Accueil > Projet de loi de finances pour 2011 > Les comptes rendus des réunions des commissions élargies > Compte rendu

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit

Assemblée nationale

Commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration générale de la République

(Application de l’article 120 du Règlement)

Mardi 26 octobre 2010

Présidence de M. Yves Censi,
vice-président de la Commission des finances,
et de M. Sébastien Huyghe,
vice-président de la Commission des lois

La réunion de la commission élargie commence à vingt et une heures.

projet de loi de finances pour 2011

Sécurité civile

M. Yves Censi, vice-président de la Commission des finances. Je suis heureux, avec Sébastien Huyghe, vice-président de la Commission des lois, d’accueillir M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. Je dois excuser l’absence du président Jérôme Cahuzac, qui ne pouvait présider notre réunion de ce soir.

Nous sommes réunis pour vous entendre, monsieur le secrétaire d’État, sur les crédits consacrés à la mission « Sécurité civile », dont M. Georges Ginesta est le rapporteur spécial et M. Thierry Mariani le rapporteur pour avis de la Commission des lois. Ils ouvriront la discussion en vous posant quelques questions sur les crédits demandés pour 2011 et, plus largement, sur la politique de la sécurité civile. Après vos réponses et vos précisions, les porte-parole des groupes vous interrogeront à leur tour, puis les députés qui le souhaitent, ceux-ci dans la limite de deux minutes chacun.

M. Sébastien Huyghe, vice-président de la Commission des lois. Je vous souhaite à mon tour, monsieur le secrétaire d’État, la bienvenue au sein de cette commission élargie relative à la mission « Sécurité civile », dont les dotations paraissent, au prime abord, évoluer de façon contrastée : en effet, alors que les autorisations d’engagement se monteront en 2011 à 459,8 millions d’euros, soit une hausse de 2,5 % par rapport à 2010, les crédits de paiement s’établiront à 434,9 millions d’euros, soit une baisse de 4,6 %. Toutefois, le projet de loi de finances permettra le report, de 2010 sur 2011, des crédits de paiement disponibles du programme « Intervention des services opérationnels », au-delà des 3 % prévus par la LOLF.

Ces moyens permettront de poursuivre la modernisation des infrastructures et la mise en œuvre des recommandations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, tandis que seront engagés ou poursuivis la rénovation du système d’alerte et d’information des populations et le déploiement d’ANTARES, infrastructure nationale partagée des transmissions. Représentant 0,15 % du total des dépenses du budget de l’État, la mission « Sécurité civile » ne donne en tout état de cause qu’une vision très partielle de l’effort public pour la prévention des risques majeurs, pour la protection des populations et pour la gestion des situations de catastrophe, puisque cet effort atteindra l’an prochain 1,08 milliard d’euros en autorisations d’engagement et 993 millions d’euros en crédits de paiement.

M. Georges Ginesta, rapporteur spécial de la Commission des finances. Je tiens tout d’abord à saluer vos efforts, monsieur le secrétaire d’État, pour promouvoir l’action de l’État en matière de sécurité civile. Je veux également remercier les services de la direction de la sécurité civile (DSC), dont le taux de réponses au questionnaire budgétaire a atteint cette année 100 %.

Le projet de loi de finances voit les autorisations d’engagement de la mission « Sécurité civile » augmenter de près de 2,5 %, pour atteindre 459,8 millions d’euros en 2011, et les crédits de paiement diminuer de plus de 4,6 %, pour s’établir à 434,9 millions d’euros. Je vois dans cette évolution le signe d’une réelle maîtrise des coûts de la part de la direction de la sécurité civile : cela vaut d’être souligné dans un contexte de déficit de nos finances publiques.

Par ailleurs, comme on vient de le souligner, l’effort de l’État en faveur de la sécurité civile ne se résume pas aux seuls crédits de la mission puisque, si l’on tient compte des crédits des autres missions du budget général, cet effort approchera du milliard d’euros en 2011. Mais il serait sans doute peu judicieux, même, de le limiter à ce montant : n’oublions pas, en effet, les dépenses des collectivités territoriales, qui s’élèvent à plus de 4,6 milliards d’euros.

À cet égard, je regrette, cette année encore, que les coûts des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) aient de nouveau fortement augmenté : selon leurs comptes de gestion, les dépenses ont atteint 4 669 millions d’euros en 2009, soit une augmentation de 4,1 % par rapport à 2008, année au cours de laquelle elles avaient déjà crû de 6 %. La tendance à une hausse continuelle des coûts se confirme donc. Pour mémoire, je rappelle que l’inflation n’a progressé que de 2,8 % en 2008 et de 0,1 % en 2009.

Les effectifs des SDIS ont eux aussi continué de croître : on compte aujourd’hui 40 095 sapeurs-pompiers professionnels, soit 869 de plus que l’année précédente. De mon point de vue, la croissance rapide et constante des dépenses des SDIS au cours de ces dernières années rend l’effort contributif de nos concitoyens difficilement supportable. Dans un contexte budgétaire contraint, où le gel des dotations de l’État aux collectivités est prévu pour les trois prochaines années, ces dépenses risquent de faire défaut dans d’autres secteurs tout aussi prioritaires de l’action locale. Il est donc temps de faire une pause. Les comptes de gestion pour 2009 montrent ainsi qu’en moyenne nationale, les dépenses des SDIS représentent un coût de 79 euros par habitant, ce qui, dans certains départements et pour une famille type de quatre personnes, est supérieur au montant de la taxe d’habitation.

Je souhaite aussi, avant de vous proposer des pistes d’économies, vous rappeler que le rapport de la mission d’évaluation et de contrôle (MEC) relatif au financement des SDIS a montré, en juillet 2009, toutes les raisons pour lesquelles il était plus qu’urgent de redéfinir leur gouvernance. Mon opinion n’a malheureusement pas varié : le système souffre d’un manque de pilotage. Il convient de mettre fin à la complexité des circuits de décision et à l’enchevêtrement des compétences, générateurs de coûts très élevés.

Ma première question concerne l’organisation des modes de garde dans les casernes, qui se fait encore principalement sur la base de cycles de vingt-quatre heures, alors que les statistiques montrent qu’il y a peu d’interventions entre 23 heures et 6 heures du matin. Les sapeurs-pompiers professionnels effectuent ainsi en moyenne quatre-vingt-quinze gardes de vingt-quatre heures par an, ce qui leur permet d’être hors de leur lieu de travail deux cent soixante-dix jours par an. Ce rythme de travail, difficilement compatible avec le maintien de leur haut niveau de compétences, oblige à multiplier les formations. Ainsi, quatre-vingts écoles de sapeurs-pompiers ont été créées – nous n’avons même pas réussi à les régionaliser !

De ce point de vue, l’éventuelle adoption d’une nouvelle directive européenne sur le temps de travail, aux termes de laquelle chaque heure passée sur le lieu de travail serait considérée comme travaillée, imposerait encore plus fortement l’abandon du régime des gardes de vingt-quatre heures, sous peine d’une explosion des dépenses. En effet, dans cette hypothèse et sur la base d’une durée annuelle de 1 607 heures de travail, ce système conduirait à ramener le temps de présence en caserne de chaque pompier professionnel à soixante-six jours – soit près de trois cents jours de congé –, et contraindrait à des recrutements massifs. Qui peut croire que ce serait viable pour les finances des collectivités territoriales ?

Dans ces conditions, je vous le demande une nouvelle fois, pourquoi ne serait-il pas possible d’évoluer vers des régimes de garde plus souples, de huit heures, qui correspondraient mieux à la sollicitation opérationnelle tout au long de la journée et permettraient une présence plus fréquente – deux cents jours par an – des sapeurs-pompiers professionnels sur leur lieu de travail ? Je me permets par ailleurs de faire observer que le régime des gardes de vingt-quatre heures impose l’effectif maximal, pour faire face à tous les événements susceptibles de se produire dans une journée.

Ma deuxième question est relative à la fiscalisation des SDIS. Là encore, ma position n’a pas varié : je reste persuadé que, pour contribuer à la transparence des coûts des SDIS et pour renforcer la responsabilité des élus locaux en la matière, il faut améliorer l’information de nos concitoyens. Certes, la plaquette statistique de la direction de la Sécurité civile, accessible sur le site Internet du ministère de l’intérieur, permet en principe à chacun de prendre connaissance de l’activité des SDIS, de leur organisation et de leur mode de fonctionnement, ainsi que de leur coût par habitant dans chaque département. Mais ce mode de diffusion est de toute évidence trop confidentiel, et à mes yeux tout à fait insuffisant. Je renouvelle donc ma proposition de mentionner, sur les feuilles d’imposition locale, le coût annuel par habitant des SDIS et son évolution par rapport à l’année précédente. Quand sera-t-il possible de mettre en œuvre cette proposition ?

Ma troisième et dernière question concerne les efforts à entreprendre pour favoriser la mutualisation des achats entre les SDIS. Là encore, les sources d’économies sont nombreuses. J’estime qu’il faut aller plus loin dans la voie de l’harmonisation des équipements afin de permettre les achats groupés. Que prévoit le Gouvernement pour favoriser cette évolution, et, de manière plus générale, pour améliorer la rationalisation des charges ?

M. Thierry Mariani, rapporteur pour avis de la Commission des lois. Avant de vous poser quatre questions précises, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite rendre hommage aux personnels des services opérationnels de la sécurité civile placés sous votre autorité. On salue souvent, à juste titre, l’action des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, mais il conviendrait de ne pas oublier celle des démineurs et des membres des formations militaires de la sécurité civile, qui prennent des risques quotidiens et font preuve d’une remarquable efficacité dans le monde entier, comme j’ai pu le constater en Afghanistan et au Pakistan.

Ma première question a justement trait aux militaires de la sécurité civile tués dans l’exercice de leurs fonctions. Leurs ayants droit ne bénéficient pas, contrairement à ceux des pompiers de Paris et des marins-pompiers de Marseille, des dispositions de l’article L. 50 du code des pensions civiles et militaires de retraite, qui dispose que le total des pensions – et, selon les cas, de la rente viagère ou de la pension militaire d’invalidité attribuables aux conjoints survivants et aux orphelins – ne peut être inférieur à celui de la pension et de la rente viagère d’invalidité ou de la pension militaire d’invalidité dont le militaire aurait pu bénéficier. L’alignement du régime applicable aux membres des formations militaires de la sécurité civile sur celui des pompiers de Paris et de Marseille me semblerait une mesure juste et peu coûteuse, compte tenu du nombre de personnes concernées. Notre collègue François Cornut-Gentille a d’ailleurs déposé en ce sens une proposition de loi que j’ai cosignée ; mais seul le Gouvernement pourrait prendre une telle initiative sans se voir opposer l’article 40 de la Constitution. Envisage-t-il de le faire ?

Je souhaite également vous interroger sur le déminage, et plus précisément sur les munitions chimiques antérieures à 1925, qu’une convention internationale nous impose de détruire d’ici au 29 avril 2012. Ces munitions sont stockées par la sécurité civile et devraient être détruites sous la responsabilité du ministère de la défense, qui prévoit la construction d’une usine extrêmement coûteuse et qui, de plus, ne pourrait être mise en service avant 2015. Or, il existe en Allemagne une usine capable de détruire ces munitions plus rapidement et à moindre coût. Pourquoi n’est-il pas possible, dans le cadre de la coopération européenne, de faire détruire ces munitions par nos voisins allemands ?

Ma troisième question porte sur la création d’un centre civilo-militaire de formation et d’entraînement pour les interventions liées aux menaces nucléaires, radiologiques, biologiques, chimiques et explosives (NRBCE), afin d’assurer une parfaite coopération de tous les acteurs. Puisque plusieurs sites sont envisagés, je voudrais souligner tout l’intérêt de ceux de l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP) à Aix-en-Provence et à Vitrolles. Le nouveau centre pourrait ainsi bénéficier d’infrastructures neuves et remarquables, et se trouverait implanté à proximité de plusieurs bassins de risques, de Cadarache, ainsi que de l’Unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile (UIISC) de Brignoles, et des centres de déminage de Marseille, Toulon, Nice et Montpellier. Je ne suis pas certain que les deux autres sites envisagés présentent les mêmes avantages, d’autant que cette implantation serait opportune dans le cadre la politique euro-méditerranéenne, l’expertise de la France étant reconnue par ses partenaires. Une décision a-t-elle été prise ? À quel site va votre préférence ?

Quant à l’éventuel déménagement de la base d’avions de la sécurité civile de l’aéroport de Marignane, je vous avais fait part, l’an dernier, de ma préférence pour le site de Salon-de-Provence. Pouvez-vous faire le point sur l’avancement de ce dossier ?

M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. Permettez-moi tout d’abord d’excuser l’absence de Brice Hortefeux, qui, retenu par d’autres obligations, m’a demandé de le représenter.

Avant toute chose, je souhaite renouveler l’hommage que la France doit à ses sapeurs-pompiers, ainsi qu’à l’ensemble des personnels civils et militaires de la sécurité civile. Je tiens tout particulièrement à rendre un hommage solennel aux sept sapeurs-pompiers qui ont disparu cette année dans l’exercice de leurs fonctions.

Nous avons, cette année plus que les autres, dû faire face à des catastrophes exceptionnelles, telles la tempête Xynthia et les inondations dans le Var. À cet égard, monsieur Mariani, je vous confirme, ainsi qu’à M. Cornut-Gentille, que le Gouvernement envisage de modifier, dans le projet de loi de finances rectificative, l’article L. 50-II du code des pensions civiles et militaires de retraite, afin que les militaires de la sécurité civile puissent bénéficier des dispositions qui y figurent.

Les chiffres sont impressionnants en eux-mêmes : en 2009, les 249 300 sapeurs-pompiers – dont 79 % sont des volontaires – sont intervenus plus de quatre millions de fois, soit une augmentation de 6 % par rapport à 2008.

Pour ce qui concerne le projet de loi de finances que nous examinons aujourd’hui, je veux insister sur trois points majeurs.

En premier lieu, la loi de 2004 constitue notre référence commune. Menée progressivement à partir de 1996, la départementalisation des services d’incendie et de secours est à présent achevée. La loi de modernisation de la sécurité civile de 2004, en fixant le principe de subsidiarité, a consolidé l’équilibre entre l’État et les collectivités territoriales, le niveau départemental étant l’échelon le plus pertinent pour organiser le secours aux personnes, compte tenu de la grande diversité de nos territoires. Quant à l’État, il est le mieux à même, via les préfets, de susciter la solidarité nationale lorsqu’une catastrophe nécessite la mise en œuvre de moyens qu’un département ne pourrait à lui seul déployer.

Ainsi, désormais, au travers des SDIS, l’État et les conseils généraux oeuvrent de concert pour assurer une prise en charge optimale de nos concitoyens en situation de détresse, et ce sur l’ensemble du territoire. Ce partenariat permet d’assurer aussi bien les quelque 11 000 interventions quotidiennes des sapeurs-pompiers que de mobiliser 6 000 hommes en renfort en cas de catastrophe naturelle majeure.

Dans ce cadre, je veux également rendre hommage au rôle prépondérant joué par la Conférence nationale des services d’incendie et de secours (CNSIS) mise en place en 2004. Cette conférence, dans laquelle les élus sont majoritaires, est devenue incontournable ; elle a ainsi permis à ce jour l’examen de plus de cinquante textes. Ses avis ont tous, sans exception, été suivis par le Gouvernement. Elle a aussi facilité une mise en cohérence nationale des actions départementales. D’autre part, depuis deux ans se tient également, très en amont, une concertation informelle avec les élus.

La maîtrise des dépenses nous semble avérée. Depuis 2007, les budgets des SDIS se sont stabilisés, puisqu’ils n’ont progressé que de 3 % par an hors inflation. De plus, les budgets primitifs de 2010 font apparaître une hausse très modérée, de 1,36 % par rapport à 2009. Cette maîtrise ne s’est cependant pas faite au détriment du service apporté à nos concitoyens : alors que le nombre de victimes a augmenté, les délais moyens de traitement des appels d’urgence et d’intervention ont diminué. Il convient de continuer dans cette voie, en multipliant les mesures permettant une meilleure maîtrise des dépenses des SDIS, comme la mutualisation des achats et des fonctions support, notamment avec les services des conseils généraux. Le projet de loi de réforme des collectivités territoriales va d’ailleurs dans ce sens.

J’ajoute que le soutien de l’État aux SDIS, via le fonds d’aide à l’investissement (FAI), sera maintenu en 2011 au niveau de son montant actuel, et ce malgré un contexte budgétaire contraint. L’État entend ainsi marquer l’importance qu’il attache au soutien de l’action menée par les SDIS en matière d’investissements. S’agissant des investissements structurants, le concours, qui a atteint 7,5 millions d’euros en 2009 et 4,6 millions en 2010, sera de 11,55 millions en 2011.

Enfin, la réalisation des infrastructures ANTARES est achevée : elles couvrent aujourd’hui plus de 95 % du territoire national.

Le rapport Ginesta propose de faire figurer le coût des SDIS sur l’avis d’imposition de la taxe d’habitation. S’il représente en moyenne 79 euros par an et par habitant, ce chiffre ne reflète pas le coût réel de la sécurité civile, lequel inclut également les participations directes et indirectes de l’État. Dès lors, la mention de ce coût pourrait, me semble-t-il, entraîner les contribuables à multiplier les recours aux sapeurs-pompiers, dont le nombre d’interventions a déjà augmenté de près de 20 % en cinq ans. Enfin, une telle mention alourdirait très sensiblement le travail des services chargés d’établir le rôle de l’impôt.

Quelques parlementaires ayant par ailleurs soulevé le problème de l’imputation des dépenses de prévention et d’évaluation des risques de sécurité civile, j’observe que la prévention permet de limiter les risques d’incendie, de faciliter l’évacuation du public et d’assurer l’accessibilité aux moyens de secours dans les établissements recevant du public. Cette action est donc indissociable de l’action opérationnelle des SDIS.

Deuxième point majeur : les recommandations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale sont pleinement appliquées. Nous devons en effet être plus réactifs, améliorer nos capacités d’alerte, d’information et de secours.

L’amélioration du dispositif d’alerte repose sur le projet dit SAIP – système d’alerte et d’information de la population –, l’ancien Réseau national d’alerte (RNA) devant impérativement être modernisé. Ce projet vise à mutualiser toutes les sirènes disponibles – celles de l’État, des collectivités locales et des exploitants SEVESO –, et à coupler leur déclenchement avec l’envoi de messages sur les téléphones portables. Ce dispositif permettra d’alerter la population, qui pourra ainsi se mettre à l’abri, et de l’informer sur les consignes de sécurité.

Les travaux actuellement menés visent donc à mettre en réseau ces moyens en s’appuyant sur les infrastructures du ministère de l’intérieur, dont ANTARES.

L’état des lieux que nous avons dressé révèle un parc disponible de 10 306 sirènes, 500 automates d’appel et 3 213 panneaux à messages variables. Un appel d’offres sera lancé au premier semestre de 2011, et 44,7 millions d’euros d’autorisations d’engagement sont inscrits à ce titre dans le budget pour 2011.

Deux avancées majeures doivent conférer aux moyens de secours une réactivité maximale.

La première concerne le développement des moyens de lutte contre le risque NRBCE. Quatre grands chantiers ont été lancés : acquisition de sept nouvelles chaînes de décontamination et développement de quatre caissons sécurisés ; mise en place d’un laboratoire mobile, qui sera déployé dans les seize agglomérations les plus importantes entre 2011 et 2013 ; dotation, à hauteur de 4,2 millions d’euros pour la période 2009-2011, du programme pluriannuel d’équipement des services opérationnels de la direction de la sécurité civile ; création d’un centre commun civilo-militaire de formation et d’entraînement.

Ce centre, monsieur Mariani, pourrait effectivement être accueilli par l’ENSOSP, dont une étude récente a montré qu’elle disposait d’un site conforme aux normes, des capacités indispensables de soutien, d’un savoir-faire en matière de formation et d’un plateau technique adapté. Le choix sera arrêté prochainement, dans le cadre d’une réunion interministérielle.

J’ai été interrogé sur l’équipement NRBCE des services opérationnels de la sécurité civile. Pour les formations militaires de la sécurité civile (FORMISC), dont la réactivité sera aussi améliorée, il est prévu de moderniser ou d’acquérir des véhicules d’intervention spécialisés pour l’unité de Brignoles et des matériels de traitement de l’eau.

Le service du déminage sera doté en 2011 de quatre nouveaux robots d’intervention, d’un appareil de radioscopie et de cinq appareils de radiographie rapide destinés aux aéroports.

Monsieur le rapporteur pour avis, vous m’avez interrogé sur le démantèlement des munitions chimiques : une unité mobile, déjà financée à hauteur de 3,9 millions d’euros par le ministère de la défense, sera installée en 2011 sur le camp de Suippes. Unique au monde, elle permettra de débuter le traitement des quelque 300 tonnes de munitions issues, pour l’essentiel, du premier conflit mondial et souvent intransportables.

La France pourra ainsi respecter ses engagements internationaux en commençant à détruire son stock avant le 29 avril 2012, sachant que le programme SECOIA (site d’élimination de chargements d’objets identifiés anciens) ne pourra être mené à bien avant 2016. Quant à un rapprochement avec l’Allemagne et la Belgique, qui disposent d’unités de démantèlement fixes, il nécessiterait de renégocier la convention OIAC (Organisation pour l’interdiction des armes chimiques ) de 1993, qui interdit tout transfert transfrontalier de munitions chimiques.

L’amélioration de notre couverture aérienne, tant en métropole qu’outre-mer, constitue la deuxième avancée majeure. Parallèlement à l’acquisition de trois hélicoptères dédiés aux secours, deux appareils seront commandés pour l’outre-mer, afin de tenir compte du retrait, à partir de 2012 et conformément au Livre blanc, des moyens aériens militaires.

Monsieur Mariani, une partie de notre flotte d’avions bombardiers d’eau sera modernisée. Des inspections poussées montrent que l’exploitation des neuf Tracker pourra se poursuivre en toute sécurité jusqu’en 2020, laissant le temps d’étudier leur remplacement, qui sera engagé de façon progressive à partir de 2015.

La réflexion concernant le transfert de la base de Marignane vers Salon-de-Provence se poursuit. La vétusté des locaux et les difficultés de cohabitation que pourraient entraîner sur un même site la multiplication des essais en vol des hélicoptères d’Eurocopter et le renforcement du cadencement des avions civils militent pour ce déménagement. Des études permettront de chiffrer avant la fin de l’année le coût de ce déménagement.

L’amélioration de notre couverture aérienne passe enfin par le développement de l’aérosurveillance. La sécurité civile dispose actuellement de trois Beech 200, des avions de transport légers indispensables aux opérations de lutte contre les feux de forêt qui, hors saison des feux, effectuent des missions de liaison et de transport. Deux de ces avions sont en activité depuis plus de vingt-cinq ans. La DSC étudie les modalités de leur remplacement, dans le cadre du budget triennal 2011-2013, par des avions Pilatus.

Certaines variantes de cet avion disposent de capacités très complémentaires de celles des drones. À ce sujet, monsieur le rapporteur pour avis, quatre drones sont testés actuellement. Ils pourraient constituer un atout de taille lors de catastrophes naturelles ou technologiques, ainsi que dans le cadre d’interventions antiterroristes ou de secours à victime.

Tout en renforçant les moyens, l’État doit mettre en place une organisation et une coordination efficientes des acteurs. Cela passe d’abord par la modernisation du centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIC), qui sera poursuivie en 2011 avec la géolocalisation des moyens de secours et avec les moyens optroniques aéroportés.

Par ailleurs, trois décrets en date du 4 mars 2010 ont élargi le champ de compétence du préfet de zone. Celui-ci dispose désormais d’un état-major interministériel de zone (EMZ), dont les compétences sont étendues à l’ensemble des missions zonales et qui bénéficiera de la mise à disposition de personnels de différents ministères.

Les conventions tripartites SDIS/SAMU/ambulanciers ont été remplacées par deux référentiels communs, l’un entre les SDIS et les SAMU, sur le secours à personne – les deux tiers de l’activité des sapeurs-pompiers –, l’autre entre les SAMU et les transporteurs sanitaires. Tous les départements devront disposer avant la fin de l’année des deux conventions bipartites. Deux tiers d’entre eux satisfont déjà à cette obligation.

Nous ne souhaitons pas que les évolutions du droit communautaire nous conduisent à devoir réduire le nombre de gardes assurées par les sapeurs-pompiers professionnels. La France soutiendra certes les initiatives européennes de révision de la directive de 2003 sur le temps de travail, mais elle veillera à ce que l’organisation des SDIS ne soit pas remise en cause par la création de charges financières insoutenables.

Concernant la rénovation des emplois supérieurs des SDIS, et compte tenu du moratoire souhaité par les élus, la situation des officiers servant dans les services de l’État sera d’abord traitée et un projet de cadre d’accueil réglementaire sera soumis à la conférence nationale des services d’incendie et de secours (CNSIS) début 2011.

Quant aux directeurs départementaux des SDIS, ils ont vu leur place affirmée au sein du collège des chefs de service départementaux de l’État avec le décret du 16 février 2010 relatif aux pouvoirs des préfets. Par ailleurs, les nouveaux EMZ continueront à être dirigés par des sapeurs-pompiers.

Notre pays compte près de 200 000 sapeurs-pompiers volontaires, soit près de 80 % des sapeurs-pompiers. Soutenir cet engagement citoyen, c’est investir pour l’avenir et pour l’efficience des SDIS. 2011 sera, comme vous le savez, l’année européenne du volontariat. Le groupe de travail réuni à la suite du rapport de la commission Ferry a retenu deux orientations : privilégier la souplesse dans la formation et le recrutement et améliorer la reconnaissance des acteurs du secours. Il convient donc d’offrir aux volontaires un cadre juridique qui protège leur engagement. C’est tout le sens de la proposition de loi de Pierre Morel-à-l’Huissier, qui vise à clarifier la notion de volontariat en confirmant que l’engagement constitue un enrichissement et en posant que le volontaire n’est ni un agent public ni un travailleur au sens européen du terme, mais un citoyen qui s’engage librement au service de la communauté nationale.

M. Jean-Claude Bouchet. Au-delà des chiffres, c’est l’engagement de la France au service de la protection de sa population et de nos territoires qui est en jeu. Élus de terrain, nous mesurons chaque jour combien la réactivité et l’efficacité des services de sécurité civile dépendent d’une organisation nationale et territoriale de qualité, assortie de moyens pérennes répondant à un haut niveau d’exigence.

Avec 460 millions d’euros en autorisations d’engagement et 435 millions en crédits de paiement, cette mission porte la marque des grandes orientations du budget 2011 : une maîtrise des dépenses de fonctionnement, qui passe par une organisation et une mutualisation optimisées ; un maintien de l’effort d’investissement et un effort en matière d’interventions pour améliorer l’opérationnalité des moyens.

Le programme 161 contribue à l’effort budgétaire national sans rien sacrifier de la capacité opérationnelle. En matière d’investissement, l’accent est mis sur la conduite de la lutte contre les feux de forêt, qui mobilise plus de 30 % des moyens. L’acquisition d’un avion utilisé pour l’investigation et l’amélioration de la coordination des opérations de largage d’eau en constitue l’opération phare, ce dont ne peuvent que se réjouir les élus du sud de la France.

Les tensions internationales et la menace terroriste nous obligent à insister aussi sur la lutte contre les engins explosifs, avec notamment la rénovation, la sécurisation et la mise aux normes des centres et des sites de déminage. Ces moyens, appelés à être utilisés en conjugaison avec ceux qui, dans le programme 128, sont dédiés à la lutte contre les risques NRBCE, sont également mobilisables conjointement avec ceux des SDIS. C’est la raison pour laquelle il est indispensable de maintenir un haut niveau d’exigence en termes d’organisation et d’investissement.

L’égalité de nos concitoyens devant le droit à la sécurité civile, où qu’ils habitent en France, est un impératif qui s’impose aux responsables politiques. L’élaboration de plans de prévention des risques, de plans communaux ou intercommunaux de sauvegarde et des documents départementaux sont autant de moyens pour mieux connaître, anticiper et gérer les risques.

Xynthia ou les inondations du Var, par leur violence et leur soudaineté, ont montré combien ces moyens importaient, de même qu’une coordination efficace de leur utilisation. Assurer une réponse cohérente sur l’ensemble du territoire suppose en effet une coopération optimale entre les acteurs de terrain et une organisation éprouvée en amont.

Tels sont les objectifs poursuivis à travers les budgets dévolus à la préparation et à la gestion des crises. La prévention et la lutte contre les feux de forêt sont des objectifs prioritaires. Près de 4,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement sont consacrés aux colonnes de renforts des SDIS en saison de feux, aux actions de prévention, au soutien à la formation et aux systèmes d’information géographique.

Avec le renforcement des équipements contre le terrorisme nucléaire, radiologique, biologique et chimique et l’effort consacré à la réserve nationale, la modernisation de l’alerte aux populations est un projet phare, auquel sont consacrés, dans le cadre d’un programme pluriannuel, plus de 44 millions d’euros.

Ce projet s’inscrit dans le droit fil du déploiement d’ANTARES, issu de la loi de modernisation de la sécurité civile de 2004. En 2009, les collectivités locales ont équipé 41,3 % des sapeurs-pompiers de terminaux ANTARES. Le taux de migration devrait être de 65 % en 2011, grâce au FAI. Ce réseau, une autoroute de l’information, servira de support au SAIP, qui viendra remplacer un RNA vétuste.

D’un intérêt majeur, issu de la démarche de la RGPP, le SAIP répondra aussi bien à des impératifs de sécurité civile qu’à des impératifs de défense et de sécurité nationale. Investi de la double fonction d’alerte et d’information, ce dispositif de proximité repose sur une logique de bassins à risques.

Les maires, étant souvent en première ligne à cet égard, je souhaiterais connaître le rôle et les moyens qui leur seront dévolus, dans le cadre de la mise en place du SAIP, pour mieux anticiper et gérer les événements de grande ampleur.

Les crédits pour la politique de sécurité civile s’élèvent à presque 14 millions d’euros. Cependant, derrière ces moyens financiers et matériels, il y a aussi 240 000 sapeurs-pompiers, dont 200 000 volontaires – spécificité française. Monsieur le secrétaire d’État, nous serons à vos côtés pour veiller à ce que la directive européenne ne vienne pas dénaturer leur travail.

Les dépenses envisagées témoignent d’une attention particulière à ceux qui, souvent au péril de leur vie, assurent secours et assistance à la population. Je salue l’engagement au quotidien des sapeurs-pompiers, animés d’une vocation profonde, sincère et généreuse.

Monsieur le secrétaire d’État, le groupe UMP salue votre action, et celle du Président de la République, en faveur de la sécurité civile. Il votera les crédits de la mission.

M. Bernard Derosier. Monsieur le ministre, peut-être certaines de mes questions vous surprendront-elles : vous n’avez pas demandé qu’elles vous soient transmises à l’avance, comme vous l’avez fait de celles provenant du groupe UMP.

La LOLF permet aux parlementaires de mieux contrôler l’action du Gouvernement, à condition, toutefois, que celui-ci nous apporte les réponses demandées ou nous fournisse tous les éléments nécessaires dans la présentation de son projet de budget.

Ainsi, les indicateurs 1.1 et 1.3 de l’objectif n° 1 du programme 161, qui concernent respectivement la disponibilité de la flotte aérienne et celle des véhicules spécifiques de lutte contre les feux de forêt, affichent la même valeur cible depuis 2008. À quoi sert-il de fixer un objectif sans tenter de l’améliorer ?

L’objectif n° 3 consiste à optimiser le coût d’exploitation de la flotte du groupement d’hélicoptères. Le projet annuel de performance admet que le calcul du coût de l’heure de vol n’a qu’un caractère indicatif. Est-il donc pertinent d’en faire un indicateur ?

L’objectif n° 1 du programme 128 est d’optimiser les mesures de prévention et de lutte contre les feux de forêt. La cible de l’indicateur 1.1, là encore, est stationnaire depuis l’année dernière et jusqu’en 2013. Est-ce à dire que le Gouvernement ne compte plus améliorer la mobilisation des colonnes de renforts prévisionnelles et curatives pendant la saison de feux ? Dans ce cas, pourquoi conserver cet indicateur ?

Le renforcement de la sécurité des sapeurs-pompiers en intervention constitue l’objectif n° 2 du programme. L’indicateur 2.1 était, jusqu’à l’an dernier, le taux de fréquence des accidents en service commandé. Pour 2011, l’indicateur prend désormais en compte tous les accidents de service ayant entraîné un arrêt de travail. Cela signifie-t-il qu’il est impossible de faire diminuer cet indicateur dans son ancienne version ? Ou faut-il attribuer la responsabilité de cette stagnation aux SDIS ?

À propos de l’attrait des formations proposées par l’ENSOSP, en quoi consite l’indicateur 2.2, la mission d’évaluation et de contrôle, dont j’étais, avec Thierry Mariani et Georges Ginesta, le rapporteur, avait préconisé une collaboration entre cette école et le Centre national de la fonction publique territoriale ; cette préconisation est restée lettre morte. Le Gouvernement envisage-t-il ce rapprochement et, si oui, quand ?

Pardonnez ma franchise, monsieur le secrétaire d’État, mais je vous ai pris en flagrant délit de mensonge : vous avez affirmé que le FAI était au même niveau que l’an dernier. Or, de quelque 60 millions d’euros en 2003, il n’était plus que de 22,35 millions l’an dernier et est à 21,36 millions cette année, soit une baisse de 5 %, ce qui est loin d’être négligeable. Cela signifie-t-il que le Gouvernement abandonne toute idée de faire participer l’État à des investissements qui le servent dans sa mission régalienne de sécurité civile ? Les départements ne seraient-ils pour vous que des cochons de payants, n’ayant aucune compétence dans l’organisation et la gouvernance opérationnelle des services ?

Le rapporteur spécial vous a posé une question précise, portant sur la fiscalisation des dépenses des SDIS. Cette proposition de la mission a reçu un avis plutôt favorable du ministère de l’économie et des finances mais il y semble y avoir quelques blocages ailleurs. Serait-ce le fait de votre ministère ?

Les SDIS, en tant qu’organismes publics, sont tenus d’employer de 6 % de personnes handicapées. Ils ne peuvent satisfaire à cette obligation légale qu’en recrutant celles-ci sur les postes administratifs ou de techniciens. Or dans un SDIS comme le mien, ceux-ci ne représentent qu’un cinquième des postes. La possibilité d’appliquer aux SDIS des dispositions semblables à celles qui, dans le secteur privé, exonèrent certaines entreprises à risque, avait été évoquée l’année dernière. Mais il n’y a pas eu, à ma connaissance, d’évolution dans ce domaine. Quelle est votre position ?

M. André Chassaigne. Une nouvelle fois, le rapporteur considère qu’il est urgent de remplacer la garde de vingt-quatre heures par celle de huit heures, pour des raisons de coût. De son côté, monsieur le secrétaire d’État a assuré que la directive européenne exigeant un temps de repos de onze heures consécutif à une garde ne serait pas mise en œuvre, pour une raison de coût. Le coût ne peut pas être à la fois un argument pour la réduction du temps de garde et contre un allongement du temps de repos !

Tant qu’à parler de coût, évoquons les économies réalisées par la collectivité, par les entreprises et par les compagnies d’assurance grâce à l’action des sapeurs-pompiers. Ainsi ferons-nous la preuve que le coût budgétaire des SDIS est largement inférieur à celui des vies sauvées, du patrimoine protégé et des sites préservés ! Il faut toujours considérer, avec les dépenses, leurs contreparties positives pour la société tout entière.

S’agissant du risque d’une requalification des sapeurs-pompiers volontaires en travailleurs salariés, c’est-à-dire en agents publics, le secrétaire d’État a exclu toute remise en cause des exonérations fiscales et sociales sur les vacations et sur la prestation de fidélité et de reconnaissance. Fort heureusement ! Il serait proprement scandaleux de revenir sur cette dépense fiscale, qui ne se monte qu’à 20 millions, alors que 30 millions sont remboursés chaque année à Mme Bettencourt au titre du bouclier fiscal.

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, en dépit des améliorations que vous mettez en avant, le système de centralisation des appels continue d’entraîner, en raison de sa rigidité, des délais supplémentaires d’intervention, en milieu rural en particulier, et réduit l’efficacité des secours. Des cas de dysfonctionnements sont constatés, notamment du fait du goulet d’étranglement au niveau du médecin régulateur.

Pour finir, je voudrais reprendre la question fort pertinente d’un député de l’UMP à propos de la circulaire interministérielle du 10 décembre 1951, relative à la lutte contre les incendies, qui impose aux communes un débit minimum de 60 mètres cubes par heure et une distance maximum de 150 mètres entre chacune des habitations de la commune et une prise d’eau. La désertification rurale entraîne aujourd’hui des difficultés d’application de ce texte. Vous aviez annoncé une modification du cadre juridique. Où en est-on ? La réglementation va-t-elle être assouplie ? Tiendra-t-elle compte des difficultés particulières à certaines communes rurales ?

M. Jean-Claude Mathis. Monsieur le secrétaire d’État, je voulais vous interroger sur la coordination des moyens de secours, et notamment sur le projet ANTARES, mais vous m’avez répondu par anticipation. Je suis heureux que ce programme couvre aujourd’hui 95 % du territoire.

M. François Cornut-Gentille. Je me réjouis que le secrétaire d’État se soit engagé à régler dans la loi de finances rectificative la question, soulevée par Thierry Mariani, de l’inégalité de traitement incompréhensible dont sont victimes les veuves et ayants droit de militaires de la sécurité civile. Les ministères de l’intérieur et de la défense avaient trouvé un accord sur le sujet dès 2007, accord tenu dans l’oubli depuis cette date alors même que les implications financières sont dérisoires, et en tout cas sans rapport avec l’enjeu moral. Mais il est vrai que pour Bercy, ce n’est jamais le bon moment… C’est pourquoi j’espère pouvoir compter sur un fort soutien du ministère de l’intérieur afin que la loi de finances rectificative soit vraiment l’occasion de traiter définitivement cette question.

M. Thierry Carcenac. M. Ginesta a évoqué dans son rapport un système en mal de pilotage. J’en étais resté longtemps à l’idée naïve selon laquelle qui décide paie et qui paie décide, mais j’ai maintenant compris l’ampleur du problème. L’État devrait être le garant de la cohérence de la sécurité civile au plan national, et notamment de tout ce qui concerne la centralisation des urgences du 15 et du 18. Dans mon département, un accord avait été trouvé, sous l’égide du préfet, entre l’Agence régionale de santé et le SDIS pour mettre en place un état-major unique et assurer l’articulation entre le 15 et le 18. Les investissements ont été lancés… et l’ARS a décidé du jour au lendemain de tout interrompre. Il faut absolument que l’État assure une plus grande cohérence entre vos services, monsieur le secrétaire d’État, et ceux de la santé.

M. Yves Censi, vice-président de la Commission des finances. Je me fais le porte-parole de M. Christian Kert, monsieur le secrétaire d’État, pour vous interroger sur la base de sécurité civile des bombardiers d’eau de Marignane. La cohabitation étant difficile avec le trafic commercial de l’aéroport de Marseille Provence, la décision a été prise de la transférer sur un autre site proche de l’étang de Berre et c’est la base aérienne de Salon-de-Provence qui semble avoir été retenue. Quel est le calendrier du déménagement, désormais attendu par les pilotes et mécaniciens ? Des crédits seront-ils consacrés, à cette occasion, à la modernisation et au rajeunissement de la flotte, dont le rapport de la mission ministérielle dit bien l’obsolescence ?

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Il y a un an, le ministère de l’intérieur a créé une commission « Ambition volontariat », chargée d’analyser les difficultés rencontrées par les volontaires. Son rapport a d’abord débouché sur une première proposition de loi, puis la Fédération nationale des sapeurs-pompiers et vos services, dont je salue l’implication, ont étudié un dispositif approprié. Aujourd’hui, l’État prend le problème en considération et je tiens à vous en remercier, monsieur le secrétaire d’État.

Un mot sur la directive communautaire : il est important que la position de l’État puisse être fixée dans un dispositif législatif. Enfin, permettez-moi une question locale : lors de votre venue à Châteauneuf-de-Randon, nous avions parlé de l’école du GRIMP de Florac. Confirmez-vous votre intention de régler la question de son statut ?

M. Yannick Favennec. Ma question porte sur la retraite des sapeurs-pompiers volontaires. Le montant de l’allocation de vétérance ou de la prestation de fidélisation et de reconnaissance varie fortement selon la date de leur cessation d’activité, ce qui crée chez beaucoup un fort sentiment d’injustice. Ne serait-il pas opportun, pour rétablir l’équité, d’harmoniser les modalités de calcul et donc les montants des prestations ?

La Fédération nationale des anciens sapeurs-pompiers propose d’ailleurs de verser à tous ceux qui ont cessé leur activité avant le 31 décembre 2003 et accompli au moins vingt ans de service le même montant qu’à ceux qui ont cessé leur activité au cours de l’année 2004, c’est-à-dire le montant de la prestation de fidélité.

Mais nous devrions aller plus loin, et j’ai déposé en mai dernier une proposition de loi à cet effet. Élu d’un département rural, la Mayenne, je mesure en effet le travail accompli par les sapeurs-pompiers volontaires, qui représentent 84 % de l’ensemble des sapeurs-pompiers et dont la rétribution et les prestations de retraite paraissent insuffisantes alors qu’ils sacrifient une partie de leur activité professionnelle et de leur vie familiale à leur mission.

La loi de 1996 sur le développement du volontariat des sapeurs-pompiers et celle de 2004 relative à la modernisation de la sécurité civile ont certes amélioré la prise en compte des services accomplis par ces volontaires, grâce à la mise en place de régimes de retraite spécifiques. Mais ces progrès, aussi importants soient-ils, ne sont pas à la hauteur du dévouement de ces hommes et de ces femmes qui risquent leur vie. Envisageriez-vous de ramener à quinze ans la durée minimale de service donnant droit à la retraite ?

M. Michel Bouvard. Je suis heureux que le représentant du Gouvernement présent ce soir soit aussi en charge des collectivités territoriales : cela nous permettra de parler des budgets des départements, lesquels ne sont d’ailleurs pas au bout de leurs peines si l’on se réfère aux propositions imaginatives de certains de nos collègues…

Les départements ne sont pas égaux devant les charges budgétaires liées au risque d’incendie. La cartographie des risques établie au niveau national montre que certains sont, du fait de leur situation géographique ou de risques naturels ou technologiques par exemple, contraints de se doter de moyens humains et matériels plus importants que d’autres. À un moment où il est beaucoup question de péréquation entre collectivités territoriales, le ministère de l’intérieur envisage-t-il de prendre cette différence en compte ? Cette question nous ramène à celle du Fonds d’investissement, posée par M. Derosier dans son excellente intervention. Le Fonds peut-il assurer cette péréquation ? Peut-il être le correctif permettant à l’État de venir davantage en aide à ces départements ?

La séance, suspendue à vingt-deux heures quinze, est reprise à vingt-deux heures quarante.

M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur Bouchet, je vous remercie pour la précision de votre intervention. Le rôle du maire dans le déploiement des systèmes d’alerte et d’information de la population (SAIP) est en effet essentiel, car il est le premier responsable de l’organisation des opérations de secours dans sa commune.

Monsieur Derosier, vous dénoncez un prétendu désengagement de l’État, en évoquant notamment la baisse des crédits affectés au Fonds d’aide à l’investissement (FAI). Rappelant dans mon intervention liminaire le principe de subsidiarité qui gouverne l’intervention des collectivités locales et de l’État en matière de sécurité civile, j’ai pleinement reconnu l’effort consenti ces dix dernières années par les élus locaux, et particulièrement par les conseils généraux. Les chiffres démontrent toutefois que l’État a bien été au rendez-vous. Ainsi, les crédits d’État affectés directement au fonctionnement des SDIS ont triplé entre 2002 et 2009 – tous les documents budgétaires en font foi. Le fait que certaines de ces contributions transitent techniquement par un abondement de la DGF des départements ne doit pas faire oublier cet effort de l’État. Les 34 millions d’euros qui financent la moitié des contributions publiques à la prestation de fidélisation et de reconnaissance (PFR) des sapeurs-pompiers volontaires sont le meilleur exemple de cette « coproduction ». Pour partie – à hauteur de 13 millions d’euros –, le montant du FAI a été orienté vers la réalisation du réseau ANTARES au profit des départements. Cet effort, qui apparaît sur une ligne distincte, ne saurait non plus être négligé.

Monsieur Derosier, depuis la création de ce fonds, votre département a bénéficié de 11,6 millions d’euros d’aide à l’investissement. L’État était également au rendez-vous en 2008, lorsque vous avez fait le choix légitime de migrer vers ANTARES : 2 millions d’euros du FAI ont en effet été alloués au titre de ce seul exercice.

Les colonnes de renforts n’ont jamais été autant mobilisées qu’en 2010, avec notamment l’engagement de plus de 2 000 hommes provenant de toutes les zones de défense contre les feux de cet été, en particulier dans les départements du Languedoc-Roussillon. C’est là une preuve de l’utilité de ces colonnes, auxquelles l’État n’hésitera pas à recourir. Je rappelle à ce propos que l’État prend en charge à 100 % le coût de ces interventions.

Quant aux indicateurs nationaux de la DSC, sur la fiabilité desquels vous vous interrogez, je rappelle qu’ils sont construits à partir des données fournies par les SDIS eux-mêmes sous le contrôle de leurs présidents – dont vous faites partie. C’est l’auberge espagnole : on y trouve ce qu’on y apporte.

L’emploi des personnes handicapées, que vous avez également évoqué, est une priorité gouvernementale et les employeurs publics doivent prendre toute leur part de cette politique. Certains services opérationnels – dont les SDIS – comptent cependant nombre d’emplois nécessitant des aptitudes physiques particulières. À la demande du ministre de l’intérieur, le ministre du budget et de la fonction publique a accepté un assouplissement, porté à la connaissance des SDIS par circulaire du 26 octobre 2009 : ceux-ci peuvent désormais comptabiliser au titre de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés l’ensemble des sapeurs-pompiers professionnels bénéficiant d’une affectation non opérationnelle, en plus de ceux qui bénéficient de projets de fin de carrière.

Pour répondre à la question de M. Kert, je précise que deux sites sont envisagés pour accueillir la base d’avions de la sécurité civile (BASC) : la base aéronautique navale de Nîmes et la base aérienne 701 de Salon-de-Provence, cette dernière semblant, selon toutes les études actuelles, la plus adaptée. Je rappelle à ce propos qu’un groupe de travail réunissant l’armée de l’air et la sécurité civile examine actuellement l’adaptation des installations aux besoins spécifiques de la BASC et les principales modalités pratiques, juridiques et financières de son transfert.

Monsieur Favennec, l’État, qui n’intervenait pas dans la retraite des sapeurs-pompiers volontaires avant 2004, finance désormais 50 % des contributions publiques au régime de la prestation de fidélisation et de reconnaissance (PFR). La demande que vous relayez consiste en un alignement des régimes. Seules les collectivités locales financeraient une revalorisation des régimes applicables aux vétérans ayant cessé leur engagement avant 2004. Il en va de même d’un abaissement éventuel du seuil d’éligibilité. L’association gestionnaire de la PFR, présidée par un élu, s’est déjà inquiétée des conséquences de cette mesure pour l’équilibre du régime. Attentif à cette question, l’État s’en remettra à la sagesse des élus.

Monsieur Mathis, je vous remercie de votre intervention relative à l’évolution du projet ANTARES.

Monsieur Cornut-Gentille, l’objet de votre proposition de loi tendant à faire bénéficier les militaires de la sécurité civile des dispositions de l’article L. 50 du code des pensions civiles et militaires de retraite sera bien intégré dans le projet de loi de finances rectificative qui sera présenté au Parlement avant la fin de l’année.

Monsieur Carcenac, j’ai pris bonne note de votre intervention. Des instructions ont été données aux préfets de région pour que les crédits en faveur des bases 15-18 et les 23 centres soient maintenus. Le comité de suivi des SAMU, des SDIS et des élus examinera d’ailleurs la question dans quelques jours. En outre, M. le préfet Alain Perret, directeur de la sécurité civile, se tient à votre disposition pour toute information complémentaire.

Monsieur Morel-à-L’Huissier, le Centre national de formation des GRIMP de Florac possède un savoir-faire remarquable et le DSC a déjà confirmé le soutien de l’État à ce projet. La cohérence nationale de la formation impose que l’ENSOSP soit associée à celui-ci et je vous confirme que cette question est à l’ordre du jour du prochain conseil d’administration de cette école.

Monsieur Bouvard, le FAI de 2010, comme ceux de 2007, 2008 et 2009, a favorisé le financement des colonnes de renforts – c’est-à-dire la solidarité nationale – ainsi que l’équipement des SDIS en matériel radio et en terminaux complémentaires, notamment pour l’infrastructure ANTARES. Ce recentrage des actions va de pair avec la réorientation, à partir de 2007, d’une fraction des FAI vers le financement du projet ANTARES, qui participe à cette logique de concentration vers les grands investissements structurants.

Le préciput national du FAI, d’un montant de quelque 4 millions d’euros en 2010 comme en 2009, a notamment permis de financer l’équipement des SDIS en camions citernes pour les feux de forêts, les compléments d’équipement ANTARES ou l’acquisition d’équipements destinés à la lutte contre le risque NRBC. En 2011, le FAI sera maintenu au niveau de 2010. L’État entend marquer par ce soutien l’importance qu’il accorde aux investissements des SDIS.

Le FAI, qui soutient des projets dont le cadre excède celui des risques courants, peut assurément être un outil de péréquation. Ce fonds a vocation, autour de l’échelon zonal, à fédérer les efforts des petits départements. Un exemple remarquable en la matière est celui de la désincarcération lourde, en cas notamment d’accidents de train, dans la zone de défense Sud-Est.

Monsieur Chassaigne, vous avez évoqué la réforme en cours visant à mutualiser les réseaux, les réserves naturelles en eau et les citernes souples, ainsi que la défense extérieure et la prise en charge financière. Créé en 2009, le projet conçu en ce sens a été retiré. Un groupe de travail créé avec l’AMF doit proposer une nouvelle rédaction du texte, permettant de trouver un équilibre pour la prise en charge financière du dispositif.

J’observe avec satisfaction que vous faites la promotion – une fois n’est pas coutume – d’une directive européenne ! Il n’est pas certain toutefois que celle dont il s’agit réponde aux préoccupations des sapeurs-pompiers et aux vrais besoins de nos centres de secours. De fait, si, comme je l’ai dit dans mon intervention liminaire, l’État entend bien remplir les obligations qui lui incombent au titre de cette directive, il veillera à éviter d’introduire des modifications préjudiciables à une organisation que de nombreux pays européens nous envient. Une application littérale de la directive ferait en effet courir au volontariat, pièce essentielle de cette organisation, un grand risque de désorganisation. Je suis, du reste, bien conscient que telle n’est pas votre intention. Une grande prudence s’impose toutefois.

La fiscalisation des dépenses des SDIS par la création d’une taxe additionnelle aux impôts locaux, proposée par M. Ginesta, est une proposition récurrente, sur laquelle j’ai déjà indiqué ma position tout à l’heure.

M. Jean Proriol. La loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004 a institué le plan communal de sauvegarde, qu’un décret du 13 septembre 2005 intègre en outre dans les plans d’organisation de la réponse de sécurité civile (ORSEC). Il s’agit là d’une initiative intéressante. La direction de la sécurité civile a élaboré dès 2005 un guide, qui a été remis aux communes. Où en est, au niveau national, l’élaboration de ces plans de sauvegarde ?

Par ailleurs, les divers plans que doivent élaborer les communes, comme le plan de prévention des risques technologiques (PPRT), le plan de prévention des risques inondations (PPRI) ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRNP), ont un coût. Comment l’État entend-il aider les communes à élaborer le plan de sauvegarde communal ? Cette aide doit notamment comprendre un soutien technique des services de l’État, notamment de la Direction de la sécurité civile, dans les départements.

Je conclurai en recommandant la lecture de l’excellent éditorial que le préfet Alain Perret a consacré au plan communal de sauvegarde.

M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur Proriol, à la suite de la tempête Xynthia, qui a démontré une nouvelle fois l’importance des plans communaux de sauvegarde en complément des plans de prévention des risques, le directeur de cabinet du ministre de l’intérieur a signé deux circulaires, datées du 6 avril et du 25 juin 2010, invitant les préfets à intensifier leur soutien à l’élaboration de ces plans. Les préfets organisent à cette fin des réunions de sensibilisation et ont désigné des référents chargés d’accompagner les maires. Certains préfets de département ont même établi un canevas de plan susceptible d’être adopté dans chaque commune concernée, et parfois accessible par voie informatique.

Un bilan de ces actions est en cours et aboutira certainement à de nouvelles mesures d’accompagnement des élus. Le concours apporté aux maires traduit la volonté ferme du Gouvernement de les convaincre de l’utilité de ces plans et de favoriser leur appropriation par les acteurs chargés de leur mise en œuvre effective. En effet, un maire convaincu est un maire efficace en situation de crise. En outre, compte tenu de la spécificité de ce plan, les préfets proposent un accompagnement technique en vue de parvenir à une planification cohérente et opérationnelle des secours. Plus de 2 000 communes ont déjà rédigé un plan communal de sauvegarde.

M. Yves Censi, vice-président de la Commission des finances. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, ainsi que les rapporteurs, pour la qualité de leur travail.

La réunion de la commission élargie s’achève à vingt-trois heures.

© Assemblée nationale