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le 14 juin 2004

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N° 1659

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 juin 2004

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ECONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE LOI (n° 1613), relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières,

PAR M. JEAN-CLAUDE LENOIR,

Député.

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INTRODUCTION 7

EXAMEN EN COMMISSION 17

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE 17

II.- EXAMEN DES ARTICLES 35

TITRE IER LE SERVICE PUBLIC 35

TITRE II LES ENTREPRISES GESTIONNAIRES DE RÉSEAUX DE TRANSPORT D'ÉLECTRICITÉ OU DE GAZ 49

TITRE III LES DISTRIBUTEURS D'ÉLECTRICITÉ OU DE GAZ 69

TITRE IV LE RÉGIME D'ASSURANCE VIEILLESSE, INVALIDITÉ, DÉCÈS, ACCIDENTS DU TRAVAIL ET MALADIES PROFESSIONNELLES DES INDUSTRIES ÉLECTRIQUES ET GAZIÈRES 75

TITRE V L'ORGANISATION DES ENTREPRISES ÉLECTRIQUES ET GAZIÈRES 113

TITRE VI DISPOSITIONS DIVERSES 133

TITRE VII DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES 159

TABLEAU COMPARATIF 167

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 257

ANNEXES 265

REFONDER LE FINANCEMENT DU REGIME SPECIAL DE RETRAITE DES IEG 269

Directive 2003/54/CE DU PARLEMENT européen ET DU CONSEIL du 26 juin 2003 concernant les règles communes pour le marché intérieur de l'électricité ET ABROGEANT LA DIRECTIVE 96/92/CE

Directive 2003/55/CE DU PARLEMENT européen ET DU CONSEIL du 26 juin 2003 concernant les règles communes pour le marché intérieur dU GAZ NATUREL ET ABROGEANT LA DIRECTIVE 98/30/CE

MESDAMES, MESSIEURS,

Le présent projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières s'inscrit dans la continuité d'une série de textes qui ont modifié l'organisation du secteur électrique et gazier et le fonctionnement des marchés énergétiques ces dernières années, dans le cadre de l'ouverture à la concurrence du marché européen : loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité et loi du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie. Avec ce projet de loi, il s'agit donc aujourd'hui du troisième texte consacré à ce sujet.

Ces évolutions législatives successives et le rythme auquel elles se succèdent peuvent susciter des interrogations, voire des inquiétudes de la part des acteurs concernés. Ces réactions sont d'autant plus compréhensibles que l'organisation mise en place au lendemain de la Libération autour d'Electricité de France et de Gaz de France a donné entièrement satisfaction et qu'elle constitue un modèle de réussite. Rares, en effet, ont été, dans l'histoire industrielle de notre pays, les succès aussi éclatants que ceux de ces deux entreprises publiques.

Dès lors, on peut comprendre que certains posent la question de savoir pourquoi changer et surtout s'interrogent tant sur le bien-fondé des évolutions en cours que sur les effets qu'elles pourront avoir dans les années à venir.

Ces questions constituent, sinon l'objet du projet de loi lui-même, du moins l'enjeu qui sous-tend les dispositions proposées à travers ce texte. Avant d'y répondre, il est sans doute utile de faire un rapide retour sur l'histoire électrique et gazière de notre pays pour mettre le débat actuel en perspective.

C'est qu'en effet ce secteur n'en est pas à son premier changement. Il a connu déjà bien des évolutions et même de véritables tournants, auxquels il a toujours su s'adapter pour mieux rebondir et dont il est toujours sorti renforcé.

Peut-être faut-il rappeler, pour commencer, que si notre pays occupe aujourd'hui une place de premier plan au niveau mondial dans le domaine électrique, cela n'a pas toujours été le cas. A la fin du XIXème siècle, la France était même plutôt à la traîne par rapport aux Etats-Unis et à l'Allemagne. C'est dans ces pays que l'industrie électrique a en effet vu le jour, à l'initiative des pionniers que furent Edison et Siemens.

En France, c'est au début du XXème siècle que l'électricité a pris son essor. Il a fallu pour cela qu'elle s'impose face au gaz, qui était alors utilisé en particulier pour l'éclairage public, avec les fameux becs de gaz. L'électricité est donc venue au départ en concurrente du gaz. Cela a d'ailleurs contribué à retarder l'émergence de l'industrie électrique dans notre pays, les compagnies gazières manifestant plus que de la réticence, dans un premier temps, à l'égard de cette nouvelle forme d'énergie, avant d'admettre qu'elle représentait un progrès considérable et de comprendre tout le parti qu'on pouvait en tirer. Ce sont ces mêmes compagnies qui sont alors devenues des compagnies électriques.

Car il faut rappeler aussi que le développement de l'industrie électrique, comme celui de l'industrie gazière, a d'abord été le fait d'inventeurs puis de capitaines d'industrie, à l'instar d'Ernest Mercier. Dans les années 1920 et 1930, un mouvement de concentration a donné lieu à la constitution de 5 ou 6 grands groupes, regroupant près de 3 000 entreprises réparties dans le secteur de la production, du transport et de la distribution de l'électricité et du gaz.

A la veille de la guerre, toutefois, notre secteur énergétique était caractérisé par la pénurie, les compagnies électriques investissant peu, surtout dans le secteur rural. Au lendemain de la Libération, cette situation s'est trouvée aggravée du fait des destructions causées par la guerre et des besoins liés à la reconstruction. C'est dans ce contexte et dans le cadre de la Charte du Conseil National de la Résistance qu'a été décidé le « retour à la Nation des principales formes d'énergie » selon les termes employés par le Général de Gaulle le 12 septembre 1944. Avec la nationalisation des entreprises d'électricité et de gaz, qui a modelé l'organisation que nous connaissons aujourd'hui, l'année 1946 marque ainsi le premier grand tournant de l'histoire électrique et gazière de notre pays.

Deux points méritent d'être soulignés à propos de la nationalisation. Le premier, pour rappeler que cette décision majeure, même si elle faisait l'objet sur le fond d'un réel consensus national dans le climat de l'époque, n'en a pas moins donné lieu à de longues discussions à l'issue parfois incertaine, ainsi qu'à de nombreux rebondissements. Les débats ont duré pendant 18 mois et le vote a finalement été acquis sans enthousiasme.

Il faut rappeler aussi qu'en dépit des apparences, la nationalisation n'a pas constitué une rupture brutale. Elle a en effet été précédée, dans les années 1920 et 1930, par une longue période au cours de laquelle l'Etat a commencé à prendre en main le secteur électrique et gazier à travers toute une série de réglementations visant en particulier à contrôler les tarifs et à harmoniser les infrastructures et réseaux sur l'ensemble du territoire national. La loi de 1946 n'a fait que parachever cette évolution.

Le secteur électrique et gazier a par la suite été amené à connaître d'autres changements importants de nature différente : le développement du gaz naturel, qui s'est de plus en plus substitué au gaz de ville ; l'apparition des centrales au fioul, dans les années 1960, lorsqu'il a fallu faire face à une forte augmentation de la demande que les centrales hydrauliques ne permettaient plus de satisfaire, l'énergie hydraulique assurant jusqu'alors l'essentiel de notre production électrique. Mais c'est surtout le lancement du programme électro-nucléaire, décidé dans le contexte du premier choc pétrolier, qui a constitué le second grand virage, dans les années 1970.

En l'espace d'à peine plus d'un siècle d'histoire, notre secteur électrique et gazier a donc déjà connu deux grands tournants : la nationalisation et le nucléaire. Il n'échappe à personne que ce sont aussi les deux piliers sur lesquels s'est édifiée la formidable réussite de l'industrie électrique et gazière française. La coïncidence n'est pas vaine et vaut d'être soulignée.

Avec l'ouverture du marché européen de l'énergie est donc venue aujourd'hui l'heure de prendre un troisième tournant. Là non plus, il ne s'agit pas à proprement parler d'une véritable rupture, puisque cette nouvelle étape s'inscrit dans la continuité des quinze dernières années.

Comment réussir, dans le contexte européen, ce que nous avons si bien su faire en matière électrique et gazière au niveau hexagonal ? Comment faire que ce nouveau tournant soit, comme les deux précédents, l'occasion d'un nouvel élan ? C'est la question qui nous est posée aujourd'hui.

On voit bien que cette question recouvre à la fois une opportunité et une crainte. L'opportunité, c'est celle que représente, pour nos entreprises électriques et gazières qui sont largement en mesure d'exporter et de développer leur savoir-faire, l'ouverture d'un vaste marché européen de plus de 450 millions d'habitants. La crainte exprimée par certains, c'est évidemment de voir remis en cause le modèle, incarné par EDF et GDF, qui a fait la preuve de sa performance et auquel la Nation témoigne un fort attachement.

Ces deux entreprises sont aujourd'hui des groupes de dimension mondiale, employant plus de 205 000 personnes et réalisant un chiffre d'affaires de 61,5 milliards d'euros. Chacun sait la capacité qu'elles ont eue à faire face aux besoins de l'industrialisation et du développement de notre pays, en lui fournissant une énergie abondante à des prix compétitifs (rappelons que, de 1946 à 1976, notre production d'électricité a doublé tous les dix ans), et ce tout en assurant le fonctionnement de services publics selon des modalités qui satisfont très largement les usagers. Chacun sait également la très forte cohésion de ces entreprises autour de valeurs de service public portées par l'ensemble de leurs agents, qui sont animés par un véritable esprit de famille, qui font preuve quotidiennement de leur attachement à leurs entreprises et dont chaque crise, qu'elle soit nationale - comme cela a été le cas avec les tempêtes de décembre 1999 ou la canicule de l'été 2003 - ou locale, illustre le dévouement.

Parce qu'elle prône la concurrence, la Commission européenne a souvent été accusée de vouloir nous imposer un modèle d'économie ultra-libéral qui sonnerait le glas de ces grandes entreprises publiques intégrées. En réalité, l'ouverture à la concurrence ne relève pas d'un a priori idéologique : il faut rappeler qu'elle est la conséquence logique et nécessaire d'une volonté politique forte, qui est de construire un marché européen unique. Or, la notion de marché européen unique n'est évidemment pas compatible avec le maintien des monopoles d'Etat que constituaient jusqu'à présent EDF et GDF.

Le statu quo est donc impossible. Pour autant, l'Europe pose des principes sans entrer dans le détail. Des adaptations sont nécessaires pour ouvrir notre marché à la concurrence. Mais ces adaptations ne nous imposent en rien de remettre en cause les valeurs auxquelles nous sommes légitimement attachés et qui ont forgé la réussite de notre système électrique et gazier Les exemples d'expériences menées à l'étranger, en même temps qu'ils montrent bien que tous les pays européens n'ont pas suivi la même voie, nous incitent au contraire à préserver les fondements de notre organisation.

L'exemple de la Grande-Bretagne est à cet égard intéressant, dans la mesure où ce pays s'est d'abord inspiré du modèle français. Au lendemain de la guerre, les entreprises y ont été nationalisées et un monopole a été mis en place, national pour la production et plus décentralisé pour la distribution. En 1989, au moment où la Commission européenne commençait à envisager l'ouverture des réseaux électriques à la concurrence, le Gouvernement britannique a fait le choix de dénationaliser et de démanteler ce système : la production a été éclatée, le réseau de distribution privatisé. Aujourd'hui, force est de constater que cette logique a montré ses limites. Le cas de British Energy a ainsi mis en évidence les difficultés que peut rencontrer un producteur pur.

La même logique de dérégulation a exposé certains autres pays à subir de graves incidents sur leur réseau, comme l'Italie, la Suisse et surtout le Nord-Est américain, où l'insuffisance des investissements sur le réseau de transport, aggravée par une insuffisante coordination entre les gestionnaires de réseaux a provoqué un grand black-out pour 50 millions d'Américains. Ces incidents se sont parfois accompagnés d'une hausse des prix et de faillites retentissantes (comme aux Etats-Unis avec les faillites de distributeurs purs et de fournisseurs purs, dont le plus connu était Enron).

Il est à noter que la Commission européenne a tiré les leçons de ces échecs. Sous l'impulsion notamment de la France, elle est très attachée aujourd'hui à ce que l'ouverture à la concurrence soit régulée et ne soit pas exclusivement guidée par les impératifs du marché. Les dernières directives vont clairement dans ce sens. Celles du 26 juin 2003 - qu'il s'agit aujourd'hui de transposer dans le droit français - imposent ainsi aux Etats membres de fixer des règles précises en matière de régulation, d'obligations de service public, de protection des consommateurs, de sécurité d'approvisionnement et de sûreté du système électrique. Autant de points sur lesquels notre pays a montré l'exemple depuis longtemps, notamment pour ce qui est de la continuité de la fourniture d'électricité, dont il faut rappeler qu'il s'agit d'un bien vital non comparable aux autres.

Non seulement la Commission européenne ne nous impose pas le démantèlement de notre service public électrique et gazier, mais on voit bien au contraire que c'est elle, à présent, qui s'inspire des valeurs du service public à la française pour fixer les règles d'organisation du marché européen de l'énergie.

Si le risque de voir remis en cause le modèle auquel nous sommes attachés est d'ores et déjà conjuré, il reste qu'il nous faut l'adapter dans la perspective de l'ouverture à la concurrence et surtout pour donner à nos entreprises les moyens de tirer pleinement parti de la formidable opportunité que constitue la création d'un véritable marché européen. C'est l'objet du projet de loi qui nous est proposé.

Répétons-le : ce texte reste fidèle à nos valeurs. Il ne démantèle pas le service public, qui fait l'objet du titre Ier du projet ; au contraire, il le réaffirme avec force et même il le conforte. Il ne privatise pas EDF, ni GDF qui restent des entreprises publiques détenues majoritairement par l'Etat. Il ne casse pas un système qui marche, il maintient au contraire des groupes intégrés dotés de services de proximité communs et il n'apporte aucune modification au statut du personnel, garant de cet « esprit de corps » qui a contribué au succès de nos deux entreprises.

Au-delà des adaptations qu'il prévoit, ce projet de loi dessine ainsi les contours d'un nouveau modèle électrique et gazier. Celui mis en place autour d'EDF et de GDF au lendemain de la Libération a permis de relever les défis du XXème siècle. Celui qui émerge aujourd'hui dans le contexte nouveau lié à l'ouverture du marché européen devra permettre de répondre à ceux du XXIème siècle. Ni régime monopolistique, ni régime dérégulé, une sorte de troisième voie, intermédiaire entre la planification et les mécanismes du marché, un modèle ouvert mais qui permette de structurer et de sécuriser l'organisation du marché autour de grands acteurs intégrés contrôlés par les autorités publiques pour leurs activités régulées, le transport et la distribution, qui constituent des monopoles naturels.

C'est ce tournant, le troisième, qu'il nous faut donc prendre aujourd'hui.

Nul doute que nous y réussirons et que, cette fois encore, ce sera l'occasion d'un nouvel élan.

L'enjeu est majeur.

Au plan industriel, d'abord, il s'agit de faire d'EDF et de GDF, champions français d'aujourd'hui, les champions européens de demain.

Au plan social ensuite, car cette troisième voie c'est aussi celle d'une nouvelle gouvernance d'entreprise qu'il nous faut inventer, une gouvernance d'intérêt général qui concilie à la fois les attentes des consommateurs, celles des citoyens d'aujourd'hui, celles des citoyens de demain, mais aussi celles des salariés, sans oublier celles des actionnaires. Il s'agit donc rien moins que de faire du secteur électrique et gazier le laboratoire de la gouvernance de demain.

Soulignons enfin que cet enjeu trouve aussi sa déclinaison au plan international. Car le modèle de gouvernance en devenir qui se dessine sous nos yeux permettra aux pays en développement, qui se trouvent dans une situation de pénurie comparable à celle que nous connaissions au lendemain de la guerre mais à présent dans un contexte d'économie ouverte, de se doter des infrastructures électriques et gazières dont ils ont impérativement besoin pour réussir leur développement économique et social.

Retrouver le consensus et la dynamique de la Libération pour construire cette troisième voie électrique et gazière sur le socle des valeurs qui sont celles d'EDF et de GDF, voilà, pour conclure ce préambule, le véritable challenge qui nous est proposé en arrière-fond de ce projet de loi.

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Le projet de loi déposé le 19 mai dernier sur le bureau de notre Assemblée, propose donc d'écrire une nouvelle page de l'histoire électrique et gazière de notre pays pour tenir compte du contexte nouveau lié à l'ouverture à la concurrence des marchés du gaz et de l'électricité.

Décidée au niveau communautaire, cette ouverture à la concurrence a été amorcée par les directives du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et du 22 juin 1998 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel.

Ces deux premières directives, transposées en droit français par les lois n° 2000-108 du 10 février 2000 et 2003-8 du 3 janvier 2003 imposaient une ouverture à la concurrence progressive. Six ans après l'entrée en vigueur de la directive relative à l'électricité et dix ans après l'entrée en vigueur de la directive relative au gaz naturel, la part de marché ouverte à la concurrence devait ainsi représenter environ un tiers du marché total.

La portée de cette modification de l'organisation de nos marchés électriques et gaziers ne doit pas être surestimée. Il existe, en effet, de très gros consommateurs industriels d'électricité et de gaz naturel. L'éligibilité prévue par les premières directives ne concernait donc, en pratique, que ces grands consommateurs soit quelques milliers de sites sur tout le territoire.

Du point de vue de nos entreprises publiques, le changement était significatif mais ne constituait pas un bouleversement. Chacun sait, en effet, que même si elle n'était pas prévue par le droit, une forme de concurrence existait déjà pour ces grands industriels qui, de fait, négociaient les conditions de leur approvisionnement énergétique avec les opérateurs historiques soit en faisant jouer la concurrence entre énergies soit en prenant en compte le critère du coût dans le choix de leurs sites de production en Europe. On doit, en outre, rappeler que la France exporte entre 15 % et 20 % de son électricité vers des Etats voisins dans des conditions qui ont toujours été concurrentielles et que l'ouverture à la concurrence du tiers du marché national ne traduisait, en quelque sorte, par rapport au régime du monopole, qu'un prolongement de l'existant.

L'accord politique, intervenu en mars 2002 au Conseil européen de Barcelone, sur une nouvelle étape de libéralisation des marchés (1) a, en revanche, changé la nature de celle-ci. Il a, en effet, été convenu, à ce sommet, d'ouvrir à la concurrence, dès juillet 2004, l'intégralité du marché des professionnels, entreprises, artisans, commerçants et professions libérales, soit environ 70 % du marché. Changeant ainsi d'échelle pour concerner désormais des dizaines de millions de clients, l'ouverture à la concurrence a véritablement changé de nature et crée un nouvel environnement auquel l'organisation de notre secteur électrique et gazier définie en 1946 n'est plus adaptée.

Cette organisation n'est, tout d'abord, plus conforme aux obligations imposées par les nouvelles directives du 26 juin 2003 traduisant l'accord politique de Barcelone. Ces directives prévoient, en effet, la séparation juridique des gestionnaires des réseaux de transport et la séparation fonctionnelle et comptable des gestionnaires des réseaux de distribution avant le 1er juillet 2004. Elles nécessitent donc une transposition en droit français qui est l'objet des titres II et III du projet de loi.

Il convient de noter que les directives laissent une large marge de manœuvre quant aux modalités de la séparation des gestionnaires de réseaux et que le projet de loi procède, sur ce plan, à une transposition a minima préservant le caractère intégré des entreprises existantes. Les sociétés gestionnaires des réseaux de transport, dont la directive impose la création, ont en effet, aux termes du projet de loi, vocation à rester parties de groupes incluant, en amont, les activités de production ou d'approvisionnement et, en aval, les activités de distribution et de fourniture.

La transposition des directives est donc réalisée selon des modalités permettant de préserver l'acquis de 1946 que constituent les entreprises intégrées, acquis auquel le personnel est légitimement attaché et dont de nombreux exemples étrangers ont souligné la pertinence. En matière électrique, rappelons en effet que les précédents britanniques et californiens ont souligné la robustesse de groupes intégrés tandis que des incidents récents ont mis en lumière la nécessité d'une réactivité du système électrique que ne permet pas une séparation excessive du gestionnaire du réseau de transport et des producteurs.

Mais le projet de loi ne se borne pas à la simple transposition des nouvelles directives. Juridiquement possible, ce choix aurait, en effet, été profondément irresponsable compte tenu de l'ampleur des bouleversements induits par l'élargissement de la concurrence. Cela aurait été, en réalité, le choix de la politique de l'autruche.

En effet, les directives créent un nouvel environnement économique qui impose, de fait, des réformes allant au delà de ce qui relève de leur transposition formelle. C'est le cas des obligations économiques implicites que constituent la réforme du financement des retraites correspondant au titre IV du projet de loi ou la modernisation de la forme juridique des entreprises relevant du titre V.

En ce qui concerne le financement des retraites, l'organisation actuelle repose, pour les personnels au statut des industries électriques et gazières (IEG), sur la gestion des principaux risques par un service commun à EDF et GDF appelé IEG Pensions. Le statut des IEG s'applique à toutes les entreprises de la branche donc également aux concurrents d'EDF et de GDF dont l'existence est rendue possible par la fin du monopole. Ce système, dans lequel les opérateurs historiques gèrent la protection sociale de l'ensemble du secteur, est donc manifestement inadapté au nouveau contexte concurrentiel qui rend nécessaire une gestion de ces droits indépendante des diverses entreprises concurrentes. C'est pourquoi le projet de loi procède à cette séparation juridique de la gestion des droits en proposant, à son article 14, la création d'une caisse nationale des industries électriques et gazières.

En second lieu, le système actuel repose sur le financement des pensions servies par les entreprises au sein desquelles travaillaient les agents au moment de leur cessation d'activité. La pérennité du versement des pensions est donc totalement conditionnée à l'équilibre économique de l'ancien employeur qui, dans un contexte concurrentiel, peut se trouver dégradé. Le projet de loi vise donc à garantir les droits des retraités en confiant le service de ceux-ci à la caisse et en prévoyant, d'une part, l'organisation d'une solidarité entre les employeurs de la branche en cas de défaillance de l'un d'eux (paragraphe IV de l'article 14) et, d'autre part, la garantie de l'Etat pour les droits validés au 31 décembre 2004 (article 20).

Il procède, en outre, à l'adossement du régime spécial des IEG sur le régime général, opération qui sera parfaitement neutre pour les assurés du régime général, une soulte versée par les entreprises compensant les surcoûts pour le régime général résultant notamment du déséquilibre démographique du régime spécial des IEG.

Enfin, la troisième raison commandant une réforme du système est d'ordre comptable. En application d'une décision communautaire formalisée en juillet 2002, les entreprises dont des titres (y compris des obligations) sont admis à la négociation sur un marché réglementé, devront, à partir du 1er janvier 2005 ou du 1er janvier 2007, préparer leurs comptes selon des normes comptables internationales. L'une de ces normes, la norme IAS 19, impose aux entreprises de provisionner dans leurs comptes l'intégralité de leurs engagements de retraites. Pour EDF et GDF, cette règle imposerait la constitution de provisions d'un montant total dépassant les 70 milliards d'euros. Les deux entreprises se trouveraient mécaniquement en situation de faillite comptable et deviendraient en conséquence incapables de se financer et même simplement de se refinancer sur les marchés. Afin d'éviter que cette situation se produise, l'article 16 du projet de loi organise le financement des droits spécifiques passés correspondant aux activités régulées que sont le transport et la distribution par une contribution tarifaire pesant sur l'acheminement de l'énergie, réforme totalement neutre pour les consommateurs (comme l'explique le commentaire sous l'article 16) mais permettant de déconsolider du bilan des entreprises les engagements correspondants.

La réforme du financement des retraites des industries électriques et gazières est donc bel et bien nécessaire dans le nouveau contexte. Il en est de même de la modernisation de la forme juridique d'EDF et de GDF.

Ces entreprises sont aujourd'hui des établissements publics intervenant sur des marchés concurrentiels. Cette situation rend nécessaires des investissements et contraint leur financement.

Le nouveau contexte rend, en premier lieu, nécessaires des investissements parce qu'il impose aux entreprises de se développer ou de péricliter. Il faut, en effet, bien comprendre que des opérateurs historiques confrontés à l'ouverture à la concurrence de leurs marchés, sur lesquels ils étaient par définition en situation de monopole, ne peuvent que perdre des parts de marché sur ceux-ci. Sur des marchés relativement peu dynamiques (à la différence, par exemple, du secteur des télécommunications), cette perte de parts de marché conduit mécaniquement à un recul du chiffre d'affaires. L'immobilisme signifie donc nécessairement le déclin. Celui-ci n'est pas acceptable, d'une part, parce que cela serait accepter la mort progressive d'entreprises qui sont le patrimoine de la Nation de la valorisation duquel nous sommes collectivement responsables, et, d'autre part, parce que chacun doit être conscient que le déclin du chiffre d'affaires de ces entreprises poserait rapidement la question de l'ajustement de leurs charges et donc de l'évolution de leurs effectifs.

Il est donc vital qu'EDF et GDF puissent compenser les pertes de parts de marché inéluctables en se développant sur d'autres marchés. Il est évident que cela rend nécessaire des investissements, notamment des investissements leur permettant de se développer en Europe. L'alternative au déclin mécanique qui résulterait d'un repli sur leurs marchés nationaux est, en effet, la conquête de nouveaux marchés à l'étranger. C'est clairement ce choix conquérant qu'il convient de rendre possible.

On doit, en outre, noter qu'indépendamment de la question de leur développement européen, les deux entreprises sont confrontées à des besoins de financement pour des raisons qui leur sont propres. Il s'agit, pour EDF, de la nécessité d'engager le renouvellement de son appareil de production et notamment de son parc électronucléaire dans la perspective de la fin de vie progressive des centrales actuelles et, pour GDF, de l'impérative acquisition d'intérêts dans l'amont gazier lui permettant de mieux contrôler la ressource.

Si le nouveau contexte accroît les besoins de financement, il pèse parallèlement sur les ressources. Trois sources de financement sont, en effet, en théorie, ouvertes à des établissements publics.

Ces entreprises peuvent, en premier lieu, s'autofinancer grâce aux résultats qu'elles dégagent sur leurs activités. Il est exclu qu'elles dégagent des ressources significatives de leur activité de gestionnaires de réseau, régulée précisément afin qu'elles n'exploitent pas le monopole qui leur est confié pour se développer au détriment de leurs concurrents. Le même raisonnement vaut pour la fourniture aux clients captifs du monopole, les clients non éligibles, qui ne représenteront plus que moins du tiers du marché et dont on voit, en outre, mal comment l'on pourrait justifier de ponctionner leur pouvoir d'achat pour financer le développement d'EDF et de GDF. Enfin, pour les clients pouvant changer de fournisseur, le jeu de la concurrence conduit à aligner les prix de fourniture sur les coûts limitant, là aussi, les marges d'autofinancement.

La seconde source de financement possible pour un établissement public correspond à des dotations de l'Etat. Comme le rappelle régulièrement le ministre d'Etat, pas un centime n'a été ainsi apporté aux entreprises par l'Etat depuis 22 ans. Le Gouvernement a décidé de rompre avec cette politique en apportant 500 millions d'euros supplémentaires aux fonds propres d'EDF.

Il faut toutefois être conscient que le financement des entreprises par l'Etat rencontre rapidement deux limites. La première est liée à la Commission européenne, dont la vigilance vis-à-vis de nos entreprises publiques et, en particulier, d'EDF, est bien connue, et qui est en droit d'examiner ces dotations publiques en capital et, le cas échéant, de les interdire si elles lui apparaissent constitutives d'une aide d'Etat. La seconde limite, très simple, à une telle politique découle des contraintes pesant sur les finances publiques. Les ressources de l'Etat ne sont pas infinies et l'on est en droit de se demander si elles doivent être consacrées, en priorité, au financement d'entreprises agissant dans le secteur concurrentiel plutôt qu'aux dépenses régaliennes, telles celles destinées à assurer la sécurité des Français, et aux actions contribuant à la préservation de la cohésion sociale.

Reste donc, en pratique, une seule source de financement effectivement disponible : l'endettement. Les entreprises, conscientes de la nécessité vitale de leur développement, y ont déjà largement fait appel de sorte que l'endettement net cumulé des deux groupes atteignait près de 30 milliards d'euros au 31 décembre 2003. Dans le cas d'EDF, la dette nette représentait ainsi environ 1,3 fois les fonds propres, par ailleurs notoirement très insuffisants puisqu'ils ne représentent que moins de 13 % du passif.

Il n'est donc plus possible de ne laisser aux entreprises que l'endettement comme moyen de financer leur développement. L'exemple récent de France Télécom, également contrainte par son statut de se financer par la dette, a, en effet, mis en lumière les dangers en résultant.

Une augmentation du capital d'EDF et de GDF est donc nécessaire. Dans la mesure où cette opération, si elle concerne, comme cela est nécessaire, des sommes significatives, ne pourra être entièrement souscrite par l'Etat, il convient qu'elle constitue également une ouverture de capital ce qui implique la modification de la forme juridique des entreprises.

Sous réserve de noter que le même raisonnement vaut évidemment pour l'électricité, votre rapporteur ne peut donc, sur ce point, que souscrire pleinement à l'analyse de Mme Nicole Bricq, dans son rapport au Premier ministre d'octobre 1999 sur la transposition de la directive gazière : « Il serait incohérent et à terme dangereux d'ouvrir à la concurrence le marché du gaz en France sans donner à notre opérateur historique la possibilité de se développer avec les mêmes atouts et les mêmes moyens que ses concurrents en Europe. Or la possibilité de développement de GDF sur le marché européen, en amont, pour maîtriser la ressource et, en aval, vers les services est largement obérée par ses capacités de recours à l'emprunt et sa faiblesse d'autofinancement. On peut choisir de ne pas traiter le problème au moment de la transposition de la directive. Je pense que ce serait une erreur que nous paierions très cher et qui aboutirait à l'asphyxie programmée de GDF » (2).

Outre la question du financement des entreprises, deux autres raisons rendent également opportun le changement de leur forme juridique.

La première est la question dite de la garantie de l'Etat. La Commission européenne a, en effet, engagé en octobre 2002, une procédure d'examen relative à diverses mesures qu'elle a considérées comme constituant des aides d'Etat en faveur d'EDF. Parmi celles-ci, figure le fait que, selon la Commission, l'Etat apporte une garantie générale à EDF en tant qu'emprunteur du fait de son statut d'établissement public. La Commission européenne a donc demandé que la France supprime « la garantie illimitée dont bénéficie EDF sur tous ses engagements en vertu de son statut d'EPIC » (point 82 de la lettre du 16 octobre 2002 de M. Mario Monti, commissaire européen, à M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères). Il était précisé que cette garantie ne résultait pas de la propriété publique de l'entreprise mais de son statut juridique. Le présent projet de loi répond donc à la préoccupation de la Commission tout en préservant la propriété publique des entreprises.

La seconde autre raison rendant opportun un changement de la forme juridique des entreprises est le caractère très contraignant pour elles de leurs principes de spécialité. Ce principe de spécialité est consubstantiel au statut d'établissement public et interdit à un établissement public d'entreprendre des activités extérieures à la mission, définie par la loi, pour laquelle il a été créé. Concrètement, ce principe interdit aujourd'hui aux deux entreprises de proposer à leurs clients des offres multi-énergies et limite très strictement les services qu'elles peuvent offrir. Il contraint donc leurs offres commerciales en ne leur permettant pas de présenter des offres identiques à celles que leurs concurrents peuvent proposer.

Il est donc nécessaire de changer la forme juridique d'EDF et de GDF comme le propose l'article 22 du projet de loi. Il est, en revanche, hors de question que cette évolution entraîne la perte du contrôle de l'Etat sur ces entreprises compte tenu du caractère éminemment stratégique de leurs activités. Le projet de loi prévoit, en conséquence, que l'Etat restera majoritaire dans leur capital, votre Commission vous proposant de le modifier sur ce point pour porter ce taux minimum de détention du capital à 70 %.

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Outre la transposition des deuxièmes directives et des mesures techniques (notamment en matière de définition des réseaux électriques de transport et de distribution) ou de coordination (portant, par exemple, sur l'adaptation des conditions d'intervention des distributeurs non nationalisés dans un marché largement concurrentiel), le projet de loi ne comprend donc que des mesures relatives à la pérennisation du financement des retraites des industries électriques et gazières et à la modernisation de la forme juridique d'EDF et de GDF.

Le statut des personnels des entreprises électriques et gazières n'est donc modifié en rien par le projet de loi. Ce statut des entreprises électriques et gazières constitue l'un des éléments d'un contrat social passé entre la Nation et les personnels dans le contexte difficile de la reconstruction industrielle de notre pays. Votre rapporteur a eu trop souvent l'occasion de constater que les agents actifs des industries électriques et gazières et, en cas de besoin, les agents inactifs - comme lors de la tempête de 1999 - remplissaient leur part de contrat pour accepter que celui-ci soit remis en cause.

EXAMEN EN COMMISSION

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de sa réunion du mercredi 2 juin 2004, la Commission a entendu M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie sur le projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières (n° 1613).

Le président Patrick Ollier a rappelé qu'il avait eu l'occasion, en accompagnant le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie à la centrale nucléaire de Chinon, de constater le manque d'information de beaucoup d'agents des entreprises.

Il a donc estimé extrêmement important de dissiper des inquiétudes infondées et c'est pourquoi il a indiqué qu'il serait très attentif aux éléments d'information qui seront apportés par le ministre. Il a, en particulier, jugé important d'indiquer clairement les conséquences du projet sur les retraites du personnel et de montrer que le projet de loi ne modifie en rien le statut des personnels.

Puis, il s'est déclaré soucieux de veiller à la pérennité du service public de l'énergie et a souhaité que sur le point, qu'il a jugé essentiel, de la part de l'Etat dans le capital, le ministre précise le niveau qu'il estime souhaitable et indique s'il serait prêt à aller au-delà du chiffre de 70 % qu'il avait récemment évoqué.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a tout d'abord rappelé que le dossier des entreprises électriques et gazières était sans doute celui qui l'avait le plus occupé depuis son arrivée au ministère. Il a estimé nécessaire sur ce sujet, compte tenu de l'importance des enjeux que sont l'indépendance énergétique du pays, le service public et l'avenir de deux très belles entreprises, de laisser de côté tout esprit polémique.

Indiquant qu'il souhaitait en conséquence partir de faits, il a souligné que le premier d'entre eux était l'ouverture du marché à la concurrence, à hauteur de 70 % au 1er juillet 2004, une évaluation devant être réalisée sur la pertinence d'une ouverture totale en 2007.

Il a donc estimé que, face aux évolutions majeures que connaît le secteur de l'énergie, l'immobilisme n'était pas possible, ce dont conviennent tous les connaisseurs du sujet y compris les organisations syndicales.

Il a également rappelé que la Commission européenne avait une exigence relative à EDF et à GDF. Il a précisé que ces entreprises étaient des établissements publics accomplissant des missions de service public et qu'elles bénéficiaient de ce fait d'une garantie de l'Etat y compris pour leurs activités en concurrence, ce qui réduit le coût de leur endettement et ce que la Commission considère comme une rupture d'égalité vis-à-vis de leurs concurrents.

Il a indiqué qu'en conséquence, la Commission européenne demandait la fin de cette garantie de l'Etat liée au statut d'établissement public.

Il a donc expliqué que la solution envisagée n'était pas idéologique, mais pragmatique, et consistait à transformer l'entreprise en société anonyme, d'abord de façon à permettre aux entreprises de se développer en Europe et ensuite, pour répondre à la Commission, en soulignant que celle-ci ne demandait effectivement ni privatisation, ni ouverture de capital, mais simplement la suppression de cet avantage concurrentiel.

Il a, par ailleurs, rappelé que la situation financière d'EDF n'était pas bonne et que l'ensemble des acteurs de l'entreprise en convenait. Il a souligné qu'EDF avait réalisé de très importants investissements pour se développer à l'étranger et que la majorité précédente avait été conséquente en les autorisant, puisque ce développement international est nécessaire pour compenser les pertes de parts de marché en France rendues inéluctables par l'ouverture à la concurrence acceptée à Barcelone.

Il a toutefois rappelé que si la majorité précédente avait laissé, à raison, l'entreprise investir ainsi 16 milliards d'euros, elle ne lui avait pas donné un centime pour financer ces opérations alors qu'il aurait fallu au contraire soit renforcer, par une dotation de l'Etat, les fonds propres de l'entreprise, soit ouvrir son capital pour lui permettre d'acquérir des positions par échange de titres. Il a d'ailleurs regretté que, depuis 22 ans, aucun gouvernement n'ait jamais apporté « d'argent frais » à l'entreprise.

Puis, il a souligné qu'il comprenait parfaitement l'inquiétude des femmes et des hommes d'EDF et GDF : entrés dans une entreprise nationalisée en situation de monopole en 1946, ils se trouvent aujourd'hui au cœur d'un système concurrentiel qui pèse sur les choix, la profitabilité et la situation de l'entreprise.

Il a donc jugé que ce constat impliquait de trouver des solutions et donc de prendre des décisions, ce que s'efforce de faire le gouvernement :

- en faisant le choix du nucléaire, avec le soutien de toutes les organisations syndicales, excepté la CFDT, et en rompant avec l'absence de choix clair de la précédente majorité. Il a indiqué que notre pays dispose actuellement de 58 centrales nucléaires qui devront être renouvelées, ce qu'il convient de prévoir, le projet industriel d'EDF étant enraciné dans le projet industriel nucléaire national, puisqu'il permet la fourniture d'une énergie à un coût compétitif par rapport aux autres pays européens.

Il a rappelé que le choix de l'EPR était désormais fait et que le premier site serait choisi dans quelques semaines.

- en soulignant qu'il ne s'agit pas d'une privatisation. La comparaison avec France Télécom, souvent faite, n'est pas pertinente car le secteur des télécommunications n'a rien à voir avec l'indépendance énergétique et cette entreprise, à la différence d'EDF, n'exploite pas le parc nucléaire du pays.

Il a d'ailleurs estimé qu'il lui paraissait difficile qu'un investisseur privé puisse, un jour, racheter le parc nucléaire français compte tenu des sommes en jeu et des durées de retour sur investissement.

Il a par ailleurs rappelé que le statut d'EPIC n'était pas davantage une garantie contre la privatisation que la fixation d'un seuil majoritaire de participation de l'Etat dans le capital puisque, dans tous les cas, une loi permettrait de décider cette privatisation aussi bien en partant d'un EPIC que d'une société majoritairement publique.

Il a indiqué qu'il avait trouvé à son arrivée au ministère un projet de loi prévoyant que l'Etat conserverait 51 % du capital. Ayant estimé cela insuffisant, notamment compte tenu du risque d'une minorité de blocage détenue par le secteur privé, il avait d'abord proposé une majorité de 60 à 66 % et que la CGC avait proposé 70 %.

Il a précisé que le Gouvernement était ouvert aux initiatives des parlementaires sur ce sujet et était prêt à ce que l'Etat conserve 70 % du capital afin d'éviter toute minorité de blocage et tout danger quant à l'autonomie de décision par rapport à l'Etat.

Il a rappelé que l'intention du Gouvernement n'était pas l'ouverture de capital mais le changement de forme juridique de l'entreprise, laissant la possibilité, pour l'avenir, d'une ouverture du capital.

Il a rappelé que celle-ci pourrait être une formidable opportunité pour les personnels actifs ou inactifs, qui représentent un peu moins d'un demi-million de personnes - quelques 200 000 jeunes inactifs et 150 000 actifs -, attachés à l'entreprise, de rentrer dans le capital de l'entreprise. Il a souligné qu'une telle mesure s'inscrirait tout à fait dans la philosophie gaulliste de la participation.

Il a précisé qu'en l'état actuel du droit, 10 % des titres cédés devaient être proposés aux salariés mais que le Gouvernement était prêt à porter ce chiffre à 15 %. Il a estimé que cette garantie, en plus du plancher des 70 % de participation pour l'Etat, devait contribuer à limiter les inquiétudes.

En imaginant par ailleurs, a-t-il ajouté, que les collectivités territoriales, ou leurs groupements - dont il ne demande pas l'intervention - ainsi que les partenaires étrangers d'EDF pourraient devenir actionnaires, on dispose d'un système permettant de préserver une entreprise nationale selon des modalités nouvelles.

Il a rappelé que le statut d'établissement public d'EDF et de Gaz de France freinait leur expansion dans la majorité des pays européens en constituant un facteur de suspicion, parfois à l'origine, comme en Italie ou en Espagne, de l'adoption de lois entravant fortement l'exercice des droits de vote attachés à des titres pourtant très chèrement acquis par EDF-GDF.

Il a ensuite indiqué qu'EDF-GDF resterait une entreprise intégrée, de la production, au transport et à la distribution-commercialisation, et que l'activité de transport serait filialisée en restant publique à 100 %, sous le nom de « GDF - Transport » et d'« EDF - Transport ».

Il a par ailleurs rappelé que l'entreprise ne serait plus tenue par le principe de spécialité, alors qu'aujourd'hui EDF ne peut pas vendre de gaz, ni GDF de l'électricité et aucune des deux des services. Or, a-t-il précisé, certaines entreprises clientes attendent une offre intégrée : l'abrogation de ce principe permettra aux deux opérateurs historiques d'offrir cette offre complète, comme leurs concurrents.

Il a indiqué qu'une structure commune aux deux entreprises comprenant environ 60 000 personnes serait, en outre, préservée, comme le souhaitaient les entreprises et les salariés.

Il a ensuite abordé la question de la fusion, dossier complexe et que l'on ne doit pas évoquer de façon manichéenne ou simpliste. Il a estimé que rien dans le projet de loi ne faisait obstacle à une fusion future. Par ailleurs, il a indiqué avoir demandé aux deux présidents de ces entreprises de réaliser une étude sur ce sujet et plus généralement sur celui des coopérations qui sera achevé en septembre.

Il a indiqué que, personnellement, il était réservé sur cette évolution pour deux raisons principales :

- le marché va bientôt être ouvert à la concurrence et deux partenaires qui de surcroît, se connaissent bien, l'occupent mieux qu'une seule entreprise, surtout lorsqu'elles disposent de réseaux complémentaires ;

- la fusion conduirait immédiatement le nouveau groupe à devoir répondre devant les autorités de l'Union européenne de l'accusation d'abus de position dominante et donc à devoir vendre des actifs en France. Or, le ministre d'Etat a rappelé qu'il s'était engagé à ne pas vendre d'actifs mais, au contraire, à procéder à une augmentation de capital.

Il a indiqué qu'à cet égard les 500 millions d'euros d'augmentation de capital ne seraient peut-être pas suffisants, mais qu'il s'agissait de la première augmentation de capital en 22 ans et d'un soutien suffisamment significatif pour que la Commission européenne ait, sur le champ, demandé de l'examiner.

Concernant les retraites, le ministre a rappelé que, jusqu'à aujourd'hui, EDF et GDF étaient leurs propres assureurs, ce qui mettait le système de retraite dans une situation d'une extrême fragilité, des retraites ne pouvant dépendre exclusivement des résultats financiers d'une entreprise, aussi profitable soit-elle.

Il a donc indiqué que, dans ce nouveau cadre, le projet de loi prévoyait un « adossement » au régime général d'assurance vieillesse afin de permettre aux entreprises de contribuer et de bénéficier de la solidarité interprofessionnelle.

Il a par ailleurs précisé que les électriciens et gaziers continueraient à cotiser 37 ans et demi.

Il a rappelé en effet que la France n'était pas une page blanche et qu'EDF et GDF avaient une histoire, une identité et avaient réalisé des conquêtes sociales sur lesquelles on ne pouvait pas juste tirer un trait.

Puis, il a rendu hommage au sens des responsabilités des organisations syndicales. Rappelant que le « référendum » sur les retraites avait laissé un grand traumatisme, il a estimé qu'il était conforme à l'intérêt général que des organisations syndicales raisonnables et responsables, ce qui est notamment le cas de la CGT, soient fortes.

Il a indiqué qu'il avait été très marqué par sa visite à la centrale de Chinon, où, sur les 1 300 employés de la centrale, 1 100 étaient venus, l'empêchant d'abord de parler pendant plus de 10 minutes, non pas pour exprimer leur colère contre le projet, mais leur sentiment que, trop souvent, des décisions qui les concernent sont prises sans leur avis et surtout sans qu'aucune explication ne leur soit donnée. Il a estimé que cela soulignait malheureusement le fossé existant entre les « dirigeants » au sens large et les salariés et qu'il convenait de le combler. Il a enfin rappelé qu'après 1 heure 45 de discussion, il était parti avec le sentiment d'une meilleure compréhension réciproque.

Il a conclu qu'il ne présentait pas ce projet de loi en s'en excusant mais qu'il le revendiquait, afin de porter une authentique politique industrielle pour la France et de donner à ces entreprises la chance de devenir des champions européens.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a jugé le projet de loi conséquent, cohérent et équilibré.

Il a, tout d'abord, estimé que le texte était conséquent parce qu'il tient compte de l'histoire des entreprises et de l'histoire nationale, parce qu'il tire les conséquences de l'ouverture à la concurrence des marchés du gaz et de l'électricité et parce qu'il tire les enseignements des expériences étrangères à un moment où suffisamment de recul permet de juger sereinement des bilans réels de l'immobilisme choisi par certains Etats comme de l'ouverture à la concurrence débridée décidée par d'autres.

Il a ensuite jugé le projet de loi cohérent parce qu'il préserve le caractère intégré des entreprises publiques, intégration dont la nécessité constitue une des principales leçons des échecs des groupes purement producteurs, comme British Energy, ou purement fournisseur, comme Enron.

Il a enfin qualifié le projet de loi d'équilibré dans la mesure où, en préservant le statut des personnels et le service public auquel sont attachés les usagers, il s'inscrit pleinement dans notre histoire en définissant une troisième voie entre l'étatisme et le libéralisme effréné qui pourra constituer un exemple pour d'autres Etats.

Il a ensuite posé plusieurs questions au ministre d'Etat. Rappelant que le réseau de transport constituait l'épine dorsale du système électrique, il a souhaité savoir quelles garanties d'indépendance pourraient être données à son gestionnaire.

En ce qui concerne la fusion, il a jugé souhaitable que le ministre d'Etat puisse indiquer quel était le bilan de la fusion d'EON et de Ruhrgas en Allemagne qui a donné naissance à un groupe de taille comparable à l'ensemble EDF-GDF.

Il a ensuite rappelé que des interrogations existaient sur le champ d'application du statut des industries électriques et gazières et a souhaité savoir si celui-ci s'appliquait à la commercialisation, rappelant à cette occasion que cette fonction mal prise en compte dans notre droit pouvait également soulever des difficultés pour l'application, notamment aux entreprises non nationalisées, de la réforme du financement des retraites.

Enfin, il a indiqué qu'un service commun était préservé en ce qui concerne la distribution mais que les inquiétudes étaient fortes quant au recours à la sous-traitance, en particulier dans ce secteur d'activité. Il a donc souhaité savoir selon quelles modalités le maintien de compétences au sein des entreprises et l'encadrement du recours à la sous-traitance pourraient être organisés.

M. Daniel Paul a indiqué que son groupe ne partageait pas l'enthousiasme du rapporteur et du ministre concernant ce projet de loi.

Après avoir précisé que les députés communistes étaient en accord avec certains points du projet de loi relatif aux orientations énergétiques, il a jugé que la simultanéité des deux textes portait en germe des dangers pour le pays et souligné que l'énergie n'était pas un bien comme les autres et que l'on ne pouvait donc privatiser EDF-GDF comme l'on privatise une entreprise « ordinaire ».

Après avoir rappelé qu'il n'avait pas accueilli avec enthousiasme les conclusions du sommet de Barcelone, il a posé les questions suivantes :

- Pourquoi le Gouvernement ne s'est-il pas livré à un bilan de la libéralisation de l'énergie, que ce soit en matière de production ou de distribution, réalisée dans d'autres pays ayant connu une vague de privatisations comme l'Etat de Californie, la Grande-Bretagne, l'Espagne et l'Italie avant de proposer un tel texte ?

- L'ouverture du capital n'a-t-elle pas toujours débouché sur la privatisation et y a-t-il beaucoup d'exemples de la « troisième voie » évoquée par le rapporteur ?

- Les Français sont-ils réellement en accord avec le projet du Gouvernement alors que selon un récent sondage, 50 % d'entre eux disent partager les préoccupations des agents d'EDF-GDF ?

- Pourquoi ne pas avoir attendu la réalisation de l'étude sur la fusion en septembre pour présenter le projet de loi ?

- L'entrée des collectivités locales dans le capital des entreprises est-elle réellement une garantie de leur non-privatisation, alors que l'exemple de la Compagnie nationale du Rhône, dont une partie du capital était détenue par des collectivités locales telles que les villes de Paris et de Lyon illustre le contraire ?

- Quelle est la valeur d'EDF compte tenu des charges futures très lourdes, telles que le démantèlement des centrales ou l'adossement des retraites, pesant sur l'entreprise ?

M. Jacques Masdeu-Arus, s'exprimant au nom du groupe UMP, a estimé que l'Assemblée était saisie d'un projet de loi dont l'adoption était impérative puisque l'ouverture du marché de l'énergie à la concurrence, dont une nouvelle étape interviendra dès le 1er juillet 2004, l'impose.

Cette réalité posée, il a estimé que le débat pourrait s'arrêter là mais qu'il appartenait au Parlement d'examiner le projet de loi, en y apportant, si nécessaire, quelques compléments.

Il a estimé que la réforme était indispensable et que le groupe UMP était aux côtés du Gouvernement pour que celle-ci soit la plus profitable possible, d'une part, pour les Français, usagers du service public, qui sont en droit d'attendre une fourniture d'énergie de qualité et au prix le plus compétitif et, d'autre part, pour les entreprises EDF et GDF, qui face à la concurrence, doivent avoir les moyens financiers et humains de leurs missions.

Il s'est donc déclaré favorable à la transformation des deux établissements publics en sociétés anonymes avec la garantie très importante que la participation de l'Etat ne pourra descendre en dessous de 70 % du capital donnée aux personnels par le ministre d'Etat.

Il a rappelé que ce changement de statut permettrait à EDF et à GDF de se mettre en conformité avec les règles du marché et ainsi de ne plus risquer les sanctions de Bruxelles. Il a noté qu'il mettrait également fin au principe de spécialité ce qui permettra à EDF et à GDF d'élargir leurs domaines d'intervention et de faire des offres « multi-énergies » à l'instar de leurs concurrents.

Abordant enfin le statut du personnel de ces entreprises, il a indiqué que le choix du Gouvernement était de le maintenir et même de le conforter puisque la création d'une caisse de retraite spéciale pour les personnels des industries électriques et gazières est proposée ce qui permettra de soulager EDF et GDF d'une part de leurs dettes sociales. Il a toutefois rappelé que la question du statut des salariés et des retraités d'EDF et de GDF était d'une importance économique telle qu'elle ne saurait être évitée indéfiniment pour des considérations politiques.

Il a conclu en indiquant que le groupe UMP se prononcerait favorablement sur ce projet de loi qui navigue entre une nécessaire évolution et un prudent statu quo.

M. François Brottes, s'exprimant au nom du groupe socialiste, a déclaré qu'il n'entendait pas faire de déclaration de principe, mais qu'il essayerait en revanche d'obtenir des réponses claires sur un certain nombre de points précis.

Il a noté que le présent projet de loi constituait une manœuvre délicate pour M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il a en effet estimé que le projet opérait un mélange des genres et des enjeux dans la mesure où il contenait non seulement la transposition de directives communautaires, dont il a reconnu la nécessité, mais aussi le traitement du problème des retraites des agents des industries électriques et gazières, qu'il a estimé distinct du précédent, et enfin la question du changement de statut des établissements publics que constituent EDF et Gaz de France. Il a souligné que selon lui, les trois questions n'étaient pas forcément liées.

Concernant le changement de statut d'EDF et de Gaz de France, il s'est demandé si le ministre avait étudié un scénario alternatif. Invitant ses collègues à prendre acte du fait qu'EDF est une très belle entreprise et estimant que c'est grâce à son statut qu'EDF a pu réaliser les investissements considérables liés notamment au développement du parc nucléaire, il a jugé qu'il conviendrait notamment d'envisager une modification du principe de spécialité auquel EDF et GDF sont aujourd'hui assujettis.

Exprimant sa satisfaction de voir l'Etat apporter à l'entreprise 500 millions d'euros, il s'est demandé si le ministre avait envisagé la possibilité d'aller au-delà de cette somme. Il a ainsi jugé cohérent un scénario dans lequel l'Etat, qui a beaucoup profité de l'entreprise, emprunterait pour alimenter ses besoins en fonds propres au moment où elle en a besoin.

Puis, il a souhaité savoir si le Gouvernement serait disposé, au cas où les syndicats en feraient la demande, à leur accorder, pour faire connaître leur position, les mêmes moyens que ceux consacrés par la direction d'EDF à la campagne de promotion du projet de loi engagée par celle-ci.

Il a ensuite demandé quelles seraient les incidences du changement de statut sur le réseau de distribution des collectivités territoriales, notamment les communes, qui en sont propriétaires et au sujet desquelles le présent projet de loi contient des dispositions.

Quant au problème de la fusion des deux entreprises, il a rappelé avoir vainement plaidé, au cours de la discussion du projet de loi d'orientation sur l'énergie, en faveur de la remise d'un rapport au Parlement sur le sujet, et a jugé opportun d'attendre le résultat de l'étude qui a été demandée par le ministre avant d'examiner le projet de loi.

Puis, il a souhaité obtenir des précisions sur le contenu des contrats de service public prévus par l'article premier du présent projet de loi, soulignant que cet article ne précisait pas quelles étaient les exigences de service public imposées à EDF, à GDF et à leurs filiales.

Il a également demandé des précisions au sujet de la mise en œuvre du principe de péréquation tarifaire inscrit au même article, dans un contexte où le marché sera libre.

Il a en outre émis des doutes quant aux moyens de se prémunir contre les éventuels dépôts de bilan des opérateurs qui vont entrer sur le marché. Il a rappelé à ce sujet que l'article 14 du projet de loi contraindrait notamment les opérateurs historiques à reprendre les engagements de retraites des personnels de ces nouveaux entrants en cas de défaillance.

Puis il a interrogé le ministre sur la part, en volume, de la contribution tarifaire sur les prestations d'acheminement créée par le projet de loi.

En conclusion, il a souligné que le maintien du caractère à 100 % public des gestionnaires des réseaux de transport annoncé par le ministre ne lui paraissait pas possible, dès lors qu'EDF ou GDF participerait à leur capital et que ces sociétés ne seraient plus publiques à 100 %. Il s'est, en outre, interrogé sur la question de savoir si les autres opérateurs n'allaient pas exiger de participer au capital de ces sociétés dont ils utilisent les services.

S'exprimant au nom du groupe UDF, M. Jean Dionis du Séjour a apporté son soutien au changement de statut, se disant convaincu de la cohérence de celui-ci avec l'ouverture du marché professionnel à la concurrence et avec la nécessité de supprimer les avantages concurrentiels qui existent actuellement, tels que la garantie de l'Etat à EDF.

Il a réaffirmé son soutien à la construction européenne dans sa dimension politique, mais aussi économique, et notamment à la construction d'un marché énergétique européen. Il a plaidé en faveur de l'ouverture des marchés énergétiques à la concurrence sous réserve de préserver le rôle du régulateur, la Commission de régulation de l'énergie, et de développer des services universels.

Rejoignant l'analyse du ministre selon laquelle EDF est dans une situation de fragilité financière, notamment eu égard à la nécessité de provisionner les retraites de son personnel, il a approuvé le choix stratégique du maintien d'un groupe intégré autour des trois métiers de producteur, de transporteur et de distributeur.

Il a néanmoins souligné les contradictions possibles entre cette intégration et les dispositions des directives transposées par le présent projet de loi, ces directives prévoyant expressément une séparation entre les fonctions de transporteur et de producteur d'énergie. Il s'est interrogé sur la nécessité de développer des mécanismes permettant de prévenir les conflits d'intérêt.

Il s'est ensuite interrogé sur la conformité avec le droit commun des dispositions de l'article 4 du projet de loi relatives aux statuts des gestionnaires des réseaux de transport. Puis, il a regretté que le développement du gestionnaire du réseau de transport d'électricité, qui a un réel savoir-faire, soit limité à l'Union européenne.

Abordant le dernier alinéa de l'article 6, dont il a jugé la portée incertaine, il s'est interrogé sur la question de savoir si le gestionnaire du réseau de transport d'électricité allait développer un second réseau national de télécommunications.

Puis, M. Jean Dionis du Séjour a estimé qu'en ce qui concerne le statut du personnel des entreprises EDF et Gaz de France, il convenait de concilier deux principes : le respect de l'histoire des deux entreprises et de la parole donnée au personnel, d'une part, et le respect de l'équité entre les Français d'autre part. Rappelant que la récente réforme des retraites n'avait pas modifié les régimes spéciaux mais qu'il avait alors été prévu de régler la question en même temps que celle de la modernisation des entreprises concernées, il a jugé nécessaire de concilier ces deux principes notamment en s'assurant que le régime de retraite des nouveaux salariés converge avec le régime général.

Evoquant la garantie de l'Etat à la caisse nationale des industries électriques et gazières, prévue à l'article 23, il a demandé au ministre si elle serait rémunérée et, le cas échéant, à quel prix.

Enfin, M. Jean Dionis du Séjour a demandé au ministre son point de vue sur la distinction actuelle entre la haute tension qui relève d'EDF et la basse tension qui relève des collectivités territoriales. Notant que cette distinction était en grande partie une fiction, le tout étant largement maîtrisé par EDF, il a estimé qu'elle soulevait la question, à ses yeux fondamentale, de la fourniture de la puissance adéquate en chaque point du territoire français.

En réponse aux différents intervenants, M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a apporté les précisions suivantes :

- la Commission européenne ne s'est pas saisie du projet de fusion entre Eon et Ruhrgaz, dans la mesure où ces entreprises réalisaient moins du tiers de leur chiffre d'affaires hors d'Allemagne. Ce n'est pas le cas pour EDF qui réalise plus d'un tiers de son chiffre d'affaires hors de France. Il a, en outre, indiqué que le groupe résultant de cette fusion ne contrôlait que 50 % du marché allemand alors qu'EDF et GDF contrôlent environ 90 % du marché français. Pour ramener la part de marché d'un ensemble EDF-GDF à un niveau comparable à celle du groupe Eon-Ruhrgaz, des sacrifices très importants seraient donc nécessaires ;

- l'indépendance et la neutralité de la future société gérant le réseau de transport d'électricité seront assurées par son statut même de filiale d'Electricité de France, alors que Réseau de transport d'électricité (RTE) n'est actuellement qu'un service de l'établissement public ; en outre, les dispositions des lois n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité et n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et du service public de l'énergie relatives à l'accès des tiers aux réseaux et notamment au rôle de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) en matière de tarifs sont maintenues ;

- les contrats entre l'Etat et les entreprises comprendront des objectifs chiffrés notamment dans le domaine de l'enfouissement des lignes et de la recherche, dans la mesure où un objectif clairement défini est le seul moyen d'aboutir à des résultats concrets dans ce domaine ;

- les obligations de service public prévues par le présent projet de loi, ainsi que les lois du 10 février 2000 et du 3 janvier 2003 précitées, incluent la péréquation des tarifs assurant à toutes les catégories de clients des tarifs identiques quelle que soit leur localisation géographique sur le territoire métropolitain, la qualité de l'énergie et des mesures sociales matérialisant le fait que l'énergie ne doit pas être un secteur soumis aux seules lois du marché ;

- le statut du personnel des industries électriques et gazières (IEG), définis par la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, s'applique aux entreprises de production, de transport et de distribution, et donc de fourniture, d'électricité et de gaz ; les activités de sous-traitance sont comprises dans le champ de ce statut lorsqu'elles sont indissociablement et exclusivement liées à l'une de ces activités. La sous-traitance dans le secteur du nucléaire est effectivement une question difficile, sur laquelle le Gouvernement est ouvert à toutes les propositions du Parlement. Néanmoins, il est courant et légitime que des salariés extérieurs travaillent sur le site d'une centrale nucléaire, par exemple lorsqu'il s'agit de salariés d'un constructeur d'équipements. En conséquence, il est évident que la garantie offerte à ces différentes catégories de personnel ne peut pas être identique à celle dont bénéficient les salariés d'Electricité de France, même si l'on pourrait imaginer un tronc commun de garanties sociales sur lequel le Gouvernement pense qu'il faut effectivement travailler ;

- le projet de loi relatif aux orientations de la politique énergétique, qui vient d'être voté en première lecture à l'Assemblée nationale, permettra effectivement de dessiner les grandes tendances de la politique énergétique nationale de demain, notamment dans le secteur du nucléaire. A ce titre, il faut se féliciter du soutien conjoint du courant gaulliste et plus largement de l'UMP et du parti communiste en faveur hier de la mise en place de la filière nucléaire française et aujourd'hui du lancement de l'EPR ;

- les possibilités de fusion entre Electricité de France et Gaz de France seront étudiées par les deux entreprises pour septembre mais le report de l'examen du projet de loi n'est pas envisageable compte tenu des échéances de l'ouverture à la concurrence au 1er juillet. Si l'opposition souhaite cette fusion, elle aurait pu l'engager lorsqu'elle était aux affaires ;

- la Compagnie nationale du Rhône, qui n'est qu'une entreprise de production, et EDF, qui exploite des réseaux, relèvent de situations tout à fait différentes, ce qui pourrait justifier une implication plus forte des collectivités locales dans EDF par rapport à la CNR ;

- la valeur de l'entreprise Electricité de France est parfois estimée entre 30 et 50 milliards d'euros mais beaucoup d'incertitudes entourent ce chiffre ;

- un bilan de l'évolution du marché de l'énergie en Europe sera réalisé avant 2007 ainsi que l'a obtenu de ses collègues européens l'actuelle majorité et comme l'avait en effet demandé la précédente majorité, qui aurait pu, d'ailleurs, demander des garanties similaires à Barcelone avant l'ouverture du marché aux professionnels ;

- la simultanéité de la discussion au Parlement du projet de loi d'orientation de la politique énergétique et du présent projet de loi permet d'aborder l'ensemble des problématiques du secteur de l'énergie et correspond d'ailleurs à une demande des syndicats eux-mêmes. L'ordre de présentation a également son importance puisqu'il est logique de fixer d'abord le cadre de la politique énergétique pour donner ensuite à nos entreprises les moyens de la mettre en œuvre ;

- la contribution tarifaire prévue par l'article 16 du projet de loi devrait s'élever à environ 5 % des tarifs mais sera compensée par une baisse à due concurrence de ceux-ci ;

- les syndicats sont favorables à la préservation d'une solidarité entre les entreprises de la branche en matière de retraites comme en témoigne l'accord social de janvier 2003. Des négociations doivent encore être menées pour déterminer les modalités concrètes de mise en œuvre de cette garantie ;

- le capital de la société gestionnaire du réseau de transport d'électricité sera détenu en totalité par Electricité de France, société publique, et le cas échéant par l'Etat ou d'autres organismes du secteur public, ce qui signifie, en d'autres termes, qu'il n'y aura pas de capitaux privés dans cette société ;

- la séparation des réseaux de transport, prévue par le présent projet de loi, sera sans conséquences sur le fait que les collectivités territoriales sont propriétaires de leurs réseaux. Le Gouvernement est en effet attaché au système des concessions ;

- le présent projet de loi traite effectivement de manière globale les problèmes liés au régime de retraite, à leur statut et à la transposition des directives communautaires car ces problèmes ont tous pour cause l'ouverture du marché à la concurrence. Ceci fait de ce projet de loi un texte complet et équilibré. L'opposition aurait d'ailleurs certainement critiqué le fait que le Gouvernement décide de traiter de manière indépendante ces questions ;

- la multiplicité des questions techniques posées par M. François Brottes montre qu'il est difficile de contester le projet de loi, sinon sur quelques points précis. La manifestation des personnels d'Electricité de France et Gaz de France de la semaine passée montre par ailleurs que la mobilisation a été forte en faveur de la défense du service public et non contre la privatisation des deux établissements publics, dans la mesure où le Gouvernement semble avoir convaincu les partenaires sociaux que son intention n'était pas de privatiser les deux entreprises ;

- le changement du statut d'Electricité de France aura, entre autres effets, celui de permettre à cette entreprise de pouvoir mener ses propres négociations salariales ce qui est nécessaire à l'autonomie de gestion de l'entreprise et sera à l'avantage du personnel ;

- chacun connaît la sensibilité politique personnelle et le parcours professionnel de M. François Roussely, président d'EDF, dont le remplacement aurait sans nul doute conduit l'opposition à dénoncer une chasse aux sorcières. Si quelqu'un ayant eu un tel parcours croit à ce point au projet de loi qu'il estime opportun de faire partager ses convictions, on voit mal pourquoi le Gouvernement le lui interdirait ;

- en matière de péréquation tarifaire, il est prévu un tarif identique de l'électricité pour les clients non éligibles ou n'ayant pas fait jouer leur éligibilité. Pour les clients éligibles, la péréquation tarifaire est appliquée pour les tarifs de transport et de distribution d'électricité. En outre, Electricité de France continuera d'appliquer des tarifs identiques pour les petits consommateurs sur tout le territoire. Enfin, les autres fournisseurs d'électricité seront tenus de communiquer aux clients éligibles souscrivant une puissance inférieure ou égale à 36 kilovolt-ampère un barème de prix qui doit être identique pour l'ensemble des clients éligibles de cette catégorie raccordés au réseau électrique métropolitain continental ;

- le soutien de M. Jacques Masdeu-Arus est très apprécié. Si la presse fait état d'appréciations divergentes au sein de la majorité sur le présent projet de loi, le Parlement est naturellement le lieu où ces divergences pourront s'exprimer librement car le Gouvernement entend rester ouvert à toutes les propositions avec comme conviction centrale que l'immobilisme est impossible. Le Gouvernement recherchera le consensus car l'avenir d'EDF et de GDF ne doit pas être un enjeu partisan ;

- le projet de loi est en effet un texte européen, comme l'a rappelé M. Jean Dionis du Séjour, et il est étonnant que ceux qui se disent aujourd'hui, en pleine campagne pour les élections européennes, des Européens convaincus, refusent de le voter. On ne peut pas à la fois dire que l'Europe est positive pour la France et refuser ensuite de se conformer à nos obligations européennes, d'autant que la question d'EDF est pour la Commission européenne un test de l'engagement européen de la France au même titre que le respect des engagements budgétaires. Il est possible, à l'instar du Parti communiste qui considère que l'Europe est trop libérale, de refuser par cohérence de voter le texte, mais se dire européen et refuser ce qui vient de l'Europe n'a pas de sens ;

- concernant le statut du personnel, il peut, en effet, demeurer une contradiction entre le principe d'égalité de traitement des Français et le maintien des régimes spéciaux. C'est là un débat qu'il faut affronter avec pragmatisme et non de façon intellectuelle car la différence entre le responsable politique et le théoricien est la prise en compte du principe de réalité. Or, ici, la réalité, c'est l'histoire sociale des entreprises. On peut juger que cette situation aboutit non à des injustices mais à des inégalités, mais force est de constater qu'elles existent. Face à un acquis social, le courage de l'homme politique est de le respecter et d'engager le changement. La droite républicaine et le centre proposent aujourd'hui à l'entreprise de garantir son histoire sociale tout en préparant son avenir et en lui proposant un grand changement : les syndicats et les personnels verront qui porte un vrai projet social et un vrai projet d'avenir. Ce débat, passionnant pour notre pays, sur le rythme du changement, est un débat, en tout cas, que nous devons avoir ;

- le président du conseil d'administration d'EDF-Transport sera protégé par le fait qu'il ne pourra être révoqué qu'après avis de la CRE. L'activité de cette société est un monopole, elle doit donc être contrôlée dans l'intérêt même du consommateur français qui n'a d'autres choix qu'EDF-Transport pour faire transporter son électricité. Le projet de loi propose donc de limiter les activités d'EDF-Transport à l'espace européen et au secteur régulé pour protéger le consommateur. La valorisation du réseau prévu inclut effectivement la possibilité de développer un réseau de télécommunications ;

- la garantie de l'Etat pour les droits passés couvre l'hypothèse purement théorique d'une faillite des entreprises publiques ; elle ne coûtera donc rien à l'Etat ;

- s'agissant de la qualité des réseaux énergétiques et des investissements d'EDF dans le réseau de distribution, il convient de rappeler que le projet de loi d'orientation sur l'énergie soumet les opérateurs à une obligation de résultat sur la qualité du courant électrique, le Sénat envisageant d'ailleurs d'instituer des pénalités si elle n'est pas respectée.

M. Pierre Cohen a précisé que l'étonnement du groupe socialiste portait moins sur les fonds alloués aux syndicats d'EDF ou consacrés par sa direction à des campagnes de communication que sur le calendrier retenu. Il a jugé choquant la promotion du projet de loi avant même sa discussion par le Parlement qui semble dès lors dessaisi, après avoir vu ses débats écourtés lors de l'examen du projet de loi d'orientation sur l'énergie.

Il a considéré que le propos du ministre, très construit, se référait à l'histoire syndicale et politique en rappelant les contributions de toutes les familles de pensée - à l'exception de la famille libérale - à la construction d'EDF. Il a estimé que si le ministre, dont il n'a pas contesté la sincérité, entendait démontrer que le projet de loi ne s'inscrivait pas dans une volonté de privatisation, il reflétait néanmoins une logique rendant inéluctable, à terme, cette privatisation. Il s'est déclaré, à ce sujet, convaincu que les faits démentiraient ultérieurement l'ensemble des propos du ministre, comme le montrait l'exemple des télécommunications.

M. Jean-Pierre Nicolas a estimé que ce projet de loi constituait, après celui relatif à l'énergie, un levier d'action important pour assurer l'avenir d'EDF et conforter la position de la France au niveau européen.

Il a considéré qu'il devait garantir à la fois le développement d'EDF, le statut de son personnel et le bon fonctionnement du service public, tout en permettant à l'entreprise d'honorer ses engagements financiers, ce dernier objectif semblant moins difficile à atteindre. Il a ainsi rappelé que le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale relatif à la situation financière des entreprises publiques avait mis en évidence, en juillet 2003, la précarité de la situation financière d'EDF et a souhaité que soit démontrée l'absence de risque de faillite de la future société anonyme.

Il a ensuite souhaité obtenir des précisions sur la délimitation et le poids respectif des activités concurrentielles et des activités régulées avant de proposer d'engager la réflexion sur la mise en place de gestionnaires de réseaux de distribution mixtes.

Il a enfin salué le courage et la rapidité de l'action du Gouvernement auquel il a apporté son soutien.

M. Pierre Ducout a estimé qu'il n'existait pas de marché européen de l'énergie et a jugé que cette situation pourrait être durable. Il a rappelé que la France avait, sous la précédente législature, bien tenu ses engagements européens et qu'il fallait préserver les acquis obtenus dans ce domaine notamment quant à l'indépendance du gestionnaire du réseau de transport d'électricité.

Puis, il a jugé qu'EDF, grâce à la production nucléaire, était placée dans une meilleure situation qu'on ne le disait habituellement pour faire face à l'augmentation des prix de l'énergie, annoncée par tous les experts du fait de la raréfaction de l'offre et de la croissance de la demande d'énergie.

Il a souhaité obtenir des précisions sur l'idée évoquée au sein de la majorité de préserver un établissement public dans le cadre d'une holding.

Puis, il a indiqué qu'un certain nombre d'entreprises privées (telles que Suez, ENEL, RWE ou plusieurs clients d'EDF) semblaient aujourd'hui prêtes à investir dans le projet EPR alors que le ministre avait estimé impossible que des investisseurs privés s'engagent dans le nucléaire.

Il a ensuite estimé que si le Gouvernement souhaitait être véritablement vertueux vis-à-vis d'EDF, il devrait apporter à ses fonds propres non pas 500 millions d'euros mais plus d'un milliard pour couvrir l'amende versée à la Commission européenne.

Il a enfin indiqué que, pour l'appréciation des parts de marché d'un éventuel groupe fusionné, seule l'échelle européenne était pertinente.

M. Claude Gatignol a rappelé que le groupe d'études de l'Assemblée nationale sur les énergies avait, à de multiples reprises, constaté que les réseaux de transport énergétique fonctionnaient d'autant mieux que leur gestionnaire bénéficiait d'une indépendance ou d'une autonomie suffisante. En revanche, il a estimé qu'une trop grande imbrication avec d'autres acteurs du marché pouvait soulever des difficultés, de sorte qu'il importe que le ministre précise comment cette indépendance pourra être assurée.

Il a ensuite remarqué que de grands investissements devraient être engagés au cours des prochaines années en faveur d'infrastructures de production électrique. Il a ajouté que des contacts internationaux lui avaient permis de constater l'intérêt de grands opérateurs européens pour ce type de projets. Il a donc souhaité obtenir, compte tenu du nouveau cadre dessiné par le projet de loi, des précisions sur le calendrier et sur le rôle de l'Etat pour fixer les modalités selon lesquelles ces investisseurs privés pourraient participer au financement d'un projet tel que l'EPR.

Mme Arlette Grosskost s'est interrogée sur les conditions dans lesquelles pourrait être garanti le contrôle public d'EDF en demandant si la piste du pacte d'actionnaires avait été explorée. Elle a signalé que la principale préoccupation qui ressortait de ses propres échanges avec les représentants des personnels était le risque de voir se développer la sous-traitance en particulier dans le domaine nucléaire.

En réponse aux différents intervenants, M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a, tout d'abord, pris acte de ce que la sincérité de son engagement à ne pas privatiser EDF n'était pas mise en cause et en a déduit que cela signifiait que le projet de loi comportait des garanties à cet égard. Quant à l'idée que le statut de société anonyme conduirait inéluctablement, à terme, à la privatisation, il l'a rejetée en expliquant qu'une privatisation ne pourrait être rendue possible, en tout état de cause, qu'à la suite du vote d'une loi, et que le maintien du statut d'établissement public ne constituait, en rien, à cet égard, un obstacle irrémédiable.

S'agissant de la situation des comptes d'EDF, il a refusé toute dramatisation, mais a appelé en revanche à la cohérence ceux qui réclament l'augmentation des effectifs et des rémunérations et, simultanément, la baisse des tarifs.

Puis, il a indiqué que le partage précis entre les activités régulées et les activités ouvertes à la concurrence avait été réalisé sous le contrôle du régulateur.

S'agissant de la création d'un gestionnaire des réseaux de distribution commun, il a rappelé les grandes divergences des organisations syndicales sur le sujet et le fait que les présidents des entreprises poursuivaient actuellement les concertations sur ce sujet.

Il s'est déclaré d'accord avec M. Pierre Ducout pour estimer que le développement d'EDF passait par le maintien d'une filière nucléaire puissante mais a jugé l'idée d'une holding coiffée par un établissement public indéfendable vis-à-vis de la Commission européenne.

Puis, il a considéré envisageable que des investisseurs privés participent au financement du projet EPR en citant le précédent de la centrale Super Phenix, mais a renvoyé l'ouverture de négociations éventuelles dans ce domaine au second semestre de l'année 2004. Il a jugé incohérent de ne pas développer la filière EPR en France tout en essayant de la commercialiser dans d'autres pays.

Il a rappelé que la séparation juridique et l'autonomie fonctionnelle de l'activité de transport d'électricité n'étaient en rien incompatibles avec la poursuite de cette gestion au sein d'une entreprise intégrée, des garanties d'indépendance étant apportées par le projet de loi.

Il a indiqué qu'une détention par l'Etat du capital d'EDF à hauteur de plus de 66 % interdisait par elle-même la constitution de toute minorité de blocage.

Il a estimé que la sous-traitance de certaines activités dans le secteur nucléaire constituait un problème réel et a jugé opportun de réfléchir à un tronc commun de règles permettant de rapprocher la situation des différents salariés concernés.

II.- EXAMEN DES ARTICLES

Lors de sa réunion du 8 juin 2004, la Commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Claude Lenoir, le projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières (n° 1613).

TITRE IER
LE SERVICE PUBLIC

La définition juridique du service public de l'électricité et du gaz est très récente. En effet, dans le secteur de l'électricité, c'est la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, qui dessine pour la première fois de façon précise les contours du service public de l'électricité. En ce qui concerne le gaz, et l'énergie en général, la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie, complète la loi n° 2000-108 précitée.

La loi n° 2000-108 précitée, en même temps qu'elle confirme les principes traditionnels du service public à la française - notamment les principes de continuité, de mutabilité et d'égalité -, intègre les impératifs dégagés par le droit communautaire dérivé et la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes. Elle prévoit notamment la démonopolisation de la production, de l'exportation et de l'importation d'électricité, activités réservées jusque-là à Electricité de France (EDF) et aux producteurs non nationalisés. En outre, elle définit tant les missions de service public confiées aux opérateurs en matière d'énergie électrique qu'un certain nombre de principes inhérents au service public de l'électricité.

Tout d'abord, la loi détaille les missions de service public à accomplir par les gestionnaires des infrastructures de transport et de distribution d'électricité, qui étaient jusque-là fixées dans les cahiers des charges de concession des réseaux de transport et de distribution d'électricité.

La loi n° 2000-108 précitée donne une valeur législative aux missions de service public dans le secteur électrique. Elle définit l'objet du service public de l'électricité qui est de « garantir l'approvisionnement en électricité sur l'ensemble du territoire national (...) dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité, et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d'efficacité économique, sociale et énergétique ». Par approvisionnement, il faut entendre la « fourniture » en électricité, qui englobe la maîtrise de la production nationale et celle des importations d'électricité. La fourniture d'électricité sur l'ensemble du territoire suppose d'approvisionner tant les clients dits non éligibles que les clients éligibles (3).

La loi dispose également que le service public de l'électricité contribue à la réalisation de trois objectifs fondamentaux :

- l'indépendance et la sécurité des approvisionnements en électricité ;

- la gestion optimale des ressources nationales ;

- la maîtrise de la demande d'énergie.

Le service public de l'électricité participe en outre à la « cohésion sociale » et la loi vise à cette fin la péréquation des tarifs et des mesures sociales.

La loi, outre qu'elle définit des missions de service public, pose les principes de ce service :

- sont réaffirmés les principes cardinaux du service public que sont la continuité dans la fourniture en électricité (qui renvoie notamment à l'obligation d'assurer une desserte continue en électricité sur les réseaux de distribution), l'égalité d'accès à l'électricité et de traitement entre les consommateurs, et l'adaptabilité qui exige que le service public soit constamment en mesure de s'adapter aux évolutions pouvant affecter le service public afin d'assurer la satisfaction de l'intérêt général ;

- en outre, la loi pose un certain nombre de principes nouveaux dont ceux de sécurité des réseaux publics d'électricité et de qualité de la desserte en électricité.

Dans le secteur du gaz, la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003, relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie, impose un certain nombre d'obligations aux opérateurs de réseaux de transport et de distribution, aux fournisseurs et aux titulaires de concessions de stockage souterrain. Ces obligations portent sur la sécurité des personnes et des installations en amont du raccordement des consommateurs finals, la continuité de la fourniture de gaz, la sécurité d'approvisionnement, la qualité et le prix des produits et des services fournis, la protection de l'environnement, l'efficacité énergétique, le développement équilibré du territoire, la fourniture de gaz de dernier recours aux clients non domestiques assurant des missions d'intérêt général et le maintien d'une fourniture aux personnes en situation de précarité.

L'objet du titre premier du présent projet de loi est donc en premier lieu de réaffirmer l'existence d'une mission de service public dans les secteurs de l'électricité et du gaz, ainsi que le principe de péréquation nationale des tarifs, nonobstant le changement de statut d'EDF et de Gaz de France. En outre, il s'agit d'affirmer le maintien de la mixité de l'opérateur des réseaux de distribution, cette mixité constituant une garantie essentielle du service public de proximité.

L'article 1er dispose que les missions et les obligations de service public qui incombent à EDF et à Gaz de France sont transférées aux sociétés nouvellement créées. Ainsi, malgré le changement de statut de ces entreprises, leurs missions de service public sont maintenues. L'article 1er tire les conséquences juridiques de ce transfert en imposant que soient conclus des contrats de service public entre l'Etat et les sociétés en charge de ces missions et obligations. En outre, cet article réaffirme le principe de péréquation nationale des tarifs de vente de l'électricité aux consommateurs domestiques, de l'harmonisation de ces tarifs en gaz et de la péréquation des tarifs d'utilisation des réseaux de distribution.

L'article 2 confirme la possibilité, ouverte par la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, pour les sociétés Electricité de France et Gaz de France de passer entre elles des conventions particulières et constituer des services communs, et de réaliser des prestations pour les distributeurs. En outre, cet article prévoit l'obligation de constituer un opérateur commun chargé des activités de construction, de maîtrise d'œuvre des travaux, d'exploitation et de maintenance des réseaux, et d'opérations de comptage sur l'ensemble du territoire. L'objectif est de préserver les synergies qui existent aujourd'hui entre EDF et Gaz de France.

Avant l'article 1er

La Commission a examiné un amendement de M. Jean Dionis du Séjour visant à modifier la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative au service public de l'électricité, afin de conforter le service public de proximité, en prévoyant à cette fin d'élargir les missions du service public de l'électricité en matière de développement et d'exploitation des réseaux publics de transport et de distribution, tout en précisant que la mission de fourniture d'électricité aux clients non éligibles et aux clients éligibles n'ayant pas mis en œuvre leur droit est assurée par EDF et les entreprises locales de distribution, en leur qualité de gestionnaire de réseau et de fournisseur.

Le rapporteur a indiqué que le projet de loi n'avait pas vocation à réaliser un toilettage d'ensemble du droit existant, opération qui avait très récemment été réalisée à l'occasion de la discussion de la loi du 3 janvier 2003. M. François Brottes s'en étant étonné, le rapporteur a expliqué qu'il ne dérogerait à ce principe que pour régler quelques situations particulièrement difficiles. Puis, le rapporteur s'étant déclaré défavorable à cet amendement, la Commission l'a rejeté, ainsi que l'amendement suivant, de coordination, et du même auteur.

Article 1er

Contrats de service public et principe de péréquation nationale

Dans la mesure où le présent projet de loi crée de nouvelles sociétés auxquelles sont transférées les missions et obligations de service public actuellement confiées à Electricité de France, à Gaz de France, et à leurs filiales, le présent article a pour objet d'imposer la conclusion d'un contrat de service public entre l'Etat et chacune des sociétés en charge de ces missions. Le présent article définit également l'étendue du champ de ce contrat.

Enfin, il consacre les objectifs de cohésion territoriale et sociale que doivent atteindre les deux entreprises et réaffirme les principes de péréquation tarifaire en matière d'électricité et d'utilisation des réseaux de distribution et d'harmonisation des tarifs de gaz.

L'objet du premier alinéa du présent article est d'affirmer le maintien des objectifs et des modalités de mise en œuvre des missions de service public « qui sont assignées à Electricité de France, à Gaz de France et à leurs filiales gérant un réseau de transport d'électricité ou de gaz » par la loi n° 46-628, la loi n° 2000-108 et la loi n° 2003-8 précitées. Les filiales visées ici sont, d'une part, la société gestionnaire de réseau de transport d'électricité qui succèdera à RTE, et, d'autre part, des filiales de transport de GDF et de la Compagnie française du méthane (CFM). La réaffirmation de missions de service public dans les secteurs du gaz et de l'électricité s'inscrit dans le double contexte communautaire et national de l'ouverture à la concurrence des marchés énergétiques européens, et du changement de statut d'EDF et Gaz de France, entreprises nationalisées en 1946 par la loi n° 46-628 précitée. En effet, en vertu de l'article 22 du présent projet de loi, « Electricité de France et Gaz de France sont transformés en sociétés dont l'Etat détient plus de 50 % du capital. Sauf dispositions législatives contraires, elles sont régies par les lois applicables aux sociétés anonymes. »

Le premier alinéa maintient le principe d'une contractualisation entre l'Etat et les entreprises créées par l'article 22 du présent projet de loi, mais le deuxième alinéa vise à substituer aux actuels contrats conclus entre l'Etat et EDF d'une part, GDF d'autre part, des contrats pluriannuels dont le champ est précisé par les alinéas suivants.

En effet, en l'état actuel de la législation, l'article 29 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement des territoires et l'article 140 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques prévoient deux types de contrats : les contrats d'entreprise pluriannuels et les contrats de service public.

Ainsi, l'article 29 de la loi n° 95-115 précitée dispose que « l'Etat établit, pour assurer l'égal accès de tous au service public, les objectifs (...) de services rendus aux usagers que doivent prendre en compte les établissements et organismes publics ainsi que les entreprises nationales placés sous sa tutelle et chargés d'un service public. Les objectifs sont fixés dans les contrats de plan ou les cahiers des charges lorsqu'ils sont approuvés par décret de ces établissements ou organismes publics et entreprises nationales ou dans des contrats de service public conclus à cet effet. Ceux-ci précisent les conditions dans lesquelles l'Etat compense aux établissements, organismes et entreprises publics les charges qui résultent du présent article. »

La loi mentionne donc d'une part les contrats de plan Etat-entreprise, et, d'autre part, des contrats de service public.

La loi du 15 mai 2001 reprend les dispositions de la loi n° 95-115 en précisant que l'Etat peut conclure, avec les entreprises du secteur public placées sous sa tutelle ou celles dont il est actionnaire et qui sont chargées d'une mission de service public, des « contrats d'entreprise pluriannuels » et que « ceux-ci déterminent les objectifs liés à l'exercice de la mission de service public assignée à l'entreprise, les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre, le cas échéant par l'intermédiaire de filiales, et les relations financières entre l'Etat et l'entreprise. »

Ainsi, en application de ces dispositions, le contrat de service public conclu entre l'Etat et Electricité de France en 2001 fut défini comme un contrat « traduisant les missions de service public que le groupe assure dans le cadre de la loi ». Le contrat conclu en 2001 prévoyait pour EDF des engagements en termes de :

- qualité de la fourniture (notamment en matière de qualité de tension),

- qualité des services (mise en service des compteurs, rapidité de la résiliation des contrats, réalisation de devis, accueil par téléphone,...),

- sécurité des installations (par exemple la pose de signalétique, l'enfouissement des lignes aériennes, la prévention des accidents),

- solidarité nationale et aménagement du territoire (pour les clients en difficulté de paiement notamment),

- environnement (préservation des grands équilibres naturels),

- transparence, concertation et éthique (publication de documents, information de la clientèle),

- suivi et contrôle des engagements (à travers un bilan annuel d'exécution).

Cependant, ce contrat de service public ne constituant en fait qu'une annexe au contrat de groupe, c'est-à-dire au contrat d'entreprise précité, c'est par conséquent le contrat d'entreprise qui, en tant que contrat de gouvernance contenant des objectifs de rentabilité, s'est trouvé au cœur du dispositif contractuel. De fait, bien qu'il ait contenu des engagements essentiels en termes de missions de service public, le contrat de service public s'est vu jusqu'ici accorder une valeur juridique peu contraignante. C'est pourquoi, tout en conservant le principe d'une contractualisation entre l'Etat et les entreprises chargées du service public, le présent article permet de décliner, de façon plus concrète encore, les objectifs fixés par le législateur aux entreprises chargées du service public de l'énergie, tandis que ce qui relève actuellement du contrat d'entreprise sera désormais traité en dehors de ce contrat, au sein du conseil d'administration propre à chaque entreprise.

L'objet du deuxième alinéa est donc de substituer aux deux types de contrats mentionnés à l'article 140 de la loi n° 2001-420 précitée un contrat pluriannuel unique, portant exclusivement sur les missions de service public des entreprises visées au premier alinéa du présent article.

Les alinéas suivants précisent l'objet des contrats visés par le présent article. En effet, tout en reprenant les objectifs et missions de service public posés par la loi n° 2000-108 précitée, le présent article complète le champ de ces objectifs.

Tout d'abord, cet article reprend les objectifs et missions de service public posés par l'article premier de la loi n° 2000-108 précitée qui dispose que « le service public de l'électricité a pour objet de garantir l'approvisionnement en électricité sur l'ensemble du territoire national », qu'il « contribue à l'indépendance et à la sécurité d'approvisionnement, à la qualité de l'air et à la lutte contre l'effet de serre, à la gestion optimale et au développement des ressources nationales, à la maîtrise de la demande d'énergie, à la compétitivité de l'activité économique et à la maîtrise des choix technologiques d'avenir, comme à l'utilisation rationnelle de l'énergie » et qu'il « concourt à la cohésion sociale, en assurant le droit à l'électricité pour tous, à la lutte contre les exclusions, au développement équilibré du territoire, dans le respect de l'environnement, à la recherche et au progrès technologique, ainsi qu'à la défense et à la sécurité publique ».

Le présent article prévoit que ces objectifs figureront dans les nouveaux contrats de service public conclus entre l'Etat et les sociétés nouvellement créées. Ainsi, les « exigences de service public en matière de sécurité d'approvisionnement » mentionnées dans le présent article recouvrent deux problématiques : à court terme, il s'agit de garantir la continuité de la fourniture individuelle à travers la fiabilité du réseau. A long terme, il s'agit de veiller à ce que le niveau de production et d'importation soit suffisant pour répondre à la demande du marché à un niveau de coût raisonnable. En matière de production électrique par exemple, les mesures de maîtrise de la demande d'énergie, de développement des énergies renouvelables et le renouvellement du parc nucléaire, prévus par le projet de loi d'orientation sur l'énergie, adopté en première lecture à l'Assemblée nationale le 1er juin 2004, concourent à cet objectif de sécurité de l'approvisionnement.

« La qualité du service rendu aux consommateurs » vise la qualité du courant et l'implantation territoriale du réseau, tandis que « les moyens permettant d'assurer l'accès au service public » renvoient notamment à l'ouverture des points d'accès dans les zones sensibles et au tarif social (4) instauré par le décret du 8 avril 2004 relatif à la tarification spéciale de l'électricité comme produit de première nécessité.

Outre ces objectifs, présents dans la loi n° 2000-108 précitée, le présent article prévoit que les contrats de service public préciseront « les modalités d'évaluation des coûts entraînés par la mise en œuvre du contrat et de compensation des charges correspondantes », ce qui signifie que dans les futurs contrats de service public, l'Etat s'astreindra à compenser les charges correspondant aux missions de service public confiées aux sociétés nouvellement créées. Les contrats permettront par conséquent d'organiser un suivi régulier de leur exécution.

Quant à « l'évolution pluriannuelle des tarifs de vente de l'électricité et du gaz », elle se substituera au dispositif en vigueur. En effet, actuellement, le contrat de groupe Etat-EDF contient une formule tarifaire pour piloter le prix de vente aux clients non éligibles. De la forme « -1 %+X » en monnaie constante, elle implique une rétrocession de gains de productivité de 1 % par an, une augmentation de charges de service (X) et un rattrapage de l'inflation. Cette formule n'a pu être appliquée, c'est pourquoi le présent article prévoit que les contrats de service public, tant pour EDF que pour Gaz de France, prévoiront un cadre d'évolution des tarifs qui sera moins contraignant et qui sera pluriannuel. Cela ne concernera que les tarifs réglementés.

La « politique de recherche et de développement des entreprises » participe de la politique industrielle, et, par conséquent, des missions d'intérêt général confiées par l'Etat à EDF et à Gaz de France. Les orientations de la recherche en matière énergétique concernent notamment l'accroissement de la capacité de transit des réseaux sans recours à l'installation de nouvelles lignes, mais également l'optimisation des capacités de production et l'analyse du fonctionnement du marché.

En outre, selon les informations fournies à votre rapporteur par le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, il est prévu que les nouveaux contrats de service public qui seront conclus pour la période 2004-2007 contiendront des dispositions précises et contraignantes en matière :

- d'alimentation des clients non éligibles (maîtrise de la demande d'énergie, cohésion sociale, présence territoriale, de relation avec le consommateur, évolution de la tarification de ces clients),

- de gestion des réseaux de distribution (niveau de qualité, sécurisation du réseau, préservation de l'environnement, gestion des ruptures d'alimentation, garantie du droit d'accès des utilisateurs, garantie de la sécurité des tiers),

- de mise en œuvre de la politique énergétique (programmation pluriannuelle des investissements, développement des activités de recherche et développement),

- de respect de l'environnement (sûreté des installations nucléaires, certification ISO 14001, déconstruction de réacteurs de première génération),

- de sûreté du système électrique (optimisation des interventions sur les ouvrages de production, disponibilité des moyens nécessaires à l'équilibre du réseau, régulation par la demande, et coordination en cas de rupture de l'équilibre offre-demande).

Est également prévue en annexe des contrats de service public la présentation d'indicateurs chiffrés en termes d'objectifs de service public à atteindre.

Le quatrième alinéa du présent article reprend l'objectif de péréquation nationale des tarifs de vente, posé par le paragraphe III de l'article 2 de la loi n° 2000-108 précitée - paragraphe qui dispose que « la mission de fourniture d'électricité consiste à assurer sur l'ensemble du territoire la fourniture d'électricité aux clients qui ne sont pas éligibles en concourant à la cohésion sociale, au moyen de la péréquation géographique nationale des tarifs ».

La « péréquation nationale des tarifs de vente de l'électricité aux consommateurs domestiques », découle du principe d'égalité devant les services publics (5), règle fondamentale qui gouverne l'organisation et le fonctionnement des services publics. Elle implique, sur le plan économique, une correction des écarts de coûts de distribution, lesquels varient fortement en fonction de la densité géographique des zones d'habitation et de l'efficacité des distributeurs locaux. Elle existe dans un certain nombre de pays européens et s'opère dans un cadre national, comme en Italie, en Espagne, et en Belgique, ou régional, comme en Allemagne. En France, la péréquation des tarifs de l'électricité se traduit par une unicité du tarif hors taxes sur l'ensemble du territoire. En pratique, la péréquation joue plus fortement pour la Corse et les départements d'outre-mer, qui ne bénéficient pas de l'interconnexion des réseaux, et qui, de plus, supportent des coûts de production élevés. Le principe de péréquation tarifaire pour l'électricité, rappelé par la loi n° 2000-108 précitée, est ici confirmé.

Le quatrième alinéa reprend le principe d'« harmonisation de ces tarifs en gaz » prévu par le paragraphe II de l'article 7 de la loi n° 2003-8 précitée qui dispose que « les tarifs de vente du gaz naturel aux clients non éligibles sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques des fournitures et des coûts liés à ces fournitures, [qu'ils] couvrent l'ensemble de ces coûts à l'exclusion de toute subvention en faveur des clients éligibles, [qu'ils] sont harmonisés dans les zones de desserte respectives des différents distributeurs, [que] les différences de tarifs n'excèdent pas les différences relatives aux coûts de raccordement des distributions au réseau de transport de gaz naturel à haute pression [et que] les tarifs sont uniformes sur le territoire de chacune des autorités organisatrices du service public du gaz visées à l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales. ».

Enfin, le présent article introduit un nouvel objectif de « péréquation des tarifs d'utilisation des réseaux publics de distribution ». En effet, le tarif d'utilisation des réseaux résulte d'une proposition du régulateur. En pratique, en ce qui concerne l'électricité, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a choisi d'instaurer un tarif de type « timbre-poste » c'est-à-dire un tarif qui, déconnecté des coûts réels, opère une péréquation géographique de l'utilisation des réseaux. Le présent article inscrit dans la loi cette pratique. Quant au gaz, le nouvel objectif de péréquation vient compléter le dispositif du paragraphe III de l'article 7 de la loi n° 2003-8 précitée, en vertu duquel « les tarifs et conditions commerciales d'utilisation des réseaux de transport et de distribution de gaz naturel et des installations de gaz naturel liquéfié, y compris les installations fournissant les services auxiliaires, sont établis en fonction de critères publics, objectifs et non discriminatoires en tenant compte des caractéristiques du service rendu et des coûts liés à ce service. ».

Ainsi, dans le cadre de la mise en place du marché intérieur de l'énergie, le présent article devrait permettre au changement de statut de se faire au bénéfice du consommateur, dans la mesure où cette évolution s'accompagne d'un renforcement des exigences imposées à EDF, à Gaz de France et à leurs filiales, en termes de service public.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 4) puis la Commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2

Services communs

En l'état actuel de la législation, les établissements publics EDF et GDF ont la possibilité d'établir entre eux des conventions pour organiser des services communs aux deux établissements. En effet, en vertu de l'article 5 de la loi n° 46-628 précitée, « des conventions particulières pourront intervenir entre les établissements publics prévus par la présente loi pour l'organisation de services communs, ou le transfert à l'un d'eux de services qu'il peut gérer plus aisément et qui seraient de la compétence légale ou réglementaire d'un autre ».

Faisant application de l'article 5 de la loi n° 46-628 précitée, EDF et Gaz de France ont mis en place un service commun, la direction EDF-GDF services (DEGS). Son rôle est de gérer les réseaux de distribution tout en assurant un service public de proximité. Actuellement, 102 centres de distribution mixtes composent la DEGS. Ces centres sont regroupés sur huit grandes régions appelées « groupes de centre ». 66 000 agents y travaillent, dont environ 12 000 dans la fonction d'appui et d'assistance, et 29 000 dans les réseaux gaz et électricité. La branche commerciale comprend 8 000 agents. La DEGS est au cœur de l'activité des entreprises EDF et Gaz de France. Ce service commun a permis de tirer profit des synergies qui existent entre les deux entreprises. En effet, certains agents sont dotés d'une compétence mixte, typiquement en matière de comptage et de travaux sur les réseaux.

L'article 2 vise à substituer de nouvelles dispositions à la rédaction actuelle de l'article 5 de la loi n° 46-628 précitée. Tout en maintenant la possibilité pour les deux sociétés nouvellement créées par l'article 22 du présent projet de loi (6) de créer des services communs comparables à la DEGS, le présent article en impose l'obligation pour un certain nombre d'activités de ces entreprises.

La première phrase du second alinéa de l'article 2 maintient la possibilité pour EDF et GDF de « créer des services communs ». En l'occurrence, la DEGS n'est pas dotée, à l'heure actuelle, de la personnalité morale. Il est probable qu'il en sera de même pour le service commun qui sera créé en vertu de la présente loi. Néanmoins, le présent article ouvre la possibilité de créer un service commun, doté de la personnalité morale.

La deuxième phrase du second alinéa de l'article 2 rend désormais obligatoire la constitution de tels services dans « le secteur de la distribution, pour la construction des ouvrages, la maîtrise d'œuvre de travaux, l'exploitation et la maintenance des réseaux, les opérations de comptage » notamment.

Cette disposition permet de maintenir l'existence d'un service commun, comparable à l'actuelle DEGS, qui présente de nombreux avantages en raison de sa mixité, en ce qui concerne par exemple la maîtrise d'œuvre, c'est-à-dire l'exécution des décisions prises par le maître d'ouvrage. Plus encore, cette existence est rendue obligatoire, bien que soient prévus deux gestionnaires de réseau de distribution (GRD) distincts. Sont en revanche exclus de ces services communs, d'une part, les activités de maîtrise d'ouvrage, tels les choix de développement des lignes, qui relèveront des gestionnaires des réseaux de distribution et, d'autre part, les activités commerciales telles que le contact avec la clientèle éligible, la facturation de cette clientèle - ces activités relevant désormais du champ concurrentiel.

La troisième phrase du second alinéa du présent article prévoit la possibilité pour ces services communs de réaliser des prestations pour le compte des distributeurs non nationalisés (7). Il sera également possible pour tout service commun de créer des structures communes avec les distributeurs non nationalisés. En effet, il s'agit d'encourager la mise en commun des travaux entre EDF et ces distributeurs, afin de favoriser la réalisation de gains de productivité, ces distributeurs n'étant pas toujours dotés de la main-d'oeuvre nécessaire. Ce service rapportera directement à la direction des entreprises EDF et GDF.

Le ou les services communs créés en vertu du présent article auront également la possibilité de réaliser des prestations pour le compte des autorités « organisatrices » définies au paragraphe III de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales : il s'agit des autorités concédantes, c'est-à-dire « les communes qui ne disposent pas d'un réseau public de gaz naturel » et des « établissements publics de coopération éventuellement compétents au titre de ces communes ». Il s'agit également des autorités définies à l'article 32 du présent projet de loi qui crée un paragraphe IV à l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales. Ce paragraphe IV présente une définition de la notion d'« autorité organisatrice d'un réseau public de distribution ». Pour la compréhension de cette disposition, votre rapporteur renvoie le lecteur au commentaire de l'article 32 du présent projet de loi.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 5) visant à confirmer que, dans le cadre des services communs à EDF et Gaz de France, chaque entreprise est individuellement responsable des conséquences de ses activités.

Le troisième alinéa du présent article a pour objet la comptabilité des services communs visés au paragraphe précédent. Il dispose en effet qu'en dépit du maintien de services communs, les responsabilités et les coûts respectifs des activités de chacune des deux sociétés doivent rester clairement identifiés, afin de respecter les règles de séparation comptable prévues, d'une part, à l'article 25 de la loi n° 2000-108 précitée, loi dont le titre V est relatif à la dissociation comptable et à la transparence de la comptabilité dans le secteur de l'électricité, et d'autre part, à l'article 8 de la loi n° 2003-8 précitée, qui a trait à la séparation comptable dans le secteur du gaz.

Dans le secteur de l'électricité, l'article 25 de la loi n° 2000-108 précitée dispose qu'EDF et les distributeurs non nationalisés doivent tenir dans leur comptabilité interne des comptes séparés au titre « de la production, du transport et de la distribution d'électricité ainsi que, le cas échéant, un compte séparé regroupant l'ensemble de leurs autres activités. »

Ils doivent en outre faire figurer en annexe de leurs comptes annuels « un bilan et un compte de résultat pour chaque activité dans le secteur de l'électricité devant faire l'objet d'une séparation comptable en vertu de l'alinéa ci-dessus, ainsi que, le cas échéant, pour l'ensemble de leurs autres activités. Lorsque leur effectif atteint le seuil d'assujettissement prévu à l'article L. 438-1 du code du travail, ils établissent également, pour chacune de ces activités, un bilan social. »

L'article 8 de la loi n° 2003-8 précitée complète, dans le secteur du gaz, l'article 25 de la loi n° 2000-108. En effet, il prévoit que, sous l'égide de la Commission de régulation de l'énergie, « toute entreprise exerçant, dans le secteur du gaz naturel, une ou plusieurs des activités [mentionnées ci-dessous] tient, dans sa comptabilité interne, des comptes séparés au titre respectivement du transport, de la distribution et du stockage du gaz naturel ainsi qu'au titre de l'exploitation des installations de gaz naturel liquéfié et de l'ensemble de ses autres activités en dehors du secteur du gaz naturel. »

C'est ainsi que le maintien d'un service commun obligatoire, une fois le changement de statut d'EDF et de Gaz de France rendu effectif, suppose néanmoins le respect du principe de séparation comptable explicité ci-dessus, et ce, afin de garantir un niveau maximal de transparence à l'égard des activités des sociétés nouvellement créées.

La Commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 2

Tarification spéciale des services aux usagers les plus modestes

La Commission a adopté un amendement du président et du rapporteur portant article additionnel (amendement n° 6) visant à étendre la tarification spéciale de l'électricité comme produit de première nécessité aux services liés à la fourniture d'électricité.

Article additionnel après l'article 2

Mise à disposition permanente du gestionnaire
des réseaux des installations techniques

La Commission a examiné un amendement du rapporteur visant à assurer que l'ensemble des producteurs installés sur le territoire contribue à l'équilibre du système électrique, notamment en période de crise, et prévoyant ainsi la mise à disposition permanente du gestionnaire de réseau public de transport de toutes les installations techniquement disponibles.

Après que le rapporteur a expliqué, en réponse à M. François Brottes, que le pouvoir d'injonction appartiendra au gestionnaire et non au ministre, chargé, quant à lui, de la surveillance, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° 7) portant article additionnel.

TITRE II
LES ENTREPRISES GESTIONNAIRES DE RÉSEAUX DE TRANSPORT D'ÉLECTRICITÉ OU DE GAZ

Les titres II et III transposent les dispositions des directives 2003/54/CE et 2003/55/CE du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et du gaz naturel en matière d'indépendance de gestion des réseaux de distribution et de séparation juridique des réseaux de transport.

Ces dispositions visent à organiser la poursuite de l'ouverture progressive des marchés de l'électricité et du gaz en garantissant un accès non discriminatoire aux réseaux de transport et de distribution qui sont au cœur du fonctionnement des systèmes électrique et gazier.

Le titre II concerne les réseaux de transport d'électricité et de gaz, et met en place les dispositions nécessaires à leur indépendance juridique et fonctionnelle, dans le cadre d'entreprises qui demeurent néanmoins intégrées.

Le titre III concerne les réseaux de distribution d'électricité et de gaz, et regroupe les dispositions relatives à l'indépendance fonctionnelle de leurs gestionnaires.

Le titre II comporte trois chapitres : le premier rassemble des dispositions communes au transport de l'électricité et du gaz, le deuxième concerne le réseau de transport d'électricité, le troisième le réseau de transport de gaz.

Chapitre Ier

DISPOSITIONS COMMUNES

Article 3

Principe de séparation juridique de la gestion du réseau de transport

Cet article établit que la gestion d'un réseau de transport d'électricité ou de gaz doit être assurée par des personnes distinctes de celles qui exercent des activités de production ou de fourniture d'électricité ou de gaz.

Ce principe de séparation juridique de la gestion de réseau de transport vis-à-vis des activités de nature concurrentielle, à savoir la production et la fourniture d'électricité ou de gaz, est énoncé à l'article 10 de la directive 2003/54/CE relative au marché intérieur de l'électricité, et à l'article 9 de la directive 2003/55/CE relative au marché intérieur du gaz.

Il s'inscrit dans la démarche de progression vers l'achèvement du marché intérieur de l'électricité et du gaz, par la mise en place d'un accès non discriminatoire au réseau, telle qu'elle est explicitée au considérant 7 de la directive 2003/54/CE relative au marché intérieur de l'électricité, et au considérant 8 de la directive 2003/55/CE relative au marché intérieur du gaz.

La séparation juridique est évoquée en visant particulièrement le cas du gestionnaire de réseau faisant partie d'une entreprise intégrée verticalement, ce qui confère a contrario une pleine validité, en droit européen, au maintien du modèle de l'entreprise intégrée dans les deux secteurs.

Ce modèle d'entreprise intégrée se trouve même préservé par l'affirmation, à la fin du premier paragraphe des deux articles précités des directives, selon laquelle il n'est pas créé « d'obligation de séparer la propriété des actifs du réseau de transport, d'une part, de l'entreprise intégrée, d'autre part. »

En l'absence de toute précision relative à ce point, le principe de séparation juridique s'applique, à toutes les entreprises intégrées, quel que soit leur statut, public ou privé, dès lors qu'elles gèrent un réseau de transport d'électricité ou de gaz.

Compte tenu de l'intérêt d'une certaine proximité entre la gestion du réseau d'une part et l'exploitation du parc de production ou des contrats d'approvisionnement gazier d'autre part, notamment lors de la gestion de crises liées par exemple à des aléas climatiques, le Gouvernement français a fait le choix du maintien du caractère intégré d'EDF et de GDF, comme le montrent les chapitres II et III de ce titre II.

La séparation juridique au sein des groupes intégrés devra être effective au plus tard à la date du 1er juillet 2004, échéance fixée par chacune des directives (article 30 de la directive 2003/54/CE, et article 33 de la directive 2003/55/CE).

La Commission a adopté l'article 3 sans modification.

Article 4

Organisation de la séparation fonctionnelle de la gestion du réseau

Les articles (article 10 de la directive 2003/54/CE relative au marché intérieur de l'électricité, et article 9 de la directive 2003/55/CE relative au marché intérieur du gaz) qui énoncent le principe de séparation juridique précisent que le gestionnaire de réseau de transport, s'il opère au sein d'une entreprise intégrée verticalement, doit être « indépendant... de l'organisation et de la prise de décision, des autres activités non liées au transport ».

C'est précisément l'objet de l'article 4 du projet de loi d'établir les conditions de mise en œuvre de cette séparation fonctionnelle, en transposant les dispositions du paragraphe 2 des mêmes articles des directives.

L'article 4 comporte deux paragraphes.

Le paragraphe I est formé de deux alinéas.

Le premier alinéa affirme l'obligation de l'indépendance des gestionnaires de réseaux de transport, vis-à-vis des intérêts dans les activités de production ou de fourniture d'électricité ou de gaz, pour tout ce qui concerne l'exploitation, l'entretien, mais aussi le développement des réseaux.

Cette obligation est mentionnée dans la première phrase du c) des articles des directives précités, qui vise bien l'exploitation, l'entretien, et le développement, c'est à dire la politique d'investissement.

Il est précisé que l'obligation d'indépendance fonctionnelle vaut vis-à-vis de toutes entreprises qui appartiennent au même groupe, ou qui se trouvent liées au gestionnaire de réseau selon les modalités prévues aux articles L. 233-1 à L. 233-4 du code de commerce :

- l'article L. 233-1 vise la filialisation, définie comme le cas où une société possède plus de la moitié du capital d'une autre société ;

- l'article L. 233-2 vise la participation, défini comme le cas où une société possède dans une autre société une fraction du capital comprise entre 10 et 50 % ;

- l'article L. 233-3 vise la situation de contrôle, définie comme résultant de la capacité à déterminer les décisions dans les assemblées générales de la société, soit du fait de la détention directe ou indirecte de la majorité des droits de vote, soit du fait d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires permettant d'atteindre cette majorité, soit du fait d'un pouvoir d'influence de facto. La situation de contrôle est présumée lorsqu'il y a détention directe ou indirecte d'une fraction des droits de vote supérieure à 40 % et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une fraction supérieure ;

- l'article L. 233-4 vise la détention indirecte d'une participation, définie comme la détention par une société elle-même en situation de contrôle.

Le second alinéa complète le dispositif d'indépendance fonctionnelle, en veillant à ce qu'il soit conciliable avec l'objectif de ne pas porter atteinte aux intérêts des actionnaires des entreprises intégrées.

Il instaure ainsi un mécanisme permettant de préserver les intérêts patrimoniaux de ces actionnaires, puisque ces derniers ne pourront se voir imposer des décisions ayant des incidences sur leurs intérêts patrimoniaux si la majorité de leurs représentants dans l'organe de la société gestionnaire de réseau s'y oppose.

Cette règle devra être inscrite dans les statuts de chaque société gestionnaire de réseau issue de la séparation juridique.

Elle doit s'appliquer au budget, à la politique de financement, et à la création de toute société, groupement d'intérêt économique ou autre entité juridique concourant à la réalisation de l'objet social ou à son extension au-delà du transport de gaz ou d'électricité.

Les statuts devront prévoir également l'application de cette règle, au-dessus d'un certain seuil, pour les résolutions relatives aux achats et ventes d'actifs, ainsi que pour celles concernant la constitution de sûretés ou de garanties de toute nature.

Le paragraphe II prévoit deux dispositions institutionnelles pour garantir l'indépendance fonctionnelle des dirigeants des entreprises gestionnaires des réseaux de transport :

- en premier lieu, l'avis de la Commission de régulation de l'énergie est requis préalablement à toute décision de révocation des personnes assurant une fonction de direction générale, afin de garantir que cette décision est prise exclusivement sur la base de l'appréciation de la gestion des activités de transport ;

- en second lieu, conformément aux dispositions du a) du deuxième paragraphe des articles des directives précités, il est fait interdiction aux dirigeants des entreprises gestionnaires des réseaux de transport d'exercer des responsabilités dans des activités de production et de fourniture d'électricité ou de gaz.

Cette interdiction vaut donc même pour des responsabilités exercées en dehors d'une entreprise intégrée. Elle vaut aussi pour des activités concurrentielles dans le gaz si le dirigeant gère des réseaux d'électricité, ou des activités concurrentielles dans l'électricité si le dirigeant gère des réseaux de gaz.

Un certain nombre de mesures d'organisation sont donc requises afin d'assurer l'indépendance des organes de direction (dite encore indépendance « managériale ») des gestionnaires de réseaux de transport et de distribution dans l'exercice de leurs missions tout en respectant le droit des actionnaires à veiller sur leurs intérêts patrimoniaux. Dans le cas du transport, les directives prévoient également que ces activités doivent être exploitées par des personnes juridiques distinctes de celles qui exercent une activité de production ou de fourniture d'électricité ou de gaz, rendant ainsi nécessaire la filialisation de ces activités.

La Commission a examiné un amendement de M. Claude Gatignol posant le principe de l'indépendance totale des gestionnaires de réseau de transport vis-à-vis de la société mère.

Le rapporteur s'est dit opposé à cet amendement, au motif qu'il mettait en place une indépendance trop étendue, la société mère pouvant avoir besoin de garder un contrôle de sa filiale, en ce qui concerne notamment la politique d'achat d'actifs de celle-ci, ou sa politique d'investissement dans la valorisation des infrastructures du réseau, puisque ces activités pourraient avoir un contrecoup sur la situation financière du groupe, ou sur la cohérence de sa stratégie en matière de diversification.

M. François Brottes a indiqué qu'il interprétait cet amendement comme la préfiguration d'une étape suivante, qui serait celle d'une privatisation complète de la filiale gestionnaire du réseau.

M. Claude Gatignol a précisé que le but de son amendement était uniquement de préciser la nécessaire indépendance entre le GRT et la société mère, afin de garantir l'autonomie et la neutralité d'accès des tiers au réseau.

M. Yves Cochet a indiqué que la filialisation n'était pas le bon moyen d'assurer l'indépendance de la maison-mère et a, à cet effet, rappelé l'exemple de la SNCF et de RFF, qui sont deux entités séparées et a estimé que la filialisation procurerait nécessairement un avantage à EDF.

M. Pierre Ducout a souligné que RTE est reconnu, en Europe, comme un des gestionnaires de réseaux les plus neutres vis-à-vis des différents opérateurs de marché. Se demandant si l'amendement de M. Claude Gatignol préfigurait le début d'un démantèlement d'EDF, il a estimé que celui-ci conduirait à une perte de synergie, et aussi de réactivité en cas de problème, une telle évolution étant porteuse d'inquiétudes pour l'avenir.

M. Christian Bataille s'est dit d'accord avec le rapporteur dans la mesure où EDF demeurerait un EPIC. Il a estimé qu'il fallait s'en tenir au dispositif de la loi n° 2000-103 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, qui avait placé l'activité de gestion des réseaux de transport au cœur des structures de l'opérateur public. Il s'est ensuite inquiété d'une éventuelle transformation d'EDF en société anonyme, soulignant que cette transformation poserait la question de la destinée du réseau de transport, qui était le produit de l'effort de la Nation et des citoyens, et devait donc être protégé des intérêts privés. Il a en outre fait part de ses doutes sur la possibilité de réserver à la société gestionnaire du réseau de transport un capital à 100 % public. Il a rappelé que le réseau de transport d'électricité relevait de la Nation comme les routes et les ponts, et ne devait pas être livré, comme aux Etats-Unis, aux intérêts privés.

M. Jean-Claude Lenoir a répondu, qu'en effet, le Gouvernement avait choisi le maintien du gestionnaire de réseau de transport dans une structure intégrée, essentielle au bon fonctionnement de la fourniture d'électricité. Il a estimé que la question était celle non du statut du gestionnaire, mais de son indépendance. Après avoir souligné que le nom envisagé « EDF-Transport » constituait un symbole de cette intégration, il a signalé que des amendements à venir dans la discussion viseraient à conforter l'indépendance de cette filiale, notamment par l'aménagement des conditions de nomination de son directeur général. Il a rappelé qu'en outre, le projet de loi prévoyait que celui-ci ne pouvait être révoqué sans avis préalable de la CRE, tout en maintenant l'ensemble des garanties préexistantes.

Le président Patrick Ollier a souhaité préciser que le nom « EDF-Transport » avait été suggéré par les salariés d'EDF eux-mêmes à M. Nicolas Sarkozy, lors d'une visite à la centrale de Chinon à laquelle il avait accompagné le ministre d'Etat. Il a indiqué qu'au-delà des principes juridiques, il ne fallait pas méconnaître le poids de l'émotion et de l'attachement des salariés à une entreprise intégrée. Il a demandé à M. Claude Gatignol s'il souhaitait retirer son amendement, ce que ce dernier a refusé.

M. Jean-Claude Lenoir s'est étonné de la position de M. Claude Gatignol, et s'est demandé comment RTE, qui est aujourd'hui un service d'EDF, serait moins indépendant en devenant une filiale, dont un tiers seulement des administrateurs représenteraient des actionnaires. Il a en outre souligné que, lors des auditions qu'il avait conduites en tant que rapporteur sur le projet de loi, il avait pu constater que les organisations syndicales adhéraient très largement au maintien du réseau de transport dans une entreprise intégrée.

M. François Brottes a estimé que la voie proposée par le projet de loi n'était satisfaisante ni pour les socialistes, ni pour les libéraux, cette insatisfaction étant entretenue par un double discours abusif sur le dispositif proposé. Le premier discours consiste à soutenir l'idée que la filiale disposera d'un capital à 100 % public ; cette version est destinée aux personnes soucieuses, comme lui-même et les membres du groupe socialiste, de la défense de l'intérêt général, et du bon fonctionnement du réseau. Le second discours, à l'adresse des tenants du libéralisme, s'efforce de minimiser l'importance de la détention du capital du gestionnaire de réseau par l'opérateur historique, afin de ne pas faire ressortir la différence que cette situation crée vis-à-vis des opérateurs entrants. Il a jugé que cette présentation à double sens finissait par berner tout le monde.

M. Christian Bataille s'est dit surpris des propos qu'il a qualifiés de « monopolistiques » de M. Patrick Ollier. Il a rappelé que, contrairement à ce qu'affirmait le ministre des Finances, la directive européenne 96/92/CE du 19 décembre 1996 sur les règles communes pour le marché intérieur de l'électricité avait été négociée, après 1993, par des gouvernements issus de la majorité actuelle, qui avaient notamment donné leur aval à la séparation de la fonction de transport ; que la solution choisie dans le cadre de la loi du 10 février 2000, dont lui-même avait été rapporteur, avait été celle d'une transposition a minima, afin de permettre au GRT de rester à l'intérieur d'EDF, dans un cadre bien coordonné. Il a jugé que la mise en place de la filiale « EDF-transport » apparaissait ainsi en recul par rapport à la séparation fonctionnelle préconisée par les directives européennes. Quant à la proposition de M. Claude Gatignol consistant à assurer une indépendance forte de la filiale de gestion du réseau par rapport à EDF, il a observé qu'elle ne se justifiait pas si EDF demeurait un EPIC, mais qu'elle pourrait présenter un intérêt aux yeux des défenseurs de la gestion du transport d'électricité dans une logique d'intérêt général, si le projet de constituer EDF en société anonyme aboutissait effectivement.

Le président Patrick Ollier a rappelé que la majorité ne souhaitait pas la privatisation d'EDF.

M. Jean-Claude Lenoir a précisé qu'il ne s'agissait, aujourd'hui comme en 2000, que d'une transposition a minima du droit européen qui impose, aujourd'hui, la séparation juridique des gestionnaires des réseaux de transport.

M. François Brottes a souhaité à cette occasion souligner que, la discussion concernant des dispositions transposant des directives européennes, il serait nécessaire que l'ensemble des membres de la Commission puisse disposer du texte des directives en question, pour être en mesure d'apprécier par eux-mêmes la portée des références qui y sont faites au cours des débats, ce dont le rapporteur a convenu, en promettant d'intégrer les directives concernées en annexe à son rapport.

M. Pierre Cohen a souligné qu'il était pour le moins étonnant qu'un groupe à 70 % public puisse avoir une filiale publique, elle, à 100 %. Après une discussion animée sur ce sujet et après que le rapporteur et le président ont assuré que cette société serait bien à 100 % publique tous ses actionnaires étant des personnes ou des entreprises publiques, M. Christian Bataille a souligné que le Gouvernement pourrait de la même façon, créer des filiales majoritairement privées, par exemple à 80 % privées.

Puis, la Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a ensuite rejeté un amendement de M. Jean Dionis du Séjour supprimant le deuxième alinéa du I de l'article 4, et un amendement de M. Claude Gatignol visant à restreindre les droits de supervision économique de la société mère aux seuls cas de l'approbation du plan financier annuel, et du plafonnement global du niveau d'endettement, après que le rapporteur a expliqué que la directive 2003/54/CE n'interdisait en rien les mécanismes de coordination dans d'autres domaines, et notamment à l'effet d'exercer un contrôle sur l'achat des actifs et la constitution de sûretés, afin de préserver son propre équilibre financier d'une politique aventureuse de sa filiale dans ces domaines.

M. François Brottes, après avoir observé que les amendements de M. Claude Gatignol deviendraient pertinents si, à l'issue du débat, la majorité s'obstinait à s'engager sur la voie de la privatisation d'EDF et GDF, a annoncé que les députés du groupe socialiste s'abstiendraient à ce stade sur ces amendements.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 8) apportant une précision juridique, puis M. Claude Gatignol a retiré un amendement visant à détailler les conditions de l'indépendance fonctionnelle des gestionnaires de réseau de transport, après que le rapporteur lui a indiqué que cet amendement était redondant avec la disposition générale du II de l'article 4.

La Commission a examiné un amendement de M. Claude Gatignol concernant la révocation des personnes assurant la direction générale des gestionnaires des réseaux. Le rapporteur a indiqué qu'il était favorable à cet amendement, instaurant l'obligation d'une motivation de l'avis de la commission de régulation de l'énergie sollicité dans ce cas, sous réserve de deux modifications, l'une prévoyant l'obligation d'introduire dans les statuts de la société gestionnaire les conditions pouvant justifier la révocation des personnes assurant la direction générale, l'autre visant à supprimer le renvoi à un décret pour garantir les conditions pratiques de l'indépendance de ces personnes, au motif qu'un amendement à suivre du rapporteur couvrait mieux cette dernière préoccupation.

M. François Brottes s'est interrogé sur l'autorité nommant et révoquant la personne assurant la direction générale en l'état du texte, ainsi que sur la portée pratique de l'avis motivé donné par la Commission de régulation de l'énergie lors d'une révocation.

Le rapporteur a précisé qu'il était difficile d'imaginer que le conseil d'administration puisse prendre une décision contraire à l'avis de la CRE. M. Jean Gaubert a estimé que les pratiques managériales conduisaient à rendre inutile l'obligation d'un avis conforme de la CRE dans la mesure où il serait toujours possible d'assurer une présentation acceptable à la décision de révocation. Le rapporteur a répondu que tout le monde s'accordait à considérer l'avis de la CRE comme une garantie fondamentale.

M. Claude Gatignol ayant accepté de rectifier son amendement, la Commission l'a adopté (amendement n° 9).

La Commission a rejeté un amendement de M. Jean Dionis du Séjour supprimant le premier alinéa du II de cet article.

La Commission a examiné un amendement du rapporteur visant à améliorer le contrôle de l'indépendance des gestionnaires de réseaux de deux manières : d'une part, en transposant une disposition de la directive leur imposant de mettre en œuvre un code de bonne conduite, sous la surveillance de la Commission de régulation de l'énergie ; d'autre part, par la création d'une mission annuelle d'évaluation, par la Commission de régulation de l'énergie, de l'indépendance des dirigeants des sociétés gestionnaires de réseau de transport.

La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 10) rendant sans objet un amendement de M. Jean Dionis du Séjour.

La Commission a ensuite adopté l'article 4 ainsi modifié.

Chapitre II

LE GESTIONNAIRE DU RÉSEAU DE TRANSPORT D'ÉLECTRICITÉ

Le chapitre II organise la séparation juridique de la gestion du transport de l'électricité, en maintenant la société qui en sera chargée au sein de l'entreprise intégrée EDF.

Article 5

Séparation juridique de la gestion du transport d'électricité

Cet article confirme le caractère de service public national de la mission de développement et d'exploitation des réseaux publics de transport d'électricité prévue au II de l'article 2 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité en confiant la gestion du réseau public de transport d'électricité, tel que visé à l'article 12 de la même loi, à une société au capital détenu en totalité par Electricité de France, l'Etat ou d'autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public.

L'article 5 du projet de loi précise que cette société sera régie, sauf dispositions législatives contraires, par les lois applicables aux sociétés anonymes.

L'article 12 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 établit que le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité (RTE) est un service, indépendant sur le plan de la gestion, des autres activités d'Electricité de France.

La société créée se substituera donc à ce service indépendant dans la mission de gestion du service public de l'exploitation et du développement de ce réseau, conformément au principe de séparation juridique prévu par la directive 2003/54/CE.

La détention de la totalité du capital de la société gestionnaire du réseau public de transport par l'Etat ou par des entreprises ou organismes du secteur public garantit le maintien de cette société dans le secteur public.

L'article 5 du projet de loi précise qu'elle sera soumise, dès sa création, à la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public. A défaut de cette précision, elle n'y serait soumise qu'au terme des six suivants sa création, conformément à l'article 1er de cette même loi.

Son organe de direction (dont la forme, conseil d'administration ou de surveillance, sera fixée par ses statuts, conformément à l'article L. 225-57 du code du commerce) comportera donc, en vertu de l'article 6 de cette même loi, un tiers de représentants des salariés.

En raison du caractère d'intérêt général de la mission confiée à cette société, le Gouvernement souhaite également réserver à l'Etat la possibilité d'y disposer de représentants. C'est pourquoi l'article 5 du projet de loi établit que l'Etat peut nommer dans son organe de direction, par décret, des représentants dans la limite d'un tiers de ses membres.

La Commission a examiné deux amendements de M. Claude Gatignol prévoyant des dénominations précises pour le gestionnaire de réseaux d'électricité, à savoir soit « réseau de transport d'électricité », soit « réseau de transport d'électricité France ». M. François Brottes s'est déclaré favorable à ces amendements si la notion de société dans le premier alinéa était remplacée par celle d'établissement.

M. Claude Gatignol a retiré ces amendements après que le rapporteur a rappelé que le nom du gestionnaire était encore source de discussion et de négociation et souligné que l'inscription du nom dans la loi rendrait nécessaire une loi pour le modifier. Il a en outre observé qu'un des deux amendements remettait incidemment en cause l'intégration de la société gestionnaire de réseau dans le groupe EDF, en attribuant à cette société un capital entièrement détenu par l'Etat.

La Commission a ensuite rejeté deux amendements de M. Jean Dionis du Séjour, l'un concernant l'ouverture partielle aux capitaux privés de la filiale gestionnaire du transport d'électricité, l'autre visant à restreindre, dans cette filiale, l'application des dispositions relatives à la présence de représentants des salariés au conseil d'administration dans les entreprises publiques.

La Commission a examiné un amendement du rapporteur concernant le mode de nomination du directeur général de la société gestionnaire du réseau de transport d'électricité. Le rapporteur a indiqué qu'il s'agissait d'assurer l'indépendance du dirigeant principal du gestionnaire, en s'inspirant du modèle fonctionnant jusqu'à ce jour pour la nomination du directeur de RTE : dans le dispositif proposé, le président du conseil d'administration de la filiale gestionnaire du réseau de transport récupérerait le pouvoir de proposition dévolu actuellement au président d'EDF, le ministre conservant son pouvoir de nomination, après avis de la Commission de régulation de l'énergie. Il a expliqué que ce dispositif était destiné à garantir l'indépendance et la neutralité de ce directeur général, véritable responsable de la conduite de la société.

M. François Brottes s'est interrogé sur la nature de l'avis donné par la Commission de régulation de l'énergie, en observant qu'en l'occurrence, il n'était pas motivé.

M. Pierre Ducout s'est félicité de cette proposition, qui s'inspirait de l'esprit et même de la lettre de la loi du 10 février 2000, prouvant par là le bon fonctionnement du dispositif en vigueur pour le RTE.

M. Christian Bataille a confirmé le fait que cette disposition s'inspirait de celle retenue pour le RTE dans la loi du 10 février 2000, qui préservait l'autorité de l'Etat sur la CRE dont les missions, a-t-il estimé, doivent se limiter à la régulation du marché et qui ne doit pas se transformer en autorité politique s'arrogeant des prérogatives régaliennes.

La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 11), le groupe socialiste s'abstenant, ce qui a rendu sans objet un amendement de M. Claude Gatignol précisant que le président du conseil d'administration de la filiale gestionnaire du réseau de transport d'électricité était nommé pour 6 ans par le ministre chargé de l'énergie.

La Commission a ensuite adopté un amendement de M. Claude Gatignol (amendement n° 12) précisant qu'un décret fixerait les statuts initiaux de cette société gestionnaire du réseau de transport d'électricité, les adaptations futures des statuts s'effectuant selon les règles du code de commerce.

La Commission a ensuite adopté l'article 5 ainsi modifié.

Article 6

Objet social de la société gestionnaire du réseau de transport d'électricité

L'article 6 a pour objet de délimiter l'objet social de la société chargée du transport public d'électricité, et ce pour trois raisons fondamentales :

1°) pour que la séparation juridique s'accompagne de l'interdiction d'une activité de production ou de fourniture d'électricité, en cohérence avec l'article 3 du projet de loi ;

2°) pour éviter que la société ainsi créée ne s'engage dans des opérations présentant trop de risques de perturbation par rapport à ce qui doit rester sa mission essentielle, à savoir un fonctionnement efficace et sûr du réseau de transport d'électricité ;

3°) pour prévenir les risques de subventions croisées entre activités sous monopole et activités concurrentielles.

L'article 6 du projet de loi prescrit donc que les statuts devront fixer des limites aux missions pouvant être exercées. Ces limites concernent :

- le type d'activités ouvertes à la société : celle-ci ne pourra exercer que des activités « régulées » de gestion de réseaux ; à noter que rien n'interdit qu'il s'agisse de réseaux de distribution, à côté des réseaux de transport ; cela peut concerner non seulement la gestion de réseaux d'électricité, mais aussi la gestion de réseaux de gaz ;

- les pays où ces activités pourront être exercées : il ne pourra s'agir que de pays où s'appliquent les directives européennes ou des dispositions similaires, à savoir, en dehors de la France, les Etats membres de la Communauté européenne ou de l'Association européenne de libre-échange (Islande, Liechtenstein, Norvège et Suisse).

En effet, dans le cadre de l'accord créant l'« Espace économique européen », en vigueur depuis janvier 1994, les trois premiers de ces pays de l'AELE se sont engagés à adopter progressivement l'acquis communautaire concernant les règles du marché unique, celles garantissant l'exercice des quatre libertés (libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et des personnes). La Suisse, qui a refusé d'adhérer à l'« Espace économique européen », a néanmoins passé en 1999 des accords sectoriels bilatéraux avec l'Union européenne, qui créent, en Suisse, pour les investisseurs de la Communauté européenne, un contexte juridique similaire à celui en vigueur sur le marché intérieur, notamment pour ce qui concerne la levée des obstacles techniques au commerce et la libre circulation des personnes ;

- les modalités d'exercice de ces activités : lorsqu'elles sont poursuivies hors du territoire national, les risques qu'elles pourraient comporter justifieront qu'elles soient identifiées dans des structures propres, et donc exercées par le biais de filiales ou de prises de participation ; cette même précaution s'imposera à l'éventuelle gestion de réseaux de gaz en France, à laquelle la société gestionnaire du réseau de transport d'électricité ne pourra se consacrer que de manière indirecte, par le biais de filiales ou de prises de participation.

Le maintien dans la spécialisation de la gestion des réseaux ne souffrira qu'une exception, sous la triple condition :

- que cette activité reste accessoire ;

- qu'elle soit exercée par voie de filiale ou de participation ;

- et qu'elle soit organisée dans le respect du droit de la concurrence, sans recevoir de concours financier.

Il s'agit de l'activité de valorisation des infrastructures, et clairement, c'est l'utilisation des lignes électriques pour l'acheminement de l'Internet à haut débit qui est visée ici, soit par le moyen du transport des fibres optiques, soit par le dispositif des courants porteurs en ligne.

La séparation juridique de la gestion du réseau public de transport d'électricité lèvera donc l'obstacle juridique, lié au principe de spécialité de l'établissement public EDF, à l'utilisation du maillage territorial en lignes électriques au service de la résorption de la fracture numérique.

La Commission a rejeté deux amendements de M. Jean Dionis du Séjour, l'un supprimant la limitation des activités à l'étranger de la filiale gestionnaire du réseau de transport d'électricité aux seuls pays membres de la CEE et de l'AELE, l'autre supprimant l'obligation de cantonner les activités de valorisation des infrastructures de cette filiale à une dimension accessoire.

La Commission a ensuite adopté l'article 6 sans modification.

Article 7

Patrimoine de la société gestionnaire du réseau public d'électricité

L'article 7 du projet de loi organise le transfert des actifs liés à l'activité de transport d'Electricité de France à la société chargée de la gestion du réseau de transport d'électricité. Cela concerne les ouvrages du réseau public de transport d'électricité et les biens de toute nature liés à l'activité de transport d'électricité.

Le choix du Gouvernement d'opérer ce transfert d'actifs vise à conférer à cette société une authentique autonomie en matière d'investissements.

Il répond en outre pleinement à l'exigence de la directive 2003/54/CE, au c) du paragraphe 2 de son article 10, qui impose que le gestionnaire de réseau dispose de pouvoirs de décision effectifs « en ce qui concerne les éléments d'actifs nécessaires pour exploiter, entretenir ou développer le réseau ».

L'article 7 indique que le transfert concerne aussi l'ensemble des droits, autorisations, obligations dont Electricité de France est titulaire et des contrats conclus par celle-ci, quelle que soit leur nature, dès lors qu'ils sont liés à l'activité de gestionnaire du réseau public de transport d'électricité. Cela signifie en particulier que la société gestionnaire du réseau public de transport d'électricité va ainsi récupérer, parallèlement au transfert des biens, la part de la dette d'Electricité de France correspondant à son activité de transport.

L'article 7 encadre ce transfert en précisant deux points importants :

- d'abord, qu'il n'emporte aucune modification des contrats en cours d'exécution, et n'est de nature à justifier ni la résiliation, ni la modification de l'une quelconque de leurs clauses ni, le cas échéant, le remboursement anticipé des dettes qui en résultent ;

- ensuite, qu'il ne donne lieu au paiement d'aucun impôt, droit, taxe, redevance, rémunération au profit de l'Etat, de ses agents ou de toute personne publique.

L'article 7 fixe enfin les conditions dans lesquelles le bilan d'ouverture de la nouvelle société est établi : son point de départ doit être le dernier compte séparé de l'activité de transport arrêté en application de l'article 25 de la loi du 10 février 2000.

La Commission a ensuite adopté l'article 7 sans modification.

Article 8

Unification du réseau public de transport d'électricité

Pour des raisons historiques (concessions de production hydroélectrique destinées à alimenter les réseaux de transport, alimentation des bassins houillers), il demeure actuellement des ouvrages de haute et très haute tension, assurant des fonctions de transport d'électricité au sens de l'article 12 de la loi du 10 février 2000 susmentionnée, qui appartiennent à des entreprises du secteur public autres qu'EDF. La SNCF possède ainsi des ouvrages de transport d'électricité.

Certains de ces ouvrages de transport ne répondent plus à l'objet spécifique pour lequel ils ont été créés (alimentation spécifique des activités charbonnières par exemple).

Le premier alinéa de l'article 8 vise, dans un souci de cohérence et d'efficacité, à instituer un réseau unique de transport d'électricité, en favorisant, sur la base d'accords entre entreprises, le transfert de ces ouvrages à la filiale d'EDF chargée de la gestion du réseau public de transport d'électricité.

Ce transfert doit être effectué à titre onéreux.

Lorsque les ouvrages en question font partie du domaine public, ce qui, en vertu de la jurisprudence du Conseil d'Etat « Société Le Béton », du 19 octobre 1956, est nécessairement le cas s'ils appartiennent à une collectivité publique, et qu'ils ont fait l'objet d'un aménagement spécial pour contribuer à l'exécution d'une mission de service public, en l'occurrence notamment pour assurer la mission de service public du transport de l'électricité, le principe d'inaliénabilité du domaine public, résultant de l'Edit de Moulins de 1566, s'oppose à ce qu'ils puissent être vendus directement. Ils devront préalablement faire l'objet d'une procédure de déclassement, les faisant passer dans le domaine privé de la collectivité publique concernée.

Le premier alinéa de l'article 8 prévoit un mécanisme de règlement des différends occasionnés par ce transfert, concernant par exemple l'étendue des ouvrages concernés, ou le montant de l'indemnisation.

Ce mécanisme reprend celui mis en place pour assurer la renégociation, entre EDF et la Compagnie nationale du Rhône (et la SNET), des contrats d'achat d'électricité, en vertu de l'article 50 de la loi du 10 février 2000 ; la renégociation devait alors aboutir dans l'année suivant la publication de la loi.

L'article 50 avait établi qu' « à défaut d'accord entre les parties dans ce délai, un comité, composé de deux membres désignés respectivement par Electricité de France et par son ou ses cocontractants et d'un président désigné par le ministre chargé de l'énergie, détermine, par une décision prise à la majorité dans un délai de six mois, les conditions de révision desdits contrats et conventions, et notamment les conditions de l'éventuelle indemnisation. Cette décision peut faire l'objet d'un recours de plein contentieux devant le Conseil d'Etat statuant en premier et dernier ressort. »

Un arrêté du secrétaire d'Etat à l'industrie, M. Christian Pierret, en date du 19 septembre 2000, avait institué ce comité pour régler les relations entre Electricité de France et la Compagnie nationale du Rhône, en nommant M. Michel Gentot, conseiller d'Etat, président du comité.

Le premier alinéa de l'article 8 du projet de loi transpose ce modèle au règlement des différends sur le transfert des ouvrages de transport d'électricité.

Il institue une commission de trois membres présidée par un magistrat de la Cour des comptes, nommé sur proposition du premier président de la Cour des comptes, et renvoie à un décret la fixation des modalités de désignation des deux autres membres. Il impose que la commission règle le différend dans un délai de six mois à compter de sa saisine, et prévoit que la décision de la commission peut faire l'objet d'un recours de plein contentieux devant la juridiction administrative.

Le second alinéa de l'article 8 organise le même type de transfert pour les ouvrages de distribution qui viendraient à assurer une des fonctions du réseau public de transport d'électricité.

En effet, il existe des ouvrages qui, relevant initialement de la distribution, viennent à assurer une véritable fonction de transport d'électricité depuis les concessions de distribution vers la concession du réseau de transport.

De même, il convient d'assurer la répartition, entre le transport et la distribution, des équipements présents dans les postes qui assurent la transformation de l'électricité entre haute ou très haute tension et moyenne tension, et qui sont par définition à la frontière des deux réseaux.

Dans la mesure où les ouvrages de distribution appartiennent nécessairement au domaine public des collectivités territoriales, la procédure préalable de déclassement est, dans ce cas, incontournable.

Il faut en outre qu'intervienne une décision de réaffectation constatant la mutation d'une utilisation initiale pour la distribution vers une utilisation effective pour le transport. Cette décision administrative, qui peut être prise par la collectivité territoriale comme par l'Etat, sert de point de départ pour le délai d'un an au terme duquel l'intégration au patrimoine de la filiale d'EDF gestionnaire du réseau public de transport d'électricité doit avoir lieu.

Après que le rapporteur a indiqué que la nouvelle rédaction de l'article 12 de la loi du 10 février 2000, établie par l'article 30 du projet de loi, déterminait les limites du réseau de transport, et que cette délimitation était indispensable à la mise en œuvre de l'article 8, permettant un rachat, par le gestionnaire du réseau de transport d'électricité, des éléments des réseaux de distribution assurant de fait des fonctions de transport, M. Claude Gatignol a retiré un amendement conduisant à supprimer cette référence à l'article 12 de la loi du 10 février 2000.

La Commission a ensuite adopté l'article 8 sans modification.

Chapitre III

LES ENTREPRISES DE TRANSPORT DE GAZ

Article 9

Objet social des entreprises de transport de gaz

Cet article précise le champ d'activité des entreprises de transport de gaz, qu'il s'agisse des entreprises issues de la séparation juridique prévue à l'article 3, ou des entreprises nouvellement titulaires d'une autorisation de transport.

Il définit, pour ce champ d'activités des opérateurs de transport du gaz, afin d'assurer le respect de ce principe de séparation juridique, des restrictions similaires à celles prévues par l'article 6 pour l'objet social de la filiale d'EDF gestionnaire du réseau public du transport d'électricité.

L'intention restrictive est exprimée par la délimitation précise des activités possibles. Bien que les sociétés de transport concernées ne fassent pas nécessairement partie du secteur public, du fait de la présence d'opérateurs de droit privé dans le secteur du gaz, le principe de la liberté d'entreprendre n'interdit pas, en ce qui les concerne, de leur imposer des contraintes particulières, en raison du caractère de service public de leurs activités.

Les modalités d'exercice de ces activités, telles qu'elles sont délimitées par l'article 9 du projet de loi, ne sont pas les mêmes en France, et en Europe :

- en France, les entreprises concernées peuvent exercer directement, ou a fortiori indirectement, toute activité de construction ou d'exploitation d'un réseau de gaz ou d'installations de gaz naturel liquéfié ainsi que toute activité de stockage de gaz ;

- en revanche, dans les pays où sont appliquées les directives européennes ou des dispositions similaires, c'est-à-dire les pays membres de la Communauté économique européenne ou de l'Association européenne de libre-échange, elles ne peuvent s'engager dans ces mêmes activités que de manière indirecte, c'est-à-dire par le biais de participations ou de filiales.

Les activités de gestion d'un réseau d'électricité ou de valorisation des infrastructures des réseaux d'énergie sont en outre possibles, en France comme dans les pays de la CEE ou de l'AELE, mais uniquement par la voix indirecte de participations ou de filiales.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 10

Modalités juridiques de la création des entreprises de transport de gaz

A l'image de ce qui est prévu à l'article 7 pour la société gestionnaire du réseau public du transport d'électricité, l'article 10 précise les conditions de transfert patrimonial devant permettre, en France, l'apparition d'entreprises dédiées, sous réserve des possibilités ouvertes à l'article 9, à l'activité de transport du gaz.

L'article 10 comporte quatre paragraphes.

Le paragraphe I fixe les modalités du transfert de plein droit des biens, droits et obligations liés à l'activité de transport de gaz aux nouvelles entreprises de transport, par apport partiel ou par cessions d'actifs.

Le modèle simple de la séparation juridique par filialisation de l'activité de transport, s'il correspond à la situation de Gaz de France, entreprise intégrée ayant à la fois une double activité importante de transport et de fourniture du gaz, et qui va être ainsi amenée à créer une première filiale de transport, s'adapte mal à la situation des deux autres grands opérateurs du gaz en France.

En effet, Gaz du Sud-Ouest, société intégrée au groupe Total Fina Elf, est restée essentiellement une entreprise de transport de gaz, bien qu'elle se soit occupée, à partir du 1er janvier 1998, en substitution d'Elf Aquitaine, d'assurer ses propres approvisionnements. Le groupe Total Fina Elf possède ainsi une filiale « Total Transport Gaz France » (ex SEAR) entièrement dédiée à l'activité de transport du gaz.

La Compagnie française du méthane, filiale à 55 % de Gaz de France et à 45 % de Total Fina Elf, qui fournit du gaz dans le centre de la France, possède son propre réseau de transport de gaz, et se trouve dans une situation intermédiaire vis-à-vis des deux modèles de GDF et de GSO, du fait de l'imbrication des participations croisées entre ses deux sociétés mères. Une négociation de clarification du partage des actifs est en cours, afin de confier la gestion de son réseau de transport à ce qui deviendrait une seconde filiale de transport de Gaz de France.

Le dispositif de séparation des entreprises de transport de gaz de l'article 10 prévoit donc le cas où l'opérateur actuel, placé dans la situation de GSO, doit transférer l'ensemble des « biens non liés », c'est-à-dire en fait « non liés » à ses activités de transport, pour filialiser ses activités de fourniture de gaz, à l'inverse du schéma de filialisation classique fonctionnant pour Gaz de France.

Avec GSO, c'est en quelque sorte la société mère elle-même du groupe intégré qui devient la société juridiquement séparée de transport de gaz.

Comme à l'article 7, il est précisé que le transfert n'emporte aucune modification des contrats en cours d'exécution, quelle que soit leur qualification juridique, et n'est de nature à justifier ni la résiliation, ni la modification de l'une quelconque de leurs clauses ni, le cas échéant, le remboursement anticipé des dettes qui en résultent.

Le paragraphe II traite en particulier de la société reprenant les activités de transport de Gaz de France, qui est la plus importante des sociétés de transport de gaz, et définit plus précisément les modalités de sa constitution juridique en société commerciale, à l'image de ce que prévoit l'article 5 pour la filiale d'EDF gestionnaire du réseau public de transport d'électricité.

Ce paragraphe établit ainsi, dans son premier alinéa, que cette société est une société anonyme, dont la totalité du capital est détenue par Gaz de France, et, le cas échéant, l'Etat ou toute autre entreprise du secteur public.

La forme de gouvernance de cette société (conseil d'administration ou directoire et conseil de surveillance) sera déterminée par les statuts au moment de sa constitution.

S'agissant de la mise en œuvre de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, toujours afin d'éviter le délai de latence de six mois prévue, à l'article 1er de cette loi, pour les sociétés anonymes détenues majoritairement, de manière directe ou indirecte, par l'Etat, le second alinéa précise qu'elle s'applique, dès sa constitution, à cette société, ainsi d'ailleurs qu'aux autres entreprises de transport de gaz dès lors que le capital de leur société mère est détenue directement ou indirectement par l'Etat.

En l'occurrence, elle ne devrait donc pas s'appliquer à l'entreprise GSO réduite à ses activités de transport, puisque GSO n'est détenue qu'à hauteur de 30 % par GDF, le reste du capital appartenant au groupe privé Total.

La loi relative à la démocratisation du secteur public assurera en revanche la présence d'un tiers de représentants des salariés dans l'organe dirigeant de la filiale de transport de GDF.

Cependant, il est aussi indiqué que l'Etat ne pourra nommer que deux représentants dans l'organe dirigeant des sociétés de transport de gaz issues de la séparation juridique : cette limitation a pour objet de permettre aux sociétés mères des entreprises intégrées de conserver de manière certaine la majorité sans laquelle elles ne seraient pas en mesure de consolider par intégration globale leur activité de transport de gaz. Ceci permettra notamment à Gaz de France d'exercer un contrôle exclusif sur la société reprenant ses activités de transport.

Le paragraphe III établit que les autorisations administratives nécessaires à l'exercice des activités de transport de gaz, d'exploitation d'installations de gaz naturel liquéfié, de stockage ou de fourniture de gaz sont transférées de plein droit aux sociétés bénéficiaires des transferts, à la condition que ces sociétés soient membres du même groupe au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, cet article L. 233-3 visant la situation de « contrôle », telle que précisé précédemment dans le commentaire de l'article 4 du projet de loi.

Le paragraphe IV précise que l'ensemble des transferts est exonéré d'imposition de toute nature.

Ces transferts exigeront plusieurs étapes compte tenu de la complexité des opérations nécessaires au décroisement des participations existant entre les sociétés gazières de transport en France, c'est-à-dire principalement entre GDF et GSO. Toutefois, afin d'éviter qu'elle ne soit détournée à d'autres fins, l'exonération fiscale est limitée à trois ans à compter de la publication de la présente loi.

La Commission a rejeté un amendement de M. Jean Dionis du Séjour visant à permettre une ouverture de la filiale transport de Gaz de France à des actionnaires non publics ou à ses salariés dans la limite de 30 % du capital.

Puis, elle a adopté l'article 10 sans modification.

1 () « Dans le domaine de l'énergie, le Conseil européen (...) engage le Conseil et le Parlement européen à adopter, dès que possible en 2002, les propositions en instance concernant la phase finale de l'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz ; cela comporte notamment le libre choix du fournisseur pour tous les consommateurs européens autres que les ménages à partir de 2004 pour l'électricité et pour le gaz ; cela représentera au moins 60 % de la totalité du marché » (Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Barcelone, 15 et 16 mars 2003, point 37).

2 () Mme Nicole Bricq, rapport au Premier ministre, Mission de réflexion et de concertation sur la transposition de la directive européenne sur le marché intérieur du gaz, 27 octobre 1999, page 32.

3 () La notion de clients éligibles est définie à l'article 22 de la loi n° 2000-108 précitée qui dispose qu'« un consommateur final, autre qu'un ménage, dont la consommation annuelle d'électricité sur un site est supérieure à un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat est reconnu client éligible pour ce site. Ce seuil est défini de manière à permettre une ouverture à la concurrence du marché de l'électricité. Ce même décret détermine la procédure de reconnaissance de l'éligibilité et les modalités d'application de ce seuil en fonction des variations des consommations annuelles d'électricité. »Sont, en outre, reconnus clients éligibles : les fournisseurs pour l'électricité qu'ils achètent pour la revendre à des clients éligibles ; les distributeurs non nationalisés et les propriétaires ou les gestionnaires de réseaux ferroviaires ou de réseaux de transports collectifs urbains électriquement interconnectés en aval des points de livraison par Electricité de France ou par un distributeur non nationalisé.

4 () A compter du 1er janvier 2005, les familles à revenus modestes en France pourront bénéficier d'une tarification spéciale pour leur consommation d'électricité. Cette tarification spéciale concernera les ménages ayant des ressources annuelles inférieures à 5.520 euros et consistera en une réduction de 30 à 50% du montant de la facture sur les 100 premiers kilowatt/heure mensuels de consommation. Ce sont les organismes d'assurance maladie qui communiqueront aux distributeurs d'électricité la liste des personnes remplissant les conditions de ressources. Les distributeurs enverront ensuite aux familles interessées une attestation à compléter. Consultée par le ministère de l'Economie, la Commission de régulation de l'énergie avait expliqué dans un avis rendu en juin 2002 que cette mesure devait concerner environ 1,5 million de foyers. La tarification spéciale doit entraîner "une réduction moyenne par foyer de 53 euros par an (hors taxes), soit un peu plus de 15 % de la facture moyenne annuelle" avait précisé le comité dans le même avis.

5 () En vertu de la décision Bachelet du Conseil d'Etat, du 14 janvier 1991,et de la décision Commune de Maintenon du Conseil d'Etat du 12 juillet 1995, le principe d'égalité devant le service public s'impose aux services publics industriels et commerciaux.

6 () En vertu de l'article 22 du présent projet de loi, « Electricité de France et Gaz de France sont transformés en sociétés dont l'Etat détient plus de 50 % du capital. Sauf dispositions législatives contraires, elles sont régies par les lois applicables aux sociétés anonymes. »

7 () L'article 23 de la loi n° 46-628 précitée prévoit en effet le maintien de l'existence de distributeurs qui, contrairement à Electricité de France et Gaz de France, n'ont pas été nationalisés par le législateur. C'est ainsi que l'article 23 dispose que « les sociétés de distribution à économie mixte dans lesquelles l'Etat ou les collectivités publiques possèdent la majorité, les régies ou services analogues constitués par les collectivités locales sont maintenus dans leur situation actuelle, le statut de ces entreprises devant toujours conserver le caractère particulier qui leur a donné naissance d'après les lois et décrets en vigueur ou futurs. »


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