Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2006-2007) |
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Nous commençons par une question du groupe socialiste.
Monsieur le Premier ministre, vous avez organisé, le 14 décembre, une conférence sur l’emploi et les revenus. Si votre objectif véritable était de faire l’unanimité des organisations syndicales, le résultat a été remarquable : pour la CFDT, vos déclarations ont été « notoirement insuffisantes » ; pour la CGT, la conférence n’a été qu’une « mise en scène » ; la CFTC a jugé le résultat « très superficiel ». L’opinion générale est résumée par l’appréciation du secrétaire général de Force ouvrière : « Tout ça pour ça ! »
Il est vrai que, sur le fond, les mesures avancées révèlent que le Gouvernement et la majorité n’ont pas pris la mesure des aspirations des Français en matière d’emploi, d’augmentation des salaires et de lutte contre la précarité.
Quant à la forme, votre conception du dialogue social est singulière : après avoir refusé d’inscrire dans la loi les recommandations du Conseil économique et social sur la définition d’une nouvelle représentativité des syndicats ou le principe des accords majoritaires, vous convoquez les partenaires sociaux pour une prétendue conférence, dont les résultats avaient déjà été annoncés la veille par votre ministre de l’emploi.
Il est vrai que le Gouvernement aura refusé pendant cinq ans l’application de l’accord de décembre 2001, pourtant signé par toutes les organisations syndicales de salariés et les représentants de 800 000 entreprises artisanales.
Il est vrai qu’il aura imposé le CNE par voie d’ordonnance et tenté de faire passer le CPE sans aucune consultation des partenaires sociaux.
Il est vrai que le Gouvernement et la majorité auront réussi à remettre en question le principe de faveur et le respect de la hiérarchie des normes, par voie d’amendement, à la sauvette et dans l’ignorance des syndicats.
Monsieur le Premier ministre,…
Monsieur le Premier ministre (« Où est-il ? » sur les bancs du groupe socialiste), votre discours sur le dialogue social n’est pas un discours de la méthode, mais une méthode pour le discours électoral. Ne pensez-vous pas qu’il serait temps d’assumer votre bilan et celui de la majorité, et de renoncer à instrumentaliser les partenaires sociaux pour des opérations de communication politique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Je pense notamment à la situation des 190 000 jeunes qui sortent du système éducatif ou d’une formation sans qualification ni perspectives. C’est un vrai sujet sur lequel nous avons entamé un travail de fond en développant la formation en alternance et la professionnalisation des diplômes, tout en engageant, Gilles de Robien et moi-même, une réforme de l’orientation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Plus concrètement, en matière de logement, la garantie des risques locatifs bénéficiera, à partir de janvier prochain, à chacun, quelle que soit la nature de son contrat de travail, et même s’il est au chômage, pour que tous puissent accéder au logement.
De plus, la revalorisation de 2,8 % de l’allocation logement évitera la discordance entre le prix du loyer et le coût de la vie. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Enfin, et c’est essentiel, pour améliorer la situation d’un certain nombre de femmes qui subissent leur temps partiel, nous avons pris des mesures pour faciliter l’accès à la formation, l’accompagnement et la validation des acquis de l’expérience. Peut-être cette réalité concrète vous gêne-t-elle, monsieur le député ?
Quant à l’Europe, elle est toujours un bouc émissaire pratique pour masquer nos propres faiblesses et l’incapacité des gouvernements qui se sont succédé depuis des années à rendre la France plus compétitive et à assainir nos finances publiques. Beaucoup de pays membres de la zone euro sont en meilleure santé économique que nous, alors qu’ils sont soumis, tout comme nous, à l’euro et à la politique de la BCE.
Critiquer la politique de la Banque centrale, c’est également faire un mauvais choix économique. Sa mission, celle que les peuples lui ont fixée,…
J’ajoute que, si nous n’avions pas l’euro, compte tenu de l’état calamiteux de nos finances publiques, notre monnaie serait attaquée et nous devrions probablement multiplier les dévaluations, comme cela a été le cas à partir de 1981.
Elle lutte contre l’inflation parce que les peuples l’ont voulu. Cela devrait aller de pair avec une meilleure coordination des politiques économiques au sein de la zone euro.
Monsieur le Premier ministre, après deux ans à Matignon, avez-vous quelque idée et comptez-vous prendre quelque initiative en la matière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
Puisque vous avez qualifié de « calamiteux » l’état des finances publiques, je tiens à vous apporter une bonne nouvelle (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) : la France est sortie de la procédure de déficit excessif, sur proposition de la Commission européenne elle-même. Elle est le premier des grands pays de la zone euro à y être parvenu. Il est vrai que nous avions à supporter le coût des 35 heures (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste), mais, si le choc a été violent, nous l’avons encaissé.
En ce qui concerne nos relations avec les représentants de la Banque centrale européenne, vous savez qu’une réunion a lieu tous les mois, dans le cadre de l’Eurogroupe. Je rappelle du reste que, en ce qui concerne la gestion au jour le jour de la politique monétaire au sein de la zone euro, les choses sont extrêmement claires : l’indépendance et le mandat de la Banque centrale européenne ont été ratifiés par l’ensemble des État membres et ne peuvent donc susciter de contestation. Cette situation impose à l’Eurogroupe de jouer pleinement son rôle. C’est le cas.
J’en veux pour preuve la discussion que j’ai souhaitée, il y a trois semaines, au sujet de la volatilité de l’euro, que, en tant que ministre de l’économie, je juge excessive. Son cours est en effet passé en quelques semaines de 1,25 à 1,33 dollar. Estimant que c’est dangereux pour notre économie, j’ai demandé une discussion approfondie sur la question. Ce fut fait et, après de longues heures de débat, le président de l’Eurogroupe, M. Jean-Claude Juncker, a émis, en notre nom à tous, des réserves sur la volatilité de l’euro, dont le danger pour l’économie nécessite de notre part une grande vigilance.
Depuis j’ai constaté une amélioration. Cela n’empêche pas que la relation institutionnelle qui existe entre l’Eurogroupe et la Banque centrale doit être consolidée. Croyez bien que, au nom du gouvernement de Dominique de Villepin, je m’y emploie activement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Aujourd’hui, 20 décembre, 20 000 familles sont pénalisées dans le Rhône : 15 % d’entre elles subissent des coupures totales ; 30 % sont limitées à une puissance de 1 000 watts – à peine de quoi faire fonctionner un petit chauffage d’appoint – et 55 %, à 3 000 watts.
Comble du mépris : EDF gagne de l’argent en coupant les compteurs. C’est, en grandeur nature, le dépeçage du service public pour le compte de financiers parasites qui rêvent tout haut de faire leurs choux gras de notre société nationale d’électricité et de gaz. (« La question ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le Premier ministre, refusons cette France égoïste. Agissons pour ne pas être coupable de non-assistance à personnes en danger de mort ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Le Gouvernement accorde 100 000 places pour héberger les personnes confrontées à des difficultés de logement. Cette mesure représente un milliard d’euros dans le budget de l’État. Si nous avons créé, au cœur de l’été, l’hébergement de stabilisation, c’est bien pour apporter de nouvelles réponses de fond, qui conjuguent la nécessité du logement et celle de la sortie de l’exclusion. Si, la semaine dernière, le Premier ministre a annoncé la création de la garantie des risques locatifs, c’est bien pour permettre à chacun d’accéder au logement grâce au prêt d’une caution garantissant le loyer. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
En ce qui concerne les coupures d’énergie, la loi portant engagement national pour le logement a prévu, là encore, des réponses concrètes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
La loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne contribue à cette évolution. Cette loi, que vous avez portée, a permis à notre pays de combler son retard dans un domaine qui répond aujourd’hui aux nombreuses attentes de nos concitoyens en matière de services. Les besoins sont multiples, qu’il s’agisse des gardes d’enfants, de l’aide aux personnes âgées et aux personnes handicapées ou des menus travaux et des aides informatiques qui facilitent la vie quotidienne des ménages.
Depuis le début de l’année, avec l’agence des services à la personne, présidée par Laurent Hénart, vous avez lancé la professionnalisation du secteur. En fin de semaine dernière, vous avez annoncé le souhait du Gouvernement d’élargir l’accès à ces services au plus grand nombre de foyers possible, notamment aux plus modestes, par le biais d’un crédit d’impôt.
Pourriez-vous nous préciser quelles mesures vous envisagez de prendre pour professionnaliser le secteur ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Par ailleurs, nous voulons faire de ces métiers de service à la personne de vrais métiers. Ainsi, en liaison avec l’agence nationale des services à la personne et après les grandes assises régionales qu’a présidées Laurent Hénart (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains),…
L’investissement dans la formation, qu’il s’agisse de l’alternance, de la formation tout au long de la vie ou de la validation des acquis de l’expérience, sera encouragé. Ainsi que je viens de le souligner à propos des emplois à temps partiel, c’est l’une des conséquences de la conférence emploi-revenus que nous avons tenue la semaine dernière.
Enfin, un plan dans la durée nous permettra, sur deux années,…
Depuis plus de quatre ans, 32 000 hommes sont engagés en Afghanistan dans le cadre de la Force internationale d'assistance à la sécurité de l'OTAN, dont quelque 1 100 militaires français, que j’ai eu le privilège et l’honneur de rencontrer et dont je veux souligner le professionnalisme, ainsi que l’image qu’ils donnent de la France. Parmi eux, 200 militaires appartiennent à nos forces spéciales.
Madame la ministre, vous rentrez d'Afghanistan, où vous avez annoncé le retrait de ces forces spéciales. Pourriez-vous nous préciser les raisons qui ont conduit à une telle décision et, surtout, les mesures que la France entend prendre pour continuer à tenir toute sa place dans la lutte contre le terrorisme international ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Aujourd’hui, le théâtre d’opérations de l’Afghanistan est réorganisé : il passe en totalité sous la maîtrise des forces de l’OTAN. Dans le même temps, l’armée nationale afghane, que nous contribuons à former, avec les Américains, est en phase de montée en puissance. Tirant les conséquences de cette double évolution, la France a décidé, ainsi que je l’ai dit devant votre commission des affaires étrangères le 5 décembre dernier, de réorganiser son dispositif, tout en maintenant ses effectifs globaux.
Elle a ainsi décidé de retirer ses forces spéciales et, dans le même temps, de mettre en place une formation pour des forces spéciales afghanes. Elle a décidé aussi de participer à la création d’un service de santé militaire pour les Afghans. Elle a décidé enfin d’accroître sa réactivité au bénéfice des alliés et de la coalition, en prolongeant, sur l’année, la présence de son aviation de chasse, en déployant des hélicoptères sur le théâtre et en permettant, en cas de besoin de nos alliés, que nos troupes installées à Kaboul puissent leur prêter main-forte sur tout le territoire.
L’ensemble de ces dispositifs est totalement approuvé et par les autorités afghanes et par nos alliés, ainsi que j’ai pu le constater avant-hier et hier à Kaboul. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Défini par des décrets datant des années cinquante, le système de décharge de cours permet à certains professeurs de bénéficier, pour différents motifs, d'un allégement de service d'une à trois heures. Pointées du doigt dans un rapport de la Cour des comptes de janvier 2005 et, en avril, par un audit réalisé par les inspections générales de l'éducation nationale et des finances, ces décharges ne correspondent plus à la réalité et aux besoins de l'école d'aujourd'hui.
On entend ainsi souvent que les décharges sont un avantage acquis. Non, elles sont obtenues contre une obligation de service, à la place des heures qui ne sont pas effectuées dans le cadre de la mission d’enseignement normale.
J’entends dire ensuite que cela concernerait 150 000 enseignants. C’est faux : cela en concerne 30 000. Voilà la vérité !
J’entends dire aussi qu’il n’y a pas eu de dialogue social. Or cela fait deux ans que l’on en parle avec les partenaires sociaux. J’ai reçu toutes les fédérations et, récemment, l’intersyndicale. Oui, il y a eu un vrai dialogue social.
Enfin, j’entends dire que, avec ce nouveau texte, il faudrait enseigner dans plusieurs communes. En fait cela existe depuis le décret de 1950, soit depuis cinquante-six ans.
Je vous remercie, monsieur Terrot, de m’avoir permis de faire le point sur cette mesure, qui est une mesure de justice sociale, car, à mission égale, travail égal. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Personne n’a le monopole de la souffrance sociale, mais chacun, à commencer par le Gouvernement, a le devoir de lutter contre les dégâts terribles que causent à nos entreprises les décisions prises par des actionnaires lointains et anonymes.
Quand l’État est absent, ou quand il se contente d’observer, la négociation sociale se résume au dialogue du pot de terre contre le pot de fer.
À Autun, à Château-Chinon, à Levallois, à La Tour du Pin, les salariés de Dim se sentent abandonnés. Le ministre de l’emploi, prétextant la négociation, refuse de rencontrer les élus et annule ses rendez-vous au mépris de la parole donnée. C’est là un flagrant délit de capitulation sociale qui, commis dans la France d’aujourd’hui, augure mal de ce que sera « la France d’après ». C’est le laisser-faire et le faire semblant ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le Premier ministre, je vous demande solennellement que l’État tienne enfin, en urgence et en sincérité, les engagements qu’il a pris, non seulement en faveur d’hypothétiques revitalisations, mais aussi pour soutenir les justes exigences des salariés de Dim. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Si vous comparez ce qui a été fait pour Lu et Danone avec ce qui l’a été pour Hewlett-Packard et Sogerma, vous constaterez une différence ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Comme vous le savez, nous avons reçu les représentants des salariés et ceux de l’entreprise, ainsi que les élus…
Le député Jean-Paul Anciaux, qui suit ce dossier depuis douze mois, a fait le choix de la responsabilité (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), celui de l’avenir des salariés et des bassins d’emploi. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le ministre, les Français sont très attachés à La Poste et à leurs facteurs. (« Ah ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Les élus que nous sommes veillent en permanence sur ce grand service public qui est une composante essentielle de l’aménagement du territoire et de l’économie nationale.
La commission supérieure des postes a récemment attiré votre attention sur les conséquences de l’ouverture à la concurrence, qui doit se faire sans fragiliser ou déstabiliser La Poste française, opérateur public historique. Nous devons donc être vigilants et faire preuve d’un très grand volontarisme dans nos négociations avec l’Europe. Ce sujet est bien d’actualité, puisqu’un projet de directive européenne postale a été récemment publié. Heureusement, ce texte laisse aux États une certaine latitude pour organiser et financer leur service universel.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer quelle sera la position de la France – que nous espérons ferme – afin que La Poste puisse poursuivre son développement et sa modernisation, tout en préservant ses 17 000 points de contact avec les Français (« Les bureaux de poste ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et son réseau de facteurs qui, pour un grand nombre de nos concitoyens, sont quotidiennement irremplaçables par le service et la présence qu’ils apportent. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
La directive contient des dispositions plutôt sympathiques, notamment la définition qu’elle donne du champ et des obligations du service universel, qui correspondent à notre propre conception.
Il est en revanche certaines questions auxquelles la directive n’apporte pas de réponse satisfaisante à ce jour. C’est le cas, en particulier, du mode de financement du service universel public.
La Poste bénéficie actuellement du service réservé pour les envois de moins de cinquante grammes, mais la directive ne prévoit pas la garantie de financement que nous souhaitons. C’est ce que j’ai dénoncé la semaine dernière au conseil des ministres des télécommunications (« Ah ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains)…
Après avoir fait un constat alarmant des dangers encourus par des milliers d’enfants victimes de l’emprise sectaire, la commission a formulé cinquante propositions visant à mieux garantir les droits des enfants, conformément à la convention de New York dont la France est signataire.
La commission vous demande notamment, monsieur le ministre, d’intervenir afin de redéfinir les conditions d’attribution du titre de psychothérapeute. L’article 52 de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, dû à une initiative parlementaire et adopté à l’unanimité, est venu combler un vide juridique qui permettait à n’importe qui de s’autoproclamer psychothérapeute rien qu’en vissant une plaque à la porte d’un cabinet, sans aucune garantie ni information des patients. Or à ce jour, plus de vingt-neuf mois après la promulgation de la loi du 9 août 2004, le décret d’application n’a toujours pas été publié. Il semble que des pressions de la part d’organisations peu représentatives, mues par des intérêts financiers ou sectaires, soient à l’origine de cet enlisement. C’est pourquoi, monsieur le ministre, dans un souci de protection des victimes, la commission d’enquête souhaite savoir à quelle date ce décret d’application sera publié. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Comme je m’y suis engagé, ce décret sera publié avant la fin de la législature. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Depuis ma prise de fonctions en juin 2005, je n’ai eu de cesse de faire avancer ce dossier particulièrement complexe. Nous avons réussi à rapprocher les points de vue et nous sommes même parvenus à un équilibre, ce que certains estimaient impossible.
Afin d’offrir aux patients des garanties en termes de qualité et de sécurité de la pratique – il ne s’agit que de cela, et non de créer une nouvelle profession – une formation théorique de 400 heures et une formation pratique de la même durée seront désormais exigées, ce qui répond aux préoccupations exprimées par la mission parlementaire que vous avez présidée, monsieur Fenech.
En matière de santé publique, il est interdit de n’avoir qu’une priorité, c’est pourquoi mon ministère est présent sur toutes les questions. Ainsi, la DGS travaille actuellement sur l’accompagnement des personnes ayant quitté une secte, afin de prévenir toute rechute. À ce titre, des référents spécialement formés seront désignés dans les services déconcentrés et dans l’administration centrale.
Enfin, nous travaillons à la mise en place d’un code de déontologie des psychothérapeutes. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
Les Français ont longtemps eu confiance en leur système de santé, notamment en raison du fait que l’accès aux soins était satisfaisant. Malheureusement, tel n’est plus le cas aujourd’hui, tant la situation n’a cessé de se dégrader.
Alors que le Gouvernement est longtemps resté passif face à ces évolutions, il semble que la fin de la mandature l’incite à porter un coup fatal à notre protection sociale, en tentant de passer en force, sans même consulter la représentation nationale, pour imposer le secteur optionnel. Sans doute nombre de nos concitoyens ignorent-ils encore de quoi il s’agit, mais il faut qu’ils sachent que, si ce système était appliqué, mieux vaudrait, pour les soins les plus importants – notamment la chirurgie et les spécialités les plus lourdes – disposer d’une bonne assurance complémentaire pour ne pas en être de sa poche.
Fort heureusement, le Conseil constitutionnel, saisi par le groupe socialiste, vous a sanctionnés en censurant vingt articles de votre projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce qui constitue un désaveu sans précédent de l’action gouvernementale.
S’agissant de l’accès aux soins, et notamment de la CMU, il y a ceux qui sont dans l’agitation, comme vous, et ceux, qui, comme nous, recherchent des solutions. Or jamais, dans le cadre du PLFSS, vous n’avez déposé le moindre amendement sur la question de l’accès aux soins. Si vous aviez des choses à proposer en la matière, cela se saurait.
Il fallait rappeler, par exemple, que c’est la première fois que le Conseil constitutionnel a décidé d’appliquer au projet de loi de financement de la sécurité sociale les règles qu’il ne retient d’ordinaire que pour le projet de loi de finances. Si tel avait été le cas, l’année dernière, cinq amendements du Gouvernement auraient été censurés. Or cela ne s’est pas produit.
Vous auriez dû également préciser que c’est seulement sur la forme, et non sur le fond, qu’ont porté les remarques. Vous connaissez suffisamment bien ces sujets pour être exhaustif en la matière.
En tout état de cause, si nous ne faisons rien, si nous choisissons l’immobilisme, qui rime d’ailleurs avec socialisme (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste), dans quelques années, il n’y aura plus d’accès aux soins. Or nous voulons précisément garantir l’accès aux soins et faire en sorte, que dans cinq ou dix ans, il y ait toujours des chirurgiens qui proposent des tarifs opposables, c’est-à-dire remboursables.
Vous n’avez jamais mené la réforme de l’assurance maladie qui s’imposait. C’est parce que vous êtes coupables d’immobilisme que les Français ne vous ont pas fait confiance et qu’ils ne vous feront toujours pas confiance en mai prochain ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour la démocratie française. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Les décisions du Gouvernement et de votre ministère vont précisément en ce sens : création de postes d’auxiliaire de vie scolaire, mise en place d’unités pédagogiques d’intégration, sensibilisation et formation des enseignants aux problèmes du handicap.
À la veille des vacances de Noël, pouvez-vous, monsieur le ministre, faire le bilan des mesures prises pour la scolarisation des enfants handicapés, et dresser un état des lieux de leur intégration en milieu scolaire ordinaire au cours du trimestre passé ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Ces chiffres montrent bien que nous sommes en passe de relever le défi, ce qui nécessite cependant de nouveaux moyens car le besoin va croissant. Dès le 1er janvier 2007, nous recruterons donc 500 nouveaux auxiliaires de vie scolaire, qui viendront s’ajouter aux 4 600 déjà en fonction. Néanmoins ce dispositif ne sera efficace qu’à la condition que ces personnels bénéficient d’une vraie formation. Celle-ci commencera dès janvier prochain. Elle est prévue sur 60 heures, dont 30 heures durant le seul mois de janvier.
Ces emplois viennent s’ajouter aux 50 000 emplois de vie scolaire financés dans le budget pour 2007, comme l’a souhaité le Premier ministre.
Par ailleurs, nous allons créer 200 unités pédagogiques d’intégration – 166 en secteur public et 34 pour l’école sous contrat – auxquelles seront affectés 200 enseignants et 166 AVS supplémentaires.
Voilà, madame la députée, le dispositif qui permet à l’éducation nationale de répondre présente en matière d’accueil des handicapés. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Monsieur le ministre, pouvez-vous dresser le bilan de cette ambitieuse mesure ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
C’est la raison pour laquelle, outre la professionnalisation, l’alternance, la réforme de l’orientation, nous avons mis en place, dans le cadre de la loi de cohésion sociale, le parcours CIVIS. C’est un accompagnement par la mission locale ou la PAIO pour les jeunes connaissant des difficultés au regard de l’emploi ou de la vie sociale. Depuis mai 2005, 300 000 jeunes sont entrés dans ce dispositif. Après six mois de ce contrat, deux jeunes sur trois ont retrouvé ou trouvé soit un emploi, soit une formation. Reste ensuite à poursuivre l’accompagnement de ces jeunes.
Voilà pourquoi, dans le cadre de la loi sur l’égalité des chances, nous avons prévu le parcours d’accès à la vie active en entreprise. Grâce à ceux d’entre vous qui ont voté ce texte au mois de mai dernier, 30 000 jeunes ont d’ores et déjà pu bénéficier de cette mesure. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Voilà du concret ! Pour les jeunes, la seule solution est souvent la rencontre avec l’entreprise qui débouche sur un emploi durable avec une formation.
Par ailleurs, plusieurs d’entre vous nous ont saisis de la difficulté pour les jeunes à trouver des stages. Le Premier ministre nous a donc demandé de mettre en place, au premier trimestre 2007 et avec l’agence nationale pour l’emploi, une bourse des stages afin de favoriser la rencontre entre des jeunes qui attendent des stages et des formations en entreprise, et le monde de l’entreprise. Voilà une réponse concrète pour l’emploi des jeunes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La séance est suspendue jusqu’à seize heures quinze.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Yves Bur.)
« Paris, le 14 décembre 2006
« Monsieur le président,
« Conformément à l’article 45, alinéa 3, de la Constitution, j’ai l’honneur de vous demander de soumettre à l’Assemblée nationale, pour approbation, le texte proposé par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2007.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l’assurance de ma haute considération. »
En conséquence, l’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire (n° 3524).
La parole est à M. le rapporteur de la commission mixte paritaire.
A l’Assemblée comme au Sénat, monsieur le ministre, la majorité a approuvé la stratégie budgétaire que vous appliquez et qui se trouve consolidée par ce projet de loi de finances pour 2007, dont je vais rappeler les objectifs ambitieux.
Le premier de ces objectifs, on ne le répétera jamais assez, est la maîtrise des dépenses publiques : leur évolution sera contenue à 0,8 % l’an prochain…
Comme je l’ai indiqué au cours de la conférence des finances publiques, nous devrons nous accorder sur une norme de dépense aussi fiable que possible, mais si l’on se réfère à celle que nous utilisons depuis quinze ans, la dépense ne progressera effectivement en 2007 que de 0,8 %.
Cet effort se traduit par une diminution sensible du plafond d’emplois publics – 2,3 millions d’équivalents temps plein, soit environ 15 000 emplois en moins – et par la réduction du déficit par rapport au niveau prévu en 2005 et au regard de celui qui sera probablement constaté au terme de l’exécution du budget de cette année, soit environ 42,5 milliards d’euros.
Enfin, comme les trois lois de finances précédentes, celle-ci prévoit également que l’intégralité du surplus de recettes sera affectée à la réduction du déficit, conformément à la LOLF. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Voilà une stratégie budgétaire responsable.
Outre les dépenses incompressibles, comme le financement de la hausse mécanique des pensions et des frais financiers de la dette, qui représentent un peu plus de 2 milliards, ces recettes supplémentaires serviront à financer les transferts de recettes désormais affectées à l’agence nationale de la recherche, à tel ou tel opérateur, ou à la sécurité sociale, pour 1,4 milliard d’euros ; ainsi que l’augmentation des concours aux collectivités locales, notamment les exonérations et dégrèvements d’impôts locaux, pour 1,3 milliard d’euros ; elles financeront enfin les baisses importantes d’impôts, pour 7 milliards d’euros – je pense aux deux mesures phares adoptées l’an dernier : d’une part, la baisse et la simplification de l’impôt sur le revenu, d’autre part le plafonnement à 3,5 % de la taxe professionnelle et le dégrèvement pour investissements nouveaux.
Les douze milliards de surplus seront donc consommés en totalité, si bien qu’une rigueur absolue devra présider à l’exécution de ce budget, comme les années précédentes, afin de ne pas dépasser l’enveloppe de 277 milliards d’euros que nous allons adopter dans un instant.
Si des surplus apparaissent en cours d’année, je le répète, ils seront affectés à la baisse du déficit. En revanche, si les recettes espérées ne sont pas au rendez-vous, il faudra exercer une pression supplémentaire et immédiate sur les dépenses. Je sais, monsieur le ministre, que vous en êtes persuadé : nous ne pouvons plus nous permettre de laisser notre déficit se creuser davantage.
Par ailleurs, je note, à l’intention des présidents de conseil général qui siègent sur ces bancs, que 12 millions d’euros supplémentaires serviront à financer la prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires…
Enfin, nous avons trouvé un équilibre satisfaisant en ce qui concerne la taxe dont bénéficieront les communes acceptant d’accueillir sur leur territoire un incinérateur ou une installation de stockage des déchets ménagers, ce qui répond à la demande de l’Association des maires de France, présidée par notre collègue Jacques Pélissard.
Je tiens enfin à saluer la qualité du travail accompli avec vous, monsieur le ministre, avec le ministre délégué au budget et avec l’ensemble de vos collaborateurs. Nous sommes très sensibles – le président de la commission des finances, moi-même et tous nos collègues – au fait d’avoir été associés à ce budget dès l’été : nous avons ainsi évité de le découvrir à l’occasion de la délibération en conseil des ministres.
Je remercie également tous ceux de nos collègues qui ont suivi avec assiduité l’examen de ce projet de budget…
Je veux aussi remercier les différents présidents de séance, qui ont dirigé avec talent et efficacité nos débats, ainsi que les personnels de l’Assemblée et mes collaborateurs. Je le fais avec une certaine émotion, car ce budget est le dernier de la législature.
La parole est à M. le président de la commission mixte paritaire.
En premier lieu, reconnaissons très humblement que notre assemblée n’a que peu utilisé son droit d’amendement sur les crédits, ouvert par la LOLF. On peut regretter que l’évaluation des dépenses publiques ne soit pas encore entrée dans notre culture, alors que nous disposons d’une base très sérieuse pour exercer ce contrôle grâce au rapport de la Cour des comptes et aux audits engagés par le Gouvernement.
À cet égard je vais formuler deux propositions.
Tout d’abord, allégeons le poids des textes législatifs…
Ensuite, comme Gilles Carrez et moi l’avions proposé, il serait bon que le Gouvernement mette à la disposition du Parlement, pour tous les députés qui veulent assurer le contrôle de la dépense publique, des membres provenant des divers corps d’inspection, dont certains sont particulièrement attachés au contrôle de la dépense publique. Sans créer de postes ni de dépenses supplémentaires, nous pourrions utilement profiter de leur expérience et de leur compétence.
Ces deux suggestions, monsieur le ministre, si elles étaient mises en pratique, permettraient au Parlement de progresser dans son travail.
Je veux aussi, à mon tour remercier ceux qui, avec passion – comme Gilles Carrez, Didier Migaud et Michel Bouvard –, essaient, avec les ministères, d’appliquer ce contrôle de la dépense publique. À ce propos d’ailleurs, la commission des finances s’inquiète de la propension de certaines administrations centrales à bureaucratiser les indicateurs en les multipliant à l’excès pour garder le pouvoir.
Ma deuxième remarque concerne les décisions du Conseil constitutionnel qui a rappelé, à très juste titre, l’existence du droit de priorité de l’Assemblée nationale en empêchant le vote, dans les lois de finances, de dispositions entièrement nouvelles au Sénat.
Alors qu’il avait très bien commencé le débat budgétaire en associant les commissions des finances, ce dont je vous remercie, monsieur le ministre, le Gouvernement a trop pris l'habitude – mais ce n’est pas le fait du ministère du budget ni de celui des finances – d'introduire des dispositions nouvelles, après le vote du budget, au gré d'effets d'annonce ou d'interviews multiples de ministres.
Je le dis d'autant plus fermement que ces dispositions nouvelles visent souvent à satisfaire des revendications ponctuelles et correspondent à de nouvelles niches ou à de nouvelles dépenses catégorielles.
Cela n'est pas satisfaisant au regard de la nécessité de maîtriser notre déficit budgétaire, car nous ne devons pas faire supporter, par le biais de la dette, les dépenses d'aujourd'hui par les générations futures.
Les SOFICA ne nous ont pas enthousiasmées, monsieur le ministre. Elles sont bel et bien de nouvelles niches fiscales et pas nécessairement en faveur des personnes qui en ont le plus besoin. Elles ont été votées par une partie de l’UMP et par le parti communiste à une voix près.
Selon moi, gouverner par des annonces budgétaires n’est pas une bonne chose et ne va pas dans le sens du discours sur la nécessaire réduction de la dette et de la solidarité envers les générations futures.
Telles sont, monsieur le ministre, les deux remarques que je tenais à présenter au nom de mes collègues de la commission des finances, et je vous remercie de les prendre en compte pour l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Nous avons, par la durée, obtenu des résultats qu’il nous faut consolider dans la durée.
Le premier est la maîtrise de la dépense.
À cet égard la règle du zéro volume, qui n’allait pas de soi, a été intégrée par l’ensemble des partenaires de la discussion budgétaire, et le groupe UMP l’a naturellement soutenue. Pour 2007, nous nous sommes rapprochés de la règle du zéro valeur. Ce n’est pas simple, monsieur le ministre, car il faut pour cela faire preuve d’une discipline soutenue, consentir des efforts supplémentaires et convenir ensemble des règles de la bonne évaluation de la dépense et de ses montants. Néanmoins, que de chemin parcouru pour atteindre le zéro volume et se rapprocher du zéro valeur !
Le deuxième est la maîtrise des déficits.
Pour l’ensemble des administrations publiques, le déficit public aura été de - 2,7 % du PIB pour 2006, et il sera ramené à - 2,5 % du PIB en 2007. Nous devrons faire mieux dans les années à venir. Ce sera possible, mais le chemin parcouru ces dernières années était essentiel. Au terme de la législature, l’exécutif et sa majorité livrent ce résultat, ce qui n’est pas si mal. Nous tenons nos engagements pris devant nos concitoyens et nos engagements européens.
Le troisième est la maîtrise de l’endettement.
Si le début de la législature fut semé d’embûches, la fin est plus heureuse avec moins deux points de PIB en 2006 et moins un point de PIB en 2007. L’effort devra, là encore, être poursuivi. Nous n’avons parcouru qu’une partie du chemin, mais nous sommes incontestablement sur la bonne voie. Peu de personnes le contestent, même si certains pensent qu’il fallait faire davantage.
Comme vous l’avez rappelé ce matin, monsieur le ministre, le travail qui a été réalisé ces dernières années s’inscrit dans une perspective, laquelle, enrichie par les choix politiques que le peuple français fera dans les mois qui viennent, reflète aujourd’hui une stratégie claire. Elle est traduite dans le plan quinquennal…
Le programme de stabilité démontre aujourd’hui que nous pouvons – cela n’a pas toujours été le cas – tenir nos engagements communautaires. La France devrait sortir au tout début de l’année 2007 de la procédure pour déficits excessifs. Il eût certes été préférable de ne pas en faire l’objet, mais nous sortons de cette procédure.
Au moment du jugement de nos concitoyens à travers les élections, ceux-ci sauront gré au Gouvernement et à sa majorité d’avoir amélioré de nombreux indicateurs de nos finances publics, respecté nos engagements communautaires et affirmé notre respectabilité en tant que pays de l’Union européenne. Notre situation n’est certes pas définitivement assainie. Beaucoup reste à faire, mais beaucoup a été fait.
Ces résultats, obtenus dans la durée, sont le fruit de choix cohérents, au regard de nos engagements, de nos convictions politiques et des objectifs de développement économique et d’emploi que nous nous sommes fixés.
Après les décisions fortes prises l’an dernier, le projet de loi de finances pour 2007 met en œuvre les volets principaux de la réforme fiscale.
L’impôt sur le revenu aura, au fil de la législature, été réduit de 20 %, soit les deux tiers de ce qui avait été promis. Si tous les engagements politiques étaient toujours tenus aux deux tiers, ce ne serait déjà pas si mal. C’est en tout cas bien plus que ce à quoi nos citoyens sont malheureusement habitués ou résignés à constater. La baisse de l’impôt sur le revenu, qui profite et profitera à de nombreux foyers, nous la revendiquons.
Le plafonnement de la taxe professionnelle a fait l’objet de débats difficiles l’an dernier et encore cette année. Je redis, et c’est la conviction de notre groupe, qu’on ne peut pas vouloir une chose et son contraire : on ne peut pas à la fois vouloir modérer l’impôt local et ne choisir aucun instrument pour y parvenir. Cet instrument est-il parfait ? Je l’ignore, mais il a eu le mérite d’être proposé et il a aujourd’hui celui d’être voté. Cet instrument n’a aucune visée dogmatique au regard de la modération de l’impôt local – même si les citoyens veulent bien des dogmes de ce type –, mais il est cohérent avec nos objectifs en matière de compétitivité de nos entreprises, en particulier industrielles, et d’emploi.
La baisse des prélèvements obligatoires de l’État en cette fin de législature les fera passer de 44 % en 2006 à 43,7 % en 2007. Pour compléter le propos du rapporteur général, je pense que si les recettes sont bonnes en 2007, éventuellement meilleures que les prévisions initiales qui ont été prudentes, nous devrons néanmoins être attentifs à tenir ce cap de la réduction des prélèvements obligatoires, monsieur le ministre Pour ce faire, j’ai davantage confiance en notre majorité renouvelée qu’en une majorité de gauche, si par malheur elle devait émerger des urnes !
La baisse des prélèvements obligatoires est un choix politique car tout budget comporte des choix politiques.
Dans une société où les prix ne sont pas administrés, rien n’interdit de chercher à exercer une influence sur leur évolution, mais la responsabilité première des décideurs publics − législateur ou Gouvernement − est d’être cohérents avec leur volonté de garantir un certain pouvoir d’achat à leurs concitoyens en commençant par limiter les prélèvements.
À de nombreuses reprises au cours de la législature, la question de l’évolution de la dépense des collectivités locales a été évoquée. Elle demeure une préoccupation pour notre groupe, qui ne veut pas rogner sur l’autonomie des collectivités locales. Nombreux sont d’ailleurs, parmi nous, les élus locaux et nous sommes convaincus de l’efficacité de la dépense locale lorsqu’elle est bien ajustée. Cependant, pas plus que l’État, les collectivités locales ne doivent se soustraire à l’impératif de maîtrise de la dépense publique, qui est indispensable au pouvoir d’achat des Français, à la compétitivité de notre économie et à la croissance.
En matière de croissance, ce budget a, comme les précédents, une vertu remarquable : il comporte diverses mesures de soutien à l’offre, pour améliorer la compétitivité des entreprises, et à la demande, pour aider ceux de nos compatriotes qui en ont le plus besoin. C’est l’une des caractéristiques de la politique économique que nous soutenons depuis plusieurs années : on en avait rarement vu qui se fonde sur une analyse aussi équilibrée du rapport entre l’offre et la demande. Trop souvent, les politiques publiques sont intervenues à contretemps. Tel n’est pas le cas de la politique budgétaire que vous nous proposez d’approuver.
Cela étant un budget n’est évidemment pas seulement une affaire de recettes ; il y a aussi des dépenses. Si nos choix sont cohérents, c’est parce que nos priorités − celles de la majorité et du groupe de l’UMP, mises en œuvre par le Gouvernement − sont servies, en matière tant d’emploi que de sécurité, de justice que de recherche ou de développement des infrastructures. Et elles le sont avec le souci constant de la réforme de l’État.
Le président de la commission des finances a insisté sur ce point : la loi organique sur les lois de finances était évidemment une nécessité, mais nous savons qu’elle ne suffit pas et qu’il faut la volonté politique constante du Gouvernement, de la majorité et de notre groupe, qui n’ont presque jamais fait défaut. Chacun sait que, faire vivre la LOLF − cela sera encore plus vrai demain −, c’est l’affaire non seulement du Gouvernement, mais aussi de la représentation nationale, qui doit s’emparer des leviers que lui offre la loi organique.
Au terme du mandat, après avoir constaté, dans la durée d’une législature, les résultats des choix politiques cohérents, confirmés et amplifiés dans le budget pour 2007, nous pouvons nous livrer à un exercice simple. L’obligeance de nos collègues socialistes nous permet d’ailleurs une petite séquence de publicité comparative. Que fait une majorité ? Que fait l’autre ?
Je viens de vous rappeler, sans dissimuler ni les imperfections, ni les retards d’initiative, ni les hésitations, les résultats des choix de notre majorité et du groupe de l’UMP. La comparaison avec la voie socialiste est claire, concrète et a, aujourd’hui, le mérite d’être explicite. En 2002, le gouvernement socialiste annonçait un déficit de 30 milliards ; en réalité, il était de 50 milliards, car l’impasse dans laquelle on nous avait engagés avait été gravement sous-estimée. En 2007, ce sont les hypothèses de recettes qui sont sous-évaluées. Quant aux hypothèses de déficit, loin d’être contestées, elles sont peut-être même trop timides et prudentes. Entre les réflexes socialistes et la prudence, la sagesse, la rigueur, la discipline qui caractérisent notre majorité, il y a une singulière différence.
Le calendrier faisant bien les choses, nous avons pu lire, dans Le Monde d’hier soir, la très remarquable interview de François Hollande.
Cette interview a le mérite d’être claire. En effet que nous annonce le patron du parti socialiste ?
Quand, avec une touchante transparence, le parti socialiste propose à la fois l’augmentation de la CSG et la hausse massive de l’impôt sur le revenu, il faut prendre nos concitoyens à témoin, leur dire qu’il est urgent d’établir la comparaison entre, d’une part, les convictions et les actions de l’UMP, et, d’autre part, le bilan, les convictions et les propositions du parti socialiste.
Nous avons un bon bilan, mais nous ne manquons pas de perspectives. Le ministre des finances en a évoqué quelques-unes, ces derniers jours, parlant notamment de la retenue à la source. Pourquoi pas ? Il est tout à l’honneur du Gouvernement de faire des propositions et de lancer un débat sur une meilleure efficacité de l’État, sur un meilleur retour de l’impôt à nos concitoyens. Ce débat peut fort bien se dérouler dans une période préélectorale, quand les citoyens sont plus attentifs que jamais aux questions publiques. Nous devons en même temps y affirmer nos convictions : ainsi, dans cette réforme, le quotient familial ne doit en aucune manière être mis en cause.
Sans doute, tout n’est pas parfait dans le budget pour 2007, mais il constitue, on ne peut le nier, un budget de progrès. Tous ceux que nous avons votés au cours de la législature auront permis de faire œuvre utile pour notre pays, de faire vivre les priorités sur lesquelles nous nous étions engagés auprès de nos concitoyens. Avec le projet de loi de finances pour 2007, notre pays confirme qu’il s’achemine vers le rétablissement de ses finances publiques.
Ce que nous avons envie de dire, cet après-midi, à l’Assemblée et à notre pays, au moment où nous allons nous prononcer sur les conclusions de la commission mixte paritaire, c’est qu’il faut approuver ce travail, ne pas le gâcher et le prolonger. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Nous sommes confrontés à une situation économique fragile. La croissance elle-même est fragile en France, alors qu’elle est plutôt forte dans le monde, et nos résultats sont en deçà de la moyenne européenne. Depuis juin 2002, la plupart des indicateurs socio-économiques se sont dégradés. Il ne suffit pas, monsieur le ministre, de nier en hochant la tête : encore faut-il considérer la réalité des chiffres.
Si, dans les autres matières, nous comparons les chiffres de la fin 2006 avec ceux de juin 2002 et avec ceux de l’audit que le gouvernement Raffarin avait commandé, nous constatons, par exemple, que le déficit du produit intérieur brut s’est accru.
Monsieur le ministre, vous vous gargarisez de résultats qui relèvent davantage de l’affichage, mais ces gouvernements successifs ont la responsabilité d’une augmentation très sensible de l’endettement de notre pays, qui est passé de 56 ou 57 % à plus de 66 % en proportion du PIB. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Quant aux prélèvements obligatoires, Charles-Amédée de Courson l’a souligné, ils sont aujourd’hui supérieurs à ce qu’ils étaient en juin 2002.
Quant aux collectivités locales, elles souffrent déjà de votre politique. Contrairement à vos affirmations, les transferts de compétences décidés par vos réformes ne sont pas du tout compensés à l’euro près et contraignent les collectivités locales à augmenter une fiscalité particulièrement injuste et qu’il conviendrait d’ailleurs de réformer.
Vous parlez beaucoup de justice fiscale et, à cet égard, vous proposez souvent de réduire le nombre de niches fiscales : en fait, vous l’aurez très sensiblement augmenté tout au long de la législature, au grand dam du président de la commission des finances, qui se contente là de discours, ses propositions étant repoussées par le Gouvernement.
Ce projet de loi de finances manque aussi quelque peu de sincérité et se résume à beaucoup d’affichage. Le rapporteur général a insisté sur le fait que la dépense publique augmenterait moins que l’inflation. En réalité, sa courbe normale d’évolution est sans cesse freinée à la fois par la transformation de dépenses budgétaires en dépenses fiscales et, tout simplement, par l’évaporation de dépenses qui se retrouvent par ailleurs, tous procédés qui permettent de présenter une hausse de seulement 0,8 %. Les chiffres dont nous disposons donnent toutefois un résultat très supérieur, et la Cour des comptes aura encore une fois l’occasion de le montrer lorsqu’elle remettra son rapport sur l’exécution du budget de 2006.
Vous vous êtes tout à l’heure réjoui, monsieur le ministre, en répondant à une question d’actualité, que la France soit sortie de la procédure des déficits excessifs.
Vous parlez d’ailleurs beaucoup de la nécessité de réduire l’endettement et d’équilibre budgétaire. Oserais-je vous faire observer que, pas une seule fois, le solde primaire de votre budget n’a été en équilibre ? Or il n’y a pratiquement aucune chance de réduire l’endettement si ce petit équilibre ne peut même pas être obtenu, alors que cela avait été le cas à trois reprises sous la législature précédente. La marge de progression, monsieur Mariton, est donc très importante.
La procédure d’examen du budget me semble par ailleurs de plus en plus inadaptée.
Je regrette également que le Parlement – la responsabilité incombant tant aux parlementaires, du fait souvent d’un manque de volonté, ainsi que le président de la commission des finances l’a souligné, qu’au Gouvernement – soit de plus en plus pris pour un théâtre d’ombres, malgré la LOLF et – je tiens à lui en rendre hommage – malgré la bonne volonté du ministre délégué au budget.
Nous avons en effet assisté, ces derniers jours, à une multiplication d’annonces qui ont des conséquences budgétaires et qui engagent les prochaines majorités alors même que nous avons passé ici plus de deux mois sans que jamais les mesures en question n’aient été évoquées ou, lorsqu’elles l’ont été par l’opposition, elles ont été rejetées par le Gouvernement et la majorité. De qui se moque-t-on ?
Vous nous proposez par exemple, monsieur le ministre, après une « révélation » du Premier ministre, un crédit d’impôt pour les foyers non imposables qui utilisent les services à la personne. Il s’agit d’une proposition que nous formulons depuis plusieurs années, tout en réduisant d’ailleurs quelque peu – afin d’éviter que la dépense budgétaire soit trop élevée – l’avantage qui pouvait être consenti au même titre aux ménages payant l’impôt sur le revenu. Or, après l’avoir systématiquement refusée, voilà que le Premier ministre, après la discussion budgétaire, parle soudain de cette mesure au cours d’une conférence de presse et que vous l’introduisez au Sénat dans le cadre de la première lecture du collectif, en contradiction d’ailleurs avec la jurisprudence que vient de rappeler le Conseil constitutionnel. De qui se moque-t-on ?
Il en va de même du prélèvement à la source : un rapport sur ce point est disponible à Bercy depuis février 2002.
Je ne serai pas plus long,...
La commission mixte paritaire n’ayant rien changé au projet de loi de finances sur le fond, nous voterons contre, comme en première lecture.
Le Gouvernement prétend que les dépenses nettes de l'État, à périmètre constant, n'augmenteront en 2007 que de 2,2 milliards, soit de 0,8 %. Or le rapporteur général lui-même a tout à l’heure évalué la hausse des dépenses à environ 2 %, soit plus du double. Pour sa part, le groupe UDF a démontré, dans une note écrite non démentie, que, compte tenu de tous les artifices de présentation, la hausse réelle de la dépense brute atteint 10,5 milliards, soit 2,9 % soit près du quadruple du pourcentage annoncé par le Gouvernement.
Certes, c'est mieux que l'année dernière, où l'on était parvenu, avec les artifices de présentation, à 3,8 %, mais c'est toujours trop.
Afin de dissimuler la réalité de la hausse, le Gouvernement a recouru à six mécanismes – les uns traditionnels, les autres plus innovants – de dissimulation de la dépense : les prélèvements sur recettes, les remboursements et dégrèvements sur les impôts locaux – tous mécanismes traditionnels –, les débudgétisations de dépenses financées jusqu'alors sur le budget grâce à des affectations de recettes de l'État à des organismes tiers, les fonds de concours – en particulier, l’incroyable montage budgétaire concernant l’AFIT –, les dépenses fiscales qui se développent année après année, et, enfin, les sous-compensations de l'État à la sécurité sociale et aux collectivités territoriales.
Quant à la réduction d’environ 15 000 équivalents temps plein du nombre d’agents publics de l’État saluée par notre rapporteur général, ce dernier en oublie la contrepartie, c’est-à-dire l’augmentation, selon les premiers décomptes non exhaustifs de la commission des finances, de plus de 10 000 équivalents temps plein dans les organismes dépendants de l’État : les opérateurs au sens de la LOLF. D’après les chiffres que j’ai réussi à reconstituer avec mon collègue Michel Bouvard, ce montant a été à peu près constant au cours des cinq dernières années, avec 10 000 à 12 000 créations nettes d’emplois. Ainsi, durant les quatre premières années de cette mandature, les effectifs de l’État et des opérateurs auront continué à progresser. Ce n’est que l’année prochaine qu’ils seront peut-être réduits de 2 000 ou de 3 000, c’est-à-dire de presque rien, puisque les effectifs du seul État tournent autour de 2,2 millions personnes.
Si la hausse des dépenses sociales suit à peu près celle de la richesse nationale, ce n’est pas le cas de l’accroissement des dépenses publiques locales, qui est plus forte, puisque, ainsi que l’a fort bien démontré une certaine note concernant les conseils généraux, 90 % de l’augmentation des dépenses de ces derniers sont dus aux transferts de charges de l’État.
Durant ces cinq années, la hausse des dépenses publiques est demeurée considérable puisque leur poids dans la richesse nationale se sera accru d’un point, contrairement aux engagements pris en 2002 devant les électeurs.
La deuxième raison de notre position a trait à la prétendue baisse des impôts qui n’est en fait qu’une moindre hausse.
L’ensemble des recettes fiscales brutes de l’État, c’est-à-dire ce que payent les contribuables, va en effet s’accroître de 3,5 % en 2007. Même la promesse présidentielle de 2002 de baisser d’un tiers l’impôt sur le revenu, soit de 17 milliards, n’a été tenue – et encore largement à crédit – à peine qu’à moitié. Entre 2002 et 2007, les prélèvements obligatoires de l’État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales se sont accrus de 144 milliards d’euros, soit de presque un point de richesse nationale, passant de 42,8 % en 2002 à 43,7 % en 2007. Là encore, l’évolution est contraire aux engagements pris devant les électeurs.
La troisième raison tient au fait que certaines mesures fiscales ne répondent pas au souci de justice sociale.
Le bouclier fiscal, dont le coût est de 400 millions d’euros, profitera, pour plus des deux tiers, soit pour près de 300 millions d’euros, à 14 000 assujettis à l’ISF ; je rappelle que l’on en compte plus de 300 000. En outre, la réforme du barème de l’impôt sur le revenu, dont le coût est de 3,6 milliards, profitera, pour un tiers environ de son coût, à 1 % des foyers fiscaux. Est-ce socialement équilibré ? L’UDF pense que non.
Je vous invite d’ailleurs, mes chers collègues, à méditer l’affaire Johnny Hallyday. Le bouclier fiscal à 60 % n’est pas un bouclier fiscal à 60 %, puisque la CSG et la CRDS n’y figurent pas, mais à 71 %. En tenant compte des cotisations sociales, on aboutit à des taux marginaux de quelque 85 %.
En réalité, ce bouclier fiscal permet de distribuer 300 millions à 14 000 personnes parmi les plus fortunées de France, sans résoudre en aucune façon le problème de fond.
Quatrième raison : les déficits publics se réduisent trop lentement pour contenir l’aggravation de la dette publique.
En effet, les déficits publics – État, sécurité sociale et collectivités locales – ne diminuent que très légèrement en valeur : 50 milliards en 2005, 48 milliards en 2006, 46 milliards en 2007. À cette allure, l’équilibre sera atteint en 2030 ! M. le rapporteur général nous a bien expliqué que le retour à l’équilibre se ferait en 2010, mais pour cela, il faudrait passer de 2 milliards de réduction des déficits par an à 15 milliards par an, ce qui est totalement impossible !
Dans ce contexte, le débat de la campagne présidentielle qui commence nous inquiète. Savez-vous quel est le montant du coût brut du programme du parti socialiste ?
Pour vous donner un ordre de grandeur, mes chers collègues, il faudrait, pour trouver 58 milliards supplémentaires, pratiquement doubler la CSG, au moins l’augmenter de six points, pour la faire passer de 7 à 13 points. Voilà ce qu’on nous propose !
Le poids de l’endettement public s’est considérablement accru, passant de 58,2 % en 2002 à 66,6 % en 2005 et la baisse à 63,6 % prévue en 2007 est due, pour ce qui concerne la baisse de deux points en 2006, en totalité à des ventes massives d’actifs publics et à des opérations de trésorerie, pour 35 milliards d’euros ; et, l’année prochaine, pour les deux tiers, à de nouvelles ventes massives d’actifs publics et à des opérations de trésorerie. Donc, la vérité, c’est que le problème des finances publiques est devant nous et que ce sera au nouveau Président de la République élu dans quatre mois et à la nouvelle majorité de le traiter.
Cinquième et dernière raison, mais qui tient particulièrement à cœur à l’UDF : le Gouvernement persévère, en matière de finances locales, dans les errements du gouvernement Jospin : une autonomie fiscale locale toujours amoindrie, une réforme de la fiscalité locale toujours reportée, le maintien des mécanismes incitatifs à la dépense publique locale, qui sanctionnent les gestionnaires rigoureux. Cette évolution, là encore, est contraire à tous les engagements pris à l’égard des collectivités territoriales et le plafonnement à 3,5 % de la valeur ajoutée de la taxe professionnelle est un mécanisme intenable à moyen terme.
Le Parlement continue de voter le budget sans vrai contrôle de la dépense publique. Les audits menés par la Cour des comptes à la demande de la commission des finances n’ont pas débouché.
En ce qui concerne les exonérations de charges, qui s’élèvent à 25 milliards, nous n’avons tiré aucune conséquence du rapport de la Cour des comptes qui démontre qu’elles n’ont aucune incidence pour les grandes entreprises et pour les salaires dont le niveau excède celui du SMIC de 40 à 50 %.
Pour ce qui est des dégrèvements, des exonérations diverses et variées de fiscalité locale, nous sommes certes en train de nous demander s’il ne faudrait pas agir, mais nous n’avons rien fait ; nous les avons même aggravés. Ainsi, aucune suite n’a été donnée à nos propositions concernant les avantages relatifs aux retraites de certains fonctionnaires dans les DOM-TOM, qui coûtent plus d’un milliard de surcoût aux contribuables nationaux.
S’agissant de la PPE, dont la Cour des comptes a démontré qu’elle n’incitait absolument pas à la reprise d’activité mais qu’elle constituait, pour le quart de nos concitoyens, un complément de revenus, nous n’avons pris aucune décision alors que toute la représentation nationale est consciente que le mécanisme ne peut pas être maintenu en l’état.
Et je ne parle pas des autres mesures fiscales décidées brutalement par le Gouvernement, et qui figurent dans des textes extérieurs au projet de loi de finances.
En fait nous continuons de financer tout cela à crédit.
Face à ce quintuple constat, l’UDF a rappelé que seule la réalisation des quatre grandes réformes – l’achèvement de la réforme des retraites, puisque seulement le tiers de l’effort a été accompli, la réforme de l’assurance maladie, celle de l’État et celle des collectivités territoriales – permettra de redresser durablement l’état des finances publiques.
Ce projet de budget, même s’il est un peu moins mauvais que celui de 2006, n’est toujours pas à la hauteur de la gravité de la situation des finances publiques. Il reflète un manque de courage et de vision à moyen terme quant à l’avenir de notre pays. C’est pourquoi le groupe UDF ne votera pas, une nouvelle fois, le projet de loi de finances pour 2007.
Comparez, mes chers collègues, le coût de l'ensemble des dispositifs incitatifs aux placements financiers, à la gestion de patrimoine, aux successions au regard de ceux portant sur les traitements, salaires et pensions. En presque dix ans, le SMIC a doublé quand les dividendes, eux, ont été multipliés par 9. Voilà le résultat de votre gestion !
De plus, depuis cinq ans, nous constatons une aggravation du gaspillage de l'argent public, un gaspillage dont la Cour des comptes souligne l’ampleur quand elle explique que, sur les 20 milliards d'euros de baisse de cotisations patronales, 17 milliards sont demeurés sans effet sur l'emploi.
La vérité est que vos budgets successifs n'ont eu vocation qu’à déplacer l'argent public vers la sphère privée. Ainsi les revenus fonciers – 24 milliards d'euros en 2004 – bénéficient de 1,7 milliard d'euros d'allégements fiscaux, et les revenus des capitaux mobiliers de 7 milliards d'euros.
À qui ont bénéficié de tels dispositifs, encore une fois, sinon à ceux qui ont la possibilité de constituer une épargne conséquente, donc aux plus riches, c'est-à-dire précisément aux 400 000 foyers qui requièrent et retiennent exclusivement votre attention, au nom de l'attractivité de la France, nous dites-vous, pour faire mine de poursuivre un objectif d'intérêt général.
Vos cadeaux aux plus riches, aux actionnaires, aux plus grandes entreprises n'auront pourtant en rien servi l'intérêt général. Les chiffres le prouvent.
Une législature vous aura suffi, en effet, pour que l'endettement public, malgré la vente au plus offrant de fleurons de nos entreprises publiques, bondisse de 250 milliards d'euros. La Cour des comptes vous tient pour responsable de la hausse de 8 points de la dette publique.
Même s'il est bon de rappeler que la dette nette de la France est inférieure à celle des autres pays de 1' OCDE et de la zone euro, la question demeure : à quoi cet endettement aura-t-il servi ? Pas à l'investissement public, pas à l'investissement des entreprises, pas davantage à la réduction les inégalités ou à la croissance.
Une législature aura suffi pour que, au lieu du renforcement des capacités productrices et créatrices de notre économie, nous assistions à la réduction des investissements des entreprises, à la disparition de centaines de milliers d'emplois industriels – 265 000 pour être précis – à la dégradation sans précédent de notre commerce extérieur, qui accuse désormais un déficit de près de 20 milliards d'euros, en hausse de 5 milliards par rapport à 2005.
Tout cela parce que l'effort pour la recherche n'a pas été à la hauteur, parce que, face aux cadeaux aux plus riches, aucune contrepartie réelle n'a été demandée en termes d'emploi, de localisation et d'investissement.
Vous êtes bien, comme je viens de le souligner, les champions du gaspillage des deniers publics, car votre transfert sur la sphère privée se révèle être un puits sans fond et surtout sans contrôle.
Malgré vos protestations d'autosatisfaction, c'est bel et bien une France terriblement affaiblie que vous laissez au terme de cette législature. Une France affaiblie y compris au plan des valeurs car, dans le volume des richesses créées, la part des salaires, c'est-à-dire du travail, diminue par rapport à celle des profits et des rentiers.
Comme si cela ne suffisait pas, le Sénat en a rajouté une couche en relevant le plafond des exonérations de cessions d'actions.
Enfin, pour couronner le tout, les Français qui se sont enrichis avec l'argent de leurs concitoyens vont payer leurs impôts ailleurs sous prétexte qu'ils en paient trop en France. A-t-on dit à nos concitoyens combien il restait à ces malheureux riches, une fois qu’ils avaient acquitté leurs impôts ? Je sais que cela les intéresserait.
Votre triste bilan n'a que le mérite de souligner l'exigence d'une autre politique économique et sociale qui soit enfin en adéquation avec les attentes de nos concitoyens et qui permette à notre pays de renouer avec une croissance saine, porteuse de richesses, d'emplois et respectueuse de l'environnement. Tout le contraire de ce thatchérisme démodé dont vous vous êtes fait gloire.
Qu'attendons-nous pour mettre en place un crédit sélectif à taux bonifié pour les PME et PMI qui investissent et créent des emplois en pénalisant les grands groupes qui utilisent les hommes et les femmes comme variables d'ajustement ?
Pendant ce temps, pauvreté et précarité sont devenus le quotidien de millions et de millions de Français, au point qu'elles constituent une préoccupation majeure de nos concitoyens. Un Français sur deux pense aujourd’hui qu'il pourrait être un jour sans abri. Ce seul sondage devrait faire frémir, mais rien n'est en mesure de venir bousculer votre dogmatisme. Que le nombre de RMIstes ait cru de 100 000 personnes l'an dernier, que le nombre de retraités vivant sous le seuil de pauvreté ait augmenté de 63 % en dix ans, que 3,2 millions de personnes aient recours au camping ou aux hôtels de fortune comme « solution » de logement, rien de tout cela ne semble vous concerner.
Preuve en est que vous n'avez rien eu de plus pressé, depuis 2004, que de transférer une partie de ces charges sur les collectivités locales, ces autres grandes perdantes de votre politique. En dépit des inquiétudes exprimées par les associations d'élus locaux unanimes devant l'accroissement de leurs charges, vous continuez d'asphyxier nos collectivités, d'assécher leurs finances malgré le rôle qui leur est désormais dévolu, puisque l'État lui-même s'est désengagé, d'être les pompiers de vos incendies sociaux et les derniers garants du maintien des services publics.
Les représentants des trois associations d'élus ont encore indiqué récemment que « l'État devait cesser de peser sur les dépenses des collectivités locales par des transferts non compensés et la territorialisation de ses politiques publiques ».
Le rapport élaboré par Philippe Valletoux, vice-président de Dexia Crédit local, fondation spécialisée en services financiers aux collectivités, s'il entend « définir les contours d'une nouvelle architecture des pouvoirs fiscaux dévolus aux collectivités territoriales » pour remédier à cette situation, autorisera en fait les collectivités à accroître la pression fiscale sur les ménages tout en restreignant l'indépendance des collectivités locales.
Cette situation est, là encore, le fruit de votre refus de trouver de nouvelles ressources publiques, de taxer les plus-values boursières, à commencer par celles de Total – 20 milliards d’euros –, de taxer les actifs financiers, qui ont augmenté de 107 % en dix ans, de réorienter les quelque 20 milliards d’euros d’exonérations de charges patronales demeurées inutiles. Car, oui, de l’argent il y en a, et beaucoup, pour le pouvoir d’achat, la recherche, l’éducation, la protection sociale ! Tout est affaire de choix. Notre collègue de Courson s’interrogeait tout à l’heure sur le financement du programme du parti socialiste. Je peux lui donner quelques chiffres : 1 % de taxation des actifs financiers, cela représente aujourd’hui 35 milliards d’euros. Avec les 17 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales, qui, d’après la Cour des comptes, ne servent à rien pour l’emploi,…
Pour finir, j’ajouterai que ce projet de loi de finances aura aussi été l’occasion de porter, par le biais d’un amendement sénatorial, un nouveau mauvais coup au système d’indemnisation du chômage des intermittents du spectacle, en dégradant la solidarité interprofessionnelle et en lui substituant un fonds dont le fonctionnement est fixé par décret.
En bref, c’est parce que vous confondez l’intérêt général avec l’intérêt privé de quelques-uns, avec comme conséquence une aggravation des inégalités, une baisse du pouvoir d’achat et une détérioration des conditions de vie de millions de nos concitoyens, que nous voterons résolument contre ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Or, quelle n’a pas été ma surprise d’apprendre que deux nouveaux amendements, nos 200 et 201 rectifié, reviennent au Sénat pour être mis en discussion ce soir même, lors du débat sur le projet de loi finances rectificative pour 2006 !
Derrière ce jeu de cache-cache se dissimule en fait une double attaque frontale : contre le conseil régional, d’une part ; envers la population, d’autre part. Et l’on demande à tous les deux de payer les déficits cumulés de collectivités mal gérées.
C’est l’occasion de rappeler que, même si une révision et une vision nouvelle de la fiscalité outre-mer se révèlent nécessaires, des raisons objectives appellent à la prudence devant toute velléité d’amendement ou de réforme sans réelle consultation préalable.
Monsieur le ministre, de grâce, faites retirer ces amendements qui n’honorent ni la démocratie, ni le travail parlementaire, ni le Gouvernement !
L’octroi de mer, pour ne parler que de lui, est un sujet beaucoup trop sérieux pour l’intérêt du plus grand nombre, à savoir les régions, le département de Guyane, les communes, les entreprises et les consommateurs, pour qu’il soit menacé au détour d’un d’amendement au profit d’un petit nombre de grandes villes, fussent-elles capitales.
Est-il besoin de signaler que plus de 29 millions d’euros sont déjà mobilisés sur les ressources de l’octroi de mer des communes pour régler les contentieux ?
Est-il besoin de répéter que, malgré cet effort imposé pour la seule Martinique, il reste vingt-six dossiers pendants devant les tribunaux, soit un risque potentiel pour les collectivités de débourser davantage encore ?
Est-il besoin de rappeler que la loi du 2 juillet 2004 mettant en œuvre la décision communautaire du 10 février 2004 confirmait l’octroi de mer dans sa fonction de soutien au développement économique et de pourvoyeur de ressources aux collectivités ?
C’est ainsi qu’en 2003, 68 millions d’euros d’exonérations sur la production et près de 24 millions d’euros d’exonérations sur les biens d’équipement et les matières premières ont représenté l’aide concrète de l’ensemble des collectivités martiniquaises aux entreprises.
Quel sera donc l’impact de ce droit additionnel s’il est finalement adopté ce soir au Sénat ? Sera-t-il acceptable d’être encore mis à contribution alors même qu’une fiscalité spécifique favorable est déjà créée pour les villes-capitales et autres communautés d’agglomération ?
Ces dernières bénéficient du versement transport, d’une sur-dotation du fonds régional pour le développement et l’emploi dont le montant a sextuplé en 2005 pour la seule ville-capitale, du double émargement au fonds d’investissement routier et de transport.
Concernant le fonds régional pour le développement et l’emploi, le conseil régional a été dépossédé de cette compétence au profit du préfet. C’est un exemple manifeste de décision prise de façon précipitée et unilatérale portant atteinte à la décentralisation.
Quant à la centralité subitement prônée aujourd’hui en faveur des capitales, devra-t-elle se faire au détriment d’une périphérie ? Ne sera-t-elle pas une atteinte supplémentaire portée à la décentralisation ? Une telle approche ne remettra-t-elle pas en cause les logiques d’aménagement ?
Il n’est pas légitime d’instrumentaliser le droit des finances publiques en suscitant constamment des conflits entre collectivités territoriales.
C’est l’occasion de confirmer que toutes les communes sont confrontées à des besoins financiers croissants. Sont en cause les contraintes liées à un nouvel agencement des charges comme celles relatives à l’assainissement, à la titularisation du personnel, à la sécurité, entre autres.
En définitive, une réforme fiscale en profondeur s’impose. Elle passe obligatoirement par la clarification des compétences, par la concertation systématique, par une solution adaptée à chaque territoire, par le principe de la restitution par l’État des recettes prélevées sur le territoire au lieu du prélèvement persistant opéré à la source sur les fonds régionaux et communaux. Monsieur le ministre, le débat doit remplacer les attaques sournoises. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Je suis saisi de treize amendements, nos 1, 2, 5, 3, 4, 6, 11, 7, 12, 8, 13, 9 et 10, du Gouvernement.
La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, pour les soutenir.
Viennent, ensuite, six amendements rédactionnels ou de précision. Cinq d’entre eux, aux articles 8 ter, 40 bis, 40 bis A, 40 bis B et 40 bis F, sont de nature ponctuelle. Le dernier consiste en une réécriture un peu plus fouillée de l’article 40 quinquies, qui autorise l’institution par les collectivités locales d’une taxe sur les déchets ménagers. La complexité de cet article explique que le Gouvernement, en liaison étroite avec la commission des finances à laquelle je rends une fois de plus hommage, a cru utile de revenir sur le texte issu de la CMP pour en faciliter l’application.
Trois autres amendements sont de coordination avec les dispositions du projet de loi de finances rectificative :
À l’article 8, pour supprimer cet article relatif à la réforme des acomptes d’impôt sur les sociétés, désormais contenue en entier dans l’article 2 du projet de loi de finances rectificative ;
À l’article 34, pour minorer de 20 millions d’euros le montant des crédits du programme « Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État », tirant ainsi les conséquences de la limitation aux seules missions militaires relevant du ministère de la défense, à l’exclusion de la majeure partie des activités de la gendarmerie nationale, de l’exonération de taxe intérieure sur les produits pétroliers prévue à l’article 4 du projet de loi de finances rectificative ;
À l’article 33, article d’équilibre, pour tirer les conséquences de l’ensemble des dispositions du projet de loi de finances rectificative pour 2006 ayant un impact chiffrable sur l’équilibre 2007. Outre la baisse des remboursements et dégrèvements évoquée plus haut, il convient de mentionner une baisse de 160 millions d’euros de recettes fiscales résultant principalement, à hauteur de 114 millions d’euros, du transfert de droits tabac au bénéfice du fonds unique de péréquation, le reste se répartissant entre l’impôt sur le revenu à hauteur de 18 millions d’euros, la taxe spéciale pour les conventions d’assurance à hauteur de 10 millions d’euros et plusieurs autres lignes de recettes fiscales pour des montants moindres. Les recettes non fiscales sont également revues à la baisse de 25 millions d’euros, correspondant à l’allégement de la TACA décidé à l’initiative des deux assemblées. Au total, le déficit s’établit en augmentation de 165 millions d’euros par rapport au texte issu de la commission mixte paritaire et atteint 41,996 milliards d’euros, à comparer aux 41,647 milliards d’euros du projet de loi de finances.
Enfin, je vous demande de rétablir l’article 53 bis, dont la commission mixte paritaire a demandé la suppression. Cet article est une mesure de justice, qui permet de remédier à une inégalité entre les titulaires de l’allocation pour adulte handicapé et les bénéficiaires du fonds spécial d’invalidité en prévoyant que ces derniers pourront désormais percevoir le complément de ressources et la majoration pour la vie autonome dès lors qu’ils remplissent les conditions applicables aux bénéficiaires de l’AAH.
En revanche, le dernier amendement, qui concerne l’allocation adulte handicapé, pose problème. Il est tout à fait exact qu’il existe aujourd’hui une anomalie. En effet, les bénéficiaires de cette allocation peuvent percevoir un complément de ressources, qui leur permet d’atteindre 80 % du SMIC. En revanche, d’anciens salariés, pris en charge par le fonds spécial d’invalidité après avoir été victimes d’un accident du travail, touchent certes l’AAH, mais sans bénéficier du complément de ressources. À peu près 25 000 personnes sont dans ce cas et il serait tout à fait normal, d’autant qu’elles ont cotisé, de leur ouvrir les mêmes droits. Le problème que nous avons rencontré en commission mixte paritaire, c’est que cette mesure, qui aurait dû être étudiée lorsque nous avons élaboré le projet de loi de finances, ne l’a pas été. Les évaluations de son coût varient, selon qu’elles proviennent du ministère des affaires sociales ou de Bercy, entre 25 et 100 millions d’euros.
Si la disposition proposée est importante – et je ne nie pas, bien au contraire, son intérêt quant au fond –, il n’est pas normal qu’elle ne puisse pas être discutée ici après l’avoir été au Sénat et qu’elle nous revienne par le biais d’une commission mixte paritaire.
Il est donc de mon devoir d’émettre un avis réservé, car, s’il s’agit d’une mesure d’équité, elle n’est pas financée.
L’amendement n° 5, qui vise à supprimer l’article 8 relatif aux acomptes d’impôt sur les sociétés, est bien la preuve d’une réelle improvisation. On parle d’augmenter le produit de l’IS de 500 millions, mais on ne sait pas si ce ne sera pas 1 milliard – on a déjà vu une annonce de 500 millions se transformer en 2 milliards. Le groupe UDF est donc contre.
S’agissant des amendements nos 11 et 7, qui concernent l’exclusion des activités civiles de la gendarmerie du bénéfice de l’exonération, par voie de remboursement, de la TIPP sur le carburant et combustible consommé par le ministère de la défense, nous sommes parvenus à un compromis après un long débat en commission. Le Gouvernement s’était engagé devant la représentation nationale, à la suite des observations de députés de l’UDF ou de l’UMP, à rétablir 20 millions sur le budget de la gendarmerie. Or, il ne tient pas cet engagement. Aussi, je souhaite qu’il nous donne des éclaircissements sur ce sujet.
L’UDF est favorable à la mesure de justice proposée à l’amendement n° 10. Mais, comme l’a rappelé M. Carrez, il n’est pas très sérieux de disposer d’évaluations qui oscillent entre 25 et 100 millions. Ensuite, il y a un problème de constitutionnalité, et comme les socialistes vont saisir le Conseil constitutionnel, cette mesure sera annulée.
Ma dernière observation porte sur l’amendement n° 9. J’ai déjà appelé l’attention de mes collègues sur le fait que la taxe sur les déchets ménagers prévue pour les usines d’incinération, à 3 euros la tonne, représente un euro par habitant, alors que le coût du traitement des ordures ménagères est déjà proche de 100 euros par habitant. Certes, il est proposé de ramener cette taxe à 1,50 euro la tonne. Toutefois, les communes qui ont une usine d’incinération sur leur territoire perçoivent déjà la taxe sur le foncier bâti et la taxe professionnelle liées à cette installation, ce qui représente des sommes considérables. Dans le département de la Marne, par exemple, l’une des deux usines d’incinération est installée dans une petite commune de 500 habitants. Autant vous dire qu’elle va toucher des sommes importantes !
Il y a tout de même un problème du coût du traitement des ordures ménagères.
J’ai bien entendu les propos de M. Carrez et je donne volontiers acte à la commission des finances de sa nécessaire rigueur dans l’analyse de cette question.
Au passage, je ferai remarquer à M. de Courson que le sérieux est partagé sur tous les bancs de cette assemblée et qu’il n’est pas réservé à certains. J’ajoute que, dans le cadre de la discussion d’une loi organique sur l’autonomie financière des collectivités locales, il avait juré ici qu’elle n’était pas constitutionnelle, avant que le Conseil constitutionnel le démente.
La disposition proposée par le ministre me semble nécessaire. J’ai confiance dans la capacité du Gouvernement à tenir compte de ce qui a été dit en commission mixte paritaire et ici, mais j’insiste pour que nous n’adressions pas à nos concitoyens handicapés un mauvais message, qui ne serait certainement pas apprécié en cette période de l’année.
Je mets d’abord aux voix l'amendement n° 1.
(L'amendement est adopté.)
(L'amendement est adopté.)
(L'amendement est adopté.)
(L'amendement est adopté.)
(L'amendement est adopté.)
(L'amendement est adopté.)
(L'amendement est adopté.)
(L'amendement est adopté.)
(L'amendement est adopté.)
(L'amendement est adopté.)
(L'amendement est adopté.)
(L'amendement est adopté.)
(L'amendement est adopté.)
(L'ensemble du projet de loi, ainsi modifié, est adopté.)
(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures cinq.)
La parole est à M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour défendre cet amendement.
Pour des raisons tenant à la disponibilité immédiate des moyens en personnel, le projet de loi initial ne donnait pas pleinement sa place au principe de collégialité, puisque, monsieur le garde des sceaux, les articles 1er et 2 prévoyaient seulement l’instauration de pôles de l’instruction et la co-saisine des juges d’instruction.
Dans un premier temps, la commission des lois a souhaité s’en tenir fermement aux conclusions de la commission d’enquête et elle a supprimé ces articles, espérant que l’évolution de la réflexion menée avec le Gouvernement conduirait à une rédaction plus proche de ses convictions.
Tel est l’objet de cette série d’amendements qui proposent d’instaurer la collégialité dans un délai de cinq ans à compter de la publication de la loi. La collégialité, qui fait partie des recommandations de la commission d’enquête, est destinée à rompre la solitude du juge d’instruction en rendant possible un regard croisé sur les affaires, c’est-à-dire une véritable complémentarité des juges dans leur travail d’enquête.
Les amendements nos 77 et 81 tendent donc à confier l’instruction à un collège de trois juges, dont un juge coordonnateur – qui serait nécessairement un magistrat de premier grade, donc expérimenté – afin de remédier à la relative inexpérience des juges du tribunal de grande instance, que la commission d’enquête sur Outreau avait relevée, mais dont ils n’étaient en rien responsables. Afin d’apporter le maximum de garanties aux suspects, les actes les plus importants de la procédure – qu’il s’agisse de la mise en examen, du placement sous contrôle judiciaire, de la demande de placement en détention provisoire de la mise en liberté ou de l’ordonnance de règlement – feraient l’objet d’une décision collégiale, les autres actes pouvant être confiés par le juge coordonnateur à l’un des magistrats du pôle.
Les autres amendements sont de coordination, et je ne les défendrai pas davantage.
Enfin, la commission, après avoir accepté dans le cadre de l’article 88 de notre règlement les amendements que je viens de présenter, a décidé de rétablir les articles 1er et 2, aux termes desquels seraient mis immédiatement en œuvre les pôles de l’instruction et la co-saisine, en préfiguration de ce que sera le dispositif complet dans cinq ans. Il ne s’agit pas d’amendements d’appel, mais de mesures précises, qui trouveront leur transcription dans le code de procédure pénale avec toutes les coordinations nécessaires. Ils ont tous été acceptés par la commission.
Il n’est pas inutile de rappeler en séance publique que le Gouvernement partage l’analyse et la conviction de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau, à savoir qu’il faut conserver l’institution du juge d’instruction et instaurer dès que possible le principe de la collégialité.
La commission d’enquête s’était interrogée sur le maintien du juge d’instruction, se demandant s’il fallait au contraire opter pour le système de type accusatoire sur le modèle américain, dans lequel les parties mènent l’enquête et où l’instruction se déroule pendant les audiences. De leur côté, certains juristes français parmi les plus célèbres souhaitaient que le juge d’instruction se transforme en juge « de l’instruction » et joue un rôle d’arbitre entre les parties. Pourtant, l’expérience de l’Italie, qui a choisi cette solution, montre que les résultats obtenus ne sont pas ceux escomptés, le juge de l’instruction étant vite redevenu un juge d’instruction tout court. L’idée, pour séduisante qu’elle puisse paraître, n’est pas forcément bonne, même si confier aux parties la charge de la preuve – tâche qui incombe aujourd’hui à l’État représenté par le juge d’instruction – aboutit à une justice peu coûteuse. La commission d’enquête a conclu qu’il fallait conserver le juge d’instruction et a considéré, comme le Parlement l’avait fait en 1985 avec une majorité tout aussi impressionnante – ce qui témoigne d’une continuité dans l’unanimité, indépendamment des majorités successives –, qu’il était nécessaire d’instaurer la collégialité, nécessité dont le Gouvernement est également convaincu.
Cela étant, le problème de la mise en œuvre de cette collégialité n’est pas seulement d’ordre budgétaire. À cet égard, l’antienne sur le budget catastrophique de la justice aurait tendance à faire oublier les efforts accomplis depuis cinq ans qui se traduisent par une augmentation de 38 % des crédits. Malgré tout, je le répète, il est indispensable que la prochaine majorité vote une nouvelle loi d’orientation et de programmation pour la justice, afin de pérenniser l’effort fourni et pour que, dans cinq ans, la justice puisse disposer des effectifs et des moyens matériels nécessaires.
Toutefois, il est clair qu’il ne s’agit pas d’un problème d’argent, mais de formation des magistrats, laquelle se révèle impossible dans un temps réduit. On ne peut pas former aussi vite 240 magistrats supplémentaires indispensables au fonctionnement des collèges de l’instruction. De la même manière, le débat, qu’a soulevé la commission sur l’affaire d’Outreau, sur la suppression du juge des libertés et de la détention ne pourra être réglé qu’une fois que la collégialité de l’instruction sera effectivement assurée. En attendant, la question ne se pose pas : en l’absence de collégialité, il est nécessaire de conserver le juge des libertés et de la détention.
La question était donc de savoir comment faire avec les moyens humains actuels, puisque, je le répète, il ne s’agit pas seulement d’un problème d’ordre budgétaire. Il fallait trouver une solution transitoire nous orientant vers l’instauration de la collégialité. J’ai donc proposé la constitution de pôles de l’instruction, qui, dans la plupart des cas, seraient départementaux, pour atteindre le chiffre, indicatif, de 125. Je rappelle qu’il existe, métropole et outre-mer réunis, 180 tribunaux de grande instance. Ainsi, presque tous les départements auraient un pôle de l’instruction, exception faite des plus petits, et les plus gros – notamment le Nord ou le Pas-de-Calais – en auraient plusieurs.
Un collège de l’instruction comportera au minimum trois magistrats. Les pôles de l’instruction quant à eux, puisqu’ils ont pour fonction d’introduire progressivement à la collégialité, comporteront deux magistrats, dont l’un sera un magistrat du premier grade, lequel, ayant une plus grande ancienneté, aura davantage d’expérience, comme l’a souligné le rapporteur. Cela signifie que nous ne revenons pas sur la présence d’au moins un juge d’instruction par tribunal, ce qui est très important. Qu’on ne vienne donc pas nous parler, comme je l’ai entendu, d’une désertification du service public ! C’est inexact ! Vous-mêmes, mesdames et messieurs les députés, avez reçu moult lettres vous annonçant que le Gouvernement procédait de manière hypocrite à un bouleversement de la carte judiciaire : c’est exactement le contraire !
Il s’agit, vous le savez, d’un débat dont les partis politiques se sont emparés, ce qui est tout à fait légitime, certains étant même favorables à la présence d’un seul TGI par département. Je souhaite bon courage à ceux qui mettraient en œuvre cette brillante idée !
En revanche, il existe déjà des pôles de l’instruction, comme le pôle antiterroriste, situé à Paris. Le monde entier vient voir comment travaillent les juges antiterroristes et comment fonctionne la section antiterroriste.
Il existe également les pôles de santé : il y a quelques jours le procureur de la République de Paris a souligné combien ces pôles fonctionnent au plus grand bénéfice des justiciables dans des conditions très satisfaisantes.
Demain, d’autres pôles seront institués. Ainsi, en me rendant à Toulon, j’ai compris l’avantage qu’il y aurait à créer deux pôles pour les affaires maritimes, traitant de tous les délits de la mer, l’un à Toulon, l’autre à Brest. Chacun sait en effet que la justice aujourd'hui doit être spécialisée. Un magistrat ne peut pas s’occuper de tous les dossiers, comme s’il possédait une science digne de celle que la tradition prête à Pic de la Mirandole !
Enfin, il ne convient pas d’oublier les JIRS – juridictions interrégionales spécialisées –, qui, créées par la loi Perben, ont pour vocation de s’occuper du grand banditisme et de la grande délinquance : ces juridictions, supradépartementales – elles sont moins nombreuses que les cours d’appel –, disposent de l’élite des juges d’instruction et des parquetiers. Elles obtiennent d’excellents résultats.
Telle est à mes yeux la vraie réponse sur le fond à la réforme de la carte judiciaire. Demain, les collèges de l’instruction remplaceront les pôles de l’instruction, que crée le présent projet de loi, dans la plupart des cas, au siège du TGI : nous disposerons ainsi de pôles spécialisés dans les affaires criminelles.
Je tiens en effet à rappeler que ne sont soumises à l’instruction que 5 % des affaires – les affaires criminelles – et que seules les affaires délictuelles complexes seront également traitées par les pôles de l’instruction. Le juge d’un TGI ne possédant qu’une chambre – le cas le plus fréquent – traitera, quant à lui, les affaires délictuelles non complexes.
Pour terminer sur la carte judiciaire, j’ajouterai que les affaires instruites au pôle préfecture retourneront devant la juridiction de départ pour être jugées. Ainsi, une affaire issue d’un petit TGI, disposant d’une seule chambre, y reviendra, même si elle a été instruite au pôle préfecture. J’ai du reste prévu, dans le cadre du budget, les moyens financiers nécessaires pour indemniser les avocats de leurs nouvelles obligations, je pense notamment aux frais de déplacement au pôle de l’instruction.
La commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau a voté à l’unanimité la création des collèges de l’instruction. La commission des lois de l’Assemblée a trouvé une solution de compromis puisqu’elle a repris cette proposition sous la forme de cinq amendements auxquels, je l’indique d’emblée, je suis favorable, tout en ne prévoyant la création des collèges de l’instruction que dans cinq ans. Il appartiendra donc aux équipes de demain de mettre en place les moyens humains et matériels nécessaires à la création, dans cinq ans, de ces collèges de l’instruction.
Bref, les pôles de l’instruction, que le projet de loi institue et que nous organiserons dans les mois à venir, ont pour objectif de préparer les collèges de l’instruction, dont la création entraînera la suppression du juge des libertés et de la détention, puisque la mise en détention sera devenue l’objet d’une décision collégiale. Nous aurons ainsi répondu aux attentes que le Parlement formule depuis vingt ans : instituer des collèges de l’instruction après avoir fourni un gros effort en termes de créations de postes de magistrats. Du reste, en ce qui concerne le nombre de magistrats, et contrairement à ce que j’ai entendu dire ici ou là – mais il est vrai que la campagne électorale pousse certains à évoquer des dossiers qu’ils ne connaissent pas suffisamment –, je tiens à souligner qu’en France, à l’heure actuelle, ce n’est pas de magistrats que nous manquons, mais de greffiers, en raison notamment, chacun le sait, de la prolongation de la scolarité. Cela m’a été confirmé lors de tous mes déplacements en juridiction : au cours des réunions, c’est le mot « greffier » qui provoque un émoi aussi général qu’immédiat ! Créer des postes de greffiers est une urgence absolue à laquelle nous aurons répondu dans un an, ce qui signifie que nous aurons d’ici un an réglé les problèmes d’effectifs lancinants et récurrents au sein de la justice. Nous pourrons alors commencer à préparer la mise en œuvre des collèges de l’instruction, tout en sachant que la courbe démographique joue contre nous, notamment en raison de départs massifs à la retraite à l’horizon 2010, véritable année noire en la matière pour l’ensemble de la fonction publique. Il s’agit donc d’anticiper ces problèmes dès maintenant, si nous voulons réaliser les collèges de l’instruction dans cinq ans.
Je ne saurais donc remercier suffisamment l’Assemblée nationale d’accepter ces pôles qui, en permettant déjà la co-saisine, sont la préfiguration des collèges de l’instruction qui seront mis en place dans cinq ans.
En ce qui concerne les pôles et les collèges de l’instruction, je me référerai à la bible des trente députés de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau, qui en ont voté le rapport à l’unanimité. La proposition 14 prévoit de « créer, à l’échelon de chaque cour d’appel, des pôles de l’instruction composés d’un ou plusieurs collèges de trois magistrats, répartis, le cas échéant, dans le ressort de la cour, sur la base d’un critère démographique de 500 000 habitants. » La proposition 15, quant à elle, vise à « instituer une collégialité composée d’un magistrat du premier grade – au moins sept années d’ancienneté –, d’un magistrat du second grade, ces deux magistrats étant inscrits sur une liste d’aptitude », que nous avons évoquée la semaine dernière, « et d’un magistrat sortant de l’École nationale de la magistrature lui-même déclaré apte à exercer cette fonction. » Quant à la proposition 16, enfin, elle prévoit de « confier la direction de la collégialité au magistrat du premier grade. »
Telles sont les propositions que les membres de la commission ont votées à l’unanimité, je le répète, et qui, avec celles relatives à la détention provisoire, étaient au cœur de nos préoccupations. Nous étions tous déterminés à mettre en œuvre cette réforme le moment venu. Vous avez préféré précipiter les choses, alors que nous vous avions conseillé d’attendre que les élections soient passées pour que le législateur puisse disposer d’une visibilité sur cinq ans, tout en mettant immédiatement en application la mesure relative à la collégialité. Vous avez préféré proposer à la commission des lois la mise en place des pôles de l’instruction : or, c’est peu dire que les députés de la commission appartenant au groupe de l’UMP ont malmené vos propositions en la matière – je n’aurais pas osé aller si loin ! En effet, si la courtoisie les a tout d’abord conduits à vous écouter poliment, la semaine suivante, lorsque la commission a débattu de la réforme, des députés de la majorité, en termes très sévères, voire cruels, ont parlé l’un de « rafistolage », un autre de « fausse réforme », un autre encore de « fausse bonne idée ».
Non sans courage, les députés de l’UMP ont alors proposé de prévoir dans le texte la création de collèges de l’instruction dans chaque cour d’appel – la mesure que nous préconisions. Ensuite, des négociations ont dû avoir lieu entre les députés de la majorité et le Gouvernement, ce qui, assurément, ne nous regarde pas, mais il en est résulté une proposition boiteuse – la création des pôles avant celle des collèges – qui, de l’aveu même de MM. Marsaud, de Roux, Goasguen, relève de l’affichage électoral. M. Fennec s’est également montré très sévère pour cette proposition ! Alors que, en tant que députés, nous sommes censés faire la loi, c'est-à-dire créer du droit positif et établir la norme, comment pourrions-nous nous contenter de voter une mesure qui ne verra le jour que dans cinq ans si tout va bien ? Je le répète, cette mesure, c’est tout ce que vous voudrez, de l’affichage électoral ou un effet d’annonce, tout, sauf une réforme !
C’est pourquoi nous vous proposerons, par notre amendement n° 172 à l’article 1er, d’instaurer dès maintenant la collégialité de l’instruction pour en finir avec la solitude et l’inexpérience de certains juges d’instruction. En effet, ce qui a manqué au juge Burgaud dans l’affaire d’Outreau, c’est certes la faculté de douter, mais aussi et avant tout l’expérience, autrement dit le vécu judiciaire. Le juge Burgaud était trop seul et trop inexpérimenté ! Il faut en finir avec cette inexpérience et cette solitude en instaurant dès maintenant les collèges de l’instruction, mesure que, je le répète, les députés de la commission d’enquête ont votée à l’unanimité.
Les amendements proposés par le rapporteur mettent en place un dispositif similaire à celui que nous préconisions. À la question de savoir comment permettre la mise en œuvre de la réforme au regard de l’indigence du budget, il répond : en la reportant de cinq ans – c’est l’objet de l’article 16. Par conséquent, nous ne pourrons pas soutenir cet article.
Je partage en effet l’analyse de M. Vallini. Nous souhaitons nous aussi mettre en place immédiatement la collégialité, comme l’a proposé la commission d’enquête, d’autant que les dispositions de l’article 1er ne lèvent pas les ambiguïtés. La mise en œuvre de ces dispositions, même si elles traduisent une bonne intention, pose tout de même un certain nombre de problèmes – je ne reviens pas sur les débats conflictuels au sein de la commission des lois qui ont abouti au retrait des dispositions créant les pôles d’instruction, avant qu’elles ne soient rétablies.
Nous soutiendrons donc ces amendements, mais nous nous opposerons au délai de cinq ans prévu à l’article 16. Nous pensons en effet qu’il est possible d’introduire sans délai la collégialité proposée par la commission d’enquête.
Vous voulez maintenir un juge d’instruction dans chaque TGI. Or vous ne pouvez pas à la fois maintenir la carte judiciaire telle qu’elle est et concentrer les moyens nécessaires à la création des pôles d’instruction.
Néanmoins, je ne suis pas sûr qu’il faille aller jusqu’à trois magistrats quand deux peuvent suffire : ce qui importe est de pouvoir discuter à plusieurs. Seulement, pourquoi donc instaurer la collégialité dans cinq ans ? Je n’en vois pas l’intérêt et pense qu’il faudrait la mettre en œuvre immédiatement tant elle se révèle indispensable, ne serait-ce que pour rendre sa crédibilité à notre justice.
Manifestement, sur tous les bancs, nous partageons l’idée que la collégialité est une bonne formule. Ce n’est d’ailleurs pas une révolution puisqu’une loi proposée en 1985 par M. Badinter, promulguée en 1986, instituait déjà cette collégialité avec ce qu’on appelait alors les « chambres d’instruction ». Sauf que celles-ci n’ont jamais vu le jour, faute de moyens budgétaires et d’effectifs. Ne répétons donc pas l’erreur dommageable commise dans le milieu des années 80, de ne pouvoir mettre en œuvre une bonne idée, manifestement consensuelle.
Vous avez dit au garde des sceaux, monsieur Vallini, qu’il n’y avait pas suffisamment de magistrats – montrant en outre sur ce point votre désaccord avec lui. Reste que vous ne pouvez pas à la fois regretter l’insuffisance de magistrats dans la configuration actuelle et souhaiter une mise en place immédiate de la collégialité. Je connais votre agilité intellectuelle, mais reconnaissez donc qu’il y a là une petite difficulté.
Nous avons choisi de reprendre les idées de M. Badinter mais en tâchant de faire en sorte qu’elles soient mises en œuvre, grâce à ce délai de cinq ans. Par ailleurs, un amendement demandera au Gouvernement d’établir, à mi-chemin, un rapport adressé au Parlement sur les outils utilisés pour atteindre cet objectif.
Je reconnais objectivement qu’il peut paraître un peu étonnant de légiférer sur une mesure qui sera appliquée dans cinq ans. Je préfère néanmoins cette modalité qui permettra vraiment la mise en œuvre de la collégialité, dispositif qui se situe dans la continuité de celui prévu par M. Badinter, mais qui n’avait pas pu voir le jour dans la mesure où l’on avait voulu l’appliquer tout de suite. Nous avons tranché ce vrai débat, et le choix que nous avons fait est le bon : c’est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, d’y adhérer.
À propos de la carte judiciaire, il ne faut pas être doctrinaire, ni dans un sens ni dans l’autre. On ne peut décider d’emblée qu’il y aura un tribunal par département.
Je rappelle néanmoins la formule devenue historique du juge Burgaud : « Personne ne m’avait indiqué que je faisais fausse route », moyennant quoi le train a continué de rouler, chacun demeurant dans son compartiment jusqu’à ce qu’il atteigne le précipice que nous savons. Nous avons donc vécu cette dramatique affaire dite d’Outreau – comme député du Pas-de-Calais pour ce qui me concerne – avec une émotion reconnue par M. le ministre. Cependant, nous n’en sommes plus au stade de l’émotion mais à celui qui doit suivre la réflexion que nous avons menée en commun.
Il est certain que nous avons voulu que l’instruction devienne collégiale. Oui ou non, je le demande à M. le rapporteur et à M. le ministre, traduisons-nous aujourd’hui cette volonté exprimée dans les conclusions de la commission d’enquête ? J’ai compris que les moyens humains, et pas seulement les crédits, manquaient pour mener à bien cette réforme. Alors, oui ou non, j’insiste, peut-on affirmer qu’une fois ce texte voté, le juge d’instruction ne restera plus seul et qu’il sera obligé de travailler en équipe – ce travail d’équipe dont nous avons déploré l’absence en examinant l’affaire dite d’Outreau ? Allons-nous donc prendre le risque d’un « nouvel Outreau », alors qu’ensemble nous nous étions promis de faire en sorte de ne plus jamais revivre une telle situation ? Apportons-nous ici la réponse ? Avant d’intervenir brièvement sur l’article 1er, je souhaite obtenir des précisions de la part du rapporteur de la commission d’enquête, de la part du rapporteur du présent texte et de la part de M. le ministre.
La question de la solitude du juge d’instruction trouve un début de solution dans le dispositif mis en place. Je rappelle que toutes les affaires criminelles seront systématiquement, et de droit, adressées aux pôles de l’instruction, de même que les affaires qui auront fait l’objet d’une décision de cosaisine. On a vu que l’absence d’un tel dispositif est l’une des raisons pour lesquelles, dans l’affaire dite d’Outreau, l’instruction ne s’est pas déroulée comme elle aurait dû.
À partir du moment où l’on peut engager la cosaisine automatiquement dès le début mais également au cours de l’instruction, ce qui n’est pas le cas dans le dispositif actuel, alors en vigueur au moment de l’affaire dite d’Outreau, on a affaire au pôle de l’instruction. Il serait toutefois erroné de dire de ce dernier qu’il serait déjà la collégialité, cette juridiction composée de trois juges pouvant prendre une décision collégiale. Le pôle de l’instruction n’est donc qu’un premier élément qui permet de rompre la solitude du juge.
Voilà pourquoi il faut réaliser ce pôle. Pour des raisons qui ont été largement développées, nous ne pouvons mettre en œuvre immédiatement la collégialité. Nous aurions pu nous contenter de l’instituer dans cinq ans, mais alors Outreau pourrait se reproduire à tout instant, car nous laisserions la possibilité qu’un juge d’instruction soit saisi seul d’une affaire délicate et refuse la cosaisine. Le dispositif intermédiaire permet de prévenir une telle situation.
Il n’y a pas eu de négociations sur un compromis, monsieur Deprez, mais discussion sur la base de la volonté clairement exprimée par la commission des lois d’aller plus loin. C’est ce qui adviendra si les amendements que nous venons de présenter sont adoptés.
Je ne suis animé par aucun esprit polémique. La commission d’enquête a travaillé de façon remarquable pendant six mois. Quant à la commission des lois, il est vrai que ses réunions sont agitées, mais on dit si souvent que les parlementaires ne font qu’exécuter ce qui leur est proposé ! Pour une fois, nous donnons l’exemple d’une commission active et d’une majorité qui débat en son sein de différents problèmes : ne nous en plaignons pas !
Reste que, si le travail que nous accomplissons actuellement avait été fait en 1985, il n’y aurait peut-être pas eu d’Outreau. Si, en 1985, par l’effet une sagesse qu’il n’a pas eue à l’époque et que nous nous efforçons d’avoir aujourd'hui, le législateur avait décidé de créer la collégialité à échéance de trois ou cinq ans et en se préparant à y affecter les moyens nécessaires, cette collégialité aurait été instituée en 1990 et nous n’aurions peut-être pas connu l’affaire d’Outreau et d’autres affaires que nous avons eu également à déplorer.
Si je formule cette hypothèse, ce n’est pas pour faire de la politique-fiction a posteriori, mais pour montrer que ce que nous mettons en place n’est pas du rafistolage, mais un dispositif crédible qui ouvre des perspectives et sur lequel nous avons le moyen de peser. En effet, le rapport demandé au Gouvernement au bout de deux ans nous permettra d’évaluer le fonctionnement des pôles de l’instruction et la nouvelle procédure de cosaisine qui s’y inscrit. Nous pourrons déterminer alors quelles sont les dispositions concrètes – notamment l’augmentation du nombre de poste ouverts au concours de l’École nationale de la magistrature – que l’on doit prendre pour que la mise en place de la collégialité soit effective au bout de cinq ans.
Au total, on ne peut que saluer le travail très approfondi que la commission des lois a accompli sur la base des conclusions de la commission dite « d’Outreau ». Ce travail justifie que l’on adopte l’ensemble des dispositifs proposés.
(L'amendement est adopté.)
Pouvons-nous considérer qu’il a été défendu, monsieur le rapporteur ?
(L'amendement est adopté.)
Il a été accepté par la commission. L’avis du Gouvernement est favorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 78, deuxième rectification.
(L'amendement est adopté.)
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
L’avis du Gouvernement est favorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 76.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. André Vallini, pour le défendre.
Tout d’abord, la modification rédactionnelle qu’il propose paraît inutile. Le titre actuel du chapitre en question du code de procédure pénale, « Du juge d’instruction », couvre tous les cas de figure, du juge unique au pôle.
Ensuite, cet amendement est en réalité de coordination avec un autre amendement que M. Vallini présentera ultérieurement, et qui vise à instaurer une collégialité à cinq juges, c'est-à-dire bien plus que ce que la commission d’enquête a proposé. Comme j’émettrai un avis défavorable sur cet amendement, je ne puis que faire de même pour celui-ci.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Le président Houillon a souligné avec raison l’extraordinaire vertu démocratique de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau. Les retransmissions télévisées ont permis aux Français de s’approprier, pour reprendre son expression, une justice en laquelle ils avaient perdu confiance. Les députés, quant à eux, ont pris conscience de leur véritable fonction face à certains problèmes de société. Nous avons eu le sentiment qu’il nous était possible de leur apporter des solutions communes, quelles que soient nos origines géographiques et notre appartenance politique.
C’est donc une autre vision de la politique qui s’est fait jour dans l’esprit des Français, et je crains que ceux-ci n’éprouvent aujourd'hui une certaine tristesse : le formidable élan ressenti dans tout le pays risque de ne pas trouver sa traduction dans les conclusions que nous devrions tirer ensemble des quatre-vingts propositions, votées à l’unanimité, de la commission d’enquête.
Certes, nous ne saurions nous substituer au Gouvernement. Avec la sagesse qui le caractérise, M. le garde des sceaux dit ce qu’il a à dire. Mais allons-nous réussir dans les prochaines heures cette performance exceptionnelle : aboutir à une position consensuelle qui répondrait à l’attente des Français ? Ou allons-nous, une fois plus, nous diviser, alors que les Français attendent de nous que nous soyons unis pour tirer les conclusions du drame judiciaire d’Outreau ?
Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale, n° 3393 :
Rapport, n° 3505, de M. Guy Geoffroy, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton