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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 19 décembre 2006

99e séance de la session ordinaire 2006-2007


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Questions au gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe socialiste.

conférence sur l’emploi et les revenus

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre (« Il n’est pas là ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Monsieur le Premier ministre, vous avez organisé, le 14 décembre, une conférence sur l’emploi et les revenus. Si votre objectif véritable était de faire l’unanimité des organisations syndicales, le résultat a été remarquable : pour la CFDT, vos déclarations ont été « notoirement insuffisantes » ; pour la CGT, la conférence n’a été qu’une « mise en scène » ; la CFTC a jugé le résultat « très superficiel ». L’opinion générale est résumée par l’appréciation du secrétaire général de Force ouvrière : « Tout ça pour ça ! »

Il est vrai que, sur le fond, les mesures avancées révèlent que le Gouvernement et la majorité n’ont pas pris la mesure des aspirations des Français en matière d’emploi, d’augmentation des salaires et de lutte contre la précarité.

Quant à la forme, votre conception du dialogue social est singulière : après avoir refusé d’inscrire dans la loi les recommandations du Conseil économique et social sur la définition d’une nouvelle représentativité des syndicats ou le principe des accords majoritaires, vous convoquez les partenaires sociaux pour une prétendue conférence, dont les résultats avaient déjà été annoncés la veille par votre ministre de l’emploi.

Il est vrai que le Gouvernement aura refusé pendant cinq ans l’application de l’accord de décembre 2001, pourtant signé par toutes les organisations syndicales de salariés et les représentants de 800 000 entreprises artisanales.

Il est vrai qu’il aura imposé le CNE par voie d’ordonnance et tenté de faire passer le CPE sans aucune consultation des partenaires sociaux.

Il est vrai que le Gouvernement et la majorité auront réussi à remettre en question le principe de faveur et le respect de la hiérarchie des normes, par voie d’amendement, à la sauvette et dans l’ignorance des syndicats.

Monsieur le Premier ministre,…

M. Jean Glavany. Mais où est-il donc ?

M. Alain Vidalies. …vos tentatives de vous redonner un vernis social pour faire oublier le bilan désastreux de la majorité sont dérisoires.

Monsieur le Premier ministre (« Où est-il ? » sur les bancs du groupe socialiste), votre discours sur le dialogue social n’est pas un discours de la méthode, mais une méthode pour le discours électoral. Ne pensez-vous pas qu’il serait temps d’assumer votre bilan et celui de la majorité, et de renoncer à instrumentaliser les partenaires sociaux pour des opérations de communication politique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le député, je rappelle d’abord que le dialogue social est bien, pour nous, une méthode. La récente conférence sur l’emploi et les revenus a été préparée par une intense phase de dialogue avec les partenaires sociaux. À cette occasion, nous avons pu identifier nombre de leurs préoccupations à la lumière du rapport du CERC.

Je pense notamment à la situation des 190 000 jeunes qui sortent du système éducatif ou d’une formation sans qualification ni perspectives. C’est un vrai sujet sur lequel nous avons entamé un travail de fond en développant la formation en alternance et la professionnalisation des diplômes, tout en engageant, Gilles de Robien et moi-même, une réforme de l’orientation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plus concrètement, en matière de logement, la garantie des risques locatifs bénéficiera, à partir de janvier prochain, à chacun, quelle que soit la nature de son contrat de travail, et même s’il est au chômage, pour que tous puissent accéder au logement.

De plus, la revalorisation de 2,8 % de l’allocation logement évitera la discordance entre le prix du loyer et le coût de la vie. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Bataille. C’est une honte !

M. Augustin Bonrepaux. Vous l’avez refusé dans le budget !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Un crédit d’impôt permettra que les services à la personne ne soient pas réservés à ceux qui contribuent à l’impôt sur le revenu.

Enfin, et c’est essentiel, pour améliorer la situation d’un certain nombre de femmes qui subissent leur temps partiel, nous avons pris des mesures pour faciliter l’accès à la formation, l’accompagnement et la validation des acquis de l’expérience. Peut-être cette réalité concrète vous gêne-t-elle, monsieur le député ?

M. François-Michel Gonnot. Bien sûr qu’elle les gêne !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Le Gouvernement agit concrètement pour améliorer la vie quotidienne des gens, loin des discours démagogiques ou idéologiques ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Rires et vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

banque centrale européenne

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Nicolas Perruchot. Monsieur le Premier ministre, les campagnes électorales sont malheureusement souvent propices aux dérapages les plus excessifs et à la démagogie la plus condamnable. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) C’est ainsi que vous-même, comme deux candidats à l’élection présidentielle, l’un représentant le parti socialiste, l’autre encore ministre de votre gouvernement, venez de désigner la Banque centrale européenne comme la cause de toutes les difficultés économiques et financières de la France.

M. Jacques Desallangre. C’est inouï !

M. Nicolas Perruchot. Cela est non seulement indigne sur le plan des principes, mais faux sur le plan de la réalité économique.

M. Jean Dionis du Séjour. Très juste !

M. Nicolas Perruchot. Sur le plan des principes, il faut rappeler que ceux qui critiquent aujourd’hui l’indépendance de la Banque centrale sont ceux-là même qui l’ont souhaitée, comme les Français quand ils ont ratifié le traité de Maastricht. (Applaudissements sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Quant à l’Europe, elle est toujours un bouc émissaire pratique pour masquer nos propres faiblesses et l’incapacité des gouvernements qui se sont succédé depuis des années à rendre la France plus compétitive et à assainir nos finances publiques. Beaucoup de pays membres de la zone euro sont en meilleure santé économique que nous, alors qu’ils sont soumis, tout comme nous, à l’euro et à la politique de la BCE.

Critiquer la politique de la Banque centrale, c’est également faire un mauvais choix économique. Sa mission, celle que les peuples lui ont fixée,…

M. Jacques Desallangre. Ne parlez pas à la place des peuples !

M. Nicolas Perruchot. …est de lutter contre l’inflation, c’est-à-dire contre la hausse des prix, contre la vie chère et pour le pouvoir d’achat. Et c’est une bonne chose pour les Français.

J’ajoute que, si nous n’avions pas l’euro, compte tenu de l’état calamiteux de nos finances publiques, notre monnaie serait attaquée et nous devrions probablement multiplier les dévaluations, comme cela a été le cas à partir de 1981.

M. Jean Glavany. C’est exact !

M. Nicolas Perruchot. Monsieur le Premier ministre, l’UDF aimerait que l’on puisse remettre un peu de sérénité dans ce mauvais débat.

M. Maxime Gremetz. Et un peu d’ordre dans la banque !

M. Nicolas Perruchot. La Banque centrale européenne est indépendante parce que les gouvernants l’ont voulu.

M. le président. Posez votre question, monsieur Perruchot !

M. Nicolas Perruchot. J’y viens.

Elle lutte contre l’inflation parce que les peuples l’ont voulu. Cela devrait aller de pair avec une meilleure coordination des politiques économiques au sein de la zone euro.

Monsieur le Premier ministre, après deux ans à Matignon, avez-vous quelque idée et comptez-vous prendre quelque initiative en la matière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le député, je vais d’abord vous donner quelques éléments qui vont vous rassurer.

Puisque vous avez qualifié de « calamiteux » l’état des finances publiques, je tiens à vous apporter une bonne nouvelle (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) : la France est sortie de la procédure de déficit excessif, sur proposition de la Commission européenne elle-même. Elle est le premier des grands pays de la zone euro à y être parvenu. Il est vrai que nous avions à supporter le coût des 35 heures (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste), mais, si le choc a été violent, nous l’avons encaissé.

En ce qui concerne nos relations avec les représentants de la Banque centrale européenne, vous savez qu’une réunion a lieu tous les mois, dans le cadre de l’Eurogroupe. Je rappelle du reste que, en ce qui concerne la gestion au jour le jour de la politique monétaire au sein de la zone euro, les choses sont extrêmement claires : l’indépendance et le mandat de la Banque centrale européenne ont été ratifiés par l’ensemble des État membres et ne peuvent donc susciter de contestation. Cette situation impose à l’Eurogroupe de jouer pleinement son rôle. C’est le cas.

J’en veux pour preuve la discussion que j’ai souhaitée, il y a trois semaines, au sujet de la volatilité de l’euro, que, en tant que ministre de l’économie, je juge excessive. Son cours est en effet passé en quelques semaines de 1,25 à 1,33 dollar. Estimant que c’est dangereux pour notre économie, j’ai demandé une discussion approfondie sur la question. Ce fut fait et, après de longues heures de débat, le président de l’Eurogroupe, M. Jean-Claude Juncker, a émis, en notre nom à tous, des réserves sur la volatilité de l’euro, dont le danger pour l’économie nécessite de notre part une grande vigilance.

Depuis j’ai constaté une amélioration. Cela n’empêche pas que la relation institutionnelle qui existe entre l’Eurogroupe et la Banque centrale doit être consolidée. Croyez bien que, au nom du gouvernement de Dominique de Villepin, je m’y emploie activement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

pauvreté et précarité

M. le président. La parole est à M. André Gerin., pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. André Gerin. Monsieur le Premier ministre, il est insupportable que nous soyons au chaud, alors que des êtres humains vont peut-être mourir de froid. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François-Michel Gonnot. En Sibérie ?

M. André Gerin. L’hiver est là. Rappelons-nous les SDF qui ont péri, l’hiver dernier. Cela se passe en France, pays riche où un million d’enfants vivent en dessous du minimum de pauvreté.

M. Jean-Paul Anciaux. Démagogie !

M. André Gerin. Quelle honte pour notre pays de revoir les campements et les bidonvilles des pauvres en survie ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Paul Anciaux. Qu’avez-vous fait ?

M. André Gerin. Arrêtons les cache-misère, les larmes de crocodiles !

M. Yves Fromion. C’est réussi !

M. André Gerin. Pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion, cessons de mener la guerre aux pauvres ! Des hommes, des femmes et des enfants sont privés d’électricité, malgré la loi du 30 juin 2006. On les brise et les méprise, même pendant la période hivernale.

Aujourd’hui, 20 décembre, 20 000 familles sont pénalisées dans le Rhône : 15 % d’entre elles subissent des coupures totales ; 30 % sont limitées à une puissance de 1 000 watts – à peine de quoi faire fonctionner un petit chauffage d’appoint – et 55 %, à 3 000 watts.

M. Jean-Paul Anciaux. Vous n’avez pas voté la loi sur le logement !

M. André Gerin. Le droit à l’énergie leur est refusé, dans une France où des gens se gavent, où l’opulence règne et qui regorge de richesses. C’est inhumain, odieux et obscène.

Comble du mépris : EDF gagne de l’argent en coupant les compteurs. C’est, en grandeur nature, le dépeçage du service public pour le compte de financiers parasites qui rêvent tout haut de faire leurs choux gras de notre société nationale d’électricité et de gaz. (« La question ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le Premier ministre, refusons cette France égoïste. Agissons pour ne pas être coupable de non-assistance à personnes en danger de mort ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Paul Anciaux. Démagogie !

M. le président. Posez votre question !

M. André Gerin. Monsieur le Premier ministre, j’ai deux questions.

M. le président. Allez-y !

M. André Gerin. Allez-vous décider l’abolition des coupures d’électricité et de gaz, dans l’esprit de l’humanisme de la France ? Allez-vous répondre à la souffrance de dizaines de milliers de familles populaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. Albert Facon. Vive l’égalité !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le député, le problème des pauvres est beaucoup trop grave pour en faire un sujet de polémique. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jacques Desallangre. Ce n’est pas de la polémique : ils n’ont pas les moyens d’aller en Suisse, eux !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. La question est de savoir quelles réponses nous pouvons apporter, car la pauvreté aujourd’hui appelle une action concrète, et non de grandes déclarations d’intention. C’est tout le sens de l’engagement du gouvernement de Dominique de Villepin, comme en témoigne l’action menée au cours des derniers mois. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Le Gouvernement accorde 100 000 places pour héberger les personnes confrontées à des difficultés de logement. Cette mesure représente un milliard d’euros dans le budget de l’État. Si nous avons créé, au cœur de l’été, l’hébergement de stabilisation, c’est bien pour apporter de nouvelles réponses de fond, qui conjuguent la nécessité du logement et celle de la sortie de l’exclusion. Si, la semaine dernière, le Premier ministre a annoncé la création de la garantie des risques locatifs, c’est bien pour permettre à chacun d’accéder au logement grâce au prêt d’une caution garantissant le loyer. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

En ce qui concerne les coupures d’énergie, la loi portant engagement national pour le logement a prévu, là encore, des réponses concrètes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. André Gerin. C’est faux !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. L’aide alimentaire, qui représentait 4 millions dans le budget de l’État pour 2002, s’élève à 17 millions dans celui de cette année. (M. Gerin se lève et proteste. – Vives exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Asseyez-vous, monsieur Gerin !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Ce sont là des réponses concrètes, parce que la pauvreté, qui n’appartient à personne, doit être combattue par tous. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. André Gerin. Vous ne dites pas la vérité ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Gerin, asseyez-vous !

services à la personne

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire. (M. André Gerin commence à descendre des travées.)

M. le président. Asseyez-vous, monsieur Gerin !

M. André Gerin. Non ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Actuellement, il y a des coupures d’électricité malgré la loi !

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Ma question s’adresse au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement…

M. André Gerin. Dans le Rhône, il y a des coupures malgré la loi ! (Protestations continues sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Kucheida et M. Albert Facon. Il a raison ! (« C’est honteux ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Gerin, ça suffit ! Respectez le règlement !

M. Jérôme Lambert. Mme Vautrin n’a pas répondu à la question !

M. le président. Monsieur Gerin, allez vous asseoir ! Respectez l’orateur ! (M. André Gerin finit par regagner son banc.)

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Monsieur le président, je souhaiterais poser ma question. Il est anormal qu’un député communiste m’interdise de parler !

M. André Gerin. Il faut respecter la loi !

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Monsieur le ministre, pour nous tous, sur ces bancs, l’emploi constitue une priorité et nous nous réjouissons de l’évolution favorable que connaît notre pays depuis plus d’un an en matière de baisse du chômage.

La loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne contribue à cette évolution. Cette loi, que vous avez portée, a permis à notre pays de combler son retard dans un domaine qui répond aujourd’hui aux nombreuses attentes de nos concitoyens en matière de services. Les besoins sont multiples, qu’il s’agisse des gardes d’enfants, de l’aide aux personnes âgées et aux personnes handicapées ou des menus travaux et des aides informatiques qui facilitent la vie quotidienne des ménages.

Depuis le début de l’année, avec l’agence des services à la personne, présidée par Laurent Hénart, vous avez lancé la professionnalisation du secteur. En fin de semaine dernière, vous avez annoncé le souhait du Gouvernement d’élargir l’accès à ces services au plus grand nombre de foyers possible, notamment aux plus modestes, par le biais d’un crédit d’impôt.

Pourriez-vous nous préciser quelles mesures vous envisagez de prendre pour professionnaliser le secteur ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le député, les emplois de service à la personne connaissent une véritable révolution, dont le double objectif est de créer de la solidarité et d’améliorer la qualité de vie des Français, en répondant aux défis de la démographie et aux besoins de celles et de ceux qui travaillent. Au cours de la première année, 130 000 emplois ont été créés et l’objectif de 500 000 sera atteint d’ici à trois ans.

Par ailleurs, nous voulons faire de ces métiers de service à la personne de vrais métiers. Ainsi, en liaison avec l’agence nationale des services à la personne et après les grandes assises régionales qu’a présidées Laurent Hénart (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains),…

M. Maxime Gremetz. Combien ça coûte ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …des accords de branche seront conclus qui nous permettront d’obtenir des garanties collectives susceptibles de rendre ces métiers attractifs dans le cadre de véritables filières.

L’investissement dans la formation, qu’il s’agisse de l’alternance, de la formation tout au long de la vie ou de la validation des acquis de l’expérience, sera encouragé. Ainsi que je viens de le souligner à propos des emplois à temps partiel, c’est l’une des conséquences de la conférence emploi-revenus que nous avons tenue la semaine dernière.

Enfin, un plan dans la durée nous permettra, sur deux années,…

Mme Martine David. Vous ne serez plus là !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …d’atteindre l’objectif de 500 000 emplois de qualité. Non seulement ces métiers sont créateurs d’emploi, mais ils nous permettent d’envisager une solidarité active au sein de la nation. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

dispositif militaire en afghanistan

M. le président. La parole est à M. Michel Voisin, pour le groupe UMP.

M. Michel Voisin. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme la ministre de la défense, mais permettez-moi d’abord de dire à M. Gerin qu’il a donné une image déplorable de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Vives protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Je vous en prie ! Poursuivez, monsieur Voisin.

M. Michel Voisin. Madame la ministre de la défense, le 29 novembre dernier, à l’occasion du sommet de l’OTAN à Riga, M. le Président de la République a fait part de la décision de la France d’adapter son dispositif militaire, à effectifs constants, aux besoins de l’OTAN et des Afghans, en prévoyant notamment le durcissement de ce dispositif à Kaboul et l’assouplissement de ses conditions d’emploi hors de cette zone.

Depuis plus de quatre ans, 32 000 hommes sont engagés en Afghanistan dans le cadre de la Force internationale d'assistance à la sécurité de l'OTAN, dont quelque 1 100 militaires français, que j’ai eu le privilège et l’honneur de rencontrer et dont je veux souligner le professionnalisme, ainsi que l’image qu’ils donnent de la France. Parmi eux, 200 militaires appartiennent à nos forces spéciales.

Madame la ministre, vous rentrez d'Afghanistan, où vous avez annoncé le retrait de ces forces spéciales. Pourriez-vous nous préciser les raisons qui ont conduit à une telle décision et, surtout, les mesures que la France entend prendre pour continuer à tenir toute sa place dans la lutte contre le terrorisme international ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur Voisin, nos forces spéciales ont accompli, depuis juillet 2003, un travail remarquable dans le sud et l’est de l’Afghanistan, un travail salué par l’ensemble des alliés et par les autorités afghanes. Elles en ont payé lourdement le prix, en morts et en blessés.

Aujourd’hui, le théâtre d’opérations de l’Afghanistan est réorganisé : il passe en totalité sous la maîtrise des forces de l’OTAN. Dans le même temps, l’armée nationale afghane, que nous contribuons à former, avec les Américains, est en phase de montée en puissance. Tirant les conséquences de cette double évolution, la France a décidé, ainsi que je l’ai dit devant votre commission des affaires étrangères le 5 décembre dernier, de réorganiser son dispositif, tout en maintenant ses effectifs globaux.

Elle a ainsi décidé de retirer ses forces spéciales et, dans le même temps, de mettre en place une formation pour des forces spéciales afghanes. Elle a décidé aussi de participer à la création d’un service de santé militaire pour les Afghans. Elle a décidé enfin d’accroître sa réactivité au bénéfice des alliés et de la coalition, en prolongeant, sur l’année, la présence de son aviation de chasse, en déployant des hélicoptères sur le théâtre et en permettant, en cas de besoin de nos alliés, que nos troupes installées à Kaboul puissent leur prêter main-forte sur tout le territoire.

L’ensemble de ces dispositifs est totalement approuvé et par les autorités afghanes et par nos alliés, ainsi que j’ai pu le constater avant-hier et hier à Kaboul. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Delebarre. Impressionnant ! (Sourires.)

M. le président. Monsieur Delebarre !

décharges horaires des enseignants

M. le président. La parole est à M. Michel Terrot, pour le groupe de l’UMP.

M. Michel Terrot. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche,…

M. Maxime Gremetz. Bravo les enseignants !

M. Michel Terrot. …vous avez engagé une vaste réforme de l’éducation nationale, afin d’améliorer le fonctionnement de l’école et de l’adapter face aux difficultés auxquelles elle fait face.

M. Jérôme Lambert. On en voit le résultat !

M. Michel Terrot. Votre projet de décret touchant aux obligations de service de certains enseignants par la suppression de décharges horaires contribuera à la modernisation du système éducatif.

Défini par des décrets datant des années cinquante, le système de décharge de cours permet à certains professeurs de bénéficier, pour différents motifs, d'un allégement de service d'une à trois heures. Pointées du doigt dans un rapport de la Cour des comptes de janvier 2005 et, en avril, par un audit réalisé par les inspections générales de l'éducation nationale et des finances, ces décharges ne correspondent plus à la réalité et aux besoins de l'école d'aujourd'hui.

M. Augustin Bonrepaux. Pourquoi ?

M. Michel Terrot. Monsieur le ministre, un tiers des enseignants était en grève et 3 000 d'entre eux étaient dans la rue pour protester contre ce projet de décret.

M. Maxime Gremetz. Quel menteur ! Même le ministère estime qu’il y a eu 40 % de grévistes !

M. Michel Terrot. Pouvez-vous indiquer à la représentation nationale quels sont les objectifs de ce débat et ses enjeux ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Terrot, on entend dire beaucoup de choses sur les décharges et je vous remercie d’avoir rappelé quelques vérités.

On entend ainsi souvent que les décharges sont un avantage acquis. Non, elles sont obtenues contre une obligation de service, à la place des heures qui ne sont pas effectuées dans le cadre de la mission d’enseignement normale.

M. Augustin Bonrepaux. Dites la vérité !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Des professeurs ont ainsi obtenu des décharges pour préparer les élèves au baccalauréat. Nous maintenons ces décharges en classe de terminale, ainsi que, en première, pour les professeurs qui enseignent dans les disciplines qui préparent au baccalauréat. En revanche nous ne maintenons pas les décharges pour les professeurs qui ne préparent plus au baccalauréat. Il est important que ce soit dit de cette façon. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Daniel Paul. Et pour le sport ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. J’entends dire, par ailleurs, que nous ne créons pas de nouvelles décharges. Or nous en créons, par exemple pour certains responsables de laboratoire, pour les enseignants qui organisent des formations aux TICE – les technologies de l’information et de la communication pour l’éducation – dans les collèges et les lycées, et pour les enseignants qui organisent des stages pour les élèves, grâce à leurs relations dans le milieu des entreprises.

M. Augustin Bonrepaux. Ils apprennent comment travailler plus pour gagner moins ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. J’entends dire également que l’on va supprimer le sport à l’école, alors que, pour la première fois, sont prévues, dans le texte, trois heures de décharge pour favoriser les associations sportives en milieu scolaire. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ce qui est vrai, c’est que les enseignants de sport n’auront pas ces décharges s’ils ne s’investissent pas dans ces associations.

J’entends dire ensuite que cela concernerait 150 000 enseignants. C’est faux : cela en concerne 30 000. Voilà la vérité !

J’entends dire aussi qu’il n’y a pas eu de dialogue social. Or cela fait deux ans que l’on en parle avec les partenaires sociaux. J’ai reçu toutes les fédérations et, récemment, l’intersyndicale. Oui, il y a eu un vrai dialogue social.

Enfin, j’entends dire que, avec ce nouveau texte, il faudrait enseigner dans plusieurs communes. En fait cela existe depuis le décret de 1950, soit depuis cinquante-six ans.

Je vous remercie, monsieur Terrot, de m’avoir permis de faire le point sur cette mesure, qui est une mesure de justice sociale, car, à mission égale, travail égal. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Bataille. Ce n’est pas convaincant du tout !

M. Maxime Gremetz. Combien y avait-il de grévistes ?

licenciements chez dim

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour le groupe socialiste.

M. Christian Paul. Monsieur le Premier ministre, personne n’a le droit de mettre en scène la France qui souffre ou de la découvrir à la veille des élections présidentielles. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Personne n’a le monopole de la souffrance sociale, mais chacun, à commencer par le Gouvernement, a le devoir de lutter contre les dégâts terribles que causent à nos entreprises les décisions prises par des actionnaires lointains et anonymes.

M. Jean-Paul Anciaux. Qu’avez-vous fait ?

M. Christian Paul. La France qui souffre, aujourd’hui, ce sont les centaines de salariés de Dim de la Nièvre et de la Saône-et-Loire qui vont bientôt être licenciés – comme tant d’autres – et qui attendent de vous non pas des discours flamboyants ici, mais une présence et des actes courageux sur le terrain, là où les difficultés se vivent. La France qui souffre, ce sont les centaines d’ouvrières et d’ouvriers de Dim angoissés, qui attendent – en vain jusqu’à présent – que l’État agisse à leurs côtés pour réduire le choc et le nombre des licenciements, pour permettre aux salariés de partir dans la dignité après des dizaines d’années de travail, pour obtenir des garanties sur l’avenir de nos usines.

Quand l’État est absent, ou quand il se contente d’observer, la négociation sociale se résume au dialogue du pot de terre contre le pot de fer.

M. Claude Goasguen. Démagogie !

M. Christian Paul. Même quand les accords se signent à l’usure, sous le chantage à l’emploi, l’amertume est grande.

À Autun, à Château-Chinon, à Levallois, à La Tour du Pin, les salariés de Dim se sentent abandonnés. Le ministre de l’emploi, prétextant la négociation, refuse de rencontrer les élus et annule ses rendez-vous au mépris de la parole donnée. C’est là un flagrant délit de capitulation sociale qui, commis dans la France d’aujourd’hui, augure mal de ce que sera « la France d’après ». C’est le laisser-faire et le faire semblant ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le Premier ministre, je vous demande solennellement que l’État tienne enfin, en urgence et en sincérité, les engagements qu’il a pris, non seulement en faveur d’hypothétiques revitalisations, mais aussi pour soutenir les justes exigences des salariés de Dim. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. André Chassaigne. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Michel Delebarre. Accrochez-vous !

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le député, 455 personnes connaissent actuellement de grandes difficultés quant à leur emploi à Autun et à Château-Chinon (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et vous ne pouvez pas accuser le Gouvernement de ne pas s’en être préoccupé. (« Si ! Si ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Si vous comparez ce qui a été fait pour Lu et Danone avec ce qui l’a été pour Hewlett-Packard et Sogerma, vous constaterez une différence ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Comme vous le savez, nous avons reçu les représentants des salariés et ceux de l’entreprise, ainsi que les élus…

M. Christian Paul. Il y a six mois ! Depuis, rien !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …et il a été décidé, le 27 juillet, de mettre en place un groupe de concertation nationale qui a achevé ses travaux vendredi avec la proposition d’un accord.

M. Christian Paul. C’est faux ! Il n’est pas signé !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Il appartient maintenant aux partenaires sociaux de nous dire si, oui ou non, ils veulent signer ce qui nous paraît constituer un bon accord pour les salariés.

Mme Martine David. Ce n’est pas un accord !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. C’est par respect pour le dialogue social, qui se tient d’abord entre les représentants des salariés et l’entreprise, que nous avons différé ce rendez-vous. Le rôle de l’État étant celui d’un garant en amont et en aval, nous serons le garant de l’application de cet accord et de la revitalisation.

Le député Jean-Paul Anciaux, qui suit ce dossier depuis douze mois, a fait le choix de la responsabilité (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), celui de l’avenir des salariés et des bassins d’emploi. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. André Chassaigne. Cela ne veut rien dire !

directive européenne
sur les services postaux

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour le groupe UMP.

M. Alain Joyandet. Ma question, à laquelle j’associe mes collègues parlementaires membres de la commission supérieure du service public des postes et télécommunications, s’adresse à M. le ministre délégué à l’industrie.

Monsieur le ministre, les Français sont très attachés à La Poste et à leurs facteurs. (« Ah ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Les élus que nous sommes veillent en permanence sur ce grand service public qui est une composante essentielle de l’aménagement du territoire et de l’économie nationale.

La commission supérieure des postes a récemment attiré votre attention sur les conséquences de l’ouverture à la concurrence, qui doit se faire sans fragiliser ou déstabiliser La Poste française, opérateur public historique. Nous devons donc être vigilants et faire preuve d’un très grand volontarisme dans nos négociations avec l’Europe. Ce sujet est bien d’actualité, puisqu’un projet de directive européenne postale a été récemment publié. Heureusement, ce texte laisse aux États une certaine latitude pour organiser et financer leur service universel.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer quelle sera la position de la France – que nous espérons ferme – afin que La Poste puisse poursuivre son développement et sa modernisation, tout en préservant ses 17 000 points de contact avec les Français (« Les bureaux de poste ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et son réseau de facteurs qui, pour un grand nombre de nos concitoyens, sont quotidiennement irremplaçables par le service et la présence qu’ils apportent. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Monsieur le député, La Poste est effectivement une grande et belle entreprise présente sur tout notre territoire et à laquelle tous les Français sont, à juste titre, attachés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jérôme Lambert. Bla-bla-bla !

M. Christian Bataille. C’est laborieux !

M. le ministre délégué à l’industrie. Nous avons évidemment à cœur, lors des débats sur la directive, de faire en sorte que ce service public demeure de très grande qualité pour l’ensemble de nos concitoyens.

La directive contient des dispositions plutôt sympathiques, notamment la définition qu’elle donne du champ et des obligations du service universel, qui correspondent à notre propre conception.

M. Jacques Desallangre. On peut mettre le service universel aux enchères !

M. le ministre délégué à l’industrie. Elle prévoit également la péréquation des tarifs et ne comporte aucune restriction aux missions supplémentaires que nous voulons confier à La Poste, ce qui nous permet de maintenir les 17 000 points de contact auxquels nous sommes attachés…

M. Jérôme Lambert. Ce ne sont donc plus des bureaux de poste !

M. le ministre délégué à l’industrie. …notamment le transport de la presse.

Il est en revanche certaines questions auxquelles la directive n’apporte pas de réponse satisfaisante à ce jour. C’est le cas, en particulier, du mode de financement du service universel public.

La Poste bénéficie actuellement du service réservé pour les envois de moins de cinquante grammes, mais la directive ne prévoit pas la garantie de financement que nous souhaitons. C’est ce que j’ai dénoncé la semaine dernière au conseil des ministres des télécommunications (« Ah ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains)

M. Maxime Gremetz. Révolutionnaire !

M. le ministre délégué à l’industrie. …car c’est pour nous une condition de l’adoption de la directive ; une bonne dizaine de pays nous a suivis. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

sectes

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour le groupe UMP.

M. Georges Fenech. Monsieur le ministre de la santé et des solidarités, la commission d’enquête parlementaire sur les sectes et les mineurs, que j’ai eu l’honneur de présider tandis que M. Philippe Vuilque en était le rapporteur, a remis ce matin son rapport au président de l’Assemblée nationale.

Après avoir fait un constat alarmant des dangers encourus par des milliers d’enfants victimes de l’emprise sectaire, la commission a formulé cinquante propositions visant à mieux garantir les droits des enfants, conformément à la convention de New York dont la France est signataire.

La commission vous demande notamment, monsieur le ministre, d’intervenir afin de redéfinir les conditions d’attribution du titre de psychothérapeute. L’article 52 de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, dû à une initiative parlementaire et adopté à l’unanimité, est venu combler un vide juridique qui permettait à n’importe qui de s’autoproclamer psychothérapeute rien qu’en vissant une plaque à la porte d’un cabinet, sans aucune garantie ni information des patients. Or à ce jour, plus de vingt-neuf mois après la promulgation de la loi du 9 août 2004, le décret d’application n’a toujours pas été publié. Il semble que des pressions de la part d’organisations peu représentatives, mues par des intérêts financiers ou sectaires, soient à l’origine de cet enlisement. C’est pourquoi, monsieur le ministre, dans un souci de protection des victimes, la commission d’enquête souhaite savoir à quelle date ce décret d’application sera publié. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Vuilque. Très bien !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Avant les élections !

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Il s’agit à l’évidence d’une question importante, monsieur le député, et les propositions nos 23 et 24 de ce rapport vont trouver une réponse dans le décret que prépare actuellement le Gouvernement. Je sais que M. Accoyer est lui aussi très attentif à cette question, puisqu’il est à l’origine de l’article 52 de la loi de santé publique du 9 août 2004. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Comme je m’y suis engagé, ce décret sera publié avant la fin de la législature. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Depuis ma prise de fonctions en juin 2005, je n’ai eu de cesse de faire avancer ce dossier particulièrement complexe. Nous avons réussi à rapprocher les points de vue et nous sommes même parvenus à un équilibre, ce que certains estimaient impossible.

Afin d’offrir aux patients des garanties en termes de qualité et de sécurité de la pratique – il ne s’agit que de cela, et non de créer une nouvelle profession – une formation théorique de 400 heures et une formation pratique de la même durée seront désormais exigées, ce qui répond aux préoccupations exprimées par la mission parlementaire que vous avez présidée, monsieur Fenech.

En matière de santé publique, il est interdit de n’avoir qu’une priorité, c’est pourquoi mon ministère est présent sur toutes les questions. Ainsi, la DGS travaille actuellement sur l’accompagnement des personnes ayant quitté une secte, afin de prévenir toute rechute. À ce titre, des référents spécialement formés seront désignés dans les services déconcentrés et dans l’administration centrale.

Enfin, nous travaillons à la mise en place d’un code de déontologie des psychothérapeutes. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

accès aux soins

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marie Le Guen. Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et des solidarités.

Les Français ont longtemps eu confiance en leur système de santé, notamment en raison du fait que l’accès aux soins était satisfaisant. Malheureusement, tel n’est plus le cas aujourd’hui, tant la situation n’a cessé de se dégrader.

M. Jean-Jacques Descamps. Il fallait être plus prévoyant !

M. Jean-Marie Le Guen. Nos compatriotes sont confrontés à une pénurie liée à la démographie médicale (« La faute à qui ? » sur les bancs du groupe UMP), à la multiplication des dépassements d’honoraires rendant plus cher le recours aux soins, et, pour les plus fragiles, aux refus répétés de soigner les bénéficiaires de la CMU, une conquête sociale majeure voulue par notre majorité.

Alors que le Gouvernement est longtemps resté passif face à ces évolutions, il semble que la fin de la mandature l’incite à porter un coup fatal à notre protection sociale, en tentant de passer en force, sans même consulter la représentation nationale, pour imposer le secteur optionnel. Sans doute nombre de nos concitoyens ignorent-ils encore de quoi il s’agit, mais il faut qu’ils sachent que, si ce système était appliqué, mieux vaudrait, pour les soins les plus importants – notamment la chirurgie et les spécialités les plus lourdes – disposer d’une bonne assurance complémentaire pour ne pas en être de sa poche.

Fort heureusement, le Conseil constitutionnel, saisi par le groupe socialiste, vous a sanctionnés en censurant vingt articles de votre projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce qui constitue un désaveu sans précédent de l’action gouvernementale.

M. Michel Delebarre. Très bien !

M. Jean-Marie Le Guen. À la suite de cette décision, vous avez confirmé votre intention de passer en force. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Persistez-vous dans cette intention, monsieur le ministre, et allez-vous vous asseoir sur la décision du Conseil constitutionnel (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) pour imposer la fin des remboursements opposables ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Peut-être faudrait-il en effet revenir devant l’Assemblée nationale tant il est vrai, monsieur Le Guen, que, dans le cadre de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, vos arguments n’ont pas précisément résonné dans cet hémicycle. Avec vous, c’est de la démagogie régulièrement et jamais de propositions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

S’agissant de l’accès aux soins, et notamment de la CMU, il y a ceux qui sont dans l’agitation, comme vous, et ceux, qui, comme nous, recherchent des solutions. Or jamais, dans le cadre du PLFSS, vous n’avez déposé le moindre amendement sur la question de l’accès aux soins. Si vous aviez des choses à proposer en la matière, cela se saurait.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous aurais-je vexé ?

Mme Martine David. Ne vous inquiétez pas : cela va se savoir !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Concernant le secteur optionnel, il faudrait tout dire, monsieur Le Guen.

Il fallait rappeler, par exemple, que c’est la première fois que le Conseil constitutionnel a décidé d’appliquer au projet de loi de financement de la sécurité sociale les règles qu’il ne retient d’ordinaire que pour le projet de loi de finances. Si tel avait été le cas, l’année dernière, cinq amendements du Gouvernement auraient été censurés. Or cela ne s’est pas produit.

Vous auriez dû également préciser que c’est seulement sur la forme, et non sur le fond, qu’ont porté les remarques. Vous connaissez suffisamment bien ces sujets pour être exhaustif en la matière.

En tout état de cause, si nous ne faisons rien, si nous choisissons l’immobilisme, qui rime d’ailleurs avec socialisme (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste), dans quelques années, il n’y aura plus d’accès aux soins. Or nous voulons précisément garantir l’accès aux soins et faire en sorte, que dans cinq ou dix ans, il y ait toujours des chirurgiens qui proposent des tarifs opposables, c’est-à-dire remboursables.

Vous n’avez jamais mené la réforme de l’assurance maladie qui s’imposait. C’est parce que vous êtes coupables d’immobilisme que les Français ne vous ont pas fait confiance et qu’ils ne vous feront toujours pas confiance en mai prochain ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour la démocratie française. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. Il n’a pas répondu à la question.

scolarisation des enfants handicapés

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Païx, pour le groupe UMP.

Mme Bernadette Païx. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, le Président de la République a fait de l’intégration des personnes handicapées l’une des priorités de son quinquennat. La loi sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées,…

M. Maxime Gremetz. Les handicapés sont les grands oubliés !

Mme Bernadette Païx.… que notre majorité a votée, a concrétisé ce chantier. L’article 19 de cette loi pose un principe nouveau, fondamental et fort. Il est le plus emblématique de cette volonté d’intégration : l’inscription de tout enfant handicapé dans l’école de son quartier. En effet, l’insertion des personnes handicapées au sein de notre société suppose avant tout une parfaite intégration dans le système scolaire.

Les décisions du Gouvernement et de votre ministère vont précisément en ce sens : création de postes d’auxiliaire de vie scolaire, mise en place d’unités pédagogiques d’intégration, sensibilisation et formation des enseignants aux problèmes du handicap.

À la veille des vacances de Noël, pouvez-vous, monsieur le ministre, faire le bilan des mesures prises pour la scolarisation des enfants handicapés, et dresser un état des lieux de leur intégration en milieu scolaire ordinaire au cours du trimestre passé ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la députée, la loi qu’a souhaitée la majorité et qui a été votée sur tous vos bancs, constitue un formidable défi que l’éducation nationale est en train de relever. Alors qu’en 2002, 89 000 élèves étaient accueillis en milieu scolaire, ils sont 156 000 aujourd’hui, ce qui constitue une augmentation de 70 %. Voilà quatre ans, 7 400 de ces enfants bénéficient d’un accompagnement individualisé ; ils sont 20 000 à présent.

Ces chiffres montrent bien que nous sommes en passe de relever le défi, ce qui nécessite cependant de nouveaux moyens car le besoin va croissant. Dès le 1er janvier 2007, nous recruterons donc 500 nouveaux auxiliaires de vie scolaire, qui viendront s’ajouter aux 4 600 déjà en fonction. Néanmoins ce dispositif ne sera efficace qu’à la condition que ces personnels bénéficient d’une vraie formation. Celle-ci commencera dès janvier prochain. Elle est prévue sur 60 heures, dont 30 heures durant le seul mois de janvier.

Ces emplois viennent s’ajouter aux 50 000 emplois de vie scolaire financés dans le budget pour 2007, comme l’a souhaité le Premier ministre.

Par ailleurs, nous allons créer 200 unités pédagogiques d’intégration – 166 en secteur public et 34 pour l’école sous contrat – auxquelles seront affectés 200 enseignants et 166 AVS supplémentaires.

Voilà, madame la députée, le dispositif qui permet à l’éducation nationale de répondre présente en matière d’accueil des handicapés. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz et M. Daniel Paul. Non !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous avons voulu le faire tous ensemble. Grâce au Parlement, notamment grâce à cette majorité, nous sommes sur la voie de la réussite. Le rapport de Guy Geoffroy a démontré que c’était déjà en partie gagné.

M. Maxime Gremetz. Ce n’est pas vrai !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Bien sûr, il faut féliciter celles et ceux qui ont voulu cette loi. Mais permettez-moi aussi de rendre hommage à l’éducation nationale. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

programme CIVIS

M. le président. La parole est à Philippe Armand Martin, pour le groupe UMP.

M. Philippe Armand Martin. Monsieur le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes,…

M. Patrick Roy. Et au RMI !

M. Philippe Armand Martin. … le Gouvernement est entièrement et quotidiennement mobilisé pour l’emploi de nos concitoyens. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Avec quels résultats ?

M. Philippe Armand Martin. Les jeunes sont parmi les plus touchés par le chômage. Pire, 60 000 d’entre eux sortent chaque année sans qualification du système éducatif. Ils sont maintenant plusieurs centaines de milliers dans ce cas. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Roy. C’est de pire et pire !

M. Philippe Armand Martin. Cette situation est d’autant plus paradoxale que, dans certains secteurs, de nombreuses offres d’emploi restent non pourvues.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quel bilan !

M. Philippe Armand Martin. Face à ce constat, vous avez fait de l’emploi des jeunes l’une de vos priorités.

M. Jérôme Lambert. Il était temps !

M. Philippe Armand Martin. Parmi les nombreuses mesures que vous avez prises – apprentissage, soutien à la mobilité, CNE, etc. – vous avez mis en place, dans le cadre du plan de cohésion sociale de janvier 2005, le contrat d’insertion dans la vie sociale, le CIVIS. Ce dispositif, destiné aux jeunes de seize à vingt-cinq ans sans qualification qui rencontrent des difficultés d’insertion professionnelle, prévoit un renforcement des actions d’accompagnement vers l’emploi et une incitation forte à l’embauche pour les employeurs faisant l’effort de former et de recruter.

Monsieur le ministre, pouvez-vous dresser le bilan de cette ambitieuse mesure ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le député, ainsi nous l’avons dit et répété dans cet hémicycle, le niveau de chômage des jeunes est inacceptable. Nous ne pouvons admettre que, depuis vingt-cinq ans, le taux de chômage des jeunes soit de plus du double de la moyenne nationale. Depuis un an, cependant, le taux de chômage des jeunes a baissé de plus de 11 %. Près de 22 % d’entre eux restent néanmoins encore au chômage.

C’est la raison pour laquelle, outre la professionnalisation, l’alternance, la réforme de l’orientation, nous avons mis en place, dans le cadre de la loi de cohésion sociale, le parcours CIVIS. C’est un accompagnement par la mission locale ou la PAIO pour les jeunes connaissant des difficultés au regard de l’emploi ou de la vie sociale. Depuis mai 2005, 300 000 jeunes sont entrés dans ce dispositif. Après six mois de ce contrat, deux jeunes sur trois ont retrouvé ou trouvé soit un emploi, soit une formation. Reste ensuite à poursuivre l’accompagnement de ces jeunes.

Voilà pourquoi, dans le cadre de la loi sur l’égalité des chances, nous avons prévu le parcours d’accès à la vie active en entreprise. Grâce à ceux d’entre vous qui ont voté ce texte au mois de mai dernier, 30 000 jeunes ont d’ores et déjà pu bénéficier de cette mesure. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Voilà du concret ! Pour les jeunes, la seule solution est souvent la rencontre avec l’entreprise qui débouche sur un emploi durable avec une formation.

Par ailleurs, plusieurs d’entre vous nous ont saisis de la difficulté pour les jeunes à trouver des stages. Le Premier ministre nous a donc demandé de mettre en place, au premier trimestre 2007 et avec l’agence nationale pour l’emploi, une bourse des stages afin de favoriser la rencontre entre des jeunes qui attendent des stages et des formations en entreprise, et le monde de l’entreprise. Voilà une réponse concrète pour l’emploi des jeunes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

La séance est suspendue jusqu’à seize heures quinze.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Yves Bur.)

PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

loi de finances pour 2007

Transmission et discussion du texte de la commission mixte paritaire

M. le président. M. le président de l’Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 14 décembre 2006

En conséquence, l’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire (n° 3524).

La parole est à M. le rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, mes chers collègues, à l’issue de la première lecture par l’Assemblée nationale, ce projet de loi de finances comportait 107 articles. Le Sénat en a adopté 72 conformes, mais en a ajouté 54 de sorte que, jeudi dernier, il en restait 88 à soumettre à la commission mixte paritaire. Celle-ci étant parvenue à un accord sur chacun d’entre eux, c’est ce texte que le Gouvernement nous demande d’adopter, sous réserve de quelques amendements, essentiellement destinés à lever des gages, à coordonner ou à préciser certaines mesures. Je ne m’attarderai, lors de l’examen des articles, que sur l’un de ces amendements, plus important, qui concerne l’allocation versée aux adultes handicapés.

A l’Assemblée comme au Sénat, monsieur le ministre, la majorité a approuvé la stratégie budgétaire que vous appliquez et qui se trouve consolidée par ce projet de loi de finances pour 2007, dont je vais rappeler les objectifs ambitieux.

Le premier de ces objectifs, on ne le répétera jamais assez, est la maîtrise des dépenses publiques : leur évolution sera contenue à 0,8 % l’an prochain…

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Exactement !

M. Charles de Courson. Oh non !

M. Gilles Carrez, rapporteur. …soit 2 % compte tenu des prélèvements sur recettes et des recettes affectées.

Comme je l’ai indiqué au cours de la conférence des finances publiques, nous devrons nous accorder sur une norme de dépense aussi fiable que possible, mais si l’on se réfère à celle que nous utilisons depuis quinze ans, la dépense ne progressera effectivement en 2007 que de 0,8 %.

Cet effort se traduit par une diminution sensible du plafond d’emplois publics – 2,3 millions d’équivalents temps plein, soit environ 15 000 emplois en moins – et par la réduction du déficit par rapport au niveau prévu en 2005 et au regard de celui qui sera probablement constaté au terme de l’exécution du budget de cette année, soit environ 42,5 milliards d’euros.

Enfin, comme les trois lois de finances précédentes, celle-ci prévoit également que l’intégralité du surplus de recettes sera affectée à la réduction du déficit, conformément à la LOLF. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Voilà une stratégie budgétaire responsable.

M. Michel Bouvard. Et pédagogique !

M. Gilles Carrez, rapporteur. Si ces objectifs sont ambitieux, ils sont également crédibles puisqu’ils reposent sur une prévision de croissance raisonnable de seulement 2 %. Au vu de ce qui s’est passé au cours des dernières années, cette croissance devrait spontanément rapporter au budget de l’État une douzaine de milliards d’euros de recettes fiscales. Que faire de cette somme ?

Outre les dépenses incompressibles, comme le financement de la hausse mécanique des pensions et des frais financiers de la dette, qui représentent un peu plus de 2 milliards, ces recettes supplémentaires serviront à financer les transferts de recettes désormais affectées à l’agence nationale de la recherche, à tel ou tel opérateur, ou à la sécurité sociale, pour 1,4 milliard d’euros ; ainsi que l’augmentation des concours aux collectivités locales, notamment les exonérations et dégrèvements d’impôts locaux, pour 1,3 milliard d’euros ; elles financeront enfin les baisses importantes d’impôts, pour 7 milliards d’euros – je pense aux deux mesures phares adoptées l’an dernier : d’une part, la baisse et la simplification de l’impôt sur le revenu, d’autre part le plafonnement à 3,5 % de la taxe professionnelle et le dégrèvement pour investissements nouveaux.

Les douze milliards de surplus seront donc consommés en totalité, si bien qu’une rigueur absolue devra présider à l’exécution de ce budget, comme les années précédentes, afin de ne pas dépasser l’enveloppe de 277 milliards d’euros que nous allons adopter dans un instant.

Si des surplus apparaissent en cours d’année, je le répète, ils seront affectés à la baisse du déficit. En revanche, si les recettes espérées ne sont pas au rendez-vous, il faudra exercer une pression supplémentaire et immédiate sur les dépenses. Je sais, monsieur le ministre, que vous en êtes persuadé : nous ne pouvons plus nous permettre de laisser notre déficit se creuser davantage.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Absolument !

M. Augustin Bonrepaux. Cela fait cinq ans que vous le creusez et vous vous en apercevez maintenant !

M. Gilles Carrez, rapporteur. Monsieur Bonrepaux, la dette a été sensiblement réduite au cours de cette législature.

M. Augustin Bonrepaux. Il serait temps !

M. Gilles Carrez, rapporteur. Cela représentera deux points de PIB en moins en un seul exercice budgétaire, ce qui la ramènera à 64 % du PIB, à la fin de cette année…

M. Augustin Bonrepaux. C’est de la poudre aux yeux !

M. Didier Migaud. C’est vous qui avez creusé le déficit !

M. Gilles Carrez, rapporteur. …et nous poursuivrons notre effort en 2007.

M. Augustin Bonrepaux. Il faut bien corriger vos erreurs !

M. Gilles Carrez, rapporteur. Parmi les décisions importantes de la commission mixte paritaire figure un accord sur l’amendement du Sénat tendant à élargir la réduction d’impôt consentie, au titre du mécénat, aux particuliers et aux entreprises réalisant des travaux de restauration dans des immeubles inscrits sur la liste des monuments historiques ou à l’inventaire supplémentaire…

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur. …afin de sortir de l’impasse de financement actuelle. Des contreparties très strictes ayant été prévues par le Sénat, s’agissant en particulier de l’ouverture au public des bâtiments concernés, nous avons accepté cet amendement.

Par ailleurs, je note, à l’intention des présidents de conseil général qui siègent sur ces bancs, que 12 millions d’euros supplémentaires serviront à financer la prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires…

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Jean-Yves Chamard. C’était nécessaire !

M. Gilles Carrez, rapporteur. …au titre de l’année 2005, l’État ayant reconnu, au vu du travail de la commission d’évaluation des charges, la nécessité de ce financement complémentaire.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur. Vous voyez, monsieur Bouvard, que l’État compense avec la plus grande rigueur les compétences transférées !

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, rapporteur. S’agissant de la créance détenue par l’État sur l’UNEDIC et cédée au fonds de solidarité, notre assemblée avait prévu une date butoir en 2011, mais il restait à en fixer le montant : il a été ramené par le Sénat de 1,2 milliard à 770 millions d’euros lesquels, au moins, seront recouvrés.

Enfin, nous avons trouvé un équilibre satisfaisant en ce qui concerne la taxe dont bénéficieront les communes acceptant d’accueillir sur leur territoire un incinérateur ou une installation de stockage des déchets ménagers, ce qui répond à la demande de l’Association des maires de France, présidée par notre collègue Jacques Pélissard.

Je tiens enfin à saluer la qualité du travail accompli avec vous, monsieur le ministre, avec le ministre délégué au budget et avec l’ensemble de vos collaborateurs. Nous sommes très sensibles – le président de la commission des finances, moi-même et tous nos collègues – au fait d’avoir été associés à ce budget dès l’été : nous avons ainsi évité de le découvrir à l’occasion de la délibération en conseil des ministres.

Je remercie également tous ceux de nos collègues qui ont suivi avec assiduité l’examen de ce projet de budget…

M. Charles de Courson. Ils sont rares !

M. Gilles Carrez, rapporteur. …et l’ont alimenté par leurs amendements de qualité, dont un très grand nombre a été retenu, grâce à l’esprit d’ouverture du Gouvernement.

Je veux aussi remercier les différents présidents de séance, qui ont dirigé avec talent et efficacité nos débats, ainsi que les personnels de l’Assemblée et mes collaborateurs. Je le fais avec une certaine émotion, car ce budget est le dernier de la législature.

M. Didier Migaud. Enfin ! (Rires.)

M. Gilles Carrez, rapporteur. Je sais que vous ne pensez pas, au fond, ce que vous dites, vous qui m’avez précédé dans ces fonctions de rapporteur général !

M. Michel Bouvard. Il a éprouvé la même émotion ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez, rapporteur. Je remercie enfin la presse qui a rendu compte de nos travaux, et je vous invite, mes chers collègues, à adopter l’ensemble de ce projet de loi de finances pour 2007, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je transmettrai vos remerciements à mes collègues vice-présidents.

La parole est à M. le président de la commission mixte paritaire.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Gilles Carrez ayant dit l’essentiel, comme d’habitude, je m’en tiendrai à deux brèves remarques.

En premier lieu, reconnaissons très humblement que notre assemblée n’a que peu utilisé son droit d’amendement sur les crédits, ouvert par la LOLF. On peut regretter que l’évaluation des dépenses publiques ne soit pas encore entrée dans notre culture, alors que nous disposons d’une base très sérieuse pour exercer ce contrôle grâce au rapport de la Cour des comptes et aux audits engagés par le Gouvernement.

À cet égard je vais formuler deux propositions.

Tout d’abord, allégeons le poids des textes législatifs…

M. Hervé Novelli. Très bien !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. …dont nous attendons toujours qu’ils soient précédés d’une étude d’impact. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Bouvard. Cela n’a jamais été fait ! Il faut une rupture en la matière ! (Sourires.)

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Le Premier ministre l’a annoncé, mais aucune étude d’impact n’a encore été effectuée.

Ensuite, comme Gilles Carrez et moi l’avions proposé, il serait bon que le Gouvernement mette à la disposition du Parlement, pour tous les députés qui veulent assurer le contrôle de la dépense publique, des membres provenant des divers corps d’inspection, dont certains sont particulièrement attachés au contrôle de la dépense publique. Sans créer de postes ni de dépenses supplémentaires, nous pourrions utilement profiter de leur expérience et de leur compétence.

Ces deux suggestions, monsieur le ministre, si elles étaient mises en pratique, permettraient au Parlement de progresser dans son travail.

Je veux aussi, à mon tour remercier ceux qui, avec passion – comme Gilles Carrez, Didier Migaud et Michel Bouvard –, essaient, avec les ministères, d’appliquer ce contrôle de la dépense publique. À ce propos d’ailleurs, la commission des finances s’inquiète de la propension de certaines administrations centrales à bureaucratiser les indicateurs en les multipliant à l’excès pour garder le pouvoir.

M. Jean-Yves Chamard. Tout à fait !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Or le principe de la LOLF était bien de faire en sorte que les administrations décentralisées puissent exercer leurs responsabilités à l’intérieur d’une enveloppe globale. Monsieur le ministre, vous avez le pouvoir de faire en sorte que les administrations centrales assurent la mise en application des principes de la LOLF.

Ma deuxième remarque concerne les décisions du Conseil constitutionnel qui a rappelé, à très juste titre, l’existence du droit de priorité de l’Assemblée nationale en empêchant le vote, dans les lois de finances, de dispositions entièrement nouvelles au Sénat.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Il a également rappelé la nécessité du contrôle du respect de l’article 40 au Sénat. Nous ne pouvons en effet en avoir ici, à l’Assemblée, une application rigoureuse – mais nécessaire – et conforme à la Constitution et, au Sénat, une pratique plus légère. Nos collègues députés ne le comprendraient pas. Je constate d’ailleurs avec beaucoup de plaisir que le président Arthuis a immédiatement appliqué ce principe au collectif budgétaire. C’est un point important.

Alors qu’il avait très bien commencé le débat budgétaire en associant les commissions des finances, ce dont je vous remercie, monsieur le ministre, le Gouvernement a trop pris l'habitude – mais ce n’est pas le fait du ministère du budget ni de celui des finances – d'introduire des dispositions nouvelles, après le vote du budget, au gré d'effets d'annonce ou d'interviews multiples de ministres.

M. Jean-Yves Chamard. Tout à fait !

M. Michel Bouvard. Très juste !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Cela n'est pas sain. Les grands équilibres de la loi de finances comme ceux de la loi de financement de la sécurité sociale doivent être examinés successivement par les deux assemblées…

M. Jean-Yves Chamard. Très bien !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. …et des dispositions nouvelles ne peuvent pas être introduites uniquement au Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Je le dis d'autant plus fermement que ces dispositions nouvelles visent souvent à satisfaire des revendications ponctuelles et correspondent à de nouvelles niches ou à de nouvelles dépenses catégorielles.

M. Charles de Courson. Exemple : les SOFICA !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. En effet, monsieur de Courson.

Cela n'est pas satisfaisant au regard de la nécessité de maîtriser notre déficit budgétaire, car nous ne devons pas faire supporter, par le biais de la dette, les dépenses d'aujourd'hui par les générations futures.

Les SOFICA ne nous ont pas enthousiasmées, monsieur le ministre. Elles sont bel et bien de nouvelles niches fiscales et pas nécessairement en faveur des personnes qui en ont le plus besoin. Elles ont été votées par une partie de l’UMP et par le parti communiste à une voix près.

Selon moi, gouverner par des annonces budgétaires n’est pas une bonne chose et ne va pas dans le sens du discours sur la nécessaire réduction de la dette et de la solidarité envers les générations futures.

Telles sont, monsieur le ministre, les deux remarques que je tenais à présenter au nom de mes collègues de la commission des finances, et je vous remercie de les prendre en compte pour l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de finances pour 2007 par la commission mixte paritaire nous amène à faire le bilan de la discussion de ce texte et à mesurer le chemin parcouru depuis un peu plus de quatre années.

Nous avons, par la durée, obtenu des résultats qu’il nous faut consolider dans la durée.

Le premier est la maîtrise de la dépense.

À cet égard la règle du zéro volume, qui n’allait pas de soi, a été intégrée par l’ensemble des partenaires de la discussion budgétaire, et le groupe UMP l’a naturellement soutenue. Pour 2007, nous nous sommes rapprochés de la règle du zéro valeur. Ce n’est pas simple, monsieur le ministre, car il faut pour cela faire preuve d’une discipline soutenue, consentir des efforts supplémentaires et convenir ensemble des règles de la bonne évaluation de la dépense et de ses montants. Néanmoins, que de chemin parcouru pour atteindre le zéro volume et se rapprocher du zéro valeur !

Le deuxième est la maîtrise des déficits.

Pour l’ensemble des administrations publiques, le déficit public aura été de - 2,7 % du PIB pour 2006, et il sera ramené à - 2,5 % du PIB en 2007. Nous devrons faire mieux dans les années à venir. Ce sera possible, mais le chemin parcouru ces dernières années était essentiel. Au terme de la législature, l’exécutif et sa majorité livrent ce résultat, ce qui n’est pas si mal. Nous tenons nos engagements pris devant nos concitoyens et nos engagements européens.

Le troisième est la maîtrise de l’endettement.

Si le début de la législature fut semé d’embûches, la fin est plus heureuse avec moins deux points de PIB en 2006 et moins un point de PIB en 2007. L’effort devra, là encore, être poursuivi. Nous n’avons parcouru qu’une partie du chemin, mais nous sommes incontestablement sur la bonne voie. Peu de personnes le contestent, même si certains pensent qu’il fallait faire davantage.

Comme vous l’avez rappelé ce matin, monsieur le ministre, le travail qui a été réalisé ces dernières années s’inscrit dans une perspective, laquelle, enrichie par les choix politiques que le peuple français fera dans les mois qui viennent, reflète aujourd’hui une stratégie claire. Elle est traduite dans le plan quinquennal…

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Absolument !

M. Hervé Mariton. …annoncé par le Premier ministre l’an dernier, avec deux engagements : le retour à l’équilibre d’ici à 2010 et un endettement inférieur à 60 % du produit intérieur brut à la même échéance. S’il est bien de prendre des engagements, il est mieux que des étapes intermédiaires démontrent qu’ils seront tenus : tel est le cas.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Très bien !

M. Hervé Mariton. Le programme de stabilité que vous adressez à Bruxelles n’est pas une leçon de vertu : il signifie tout simplement que notre pays se conforme aux engagements qu’il a souverainement pris. Il y va de notre intérêt en tant que pays membre de l’Union européenne, mais aussi de l’intérêt de notre économie, de sa stabilité, de sa croissance et de ses emplois.

Le programme de stabilité démontre aujourd’hui que nous pouvons – cela n’a pas toujours été le cas – tenir nos engagements communautaires. La France devrait sortir au tout début de l’année 2007 de la procédure pour déficits excessifs. Il eût certes été préférable de ne pas en faire l’objet, mais nous sortons de cette procédure.

Au moment du jugement de nos concitoyens à travers les élections, ceux-ci sauront gré au Gouvernement et à sa majorité d’avoir amélioré de nombreux indicateurs de nos finances publics, respecté nos engagements communautaires et affirmé notre respectabilité en tant que pays de l’Union européenne. Notre situation n’est certes pas définitivement assainie. Beaucoup reste à faire, mais beaucoup a été fait.

Ces résultats, obtenus dans la durée, sont le fruit de choix cohérents, au regard de nos engagements, de nos convictions politiques et des objectifs de développement économique et d’emploi que nous nous sommes fixés.

Après les décisions fortes prises l’an dernier, le projet de loi de finances pour 2007 met en œuvre les volets principaux de la réforme fiscale.

L’impôt sur le revenu aura, au fil de la législature, été réduit de 20 %, soit les deux tiers de ce qui avait été promis. Si tous les engagements politiques étaient toujours tenus aux deux tiers, ce ne serait déjà pas si mal. C’est en tout cas bien plus que ce à quoi nos citoyens sont malheureusement habitués ou résignés à constater. La baisse de l’impôt sur le revenu, qui profite et profitera à de nombreux foyers, nous la revendiquons.

Le plafonnement de la taxe professionnelle a fait l’objet de débats difficiles l’an dernier et encore cette année. Je redis, et c’est la conviction de notre groupe, qu’on ne peut pas vouloir une chose et son contraire : on ne peut pas à la fois vouloir modérer l’impôt local et ne choisir aucun instrument pour y parvenir. Cet instrument est-il parfait ? Je l’ignore, mais il a eu le mérite d’être proposé et il a aujourd’hui celui d’être voté. Cet instrument n’a aucune visée dogmatique au regard de la modération de l’impôt local – même si les citoyens veulent bien des dogmes de ce type –, mais il est cohérent avec nos objectifs en matière de compétitivité de nos entreprises, en particulier industrielles, et d’emploi.

La baisse des prélèvements obligatoires de l’État en cette fin de législature les fera passer de 44 % en 2006 à 43,7 % en 2007. Pour compléter le propos du rapporteur général, je pense que si les recettes sont bonnes en 2007, éventuellement meilleures que les prévisions initiales qui ont été prudentes, nous devrons néanmoins être attentifs à tenir ce cap de la réduction des prélèvements obligatoires, monsieur le ministre Pour ce faire, j’ai davantage confiance en notre majorité renouvelée qu’en une majorité de gauche, si par malheur elle devait émerger des urnes !

M. Jean-Yves Chamard. C’est vrai !

M. Hervé Mariton. Le taux des prélèvements obligatoires est un choix politique important, car il y va de la liberté d’affectation de leurs moyens par les entreprises et les citoyens.

La baisse des prélèvements obligatoires est un choix politique car tout budget comporte des choix politiques.

Dans une société où les prix ne sont pas administrés, rien n’interdit de chercher à exercer une influence sur leur évolution, mais la responsabilité première des décideurs publics − législateur ou Gouvernement − est d’être cohérents avec leur volonté de garantir un certain pouvoir d’achat à leurs concitoyens en commençant par limiter les prélèvements.

À de nombreuses reprises au cours de la législature, la question de l’évolution de la dépense des collectivités locales a été évoquée. Elle demeure une préoccupation pour notre groupe, qui ne veut pas rogner sur l’autonomie des collectivités locales. Nombreux sont d’ailleurs, parmi nous, les élus locaux et nous sommes convaincus de l’efficacité de la dépense locale lorsqu’elle est bien ajustée. Cependant, pas plus que l’État, les collectivités locales ne doivent se soustraire à l’impératif de maîtrise de la dépense publique, qui est indispensable au pouvoir d’achat des Français, à la compétitivité de notre économie et à la croissance.

En matière de croissance, ce budget a, comme les précédents, une vertu remarquable : il comporte diverses mesures de soutien à l’offre, pour améliorer la compétitivité des entreprises, et à la demande, pour aider ceux de nos compatriotes qui en ont le plus besoin. C’est l’une des caractéristiques de la politique économique que nous soutenons depuis plusieurs années : on en avait rarement vu qui se fonde sur une analyse aussi équilibrée du rapport entre l’offre et la demande. Trop souvent, les politiques publiques sont intervenues à contretemps. Tel n’est pas le cas de la politique budgétaire que vous nous proposez d’approuver.

Cela étant un budget n’est évidemment pas seulement une affaire de recettes ; il y a aussi des dépenses. Si nos choix sont cohérents, c’est parce que nos priorités − celles de la majorité et du groupe de l’UMP, mises en œuvre par le Gouvernement − sont servies, en matière tant d’emploi que de sécurité, de justice que de recherche ou de développement des infrastructures. Et elles le sont avec le souci constant de la réforme de l’État.

Le président de la commission des finances a insisté sur ce point : la loi organique sur les lois de finances était évidemment une nécessité, mais nous savons qu’elle ne suffit pas et qu’il faut la volonté politique constante du Gouvernement, de la majorité et de notre groupe, qui n’ont presque jamais fait défaut. Chacun sait que, faire vivre la LOLF − cela sera encore plus vrai demain −, c’est l’affaire non seulement du Gouvernement, mais aussi de la représentation nationale, qui doit s’emparer des leviers que lui offre la loi organique.

Au terme du mandat, après avoir constaté, dans la durée d’une législature, les résultats des choix politiques cohérents, confirmés et amplifiés dans le budget pour 2007, nous pouvons nous livrer à un exercice simple. L’obligeance de nos collègues socialistes nous permet d’ailleurs une petite séquence de publicité comparative. Que fait une majorité ? Que fait l’autre ?

Je viens de vous rappeler, sans dissimuler ni les imperfections, ni les retards d’initiative, ni les hésitations, les résultats des choix de notre majorité et du groupe de l’UMP. La comparaison avec la voie socialiste est claire, concrète et a, aujourd’hui, le mérite d’être explicite. En 2002, le gouvernement socialiste annonçait un déficit de 30 milliards ; en réalité, il était de 50 milliards, car l’impasse dans laquelle on nous avait engagés avait été gravement sous-estimée. En 2007, ce sont les hypothèses de recettes qui sont sous-évaluées. Quant aux hypothèses de déficit, loin d’être contestées, elles sont peut-être même trop timides et prudentes. Entre les réflexes socialistes et la prudence, la sagesse, la rigueur, la discipline qui caractérisent notre majorité, il y a une singulière différence.

Le calendrier faisant bien les choses, nous avons pu lire, dans Le Monde d’hier soir, la très remarquable interview de François Hollande.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Aïe aïe aïe !

M. Augustin Bonrepaux. Elle était très bien !

M. Hervé Mariton. Je remercie M. Bonrepaux de m’approuver : je n’en demandais pas tant !

Cette interview a le mérite d’être claire. En effet que nous annonce le patron du parti socialiste ?

M. Gilles Carrez, rapporteur. Une frénésie de hausses d’impôt !

M. Hervé Mariton. Il annonce l’augmentation de l’impôt sur le revenu et celle de la CSG.

M. Guy Geoffroy. Les socialistes ne savent faire que ça !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Pour tous les Français !

M. Hervé Mariton. Il annonce la mise en cause des allégements accordés aux entreprises, sans correction des effets néfastes des 35 heures.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est vrai !

M. Hervé Mariton. Bref, les entreprises auraient subi les conséquences des 35 heures et auraient bénéficié de quelques compensations, mais celles-ci n’étaient que temporaires et il s’agirait désormais de les leur reprendre. Tels n’ont pas été nos choix tout au long de la législature.

M. Augustin Bonrepaux. Si vos résultats étaient si bons, ça se saurait !

M. Hervé Mariton. Il reste beaucoup à faire, je vous l’accorde, mais, chers collègues, n’avons-nous pas réformé les retraites et l’assurance maladie, en évitant, dans la mesure du possible, d’augmenter les impôts, en recherchant des solutions autres que le déplacement du seul curseur des prélèvements ? Ce n’est pas le cas du parti socialiste ; François Hollande en fait l’aveu et dit très clairement qu’il privilégie la solution consistant à augmenter les prélèvements.

Quand, avec une touchante transparence, le parti socialiste propose à la fois l’augmentation de la CSG et la hausse massive de l’impôt sur le revenu, il faut prendre nos concitoyens à témoin, leur dire qu’il est urgent d’établir la comparaison entre, d’une part, les convictions et les actions de l’UMP, et, d’autre part, le bilan, les convictions et les propositions du parti socialiste.

Nous avons un bon bilan, mais nous ne manquons pas de perspectives. Le ministre des finances en a évoqué quelques-unes, ces derniers jours, parlant notamment de la retenue à la source. Pourquoi pas ? Il est tout à l’honneur du Gouvernement de faire des propositions et de lancer un débat sur une meilleure efficacité de l’État, sur un meilleur retour de l’impôt à nos concitoyens. Ce débat peut fort bien se dérouler dans une période préélectorale, quand les citoyens sont plus attentifs que jamais aux questions publiques. Nous devons en même temps y affirmer nos convictions : ainsi, dans cette réforme, le quotient familial ne doit en aucune manière être mis en cause.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Absolument !

M. Hervé Mariton. On nous parle de démocratie participative : chiche, allons-y, faisons-le, engageons un débat public. Tout le monde sait que, techniquement, l’administration du ministère des finances est prête.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Absolument !

M. Hervé Mariton. Tout le monde sait que la question se posera après l’élection présidentielle. Pourquoi la cacher ? Pourquoi en dissimuler les paramètres, les éléments, les objectifs, les avantages, les difficultés et, peut-être, les inconvénients ? Pourquoi taire l’opportunité d’un choix technique et, en même temps, les valeurs auxquelles nous croyons, telle celle de la famille, qui doit rester au cœur de nos choix fiscaux ? Plutôt que de gérer ce dossier dans la précipitation d’une veille d’élection, ouvrons-le dès aujourd’hui, en distinguant le temps du débat et celui de la décision.

Sans doute, tout n’est pas parfait dans le budget pour 2007, mais il constitue, on ne peut le nier, un budget de progrès. Tous ceux que nous avons votés au cours de la législature auront permis de faire œuvre utile pour notre pays, de faire vivre les priorités sur lesquelles nous nous étions engagés auprès de nos concitoyens. Avec le projet de loi de finances pour 2007, notre pays confirme qu’il s’achemine vers le rétablissement de ses finances publiques.

Ce que nous avons envie de dire, cet après-midi, à l’Assemblée et à notre pays, au moment où nous allons nous prononcer sur les conclusions de la commission mixte paritaire, c’est qu’il faut approuver ce travail, ne pas le gâcher et le prolonger. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, ce dernier budget de la législature s’inscrit dans la continuité des budgets précédents, et notre vote ne sera pas différent de ceux que nous avons exprimés auparavant. Le rapporteur général et Hervé Mariton, au nom du groupe de l’UMP, ont dit qu’ils approuvaient la stratégie budgétaire et économique qui prévaut depuis juin 2002 : pour notre part, nous la désapprouvons.

Nous sommes confrontés à une situation économique fragile. La croissance elle-même est fragile en France, alors qu’elle est plutôt forte dans le monde, et nos résultats sont en deçà de la moyenne européenne. Depuis juin 2002, la plupart des indicateurs socio-économiques se sont dégradés. Il ne suffit pas, monsieur le ministre, de nier en hochant la tête : encore faut-il considérer la réalité des chiffres.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Et le chômage ?

M. Didier Migaud. Pour le chômage, nous sommes en effet revenus au niveau de juin 2002.

M. Philippe Auberger. Pas au niveau de juin 2002 : à celui de 1983 !

M. Guy Geoffroy. Changez de lunettes !

M. Didier Migaud. Ne vous inquiétez pas, j’ai de bonnes lunettes.

Si, dans les autres matières, nous comparons les chiffres de la fin 2006 avec ceux de juin 2002 et avec ceux de l’audit que le gouvernement Raffarin avait commandé, nous constatons, par exemple, que le déficit du produit intérieur brut s’est accru.

Monsieur le ministre, vous vous gargarisez de résultats qui relèvent davantage de l’affichage, mais ces gouvernements successifs ont la responsabilité d’une augmentation très sensible de l’endettement de notre pays, qui est passé de 56 ou 57 % à plus de 66 % en proportion du PIB. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Quant aux prélèvements obligatoires, Charles-Amédée de Courson l’a souligné, ils sont aujourd’hui supérieurs à ce qu’ils étaient en juin 2002.

M. Charles de Courson. D’un point !

M. Didier Migaud. Face à la dégradation des comptes publics, le projet de loi de finances prend des dispositions particulièrement injustes. Ainsi, l’impôt sur le revenu va effectivement baisser pour un petit nombre de nos concitoyens, mais les prélèvements obligatoires vont augmenter pour la très grande majorité d’entre eux : en fait, la baisse de l’impôt sur le revenu pour quelques contribuables est financée par une augmentation de l’impôt pour le plus grand nombre.

Quant aux collectivités locales, elles souffrent déjà de votre politique. Contrairement à vos affirmations, les transferts de compétences décidés par vos réformes ne sont pas du tout compensés à l’euro près et contraignent les collectivités locales à augmenter une fiscalité particulièrement injuste et qu’il conviendrait d’ailleurs de réformer.

Vous parlez beaucoup de justice fiscale et, à cet égard, vous proposez souvent de réduire le nombre de niches fiscales : en fait, vous l’aurez très sensiblement augmenté tout au long de la législature, au grand dam du président de la commission des finances, qui se contente là de discours, ses propositions étant repoussées par le Gouvernement.

Ce projet de loi de finances manque aussi quelque peu de sincérité et se résume à beaucoup d’affichage. Le rapporteur général a insisté sur le fait que la dépense publique augmenterait moins que l’inflation. En réalité, sa courbe normale d’évolution est sans cesse freinée à la fois par la transformation de dépenses budgétaires en dépenses fiscales et, tout simplement, par l’évaporation de dépenses qui se retrouvent par ailleurs, tous procédés qui permettent de présenter une hausse de seulement 0,8 %. Les chiffres dont nous disposons donnent toutefois un résultat très supérieur, et la Cour des comptes aura encore une fois l’occasion de le montrer lorsqu’elle remettra son rapport sur l’exécution du budget de 2006.

Vous vous êtes tout à l’heure réjoui, monsieur le ministre, en répondant à une question d’actualité, que la France soit sortie de la procédure des déficits excessifs.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Le premier des pays de la zone euro !

M. Didier Migaud. Dois-je vous rappeler quand elle y est rentrée ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Juste après les 35 heures !

M. Didier Migaud. Pas du tout !

M. Augustin Bonrepaux. Quand la majorité est arrivée !

M. Didier Migaud. C’est lorsque vous êtes arrivés au pouvoir, que la Commission, fin 2002, début 2003, a été obligée d’ouvrir cette procédure...

M. Daniel Garrigue. C’est la conséquence de votre politique !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. L’héritage des 35 heures !

M. Didier Migaud. ...alors même que, sous la législature précédente, les fameux critères de Maastricht auxquels vous faites référence avaient toujours été respectés.

Vous parlez d’ailleurs beaucoup de la nécessité de réduire l’endettement et d’équilibre budgétaire. Oserais-je vous faire observer que, pas une seule fois, le solde primaire de votre budget n’a été en équilibre ? Or il n’y a pratiquement aucune chance de réduire l’endettement si ce petit équilibre ne peut même pas être obtenu, alors que cela avait été le cas à trois reprises sous la législature précédente. La marge de progression, monsieur Mariton, est donc très importante.

La procédure d’examen du budget me semble par ailleurs de plus en plus inadaptée.

M. Charles de Courson. Hélas !

M. Michel Bouvard. Sur ce point, nous sommes d’accord !

M. Didier Migaud. Je regrette que nous passions autant de temps pour si peu de résultats.

Je regrette également que le Parlement – la responsabilité incombant tant aux parlementaires, du fait souvent d’un manque de volonté, ainsi que le président de la commission des finances l’a souligné, qu’au Gouvernement – soit de plus en plus pris pour un théâtre d’ombres, malgré la LOLF et – je tiens à lui en rendre hommage – malgré la bonne volonté du ministre délégué au budget.

Nous avons en effet assisté, ces derniers jours, à une multiplication d’annonces qui ont des conséquences budgétaires et qui engagent les prochaines majorités alors même que nous avons passé ici plus de deux mois sans que jamais les mesures en question n’aient été évoquées ou, lorsqu’elles l’ont été par l’opposition, elles ont été rejetées par le Gouvernement et la majorité. De qui se moque-t-on ?

Vous nous proposez par exemple, monsieur le ministre, après une « révélation » du Premier ministre, un crédit d’impôt pour les foyers non imposables qui utilisent les services à la personne. Il s’agit d’une proposition que nous formulons depuis plusieurs années, tout en réduisant d’ailleurs quelque peu – afin d’éviter que la dépense budgétaire soit trop élevée – l’avantage qui pouvait être consenti au même titre aux ménages payant l’impôt sur le revenu. Or, après l’avoir systématiquement refusée, voilà que le Premier ministre, après la discussion budgétaire, parle soudain de cette mesure au cours d’une conférence de presse et que vous l’introduisez au Sénat dans le cadre de la première lecture du collectif, en contradiction d’ailleurs avec la jurisprudence que vient de rappeler le Conseil constitutionnel. De qui se moque-t-on ?

Il en va de même du prélèvement à la source : un rapport sur ce point est disponible à Bercy depuis février 2002.

M. Charles de Courson. D’autres l’ont été bien avant !

M. Didier Migaud. Je parle d’un rapport complet sur la question, dont tout le monde a eu connaissance et qui était donc à la disposition des ministres des finances successifs des gouvernements Raffarin. Cependant, à chaque fois que la question de la retenue à la source leur a été posée, vos prédécesseurs, monsieur le ministre, ont répondu par la négative, et les arbitrages sont toujours allés dans leur sens.

M. Philippe Auberger. Si vous l’aviez fait, on n’en parlerait plus !

M. Didier Migaud. Ces dernières semaines, la question n’a même jamais été évoquée. Or voilà que le Premier ministre en fait état et que vous en parlez vous-même, monsieur le ministre, en des termes d’ailleurs – vous me pardonnerez peut-être de vous parler avec autant de franchise – très démagogiques...

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Faux !

M. Didier Migaud. ...et peu responsables.

M. Augustin Bonrepaux. C’est vrai !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Non !

M. Didier Migaud. Pourquoi ne pas avoir saisi le Parlement de cette proposition, alors même que nous étions en session budgétaire ? Pourquoi ces effets d’annonce, laissant entendre d’ailleurs qu'il pourrait y avoir une année de non-imposition,...

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Faux !

M. Augustin Bonrepaux. En tout cas, c’est comme cela que ça a été compris !

M. Didier Migaud. ...c’est-à-dire que l’État pourrait ne rien prélever une année ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Allons ! Pas vous, pas ça, monsieur Migaud !

M. Didier Migaud. Quel manque de respect vis-à-vis de nos concitoyens...

M. Augustin Bonrepaux. C’est de la démagogie !

M. Didier Migaud. ...et vis-à-vis de votre propre majorité, monsieur le ministre !

M. Claude Gaillard. N’est-ce pas un peu excessif, monsieur Migaud ?

M. Didier Migaud. Le président de la commission des finances l’a bien dit, de la même façon que le président du groupe de l’UMP, M. Bernard Accoyer, qui, selon une dépêche de l’AFP, aurait protesté énergiquement ce matin en réunion de groupe contre ces annonces qui se multiplient et qui reflètent tout simplement une compétition malsaine pour le pays entre M. de Villepin et M. Sarkozy.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Votre embarras n’est que trop voyant !

M. Didier Migaud. De grâce, monsieur le ministre, épargnez-nous ces divisions et pensez davantage à l’intérêt des Français ! Laissez plutôt s’engager ces débats dans le cadre de la campagne présidentielle qui va s’ouvrir.

Je ne serai pas plus long,...

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Tant mieux !

M. Didier Migaud. ...sinon pour me réjouir, comme l’a fait le président de la commission des finances, de la récente jurisprudence du Conseil constitutionnel selon laquelle l’article 40 de la Constitution, qu’on s’en réjouisse ou qu’on le regrette, s’applique aux deux assemblées, et que la Constitution donne priorité, s’agissant du budget, à l’Assemblée nationale. Le Gouvernement l’avait un peu trop oublié et le Sénat aussi ; je suis donc heureux que le Conseil constitutionnel les rappelle au respect de la Constitution.

La commission mixte paritaire n’ayant rien changé au projet de loi de finances sur le fond, nous voterons contre, comme en première lecture.

M. Claude Gaillard. Dommage !

M. Didier Migaud. Je souhaite, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général – puisque vous avez évoqué cette possibilité – que l’année 2007 soit celle d’un véritable changement et que la politique budgétaire, économique et fiscale que vous conduisez soit très sensiblement corrigée dès juin prochain à la faveur d’un collectif budgétaire présenté sous l’autorité de Mme Ségolène Royal, Présidente de la République française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Auberger. Quel toupet !

M. Guy Geoffroy. Il ne faut pas vendre la peau de l’ours !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en première lecture, le groupe UDF n'avait pas voté le budget pour cinq raisons, qui demeurent valables après trois mois de discussion.

M. Philippe Auberger. Il n’a pas été capable d’en trouver une sixième depuis !

M. Charles de Courson. La première est que la hausse des dépenses publiques est excessive et que le degré d'insincérité de la présentation du budget de l'État pour 2007 a atteint un niveau rarement égalé.

Le Gouvernement prétend que les dépenses nettes de l'État, à périmètre constant, n'augmenteront en 2007 que de 2,2 milliards, soit de 0,8 %. Or le rapporteur général lui-même a tout à l’heure évalué la hausse des dépenses à environ 2 %, soit plus du double. Pour sa part, le groupe UDF a démontré, dans une note écrite non démentie, que, compte tenu de tous les artifices de présentation, la hausse réelle de la dépense brute atteint 10,5 milliards, soit 2,9 % soit près du quadruple du pourcentage annoncé par le Gouvernement.

Certes, c'est mieux que l'année dernière, où l'on était parvenu, avec les artifices de présentation, à 3,8 %, mais c'est toujours trop.

Afin de dissimuler la réalité de la hausse, le Gouvernement a recouru à six mécanismes – les uns traditionnels, les autres plus innovants – de dissimulation de la dépense : les prélèvements sur recettes, les remboursements et dégrèvements sur les impôts locaux – tous mécanismes traditionnels –, les débudgétisations de dépenses financées jusqu'alors sur le budget grâce à des affectations de recettes de l'État à des organismes tiers, les fonds de concours – en particulier, l’incroyable montage budgétaire concernant l’AFIT –, les dépenses fiscales qui se développent année après année, et, enfin, les sous-compensations de l'État à la sécurité sociale et aux collectivités territoriales.

Quant à la réduction d’environ 15 000 équivalents temps plein du nombre d’agents publics de l’État saluée par notre rapporteur général, ce dernier en oublie la contrepartie, c’est-à-dire l’augmentation, selon les premiers décomptes non exhaustifs de la commission des finances, de plus de 10 000 équivalents temps plein dans les organismes dépendants de l’État : les opérateurs au sens de la LOLF. D’après les chiffres que j’ai réussi à reconstituer avec mon collègue Michel Bouvard, ce montant a été à peu près constant au cours des cinq dernières années, avec 10 000 à 12 000 créations nettes d’emplois. Ainsi, durant les quatre premières années de cette mandature, les effectifs de l’État et des opérateurs auront continué à progresser. Ce n’est que l’année prochaine qu’ils seront peut-être réduits de 2 000 ou de 3 000, c’est-à-dire de presque rien, puisque les effectifs du seul État tournent autour de 2,2 millions personnes.

Si la hausse des dépenses sociales suit à peu près celle de la richesse nationale, ce n’est pas le cas de l’accroissement des dépenses publiques locales, qui est plus forte, puisque, ainsi que l’a fort bien démontré une certaine note concernant les conseils généraux, 90 % de l’augmentation des dépenses de ces derniers sont dus aux transferts de charges de l’État.

Durant ces cinq années, la hausse des dépenses publiques est demeurée considérable puisque leur poids dans la richesse nationale se sera accru d’un point, contrairement aux engagements pris en 2002 devant les électeurs.

La deuxième raison de notre position a trait à la prétendue baisse des impôts qui n’est en fait qu’une moindre hausse.

L’ensemble des recettes fiscales brutes de l’État, c’est-à-dire ce que payent les contribuables, va en effet s’accroître de 3,5 % en 2007. Même la promesse présidentielle de 2002 de baisser d’un tiers l’impôt sur le revenu, soit de 17 milliards, n’a été tenue – et encore largement à crédit – à peine qu’à moitié. Entre 2002 et 2007, les prélèvements obligatoires de l’État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales se sont accrus de 144 milliards d’euros, soit de presque un point de richesse nationale, passant de 42,8 % en 2002 à 43,7 % en 2007. Là encore, l’évolution est contraire aux engagements pris devant les électeurs.

La troisième raison tient au fait que certaines mesures fiscales ne répondent pas au souci de justice sociale.

Le bouclier fiscal, dont le coût est de 400 millions d’euros, profitera, pour plus des deux tiers, soit pour près de 300 millions d’euros, à 14 000 assujettis à l’ISF ; je rappelle que l’on en compte plus de 300 000. En outre, la réforme du barème de l’impôt sur le revenu, dont le coût est de 3,6 milliards, profitera, pour un tiers environ de son coût, à 1 % des foyers fiscaux. Est-ce socialement équilibré ? L’UDF pense que non.

Je vous invite d’ailleurs, mes chers collègues, à méditer l’affaire Johnny Hallyday. Le bouclier fiscal à 60 % n’est pas un bouclier fiscal à 60 %, puisque la CSG et la CRDS n’y figurent pas, mais à 71 %. En tenant compte des cotisations sociales, on aboutit à des taux marginaux de quelque 85 %.

En réalité, ce bouclier fiscal permet de distribuer 300 millions à 14 000 personnes parmi les plus fortunées de France, sans résoudre en aucune façon le problème de fond.

Quatrième raison : les déficits publics se réduisent trop lentement pour contenir l’aggravation de la dette publique.

En effet, les déficits publics – État, sécurité sociale et collectivités locales – ne diminuent que très légèrement en valeur : 50 milliards en 2005, 48 milliards en 2006, 46 milliards en 2007. À cette allure, l’équilibre sera atteint en 2030 ! M. le rapporteur général nous a bien expliqué que le retour à l’équilibre se ferait en 2010, mais pour cela, il faudrait passer de 2 milliards de réduction des déficits par an à 15 milliards par an, ce qui est totalement impossible !

Dans ce contexte, le débat de la campagne présidentielle qui commence nous inquiète. Savez-vous quel est le montant du coût brut du programme du parti socialiste ?

M. Philippe Rouault. Il est très élevé !

M. Charles de Courson. Il est estimé à 58 milliards d’euros.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Au moins !

M. Charles de Courson. Notre collègue Éric Besson, qui est chargé de cette question au parti socialiste, m’a indiqué qu’il estimait, lui, les dépenses brutes à 53 milliards d’euros.

M. Philippe Rouault. C’est énorme !

M. Charles de Courson. J’ai, à ce titre, beaucoup apprécié l’interview hier de François Hollande dans laquelle il reconnaît que, bien entendu, pour faire face à ces dépenses, il faudra procéder à des augmentations massives de la fiscalité.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Eh oui, monsieur Migaud.

M. Philippe Rouault. Et voilà !

M. Philippe Auberger. Comme d’habitude !

M. Michel Bouvard. C’est un éternel recommencement.

Un député du groupe socialiste. Nous assumerons !

M. Philippe Auberger. Ils financeront les retraites avec la CSG !

M. Charles de Courson. En effet, il faudra d’une part, financer les 58 milliards supplémentaires, d’autre part, réduire les déficits publics.

Pour vous donner un ordre de grandeur, mes chers collègues, il faudrait, pour trouver 58 milliards supplémentaires, pratiquement doubler la CSG, au moins l’augmenter de six points, pour la faire passer de 7 à 13 points. Voilà ce qu’on nous propose !

M. Philippe Auberger. Bonjour les dégâts !

M. Philippe Rouault. C’est la faillite de la France !

M. Charles de Courson. Mais, mes chers collègues de l’UMP, savez-vous à combien le programme adopté par l’UMP se monte, d’après les évaluations faites par l’Institut de l’entreprise ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Beaucoup moins !

M. Philippe Auberger. Une misère !

M. Charles de Courson. Le montant est un peu moins élevé que pour le parti socialiste puisqu’on est à 47 milliards en dépenses brutes.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Non, le chiffre est moins élevé.

M. Philippe Rouault. C’est 28 milliards.

M. Charles de Courson. Il serait intéressant, monsieur le rapporteur, que vous évaluiez le programme de l’UMP et que vous disiez à vos amis d’arrêter le désastre.

M. Gilles Carrez, rapporteur. Le programme représente 27 milliards, pas un euro de plus.

M. Charles de Courson. Vous dites 27 milliards mais l’Institut de l’entreprise, lui, l’évalue à 47 milliards et moi, je me fonde sur les chiffres de l’Institut de l’entreprise, pour le programme socialiste comme pour le programme de l’UMP.

M. Michel Bouvard. Et à combien se monte le programme de Bayrou ?

M. Charles de Courson. Cela n’est pas sérieux mais il est vrai que, comme l’a reconnu le rapporteur général dans son rapport, la réduction des déficits publics n’a pas été la préoccupation des deux gouvernements successifs de la législature.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Oh !

M. Philippe Rouault. Quel est le programme de l’UDF ?

M. Charles de Courson. Seuls 6 % des plus-values de recettes ont été consacrés à la réduction des déficits, autrement dit presque rien.

Le poids de l’endettement public s’est considérablement accru, passant de 58,2 % en 2002 à 66,6 % en 2005 et la baisse à 63,6 % prévue en 2007 est due, pour ce qui concerne la baisse de deux points en 2006, en totalité à des ventes massives d’actifs publics et à des opérations de trésorerie, pour 35 milliards d’euros ; et, l’année prochaine, pour les deux tiers, à de nouvelles ventes massives d’actifs publics et à des opérations de trésorerie. Donc, la vérité, c’est que le problème des finances publiques est devant nous et que ce sera au nouveau Président de la République élu dans quatre mois et à la nouvelle majorité de le traiter.

Cinquième et dernière raison, mais qui tient particulièrement à cœur à l’UDF : le Gouvernement persévère, en matière de finances locales, dans les errements du gouvernement Jospin : une autonomie fiscale locale toujours amoindrie, une réforme de la fiscalité locale toujours reportée, le maintien des mécanismes incitatifs à la dépense publique locale, qui sanctionnent les gestionnaires rigoureux. Cette évolution, là encore, est contraire à tous les engagements pris à l’égard des collectivités territoriales et le plafonnement à 3,5 % de la valeur ajoutée de la taxe professionnelle est un mécanisme intenable à moyen terme.

M. Nicolas Perruchot. C’est vrai.

M. Charles de Courson. Les discussions tant à l’Assemblée nationale et au Sénat, qu’en commission mixte paritaire ont-elles modifié ce diagnostic ? Absolument pas !

M. Philippe Auberger. Le Sénat n’a pas beaucoup de succès !

M. Charles de Courson. Permettez-moi, pour conclure, de formuler une remarque sur la méthode.

Le Parlement continue de voter le budget sans vrai contrôle de la dépense publique. Les audits menés par la Cour des comptes à la demande de la commission des finances n’ont pas débouché.

En ce qui concerne les exonérations de charges, qui s’élèvent à 25 milliards, nous n’avons tiré aucune conséquence du rapport de la Cour des comptes qui démontre qu’elles n’ont aucune incidence pour les grandes entreprises et pour les salaires dont le niveau excède celui du SMIC de 40 à 50 %.

Pour ce qui est des dégrèvements, des exonérations diverses et variées de fiscalité locale, nous sommes certes en train de nous demander s’il ne faudrait pas agir, mais nous n’avons rien fait ; nous les avons même aggravés. Ainsi, aucune suite n’a été donnée à nos propositions concernant les avantages relatifs aux retraites de certains fonctionnaires dans les DOM-TOM, qui coûtent plus d’un milliard de surcoût aux contribuables nationaux.

S’agissant de la PPE, dont la Cour des comptes a démontré qu’elle n’incitait absolument pas à la reprise d’activité mais qu’elle constituait, pour le quart de nos concitoyens, un complément de revenus, nous n’avons pris aucune décision alors que toute la représentation nationale est consciente que le mécanisme ne peut pas être maintenu en l’état.

Et je ne parle pas des autres mesures fiscales décidées brutalement par le Gouvernement, et qui figurent dans des textes extérieurs au projet de loi de finances.

En fait nous continuons de financer tout cela à crédit.

Face à ce quintuple constat, l’UDF a rappelé que seule la réalisation des quatre grandes réformes – l’achèvement de la réforme des retraites, puisque seulement le tiers de l’effort a été accompli, la réforme de l’assurance maladie, celle de l’État et celle des collectivités territoriales – permettra de redresser durablement l’état des finances publiques.

Ce projet de budget, même s’il est un peu moins mauvais que celui de 2006, n’est toujours pas à la hauteur de la gravité de la situation des finances publiques. Il reflète un manque de courage et de vision à moyen terme quant à l’avenir de notre pays. C’est pourquoi le groupe UDF ne votera pas, une nouvelle fois, le projet de loi de finances pour 2007.

M. Nicolas Perruchot. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de cette discussion budgétaire avec un pénible sentiment de déjà-vu : la même application à poursuivre dans la voie du dogmatisme libéral et de l'injustice sociale ; la même litanie de préceptes ; le même travestissement permanent de la réalité économique et sociale. Malgré tout, vous me permettrez de saluer les propos du président de la commission des finances, M. Méhaignerie, qui reconnaît, à sa façon, l’utilité du groupe communiste et républicain et la pertinence de son action. (Sourires.)

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Sur les niches fiscales pour les très hauts revenus.

M. Jean-Claude Sandrier. Cinq années bientôt que dure votre aveuglement, messieurs, cinq années dont notre pays sortira meurtri. L'aggravation des inégalités, la précarisation accrue du travail et des conditions d'existence, l’élargissement sans précédent de la fracture sociale seront les termes de votre bilan avec, en face, l'insolent enrichissement d'une caste de nantis à laquelle vous avez réservé l'essentiel des cadeaux financiers – 23 milliards d'euros au total, soit la moitié du déficit budgétaire – et une augmentation des prélèvements obligatoires que vous vouliez réduire. Quel échec !

Comparez, mes chers collègues, le coût de l'ensemble des dispositifs incitatifs aux placements financiers, à la gestion de patrimoine, aux successions au regard de ceux portant sur les traitements, salaires et pensions. En presque dix ans, le SMIC a doublé quand les dividendes, eux, ont été multipliés par 9. Voilà le résultat de votre gestion !

De plus, depuis cinq ans, nous constatons une aggravation du gaspillage de l'argent public, un gaspillage dont la Cour des comptes souligne l’ampleur quand elle explique que, sur les 20 milliards d'euros de baisse de cotisations patronales, 17 milliards sont demeurés sans effet sur l'emploi.

La vérité est que vos budgets successifs n'ont eu vocation qu’à déplacer l'argent public vers la sphère privée. Ainsi les revenus fonciers – 24 milliards d'euros en 2004 – bénéficient de 1,7 milliard d'euros d'allégements fiscaux, et les revenus des capitaux mobiliers de 7 milliards d'euros.

À qui ont bénéficié de tels dispositifs, encore une fois, sinon à ceux qui ont la possibilité de constituer une épargne conséquente, donc aux plus riches, c'est-à-dire précisément aux 400 000 foyers qui requièrent et retiennent exclusivement votre attention, au nom de l'attractivité de la France, nous dites-vous, pour faire mine de poursuivre un objectif d'intérêt général.

Vos cadeaux aux plus riches, aux actionnaires, aux plus grandes entreprises n'auront pourtant en rien servi l'intérêt général. Les chiffres le prouvent.

Une législature vous aura suffi, en effet, pour que l'endettement public, malgré la vente au plus offrant de fleurons de nos entreprises publiques, bondisse de 250 milliards d'euros. La Cour des comptes vous tient pour responsable de la hausse de 8 points de la dette publique.

Même s'il est bon de rappeler que la dette nette de la France est inférieure à celle des autres pays de 1' OCDE et de la zone euro, la question demeure : à quoi cet endettement aura-t-il servi ? Pas à l'investissement public, pas à l'investissement des entreprises, pas davantage à la réduction les inégalités ou à la croissance.

Une législature aura suffi pour que, au lieu du renforcement des capacités productrices et créatrices de notre économie, nous assistions à la réduction des investissements des entreprises, à la disparition de centaines de milliers d'emplois industriels – 265 000 pour être précis – à la dégradation sans précédent de notre commerce extérieur, qui accuse désormais un déficit de près de 20 milliards d'euros, en hausse de 5 milliards par rapport à 2005.

Tout cela parce que l'effort pour la recherche n'a pas été à la hauteur, parce que, face aux cadeaux aux plus riches, aucune contrepartie réelle n'a été demandée en termes d'emploi, de localisation et d'investissement.

Vous êtes bien, comme je viens de le souligner, les champions du gaspillage des deniers publics, car votre transfert sur la sphère privée se révèle être un puits sans fond et surtout sans contrôle.

Malgré vos protestations d'autosatisfaction, c'est bel et bien une France terriblement affaiblie que vous laissez au terme de cette législature. Une France affaiblie y compris au plan des valeurs car, dans le volume des richesses créées, la part des salaires, c'est-à-dire du travail, diminue par rapport à celle des profits et des rentiers.

Comme si cela ne suffisait pas, le Sénat en a rajouté une couche en relevant le plafond des exonérations de cessions d'actions.

Enfin, pour couronner le tout, les Français qui se sont enrichis avec l'argent de leurs concitoyens vont payer leurs impôts ailleurs sous prétexte qu'ils en paient trop en France. A-t-on dit à nos concitoyens combien il restait à ces malheureux riches, une fois qu’ils avaient acquitté leurs impôts ? Je sais que cela les intéresserait.

Votre triste bilan n'a que le mérite de souligner l'exigence d'une autre politique économique et sociale qui soit enfin en adéquation avec les attentes de nos concitoyens et qui permette à notre pays de renouer avec une croissance saine, porteuse de richesses, d'emplois et respectueuse de l'environnement. Tout le contraire de ce thatchérisme démodé dont vous vous êtes fait gloire.

Qu'attendons-nous pour mettre en place un crédit sélectif à taux bonifié pour les PME et PMI qui investissent et créent des emplois en pénalisant les grands groupes qui utilisent les hommes et les femmes comme variables d'ajustement ?

Pendant ce temps, pauvreté et précarité sont devenus le quotidien de millions et de millions de Français, au point qu'elles constituent une préoccupation majeure de nos concitoyens. Un Français sur deux pense aujourd’hui qu'il pourrait être un jour sans abri. Ce seul sondage devrait faire frémir, mais rien n'est en mesure de venir bousculer votre dogmatisme. Que le nombre de RMIstes ait cru de 100 000 personnes l'an dernier, que le nombre de retraités vivant sous le seuil de pauvreté ait augmenté de 63 % en dix ans, que 3,2 millions de personnes aient recours au camping ou aux hôtels de fortune comme « solution » de logement, rien de tout cela ne semble vous concerner.

Preuve en est que vous n'avez rien eu de plus pressé, depuis 2004, que de transférer une partie de ces charges sur les collectivités locales, ces autres grandes perdantes de votre politique. En dépit des inquiétudes exprimées par les associations d'élus locaux unanimes devant l'accroissement de leurs charges, vous continuez d'asphyxier nos collectivités, d'assécher leurs finances malgré le rôle qui leur est désormais dévolu, puisque l'État lui-même s'est désengagé, d'être les pompiers de vos incendies sociaux et les derniers garants du maintien des services publics.

Les représentants des trois associations d'élus ont encore indiqué récemment que « l'État devait cesser de peser sur les dépenses des collectivités locales par des transferts non compensés et la territorialisation de ses politiques publiques ».

Le rapport élaboré par Philippe Valletoux, vice-président de Dexia Crédit local, fondation spécialisée en services financiers aux collectivités, s'il entend « définir les contours d'une nouvelle architecture des pouvoirs fiscaux dévolus aux collectivités territoriales » pour remédier à cette situation, autorisera en fait les collectivités à accroître la pression fiscale sur les ménages tout en restreignant l'indépendance des collectivités locales.

Cette situation est, là encore, le fruit de votre refus de trouver de nouvelles ressources publiques, de taxer les plus-values boursières, à commencer par celles de Total – 20 milliards d’euros –, de taxer les actifs financiers, qui ont augmenté de 107 % en dix ans, de réorienter les quelque 20 milliards d’euros d’exonérations de charges patronales demeurées inutiles. Car, oui, de l’argent il y en a, et beaucoup, pour le pouvoir d’achat, la recherche, l’éducation, la protection sociale ! Tout est affaire de choix. Notre collègue de Courson s’interrogeait tout à l’heure sur le financement du programme du parti socialiste. Je peux lui donner quelques chiffres : 1 % de taxation des actifs financiers, cela représente aujourd’hui 35 milliards d’euros. Avec les 17 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales, qui, d’après la Cour des comptes, ne servent à rien pour l’emploi,…

M. Hervé Mariton. Et les 35 heures !

M. Jean-Claude Sandrier. …on arrive à 52 milliards. Ajoutons-y 6 milliards de dividendes de Total, sur les 20 milliards accumulés. Voilà un financement !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Et tout le monde s’en va !

M. Jean-Claude Sandrier. De toute façon, ceux qui partent choisissent les paradis fiscaux ! C’est une honte.

Pour finir, j’ajouterai que ce projet de loi de finances aura aussi été l’occasion de porter, par le biais d’un amendement sénatorial, un nouveau mauvais coup au système d’indemnisation du chômage des intermittents du spectacle, en dégradant la solidarité interprofessionnelle et en lui substituant un fonds dont le fonctionnement est fixé par décret.

En bref, c’est parce que vous confondez l’intérêt général avec l’intérêt privé de quelques-uns, avec comme conséquence une aggravation des inégalités, une baisse du pouvoir d’achat et une détérioration des conditions de vie de millions de nos concitoyens, que nous voterons résolument contre ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne.

M. Alfred Marie-Jeanne. Je croyais que la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2007 avait été bien inspirée en retirant l’amendement présenté an ba fèy, c’est-à-dire en catimini, par un groupe de sénateurs pour instaurer un droit additionnel à l’octroi de mer régional.

Or, quelle n’a pas été ma surprise d’apprendre que deux nouveaux amendements, nos 200 et 201 rectifié, reviennent au Sénat pour être mis en discussion ce soir même, lors du débat sur le projet de loi finances rectificative pour 2006 !

Derrière ce jeu de cache-cache se dissimule en fait une double attaque frontale : contre le conseil régional, d’une part ; envers la population, d’autre part. Et l’on demande à tous les deux de payer les déficits cumulés de collectivités mal gérées.

C’est l’occasion de rappeler que, même si une révision et une vision nouvelle de la fiscalité outre-mer se révèlent nécessaires, des raisons objectives appellent à la prudence devant toute velléité d’amendement ou de réforme sans réelle consultation préalable.

Monsieur le ministre, de grâce, faites retirer ces amendements qui n’honorent ni la démocratie, ni le travail parlementaire, ni le Gouvernement !

L’octroi de mer, pour ne parler que de lui, est un sujet beaucoup trop sérieux pour l’intérêt du plus grand nombre, à savoir les régions, le département de Guyane, les communes, les entreprises et les consommateurs, pour qu’il soit menacé au détour d’un d’amendement au profit d’un petit nombre de grandes villes, fussent-elles capitales.

Est-il besoin de signaler que plus de 29 millions d’euros sont déjà mobilisés sur les ressources de l’octroi de mer des communes pour régler les contentieux ?

Est-il besoin de répéter que, malgré cet effort imposé pour la seule Martinique, il reste vingt-six dossiers pendants devant les tribunaux, soit un risque potentiel pour les collectivités de débourser davantage encore ?

Est-il besoin de rappeler que la loi du 2 juillet 2004 mettant en œuvre la décision communautaire du 10 février 2004 confirmait l’octroi de mer dans sa fonction de soutien au développement économique et de pourvoyeur de ressources aux collectivités ?

C’est ainsi qu’en 2003, 68 millions d’euros d’exonérations sur la production et près de 24 millions d’euros d’exonérations sur les biens d’équipement et les matières premières ont représenté l’aide concrète de l’ensemble des collectivités martiniquaises aux entreprises.

Quel sera donc l’impact de ce droit additionnel s’il est finalement adopté ce soir au Sénat ? Sera-t-il acceptable d’être encore mis à contribution alors même qu’une fiscalité spécifique favorable est déjà créée pour les villes-capitales et autres communautés d’agglomération ?

Ces dernières bénéficient du versement transport, d’une sur-dotation du fonds régional pour le développement et l’emploi dont le montant a sextuplé en 2005 pour la seule ville-capitale, du double émargement au fonds d’investissement routier et de transport.

Concernant le fonds régional pour le développement et l’emploi, le conseil régional a été dépossédé de cette compétence au profit du préfet. C’est un exemple manifeste de décision prise de façon précipitée et unilatérale portant atteinte à la décentralisation.

Quant à la centralité subitement prônée aujourd’hui en faveur des capitales, devra-t-elle se faire au détriment d’une périphérie ? Ne sera-t-elle pas une atteinte supplémentaire portée à la décentralisation ? Une telle approche ne remettra-t-elle pas en cause les logiques d’aménagement ?

Il n’est pas légitime d’instrumentaliser le droit des finances publiques en suscitant constamment des conflits entre collectivités territoriales.

C’est l’occasion de confirmer que toutes les communes sont confrontées à des besoins financiers croissants. Sont en cause les contraintes liées à un nouvel agencement des charges comme celles relatives à l’assainissement, à la titularisation du personnel, à la sécurité, entre autres.

En définitive, une réforme fiscale en profondeur s’impose. Elle passe obligatoirement par la clarification des compétences, par la concertation systématique, par une solution adaptée à chaque territoire, par le principe de la restitution par l’État des recettes prélevées sur le territoire au lieu du prélèvement persistant opéré à la source sur les fonds régionaux et communaux. Monsieur le ministre, le débat doit remplacer les attaques sournoises. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Philippe Edmond-Mariette. Très bien !

M. le président. La discussion générale est close.

Texte de la commission mixte paritaire

M. le président. Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire. Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais appeler l’Assemblée à statuer d’abord sur les amendements dont je suis saisi.

Je suis saisi de treize amendements, nos 1, 2, 5, 3, 4, 6, 11, 7, 12, 8, 13, 9 et 10, du Gouvernement.

La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, pour les soutenir.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Le Gouvernement vous propose, tout d’abord, trois amendements de suppression de gage, aux articles 4 bis, 7 ter et 12.

Viennent, ensuite, six amendements rédactionnels ou de précision. Cinq d’entre eux, aux articles 8 ter, 40 bis, 40 bis A, 40 bis B et 40 bis F, sont de nature ponctuelle. Le dernier consiste en une réécriture un peu plus fouillée de l’article 40 quinquies, qui autorise l’institution par les collectivités locales d’une taxe sur les déchets ménagers. La complexité de cet article explique que le Gouvernement, en liaison étroite avec la commission des finances à laquelle je rends une fois de plus hommage, a cru utile de revenir sur le texte issu de la CMP pour en faciliter l’application.

Trois autres amendements sont de coordination avec les dispositions du projet de loi de finances rectificative :

À l’article 8, pour supprimer cet article relatif à la réforme des acomptes d’impôt sur les sociétés, désormais contenue en entier dans l’article 2 du projet de loi de finances rectificative ;

À l’article 34, pour minorer de 20 millions d’euros le montant des crédits du programme « Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État », tirant ainsi les conséquences de la limitation aux seules missions militaires relevant du ministère de la défense, à l’exclusion de la majeure partie des activités de la gendarmerie nationale, de l’exonération de taxe intérieure sur les produits pétroliers prévue à l’article 4 du projet de loi de finances rectificative ;

À l’article 33, article d’équilibre, pour tirer les conséquences de l’ensemble des dispositions du projet de loi de finances rectificative pour 2006 ayant un impact chiffrable sur l’équilibre 2007. Outre la baisse des remboursements et dégrèvements évoquée plus haut, il convient de mentionner une baisse de 160 millions d’euros de recettes fiscales résultant principalement, à hauteur de 114 millions d’euros, du transfert de droits tabac au bénéfice du fonds unique de péréquation, le reste se répartissant entre l’impôt sur le revenu à hauteur de 18 millions d’euros, la taxe spéciale pour les conventions d’assurance à hauteur de 10 millions d’euros et plusieurs autres lignes de recettes fiscales pour des montants moindres. Les recettes non fiscales sont également revues à la baisse de 25 millions d’euros, correspondant à l’allégement de la TACA décidé à l’initiative des deux assemblées. Au total, le déficit s’établit en augmentation de 165 millions d’euros par rapport au texte issu de la commission mixte paritaire et atteint 41,996 milliards d’euros, à comparer aux 41,647 milliards d’euros du projet de loi de finances.

Enfin, je vous demande de rétablir l’article 53 bis, dont la commission mixte paritaire a demandé la suppression. Cet article est une mesure de justice, qui permet de remédier à une inégalité entre les titulaires de l’allocation pour adulte handicapé et les bénéficiaires du fonds spécial d’invalidité en prévoyant que ces derniers pourront désormais percevoir le complément de ressources et la majoration pour la vie autonome dès lors qu’ils remplissent les conditions applicables aux bénéficiaires de l’AAH.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Cette mesure sera financée par redéploiement au sein des crédits de la mission « Solidarité et intégration », qui s’élèvent à plus de 12 milliards, dont 8 milliards pour le seul programme « Handicap et dépendance ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Gilles Carrez, rapporteur. La commission n’a évidemment pas examiné ces amendements. À titre personnel, j’y suis favorable, s’agissant notamment de l’amendement d’équilibre, qui reprend les différentes mesures adoptées au Sénat et ici même au titre du projet de loi de finances rectificative pour 2006.

En revanche, le dernier amendement, qui concerne l’allocation adulte handicapé, pose problème. Il est tout à fait exact qu’il existe aujourd’hui une anomalie. En effet, les bénéficiaires de cette allocation peuvent percevoir un complément de ressources, qui leur permet d’atteindre 80 % du SMIC. En revanche, d’anciens salariés, pris en charge par le fonds spécial d’invalidité après avoir été victimes d’un accident du travail, touchent certes l’AAH, mais sans bénéficier du complément de ressources. À peu près 25 000 personnes sont dans ce cas et il serait tout à fait normal, d’autant qu’elles ont cotisé, de leur ouvrir les mêmes droits. Le problème que nous avons rencontré en commission mixte paritaire, c’est que cette mesure, qui aurait dû être étudiée lorsque nous avons élaboré le projet de loi de finances, ne l’a pas été. Les évaluations de son coût varient, selon qu’elles proviennent du ministère des affaires sociales ou de Bercy, entre 25 et 100 millions d’euros.

M. Charles de Courson. Comme l’IS !

M. Gilles Carrez, rapporteur. C’est donc une mesure très lourde et qui n’est pas financée. Le ministre nous dit qu’elle le sera en exécution. Ce serait parfait si les crédits disponibles en exécution étaient suffisants. Or nous savons tous que ce n’est pas le cas et que le financement de l’AAH est insuffisant. La preuve : cette allocation est versée pour le compte de l’État par le réseau des caisses d’allocations familiales. Il y a actuellement une créance de la sécurité sociale de l’ordre de 100 millions d’euros – peut-être même plus – parce que les crédits ouverts au budget ne sont pas suffisants. La commission mixte paritaire a naturellement pris en compte ces différents éléments.

Si la disposition proposée est importante – et je ne nie pas, bien au contraire, son intérêt quant au fond –, il n’est pas normal qu’elle ne puisse pas être discutée ici après l’avoir été au Sénat et qu’elle nous revienne par le biais d’une commission mixte paritaire.

M. Charles de Courson. De toute façon, elle sera annulée par le Conseil constitutionnel !

M. Gilles Carrez, rapporteur. La commission mixte paritaire a donc considéré qu’il valait mieux supprimer ce dispositif et a demandé au Gouvernement de l’inscrire dans un texte qui permettra une vraie discussion.

Il est donc de mon devoir d’émettre un avis réservé, car, s’il s’agit d’une mesure d’équité, elle n’est pas financée.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, je souhaite faire quatre observations au nom du groupe UDF.

L’amendement n° 5, qui vise à supprimer l’article 8 relatif aux acomptes d’impôt sur les sociétés, est bien la preuve d’une réelle improvisation. On parle d’augmenter le produit de l’IS de 500 millions, mais on ne sait pas si ce ne sera pas 1 milliard – on a déjà vu une annonce de 500 millions se transformer en 2 milliards. Le groupe UDF est donc contre.

S’agissant des amendements nos 11 et 7, qui concernent l’exclusion des activités civiles de la gendarmerie du bénéfice de l’exonération, par voie de remboursement, de la TIPP sur le carburant et combustible consommé par le ministère de la défense, nous sommes parvenus à un compromis après un long débat en commission. Le Gouvernement s’était engagé devant la représentation nationale, à la suite des observations de députés de l’UDF ou de l’UMP, à rétablir 20 millions sur le budget de la gendarmerie. Or, il ne tient pas cet engagement. Aussi, je souhaite qu’il nous donne des éclaircissements sur ce sujet.

L’UDF est favorable à la mesure de justice proposée à l’amendement n° 10. Mais, comme l’a rappelé M. Carrez, il n’est pas très sérieux de disposer d’évaluations qui oscillent entre 25 et 100 millions. Ensuite, il y a un problème de constitutionnalité, et comme les socialistes vont saisir le Conseil constitutionnel, cette mesure sera annulée.

M. Guy Geoffroy. C’est le Conseil constitutionnel qui tranchera !

M. Charles de Courson. Mon cher collègue, il y a une jurisprudence constante en la matière, qui vient même d’être étendue à la loi de financement de la sécurité sociale. Résultat : vingt articles qui avaient fait l’objet d’un accord de la part des différentes familles politiques ont été annulés !

Ma dernière observation porte sur l’amendement n° 9. J’ai déjà appelé l’attention de mes collègues sur le fait que la taxe sur les déchets ménagers prévue pour les usines d’incinération, à 3 euros la tonne, représente un euro par habitant, alors que le coût du traitement des ordures ménagères est déjà proche de 100 euros par habitant. Certes, il est proposé de ramener cette taxe à 1,50 euro la tonne. Toutefois, les communes qui ont une usine d’incinération sur leur territoire perçoivent déjà la taxe sur le foncier bâti et la taxe professionnelle liées à cette installation, ce qui représente des sommes considérables. Dans le département de la Marne, par exemple, l’une des deux usines d’incinération est installée dans une petite commune de 500 habitants. Autant vous dire qu’elle va toucher des sommes importantes !

Il y a tout de même un problème du coût du traitement des ordures ménagères.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gilles Carrez, rapporteur. L’amendement n° 5, qui vise à supprimer l’article 8 relatif au régime des acomptes d’impôt sur les sociétés, a été demandé par la commission des finances. En effet, des dispositions sur ce point figuraient à la fois dans le projet de loi de finances pour 2007 et dans la loi de finances rectificative pour 2006. Nous avons demandé au Gouvernement de ne pas traiter du même sujet dans deux textes différents et d’aborder l’ensemble dans la loi de finances rectificative. Exauçant notre demande, le Gouvernement nous a proposé de les regrouper dans ce deuxième texte que nous examinerons jeudi prochain, ce dont nous le remercions. Voilà pourquoi il demande ici la suppression de l’article 8.

M. Charles de Courson. Cela montre bien le caractère improvisé !

M. Gilles Carrez, rapporteur. Quant à la taxe en faveur des communes qui acceptent d’accueillir une usine d’incinération sur leur territoire, c’est une disposition dont nous discutons depuis deux ans et qui a fait l’objet d’allers et retours entre le Sénat et l’Assemblée nationale afin de trouver la rédaction la plus appropriée. Ce dispositif est ardemment demandé par l’association des maires de France, et en particulier par M. Pélissard. Monsieur de Courson, nous avons là un dispositif équilibré en réduisant le plafond de la taxe de 3 euros la tonne à 1,50 euro la tonne. Ainsi, on peut voter ce dispositif sans aucune appréhension.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je veux, à titre personnel, mais en exprimant, je l’espère, un avis général, revenir sur l’amendement concernant l’AAH.

J’ai bien entendu les propos de M. Carrez et je donne volontiers acte à la commission des finances de sa nécessaire rigueur dans l’analyse de cette question.

Au passage, je ferai remarquer à M. de Courson que le sérieux est partagé sur tous les bancs de cette assemblée et qu’il n’est pas réservé à certains. J’ajoute que, dans le cadre de la discussion d’une loi organique sur l’autonomie financière des collectivités locales, il avait juré ici qu’elle n’était pas constitutionnelle, avant que le Conseil constitutionnel le démente.

La disposition proposée par le ministre me semble nécessaire. J’ai confiance dans la capacité du Gouvernement à tenir compte de ce qui a été dit en commission mixte paritaire et ici, mais j’insiste pour que nous n’adressions pas à nos concitoyens handicapés un mauvais message, qui ne serait certainement pas apprécié en cette période de l’année.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je précise que la mesure concernant l’AAH sera financée par redéploiement et qu’il s’agit d’une mesure d’initiative parlementaire puisqu’elle a été proposée par un sénateur.

M. le président. Je vais mettre successivement aux voix ces différents amendements.

Je mets d’abord aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, avant de passer au vote sur l’amendement n° 11, j’aimerais obtenir une explication sur le 10) de l’exposé sommaire qui précise : « une minoration, en recettes et en dépenses, de 20 millions d’euros des remboursements et dégrèvements liés à l’exclusion des activités civiles de la gendarmerie du bénéfice de l’exonération de la taxe intérieure sur les produits pétroliers accordée au ministère de la défense ». M. Copé avait pris l’engagement de rétablir les crédits de façon à traiter la gendarmerie de la même façon que le reste de l’armée. Or cet engagement n’apparaît pas ici. Comment le Gouvernement entend-il honorer la promesse de M. Copé ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. À la demande de votre assemblée, la mesure a été limitée à la seule mission « défense ». La mesure d’exonération ne s’appliquera pas à la gendarmerie et sera financée par dégel.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le Gouvernement pourrait-il nous dire quel est le coût de la mesure proposée à l’amendement n° 10 et qui est relative à l’AAH ? Le Gouvernement a pris la mauvaise habitude de ne plus indiquer l’évaluation du coût dans l’exposé des motifs.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Le coût de cette mesure est évalué à 50 millions d’euros.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je ne suis saisi d’aucune demande d’explication de vote.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par les amendements adoptés par l'Assemblée.

(L'ensemble du projet de loi, ainsi modifié, est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Équilibre de la procédure pénale

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale (nos 3393, 3505).

Discussion des articles

M. le président. J’appelle dans le texte du Gouvernement les articles du projet.

Avant l’article 1er

M. le président. Avant l’article 1er, je suis saisi d’un amendement n° 77.

La parole est à M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour défendre cet amendement.

M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Pour plus de précision et de cohérence, et si vous me le permettez, monsieur le président, je défendrai ensemble tous les amendements avant l’article 1er que j’ai signés, c’est-à-dire ceux portant les numéros 77, 81, 78 deuxième rectification, 79, 80 troisième rectification et 76.

M. le président. Je vous en prie.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Conformément aux recommandations de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau et à l’objectif que le Gouvernement considérait comme essentiel, ces amendements tendent à mettre en place la collégialité de l’instruction.

Pour des raisons tenant à la disponibilité immédiate des moyens en personnel, le projet de loi initial ne donnait pas pleinement sa place au principe de collégialité, puisque, monsieur le garde des sceaux, les articles 1er et 2 prévoyaient seulement l’instauration de pôles de l’instruction et la co-saisine des juges d’instruction.

Dans un premier temps, la commission des lois a souhaité s’en tenir fermement aux conclusions de la commission d’enquête et elle a supprimé ces articles, espérant que l’évolution de la réflexion menée avec le Gouvernement conduirait à une rédaction plus proche de ses convictions.

Tel est l’objet de cette série d’amendements qui proposent d’instaurer la collégialité dans un délai de cinq ans à compter de la publication de la loi. La collégialité, qui fait partie des recommandations de la commission d’enquête, est destinée à rompre la solitude du juge d’instruction en rendant possible un regard croisé sur les affaires, c’est-à-dire une véritable complémentarité des juges dans leur travail d’enquête.

Les amendements nos 77 et 81 tendent donc à confier l’instruction à un collège de trois juges, dont un juge coordonnateur – qui serait nécessairement un magistrat de premier grade, donc expérimenté – afin de remédier à la relative inexpérience des juges du tribunal de grande instance, que la commission d’enquête sur Outreau avait relevée, mais dont ils n’étaient en rien responsables. Afin d’apporter le maximum de garanties aux suspects, les actes les plus importants de la procédure – qu’il s’agisse de la mise en examen, du placement sous contrôle judiciaire, de la demande de placement en détention provisoire de la mise en liberté ou de l’ordonnance de règlement – feraient l’objet d’une décision collégiale, les autres actes pouvant être confiés par le juge coordonnateur à l’un des magistrats du pôle.

Les autres amendements sont de coordination, et je ne les défendrai pas davantage.

Enfin, la commission, après avoir accepté dans le cadre de l’article 88 de notre règlement les amendements que je viens de présenter, a décidé de rétablir les articles 1er et 2, aux termes desquels seraient mis immédiatement en œuvre les pôles de l’instruction et la co-saisine, en préfiguration de ce que sera le dispositif complet dans cinq ans. Il ne s’agit pas d’amendements d’appel, mais de mesures précises, qui trouveront leur transcription dans le code de procédure pénale avec toutes les coordinations nécessaires. Ils ont tous été acceptés par la commission.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Tout comme M. le rapporteur, je m’exprimerai sur l’ensemble des amendements.

Il n’est pas inutile de rappeler en séance publique que le Gouvernement partage l’analyse et la conviction de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau, à savoir qu’il faut conserver l’institution du juge d’instruction et instaurer dès que possible le principe de la collégialité.

La commission d’enquête s’était interrogée sur le maintien du juge d’instruction, se demandant s’il fallait au contraire opter pour le système de type accusatoire sur le modèle américain, dans lequel les parties mènent l’enquête et où l’instruction se déroule pendant les audiences. De leur côté, certains juristes français parmi les plus célèbres souhaitaient que le juge d’instruction se transforme en juge « de l’instruction » et joue un rôle d’arbitre entre les parties. Pourtant, l’expérience de l’Italie, qui a choisi cette solution, montre que les résultats obtenus ne sont pas ceux escomptés, le juge de l’instruction étant vite redevenu un juge d’instruction tout court. L’idée, pour séduisante qu’elle puisse paraître, n’est pas forcément bonne, même si confier aux parties la charge de la preuve – tâche qui incombe aujourd’hui à l’État représenté par le juge d’instruction – aboutit à une justice peu coûteuse. La commission d’enquête a conclu qu’il fallait conserver le juge d’instruction et a considéré, comme le Parlement l’avait fait en 1985 avec une majorité tout aussi impressionnante – ce qui témoigne d’une continuité dans l’unanimité, indépendamment des majorités successives –, qu’il était nécessaire d’instaurer la collégialité, nécessité dont le Gouvernement est également convaincu.

Cela étant, le problème de la mise en œuvre de cette collégialité n’est pas seulement d’ordre budgétaire. À cet égard, l’antienne sur le budget catastrophique de la justice aurait tendance à faire oublier les efforts accomplis depuis cinq ans qui se traduisent par une augmentation de 38 % des crédits. Malgré tout, je le répète, il est indispensable que la prochaine majorité vote une nouvelle loi d’orientation et de programmation pour la justice, afin de pérenniser l’effort fourni et pour que, dans cinq ans, la justice puisse disposer des effectifs et des moyens matériels nécessaires.

Toutefois, il est clair qu’il ne s’agit pas d’un problème d’argent, mais de formation des magistrats, laquelle se révèle impossible dans un temps réduit. On ne peut pas former aussi vite 240 magistrats supplémentaires indispensables au fonctionnement des collèges de l’instruction. De la même manière, le débat, qu’a soulevé la commission sur l’affaire d’Outreau, sur la suppression du juge des libertés et de la détention ne pourra être réglé qu’une fois que la collégialité de l’instruction sera effectivement assurée. En attendant, la question ne se pose pas : en l’absence de collégialité, il est nécessaire de conserver le juge des libertés et de la détention.

La question était donc de savoir comment faire avec les moyens humains actuels, puisque, je le répète, il ne s’agit pas seulement d’un problème d’ordre budgétaire. Il fallait trouver une solution transitoire nous orientant vers l’instauration de la collégialité. J’ai donc proposé la constitution de pôles de l’instruction, qui, dans la plupart des cas, seraient départementaux, pour atteindre le chiffre, indicatif, de 125. Je rappelle qu’il existe, métropole et outre-mer réunis, 180 tribunaux de grande instance. Ainsi, presque tous les départements auraient un pôle de l’instruction, exception faite des plus petits, et les plus gros – notamment le Nord ou le Pas-de-Calais – en auraient plusieurs.

Un collège de l’instruction comportera au minimum trois magistrats. Les pôles de l’instruction quant à eux, puisqu’ils ont pour fonction d’introduire progressivement à la collégialité, comporteront deux magistrats, dont l’un sera un magistrat du premier grade, lequel, ayant une plus grande ancienneté, aura davantage d’expérience, comme l’a souligné le rapporteur. Cela signifie que nous ne revenons pas sur la présence d’au moins un juge d’instruction par tribunal, ce qui est très important. Qu’on ne vienne donc pas nous parler, comme je l’ai entendu, d’une désertification du service public ! C’est inexact ! Vous-mêmes, mesdames et messieurs les députés, avez reçu moult lettres vous annonçant que le Gouvernement procédait de manière hypocrite à un bouleversement de la carte judiciaire : c’est exactement le contraire !

Il s’agit, vous le savez, d’un débat dont les partis politiques se sont emparés, ce qui est tout à fait légitime, certains étant même favorables à la présence d’un seul TGI par département. Je souhaite bon courage à ceux qui mettraient en œuvre cette brillante idée !

En revanche, il existe déjà des pôles de l’instruction, comme le pôle antiterroriste, situé à Paris. Le monde entier vient voir comment travaillent les juges antiterroristes et comment fonctionne la section antiterroriste.

M. Christophe Caresche. Les résultats du pôle financier sont moins brillants !

M. le garde des sceaux. J’y viens pour rappeler que personne ne conteste la compétence de ses magistrats !

Il existe également les pôles de santé : il y a quelques jours le procureur de la République de Paris a souligné combien ces pôles fonctionnent au plus grand bénéfice des justiciables dans des conditions très satisfaisantes.

Demain, d’autres pôles seront institués. Ainsi, en me rendant à Toulon, j’ai compris l’avantage qu’il y aurait à créer deux pôles pour les affaires maritimes, traitant de tous les délits de la mer, l’un à Toulon, l’autre à Brest. Chacun sait en effet que la justice aujourd'hui doit être spécialisée. Un magistrat ne peut pas s’occuper de tous les dossiers, comme s’il possédait une science digne de celle que la tradition prête à Pic de la Mirandole !

Enfin, il ne convient pas d’oublier les JIRS – juridictions interrégionales spécialisées –, qui, créées par la loi Perben, ont pour vocation de s’occuper du grand banditisme et de la grande délinquance : ces juridictions, supradépartementales – elles sont moins nombreuses que les cours d’appel –, disposent de l’élite des juges d’instruction et des parquetiers. Elles obtiennent d’excellents résultats.

Telle est à mes yeux la vraie réponse sur le fond à la réforme de la carte judiciaire. Demain, les collèges de l’instruction remplaceront les pôles de l’instruction, que crée le présent projet de loi, dans la plupart des cas, au siège du TGI : nous disposerons ainsi de pôles spécialisés dans les affaires criminelles.

Je tiens en effet à rappeler que ne sont soumises à l’instruction que 5 % des affaires – les affaires criminelles – et que seules les affaires délictuelles complexes seront également traitées par les pôles de l’instruction. Le juge d’un TGI ne possédant qu’une chambre – le cas le plus fréquent – traitera, quant à lui, les affaires délictuelles non complexes.

Pour terminer sur la carte judiciaire, j’ajouterai que les affaires instruites au pôle préfecture retourneront devant la juridiction de départ pour être jugées. Ainsi, une affaire issue d’un petit TGI, disposant d’une seule chambre, y reviendra, même si elle a été instruite au pôle préfecture. J’ai du reste prévu, dans le cadre du budget, les moyens financiers nécessaires pour indemniser les avocats de leurs nouvelles obligations, je pense notamment aux frais de déplacement au pôle de l’instruction.

La commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau a voté à l’unanimité la création des collèges de l’instruction. La commission des lois de l’Assemblée a trouvé une solution de compromis puisqu’elle a repris cette proposition sous la forme de cinq amendements auxquels, je l’indique d’emblée, je suis favorable, tout en ne prévoyant la création des collèges de l’instruction que dans cinq ans. Il appartiendra donc aux équipes de demain de mettre en place les moyens humains et matériels nécessaires à la création, dans cinq ans, de ces collèges de l’instruction.

Bref, les pôles de l’instruction, que le projet de loi institue et que nous organiserons dans les mois à venir, ont pour objectif de préparer les collèges de l’instruction, dont la création entraînera la suppression du juge des libertés et de la détention, puisque la mise en détention sera devenue l’objet d’une décision collégiale. Nous aurons ainsi répondu aux attentes que le Parlement formule depuis vingt ans : instituer des collèges de l’instruction après avoir fourni un gros effort en termes de créations de postes de magistrats. Du reste, en ce qui concerne le nombre de magistrats, et contrairement à ce que j’ai entendu dire ici ou là – mais il est vrai que la campagne électorale pousse certains à évoquer des dossiers qu’ils ne connaissent pas suffisamment –, je tiens à souligner qu’en France, à l’heure actuelle, ce n’est pas de magistrats que nous manquons, mais de greffiers, en raison notamment, chacun le sait, de la prolongation de la scolarité. Cela m’a été confirmé lors de tous mes déplacements en juridiction : au cours des réunions, c’est le mot « greffier » qui provoque un émoi aussi général qu’immédiat ! Créer des postes de greffiers est une urgence absolue à laquelle nous aurons répondu dans un an, ce qui signifie que nous aurons d’ici un an réglé les problèmes d’effectifs lancinants et récurrents au sein de la justice. Nous pourrons alors commencer à préparer la mise en œuvre des collèges de l’instruction, tout en sachant que la courbe démographique joue contre nous, notamment en raison de départs massifs à la retraite à l’horizon 2010, véritable année noire en la matière pour l’ensemble de la fonction publique. Il s’agit donc d’anticiper ces problèmes dès maintenant, si nous voulons réaliser les collèges de l’instruction dans cinq ans.

Je ne saurais donc remercier suffisamment l’Assemblée nationale d’accepter ces pôles qui, en permettant déjà la co-saisine, sont la préfiguration des collèges de l’instruction qui seront mis en place dans cinq ans.

M. le président. La parole est à M. André Vallini.

M. André Vallini. Monsieur le garde des sceaux, avant d’évoquer la question des pôles et des collèges de l’instruction, je regrette de devoir vous dire que je ne suis absolument pas d’accord avec vous, lorsque vous affirmez que nous ne manquons pas de magistrats en France. Allez dire aux juges d’instruction, qui doivent parfois suivre plus de cent dossiers, qu’ils sont assez nombreux ! Allez le dire également aux juges d’application des peines ! Comment peut-on affirmer cela ? Chacun sait très bien que le suivi des détenus, avant et après leur sortie de prison, est un problème majeur en France ! Je suis triste pour vous, monsieur le garde des sceaux, que vous soyez à ce point inconscient de la situation de la justice dans notre pays.

En ce qui concerne les pôles et les collèges de l’instruction, je me référerai à la bible des trente députés de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau, qui en ont voté le rapport à l’unanimité. La proposition 14 prévoit de « créer, à l’échelon de chaque cour d’appel, des pôles de l’instruction composés d’un ou plusieurs collèges de trois magistrats, répartis, le cas échéant, dans le ressort de la cour, sur la base d’un critère démographique de 500 000 habitants. » La proposition 15, quant à elle, vise à « instituer une collégialité composée d’un magistrat du premier grade – au moins sept années d’ancienneté –, d’un magistrat du second grade, ces deux magistrats étant inscrits sur une liste d’aptitude », que nous avons évoquée la semaine dernière, « et d’un magistrat sortant de l’École nationale de la magistrature lui-même déclaré apte à exercer cette fonction. » Quant à la proposition 16, enfin, elle prévoit de « confier la direction de la collégialité au magistrat du premier grade. »

Telles sont les propositions que les membres de la commission ont votées à l’unanimité, je le répète, et qui, avec celles relatives à la détention provisoire, étaient au cœur de nos préoccupations. Nous étions tous déterminés à mettre en œuvre cette réforme le moment venu. Vous avez préféré précipiter les choses, alors que nous vous avions conseillé d’attendre que les élections soient passées pour que le législateur puisse disposer d’une visibilité sur cinq ans, tout en mettant immédiatement en application la mesure relative à la collégialité. Vous avez préféré proposer à la commission des lois la mise en place des pôles de l’instruction : or, c’est peu dire que les députés de la commission appartenant au groupe de l’UMP ont malmené vos propositions en la matière – je n’aurais pas osé aller si loin ! En effet, si la courtoisie les a tout d’abord conduits à vous écouter poliment, la semaine suivante, lorsque la commission a débattu de la réforme, des députés de la majorité, en termes très sévères, voire cruels, ont parlé l’un de « rafistolage », un autre de « fausse réforme », un autre encore de « fausse bonne idée ».

Non sans courage, les députés de l’UMP ont alors proposé de prévoir dans le texte la création de collèges de l’instruction dans chaque cour d’appel – la mesure que nous préconisions. Ensuite, des négociations ont dû avoir lieu entre les députés de la majorité et le Gouvernement, ce qui, assurément, ne nous regarde pas, mais il en est résulté une proposition boiteuse – la création des pôles avant celle des collèges – qui, de l’aveu même de MM. Marsaud, de Roux, Goasguen, relève de l’affichage électoral. M. Fennec s’est également montré très sévère pour cette proposition ! Alors que, en tant que députés, nous sommes censés faire la loi, c'est-à-dire créer du droit positif et établir la norme, comment pourrions-nous nous contenter de voter une mesure qui ne verra le jour que dans cinq ans si tout va bien ? Je le répète, cette mesure, c’est tout ce que vous voudrez, de l’affichage électoral ou un effet d’annonce, tout, sauf une réforme !

C’est pourquoi nous vous proposerons, par notre amendement n° 172 à l’article 1er, d’instaurer dès maintenant la collégialité de l’instruction pour en finir avec la solitude et l’inexpérience de certains juges d’instruction. En effet, ce qui a manqué au juge Burgaud dans l’affaire d’Outreau, c’est certes la faculté de douter, mais aussi et avant tout l’expérience, autrement dit le vécu judiciaire. Le juge Burgaud était trop seul et trop inexpérimenté ! Il faut en finir avec cette inexpérience et cette solitude en instaurant dès maintenant les collèges de l’instruction, mesure que, je le répète, les députés de la commission d’enquête ont votée à l’unanimité.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien ! Il s’agit d’une excellente intervention !

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Nous voterons les amendements du rapporteur pour les raisons qu’il a évoquées. Je tiens à rappeler que nous préconisions pour notre part l’instauration d’une chambre de l’instruction du premier degré confiée collégialement à deux juges d’instruction et à un juge de l’instruction, en vue de pallier les défauts actuels de la juridiction d’instruction. Cette chambre collégiale aurait en effet statué à la majorité sur toutes les décisions relatives aux libertés individuelles, aux délais impartis à l’enquête, à l’opportunité de procéder aux actes d’enquête nécessaires à la manifestation de la vérité et aux expertises. Nous pensions que cela aurait été plus simple, le problème financier restant le même.

Les amendements proposés par le rapporteur mettent en place un dispositif similaire à celui que nous préconisions. À la question de savoir comment permettre la mise en œuvre de la réforme au regard de l’indigence du budget, il répond : en la reportant de cinq ans – c’est l’objet de l’article 16. Par conséquent, nous ne pourrons pas soutenir cet article.

Je partage en effet l’analyse de M. Vallini. Nous souhaitons nous aussi mettre en place immédiatement la collégialité, comme l’a proposé la commission d’enquête, d’autant que les dispositions de l’article 1er ne lèvent pas les ambiguïtés. La mise en œuvre de ces dispositions, même si elles traduisent une bonne intention, pose tout de même un certain nombre de problèmes – je ne reviens pas sur les débats conflictuels au sein de la commission des lois qui ont abouti au retrait des dispositions créant les pôles d’instruction, avant qu’elles ne soient rétablies.

Nous soutiendrons donc ces amendements, mais nous nous opposerons au délai de cinq ans prévu à l’article 16. Nous pensons en effet qu’il est possible d’introduire sans délai la collégialité proposée par la commission d’enquête.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Ces propositions un peu cafouilleuses témoignent de la difficulté que pose l’examen du projet. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Quand on propose des dispositions qui ne seront applicables que dans cinq ans, c’est bien le signe qu’il y a un problème.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est sûr !

M. Christophe Caresche. On ne peut pas dire en effet que ce soit très satisfaisant sur le plan intellectuel. Nous nous trouvons dans cette situation en grande partie parce que vous ne voulez pas, et peut-être parce que vous ne pouvez pas – je ne sais –, toucher à la carte judiciaire. Voilà le fond de la question, comme l’explique très bien le rapport.

Vous voulez maintenir un juge d’instruction dans chaque TGI. Or vous ne pouvez pas à la fois maintenir la carte judiciaire telle qu’elle est et concentrer les moyens nécessaires à la création des pôles d’instruction.

M. Jérôme Bignon. C’est facile à dire quand on est député de Paris !

M. Christophe Caresche. Vos propos ne sont pas raisonnables, monsieur Bignon !

M. Jérôme Bignon. Je ne suis pas député de Paris !

M. Christophe Caresche. Nous représentons la nation ! Souffrez que je vous rappelle que vous ne représentez pas votre seul territoire, votre terroir !

M. Jérôme Bignon. Encore une fois, c’est facile à dire de la part d’un député de Paris ! Tout cela serait plus crédible si c’était un député de province qui le disait.

M. Christophe Caresche. Ce n’est pas plus facile pour moi que pour vous ! Il faut avoir le courage de dire qu’on n’instituera pas la collégialité, qu’on n’établira même pas les pôles d’instruction – première esquisse, pourquoi pas –, si l’on ne touche pas à la carte judiciaire. C’est la réalité, même si je veux bien comprendre que vous ne voulez pas prendre ce risque à six mois des élections. Il est évident que cette réforme suppose notamment une politique visant à redessiner la carte judiciaire, ce que vous n’êtes manifestement pas en mesure de faire.

M. le président. La parole est à M. Olivier Jardé.

M. Olivier Jardé. Le juge d’instruction est un élément très important de notre système judiciaire. Je suis tout à fait favorable à la collégialité et je rejoins tous mes collègues pour considérer que, pour traiter les dossiers difficiles, il n’est pas facile d’être seul. J’ai vécu cette expérience dans un monde très proche du monde judiciaire, et il est de l’intérêt de tout le monde, victimes comme agresseurs, qu’un dossier soit examiné de façon collégiale.

Néanmoins, je ne suis pas sûr qu’il faille aller jusqu’à trois magistrats quand deux peuvent suffire : ce qui importe est de pouvoir discuter à plusieurs. Seulement, pourquoi donc instaurer la collégialité dans cinq ans ? Je n’en vois pas l’intérêt et pense qu’il faudrait la mettre en œuvre immédiatement tant elle se révèle indispensable, ne serait-ce que pour rendre sa crédibilité à notre justice.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Je souhaite répondre…

M. André Vallini. Ça va être difficile !

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois. Non, monsieur Vallini, cela ne va pas être difficile !

Manifestement, sur tous les bancs, nous partageons l’idée que la collégialité est une bonne formule. Ce n’est d’ailleurs pas une révolution puisqu’une loi proposée en 1985 par M. Badinter, promulguée en 1986, instituait déjà cette collégialité avec ce qu’on appelait alors les « chambres d’instruction ». Sauf que celles-ci n’ont jamais vu le jour, faute de moyens budgétaires et d’effectifs. Ne répétons donc pas l’erreur dommageable commise dans le milieu des années 80, de ne pouvoir mettre en œuvre une bonne idée, manifestement consensuelle.

Vous avez dit au garde des sceaux, monsieur Vallini, qu’il n’y avait pas suffisamment de magistrats – montrant en outre sur ce point votre désaccord avec lui. Reste que vous ne pouvez pas à la fois regretter l’insuffisance de magistrats dans la configuration actuelle et souhaiter une mise en place immédiate de la collégialité. Je connais votre agilité intellectuelle, mais reconnaissez donc qu’il y a là une petite difficulté.

Nous avons choisi de reprendre les idées de M. Badinter mais en tâchant de faire en sorte qu’elles soient mises en œuvre, grâce à ce délai de cinq ans. Par ailleurs, un amendement demandera au Gouvernement d’établir, à mi-chemin, un rapport adressé au Parlement sur les outils utilisés pour atteindre cet objectif.

Je reconnais objectivement qu’il peut paraître un peu étonnant de légiférer sur une mesure qui sera appliquée dans cinq ans. Je préfère néanmoins cette modalité qui permettra vraiment la mise en œuvre de la collégialité, dispositif qui se situe dans la continuité de celui prévu par M. Badinter, mais qui n’avait pas pu voir le jour dans la mesure où l’on avait voulu l’appliquer tout de suite. Nous avons tranché ce vrai débat, et le choix que nous avons fait est le bon : c’est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, d’y adhérer.

À propos de la carte judiciaire, il ne faut pas être doctrinaire, ni dans un sens ni dans l’autre. On ne peut décider d’emblée qu’il y aura un tribunal par département.

M. le garde des sceaux et M. Jérôme Bignon. Bien sûr !

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois. De même, on ne doit pas décréter non plus d’emblée que l’on ne touchera jamais à la carte judiciaire.

M. le garde des sceaux. Je suis d’accord.

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois. Dans un cas comme dans l’autre, on serait dans l’erreur. Il est nécessaire, de mon point de vue – qui n’engage donc que moi –, de commencer par le commencement, c’est-à-dire de regarder, d’évaluer.

M. Christophe Caresche. Ce n’est pas la position du rapport de la commission d’enquête !

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois. Ainsi, il est tout de même très important de constater que des magistrats de qualité – disons plutôt des magistrats d’expérience car ils sont tous de qualité – ne veulent pas aller dans certains petits tribunaux, ce qui peut nous amener à penser que la qualité de la justice n’est pas forcément la même sur tout le territoire. Aussi, s’agissant de cette affaire de carte judiciaire, il convient avant tout de mener une évaluation. Il faut commencer par là tant il est vrai qu’il est normal, dans une société moderne, d’observer ce qui se passe.

M. Jérôme Bignon. Très bien !

M. le garde des sceaux. Très bien ! Je suis totalement d’accord avec le président de la commission !

M. le président. La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez. Pour les députés qui n’ont pas participé aux travaux de la commission des lois dans leur phase finale, il n’est pas simple de comprendre ce qui s’est passé. On peut évidemment penser qu’un compromis entre différents points de vue a été recherché. Néanmoins, ceux – tout au moins, certains de ceux – qui ont vécu intensément les débats et les auditions de la commission d’enquête sont ce soir quelque peu préoccupés – le mot est faible. Nous avons en effet toujours à l’esprit, les uns et les autres, les conséquences dramatiques de la solitude du juge d’instruction. Il n’est pas utile d’y insister, le ministre le sait autant que nous et le rapporteur comme le président de la commission d’enquête sont demeurés tout à fait en phase à l’occasion de la présentation des quatre-vingts propositions.

Je rappelle néanmoins la formule devenue historique du juge Burgaud : « Personne ne m’avait indiqué que je faisais fausse route », moyennant quoi le train a continué de rouler, chacun demeurant dans son compartiment jusqu’à ce qu’il atteigne le précipice que nous savons. Nous avons donc vécu cette dramatique affaire dite d’Outreau – comme député du Pas-de-Calais pour ce qui me concerne – avec une émotion reconnue par M. le ministre. Cependant, nous n’en sommes plus au stade de l’émotion mais à celui qui doit suivre la réflexion que nous avons menée en commun.

Il est certain que nous avons voulu que l’instruction devienne collégiale. Oui ou non, je le demande à M. le rapporteur et à M. le ministre, traduisons-nous aujourd’hui cette volonté exprimée dans les conclusions de la commission d’enquête ? J’ai compris que les moyens humains, et pas seulement les crédits, manquaient pour mener à bien cette réforme. Alors, oui ou non, j’insiste, peut-on affirmer qu’une fois ce texte voté, le juge d’instruction ne restera plus seul et qu’il sera obligé de travailler en équipe – ce travail d’équipe dont nous avons déploré l’absence en examinant l’affaire dite d’Outreau ? Allons-nous donc prendre le risque d’un « nouvel Outreau », alors qu’ensemble nous nous étions promis de faire en sorte de ne plus jamais revivre une telle situation ? Apportons-nous ici la réponse ? Avant d’intervenir brièvement sur l’article 1er, je souhaite obtenir des précisions de la part du rapporteur de la commission d’enquête, de la part du rapporteur du présent texte et de la part de M. le ministre.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Les propos de Léonce Deprez me donnent l’occasion de reprendre au vol les interventions précédentes et de préciser, une fois de plus, ce que nous allons proposer au vote de l’Assemblée.

La question de la solitude du juge d’instruction trouve un début de solution dans le dispositif mis en place. Je rappelle que toutes les affaires criminelles seront systématiquement, et de droit, adressées aux pôles de l’instruction, de même que les affaires qui auront fait l’objet d’une décision de cosaisine. On a vu que l’absence d’un tel dispositif est l’une des raisons pour lesquelles, dans l’affaire dite d’Outreau, l’instruction ne s’est pas déroulée comme elle aurait dû.

À partir du moment où l’on peut engager la cosaisine automatiquement dès le début mais également au cours de l’instruction, ce qui n’est pas le cas dans le dispositif actuel, alors en vigueur au moment de l’affaire dite d’Outreau, on a affaire au pôle de l’instruction. Il serait toutefois erroné de dire de ce dernier qu’il serait déjà la collégialité, cette juridiction composée de trois juges pouvant prendre une décision collégiale. Le pôle de l’instruction n’est donc qu’un premier élément qui permet de rompre la solitude du juge.

Voilà pourquoi il faut réaliser ce pôle. Pour des raisons qui ont été largement développées, nous ne pouvons mettre en œuvre immédiatement la collégialité. Nous aurions pu nous contenter de l’instituer dans cinq ans, mais alors Outreau pourrait se reproduire à tout instant, car nous laisserions la possibilité qu’un juge d’instruction soit saisi seul d’une affaire délicate et refuse la cosaisine. Le dispositif intermédiaire permet de prévenir une telle situation.

Il n’y a pas eu de négociations sur un compromis, monsieur Deprez, mais discussion sur la base de la volonté clairement exprimée par la commission des lois d’aller plus loin. C’est ce qui adviendra si les amendements que nous venons de présenter sont adoptés.

Je ne suis animé par aucun esprit polémique. La commission d’enquête a travaillé de façon remarquable pendant six mois. Quant à la commission des lois, il est vrai que ses réunions sont agitées, mais on dit si souvent que les parlementaires ne font qu’exécuter ce qui leur est proposé ! Pour une fois, nous donnons l’exemple d’une commission active et d’une majorité qui débat en son sein de différents problèmes : ne nous en plaignons pas !

Reste que, si le travail que nous accomplissons actuellement avait été fait en 1985, il n’y aurait peut-être pas eu d’Outreau. Si, en 1985, par l’effet une sagesse qu’il n’a pas eue à l’époque et que nous nous efforçons d’avoir aujourd'hui, le législateur avait décidé de créer la collégialité à échéance de trois ou cinq ans et en se préparant à y affecter les moyens nécessaires, cette collégialité aurait été instituée en 1990 et nous n’aurions peut-être pas connu l’affaire d’Outreau et d’autres affaires que nous avons eu également à déplorer.

Si je formule cette hypothèse, ce n’est pas pour faire de la politique-fiction a posteriori, mais pour montrer que ce que nous mettons en place n’est pas du rafistolage, mais un dispositif crédible qui ouvre des perspectives et sur lequel nous avons le moyen de peser. En effet, le rapport demandé au Gouvernement au bout de deux ans nous permettra d’évaluer le fonctionnement des pôles de l’instruction et la nouvelle procédure de cosaisine qui s’y inscrit. Nous pourrons déterminer alors quelles sont les dispositions concrètes – notamment l’augmentation du nombre de poste ouverts au concours de l’École nationale de la magistrature – que l’on doit prendre pour que la mise en place de la collégialité soit effective au bout de cinq ans.

Au total, on ne peut que saluer le travail très approfondi que la commission des lois a accompli sur la base des conclusions de la commission dite « d’Outreau ». Ce travail justifie que l’on adopte l’ensemble des dispositifs proposés.

M. le garde des sceaux. Excellente intervention !

M. le président. La parole est à M. André Vallini.

M. André Vallini. Faute de moyens, ont rappelé MM. Houillon et Geoffroy, la réforme Badinter n’a pas été mise en œuvre. Mais c’est parce que M. Badinter n’a plus été garde des sceaux à partir de 1986 ! La gauche a perdu les élections, M. Chalandon est arrivé place Vendôme et a décidé de remiser dans un placard la réforme de son prédécesseur.

M. Patrick Delnatte. Oui, parce qu’elle n’était pas assortie des moyens nécessaires !

M. André Vallini. Si la gauche avait gagné en 1986, nous aurions mis en œuvre le collège de l’instruction. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Adressez-vous donc à M. Chalandon, et non à M. Badinter !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Et 1988, qui a gagné les élections ?

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois. La gauche !

M. Jacques Floch. C’est en 1945 qu’il aurait fallu commencer ! (Sourires.)

M. André Vallini. Par ailleurs, si le nombre de juges d’instruction est insuffisant aujourd'hui, il n’empêche, monsieur Houillon, que l’on peut les regrouper, à effectifs constants, dans des collèges de l’instruction, ce que nous permettrait d’en finir avec la solitude et l’inexpérience de certains d’entre eux.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois. Je ne voudrais pas engager une polémique avec vous, monsieur Vallini, mais, après M. Chalandon, c’est-à-dire en 1998, soit deux ans après 1986, le groupe que vous représentez est revenu aux affaires et il n’a pas mis en place les chambres d’instruction de M. Badinter. Votre argument est donc réversible !

M. Jacques Floch. Ne réécrivons pas l’histoire : écrivons le présent !

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois. Justement, monsieur Floch : voilà une raison supplémentaire de voter ces amendements !

M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre.

M. Claude Leteurtre. Je souhaite vous faire part de l’inquiétude que m’inspirent ces pôles d’instruction. Nous sommes tous conscients de la solitude du juge d’instruction, mais quelles seront les conséquences de cette belle déclaration d’intention ? La création des pôles d’instruction conduira, de toute évidence, à regrouper en un même endroit les juges d’instruction pour que la collégialité puisse s’exercer. Dès lors, la répartition géographique des tribunaux ne pourra qu’être redéfinie. On annonce la collégialité dans quelques années, mais, concrètement, on ne dispose pas aujourd'hui des réponses. On ne peut soutenir que l’on va traiter à chaud un problème réel, celui de la solitude, et corrélativement supprimer un certain nombre de tribunaux ! Je n’ai pas suivi les travaux de la commission des lois, mais cet amendement soulève trop d’interrogations pour que je puisse l’approuver.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Il est en effet dommage que vous n’ayez pas suivi nos travaux, monsieur Leteurtre !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 77.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 81.

Pouvons-nous considérer qu’il a été défendu, monsieur le rapporteur ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable, comme je l’ai déjà dit.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 81.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 78, deuxième rectification, est de coordination.

Il a été accepté par la commission. L’avis du Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 78, deuxième rectification.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 79, accepté par la commission, est également de coordination et recueille l’avis favorable du Gouvernement.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. Jacques Floch. Curieuse chose, tout de même, que ces amendements de coordination longs de deux pages !

M. le président. J’appelle maintenant l’amendement n° 80, troisième rectification, accepté par la commission et approuvé par le Gouvernement.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous en venons à l’amendement n° 76, accepté par la commission.

L’avis du Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 76.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 110.

La parole est à M. André Vallini, pour le défendre.

M. André Vallini. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Elle a repoussé cet amendement pour deux raisons.

Tout d’abord, la modification rédactionnelle qu’il propose paraît inutile. Le titre actuel du chapitre en question du code de procédure pénale, « Du juge d’instruction », couvre tous les cas de figure, du juge unique au pôle.

Ensuite, cet amendement est en réalité de coordination avec un autre amendement que M. Vallini présentera ultérieurement, et qui vise à instaurer une collégialité à cinq juges, c'est-à-dire bien plus que ce que la commission d’enquête a proposé. Comme j’émettrai un avis défavorable sur cet amendement, je ne puis que faire de même pour celui-ci.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 110.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er

M. le président. La parole est à M. Léonce Deprez, inscrit sur l’article 1er.

M. Léonce Deprez. Après tant de débats, la conclusion que je voudrais dégager est-elle encore nécessaire ?

Le président Houillon a souligné avec raison l’extraordinaire vertu démocratique de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau. Les retransmissions télévisées ont permis aux Français de s’approprier, pour reprendre son expression, une justice en laquelle ils avaient perdu confiance. Les députés, quant à eux, ont pris conscience de leur véritable fonction face à certains problèmes de société. Nous avons eu le sentiment qu’il nous était possible de leur apporter des solutions communes, quelles que soient nos origines géographiques et notre appartenance politique.

C’est donc une autre vision de la politique qui s’est fait jour dans l’esprit des Français, et je crains que ceux-ci n’éprouvent aujourd'hui une certaine tristesse : le formidable élan ressenti dans tout le pays risque de ne pas trouver sa traduction dans les conclusions que nous devrions tirer ensemble des quatre-vingts propositions, votées à l’unanimité, de la commission d’enquête.

Certes, nous ne saurions nous substituer au Gouvernement. Avec la sagesse qui le caractérise, M. le garde des sceaux dit ce qu’il a à dire. Mais allons-nous réussir dans les prochaines heures cette performance exceptionnelle : aboutir à une position consensuelle qui répondrait à l’attente des Français ? Ou allons-nous, une fois plus, nous diviser, alors que les Français attendent de nous que nous soyons unis pour tirer les conclusions du drame judiciaire d’Outreau ?

M. le président. La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale, n° 3393 :

Rapport, n° 3505, de M. Guy Geoffroy, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures.)