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Compte rendu
intégral

Commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale et du plan

Commission des affaires économiques,
de l’environnement et du territoire

(Application de l’article 117 du Règlement)

Jeudi 18 juin 2009

Présidence de M. Didier Migaud,
président de la Commission des finances,
et de M. Patrick Ollier,
président de la Commission
des affaires économiques

La réunion de la commission élargie commence à neuf heures.

Projet de loi de règlement des comptes
et rapport de gestion pour l’année 2008

Ville et logement :
ville

M. le président Didier Migaud. Nous sommes heureux, madame la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville, de vous accueillir pour analyser avec vous, dans le cadre de l’examen du projet de loi de règlement pour 2008, la mission « Ville et logement ».

Cet exercice, dont nous réexaminons les procédures afin de mieux assurer notre mission de contrôle des lois de finances et de tenir compte des dernières modifications constitutionnelles, présente l’avantage de permettre un échange direct entre les parlementaires et les ministres et autres responsables de missions.

M. le président Patrick Ollier. Je me bornerai, madame la secrétaire d’État, à quelques questions, laissant au rapporteur pour avis, qui maîtrise parfaitement le sujet, le soin de vous interroger plus avant au nom de la Commission des affaires économiques.

Pour ceux qui considèrent la politique de la ville comme l’une des politiques essentielles de l’État, du fait notamment de son caractère transversal, la gestion budgétaire de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, ne laisse pas de poser question. En effet, l’Agence n’étant plus depuis cette année financée directement par l’État, n’est-il pas à craindre que la montée en puissance des programmes qu’elle gère ne provoque un engorgement de ses crédits ?

Par ailleurs, pouvez-vous nous apporter des précisions sur l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’ACSÉ : êtes-vous satisfaite du fonctionnement de ce nouvel organisme ?

Ma dernière question est d’ordre plus général : comment mesurer l’impact de la crise économique sur le fonctionnement des zones franches urbaines ? Celles-ci sont-elles particulièrement touchées ? Prévoyez-vous des mesures spécifiques pour ces zones ? Comment évoluent les dépenses fiscales attachées à ces territoires ?

M. François Goulard, rapporteur spécial. S’agissant, madame la secrétaire d’État, de la gestion budgétaire de la politique de la ville, 2008 constitue une année charnière puisqu’il a été annoncé que la politique de rénovation urbaine sera essentiellement financée non plus par l’État, mais par un prélèvement sur le 1 % logement. L’exercice de la loi de règlement n’étant intéressant que s’il abandonne son caractère convenu, il sera pour moi l’occasion de vous interroger sur l’avenir de la politique de rénovation urbaine.

Sur le plan budgétaire, la question essentielle est celle des crédits alloués au programme « Rénovation urbaine » : alors que douze milliards d’euros étaient prévus pour la période 2004-2013, ces crédits sont déjà pratiquement épuisés. Ils ont certes permis la signature de 305 conventions avec 187 quartiers prioritaires et engendrés plus de 36 milliards d’euros de travaux. Mais les engagements souscrits susciteront une montée en puissance des besoins en trésorerie dans les années 2011, 2012 et 2013 que le prélèvement sur le 1 % ne suffira pas à couvrir.

Je vous pose donc là une question à plusieurs milliards : comment envisagez-vous la suite des opérations ? En effet, si le prélèvement sur le 1 % peut suffire à couvrir les besoins budgétaires pour 2009 et 2010, tel ne sera pas le cas les années suivantes. C’est là le point le plus grave, en ce qu’il affecte l’équilibre général du budget du fait des montants en cause. À cela s’ajouteront probablement des dérives dans les coûts, des demandes reconventionnelles des collectivités concernées et des opérations qui nécessiteront des moyens supplémentaires, aggravant le problème budgétaire principal. De plus, les engagements en termes de crédits pris dans le cadre de la loi du 5 mars 2007 n’ont pas été respectés en 2008.

Je veux également appeler votre attention sur les observations relatives à la mission « Ville et Logement » formulées par la Cour des comptes, celle-ci s’interrogeant sur la cohérence de la structure budgétaire de la mission, sur l’absence de maîtrise, de la part de leurs responsables, des moyens dispersés au sein du ministère de l’écologie et dédiés aux programmes, ou encore sur la qualité des indicateurs de performance. Même si ce sont là, comme souvent de la part de la Cour, des critiques de second ordre, les Commissions apprécieront de connaître votre avis sur ces différents points.

En ce qui concerne la politique d’équité sociale et territoriale, la consommation nationale des crédits est satisfaisante. Même si les actions sont beaucoup plus disséminées et moins faciles à mesurer, on ne peut contester que des rénovations massives sont engagées. Elles souffrent cependant d’un manque d’indicateurs propres à évaluer leur efficacité, notamment pour l’ACSÉ. Il faut désormais que le ministre concentre ses efforts sur la mesure de l’efficacité de ces politiques : nous attendons des actions d’évaluation sérieuses de cette politique, dont le principe est incontestable.

J’évoquerai enfin un cas auquel nous avons consacré une attention particulière : celui de l’établissement public d’insertion de la défense, l’EPIDE, créé en 2008, dont les modalités de cotutelle et de cofinancement appellent des précisions de votre part. Quelle appréciation portez-vous sur sa gestion ? Quelle est son efficacité par rapport aux montants engagés ?

M. Olivier Carré, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques. Le budget, il faut le souligner, s’exécute conformément à ce qui était prévu. La politique de la ville est maintenant sur les rails, loin de la pratique du stop and go qui était de règle dans les périodes antérieures, quels que soient les gouvernements en place. Les actions engagées voilà quelques années se poursuivent avec la même ampleur et la même dynamique.

Pour ce qui est du programme national de rénovation urbaine, si les autorisations d’engagement ont été respectées, les crédits de paiement font défaut. Certes, le président du conseil d’administration de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine reconnaît que la trésorerie ne lui manque pas, l’État ayant choisi avec pragmatisme de verser une dotation complémentaire à l’ANRU. Reste à justifier cet écart entre les autorisations d’engagement et les crédits effectivement versés.

Les politiques exceptionnelles menées en 2008 dans le cadre du plan de relance semblent efficaces : ne faudra-t-il pas les pérenniser une fois que la situation économique de notre pays sera meilleure ?

J’en viens aux dépenses en personnel. Je veux dire d’abord que je n’ai pas bien compris la fameuse erreur de 26 millions d’euros de comptabilisation. On observe en effet au titre 3, « Dépenses de fonctionnement », un écart important entre les crédits ouverts en loi de finances et les montants réellement consommés, soit respectivement 8,9 millions d’euros et 60,7 millions en autorisations d’engagement et 8,9 millions d’euros et 34,7 millions en crédits de paiement. On nous dit que tout cela se compense par des jeux d’écriture : le confirmez-vous ?

Concernant les programmes, que pensez-vous du service civil volontaire, programme géré par l’ACSÉ, qui est quelque peu controversé aujourd’hui ? Quel bilan dressez-vous de la première année de gestion de l’EPIDE par la même ACSÉ ?

Je vous interrogerai, enfin, sur les 350 délégués territoriaux dans les quartiers. Qu’en attendez-vous ? Comment leur action se met-elle en place sur le terrain – je pense notamment à leur lien institutionnel avec les préfets ? Spécialisés dans les quartiers, ils ont certes l’avantage d’assurer une plus grande proximité avec le terrain. Mais en tant que dirigeant d’une communauté d’agglomération, je sais combien il est difficile de convaincre les autorités de l’État de coordonner leurs actions en direction des quartiers. Cette façon de singulariser ainsi continuellement ces quartiers n’a-t-il pas été pour l’État une façon de s’en désengager, à l’opposé de l’objectif affiché ? J’aimerais vraiment savoir si ces délégués ont apporté la valeur ajoutée que vous espériez.

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Vos questions relatives à l’ANRU sont légitimes, mais elles ne sont pas nouvelles : elles se posaient dès la mise en œuvre du programme « Rénovation urbaine » en 2004. Les crédits qui lui sont consacrés aujourd’hui témoignent de la mobilisation sans précédent de l’État pour réduire les inégalités sociales et territoriales. Ce programme est la concrétisation du retour de la République dans des quartiers trop longtemps abandonnés, et son objet justifie la tutelle de mon secrétariat d’État sur l’Agence. C’est d’ailleurs pourquoi le Président de la République a placé celle-ci au cœur du plan de relance.

Ce sont en effet douze milliards d’euros d’autorisations d’engagement qui sont consacrés au programme national de rénovation urbaine. Cet investissement, stratégique pour l’avenir de la France, se décompose ainsi : 6 milliards proviennent de l’État ; 5,68 milliards de l’Union d’économie sociale pour le logement ; 290 millions de la Caisse de garantie du logement social et des bailleurs ; 41 millions de la Caisse des dépôts et des consignations. À cela s’ajoutent les 350 millions d’euros de crédits de paiement du plan de relance, utilisables dès cette année. Nous nous sommes engagés, avec Brice Hortefeux, à mobiliser l’intégralité de ces crédits.

Le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville et moi-même, sommes en effet déterminés à conduire en totalité et à son terme le programme de rénovation ainsi engagé, non seulement parce qu’il est juste, mais aussi parce qu’il constitue une véritable force d’entraînement pour notre économie. Avant la fin de l’année, les 12 milliards d'euros qui y sont consacrés seront à la source de plus de 40 milliards d'euros de travaux pour les entreprises et permettront donc de créer de nombreux emplois.

À compter de 2011, l’État lancera une concertation, notamment avec les bailleurs sociaux et les collectivités territoriales. Le respect de leurs engagements par tous les partenaires permettra de financer les besoins de l’ANRU.

Les conventions signées par celle-ci avec les porteurs de projets et les maîtres d’ouvrage fixent les engagements de chacun. Chaque convention détermine également l’enveloppe de subvention attribuée globalement au projet. En cas de surcoût d’une opération incluse dans le projet subventionné par l’Agence, le maître d’ouvrage a plusieurs solutions : soit il prend intégralement à sa charge le coût complémentaire, soit il partage ce coût avec d’autres collectivités territoriales – conseils régionaux, conseils généraux, etc. –, soit il recherche une économie sur une partie de projets non essentielle. Les projets de rénovation urbaine obéissent donc à certaines règles, sachant que l’État est bien entendu attentif à la situation financière des communes les plus fragiles.

Mais le plus important reste le résultat sur le terrain. Ainsi, le volet « Rénovation urbaine » du plan de relance, d’un montant d’engagements de 350 millions d'euros, a permis de compléter le financement de nombreuses opérations subissant des surcoûts.

Aujourd'hui, 347 projets de rénovation urbaine sont engagés, qui représentent 36,7 milliards d'euros d’investissements et une mobilisation de subventions de l’ANRU à hauteur de 10,3 milliards d'euros. Ces projets ont trait à 466 quartiers répartis sur l’ensemble du territoire national et concernent 3,2 millions d’habitants. De façon concrète, ils portent sur 129 000 déconstructions et presque autant de constructions de logements sociaux, sur 280 000 réhabilitations de logements et sur 300 000 améliorations d’espaces extérieurs.

Comme je l’ai souhaité, le plan de relance irrigue l’ensemble du territoire national, un effort spécifique étant accompli au profit des départements les plus défavorisés.

Le premier tiers de ces travaux sera lancé dans les prochaines semaines, la moitié des chantiers sera engagée à la fin du troisième trimestre et la totalité avant la fin de l’année. Tous ces chiffres montrent bien que les projets trouvent leur traduction sur le terrain et changent considérablement la vie de millions d’habitants.

Monsieur le rapporteur spécial, vous m’interrogez aussi sur les mesures prises pour remédier aux insuffisances que la Cour des comptes a observées en matière de cohérence budgétaire et de disponibilité des indicateurs.

La mission « Ville et logement », sur laquelle portent les observations de la Cour, est déclinée en quatre programmes, dont deux concernent la politique de la ville : les programmes 202 – « Rénovation urbaine » –, et 147 – « Équité sociale et territoriale et soutien ». L’organisation de ces deux programmes est simple et claire au sein de la mission, leur responsable étant le même, à savoir le délégué interministériel à la ville.

Les programmes 202 et 147 ont été considérés dès l’origine comme des programmes techniques : le choix a été fait, lors de la mise en place de la LOLF, de continuer à rattacher les agents de la délégation interministérielle à la ville – DIV –, issus du ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, au programme 217, où est regroupée l’intégralité des personnels de ce même ministère. Ce choix vise à permettre au secrétariat général du comité interministériel des villes – SGCIV –, qui remplace désormais la DIV et qui est chargé de préparer, d’exécuter et de coordonner les travaux du comité interministériel, de se recentrer sur ses missions opérationnelles et de disposer pour la gestion de ses personnels d’une structure adaptée.

Pour les mêmes raisons, le transfert en 2010 du SGCIV au ministère chargé des affaires sociales, prévu par le décret du 14 mai 2009 relatif aux instances en charge de la politique de la ville, entraînera le rattachement des agents au programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

De même, les moyens logistiques et immobiliers qui figuraient eux aussi au programme 147, figureront également, à partir de 2010, à ce même programme 124. La réorganisation de la gouvernance de la politique de la ville s’accompagne donc d’une réorganisation budgétaire.

Les insuffisances relevées par la Cour des comptes en matière d’indicateurs de performance de la mission « Ville et logement » ne concernent d’ailleurs pas ceux des programmes de la politique de la ville. L’observation porte sur les programmes 109 « Aides à l’accès au logement » et 135 « Développement et amélioration de l’offre de logement ». La Commission des finances du Sénat avait du reste constaté en 2007 que « les deux programmes relevant de la DIV figuraient au meilleur rang ».

Si certains éléments techniques rendent parfois difficile l’établissement de quelques sous-indicateurs, ces derniers sont complétés, selon les cas, dans le rapport ou le projet annuel de performance, la cohérence s’établissant donc sur le moyen terme. La DIV a d’ailleurs réaménagé en 2009 ses objectifs et indicateurs relevant du domaine de la rénovation urbaine. En 2010, le réaménagement portera sur les indicateurs du programme 147. Nous travaillons d’arrache-pied pour rendre lisible et accessible notre politique de la ville.

Si l’Agence pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, sur laquelle vous m’interrogez, n’est pas le principal intervenant de la politique de la ville, elle en est un acteur majeur pour ce qui concerne le volet cohésion sociale. Je le rappelle, les deux grands axes d’action de la politique de la ville sont la cohésion sociale et la rénovation urbaine.

Les missions de l’ACSÉ ont été concentrées sur la mise en œuvre de la politique conduite en faveur des quartiers défavorisés. À ce titre, elle a repris en 2009 la plupart des missions de gestion assurées jusqu’alors par la DIV – et, tout récemment, par le SGCIV.

De plus, à la suite de la création d’un opérateur unique en matière d’immigration et d’intégration, à savoir l’Office français de l’immigration et de l’intégration, les missions dévolues à l’ACSÉ en matière d’accueil des primo-arrivants ont été regroupées avec celles qui étaient confiées à l’Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations.

Pour ce qui concerne le plan local, le préfet est le délégué de l’ACSÉ à l’échelon régional et exerce son autorité, à compter de cette année, sur les directions régionales de l’Agence, qui seront intégrées, tout en conservant une spécificité, dans les futures directions régionales de la cohésion sociale.

La réforme de la gouvernance que nous menons dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, vise à la rendre efficiente et lisible, qu’il s’agisse des actions en matière de politique de la ville ou de la mise en cohérence des moyens et des ressources humaines.

J’en viens à la mise en œuvre de la dynamique Espoir banlieues.

La nouvelle politique que j’ai engagée rompt avec la logique curative qui a trop longtemps considéré nos quartiers comme des territoires malades, auxquels ont été administrés mesures et plans successifs, sans suivi ni évaluation.

Les habitants de ces quartiers ont très mal vécu cette approche. Aujourd’hui, il ne s’agit plus de poser un diagnostic et de mettre en œuvre quelques mesures, mais de créer une dynamique fondée sur la réduction des inégalités territoriales et sociales.

Nos quartiers ne sont pas malades ; ils ont besoin d’être réinvestis par une volonté politique forte et une mobilisation renforcée de tous les acteurs : l’État, les collectivités locales, les entreprises, le monde associatif et les habitants eux-mêmes. Ils ont aussi besoin d’une politique active et réactive qui promeuve de bonnes pratiques, qui réponde aux exigences des territoires et qui s’inscrive dans une culture du résultat. Cette nouvelle politique, c’est la dynamique Espoir banlieues.

Les comités interministériels des villes qui se sont tenus ces derniers mois sont le symbole de l’engagement désormais permanent du Gouvernement en faveur des banlieues et des quartiers populaires. Créé en 1988, le comité interministériel des villes ne s’était jusqu’alors réuni que très rarement. Je me réjouis donc de son nouveau rythme de deux réunions annuelles au moins. Ce changement est le signe du retour au droit commun et de l’implication active de chacun des membres du Gouvernement dans le vaste chantier de la rénovation urbaine et sociale. Le retour au droit commun est le pivot de la nouvelle politique de la ville et d’une dynamique fondée sur une mobilisation de tous les acteurs. De fait, les résultats en matière de rénovation urbaine sont là.

Pour autant, les améliorations sont aussi très nettes dans d’autres domaines.

Nous consacrons, par exemple, 2,8 millions d'euros à l’expérimentation du busing. Celle-ci se déroule sur trois ans, dans cinquante sites au sein de communes ayant conclu des contrats urbains de cohésion sociale. On peut déduire de l’avis donné aussi bien par les maires, par les parents dont les enfants bénéficient du dispositif ou encore par les responsables des écoles y ayant souscrit, que cette expérience est très efficace en matière de mixité sociale, contrairement à la carte scolaire et aux ghettos que celle-ci a produits.

De même, 3 millions d'euros sont consacrés aux internats d’excellence, pour lesquels 1 500 places ont été créées en 2009 pour un coût de 2 000 euros par place et par an. Ce dispositif permet à des jeunes, qui connaîtraient autrement des conditions difficiles pour réussir leur parcours scolaire, de disposer d’un environnement beaucoup plus favorable.

Par ailleurs, nous consacrons 4,3 millions d'euros au dispositif d’accompagnement des lycéens en zone d’éducation prioritaire, afin de permettre à 5 % d’entre eux d’intégrer les classes préparatoires aux grandes écoles. Aucun des meilleurs élèves de ces lycées ne pensait pouvoir accéder un jour aux grandes écoles. Nous avons cassé ce ghetto mental et cette forme d’autocensure. Avec la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Mme Valérie Pécresse, et le ministre de l'éducation nationale, M. Xavier Darcos, nous avons demandé que les meilleurs élèves des ZEP soient repérés afin de faire la démonstration qu’habiter dans un milieu difficile n’interdit pas de faire partie de l’élite de demain. Je suis très attachée à l’ascension sociale des enfants d’ouvriers, et je me battrai pour que l’élite soit également originaire des quartiers populaires.

Mon dernier exemple sera celui des écoles de la deuxième chance pour lesquelles nous consacrons 3 millions d'euros. Ce dispositif donne d’excellents résultats. Il permet à des enfants en situation d’échec scolaire de voir l’avenir avec espoir. Le Président de la République nous a demandé d’étendre ce dispositif. Nous y travaillons, avec la Fondation Edith Cresson.

Pour favoriser l’emploi, enjeu essentiel dans la conjoncture actuelle, nous avons mis en place un conseil national des entreprises pour la banlieue. Celui-ci développe des initiatives efficaces de partenariat pour mobiliser les entreprises afin de lutter contre la crise de l’emploi dans les quartiers. J’ai également mis en place un dispositif original reposant sur un partenariat public-privé, destiné aux jeunes très éloignés de l’emploi : le contrat d’autonomie. Il en est prévu 45 000 sur trois ans. Aujourd’hui, plus de 10 000 contrats ont été signés. Les objectifs seront tenus en dépit de la crise, sachant que le Gouvernement s’est engagé dans un plan de relance économique de 26 milliards d'euros.

Les mesures relatives à l’emploi et à la formation annoncées par le Président de la République et le Premier ministre bénéficieront en priorité aux habitants des quartiers populaires, en particulier à leur jeunesse.

Je suis très attachée à l’ordre républicain et à la sécurité des habitants des quartiers. Il faut avant tout apaiser les tensions qui y existent. En conséquence, la mise en place des unités territoriales de quartier non seulement continue, car elle y est attendue, mais est même accélérée, en collaboration avec la ministre de l’intérieur, Mme Michèle Alliot-Marie.

Vous m’avez aussi interrogée sur l’évaluation de la performance de la dynamique Espoir banlieues. Je suis très attachée à la culture du résultat. À cet égard, nous ne pouvons pas réussir sans évaluations, lesquelles nous permettent de rectifier, chaque fois que cela est nécessaire, les politiques que nous conduisons. C’est la raison pour laquelle je me félicite de la démultiplication des réunions du comité interministériel des villes. Elles nous permettent de dresser le bilan de nos actions et d’en affiner le détail dans les territoires.

En revanche, nous n’avons pas mis en place de structure de mesure spécifique. Selon moi, le CIV constitue le premier lieu de la mesure de la performance, d’autant que l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, désormais chargé de recentrer ses travaux sur l’évaluation de la politique de la ville, devra, chaque année, nous fournir des indications sur les infléchissements à apporter à nos actions.

Depuis la loi du 26 mai 2008, le ministère chargé de la ville est devenu l’une des autorités de tutelle de l’établissement public d'insertion de la défense – EPIDE. Il est dorénavant associé à l’élaboration des objectifs de l’établissement, où le SGCIV siège au conseil d’administration.

Un audit de l’EPIDE a été réalisé à la fin de l’année 2008 par l’inspection générale des affaires sociales et par le contrôle général des armées. Sur la base de ses conclusions, j’ai mis en place un groupe de travail chargé de dégager des pistes de réflexion pour suivre la mise en œuvre des recommandations de l’audit.

Parallèlement, j’ai demandé qu’une convention d’objectifs et de moyens soit conclue entre l’EPIDE et ses trois autorités de tutelle. Cette convention, signée le 2 février 2009, prévoit notamment un audit annuel de l’établissement par un organisme indépendant.

Enfin, un décret précisant les nouvelles modalités d’exercice de la cotutelle de l’EPIDE sera prochainement publié. Il prévoit que le ministère en charge de la politique de la ville sera doté des droits et compétences lui permettant d’assurer la tutelle conjointe sur l’établissement.

Concernant les zones franches urbaines à propos desquelles le président Patrick Ollier m’a interrogée, je précise que l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale ne nous a pas encore fourni les éléments relatifs aux exonérations de charges. Cependant, les simulations demandées à la direction de l’animation, de la recherche et des études du ministère prévoient des diminutions d’activité dans ces zones. Ce ralentissement n’est cependant pas pleinement quantifié à ce stade de l’année.

Les 26 millions d'euros de comptabilisation, monsieur Carré, correspondent à une subvention versée à l’EPIDE. Une erreur de versement explique la différence qui a été relevée. Elle sera régularisée en 2009.

Quant au service civil, si selon moi son intérêt est grand, il ne relève pas spécifiquement de la politique de la ville et son financement ne doit pas non plus y être rattaché : les statistiques montrent que très peu de jeunes des zones urbaines sensibles en bénéficient. J’ai donc proposé, que le financement soit progressivement transféré aux services du haut-commissaire à la jeunesse, M. Martin Hirsch. Les solutions sont à l’étude.

M. le président Patrick Ollier. À Rueil-Malmaison, 25 000 personnes habitent des cités. En ma qualité de maire, j’ai mis en place un dispositif innovant, le « Tremplin vers l’entreprise ». En l’espace de deux ans, il a permis à plus d’une centaine de ses bénéficiaires de signer un contrat à durée indéterminé. Le système, qui fait intervenir le maire, des entreprises partenaires implantées dans la ville et la maison de l’emploi, permet à des jeunes non qualifiés et en recherche d’emploi d’accomplir un stage d’un ou deux mois dans les services de la ville. Le tuteur qui leur est affecté les suit ensuite pendant six mois, l’objectif étant qu’ils intègrent une entreprise.

La réussite du dispositif, là où il a été expérimenté, est incontestable. Cependant les maires n’ont pas d’obligation d’enclencher de tels processus. Pour les y inciter, j’avais demandé au Gouvernement que le stage d’un ou deux mois que les jeunes effectuent en mairie puisse être exonéré de charges sociales. Aujourd’hui le coût de ces charges, pour Rueil-Malmaison, est de 60 000 euros pour une quarantaine de contrats. Depuis trois ans que j’ai posé cette question, je n’ai toujours pas de réponse, et j’en suis désolé.

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. La crise rend indispensable d’exploiter pour nos quartiers la moindre possibilité, aussi ténue soit-elle, de créer ou de maintenir de l’emploi. Je vous promets de transmettre votre demande au ministre concerné.

Les 350 délégués du préfet assurent la visibilité du retour de la République dans nos quartiers. Ils ont pour fonction de créer du liant et sont les premiers interlocuteurs des habitants du quartier. Ils peuvent ainsi régler certains problèmes – jusqu’à faire changer un carreau cassé dans une barre de logements si rien n’a été fait pour y remédier –, contribuant ainsi à lutter contre le sentiment d’abandon et de désespoir. Les délégués ne remplacent pas les chefs de projet, mais travaillent en coordination avec eux. Ils sont les acteurs les plus proches du terrain et déclinent localement la dynamique Espoir banlieues et la politique de la ville, facilitant ainsi la cohésion sociale, sous la responsabilité du préfet délégué pour l’égalité des chances, du préfet et du sous-préfet à la ville.

À ce jour, 256 délégués ont été mis en place. Nous avons, me semble-t-il, perdu beaucoup de temps, et cela ne me satisfait pas, car je souhaitais atteindre le chiffre de 350 que le Président de la République avait annoncé avec force en février 2008. Ce dispositif est important dans les quartiers, comme cela nous est confirmé par les délégués déjà en place et par tous les acteurs de la politique de la ville, ainsi que par les habitants des quartiers – dont l’évaluation, comme vous l’imaginez bien, m’importe beaucoup et que je rencontre souvent sur le terrain. J’ai demandé aux préfets de procéder quasi rituellement à une présentation des délégués qui entrent en fonction à tous les acteurs de la politique de la ville, afin qu’ils puissent travailler dans de bonnes conditions et, surtout, soient physiquement visibles.

Pour ce qui concerne les moyens en effectifs de l’ANRU, cinq emplois supplémentaires sont prévus en 2010. Pour le reste, des mesures de simplification et de déconcentration internes seront prises afin de faciliter les procédures.

M. Marc Goua. Je partage l’inquiétude exprimée quant à la pérennité du financement de l’ANRU et de la politique de la ville. Du reste, je ne souscris pas pleinement à l’analyse qui a été faite des crédits de paiement. Comment s’explique le décalage entre le montant des crédits affectés à la rénovation urbaine, qui s’élève à 197 millions d’euros pour 2008, et celui des crédits consommés, qui n’est que de 39,915 millions d’euros ? Étant élu de base d’une collectivité de 10 000 habitants dotée d’un budget de 10 millions d’euros dont 2 millions sont bloqués depuis le mois de janvier, je crois savoir qu’il s’agit d’un bogue informatique qui dure, ce qui n’est pas sans poser des problèmes.

L’évaluation est certes nécessaire pour mesurer l’efficacité des dispositifs, mais gardons-nous de mettre en place un nouveau « machin ». Si elles créent de l’emploi dans les cabinets spécialisés et justifient les honoraires que ceux-ci facturent, je ne suis pas certain que les évaluations successives donnent toujours des résultats intéressants. Des critères simples me semblent pouvoir suffire.

Les délégués territoriaux pourraient être exposés à des conflits d’intérêt avec les chefs de projet. En outre, la provenance des délégués est parfois surprenante : il n’est pas certain qu’avoir tenu un guichet de La Poste prédestine à devenir spécialiste de la ville.

Le chiffre de 10 000 contrats d’autonomie que vous nous annoncez me surprend, car le dispositif ne me semblait guère avoir pris tant d’essor. En revanche, les CAE-passerelle mis en place me semblent très positifs pour les jeunes de nos quartiers et pourraient rencontrer plus de succès que le contrat d’autonomie. Au demeurant, toutes les actions menées au sein des collectivités sont battues en brèche par le retrait – progressif, mais confirmé – des caisses d'allocations familiales du financement des dispositifs consacrés à la petite enfance, notamment des structures collectives si importantes dans nos quartiers pour la socialisation des jeunes.

Enfin, qu’en est-il des velléités de réforme de la dotation de solidarité urbaine – DSU –, qui a échoué dans un premier temps et que nous attendons avec une grande impatience ? Sans doute nous faudra-t-il à tous un certain courage politique pour procéder à une nouvelle répartition.

M. Bernard Carayon. Madame la secrétaire d’État, quelle est, tout d’abord, la portée du dispositif de l’auto-entrepreneur dans les zones urbaines sensibles ?

Par ailleurs, n’avez-vous pas le sentiment d’un immense décalage entre l’appréciation très positive que l’opinion publique a du service civil et la modestie du dispositif ? Selon vous, ce dispositif devrait être sous la tutelle du Haut-commissariat à la jeunesse plutôt que sous celle du ministère de la ville, alors que celui-ci dispose de moyens financiers importants.

Enfin, comme M. Goua, j’observe depuis des années la diminution tendancielle de la participation des caisses d’allocations familiales au dispositif de soutien aux activités d’accompagnement des jeunes ou aux centres de loisirs. Envisagez-vous de prendre en la matière une position plus dynamique ?

Mme Jacqueline Maquet. Mes questions porteront sur le plan Espoir banlieues. Tout d’abord, le succès du busing, que vous avez évoqué, madame la secrétaire d’État, n’aura-t-il pas pour effet la fermeture à terme de certaines écoles dans les quartiers, comme c’est déjà le cas pour un collège de mon secteur ?

Pour ce qui est par ailleurs de la question essentielle de la mixité sociale, les politiques d’attribution en cas de relogement suscitent de nombreuses difficultés et il sera sans doute difficile d’obtenir en la matière des résultats très significatifs.

Enfin, on mesure peu sur le terrain l’incidence des contrats d’autonomie, dont 10 000 auraient pourtant selon vous déjà été signés. Cette politique a été confiée à des prestataires privés et son coût moyen est exorbitant, comme ont pu en témoigner les missions locales. Alors que ce sont ces dernières qui assurent aujourd’hui la première détection et l’orientation des jeunes en difficulté, ne faut-il pas reconsidérer cette disposition si l’on veut atteindre l’objectif de 45 000 contrats en 2020 ?

M. François Goulard, rapporteur spécial. Madame la secrétaire d’État, j’ai obtenu des réponses à l’ensemble des questions que j’ai posées, à la réserve près de l’incertitude qui entoure le financement du programme de rénovation urbaine dans les prochaines années, notamment lorsque surviendra la « bosse de l’ANRU ». Je comprendrai que vous n’ayez pas de réponse à apporter ce matin, mais il faudra que nous soyons éclairés au moment du vote du budget.

Rien n’interdit en tout cas de débattre de la remise en cause du 1 % logement. De fait, les ressources de ce dispositif seront totalement épuisées d’ici à quelques années et, lors même que l’État ferait appel de manière continue à ces ressources, il resterait à trouver 2 ou 3 milliards. J’attends donc, au moins pour le vote du budget prochain, une réponse sur ce point.

M. le président Didier Migaud. J’insiste pour qu’une réponse soit apportée à la question du rapporteur spécial.

M. Olivier Carré, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques. Qu’en est-il, madame la secrétaire d’État, des partenariats signés par les collectivités territoriales ? Pourront-elles y faire face ? Certaines d’entre elles ne seront-elles pas encore plus sollicitées en 2011 ?

M. le président Didier Migaud. Vous avez évoqué, madame la secrétaire d’État, le fait que, pour certains, la politique de la ville reposerait sur l’idée que les quartiers seraient malades. Il me semble plutôt que ces derniers ont des spécificités liées aux inégalités et aux difficultés auxquelles leur population est confrontée. Aussi me paraît-il légitime de prendre en compte ces spécificités dans le cadre d’une politique volontariste visant à réduire les inégalités dans ces quartiers et à donner toutes leurs chances à ceux qui y habitent. Il faut à la fois de la prévention, une politique d’aménagement du territoire et une politique volontariste si l’on veut que le pacte social puisse s’y appliquer pleinement.

Il importe donc de consolider la politique de la ville et de continuer à soutenir tous les relais qui existent dans les quartiers, en complémentarité avec ce que peuvent faire les collectivités territoriales ou les établissements publics locaux. C’est à très juste titre que vous insistez sur l’importance de votre tâche. La politique de la ville ne doit pas être remise en cause.

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Jusqu’au plus haut niveau de l’État, chacun a compris que la politique de la ville est un sujet majeur, car il y va de la cohésion de notre pays et du projet républicain, parfois remis en cause dans certains quartiers, où des obscurantistes peuvent attirer une partie de notre jeunesse dans des voies très dangereuses – point n’est besoin d’évoquer les débats relatifs à une loi sur le port de la burqa. Comme en témoigne mon parcours, j’ai toujours été convaincue que la politique de la ville est un instrument indispensable de la cohésion sociale et du soutien au projet républicain.

Beaucoup de choses sont déjà en cours et la mobilisation de tous les acteurs est très importante, mais l’essentiel est pour moi d’obtenir la mobilisation de l’État. Celle-ci est déjà sensible avec le retour du droit commun. Il convient cependant de bien vérifier que le fléchage est effectif et que les financements de droit commun ont bien été mis en œuvre pour réduire les inégalités sociales. Il importe aussi de s’assurer de la mobilisation des collectivités territoriales, qui sont un partenaire majeur de la politique de la ville. En effet, compte tenu de la nature contractuelle de cette politique, rien ne peut se faire sans elles.

Les transports sont l’une des compétences transférées dans le cadre de la décentralisation. Or, le désenclavement est un axe de la dynamique Espoir banlieues, et des projets ont été abondés dans ce cadre car ils permettaient un réel désenclavement des quartiers en zone urbaine sensible. M. Borloo et moi-même avons beaucoup travaillé dans cette voie et de nombreux maires ont répondu à l’appel à projets. Le succès de ce travail bien fait est une réelle satisfaction – et nous devons savoir nous féliciter des partenariats réussis.

J’observe cependant qu’à Montfermeil et à Clichy, deux villes-symboles dans lesquelles j’interviens régulièrement et auxquelles j’attache une importance toute particulière – sinon obsessionnelle –, les habitants attendent depuis seize ans la concrétisation du projet de ligne du tramway T4, qui dort dans des cartons. Bien que cette question ne soit pas de la compétence de l’État, nous avons évidemment envisagé un financement dès notre retour à la table des négociations et souhaité que ce projet voie le jour le plus rapidement possible. Aujourd’hui, les choses évoluent dans le bon sens et chacun assume ses responsabilités, même si quelques problèmes restent à régler.

J’en appelle à la responsabilité politique de chacun pour que nous puissions mener à terme ce projet. Je suis en effet convaincue que si l’on avait eu plus tôt le courage politique de mettre en place le T4, les émeutes de 2005 n’auraient jamais eu lieu. Mes propos n’ont rien de polémique, mais il faut savoir dépasser certains intérêts ou égoïsmes territoriaux pour servir l’intérêt national. L’absence de décision conduit souvent à des situations terribles. Cependant, je le répète, à quelques exceptions près que nous nous employons à régler, toutes les collectivités territoriales avec lesquelles nous travaillons sont mobilisées.

Dans le cadre de la réforme de la géographie des territoires prioritaires de la politique de la ville, nous avons lancé une concertation très large et sans aucun tabou, où chacun – et en particulier les élus – peut s’exprimer. Je souligne une fois encore l’importance du binôme préfet-maire, qui décline au plus près de la réalité du terrain la dynamique Espoir banlieues, en écoutant toutes les parties.

Je suis également très attachée à la décentralisation, qui donne aux collectivités des compétences nouvelles – assorties, bien entendu, des moyens correspondants. Elle permettra de répondre aux besoins de nos concitoyens. L’État doit cependant toujours garder un rôle majeur pour garantir, notamment aux citoyens les plus en difficulté, l’égalité des chances et des droits.

Pour ce qui concerne le contrat d’autonomie, je rappelle que 80 000 jeunes ne sont aujourd’hui inscrits ni à la mission locale, ni à l’ANPE, et échappent ainsi totalement au maillage. Bien qu’aussi attachée que vous au service public pour l’emploi, je considère que, face à la réalité, le pragmatisme s’impose. Il faut s’occuper de ces 80 000 jeunes, dont une partie ira sinon gonfler les phénomènes de bandes et les économies parallèles. J’ai la responsabilité d’enrayer cette spirale et d’apporter une réponse politique aux difficultés qu’ils rencontrent, afin de pouvoir les récupérer et de leur permettre d’entrer dans un processus qui les aide à devenir des citoyens de ce pays.

Le contrat d’autonomie vient donc renforcer une palette d’outils qui existe déjà. En effet, divers contrats répondent à différents profils de jeunes, en particulier dans les quartiers. S’il est vrai que le décollage du contrat d’autonomie a été un peu lent, celui-ci a aujourd’hui trouvé son rythme et donne de très bons résultats. Je tiens donc à vous rassurer sur le fait que les 45 000 contrats prévus seront mis en place sur les trois ans qui viennent.

Même si nous ne l’avions pas prévue, la crise a cela de positif qu’elle nous permet de disposer d’outils plus nombreux afin de répondre aux difficultés éprouvées par les jeunes dans les quartiers pour trouver un emploi ou, pour ceux, très nombreux, qui sont encore loin de l’emploi, une formation qualifiante.

J’entends bien les questions soulevées par les missions locales, mais je tiens à souligner que certaines d’entre elles ont répondu à l’appel. La convention avec les missions locales n’a jamais été remise en cause – elle a même été reconduite par le secrétaire d'État chargé de l’emploi et par la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, avec des missions précises et des financements identiques. Les missions locales ont donc été renforcées dans leur rôle et sont un acteur de la mise en place du contrat d’autonomie. Ainsi, les comités de pilotage mis en place par les préfets comportent le service public pour l’emploi, et donc avec lui les missions locales – ou les opérateurs privés concernés lorsqu’ils ont remporté l’appel d’offres. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il ne s’agit cependant pas d’une logique marchande, mais d’une logique d’efficacité.

Quant au statut de l’auto-entrepreneur, bien que nous ne disposions pas encore de statistiques exactes pour les habitants des quartiers, je puis déjà dire que M. Novelli a réalisé un travail magnifique et que les résultats sont excellents. Je vous communiquerai les chiffres précis dès que je les connaîtrai. Ce qui est certain, c’est que plus de 50 % des jeunes souhaitent créer leur entreprise. C’est énorme. Certains y parviennent, grâce notamment aux outils mis en place dans le cadre de la dynamique Espoir banlieues.

Outre la création d’entreprises, ces dispositifs sont également destinés à l’accompagnement et au développement. Nous finançons aussi des structures qui, par ricochet, aident à la création et au développement, par exemple à l’aide du micro-crédit. De vrais partenariats ont été mis en place et tous ces outils permettent de résister efficacement à la crise que nous traversons.

Mon discours dans les quartiers est très simple et parfaitement entendu – et je sais d’ailleurs qu’il est très majoritairement partagé ici : nous ne devons pas subir la crise, mais adopter une posture de résistance active. La crise doit devenir une opportunité. Les jeunes des quartiers se vivent plus comme des acteurs économiques de ce pays que comme des boulets à traîner. Il y a là une énergie, un potentiel et des compétences magnifiques.

Puisque la majorité de la jeunesse habite aujourd’hui les zones urbaines sensibles, il va de l’intérêt national de s’intéresser à elle et de lui donner les moyens d’exprimer son potentiel et ses compétences. Nous l’avons tous compris, et le monde économique plus que quiconque, qui joue un rôle majeur pour la dynamique Espoir banlieues et avec lequel nous avons noué de nombreux partenariats. Les entreprises sont à la pointe de la lutte contre le chômage dans les quartiers, notamment contre le chômage des jeunes.

Le monde de l’entreprise a très bien compris que demain se joue aujourd'hui avec les jeunes des quartiers. Les chefs d’entreprise vont les chercher non par philanthropie, mais parce que c’est leur intérêt. Et, comme ces jeunes veulent vraiment s’en sortir, ils deviennent, une fois qu’ils sont dans l’entreprise, extrêmement compétitifs et contribuent au développement de notre pays. Ils ont des atouts qu’il faut d’ailleurs développer : par exemple, parler parfaitement l’arabe sert quand il s’agit de décrocher des marchés au Qatar ou au Maghreb.

Pour ce qui est des délégués des préfets dans les quartiers, ils proviennent de toute la fonction publique territoriale. Qu’y a-t-il de gênant à ce qu’un postier – il connaît bien le terrain – devienne un délégué du préfet ? Ce sont des cadres qui connaissent parfaitement les rouages de la politique de la ville. Même si certains d’entre eux, plus éloignés des réalités, auront besoin d’une période d’adaptation, je vous rappelle qu’ils sont tous volontaires. Et tous veulent porter coûte que coûte la dynamique Espoir banlieues. Ils seront formés aussi à la lutte contre les discriminations – nous en avons discuté avec le président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations, Louis Schweitzer. Ils auront donc toute l’information nécessaire pour être opérationnels sur le terrain.

Quant au service civil, il ne m’inspire aucune inquiétude. Je sais que Martin Hirsch est très attaché à ce dispositif qui fonctionne bien. La seule critique qu’il m’inspire, c’est qu’il ne profite pas aux gamins des cités. Il n’y a donc pas de raison que ce soit la politique de ville qui paie. Le service civil relève de la politique de la jeunesse.

M. Bernard Carayon. Je vous remercie sur ce point, mais je ne suis pas totalement rassuré.

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Le Livre vert que va publier Martin Hirsch devrait vous apporter toutes les réponses.

M. Bernard Carayon. On compte tout de même peu de candidats au service civil.

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Ce dernier fonctionne sur la base du volontariat. Peut-être faut-il lancer une campagne pour mieux informer sur ce bon dispositif. Il faut en tout cas se donner les moyens pour qu’il monte en puissance et prévoir les lignes budgétaires pour pouvoir répondre à la demande.

M. Bernard Carayon. Le service civil étant piloté par les services de l’État, c’est à eux qu’il revient d’en assurer la promotion, notamment auprès des jeunes des quartiers sensibles. Le service civil peut leur apporter des réponses en termes de cohérence intellectuelle ou encore de civisme.

M. Marc Goua. Je n’ai pas eu de réponse sur la consommation des crédits de paiement pour l’année 2008, ni sur le bug informatique qui bloque tout depuis quelques mois. Je m’interrogeais aussi sur le retrait progressif mais constant des caisses d’allocations familiales.

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Même s’il subsiste des difficultés au niveau des circuits financiers, nous sommes désormais sur un rythme d’1 milliard, qui correspond à une nette amélioration. S’agissant des décalages dont vous avez parlé tout à l’heure, ils sont liés au 1 % logement qui prend progressivement le relais de l’État. Cela explique la diminution des crédits de paiement. Il s’agit d’un effet d’optique et les engagements seront tenus.

M. Marc Goua. Pardonnez-moi d’insister, mais la question du bug informatique est-elle réglée ? Mettez-vous à la place des collectivités qui attendent d’être réglées depuis cinq mois maintenant !

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. À la fin de l’année, tout sera réglé et les choses iront beaucoup mieux à partir de septembre. Il faut que vous compreniez que nous faisons tout ce que nous pouvons pour régler le problème. Je reviendrai devant vous si vous le voulez.

M. le président Didier Migaud.. Nous aurons l’occasion de faire le point lors de l’élaboration du budget pour 2010.

Il ne me reste plus, madame la secrétaire d’État, qu’à vous remercier.

La réunion de la commission élargie s’achève à dix heures quarante.

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