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le 6 décembre 2002

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N° 400

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 novembre 2002

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE (n° 326), relatif aux marchés énergétiques et au service public de l'énergie,

PAR M. FRANÇOIS-MICHEL GONNOT,

Député.

--

(1ère partie)

Voir les numéros :

Sénat : 406 (2001-2002), 16 et T.A. 19 (2002-2003).

Energie et carburants.

INTRODUCTION 7

I. - LA RÉGULATION DU MARCHÉ DU GAZ 11

A. LES PRINCIPES DE LA RÉGULATION 11

1. L'institution d'un marché de « gros » 11

2. La continuité de fourniture 12

B. LES AUTORITÉS DE RÉGULATION 13

1. La Commission de régulation de l'énergie 14

2. Le rôle du ministre chargé de l'énergie 15

II. - LA PORTÉE DU CHANGEMENT DE STRUCTURE 16

A. L'IMPACT EFFECTIF POUR LES CONSOMMATEURS FINALS 16

1. Un renforcement de la « contestabilité » du marché 16

2. La réalité du monopole de Gaz de France 18

B. LES CONDITIONS DE L'ADAPTATION DU RÉSEAU 19

1. Un régime de concurrence des infrastructures 19

2. Le problème de la coordination des investissements 21

III. - LES PROBLÉMATIQUES PÉRIPHÉRIQUES 23

A. LE MYTHE DE L'UNIVERSALITÉ DE LA DESSERTE 23

B. LA SÉCURITÉ DES INSTALLATIONS INTÉRIEURES 24

CONCLUSION : LES LEÇONS DE L'ÉLECTRICITÉ 27

TRAVAUX DE LA COMMISSION 29

I. - AUDITION DE MME NICOLE FONTAINE, MINISTRE DÉLÉGUÉE À L'INDUSTRIE ET DISCUSSION GÉNÉRALE 29

II.- EXAMEN DES ARTICLES 43

Article additionnel avant l'article 1er : Organisation générale du marché et du service public du gaz naturel 43

TITRE IER : L'ACCÈS AUX RÉSEAUX DE GAZ NATUREL 44

Article 1er : Droit d'accès aux ouvrages de transport et de distribution et aux installations de gaz naturel liquéfié 44

Article 2 : Régime de l'éligibilité des clients 46

Article 3 : Statut des fournisseurs de gaz naturel 51

Article 4 : Conditions encadrant le refus de conclure un contrat d'accès à une installation gazière 54

TITRE II : LA TRANSPARENCE ET LA RÉGULATION DU SECTEUR DU GAZ NATUREL 57

Article 5 : Tarifs gaziers 57

Article 6 : Dissociation comptable 60

Article 7 : Echanges d'informations nécessaires au fonctionnement des réseaux gaziers 62

Article 8 : Collecte d'informations 63

Article 8 bis : Elargissement du collège de la CRE 64

Article 8 ter : Abrogation des dispositions énumérant les prérogatives de la CRE 64

Article 9 : Extension au secteur du gaz naturel de la compétence de la CRE 64

Article 10 : Coordination avec les dispositions du code général des collectivités territoriales 67

TITRE III : LE SERVICE PUBLIC DU GAZ NATUREL 69

Article 11 A (nouveau) : Organisation du service public du gaz 69

Article 11 : Obligations de service public 69

Article 11 bis (nouveau) : Observatoires régionaux du service public 72

Article 11 ter (nouveau) : Observatoire national du service public 73

Article 11 quater (nouveau) : Observatoire de la diversification 73

TITRE IV : LE TRANSPORT ET LA DISTRIBUTION DE GAZ NATUREL 75

Article 12 : Rôle des opérateurs de transport ou de distribution 75

Article 13 : Prescriptions techniques de sécurité 76

Article additionnel après l'article 13 : Précautions imposées aux riverains 78

Article additionnel après l'article 13 : Pouvoir de contrôle de DRIRE 78

Article 13 bis (nouveau) 78

Article 14 : Extension de la desserte du gaz 78

Article 14 bis (nouveau) : Transformation d'oléoducs en gazoducs 79

TITRE V : LE STOCKAGE SOUTERRAIN 83

Article 15 : Régime des stockages souterrains 84

- Article 3-1 du code minier : Définition des stockages souterrains 84

- Article 4 du code minier : Définition des carrières 84

- Création du titre V bis du code minier 84

- Article 104 du code minier : Assimilationd es stockages aux mines 85

- Article 104-1 du code minier : Régime de recherche des stockages souterrains 85

- Article 104-2 du code minier : Régime d'octroi des concessions de stockage souterrains 86

- Article 104-3 du code minier : Régime des servitudes attachées aux terrains inclus dans

le périmètre d'une concession de stockage 86

- Article 104-4 du code minier : Versement d'une redevance annuelle à l'Etat 88

- Article 104-5 du code minier : Régime des relations avec les propriétaires de la surface 88

- Article 104-6 du code minier : Surveillance des stockages souterrains 88

- Article 104-7 du code minier : Diverses extensions des dispositions du code minier

aux stockages souterrains 90

- Article 104-8 du code minier : Décret en Conseil d'Etat 91

Article 16 : Retrait des titres et adaptation du code de l'urbanisme 92

Article 17 : Rôle des stockages souterrains 93

TITRE VI : CONTRÔLE ET SANCTIONS 95

Article 18 : Pouvoirs d'enquête et de sanction administrative 95

Article 19 : Sanctions applicables en l'absence d'autorisation 98

TITRE VII : DISPOSITIONS RELATIVES AU SERVICE PUBLIC DE L'ÉLECTRICITÉ

2ème partie du rapport

Article 20 A (nouveau) : Répartition des participations du FACE

Article additionnel avant l'article 20 : Evolution des clauses tarifaires des contrats des clients éligibles n'ayant pas fait jouer leur éligibilité

Article 20 : Installations bénéficiant de l'obligation d'achat

Article 20 bis (nouveau) : Compensation des charges imputables aux missions de service public

Article 20 ter (nouveau) : Coordination

Article 20 quater (nouveau) : Modalités de calcul des charges résultant des contrats consécutifs aux appels d'offre

Article 20 quinquies (nouveau) : Suppression de la liste des informations confidentielles acquises à l'occasion de l'exécution d'un contrat consécutif à un appel d'offres

Article 20 sexies (nouveau) : Modalités de calcul des charges résultant de la mise en _uvre de l'obligation d'achat

Article 20 septies (nouveau) : Contrôle des activités des agents du réseau public de transport

Article additionnel après l'article 20 septies : Autorisation de la communication d'informations par le gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité à l'occasion des contrôles des autorités concédantes

Article 20 octies (nouveau) : Principes de fixation du seuil d'éligibilité des consommateurs finals

Article 20 nonies (nouveau) : Eligibilité des fournisseurs exerçant l'activité d'achat pour revente

Article 20 decies (nouveau) : Eligibilité des distributeurs pour leurs pertes en ligne

Article additionnel après l'article 20 decies : Abrogation de la durée minimale des contrats de fourniture d'électricité

Article 20 undecies (nouveau) : Modalités d'exercice de l'activité d'achat pour revente

Article 20 duodecies (nouveau) : Suppression de la liste des clients éligiblesArticle additionnel après l'article 20 duodecies : Participation des demandeurs aux frais de raccordement aux réseaux publics de transport et de distribution d'électricité

Article 20 terdecies (nouveau) : Droit d'accès à la comptabilité des entreprises du secteur de l'électricité

Article 20 quaterdecies (nouveau) : Incompatibilités applicables aux membres de la CRE

Article additionnel après l'article 20 quaterdecies : Conditions de recrutement de ses personnels par la CRE

Article 20 quindecies (nouveau) : Consultations par la CRE

Article 20 sexdecies (nouveau) : Energie réservée

Article additionnel après l'article 20 sexdecies : Conciliation de l'implantation des installations des éoliennes et de la protection de l'environnement

TITRE VIII : DISPOSITIONS DIVERSES

Article 21 : Coordination et abrogations diverses

TABLEAU COMPARATIF

3ème partie du rapport

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

ANNEXES

MESDAMES, MESSIEURS,

Voici enfin venu le moment de transposer la directive 98/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel.

Comme on le sait, cette transposition aurait dû intervenir avant le 10 août 2000.

Deux mois avant cette date, ce qui excluait déjà que la transposition intervienne dans le délai prescrit, le gouvernement précédent avait déposé, le 17 mai 2000, sur le bureau de l'Assemblée nationale, un projet de loi relatif à la modernisation du service public du gaz naturel et au développement des entreprises gazières procédant à cette transposition. Certains au sein de la majorité d'alors souhaitaient lier cette transposition à celle, pourtant distincte, du changement de statut de Gaz de France.

On se souvient ainsi que Mme Nicole Bricq, député socialiste, chargée d'une mission de réflexion et de concertation sur la transposition de la directive sur le marché intérieur du gaz naturel écrivait dans son rapport rendu au Premier ministre le 27 octobre 1999 qu'il était souhaitable « pour donner à GDF les moyens de son développement », « de transformer l'établissement public en société anonyme et de réaliser une ouverture du capital ». Elle ajoutait que « cette évolution de la structure juridique ne correspond ni à une position idéologique ni à la nécessité de la transposition de la directive mais au principe de réalité » en estimant que « la transposition (était) l'occasion de faire cette transformation ». Faute d'être capable d'affronter les contradictions de sa majorité sur cette question, le gouvernement de l'époque s'est donc refusé d'inscrire la discussion du projet de loi transposant la directive à l'ordre du jour du Parlement.

En conséquence, la Commission européenne a engagé une action devant la Cour de justice des Communautés européennes contre la France, condamnée le 28 novembre 2002 pour manquement à son obligation de transposition de la directive.

Parallèlement, nos partenaires européens se sont prévalus de ce retard dans la transposition pour gêner Gaz de France dans ses opérations de croissance externe sur leur territoire.

Enfin, d'une façon générale, ce retard, interprété comme un refus de principe de la libéralisation, a fragilisé la position de la France dans les négociations sur les nouvelles directives, et particulièrement la deuxième directive relative aux marchés de l'énergie.

L'urgence de la transposition n'est donc pas contestable.

Elle pouvait justifier de recourir à la procédure de l'ordonnance. Tel n'a pas été le choix du Gouvernement qui a ainsi marqué sa volonté de respecter les prérogatives du Parlement et sa confiance dans la capacité du Parlement à travailler vite. Qu'il en soit, ici, remercié.

Afin d'en accélérer l'examen, et compte tenu des contraintes d'ordre du jour pesant sur notre assemblée et liées notamment à l'examen de la loi de finances, le Gouvernement a déposé au Sénat le projet de loi procédant à cette transposition. C'est donc du projet de loi adopté par le Sénat que l'Assemblée nationale est saisie.

Ce projet de loi est sensiblement amélioré et profondément enrichi par rapport à sa rédaction initiale. Le Sénat l'a notamment complété de manière très opportune en toilettant de nombreuses dispositions inapplicables et d'ailleurs inappliquées de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité. L'importance et la qualité du travail de la Haute assemblée, dans le délai bref qui lui a été imparti pour examiner le texte, méritent d'être salués.

Votre rapporteur ne souhaite donc pas bouleverser l'équilibre général du texte adopté par le Sénat mais entend poursuivre le travail d'amélioration.

Il estime donc utile, avant d'analyser de manière détaillée le texte, de rappeler, comme l'a d'ailleurs fait Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, devant la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, le 19 novembre dernier, que celui-ci ne vise qu'à transposer la directive sur le gaz de 1998, et dans une moindre mesure, à améliorer certaines dispositions de la loi du 10 février 2000.

Le projet de loi ne concerne donc en aucun cas :

- l'adaptation de notre politique énergétique dont la future loi d'orientation sur l'énergie donnera l'occasion,

- le statut de Gaz de France ou

- la transposition de la deuxième directive, malgré l'accord politique intervenu le 25 novembre dernier et prolongeant celui trouvé, les 15 et 16 mars 2002, lors du Conseil européen du Barcelone à l'occasion duquel l'ouverture à la concurrence du marché pour l'ensemble des clients à l'exception des ménages en 2004 avait été accepté par la France.

La transposition de la première directive n'a qu'une portée plus limitée. Elle ne permet une ouverture du marché que très partielle, au profit, pour l'essentiel, des établissements les plus gros consommateurs de gaz.

Elle nous donne donc la chance de mettre en place un nouveau système de régulation sur une échelle limitée. On ne peut que regretter la brièveté, compte tenu du retard pris par la précédente majorité, de cette phase d'apprentissage de la concurrence. L'ouverture graduelle à la concurrence du marché, opportunément organisée par la directive, est, en effet, dans notre pays largement remise en cause par cette transposition tardive. Si la transposition de fait de la directive à partir du 10 août 2000, imposée par le fait que certaines de ses dispositions étaient directement applicables, aura permis à certains consommateurs, les plus importants, donc ceux qui avaient le moins besoin de ce temps d'adaptation, et aux opérateurs, de connaître une ouverture à la concurrence progressive, il n'en a pas été de même des pouvoirs publics. Ainsi, le régulateur, élément clé de l'organisation d'un marché ouvert, ne disposera que de quelques mois pour exercer ses missions en matière gazière avant une très large ouverture à la concurrence.

Cela est d'autant plus fâcheux que l'expérience du secteur électrique a mis en évidence l'intérêt de l'expérimentation et de l'apprentissage de la concurrence. Le projet de loi s'inscrit d'ailleurs dans cette démarche pragmatique en tirant les leçons de deux ans de fonctionnement d'un marché électrique ouvert à la concurrence. En effet, si plusieurs des modifications de la loi du 10 février 2000 proposées par le Sénat visent à abroger des dispositions dont le caractère inapplicable ou les effets pervers étaient patents lors de leur adoption, d'autres modifications, plus mineures, concernent des dispositions dont seule l'expérience a montré les limites.

L'heure n'est donc pas à la dénonciation stérile de la libéralisation. L'ouverture à la concurrence des marchés de l'énergie ne menace, en effet, ni le service public, ni la politique énergétique, ni, enfin, les intérêts des consommateurs les plus modestes. Elle permettra simplement de dégager davantage de gains de productivité qui, en raison même de la concurrence, profiteront d'abord aux consommateurs. C'est là une conséquence économique mécanique de la libéralisation.

Il est vrai que celle-ci a pu échouer, comme cela a été largement le cas en Californie ou au Royaume-Uni. Ces échecs n'ont toutefois pas été des échecs de la libéralisation elle-même mais du cadre juridique dans lequel celle-ci a été conduite.

Sur le plan juridique, la libéralisation d'un marché, autrefois géré sous monopole, est, en effet, une opération de réglementation. Elle implique d'expliciter des règles souvent coutumières, par exemple en matière de service public, et d'encadrer des pratiques pour tenir compte de la diversité nouvelle des intervenants. Ce nouveau cadre juridique peut garantir la pérennité du service public et de la politique énergétique ainsi que les intérêts des consommateurs.

La libéralisation est donc un défi pour le législateur. C'est pourquoi il convient maintenant de consacrer nos efforts à inventer les meilleurs mécanismes de régulation du marché possibles, c'est-à-dire ceux qui préserveront le service public et qui permettront aux consommateurs, les seuls et vrais destinataires des réformes du marché unique, de bénéficier tout à la fois des prix les plus bas, et des meilleurs conditions de service, y compris, bien évidemment, en matière de sécurité.

I. - LA RÉGULATION DU MARCHÉ DU GAZ

Il paraît préalablement utile de resituer ce texte de transposition, visant à construire un marché régulé du gaz naturel, par rapport à quelques objectifs simples, qui permettront de mieux comprendre ce qu'il apporte de nouveau, et les rôles respectifs qu'y jouent les deux autorités de régulation concernées.

A. LES PRINCIPES DE LA RÉGULATION

Ce projet de loi introduit fondamentalement deux modifications dans la législation sur le gaz, qui visent à s'équilibrer l'une l'autre : d'un côté, il institue un début de libéralisation, en introduisant la concurrence sur ce qu'on pourrait appeler un « marché de gros » ; de l'autre, il met en place une série de mécanismes garantissant la continuité de fourniture, de manière que le service rendu au consommateur reste d'une qualité au moins équivalente à celle offerte dans l'organisation actuelle.

1. L'institution d'un marché de « gros »

L'élaboration de la première directive sur le gaz, que ce projet de loi transpose, s'est faite dans la perspective d'une ouverture progressive et maîtrisée à la concurrence. Il s'agissait de laisser aux États le temps d'adapter leurs structures. Le projet de loi propose donc, comme première étape de la constitution d'un marché ouvert, une libéralisation très partielle.

Certains gros clients, dits « clients éligibles », vont avoir le droit de choisir librement leur fournisseur (article 2). Dans le domaine du gaz, l'offre d'approvisionnement est certes très dépendante des infrastructures, mais un « droit d'accès au réseau » est créé (article 4) pour multiplier les canaux possibles de fourniture. Cette situation intermédiaire de libéralisation devrait déjà permettre de constater une baisse des prix au niveau du marché de « gros ».

Une centaine de clients sur 450 sites industriels sont concernés, dans un premier temps, par cette nouvelle liberté de choisir son fournisseur. Le critère de droit commun pour faire partie de cette catégorie des « clients éligibles » repose sur le dépassement d'un seuil de consommation annuelle de gaz. Mais les producteurs d'électricité, ainsi que les distributeurs non nationalisés, sont automatiquement admis, pour une partie de leurs achats au moins, dans cette catégorie.

Le seuil d'éligibilité peut être modifié par décret, de manière à poursuivre l'ouverture progressive. La deuxième directive sur l'énergie a de toute façon fixé l'ouverture complète du marché pour les clients professionnels au 1er juillet 2004.

La partie aval du marché, celle qui concerne le consommateur final, et principalement les ménages, reste quant à elle inchangée, et le restera jusqu'au 1er juillet 2007, date de la libéralisation totale, selon la deuxième directive sur l'énergie : au niveau de la distribution finale, Gaz de France va donc conserver d'ici là sa position de monopole, sauf dans les zones géographiques desservies par les vingt-deux distributeurs non nationalisés (les « DNN »).

La position de « clients captifs » des ménages, alors que les clients éligibles disposent d'un pouvoir de marché, peut laisser craindre a priori des pratiques de « subventions croisées » de la part des fournisseurs. En fait, celles-ci seront de toute façon rendues impossibles par le fait que le consommateur non éligible bénéficiera d'un tarif fixé administrativement (article 5). En outre, le projet de loi organise un contrôle de gestion systématique des fournisseurs, visant spécifiquement à détecter et sanctionner ce genre de pratiques (article 6). Enfin, si une discrimination venait à être néanmoins mise en _uvre entre clients éligibles, le principe de « l'accès des réseaux aux tiers » permettrait au groupe des clients victimes de prix trop élevés de changer de fournisseur : dès lors, la tentative de prédation sur ces clients échouant, la « subvention » du fournisseur au groupe des clients que celui-ci souhaitait avantager ne pourrait être maintenue.

La situation du consommateur final ne risque donc guère d'être bouleversée par la transposition de la directive 98/30/CE : dans la plupart des cas, il va conserver son distributeur actuel, et continuer à bénéficier d'un tarif réglementé. En outre, le service fourni restera de qualité grâce aux mécanismes prévus pour assurer la continuité de fourniture, jusque là garantie dans le cadre du monopole. Et c'est là le deuxième volet important de ce projet de loi.

2. La continuité de fourniture

Le monopole de Gaz de France procure à ce fournisseur unique national un avantage en termes de taille, qui constitue déjà, en lui-même, un dispositif d'assurance de la continuité de fourniture.

En effet, plus le nombre des clients d'un fournisseur est grand, plus les pointes et les chutes de consommation de ceux-ci ont tendance statistiquement à se compenser. Les risques de rupture d'approvisionnement se trouvent ainsi spontanément maîtrisés, même si le flux global de gaz à la source reste constant.

L'effet de taille permet encore de couvrir, peu ou prou, le cas d'une demande globale légèrement excédentaire apparaissant du fait d'une pointe de consommation très localisée : un rééquilibrage peut alors s'opérer par une très légère diminution des flux à destination de l'ensemble des consommateurs, en vue de collecter le volume supplémentaire de gaz nécessaire à l'endroit où la forte demande s'exprime. Le prélèvement de gaz opéré sur la masse des consommateurs est alors d'autant moins sensible que ceux-ci sont plus nombreux.

Tel n'est évidemment plus le cas lorsque la résultante des demandes supplémentaires devient très importante, comme cela se produit en hiver. Alors le fournisseur, même si sa surface d'activité est très large, doit renforcer ses approvisionnements, notamment en puisant dans ses stockages. On sait que le jour le plus froid de l'hiver, les stockages nationaux assurent 60 % de la demande française de gaz.

L'ouverture à la concurrence sur le marché intérieur ne va pas faire disparaître l'avantage mécanique lié à l'effet de taille, puisqu'au travers du principe de l'accès des tiers au réseau, elle en étend au contraire la portée, en le faisant jouer sur la masse de l'ensemble des fournisseurs de la Communauté européenne.

Pour que cet avantage puisse jouer à plein, il faut évidemment, que les mécanismes de marché soient suffisamment « fluides », afin notamment que les offres et les demandes excédentaires des clients éligibles de l'ensemble des fournisseurs communautaires puissent se compenser rapidement. Les marchés « spot » ont donc un rôle essentiel à jouer dans le bon fonctionnement de ce phénomène d'autorégulation à l'échelle communautaire.

L'extension de la taille du marché peut encore avoir un impact stabilisateur en favorisant l'émergence d'entreprises se spécialisant dans la fourniture de gaz de dernier recours. Il faut en effet une surface d'activité très large pour rentabiliser une activité de ce type, qui consiste à faire office de réservoir de secours pour couvrir les défaillances imprévues des fournisseurs.

Cependant, à côté de cette forme d'assurance implicite que procure l'ouverture sur un marché très large, le projet de loi de transposition prévoit divers mécanismes visant à endiguer à la source un risque de défaillance des fournisseurs approvisionnant les clients éligibles français.

D'abord, tout fournisseur est soumis à autorisation (article 2), et la délivrance de l'autorisation est subordonnée à certains critères de capacités techniques, économiques et financières. Ensuite, cette autorisation peut être restreinte dans sa portée, de manière à n'autoriser les contrats qu'avec certaines catégories de clients. Enfin, le maintien de l'autorisation dépend de l'effort fait par le fournisseur pour assurer une diversification suffisante de ses approvisionnements.

Par ailleurs, l'autorisation est subordonnée au respect d'obligations de service public, qui concernent notamment la sécurité des installations (article 11), et par conséquent, la maîtrise des risques d'accident pouvant conduire à des arrêts d'approvisionnement.

Ainsi donc, aussi bien l'insertion dans cet ensemble plus vaste qu'est le marché communautaire, que la mise en place d'un régime d'autorisation contraignant pour les fournisseurs, va contribuer à garantir la continuité de fourniture pour les consommateurs finals.

B. LES AUTORITÉS DE RÉGULATION

La mise en place d'une régulation implique la dévolution de fonctions d'arbitrage et de contrôle à des instances chargées d'assurer le respect des règles du marché. Dans cette logique, les missions de la Commission de régulation de l'électricité ont été étendues au secteur du gaz. Cet élargissement des compétences s'accompagna d'un changement de nom. Cependant la nouvelle Commission de régulation de l'énergie a surtout pour mission de veiller au bon fonctionnement courant de la concurrence. Le ministre chargé de l'énergie conserve une fonction essentielle de contrôle technique des acteurs du marché, en vue notamment de s'assurer qu'ils sont à même de respecter leurs obligations de service public.

1. La Commission de régulation de l'énergie

La loi du 10 février 2000, qui a instauré en France le marché de l'électricité, en a confié la régulation à la Commission de régulation de l'électricité. Cette autorité administrative indépendante ayant fonctionné depuis lors à la satisfaction générale, il paraissait cohérent d'étendre ses compétences au domaine du gaz, ce qui avait le mérite de permettre une certaine optimisation des moyens, sans faire obstacle à la nécessaire prise en compte des spécificités du secteur gazier par une organisation interne adaptée.

A l'instar des dispositions retenues pour le secteur électrique, le projet de loi prévoit pour la nouvelle « Commission de régulation de l'énergie », dans le secteur du gaz naturel, à la fois des compétences propres et des fonctions de conseil auprès du ministre chargé de l'énergie.

Ses compétences propres concernent essentiellement le contrôle du comportement des entreprises. A cette fin, elle est munie de forts pouvoirs d'enquête et de sanction, qui lui permettent notamment :

- de se prononcer, s'agissant du principe d'accès des tiers aux réseaux, sur les litiges relatifs à son application, ainsi que sur les demandes d'octroi de dérogation temporaire ;

- de veiller à l'absence de pratique de subventions croisées, ainsi qu'au respect de l'obligation de séparation comptable.

Son président saisit le Conseil de la concurrence des abus de position dominante et des pratiques entravant le libre exercice de la concurrence dans le secteur du gaz.

En cas d'atteinte grave et immédiate aux règles régissant l'accès aux réseaux de transport ou de distribution, elle peut ordonner les mesures conservatoires nécessaires pour assurer la continuité de fonctionnement des réseaux.

Ses fonctions de conseil auprès du ministre chargé de l'énergie s'exercent essentiellement dans le domaine de la fixation des tarifs. A ce titre, il lui revient :

- de proposer les tarifs d'utilisation des réseaux, et donner son avis sur les cas de dérogation à ces tarifs ;

- de donner son avis sur les tarifs de vente aux clients non éligibles.

Elle est en outre consultée sur les projets de règlement relatifs à l'accès aux réseaux de transport et de distribution du gaz.

Elle est enfin associée à la préparation de la position française dans les négociations internationales relatives au gaz.

2. Le rôle du ministre chargé de l'énergie

Si la Commission de régulation de l'énergie veille au respect des règles de marché par les entreprises, le ministre chargé de l'énergie, quant à lui, veille au respect par les entreprises des règles techniques qui permettent d'assurer le maintien d'un service de qualité pour le consommateur final.

Cette mission d'encadrement technique du bon fonctionnement du marché s'inscrit dans la logique les pouvoirs de contrôle très étendus qui lui sont dévolus par la loi toujours en vigueur du 15 février 1941 relative à l'organisation de la production, du transport, et de la distribution du gaz.

C'est ainsi le ministre chargé de l'énergie qui a la responsabilité de délivrer les autorisations nécessaires aux fournisseurs pour participer au marché. Cette autorisation est subordonnée au respect :

- des obligations de service public prévues à l'article 11 ;

- des diverses prescriptions techniques prévues à l'article 13.

Il peut imposer aux fournisseurs un degré de diversification suffisant de leurs approvisionnements.

Surtout, il dispose de pouvoirs de crise, grâce auxquels il peut « ordonner les mesures conservatoires strictement nécessaires, notamment en matière d'octroi ou de suspension des autorisations », en cas de « menace pour la sécurité d'approvisionnement du pays en gaz naturel » (article 11).

Il intervient aussi au niveau de l'encadrement économique du marché, en fixant les tarifs de l'utilisation des réseaux, ainsi que les tarifs aux clients non éligibles, mais cette compétence est exercée conjointement avec le ministre chargé de l'économie.

Comme la Commission de régulation de l'énergie, il dispose de pouvoirs d'enquête et de sanction étendus.

En conclusion, cette transposition de la directive de 1998 met en place une structure juridique permettant d'assurer un bon équilibre entre, d'une part, la liberté contractuelle nouvelle offerte à une partie des acteurs du marché, et, d'autre part, le maintien d'un service de qualité pour les consommateurs finals. Cet équilibre se trouve garanti par un dispositif de régulation assurant une double surveillance, sur le plan microéconomique et sur le plan technique, du respect des règles imposées aux entreprises.

II. - LA PORTÉE DU CHANGEMENT DE STRUCTURE

La transposition de la directive 98/30/CE va faire passer le marché du gaz d'une structure de monopole à une structure de concurrence. En théorie, ce type de transformation vise essentiellement à procurer au consommateur un avantage en termes de baisse des prix, car l'entreprise en situation de monopole est censée abuser de son pouvoir de marché pour prélever une rente.

Cependant l'examen de la situation du marché français du gaz avant sa libéralisation juridique montre qu'il fonctionne en réalité moins selon le modèle classique du monopole que selon le modèle du « marché contestable » au sens de la théorie de William J. Baumol (1). La libéralisation introduite par la directive 98/30/CE, qui s'interprète donc plutôt comme un renforcement de cette « contestabilité », ne devrait dès lors guère bouleverser les équilibres actuels au niveau de la consommation finale.

En revanche, elle suscite des interrogations en ce qui concerne l'évolution des infrastructures, car, contrairement au dispositif retenu pour la libéralisation du chemin de fer ou de l'électricité, la propriété du réseau va rester partagée entre plusieurs opérateurs. Se posent ainsi des problèmes de compatibilité entre les initiatives privées, qui ont suggéré à votre rapporteur de donner à l'Etat une fonction de coordination des investissements, au travers d'un plan indicatif pluriannuel.

A. L'IMPACT EFFECTIF POUR LES CONSOMMATEURS FINALS

La liberté de choix de leurs fournisseurs pour les clients « éligibles » ne va en fait qu'introduire une dimension nouvelle à la « contestabilité » déjà effective du marché du gaz en France, et ne devrait donc pas avoir pour effet de trop bouleverser les équilibres prévalant au niveau de la consommation finale.

1. Un renforcement de la « contestabilité » du marché

La notion de marché « contestable » s'illustre en prenant le cas d'un monopole qui abuserait de son pouvoir de marché pour rançonner les consommateurs par des prix excessifs, très au dessus des coûts. Toute entreprise équivalente aurait alors avantage à entrer sur ce marché en proposant des prix légèrement inférieurs, car elle attirerait ainsi à elle la totalité de clientèle, tout en dégageant un bénéfice, puisque ses prix pourraient rester supérieurs aux coûts.

Une structure de marché permettant ce genre de sanction d'un monopole est dite « contestable ». Elle permet d'atteindre l'objectif premier de la concurrence, à savoir l'abaissement des prix au niveau le plus bas compatible avec la production, sans qu'il soit nécessaire de multiplier le nombre des acteurs du marché. Elle suppose la réalisation d'une condition : qu'il soit possible d'entrer et de sortir du marché librement, sans avoir à supporter un coût d'installation à l'entrée, ni un coût de liquidation à la sortie.

Cette condition paraît a priori assez contraignante, mais il se trouve qu'elle est partiellement réalisée sur le marché du gaz. De ce fait, il est possible d'affirmer que les consommateurs français bénéficient, avant même toute ouverture à la concurrence, de prix très raisonnables.

En effet, le gaz est par nature une énergie substituable. Si Gaz de France essayait d'utiliser sa situation de monopole pour rançonner les consommateurs, ceux-ci finiraient par se détourner du gaz pour développer l'usage de l'électricité, du fioul, et des autres formes d'énergie alternatives qui apparaîtraient alors plus rentables. La « contestabilité » du marché se manifesterait en l'occurrence par une substitution de produits : les fournisseurs alternatifs pourraient capturer la clientèle du gaz, sans avoir à supporter des coûts spécifiques d'entrée sur le marché du gaz. Les prix finals du gaz se trouvent ainsi déjà mécaniquement modérés par la concurrence avec les autres énergies.

La libéralisation apportée par la transposition de la directive 98/30/CE, en créant les conditions d'une confrontation entre les « fournisseurs » et les « clients «éligibles » semble introduire un supplément de pression concurrentielle par le canal classique d'une multiplication des acteurs de marché.

En fait, c'est plus probablement à l'aune de la « contestabilité » qu'il convient d'apprécier l'impact de cette réforme de structure, car la véritable innovation du projet de loi sur les marchés énergétiques est la levée du monopole d'importation (article 21). Cette réforme va ajouter en effet à la « contestabilité par substitution » qui existe déjà, une « contestabilité par importation ».

C'est le but même de la directive 98/30/CE que d'instituer un « marché intérieur du gaz », au sein duquel les fournisseurs de la Communauté européenne pourront pénétrer sur le marché français du gaz sans avoir à supporter des coûts d'entrée prohibitifs. L'accès des tiers au réseau, en résolvant le problème de la distance de livraison jusqu'au « client éligible », les mettra en concurrence directe avec les fournisseurs français, et en particulier, avec l'opérateur historique. Le principe de l'accès des tiers au réseau assurera une « contestabilité » quasi parfaite du marché français du gaz ; la pression pour un abaissement des prix à un niveau compatible avec la production en sera accrue.

Cette concurrence externe ne risque cependant pas de bouleverser l'échelle des prix sur le marché français, car celui-ci est alimenté déjà essentiellement à partir d'importations, et les fournisseurs communautaires s'approvisionnent aux mêmes quatre grandes sources mondiales que les fournisseurs français : la Russie (GazProm), la Norvège (GFU), l'Algérie (Sonatrach), et le gaz naturel liquéfié en provenance du Nigéria ou du Moyen-Orient. Achetant tous aux mêmes producteurs, les fournisseurs européens ne sont guère en mesure, sauf circonstances particulières créant par exemple des excédents à « brader », de revendre à des prix très différents.

Ainsi le projet de loi, qui semble introduire une rupture sous l'angle de l'analyse classique de la concurrence, s'inscrit plutôt en continuité d'une situation déjà partiellement acquise dans la logique de la théorie des « marchés contestables ».

2. La réalité du monopole de Gaz de France

Le monopole de l'approvisionnement, du transport et de la distribution du gaz, constitué au profit de Gaz de France par la loi de nationalisation du 8 avril 1946, n'a jamais été véritablement complet.

La loi n° 49-1090 du 2 août 1949 lui a apporté très vite un correctif en excluant du champ de la nationalisation « la production et le transport du gaz naturel jusqu'au compteur d'entrée de l'usine de distribution », sous la réserve que le transport fût assuré par une société dont « la majorité du capital serait détenue par l'Etat », seuil de participation qui a été abaissé à 30 % par l'article 16 de la loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation.

En fait, le monopole de Gaz de France n'a jamais été total que pour l'importation.

Pour la distribution, ce monopole admet, en vertu de l'article 23 de la loi du 8 avril 1946, l'exception de dix-sept distributeurs non nationalisés historiques, rejoints récemment par les cinq distributeurs locaux créés sur la base de l'article 50 de la loi du 2 juillet 1998.

Pour la production et le transport, la découverte en France des gisements de Saint-Marcet en 1939, et surtout de Lacq en 1951, a permis l'apparition de deux fournisseurs autonomes, qui ont participé depuis lors à l'approvisionnement du pays :

- la société Gaz du Sud-Ouest (GSO) créée en 1945, qui alimente 14 départements en Aquitaine, et qui est désormais filiale à 70 % de TotalFinaElf et à 30 % de Gaz de France ;

- la Compagnie française du méthane (CFM), créée en 1956 pour commercialiser le gaz de Lacq dans 25 départements du centre de la France, qui est détenue aujourd'hui à 55 % par Gaz de France, et à 45 % par TotalFinaElf.

Il existe donc d'ores et déjà, en France, des circuits d'approvisionnement relativement indépendants, qui échappent à un passage obligé par GDF : c'est le cas par exemple lorsqu'un distributeur non nationalisé comme Gaz de Bordeaux est approvisionné par GSO. La portée de cette indépendance est certes tout à fait limitée, puisque la proportion de gaz français dans l'approvisionnement de CFM n'excède pas 4 %, et qu'elle est tombée à moins de 50 % pour GSO depuis 1999.

Mais ce cas d'école présente l'avantage d'illustrer le fait que le secteur français du gaz se conforme mal à l'image simpliste d'un monopole absolu : si l'opérateur historique se mettait véritablement à rançonner les consommateurs par des prix excessifs, quelques îlots d'autonomie au sein du marché du gaz pourraient échapper partiellement à son emprise.

La libéralisation partielle introduite par le projet de loi vient donc ouvrir à la concurrence extérieure un marché français qui était déjà soumis à une forte concurrence de la part des autres énergies, et dont la structure interne était loin de correspondre à celle d'un véritable monopole. Les prix se calent déjà probablement depuis longtemps sur des niveaux très raisonnables. Il y a donc tout lieu de penser que l'impact de ce changement de structure ne devrait guère être sensible pour les consommateurs finals.

B. LES CONDITIONS DE L'ADAPTATION DU RÉSEAU

Le dispositif de libéralisation choisi dans le secteur du gaz crée implicitement, à côté du marché de l'offre de gaz, un marché de l'offre de transport. Si ce dispositif apporte une solution au problème de la nécessaire évolution de l'infrastructure de transport, il soulève aussi potentiellement une difficulté en ce qui concerne la bonne coordination des investissements.

1. Un régime de concurrence des infrastructures

Le schéma de référence pour la libéralisation européenne des activités de réseau est celui du « common carrier » : le service fourni est dissocié juridiquement de l'infrastructure qui le véhicule, comme dans le cas du transport sur route. Un marché concurrentiel est alors créé pour la confrontation des offres et des demandes de service, tandis que l'infrastructure est gérée par un opérateur unique, éventuellement désigné à la suite d'un appel d'offre.

Ce schéma est, peu ou prou, celui qui a été mis en _uvre pour le secteur de l'électricité, et le chemin de fer, avec dans les deux cas, la prise en charge du réseau physique par une entité séparée unique, qui est rémunérée par les offreurs d'électricité ou de transport ferroviaire à l'occasion de chaque utilisation de l'infrastructure.

Tel n'est pas le modèle retenu pour le secteur du gaz. La directive 98/30/CE prévoit en effet, dans son article 7, que « chaque entreprise de transport, de stockage et/ou de GNL exploite, entretient et développe, dans des conditions économiquement acceptables, des installations de transport, de stockage et/ou de GNL ». Elle impose en outre une dissociation comptable des activités de fourniture et de transport, qui annonce la dissociation juridique rendue obligatoire par la deuxième directive sur l'énergie à partir du 1er juillet 2004.

La libéralisation du marché du gaz devrait donc voir se constituer, à terme, un véritable marché de l'offre de transport, avec des opérateurs spécialisés dans cette seule activité.

La France a d'ores et déjà réalisé une étape importante de la mise en place de ce modèle en procédant à la vente du réseau de transport de gaz aux concessionnaires, via la procédure mise en place par l'article 81 de la loi n° 2001-1276 du 28 décembre 2001 portant loi de finances rectificative pour 2001. L'Etat était auparavant l'unique propriétaire de toute l'infrastructure de transport ; celle-ci appartient désormais, depuis septembre 2002, chacun pour la partie du territoire qui les concerne, aux trois grands opérateurs du marché français : GDF, CFM et GSO. Parallèlement, les réseaux de distribution, quant à eux, sont restés la propriété des collectivités locales qui les ont créés.

Un régime de propriété privée des réseaux présente l'avantage, par rapport au modèle de la gestion de la totalité de l'infrastructure par un opérateur spécialisé unique, de créer une incitation économique au développement de cette infrastructure. L'opérateur spécialisé unique, qui se trouve de fait en situation de monopole pour la prestation de transport, n'a pas d'intérêt particulier à investir pour moderniser le réseau, ou pour étendre son maillage vers les zones où, du fait par exemple d'évolutions démographiques, la demande de service augmente sensiblement.

A contrario, un maillage du territoire avec une propriété du réseau répartie permet idéalement une pluralité de cheminement entre deux points, et donc une pluralité d'offres privées pour un transport à effectuer, ce qui crée une concurrence entre les opérateurs. Celle-ci va les inciter à maintenir la qualité de leur infrastructure, voire à la compléter s'ils perçoivent qu'un besoin d'acheminement vers une zone jusque là non desservie peut être satisfait dans des conditions économiquement fructueuses pour eux.

Des mécanismes doivent alors simplement empêcher qu'au terme d'une succession de prises de contrôle, justifiées par les économies d'échelle potentiellement associées à l'activité d'exploitation des réseaux, un monopole privé n'en vienne à se constituer, recréant les conditions et les inconvénients d'une gestion par un opérateur unique. Il convient cependant d'observer que les risques de concentration sont bien pris en compte par le droit commun européen de la concurrence.

La dissociation juridique entre fournisseurs et transporteurs s'inscrit bien dans une logique de continuité par rapport au principe de l'accès des tiers au réseau, car la mise en _uvre de ce principe sur un marché d'entreprises intégrées créerait à terme un risque de freinage des investissements d'extension du réseau. En effet, l'entreprise intégrée peut percevoir la contrainte de devoir mettre la canalisation nouvelle qu'elle a créée à la disposition des fournisseurs tiers, comme un facteur de diminution de la rentabilité de son investissement, surtout si les fournisseurs tiers s'emparent de la clientèle qu'elle cherchait au départ à desservir. Les fournisseurs tiers auraient d'ailleurs, dans un tel cas de figure, d'autant plus facilement la possibilité d'offrir des prix plus avantageux à la clientèle visée, qu'ils n'auraient pas eux-mêmes à supporter le coût de l'investissement.

2. Le problème de la coordination des investissements

Cependant entre le modèle du gestionnaire unique du réseau, et celui du maillage complet avec une propriété du réseau répartie, il existe la situation des réseaux privés couvrant le territoire de manière complémentaire, qui correspond justement à celle qui prévaut actuellement en France.

Cette forme de partage du territoire ne soulève évidemment aucune difficulté tant qu'il s'agit d'investir dans des extensions du maillage à l'intérieur de chacune des zones géographiques d'activité des opérateurs. Rien n'exclut d'ailleurs qu'en cas de hausse vraiment considérable de la demande de gaz en un certain point à l'intérieur d'une de ces zones, un opérateur de la zone voisine puisse créer une canalisation pour venir également l'approvisionner.

En revanche, les besoins d'approvisionnement aux frontières des zones d'activité risquent de poser des problèmes de coordination : si la demande locale supplémentaire est telle qu'elle permettrait de rentabiliser la construction d'une seule canalisation d'approvisionnement, mais qu'elle rendrait non rentables deux projets d'arrivée de canalisation concurrents, les deux opérateurs frontaliers se trouveraient rationnellement tous deux dissuadés d'investir.

Afin de résoudre ce genre de dilemme, et d'une façon générale, pour faire en sorte que l'ajustement de l'infrastructure de transport aux besoins d'approvisionnement en gaz sur le territoire s'effectue le plus efficacement possible, en évitant également les redondances coûteuses, un minimum de coordination entre les investissements est indispensable.

La Communauté européenne l'a bien perçu puisque, parallèlement à la procédure d'adoption des directives sur la libéralisation du marché de l'énergie, elle a avancé sur la mise au point d'un plan de développement des réseaux transeuropéens d'énergie, axé sur l'accroissement des capacités d'interconnexion entre les pays membres et la levée de certains goulets d'étranglement.

A l'échelle de la France, il revient à l'Etat de prendre l'initiative de cette coordination, et c'est pourquoi votre rapporteur a proposé que le ministre chargé de l'énergie reçoive mission d'élaborer, chaque année, un plan indicatif pluriannuel faisant le point sur l'adéquation entre les évolutions prévisibles de la demande nationale de gaz et les projets d'investissement en cours sur le territoire.

Il s'agit en fait là de créer, à travers ce rendez-vous d'information annuel, un cadre informel de dialogue entre l'Etat et les opérateurs, qui permette d'évoquer les difficultés qui seraient identifiées, afin éventuellement d'y remédier dans des conditions qui respectent pleinement la liberté d'initiative des industriels.

Le dispositif servant de référence à cette procédure très souple et informelle est celui mis en _uvre pour la couverture des « zones blanches » en téléphonie mobile : les contacts entre l'Etat et les opérateurs ont permis dans ce domaine de coordonner les efforts pour parvenir à l'élaboration, le 25 octobre dernier, d'une solution considérée comme satisfaisante par toutes les parties prenantes.

Si cette démarche de concertation ne suffisait pas dans certains cas pour le domaine du gaz, il serait toujours temps pour l'Etat, selon une méthode définie en Allemagne pour satisfaire aux charges du service universel du téléphone, de recourir à une procédure d'appel d'offre négative, qui sélectionnerait la proposition la moins coûteuse en subventions.

III. - LES PROBLÉMATIQUES PÉRIPHÉRIQUES

Si le projet de loi vise à une libéralisation partielle, s'il assure une garantie de qualité de service aux consommateurs, il est aussi des buts qu'il ne poursuit pas, et qui marquent les limites de l'exercice de la transposition. Car l'examen de ce projet de loi ne doit pas nous égarer dans les questions relatives à l'extension de la desserte nationale, ni dans celles touchant à la sécurité des installations intérieures.

A. LE MYTHE DE L'UNIVERSALITÉ DE LA DESSERTE

Il est une précision qu'il est important de souligner s'agissant du service public du gaz en France : celui-ci n'a jamais eu pour mission d'assurer une desserte complète du territoire.

Même la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz n'a pas imposé d'obligation de desserte universelle.

A ce jour, seulement 75 % de la population française, soit 44,5 millions d'habitants, est desservie en gaz.

Et le projet de loi qui est examiné n'a pas pour objet de garantir l'approvisionnement en gaz sur l'ensemble du territoire national.

Cette situation résulte de ce que le gaz naturel est considéré comme une source d'énergie substituable, pouvant être remplacée pour pratiquement tous ses usages par d'autres formes d'énergie, comme le fioul, l'électricité, voire le bois pour le chauffage.

L'extension de la desserte se poursuit cependant. Sur les 36 000 communes de France, 8255 étaient desservies à la fin de 2001, et l'extension s'est effectuée sur les dernières années au rythme de 250 communes nouvelles chaque année.

Mais le moteur de cette extension est la rentabilité de l'investissement réalisé.

Un effort supplémentaire a déjà été accompli au travers du dispositif de « plan national de desserte » mis en place par l'article 50 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier. Il a prévu l'obligation pour Gaz de France d'engager des travaux dans un délai de trois ans pour les communes le souhaitant, lorsque « la desserte donne lieu à des investissements pour lesquels la rentabilité est au moins égale à un taux fixé par ... décret ». Le décret n° 99-278 du 12 avril 1999 a établi que ce taux devait être « au moins égal à zéro », c'est-à-dire que les « recettes actualisées » devaient être au moins égales aux « dépenses actualisées ».

A travers le « plan national de desserte », qui concerne 1 169 communes ayant demandé leur inscription, plus 400 communes inscrites d'office parce qu'elles remplissaient les conditions fixées par les circulaires préexistantes, la totalité des sites permettant d'assurer une fourniture sans perte sont en passe d'être couverts.

Le champ de la desserte s'étend même potentiellement au-delà, car le sixième alinéa de l'article 50 de la même loi autorise toute commune ne figurant pas dans le « plan national de desserte » à concéder sa distribution de gaz, voire à la gérer en régie.

L'article 14 du projet de loi, en modifiant le texte de ce sixième alinéa de l'article 50, permet même de faire disparaître l'obligation que la société de gestion soit détenue à hauteur d'au moins 30 % du capital par une personne publique, obligation qui avait été prévue par l'article 8 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946.

Cette obligation avait déjà été supprimée pour la distribution de « gaz combustibles hors réseau de transport », c'est-à-dire en particulier pour le propane, par l'article 4 de la loi dite « MURCEF » (loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier).

La desserte atteint donc aujourd'hui l'extension maximale compatible avec la rationalité économique, mesurée aussi bien en termes de rentabilité qu'en termes d'efficacité, compte tenu des possibilités de substitution entre sources d'énergie.

B. LA SÉCURITÉ DES INSTALLATIONS INTÉRIEURES

L'autre thème souvent évoqué à propos du gaz naturel, et qui n'entre pourtant pas dans le champ de la transposition de la directive 98/30/CE, concerne la sécurité des installations intérieures.

Il convient en préalable de rappeler encore une fois que le vote du projet de loi de transposition n'aura normalement aucune incidence sur les conditions d'approvisionnement des ménages en gaz naturel, puisque ceux-ci ne figurent pas, dans ce texte, au nombre des clients dits « éligibles ». Leur fournisseur restera donc toujours le même, qu'il s'agisse, comme dans la grande majorité des cas, de Gaz de France, ou, exceptionnellement, de l'un des vingt-deux distributeurs non nationalisés.

Le risque lié à l'utilisation du gaz naturel est souvent psychologiquement perçu comme beaucoup plus grave que celui lié à l'utilisation d'autres sources d'énergie. De fait, 97 % des accidents imputables au gaz naturel ont effectivement pour origine les installations intérieures, et une analyse a posteriori de Gaz de France a montré que, dans 90 % des cas, les accidents auraient pu être évités si l'installation concernée avait fait l'objet d'un diagnostic. Le nombre annuel d'accidents (un tiers par explosion, deux tiers par intoxication), et de décès imputables au gaz a été divisé par deux depuis 1995.

Le partage de la responsabilité en matière de sécurité des installations intérieures repose sur deux principes :

- d'une part, celui posé par l'article 46 de la loi de nationalisation du 8 avril 1946, qui établit : « les services de distribution de gaz devront cesser toutes activités industrielles et commerciales relatives à la réparation, à l'entretien des installations intérieures » ; c'était là une interdiction visant à fixer une barrière au monopole ; elle exonère a priori le distributeur de toute responsabilité, comme l'ont confirmé divers arrêts de la Cour de Cassation, observant que « GDF n'est contractuellement et statutairement tenu envers ses abonnés qu'à la fourniture de gaz » ; en vertu de l'arrêté du 2 août 1977 relatif aux règles techniques et de sécurité applicables aux installations de gaz, la responsabilité du distributeur est cependant rétablie si, ayant détecté un « danger grave et immédiat » à la suite d'un diagnostic, il n'interrompt pas immédiatement la fourniture ;

- d'autre part, celui posé par les articles 1382 et suivants du code civil, qui engage la responsabilité du propriétaire en cas de défaillance de la partie des installations intérieures « qui s'unit et s'incorpore à la chose » (article 551 du code civil), et la responsabilité du locataire pour tout ce qui relève des « réparations locatives », telles qu'elles ont été fixées par le décret n° 87-712 du 26 août 1987, à savoir pour les canalisations de gaz : « entretien courant des robinets, siphons et ouvertures d'aération ; remplacement périodique des tuyaux souples de raccordement ».

Aucun texte n'impose aujourd'hui un contrôle périodique des installations intérieures de gaz. L'arrêté du 2 août 1977 relatif aux règles techniques et de sécurité applicables aux installations de gaz établit seulement qu'une installation neuve, complétée ou modifiée, ne peut être mise en gaz que sur fourniture par le client au distributeur d'un certificat de conformité établi par l'installateur. Par ailleurs, les « clients » sont tenus de faire vérifier au moins une fois par an leurs installations de chauffage, de production d'eau chaude, ou de cuisine, ainsi que de faire ramoner régulièrement leurs conduits de fumées en application du règlement sanitaire départemental et du code de la santé publique.

Pour améliorer la sécurité des installations intérieures, Gaz de France a néanmoins lancé le projet « diagnostic qualité Gaz de France » qui consiste en un contrôle effectué par un bureau indépendant (Qualigaz, Norisko, IS Services, Socotec). Cette démarche s'inscrit dans le programme « qualité sécurité des installations intérieures - QS II » mis en place par le contrat de groupe entre l'Etat et Gaz de France, qui prévoit également d'autres actions de sécurité, comme la promotion du dispositif Vissogaz (qui permet d'éviter le déboîtement des tuyaux souples des appareils de cuisson, source d'un tiers des accidents).

Gaz de France assure la promotion de ce service auprès des particuliers, mais aussi des gestionnaires de logements collectifs publics ou privés, des acteurs publics du traitement social. Des visites sont organisées sur la base de conventions signées avec les sociétés de HLM ou les sociétés gestionnaires de parcs de logements privés. Un diagnostic est normalement facturé 30 euros, mais seulement 15 euros la visite si plus de 10 logements sont concernés, et 7,5 euros la visite dans les ensembles de plus de 100 logements. Le coût unitaire de l'opération est en réalité plus élevé, mais la différence est prise en charge par Gaz de France au travers des tarifs de vente du gaz. Au total, depuis 1997, un quart du parc a été contrôlé.

Si des travaux de remise en état s'avèrent nécessaires, les clients sont rappelés par un conseiller Gaz de France, qui apporte des conseils et les oriente le cas échéant vers des aides financières. Les propriétaires peuvent ainsi, sous conditions, bénéficier de la prime à l'amélioration de l'habitat. D'autres dispositifs, comme les subventions de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, ou les prêts à l'amélioration de l'habitat, sont ouverts à la fois aux propriétaires et aux locataires.

Pour les personnes en situation de précarité, le contrat de groupe entre l'Etat et Gaz de France (du 2 mars 2001) a prévu une prise en charge complète des actions de diagnostic, qui peut aller jusqu'à l'octroi d'une aide pour les travaux de remise en état. Le taux de contrôle du parc des logements situés en zone urbaine sensible (près de 40 %) est d'ailleurs sensiblement supérieur à la moyenne nationale (un peu moins de 25 %). Sur la base « facultative » de l'article L. 261-4 du code de l'action sociale et des familles, certains départements ont signé des conventions avec GDF pour contribuer au financement de ce programme.

Dans la mesure où, dans la quasi totalité des cas, les personnes en situation de précarité sont locataires, la remise en état concerne prioritairement les simples « réparations locatives ». Cela ne correspond pas à une dépense lourde en valeur absolue. Elle n'est lourde que relativement à la faiblesse des revenus de ces personnes, dont les problèmes de survie sont tels qu'elles délaissent les mesures élémentaires de sécurité.

L'amendement d'origine gouvernementale adopté par le Sénat qui rappelle les conditions dans lesquelles les collectives territoriales et les centres d'action sociale peuvent contribuer, sur la base de l'article L. 261-4 du code de l'action sociale et des familles, au financement de la prise en charge des diagnostics pour les personnes en situation de précarité, va donc dans le bon sens.

Votre rapporteur a, de son côté, proposé de reformuler de manière plus précise l'alinéa, ajouté au texte initial par un amendement sénatorial, concernant les conventions passées entre les distributeurs et les bailleurs en vue d'organiser des diagnostics en nombre.

CONCLUSION

LES LEÇONS DE L'ÉLECTRICITÉ

Avant de passer au commentaire du texte, il convient de faire quelques observations sur le titre VII relatif au service public de l'électricité.

Ce n'est pas l'objet principal du projet de loi que de procéder à des aménagements de la loi du 10 février 2000, et il importe que ce débordement sur les questions de l'électricité reste limité.

Néanmoins, il est évident qu'après deux ans de mise en _uvre, le dispositif institué a montré des défauts, et qu'il importe de le réajuster.

Cela n'a rien d'étonnant. Car c'est une entreprise bien difficile d'organiser le passage d'un régime de monopole à un système concurrentiel, surtout lorsque l'objectif n'est pas seulement d'instituer un marché, mais aussi de préserver, pour les consommateurs comme pour les industriels, le niveau de prix et de qualité de service dont ils ont toujours bénéficié en France depuis l'après-guerre.

Heureusement, le choix délibéré des autorités communautaires en faveur d'une démarche gradualiste et maîtrisée pour la libéralisation des services liés aux grands réseaux d'infrastructure, laisse une possibilité d'expérimenter et d'ajuster, avant que l'ouverture du marché ne soit complète. Cette possibilité doit être mise à profit autant que possible.

Cependant, pour que les ajustements n'aient pas pour seul effet de déplacer les problèmes, il convient qu'ils soient bien resitués par rapport aux mécanismes qui régissent la réalité économique. A cet égard, deux des adaptations envisagées, l'autorisation du négoce et la refonte du fonds de compensation du service public renvoient à deux grands principes qui sont en jeu dans un processus de libéralisation.

Le premier principe, c'est qu'une activité économique est mieux à même de s'autoréguler correctement si elle s'appuie sur un système véritablement complet de marchés. Ainsi, avoir interdit le négoce, et donc l'éligibilité des fournisseurs, au nom de l'idée selon laquelle il pouvait alimenter des spéculations, c'était oublier qu'il a une fonction fondamentale de rééquilibrage des offres et des demandes, et qu'il peut, dès lors, notamment contribuer à la continuité de fourniture. L'organisation en monopole s'est appuyée sur tout un ensemble parfaitement rôdé de règles d'allocation internes, qui doivent désormais trouver leur équivalent dans les interactions de marché. Dans cette perspective, il est important que toutes les transactions rendant le marché plus « fluide » soient autorisées.

Le second principe renvoie à l'incontournable logique de la globalisation : le facteur capital est mobile, alors que le facteur travail ne l'est pas. Il convient donc de faire très attention lorsqu'on établit des contraintes nouvelles sur les entreprises, et particulièrement des contraintes financières : c'est là un des enjeux essentiels de la refonte du mécanisme de financement du fonds de compensation du service public. Le « rendement fiscal » de court terme doit être mis en balance avec les risques induits de délocalisation à moyen terme. Et la facilité avec laquelle EDF a contourné le refus français de son éligibilité en allant établir un bureau de négoce au Royaume-Uni, et a ainsi procuré à l'économie britannique des emplois et des recettes fiscales supplémentaires dont la France a été privée, illustre bien l'aptitude des entreprises à s'adapter aux contraintes excessives dans un espace économique aux frontières ouvertes.

Le législateur doit donc toujours faire preuve d'une grande vigilance lorsqu'il établit ou modifie des dispositions touchant à des mécanismes de marché.

C'est dans cette perspective que s'inscrit une troisième adaptation majeure de la loi du 10 février 2000 proposée par votre Commission, l'extension de l'éligibilité des distributeurs non nationalisés. En l'état, ceux-ci ne sont éligibles que pour l'approvisionnement effectif des clients éligibles situés dans leur zone de desserte. Le projet de loi adopté par le Sénat propose de les rendre également éligibles pour les pertes en ligne des réseaux qu'ils exploitent.

Votre Commission vous propose, en outre, de les rendre éligibles pour l'approvisionnement effectif des clients non éligibles situés dans leur zone de desserte. Il s'agit, ainsi, de les placer en situation d'entrer pleinement dès à présent dans le nouveau régime de la concurrence, qui a vocation, avec l'extension progressive de l'éligibilité, à concerner une part croissante de leurs clients. Là aussi, il s'agit donc de permettre à des acteurs importants du secteur de tirer véritablement parti de la phase d'apprentissage de la concurrence, permise par l'ouverture progressive du marché, comme cela est d'ailleurs déjà prévu par le projet de loi pour les distributeurs non nationalisés en matière gazière. Enfin, afin de ne pas placer ces distributeurs en difficulté, il est prévu de leur permettre, dans des conditions définies par décret, de continuer à bénéficier des tarifs réglementés de cession. C'est donc bien une adaptation pragmatique mais prudente aux réalités du marché qui vous est proposée.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. - AUDITION DE MME NICOLE FONTAINE, MINISTRE DÉLÉGUÉE À L'INDUSTRIE ET DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de sa réunion du 19 novembre 2002, la Commission a entendu Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, sur le projet de loi (n° 326), adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, relatif aux marchés énergétiques et au service public de l'énergie.

M. Patrick Ollier, Président de la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, a marqué sa satisfaction que l'Assemblée nationale fût enfin saisie d'un projet de loi transposant la directive ouvrant à la concurrence le marché du gaz naturel qui datait de 1998.

Il a rappelé que cette directive aurait dû être transposée en droit français depuis août 2000 et qu'un projet de loi opérant cette transposition avait certes été déposé depuis mai 2000 sur le bureau de l'Assemblée nationale, mais que celui-ci n'avait pas été inscrit à l'ordre du jour par le précédent Gouvernement.

Il a indiqué que la France n'ayant de ce fait pas respecté ses obligations communautaires sur ce point, elle risquait aujourd'hui d'être condamnée par la Cour de justice des communautés européennes. En outre, il a rappelé que ce retard avait sérieusement entravé le développement de Gaz de France à l'étranger, notamment en Espagne. Il a donc estimé que la transposition était urgente comme la ministre l'avait signalé lorsque la commission l'avait entendue en juillet dernier.

Il a évoqué l'option alors envisagée, pour accélérer la procédure, d'une transposition par voie d'ordonnance, en notant qu'il avait alors fait observer avec d'autres que cette méthode, utilisée par le précédent Gouvernement pour transposer plusieurs directives, dessaisissait largement le Parlement de ses prérogatives. Il s'est réjoui de ce que cette option n'ait finalement pas prévalu, le Gouvernement ayant finalement préféré une transposition par un projet de loi.

Il a remercié chaleureusement le Gouvernement d'avoir ainsi manifesté sa confiance dans la capacité du Parlement à travailler vite, et a indiqué que les députés, à l'instar des sénateurs, feraient en sorte de justifier cette confiance, tout en préservant la qualité du débat.

Puis, il a observé que l'examen de ce projet s'inscrivait dans un contexte très particulier. Il a rappelé, en premier lieu, que compte tenu du retard pris par la précédente majorité, la transposition de la directive de 1998 intervenait au moment de l'achèvement de la directive lui succédant. En conséquence, le président a souhaité que la ministre indique l'état d'avancement de ces négociations et les décisions susceptibles d'intervenir lors du conseil des ministres de l'énergie du 25 novembre prochain. Puis, il a indiqué que cet examen précédait, en outre, le lancement d'un débat national sur la politique énergétique, préalable à la discussion de la future loi d'orientation.

En conclusion, il a souhaité que ce prochain débat national offre l'occasion de s'interroger sur les charges de service public dans le secteur de l'électricité dont la maîtrise constitue un impératif social et économique.

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, a tout d'abord expliqué que ce projet de loi avait pour objet principal la transposition en droit français de la directive 98/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel. Elle a rappelé que la France aurait dû transposer cette directive il y a deux ans mais que le projet de loi déposé à cet effet en mai 2000 n'avait pas été inscrit à l'ordre du jour du Parlement par le précédent Gouvernement.

Elle a estimé que ce retard entraînait de multiples inconvénients : la France fait l'objet d'une procédure devant la Cour de justice européenne au terme de laquelle elle risque d'être condamnée à de lourdes pénalités ; notre position est fragilisée dans les négociations en cours sur la seconde directive ouvrant à la concurrence les marchés de l'énergie et le développement international de GDF est entravé.

Elle a souligné que cette situation était d'autant plus dommageable pour les intérêts économiques de GDF que cette entreprise a, malgré l'absence de transposition formelle, organisé, depuis août 2000, l'ouverture partielle à la concurrence du marché et que, dans ce cadre, des clients représentant 25 % de la consommation totale des clients éligibles ont changé de fournisseur. La ministre a précisé qu'elle rendrait publique dans les prochains jours un rapport qui lui a été remis par M. Jean Syrota, président de la commission de régulation de l'électricité, qui fait un bilan très positif de cette première phase d'ouverture à la concurrence du marché du gaz naturel.

Mme Nicole Fontaine a ensuite souligné que, malgré la nécessité de transposer très rapidement cette directive, le Gouvernement, attaché aux prérogatives de la représentation nationale, avait décidé de réaliser cette transposition par la voie d'un projet de loi et non d'une ordonnance, le contexte exceptionnel justifiant toutefois que le Gouvernement ait déclaré l'urgence, en accord avec les présidents des deux assemblées, dans l'objectif d'une adoption définitive de ce projet de loi avant la fin de l'année.

Après s'être félicitée de l'excellent travail accompli par le Sénat qui a utilement amélioré le texte du Gouvernement notamment en introduisant plusieurs dispositions relatives au droit de l'électricité et avoir fait part de sa volonté d'examiner à l'Assemblée nationale les amendements parlementaires avec le même esprit d'ouverture qu'au Sénat, la ministre a précisé que le projet de loi s'inscrivait dans le contexte d'une refondation de la politique énergétique française qui, face à un contexte international plus incertain, doit préserver la maîtrise de nos approvisionnements tout en respectant l'environnement. Elle a souligné que le Gouvernement entendait également poursuivre la libéralisation des marchés de l'énergie en veillant à une coexistence équilibrée entre concurrence et service public.

Elle a ajouté que le Gouvernement voulait également donner aux deux entreprises nationales, EDF et GDF, les moyens tant juridiques qu'économiques de devenir de grandes entreprises européennes notamment en leur permettant, grâce à une ouverture minoritaire de leur capital, de lier des alliances et de réunir les capitaux nécessaires à leur développement sans être contraintes de recourir à un endettement dangereux.

Mme Nicole Fontaine a rappelé que cette évolution se ferait sans remettre en cause le statut des agents et en veillant à ce que le système spécifique de retraite reçoive les garanties nécessaires à sa pérennité. Elle a d'ailleurs indiqué que les négociations sociales à ce sujet se déroulaient actuellement dans de bonnes conditions.

Puis, elle a rappelé qu'au début de l'année prochaine un grand débat national sur les options énergétiques se déroulerait pour préparer la discussion d'une loi d'orientation sur l'énergie et elle a souligné qu'elle souhaitait associer très en amont la représentation nationale aux réflexions en cours sur les choix énergétiques pour les prochaines années.

Elle a ensuite détaillé le contenu du projet de loi dont elle estimé qu'il était la première pierre de cette refondation de la politique énergétique. Elle a indiqué que ce projet de loi avait pour objectif l'ouverture progressive à la concurrence du marché gazier français, mais qu'il n'était pas de bonne libéralisation sans une régulation adaptée, comme l'ont montré les exemples de la Californie, de la faillite d'Enron ou des difficultés de British Energy.

Expliquant que l'énergie n'était pas un bien comme les autres, elle a indiqué que ce projet de loi instituait deux gardes-fous fondamentaux pour encadrer l'ouverture du marché à la concurrence en imposant des obligations de service public à tous les acteurs de la filière gazière et en instituant une autorité de régulation aux pouvoirs étendus.

Elle a fait remarquer que, dans ces deux domaines, le projet de loi allait au-delà de la stricte transposition de la directive de 1998, soit en anticipant sur les prochaines directives en cours de négociation, soit en reprenant certaines dispositions de la loi n°2000-108 du 10 février 2000 de modernisation et de développement du service public de l'électricité pour accroître les pouvoirs du régulateur qui, en matière gazière, seront similaires à ceux confiés par cette loi à la Commission de régulation électrique (CRE).

Abordant la question de la libéralisation progressive du marché de la fourniture de gaz naturel, elle a indiqué que le projet de loi permettrait, dans un premier temps, aux entreprises fortement consommatrices de gaz, soit 450 sites industriels, de pouvoir choisir librement leurs fournisseurs avant que, conformément aux engagements pris par la France lors du Conseil européen de Barcelone, cette possibilité soit étendue, en 2004, à l'ensemble des clients professionnels. Elle a précisé que le projet de loi ne prévoyait pas, en revanche, de modifier la situation actuelle des ménages et qu'en tout état de cause, l'ouverture à la concurrence du marché des particuliers nécessiterait une modification de la loi.

Après avoir précisé que le Gouvernement avait souhaité rendre éligibles les producteurs d'électricité à partir du gaz naturel et les dix-sept distributeurs non nationalisés qui desservent aujourd'hui 1,7 million de Français, elle a indiqué qu'il s'était en revanche opposé à l'extension de l'éligibilité aux distributions de Gaz de France, décidée par le Sénat, qui va à l'encontre de l'ouverture du marché en permettant à GDF de renforcer sa position dominante.

Puis, elle a indiqué que le projet de loi ouvrait à l'ensemble des entreprises autorisées la possibilité d'exercer l'activité de fourniture et qu'il imposait aux transporteurs de gaz, dont Gaz de France, de donner accès à leur réseau de transport dans des conditions transparentes et non discriminatoires afin de rendre effective la possibilité offerte aux clients éligibles de choisir de nouveaux fournisseurs.

Puis, elle a souligné que l'attachement du Gouvernement à l'existence d'obligations de service public s'imposant à tous les acteurs de la filière gazière avait conduit à leur consacrer un titre spécifique du projet de loi. Elle s'est réjouie que la notion de service public, élément essentiel du contrat social français, ait peu à peu été intégrée dans le droit communautaire comme le montre la récente directive postale et le projet de deuxième directive dans le secteur de l'énergie.

Elle a rappelé que le projet de loi prévoyait que ces obligations portaient principalement sur la sécurité d'approvisionnement, l'harmonisation tarifaire et la solidarité envers les plus démunis.

Elle a noté que la sécurité d'approvisionnement de la France était pour l'instant assurée par la diversité géographique des fournisseurs avec lesquels GDF a conclu des contrats de long terme et que l'Etat devait s'assurer que cette sécurité restât globalement garantie malgré l'ouverture à la concurrence. Elle a indiqué que le projet de loi permettait pour cela au ministre chargé de l'énergie de demander aux fournisseurs autorisés la communication d'un plan prévisionnel d'approvisionnement. Mme Nicole Fontaine s'est, en outre, félicitée de l'évolution de la position de la Commission européenne sur la notion de contrat à long terme.

Puis, elle a indiqué que la deuxième obligation de service public concernait la péréquation tarifaire qui ne signifiait pas, pour le gaz naturel, que les tarifs de vente de gaz étaient identiques sur tout le territoire national. Elle a précisé que ces tarifs étaient toutefois fortement harmonisés et que le projet de loi prévoyait que les différences de tarif ne pouvaient pas excéder les différences relatives aux coûts de raccordement des distributions au réseau de transport du gaz naturel et que les prix seraient donc identiques à l'intérieur des vingt-sept zones de dessertes couvrant le territoire français, les différences de prix entre les différentes zones étant limitées.

Enfin, elle a précisé que, concernant la solidarité avec les plus démunis, le projet de loi prévoyait le maintien de l'accès au gaz pour les personnes en situation de précarité et leur ouvrait la possibilité de bénéficier gratuitement de contrôles de la sécurité de leurs installations intérieures.

Elle a ensuite expliqué que le projet de loi comportait un autre volet important concernant la régulation afin de garantir le bon fonctionnement du marché et la coexistence harmonieuse du service public et de la concurrence. Constatant que ce projet de loi reprenait des mécanismes similaires à ceux prévus dans la loi du 10 février 2000, elle a indiqué qu'il prévoyait d'élargir les compétences de l'actuelle Commission de régulation de l'électricité (CRE) au secteur du gaz. Elle a précisé que le projet de loi confiait à l'Etat la fixation des tarifs de vente du gaz pour les clients non éligibles, après avis de la CRE, et celle des tarifs d'accès au réseau de transport sur proposition de celle-ci. Elle a ajouté que des dérogations à ces tarifs d'utilisation des infrastructures pourraient être accordés afin d'encourager le développement de nouvelles installations.

Elle a également indiqué que le projet de loi imposait aux opérateurs de procéder à une séparation comptable des activités de transport, de distribution et de stockage afin de permettre à la CRE de vérifier l'absence de pratiques anti-concurrentielles. Mme Nicole Fontaine a précisé que le projet de loi, à la différence de la loi du 10 février 2000, ne mettait pas en place chez les opérateurs gaziers l'équivalent du réseau de transport d'électricité (RTE), le marché du gaz étant très différent de celui de l'électricité, notamment parce qu'il est encore en développement et que la concurrence y est plus développée, et des garanties étant prévues pour s'assurer que les transporteurs ne pourraient pas utiliser le réseau de transport à des fins anti-concurrentielles.

Elle a enfin précisé que le projet de loi comportait d'autres dispositions, le Sénat ayant souhaité notamment introduire des modifications pour améliorer des dispositions de la loi du 10 février 2000 qui s'étaient révélées complètement inapplicables ou contraires aux intérêts économiques de notre pays. Elle a jugé particulièrement opportune la refonte des mécanismes de compensation des charges de service public et la modification du régime d'exercice de l'activité de négoce d'électricité.

En conclusion, Mme Nicole Fontaine a souligné que ce projet de loi visait uniquement à transposer la directive de 1998 et à améliorer la loi du 10 février 2000. Invitant les commissaires à ne pas se tromper de débat, elle a insisté sur l'idée que ce projet de loi ne visait en aucune manière à transformer le statut juridique d'EDF et de GDF, ni à transposer la future directive relative aux marchés de l'énergie qui est encore en négociation.

Enfin, elle a estimé que ce projet constituait une étape nouvelle dans les réformes structurelles nécessaires à notre pays et qu'il contribuerait à démontrer la volonté de la France de participer activement à la construction européenne et de tirer les bénéfices d'une libéralisation des marchés de l'énergie maîtrisée en restant fidèle aux principes d'égalité et de solidarité qui sont au fondement du service public.

M. François-Michel Gonnot, rapporteur, a tout d'abord remercié la ministre d'avoir clairement souligné le contexte particulier dans lequel s'inscrivait l'examen de ce projet de loi, texte de transition dans l'attente d'une transposition très prochaine de la seconde directive ouvrant plus largement à la concurrence les marchés du gaz naturel et de l'électricité.

Puis, il a salué le fait que la transposition de la directive du 22 juin 1998 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel fût enfin engagée, après des années d'atermoiements par la précédente majorité qui avait fait le choix de ne pas la réaliser faute de pouvoir gérer ses contradictions sur le sujet.

Il a rappelé les inconvénients résultant de la non transposition de la directive dans le délai imparti pour le faire. Il a estimé, en premier lieu, que la France n'ayant pas respecté ses engagements européens, notre pays risquait d'être condamnée par la Cour de justice des communautés européennes et se trouvait affaibli dans les négociations en cours. Il a rappelé, en second lieu, que les opérateurs gaziers français, et notamment GDF, avaient mis en _uvre, à partir du 10 août 2000, certaines des dispositions de la directive sans transposition formelle et dans un grand flou juridique et qu'il en avait résulté une concurrence très réelle puisqu'environ 25 % des consommateurs éligibles avaient changé de fournisseur. Il a précisé que l'opérateur historique avait donc perdu des parts de marché sans pouvoir parallèlement conquérir de nouveaux clients sur certains marchés étrangers où son développement avait été entravé en raison de l'absence de transposition de la directive par la France.

Le rapporteur a donc jugé qu'il était temps de mettre fin à cette situation en transposant enfin la directive.

Puis, il a salué le travail du Sénat qui, en examinant le texte dans un délai très court, a néanmoins réussi à l'améliorer et à l'enrichir de manière très substantielle, notamment en lui ajoutant des dispositions relatives au marché de l'électricité revenant opportunément sur certaines hypocrisies de la loi du 10 février 2000.

Il a ainsi rappelé le cas caricatural de la limitation très stricte de l'exercice de l'activité de négoce d'électricité en France qui avait conduit les opérateurs voulant faire du négoce sur le marché français à s'installer à l'étranger, comme l'avaient d'ailleurs annoncé plusieurs députés, et notamment MM. Claude Birraux et Franck Borotra, lors de la discussion de la loi. Le rapporteur a évoqué l'exemple d'EDF qui avait créé une filiale de négoce, donc des emplois, à Londres d'où cette société faisait du négoce sur le marché français en payant des impôts au Royaume-Uni.

Puis le rapporteur a estimé que le projet de loi tel que modifié par le Sénat opérait une ouverture à la concurrence maîtrisée et réaliste de nos marchés énergétiques, de nombreux mécanismes garantissant le respect par les fournisseurs d'obligations de service public ainsi que la continuité et la qualité de la fourniture aux clients et préservant les instruments d'une politique énergétique en donnant notamment au ministre chargé de l'énergie les moyens de veiller à notre sécurité d'approvisionnement.

Rappelant que la sécurité d'approvisionnement et le bon fonctionnement du marché impliquaient également des infrastructures de transport adaptées, il a estimé qu'il convenait peut-être d'enrichir le projet de loi en confiant, par exemple, aux pouvoirs publics l'élaboration d'une planification indicative du développement des réseaux. Il a également jugé nécessaire de réfléchir attentivement aux conséquences de la modification du régime de compensation des charges de service public.

Après avoir indiqué qu'il proposerait des adaptations et enrichissements du texte lors de son examen la semaine prochaine, il a rappelé qu'il importait que celui-ci fût mis en _uvre très rapidement.

Or, il a estimé, à cet égard, que le précédent de la loi du 10 février 2000 était assez préoccupant puisque toutes les dispositions de ce texte, qui nécessitait une quarantaine de décrets d'application, ne sont pas encore entrées en vigueur, près de trois ans après sa publication, 14 de ces décrets n'ayant pas toujours pas été publiés.

Il a donc jugé qu'il convenait de veiller à élaborer un texte simple et aussi directement applicable que possible et que, de ce point de vue, il était encore possible d'améliorer le projet de loi qui prévoyait sans doute, lui aussi, trop de décrets d'application puisqu'il en annonçait une quinzaine. Il a donc indiqué qu'il proposerait de simplifier les rédactions chaque fois que cela serait possible.

Il a également indiqué qu'un texte simple et rapidement applicable ne pouvait traiter tous les problèmes et que, selon lui, toutes les propositions relevant à proprement parler de la politique énergétique, qu'il s'agisse du problème de la dérive préoccupante des charges de service public ou encore, par exemple, de la question de la desserte gazière, n'avaient pas vocation à être traitées dans ce projet de loi mais que le Parlement aurait l'occasion d'en débattre dans le cadre de la future loi d'orientation.

Enfin, il a jugé que si la responsabilité du législateur était d'élaborer un texte applicable, une loi ne pouvait être rapidement appliquée que si l'administration était suffisamment diligente. Il a, à cet égard, attiré l'attention de la ministre sur l'application de l'article 50 de la loi du 2 juillet 1998 ouvrant à des communes ne figurant pas dans le plan de desserte en gaz naturel - ce qui est le cas, par exemple, des communes de montagne - la possibilité de créer un réseau local de distribution de propane. Il a indiqué avoir été informé des difficultés rencontrées par les opérateurs privés en gaz de propane canalisé pour obtenir l'agrément nécessaire à la réalisation de ces opérations.

Or, il a jugé que ce segment particulier de marché, qui a fait l'objet d'une libéralisation précoce, faisait figure d'exemple au regard de la libéralisation engagée par le projet de loi du marché, beaucoup plus large, du gaz naturel et qu'il convenait donc de veiller, sur ce marché comme, demain, sur celui du gaz naturel, à ce que le développement de la concurrence ne fût pas entravé par des procédures administratives trop tatillonnes.

Après avoir indiqué que le groupe UMP partageait pleinement les analyses de la ministre et du rapporteur, M. Jean-Pierre Nicolas a souligné l'importance de ce projet de loi. Il a en effet rappelé que l'absence de transposition de la directive de 1998 avait conduit certains de nos partenaires à dénoncer la fermeture du marché gazier français, pourtant en réalité plus ouvert à la concurrence que d'autres.

Après avoir jugé qu'il convenait maintenant d'essayer de rattraper le temps perdu, M. Jean-Pierre Nicolas a estimé que le projet de loi était équilibré puisqu'il organisait l'ouverture à la concurrence notamment en garantissant l'accès des tiers aux réseaux tout en imposant aux opérateurs des obligations de service public et en consacrant le principe d'une solidarité entre les territoires et avec les plus démunis.

Puis, il a souhaité avoir des précisions sur le calendrier d'ouverture des marchés de l'énergie envisagé, sur la position de la France sur la question de l'ouverture complète du marché et sur les moyens mis en _uvre pour concilier la sécurité des approvisionnements et l'ouverture à la concurrence. Il a également souhaité savoir comment l'existence de contrats « take or pay » de long terme, conclus par GDF, serait conciliée avec l'ouverture à la concurrence et quelles étaient les perspectives envisagées en matière de desserte gazière.

Après avoir souligné la nécessité de concilier l'ouverture à la concurrence et le service public « à la française », M. Jean-Pierre Nicolas a attiré l'attention de la ministre sur deux points : la différence de régime d'éligibilité prévu par le projet pour les distributeurs non nationalisés selon qu'ils opèrent dans le secteur de l'électricité et du gaz et les conséquences sur le coût de l'électricité pour les consommateurs, du nouveau dispositif de compensation des charges de service public qui sont, pour l'essentiel, liées au coût de l'obligation d'achat dont il convient de maîtriser la dérive.

M. Daniel Paul s'est, tout d'abord, déclaré surpris que la ministre se félicite de la transposition de la directive par un projet de loi alors qu'elle souhaitait pourtant initialement réaliser celle-ci par ordonnance. Il a ensuite noté que le Gouvernement avait, en réalité, choisi une troisième voie entre l'ordonnance et l'examen normal d'un projet de loi en décidant la discussion du texte selon la procédure d'urgence, privant le Parlement d'un véritable débat démocratique sur un texte dont les enjeux sont pourtant très lourds puisqu'il remet gravement en cause la notion de service public et qu'il va, en outre, bien au-delà du contenu de la directive.

M. Daniel Paul a noté que l'évocation de la notion de marchés énergétiques dans le titre du projet de loi attestait de la volonté du Gouvernement d'appliquer à d'autres secteurs qu'au gaz naturel la logique régressive du texte. Puis, il a estimé que l'abrogation du monopole d'importation de GDF conduirait à une remise en cause de la sécurité d'approvisionnement. Relevant que la ministre avait souligné le rôle de l'instance de régulation, il a regretté que celle-ci, et plus généralement les organismes similaires, ne fût pas davantage ouverte à la société civile et à la représentation des salariés, démocratisation qu'il a jugé d'autant plus nécessaire que son rôle est important.

Puis, il a déploré que n'ait pas été établi un bilan de la déréglementation en France et en Europe en estimant que ses conséquences étaient loin de justifier la mise à bas de l'édifice construit à la Libération et fonctionnant depuis lors de manière très satisfaisante. Il a souligné que la question centrale aujourd'hui posée était celle de la compatibilité entre le service public et les règles de la concurrence et que les exemples étrangers, notamment celui du Royaume-Uni, montraient à l'évidence que des services publics ne pouvaient être gérés efficacement par des actionnaires gouvernés par la seule logique du profit.

M. Daniel Paul a souligné à cet égard que l'énergie n'était pas un produit comme un autre mais un bien de première nécessité et que le Gouvernement porterait une lourde responsabilité historique, économique et sociale en satisfaisant les idéologues désireux de « casser » le service public.

Il a estimé que s'il convenait évidemment de développer les entreprises publiques du secteur, la solution était la mise en place d'un grand pôle public de l'énergie, que n'interdit pas le droit communautaire. Il a regretté que le Gouvernement n'ait pas fait ce choix et qu'il s'inscrive dans une vision exclusivement libérale de la construction européenne alors qu'un autre modèle est possible. Il a estimé qu'à l'échelle de l'Europe, les entreprises publiques avaient un vrai rôle à jouer pour répondre aux attentes des populations et contribuer à l'aménagement du territoire.

Puis, il a indiqué que le projet de loi risquait de conduire à une remise en cause de la péréquation tarifaire et à des hausses pour les petits consommateurs au détriment desquels les opérateurs feraient leur marge. Il a également jugé que ce texte ne permettrait pas de garantir la sécurité d'approvisionnement qui nécessitait une vision à long terme alors que le projet de loi ouvrait la possibilité de marchés « spot » à très court terme. Enfin, il a estimé que le projet comportait des risques importants en matière de sécurité des installations, la logique de la concurrence et de la réduction des coûts poussant à la réduction des effectifs et au développement de la sous-traitance et de la précarité des emplois. Il a donc jugé que des contraintes de sécurité importantes et identiques devaient être imposées à tous les opérateurs.

En conclusion, M. Daniel Paul a indiqué que les membres de son groupe s'opposeraient vigoureusement à l'adoption de ce projet de loi.

Le président Patrick Ollier a estimé qu'en soumettant un projet de loi au Parlement, le Gouvernement avait fait délibérément le choix de la démocratie. Déplorant le retard pris par le précédent gouvernement dans la transposition de la directive 98/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel, il a souligné que le recours à la procédure d'urgence était justifié par la nécessité d'adopter rapidement le projet de loi relatif aux marchés énergétiques et au service public de l'énergie, notamment en raison des risques de sanction de la France par la Cour de justice des Communautés européennes pour défaut de transposition de cette directive.

M. Pierre Ducout, s'exprimant au nom du groupe socialiste, a estimé que l'examen du projet de loi par le Parlement s'inscrivait dans un contexte particulier, caractérisé par une remise en cause du dogme européen selon lequel l'ouverture des marchés à la concurrence serait systématiquement bénéfique aux consommateurs, les exemples britannique et américain l'ayant démenti dans le domaine de l'énergie.

Il a en outre indiqué que le précédent gouvernement n'avait pas refusé de transposer la directive mais qu'il s'était simplement heurté à des difficultés concernant l'inscription à l'ordre du jour du projet. Il a souligné que la précédente majorité souhaitait, en revanche, une transposition a minima de la directive, très différente de la transposition libérale proposée par le Gouvernement. Il a d'ailleurs rappelé que le précédent gouvernement avait demandé à Gaz de France de mettre en _uvre la directive sans attendre sa transposition formelle et que ce choix expliquait une ouverture du marché français du gaz naturel réelle et supérieure, en fait, à celle réalisée par d'autres pays européens.

Soulignant qu'une proposition de résolution du Sénat sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 96/92/CE et 98/30/CE concernant les règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et du gaz naturel et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les conditions d'accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d'électricité (E-1742) demandait au Gouvernement « d'exiger que la Commission européenne s'assure que l'ensemble des Etats membres de l'Union mettent en oeuvre des modalités d'ouverture efficientes du marché des clients éligibles puisque certains Etats s'en tiennent encore à une libéralisation purement juridique et formelle », il a estimé qu'il fallait relativiser les conséquences d'une application tardive de la directive en France.

Puis, après avoir fait part de sa préoccupation quant à la dictature des marchés financiers, qui privilégient le court terme, il a indiqué qu'il avait été frappé, lors des auditions de MM. François Roussely, président d'EDF et Pierre Gadonneix, président de GDF, par la commission, des interrogations de commissaires de la majorité concernant la valorisation de ces entreprises. Il a estimé que la majorité semblait plus préoccupée par les conditions dans lesquelles ces entreprises pourraient être vendues que par la conduite d'une politique industrielle de long terme.

Il a, par ailleurs, fait part des insatisfactions du groupe socialiste concernant les dispositions du projet de loi relatives au financement du service public du gaz, à la desserte gazière des régions enclavées, à la fourniture en gaz des populations les plus démunies et enfin à la péréquation tarifaire, questions qu'il a jugées essentielles.

Puis, abordant la question des négociations communautaires, il a déploré que la Commission européenne envisageât simplement d'élaborer un livre vert relatif aux services d'intérêt économique général, alors qu'une directive cadre aurait dû être adoptée sur ce sujet. Il a souhaité savoir quelles étaient les intentions du Gouvernement sur cette question. Notant la volonté exprimée par le Gouvernement de dresser un bilan en 2006 de l'ouverture du marché du gaz aux entreprises dans l'optique de son ouverture aux ménages, il a rappelé que rien n'imposait actuellement de procéder à celui-ci.

Il a en outre fait part de son inquiétude concernant la sécurité d'approvisionnement en gaz et les obligations de garantie de sécurité qui seraient imposées aux opérateurs concernant les réseaux à très haute pression. Puis, il s'est également inquiété des risques de démantèlement des opérateurs historiques confrontés à la concurrence exercée par des entreprises privées multiservices et multiénergies en soulignant que son groupe serait très attentif à l'avenir de la direction EDF-GDF services, qui emploie 25 000 personnes et constitue un réel atout, ainsi qu'à l'évolution du statut du personnel de ces entreprises. Il a ensuite regretté l'abrogation de la disposition subordonnant l'agrément d'une entreprise comme opérateur de distribution afin de compléter la couverture gazière au fait que 30 % au moins de son capital soit détenu, directement ou indirectement, par l'Etat ou des établissements publics.

Puis, évoquant l'accès des tiers au réseau, il a regretté que le Gouvernement ait privilégié le seul mécanisme de l'accès réglementé au détriment de l'accès négocié.

En conclusion, après avoir déploré le choix fait par le Gouvernement d'une libéralisation et d'un démantèlement dans le secteur du gaz et plaidé en faveur d'une transposition a minima de la directive, il a annoncé que le groupe socialiste présenterait des amendements au projet de loi afin de rectifier ces orientations.

Puis, M. Pierre Micaux a insisté sur l'importance du fonds d'amortissement des charges d'électrification pour les communes rurales et a attiré l'attention sur l'absolue nécessité de réformer les modalités de financement de celui-ci afin de tenir compte de l'ouverture du marché de l'énergie. Par ailleurs, il a noté que la précédente majorité avait transféré, lors de l'examen de la loi de finances rectificative pour 2001, la propriété du réseau de transport de gaz naturel aux opérateurs l'exploitant. Estimant qu'à terme, ceux-ci risquaient d'être détenus, au moins pour partie, par des investisseurs étrangers, il s'est inquiété de ce choix dont il a jugé qu'il ne permettrait pas de garantir la préservation de l'intérêt national. Il a donc souhaité connaître la position du Gouvernement sur cette question.

M. Jean-Yves Le Déaut a contesté l'idée selon laquelle l'absence de transposition de la directive de 1998 handicaperait lourdement le développement de Gaz de France. Il a, au contraire, estimé qu'une large ouverture du marché ferait courir à cette entreprise le risque d'être absorbée par ses concurrents qui proposent une offre généraliste. Il a souligné de ce point de vue la logique industrielle attachée au regroupement d'EDF et de GDF, que les majorités successives n'avaient pas su engager et qu'il était, sans doute, aujourd'hui trop tard pour réaliser, compte tenu des règles européennes de concurrence.

Il s'est en outre inquiété des risques qu'un accès des tiers aux stockages, envisagé dans le cadre de la seconde directive, ferait courir à la sécurité d'approvisionnement. Il a précisé que le groupe socialiste déposerait des amendements sur cette question. Puis, il a déclaré partager les inquiétudes de M. Pierre Micaux en ce qui concerne le réseau de transport.

Il a regretté que le texte proposé ne laisse qu'une place marginale aux exigences du service public, dont la modernisation n'est pas véritablement prévue, et qu'il ne donne pas d'indication sur le financement de l'accès au gaz des communes actuellement non desservies, enjeu important pour l'aménagement du territoire.

Enfin, après avoir rappelé qu'il avait été rapporteur de la commission d'enquête sur la sûreté des installations industrielles et des centres de recherche et sur la protection des personnes et de l'environnement en cas d'accident industriel majeur, il a estimé que les mécanismes concurrentiels risquaient de réduire le degré de sécurité des installations de transport et de stockage du gaz.

M. Martial Saddier a rappelé qu'en complément des activités d'Electricité de France, près de 170 entreprises publiques locales distribuaient 5 % de l'énergie électrique consommée en France. Il a précisé qu'une vingtaine d'entre elles, notamment à Grenoble, Colmar, Dreux, Saint-Avold, ou encore Sallanches et Bonneville, distribuaient également du gaz naturel.

Notant que, dans ces communes, les élus pouvaient conduire une véritable politique énergétique locale, il a souhaité savoir s'il était envisageable d'ouvrir cette possibilité à d'autres communes en permettant aux conseils municipaux, à l'échéance de la concession accordée à Gaz de France, de confier l'exploitation de la distribution publique du gaz à l'entreprise publique locale chargée de la distribution de l'électricité.

Par ailleurs, il a souhaité que la ministre précise les critères d'éligibilité des distributeurs non nationalisés dans le secteur gazier.

Enfin, M. Martial Saddier a rappelé le rôle déterminant de ces entreprises locales, notamment dans les zones de montagne, et a souligné qu'il était nécessaire de tout faire pour favoriser leur existence.

Après avoir félicité M. François-Michel Gonnot, rapporteur, pour la qualité du travail qu'il avait effectué sur le texte, souligné qu'il existait de nombreux points de convergence entre ses analyses et celles du Gouvernement, et indiqué son intérêt pour les propositions qu'il avait formulées, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, en réponse aux différents intervenants, a apporté les précisions suivantes :

- les décrets d'application prévus par le projet de loi sont nombreux. La mise en _uvre du texte sera néanmoins rapide car le Gouvernement s'engage à publier le plus rapidement possible les décrets les plus urgents qui concernent les seuils d'éligibilité, l'extension des compétences de la Commission de régulation de l'électricité (CRE), et la détermination des conditions techniques et tarifaires du transport du gaz. Ces décrets paraîtront en tout état de cause avant la fin de l'année 2003 ;

- en ce qui concerne le développement de la distribution de propane par des opérateurs locaux, des dossiers sont en cours d'instruction pour neuf communes. L'entreprise Primagaz a déposé un dossier d'agrément qui n'est pas encore recevable car il n'offre pas, pour l'instant, de garanties suffisantes en termes de sécurité. Toutefois l'instruction de ce dossier est en cours et permettra à l'entreprise d'obtenir rapidement un agrément en contrepartie d'engagements supplémentaires de sa part. Par ailleurs, cette société ne peut, aujourd'hui, être autorisée comme opérateur pour le gaz naturel car, en l'état du droit, il serait nécessaire, pour cela, que 30 % au moins de son capital soit détenu par l'Etat ou un établissement public ;

- il est vrai que le marché énergétique français est plus ouvert que celui de certains de nos partenaires européens. Ceci constitue un véritable problème, et un courrier a été adressé à Mme Loyola de Palacio, commissaire européen chargé de l'énergie, pour lui demander de faire la lumière sur le caractère effectif de l'ouverture des marchés énergétiques dans chacun des pays membres de l'Union européenne ; si elle parvient d'ici là, la réponse sera communiquée lors de l'examen du projet de loi en séance publique ;

- la position que défendra la France au cours du Conseil des ministres de l'énergie du 25 novembre prochain comportera deux volets : d'une part, une attitude ouverte à la libéralisation du marché, y compris pour les ménages, ce qui devrait permettre de sortir notre pays de l'isolement qu'il connaît en raison de l'impression d'ambiguïté que donnait à nos partenaires européens, le discours tenu jusque là ; d'autre part, la ferme affirmation du besoin d'encadrer cette libéralisation, pour en garder la maîtrise. La France a annoncé à ses partenaires qu'elle souhaitait, d'une part, que la libéralisation pour les ménages n'intervienne, en tout état de cause, pas avant la période 2007-2009, d'autre part, que cette libéralisation soit subordonnée à l'examen d'un bilan de la libéralisation pour les entreprises, qui pourrait être établi vers 2006, soit après deux années d'expérience et qui prendrait en compte l'évolution des prix et de la qualité du service, la réalisation des objectifs de service public, ainsi que la réalité de l'ouverture des marchés. Des contacts sont en cours avec nos partenaires européens pour les rallier à cette proposition, ce qui est nécessaire car la décision finale est susceptible d'être prise à la majorité qualifiée, s'il n'est pas possible d'obtenir un consensus. Or, le Danemark, qui exerce actuellement la présidence de l'Union européenne, est déterminé à ce qu'une décision soit prise le 25 novembre ;

- en ce qui concerne la défense, au niveau des instances européennes, de la notion de service public, elle s'effectue, d'une part, dans le cadre des négociations de la directive cadre sur les services d'intérêt général, où les idées de la France progressent et, d'autre part, en s'efforçant d'inclure, dans chacune des directives sectorielles, des exigences de service public. La France s'oppose notamment à toutes les modalités d'organisation de marché susceptibles d'entraîner des risques de démantèlement des services publics. Il lui est possible d'obtenir plus facilement des concessions de la part de ses partenaires européens, dès lors que ceux-ci sont convaincus que les positions défendues ne visent pas à remettre en cause la construction du marché intérieur ;

- le risque de dérive, dans l'avenir, des charges du fonds de service public de la production d'électricité lié aux obligations d'achat tient surtout au programme de production d'électricité par des installations éoliennes, qui s'inscrit dans le cadre de l'effort que conduit la France pour atteindre l'objectif d'assurer, en 2010, 21 % de sa production d'électricité grâce aux énergies renouvelables. Pour l'heure, la part la plus lourde de ces charges résulte toutefois des surcoûts induits par les achats par EDF d'électricité produite par co-génération ;

- la transposition des directives européennes répond à la volonté d'adapter la France à un monde qui a changé depuis les nationalisations de 1946, et qui ne permet plus d'assurer un mieux-être en se barricadant derrière ses frontières. L'ouverture des marchés est indispensable aujourd'hui au développement des entreprises industrielles ;

- le Gouvernement n'a pas l'intention de « casser » le service public. La ministre a évoqué à cet égard le combat qu'elle avait mené au sein du Parlement européen, pour faire accepter le concept du service public comme une composante essentielle de la construction européenne. Aujourd'hui, grâce à ce combat, les citoyens dans d'autres pays peuvent profiter des avantages que procure le service public, sous la forme de la péréquation tarifaire, ou de la subordination de l'octroi d'autorisation au respect de règles de sécurité ;

- le Gouvernement a affirmé sans ambiguïté que le statut des personnels d'EDF et GDF ne serait pas remis en cause lors de l'ouverture du capital de ces entreprises ;

- un amendement visant à maintenir le niveau du fonds d'amortissement des charges d'électrification, afin de compenser les pertes de ressources provoquées par la poursuite du processus de libéralisation du marché de l'électricité, bénéficierait d'un soutien du Gouvernement ;

- la vente aux concessionnaires des canalisations de transport de gaz organisée par l'article 81 de la loi n° 2001-1276 du 28 décembre 2001 portant loi de finances rectificative pour 2001 fait partie des initiatives heureuses du Gouvernement précédent dans le domaine du gaz. Cette vente était nécessaire pour placer les opérateurs de transport français dans des conditions équivalentes à celles de leurs concurrents européens, dans la perspective de la construction du marché intérieur du gaz naturel ;

- le Gouvernement souhaite encourager le développement de la prise en charge des services publics des communes par des entreprises locales, car une telle évolution accompagnerait sur le plan économique, le processus de renforcement de la décentralisation qui est en cours sur le plan institutionnel.

Le président Patrick Ollier a exprimé le v_u que madame la Ministre ne lance le débat national sur la politique de l'énergie qu'une fois paru le rapport de M. Serge Poignant qui a été chargé par la Commission d'une mission d'information sur la politique de soutien au développement des énergies renouvelables.

La Commission est ensuite passée à l'examen du projet de loi.

La Commission a rejeté l'exception d'irrecevabilité et la question préalable déposées par le groupe socialiste sur le projet de loi relatif aux marchés énergétiques et au service public de l'énergie.

II.- EXAMEN DES ARTICLES

Lors de sa réunion du 26 novembre 2002, la Commission a examiné, sur le rapport de M. François-Michel Gonnot, le projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, relatif aux marchés énergétiques et au service public de l'énergie (n° 326).

Article additionnel avant l'article 1er

Organisation générale du marché et du service public du gaz naturel

La Commission a adopté un amendement du rapporteur portant article additionnel avant l'article 1er (amendement n° 12) et rappelant l'objet principal du texte ainsi que les responsabilités des différents intervenants publics dans la surveillance du bon accomplissement des missions de service public et du bon fonctionnement du marché.

TITRE IER

L'ACCÈS AUX RÉSEAUX DE GAZ NATUREL

Article 1er

Droit d'accès aux ouvrages de transport et de distribution
et aux installations de gaz naturel liquéfié

L'article premier ouvre un droit d'accès aux réseaux de transport et de distribution de gaz naturel et aux installations de gaz naturel liquéfié aux clients éligibles et à leurs fournisseurs.

Ces dispositions conditionnent l'existence d'une quelconque concurrence sur le marché du gaz naturel. L'utilisation des infrastructures auxquelles le droit d'accès est accordé est, en effet, nécessaire pour fournir les clients. Or, ces infrastructures appartiennent ou sont concédées à des opérateurs gaziers intégrés. Il importe donc que ceux-ci permettent à leurs concurrents d'utiliser ces infrastructures. L'article premier les y contraint conformément aux dispositions de l'article 23 de la directive.

Le premier alinéa précise à qui bénéficie le droit d'accès, sur qui il pèse et quelles sont les installations concernées.

Il indique ainsi que le droit d'accès bénéficie aux clients éligibles, à leurs fournisseurs et à leurs mandataires, cette dernière catégorie de bénéficiaire ayant été ajoutée à l'initiative du Sénat pour permettre explicitement l'intervention de cette catégorie d'acteurs qui répond aux attentes de certains clients. Cet alinéa précise également que ce droit est garanti par tout opérateur qui exploite les infrastructures concernées. Enfin, il dispose que celles-ci sont les ouvrages de transport et de distribution de gaz naturel et les installations de gaz naturel liquéfié. Le Sénat a précisé que le droit d'accès s'appliquait également aux installations auxiliaires par un amendement qui comporte également une seconde précision d'un intérêt moins évident en disposant que les infrastructures concernées étaient celles détenues ou exploitées par un opérateur.

Votre rapporteur estime que ces dispositions sont, pour l'essentiel, satisfaisantes sous réserve qu'il soit bien entendu que les installations auxiliaires ne comprennent pas les stockages de gaz naturel, comme cela a été précisé, au Sénat, par le rapporteur et par le Gouvernement. Votre rapporteur partage pleinement cette interprétation.

Les deuxième et troisième alinéas énumèrent les utilisations des infrastructures permettant de bénéficier d'un droit d'accès. Il s'agit, au deuxième alinéa, de la fourniture des clients éligibles et de l'exécution des contrats d'importation et d'exportation conclus par les fournisseurs autorisés et, au troisième alinéa, de l'exécution des contrats de transit de gaz naturel entre les grands réseaux au sein de l'Espace économique européen.

La rédaction de ces trois premiers alinéas ne se caractérise pas par sa simplicité. Des difficultés d'interprétation peuvent, en outre, en résulter. Le droit d'accès est, en effet, garanti aux clients éligibles, à leurs mandataires et à leurs fournisseurs. Or, il l'est notamment afin de permettre l'exécution des contrats de transit de gaz naturel entre les grands réseaux de transport de gaz à haute pression au sein de l'Espace économique européen dont les parties ne sont pas nécessairement des clients éligibles, leurs mandataires ou des fournisseurs. De même, on peut regretter que la rédaction actuelle ne permette à un fournisseur de bénéficier d'un droit d'accès afin de transporter du gaz destiné à l'alimentation du stockage que s'il importe ce gaz.

Le quatrième alinéa précise que l'utilisation des infrastructures est organisée par contrat.

Le cinquième alinéa, inséré à l'initiative de la commission des affaires économiques du Sénat, dispose que l'exercice du droit d'accès aux infrastructures ne peut faire obstacle à leur utilisation par leur exploitant pour accomplir ses obligations de service public. Cette disposition peut sembler redondante avec celles de l'article 4 qui autorisent un opérateur à refuser de conclure un contrat d'accès à un ouvrage gazier en raison de l'ordre de priorité qui lui aura été prescrit par le ministre chargé de l'énergie afin d'assurer l'accomplissement d'obligations de service public.

Elle ne vise toutefois pas exactement le même cas de figure. L'article 4 ne permet en effet que de refuser la conclusion d'un contrat mais non l'exécution d'un contrat existant. Cette distinction peut n'avoir qu'une portée limitée si le contrat d'accès conclu stipule que son exécution peut être suspendue pour permettre à l'opérateur l'accomplissement de ses obligations de service public. La disposition introduite par le Sénat permettrait toutefois de couvrir l'hypothèse dans laquelle cette stipulation ne figurerait pas dans le contrat d'accès et est donc opportune.

Le sixième alinéa dispose que les relations entre l'opérateur et l'utilisateur sont réglées par des protocoles lorsqu'il ne s'agit pas de personnes morales distinctes.

Cette disposition découle du maintien d'entreprises gazières intégrées. Celles-ci exploitent les réseaux de transport et de distribution tout en conduisant une activité concurrentielle de fourniture aux clients éligibles. Dès lors que ces entreprises intégrées ne sont pas démantelées par la mise en _uvre de ce que le droit communautaire qualifie de séparation juridique des opérateurs de réseaux, il importe de garantir qu'elles ne favorisent pas, dans l'accès aux réseaux, leurs propres activités de fourniture au détriment de celles de leurs concurrents. C'est pourquoi l'organisation des relations entre leurs différentes branches doit être formalisée.

Or, cela ne peut être fait par contrat puisque nul ne peut contracter avec soi-même. Il est donc prévu que les relations au sein des entreprises intégrées soient réglées par des protocoles, instruments que le juriste rigoureux regardera avec un certain scepticisme. Cette solution a toutefois également été celle retenue par la loi du 10 février 2000 pour l'accès aux réseaux électriques. Elle parait seule adaptée au cas visé.

Cet alinéa vise donc un cas particulier, dérogatoire à la règle définie par le quatrième alinéa. Il est, dès lors, regrettable que le cinquième alinéa qui traite d'une question distincte ait été inséré par le Sénat entre les actuels quatrième et sixième alinéas qui sont liés l'un à l'autre d'un point de vue logique.

Enfin, le dernier alinéa, dont la portée normative gagnerait à être précisée, dispose que l'opérateur s'abstient de toute discrimination entre les utilisateurs ou les catégories d'utilisateurs.

Compte tenu des diverses ambiguïtés de la rédaction actuelle et dans un souci de concision, le rapporteur a proposé à la commission un amendement de rédaction globale de l'article premier. Cette nouvelle rédaction supprime la mention des utilisations pour lesquelles le droit d'accès est reconnu et précise que les contrats et protocoles réglant le droit d'accès sont communiqués au régulateur.

Il convient de rappeler que cette disposition, utile à l'exercice par le régulateur de ses prérogatives, figurait au III de l'article 9 du projet de loi. Celui-ci créait un article 36 bis dans la loi du 10 février 2000 récapitulant les pouvoirs du régulateur en matière gazière sur le modèle de l'article 36 de cette loi qui procède à une telle récapitulation pour les compétences de l'actuelle Commission de régulation de l'électricité. Toutefois, si cet article 36, qui se borne à rassembler des compétences qui figurent toutes ailleurs dans la loi du 10 février 2000, n'a pas de portée normative, l'article 36 bis du projet de loi comprenait en revanche une disposition nouvelle par rapport aux autres dispositions de celui-ci, la transmission des contrats et protocoles d'accès aux réseaux à la Commission de régulation. Aussi, lorsque le Sénat a, dans un même et vertueux mouvement de restauration de la portée normative de la loi, supprimé l'article 36 de la loi du 10 février 2000 et le paragraphe III de l'article 9 du projet de loi, il a remis en cause l'obligation de transmission de ces documents. C'est pourquoi il est nécessaire de compléter sur ce point l'article premier.

La Commission a adopté cet amendement du rapporteur portant rédaction globale de l'article 1er (amendement n° 13).

Article 2

Régime de l'éligibilité des clients

L'article deux énumère les catégories de clients reconnus comme éligibles, c'est-à-dire autorisés à se fournir en gaz naturel auprès d'un fournisseur de leur choix, et précise le processus leur permettant de faire jouer cette éligibilité.

Il s'agit donc d'un article d'une grande importance puisque c'est lui qui fixe les règles déterminant le degré d'ouverture à la concurrence du marché français du gaz naturel.

Comme on le sait, une ouverture minimale à la concurrence est imposée par l'article 18 de la directive. Celui-ci dispose que les producteurs d'électricité à partir du gaz, quel que soit le niveau de leur consommation annuelle, doivent être reconnus comme clients éligibles. La directive ouvre toutefois aux Etat membres la possibilité de reconnaître l'éligibilité des cogénérateurs, qui produisent simultanément de l'électricité et de la chaleur, dans les mêmes conditions que les autres consommateurs finals, c'est-à-dire sous la condition que le volume de leur consommation totale excède les mêmes seuils.

Ces seuils doivent être conforme à un calendrier d'ouverture graduelle à la concurrence qui comprend trois étapes.

· Au plus tard le 10 août 2000 :

- doivent être reconnus clients éligibles au moins les consommateurs finals consommant plus de 25 millions de mètres cubes de gaz par an et par site de consommation et

- la consommation agrégée de l'ensemble des clients éligibles doit représenter au moins 20 % de la consommation annuelle totale de gaz dans chaque Etat membre.

· Au plus tard le 10 août 2003 :

- doivent être reconnus clients éligibles au moins les consommateurs finals consommant plus de 15 millions de mètres cubes de gaz par an et par site de consommation et

- la consommation agrégée de l'ensemble des clients éligibles doit représenter au moins 28 % de la consommation annuelle totale de gaz dans chaque Etat membre.

· Au plus tard le 10 août 2008 :

- doivent être reconnus clients éligibles au moins les consommateurs finals consommant plus de 5 millions de mètres cubes de gaz par an et par site de consommation et

- la consommation agrégée de l'ensemble des clients éligibles doit représenter au moins 33 % de la consommation annuelle totale de gaz dans chaque Etat membre.

L'accord politique relatif à la proposition de directive modifiant notamment la directive du 22 juin 1998 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel intervenu au conseil des ministres européens de l'énergie du 25 novembre 2002 remet naturellement en cause la dernière étape de ce calendrier. La directive sera en effet modifiée avant 2008 afin de prévoir une ouverture à la concurrence plus rapide.

L'article 2 ne prend toutefois pas en compte cet accord et ne vise à transposer que la directive actuellement en vigueur.

Après un premier alinéa ouvrant l'énumération des catégories de clients éligibles, le deuxième alinéa dispose que les producteurs d'électricité à partir de gaz naturel sont éligibles quelque soit le niveau de leur consommation annuelle. L'éligibilité de cette catégorie de consommateurs, indépendamment du volume de leur consommation, est, comme nous l'avons vu, imposée par la directive.

Afin d'éviter que cette disposition ne soit utilisée pour contourner la loi, par exemple, par des consommateurs développant une petite capacité de cogénération dans le seul but de bénéficier de l'éligibilité pour l'ensemble de leur consommation, le Sénat, à l'initiative de sa commission des affaires économiques, a limité l'éligibilité des producteurs d'électricité à partir de gaz naturel à leur consommation de gaz utilisé pour la production d'électricité sur un site donné. Cette précision est très opportune.

La rédaction retenue mérite toutefois d'être précisée sur deux points. En premier lieu, l'éligibilité bénéficie, en l'état, à la personne morale tout entière mais seulement dans la limite de sa consommation de gaz utilisé pour la production d'électricité sur un site donné. Dans l'hypothèse où une personne morale produirait de l'électricité à partir de gaz naturel sur plusieurs sites, elle ne serait donc éligible que dans la limite de sa consommation de gaz utilisé pour la production d'électricité sur l'un d'entre eux, dont rien ne permet, en outre, de déterminer le choix. Il convient donc de préciser que les producteurs d'électricité à partir de gaz naturel sont éligibles dans la limite de leur consommation de gaz naturel utilisé pour cet usage sur chacun de leurs sites concernés.

En second lieu, il existe de nombreux producteurs d'électricité à partir de gaz naturel qui produisent simultanément, dans les mêmes installations, de la chaleur, sous forme de vapeur. L'interprétation des dispositions régissant l'éligibilité de ces installations de cogénération soulève donc une difficulté puisque, en toute rigueur, une partie du gaz naturel consommée dans une installation de cogénération l'est pour produire non de l'électricité mais de la chaleur. La détermination précise de la consommation de gaz exclusivement utilisée pour la production d'électricité serait délicate. En outre, le fait d'imposer deux contrats pour l'alimentation d'une installation unique, l'un pour la part éligible de sa consommation et l'autre pour la part non éligible de celle-ci, serait inutilement contraignant.

La Commission a donc adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 14) précisant le régime de l'éligibilité des producteurs d'électricité en disposant que cette éligibilité est reconnue par site et qu'elle s'exerce dans la limite de leur consommation annuelle de gaz naturel utilisé pour la production d'électricité ou pour la production simultanée d'électricité et de chaleur.

Le troisième alinéa, dans la rédaction du projet de loi, faisait bénéficier de l'éligibilité les consommateurs finals dont la consommation annuelle de gaz naturel pour un site donné est supérieure à un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat. Le Sénat a limité cette éligibilité aux consommateurs finals non domestiques afin de garantir, compte tenu de l'importance politique de cette décision, que l'ouverture totale du marché nécessite une disposition législative et ne puisse être mise en _uvre par décret.

La notion de consommateurs domestiques figure au dernier alinéa du I de l'article 4 de la loi du 10 février 2000. L'adjectif « domestiques » est également utilisé en droit français, dans un sens proche de celui visé par le projet de loi pour qualifier des usages. Si l'on excepte, malgré son intérêt historique, le décret impérial du 22 décembre 1812 relatif au mode d'autorisation des chapelles domestiques et des oratoires particuliers, qui n'est plus en vigueur, on retrouve cette notion dans le droit de l'eau.

Toutefois, la notion est traditionnellement utilisée dans notre droit pour qualifier des personnes dans un sens bien différent de celui visé. Elle vise, en effet, plutôt des employés de maison. C'est le cas, par exemple, à l'article 1384 du code civil qui organise la responsabilité des maîtres et commettants pour le dommage causé par leurs domestiques et préposés. Il faut également rappeler que la notion est couramment utilisée en droit pour qualifier des animaux domestiqués.

Il est donc sans doute préférable d'utiliser une notion mieux installée dans notre droit pour couvrir le même usage, celle de ménages. Il est vrai que celle-ci peut également désigner les seuls couples. Elle est toutefois également utilisée dans notre droit au sens que lui donne la science économique, et qui correspond à celui qu'entend viser ici le projet de loi, d'unité de consommation regroupant une ou plusieurs personnes vivant sous un même toit en partageant les mêmes revenus. On la retrouve, par exemple, dans ce sens, à l'article 5 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances qui dispose que les dépenses d'intervention de l'Etat comprennent les transferts aux ménages. Votre rapporteur vous propose donc d'utiliser la notion de ménages plutôt que celle de consommateurs domestiques.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 15) précisant le régime de l'éligibilité des consommateurs finals en disposant que cette éligibilité est reconnue par site et en excluant les ménages du bénéfice de l'éligibilité.

Le troisième alinéa précise ensuite que le décret fixant le seuil d'éligibilité précise également la procédure de reconnaissance de l'éligibilité et les modalités d'application de ce seuil.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 16) clarifiant la rédaction sur ce point.

Le quatrième alinéa encadre la fixation du seuil d'éligibilité par le décret. Il reprend les dispositions de la directive en disposant que ce seuil doit être fixé à un niveau permettant l'ouverture du marché imposée par celle-ci tout en ouvrant la possibilité d'une ouverture à la concurrence du marché plus rapide que la directive ne l'impose.

Lors de l'examen de cet article par la Commission, M. Pierre Ducout a remarqué que les règles d'éligibilité qu'il établissait, notamment les seuils retenus pour l'éligibilité des consommateurs finals, n'étaient plus pertinents compte tenu de l'accord politique intervenu au conseil des ministres européens de l'énergie le 25 novembre. M. François-Michel Gonnot a rappelé que le projet de loi ne visait, en matière gazière, qu'à transposer la première directive et que l'accord politique évoqué concernait le contenu des secondes directives d'ouverture à la concurrence. Il a toutefois précisé qu'il n'excluait pas de proposer, avant l'examen du projet de loi en séance publique, certaines coordinations au vu de cet accord politique.

Dans la rédaction du projet de loi, le cinquième alinéa rendait éligibles, lorsque leur volume d'achat excède le seuil rendant éligible un client final, les distributeurs non nationalisés qui relèvent de l'article 23 de la loi de nationalisation de 1946 et les distributeurs exerçant leur activité en dehors du plan de desserte prévu par l'article 50 de la loi du 2 juillet 1998. Cette éligibilité est limitée à l'approvisionnement effectif de l'ensemble des clients situés dans leur zone de desserte. Contre l'avis du Gouvernement, le Sénat a également rendu éligible dans les mêmes conditions, c'est-à-dire en qualité de distributeur et pour le seul approvisionnement effectif des clients de sa zone de desserte, Gaz de France.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 17) qui modifie une référence par coordination avec l'intégration des dispositions du sixième alinéa de l'article 50 de la loi du 2 juillet 1998 au III de l'article L. 2224-31 du code général des collectivité territoriales proposée par l'article 14 du projet de loi.

Le sixième alinéa dispose, en premier lieu, qu'un client éligible peut se fournir en gaz naturel auprès d'un fournisseur de son choix. Cette faculté est offerte que le client éligible et le fournisseur constitue ou non des personnes juridiques distinctes. Le Sénat a précisé qu'elle peut être exercé par un client éligible par l'intermédiaire de son mandataire.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 18) substituant la notion de personne morale à celle de personne juridique.

Le même alinéa organise, en second lieu, la résiliation de plein droit et sans indemnités des contrats de fourniture et de transport de gaz naturel conclus, avant l'entrée en vigueur de la loi, par des clients éligibles changeant de fournisseur. Outre une clarification opportune de la rédaction de cette disposition, le Sénat a prévu que la résiliation des contrats en cours interviendrait au terme d'un délai de trois jours suivant la notification par le client éligible à son ou ses co-contractants de sa décision.

Après que le rapporteur eût indiqué que le délai de résiliation des contrats des clients faisant jouer leur éligibilité fixé par le Sénat à trois jours était trop court pour permettre aux opérateurs et aux fournisseurs de s'y adapter, la Commission a adopté un amendement présenté par celui-ci tendant à porter ce délai à trente jours (amendement n° 19) puis un amendement de coordination du même auteur (amendement n° 20).

Enfin, le dernier alinéa, ajouté à l'initiative de la commission des affaires économiques du Sénat, prive de la possibilité de résilier sans indemnités leurs contrats de fourniture et de transport de gaz naturel les clients ayant déjà fait jouer leur éligibilité dans le cadre de la transposition de facto de la directive réalisée à partir du 10 août 2000, date à laquelle la directive aurait dû être transposée et a effectivement été mise en _uvre.

Cet ajout apparaît opportun. Les clients concernés ont, en effet, pu bénéficier de la concurrence pour conclure librement de nouveaux contrats. Aucune raison ne justifie de leur permettre de résilier aujourd'hui ces contrats. La rédaction retenue présente toutefois certaines ambiguïtés. On pourrait notamment comprendre que le dispositif s'applique après le 10 août 2000 alors qu'il s'agit, en réalité, de viser les contrats conclus après cette date.

La Commission a donc adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 21) modifiant ce dispositif dérogatoire afin de le préciser et d'en limiter le bénéfice aux contrats conclus entre le  août 2000 et la publication de la présente loi.

La Commission a ensuite adopté l'article 2 ainsi modifié.

Article 3

Statut des fournisseurs de gaz naturel

L'article trois détermine, dans un premier paragraphe, les conditions d'exercice de leur activité par les fournisseurs de gaz naturel et précise, dans un second paragraphe, les obligations s'imposant à ceux-ci.

Le premier alinéa du paragraphe I soumet l'exercice de l'activité de fourniture de gaz naturel à la détention d'une autorisation délivrée par le ministre chargé de l'énergie et précise que cette autorisation peut bénéficier aux personnes installées sur le territoire d'un Etat membre de la Communauté européenne ou, dans le cadre d'accords internationaux, d'un autre Etat.

Le rapport de M. Ladislas Poniatowski au nom de la commission des affaires économiques du Sénat précise que « les accords internationaux visés sont les accords signés entre l'Union Européenne et un Etat tiers en vue de son adhésion à l'Union (accords d'association) » dans lesquels « certains droits sont reconnus au pays tiers concerné, par anticipation sur l'application des règles découlant de sa future adhésion (liberté d'établissement et de prestation de services, libre circulation des biens et des services...)». Il précise également que « cette rédaction permet à un fournisseur installé sur le territoire d'un Etat tiers de bénéficier du statut de fournisseur au sens de la directive, dès lors que l'accord international concerné le prévoit expressément ».

Le deuxième alinéa définit l'activité de fourniture de gaz naturel comme consistant à « alimenter les clients éligibles et non éligibles et à assurer la continuité de fourniture aux distributeurs ».

Après que le rapporteur eût précisé que cette mention lui paraissait inutile et source de confusion (tout client, y compris les distributeurs, étant soit éligible soit non éligible et le fait d'assurer la continuité de fourniture n'étant pas clairement défini), la Commission a adopté un amendement présenté par celui-ci (amendement n° 22) supprimant dans la définition de l'activité de fourniture le fait d'assurer la continuité de fourniture aux distributeurs.

Puis, elle a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 23) autorisant les fournisseurs à se fournir en gaz naturel auprès d'un fournisseur de leur choix.

Le troisième alinéa dispose que l'autorisation de fourniture précise les catégories de clients auxquels peut s'adresser le fournisseur. Certains fournisseurs ne pourront ainsi, par exemple, fournir que les seuls clients éligibles alors que d'autres pourront s'adresser à l'ensemble des clients et aux distributeurs.

Le quatrième alinéa vise, en premier lieu, à faire obstacle à la création d'un marché des autorisations d'exercice de l'activité de fourniture en prévoyant que celles-ci sont nominatives et incessibles. Il précise également qu'une décision du ministre chargé de l'énergie est nécessaire pour le transfert de cette autorisation en cas de changement d'opérateur titulaire. Enfin, cet alinéa prévoit que les autorisations d'exercice de l'activité de fourniture sont « délivrées de manière objective et non discriminatoire ».

Les cinquième et sixième alinéas énumèrent les critères d'octroi ou de refus de délivrance des autorisations d'exercice de l'activité de fourniture.

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur (amendements nos 24 et 25) visant à simplifier et à réorganiser la rédaction des dispositions relatives à la délivrance des autorisations de fourniture.

Enfin, le dernier alinéa de ce paragraphe renvoie à un décret en Conseil d'Etat la détermination de la procédure de délivrance des autorisations.

Le paragraphe II est relatif aux obligations pesant sur les fournisseurs de gaz naturel.

Dans la rédaction initiale du projet de loi, le premier alinéa de ce paragraphe prévoyait que ces obligations étaient fixées par les autorisations d'exercice de l'activité de fourniture et par un décret en Conseil d'Etat. Le Sénat a précisé qu'elles pouvaient également résulter des cahiers des charges des concessions ou des règlements de service des régies. Il convient de veiller à ce que cet ajout ne conduise pas à entraver excessivement l'activité des fournisseurs étrangers sur le marché français tout en préservant le rôle des autorités concédantes dans la garantie de la qualité de la distribution.

Aussi, la Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 26) précisant que c'est l'éventuelle activité de distribution des fournisseurs qui s'exerce dans les conditions fixées par les cahiers des charges des concessions ou par les règlements de service des régies.

Le premier alinéa dispose également que le ministre chargé de l'énergie peut imposer aux fournisseurs de lui communiquer chaque année leur plan prévisionnel d'approvisionnement en gaz naturel.

Le rôle de ce plan, qui s'inscrit dans un dispositif précisé aux alinéas suivants, est d'une grande importance. Il vise, en effet, à créer les conditions d'un maintien de la sécurité nationale d'approvisionnement dans le contexte de l'ouverture du marché, ce qui constitue l'un des enjeux majeurs de l'ouverture à la concurrence du marché.

La sécurité d'approvisionnement nécessite que le gaz destiné au marché français provienne de plusieurs Etats. Il convient, en effet, de limiter l'impact de la défaillance, par exemple pour des raisons politiques, d'un Etat fournisseur. En termes simples, on pourrait dire qu'il s'agit, par prudence, de ne pas mettre tous nos _ufs dans le même panier.

Le régime du monopole d'importation, en vigueur avant l'ouverture à la concurrence du marché, permet de régler ce problème de manière simple. Puisqu'il n'existe qu'un seul importateur, qui se trouve être un établissement public, il suffit pour garantir la sécurité nationale d'approvisionnement que les pouvoirs publics qui exercent la tutelle sur cet établissement public lui impose de maintenir une diversification géographique suffisante de ces sources d'approvisionnement.

L'ouverture à la concurrence, qui implique la suppression du monopole d'importation, modifie, en revanche, sensiblement les termes du problème. Elle implique en effet que l'approvisionnement national en gaz naturel sera assuré par plusieurs fournisseurs cherchant à maximiser leur profit. Il en résulte deux problèmes. Le premier est que l'approvisionnement national n'est plus assuré par les contrats d'une seule personne morale mais par l'agrégation de contrats de nombreux intervenants. Le second est que le libre jeu, non régulé, de la concurrence devrait conduire les fournisseurs à privilégier les mêmes sources d'approvisionnement sur la seule base du prix de leur gaz.

Il convient donc d'encadrer sur ce point le fonctionnement du marché afin de préserver la sécurité nationale d'approvisionnement. C'est l'objet du dispositif reposant sur le plan prévisionnel d'approvisionnement que les fournisseurs peuvent être contraints de fournir au ministre qu'institue cet article.

Le deuxième alinéa de ce II de cet article prévoit, en effet, que le ministre chargé de l'énergie peut mettre en demeure un fournisseur tenu de présenter une diversification suffisante de ces approvisionnements de procéder à celle-ci.

Enfin, le dernier alinéa autorise le ministre, faute d'une proposition de diversification des approvisionnements satisfaisante du fournisseur, à soumettre à son approbation préalable, pendant une période d'un an renouvelable, tout nouveau contrat d'importation de gaz naturel conclu par celui-ci. En pratique, cela permettra au ministre, en refusant l'approbation de contrats qui ne corrigeraient pas l'insuffisante diversification, de contraindre le fournisseur à se tourner vers de nouvelles sources d'approvisionnement.

La dernière phrase de cet alinéa précise que le non-respect de ces dispositions par le fournisseur autorisé peut être sanctionné dans les conditions fixées par l'article 18, ce qui est redondant avec les dispositions de celui-ci qui accorde au ministre chargé de l'énergie un pouvoir général de sanction en cas de manquements notamment aux dispositions des articles 1 à 8 de la loi.

Après avoir adopté un amendement du rapporteur supprimant cette redondance (amendement n° 27), la Commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 4

Conditions encadrant le refus de conclure un contrat d'accès
à une installation gazière

Cet article constitue le pendant de l'article premier. En effet, alors que l'article premier énonce la reconnaissance d'un droit d'accès aux infrastructures, l'article 4 en assure la mise en _uvre en encadrant, de manière très restrictive, les conditions dans lesquelles un opérateur peut refuser de conclure un contrat d'accès.

Il établit ainsi, au paragraphe I, un régime général des refus et crée, au paragraphe II, un dispositif dérogatoire, prévu par la directive, permettant à un opérateur rencontrant des difficultés spécifiques d'obtenir temporairement la possibilité de refuser d'accorder le droit d'accès.

Le paragraphe I de cet article encadre, de manière générale, la possibilité pour un opérateur d'un réseau de transport ou de distribution de gaz naturel ou d'une installation de gaz naturel liquéfié de refuser d'accorder à un utilisateur l'accès à ceux-ci.

Son premier alinéa dispose que les refus d'accès à ces installations doivent être motivés et notifiés au demandeur et à la Commission de régulation de l'énergie et qu'ils ne peuvent être fondés que sur des critères limitativement énumérés aux trois alinéas suivants. La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur relatif à cet alinéa (amendement n° 28).

Le deuxième alinéa mentionne les premiers de ces critères qui sont le manque de capacité ou des motifs techniques tenant à l'intégrité et à la sécurité des installations.

La Commission a examiné un amendement du rapporteur interdisant à un opérateur de refuser l'accès aux infrastructures qu'il exploite en raison de l'exécution d'un contrat du type « take or pay ». Le rapporteur ayant précisé que le régime spécifique couvrait les refus d'accès liés à ces contrats et que son amendement visait à transposer le point 4 de l'article 25 de la directive, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° 29).

Le troisième alinéa évoque un second critère de refus, l'ordre de priorité d'accès prescrit par le ministre à l'opérateur pour garantir la mise en _uvre par celui-ci de ces obligations de service public.

Enfin, le quatrième alinéa rend possible de refuser l'accès à une installation sur la base des critères fixés par une dérogation temporaire octroyée conformément aux dispositions du paragraphe II de cet article.

Le dernier alinéa de ce paragraphe vise à prévenir les difficultés qui pourraient résulter de la réticence d'un opérateur intégré à développer son réseau entravant le libre jeu de la concurrence. Il permet, en effet, au régulateur, saisi par un demandeur se voyant refuser un droit d'accès à des infrastructures en raison d'un manque de capacité de celles-ci ou d'une difficulté de raccordement, de demander à l'opérateur concerné de procéder aux améliorations nécessaires et, en cas de refus de celui-ci, de le mettre en demeure de les réaliser. Cette faculté est ouverte au régulateur si ces améliorations se justifient économiquement, c'est-à-dire à la condition que leur coût ne soit pas disproportionné par rapport à la demande solvable prévisible, ou si un client potentiel, qui n'est pas nécessairement le demandeur auquel le droit d'accès a été refusé, indique qu'il est disposé à en prendre en charge le coût.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 30) précisant qu'un client sollicitant que la Commission de régulation de l'énergie mette en demeure un opérateur d'améliorer ses infrastructures devait s'engager à en prendre en charge le coût pour éviter qu'il ne se dérobe ensuite à ses responsabilités.

Le paragraphe II organise, conformément à l'article 25 de la directive, l'attribution de dérogations aux règles gouvernant l'accès des tiers aux réseaux au profit des entreprises gazières intégrées confrontées à des difficultés économiques du fait d'engagements contractuels d'achat de gaz naturel assortis d'une obligation d'enlèvement dits contrats « take or pay ». Ces contrats, conclus pour de longues durées, peuvent en effet mettre en difficulté le gazier les ayant conclus si ses débouchés ne lui permettent plus d'écouler le gaz acquis. Dans cette hypothèse, il est prévu de permettre à cette entreprise de refuser aux tiers l'accès aux infrastructures de transport et de distribution qu'elle exploite afin de lui permettre d'écouler ce gaz dans la zone de desserte de ces infrastructures. Il s'agit donc, en s'entourant de nombreuses garanties, de lui permettre temporairement de bénéficier d'une situation de monopole.

Le premier alinéa dispose que cette dérogation temporaire peut être sollicitée de la Commission de régulation de l'énergie par des fournisseurs lorsque deux conditions sont réunies :

- l'entreprise doit être menacée de graves difficultés économiques et financières résultant de l'exécution de contrats « take or pay »,

- l'évolution défavorable de ses débouchés ne pouvait être raisonnablement prévue lors de la conclusion de ces contrats.

Le deuxième alinéa précise que cette dérogation est valable pour une durée maximale d'un an, renouvelable, et qu'elle est attribuée par une décision motivée, publiée et notifiée à la Commission européenne qui précise les conditions dans lesquelles le bénéficiaire de la dérogation peut refuser de conclure un contrat d'accès au réseau qu'il exploite.

Les sept derniers alinéas énumèrent les critères sur le fondement desquels la dérogation peut être octroyée. Il s'agit :

- de la nécessité d'assurer la sécurité d'approvisionnement et de remplir les obligations de service public qui incombent au demandeur ;

- de la situation du demandeur et de l'état de la concurrence sur le marché du gaz naturel ;

- de la gravité des difficultés économiques et financières dont sont menacés le demandeur ou ses clients et des mesures prises par le demandeur pour trouver d'autres débouchés pour la vente du gaz naturel qu'il achète ;

- de la date de conclusion des engagements contractuels relatifs aux contrats et de l'évolution de ces engagements en cas d'évolution des débouchés du demandeur ;

- des difficultés techniques liées à l'interconnexion ou à l'interopérabilité des réseaux et

- de l'incidence qu'aurait la dérogation sur l'application correcte de la directive en ce qui concerne le bon fonctionnement du marché intérieur du gaz naturel, ce dernier critère, qui figure dans la directive, ayant été ajouté à l'initiative du Sénat.

Après avoir adopté deux amendements du rapporteur, l'un de coordination et l'autre de précision (amendements nos 31 et 32), la Commission a examiné un amendement du rapporteur supprimant la liste des critères susceptibles de fonder une dérogation au droit d'accès liée à un contrat de type « take or pay ». Le rapporteur ayant indiqué qu'une telle liste limitative de critères aboutissait à un dispositif trop rigide, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° 33).

Enfin, le paragraphe III dispose qu'un décret en Conseil d'Etat précise, en tant que de besoin, les modalités d'application du présent article.

M. Pierre Ducout ayant rappelé la volonté de son groupe de transposer a minima la directive, la Commission a adopté l'article 4 ainsi modifié.

TITRE II

LA TRANSPARENCE ET LA RÉGULATION DU SECTEUR DU GAZ NATUREL

Article 5

Tarifs gaziers

L'article 5 définit les principes et les modalités de détermination des tarifs dans le secteur du gaz naturel. Il comporte quatre paragraphes qui concernent respectivement :

- la dérogation au principe général de liberté des prix et la procédure de fixation des tarifs réglementés ;

- les principes de détermination des tarifs de vente de gaz naturel aux clients non éligibles ;

- les principes de détermination des tarifs et conditions commerciales d'utilisation des réseaux ;

- les modalités d'octroi de dérogations aux tarifs.

Le paragraphe I comprend deux alinéas.

Dans la rédaction initiale du projet de loi, le premier alinéa rendait applicable aux tarifs d'utilisation des infrastructures et aux tarifs de vente aux clients non éligibles les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 410-2 du code de commerce qui permettent, par dérogation au principe général de liberté des prix, la réglementation de ceux-ci par décret en Conseil d'Etat, pris après avis du Conseil de la concurrence. Ce décret aura vocation à fixer, sur le fondement des critères établis par la loi aux paragraphes II et III du présent article, les principes de détermination des tarifs qui seront fixés par arrêtés des ministres chargés de l'économie et de l'énergie selon les modalités prévues au second alinéa du paragraphe I.

Le Sénat a modifié cet alinéa au profit d'une rédaction prévoyant que la réglementation des prix concerne non les tarifs eux-mêmes mais leur évolution afin de préserver la concurrence entre opérateurs dont bénéficient les communes accédant au raccordement aux réseaux gaziers. Il en résulte toutefois une rédaction ambiguë puisque les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 410-2 du code de commerce prévoient que le décret en Conseil d'Etat réglemente bien les prix et non leur évolution.

La Commission a donc adopté deux amendements du rapporteur (amendements nos 34 et 35) précisant que les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 410-2 du code de commerce s'appliquaient, dans le secteur gazier, aux tarifs d'utilisation des réseaux et de vente aux clients non éligibles et non à l'évolution de ces tarifs.

Le second alinéa précise que les tarifs sont arrêtés conjointement par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie. La Commission de régulation de l'énergie intervient dans cette procédure de manière différente selon le tarif concerné. Ainsi, les tarifs d'utilisation des infrastructures (ouvrages de transport et de distribution, installations de gaz naturel liquéfié), qui sont déterminants pour le fonctionnement concurrentiel du marché, sont arrêtés par les ministres sur proposition de la Commission. Les autres tarifs de vente, c'est-à-dire les tarifs de vente aux clients non éligibles, sont, en revanche, arrêtés par les ministres après avis de la Commission.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 36) disposant que les opérateurs pouvaient être à l'initiative des propositions de la Commission de régulation de l'énergie relatives aux tarifs d'utilisation des infrastructures

Il est précisé que la Commission émet ses propositions et avis après avoir procédé à toutes les consultations utiles, que ceux-ci sont motivés et qu'ils sont publiés par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie en même temps que leurs décisions. Deux difficultés en résultent.

La première tient au² fait que des consultations utiles sont imposées au régulateur sans que leur nature soit précisée. On pourrait craindre qu'il en résulte des contentieux inopportuns à l'initiative d'une personne non consultée et estimant qu'elle aurait dû l'être. La Commission a donc adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 37) permettant à la Commission de régulation de l'énergie de juger de l'opportunité des consultations qu'elle doit entreprendre avant d'émettre ses propositions et avis.

La seconde difficulté découle de ce que les dispositions relatives à la motivation et à la publicité des propositions et avis de la Commission de régulation de l'énergie sont redondantes avec celles de l'article 32 de la loi du 10 février 2000 qui s'appliqueront aux propositions et avis visés au présent article. La Commission a donc adopté un amendement du rapporteur supprimant ces dispositions (amendement n° 38).

Le paragraphe II détermine les critères gouvernant la définition des tarifs de vente du gaz naturel aux clients non éligibles. Il est précisé que ces tarifs :

- sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques des fournitures et des coûts liés à celles-ci ;

- couvrent l'ensemble de ces coûts, à l'exclusion de toute subvention en faveur des clients éligibles ;

- sont harmonisés dans les zones de desserte respectives des différents distributeurs et sont, en tout état de cause, uniformes sur le territoire de chacune des autorités organisatrices du service public de l'électricité et du gaz. La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 39) disposant que l'uniformité des tarifs de vente de gaz naturel aux clients non éligibles était applicable sur le territoire des autorités organisatrices du service public du gaz et pas sur celui des autorités organisatrices du service public de l'électricité.

Enfin, il est prévu que les différences de tarifs n'excédent pas les différences de coûts de raccordement des distributeurs au réseau de transport de gaz naturel.

Le premier alinéa du paragraphe III détermine les critères gouvernant la définition des tarifs d'utilisation des ouvrages de transport et de distribution et des installations de gaz naturel liquéfié. Il dispose que ces critères sont objectifs, publics et non discriminatoires et qu'ils tiennent compte des caractéristiques du service rendu et des coûts de celui-ci.

Le même alinéa précise que figurent parmi ces coûts :

- les dépenses d'exploitation,

- les dépenses de recherche et de développement nécessaires à la sécurité du réseau et à la maîtrise de la qualité du gaz injecté ou soutiré et

- la partie du coût des extensions de réseaux restant à la charge des distributeurs dans les conditions prévues par les cahiers des charges des concessions ou les règlements de service des régies.

Ce dernier élément a été ajouté à l'initiative du Sénat contre l'avis du Gouvernement.

Le second alinéa dispose que les opérateurs des infrastructures dont les tarifs d'utilisation sont réglementés sont tenus de publier, de tenir à la disposition des utilisateurs et de communiquer à la Commission de régulation de l'énergie les conditions commerciales générales d'utilisation de ces infrastructures.

La Commission a adopté un amendement de précision et un amendement rédactionnel du rapporteur (amendements nos 40 et 41) portant sur ce paragraphe.

Le paragraphe IV permet à des décrets en Conseil d'Etat de prévoir des dérogations aux tarifs d'utilisation des réseaux en raison de modalités particulières d'utilisation des ouvrages concernés ou de la nécessité d'investir dans de nouvelles infrastructures. Cette dernière possibilité permettra par exemple à un investisseur de rentabiliser pendant une période de temps limité l'ouvrage qu'il a financé avant que celui-ci ne devienne accessible à tous les utilisateurs dans les conditions de droit commun.

Ce paragraphe précise que ces dérogations sont accordées conjointement par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie.

La Commission a adopté un amendement de précision et un amendement rédactionnel du rapporteur (amendements nos 42 et 43) portant sur ce paragraphe.

Puis, la Commission a examiné un amendement du même auteur prévoyant que les dérogations aux tarifs d'utilisation des infrastructures sont accordées après avis de la Commission de régulation de l'énergie et en prenant en compte un plan indicatif pluriannuel.

M. François Brottes ayant regretté que cet amendement, en substituant un avis du régulateur à une proposition de celui-ci, affaiblisse le régulateur au profit des ministres, le rapporteur a rappelé que les dérogations pouvaient notamment être accordées afin d'encourager le développement d'infrastructures nouvelles qui aurait notamment pour effet de renforcer la sécurité d'approvisionnement et qu'il s'agissait donc d'une question de politique énergétique pour laquelle il convenait de préserver les prérogatives du Gouvernement.

Après que M. Pierre Ducout eût relevé que l'organisation du texte conduisait à évoquer de manière incidente un plan indicatif pluriannuel présenté à l'article 11, la Commission a adopté l'amendement du rapporteur (amendement n° 44).

Le rapporteur ayant souligné que ces dérogations pourraient être demandées pour permettre la mise en _uvre d'accords commerciaux conclus avec des partenaires étrangers et qu'il convenait donc que le processus de décision soit rapide, la Commission a ensuite adopté un amendement déposé par celui-ci et disposant que les dérogations sont considérées comme accordées à l'expiration d'un délai de deux mois en l'absence d'une notification au demandeur d'une décision (amendement n° 45).

M. Pierre Ducout a regretté que le dispositif retenu à l'article 5 privilégie exclusivement l'accès réglementé aux réseaux en estimant que des mécanismes d'accès négocié pouvaient se révéler plus protecteurs des services publics ; puis la Commission a adopté l'article 5 ainsi modifié.

Article 6

Dissociation comptable

Cet article organise la dissociation comptable des activités exercées par les entreprises gazières intégrées. Celle-ci est nécessaire pour connaître les charges supportées par les opérateurs exploitant les réseaux de transport et de distribution et fournissant les clients non éligibles au titre de ces activités et faire en sorte que les tarifs des prestations correspondantes ne leur permettent pas de subventionner leur activité concurrentielle de fourniture aux clients éligibles.

Le premier alinéa du paragraphe I impose ainsi aux distributeurs exerçant également des activités de transport et de stockage ou une autre activité en dehors du secteur du gaz naturel la tenue de comptabilités séparées au titre des activités de transport, de distribution et de stockage et, le cas échéant, des autres activités exercées en dehors du secteur du gaz naturel.

Le second alinéa dispose que les règles d'imputation, les périmètres comptables et les principes déterminant les relations financières entre les différentes activités sont proposés par les opérateurs concernés et approuvés par la Commission de régulation de l'énergie, après avis du Conseil de la concurrence. Il est également précisé que la Commission approuve dans les mêmes conditions toute modification de ces règles, périmètres et principes et qu'elle veille à ce qu'ils ne donnent lieu à aucune discrimination, subvention croisée ou distorsion de concurrence.

Le troisième alinéa dispose que les comptes séparés sont transmis annuellement à la Commission de régulation de l'énergie.

Le quatrième alinéa prévoit que les opérateurs qui ne sont pas tenus de publier leurs comptes annuels tiennent un exemplaire de ceux-ci à la disposition du public à leur siège social.

Le cinquième alinéa, ajouté à l'initiative du Sénat, prévoit que les entreprises intégrées font figurer dans leur comptabilité interne un bilan et un compte de résultat pour chacune de leurs activités, disposition en partie redondante avec celles du premier alinéa, et qu'elles indiquent, en annexe de leurs comptes, toute opération d'une certaine importance effectuée avec des entreprises liées, précision importante reprenant le point 5 de l'article 13 de la directive mais qui pourrait faire l'objet d'une rédaction plus explicite définissant la notion d'entreprises liées.

Le dernier alinéa dispose que les entreprises autres que celles mentionnées au premier alinéa qui exercent au moins deux activités dans le secteur du gaz naturel ou qui exercent au moins une activité dans le secteur du gaz naturel et une autre activité en dehors de ce secteur sont également tenues de présenter une comptabilité dissociée.

Le paragraphe II attribue aux ministres chargés de l'économie et de l'énergie et à la Commission de régulation de l'électricité un droit d'accès à la comptabilité des entreprises exerçant une activité dans le secteur du gaz naturel ainsi qu'aux informations économiques, financières et sociales nécessaires à l'exercice de leurs missions dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat.

Enfin, le paragraphe III dispose que les opérateurs tenus d'établir un bilan social et soumis aux obligations du présent article sont tenus d'établir un bilan social pour chacune des activités faisant l'objet d'une comptabilité séparée.

Après que M. Pierre Ducout eût souligné qu'il serait nécessaire d'attendre des précisions sur le contenu de l'accord politique intervenu au conseil des ministres européens de l'énergie le 25 novembre en ce qui concerne la séparation juridique des différentes activités pour être assuré qu'il n'aboutira pas au démantèlement des opérateurs historiques, la Commission a adopté un amendement du rapporteur portant rédaction globale de l'article 6 dans un souci de simplification et prévoyant une séparation comptable pour l'activité d'exploitation des installations de gaz naturel liquéfié (amendement n° 46).

Article 7

Echanges d'informations nécessaires au fonctionnement des réseaux gaziers

Cet article organise l'échange des informations nécessaires au fonctionnement des réseaux gaziers entre les opérateurs concernés.

Le premier alinéa prévoit ainsi que chaque opérateur fournit aux autres opérateurs les informations nécessaires au fonctionnement sûr et efficace du réseau interconnecté.

Le second alinéa dispose qu'au sein de chaque entreprise concernée, doit être mis en place un service chargé des relations avec les tiers pour l'utilisation des infrastructures et que des informations, dont la nature n'est pas évidente à la lecture, sont portées à la connaissance de la Commission de régulation de l'énergie. Il précise que ce service préserve la confidentialité des informations dont la communication serait de nature à porter atteinte à la libre concurrence qui sont déterminées par un décret en Conseil d'Etat.

Le troisième alinéa sanctionne de 15 000 euros d'amende la révélation de ces informations à une personne étrangère à ce service sauf dans les hypothèses prévues au trois derniers alinéas.

Le quatrième alinéa permet ainsi la communication des informations confidentielles nécessaires au bon fonctionnement des réseaux, des installations de gaz naturel liquéfié ou des stockages. Cette rédaction est perfectible puisque toutes les informations concernées par l'article rentrent, a priori, dans cette définition puisqu'elles sont échangées entre les opérateurs justement parce qu'elles sont nécessaires à un bon fonctionnement des réseaux conformément au premier alinéa. En conséquence, on pourrait interpréter cet alinéa d'une façon qui vide largement l'article de sa substance en excluant des sanctions la communication des informations dont il s'agit justement de protéger la confidentialité...

Le cinquième alinéa permet leur communication aux fonctionnaires et agents de l'Etat ou des collectivités territoriales et de leurs établissements publics conduisant une enquête ou procédant à un contrôle en application des dispositions de la présente loi, des dispositions de la loi du 10 février 2000 ou de celles relatives au contrôle des réseaux publics de distribution par les autorités concédantes, ces dernières dispositions ayant été ajoutées à l'initiative du Sénat.

Enfin, le dernier alinéa exonère de sanctions la communication à la Commission de régulation de l'énergie des documents mentionnés à l'article 5. Une lecture attentive de cet article n'a pas permis d'identifier clairement ces documents. L'article 5 n'évoque, en effet, que la communication au régulateur des conditions commerciales générales d'utilisation des réseaux et infrastructures de gaz naturel liquéfié qui sont, en outre, rendues publiques. Il ne peut donc s'agir d'informations entrant dans le champ du présent article dont, aux termes de ce dernier alinéa, seule la communication au régulateur ne serait pas sanctionnée.

La Commission a examiné un amendement du rapporteur portant rédaction globale de l'article 7 et visant à corriger certaines erreurs matérielles, à étendre l'obligation d'information aux fournisseurs qui seront les principaux utilisateurs des réseaux et qui doivent donc informer les opérateurs de ceux-ci de manière suffisante et à rendre responsables des éventuelles violations du secret les personnes morales, lorsque la violation est commise pour leur compte.

M. François Brottes ayant regretté que la rédaction proposée ne précise pas le rythme et le délai de communication des informations nécessaires à l'exploitation efficace des réseaux, le rapporteur lui a indiqué que cette communication devrait, en tout état de cause, intervenir avant l'exécution des opérations commerciales conclues.

Puis M. Pierre Micaux a rappelé qu'il avait déposé, sur cet article, l'amendement n° 1. Le rapporteur lui ayant précisé que la préoccupation poursuivie par cet amendement était prise en compte par son amendement de rédaction globale, M. Pierre Micaux a fait part de son intention de retirer l'amendement n° 1.

La Commission a ensuite adopté l'amendement du rapporteur portant rédaction globale de l'article 7 (amendement n° 47).

Article 8

Collecte d'informations

Cet article impose aux entreprises intervenant dans le secteur du gaz naturel de transmettre au ministre chargé de l'énergie des informations dont la liste est fixée par arrêté de celui-ci.

Il précise que la synthèse de ces données est communiquée au Parlement et peut faire l'objet d'une publication.

Enfin, il prévoit que les agents recueillant et exploitant ces données sont astreints au secret professionnel et qu'elles ne peuvent être divulguées lorsqu'elles sont protégées par un secret visé à l'article 6 de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978.

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur (amendements nos 48 et 49).

Puis, après que M. Pierre Ducout eût relevé avec satisfaction la communication au Parlement de la synthèse des données sur le marché du gaz naturel recueillies par le ministre chargé de l'énergie, la Commission a adopté l'article 8 ainsi modifié.

Article 8 bis

Elargissement du collège de la CRE

Cet article, qui trouve son origine dans un amendement sénatorial, porte de six à huit membres le collège de la Commission de régulation de l'énergie. Il prévoit que les deux membres supplémentaires sont nommés respectivement par le Président de l'Assemblée nationale et par le Président du Sénat.

La Commission comprend aujourd'hui six membres dont trois sont nommés par décret, et trois respectivement par le Président de l'Assemblée nationale, par le Président du Sénat et par le Président du Conseil économique et social.

Il convient de rappeler, par comparaison, la composition de quelques autorités administratives indépendantes collégiales. L'Autorité de régulation des télécommunications compte cinq membres, la Commission des opérations de bourse, dix, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, neuf, le Conseil de la concurrence et la Commission nationale de l'informatique et des libertés, dix sept.

Cet article adapte en outre, par coordination, avec l'augmentation du nombre de commissaires, les dispositions relatives au renouvellement de ceux-ci.

La Commission a adopté l'article 8 bis sans modification.

Article 8 ter

Abrogation des dispositions énumérant les prérogatives de la CRE

Cet article, ajouté par le Sénat, abroge l'article 36 de la loi du 10 février 2000 qui récapitulait les prérogatives de la Commission de régulation de l'énergie. Le Sénat a, en effet, jugé, en suivant l'analyse de M. Gérard Revol, qui fut le rapporteur de la loi du 10 février 2000 pour cette assemblée, que cet article n'avait pas de caractère normatif et qu'il pouvait être à l'origine de confusions.

La Commission a adopté l'article 8 ter sans modification.

Article 9

Extension au secteur du gaz naturel de la compétence de la CRE

Cet article étend au secteur du gaz naturel les compétences reconnues à la Commission de régulation de l'électricité dans le secteur de l'électricité par la loi du 10 février 2000.

Le paragraphe I de cet article modifie, en conséquence, la dénomination de la Commission. La rédaction initiale du projet de loi proposait la dénomination de Commission de régulation de l'électricité et du gaz à laquelle le Sénat a préféré celle de Commission de régulation de l'énergie.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur modifiant le I de cet article par coordination avec la mention de la Commission de régulation de l'électricité à l'article L. 311-4 du code de justice administrative (amendement n° 50).

Le paragraphe II du projet de loi, qui modifiait l'article 36 de la loi du 10 février 2000 pour préciser qu'il concernait le seul secteur de l'électricité, a été supprimé par le Sénat qui a estimé opportun de supprimer ledit article à l'article 8 ter du présent projet de loi.

Dans la rédaction initiale du projet de loi, le paragraphe III visait à ajouter deux articles à la loi du 10 février 2000 après son article 36.

Il s'agissait, en premier lieu, de créer, après l'article 36 récapitulant les prérogatives de la Commission de régulation de l'électricité, un article 36 bis procédant à la même opération pour les compétences dans le secteur du gaz naturel de la nouvelle Commission de régulation de l'énergie. Par coordination avec l'abrogation de l'article 36 de la loi du 10 février 2000, le Sénat a supprimé ces dispositions.

Cette abrogation présente des inconvénients en l'état du texte. Le premier, mineur, qui a déjà été évoqué à l'occasion du commentaire de l'article premier, est que cet article 36 bis prévoyait la communication au régulateur des contrats et protocoles liés à l'accès aux réseaux qui n'est pas mentionnée à l'article premier. La rédaction de l'article premier adoptée par votre Commission corrige cet oubli.

La seconde difficulté, plus lourde, résulte du fait que, si la loi du 10 février 2000 précise de manière claire les pouvoirs du régulateur en matière électrique au fil de ces articles, le projet de loi ne le fait que de manière incomplète en matière gazière. Des prérogatives essentielles du régulateur, notamment en matière d'enquête, de règlement des litiges et de sanctions, ne sont en effet étendues au secteur gazier que d'une manière très rapide.

Le paragraphe III visait également, en effet, à modifier la loi du 10 février 2000 pour créer, en son sein, un second article additionnel après l'article 36, numéroté initialement 36 ter. Cet article, devenu l'article 36 bis compte tenu de l'abrogation de celui qui portait cette numérotation dans la rédaction initiale du projet de loi, étend au secteur du gaz naturel et aux installations de gaz naturel liquéfié certaines des compétences reconnues à l'actuelle Commission de régulation de l'électricité dans le secteur électrique.

Sont concernés :

- le rôle consultatif de la Commission, défini à l'article 31 de la loi du 10 février 2000 ;

- les modalités de publicité des travaux et d'information de la Commission, définies à l'article 32 de la loi du 10 février 2000 ;

- les pouvoirs de collecte d'information et d'enquête de la Commission, définis à l'article 33 de la loi du 10 février 2000 ;

- les pouvoirs de perquisition et de saisine de pièces reconnus aux fonctionnaires et agents agissant pour le compte de la Commission par l'article 34 de la loi du 10 février 2000,

- les prérogatives de la Commission en matière de règlement des différends liés à l'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution, définies par l'article 38 de la loi du 10 février 2000 ;

- les règles régissant les relations entre la Commission et le Conseil de la concurrence, définies par l'article 39 de la loi du 10 février 2000 ;

- les pouvoirs de sanction de la Commission, définis par l'article 40 de la loi du 10 février 2000.

Le Sénat a également précisé que les pouvoirs d'enquête, reconnus par l'article 33 de la loi du 10 février 2000, aux fonctionnaires et agents habilités par le ministre chargé de l'énergie et aux agents de la Commission de régulation sont étendues à l'ensemble des entreprises relevant du secteur du gaz naturel et aux installations de gaz naturel liquéfié.

Cet article 36 ter présente l'avantage apparent d'une rédaction très ramassée. Elle n'est toutefois pas exempte de défauts. Cet article étend, par exemple, au secteur du gaz naturel les pouvoirs de sanction reconnus au régulateur par l'article 40 de la loi du 10 février 2000. Or, cet article permet la sanction des manquements constatés de la part des gestionnaires de réseaux publics de transport ou de distribution. La portée de cette notion de gestionnaire des réseaux publics de transport ou de distribution est claire en matière électrique. Elle est, en revanche, beaucoup plus incertaine en matière gazière. Il en résulte une incertitude juridique particulièrement fâcheuse s'agissant d'un régime de sanction compte tenu des risques de contentieux.

Il est vrai que la solution initiale du Gouvernement reposant sur un article 36 bis récapitulant les pouvoirs du régulateur en matière gazière ne permet pas de régler entièrement ce problème et présente l'inconvénient, souligné à juste titre par le Sénat, de répéter certaines dispositions à deux reprises. Votre rapporteur estime que la solution la plus opportune est donc de modifier chacun des articles de la loi du 10 février 2000 concerné, ce qui permet, en outre, de toiletter ce texte sur quelques points mineurs.

La Commission a donc examiné un amendement du rapporteur procédant à une nouvelle rédaction du III de cet article pour modifier les articles 31, 32, 33, 38, 39 et 40 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 afin d'étendre au secteur du gaz naturel les compétences de la Commission de régulation de l'énergie, de prévoir que cette Commission peut entendre toute personne dont l'audition lui paraît utile, disposition qui figure à l'article 20 quindecies du projet de loi, et d'abroger l'obligation pour le président de la CRE d'informer le Procureur de la République des faits susceptibles de recevoir une qualification pénale qui figurait au dernier alinéa de l'article 39 de la loi du 10 février 2000 et qui est redondante avec le droit commun de l'article 40 du code de procédure pénale.

Après que M. Pierre Ducout eût souligné que la taille et la complexité du dispositif proposé rendait difficile de se prononcer à son sujet en pleine connaissance de cause, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° 51).

Le paragraphe IV procède à des modifications de coordination de la loi du 10 février 2000. Il s'agit :

- au deuxième alinéa, de modifier le régime des incompatibilités applicables aux membres de la Commission de régulation pour ajouter aux entreprises dans lesquelles ils ne peuvent détenir d'intérêt les clients éligibles du secteur du gaz naturel. Cette disposition modifie le huitième alinéa de l'article 28 de la loi du 10 février 2000 qui fait, par ailleurs, l'objet d'une rédaction globale par l'article 20 quaterdecies ;

- au troisième alinéa, de préciser que le commissaire du Gouvernement auprès de la Commission de régulation, qui ne peut être simultanément commissaire du Gouvernement auprès d'Electricité de France, ne peut pas non plus l'être auprès de Gaz de France ;

- au dernier alinéa, de permettre au commissaire du Gouvernement auprès de la Commission de régulation de faire inscrire à l'ordre du jour de celle-ci toute question relative à la sécurité et à la sûreté des réseaux de transport et de distribution de gaz naturel ou des installations de gaz naturel liquéfié.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur apportant des modifications d'ordre rédactionnel au IV de cet article (amendement n° 52) puis l'article 9 ainsi modifié.

Article 10

Coordination avec les dispositions
du code général des collectivités territoriales

Cet article modifie diverses dispositions du code général des collectivités territoriales.

Le paragraphe I modifie ainsi l'intitulé de la section 6 du chapitre IV du titre II du livre II de la deuxième partie de ce code, relatif à la production et à la distribution d'électricité, pour y faire également référence au gaz.

Le paragraphe II insère, également par coordination, la référence au gaz dans l'article L. 2224-31 du code général des collectivités locales qui détermine le régime de concession des distributions d'électricité.

Le paragraphe III prévoit que les contrats de concession de distribution publique de gaz et les règlements de service des régies en vigueur à la date de publication des décrets prévus au II de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales seront, en tant que de besoin, mis en conformité avec les dispositions de ces décrets, dans un délai fixé, pour chaque décret, à deux ans à compter de sa date de publication.

Conformément à l'avis du rapporteur, la Commission a adopté les amendements nos 2 et 3 de MM. Jean Proriol et Pierre Micaux, le premier visant à coordonner les dispositions de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales avec l'extension des prérogatives de contrôle des personnels des autorités concédantes et le second à organiser l'habilitation et l'assermentation des fonctionnaires et agents réalisant ce contrôle et à les sanctionner en cas de diffusion des informations qu'ils acquièrent dans l'exercice de leurs fonctions.

La Commission a ensuite adopté un amendement de coordination du rapporteur (amendement n° 53) puis l'article 10 ainsi modifié.

TITRE III

LE SERVICE PUBLIC DU GAZ NATUREL

Article 11 A (nouveau)

Organisation du service public du gaz

Le service public du gaz naturel est organisé, chacun pour ce qui le concerne, par l'Etat et les communes ou leurs établissements publics de coopération.

Cet article, ajouté au texte initial à la suite d'un amendement sénatorial, a pour fonction de rappeler que les collectivités locales jouent un rôle essentiel dans la distribution publique du gaz naturel.

Sa rédaction est analogue à celle du dernier alinéa de l'article 1er de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 11

Obligations de service public

L'article 11 est divisé en deux paragraphes.

Le paragraphe I établit la liste des opérateurs soumis à des obligations de service public, la liste de ces obligations, renvoie à un décret le soin de fixer les règles selon lesquelles elles s'imposent, et précise les documents dans lesquels elles sont inscrites.

La première phrase de l'article 11 établit la liste des opérateurs soumis à des obligations de service public. Il s'agit en fait de l'ensemble des sociétés industrielles contribuant à l'approvisionnement en gaz naturel.

Un amendement d'initiative parlementaire, adopté par le Sénat, justifie les obligations de service public par la finalité de « l'intérêt économique général ». Cette précision s'inscrit directement en référence à l'article 86 (ancien article 90) du traité instituant la Communauté européenne, qui prévoit que les entreprises chargées de la gestion de services « d'intérêt économique général » sont soumises aux règles de la concurrence, « dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie ». Cette dernière formule permet de donner un fondement juridique aux « obligations de service public », dont l'imposition est par ailleurs explicitement rendue possible par l'article 3 de la directive 98/30/CE.

La deuxième phrase de l'article 11 établit la liste des obligations de service public pouvant être imposées aux entreprises oeuvrant à l'approvisionnement du gaz naturel.

La directive 908/30/CE en cite quatre en son article 3 :

- la sécurité, « y compris la sécurité d'approvisionnement » ;

- la « régularité », que le projet de loi a retraduit en « continuité de la fourniture du gaz » ;

- la qualité et le prix des fournitures ; la mention d'obligations de service public concernant le prix fait référence à des procédures de tarification ou à des restrictions dans les pratiques de discrimination ;

- la protection de l'environnement.

Le projet de loi dans sa version initiale a ajouté, par analogie avec les dispositions de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité :

- le développement équilibré du territoire ;

- la garantie du maintien temporaire d'une fourniture de gaz naturel aux personnes en situation de précarité.

Des amendements d'initiative parlementaire adoptés par le Sénat ont enrichi cette liste d'autres obligations, notamment :

- la « sûreté » des installations, sachant que le mot de « sûreté » s'utilise plutôt habituellement pour évoquer les questions de sécurité dans le domaine de l'industrie nucléaire ;

- la « fourniture de gaz en dernier recours », qui fait référence à un mécanisme par lequel, en cas de défaillance d'un fournisseur, un autre serait contraint d'assurer l'approvisionnement. De manière analogue, il est fait référence, à l'article 2, paragraphe III, 2° de la loi du 10 février 2000 précité, à une « fourniture d'électricité de secours », qui « vise exclusivement à pallier des défaillances imprévues de fournitures et n'a pas pour objet de compléter une offre de fourniture partielle » ;

- « l'efficacité énergétique », qui semble un concept dépassant par sa portée très générale le cas de la seule industrie gazière ;

- la « transparence des conditions commerciales aux clients finals », obligation présentée comme un moyen d'éviter que les clients non éligibles ne soient victimes, au travers d'un relèvement des tarifs, d'une subvention croisée au profit des gros consommateurs éligibles faisant jouer leur pouvoir de marché.

Afin de bien marquer que la responsabilité des entreprises gazières ne saurait être engagée pour des dysfonctionnements à l'intérieur des habitations des consommateurs finals, un amendement adopté au Sénat a précisé que la sécurité relative aux personnes ne pouvait faire l'objet d'une obligation de service public qu'en « amont du compteur ».

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n°54) visant à présenter d'une manière plus lisible le début de cet article, en introduisant des alinéas, de manière à mieux mettre en valeur, d'une part, la liste des entreprises concernées par les obligations de service public, d'autre part, la liste des obligations de service public elles-mêmes.

La liste complète des obligations de service public ne s'impose pas systématiquement à chaque entreprise gazière. En fait, les obligations qui s'imposent dépendent en particulier de la position de l'entreprise dans la chaîne gazière.

Le deuxième alinéa de l'article 11 renvoie donc à un décret la fixation des règles selon lesquelles telles conditions de fonctionnement contraignent au respect de telle obligation de service public. Ces règles prennent la forme de la définition de catégories d'opérateurs, dont certaines peuvent correspondre à l'une ou l'autre des catégories identifiées dans la première phrase de l'article 11.

Il est prévu que le décret fixe aussi les procédures permettant le contrôle du respect des obligations, sans autre précision.

Un amendement d'initiative parlementaire adopté par le Sénat a imposé que ce même décret organisât en outre une procédure de règlement des litiges entre les opérateurs et les consommateurs.

Le troisième alinéa de l'article 11 établit la liste des instruments juridiques, qui, selon le cas, portent mention des obligations de service public qui s'imposent.

Parmi ces instruments juridiques, figurent les cahiers des charges des concessions et les règlements des régies mentionnés au deuxième alinéa du II de l'article L.  2224-31 du code général des collectivités territoriales. Cet article L. 2224-31 a été inséré dans le code général des collectivités territoriales par la loi du 10 février 2000 précitée. Il organise le pouvoir des collectivités territoriales s'agissant de la mise en place de concessions de distribution d'électricité. Il est modifié par l'article 10 du présent projet de loi afin d'étendre sa portée à la distribution du gaz. Le deuxième alinéa de son paragraphe II indique que des décrets en Conseil d'Etat prescrivent notamment les « procédures et prescriptions particulières applicables aux cahiers des charges des concessions et aux règlements de service des régies ».

Les alinéas 4 et 5 du paragraphe I de l'article 11 abordent la question de la sécurité des installations intérieures de gaz en deçà du compteur.

Les deux alinéas résultent d'amendements adoptés par le Sénat, le premier d'initiative parlementaire, le second d'initiative gouvernementale.

Le quatrième alinéa, relatif à des conventions entre les bailleurs publics et privés et les opérateurs de distribution, décrit un dispositif dont Gaz de France a déjà pris l'initiative, pour des immeubles ou des ensemble d'immeubles comportant un très grand nombre des logements. Le coût des interventions de contrôle se trouve ainsi abaissé par un effet d'économie d'échelle.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n°55) visant à préciser la rédaction de ce quatrième alinéa, et à en cibler le dispositif sur les ensembles locatifs comportant plus de 100 logements sociaux, seuil au delà duquel le coût unitaire des diagnostics est fortement réduit.

Le cinquième alinéa se réfère aux dispositions introduites par la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion dans le code de l'action sociale et de la famille. L'article L. 115-3 a créé le principe du droit à une aide pour le maintien de la fourniture d'énergie. L'article L. 261-4 prévoit diverses conventions pour le financement de ces actions, l'une entre l'Etat et Gaz de France au niveau national, et les autres, facultatives, entre le représentant de l'Etat, Gaz de France, et les collectivités territoriales qui l'ont souhaité, au niveau de chaque département. La rédaction du cinquième alinéa vise à rendre possible, dans le cadre des conventions départementales, la prise en charge des actions de diagnostic effectuées au profit des personnes concernées, en plus de la prise en charge de leurs factures de consommation d'énergie.

Le paragraphe II, qui donne des pouvoirs exceptionnels au ministre chargé de l'énergie en cas de menace pour la sécurité d'approvisionnement du pays en gaz naturel, transpose au domaine du gaz naturel une disposition analogue prévue pour l'électricité au paragraphe III de l'article 6 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

La Commission a adopté un amendement de M. Patrick Ollier, président, et du rapporteur, (amendement n°56) donnant mission au ministre chargé de l'énergie d'arrêter chaque année un plan indicatif pluriannuel assurant une visibilité à moyen terme sur, d'une part, l'évolution de la demande nationale d'approvisionnement en gaz, et d'autre part, les grands projets d'infrastructures des opérateurs gaziers, afin de mettre éventuellement en évidence des besoins d'investissements complémentaires.

La Commission a ensuite adopté l'article 11 ainsi modifié.

Article 11 bis (nouveau)

Observatoires régionaux du service public

L'article 11 bis (nouveau) résulte d'un amendement de la Commission des affaires économiques du Sénat.

Il étend au gaz les compétences des observatoires régionaux du service public de l'électricité créés par l'article 3 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée, et adapte en conséquence le texte de cet article.

Ces observatoires sont chargés d'examiner les conditions de mise en oeuvre du service public et de transmettre leurs avis et remarques au préfet de région, au conseil régional et au Conseil supérieur de l'électricité et du gaz.

Dans le domaine du gaz, ils sont susceptibles en particulier d'apporter une utile contribution dans le suivi de l'évolution des tarifs.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 11 ter (nouveau)

Observatoire national du service public

L'article 11 ter (nouveau) résulte d'un amendement adopté par le Sénat d'initiative parlementaire.

Il étend au gaz les compétences de l'observatoire national du service public de l'électricité créé par l'article 3 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée, et adapte en conséquence le texte de cet article.

La Commission a adopté deux amendements de coordination du rapporteur (amendements n°57 et n°58), puis a adopté l'article 11 ter ainsi modifié.

Article 11 quater (nouveau)

Observatoire de la diversification

L'article 11 quater (nouveau) résulte d'un amendement de la Commission des affaires économiques du Sénat.

Il étend à Gaz de France les compétences de l'observatoire de la diversification des activités d'Electricité de France créés par l'article 44 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée.

Cet observatoire a été créé, à la fin des années 1980, pour faire le point sur la diversification des activités d'EDF et de GDF. L'article 44 de la loi n° 2000-108, du 10 février 2000 a donné un fondement législatif à cet organisme, en restreignant alors sa portée à la diversification des activités d'Electricité de France.

Il se réunit au moins deux fois par an, émet un avis motivé sur toute question relative à la diversification des activités d'Electricité de France « destinées aux clients finals éligibles et non éligibles ». Il peut, à tout moment, être saisi par le ministre chargé de l'énergie de demandes d'avis ou d'études sur ces mêmes questions.

Son secrétariat est tenu par la direction générale de l'énergie et des matières premières du ministère de l'Industrie.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n°59) tendant à regrouper, dans le cadre de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, l'ensemble des dispositions relatives à l'observatoire de la diversification des activités d'EDF et de GDF, puis a adopté l'article 11 quater ainsi modifié.

Monsieur Pierre Ducout, s'exprimant sur l'ensemble du titre III relatif au service public du gaz naturel, a tenu à marquer l'opposition du groupe socialiste à l'encontre de l'insuffisance des mesures en faveur du service public contenues dans ce projet de loi, qui ne prévoyait pas en particulier les conditions, financières notamment, de la modernisation des moyens industriels du secteur.

TITRE IV

LE TRANSPORT ET LA DISTRIBUTION DE GAZ NATUREL

Article 12

Rôle des opérateurs de transport ou de distribution

Le 1er alinéa de cet article précise, en pleine cohérence avec l'institution du droit d'accès défini à l'article 4 du projet de loi, que les opérateurs de transport et de distribution ont un rôle de prestataires auprès des fournisseurs, qui consiste à livrer les molécules à une certaine destination au travers de leurs canalisations. Le client passe un contrat d'approvisionnement avec le fournisseur, et le fournisseur, pour assurer la livraison du gaz, passe contrat avec un ou plusieurs opérateurs de transport.

Il se peut que le fournisseur et le transporteur soient la même personne morale, notamment dans le cas d'un distributeur assurant l'approvisionnement d'un client final non éligible, mais les deux rôles de fournisseur et de transporteur sont désormais économiquement, sinon toujours juridiquement, dissociés du fait du droit d'accès des tiers à tout ouvrage de transport.

L'opérateur doit donc mettre en _uvre les « programmes de mouvement de gaz » en tenant compte non seulement de ses propres fournitures, mais aussi de toutes celles qui résultent de l'utilisation par des tiers fournisseurs de l'accès désormais ouvert à son ouvrage de transport.

Le deuxième alinéa de l'article 12 du projet de loi situe la responsabilité technique de l'opérateur de transport à trois niveaux :

- la sécurité « à tout instant » de son ouvrage ;

- son bon fonctionnement intrinsèque, grâce à « l'équilibre des flux de gaz », et la mise en _uvre « des services et des réserves nécessaires » ;

- sa correcte interconnexion avec les autres opérateurs de transport.

Par ailleurs, il a une fonction de « comptage », qui prend une dimension nouvelle dans un contexte où l'ouvrage de transport, du fait du principe de l'accès ouvert aux tiers fournisseurs, est amené à véhiculer différentes livraisons simultanées de gaz.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n°60) imposant aux opérateurs gaziers de fournir au ministre chargé de l'énergie des informations sur leurs projets d'investissement sur le réseau, afin de faciliter l'élaboration du plan indicatif pluriannuel prévu à l'article 11, puis a adopté l'article 12 ainsi modifié.

Article 13

Prescriptions techniques de sécurité

Le paragraphe I de l'article 13 renvoie à un décret la définition plus précise des règles techniques qui s'imposent aux opérateurs de transport, que celles-ci concernent :

- la conception et l'utilisation des canalisations ;

- les interconnexions avec d'autres canalisations ;

- les raccordements avec les consommateurs finals.

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur (amendements n° 61 et 62) visant respectivement à supprimer la référence inutile à la loi du 15 février 1941, et à introduire une précision relative à la prise en compte du besoin de prescriptions techniques pour le raccordement des réseaux de distribution, et pour les matériels de comptage.

Le paragraphe II, ajouté par amendement d'initiative gouvernementale au texte initial du projet de loi, définit les modalités de recours aux analyses, expertises ou contrôles, qui sont nécessaires à l'occasion de la construction ou de la mise en exploitation d'une canalisation. Ces modalités sont précisées par un décret.

Deux cas de figure sont principalement envisagés :

- la création, par une commune ou un groupement de communes, d'une distribution publique de gaz, sur la base de l'article 50 de la loi du 2 juillet 1998 ;

- la mise en place d'un nouvel ouvrage de transport, qui suppose une procédure préalable d'autorisation prévue au V de l'article 81 de la loi de finances rectificative pour 2001.

Les expertises en question portent surtout sur les risques potentiels pour la sécurité et l'environnement.

Deux règles sont fixées :

- le recours facultatif à des organismes de contrôle habilités ; les missions de ces organismes, et les conditions dans lesquelles ils peuvent obtenir une habilitation sont fixées par le décret prévu à la fin du paragraphe ;

- la prise en charge, à l'instar du dispositif prévu par l'article L.514-8 du code de l'environnement, est assurée par l'opérateur industriel qui va exploiter la canalisation.

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur. Le premier (amendement n° 63) précisait les autorités pouvant avoir l'initiative de ces analyses, expertises ou contrôles, ainsi que leur objet, c'est à dire les études de sécurité et de protection de l'environnement. Le second (amendement n° 64) visait à coordonner la rédaction du deuxième alinéa du paragraphe II avec la codification opérée à l'article 14.

Le paragraphe III, introduit par le Sénat, porte sur les précautions imposées aux riverains. Il rappelle implicitement que la sécurité ne relève pas seulement du domaine technique, mais peut être aussi mise en cause du fait d'agissements humains inconsidérés, le cas pris ici en considération étant celui des propriétaires des terrains traversés par une canalisation.

Ceux-ci se voient imposés ce qu'on pourrait appeler des servitudes de « précautions » quant à tout acte pouvant avoir un impact sur la canalisation.

L'article 12 de la loi du 15 juin 1906, et l'article 35 de la loi du 8 avril 1946 auxquels il est fait référence fixent les servitudes s'appliquant aux terrains utilisés par les ouvrages de transport. L'article 81 de la loi n° 2001-1276 du 28 décembre 2001 portant loi de finances rectificative pour 2001 a étendu ces servitudes au cas nouveau, créé par cette même loi, de l'exploitation des canalisations dans un cadre d'autorisation.

L'article 12 de la loi du 15 juin 1906 formalise en partie les servitudes de « précautions », en précisant :

« Le propriétaire devra, un mois avant d'entreprendre les travaux de démolition, réparation, surélévation, clôture ou bâtiment, prévenir le concessionnaire ou titulaire d'une autorisation de transport de gaz naturel par lettre recommandée adressée au domicile élu par ledit concessionnaire ou titulaire d'une autorisation de transport de gaz naturel ».

L'article 18 de la loi du 15 juin 1906 confie à des « règlements d'administration publique » le soin de déterminer un certain nombre de règles, notamment celles relatives « à la police et à la sécurité de l'exploitation des distributions d'énergie ».

Parmi les « textes pris en application des articles 12 et 18 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie et de l'article 35 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 » figurent notamment le décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991 relatif à l'exécution de travaux de proximité de certains ouvrages souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution. Celui-ci prévoit des mesures à prendre préalablement à l'exécution de travaux, qui passent par une demande de renseignements à la mairie sur les zones d'implantation des ouvrages, et une déclaration d'intention de commencement de travaux adressée à l'exploitant.

L'article 13 comporte enfin un paragraphe IV qui traite des pouvoirs de contrôle des DRIRE sur les exploitants.

Cet ajout du Gouvernement lors de la discussion du projet de loi au Sénat reprend, en l'adaptant, le texte du paragraphe VII de l'article 11 de la loi de finances pour 1958 (loi n°58-336 du 29 mars 1958), qui se rapportait aux canalisations de transport d'hydrocarbures liquides ou liquéfiés.

Ce texte avait lui-même été introduit dans la loi n°58-336 par l'article 51 de la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 relative à l'organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l'incendie, et à la prévention des risques majeurs.

L'expression « agent public désigné à cet effet » désigne des agents spécialisés au sein des directions régionales de l'industrie, de la recherche, et de l'environnement.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 65) supprimant les paragraphes III et IV, portant sur des sujets différents, afin de les réintroduire en articles séparés, puis a adopté l'article 13 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 13

Précautions imposées aux riverains

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 66) portant article additionnel après l'article 13 reprenant les dispositions du paragraphe III de l'article 13.

Article additionnel après l'article 13

Pouvoir de contrôle de DRIRE

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 67) portant article additionnel après l'article 13 rétablissant les dispositions du paragraphe IV de l'article 13.

Article 13 bis (nouveau)

Changement d'opérateur

Cet article entre dans le cadre du nouveau régime de création et d'exploitation des canalisations de gaz, organisé par l'article 81 de la loi de finances rectificative pour 2001.

Il couvre le cas où un changement d'opérateur interviendrait, à la suite, par exemple, d'une prise de contrôle de la société antérieurement propriétaire de la canalisation. Il précise que l'autorisation ne peut être transférée que par décision du ministre chargé de l'énergie.

La Commission a adopté l'article 13 bis sans modification.

Article 14

Extension de la desserte du gaz

Un « plan national de desserte » a été mis en place par l'article 50 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier. Ce dispositif a prévu l'obligation pour Gaz de France d'engager des travaux dans un délai de trois ans pour les communes le souhaitant, lorsque « la desserte donne lieu à des investissements pour lesquels la rentabilité est au moins égale à un taux fixé par ... décret ». Le décret n° 99-278 du 12 avril 1999 a établi que ce taux devait être « au moins égal à zéro », c'est-à-dire que les « recettes actualisées » devaient être au moins égales aux « dépenses actualisées ».

Le « plan national de desserte » concerne 1 169 communes ayant demandé leur inscription, plus 400 communes inscrites d'office parce qu'elles remplissaient les conditions fixées par les circulaires préexistantes. Il permet de couvrir la totalité des sites permettant d'assurer une fourniture sans perte.

Le champ de la desserte s'étend même potentiellement au-delà, car le sixième alinéa de l'article 50 de la même loi autorise toute commune ne figurant pas dans le « plan national de desserte » à concéder sa distribution de gaz, voire à la gérer en régie.

L'article 14 du projet de loi, en reprenant le texte de ce sixième alinéa de l'article 50, permet de faire disparaître l'obligation que la société de gestion soit détenue à hauteur d'au moins 30 % du capital par une personne publique, obligation qui avait été prévue par l'article 8 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946.

Cette obligation avait déjà été supprimée pour la distribution de « gaz combustibles hors réseau de transport », c'est-à-dire pour le propane en particulier, par l'article 4 de la loi dite « MURCEF » (loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier).

La version modifiée de l'article 50 de la loi du 2 juillet 1998 est inscrite dans le code général des collectivités territoriales. L'article L. 2224-31 de ce code a été créé par l'article 17 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité. Des modifications de coordination de cet article L. 2224-31 ont été effectuées par le paragraphe II de l'article 10 du présent projet de loi.

Tel quel, l'article 14 du présent projet de loi modifie la législation tout en laissant inchangé le texte du sixième alinéa de l'article 50 de la loi du 2 juillet 1998.

La Commission a en conséquence adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 68) supprimant, pour des raisons de coordination, le sixième alinéa de l'article 50 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998, puis a adopté l'article 14 ainsi modifié.

Article 14 bis (nouveau)

Transformation d'oléoducs en gazoducs

Le transport par canalisations connaît depuis ces dernières années des transformations importantes en raison des restructurations du secteur du raffinage et du développement des approvisionnements en gaz. La répartition régionale des transports s'en trouve modifiée, entraînant parfois l'arrêt d'exploitation de canalisations enterrées faute d'une activité suffisante. Ainsi un oléoduc qui reliait Fos-sur-Mer à Strasbourg a été désactivé suite à la fermeture d'un certain nombre de raffineries en Lorraine.

De telles opérations de reconversion ont déjà eu lieu, en 1983 en Allemagne, par exemple, sur un oléoduc reliant Aachen à Emden.

La réutilisation de conduites existantes permet d'éviter les nuisances en matière d'environnement et de sécurité liées à la réalisation d'un nouveau tracé.

Cet article vise à simplifier la procédure de reconversion des oléoducs en gazoducs. Pour ce faire, un paragraphe VIII est rajouté à la loi de finances n  58-336 du 29 mars 1958, qui a fixé le régime juridique du transport d'hydrocarbures liquides ou liquéfiés.

Avant la directive 98/30/CE du 22 juin 1998, la réaffectation d'un oléoduc n'aurait pu se faire que par vente de celui-ci à Gaz de France. Ce cas s'est effectivement présenté pour une canalisation dans l'Est de la France. L'ancien exploitant a effectivement renoncé à son titre d'exploitation, et Gaz de France a « racheté » la canalisation et demandé un avenant à concession et une déclaration d'utilité publique. L'opération aurait pu très bien être conduite par Gaz du Sud-Ouest pour une canalisation qui se serait trouvée dans sa zone.

La procédure administrative normale en la circonstance se traduirait :

- d'abord, par une « renonciation » à l'exploitation de la totalité de l'ouvrage, selon les modalités prévues par l'article 44 du décret du 16 mai 1959, pris en application de l'article 11 de la loi n° 58-336. Cette «renonciation ne devient définitive qu'après avoir été acceptée par le ministre chargé des carburants » ;

- ensuite, par l'obtention d'une autorisation d'exploitation de la canalisation, conformément aux dispositions du paragraphe V de l'article 81 de la loi n° 2001-1276 du 28 décembre 2001 portant loi de finances rectificative pour 2001. Ce paragraphe concerne « la construction et l'exploitation des canalisations de transport de gaz naturel ». Il indique que l'autorisation est délivrée « après enquête publique par l'autorité administrative compétente». Il renvoie pour son application à un décret en Conseil d'Etat qui n'a pas été pris pour l'instant ;

- enfin, pour bénéficier, sur les terrains traversés par la canalisation, des servitudes imposées aux propriétaires par l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 (pose de canalisations souterraines) et par l'article 35 de la loi du 8 avril 1946 (ancrage, appui, passage, abattage d'arbres, aqueduc, submersion, occupation temporaire), le titulaire doit obtenir une déclaration d'utilité publique, qui est accordée par un décret en Conseil d'Etat.

L'article 14 (nouveau) fait en sorte qu'il ne soit pas nécessaire de renouveler la procédure de déclaration d'utilité publique pour les ouvrages concernés.

Il prévoit une opération en deux étapes seulement, puisqu'une fois la « renonciation » entérinée par le « ministre chargé des carburants », le changement d'affectation dépend d'une « autorisation après enquête publique », autorisation qui « vaut déclaration d'utilité publique ». Cette autorisation est accordée, conformément au décret du 16 mai 1959 pris en application de l'article 11 de la loi de finances n° 58-336 du 29 mars 1958, par un décret pris sur avis conforme du Conseil d'Etat.

La mise en conformité des installations à la réglementation gazière peut conduire à des travaux d'adaptation ponctuelle du tracé, par exemple pour contourner des stations de pompage, ou à des remplacements de tubes ou de vannes.

Dans la rédaction retenue, les servitudes que l'autorisation confère au bénéficiaire de l'autorisation se limitent à celles prévues par l'article 35 de la loi du 8 avril 1946.

La Commission a adopté l'article 14 bis (nouveau) sans modification.

TITRE V

LE STOCKAGE SOUTERRAIN

Le cinquième titre du projet de loi unifie le régime juridique des stockages souterrains de gaz, d'hydrocarbures liquides ou liquéfiés et de produits chimiques de base à destination industrielle. Il le codifie, en adaptant en conséquence le code minier.

Ce projet d'unification et de codification des textes relatifs au stockage est ancien, puisqu'il date de 1998. Il faisait partie d'un ensemble plus vaste de refonte du code minier. A l'époque, seule une partie du texte préparé par la direction générale de l'énergie et des matières premières avait été présentée au Parlement, puis intégrée dans la législation au travers de la loi n° 99-245 du 30 mars 1999 relative à la responsabilité en matière de dommages consécutifs à l'exploitation minière et à la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation (loi dite « après mine »).

La partie restante du projet initial de refonte du code minier avait déjà fait l'objet d'un titre V, intitulé de même « Le stockage souterrain », dans le projet de loi du 17 mai 2000 relatif à la modernisation du service public du gaz.

Les trois types de stockages souterrains concernés sont respectivement régis par :

- l'ordonnance n° 58-1132 du 25 novembre 1958, relative au stockage souterrain de gaz ;

- l'ordonnance n° 58-1332 du 23 décembre 1958, relative au stockage souterrain d'hydrocarbures liquides ou liquéfiés ;

- la loi n° 70-1324 du 31 décembre 1970, relative au stockage souterrain des produits chimiques de base à destination industrielle.

Quoiqu'ayant des finalités très similaires, ces trois textes prévoient des modalités différentes pour les procédures à suivre et les consultations à mener. La première fonction du titre V est donc d'établir un unique texte législatif pour l'ensemble des stockages souterrains.

Cependant les stockages souterrains présentent aussi de nombreuses similitudes avec les mines :

- dans les deux cas, l'exploitation est conditionnée par une bonne intégration dans l'environnement géologique ;

- les sites de stockages comme les gisements de mines constituent des ressources rares, dont la gestion relève de la collectivité nationale ;

- les compétences techniques mobilisées sont de même nature dans les deux domaines ;

- enfin, un même cadre géologique est tout à fait susceptible de permettre la coexistence, ou la succession des deux utilisations : une campagne de sondages accroît certainement son efficacité en se donnant comme double objectif de trouver de l'hydrocarbure ou des cavités de stockage ; et une mine désaffectée peut parfois se révéler appropriée pour effectuer certains stockages.

C'est pourquoi il a paru judicieux d'introduire les dispositions unifiées sur le stockage dans le code minier.

Article 15

Régime des stockages souterrains

L'article 15 introduit le régime des stockages souterrains dans le code minier.

Article 3-1 du code minier

Définition des stockages souterrains

Le paragraphe I définit l'activité de stockage, et la soumet aux prescriptions du code minier, et particulièrement, à celle de son nouveau titre V bis, créé par le paragraphe III de l'article 15.

Un amendement d'initiative gouvernementale adopté par le Sénat a substitué à la mention très générale de « l'utilisation » des cavités, une liste de tous les aspects possibles de l'activité de stockage, à savoir : « la création, les essais, l'aménagement et l'exploitation » des cavités. Cette liste est cohérente avec la rédaction de l'article 104 du code minier proposée au paragraphe III de l'article 15.

Article 4 du code minier

Définition des carrières

Par coordination avec les dispositions du paragraphe précédent, le paragraphe II de l'article 15 exclut les stockages gaziers du régime des carrières.

Création du titre V bis du code minier

Le paragraphe III de l'article 15 crée un titre V bis du code minier comprenant les neufs articles suivants.

Article 104 du code minier

Assimilation des stockages aux mines

La rédaction retenue pour l'article 104 du code minier vise à créer le nouveau régime juridique des stockages, pour l'octroi d'une concession, la fixation d'un périmètre, l'autorisation des travaux de recherche, ou l'autorisation des travaux d'exploitation, via une simple « assimilation » au régime juridique des mines. Cette « assimilation » s'appuie sur une translation de vocabulaire, portant sur quatre concepts clés (« concession », « périmètre », « recherche », « exploitation »), qui permet d'éviter une nouvelle rédaction complète des articles visés du code minier.

Article 104-1 du code minier

Régime de recherche des stockages souterrains

L'article 104-1 du code minier précise le régime de recherche des stockages souterrains, en prévoyant le cas où un titre minier est déjà attribué sur le périmètre où la recherche est envisagée.

Le régime de recherche des stockages souterrains est assimilé, selon le principe fixé à l'article 104, au régime général des recherches de mines qui résulte des articles 7 à 9 et 10, premier alinéa du code minier.

Il prévoit notamment que :

- les travaux de recherche de mine (de stockage souterrain, donc, par assimilation) ne peuvent être entrepris que par le propriétaire de la surface ou avec son consentement, ou encore, à défaut de ce consentement, après autorisation du ministre chargé des mines, ou enfin en vertu d'un permis exclusif de recherches (article 7) ;

- l'explorateur non bénéficiaire d'un permis exclusif de recherche ne peut disposer des produits extraits que s'il y est autorisé par arrêté préfectoral, sauf s'il s'agit de recherches d'hydrocarbures liquides ou gazeux (article 8) ;

- le permis exclusif de recherches est accordé après mise en concurrence (article 9) ; ce permis « confère à son titulaire l'exclusivité du droit d'effectuer tous travaux de recherches dans le périmètre dudit permis et de disposer librement des produits extraits à l'occasion des recherches et des essais qu'elles peuvent comporter ».

- la validité d'un titre de recherche peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour une durée de cinq ans au plus (article 10). L'article 104-1 ajoute que la prolongation du permis exclusif est de droit, dès lors que son titulaire a satisfait à ses obligations ;

Lorsqu'un titre minier a déjà été attribué sur le périmètre envisagé pour la recherche de stockage souterrain, l'article 104-1 fixe la règle générale selon laquelle les recherches peuvent être entreprises par un tiers, sous réserve de l'accord du détenteur du titre minier ; une procédure d'arbitrage est prévue en cas de différend.

Cependant, dans deux cas exceptionnels, lorsque ce titre s'applique déjà à un stockage, ou s'il concerne une mine d'hydrocarbures liquides ou gazeux, seul le titulaire peut effectuer des recherches sans avoir à demander un permis exclusif de stockage souterrain.

Article 104-2 du code minier

Régime d'octroi des concessions de stockage souterrain

L'article 104-2 du code minier fixe le régime d'octroi des concessions de stockage souterrain. Celui-ci se caractérise par un principe général de mise en concurrence, qui supporte une exception précisément définie.

L'article 25 du code minier, auquel la rédaction proposée de l'article 104-2 fait référence par « assimilation », prévoit que les concessions de mine (de stockage, par « assimilation ») sont accordées par décret en Conseil d'Etat, après enquête publique et mise en concurrence. Il précise que les concessions sont accordées après avis du Conseil général des mines et, le cas échéant, du Conseil supérieur d'hygiène publique. L'article 26 du même code dispose que pendant la durée de validité d'un permis exclusif de recherches, son titulaire peut, seul, obtenir une concession portant sur des substances mentionnées par ce titre. Enfin, la durée des concessions de mine (de stockage, par « assimilation »), qui sont renouvelables, ne peut excéder cinquante ans (article 29-I). La durée de chacune des prolongations ne pouvant excéder vingt-cinq ans (article 29-II).

Le premier alinéa de la rédaction proposée de l'article 104-2 du code minier prévoit une exception au principe de mise en concurrence pour le titulaire d'une concession antérieure de stockage souterrain ou d'une concession de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux, lorsqu'il s'agit d'étendre la concession à d'autres formations géologiques à l'intérieur du même périmètre.

La rédaction proposée de l'article 104-2 du code minier règle enfin le cas où une substance de mine se trouve devoir être extraite dans le cadre de travaux d'aménagement d'un stockage.

Le titulaire de la concession de stockage est alors dispensé de l'obtention préalable d'une autorisation. Mais si la substance de mine en question a fait l'objet d'un titre minier au bénéfice d'un autre exploitant, alors il faut qu'un accord amiable soit conclu avec celui-ci, faute de quoi, les droits et obligations respectifs sont ceux définis par le décret attribuant la concession de stockage souterrain.

Article 104-3 du code minier 

Régime des servitudes attachées aux terrains inclus dans le périmètre d'une concession de stockage

L'article 104-3 du code minier établit le régime des servitudes attachées aux terrains inclus dans le périmètre d'une concession de stockage.

Le paragraphe I décrit les obligations préalables imposées aux travaux intervenant à l'intérieur d'un « périmètre de protection ».

Le paragraphe II prévoit qu'autour des ouvrages nécessaires à l'exploitation d'un stockage souterrain, des servitudes d'utilité publique « sont » instituées (un amendement adopté par le Sénat a donné à cela un caractère obligatoire) dans les conditions prévues par le code de l'environnement, en renvoyant à des articles de celui-ci (articles L. 515-8 à L. 515-11), qui figurent au Livre V, intitulé « Prévention des pollutions, des risques et des nuisances » :

L'article L. 515-8 établit la liste des servitudes applicables aux installations « susceptibles de créer, par danger d'explosion ou d'émanation de produits nocifs, des risques très importants pour la santé ou la sécurité des populations voisines » :

- la limitation ou l'interdiction du droit d'implanter des constructions ou des ouvrages et d'aménager des terrains de camping ou de stationnement de caravanes ;

- la subordination des autorisations de construire au respect de prescriptions techniques tendant à limiter le danger d'exposition aux explosions ou concernant l'isolation des bâtiments au regard des émanations toxiques ;

- la limitation des effectifs employés dans les installations industrielles et commerciales qui seraient créées ultérieurement.

Il est précisé que ces servitudes « tiennent compte de la nature et de l'intensité des risques encourus et peuvent, dans un même périmètre, s'appliquer de façon modulée suivant les zones concernées ».

L'article L. 515-9 établit que ces servitudes sont instituées à la requête du demandeur de l'autorisation, du maire de la commune d'implantation, ou à l'initiative du préfet, et que le projet définissant les servitudes envisagées et leur périmètre d'application est soumis à enquête publique, et à l'avis des conseils municipaux des communes sur lesquelles s'étend ce périmètre.

Les articles L. 515-10 et 11 prévoient que les servitudes sont annexées au plan d'occupation des sols de la commune, et qu'elles ouvrent droit à une indemnité au profit des propriétaires, lorsqu'elles entraînent un préjudice direct, matériel et certain.

Le paragraphe III fait référence à des servitudes instituées en application de l'article L. 421-8 du code de l'urbanisme : celles-ci permettent de soumettre l'exécution de travaux à des règles particulières rendues nécessaires par l'existence d'installations classées ou de stockage souterrain de gaz, d'hydrocarbures liquides ou liquéfiés ou de produits chimiques de base à destination industrielle.

La rédaction proposée de l'article 104-3 du code minier oblige à mentionner explicitement, dans les actes de vente de biens fonciers et immobiliers, toutes les servitudes qui s'appliquent.

Article 104-4 du code minier

Versement d'une redevance annuelle à l'Etat

Cet article prévoit que « les titulaires des concessions de stockage sont assujettis au versement d'une redevance annuelle à l'Etat. »

Article 104-5 du code minier

Régime des relations avec les propriétaires de la surface

La rédaction proposée de l'article 104-5 du code minier rend applicables au cas des stockages souterrains, toujours par « assimilation » selon le principe de l'article 104, le chapitre 1er du titre IV du premier livre du code minier, qui concerne les relations des explorateurs et exploitants de mines entre eux ou avec les propriétaires de la surface aux explorateurs et aux exploitants de stockages souterrains.

Ces articles prévoient notamment que :

- sur les terrains attenants aux habitations, et dans les enclos murés, cours et jardins, le titulaire de la concession n'est pas autorisé à faire des sondages, ouvrir des puits ou galeries, établir des machines, ateliers ou magasins, sans le consentement du propriétaire de la surface (articles 69, 70 et 71) ;

- les arrêtés préfectoraux donnant droit à l'occupation des terrains par le titulaire de la concession ne peuvent être pris qu'après que les propriétaires du périmètre concerné aient été mis à même de présenter leurs observations (article 71-1) ;

- les servitudes d'occupation et de passage imposées par les arrêtés préfectoraux (câbles, canalisations, pylônes, mâts) ouvrent, au profit du propriétaire du sol, un droit à être indemnisé sur la base du préjudice subi (article 72) ;

si l'intérêt général l'exige, l'expropriation des immeubles nécessaires aux travaux et installations d'exploitation peut être poursuivie tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du périmètre de la concession, moyennant déclaration d'utilité publique (article 73) ;

- la réalisation par l'exploitant de travaux sous des maisons ou lieux d'habitation, sous d'autres exploitations ou dans leur voisinage, donne lieu à la constitution préalable d'une caution pour « payer toute indemnité en cas de dommage » (article 74) ;

- les dommages occasionnés, du fait du déclenchement d'écoulements d'eau, par les travaux d'exploitation d'une concession à l'exploitation d'une autre concession, donnent lieu à indemnisation (article 75) ;

- le vendeur d'un terrain sur le tréfonds duquel une mine a été exploitée est tenu d'en informer par écrit l'acheteur  (article 75-2) ;

l'Etat assure dans les meilleurs délais l'indemnisation des dommages, non couverts par une autre contribution, et qui ont pour cause déterminante un sinistre minier. Il est subrogé dans les droits des victimes nés de ce sinistre à concurrence des sommes qu'il est alors amené à verser (article 75-2) ;

toutes les questions d'indemnisation autres que celles liées à des recherches ou travaux antérieurs à l'institution de la concession sont de la compétence des tribunaux administratifs (article 76).

Article 104-6 du code minier

Surveillance des stockages souterrains

La rédaction proposée de l'article 104-6 du code minier étend aux stockages souterrains la compétence de l'autorité administrative pour surveiller la recherche, la création, les essais, l'aménagement et l'exploitation des stockages souterrains.

Elle fait pour cela référence, selon toujours le principe de « l'assimilation », à l'article 77 du code minier, qui institue un droit de visite des agents de l'autorité administrative, dans les mines et dans toutes les installations indispensables à celles-ci. Ces agents peuvent également exiger la communication de documents de toute nature, ainsi que la remise de tout échantillon et matériel nécessaires à l'accomplissement de leur mission. L'article 77 du code minier prévoit enfin que pendant la durée de l'exploitation, les titulaires de concession adressent chaque année à l'autorité administrative un rapport relatif à ses incidences sur l'occupation des sols et sur les caractéristiques essentielles du milieu environnant.

La rédaction proposée de l'article 104-6 étend en outre au stockage souterrain diverses autres dispositions du code minier, à savoir celles concernant :

- le retrait des titres de recherches et d'exploitation et de la renonciation à ces droits (Titre VI bis) ;

- le régime des mutations et amodiations des titres de recherches et d'exploitation (Titre VI ter) ;

- le droit applicable aux déclarations de fouilles et de levées géophysiques (Titre VIII) :

- la procédure de constatation des infractions et la liste des pénalités (Titre X).

La fin de la rédaction proposée de l'article 104-6 cite des dispositions du code minier, qui a contrario, sont spécifiquement visées comme ne devant pas s'appliquer au cas des stockages souterrains. Il s'agit de trois alinéas (8°, 9°, 10°) dans la liste, dressée à l'article 141 du code minier, des délits passibles de deux ans d'emprisonnement et de « 200 000 francs » d'amende :

- le 8° vise le fait de s'opposer à la réalisation des mesures prescrites par le préfet dans le cadre de l'article 86 du code minier, qui donne à celui-ci pouvoir de recourir à la force publique, d'immobiliser le matériel, d'empêcher l'accès du chantier, en cas d'atteinte à la sécurité, à l'environnement, ou à l'un des autres « intérêts » mentionnés à l'article 79 du code minier (voir ci-après) ; cependant le projet de loi ne prévoit pas que l'article 86 s'applique au cas des stockages souterrains ; il n'est pas visé dans la rédaction proposée de l'article 104-7 ;

- le 9° cite le refus d'obtempérer aux réquisitions d'hommes et de matériels opérées pour « faire cesser le danger » en cas d'accident survenu dans une mine voisine en cours d'exploitation, comme le prévoient les articles 87 et 90 du code minier ; mais, à l'instar de l'article 86, les deux articles en question ne s'appliquent pas au cas des stockages souterrains ;

- le 10° concerne le non respect de certaines prescriptions relatives aux carrières. Or la nouvelle rédaction proposée pour l'article 4 du code minier indique explicitement que les stockages souterrains ne sont pas considérés comme des carrières au sens du code minier.

Un amendement d'initiative gouvernementale a conduit le Sénat à supprimer une autre exclusion que prévoyait le texte du projet de loi dans sa version initiale : il s'agissait des 10° et 11° dans la liste, dressée à l'article 142 du code minier, des délits passibles d'une peine d'emprisonnement d'un an et d'une amende de « 100 000 francs ». La réintégration de ces deux délits au nombre des peines applicables dans le cas des stockages souterrains se justifiait pleinement dans la mesure où il s'agissait de sanctionner le refus de céder des renseignements d'ordre géologique et géophysique, soit à l'ingénieur en chef des mines (dans les conditions prévues par l'article 133 du code minier), soit au titulaire successeur sur la même concession (dans les conditions prévues par l'article 136 du code minier).

Article 104-7 du code minier

Diverses extensions des dispositions du code minier aux stockages souterrains

La rédaction proposée de l'article 104-7 du code minier prévoit que l'exécution des travaux de recherches, de création, d'essais, d'aménagement ou d'exploitation de stockage souterrain et la police de ces travaux sont assurées, selon le principe de « l'assimilation » prévu à l'article 104, conformément aux dispositions du code minier concernant :

- la mise en place d'une direction unique lorsque la concession appartient à une indivision ou une société (article 78) ;

- l'obligation d'assurer l'exploitation selon les méthodes les plus propres à porter au maximum le rendement des gisements, et d'informer l'autorité administrative lorsqu'une suspension ou une réduction de l'exploitation risquerait de porter atteinte à l'économie régionale ou nationale (article 79-1) :

- l'interdiction d'effectuer quelque travail d'exploitation que ce soit sans respecter le code minier (article 80) ;

- la livraison au Commissariat à l'énergie atomique, sur sa demande et moyennant juste rémunération, des substances utiles à l'énergie atomique découvertes par le concessionnaire (article 81) ;

- la subordination de l'ouverture des travaux à la délivrance d'une autorisation administrative, après enquête publique et consultation des communes intéressées (article 83) ;

- le respect des mesures destinées à sauvegarder ou améliorer les conditions de sécurité ou d'hygiène du personnel, la sécurité et la salubrité publiques, la protection du milieu environnant (article 85) ;

- la procédure à suivre en cas d'arrêt de l'exploitation (article 91).

Le dernier alinéa de la rédaction proposée de l'article 104-7 du code minier fait une place particulière aux prescriptions contenues dans l'article 79 du code minier, en précisant qu'elles peuvent conduire l'autorité administrative à faire procéder à des évaluations et à mettre en _uvre des remèdes, lorsque les travaux de recherches, de création, d'essais, d'aménagement ou d'exploitation de stockage souterrain risquent de porter atteinte aux intérêts visés à cet article 79. En l'occurrence, l'article 79 vise principalement :

- la sécurité et la santé du personnel ;

-  la sécurité et la salubrité publiques ;

- les caractéristiques essentielles du milieu environnant, terrestre ou maritime ;

- la solidité des édifices publics et privés ;

- la conservation des voies de communication, de la mine et des autres mines ;

- l'archéologie et les immeubles classés monuments historiques ;

- les monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque.

Article 104-8 du code minier

Décret en Conseil d'Etat

« Art. 104-8. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent titre. »

La Commission a adopté l'article 15 sans modification.

Article 16

Retrait des titres et adaptation du code de l'urbanisme

Composé de deux paragraphes, l'article 16 précise d'une part, par une modification de l'article 119-1 du code minier, le régime de retrait des titres relatifs à la recherche ou à l'exploitation de stockages souterrains, et modifie, d'autre part, par coordination, l'article L. 421-8 du code de l'urbanisme.

Le paragraphe I de l'article 16 modifie l'article 119-1 du code minier, qui fixe le régime du retrait des titres miniers.

L'article 119-1 fait partie du titre VI bis, visé dans la proposition de rédaction de l'article 104-6, et qui s'applique donc, selon le principe « d'assimilation » de l'article 104, aux stockages souterrains. L'article 119-1 établit une liste des cas où le titulaire peut se voir retirer son titre :

- le défaut de paiement, pendant plus de deux ans, des redevances minières dues à l'Etat, aux départements et aux communes (a) ;

- la cession ou l'affermage du titre en dehors des règles du code minier (b) ;

- l'infraction grave aux prescriptions de police, de sécurité ou d'hygiène ; ou l'inobservation des mesures imposées en application de l'article 79 (c) ;

- pour les permis de recherches, l'inactivité persistante ou l'activité manifestement sans rapport avec l'effort financier souscrit (d);

- pour les autorisations d'exploitation, un niveau d'activité manifestement contraire aux possibilités du gisement et non justifiée par l'état du marché (e) ;

- l'inobservation des dispositions de l'article 81 relatives à la mise à disposition du Commissariat à l'énergie atomique, des substances utiles à l'énergie atomique (f) ;

- le constat d'une défaillance au niveau des capacités techniques et financières nécessaires pour mener à bien les travaux d'exploitation (g).

 L'article 16 du projet de loi modifie les alinéas d) et e) de l'article 119-1 du code minier afin de les aménager au cas des stockages souterrains.

La modification proposée de l'alinéa d) est effectuée dans un sens restrictif pour les stockages souterrains, puisqu'elle prévoit, pour les autorisations de recherche, un retrait seulement en cas d'inactivité persistante, à l'exclusion des autres hypothèses mentionnées dans l'alinéa ;

Au contraire, la modification proposée de l'alinéa e) élargit les possibilités de retraits pour les autorisations d'exploitation des stockages souterrains, afin de sanctionner le non accomplissement des missions de service public relatives à la sécurité d'approvisionnement, au maintien de l'équilibre des réseaux raccordés et à la continuité de fourniture du gaz naturel.

Le paragraphe II de l'article 16 apporte trois modifications de coordination à l'article L. 421-8 du code de l'urbanisme. Cet article donne pouvoir au préfet de prendre un arrêté délimitant, en dehors des zones couvertes par un plan d'occupation des sols, un périmètre à l'intérieur duquel l'exécution de travaux est soumise à des règles particulières rendues nécessaires par l'existence d'installations de « stockage souterrain de gaz, d'hydrocarbures liquides ou liquéfiés ou de produits chimiques de base à destination industrielle ».

Les modifications proposées consistent à :

- tenir compte de l'unification du régime des stockages souterrains en visant les nouveaux articles 104 et suivants du code minier, et non plus les trois textes législatifs relatifs au stockage souterrain de gaz, d'hydrocarbures liquides ou liquéfiés ou de produits chimiques;

- viser ainsi, plus particulièrement, au deuxième alinéa de l'article L. 421-8 du code de l'urbanisme, le « II » de l'article 104-3 du code minier qui prescrit que l'acte de vente des biens fonciers et immobiliers doit mentionner explicitement les servitudes éventuellement instituées au titre de la législation sur les stockages souterrains ;

- préciser, au dernier alinéa de l'article L.421-8 du code de l'urbanisme, que le permis de construire doit mentionner explicitement, outre les servitudes qui résultent de l'article L. 421-8, celles qui procèdent le cas échéant de l'application du « II » de l'article 104-3 du code minier, ci-dessus cité.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n°69) modifiant le texte du premier alinéa du paragraphe II, afin de l'aligner, s'agissant de la définition des stockages considérés, sur la formulation du nouvel article 3-1 du code minier, puis a adopté l'article 16 ainsi modifié.

Article 17

Rôle des stockages souterrains

Cet article rappelle d'une manière très générale les conditions dans lesquelles l'exploitation des stockages participe au fonctionnement du marché du gaz.

D'abord, il indique que l'exploitation des stockages ne peut s'envisager que de manière coordonnée avec l'exploitation des réseaux. Le lien entre les stockages et les réseaux doit être « sûr et efficace », c'est-à-dire qu'il ne doit pas être source de risques, ni de perturbations.

Ensuite, il précise les usages qui sont prioritairement dévolus aux stockages :

- assurer l'équilibre des réseaux de gaz naturel qui leur sont raccordés ;

- satisfaire aux obligations de service public instituées en application de l'article 11 du projet de loi, c'est-à-dire notamment garantir la continuité de fourniture.

Deux limites sont fixées à cette utilisation prioritaire des stockages :

- d'une part, celles qui tiennent à leurs capacités disponibles ;

- d'autre part, les dispositions des autorisations délivrées aux fournisseurs de gaz (article 3 du projet de loi), aux opérateurs de transport (article 81 de la loi de finances rectificative du 28 décembre 2001), et aux titulaires d'une concession de stockage.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Monsieur Pierre Ducout, revenant sur l'ensemble des dispositions du titre V relatives au stockage souterrain, a souhaité que le rapporteur puisse faire le point, lors de la séance publique, sur les dispositions de la deuxième directive sur l'énergie en ce qui concerne l'accès des tiers au stockage.

TITRE VI

CONTRÔLE ET SANCTIONS

Article 18

Pouvoirs d'enquête et de sanction administrative

Le paragraphe I de l'article 18 accorde un pouvoir d'enquête aux autorités chargées de la régulation du marché du gaz.

Il vise les articles 33 et 34 de la loi n°2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, en étendant au marché du gaz les dispositions prévues pour le marché de l'électricité.

L'article 33 indique que les enquêtes sont réalisées par des fonctionnaires et agents habilités à cet effet. Les enquêtes donnent lieu à procès verbal. Un double est transmis aux parties intéressées.

Les fonctionnaires et agents habilités ont accès aux établissements, terrains, locaux et véhicules professionnels, à l'exclusion des domiciles et parties de locaux servant de domicile, qui relèvent des entreprises exerçant une activité dans le secteur. Ils peuvent pénétrer dans ces lieux entre 8 heures et 20 heures, et en dehors de ces heures lorsqu'une activité est en cours. Ils reçoivent, à leur demande, communication des documents comptables et des factures, de toute pièce ou document utile, en prennent copie, et recueillent sur convocation ou sur place, les renseignements et justifications propres à l'accomplissement de leur mission.

Les manquements font l'objet de procès-verbaux qui, ainsi que les sanctions maximales encourues, sont notifiés à la ou aux personnes concernées et communiqués au ministre chargé de l'énergie ou à la Commission de régulation de l'énergie. La ou les personnes concernées sont invitées à présenter leurs observations écrites ou orales dans un délai de quinze jours à compter de cette notification.

L'article 33 prévoit que les agents de la Commission de régulation de l'énergie habilités à cet effet par le président disposent des mêmes pouvoirs pour l'accomplissement des missions confiées à la commission.

L'article 34 précise qu'en dehors des cas visés à l'article 33, les fonctionnaires et agents habilités ne peuvent procéder aux visites en tous lieux, ainsi qu'à la saisie de pièces et de documents, dans le cadre d'enquêtes demandées par le ministre de l'énergie, le ministre chargé de l'économie ou la Commission de régulation de l'énergie, que sur autorisation judiciaire, donnée par ordonnance du président du tribunal de grande instance.

La visite et la saisie s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées. Il désigne un ou plusieurs officiers de police judiciaire chargés d'assister à ces opérations. Le juge peut se rendre dans les locaux pendant l'intervention, dont il peut, à tout moment, décider la suspension ou l'arrêt.

La visite, qui ne peut commencer avant 6 heures ou après 21 heures, est effectuée en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant. Les enquêteurs, l'occupant des lieux ou son représentant ainsi que l'officier de police judiciaire peuvent seuls prendre connaissance des pièces et documents avant leur saisie.

Les inventaires et mises sous scellés sont réalisés conformément à l'article 56 du code de procédure pénale. Les originaux du procès-verbal et de l'inventaire sont transmis au juge qui a ordonné la visite. Les pièces et documents qui ne sont plus utiles à la manifestation de la vérité sont restitués à l'occupant des lieux.

Le paragraphe I de l'article 18 pose deux difficultés dans sa rédaction : d'une part, le renvoi aux articles 33 et 34 de la loi du 10 février 2000 ne s'accompagne d'aucune mention du fait qu'il s'agit d'appliquer ces dispositions au marché du gaz ; d'autre part, l'article 33 n'est pas rédigé en termes suffisamment généraux pour être tel quel transposable au secteur du gaz. Par exemple, lorsque les entreprises soumises au pouvoir d'enquête sont identifiées comme celles « exerçant une activité de production, de distribution, ou de fourniture d'électricité », ce qui exclut les entreprises exerçant une activité de production, de stockage, de transport, de distribution, ou de fourniture de gaz.

L'amendement n°51 adopté par la Commission sur le paragraphe III de l'article 9 a procédé aux modifications de l'article 33 nécessaires à sa validité pour le secteur du gaz.

Pour rendre toute sa portée au paragraphe I de l'article 18, il a donc suffi à la Commission d'adopter un amendement du rapporteur (amendement n°70) précisant que les pouvoirs d'enquête définis par référence à ceux attribués par les articles 33 et 34 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 étaient attribués « en matière de régulation du marché du gaz ».

Le paragraphe II de l'article 18, qui définit les sanctions applicables pour des manquements courants, s'interprète comme complémentaire à l'article 19, puisque l'article 19 sanctionne un exercice sans autorisation de fourniture ou de transport dans le domaine du gaz.

Ce paragraphe II concerne a contrario des auteurs de manquement à la loi, lorsque ceux-ci sont régulièrement titulaires :

- soit d'une autorisation de fourniture de gaz naturel, en vertu de l'article 3 de la présente loi ;

- soit d'une autorisation de construction et d'exploitation d'une canalisation de transport de gaz naturel en vertu de l'article 50 de la loi n° 2001-1276 du 28 décembre 2001 portant loi de finances rectification pour 2001 ;

- soit d'une concession de stockage souterrain de gaz naturel.

Les manquements envisagés consistent notamment dans le non respect :

- de l'obligation de soumettre à l'approbation du ministre chargé de l'énergie les nouveaux contrats d'importation de gaz naturel, lorsque la diversification des approvisionnements a été jugée insuffisante (article 3) ;

- de l'obligation de motiver et notifier un refus de conclure un contrat d'accès (article 4) ;

- de l'obligation de tenir des comptes séparés pour les activités de transport, de distribution, et de stockage (article 6) ;

- de l'obligation d'adresser au ministre chargé de l'énergie toutes les données relatives à son activité (article 8) ;

- des obligations de service public (article 11).

Sont sanctionnés également selon les mêmes règles, les manquements aux dispositions réglementaires prises pour l'application de la loi, et aux prescriptions particulières fixées par les autorisations.

Les sanctions prévues sont :

- le retrait de l'autorisation ; cette sanction concerne aussi les titulaires de concession de stockage en vertu de l'article 119-1 du code minier auquel il est fait référence dans le deuxième alinéa du paragraphe II ;

- la suspension de l'autorisation, pour une durée n'excédant pas un an ; cette sanction concerne uniquement les titulaires d'autorisation de fourniture ou de transport ;

- une amende ; la référence à l'article 40 de la loi du 10 février 2000 encadre son montant, qui est proportionné à la gravité du manquement, à la situation de l'intéressé, à l'ampleur du dommage et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d'affaires hors taxes du dernier exercice clos, porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation. A défaut d'activité permettant de déterminer ce plafond, le montant de la sanction ne peut excéder un million de francs, porté à deux millions et demi de francs en cas de nouvelle violation de la même obligation. Si le manquement a déjà fait l'objet d'une sanction pécuniaire au titre d'une autre législation, la sanction pécuniaire éventuellement prononcée par la commission est limitée de sorte que le montant global des sanctions pécuniaires ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues.

La référence à l'article 40 de la loi du 10 février 2000 établit les étapes de la procédure :

- le ministre chargé de l'énergie formule d'abord une mise en demeure assortie d'un délai pour se mettre en conformité avec les obligations requises ;

- au terme de ce délai, s'il n'y a pas eu mise en conformité, les sanctions sont prononcées après que l'auteur du manquement a reçu notification des griefs et a été mis à même de consulter le dossier et de présenter ses observations écrites et verbales, assisté par une personne de son choix ;

- les décisions sont motivées, notifiées à l'intéressé et publiées au Journal officiel de la République française. Elles peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction et d'une demande de sursis à exécution devant le Conseil d'Etat. Lorsqu'elles concernent des sanctions pécuniaires, les demandes de sursis ont un caractère suspensif.

L'article 41 de la loi du 10 février 2000, qui établit les pouvoirs de sanction du ministre chargé de l `énergie pour le marché de l'électricité, fait lui aussi référence à l'article 40 de la même loi pour les conditions de procédure.

Après avoir adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur (amendements n° 71 et n° 72), la Commission a adopté l'article 18 ainsi modifié.

Article 19

Sanctions applicables en l'absence d'autorisation

Les paragraphes I et II de l'article 19 fixent les peines applicables pour la réalisation d'une opération sans l'autorisation correspondante, qu'il s'agisse :

- de l'autorisation d'exercer en tant que fournisseur prévue par l'article 3 du projet de loi ;

- de l'autorisation de construire ou exploiter une canalisation prévue par l'article 81 de la loi de finances rectificative pour 2001.

Les peines encourues concernent à la fois les personnes physiques et les personnes morales.

Pour les personnes physiques, la peine est d'un an d'emprisonnement et de150 000 euros, cette peine pouvant être assortie de :

- la fermeture temporaire ou à titre définitif de l'un, de plusieurs, ou de l'ensemble des établissements de l'entreprise appartenant à la personne condamnée ;

- l'interdiction d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise;

- l'affichage ou la diffusion de la décision prononcée.

Pour les personnes morales condamnées dans les conditions prévues par le régime général de responsabilité des personnes morales fixé par l'article 121-2 du code pénal, les peines encourues sont :

- une amende égale au quintuple de celle prévue pour les personnes physiques par la loi qui réprime l'infraction (article 131-38 du code pénal) ;

- l'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales (2° de l'article 131-39 du code pénal) ;

- le placement, pour une durée de cinq ans au plus, sous surveillance judiciaire (3° de l'article 131-39 du code pénal) ;

- la fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus des établissements ou de l'un ou de plusieurs des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés (4° de l'article 131-39 du code pénal) ;

- l'exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus (5° de l'article 131-39 du code pénal) ;

- l'affichage de la décision prononcée ou la diffusion de celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication audiovisuelle (9° de l'article 131-39 du code pénal).

La référence aux « peines prévues par le « cinquième alinéa » de l'article 42 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 » (en réalité, les neuvième, dixième, onzième, douzième alinéas) est clairement redondante avec les références aux articles 131-38 et 131-39 du code pénal. En conséquence, la Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur (amendement n°75).

Le paragraphe III vise à étendre, aux infractions à la loi relative aux marchés énergétiques, le pouvoir d'investigation confié aux fonctionnaires et agents habilités par le ministre chargé de l'énergie, et aux agents de la commission de régulation, pour la recherche des infractions à la loi n° 2000-108 du 10 février 2000.

La Commission a adopté trois amendements rédactionnels du rapporteur (amendements n°73, n°74, n°76).

Monsieur Pierre Ducout a signalé que le groupe socialiste ne pouvait qu'approuver le contenu du titre VI portant sur le contrôle et les sanctions.

Ensuite, la Commission a adopté l'article 19 ainsi modifié.

N° 0400 - Rapport sur le projet de loi relatif aux marchés énergétiques et au service public de l'énergie (M. François-Michel Gonnot) (Sénat, 1ère lecture)

1 () Baumol, W.J., Panzar J.C. et Willig R.D., "Contestable Markets and the Theory of Industry Structure", 1982. C'est le livre de référence pour cette théorie. William Baumol en a fait aussi une présentation dans un article de la prestigieuse American Economic Review  : "Contestable Markets: An Uprising in the Theory of Industry Structure » , 1982, vol. 72, issue 1, pages 1-15. Voir aussi : « La théorie des marchés contestables », William J. Baumol, Kyu Sik Lee, article paru dans le numéro de janvier 1991 de The World Bank Research Observer, reproduit et traduit dans le numéro 2243 du 2 octobre 1991 de Problèmes économiques.


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