les points que je souhaitais évoquer l'ont déjà été par les orateurs précédents, en particulier Valérie Pecresse qui vous a interrogé sur le traitement de la récidive.

J'ai eu l'honneur d'être le rapporteure de la mission d'information relative au traitement de la récidive des infractions pénales, sous l'autorité amicale du président Clément, dont je vous rappelle qu'il a été cité pour cela par le Président de la République, ce qui est à noter dans l'histoire de nos institutions.

Vous avez souligné, monsieur le garde des sceaux, la nécessité d'un meilleur traitement psychiatrique des détenus, pour différentes raisons qui ont été évoquées ce matin. L'absence d'évaluation de la dangerosité des détenus est la cause de la majorité des récidives. Nous devrions à cet égard prendre modèle sur ce qui se passe dans d'autres pays, en particulier au Canada. Je ne reviendrai pas sur ce point.

Ma question concernera le casier judiciaire.

L'excellent rapport de Jean-Luc Warsmann avait révélé les insuffisances du casier judiciaire, notamment les retards accumulés en matière d'inscription et les difficultés d'accès. Aujourd'hui, un grand nombre de jugements sont prononcés sans que l'on connaisse l'ensemble des antécédents d'un justiciable.

Quelles mesures envisagez-vous ? Le rapport de la mission d'information reprend la proposition de Jean-Luc Warsmann d'établir un plan d'urgence pour la mise à niveau du casier judiciaire.

Enfin, parmi les vingt propositions de ce rapport, une dizaine relèvent de l'ordre législatif et feront donc très prochainement l'objet d'une proposition de loi.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Je vous remercie de le rappeler !

La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Ma question concerne la juridiction prud'homale de Saint-Chamond. (Sourires.)

Ce n'est pas la première fois que je m'exprime ici même sur ce sujet. J'ai dans le passé alerté vos prédécesseurs, monsieur le garde des sceaux, et vous-même, il y a deux ans, pour souligner l'incohérence du découpage du ressort géographique de cette juridiction.

En effet, si le bassin d'emploi du Gier a connu une réelle évolution du fait des crises et des mutations successives qui ont frappé les industries traditionnelles, il n'en demeure pas moins que Saint-Chamond et la vallée du Gier doivent conserver des juridictions de proximité.

S'il est un bassin d'emploi homogène, où sont organisés de nombreux services publics à échelle humaine, c'est bien la vallée du Gier, riche d'un passé industriel glorieux mais aussi promise à un avenir certain si l'on considère sa position particulièrement favorable au sein de la grande région urbaine de Lyon.

Mais il n'en va pas ainsi pour la justice prud'homale. Les services de l'État, après avoir supprimé le conseil de prud'hommes du canton de Rive-de-Gier et maintenu le rattachement du canton de la Grand-Croix au ressort du conseil de prud'hommes de Saint-Étienne, se sont situés dans l'optique d'un ultime rattachement au conseil de prud'hommes de Saint-Étienne, montrant là leur méconnaissance des réalités géographiques, humaines, sociales et économiques.

On le comprend aisément, ce regroupement n'a pas été neutre en termes de répartition des volumes d'affaires : certains conseils de prud'hommes ont été surchargés de travail pendant que d'autres se sont trouvés en sous-activité. Un découpage en appelant un autre, il est facile alors de simplifier la carte en supprimant in fine des juridictions.

Je vous rappelle que la procédure de consultation lancée en 2002 par votre prédécesseur, sur des bases contestables, a conduit à la réduction du nombre de conseillers. Cette mesure était la conséquence d'une logique favorisant les regroupements et les concentrations sur les chefs-lieux d'arrondissement, au nom de la rationalisation et de la mutualisation des moyens. C'est l'esprit du service public et le principe d'une justice de proximité, accessible à tous les citoyens justiciables, qui risquait d'être battue en brèche.

Je me réjouis, monsieur le garde des sceaux, de constater que ce processus de démantèlement a été stoppé depuis votre arrivée au ministère. Mais vous comprendrez pourquoi nous restons vigilants et prudents.

Ma question est simple : accepterez-vous enfin le rattachement du canton de la Grand-Croix au ressort du conseil de prud'hommes de Saint-Chamond, qui regroupera ainsi l'ensemble des communes de la vallée du Gier ? Ce rattachement conforterait la position de ce conseil et rendrait sa cohérence à la carte prud'homale.

Ma question, je le sais bien, porte sur des intérêts très locaux, mais je la pose depuis dix-sept ans dans cette assemblée. Tous les ministres successifs m'ont affirmé que nous avions raison, mais la situation n'a malheureusement pas évolué et le risque de fermeture d'un conseil de prud'hommes demeure. Or la vallée du Gier a déjà connu la fermeture d'un conseil prud'homal, celui de Rive-de-Gier. Comme tenu des difficultés que connaît actuellement cette vallée, elle n'a pas besoin d'une fermeture supplémentaire.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Je loue votre persévérance ! (Sourires.)

La parole est à M. Alain Marsaud.

M. Alain Marsaud. Monsieur le garde des sceaux, c'est un beau résultat que d'avoir obtenu 8 % d'augmentation des crédits de fonctionnement de votre ministère.

Ma première question est la suivante : quels sont, dans ce budget, les éléments qui permettront de réduire la durée de traitement des procédures pénales ? L'actualité de ces derniers jours nous apprend qu'il aura fallu presque vingt-huit ans pour en finir avec l'affaire Mesrine. C'est un peu long ! Certes, il s'agit d'une affaire un peu particulière, mais, aujourd'hui, de nombreuses affaires, notamment criminelles, traînent tellement en longueur que rendre la justice ne veut plus rien dire. Les magistrats sont peut-être gênés, après un tel délai, de prendre des décisions de justice, par peur du ridicule.

Ma deuxième question concerne le tribunal de Limoges. Que comptez-vous faire concernant la rénovation de ce tribunal ? Vous nous avez présenté une liste conséquente de rénovations et la construction de cités judiciaires.

Le tribunal de Limoges figure depuis très longtemps sur une liste d'attente et il ne se passe toujours rien. J'ai l'impression que le dossier a été systématiquement placé sous la pile !

Je vous ai adressé il y a quelques jours un courrier concernant le tribunal de commerce, qui se trouve dans un état d'insalubrité totale. S'il était prochainement inspecté, il risquerait d'être poursuivi au pénal !

J'en viens, monsieur le ministre, à cette scandaleuse affaire de l'ourse des Pyrénées. Certes, elle relève de l'action publique, mais il semble qu'un chasseur voudrait plaider la légitime défense face à un ours ! (Sourires.) Je voudrais savoir ce que vous comptez faire, car à ma connaissance, si un délit a été commis, c'est celui de mauvais traitement à animal !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. La parole est à M. Xavier de Roux.

M. Xavier de Roux. Je reviendrai rapidement sur trois points.

En premier lieu, le problème très important des juges de proximité. Leur mise en place a connu des difficultés, et, dans certaines juridictions, le dispositif ne fonctionne pas très bien car ces juges de proximité souffrent d'une sorte de subordination au sein de la hiérarchie judiciaire. Ils font en sorte de ne pas être toujours très occupés et le fonctionnement en pâtit. C'est du moins ce que disent les juges. Je suis, pour ma part, favorable à l'accroissement de leurs compétences, et j'ai d'ailleurs signé le texte du président Clément, mais je souhaiterais connaître les mesures que vous comptez prendre pour améliorer le fonctionnement de la charge des juges de proximité, par exemple en leur donnant une plus grande autonomie au sein de la juridiction dont ils font partie. C'est ma première question.

Ma deuxième question concerne Paris. Je n'ai pas, dans votre budget, trouvé grand-chose concernant l'importante affaire du déménagement du tribunal de Paris. Où en est cette affaire ? A-t-on trouvé une solution, dans l'île ou ailleurs ? Votre réponse, je crois, est très attendue.

M. Alain Marsaud. Les avocats du barreau de Paris ici présents doivent beaucoup s'inquiéter !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est leur droit le plus strict !

M. Xavier de Roux. Ma troisième question est beaucoup plus locale. Nous devons très souvent faire face au problème du placement des délinquants mineurs car de nombreuses juridictions ne possèdent pas les équipements suffisants. Ces jeunes délinquants sont parfois placés dans les foyers départementaux de la protection de l'enfance. Or ces foyers ont pour mission de protéger les mineurs. Mettre le loup dans la bergerie, ce n'est pas très clair... Quelles dispositions peut-on prendre pour éviter ces placements dans les foyers dédiés à la protection de l'enfance ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. La parole est à M. Émile Blessig.

M. Émile Blessig. Ma question porte sur la santé en milieu pénitentiaire.

Plusieurs orateurs ont insisté ce matin sur l'évolution de la population pénale. Je vous rappelle que nous fêtons cette année le dixième anniversaire de la loi de 1994 qui a réformé la médecine en milieu pénitentiaire avec la création des UCSA et des UHSI.

L'accès aux soins en milieu pénitentiaire a une double vocation. C'est d'abord un droit, depuis la loi de 1994, dont c'est le principal mérite ; c'est également, compte tenu de l'évolution de la population pénale, une façon de préparer la sortie de prison.

Ma question est triple.

Premièrement, que prévoyez-vous pour la prise en charge des détenus dépendants - drogue, alcool et psychotropes -, car cette dépendance pose des problèmes importants ?

Deuxièmement, quelles mesures sanitaires comptez-vous prendre en matière de lutte contre les maladies infectieuses ? Des progrès sensibles ont été notés en matière de lutte contre le sida, mais l'hépatite C soulève toujours d'importants problèmes.

Troisièmement, quelle est la prise en compte spécifique pour les détenus âgés, qu'ils soient en longue maladie, en situation de dépendance ou en fin de vie ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Monsieur le garde des sceaux, je vous poserai deux questions : l'une concerne l'application d'une loi ; l'autre est plus locale.

Je suis à l'origine d'un amendement à l'article 3 de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, amendement qui autorisait la rémunération des indics de police et de gendarmerie. Pour être effective, cette disposition nécessite que les modalités de rétribution de ces personnes soient déterminées par arrêté conjoint du ministre de la justice, du ministre de l'intérieur, du ministre de la défense et du ministre des finances. Quand sera signé cet arrêté conjoint ?

J'en viens à la partie plus locale de mon intervention, qui concerne le tribunal de Carpentras.

Je souhaite attirer votre attention sur la nécessité de nommer un juge pour enfants supplémentaire au tribunal pour enfants de Carpentras, dans le Vaucluse. Ce tribunal, vous le connaissez bien puisque vous l'avez vous-même inauguré le 29 septembre 2003. Sa création avait été programmée dans le fameux décret du 23 avril 2002 de votre prédécesseur. Sans affectation des crédits correspondants, elle n'a pas dépassé le stade de l'effet d'annonce.

Après une année d'existence, ce tribunal pour enfants se trouve déjà au bord de l'asphyxie, ce qui montre à quel point il était nécessaire. Si la loi offre désormais une panoplie complète en matière de justice des mineurs, la mise en œuvre des dispositions légales, particulièrement à Carpentras, se heurte à une pénurie de moyens. Le juge a beau multiplier les audiences pénales - d'une audience mensuelle, on est passé à une et demie, voire à deux -, il est difficile aujourd'hui de répondre à la double exigence de qualité et de rapidité.

En conséquence, pourriez-vous me faire savoir s'il serait possible à la Chancellerie de créer un poste de juge des enfants au tribunal pour enfants de Carpentras ? Si oui, dans quels délais ce poste aura-t-il une chance d'être pourvu ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. La parole est à M. Édouard Landrain.

M. Édouard Landrain. Je poserai, très brièvement, deux questions.

La première concerne la maison d'arrêt Lafayette à Nantes. Qu'en est-il des projets de désengorgement de cet établissement grâce à la construction d'un nouvel établissement ?

Ma deuxième question porte sur les pollutions marines. Depuis l'Erika, le procureur de Brest a été saisi d'un certain nombre de dossiers et il a pris des décisions extrêmement contraignantes pour les pollueurs. Le bilan a-t-il été fait ? Par ailleurs, la coordination est-elle bonne entre les services de justice, la douane et la marine nationale ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je souhaiterais, dans le prolongement des propos de Valérie Pecresse sur la délinquance des mineurs, m'arrêter brièvement sur la question des centres éducatifs fermés, qui me tient particulièrement à cœur, comme vous le savez, monsieur le ministre : je crois être le seul maire de ce pays à s'être porté candidat à l'implantation d'un tel établissement sur le territoire de sa commune, qui est un moyen de résoudre certains problèmes soulevés par nos collègues.

J'aimerais savoir, monsieur le ministre, quel bilan vous tirez des diverses évaluations successives qui ont été faites du dispositif depuis sa mise en place, à titre expérimental dans un premier temps, et dans sa phase de développement aujourd'hui. Comme l'a souligné Valérie Pecresse, ces évaluations, approfondies et contradictoires, ont été très positives, en ce qu'elles ont permis d'éclairer notre vision d'un dispositif nécessaire mais controversé. J'aimerais donc connaître les conclusions qu'il est possible d'en tirer : le cahier des charges initial a-t-il été respecté, ou le concept peut-il encore être amélioré, du point de vue de leur dimension et plus généralement des conditions de leur création et de leur développement ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Je répondrai pour commencer aux observations des rapporteurs, et d'abord à celles qui concernent les créations d'emplois. J'ai déjà abordé cette question dans mon propos liminaire, mais vos interrogations, notamment celles de M. Albertini sur les recrutements de magistrats, m'incitent à y revenir.

Les objectifs de la loi d'orientation étaient précis, mais nous avons été confrontés à une augmentation de la population carcérale plus importante et plus rapide que ce à quoi nous nous attendions. Elle avait certes commencé dès avant mai 2002 et l'arrivée de la nouvelle majorité, mais nous ne pensions pas que ce phénomène durerait aussi longtemps. Or nous en sommes maintenant à une augmentation de l'ordre de 10 000 détenus. J'ai donc dû modifier la répartition annuelle des créations d'emplois. Comme cela a été relevé, si nous sommes en deçà des objectifs en termes de recrutement de magistrats, nous les dépassons en ce qui concerne le nombre de créations d'emplois en faveur de l'administration pénitentiaire ; en ce qui concerne les greffiers et les agents des services administratifs, je crois que nous sommes « à l'équerre ». J'assume ces choix dictés par les nécessités.

Mes visites des juridictions, mes discussions avec les uns et les autres, m'ont appris que ce sont surtout les greffes qui ont besoin de créations rapides d'emplois. Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas recruter de magistrats, et je rappelle que le budget prévoit la création de 100 postes de magistrats supplémentaires, ce qui n'est pas rien. Il n'est donc pas question de mettre fin à cet effort. Je ne sais pas ce qui vous revient des juridictions de vos circonscriptions, mais on me dit beaucoup que le goulet d'étranglement se situe au niveau des greffes et des services administratifs plutôt qu'à celui des magistrats.

Telles sont nos priorités pour 2005 : continuer l'effort consenti en faveur de la pénitentiaire, car il est encore nécessaire, sans négliger les besoins des greffes et des services administratifs. Cela justifie le léger retard en matière de recrutement de magistrats au regard de nos engagements pluriannuels. Mais ce retard devrait être comblé en 2006 et 2007, ce qui nous permettra de revenir à un équilibre plus satisfaisant.

Plusieurs d'entre vous, notamment M. Albertini, ont évoqué l'engorgement des tribunaux administratifs. Les remèdes à apporter sont de plusieurs types. Il convient d'abord de faire porter nos efforts sur la carte judiciaire. Comme vous le savez, nous envisageons actuellement la création de deux tribunaux administratifs, l'un dans le Var et l'autre dans le ressort actuel du tribunal de Montpellier, soit à Nîmes, soit à Avignon. Il s'agit de remédier à la situation des tribunaux administratifs de Marseille et de Montpellier, qui souffrent d'un engorgement inacceptable, et le vice-président du Conseil d'État a fortement souligné la nécessité de créer le plus vite possible ces deux juridictions dans le secteur sud.

Cela ne doit pas nous dispenser de réfléchir, comme l'a suggéré M. Garraud, aux raisons profondes de cet excès du contentieux administratif. Je pense notamment au contentieux de la fonction publique. Pour avoir eu l'occasion de connaître ce domaine il y a quelques années, je suis absolument convaincu - et des pistes de réformes sont actuellement à l'étude au Conseil d'État - qu'il faut privilégier dans ce domaine le recours à des systèmes tels que l'arbitrage ou la médiation, peu importe le nom. On devrait, par le dialogue, parvenir à résoudre de façon satisfaisante beaucoup des problèmes qui se posent au sein des services de l'État, plutôt que de s'adresser systématiquement au juge administratif. On éviterait ainsi un contentieux massif et répétitif, puisque ce sont toujours les mêmes problèmes qui reviennent.

On pourrait même envisager de modifier les conditions d'accès à la justice administrative, de nombreux recours semblant abusifs et motivés par un certain esprit de système.

Je répondrai globalement aux intervenants qui, après M. Albertini, m'ont interpellé sur la situation des prisons. Je souhaite vraiment que cette question fasse consensus, et j'ai le sentiment qu'on y arrive. On ne peut pas en effet contester le fait que nos capacités pénitentiaires sont en deçà du nécessaire : il suffit pour s'en convaincre de comparer notre situation à celle de nos voisins européens qui partagent nos traditions en matière de respect des libertés individuelles. Nous sommes en retard, non seulement en termes de capacité physique, mais aussi en termes de qualité. Cela justifie d'une manière évidente notre programme de construction de 13 200 places.

Ce programme est désormais lancé. Vous me demandiez, madame Comparini, où nous en étions en termes de procédures. La réalisation de 5 794 places est d'ores et déjà engagée, et l'avis d'appel public à la concurrence est lancé. Je tenais particulièrement à ce que soit lancé le programme de construction de sept établissements pénitentiaires pour mineurs, pour avoir pu apprécier dans d'autres pays ce type de prise en charge des mineurs coupables de très graves délits, voire de crimes - car c'est de cela qu'il s'agit. Ces établissements spécifiques sont de véritables collèges fermés, organisés autour de la salle de classe et du terrain de sport, permettant tout au long de la journée le type de prise en charge qu'on est en droit d'attendre s'agissant de mineurs. Si l'on ne veut pas se résigner à ce que la prison soit quelque chose de destructeur, il faut se donner les moyens de permettre à ces jeunes d'en sortir en meilleur état qu'ils n'y sont entrés. Je suis convaincu que la prison peut être positive pour eux, pourvu qu'ils bénéficient d'une organisation différente. Tel est le but de ces sept EPM, qui devront être achevés fin 2006 et qui représenteront 420 places. J'ai tenu par ailleurs à ce que les quartiers des mineurs des établissements existants soient rénovés. Cette rénovation, aujourd'hui quasiment achevée, avait pour objectif de les séparer davantage des adultes et de leur offrir des conditions de vie acceptables.

J'avais souhaité également la présence d'éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse dans les établissements judiciaires. Cette mesure, très attaquée à l'origine, donne aujourd'hui toute satisfaction aux acteurs de ce secteur. Le but est de permettre à ceux qui suivaient déjà ces jeunes avant qu'ils n'arrivent en prison - ils sont malheureusement souvent connus des services de police - de continuer de les suivre pendant et après la détention, comme c'est le cas en Grande-Bretagne. L'organisation britannique est purement territoriale : l'équipe d'éducateurs qui a en charge les mineurs délinquants d'un quartier de Londres, par exemple, peut continuer à s'occuper d'eux s'ils sont incarcérés et à leur sortie de prison. C'est incontestablement un progrès substantiel.

S'agissant de la prison d'une façon générale, il s'agit d'assurer le succès des mesures proposées par le rapport Warsmann relatif à l'exécution des peines. Je vous rappelle que ce rapport avait reçu une approbation quasi unanime et avait inspiré certains articles de la loi de mars. Il nous reste à mettre en place les emplois correspondants.

On peut toujours demander plus d'emplois, mais il y a des limites à la capacité de recrutement - du moins en ce qui concerne les emplois du ministère de la justice, qui sont ceux que je connais le mieux aujourd'hui. Nous avons éprouvé ces limites lorsque nous avons voulu pourvoir des postes de surveillants de l'administration pénitentiaire : pour remédier à l'insuffisance du nombre de candidats aux concours, nous avons dû lancer une campagne d'information sur ces métiers, qui a d'ailleurs été couronnée de succès.

Nous avons la même difficulté s'agissant de la PJJ. Mme Pecresse a rappelé à juste titre que j'avais engagé la diversification des recrutements, afin que ce corps ne soit pas constitué uniquement de jeunes frais émoulus de l'école, mais soit ouvert également à des candidats justifiant d'une expérience professionnelle. Mais cette réforme avait aussi des motifs quantitatifs.

Il importe cependant, dans ces métiers très difficiles, que les équipes pédagogiques soient constituées de personnes de différentes générations : ce n'est pas très facile d'être confronté à un jeune de dix-sept ans quand on n'a soi-même que vingt-trois ans et qu'on sort de l'école. C'est alors qu'on a besoin d'un chef d'équipe qui a un tant soit peu roulé sa bosse et qui a une expérience de ces milieux.

Enfin, cette réforme nous permet de recruter des candidats ayant des profils différents et qui peuvent avoir envie d'exercer un autre métier. Je rappelle que le décret a été publié et que les premiers recrutements sont désormais possibles.

Nous comptons renforcer les équipes du service pénitentiaire d'information et de probation, le SPIP, et de la PJJ, afin qu'il existe une véritable préparation à la sortie. Je vous rappelle que le flux de sortie s'élève à 11 000, voire 12 000 personnes chaque année. L'aménagement automatique de la peine ne suffit pas, et l'esprit de la loi est de prévoir également un accompagnement à l'issue de la détention.

Ce dernier point m'amène très logiquement à parler de la récidive, que vous avez évoquée, monsieur Albertini, monsieur Léonard, et d'autres intervenants. Cette question se présente sous deux aspects, l'un législatif, l'autre relatif à l'organisation des services.

Sur le plan législatif, votre commission a accompli un travail considérable, qui doit aboutir à une proposition de loi. Le dispositif législatif que vous proposerez nous fournira, dans le respect de nos normes constitutionnelles, des outils supplémentaires pour lutter contre la récidive, en prévoyant notamment des sanctions plus lourdes en cas de récidive.

Mais la première étape de la lutte contre la récidive est l'amélioration du délai d'exécution des décisions de justice. Les deux lois de septembre 2002 et de mars 2004 comportent des mesures en ce sens. En outre, des bureaux d'exécution des peines sont mis en place à titre expérimental, et j'espère que ce dispositif pourra être généralisé très bientôt. Il est en effet essentiel que la peine soit exécutée immédiatement, en particulier pour les petits délits.

J'ajouterai incidemment qu'une peine acceptée est déjà à moitié exécutée, ce qui justifie la comparution sur reconnaissance préalable de la culpabilité, la CRPC, communément appelée le « plaider-coupable ». C'est pourquoi je suis profondément convaincu que la CRPC sera aussi un outil de lutte contre la récidive. Accepter, qu'on soit jeune ou moins jeune, de reconnaître la faute qu'on a commise et la sanction qu'elle entraîne - avec le conseil de son avocat -, c'est déjà s'engager dans une autre logique. La justice acceptée, c'est essentiel.

Toujours à propos de la PJJ, vous avez malheureusement mis le doigt, monsieur le rapporteure spécial de la commission des finances, sur le point les plus épineux - cela prouve que vous connaissez bien le sujet ! - : la question des jeunes majeurs. Il est exact que cette question pèse très lourd dans le budget de la PJJ, qui relève de ma responsabilité, au point qu'on peut s'interroger sur la légitimité de cette prise en charge spécifique.

Il y a eu une évolution au fil du temps. Au départ, l'idée était : quand on a en charge un mineur, on ne le lâche pas et on continue à s'en occuper. En fait, on s'aperçoit que des jeunes majeurs pris en charge ne l'ont pas nécessairement été lorsqu'ils étaient mineurs. C'est un sujet difficile, mais il ne faut pas chercher des solutions drastiques et brutales car il est des réalités humaines contre lesquelles on ne peut pas grand-chose.

Pour autant, j'ai demandé aux services de la protection judiciaire de la jeunesse d'être attentifs à cette dimension des choses. C'est un sujet, monsieur le président de la commission des lois - qui êtes par ailleurs président du conseil général de la Loire -, dont nous devrons forcément discuter avec les conseils généraux car il est clair qu'il ne faut pas prendre les gens par surprise. Il faut être conscient que si, à l'avenir, la PJJ se retire de ce type d'action, demeurera une problématique sociale.

Je parle en toute transparence de ce problème très important. Face à une réalité incontournable, les solutions ne sont pas simples.

S'agissant du meilleur contrôle du secteur habilité - M. Albertini et Mme Pecresse l'ont évoqué -, la question est de savoir comment répondre aux justes critiques de la Cour des comptes. Dans cette optique, nous avons, en 2002-2003, fait un très gros effort de réorganisation administrative, y compris pour l'administration centrale, à travers le renforcement de nos équipes et du rôle des directeurs régionaux et des directeurs départementaux. Face à un monde associatif complexe, qui, parfois, n'est pas non plus un modèle de gestion, cette réorganisation permettra à la PJJ d'exercer ce rôle de pilotage, de contrôle et de suivi dans le secteur habilité, avec une souplesse, mais aussi des moyens que nous sommes, de toute façon, dans l'incapacité de remplacer par un système en gestion directe.

Autre sujet évoqué par plusieurs d'entre vous : les frais de justice. Il y a un problème « frais de justice » en général, et un problème « frais de justice  LOLF ».

Le problème frais de justice en général, c'est qu'ils explosent : + 20 % par an. Pourquoi ? Parce que la police scientifique développe ses capacités et que les juges font de plus en plus appel à deux outils très importants : d'une part, les écoutes téléphoniques, en particulier des portables ; d'autre part, les analyses génétiques. Ces techniques, si elles permettent de faire aboutir des enquêtes, coûtent très cher. Et comme nous sommes plutôt en début de période, je ne suis pas sûr que le marché soit équilibré - pour employer une expression assez pudique.

S'agissant des écoutes de portables, j'ai demandé à un de mes collaborateurs d'entrer en contact - avec fermeté - avec les grands opérateurs téléphoniques afin de clarifier les choses en matière de facturations. Il nous faut aussi mettre de l'ordre chez nous, c'est-à-dire savoir commander une prestation, car si elle est faite de manière vague, il est sûr que la facture sera maximum. Si, par contre, la demande exprimée à un opérateur est précise, nous pourrons obtenir des prix plus intéressants.

Nous travaillons très sérieusement sur ce sujet car les coûts sont colossaux.

S'agissant des analyses génétiques, il en est de même. Mais le marché s'étant ouvert, les laboratoires vont certainement se multiplier, nous permettant de pouvoir bénéficier de prix plus raisonnables à l'avenir.

Conformément à la LOLF, nous aurons, en 2006, une ligne de crédits limitatifs. Par conséquent, il nous faudra, d'abord, nous mettre à niveau. M. Vaxès a évoqué le chiffre actuel inscrit au budget, et il est probable que celui-ci ne suffise pas à passer l'année 2005. Il nous faudra nous mettre à niveau sur un chiffre que je vais devoir discuter avec le ministère du budget - discussion difficile. Ensuite, il faut un dispositif nous permettant de tenir ce chiffre. Nous sommes en effet confrontés à un problème très important : le juge doit être libre de demander ou de ne pas demander une prestation technique et il est inconcevable qu'il soit enfermé dans une limitation budgétaire.

Face à des dépenses considérables, nous devons donc améliorer nos procédures, mais aussi travailler en bons gestionnaires, par exemple mettre en concurrence les entreprises. Pourquoi, lorsqu'une demande émane d'un juge d'instruction, ne pas mettre en concurrence plusieurs entreprises pour une dépense très lourde ? Vous avez évoqué, monsieur le rapporteure, le renflouement d'un chalutier. L'entreprise choisie était, je crois, la plus chère du marché mondial (Sourires), sans doute aussi la plus performante. Mais la prestation s'est élevée à 6 millions d'euros. Je ne conseille à personne ici de passer une commande de 6 millions d'euros sans faire appel à la concurrence ! D'autant plus, je me permets de le dire, qu'il risque fortement d'y avoir un délit à la clef. Et pourtant, c'est ce qui s'est passé.

Sur ce sujet des frais de justice, nous avons vraiment un problème d'organisation de la commande. Nous y travaillons beaucoup, et depuis plusieurs mois, pour améliorer le système.

Sans doute devrons-nous mettre en place un système de réserves. Il faudra en effet préaffecter des enveloppes dans les cours et les juridictions. Mon idée est qu'il y ait une enveloppe dans chaque juridiction. Une réserve au niveau des cours et une enveloppe nationale, donc. Cela dit, il n'est pas évident que nous puissions aller jusqu'à assurer les frais de justice.

J'en viens aux tutelles. Oui, monsieur le rapporteure, je suis partisan pour faire cette réforme ; j'y suis prêt depuis plusieurs mois.

La réforme des tutelles comprend deux volets. Un volet juridique - cette partie de la réforme est prête à la chancellerie - : il s'agit de renforcer la tutelle sur les personnes, et non pas se contenter d'une tutelle sur les biens. Certaines affaires dans l'actualité ont mis en exergue la nécessité de renforcer la qualité de la tutelle. Reste le volet social. J'ai bon espoir de présenter un texte au Parlement dans les prochains mois.

La LOLF. J'en ai parlé. Très sincèrement, le ministère de la justice a pris ce dossier avec conviction et volontarisme. Nous faisons des expériences dans un certain nombre de cours, et c'est une occasion supplémentaire pour mon ministère de réaliser de grands progrès en matière de gestion et de maîtrise de ces dépenses.

J'en viens aux questions complémentaires posées par Mme Pecresse.

Sur les vacances de postes dans les établissements pénitentiaires, vous avez cité un chiffre, certes, exact, mais au 1er janvier. Les postes sont créés budgétairement au 1er janvier ; or, au 1er janvier, ils ne sont pas pourvus. Il y a donc un effet d'optique : les postes vacants sont plus nombreux au 1er janvier, la vacance étant résorbée par les recrutements qui s'ensuivent. Aujourd'hui, le taux de vacance de postes dans la pénitentiaire s'élève à 3 % - ce qui est plutôt positif compte tenu des mouvements naturels d'effectifs -, et il sera difficile à améliorer. D'ailleurs, ceux qui parmi vous visitent les établissements n'entendent plus les critiques qui avaient cours il y a deux ans sur ce point. Il faut bien sûr renforcer le nombre de postes, et c'est ce qui justifie les créations de postes budgétaires. En arrivant à un flux continu de 2 000 personnes en formation, nous avons sensiblement amélioré les choses.

Vous avez, madame Pecresse, avec M. Blessig et d'autres parlementaires, évoqué la situation sanitaire dans les prisons.

D'abord, je tiens à dire que les dispositifs santé mis en place par mes prédécesseurs fonctionnent. On soigne les gens en prison ! Et ceux d'entre vous qui s'y rendent le savent parfaitement. On commence par soigner les dents des gens qui sont emprisonnés, car, la plupart du temps, leur santé bucco-dentaire est, lorsqu'ils arrivent, tout à fait déplorable. On soigne également les maladies qu'ils peuvent avoir en arrivant en prison. L'administration pénitentiaire assure une mission sanitaire de grande qualité, et il faut rendre hommage au travail des médecins et des infirmières.

Ensuite, des problèmes plus difficiles se posent. Celui des UHSI a été évoqué. Il y a en effet des grands malades, par ailleurs très dangereux, qui doivent être hospitalisés. La solution, c'est ce qui est pratiqué à Nancy et qu'il nous faut reproduire dans cinq ou six autres villes, afin que des hospitalisations durables se fassent en toute sécurité, ne pèsent pas trop sur les services pénitentiaires et les services de police et que les conditions de travail soient acceptables pour les médecins. À cet égard, l'établissement de Nancy est tout à fait exemplaire.

Autre question, la plus difficile : la santé mentale. Vous avez évoqué, les uns et les autres, l'étude en cours sur la prise en charge des détenus atteints de troubles psychiatriques. En fait, cette étude est terminée, mais j'hésite à en rendre public l'ensemble des éléments car les spécialistes eux-mêmes ne sont pas d'accord sur les chiffres. Vous le savez, les choses sont très compliquées en matière de santé mentale et de psychiatrie : il y a différentes écoles, des conceptions différentes, en particulier sur le niveau de responsabilité qu'on peut accorder à quelqu'un. Il faut donc être très prudent. La vérité, on la connaît : le nombre de personnes en établissements pénitentiaires présentant des troubles psychologiques ou psychiatriques tend à croître et a atteint aujourd'hui un niveau très préoccupant. Nous devons faire face à cette situation, qui bouscule non seulement la problématique pénitentiaire, mais aussi la problématique de santé publique.

En effet, il s'agit réellement d'un phénomène de santé publique. Et il est à mes yeux paradoxal de demander au système pénal et au système pénitentiaire de traiter des dossiers, des cas individuels qui, à mon avis, ne sont pas de leur compétence. À ma demande et à celle de M. Douste-Blazy - avec lequel nous avons commencé à parler de façon très approfondie du cas des détenus dangereux -, une commission s'est mise en place, présidée par M. Burgelin, qui devra nous indiquer ce que nous devons faire de gens extrêmement dangereux dont on sait pertinemment qu'ils le seront toujours à la fin de leur peine. L'affaire Bodein, en Alsace, est pour nous une interrogation qu'on ne peut pas balayer d'un revers de main. Cet homme, qui avait passé trente-cinq ans entre prison et hôpital psychiatrique, est soupçonné d'avoir tué deux petites filles six mois après sa libération ! Même si ces cas sont très rares - et heureusement -, ils prouvent que des hommes peuvent rester dangereux pour des raisons qui ne peuvent être que psychiatriques. En tout cas, on ne peut que s'interroger face à des réalités humaines aussi abominables et la société ne peut décemment pas accepter que certains détenus très dangereux ayant fini de purger leur peine soient remis dans la nature, considérant qu'on n'a plus à s'en occuper !

Il y a deux aspects à ce problème de la psychiatrie : les troubles psychiatriques, mais sans cette menace, sans ce danger aussi fort ; et ce deuxième aspect que je viens d'évoquer. Sur ces deux sujets, il nous faut incontestablement progresser. Il nous faut y réfléchir, il nous faut en débatte. Aujourd'hui, je ne détiens pas les solutions. Le manque de psychiatres est criant, tant pour la pénitentiaire que pour les centres éducatifs fermés. Nous avons un mal fou dans ce pays à faire face aux besoins.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Prenons des psychologues !

M. le garde des sceaux. J'entends : « prenons des psychologues » ! Je ne suis pas un spécialiste scientifique, mais une chose est sûre : il faut des professionnels ! Pas des gens qui racontent des histoires et qui peuvent rendre une personne plus malade qu'elle ne l'était avant qu'ils s'en occupent ! Cela existe, nous le savons tous !

S'agissant du travail en prison, la difficulté tient plutôt à l'environnement économique. Voici quelques pistes de corrections.

Nous travaillons avec les sociétés de gestion qui interviennent dans les établissements et qui proposent des postes. C'est un marché assez accessible.

Le marché industriel classique se restreint, car les tâches répétitives se font de moins en moins en France et de plus en plus par des machines. C'est une vraie difficulté.

J'exprime une interrogation, et je sais qu'elle n'est pas simple : nous pourrions essayer d'accéder à une sorte de marché protégé. Mais vous le savez, les CAT fonctionnent déjà dans ce cadre et il ne faudrait pas que nous, pénitentiaire, prenions des initiatives intempestives sans une discussion claire avec le monde du handicap, car il faut éviter de déstabiliser un dispositif qui a déjà bien du mal à se développer.

Il y a un travail important à faire concernant non seulement le travail en prison, mais aussi les chantiers extérieurs, qu'il faut développer, et les travaux d'intérêt général.

Je répondrai à M. Garraud sur les juges de proximité, que d'autres ont évoqués. Quoi qu'on ait pu entendre, il faut revenir à l'essentiel. La question est de savoir si nous voulons, oui ou non, ouvrir l'institution judiciaire sur la société civile. Ma réponse est oui. Sans que soient nullement remises en cause les qualités des uns ou des autres, c'est une nécessité pour répondre à un problème d'organisation sociale tout à fait considérable.

Plusieurs d'entre vous ont rappelé l'idée que les Français se font de la justice. Ayons le courage de reconnaître que, aujourd'hui, elle n'est pas positive. À vrai dire, il est parfois difficile qu'elle le soit. Souvent, les circonstances objectives font que les justiciables ne peuvent pas en garder un bon souvenir, qu'ils se retrouvent devant les juges dans le cadre d'un procès pénal ou pour trancher des drames familiaux, ou encore qu'ils aient affaire aux tribunaux civils dont les décisions ont une chance sur deux de ne pas les satisfaire.

Cela étant, nous devons faire en sorte que la justice soit une fonction mieux partagée par l'ensemble de nos concitoyens. Il ne s'agit pas de remplacer les juges professionnels, mais il serait bon d'ouvrir la maison sur l'extérieur, afin de rendre possibles les échanges de culture qui, rappelons-le, sont de tradition aux assises ou dans les tribunaux pour enfants avec les assesseurs. Sur instruction du Président de la République - je le reconnais, mais je crois que son intuition est très juste -, j'ai souhaité, pour juger les petits délits et trancher les petits litiges, pouvoir mettre à profit les compétences d'hommes et de femmes d'expérience - ils ont une vie derrière eux et une connaissance de la société - et qui peuvent apporter à des juges professionnels recrutés sur concours au temps de leur jeunesse une approche complémentaire. Voilà l'essentiel.

Il reste ensuite à savoir comment s'y prendre le mieux possible, en termes de recrutement, d'organisation et de rapports avec les juges d'instance. En tout état de cause, ma détermination à poursuivre cette réforme fondamentale est totale. Dans dix ans, elle sera perçue comme une extraordinaire amélioration, et elle aura en particulier contribué - j'en suis convaincu - à restaurer l'image que les Français se font de leur justice.

S'agissant des gels et des reports de crédits, évoqués, entre autres, par M. Vallini, je m'honore de participer à une gestion saine des finances publiques : c'est le devoir de tout ministre, quels que soient par ailleurs les impératifs qui s'imposent à lui. Quoi qu'il en soit, sachons faire preuve de mesure, ne sont concernés que 1 % des crédits. M. Vallini a décrit la réalité telle qu'elle était au mois de juillet, mais, depuis, les discussions avec mon collègue des finances ont abouti et les contraintes portent sur 1 % du budget, ce qui tout à fait raisonnable. Plus globalement, le budget global du ministère aura augmenté en trois ans de 17 %. Si la tendance se poursuit, la progression sera de plus d'un tiers. C'est dans la durée qu'il faut raisonner car il faut du temps pour obtenir des résultats.

Le budget pour les repentis relève de celui de la police. Je ne me défausse pas, mais il en est ainsi. Les dispositifs seront en place.

Nous avons pris deux dispositions en faveur des emplois-jeunes : d'une part, faire en sorte que leurs titulaires puissent préparer dans de bonnes conditions les concours statutaires ; d'autre part, prévoir des postes contractuels destinés à celles et ceux qui, pour des raisons personnelles, ne peuvent pas passer les concours, mais qui nous intéressent compte tenu de leurs qualités.

Dans le domaine de la PJJ, il n'est pas question d'abandonner le milieu ouvert. Je sais tout ce qu'apporte le travail des éducateurs. Mais nous avançons par touches successives et la réorganisation des services autour des directeurs régionaux et départementaux devrait permettre d'améliorer les conditions de travail.

Je passe rapidement sur la loi Perben II. Elle fonctionne, en particulier pour lutter contre la pollution maritime. Elle a permis d'engager des poursuites à l'encontre d'équipages qui dégazaient en mer et de sanctionner sévèrement les coupables. Les gros dossiers de criminalité organisée devraient aussi être instruits dans de bonnes conditions.

Un mot sur le « plaider-coupable ». Comme je l'ai dit à propos de la récidive, je suis convaincu de son efficacité, et je reste persuadé qu'il représente pour les avocats une extraordinaire opportunité d'enrichir leur métier. L'alternative, dans le cas d'un petit délit - puisque c'est de lui qu'il s'agit -, est simple. Soit l'avocat est saisi après l'enquête préliminaire qui a abouti à la mise en cause de son client, et il prépare alors une audience correctionnelle qui aura lieu plusieurs mois après et qui durera trois minutes et demie. Soit, et cela correspond à ce que j'ai vu in situ, un vrai dialogue s'instaure entre l'avocat, la personne qui est poursuivie et le procureur - ou son représentant. Ensuite, après le délai de réflexion qui s'impose, il y a passage devant le juge - avec, de nouveau, une discussion. Selon les chiffres les plus récents dont je dispose, environ 60 % des propositions sont acceptées par le juge du siège et 40 % repoussées. La proportion prouve bien qu'il ne s'agit pas d'une formalité. On ne se contente pas de donner un coup de tampon, comme le redoutaient certains d'entre vous au moment de la discussion du texte. Il est encore trop tôt pour se faire une idée définitive, mais on pourra faire le point dans un délai d'un an. En ce qui me concerne, la procédure me paraît intéressante.

J'ajoute, à propos de l'aide juridictionnelle, que la CRPC représente cinq unités de valeur, au lieu de huit pour la procédure ordinaire, mais, si la victime est présente ou représentée, le tarif est majoré de trois unités de valeur, ce qui aboutit au même niveau que pour une audience devant le tribunal correctionnel.

Sur les juges de proximité, j'ai déjà répondu, monsieur Vaxès. Les primes modulables, je m'en suis expliqué à plusieurs reprises, sont désormais décidées par les chefs de cour sur proposition des chefs de juridiction, et leur attribution se fait dans la sérénité. Je rappelle tout de même que la modulation s'explique par le fait que j'ai obtenu en trois ans une augmentation des primes des magistrats de 9 % - deux fois 4 % et une fois 1 % - et, à ces niveaux de grade et de salaire, peu de fonctionnaires de l'État en ont eu autant, indépendamment des autres augmentations indiciaires. Cette « contrepartie », demandée par le ministère de l'économie et des finances, était légitime.

Le nombre des suicides en prison a baissé au cours des trois dernières années. Nous pouvons agir dans deux directions. Consulté à ma demande, le professeur Terra, psychiatre spécialisé, nous a permis de mettre en place une formation des surveillants pour prévenir les suicides. La lecture de son rapport m'a instruit sur les signes donnés par une personne suicidaire, qui ne sont pas évidents à repérer et à interpréter. Le travail important qui a été accompli commence à porter ses fruits ; il a aussi été l'occasion de revoir les conditions matérielles de détention pour empêcher le passage à l'acte. L'autre réponse réside dans le traitement psychologique et psychiatrique, sur lequel je ne reviens pas.

En ce qui concerne la construction d'établissements pénitentiaires, madame Comparini, dans certaines villes, tout se passe bien, dans d'autres, dont Lyon, le contexte est difficile. Sachez que j'ai l'intention d'utiliser, le moment venu, les procédures qui existent en droit français pour faire prévaloir l'intérêt général. Il en ira de même pour les centres éducatifs fermés. En toute logique, on ne peut pas à la fois en réclamer l'ouverture dans ses discours, et tout faire pour éviter leur implantation dans telle ou telle circonscription. Pour la mise en place des établissements pénitentiaires ou éducatifs qui concourent à la sécurité des Français, et sans qu'il s'agisse d'une menace, je prendrai mes responsabilités, quitte à recourir, s'il le faut, aux procédures contraignantes. Que les choses soient claires. On ne peut pas à la fois avoir une grande ambition en matière de sécurité et se priver des moyens de la réaliser pour des raisons purement locales, qui sont, finalement, assez secondaires.

Monsieur Rochebloine, votre affaire est très compliquée !

M. François Rochebloine. Mais non, monsieur le ministre, elle est très simple.

M. le garde des sceaux. Elle est l'est pour vous ! Nous pourrons en reparler en dehors de cette enceinte, mais la concertation a eu lieu, et il ne semble pas que votre projet de redécoupage fasse l'unanimité.

M. François Rochebloine. Il s'agit non pas d'un redécoupage, mais d'un regroupement sur lequel tout le monde est d'accord.

M. le garde des sceaux. Il faudra que vous me donniez davantage d'informations !

En ce qui concerne la durée des procédures pénales, M. Marsaud a raison pour les affaires lourdes. La réorganisation en cours autour des pôles de criminalité organisée devrait améliorer la gestion de ce type d'affaires. À propos du tribunal de Limoges, je lui répondrai par écrit, d'autant qu'il est parti...

S'agissant de l'ourse abattue dans les Pyrénées, une procédure judiciaire a été ouverte. Il semble bien - mais je ne peux pas en dire davantage puisque l'enquête est en cours - que les personnes en cause n'avaient rien à faire sur place. Pour éviter d'être menacé par un ours, le mieux est encore de ne pas aller le chercher.

M. de Roux m'a interrogé sur le projet du site judiciaire de Paris. L'établissement public qui a vocation à le construire est en place, la procédure de sélection des sites a été engagée. Le conseil d'orientation et le conseil d'administration ont retenu en priorité les sites hospitaliers, c'est-à-dire la Cité et Saint-Vincent-de-Paul - puisqu'il faut qu'une partie des deux sites soit mise à contribution -, et, en deuxième priorité, la ZAC Tolbiac.

L'étude est en cours. Elle constitue un très gros chantier. Il convient de déterminer le meilleur emplacement et de passer à la réalisation le plus rapidement possible.

J'ai déjà évoqué, monsieur Blessig, la santé en prison.

Je tiens à souligner que la loi Kouchner relative aux détenus âgés a été appliquée 151 fois, chiffre considérable, puisqu'il signifie que 151 personnes ont été libérées au titre de cette loi. L'administration pénitentiaire prend désormais l'initiative. La loi, en effet, ne fonctionnait pas bien parce qu'il appartenait aux intéressés eux-mêmes de demander à en bénéficier, ou à leurs familles. Compte tenu de l'âge de ces détenus et du fait qu'ils sont le plus souvent totalement abandonnés par leurs familles, personne ne se souciait d'eux. C'est la raison pour laquelle, au travers d'une circulaire permanente, j'ai demandé à l'administration pénitentiaire de prendre l'initiative dès qu'elle a connaissance d'une situation entrant dans le cadre de la mise en œuvre de la loi. Des détenus, parfois célèbres, ont également formulé eux-mêmes des demandes.

Monsieur Mariani, je tiens à noter que des indicateurs de performances qui paraissent quantitatifs se révèlent être, bien souvent, de surcroît, de nature qualitative.

En ce qui concerne le tribunal de Carpentras, vous avez raison, l'effectif des magistrats est insuffisant. Une étude a été menée. Je puis vous annoncer d'ores et déjà que je proposerai, dans le cadre du budget de 2005, l'affectation à ce tribunal d'un juge pour enfants supplémentaire. La nomination pourrait intervenir lors du mouvement du printemps, avec prise de fonctions en septembre 2005.

M. Thierry Mariani. Je vous remercie, monsieur le garde des sceaux. Mais qu'en est-il des indicateurs de police ?

M. le garde des sceaux. J'ai fait écho, il est vrai, à la question portant sur les indicateurs de performance.

L'arrêté interministériel concernant les indicateurs de police est en cours d'élaboration, entre les ministères de la défense, de l'intérieur, des finances et de la justice. L'arrêté devrait être prêt à la fin de l'année. Il s'agit d'élaborer un système qui fonctionne.

S'agissant des pollutions marines, monsieur Landrain, une trentaine de procédures sont en cours et le cautionnement recueilli s'élève actuellement à 6,5 millions d'euros, ce qui est une somme considérable. Le texte est applicable et très utile. Une véritable chasse à la pollution est désormais ouverte.

Monsieur Vanneste, les grâces présidentielles du 14 juillet dernier ont fait tomber le nombre des placements électroniques à 500. Mon objectif est de placer deux mille personnes sous bracelet électronique. C'est là, compte tenu de nos moyens techniques, un objectif raisonnable.

Il est vrai qu'il n'existe actuellement pas dans le Nord de centre d'éducation fermé. Mais il y en a à proximité.

Monsieur Geoffroy, les centres d'éducation fermés constituent une expérience difficile mais positive. Elle est difficile parce que, par définition, les CEF concernent des garçons, quelquefois des filles, multirécidivistes et dont la personnalité est déstabilisée, voire déglinguée. Ces jeunes nécessitent un immense travail de la part des éducateurs, des médecins et des psychiatres qui les suivent. Le résultat est positif dans la mesure où la majorité de ceux qui sont passés par les CEF reprennent par la suite un cursus normal de formation ou de retour à l'emploi. J'ai la conviction qu'il convient de continuer à mettre en place de nouveaux centres. Une dizaine de centres sont actuellement ouverts. Il nous faudra en créer un nombre au moins équivalent l'année prochaine. Vingt centres ne permettront pas de tout régler, mais il convient de poursuivre l'effort, lequel suppose de rassembler des équipes pédagogiques expérimentées. Le résultat est positif et constitue un des facteurs, relevés par Mme Pecresse, de l'importante diminution du nombre de jeunes incarcérés. Nous sommes passés le mois dernier en dessous de la barre des 600 jeunes incarcérés, alors qu'ils étaient 925 il y a deux ans et demi. Cela en dit long sur les campagnes menées par d'aucuns contre certain garde des sceaux qui voulait, prétendaient-ils, incarcérer les mineurs ! En guise de réponse, je les renvoie à la réalité des chiffres !

M. Jean-Jacques Descamps, suppléant M. Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. M. Méhaignerie, président de la commission des finances et M. Clément, président de la commission des lois, ont dû s'absenter. Je vous prie, monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d'État, de bien vouloir les en excuser.

La parole est à M. Édouard Landrain.

M. Édouard Landrain. Qu'en est-il, monsieur le garde des sceaux, de la maison d'arrêt La Fayette de Nantes, qui est, à l'heure actuelle, surpeuplée ? Où en sont les projets de construction ?

M. Jean-Jacques Descamps, suppléant M. Méhaignerie, président de la commission des finances. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Un établissement pour mineurs est prévu, ce qui, il est vrai, ne résoudra pas tous les problèmes liés à la surpopulation carcérale. Un établissement pour les peines courtes est également prévu en fin d'application de la loi d'orientation et de programmation pour la justice. Il s'agit là d'un concept nouveau, celui d'une prison plus légère.

Ce n'est pas le moment d'ouvrir le débat, mais il me semble ridicule d'enfermer la quasi-totalité de nos détenus dans des établissements à niveau de sécurité identique. Un détenu condamné à quinze jours de prison ne présente pas les mêmes risques d'évasion qu'un détenu condamné à une peine beaucoup plus lourde. Si je puis me permettre cette image, un hôtel F1, pourvu d'une porte fermant à clef, me semble suffisant dans son cas. Il en est de même des centres de semi-liberté, qui doivent être conçus comme de simples hôtels fermés. L'ouverture sur l'agglomération nantaise d'un établissement pour les peines courtes nous permettra d'apporter une réponse, au moins partielle, à la surpopulation carcérale que connaît actuellement la Loire-Atlantique.

M. Jean-Jacques Descamps, suppléant M. Méhaignerie, président de la commission des finances. La parole est à Mme la secrétaire d'État aux droits des victimes.

Mme la secrétaire d'État aux droits des victimes. J'ai relevé avec satisfaction que chacun a pu apprécier tout l'intérêt de ma mission, laquelle tend à rapprocher de la justice les victimes et, plus généralement, l'ensemble de nos concitoyens. Nous ferons, je l'espère, encore mieux l'année prochaine. Cela a été souligné lors du débat, des subventions supplémentaires viendront compenser l'accroissement des besoins. Il est bon de programmer des dépenses au bénéfice des victimes. Si le consensus établi en la matière nous permet à tous d'agir dans le même sens, nous parviendrons en France - je l'espère du moins - à améliorer sensiblement, au quotidien, le sort des victimes. Tel est notre objectif.

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d'État, nous vous remercions d'avoir participé à la réunion de la commission élargie.

(La réunion de la commission élargie s'achève à douze heures quarante.)