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Compte rendu
intégral

Commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale et du plan

Commission des affaires culturelles,
familiales et sociales

(Application de l’article 117 du Règlement)

Mercredi 17 juin 2009

Présidence de M. Didier Migaud,
président de la Commission des finances,
puis de M. Jean-Marie Binetruy

La réunion de la commission élargie commence à onze heures quinze.

Projet de loi de règlement des comptes
et rapport de gestion pour l’année 2008

Solidarité, insertion
et égalité des chances

M. le président Didier Migaud. Je suis heureux d’accueillir, dans le cadre de cette commission élargie consacrée au projet de loi de règlement pour 2008, Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité, et Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille, toutes deux placées auprès du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse, devrait nous rejoindre ultérieurement.

Je vous prie de bien vouloir excuser M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, qui est retenu par une réunion de sa propre commission.

La procédure de la commission élargie est destinée à privilégier les échanges directs entre ministres et députés par un jeu de questions et de réponses. En ce qui concerne la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », nous avons souhaité retenir le thème de la qualité de la prévision budgétaire. La Cour des comptes a en effet formulé des observations à ce sujet et l’on a relevé, au cours des années précédentes, des écarts entre les crédits initiaux et les dépenses réalisées – c’est le cas, par exemple, de l’aide médicale d’État.

La commission des finances a toujours souhaité pouvoir consacrer davantage de temps au contrôle de l’exécution du budget. La modification de la Constitution et celle du règlement de l’Assemblée devraient nous conduire à adapter nos méthodes. Le fait que plusieurs réunions se déroulent en même temps complique singulièrement l’organisation de notre travail. Nous avons évoqué ce sujet en Conférence des présidents la semaine dernière et nous formulerons des propositions pour l’examen du projet de loi de règlement pour 2009.

Nous allons maintenant écouter les questions de nos rapporteurs, M. Jean-Marie Binetruy, rapporteur spécial de la commission des finances, et Mmes Bérengère Poletti et Valérie Boyer, rapporteures pour avis de la commission des affaires culturelles.

M. Jean-Marie Binetruy, rapporteur spécial. Permettez-moi tout d’abord de signaler l’évolution du périmètre de la mission que nous examinons. Celle-ci intègre, dans son exécution 2008, le programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » et le programme 183 « Protection maladie » – lequel comprend l’aide médicale d’État, ou AME –, qui n’y figurent plus dans la loi de finances pour 2009.

Le thème de la « qualité de la prévision budgétaire » s’est imposé de lui-même à la commission des finances, tant la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » constitue un cas d’école. Elle finance en effet des prestations à caractère obligatoire servies aux bénéficiaires par des organismes non étatiques, notamment la sécurité sociale en ce qui concerne l’AME et les caisses d’allocations familiales : ainsi l’allocation pour adulte handicapé – AAH –, l’allocation de parent isolé – API – et, depuis le 1er juin, le revenu de solidarité active – RSA.

Prévoir le montant de ces dépenses est malaisé.

D’une part, il est difficile d’anticiper avec précision le nombre des bénéficiaires et, en particulier pour l’AME, le montant des prestations. La difficulté s’accroît encore lorsque, comme en 2008, la conjoncture se dégrade fortement et de façon inattendue.

D’autre part, la période de transition actuelle dans les dévolutions législatives et réglementaires constitue un obstacle supplémentaire qui a deux conséquences. D’abord, les crédits doivent être ouverts en cours d’exercice, le plus souvent en loi de finances rectificative, et l’on peut se demander si c’est là la meilleure solution. Ensuite, la totalité des besoins n’est pas toujours couverte par l’État en dépit des ouvertures en collectif budgétaire. Les dettes qui en résultent à l’égard des organismes servant les prestations n’apparaissent pas dans le budget de l’État et sont reléguées hors de son périmètre, ce qui peut fausser la lecture de l’exécution budgétaire.

Bien qu’elle soit consacrée à l’exécution pour 2008, cette commission élargie sera également pour nous l’occasion d’aborder la mise en œuvre du RSA.

J’en viens à mes questions.

Quel est le montant des dettes de l’État au titre de l’année 2008 et de ses dettes cumulées pour les principales prestations : AAH, API, AME et aide au poste. Hormis la dette relative à l’AME, le rapport annuel de performance ne donne aucune indication à ce sujet. Ne serait-il pas souhaitable que de telles informations figurent dans le rapport pour 2009 ?

La dette contractée au titre de l’AME est importante : environ 278 millions d’euros au 31 décembre 2008. Est-il envisageable, dans le contexte budgétaire actuel, d’apurer en loi de finances rectificative pour 2009 cette dette ainsi que toutes celles qui ont été contractées au titre de la mission ?

Par ailleurs, la sous-budgétisation en loi de finances initiale est notamment due à un problème de rebasage. À titre d’exemple, on a établi la prévision relative à l’allocation pour adulte handicapé en 2009 à partir de la LFI pour 2008 et non pas à partir de l’exécution pour cette même année, alors même qu’un besoin de financement supplémentaire était apparu en cours d’exercice. De fait, il semble possible d’anticiper dès l’été le montant de la dépense pour l’année. Ne pourrait-on calculer les prévisions de prestations obligatoires en LFI par rapport à l’exécution de l’année en cours et non par rapport à la prévision réalisée un an auparavant ?

Au cours de son audition par la commission des finances le 3 juin dernier, le Premier président de la Cour des comptes a d’ailleurs proposé de déplacer l’examen des lois de finances rectificatives de décembre à septembre. On pourrait ainsi mieux ajuster les prévisions de la LFI, puisque celle-ci serait discutée après le collectif. Quelle est la position du Gouvernement sur ce point ?

On remarque également que la mesure de la performance de plusieurs opérateurs, notamment ceux qui sont de création récente comme les maisons départementales des personnes handicapées – MDPH – ou l’Agence française de l’adoption, est très perfectible. La situation actuelle s’explique-t-elle par des éléments communs à l’ensemble de ces opérateurs ? Quelles mesures peut-on prendre à cet égard ? Le recours à des opérateurs pour mettre en œuvre des politiques sociales doit-il être, comme c’est le cas aujourd'hui, quasi systématique ?

Plus généralement, les organismes confrontés à la montée en charge d’un dispositif rencontrent souvent des difficultés. Ainsi, les plateformes téléphoniques 3977 pour la maltraitance aux personnes âgées ou 3919 pour les violences conjugales ont eu du mal à faire face au surcroît d’activité consécutif aux campagnes de communication destinées à les faire connaître.

Depuis 2006, la performance réalisée au titre des dépenses de fonctionnement du programme 124 est remarquable, avec une baisse d’environ 20 %. Le périmètre de calcul de ces coûts a-t-il été modifié depuis 2006 ? Peut-on consolider et améliorer encore cette performance sans réduire la qualité du service rendu ?

Mme Bérengère Poletti, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Lors de la discussion budgétaire d’octobre 2008, j’avais insisté sur les difficultés des maisons départementales des personnes handicapées en matière de financement et de gestion du personnel. Une partie du personnel des MDPH est constituée d’agents de l’État issus des COTOREP – commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel – et des CDES – commissions départementales de l'éducation spéciale – ; une autre partie provient des conseils généraux ; enfin, les MDPH ont procédé à des recrutements propres.

Le statut de ces institutions ne leur permet aucune évolution en ce qui concerne les personnels issus de l’État. Non seulement ceux-ci peuvent refuser la mise à disposition prévue, mais il leur est possible, une fois affectés, de quitter les MDPH pour revenir sous la responsabilité de l’État.

Au titre de la fongibilité asymétrique, l’État compense une partie des charges liées au dispositif. Néanmoins, la compensation pour les personnels restés en dehors des MDPH mais à la charge de l’État n’a été prévue qu’à titre exceptionnel pour l’année 2007. Visiblement, les crédits destinés à cette compensation n’ont pas été débloqués en 2008. Or ils sont nécessaires pour que les MDPH salarient correctement leur personnel. Où en est-on à ce sujet ?

Par ailleurs, où en est-on dans la réflexion sur l’évolution des statuts des MDPH ? Il est question, semble-t-il, d’en faire des établissements publics – ce qui permettrait aux associations de continuer à participer aux décisions – plutôt que des services des conseils généraux.

Mme Valérie Boyer, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. L’avis que j’avais présenté lors de l’examen du PLF pour 2008 portait principalement sur la couverture maladie universelle complémentaire – CMUC. Les constats que j’y avais faits appelaient des mesures correctrices sur lesquelles je souhaite aujourd'hui interroger le Gouvernement.

Il existe des obstacles à l’accès à la CMUC, et il en existe plus encore en ce qui concerne à l’aide à l’acquisition d’une assurance complémentaire pour les personnes dont le revenu est un peu au-dessus du seuil de la CMUC. En 2007, on estimait que seulement 80 % des bénéficiaires potentiels de la CMUC – soit 4,8 millions sur 6 millions – et 12 % des bénéficiaires potentiels de l’assurance complémentaire y accédaient effectivement. A-t-on réalisé des progrès, notamment en matière d’information sur l’accès à ces prestations ?

Autre problème, celui du refus de soins. En 2006, selon le rapport de M. Jean-François Chadelat, environ 15 % des professionnels de santé refusaient par principe les personnes bénéficiant de la CMUC. Le taux était plus élevé pour les dentistes et, dans certaines zones, pour les spécialistes. Les mesures correctrices que l’on a engagées ont-elles permis des progrès ?

Enfin, s’il est sans doute normal que les dépenses des personnes bénéficiant de la CMUC – dont l’état de santé est souvent dégradé – dépassent la moyenne, les écarts constatés entre les dépenses moyennes par assuré CMUC selon les départements sont troublants et ne peuvent s’expliquer par de seules raisons démographiques ou médicales.

J’avais demandé par amendement à ce qu’il soit obligatoire de s’inscrire dans le parcours de soins avant de se voir attribuer la CMUC. Cette disposition est-elle appliquée ?

Par ailleurs, quelle est l’évolution des dépenses de santé des assurés CMUC ? L’écart avec la moyenne des autres assurés et l’écart entre départements se réduisent-il ?

Quelle a été l’incidence des mesures adoptées ces dernières années pour lutter contre les dérives ? A-t-on procédé à l’exclusion de la CMUC de certains ressortissants communautaires inactifs, comme ces bénéficiaires britanniques qui se livraient à une sorte de tourisme européen des systèmes sociaux les plus favorables ? Le renforcement des règles d’obligation de résidence effective sur le sol français a-t-il été appliqué ? La prise en compte du train de vie des demandeurs est-elle effective ?

Enfin, où en est la mise en place du répertoire nationale commun des organismes de sécurité sociale, prévu à l’article L. 114-12-1 du code de la sécurité sociale et très attendu par tous ?

M. le président Didier Migaud. Je dois malheureusement rejoindre une autre réunion. C’est M. Jean-Marie Binetruy qui me suppléera à la présidence de cette commission élargie.

(M. Jean-Marie Binetruy remplace M. Didier Migaud au fauteuil de la présidence)

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Je répondrai d’abord à la question de M. Binetruy relative au montant des dettes de l’État au titre de l’année 2008. Pour ce qui concerne l’allocation adulte handicapé, la dette cumulée de l’État à l’égard de la CNAF est de 4,154 millions d’euros. Toutefois, l’État a une créance de 4,174 millions d’euros à l’égard du fonds de financement des prestations sociales agricoles, ce qui permet de compenser cette dette. Le rapport annuel de performances n’inclut pas ces données, mais il faut reconnaître que leur prise en compte permettrait une meilleure identification par l’ensemble des acteurs de la question de la dette de l’État des opérateurs nationaux chargés du versement des minima sociaux.

Pour l’AME, l’insuffisance a été de 264 millions d’euros en 20 07, ramenée en 2008 à 14 millions d’euros grâce à 94,2 millions d’abondements intervenus en loi de finances rectificative. Au total, la dette sur l’AME s’élevait donc au 31 décembre 2008 à 278 millions d’euros. Les crédits de la LFI pour 2009 permettront de couvrir la dépense courante, mais pas d’apurer le stock de la dette. Le sujet, qui relève de la responsabilité de Roselyne Bachelot, sera donc soumis à l’arbitrage du Premier ministre au cours de la préparation de la loi de finances rectificative.

J’en viens aux sous-budgétisations en loi de finances initiale dues à un problème de rebasage. Est-il possible d’envisager que les prévisions des prestations obligatoires faites en LFI soient réalisées par rapport à l’exécution de l’année en cours ? Compte tenu du calendrier budgétaire, les discussions concernant la construction de la dépense en vue du projet de loi de finances de l’année suivante interviennent dès le premier trimestre. En conséquence, les prévisions de la dépense reposent sur l’exécution budgétaire définitive de l’année précédente et sur les éléments fournis courant février par la DREES et la CNAF, notamment s’agissant des effets volume prévisibles. S’appuyer sur la tendance observable des dépenses de l’année en cours est difficilement envisageable d’un point de vue pratique, à moins de contracter fortement le temps de préparation des documents budgétaires. De plus, il n’est pas prudent de fonder une prévision sur une tendance si courte.

Pour ce qui est de la proposition de la Cour des comptes, il s’agit d’un sujet transversal qui relève de la compétence du ministère du budget et des comptes publics. Comme je l’ai souligné précédemment, l’avancement dans le calendrier de l’élaboration de la LFR aurait pour inconvénient de faire reposer le projet de texte sur des données d’exécution moins fines que dans le cadre de travaux menés au dernier trimestre de l’année pour une adoption en fin d’année. En tout état de cause, dans la mesure où elle modifie le calendrier budgétaire, la proposition de la Cour nécessite des travaux concentrés de l’ensemble des pouvoirs publics, et seul le ministère de comptes a le recul et la compétence nécessaires pour envisager le sujet dans toute sa complétude.

La performance des MDPH, évoquées à la fois par M. Binetruy et par Mme Poletti, constitue la véritable pierre angulaire de la nouvelle politique du handicap. Ces structures sont très sollicitées, et force est de constater qu’elles rencontrent encore des difficultés de fonctionnement qui les empêchent de remplir pleinement leurs missions, malgré les moyens importants qui leur sont consacrés par l’État, la CNSA et les conseils généraux. L’une des difficultés tient notamment au statut des personnels. Afin que les mouvements de personnels de l’État n’affectent plus le fonctionnement des maisons, tout sera fait cette année pour que les postes devenus vacants depuis leur création en 2006 soient effectivement pourvus. Ceux qui ne le seraient pas feront l’objet d’une compensation financière systématique.

Lors d’une audition précédente, nous avons déjà souligné que 18 millions d’euros de compensations seraient autorisées pour cette année 2009 afin d’accompagner les retours, tandis que 15 millions d’euros supplémentaires permettront de financer les nouvelles missions dévolues aux MDPH dans le cadre de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.

Le Gouvernement, lors de la conférence du handicap du 18 juin 2008, s’est fixé l’objectif de faire évoluer le statut des MDPH et de leurs personnels afin qu’elles remplissent pleinement leurs missions. Pour y parvenir, l’idée d’une transformation des maisons en établissements publics locaux est à l’étude. Compte tenu de l’urgence, le Gouvernement pourrait faire des propositions avant la fin de l’année. Toutefois, des travaux parlementaires étant déjà engagés sur ce sujet, nous attendons les conclusions des deux chambres avant d’accélérer les choses. Une mission de la commission des affaires sociales du Sénat, sous la présidence de Paul Blanc, ainsi qu’une mission de l’IGAS travaillent sur cette question. Au vu de tous ces éléments, nous verrons s’il faut maintenir le statut de GIP, faire le choix de l’établissement public local, ou s’orienter vers la départementalisation. Toutefois, comme l’a rappelé Bérengère Poletti, cette dernière option reviendrait à s’écarter de la philosophie de loi sur le handicap, dans la mesure où la place des associations ne pourrait plus être la même. Le débat portera donc plutôt sur le choix entre statu quo et évolution vers le statut d’établissement public local. Mais il faudra de toute façon modifier le statut des personnels, parce que le GIP ne permet pas une stabilisation des équipes des MDPH.

J’en viens à la politique d’information et de sensibilisation sur la maltraitance. Les moyens des plateformes téléphoniques ont été ajustés dans le temps pour répondre au mieux à la progression des appels. Depuis sa création, le 3977, qui concerne la maltraitance des personnes âgées, a reçu 70 000 appels, tandis que le 3919, relatif aux violences conjugales, en a reçu 80 000.

S’agissant du 3977, les prévisions d’activité réalisées en début d’année 2008 se sont révélées fortement sous-évaluées pour ce qui concerne les appels. Des créations de postes supplémentaires ont donc été accordées à l’opérateur en fin d’exercice : un équivalent temps plein d’assistante ; 1,4 ETP d’écoutant ; et des crédits de vacation d’écoutants pour faire face à l’afflux d’appels lors des campagnes de communication nationale. Ces pics étant particulièrement difficiles à mesurer, il importe en effet de faire preuve de souplesse.

En ce qui concerne le 3919, des moyens supplémentaires prévus pour 2009 – embauche d’un mi-temps d’écoute supplémentaire – permettront de faire face aux retombées de la campagne lancée la semaine dernière. En outre, la prise d’appels sera optimisée par un traitement plus rapide des appels courts, notamment des appels polluants – plaisanteries, erreurs, etc. Ces appels sont en augmentation notable depuis le passage en numéro vert. L’adaptation de la réponse aux pics d’appels ne passe donc pas seulement par l’embauche de personnels supplémentaires, mais bien par des modes de fonctionnement mieux adaptés et plus souples.

Depuis 2006, on observe une performance remarquable des frais de fonctionnement, qui ont chuté d’environ 20 %. Le périmètre de calcul de ces coûts n’a pas été modifié : cette évolution des crédits du programme 124 est le résultat d’une très forte mobilisation des équipes, qui a porté plus particulièrement sur les crédits de fonctionnement courant, tant en administration centrale qu’en services déconcentrés. Cette politique volontariste de réduction des coûts sera poursuivie grâce aux mutations importantes engagées dans le cadre de la RGPP, même si des surcoûts liés à la mise en place de nouveaux réseaux déconcentrés – ARS, DRJSCS – seront inévitables en 2010.

J’en viens à la prestation de compensation du handicap, en vigueur depuis le 1er janvier 2006 pour les personnes handicapées vivant à domicile. Elle est de la compétence des conseils généraux et ne relève pas de la mission « Solidarité ». En février 2007 sont parues les dispositions précisant les conditions d’accès à la PCH pour les personnes accueillies dans un établissement. Enfin, la PCH est ouverte aux enfants depuis avril 2008. Ils bénéficiaient jusqu’alors d’une prestation familiale, l’allocation d’éducation de l’enfant handicapée, AEEH, qui comprend l’allocation de base et, le cas échéant, un complément destiné à prendre en charge les besoins d’aide humaine et les frais liés au handicap. Les parents peuvent maintenant choisir entre la PCH et le complément d’AEEH. Ils conservent l’allocation de base.

Il s’agit d’une première étape qui vise à améliorer sans attendre la situation des familles d’enfants lourdement handicapés, en particulier lorsqu’elles ont recours à des aidants professionnels.

La montée en charge de la PCH est progressive : le montant des dépenses par les conseils généraux a atteint pour la première fois en 2008 le montant du concours versé par la CNSA. Le montant provisoire des dépenses pour 2008 est en effet de 565,7 millions d’euros, pour un montant total du concours de 555,8 millions d’euros. En 2006 et 2007, les dépenses ont été respectivement de 81,6 millions d’euros et de 277 millions d’euros, générant ainsi un excédent total de 720 millions d’euros du montant versés aux départements.

Le nombre d’allocataires progresse fortement : les allocataires de la PCH étaient 58 000 en décembre 2008, 28 600 en décembre 2007 et 6 700 en décembre 2006. En plus des allocataires, 19 300 personnes ont par ailleurs fait valoir leur droit à la PCH mais n’ont pas reçu de versement en décembre 2008. La montée en charge de l’ouverture de la PCH aux enfants est très progressive : fin mars 2009, les CAF avaient mis fin au versement des compléments pour 605 familles ayant opté pour la PCH. Le remplacement de l’allocation compensatrice pour tierce personne – ACTP – par la PCH s’est traduit en 2008 par une augmentation modérée du nombre total de bénéficiaires de ces deux prestations. Les dépenses de l’ACTP diminuent peu et le basculement des bénéficiaires de l’ACTP vers la PCH est lent. Fin décembre 2008, 104 200 personnes de tous âges ont perçu l’ACTP, alors qu’elles étaient 118 000 au 31 décembre 2007. Le montant des dépenses d’ACTP pour 2008 est de l’ordre de 616 millions d’euros, contre 680 en 2007.

Comment s’articule l’action de la CNSA avec celle d’autres acteurs, notamment l’État et l’assurance maladie ? En ce qui concerne la prestation de compensation, l’action de la CNSA consiste à répartir des crédits entre les départements selon des règles préétablies par la loi et les décrets, qui tiennent compte de la population, du potentiel fiscal et du nombre de personnes susceptibles de devenir des bénéficiaires. Le financement complémentaire de la prestation de compensation est assuré par les départements qui continuent à assumer la charge de l’allocation compensatrice pour tierce personne. La CNSA intervient en outre au titre de sa mission d’animation du réseau des MDPH, qui reçoivent les demandes et les instruisent. L’État, quant à lui, détermine les règles qui régissent le dispositif, les critères d’attribution et les montants des prestations. L’assurance maladie ne joue donc aucun rôle dans le financement ni dans l’attribution de la PCH.

Je répondrai enfin à Mme Boyer au sujet de la couverture maladie des personnes en situation de handicap. L’accès aux soins et à l’assurance des personnes les plus fragiles doit, bien sûr, être amélioré. D’ores et déjà, les allocataires de l’AAH sont affiliés gratuitement au régime général d’assurance maladie de base. Cependant, les allocataires de l’AAH ne peuvent pas bénéficier de la CMU complémentaire, car le montant de cette allocation est supérieur au plafond des ressources prises en compte par la CMUC. Néanmoins, en cas d’hospitalisation de plus de soixante jours entraînant la diminution du montant de l’allocation adulte handicapé, l’assurance maladie peut accorder le droit à la CMU complémentaire. Pour autant, des solutions ont été mises en place. Avec l’aide à la complémentaire santé, l’État a déjà permis à 610 000 personnes dont les ressources sont faibles, mais supérieures au montant de la CMUC, de pouvoir prendre une mutuelle. Les allocataires de l’AAH ont été informés par courrier de leur possibilité de bénéficier de cette aide.

Il faut toutefois aller plus loin, car les personnes handicapées doivent pouvoir bénéficier de la solidarité nationale pour tenir compte du surcoût de dépenses de santé lié à leur handicap. Je souhaite donc engager avec Roselyne Bachelot une réflexion pour expertiser les différentes pistes qui s’offrent à nous, notamment une meilleure prise en compte du handicap dans le cadre du dispositif ACS. Ce dispositif est particulièrement adapté, car non stigmatisant pour ses bénéficiaires : il leur permet en effet de s’affilier à n’importe quelle complémentaire santé sans être étiquetés.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je souhaite revenir sur le programme 157, qui concerne le handicap et la dépendance.

Bien que la création des MDPH soit une initiative reconnue, ces maisons rencontrent depuis leur mise en place des difficultés récurrentes, en particulier en ce qui concerne leur dotation budgétaire. Nous en avions d’ailleurs parlé lors du rendez-vous du 2 juin. Les fonds promis par l’État pour compenser les charges des personnels ayant réintégré leur administration d’origine n’ont pas toujours été versés dans les temps. En dépit des précisions que vous avez apportées, la question financière reste prégnante en termes de compensation des financements des postes mis à disposition par l’État.

Par ailleurs, on a souvent recours à des contrats aidés et à des personnels peu qualifiés, alors que l’attente des familles et des personnes handicapées est très grande en ce qui concerne la qualification. L’attention nécessaire doit donc être portée à la formation de ces personnels, d’autant plus qu’ils viennent de différents horizons et doivent acquérir une culture commune. Les MDPH ont souvent été confrontées sans préparation à des champs d’activité spécifiques, qui réclamaient des compétences très pointues et surtout des relais efficaces.

Le caractère récurrent de ces difficultés doit nous conduire à nous interroger très sérieusement sur les moyens de les résoudre.

L’aide au poste dans les ESAT est un autre problème que nous avons eu l’occasion d’aborder lors du bilan réalisé le 2 juin dernier. Les difficultés rencontrées en ce domaine ont non seulement pénalisé les ESAT, mais aussi affecté les ressources des personnes handicapées. Il est d’ailleurs indiqué dans le rapport annuel de performance que la totalité des besoins pour l’aide au poste n’a pu être satisfaite et que des reports de charges sont à prévoir pour l’année 2009. En outre, le rapport de la Cour des comptes fait observer que le dégel des crédits en fin d’année et leur étalement ne facilitent pas l’exécution budgétaire. Quelles dispositions comptez-vous prendre à ce sujet ?

Enfin, je rappelle que la loi du 11 février 2005 a supprimé la barrière d’âge pour l’obtention de la prestation de compensation du handicap, laquelle a fusionné en 2008 avec l’allocation d’éducation. Nous aimerions avoir certaines assurances à propos de l’application de cette disposition. Les associations n’ont pas été consultées au sujet des critères dont dépend l’attribution de la PCH. Le taux d’invalidité est maintenu, bien sûr, mais aussi des critères tenant à l’arrêt de travail – ce qui n’a guère de sens pour des enfants – ou aux charges effectives pour les parents. Ces questions doivent encore être réglées.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. En ce qui concerne l’instabilité du personnel des MDPH, nous partageons totalement votre analyse. Le système prévu par la loi montre ses limites, puisque le droit d’option réversible des personnels de l’État a pour conséquence un aller et retour permanent. Or du fait de cette instabilité, nous avons du mal à envisager une montée en qualification des équipes. Avant d’améliorer la formation des professionnels des MDPH, il convient donc de régler le problème du statut des personnels.

La CNSA, vous le savez, exerce une mission d’appui et d’accomp agnement des directeurs de MDPH. Elle travaille justement sur les questions de qualité et de formation, mais aussi sur les échanges de bonne pratique. Ce pilotage est particulièrement utile pour parvenir à un système à la fois qualitatif et homogène. Mais pour cela, nous devons avancer sur la question du statut des MDPH et de leurs personnels, et préciser la répartition des financements. Je rappelle toutefois que l’État et la CNSA restent, avec 63 % du total, les premiers financeurs des MDPH. Dès le mois d’avril, nous avons apporté 14 millions d’euros aux départements pour compenser en cours d’année le retour des personnels vers les administrations de l’État. La deuxième partie de cette compensation sera versée à la fin de l’année. Des crédits de la CNSA permettront également de financer les nouvelles missions octroyées aux MDPH.

En ce qui concerne l’ouverture de la PCH aux enfants, le Gouvernement a retenu un scénario en deux étapes. La première, dès 2008, consiste en un droit d’option entre les compléments d’allocation d’éducation de l’enfant handicapé et la PCH. Cette solution permet un progrès immédiat pour les situations les plus difficiles, mais impose un délai supplémentaire pour nombre de familles. La seconde étape reste nécessaire pour adapter la PCH aux spécificités de la compensation du handicap chez l’enfant, notamment pour la prise en charge de ses besoins éducatifs, qui sont très particuliers. J’ai mis en place un groupe de travail piloté par le délégué interministériel aux personnes handicapées, et auquel participent bien sûr les associations. Il doit faire des propositions pour s’assurer que la PCH rénovée permettra bien de prendre en compte l’ensemble des besoins spécifiques de tous les enfants et pour déterminer une ligne de partage entre les besoins pris en compte au titre d’une prestation familiale et ceux pris en compte au titre de la PCH. Une telle adaptation de la PCH nécessite à l’évidence une large concertation, qui sera menée une fois les préconisations du groupe de travail connues. La machine est donc en route.

En ce qui concerne l’ACTP, nous travaillons sur l’hypothèse d’une forfaitisation de tout ce qui relève de l’aide ménagère et peut constituer un frein à la PCH. C’est une réflexion nécessaire si nous voulons accélérer le passage de l’ACTP à la PCH.

Enfin, s’agissant des ESAT, la dépense finale au titre de l’aide au poste, c’est-à-dire la participation de l’État à la rémunération des travailleurs handicapés accueillis dans ces établissements, a été en 2008 de 1,170 milliard d’euros, soit 59,15 millions d’euros de plus que la prévision initiale. Deux raisons principales expliquent ce décalage. D’une part, l’aide au poste est indexée sur le SMIC, dont l’augmentation en 2008, compte tenu d’une forte inflation, a été plus importante que prévu lors de la construction du budget. D’autre part, afin d’aider les ESAT à mettre en place une politique de formation et de prévoyance pour leurs travailleurs handicapés, l’État a participé au financement des cotisations et affiliations nécessaires – OPCA et organismes de prévoyance. Le différentiel a été couvert par un transfert de crédits en provenance de la ligne de fonctionnement des ESAT et d’un abondement de 53,3 millions en loi de finances rectificative. Nous en avons tiré les leçons en 2009 : les crédits ouverts en loi de finances s’élèvent à 1,127 milliard d’euros, en augmentation de 11,4 %, et cette augmentation importante intègre : une remise à niveau de la contribution de l’État à l’effort de formation et de prévoyance des ESAT ; l’extension en année pleine de l’aide au poste correspondant aux 2 000 places créées en 2008 ; le financement de l’aide au poste correspondant aux 1 400 places à créer en 2009 ; et une actualisation de 2,4 % de la baisse du SMIC.

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille. Les crédits importants affectés au programme 106, « Actions en faveur des familles vulnérables », qui s’élevaient dans la loi de finances initiale à 1,3 milliard d’euros, témoignent de la volonté du Gouvernement d’être aux côtés des plus fragiles, en finançant des actions qui font l’exemplarité du modèle social français, comme l’allocation de parent isolé, les actions d’aide à la parentalité ou les mesures de protection des personnes majeures.

Par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale, on observe en effet, monsieur le rapporteur, une différence de 42 millions d’euros, due, pour 36,5 millions d’euros, à l’attribution de l’allocation de parent isolé à 7 000 personnes supplémentaires par rapport aux prévisions, et, pour 5,5 millions d’euros, à des mesures de mise sous tutelle ou sous curatelle supplémentaires. Comme il est difficile de prévoir à l’avance le nombre de bénéficiaires de l’allocation de parent isolé, il faut en effet adapter la ligne budgétaire en cours d’année.

Cette dette sera apurée en 2009 ; elle est pour l’instant supportée par la réserve de trésorerie de la Caisse nationale d’allocations familiales.

Par ailleurs, il s’agissait de la dernière année pleine d’existence en métropole de la prestation d’allocation de parent isolé, qui aura représenté en 2008 un budget de plus de 1 milliard d’euros, bénéficiant à 210 000 familles monoparentales. Depuis le 1er juin 2009, elle est en effet intégrée au revenu de solidarité active, qui va nous permettre de franchir une nouvelle étape dans l’accompagnement social.

S’agissant de l’Agence française pour l’adoption, elle a bénéficié d’une subvention de 2,9 millions d’euros, et non de 4 millions d’euros, comme cela avait été prévu en loi de finances initiale.

L’AFA a été créée en juillet 2005, mais n’a commencé à fonctionner qu’en mai 2006. Dès le début 2006, elle a reçu l’intégralité de la subvention de fonctionnement qui lui avait été attribuée en loi de finances initiale, soit 4 millions d’euros ; en conséquence, elle enregistrait à la fin de l’année un fonds de roulement important, de 2,2 millions d’euros.

En 2007 et 2008, l’AFA a de nouveau bénéficié de l’inscription en loi de finances initiale d’une subvention de 4 millions d’euros, destinée à soutenir sa montée en puissance et à lui permettre de prendre place dans le paysage de l’adoption internationale en constituant son propre réseau.

Cependant, la subvention effectivement versée a été adaptée en cours d’année aux besoins réels de l’opérateur ; elle s’est élevée en 2007 et 2008 à 2,9 millions d’euros, avec un apport au fonds de roulement de 229 000 euros l’année dernière.

L’AFA intervient dans le contexte difficile d’une contraction de l’adoption internationale, le volume de celle-ci ayant diminué de 20 % entre 2006 et 2007, pour se stabiliser à 3200.

Il est vrai que l’Agence a eu du mal à trouver sa place ; d’ailleurs, ses performances sont assez décevantes, ses interventions ne portant que sur 17 % de l’ensemble des adoptions internationales.

Ce résultat s’explique en partie par la prédominance des signataires de la convention de La Haye parmi ses partenaires : trente-cinq pays sur trente-sept. En effet, il me semble que cette convention, en privilégiant le maintien de l’enfant dans son pays d’origine, restreint les possibilités d’adoption. La Cour des comptes et la mission d’information du Sénat partagent d’ailleurs cette analyse.

J’entends néanmoins conforter l’AFA dans sa mission, dans la mesure où elle permet à tous les citoyens français, quel que soit leur département de résidence, d’accéder à un opérateur et qu’elle a vocation à sécuriser l’adoption dans les pays non signataires de la convention de la Haye.

Nous allons d’ailleurs signer dans les prochains jours une convention d’objectifs et de gestion, qui permettra d’améliorer le pilotage budgétaire grâce à la mise en place d’une comptabilité analytique d’ici à 2010.

Le texte concernant la réforme de l’adoption a été déposé au Sénat ; les outils, notamment budgétaires, qui permettront à l’AFA de mieux fonctionner sont quasiment prêts ; M. Jean-Paul Monchau a été nommé ambassadeur chargé de l’adoption internationale afin que notre action soit plus efficace : voilà qui devrait renforcer l’AFA, et nous permettre de mieux accorder son budget à ses performances.

M. Guy Malherbe. À mon tour, je voudrais souligner les difficultés rencontrées par les maisons départementales des personnes handicapées. Elles découlent en grande partie de la multiplicité des statuts de leur personnel, partagé entre différentes administrations – ce qui a considérablement compliqué la mise en place du système d’information.

Résultat : les administrés sont mécontents du fonctionnement de ces établissements et se tournent vers les élus locaux pour obtenir satisfaction.

Il convient donc de créer rapidement un statut adapté pour ces personnels, afin de procurer une certaine stabilité aux MDPH et de pouvoir répondre aux attentes, très importantes, des personnes handicapées.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Monsieur le député, le Sénat remettra son rapport sur la question le 24 juin prochain. Nous nous mettrons très rapidement en ordre de marche afin de travailler avec le Parlement sur des propositions construites et respectueuses de tous.

Toutefois, je le répète, nos marges de manœuvre sont limitées, notamment en raison des statuts des personnels des MDPH, qui ne permettent pas tous de procéder à une stabilisation.

Quoi qu’il en soit, nous partageons vos préoccupations : ces établissements sont le point névralgique de la politique du handicap, et il faut leur permettre de gagner en qualité et en stabilité.

Madame la rapporteure pour avis, dans l’attente de l’arrivée de M. le haut-commissaire, je vous fournirai quelques éléments de réponse concernant la couverture maladie universelle complémentaire.

Le projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires » prévoit un mécanisme de conciliation entre les caisses d’assurance maladie et les conseils de l’ordre et, si celle-ci échoue, un dispositif de sanction à l’encontre des médecins qui refusent les soins. Nous avons sensibilisé les caisses à ce problème, et elles suivent de près les médecins qui s’adonnent à ce genre de pratiques ; selon elles, ils représenteraient 5 % de l’ensemble des praticiens.

Afin d’inciter les bénéficiaires de la CMUC à s’inscrire dans le parcours de soins, les caisses d’assurance maladie ont lancé, au moment de l’ouverture des droits, une campagne d’information. À l’heure qu’il est, plus de 84 % des bénéficiaires de la CMUC s’inscrivent dans le parcours de soins, soit 1% de plus que le reste des assurés.

S’agissant enfin de l’effet d’aubaine pour les ressortissants communautaires, le Gouvernement a pris en compte les effets négatifs de la directive européenne de 2007 : les caisses d’assurance-maladie auront l’obligation de vérifier la résidence et la régularité de séjour des bénéficiaires de la CMUC ; nous allons également lutter contre le nomadisme médical.

M. Jean-Marie Binetruy, président et rapporteur spécial. Je souhaite la bienvenue à M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.

Nous allons maintenant examiner le programme 304, « Luttes contre la pauvreté : expérimentations », et, plus particulièrement, la généralisation du revenu de solidarité active, le RSA.

Monsieur le haut-commissaire, les caisses d’allocations familiales sont-elles capables de faire face à l’augmentation de leurs charges, compte tenu notamment de l’inscription dans leur fichier des travailleurs à temps partiel ?

Par ailleurs, la crise actuelle aura-t-elle des conséquences sur la montée en charge du dispositif ? À partir de quand l’ensemble des bénéficiaires potentiels pourront-ils toucher le RSA ?

Enfin, le RSA-socle, à la charge des départements, est censé être financé par une partie de la TIPP ; or le dynamisme de cette dernière est relativement faible, tandis que le RSA-socle concernera probablement un nombre croissant de personnes.

Quant au RSA-chapeau, pris en charge par l’État, on avait prévu pour le fonds national des solidarités actives un excédent de 362 millions d’euros pour 2009, un léger déficit pour 2010 puis un retour à l’équilibre en 2011. L’évolution prévisible du nombre de bénéficiaires ne remet-elle pas en cause cette perspective – d’autant qu’entre-temps a été créé, dans les territoires d’outre-mer, le revenu supplémentaire temporaire d’activité, le RSTA ?

M. Christophe Sirugue. En ouvrant notre réunion, le président de la commission des finances a affirmé que celle-ci avait pour objectif d’évaluer la qualité de la prévision budgétaire. Je voudrais souligner qu’en ce qui concerne la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », les crédits consommés ont été supérieurs de plus de 1,9 milliard d’euros aux crédits inscrits en loi de finances initiale, ce qui représente une augmentation de 9,04 %.

S’il est vrai qu’en 2008 les difficultés sociales ont commencé à s’accroître, cette différence me semble symptomatique. D’ailleurs, dans son rapport, la Cour des comptes constate elle aussi l’importance des écarts entre dotation initiale et besoins réels ; surtout, elle souligne que « le caractère récurrent de cet écart au cours de ces dernières années [permet] de s’interroger sur la sincérité de la loi de finances plutôt que sur la qualité de la prévision budgétaire. »

Ainsi, en ce qui concerne le programme 177, « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables », la différence entre crédits consommés et crédits inscrits est de 7 % pour la conduite et l’animation de la politique de la lutte contre l’exclusion, de 18 % pour la prévention de l’exclusion, de 58 % pour les actions en faveur des plus vulnérables, de 77 % pour les rapatriés.

Monsieur le haut-commissaire, comment expliquer de tels écarts ? Que pensez-vous de la remarque de la Cour des comptes ?

S’agissant de la prévention de l’exclusion, je rappelle que les pôles d’accueil en réseau pour l’accès aux droits sociaux, les PARADS, ont été créés par le plan de cohésion sociale ; ils ont pour vocation de faciliter l’accès à l’information des personnes en grande difficulté et de les accompagner dans leurs demandes d’ouverture de droits sociaux. Or il semble que le seul indicateur retenu pour évaluer la pertinence de cet outil soit la mesure du taux de satisfaction des personnes reçues dans les PARADS. Cela signifie-t-il que l’accueil est assimilé à la satisfaction des besoins vitaux des personnes démunies, au détriment de la réalité de l’accès à l’emploi, à la formation, au logement ou à la santé ?

S’agissant des actions en faveur des plus vulnérables, la création en 2008 de 682 places de stabilisation supplémentaires ne répond pas, et de loin, aux besoins mentionnés par les associations lors du débat budgétaire. En outre, si les crédits en faveur des centres d’hébergement et de réinsertion sociale ont augmenté de 11 %, leurs dépenses de fonctionnement et de structure ne sont pas prises en compte dans le loi de finances initiale : les places manquent, les moyens aussi. Enfin, les crédits en faveur des maisons relais sont nettement insuffisants. Avec seulement 2 959 places supplémentaires ouvertes en 2008, et non 4 000 comme l’avait annoncé le Gouvernement, la réalité n’est pas à la hauteur des annonces !

La Cour des comptes fait des observations critiques sur l’exécution budgétaire, notamment sur les crédits consacrés à l’hébergement d’urgence ; elle estime que cette exécution est caractérisée par des reports de dépenses liés à l’insuffisance des crédits ouverts par rapport aux besoins réels constatés. Nous avions déjà évoqué ce sujet lors du débat budgétaire. Des mesures vont-elles être prises pour qu’enfin, les inscriptions de crédits dans la loi de finances initiale correspondent à la réalité des besoins, nonobstant les fluctuations dues au difficultés sociales ?

Enfin, en ce qui concerne le programme 304 et la mise en œuvre du RSA, les calculs avaient été faits dans un contexte économique et social tout autre, ce qui rend discutables les éléments budgétaires qui nous ont été transmis. Pouvez-vous, monsieur le haut-commissaire, préciser l’impact financier de ce dispositif à l’aune des éléments dont nous disposons aujourd’hui ?

La mise en œuvre du RSA fait appel à plusieurs partenaires, dont le Pôle emploi et les caisses d’allocation familiales. Or les difficultés rencontrées par le premier s’accroissent de jour en jour, ce qui complique le suivi de l’insertion professionnelle des bénéficiaires du RSA. Quant aux caisses d’allocations familiales, elles ne semblent pas, d’après nos renseignements, avoir la capacité d’absorber cette charge supplémentaire de travail dans les délais demandés. Qu’en est-il réellement ? Quelles seront les conséquences sur les délais d’examen des dossiers et sur le processus d’inscription dans l’accompagnement de retour à l’emploi, qui constitue le fondement même du RSA ?

Je note, pour terminer, la non-inscription des crédits destinés à la prime de Noël pour les allocataires du RMI, ce qui contribue aux relations difficiles entre le Gouvernement et les départements concernant la prise en charge du coût du RMI.

M. Jean-Marie Binetruy. président et rapporteur spécial. Je vous rappelle, cher collègue, que le programme 177 n’est pas de la responsabilité du haut-commissaire, mais de celle de la ministre du logement. Il n’est plus inclus, désormais, dans le périmètre de notre mission.

M. Christophe Sirugue. Ce programme, qui porte sur la « Prévention de l’exclusion », est cependant de la responsabilité du Gouvernement !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse. Tout d’abord, je vous présente mes excuses pour mon retard, dû au report d’une heure du conseil des ministres, en raison des obsèques du président Bongo.

Comme l’a souligné le président, une partie des questions de M. Sirugue relève du périmètre du ministère de Mme Boutin, mais j’y apporterai quelques éléments de réponse.

En ce qui concerne l’exécution du programme 304, les engagements que nous avions conclus avec les départements ont été tenus, et le financement partagé par moitié. Nous avons fait en sorte que les crédits soient versés aux bénéficiaires dans les délais et dans de bonnes conditions ; pour l’instant, nous n’avons d’ailleurs eu aucun écho négatif.

Je vous rappelle qu’il avait été prévu 100 millions d’euros supplémentaires pour la branche famille. Cette somme a bien été versée, ce qui a permis de recruter 1000 agents de plus. Il était prévu, dans la convention d’objectifs et de gestion, d’en redéployer un certain nombre vers le RSA, mais les capacités de redéploiement ont été limitées par les difficultés rencontrées dans la transmission automatique des déclarations de revenus des services fiscaux vers les caisses d’allocations familiales pour les aides aux logements. En conséquence, on a procédé au mois d’avril au recrutement de 250 agents supplémentaires et l’on a finalisé une convention d’objectifs et de gestion prévoyant la création d’emplois supplémentaires.

Une réforme de cette ampleur ne se fait pas sans efforts. Nous avons estimé que la charge de travail serait extrêmement importante à l’occasion de la mise en place du nouveau dispositif – on traite actuellement 80 à 90 000 dossiers supplémentaires par semaine –, mais qu’elle diminuerait par la suite. Certains recrutements ont donc porté sur des emplois temporaires, afin de gérer la montée en charge du RSA sans que cela pèse sur les budgets sociaux.

L’outil informatique des CAF, Cristal, a subi sa plus importante mise à jour depuis sa création – il avait pourtant déjà été modifié à vingt-six reprises ! Il est opératoire depuis la semaine dernière, et aucun problème n’a été détecté, dans les 123 CAF métropolitaines.

Certaines CAF rencontraient des difficultés, avant même la mise en œuvre du RSA. Nous avons créé des équipes régionales, qui apportent leur aide en cas de besoin.

Les CAF ont fait leur révolution. Alors qu’il y a dix ans, on ne pouvait jamais avoir personne au téléphone, les usagers bénéficient aujourd’hui d’un outil de simulation en ligne, d’un service de renseignements par téléphone, et d’un système de gestion informatisé des pièces. Les courriers ne sont plus perdus !

J’ai rencontré la semaine dernière les 123 directeurs de CAF : en dépit des difficultés rencontrées, ils sont fiers d’avoir été choisi, parmi d’autres services publics, pour gérer le RSA.

La montée en charge du dispositif s’effectue par bascule automatique pour le RMI et l’API et par démarche active pour les autres prestations. L’outil de simulation en ligne a déjà été utilisé par 1,8 million de personnes ; 900 000 appels téléphoniques ont été traités, soit par le centre d’informations, le 3939, soit par les CAF. En trois semaines, 300 000 demandes de RSA supplémentaires – s’ajoutant aux 1,2 million de base – ont été déposées.

Par rapport à d’autres prestations sociales, comme l’allocation personnalisée d’autonomie ou la prestation de compensation du handicap, le démarrage semble plus rapide. En conséquence, nous nous fixons comme objectif de toucher en un an plus de 90 % de la cible potentielle, et 60 % en six mois.

Le rythme tend d’ailleurs à s’accélérer : 80 000 dossiers ont été déposés au cours de la seule dernière semaine. Jusqu’à présent, les salariés doutaient pouvoir être bénéficiaires du RSA ; avec le bouche à oreille, on s’attend à un afflux de demandes dans les prochains jours.

Pour Pôle emploi, la charge est évidemment importante. Mais si l’on avait choisi de différer l’inscription des allocataires du RSA à Pôle emploi en attendant que la situation s’améliore, je suis convaincu qu’elle n’aurait jamais eu lieu. Il n’aurait jamais été le moment de rajouter des chômeurs sur les listes…

Cela ne pouvait donc se faire que maintenant. Les agents de Pôle emploi qui, à l’ANPE, avaient la directive d’insister lourdement sur le fait que les allocataires du RMI n’étaient pas du tout obligés de s’inscrire, ont opéré un changement culturel. Les départements, quant à eux, ont mis en place une organisation qui n’existait pas du temps du RMI. Chaque allocataire est reçu dans la semaine par Pôle emploi, par la CAF et par un travailleur social du département. Ces trois institutions peuvent d’ailleurs mettre en place un système d’orientation commun s’ils le souhaitent : le dispositif est en train de se déployer. Pôle emploi a défini son offre de base et ouvert les prestations de droit commun aux allocataires. Il offre aussi des possibilités de suivi renforcé, mais les départements peuvent également décider de recourir à d’autres prestataires ou d’utiliser leurs propres services.

Je ne nie pas les difficultés, mais il faut constater que, dans les deux grands services publics que sont la branche famille et le Pôle emploi – lequel a aussi bénéficié de créations de postes pour l’occasion –, le système fonctionne.

Autre élément important : l’aide personnalisée de retour à l’emploi, qui se montera à 150 millions par an – 60 pour cet exercice. Il s’agit d’une aide totalement atypique, puisque son attribution n’est pas fonction de critères mais est décidée au cas par cas par les agents : il peut s’agir d’aide à la mobilité, à la garde d’enfants… Pour l’instant, les départements se demandent s’ils vont arriver à tout dépenser. Leur inquiétude devrait se dissiper très vite ! Mais au-delà, ce dispositif représente un enjeu tout à fait fondamental : les réponses aux questions que soulève ce type d’aide sans critères – est-on capable de tout dépenser, peut-on évaluer les effets de l’aide, pérenniser le système ? – seront essentielles en matière de finances publiques et de politique sociale.

J’en viens à vos interrogations sur les effets de la crise. Pour ce qui est des effectifs des allocataires du RSA, les simulations ne prévoient pas pour l’instant d’augmentation massive. En effet, du fait de la dégradation de la situation de l’emploi, de nombreuses personnes qui avaient un travail modeste et un complément de RSA retournent à l’assurance chômage. Le nombre de RSA-chapeau a donc tendance à diminuer. Et du côté du RSA-socle, la réforme de l’assurance chômage permet l’indemnisation au bout de quatre mois de cotisation au lieu de six. La situation est donc très différente de celle de 2003, qui avait vu, du fait des restrictions de l’allocation de solidarité spécifique et de l’indemnisation chômage, un déversement en quelques mois d’un grand nombre de personnes vers le RMI, le tout à la charge des départements.

D’après les calculs actuels, le nombre de bénéficiaires du RSA-socle devrait augmenter de 3 à 5 % en 2009 et de 0 à 1,5 % en 2010, alors que celui des bénéficiaires du RSA-chapeau devrait baisser plutôt de 1 ou 2 % en 2009 et de 0 à 1 % en 2010. L’impact de la crise est donc pour l’instant loin d’être aussi massif que sur les régimes d’assurance chômage. Nous verrons si la situation évolue.

Pour ce qui est des recettes, il est vrai que l’excédent de la taxe de 1 % pour 2009, qui devait servir à financer la première année pleine 2010, a été plus faible que prévu d’environ 14 %, soit 200 millions. Ce manque sera naturellement compensé en loi de finances : l’État paiera ce qui est prévu – si ce n’est pas par le biais de cette taxe ce sera par un autre moyen, soumis bien sûr au Parlement. Il n’est pas question que les départements aient à compenser la baisse des produits financiers, ni que les allocataires souffrent d’une baisse des crédits.

Pour ce qui est des département d’outre-mer, les crédits qui seront consacrés au RSTA équivalent à ce qu’aurait coûté la généralisation du RSA aux DOM dès maintenant, soit environ 223 millions par an. Dans un récent rapport, le député René-Paul Victoria a suggéré de procéder l’année prochaine à une évaluation de chacun des deux dispositifs, afin que les DOM fassent connaître leurs préférences. Il y a trois mois en effet, ils ont décliné la possibilité d’avancer la mise en place du RSA, préférant un système qui couvre des revenus un peu plus élevés par exemple.

Enfin, s’agissant des prévisions budgétaires du programme 177, qui n’est pas de mon ressort juridique même s’il touche à la lutte contre l’exclusion, je peux vous donner deux explications. D’abord, vous savez que le Gouvernement attache une grande importance aux travaux des parlementaires en mission. Lorsque Étienne Pinte a rendu son rapport sur l’hébergement d’urgence et l’accès au logement, le Gouvernement s’est donc cru autorisé à traduire certaines de ses propositions concernant la veille sociale, l’hébergement d’urgence et l’insertion le plus rapidement possible, pour un montant de 195 millions.

Quant à la prime de Noël, depuis sa création en 1998, elle n’a jamais été inscrite en loi de finances initiale mais toujours rectificative. J’imagine que les gouvernements ont toujours l’espoir d’une année sans Noël… Cette année, en outre, les crédits ont été augmentés pour tenir compte de la crise et rattraper le décalage entre inflation et évolution du RMI – cette dernière avait été fixée à 1,6 % alors que l’inflation a atteint 2,9 %. Le total s’est élevé à 380 millions.

Pour le reste, mon équipe, qui en est fière, me fait rappeler que l’exécution du programme 304 n’a pas dépassé les prévisions alors même que, s’agissant d’expérimentation, l’exercice est particulièrement compliqué. J’en profite pour lui adresser mes félicitations.

M. Jean-Marie Binetruy, président et rapporteur spécial. Merci le haut-commissaire pour ces précisions.

La réunion de la commission élargie s’achève à treize heures.

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