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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2007-2008

Compte rendu
intégral

Première séance du lundi 2 juin 2008

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc-Philippe Daubresse

1. Proclamation d’un député

2. Modernisation de l’économie

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi

M. Jean-Paul Charié, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du plan

M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire

Exception d’irrecevabilité

M. François Brottes

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, M. Serge Poignant, Mme Marylise Lebranchu, M. Jean-Pierre Brard, M. Jean Dionis du Séjour

3. Ordre du jour de la prochaine séance


Présidence de M. Marc-Philippe Daubresse,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures quinze.)

1

Proclamation d’un député

M. le président. M. le président de l’Assemblée nationale a reçu de Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales une communication l’informant que M. Raymond Durand a été élu hier député de la onzième circonscription du Rhône. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Hunault. Très bien !

2

Modernisation de l’économie

Discussion, après déclaration d’urgence,
d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi de modernisation de l’économie (nos 842, 908).

M. le président. La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des affaires économique, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, croissance et plein emploi : c'est pour atteindre ces deux objectifs, par une réforme profonde de la France, qu'une large majorité de nos concitoyens a élu Nicolas Sarkozy Président de la République. Sous l'autorité du Premier ministre, le Gouvernement se consacre à cette tâche depuis un an. Beaucoup de travail a déjà été accompli : la France est en mouvement. De grands chantiers sont encore devant nous pour les quatre ans à venir.

Aujourd'hui, ce projet de loi de modernisation de l'économie, sur lequel nous travaillons depuis plus de dix mois, engage d'importantes réformes de structure et consolide le socle de notre stratégie économique.

Avant d’aborder avec vous successivement chacun des quatre titres de ce texte, je voudrais évoquer rapidement le contexte historique dans lequel il s’inscrit, la politique économique qu’il entend mettre en œuvre, les principes sur lesquels il repose et la méthode de travail qui a présidé à son élaboration.

Comme l'Allemagne dans les années 2000, comme les États-Unis dans les années 90, comme l'Espagne dans les années 80, la France entreprend aujourd'hui de moderniser son économie. Il était temps : dans un monde en mouvement perpétuel, ne pas avancer, c'est évidemment prendre le risque de reculer. Ainsi, selon le FMI, la France était, en 1985, la dixième puissance mondiale en termes de PIB par habitant ; vingt ans plus tard, elle n’est plus que vingt et unième…

Pourtant, notre pays a connu il n'y a pas si longtemps une période de prospérité inédite dans l'histoire économique mondiale, une période de créativité et de plein emploi : les trente Glorieuses. On réclamait alors plus de liberté et non plus de sécurité. C'était une génération qui ne connaissait pas le chômage, dont la jeunesse ne pensait pas au financement de sa retraite, qui voyait son pouvoir d'achat augmenter régulièrement d’environ 5,6 % par an et qui était convaincue enfin que demain serait meilleur qu'aujourd'hui.

Mais les temps ont bien changé. Nous avons traversé, depuis le premier choc pétrolier, trente années qu'il faut bien appeler les « trente Laborieuses ». Notre économie s'est fait prendre de vitesse ; nous avons laissé s'accumuler les archaïsmes réglementaires et les bizarreries administratives : cela a fait le régal des juristes, mais le désespoir des entrepreneurs.

Nous connaissons tous la volonté, l'énergie et les talents de nos concitoyens, ce « génie français » qui a bien souvent étonné le monde. Ce potentiel, il faut maintenant en faire une réalité économique. Car nous voulons donner à la France et aux Français le visage confiant d'une « nouvelle croissance », pour reprendre l'expression du Premier ministre dans son discours de politique générale.

On m’a souvent reproché l’obscurité de notre politique économique. Permettez-moi donc de m’en expliquer en quelques mots. L'été dernier, nous avons pris des mesures d'urgence pour le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat. Elles ont commencé à porter leurs fruits, si j'en crois les chiffres.

M. Jean-Pierre Brard. Des fruits amers !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Non, je ne pensais même pas aux 2,2 % de croissance, qui sont conformes, ni plus ni moins, à nos prévisions, mais plutôt aux 352 000 créations d'emploi en 2007 – voilà pour le travail –, aux 7,5 % de chômage – voilà pour l'emploi – et au pouvoir d'achat, non seulement celui des 6 millions de salariés qui font des heures supplémentaires et qui voient se concrétiser chaque mois sur le feuille de paie le « plus » d’un adage que chacun a en tête, mais aussi celui du million de ménages qui bénéficie du crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt.

Après ces mesures d’urgence, nous voici rassemblés autour d'un projet de loi, de « notre » projet de loi puisque beaucoup d'entre vous y ont participé, qui contient des mesures de fond, des mesures structurelles, des mesures courageuses mais peu coûteuses : ce texte ne coûtera que quelques centaines de millions d'euros au contribuable – 300 millions précisément, selon nos estimations.

M. Daniel Paul. Ce n’est pas rien !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Il vise deux objectifs essentiels : plus d'entreprises et plus de concurrence, pour trois résultats concrets : plus de croissance, plus d'emplois, et plus de pouvoir d'achat.

Plus d'entreprises, plus de concurrence : ce ne sont pas seulement des valeurs économiques, ce sont des valeurs fondatrices de notre démocratie, des valeurs que seule la Révolution française a réussi à imposer. Rappelez-vous la loi Le Chapelier du 14 juin 1791 : en interdisant les vieilles corporations, elle affirmait la liberté du commerce et la liberté d'entreprendre, afin de servir « l'intérêt de chaque individu aussi bien que l'intérêt général ».

M. Jean-Pierre Brard. Il est intéressant que vous citiez 1791 et non 1793 ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Brard, vous aurez largement l’occasion de vous exprimer. Laissez Mme la ministre introduire le débat.

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Les blocages, aujourd'hui, ce sont les pratiques déloyales, ce sont les rigidités administratives. Ces blocages sont autant de freins au développement de notre pays et à la possibilité d'entreprendre. Avec le Président de la République, avec le Premier ministre, avec les secrétaires d'État qui sont présents à mes côtés aujourd'hui, Anne-Marie Idrac, Luc Chatel, Hervé Novelli et Éric Besson, nous sommes déterminés à faire souffler un vent de liberté sur notre économie. Cela rejoint tout à fait, monsieur le rapporteur, cher Jean-Paul Charié, votre souhait de « remettre l'homme au cœur de nos lois et pratiques ».

M. Jean-Pierre Brard. L’homme claudiquant !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Venons-en aux principes de la loi. Ils sont au nombre de trois : croissance, liberté et équilibre, car il n'y a pas de liberté acceptable sans une régulation équilibrée.

L'équilibre se situe au sein de chacun des titres, mais aussi entre les différents titres, entre le titre II du projet de loi consacré à la concurrence, qui va demander des efforts à chacun, et le titre Ier consacré aux entreprises, qui va donner à tous de nouveaux ressorts pour avancer. Les titres III et IV enfin, consacrés à l'attractivité et au financement de l'économie, permettront d'assurer l'équilibre des différentes forces économiques, que ce soit sur le plan international ou sur le plan national.

Moderniser l'économie, c'est, en un sens, la rendre à ceux qui la font. Quelle méthode avons-nous suivi pour cela ? Le projet de loi que je vais vous présenter aujourd'hui est une ambition qui nous mobilise tous depuis plus de dix mois – membres du Gouvernement, parlementaires, ou acteurs économiques concernés. Il répond à la lettre de mission que m'ont adressée le Président de la République et le Premier ministre en juillet dernier, me demandant de « lever les contraintes qui empêchent certains secteurs de se développer, de créer des emplois et de faire baisser les prix ». Voilà bien nos trois objectifs : développement, créations d’emploi, baisse des prix.

Dans l’élaboration, il y eut d’abord le temps des experts. Ce fut la commission Attali, réunissant des personnalités de tous les horizons.

M. Jean-Pierre Brard. Brillante réussite !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Notre projet de loi couvre un quart des 140 propositions qui concernent le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Quant aux autres, elles sont pour leur majeure partie déjà intégrées à notre calendrier de réformes. Ce furent aussi les propositions de ceux du groupe UMP mobilisés sur l'analyse des propositions Attali : je voudrais saluer ici leur participation sous l’autorité de Mme Catherine Vautrin.

Il y eut ensuite le temps du débat. Je n'ai pas peur de l'affirmer : ce projet loi n'est pas né dans les coulisses des cabinets ou les couloirs de nos administrations.

M. Jean-Pierre Brard. Il est né dans les caves, les caves du MEDEF !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Il est le fruit d'un véritable travail collectif. Nous avons travaillé, pour reprendre l’expression de Jean-François Copé, « en coproduction » avec les parlementaires de la majorité, qui pourront en témoigner. Je tiens à remercier spécialement Patrick Ollier pour avoir su mener les débats avec tant d'énergie, tant d’humour et tant d'habileté.

M. Jean-Pierre Brard. Il est sensible aux compliments !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Pas vous ?

M. le président. Monsieur Brard, assez !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. L'ensemble de l'équipe ministérielle a également mené une concertation importante avec les parties prenantes : j'ai installé un haut comité de place pour le secteur financier ; Luc Chatel a travaillé sur la négociabilité, la réforme des soldes et l'urbanisme commercial ; Hervé Novelli s'est engagé avec ardeur au service des PME et de l'entrepreneuriat ; Éric Besson, quant à lui, s'est investi fortement dans le combat pour le très haut débit.

M. Christian Paul. C’est rassurant…

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Ce n'est donc pas un hasard si, selon les sondages, plus de la moitié des Français a déjà entendu parler des mesures clés de ce projet de loi. (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. François Brottes. Justement !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Il y a désormais le temps de la décision : elle est entre vos mains, mesdames et messieurs les députés. Nous sommes prêts à passer toutes les journées et toutes les nuits qu'il faudra au banc du Gouvernement pour répondre point par point à vos interrogations et afin que vous puissiez décider sans regrets des mesures qu’il convient d’adopter pour moderniser notre économie.

Enfin, viendra demain le temps de la mise en œuvre pour que la future loi de modernisation de l'économie rencontre l'écho qu'elle mérite et soit pleinement appliquée. Je vous propose de poursuivre notre travail de coproduction en mettant en place des instances de suivi dans lesquelles les parlementaires auront toute leur place. Certains d'entre vous ont déjà déposé des amendements en ce sens. Il s'agit de mieux associer le Parlement à la mise en œuvre de la loi, pour que vous puissiez constater concrètement sur le terrain l'application des mesures que vous aurez votées.

M. Michel Bouvard. Très bien !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Aujourd'hui, je pourrais résumer notre projet en quelques chiffres : 30 mesures, 44 articles de loi, au moins 0,3 % de croissance supplémentaire par an à partir de 2009 et 50 000 nouveaux emplois chaque année, tout cela pour un coût de 300 millions d'euros. Je serai preneuse, au cours de nos débats, de tous les amendements qui pourront améliorer ces chiffres déjà fort ambitieux.

J'aimerais vous présenter maintenant les quatre titres de notre projet de loi : encourager les entrepreneurs – titre Ier –, relancer la concurrence – titre II –, renforcer l'attractivité de notre économie – titre III – et améliorer son financement – titre IV.

On n’a pas accordé au titre Ier, qui a pour vocation de mobiliser les entrepreneurs et de réveiller l’énergie d’entreprendre dans notre pays, l’attention qu’il mérite. Les créations d'entreprises progressent depuis un an à un rythme inégalé, en France.

M. Pierre Gosnat. Les plans de licenciement aussi !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Le record historique a été atteint en décembre 2007, avec plus de 321 000 créations d’entreprise. La tendance se poursuit mois après mois. Le dernier chiffre, qui concerne le mois d'avril, ne dément pas cet optimisme, avec plus de 28 000 créations d'entreprise. C'est donc le bon moment pour soutenir l'esprit d'entreprise dans notre pays.

Le titre Ier concerne donc toutes les étapes de la vie de l’entreprise : la création, le fonctionnement, le développement et la transmission.

-Six mesures ont trait à la création d'entreprise.

Première mesure : créer un véritable statut de l'entrepreneur individuel, l’autoentrepreneur. Aujourd’hui, la moitié des Français se disent prêts à créer leur propre entreprise, à se mettre à leur compte. Le statut prévu à l’article 1er leur permettra de passer plus facilement à l'acte. Celui qui veut vendre des objets qu’il a fabriqués, concevoir des sites Internet, fabriquer des bijoux fantaisie ou donner des cours de chant, pour prendre quelques exemples tirés de la réalité, aura pour seule formalité un document à remplir, deux pages sur Internet, afin de déclarer son activité. La loi supprime toute obligation d'immatriculation pour les petites activités indépendantes, fussent-elles effectuées en cumul d'une activité salariée ou d'une retraite. De plus, chaque entrepreneur individuel pourra s'acquitter en une fois de ses impôts et cotisations sociales en payant en tout et pour tout 13 % s’il s’agit d’une activité d’achat-revente, ou 23 % pour les activités de services. Ce paiement sera libératoire de tous les prélèvements sociaux et fiscaux, dans la mesure où le chiffre d'affaires annuel de l’entrepreneur individuel n’excèdera pas 76 300 euros pour une activité d’achat revente, et 27 000 euros pour les services. Je pense franchement que ce statut très simple pourra fournir à tous ceux qui veulent entreprendre aujourd’hui le même tremplin que celui mis en place pour les associations par la loi de 1901.

M. Pierre Gosnat. Tout ça ne va pas très loin !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Deuxième mesure : renforcer la protection du patrimoine personnel pour l'entrepreneur individuel – c’est l’objet de l’article 5. L'insaisissabilité, qui existe déjà pour la résidence principale, sera élargie à tous ses biens fonciers bâtis et non bâtis non affectés à l'usage professionnel. Quelles que soient les difficultés financières, l'entrepreneur individuel pourra conserver ses biens immobiliers.

Troisième mesure : l’article 4 facilitera l'utilisation du local d'habitation comme local professionnel.

Quatrième mesure : nous vous proposons à l’article 9 de créer un cadre fiscal favorable aux sociétés en amorçage, en permettant aux petites sociétés de capitaux d'opter pour le régime des sociétés de personnes. Ainsi, l'entrepreneur pourra imputer d'éventuelles premières pertes sur son impôt sur le revenu.

Cinquième mesure : l’article 20 étendra l'action des plateformes de micro-crédit à tous les créateurs de très petites entreprises.

Sixième mesure, enfin, l’article 18 tend à réformer le système des sanctions commerciales, en laissant la décision sur l'incapacité à l'appréciation du juge, au cas par cas, et non pas de manière systématique : il ne faut pas automatiquement dénier à celui qui a purgé une peine la possibilité de créer une nouvelle entreprise.

M. Pierre Gosnat. Ça ne va pas très loin, madame la ministre !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Pour ce qui tendra au fonctionnement de l'entreprise ensuite, nous proposons plusieurs mesures.

Premièrement, des mesures de simplification, pour lesquelles votre travail, monsieur le rapporteur de la commission des lois, cher Éric Ciotti, a été précieux : d’une part, étendre le champ du rescrit social – article 2 – d’autre part, simplifier le droit des sociétés applicable aux PME, qu'il s'agisse de statuts types, de l’allégement du régime de publicité légale ou de simplification en matière de gestion des pièces comptables, aux articles 13 et 14.

Deuxièmement, la réforme des baux commerciaux – article 11. Les hausses de loyers des baux commerciaux sont en effet plafonnées aujourd'hui en référence à l'indice trimestriel du coût de la construction. Nous voulons donc donner la possibilité d'utiliser d'autres indices de révision des loyers, en particulier un indice issu d'un récent accord interprofessionnel entre propriétaires et locataires, qui tient compte de l'évolution des prix à la consommation.

Troisièmement, une mesure très importante qui s’applique à la fois aux petites et aux grandes entreprises : la réduction des délais de paiement, proposée à l’article 6. C'est un sujet majeur pour la vie des entreprises, dont les parlementaires se sont fait l'écho à de multiples reprises. À ce sujet, je tiens à saluer particulièrement le travail de Martial Saddier pour sa contribution essentielle à ce débat. Quel est l’enjeu ? Aujourd'hui, les délais de paiement en France sont nettement supérieurs à la moyenne européenne – 67 jours contre 57 jours en moyenne dans le reste de l’Union. Nous proposons de les ramener à 60 jours. Les PME pourront ainsi améliorer leur fonds de roulement ; et des accords secteur par secteur permettront de réduire encore davantage ces délais. L'État a pour sa part déjà montré l'exemple, en réduisant par décret ses délais de paiement à 30 jours.

Concernant le développement des PME, il faut les y aider de plusieurs façons.

Nous entendons d’abord moderniser les instruments de capital risque – article 10 –, en créant un cadre juridique pour des fonds communs de placement à risques contractuels, qui auront vocation à investir dans les entreprises non cotées.

Nous voulons également atténuer l'effet des dépassements de seuils de dix et vingt salariés – article 12. Nous allons mettre en place un dispositif de gel sur trois ans et un dispositif de lissage progressif sur quatre ans pour que les conséquences financières de ces franchissements de seuil ne soient pas si douloureuses, que les seuils ne soient finalement jamais franchis.

Mme Catherine Vautrin. Très bien ! C’est très important !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Nous vous proposons à l’article 7 de mettre en place un véritable Small Business Act à la française, applicable aux petites et moyennes entreprises innovantes, leur permettant d’avoir un accès privilégié à 15 % des marchés de haute technologie.

M. Frédéric Lefebvre. Cela est très attendu.

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Quant à l’article 8, il vise à soutenir nos exportations. Avec Anne-Marie Idrac, nous allons permettre à Ubifrance de posséder des bureaux à l'étranger, ce qui aboutira à la création d'une grande agence nationale consacrée au développement international de nos entreprises, suivant en cela l’exemple d’un certain nombre de pays qui sont aujourd’hui, si j’ose dire, nos concurrents.

Il convient aussi de renforcer l'attractivité de la procédure de sauvegarde pour les entreprises en difficulté. Nous proposerons à l’article 19 d'assouplir les conditions d'ouverture de la procédure de sauvegarde et d'alléger les formalités nécessaires.

Enfin, la reprise et la transmission d'entreprises doivent être facilitées – c’est l’objet des articles 15 et 16 du projet. Cela est d'autant plus important que, nous le savons, 700 000 entreprises doivent changer de mains dans les dix prochaines années.

Ainsi, les droits de mutation à titre onéreux des cessions de droits et des mutations de fonds de commerce seront abaissés de 5 % actuellement à 3 %. De plus, si le repreneur doit s'endetter pour réaliser son opération, nous proposons d'élargir le mécanisme de réduction d'impôt au titre des intérêts d'emprunt pour les repreneurs d'entreprise. Dans cette nouvelle version, la réduction d'impôt pourra atteindre 10 000 euros par an pour un couple.

M. Pierre Gosnat. Un cadeau de plus !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Parallèlement, les transmissions d'entreprise à la famille ou aux salariés seront totalement exonérées de droit de mutation à titre onéreux jusqu'à concurrence d’un plafond de 300 000 euros.

Mme Catherine Vautrin. Très bien !

M. Pierre Gosnat. Encore un cadeau !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Voilà pour le titre Ier qui présente des intérêts majeurs pour développer l’esprit d’entreprise, soutenir les PME existantes et encourager tous ceux qui ont envie, tout simplement, de se mettre à leur compte et de prendre des risques.

M. Jérôme Chartier. Très bien !

M. Jean-Pierre Brard. Voilà un bel avenir pour les RMIstes !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Venons-en au titre II qui a pour objet de dynamiser la concurrence.

La concurrence est le moyen le plus naturel et le plus sain d'agir sur les prix. Renforcer la concurrence résulte, me semble-t-il, d'un juste équilibre entre, premièrement, l’assouplissement des conditions de négociation des prix, deuxièmement, l’augmentation du nombre d'acteurs présents sur le marché et, troisièmement, corollaire indispensable, la lutte ferme contre les pratiques anticoncurrentielles.

M. Jean-Pierre Brard. Pour le litre d’essence, c’est pas mal !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Il n'est pas normal que certains produits de base – je pense à une boisson gazeuse composée de cola ou à une pâte à tartiner au chocolat et aux noisettes, dont les prix ont été vérifiés récemment par Luc Chatel de part et d’autre d’une frontière – coûtent jusqu'à deux plus cher en France qu’en Allemagne.

M. Pierre Gosnat. À en croire le dépliant que j’ai là, on peut manger pour 0,94 euros !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Premièrement, donc, assouplir les conditions de négociation des prix – articles 21 et 22 du projet de loi. Avec Luc Chatel, nous voulons mettre fin au système absurde des marges arrière en laissant fournisseurs et distributeurs négocier librement, comme c'est aujourd'hui le cas dans tous les pays développés : Allemagne, Italie, Espagne, Pays-Bas, Royaume-Uni, Irlande, Suède, États-Unis... Tous ces pays pratiquent le même principe de la libre négociabilité.

M. Frédéric Lefebvre. Enfin !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Il vaut mieux arrêter cette partie de poker menteur entre ceux qui achètent et ceux qui vendent et jouer cartes sur table avec un rapport transparent entre le vendeur et l’acquéreur. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) La transparence des prix doit être totale entre ce que le consommateur paie au distributeur, et ce que le distributeur paie au producteur.

Mme Catherine Vautrin et M. Jérôme Chartier. Très bien !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Parallèlement, nous allons sanctionner plus fermement les abus qui peuvent se produire dans la relation commerciale, qu'ils soient du côté de la vente ou de l'achat. Nous ne laisserons pas s'installer la loi du plus fort dans les négociations.

M. Jean-Pierre Brard. La morale est en marche !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. À l’article 24, vous trouverez des dispositions sur les soldes. Les soldes sont aussi, à leur manière, une grande période de négociation entre les vendeurs et les acheteurs – ainsi qu'un moment festif. Nous allons donc autoriser les commerçants à pratiquer deux semaines complémentaires de soldes par an, à des dates qu'ils choisiront librement, tout en réduisant d'une semaine les deux périodes officielles dont chacun s’accorde à penser qu’elles sont trop longues.

M. Jean-Pierre Brard. Le prix de la baguette va baisser !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Deuxièmement, nous voulons augmenter le nombre d'acteurs présents sur le marché – article 27. Aujourd'hui, toutes les études, d’où qu’elles viennent – Nielsen, Asterop, INSEE –, montrent que les quatre premières enseignes de distribution détiennent plus de la moitié des parts de marché. Une étude de l'INSEE publiée fin mai montre qu'une zone sans concurrence entre distributeurs peut avoir des prix plus élevés de 10 % à 15 % qu'une zone concurrentielle.

M. Jean-Pierre Balligand. On dirait du Dutreil dans le texte !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Nous allons donc simplifier les conditions d'installation de nouvelles surfaces commerciales en supprimant le critère de densité commerciale par zone de chalandise et en portant le seuil d'autorisation de 300 mètres carrés à 1 000 mètres carrés.

M. Pierre Gosnat. Et le petit commerce ?

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Ce que nous voulons, c'est donner le choix au consommateur entre différents modes de distribution, et davantage d'opérateurs, pour lui permettre, s’il le souhaite, d'acheter là où les produits sont les moins chers, et pour inciter les distributeurs à baisser leurs prix. Car dans la guerre des prix, le grand gagnant, on le sait, c'est toujours le consommateur.

Encourager l'installation de nouvelles surfaces commerciales, c'est pousser à son terme la logique de transparence et d'équité de la négociabilité, en faisant peser sur les distributeurs la contrainte de la concurrence et de la diversité, comme elle pèse déjà sur les producteurs.

Comme je le disais en introduction, une liberté accrue implique une régulation plus ferme : nous maintenons donc pour l'implantation des nouvelles surfaces commerciales de plus de 1 000 mètres carrés une procédure d'autorisation collégiale, dans laquelle le rôle des élus se trouvera renforcé, puisqu'ils détiendront la majorité des sièges au sein des CDAC. Dans ce cadre, les projets d'implantation devront répondre à des critères stricts d'aménagement du territoire et de développement durable.

Naturellement, ces procédures ont vocation à s'articuler avec celles du code de l'urbanisme. Nous aurons l'occasion d'y revenir, et je pense que ce débat nous permettra de constater un accord de principe sur l'objectif d'une intégration des règles de l'urbanisme commercial dans le droit de l'urbanisme. Le Gouvernement est à l'écoute des propositions précises d'amendement que la commission des affaires économiques pourra faire en ce sens.

Mme Catherine Vautrin. Très bien !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Aux articles 25 et 26, vous trouverez un certain nombre de dispositions concernant les petits commerçants auxquels des efforts seront demandés pour valoriser leurs atouts et conserver leur clientèle. Ils ne manquent pas d’atouts, et le commerce de proximité ira, j’en suis sûre, se développant. Pour les aider à s'adapter à cette situation nouvelle, nous allons, d'une part, réformer la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, la fameuse TACA, pour qu'elle pèse davantage sur les grands et un peu moins sur les petits, et, d'autre part, renforcer les aides en faveur du petit commerce en renforçant le champ d'intervention du FISAC, le fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce. Je vous annonce d'ailleurs que nous avons décidé d'augmenter les crédits du FISAC de 80 à 100 millions pour l'année prochaine.

Troisièmement, il est impératif de lutter contre les pratiques anticoncurrentielles. Vous trouverez des dispositions à l’article 23. Il ne sert à rien d'édicter des lois en faveur de la concurrence si elles ne sont pas respectées.

M. Jean-Pierre Brard. Ah ça, M. de La Palice le disait déjà !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Pour lutter efficacement contre les pratiques anticoncurrentielles, nous proposons de créer une Autorité de la concurrence aux compétences élargies, qui aura pour mission d'examiner tous les projets de concentrations, et disposera de ses propres pouvoirs d'enquête pour mieux sanctionner les abus, de manière plus sévère.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Très bien !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. J’en viens maintenant au titre III du projet, destiné à renforcer l'attractivité de l'économie française.

Renforcer l'attractivité de notre économie, c’est d'abord et avant tout la moderniser. La France est connue dans le monde entier pour son avant-gardisme, d’hier en particulier. La France était un des premiers pays à disposer d'un réseau téléphonique national dans les années soixante-dix. La France a inventé le minitel. La France est admirée dans le monde entier pour ses trains à grande vitesse, mais cela se limite au transport des passagers. Ce qui importe aujourd’hui, c’est aussi de transporter de l’information, des données.

Aujourd’hui, avec Éric Besson et Luc Chatel, nous voulons gagner le pari du très haut débit, en étendant l’usage de la fibre optique. Je souhaite que, en 2012, plus de 4 millions de ménages puissent bénéficier de la télévision haute définition, de la téléassistance à domicile pour les personnes âgées, de l’e-enseignement, du web 2.0.

M. Christian Paul. Il va falloir mettre les bouchées doubles !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Notre projet de loi généralise donc le précâblage des immeubles neufs et facilite le raccordement des immeubles existants, en incitant les opérateurs à prendre à leurs frais le coût du câblage et en réalisant dans les immeubles un réseau unique de fibre optique ouvert à tous les opérateurs.

M. Christian Paul. C’est bien timide !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Pour être attractif, il faut certes moderniser le réseau, mais il faut aussi s’assurer que nous gardons ou que nous attirons les talents, les idées et les financements. Avec les articles 31 et 32, nous cherchons à attirer les talents. À cet effet, nous prévoyons d’une part d’assouplir le régime des impatriés, en étendant ce statut à tous les recrutements directs de salariés à l’étranger ; et, d’autre part, de faciliter la délivrance d’un titre de résident pour les cadres étrangers de haut niveau.

M. Jean-Pierre Brard. Formidable ! Désormais, les sans-papiers seront cadres !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Aux articles 34, 35 et 36, nous souhaitons valoriser nos idées. Elles s’incarnent aujourd’hui dans l’innovation. Nous avons déjà triplé le crédit d’impôt recherche au début de l’année, ce qui n’est sans doute pas étranger à des décisions d’investissement récentes, comme celles de Peugeot-PSA, ou au maintien en France de services de recherche et développement – notamment Thales. Si j’en juge par les modélisations qui ont été fournies, ce triplement du crédit d’impôt recherche devrait assurer au moins 0,05 % de croissance supplémentaire à partir de 2009.

M. Jean-Pierre Brard. Ah bon ?

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. C’est important, monsieur Brard, car avoir de la recherche et du développement en France, c’est essentiellement s’assurer la plus-value dont nous avons besoin pour notre économie.

M. Jean-Pierre Brard. Payez donc les chercheurs au lieu de leur donner des salaires de misère !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Afin de perfectionner ce dispositif, nous allons étoffer le rescrit fiscal relatif au crédit d’impôt recherche en renforçant le rôle d’OSEO dans la procédure.

Mais, à présent, nous voulons surtout agir en amont et mieux protéger la propriété intellectuelle, en modernisant le système d’enregistrement et de délivrance des titres de propriété industrielle. Un article d’habilitation permettra également de rendre conforme le code de la propriété intellectuelle aux nouveaux traités internationaux que la France a signés dans ce domaine.

Enfin, à l’article 37, toujours dans le domaine de l’attractivité, la création de fonds de dotation permettra d’attirer des financements privés pour des missions d’intérêt général, telles que les laboratoires de recherche, les hôpitaux, les bibliothèques ou les musées.

J’en viens maintenant au quatrième et dernier titre, qui vise à améliorer le financement de l’économie. Améliorer le financement de l’économie suppose d’agir sur deux circuits : le circuit interne et le circuit international des capitaux.

En ce qui concerne le circuit interne, ce sont les articles 39 et 40, aux termes desquels nous proposons de généraliser à toutes les banques la possibilité de distribuer le livret A, qui devrait donc être disponible non plus, comme aujourd’hui, dans 22 000 agences auprès de trois établissements, mais dans 40 000 agences bancaires.

M. Pierre Gosnat. C’est un cadeau aux banques !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Je tiens à remercier M. le rapporteur pour avis Nicolas Forissier pour l’excellent travail qu’il a fourni à ce sujet.

En effet, peut-on continuer à accepter qu’un produit d’épargne aussi populaire soit distribué exclusivement par trois établissements ?

M. Pierre Gosnat. Cela représente tout de même des milliers d’agence !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Nonobstant les dispositions et les remarques de la Commission européenne, il est de l’honneur de cette assemblée d’ouvrir le champ d’intervention de tous les acteurs.

Désormais, chacun pourra ouvrir un compte d’épargne défiscalisé dans sa banque…

M. Jean-Pierre Brard. La Société générale n’a pas de RMIstes parmi ses clients !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. …ce qui améliorera à l’autre bout de la chaîne le financement – déjà très dynamique – du logement social.

M. Pierre Gosnat. C’est faux !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Vous verrez, mesdames et messieurs les députés, que nous y veillerons. Je n’ai en effet pas l’intention de faire le moindre cadeau aux banques. (« Surtout pas ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Gilles Carrez. Très bien !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Au contraire, le Gouvernement propose de prendre aux banques pour donner au logement social. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Et vous y croyez ?

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Oui, j’y crois, monsieur le député ! La commission qu’elles perçoivent pour la collecte sera réduite de près de moitié...

M. Jean-Pierre Brard. Mme Bettencourt frémit !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. …ce qui permettra de dégager des économies supplémentaires pour la construction de logements sociaux, dont nous avons grandement besoin, à cause de l’inertie dont ont fait preuve certains de nos prédécesseurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

À l’article 41, vous trouverez une réforme mesurée de la Caisse des dépôts et consignations…

M. Jean-Pierre Brard. Son démantèlement !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. …qui me paraît essentielle non seulement pour améliorer le circuit de financement du logement social – auquel, je le sais, M. le président Michel Bouvard est très attaché –, mais, au-delà, pour renforcer la participation de cette institution publique à notre économie, selon de légitimes principes de gouvernance. Nous allons donc préciser le rôle de la Caisse des dépôts comme investisseur de long terme au service du développement des entreprises, et moderniser sa gouvernance, quasi inchangée depuis 1816 – sans remettre en cause le contrôle du Parlement sur cette institution qui, pour vénérable qu’elle soit, n’en doit pas moins se moderniser.

M. Pierre Gosnat. Avec moins de parlementaires !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Surtout communistes !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Voilà pour le circuit interne. Voyons maintenant le circuit international. Avec l’article 42, nous voulons moderniser la place financière française, en mettant en œuvre les mesures préparées dans le cadre du Haut Comité de place que j’ai créé. L’industrie financière est une industrie de haute technologie qui représente près de 1 million d’emplois et contribue à la richesse nationale à hauteur de plus de 4 %. Notre système de régulation et de supervision fait des envieux dans le monde entier. C’est donc le moment ou jamais de faire de Paris la place de cotation en bourse de référence de la zone euro.

Dès décembre dernier, vous avez supprimé, dans le cadre de la loi de finances pour 2008, l’impôt de bourse qui favorisait la délocalisation des transactions financières à Londres ou à New York. Les premiers résultats de cette mesure sont encourageants. Sur les premiers mois de l’année 2008, les professionnels ont observé une augmentation sensible des transactions réalisées à Paris, tant sur les valeurs françaises que sur les valeurs étrangères.

L’enjeu principal que nous avons à relever, c’est de simplifier notre réglementation et de la rendre plus conforme aux standards internationaux bien connus des investisseurs. C’est pourquoi j’ai souhaité engager avec ce projet de loi une réforme fondamentale d’une notion historique qui fonde notre droit financier : l’appel public à l’épargne. Il faut nous adapter pour que cette longue tradition de notre droit boursier ne devienne pas un handicap. Pour se rapprocher des standards en vigueur chez nos partenaires européens, nous allons diviser le régime juridique de l’appel public à l’épargne en deux, avec, d’une part, la cotation sur un marché réglementé, et, d’autre part, l’offre au public de valeurs mobilières. Pour chacun de ces deux régimes, nous examinerons les obligations d’information et de transparence qui sont les plus adaptées, en procédant, le cas échéant, à des simplifications. C’est ainsi, et seulement ainsi, que nous pourrons attirer en France des capitaux, des cotations, y compris en provenance de pays émergents qui, demain, seront parties prenantes au financement de l’économie internationale.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Très bien !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Dans la même optique, je vous propose également d’habiliter le Gouvernement à moderniser par ordonnance le cadre juridique de la gestion d’actifs, afin de faciliter l’exportation de fonds d’investissement depuis la France. Concrètement, nous allons simplifier les règles de fonctionnement des fonds qui sont réservés aux investisseurs avertis, en laissant davantage de place à la liberté contractuelle. Il faut que les gestionnaires d’actifs disposent en France des outils leur permettant de concurrencer les places étrangères. Notre pays est aujourd’hui – on le sait trop peu – leader européen de la gestion d’actifs : ne nous endormons pas sur nos lauriers et mettons en place les outils qui permettront de conserver cette préséance sur la scène européenne

Voilà donc, mesdames et messieurs les députés, les trente principales mesures de notre loi de modernisation de l’économie, qui correspondent aux engagements pris par le Président de la République devant les Français. C’est une loi courageuse, qui aborde sans tabous les problèmes structurels de l’économie française.

Elle est courageuse, mais peu coûteuse, comme je le disais en introduction : j’ai veillé en particulier à ce qu’elle soit compatible avec nos engagements de maîtrise des finances publiques…

M. Michel Bouvard et M. Gilles Carrez. Très bien !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. …engagements que j’ai réitérés ce matin même devant nos partenaires de l’Eurogroupe. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Le coût de ce projet de loi est estimé à 300 millions d’euros. Vous le voyez, pour l’ensemble des bouleversements et des modifications que nous souhaitons mettre en œuvre dans l’économie française, ce n’est pas un prix particulièrement élevé.

M. Jean-Pierre Brard. Il faut reconnaître que c’est moins cher que la loi TEPA !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Ce projet de loi de modernisation de l’économie consolide le socle de notre stratégie. Elle vise essentiellement, je voudrais le rappeler une fois de plus, là où il y avait des blocages et de la pesanteur, à offrir un véritable tremplin à tous ceux qui ont l’envie d’entreprendre, le goût du risque, le sens de la compétition. C’est la même logique qui, depuis près d’une année, inspire toutes nos réformes économiques : une logique de création de valeur et de compétitivité. Ma formule pour la croissance est simple.

M. Jean-Pierre Brard. Abracadabra !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Elle repose sur trois équilibres : la productivité, l’employabilité, l’attractivité.

Les gains de productivité, nous les obtiendrons à la fois par le développement de l’innovation. C’est tout le but de la réforme du crédit d’impôt recherche, parfois passée sous silence, mais dont vous entendrez parler, et qui fait désormais de la France le pays le plus compétitif de l’OCDE pour la recherche et le développement – ce n’est pas Hervé Novelli qui me contredira. Mais si la productivité doit être fondée sur l’innovation, elle doit l’être aussi sur une meilleure organisation du travail. C’est ce à quoi concourent le dispositif des heures supplémentaires, la réforme du contrat de travail et l’ensemble du dispositif en matière de droit du travail qui est actuellement à l’examen.

L’employabilité passait d’abord, de mon point de vue, par la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous l’avez votée : elle rendra plus simple et plus efficace le marché de l’emploi, en créant une plate-forme unique, modernisée et opérationnelle, pour les entreprises et les candidats à l’emploi – que je me refuse dorénavant à appeler des « demandeurs d’emploi ».

J’ai également lancé la réforme de la formation professionnelle : les consultations des partenaires sociaux sont en cours, sous l’autorité de Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi, avec comme objectif d’aboutir à une loi avant la fin de l’année.

M. Frédéric Lefebvre. Encore un engagement tenu !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Quant à l’attractivité, elle doit rester l’une de nos premières préoccupations, car c’est la clé du succès de notre pays dans une économie-monde, dont nous avons tout intérêt à ce qu’elle ne devienne pas davantage protectionniste. Nous aurons l’occasion de proposer, dans le cadre des réformes de la fiscalité auxquelles je travaille, des mesures significatives pour faire de la France un pays plus attractif pour l’activité économique et la localisation des emplois.

M. Jean-Pierre Brard. Encore des cadeaux !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. L’été dernier, la loi sur le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat a permis, en anticipant les effets de la crise internationale, de redistribuer du pouvoir d’achat aux nombreux Français qui, aujourd’hui, peuvent travailler plus.

M. Pierre Gosnat. À Noël Forgeard !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Selon les derniers chiffres, les heures supplémentaires sont aujourd’hui utilisées par six entreprises sur dix : ce sont 10 millions de salariés qui voient la différence.

Demain, avec votre indulgence, à l’issue de débats dont je ne doute pas qu’ils seront passionnants, la loi de modernisation de l’économie permettra de libérer de nouvelles énergies et d’actionner les forces de la concurrence, pour peser sur les prix et donner au génie français d’entreprendre un cadre où mieux s’épanouir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Charié, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée du commerce extérieur, monsieur le secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, monsieur le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services, monsieur le secrétaire d’État chargé de la prospective, de l’évaluation des politiques publiques et du développement de l’économie numérique, mes chers collègues, permettez-moi de dire que Mme la ministre de l’économie a raison.

M. Jean-Pierre Brard. Ça commence bien !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Depuis trente ans, les choses, les attitudes, les mentalités, les conditions d’exercice des activités professionnelles ont plus changé en France qu’au cours des trois siècles qui avaient précédé. Nous vivons une nouvelle époque et il était important, non pas que les politiques changent la société, car elle n’a pas besoin d’eux pour le faire, mais que nos lois s’adaptent au monde des entreprises qui, elles-mêmes, sont obligées de s’adapter aux changements de la société.

Je ne reprendrai pas les 800 pages de mon rapport.

M. Gilles Carrez. Merci !

M. Pierre Gosnat. Dommage !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Je ne vais pas non plus brosser un tableau de notre économie – vous venez de le faire vous-même –, passant du commerce de centre- ville, de la toute petite entreprise, qui fait 32 000 euros de chiffre d’affaires par an, à la place financière de Paris, qui gère 113 milliards d’euros par jour.

M. Daniel Paul. Il y a de l’argent !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Vous voyez toutefois l’énorme écart entre ces réalités, et l’énorme enjeu que représente ce projet de loi.

Depuis près d’un quart de siècle, je siège dans cet assemblée aux côtés de collègues de droite et de gauche qui s’attachent à défendre une libre et loyale concurrence à dimension humaine : à ce titre, je voudrais en trois points rappeler en quoi doit consister la modernisation de l’économie nationale.

Moderniser l’économie nationale suppose d’abord de sortir des positions binaires, des positions sectaires, des clivages traditionnels. Nous n’avons pas à être contre les grandes surfaces, pour le petit commerce ou pour les grandes surfaces, contre le petit commerce. Nous sommes…

M. Daniel Paul. Pour les deux !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Nous sommes pour une concurrence loyale.

M. Jean-Pierre Nicolas. Une concurrence équilibrée !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Dès lors que la concurrence est loyale, tous ceux qui sont compétents peuvent légitimement se développer.

M. Jean-Pierre Brard. Entre l’éléphant et la fourmi, il n’y a pas de problème !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Nous n’avons pas à être pour les grandes entreprises contre les petites ou pour les petites entreprises contre les grandes. Non, nous sommes, par exemple, pour une réduction des délais de paiement sans exception, applicable à l’ensemble des acteurs économiques.

M. Lionel Tardy. Bravo !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Nous n’avons pas à être pour les fournisseurs contre les centrales d’achat, ou pour les centrales d’achat contre les fournisseurs. Nous devons être…

M. Daniel Paul. Pour les salariés, contre les patrons !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. pour une libre mais loyale négociabilité.

Mme Catherine Vautrin. Très bien !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. C’est pareil en ce qui concerne les centres-villes et les périphéries. L’enjeu, pour les maires, c’est de trouver un équilibre dans l’aménagement du territoire entre centre-ville et périphérie, entre ville et milieu rural. Mais nous n’avons pas à opposer les uns aux autres.

C’est pareil pour la liberté et la négociabilité : si nous voulons de la croissance, il faut laisser de plus en plus de liberté. Plus nous réglementerons, plus nous entraverons la capacité des entreprises à s’adapter à cette société qui change. Mais il ne peut pas y avoir de liberté sans un minimum de cadre, sans un minimum de règles du jeu.

Enfin, et je tiens à vous en remercier, monsieur le président Ollier…

M. Jean-Pierre Brard. Ah !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. ce débat dépasse les clivages gauche droite. Et même s’il y en a toujours un pour rappeler que les communistes existent, j’observe que même ceux-ci m’ont toujours soutenu. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Pierre Gosnat. Ça, on verra !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. C’est un fait que je veux saluer. Moderniser l’économie n’est en effet pas un enjeu de droite ou de gauche. Remettre l’homme au cœur de l’entreprise n’est pas un enjeu de droite ou de gauche, c’est l’enjeu de toute la France réunie.

M. Jean-Pierre Brard. C’est un apostolat !

M. Christian Paul. Vite, monsieur Lefebvre, envoyez un démenti à l’AFP !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Moderniser, c’est revenir au bon sens économique.

Mme Marylise Lebranchu. Mais une telle notion n’existe pas !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Comme vous l’avez suggéré, madame la ministre, depuis 1973, nous nous sommes trompés, aussi bien la droite que la gauche.

M. Jean-Pierre Brard. Parlez pour vous !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Nous pensions pouvoir entraver le développement des grandes surfaces et mieux protéger le petit commerce avec des mesures d’autorisation préalable à l’ouverture des activités commerciales.

M. Frédéric Lefebvre. Ce fut une erreur collective !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Non seulement nous n’avons pas entravé les grandes surfaces, mais nous n’avons même pas protégé le petit commerce.

M. Pierre Gosnat. C’est bien vrai !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. De plus, les prix ne sont pas forcément plus bas qu’à l’étranger, ils sont même parfois, particulièrement pour les produits de grande marque, plus élevés.

M. Pierre Gosnat. Eh oui !

M. Jean-Pierre Brard. Mais c’est une autocritique !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Tout à fait. J’aborde ce débat avec beaucoup d’humilité.

M. Jean-Pierre Brard. Très bien ! Et on va vous faire faire pénitence !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. En effet, moderniser l’économie nationale n’est pas une opération aussi facile que cela et si nous avons évolué depuis quelques semaines, c’est bien parce que nous sommes conscients que nous devons faire preuve d’humilité.

M. Jean-Pierre Brard. Bien !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. La loi Royer et la loi Raffarin n’ont pas donné satisfaction. Il faut revenir à ce que j’appelle le bon sens économique.

Mme Marylise Lebranchu. Encore ?

M. Jean-Pierre Brard. C’est la préhistoire, ça !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Ce qu’un concurrent doit craindre, ce n’est pas un concurrent loyal, ce n’est pas l’arrivée d’une grande surface ; ce qu’un concurrent doit craindre, ce sont les pratiques déloyales, c’est le fait qu’une grande surface peut s’installer dans un bassin de vie en sachant que son point de vente sera déficitaire, mais qui espère se rattraper au niveau national grâce à des délais de paiement à 160 jours ou des marges arrière qui financeront la perte d’exploitation au plan local.

M. Jean-Pierre Brard. Vous, ce n’est pas les marges arrière, c’est la marche arrière !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Nous allons réformer et moderniser le droit de la concurrence en quatre points.

Premièrement, nous simplifions. Nous avons pris conscience qu’il était aberrant d’écrire dans la loi qu’on n’avait pas le droit de discriminer. Comment peut-on favoriser l’échange, animer et développer la concurrence, s’il n’est pas possible d’accorder des discriminations tarifaires ? Nous supprimons cette interdiction, qui constituait une entrave à la concurrence, nous supprimons la notion de « ligne à ligne ». Mais, avec cette liberté de négociabilité, madame la ministre, nous réinstaurons la loyauté de négociabilité, en introduisant, grâce à un amendement que je proposerai, la notion d’obligation réciproque.

Deuxièmement, nous renforçons l’effectivité. J’ai toujours considéré qui si écrire la loi était important, l’essentiel était de la faire appliquer.

M. Gilles Carrez et M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Jean-Pierre Brard. Ça, c’est une avancée !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Il ne sert à rien d’introduire une disposition dans la loi si on ne la fait pas appliquer.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Pour cela, nous renforçons les sanctions : l’amende encourue pourra être de 2 millions et représenter trois fois le montant des sommes indûment perçues.

Nous spécialisons les tribunaux...

M. Pierre Gosnat. Vous les supprimez !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Ils pourront ainsi plus rapidement intervenir, avec une autre compétence : celle du bon sens économique.

M. Jean-Pierre Brard. C’est la sœur Teresa du petit commerce !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Nous renforçons le Conseil de la concurrence, qui devient l’Autorité de concurrence.

Nous rappelons que les commissaires aux comptes ont pour mission de révéler les faits délictueux, notamment sur les pratiques commerciales.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas vraiment nouveau !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Nous leur donnerons la mission de révéler les entraves aux règles sur les délais de paiement.

M. Pierre Gosnat. Vous les licenciez !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Nous renforçons l’action de la commission d’examen des pratiques commerciales.

Enfin, nous introduirons dans la loi les actions de groupe.

M. Christian Paul. Vous irez jusqu’au bout ?

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. En France, les victimes ne portent pas plainte. Pour faire appliquer la loi, il faut autoriser les actions de groupe, qui agiront au nom des victimes. Nous sommes, M. Lefebvre et moi, très clairs sur ce point, madame la ministre.

M. Jean-Pierre Brard. Oh là là ! Quel duo d’enfer !

M. Pierre Gosnat. Vous n’êtes pas crédibles !

M. Jean-Pierre Brard. C’est Don Quichotte et Sancho Pança !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Si on nous démontre que tout n’est pas bien calé pour éviter des dérives potentielles, nous préférerons perdre quelques semaines pour ne pas risquer de dévaloriser la loi. Le groupe UMP et la commission des affaires économiques sont très clairs sur la nécessité d’introduire dans les plus brefs délais, au nom de l’effectivité, les actions de groupe dans la loi française.

M. Frédéric Lefebvre et M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Les maires conserveront, vous venez de le souligner, madame la ministre, le devoir de gérer leur territoire, de gérer la cité. À terme, nous introduirons dans le code de l’urbanisme, comme je l’ai écrit dans mon rapport, les dispositions de l’urbanisme commercial. Cela signifie qu’à terme, il n’y aura plus ni loi Royer ni loi Raffarin.

M. Christian Paul. Il n’y aura pas de loi Charié pour autant !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Les grandes surfaces pourront s’installer librement. Mais plutôt que de chercher à étendre la loi législative…

M. Jean-Pierre Brard. Qu’est-ce qu’une loi non législative ?

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. …nous allons renforcer le rôle de la loi économique. Dans une concurrence de loyauté, l’économie mafieuse que les uns et les autres avons dénoncée n’existera plus…

Mme Marylise Lebranchu. Mafieuse ?

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. …et une entreprise ne s’installera sur un bassin de vie que parce qu’elle y aura un marché…

Mme Marylise Lebranchu. Pas le discounter !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. …et donc une efficacité économique : l’intérêt des consommateurs sera assuré.

M. Jean-Pierre Nicolas. C’est du bon sens !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. S’il n’y a pas de marché, s’il n’y a pas de possibilité de concurrence, les grandes surfaces ne s’installeront plus comme elles le faisaient ces dernières années.

Enfin, moderniser, c’est redonner de l’espace aux entreprises, à toutes les entreprises.

La commission des affaires économiques a souhaité en ce sens renforcer les dispositions du projet de loi sur les fonds propres et l’augmentation des trésoreries de l’ensemble des entreprises.

Nous simplifions les formalités d’immatriculation pour les petites activités.

Nous créons un droit à l’erreur. Ainsi, quand le contrôleur arrivera dans une entreprise, il ne dira plus « nul n’est censé ignorer la loi », « vous auriez dû savoir », « vous auriez dû avoir une attitude différente », « je vous sanctionne », il fera, dès lors que l’entrepreneur qui n’a pas respecté totalement les règles était manifestement de bonne foi, un rappel à la loi comme on le fait dans d’autres secteurs.

Nous relèverons le seuil de la micro-entreprise.

Nous développons, vous l’avez signalé, madame la ministre, une réserve des appels d’offre pour les entreprises innovantes.

Nous allons nous engager à réviser le statut des EURL,…

M. Jean-Pierre Brard. Traduction ?

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. entreprises unipersonnelles à responsabilités limitées,…

M. Pierre Gosnat. Très limitées !

M. Lionel Tardy. Ils ne savent même pas ce que c’est !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. …pour mettre fin à cette iniquité fiscale et sociale des travailleurs indépendants qui, aujourd’hui, paient leurs cotisations sociales non pas sur leur équivalent salaire mais sur la marge d’exploitation de l’entreprise.

Nous allons réduire significativement les délais de paiement avec l’objectif de les passer à trente jours d’ici à 2012.

Nous fixerons aux commissaires aux comptes une série de missions complémentaires. À ce sujet, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce, je crois qu’il est important de rappeler qu’avant d’être une charge, les commissaires aux comptes sont d’abord une source de caution, de crédit. Quand les uns et les autres nous voulons améliorer le financement des fonds propres des entreprises, les commissaires aux comptes sont là pour cautionner la bonne comptabilité, voire la bonne santé de l’entreprise. Si nous vous suivons dans votre volonté de créer une option pour les petites entreprises à éventuellement ne pas avoir de commissaire aux comptes, la commission des affaires économiques proposera d’ouvrir la possibilité, pour les commissaires aux comptes, d’adapter leurs normes aux petites entreprises.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Cela permettra au commissaire aux comptes de facturer moins cher une entreprise dans laquelle il passe une demi-journée par rapport à une entreprise dans laquelle il passe huit jours.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Jean-Pierre Brard. Un quotient familial, en quelque sorte !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Nous conforterons l’action du FISAC en cas de perte d’activité ou de rentabilité d’un commerce lorsqu’une commune procède à des travaux en centre-ville.

Enfin, nous comptons soutenir réellement et développer ce que nous appelons les secteurs porteurs du numérique et du haut débit.

Chers amis,…

M. Jean-Pierre Brard. Chers camarades ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. …même si certains semblent s’en amuser,…

M. Jean-Pierre Brard. Le rire est l’énergie du désespoir !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. …l’enjeu du débat d’aujourd’hui – c’est relativement rare, il n’y a qu’à comparer au précédent débat – dépasse nos clivages. L’objectif n’est pas de servir des intérêts particuliers.

M. Jean-Pierre Brard. Non…

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Je trouve pour ma part révoltant de voir des organismes, des institutions, de grandes entreprises se présenter comme très attachés au développement de l’intérêt général, avant de nous menacer de tous les maux sitôt que, pour une raison ou une autre, nous faisons mine de toucher à leur petit intérêt particulier.

M. Jean-Pierre Brard. Vous découvrez la lune ?

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Je suis pour le lobbying, je suis pour le développement de l’information, mais je considère que nous n’avons pas à nous laisser impressionner…

M. Jean-Pierre Brard. Oh !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. …par des gens qui défendent plus leurs petites positions personnelles…

M. Jean-Pierre Brard. Leurs grosses positions ! Forgeard ! Bouton !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. que les clients finaux que sont les entreprises et les consommateurs.

Fort de cet état d’esprit et d’une certaine connaissance du sujet, je dis, madame, que moderniser aujourd’hui, ce n’est pas forcément redonner de la compétence aux entreprises, parce que cette compétence existe en France,…

M. Daniel Paul. C’est libéraliser !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. …c’estleur redonner de la confiance.

Mme Marylise Lebranchu. Ce n’est pas du tout ce que vous faites !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Une fois cette confiance revenue, nous pourrons, ensemble, être encore plus fiers de la croissance de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. C’est la symphonie héroïque, mais sans la musique !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Monsieur le président, madame la ministre, madame et messieurs les secrétaires d’État, chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier le Gouvernement d’avoir ouvert ce chantier de grande ampleur que constitue la modernisation de notre économie.

On peut évidemment regretter qu’il ait fallu travailler en si peu de temps sur de multiples sujets qui auraient demandé encore davantage de concertation avec les acteurs de l’économie, les entrepreneurs et les parlementaires. Mais je formule le souhait que nous continuions à travailler sur la modernisation de l’économie et que celle-ci fasse même l’objet d’un rendez-vous annuel jusqu’au terme de la législature. Il nous faudrait presque une loi de modernisation de l’économie par an, articulée avec les lois de finances ou d’autres textes plus spécifiques !

Dans l’esprit de la concertation que vous avez initiée durant ces derniers mois, madame la ministre, pour préparer ce texte, ou encore à l’image du haut comité de place que vous avez instauré pour renforcer l’attractivité de la place financière de Paris, nous devons poursuivre avec ténacité le travail, franchir de nouvelles étapes et aller aussi loin que possible afin de moderniser, d’ouvrir, d’assouplir et surtout de clarifier, de manière durable, l’environnement des entreprises, ainsi que leur cadre juridique et fiscal, afin de lever tous les freins qui pénalisent la croissance, le développement économique de notre pays, l’emploi et la confiance de nos concitoyens, car tel est bien l’esprit et l’objectif de cette loi.

La commission des finances s’est saisie pour avis de quatorze articles : les neuf articles comportant des dispositions fiscales, les trois articles relatifs à la réforme du livret A et à la Caisse des dépôts et consignations, l’article relatif à la modernisation de la place de Paris, ainsi que l’article relatif à la création de la Haute autorité de la statistique.

Pour cinq dispositions, elle a émis un avis simple ; pour les neuf autres, elle a bénéficié d’une sorte de délégation au fond, la commission des affaires économiques ayant bien voulu accepter de s’en remettre à ses analyses dans son rapport et de reprendre ses travaux à son compte. J’en remercie tout particulièrement son président Patrick Ollier et son rapporteur Jean-Paul Charrié.

Trois lignes directrices ont guidé mes travaux et ceux de la commission des finances.

Premièrement, le présent projet de loi ne doit pas être vu comme un aboutissement. Au contraire, il devra être suivi par d’autres textes, de valeur législative ou non, poursuivant le même objectif de simplification et d’assouplissement du cadre juridique et fiscal de l’économie, ce qui peut nous conduire, à l’occasion de nos débats, à poser le cadre de nouveaux chantiers, en souhaitant que le Gouvernement nous fasse des propositions dans un proche avenir.

Deuxièmement, il est nécessaire que l’essentiel des dispositions fiscales, en particulier les plus coûteuses, soit réservé à un examen en loi de finances. Je me permets d’insister sur ce point au nom de la commission des finances, dont je vois d’ailleurs le rapporteur général acquiescer.

M. Gilles Carrez et M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis de la commission des finances. Troisièmement, les marges de manœuvre budgétaires sont extrêmement réduites, nous le savons, ce qui doit nous inciter à la plus grande mesure.

Pour autant, ces contraintes ne doivent pas conduire à manquer d’ambition sur les sujets fondamentaux traités par le présent projet de loi, qui sont plus spécifiquement du ressort de la commission des finances. Il s’agit tout d’abord de l’amorçage, premier apport en capital des entreprises, qui constitue aujourd’hui – je peux en témoigner – le maillon faible dans la chaîne du financement de nos PME. C’est là un sujet essentiel. Il s’agit également de la transmission des très petites, petites et moyennes entreprises, très souvent familiales, qui constituent le tissu de l’économie et de l’emploi dans nos territoires. Il s’agit enfin de l’attractivité économique de notre pays, de la réforme du livret A et de la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations.

La commission des finances a mené ses travaux dans un esprit constructif dépassant les clivages politiques. Elle a ainsi adopté cinquante-six amendements, dont trente-six de son rapporteur.

S’agissant des dispositions fiscales, elle souscrit bien entendu aux mesures proposées en faveur de la création et du développement des entreprises, qui visent à simplifier le régime des entrepreneurs individuels, mais aussi des sociétés de capitaux en phase d’amorçage.

Elle a adopté à mon initiative un amendement visant à actualiser annuellement les impôts auxquels sont soumises les micro-entreprises dans la même proportion que l’impôt sur le revenu, afin de tenir compte de l’évolution des prix.

Elle a également adopté un amendement invitant le Gouvernement à étudier les distorsions éventuelles de taxation dont sont victimes les entrepreneurs individuels par rapport à ceux qui sont en société et les conditions dans lesquelles pourrait être mise en place, en faveur des premiers, une réserve spéciale d’autofinancement. C’est un sujet récurrent, M. Charié l’a souligné, que la clarification équitable du statut de l’entrepreneur individuel. Il convient de lui apporter sans plus tarder une solution définitive.

Par ailleurs, ayant constaté les lacunes qui demeurent aujourd’hui en matière d’investissement dans le segment de l’amorçage des petites et moyennes entreprises, j’ai souhaité personnellement aller plus loin encore et proposé plusieurs amendements qui ont été repris par la commission. Ils visent à rationaliser les véhicules existant du capital-risque, mais également à élargir certaines mesures fiscales pour les sommes qui seraient investies spécifiquement dans l’amorçage des PME, afin d’obtenir un vrai effet de levier ciblé sur les premiers développements de l’entreprise. C’est, là aussi, un sujet essentiel et nous serons sensibles, madame la ministre, à l’attention que vous porterez à nos amendements.

S’agissant des dispositions relatives au cadre fiscal de la transmission et de la reprise d’entreprise, la commission propose à mon initiative une mesure destinée à éviter un effet de seuil en matière de droits de mutation à titre onéreux et à titre gratuit, car il faut aligner cette proposition sur les cessions et donations de petit montant, ce qui permettra de mieux prendre en compte les réalités du terrain.

En vue de renforcer l’attractivité du territoire, la commission proposera également certains amendements visant à améliorer la procédure du rescrit fiscal applicable au crédit impôt recherche, pour instituer un régime de taux réduit en faveur des créateurs de logiciels originaux et pour améliorer le dispositif d’exonération de taxe professionnelle en faveur des établissements situés en zone d’aide à finalité régionale.

La commission a enfin adopté un amendement visant à améliorer en faveur des petits commerces la répartition du poids de la TACA, la taxe sur le commerce et l’artisanat.

Pour le livret A, la réforme que propose le Gouvernement me semble équilibrée. Elle permet de préserver les missions d’intérêt général de financement du logement social et d’accessibilité bancaire attachées au livret A, et l’équilibre financier des distributeurs actuels. On le sait, la généralisation de la distribution du livret A nous est imposée par une décision de la Commission européenne du 10 mai 2007. Le Gouvernement propose de mettre cette contrainte au service de notre économie et de sa politique volontariste en matière de logement social. Je crois d’ailleurs que le texte va au-delà de la seule réponse à la contrainte de Bruxelles.

Sur ce point, la commission a adopté trois amendements importants, auxquels elle tient particulièrement, parce qu’ils améliorent le dispositif, en lui donnant les garanties et la transparence nécessaires, en confortant le financement du logement social et en assurant dans la loi les règles de l’accessibilité bancaire et du droit au compte,

Elle a ainsi élargi l’assiette de calcul du montant de la ressource centralisée à la Caisse des dépôts aux prêts en faveur de la politique de la ville, ce qui représente une base de 8 milliards d’euros. La Caisse des dépôts disposera ainsi de plus de ressources encore pour assumer ses missions au titre du fonds d’épargne.

En deuxième lieu, elle a institué une obligation d’emploi pour les ressources collectées au titre du livret A et du livret de développement durable, qui demeurent dans les banques, afin de s’assurer que ces ressources, qui bénéficient d’une double bonification sociale et fiscale, servent bien au financement de l’économie, étant précisé qu’il s’agit du financement des petites et moyennes entreprises, plus particulièrement de leur création et de leur développement, ainsi que du financement des travaux d’économie d’énergie dans les bâtiments anciens.

Enfin, elle a renforcé les dispositions relatives au droit au compte afin de lui donner toute son effectivité.

La commission a également adopté, contre l’avis de son rapporteur, un amendement obligeant les banques à offrir un livret A à toute personne qui en fait la demande.

M. Jean-Pierre Brard. Très bien !

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis de la commission des finances. Cette mesure risquant de fragiliser l’équilibre général de la réforme proposée, le Gouvernement propose de confier uniquement à la Banque postale…

M. Pierre Gosnat. La banque des pauvres !

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis de la commission des finances. …la mission d’accessibilité bancaire via le livret A. La décision paraît pertinente eu égard à la taille de son réseau, au fait qu’elle dispose de pièces à ses guichets, à son histoire et à sa clientèle traditionnelle. Au contraire, imposer aux banques l’obligation de faire droit à toute demande d’ouverture de livret obligera le Gouvernement à leur donner une contrepartie financière…

M. Jean-Pierre Brard. Bien sûr ! Les banques ne gagnent pas assez de sous !

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis de la commission des finances. …difficile à calculer, mais qui renchérira inévitablement le coût du financement du logement social.

M. Jean-Pierre Brard. À quand un bureau d’aide sociale pour les banques ?

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis de la commission des finances. Je me permets d’insister sur ce point, dont nous devrons débattre.

S’agissant de la Caisse des dépôts et consignations, le projet de loi va dans le bon sens, puisqu’il fait évoluer sa gouvernance sans la banaliser ni sans remettre en cause son périmètre. La commission a adopté des amendements proposant que les membres de la commission de surveillance soient choisis au sein des commissions des finances des assemblées, sans qu’ils soient tous issus de la majorité.

Elle est également revenue sur le dispositif prévu en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement des activités terroristes, en confiant à la commission de surveillance le pouvoir de sanction. Cette solution n’est pas définitive. Le débat pourra se poursuivre sur la base d’autres amendements qui, je pense, devraient permettre de trouver le bon équilibre.

Enfin, hors du champ des articles dont l’examen m’a été confié, j’ai moi-même déposé, comme d’autres, un certain nombre d’amendements, toujours dans le souci d’améliorer l’environnement général des entreprises, en particulier des PME. Nous en débattrons, mais, en tout état de cause, je souligne que la commission des finances a conduit ses travaux dans un esprit particulièrement constructif. Nous attendons par conséquent du Gouvernement qu’il soit lui aussi attentif et ouvert à nos propositions, qui, je crois, permettront d’enrichir…

M. Jean-Pierre Brard. C’est le mot juste !

M. Daniel Paul. Elles enrichiront les banques !

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis de la commission des finances. …et de garantir les réformes que vous nous proposez. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, madame la ministre, madame et messieurs les secrétaires d’État, chers collègues, rares sont les réformes d’une ampleur aussi grande que celle dont nous débattons aujourd’hui. Ce texte vise à la fois à restaurer l’esprit d’initiative, à dynamiser la concurrence au service de la diminution des prix et du pouvoir d’achat, à rendre notre pays plus attractif pour les investissements étrangers et à moderniser les instruments de financement de notre économie. Je crois pouvoir dire que la loi que nous nous apprêtons à voter changera profondément le visage économique de la France, en comblant ses retards et en la faisant entrer de plain-pied dans l’économie du XXIe siècle.

Cette ambition de moderniser l’économie française imposait à notre Assemblée d’aller au fond des choses.

M. Jean-Pierre Brard. Assurément, vous êtes dans les profondeurs !

M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis de la commission des lois. Or, je tiens à le souligner, l’organisation retenue par la Conférence des présidents, sur la judicieuse proposition de M. Ollier, président de la commission des affaires économiques, laquelle consiste à déléguer un certain nombre d’articles aux commissions saisies pour avis, a contribué à rendre la discussion parlementaire tout à la fois plus constructive, plus efficace et, sur certains aspects, plus imaginative.

Pour sa part, la commission des lois, dont je me fais ici l’interprète, soutient la démarche du Gouvernement, puisqu’elle a émis un avis favorable à l’ensemble des dispositions dont elle s’est saisie.

M. Daniel Paul. C’est un scoop ! 

M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis de la commission des lois. Si elle y a apporté quelques modifications, celles-ci ont pour objet de rendre le texte plus clair et d’en conforter les effets attendus pour les entreprises, les consommateurs, les investisseurs et les inventeurs.

À défaut de pouvoir présenter dans le détail les apports de la commission des lois, je me contenterai d’en indiquer synthétiquement le contenu, sachant que la discussion des articles nous offrira par la suite l’opportunité d’approfondir nos échanges à leur sujet.

Tout d’abord, la commission a souhaité élargir le dispositif de l’auto-entrepreneur aux conjoints mariés et pacsés, de manière à amplifier le caractère incitatif de la mesure auprès de certaines personnes sans activité. De manière sous-jacente, cette initiative pose la question plus générale de la réorientation vers l’emploi du plus grand nombre de personnes sans activité, sujet dont nous aurons à reparler lors de la mise en place du revenu de solidarité active.

La protection du patrimoine de l’auto-entrepreneur a, elle aussi, fait l'objet d'une attention particulière de notre commission, avec notamment l'adoption de dispositions améliorant l’insaisissabilité de l'immeuble à usage mixte pour les artisans et les professions libérales et prorogeant cette insaisissabilité jusqu'au décès du conjoint survivant.

En matière de délais de paiement, la commission s'est félicitée du plafonnement prévu. Elle a néanmoins souhaité maintenir un minimum de souplesse dans le dispositif, afin de laisser aux secteurs concernés le soin de déterminer si la computation du délai devait se faire à partir de la date d'émission de la facture, de celle de la livraison des marchandises ou de l'exécution de la prestation de services. Par ailleurs, la commission a estimé important de laisser la possibilité au Gouvernement de proroger, par décret, la date d'application des accords interprofessionnels dérogatoires pour un nombre limité de secteurs d'activité qui, comme le secteur automobile, ont pour fournisseurs de grands groupes étrangers et emploient de nombreux salariés.

Les dispositions relatives à l'expérimentation d'un Small Business Act à la française en faveur des PME innovantes ont recueilli, elles aussi, les suffrages de la commission des lois, qui a constaté leur totale adéquation aux exigences constitutionnelles et communautaires. Toutefois, dans un souci d'amélioration du mécanisme, la commission a adopté un amendement afin de prévoir que le calcul de la proportion de marchés réservés devait s'appliquer au montant total des marchés en deçà des seuils formalisés et non au montant moyen.

Quant aux dispositions relatives au droit des sociétés, la commission des lois a souhaité, en toute logique, étendre aux sociétés par actions simplifiées unipersonnelles, les SASU, les assouplissements prévus en faveur des SARL unipersonnelles. Elle a également apporté quelques précisions sur la tenue des assemblées générales par visioconférence, la rédaction retenue par le projet de loi s'inspirant des dispositions en vigueur pour les délibérations du conseil d'administration des sociétés anonymes et non pour celles des assemblées d'actionnaires.

Mais surtout, la commission des lois a surtout a adopté un amendement, portant article additionnel après l’article 13, qui simplifie le régime des sociétés anonymes s'agissant des exigences de détention d'un nombre minimal d'actions par les administrateurs et les membres du conseil de surveillance, ou du maintien des règles de double vote en cas de fusion-absorption.

En ce qui concerne l'habilitation du Gouvernement à réformer le droit des procédures collectives par ordonnance, la commission des lois, qui a pu – grâce aux ministres ici présents que je remercie – analyser en détail le projet d'ordonnance actuellement en cours de finalisation, a estimé que la durée d'habilitation pouvait utilement être ramenée de huit à six mois, compte tenu de 1’utilité des mesures envisagées et de l'état d’avancement de la concertation qui s’est déjà tenue. Certaines omissions et imperfections des mesures transitoires de la loi de sauvegarde des entreprises ont également été réparées pour conforter le « rebond » de ceux qui ont subi des procédures de liquidation de biens régies par la loi du 13 juillet 1967, mais également pour permettre aux sociétés de crédit foncier de bénéficier des protections offertes par la procédure de sauvegarde.

En matière de renforcement de la concurrence au service des consommateurs, la commission des lois s'est montrée attachée à préserver un certain équilibre entre, d'une part, l'assouplissement du cadre actuel de la relation commerciale, grâce à une négociabilité des conditions générales de vente qui se répercutera sur les prix tarifés aux consommateurs, et d'autre part, les contrôles ainsi que les sanctions de toute pratique abusive ou répréhensible.

À la lumière de cet objectif, elle a tout d'abord validé le dispositif gouvernemental visant à instaurer une libre négociabilité des conditions générales de vente tout en renforçant l'amende forfaitaire prévue à l'article L. 442-6 du code de commerce, de manière à dissuader les acteurs les plus puissants de la relation commerciale de profiter de leur position par rapport à leurs fournisseurs.

La commission s'est ensuite particulièrement intéressée aux modalités de la réforme de notre législation sur l'équipement commercial. Elles constituent un pendant nécessaire à la négociabilité si l’on souhaite obtenir de réelles baisses de prix à la consommation. Je ne cache pas que, pour ma part, je formule certaines interrogations à l'égard du relèvement du seuil au-delà duquel les nouvelles implantations de surfaces de vente devront faire l'objet d'une autorisation par les commissions départementales d'aménagement commercial. J'avais envisagé de proposer à la commission des lois un dispositif permettant aux maires et aux présidents d'EPCI concernés de saisir les CDAC, pour toute extension ou implantation comprise entre 500 et 1 000 mètres carrés. J'ai retiré cet amendement car je compte sur une solution globale qui est actuellement en train de se dessiner.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. C’est vrai !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis. Nous avançons actuellement sur le sujet en harmonie avec le Gouvernement : notre objectif est d’instaurer à la fois une plus grande concurrence, et une baisse des prix.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Merci, monsieur Ciotti !

M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis. Mais je demeure surtout convaincu que notre législation sur l'équipement commercial doit évoluer, et notamment se rapprocher du droit commun de l'urbanisme.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques et M. Michel Piron. Très bien !

M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis. Dans cette optique, les schémas de développement commercial, élaborés dans le cadre des observatoires départementaux de l'équipement commercial, sont appelés à jouer un rôle plus important et, à titre personnel, je défendrai un amendement demandant au Gouvernement de présenter au Parlement un rapport sur la compatibilité de ces schémas avec les documents d'urbanisme de droit commun ainsi que sur leur opposabilité aux tiers.

M. Michel Bouvard. Ils sont déjà compatibles !

M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis. Vous ne serez donc pas surpris, mesdames et messieurs les ministres, chers collègues, qu'au regard d'une telle conviction à l'égard de l'utilité des ODEC et des schémas départementaux de développement commercial, la commission des lois ait souhaité leur maintien alors que le projet de loi envisageait de les supprimer.

Pour prolonger cette recherche d'équilibre entre les acteurs du commerce dans notre pays, la commission des lois a décidé, sur ma proposition, d'instaurer une taxe additionnelle à la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, la TACA, d'un taux égal à 0,1 % du chiffre d'affaires annuel hors taxe des grands magasins de détail. Elle est destinée au soutien des commerces de centre-ville et des petits commerces de proximité.

Cette initiative vise à répondre aux difficultés du petit commerce, dont le déclin pourrait effectivement menacer la cohésion sociale au cœur des villes. Ce tissu commercial constitue en effet un outil important d'animation des centres villes, sans lequel les cités dortoirs risqueraient de se multiplier. Or la législation protectrice mise en place en 1973 et 1996 a paradoxalement abouti à une dégradation de la situation des commerces de centre- ville, plus marquée en France que dans les autres pays européens. Grâce aux dizaines de millions d'euros de recettes supplémentaires attendues de cette taxe additionnelle, le FISAC pourrait inverser la tendance en finançant des projets propres à dynamiser les commerces de proximité.

Enfin, s'agissant des dispositions du projet de loi relatives au renforcement de l'attractivité de la France, dont l’examen lui avait été délégué, la commission des lois s’est contentée de procéder à quelques améliorations rédactionnelles en approuvant l’économie générale du texte. En matière de propriété industrielle, toutefois, elle invite le Gouvernement à présenter rapidement les projets de loi autorisant la ratification des traités d'harmonisation sur le droit des brevets, signé en 2000, et de Singapour sur le droit des marques, signé en 2006.

Vous le constatez, mes chers collègues, la commission des lois et son rapporteur pour avis ont examiné le projet de loi qui nous est soumis avec le souci d'en tirer le meilleur, au service de nos compatriotes, de l'économie française et de la restauration des marges de manœuvre de nos politiques publiques. Car, ne nous y trompons pas, la réforme est devenue indispensable pour permettre à la France de retrouver les moyens de ses ambitions.

Sous l'impulsion décisive du Président de la République, le Gouvernement s'est résolument engagé à redresser notre pays. Pour ma part, je me réjouis qu'il le fasse à l'écoute du Parlement, car, nous aussi, parlementaires, nous souhaitons apporter notre contribution à cette œuvre courageuse, indispensable et, à n'en pas douter, salutaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Jean-Pierre Brard. Après toutes les louanges dont ce texte a fait l’objet, il n’y a plus rien à dire !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Madame la ministre, madame, messieurs les secrétaires d’État,…

M. Jean-Pierre Brard. Quelle brochette !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. …chers collègues, après l’excellent rapport que nous a présenté Jean-Paul Charié, je ne souhaite pas entrer dans le détail du projet de loi.

Tout d’abord, en tant que président de commission, je voudrais évoquer notre méthode de travail. Je tiens à remercier ceux qui l’ont acceptée : Jean-Paul Charié, le rapporteur de la commission des affaires économiques, les présidents des commissions des finances et des lois, et les rapporteurs désignés au sein de ces deux commissions, M. Forissier et M. Ciotti. Cette méthode nous a permis d’éviter la constitution d’une commission spéciale. Elle a fait la démonstration que l’Assemblée nationale peut travailler au sein d’une même commission sur des sujets divers dès lors que cette dernière accepte de déléguer aux rapporteurs pour avis le rapport au fond pour la partie qui les concerne. Nous avons procédé ainsi, et cette démarche expérimentale et nouvelle fonctionne bien.

Je tiens à dire à MM. Forissier et Ciotti combien nous sommes satisfaits de la qualité des rapports qu’ils ont présentés devant la commission des affaires économiques et du bon déroulement des travaux de commission dans ce contexte innovant. Je souhaite qu’une telle expérience soit poursuivie à l’Assemblée nationale.

Madame la ministre, madame, messieurs les secrétaires d’État, je vous remercie pour ce qui est désormais désigné sous le nom de « coproduction législative » – le terme nous convient. La majorité a pu construire une partie importante de ce texte avec le Gouvernement au cours de très nombreuses réunions et sans doute est-ce une première dans l’histoire de la commission. Le Gouvernement a écouté les souhaits et les demandes des députés de la majorité, membres ou pas de notre commission, et nous avons ainsi pu progresser.

Sans entrer dans le détail du texte, je voudrais vous faire part de quelques observations qui sont, à mon sens, de nature à résoudre certaines questions qui ne manqueront pas de se poser dans le cadre de l’examen d’un projet de loi aussi important et volumineux : plus de 40 articles abordent plusieurs matières.

Pour prendre l’exemple du Titre IV du projet de loi – rassurez-vous, monsieur Forissier, je m’en tiendrai à une seule remarque – : la commission des affaires économique veut être certaine qu’après sa réforme, le livret A restera bien un acteur majeur et actif du soutien au logement social comme c’est le cas aujourd’hui. Je ne doute pas que le Gouvernement aura à cœur de confirmer que la collecte du livret A sera effectivement destinée au financement du logement social.

Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, messieurs les secrétaires d’État, la commission est également préoccupée par la réforme des délais de paiement.

M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous sommes très attachés à cette réforme et je suis heureux que nous nous dirigions vers une unification de ces délais au niveau européen.

Toutefois, et cette réflexion n’engage que moi, je souhaite personnellement que cette réforme ne fasse pas l’objet de dérogation. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Soisson et M. Lionel Tardy. Bravo !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Les entreprises n’ont pas à jouer le rôle de banquier pour le compte d’autrui.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Bravo !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. S’il devait y avoir des dérogations, nous reviendrions à des pratiques qui, sur le plan économique, ne sont pas satisfaisantes.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il faut avoir le courage de ne pas s’orienter dans cette direction. Si d’aventure quelques problèmes devaient être réglés, prenons le temps de le faire ; mais un délai de deux ans me paraît largement suffisant.

De nombreux autres sujets pourraient être évoqués, mais je voudrais m’arrêter sur la question de la négociabilité qu’a abordée tout à l’heure Jean-Paul Charié.

M. Christian Paul. C’est très inquiétant !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Madame le ministre, monsieur Chatel, ce sujet a fait l’objet de nombreuses discussions entre nous. Nous soutenons le Gouvernement dans son audace – c’est le mot que vous utilisiez vous-même tout à l’heure – qui consiste à revenir sur des procédures dont le seul mérite était de nous avoir fait croire, pendant des années, que leur maintien nous permettrait de régler nos problèmes. Aujourd’hui, ces procédures existent toujours, et les problèmes ne sont pas réglés. Votre audace va nous permettre de revoir totalement la question.

La négociabilité dans la transparence permettra, comme le soulignait notre rapporteur, de lutter contre la concurrence déloyale et d’établir très clairement les obligations auxquelles vont être soumis tant les distributeurs que les fournisseurs. Je suis convaincu que nous aurons ainsi les moyens de protéger les agriculteurs fournisseurs – et je sais qu’ils nous écoutent en ce moment.

M. François Brottes. C’est un leurre !

Mme Marylise Lebranchu. Ils ne sont pas convaincus !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Grâce à un amendement déposé par le rapporteur, et que j’ai cosigné, nous aurons les moyens de défendre les petites entreprises. Notre souci, madame la ministre, est en effet d’aller vers la transparence tout en étant certains que les « gros » ne pourront pas écraser les « petits ». Le dispositif que nous avons prévu est de nature à satisfaire cet impératif.

Je consacrerai le reste du temps qui m’est imparti à un sujet extrêmement important : l’urbanisme commercial. Un vrai débat a été ouvert sur cette question. Je remercie le Gouvernement d’avoir engagé, avec la majorité, une discussion constructive à laquelle, au reste, l’opposition a elle aussi participé. En commission, monsieur Brottes, des points de convergence forts sont apparus entre l’opposition et la majorité.

M. Michel Piron. C’est vrai !

M. François Brottes. C’est tellement rare ! Il s’agit d’une exception.

M. Frédéric Lefebvre. Allons, assumez, monsieur Brottes !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Si nous avons des préoccupations en commun, c’est parce que nous traitons de l’intérêt général.

M. François Brottes. On touche pourtant aussi à quelques intérêts particuliers ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il ne s’agit pas d’un débat politicien comme il s’en déroule dans d’autres instances – on l’a vu hier.

M. Christian Paul. Nous allons vous parler de la France !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Aujourd’hui l’intérêt général est en jeu, et nous pouvons tous nous retrouver. J’ai la certitude que nous y parviendrons.

Madame la ministre, messieurs les secrétaires d’État, nous faisons confiance au Gouvernement pour organiser la concurrence afin d’atteindre l’objectif de baisse des prix. Cependant, vous devez comprendre que les élus locaux et les maires entendent maîtriser l’urbanisme de leurs communes. Il faut donc trouver un équilibre entre l’exigence de liberté pour la concurrence et la nécessité pour les maires, qui sont élus au suffrage universel, de contrôler l’urbanisme commercial. Tels sont les termes du débat.

La majorité accepte donc de porter le seuil d’autorisation à 1 000 mètres carrés, mais elle souhaite, en contrepartie, que soient adoptés trois amendements, que nous avons fait voter en commission. Le premier crée un droit de préemption renforcée, qui permettra aux communes de préempter des terrains destinés à l’aménagement commercial, l’engagement du FISAC contribuant à amortir le coût de cette préemption. Le maire devra, dans le délai d’un an, préparer un projet alternatif de commerce de proximité. Il s’agit donc d’un instrument à la disposition du maire.

Le deuxième amendement, que nous avons déposé avec Mme Vautrin, offre au maire la possibilité de faire appel à l’autorité de concurrence lorsqu’il y a suspicion d’abus de position dominante. Nous sommes en effet contre les ententes et nous voulons pouvoir éviter ces pratiques déloyales, qui justifient une intervention forte de l’État. Il s’agit d’un amendement essentiel, qui confère un pouvoir considérable aux maires.

Le troisième amendement prévoit que, dans les villes de moins de 15 000 habitants – car le contexte rural est particulier –, le maire pourra saisir la commission départementale d’équipement commercial, la CDEC.

Ces trois amendements ont été votés ; la commission les soutiendra. Au cours du débat, nous nous sommes orientés vers une autre formule, à la demande du groupe UMP – et je remercie M. Piron, qui, avec M. Carré, Mme Vautrin et M. Poignant notamment, en est à l’origine. M. Ciotti vient également d’y faire allusion il y a quelques instants : pourquoi ne pas intégrer dans le code général de l’urbanisme l’ensemble des règles relatives à l’urbanisme commercial ?

M. Michel Piron. C’est le cas en Allemagne !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Pourquoi, en effet, ne pas procéder comme dans d’autres pays, où cela se passe très bien ? Plus de problèmes de seuil, de querelles, de recours : c’est le maire et le conseil municipal qui, dans les documents d’urbanisme – PLU et schémas de cohérence territoriale, qu’il faudra rendre compatibles –, régleront le problème une fois pour toutes. C’est une bonne idée ! Nous souhaitons nous engager dans cette voie. Un amendement en ce sens sera étudié ce soir par la commission, au titre de l’article 91.

La majorité vous propose donc une solution, madame la ministre, sur laquelle j’espère que nous parviendrons à nous mettre d’accord. Certes, plusieurs mois et de nombreuses concertations seront nécessaires pour créer de tels schémas commerciaux, mais, pendant cette période transitoire, les dispositions prévues dans les trois amendements que je viens d’évoquer s’appliqueront.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Voilà, grâce à cette nouvelle forme de coproduction, une avancée importante qui permet de favoriser la concurrence et la liberté, tout en permettant la protection et le contrôle de l’urbanisme, souhaités par les maires.

Mon temps étant passé,…

M. Jean-Pierre Brard. Votre temps de parole, seulement ! (Sourires.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur Brard, vous n’avez pas participé aux discussions que j’ai évoquées, car vous n’assistez pas aux réunions de la commission des affaires économiques. Que n’y venez-vous point ? Vous y êtes invité, si vous le souhaitez !

M. Jean-Pierre Brard. Je ne vous ai pas beaucoup vu en séance, la semaine dernière, lors du débat sur la réforme des institutions !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Venez discuter en commission avec nous jusqu’à trois heures du matin, plutôt que d’intervenir en séance sans l’avoir jamais fait sur le sujet. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Madame la ministre, je tiens à vous remercier. Votre majorité vous suivra sur la voie de l’audace et de la modernité, mais elle veillera à protéger le rôle des maires et des conseils municipaux en ce qui concerne le devenir de leurs communes. Il vous revient désormais de nous répondre sur l’équilibre auquel nous souhaitons parvenir. Je ne doute pas que vous le ferez et je vous en remercie par avance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Exception d’irrecevabilité

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le président de la commission, si parfois, en soulignant les contradictions internes à la majorité, nous vous aidons à vous mettre d’accord entre vous, cela ne veut pas dire pour autant que nous sommes d’accord avec vous.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je l’avais cru !

M. François Brottes. Je tenais à apporter cette précision, car votre expression pouvait paraître ambiguë.

Chaque fois que l’on veut faire évoluer les choses, on annonce une loi de modernisation. Notre assemblée a ainsi débattu, ces derniers temps, d’une dizaine de projets de loi de modernisation. Audiovisuel, fonction publique, sécurité civile, agriculture, énergie : tout y est passé, ou presque. Nous avons même examiné, en 2005, un projet de loi « pour la confiance et la modernisation de l’économie » – M. Lefebvre n’était pas parmi nous, mais il s’en souvient certainement. Cette fois, par humilité ou par lucidité, madame la ministre, vous nous présentez un nouveau projet de loi de modernisation de l’économie, mais sans y ajouter la confiance.

M. Christian Paul. Et pour cause !

M. François Brottes. Peut-être est-ce parce que la confiance de nos concitoyens dans votre politique économique s’étiole au fil des mois.

M. Jean-Pierre Brard. Elle s’est évaporée !

M. François Brottes. En effet, 67 % des Français jugent mauvaise la politique économique menée par le Gouvernement. Vous avez raison, ces Français-là connaissent un certain nombre des mesures que vous avez prises.

La notion de modernisation est avant tout une question de mode, d’opportunité ou de marketing. Si l’économie a été modernisée en 2005 – ce n’est pas si vieux – et qu’on la modernise à nouveau en 2008, cela signifie soit que la majorité de droite, qui dirigeait déjà le pays à cette époque, a échoué, soit que la vérité est ailleurs et que l’on prépare un changement plus profond en ayant l’air de ne pas y toucher.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. La modernité progresse vite !

M. Frédéric Lefebvre. La modernité, au PS, est-ce le libéralisme ?

M. François Brottes. S’agit-il d’une modernisation ou d’une rupture ? Si, pour être constructif, je retiens l’hypothèse d’une modernisation sincère, je me dis qu’il n’est pas idiot, en effet, de faciliter la création d’entreprises,…

M. Jean Dionis du Séjour. Ah !

M. François Brottes. … de réduire les délais de paiement, d’accroître les chances des PME d’obtenir des marchés publics,…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. François Brottes. … de simplifier certaines procédures lourdes qui nous imposent toujours plus de tracas, d’améliorer l’efficacité de l’usage de la clause de sauvegarde pour renforcer sa fonction préventive,…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous sommes d’accord !

M. François Brottes. … de se nourrir un peu plus de l’expérience fertile de certains pôles de compétitivité – n’est-ce pas, madame Fioraso ? Je me dis également qu’il était temps de créer enfin une véritable autorité de la concurrence ou de renforcer le rôle de la place financière de Paris. Et si, pour couronner le tout, on élargit l’accès au très haut débit, je me dis que le bonheur n’est pas si loin. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) En développant cette analyse complice, je suis sûr d’être intégralement cité par le Figaro magazine.

À l’inverse, si je porte sur votre projet de loi un regard moins naïf, ou plus aguerri,…

M. Christian Paul. Plus lucide !

M. François Brottes. … considérant qu’il s’agit plutôt d’une rupture du pacte économique et social de ce pays, je me dis qu’en favorisant le cumul permanent du statut de salarié et de celui de chef d’entreprise, votre texte marque l’entrée dans le nouveau Disneyland des rêves inaccessibles et dangereux où, après le « Tous propriétaires », on va créer l’illusion du « Tous patrons ». Tous propriétaires, tous patrons et… tous précaires : c’est ce que j’appelle le trépied bancal du Président de la République

Je me dis également que votre obstination et celle de votre majorité à effacer les seuils qui déclenchent le droit à la représentation organisée des personnels dans les entreprises est bien, sous prétexte de modernisation, un acte antisocial de plus, qui s’apparente à d’autres mauvais coups, comme la suppression de la durée légale du travail, la remise en cause du financement solidaire de l’assurance maladie ou le choix de taxes injustes plutôt que l’impôt progressif pour financer le budget de l’État.

M. Christian Paul. Ça, c’est pour M. Copé !

M. François Brottes. Je me dis aussi que la manière dont vous voulez conforter la position dominante de Michel-Édouard Leclerc et de quelques-uns de ses confrères confine à la provocation, puisque vous leur donnez, avec la négociabilité de leurs prix d’achat sans contrepartie, une arme de plus pour « étrangler » leurs fournisseurs, industriels et agriculteurs. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. C’est faux !

M. François Brottes. Je me dis enfin que la banalisation du livret A, contre laquelle vous vous étiez pourtant prononcés dans un premier temps, constitue finalement un joli cadeau aux banques qui, de fait, mettra en péril la pérennité du financement du logement social et accentuera l’exclusion des plus pauvres de l’accessibilité bancaire.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis de la commission des finances. C’est encore faux !

M. François Brottes. Je conviens qu’une telle analyse risque de ne pas être intégralement reprise par le magazine que j’ai cité tout à l’heure.

Si j’avais mauvais esprit, je soulignerais – sans vouloir refaire le match – à quel point le titre de votre projet de loi conviendrait tout aussi bien à un ouvrage à la mode ou à l’éditorial d’un économiste à la page, c’est-à-dire plein de certitudes sur la nécessité de tout moderniser.

Eh oui, les temps sont durs ! Et, quand tout semble fichu, autant moderniser, en cette période de pensée unique pour laquelle tout ce qui relève du service public, les acquis sociaux, les valeurs d’humanisme, de générosité et de solidarité construites au fil des luttes sociales – le plus souvent par la gauche – est archaïque ou ringard.

Je suis résolument de ceux qui considèrent que le marché ne peut pas tout régler et que, le plus souvent, il se contente d’appliquer la loi du plus fort, qui, de situation dominante en situation dominante, constitue des monopoles privés sur lesquels les États finissent par ne plus avoir de prise.

Je suis de ceux qui considèrent que l’humanisme est une valeur qui ne peut « copiner » avec l’absence de vertu sociale – j’aurai même l’audace de dire : socialiste.

Je suis de ceux qui considèrent que l’anéantissement des règles du jeu économiques, fiscales et sociales constitue un risque majeur pour la dignité de l’homme.

Je suis de ceux qui considèrent que l’État ne doit pas se déposséder de tous moyens d’action, pour mener une politique volontariste au plan éducatif, culturel, social, industriel ou environnemental.

Je suis de ceux qui ne confondent pas le mot « liberté » – dont Eluard « écrivait le nom » – avec le mot « libéral », qu’utilisent les économistes et qui, lui, n’accorde de liberté qu’aux plus fort et aux plus puissants.

M. Frédéric Lefebvre. Pas Delanoë !

M. François Brottes. La modernité ne change rien à l’affaire, surtout lorsqu’elle annonce toujours le pire. La loi de la jungle économique écrase le faible et détruit sa capacité de révolte et d’indignation. Lorsque le pouvoir d’achat baisse et vous oblige à choisir entre manger et dormir, lorsque les usines qui ferment les unes après les autres – cinq en un an dans ma circonscription – bouchent votre horizon et vous privent du droit de ne pas faire la charité, lorsque le rouleau compresseur de la raison du plus fort vous agresse jour après jour, bien sûr ce n’est pas tout à fait la guerre, mais cela y ressemble un peu.

Au risque d’insister, j’estime que le poème d’Eluard, qui est un hymne à la vie, à la plénitude de tous les instants d’une vie d’homme, écrit dans une période sombre de notre histoire, prend aujourd’hui tout son sens :

« Et par le pouvoir d’un mot

Je recommence ma vie

Je suis né pour te connaître

Pour te nommer

Liberté. »

Liberté de retrouver l’espoir et de combattre ce que le pouvoir d’aujourd’hui nous présente souvent comme inéluctable ; liberté d’expression ici, liberté d’indignation et de colère – parfois dans la rue.

Plutôt que LME – loi de modernisation de l’économie –, ce texte devrait s’appeler LMI. Plus qu’un clin d’œil, il s’agit de mettre les bons mots sur la réalité que nous promet votre texte, qui devrait en effet s’intituler « loi de modernisation des illusions ».

Prenons la création de ce nouveau statut d’entrepreneur : un peu salarié, un peu retraité. C’est en réalité un encouragement à externaliser les salariés et à considérer, demain, les collaborateurs des entreprises comme des sous-traitants « indépendants », dont on pourra très facilement se débarrasser.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis de la commission des finances. C’est complètement faux !

M. François Brottes. Parce qu’au salaire minimum vous préférez le service minimum, parce qu’au mot « sérénité », attaché aux contrats à durée indéterminée, vous préférez celui de « vulnérabilité », attaché aux « contrats de mission ou de projet », avec cette nouvelle invention du « Tous patrons », vous confirmez votre logique, qui consiste à faire rêver les gens sur des chimères, en leur laissant croire que plus ils seront malléables et corvéables à merci, mieux l’économie se portera.

Pardonnez-moi de vous le dire sans ambages, mais après l’épisode du « Tous mobiles » – pour trouver du boulot –, tourné, car vous n’êtes pas à une contradiction près, juste avant l’épisode du « Tous propriétaires » – tous endettés donc –, voilà donc celui du « Tous patrons ». Vous êtes bien en train de réaliser un remake de La Grande illusion !

Quant à l’idée selon laquelle la rémunération doit être constituée de primes d’intéressement plutôt que d’un salaire fixe et régulier, si c’est une aubaine pour l’entreprise, c’est, pour le salarié, une galère ou une angoisse.

Prenons ensuite les dispositions de ce texte qui consistent à supprimer ou modifier le nombre de salariés servant de seuil pour l’instauration de délégués du personnel ou pour les contributions à la construction de logements, à la formation ou aux transports collectifs. C’est là l’illusion de la simplification administrative au service d’une logique de rupture du pacte social, dans le droit-fil de la suppression annoncée de la durée légale du travail et de l’instauration de l’obligation de travailler le dimanche, chère à notre collègue Mallié, et dont nous allons prochainement débattre. Je parle d’obligation car chacun sait qu’une fois la porte ouverte, le travail du dimanche ne différera plus de celui du lundi : c’en sera fini des primes particulières et de l’appel au volontariat, puisque ce sera devenu un jour de travail obligatoire, un jour comme les autres.

Par ailleurs, ces mesures non compensées par l’État vont coûter cher aux collectivités locales, qui, une fois de plus, devront assumer les financements à la place de l’État dans bien des cas, ce qui permettra à M. Karoutchi et à ses amis de l’UMP de sortir le tome 2 du Livre noir des régions.

Derrière le rideau de fumée entourant les questions souvent incompréhensibles des « marges arrière » ou des « surfaces de vente » à partir desquelles se déclenche une obligation de demande d’autorisation d’implantation de grande surface commerciale, vous entretenez soigneusement l’illusion d’une baisse des prix et d’une amélioration du pouvoir d’achat. Vous organisez en fait un faux-semblant de concurrence redynamisée : en effet, il n’y a rien dans ce texte – et ce n’est pas le rapporteur qui me démentira – qui s’attaque réellement au monopole territorial de certains grands distributeurs et de leurs hard discounters associés.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Il conviendrait donc de déposer un amendement en ce sens !

M. François Brottes. Il n’y a rien, dans ce texte, qui s’attaque réellement à la superpuissance des quatre ou cinq grandes centrales d’achat qui font la pluie et le beau temps en se ménageant les unes les autres ; il n’y a rien dans ce texte qui s’attaque à l’opacité, et parfois l’indécence des méthodes utilisées à rencontre des fournisseurs pour qu’ils soient référencés par ces centrales d’achat.

M. Jean-Paul Charié. Si !

M. François Brottes. Enfin, vous continuez à accréditer l’illusoire formule entendue dans la bouche d’une responsable héraultaise de l’UMP au soir des élections présidentielles : « avec notre nouveau Président, tous les pauvres deviendront riches. »

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. C’est mieux que le contraire !

M. François Brottes. Là encore, nous sommes servis, car vous allez continuer à faire payer les plus pauvres pour compenser les milliards d’impôts que vous ne voulez plus faire payer aux plus riches depuis le vote du « paquet fiscal » !

M. Lionel Tardy. Caricatural et hors sujet !

M. François Brottes. Cela a commencé avec les franchises médicales, cette fameuse taxe constituant une « double peine » sur la santé des malades (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.), car non seulement ceux-ci doivent payer pour se soigner, mais ils doivent aussi payer pour soigner les futurs malades – souvenez-vous, les franchises doivent financer le plan Alzheimer, – et l’augmentation incessante et insupportable des prix de l’énergie (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), notamment pour que GDF et EDF versent à l’État des milliards d’euros de dividendes collectés au détriment du pouvoir d’achat des consommateurs.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Ce n’est pas le sujet !

M. François Brottes. Comment ? Le pouvoir d’achat n’est pas le sujet ?

Il en va de même du surplus de TVA collecté grâce à l’augmentation de l’essence à la pompe : cela va toujours dans les mêmes poches et sert toujours les mêmes !

M. Jean-Pierre Brard. Exactement ! Total !

M. François Brottes. Une fois de plus, pour faire table rase des acquis du passé, vous engagez la banalisation du livret A, qui va rapporter de nouveaux bénéfices à toutes les banques alors que la vocation de ce livret était, d’une part, de garantir le financement du logement social et, d’autre part, de servir de support à une épargne populaire, qui constituait pour près d’un million de nos concitoyens le seul moyen de disposer d’une accessibilité bancaire.

Forcément, avec un texte de loi qui rassemble autant de mesures disparates qu’il y a de camionnettes bariolées dans la caravane du tour de France, j’ai dû mettre en exergue ce qu’il y avait de plus criant, ce qui ressemblait le plus à du « dopage antisocial ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Très juste !

M. François Brottes. J’admets bien volontiers que la France a besoin d’une politique économique forte et ambitieuse pour relancer une croissance atone, conforter des exportations déficientes qui plombent notre balance commerciale, réduire notre déficit public, dynamiser nos territoires, créer des emplois et donner plus de pouvoir d’achat aux Français. Mais le MEDEF lui-même – et le président Ollier peut en témoigner – ayant reconnu en commission que ce texte n’était pas un texte fondateur, je n’ai aucun scrupule à le démontrer à mon tour.

Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il nous faut trouver des solutions, être imaginatifs et audacieux pour répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens et préparer un avenir meilleur à nos enfants. Convenez que la perspective de devoir travailler plus longtemps et même le dimanche ne constitue ni une motivation digne ni une perspective enthousiasmante ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Les enjeux sont importants, car tous les voyants sont au rouge : le chômage des jeunes ne cesse de progresser ; 80 % de nos concitoyens constatent cruellement, lors de leur passage en caisse, une baisse cruelle de leur pouvoir d’achat depuis un an ; les prix de consommation courante explosent, avec une hausse moyenne de 5 % pour les produits alimentaires et des pics sans précédents pour les produits les plus courants comme les produits laitiers.

M. Lionel Tardy. Qu’auriez-vous fait ?

M. François Brottes. La hausse du prix de l’énergie – à laquelle celle du pétrole sert souvent de faux prétexte – n’y est pas étrangère : plus 5 % l’année dernière pour l’électricité, plus 40 % pour le gaz en deux ans, plus 10 %, si ce n’est davantage, pour l’électricité destinée aux industriels. Les charges énergétiques dans certains secteurs deviennent insupportables : il en va ainsi de la papeterie – où le coût de l’énergie représente 20 % des charges fixes – et de tous les électro-intensifs – chimie, aluminium, acier – où, désormais, les seules primes en vigueur sont des primes de licenciement !

Parallèlement, le dernier rapport de la COFACE fait apparaître une nette dégradation de la situation financière des entreprises, dont témoigne, pour 2008, la progression sans précédent des incidents de paiement : plus 45 % par rapport à la même période de l’an dernier. Nous sommes entrés, suite à la crise du crédit américain accompagnée de « l’effet Kerviel », dans une phase de durcissement de l’accès au crédit bancaire. S’y ajoutent les facteurs de hausse des prix des matières premières et de l’énergie, l’appréciation des devises et une concurrence féroce.

Les défaillances d’entreprises se multiplient également, et les premiers signes de faiblesse apparaissent dans les secteurs liés à la consommation. Et la hausse des créations d’entreprises, dont beaucoup constituent une bouée comme alternative au chômage, n’est en rien rassurante. Car si la France crée de nombreuses nouvelles entreprises chaque année, bien peu survivent avant de passer le cap périlleux des cinq ans, et les PME sont rares à dépasser le seuil mature de la « moyenne entreprise ».

Face à cette situation alarmante, permettez-moi de vous dire, de façon un peu triviale, que nous attendions « du lourd » ! Quelle déception : ce projet de loi est tout sauf le grand rendez-vous annoncé ! En moins d’un an, après la loi TEPA de juillet 2007, la loi sur le développement de la concurrence de fin 2007, la loi sur le pouvoir d’achat de janvier 2008, voici une quatrième loi à dimension économique à l’intitulé faussement ambitieux. Force est de constater que vous avez grillé toutes vos cartouches, en particulier l’été dernier, en votant le fameux « paquet fiscal » et son programme de baisses d’impôts ciblées sur les catégories sociales les plus aisées. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Gosnat. En effet, 15 milliards d'euros !

M. François Brottes. Ça, c’était « du lourd » ! De l’ordre de 15 milliards d’euros de pertes de recettes fiscales pour l’État chaque année, soit près de 1 % du PIB !

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis de la commission des finances. Arrêtez, c’est insupportable !

M. Jean Auclair. Et les 35 heures, combien ça coûte ?

M. le président. Allons, mes chers collègues, laissez terminer M. Brottes !

M. François Brottes. Quelques semaines après ce vote idéologique de la baisse d’impôts pour les plus riches, le Président de la République avouait lui-même : « Les Français n’attendent pas que je distribue des cadeaux de Père Noël car ils savent bien qu’il n’y a pas d’argent dans les caisses. » Tout le monde a bien compris que s’il n’y a plus d’argent dans les caisses,…

M. Pierre Gosnat. C’est qu’elles ont été vidées !

M. François Brottes. …c’est que tout a déjà été distribué, souvent aux mêmes, qui ne sont pas les plus nombreux !

M. Christian Paul. Eh oui !

M. François Brottes. Mais la magie de cette politique distributive au profit exclusif des plus hauts revenus n’a pas pris, le « choc de confiance » n’a pas eu lieu. L’argent des impôts qui manque n’a pas été réinjecté dans l’économie et l’emploi.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. C’est faux !

M. François Brottes. Au contraire, l’impact des heures supplémentaires reste très marginal pour la majorité des salariés concernés, les ménages préfèrent épargner quand ils le peuvent, leur pouvoir d’achat n’augmente pas compte tenu de la hausse des prix, le déficit commercial bondit – plus 9 milliards d’euros en un an –, et les analystes prédisent que, pour la première fois depuis 1984, le revenu moyen des Français va baisser.

Dans ce contexte, le plus grand nombre de nos concitoyens attend toujours l’impulsion promise. Face à l’inflation sans précédent des prix des produits de consommation de base, il y a pourtant des solutions simples, que nous vous avons proposées à plusieurs reprises. La première est la baisse de la TVA, l’impôt le plus injuste car payé indistinctement par tous les Français, sur les produits alimentaires et les biens de première nécessité.

M. Jean-Pierre Brard. Tout à fait !

M. François Brottes. Cela aurait pour effet de dynamiser les ventes sur des marchés à forte tension et de soulager le porte-monnaie des ménages.

M. Jean Auclair. Bien sûr, monsieur « Y a qu’à » !

M. François Brottes. Il y a aussi la taxation des superprofits de Total, qui se constitue une véritable rente de bénéfices avec la hausse constante du prix du baril de pétrole : 12 milliards d’euros de résultats nets en 2006, 13,2 milliards en 2007 !

Au lieu de cela, que nous proposez-vous pour relancer la croissance et remploi, pour rendre du pouvoir d’achat aux Français ? Une série de mesures sans véritable lien entre elles, qui vont de l’anecdotique au sacrilège. Certaines, je l’ai dit au début de mon intervention, sont utiles ; mais voilà la vérité pour d’autres : vous passez à côté de l’essentiel.

Vous dites, madame la ministre, avoir augmenté la TACA – taxe sur les grandes surfaces – pour aider le commerce de proximité. Mais sur les 650 millions d’euros que rapporte la TACA à l’État, vous projetez, pour donner un nouveau souffle au commerce de proximité, de n’allouer que 100 millions d’euros au FISAC, le fonds à destination des petits commerces.

M. Jean Auclair. Ce n’est pas vrai !

M. François Brottes. Voilà un beau mensonge, une belle hypocrisie ! Tant que l’État continuera de capter l’essentiel du produit de cette taxe, nulle révolution n’est à attendre dans le secteur de l’artisanat et du petit commerce, qui font pourtant vivre nos cœurs de ville et nos villages.

Dans un autre domaine, le pré-câblage en fibre optique des nouvelles constructions constitue une ambition trop limitée pour envisager avec volontarisme les modalités de l’accès au très haut débit, par tous moyens, sur l’ensemble du territoire.

En ce qui concerne le livret A, Bruxelles a bon dos, une fois de plus ! Je vous avais personnellement prévenus – le président Ollier s’en souvient certainement – lors du débat sur la loi de régulation postale, en prédisant que « banaliser » la banque postale allait entraîner une mise en demeure par la Commission européenne de banaliser le livret A. À l’époque, M. Proriol rapporteur du texte, et quelques autres députés UMP m’avaient reproché d’exagérer et de « voir le mal partout ». Nous y sommes pourtant, chers collègues, et vous étiez prévenus ! La banalisation du livret A nous est aujourd’hui imposée ! Je suis certain que si la Banque postale était restée à 100 % publique, avec des missions de service public clairement établies, Bruxelles aurait eu un autre regard sur le fait qu’elle reste quasiment la seule à distribuer le livret A. Ainsi, le financement du logement social et l’accessibilité bancaire des plus démunis auraient été garantis, ce qui ne sera plus le cas après le vote du présent texte.

La réforme des périodes de soldes, dont deux semaines sur les douze actuellement permises seraient librement choisies par les commerçants, n’aurait rien de bien inquiétant si, conjointement, le droit de revente à perte n’était pas autorisé. Le risque d’opérations de dumping est bien réel. Les importateurs de produits asiatiques iront à la curée, tandis que nos industries paieront le prix fort en termes de pertes d’emplois.

Enfin, certaines de vos propositions sont parfaitement inacceptables. Je pense aux dispositions permettant l’obtention d’une carte de résident de dix ans en cas de « contribution économique exceptionnelle à la France », qui dénote une vision utilitariste gênante, voire une forme de « peopolisation » de la politique d’accueil française, puisque la notoriété deviendrait l’un des critères recevables pour ce nouveau droit d’exception. Une curieuse conception du droit d’asile ! (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Mme Danièle Hoffman-Rispal et Mme Marylise Lebranchu. Très juste !

M. François Brottes. Je pense aussi à la batterie d’ordonnances visant à légiférer, sans débat parlementaire, sur des questions-clefs comme la dépénalisation du droit commercial – rien de moins – ou sur les compétences et moyens de la nouvelle Autorité de la concurrence.

Mais revenons au fer de lance de ce projet de loi : la réforme des règles d’implantation et des relations commerciales dans la grande distribution, sur laquelle il semble qu’un accord soit intervenu ce matin entre le groupe UMP et le Gouvernement – comme, du reste, pour l’action de groupe. Que devons-nous en attendre de positif ? À vous écouter, et à condition d’appliquer la méthode Coué, puisqu’aucune étude d’impact sérieuse de ces mesures n’a été présentée aux parlementaires, comme cela est théoriquement obligatoire, il est permis d’espérer un gain de 0,3 point de croissance et une baisse de l’inflation dès la première année. Mais en matière de relations commerciales, c’est moins une histoire de mieux-offrant ou de mieux-disant, que l’histoire du pot de terre contre le pot de fer !

Nous sommes tous d’accord pour revenir sur les effets pervers issus de la loi dite Galland, qui a instauré le système des marges arrière, source d’opacité et de rémunération de services fictifs dissimulant des réductions de prix non négociés à l’avant, mais aussi et surtout une hausse des prix payés par les consommateurs, en particulier pour les grandes marques. Tout le monde convient aujourd’hui qu’il faut supprimer les marges arrière, qui ont passablement gonflé ces dernières années.

Pour mémoire, je rappellerai que le groupe socialiste avait proposé, dès juillet 2005, de faire disparaître les marges arrière en trois ans. À l’époque, nous n’avons pas été suivis, mais je constate que nous y venons, presque exactement trois ans plus tard !

Doit-on pour autant s’en féliciter ? Si l’on fait la balance des réformes proposées, tout devient clair : comme je l’ai déjà dit, la suppression des marges arrière n’est qu’un rideau de fumée.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. C’est faux !

M. François Brottes. Si à l’époque, j’avais dénoncé une « marche arrière sur les marges arrière », je dois dire qu’aujourd’hui, vous opérez une véritable charge forcée contre la non-négociabilité équilibrée et sincère des prix. Avec votre dispositif, il n’y a plus de rempart contre la toute-puissance des centrales d’achat.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. C’est faux !

M. François Brottes. Le combat est inégal : les grands distributeurs représentent jusqu’à plus de 50 % du chiffre d’affaires des petits producteurs, alors que ces fournisseurs représentent 0,5 % du chiffre d’affaires des distributeurs.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Ça, c’est vrai !

M. François Brottes. Or, vous ne prévoyez aucune contrepartie globale et vérifiable à la libre négociabilité des prix.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. C’est faux !

M. François Brottes. Mais si, monsieur le rapporteur. Regardez le texte !

De la même façon, vous ne prévoyez pas de supprimer les abus dans les pratiques commerciales. Il faudrait pour cela abolir le système de référencement opaque et parfois, j’ose le dire, un peu mafieux ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. C’est vrai !

M. François Brottes. En fait, votre texte se contente d’honorer la commande que Michel-Édouard Leclerc a passée au Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. C’est faux !

M. François Brottes. J’ai ici le compte rendu des auditions de M. Leclerc et de M. Mulliez – dirigeant d’Auchan – juste avant l’examen de la loi Chatel de janvier 2008. La commande était très claire : « il convient de pouvoir prochainement négocier les tarifs et les conditions générales de vente. Il faut également supprimer les marges arrière dans le cadre d’un contrat unique ».

Résultat : les distributeurs emportent la mise. Tel quel, ce projet de loi aura donc pour conséquence de mettre en difficulté les fournisseurs – producteurs et petites et moyennes entreprises –, au bénéfice exclusif des marges des hypermarchés, lesquels, par ailleurs, resteront solidement campés sur leurs positions territoriales, sans que l’on remette en cause la concentration verticale des centrales d’achat.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Pourquoi les producteurs et les fournisseurs sont-ils d’accord ?

M. François Brottes. Si certains producteurs et fournisseurs n’osent plus parler aujourd’hui, c’est par peur de représailles sur les référencements ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Ça, j’en ai déjà parlé !

M. François Brottes. Partons du constat de base dressé par la commission Attali : quatre groupes de grande distribution représentent 66 % du marché français, 87 % des bassins de consommation sont peu ou pas concurrentiels. Cela est confirmé par un avis du Conseil de la concurrence du 11 octobre 2007, qui révèle qu'au niveau départemental, il existe une concentration commerciale excessive, sources de situations de positions dominantes locales, de nombreuses zones du territoire ne connaissant qu'une seule ou deux enseignes. Ainsi, 6 % des hypermarchés détiennent plus de 25 % de la surface de vente cumulée au sein d’un même département. De plus, même lorsqu'il existe plusieurs enseignes différentes dans une zone de chalandise, il s'agit souvent du même groupe, comme le montre une analyse récente de l'UFC – Que choisir.

Que proposez-vous ? Rien de très ambitieux. Avec l’accord auquel vous êtes parvenu au sein de votre majorité sur le relèvement de 300 à 1 000 mètres carrés du seuil de déclenchement de la procédure d'autorisation préalable d'ouverture, vous ouvrez seulement la vanne du hard discount. Quelle innovation : nous voici revenus à 1996 !

À l'heure du Grenelle de l'environnement, vous tournez littéralement le dos à des paramètres essentiels à la qualité de vie tels que la pollution, les déplacements, la préservation des espaces, la revitalisation des cœurs de ville ou la qualité des paysages.

Quels espoirs fonder, en termes d'emploi, sur une telle politique ? Bien peu. Il est prouvé qu'un emploi créé dans la grande distribution entraîne la disparition de six à sept emplois dans le commerce de proximité. Pourtant le commerce de quartier ou de village représente 53 % des salariés du commerce, avec près de 1,7 million d'emplois.

Alors que proposons-nous face à ce flot de déréglementations, qui n’a rien d’irraisonné de votre part ?

Tout d'abord, pour parer aux abus de positions dominantes et instaurer une concurrence réelle entre les grands et moyens commerces, il importe d’établir, je l'ai déjà évoqué, d’indispensables contreparties à la déréglementation des conditions générales de vente. Et nous en sommes loin avec ce texte.

En outre, si l'on souhaite vraiment laisser jouer la concurrence dans la grande distribution, il est nécessaire que les élus conservent des moyens de contrôle. Pour les secteurs se trouvant en dehors des aires urbaines, nous sommes favorables au maintien des commissions départementales d’équipement commercial rénovées. C'est pourquoi nous ne pouvons souscrire au relèvement du seuil pour les autorisations d’implantation : il doit rester fixé à 300 mètres carrés. En revanche, pour les zones dotées de schémas de cohérence territoriale – les SCOT –, opposables aux plans locaux d'urbanisme, il s'agira de laisser à l'établissement public en charge de la gestion des SCOT le soin de définir les règles en matière d'implantation commerciale, car c'est territoire par territoire qu'il faut reconsidérer les choses.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. C’est juste !

M. François Brottes. Par ailleurs, il est indispensable de donner à la nouvelle autorité de la concurrence des moyens efficaces et coercitifs pour réguler et sanctionner les abus.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Cela sera fait !

M. François Brottes. Elle doit être dotée d’un pouvoir d'investigation et de contrainte, notamment lorsqu'une position dominante est avérée sur un territoire. Grâce à la création d’un dispositif anti-trust, elle doit réguler le couple infernal formé par les centrales d'achat et les surfaces de vente et de distribution.

Où est donc la logique de votre texte ? Vous vous limitez à la partie émergée de l'iceberg. Les centrales d'achat, pourtant au cœur du problème, constituent l'angle mort de votre loi !

Remettons les choses au clair : en France, cinq grandes centrales d'achat négocient 90 % des ventes. Il est bien connu que les concentrations opèrent une pression d'autant plus forte sur les fournisseurs que les possibilités de faire des économies d'échelle sont élevées. Il n’est qu’à se rappeler le rapprochement des centrales d'achat de Leclerc et de Système U, qui s’est soldé par le prélèvement d'une dîme de 2 % de remise supplémentaire auprès de leurs fournisseurs, soit quelques centaines de millions de francs à l’époque. Ayons bien en tête que les centrales d'achat exigent l'alignement sur la centrale la mieux traitée, autrement dit l'alignement sur le prix le plus bas : le « plus mal vendu » devient la norme. Cette logique contraint les fournisseurs à toujours produire moins cher et finit par comprimer les moyens dont disposent industriels et sous-traitants. C'est un encouragement aux suppressions d'emplois et aux délocalisations et une restriction apportée au choix d’un employeur pour les salariés de la distribution.

Si l'on ne s'attaque pas à cette concentration verticale de la grande distribution, la concurrence que vous prétendez développer restera sans effet. Nous proposons que l'autorité de la concurrence aient les moyens de contraindre une centrale d'achat à vendre l'une de ses enseignes, dès lors qu'elle possède plus de 25 % du marché dans une zone de chalandise.

Mme Marylise Lebranchu. Bravo !

M. François Brottes. Ainsi, les nouveaux acteurs de la distribution pourront réellement entrer dans le jeu. Mme Lagarde obtiendrait alors gain de cause, et j’imagine qu’elle soutiendra nos amendements déposés en ce sens.

Nos propositions visent également à combler les grandes lacunes de votre texte en matière de pouvoir d’achat. Compte tenu de la part croissante des dépenses liées aux télécommunications dans le budget des ménages – ce dont M. Chatel est bien conscient – et de la pléthore de contentieux en ce domaine, vous teniez l’occasion de donner enfin aux consommateurs les moyens de mieux défendre leurs intérêts en instaurant une action de groupe à la française mais vous n’en avez pas profité.

M. Christian Paul et Mme Marylise Lebranchu. Très juste !

M. François Brottes. Cette mesure que nous réclamons depuis longtemps est reportée de texte en texte par votre majorité. Ce sera encore le cas cette fois-ci.

Voici, pêle-mêle, les occasions que vous avez manquées et que nous vous proposerons de rattraper en acceptant nos amendements : l'encadrement des clauses abusives ; la lutte contre les ventes forcées, notamment dans les secteurs de l'informatique ou des télécommunications ; l’instauration de mesures fortes pour lutter contre le surendettement ; la création d'un véritable service universel bancaire ; la création d'un observatoire des prix mais aussi des marges.

Afin de relancer l'économie et la croissance, nous devons répondre aux difficultés réelles rencontrées par les très petites entreprises, les petites et moyennes entreprises et les petites et moyennes industries pour subsister et croître, notamment à l'international. Ainsi, en complément de la réduction des délais de paiement, nous estimons que vous auriez pu prévoir des mesures destinées à faciliter leur accès au crédit. Avant de songer à faciliter la création de nouvelles entreprises, il faut d’abord pérenniser les 2, 2 millions de TPE et les 2, 1 millions de PME françaises. Nos PME représentent 59 % de l'emploi salarié et 63 % de l'emploi total – y compris non salarié –, 53 % de la valeur ajoutée, 23 % des exportations et 36 % de l'investissement corporel. Nos TPE, quant à elles, représentent 63 % de la valeur ajoutée et les deux tiers des effectifs des PME. Il s’agit là d’un formidable potentiel de développement économique à exploiter et conforter. Or vous ne donnez pas de signal pour aider les TPE à se développer. Il convient d'être plus ambitieux en créant de véritables fonds de capital risque et en constituant un puissant fonds d'investissement – que nous pourrions nous aussi dénommer « fonds souverain ».

Il n’y a rien non plus dans le texte pour permettre aux entrepreneurs qui lancent leur activité, notamment dans les secteurs très techniques, de trouver un assureur pour les accompagner dans leur démarche alors que la réglementation l'exige. Le droit à l'assurance doit être garanti, sinon certaines activités ne pourront être créées alors même que la demande est forte – je pense en particulier au secteur du bâtiment et des travaux publics.

Votre principe du « pas de profit, pas de charge » doit être encadré pour rester ciblé sur les seules entreprises qui démarrent une activité. Nous proposerons également de limiter ce dispositif dans le temps afin d’éviter tout abus.

Mais la plus grande lacune de votre projet de loi, c’est le prix de l'énergie, pourtant fortement responsable des difficultés des entreprises et des ménages. Nous sommes au cœur du problème car il s’agit d’un élément majeur des charges qui pèsent sur les entreprises et des ménages. Alors pourquoi ne pas profiter de ce texte pour prolonger le TaRTAM, tarif réglementé d’ajustement du marché destiné aux industriels ? Nous vous proposerons de relever ce défi.

Enfin, s’agissant du haut débit, vous devez être plus offensif. Votre projet comporte quelques mesures utiles, certes, mais le dividende numérique dégagé par l'extinction programmée de l'analogique pour la diffusion télévisuelle nous offre une possibilité de mieux irriguer tout le territoire en très haut débit qu’il faut mettre à profit.

Pour conclure, au lieu du grand soir promis, …

M. Jean-Pierre Brard. C’est le petit matin, et encore !

M. François Brottes. … nous restons sur notre faim, et les entrepreneurs aussi !

Ce texte est décevant, mais il est surtout déséquilibré. Je vous pose la question sans détour : pourquoi ne pas nous donner les moyens d'atteindre des ambitions que nous partageons ? Pourquoi ne pas accepter certains de nos amendements ? Depuis un an, il est vrai, vous nous avez habitués aux réformes hâtives et compulsives, mises en œuvre pour remédier à la crise du pouvoir d'achat et pour satisfaire les exigences de communication du Président de la République. Mais pour répondre aux enjeux économiques et sociaux auxquels notre pays est confronté avec angoisse, il nous faudrait, plutôt qu'une modernisation de l'économie au rabais, une vraie politique en faveur de l'emploi et une politique industrielle au service d’une croissance durable. De telles politiques ne s’improvisent pas. Elles ne se conduisent pas non plus par à-coups, tous les trois mois, en l’absence de toute étude d'impact sur les réformes précédentes ou à venir. Les décrets de la loi Chatel sont à peine imprimés que vous voulez déjà aller plus loin.

Délibérer dans ces conditions n'est pas responsable, pas plus que de renvoyer, par voie d’ordonnances, aux experts des ministères le soin d'élaborer les dispositions clefs du texte. Cela constitue un déni de démocratie.

Pour toutes ces raisons de fond et de forme, nous vous invitons à reconnaître avec nous qu’il s’agit d'un texte irrecevable. À vouloir trop étreindre, on embrasse mal ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. On peut voir les choses comme ça !

M. François Brottes. Acceptez d’arrêter la course à la réformette. Cessez de pratiquer la dérégulation sociale par pure idéologie.

À défaut de plaider pour une irrecevabilité constitutionnelle de ce projet de loi – d'ailleurs à quelle aune serait mesurée sa constitutionnalité alors que nous sommes en train de modifier la loi fondamentale –, j'ai voulu ici plaider pour son irrecevabilité sociale, économique, territoriale, et donc politique.

M. Christian Paul. Quel brillant avocat !

M. François Brottes. Certains diront que ce texte est plus indécent et inconséquent qu’irrecevable, mais notre règlement ne nous autorise pas encore à voter des motions d'inconséquence. C'est la raison pour laquelle je vous invite, mes chers collègues, à adopter cette motion d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Monsieur Brottes, je vais vous répondre très brièvement car je sais que nous aurons des débats plus techniques à l’occasion de la discussion des articles sur les divers points que vous avez abordés.

De façon générale, je dirai : hors sujet, un peu sur toute la ligne !

M. Jean-Pierre Brard. Voilà qui est bien professoral !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Heureusement que vous avez évoqué la Constitution dans votre conclusion et le caractère que vous vouliez donner à votre exception d’irrecevabilité car l’ensemble de votre démonstration, pour brillante qu’elle a été, n’a pas eu grand-chose à voir avec la constitutionnalité du texte.

Hors sujet encore en ce qui concerne les aspirations des Français. Vous semblez faire fi du fait que plus de 60 % d’entre eux veulent se mettre à leur compte en créant leur entreprise et que plus de 86 %, si l’on en croit un récent sondage, font confiance à la concurrence pour faire baisser les prix.

Hors sujet aussi pour ce qui est des finances publiques. Imaginer qu’en baissant la TVA, on peut relancer la croissance économique, c’est méconnaître les impératifs de rigueur auxquels nous nous sommes astreints, de manière déterminée et volontaire, dans la gestion des finances publiques.

M. Christian Paul. Que n’y avez-vous songé pour le paquet fiscal !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Pour toutes ces raisons, je ne puis abonder dans votre sens. C’est avec la plus grande véhémence que je m’oppose à votre motion, au nom même du principe de liberté. Principe que nous appliquons pour permettre aux Français de se mettre à leur compte et aux entrepreneurs de briser dans des conditions souples l’omerta de la concurrence. Il n’a d’ailleurs rien d’incompatible avec le libéralisme économique, libéralisme dont certains de vos leaders se réclament dans leurs professions de foi. Le libéralisme, ce n’est ni la jungle, ni le zoo et ses barrières, mais un espace régulé que je comparerai, pour employer une analogie horticole, à un parc.

M. Jean-Pierre Brard. À l’anglaise ou à la française ?

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Le libéralisme consiste à réguler le comportement des acteurs économiques dans un souci de transparence et de liberté.

En vertu de ces principes que je revendique, …

M. Jean-Pierre Brard. « En vertu » : il ne faut pas exagérer !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. …je m’élève contre cette exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote sur l’exception d’irrecevabilité, la parole est à M. Serge Poignant, pour le groupe de l’UMP.

M. Serge Poignant. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, M. Brottes aurait dû nous démontrer que le texte était irrecevable parce qu’il était inconstitutionnel. Mais il n’en a rien fait, comme il l’a lui-même reconnu.

M. François Brottes. Je l’ai dit. Trouvez d’autres arguments !

M. Serge Poignant. Malgré un talent indéniable, il s’est résolument placé dans une démarche purement politicienne. Ce faisant, il ne nous a nullement convaincus, …

M. Jean-Charles Taugourdeau. Pas du tout !

M. Serge Poignant. … s’agissant d’un sujet aussi crucial pour la vitalité de notre économie.

S’il a d’abord reconnu avec raison quelques vertus au texte, il l’a ensuite critiqué, lui trouvant tous les défauts politiques. Sur un texte essentiel pour tous ceux qui tentent d’entreprendre et de créer de la richesse et des emplois, nous aurions espéré que l’opposition fasse preuve d’un esprit plus constructif. Mais la position qui a été exprimée est malheureusement dans la ligne de celles déjà défendues à l’occasion des projets de loi Jacob, Dutreil et Chatel.

Relancer durablement la croissance de notre pays et parvenir au plein emploi, telle est l’ambition du Président de la République et du Premier ministre, que nous partageons. Adopter un plan européen d’action pour les petites est moyennes entreprises à l’issue de la présidence française de l’Union européenne, tel est l’objectif de la France, déterminée à actionner tous les leviers de la croissance.

À cet égard, madame la ministre, les chiffres de la fin de l’année 2007 que vous nous avez rappelés sont encourageants en termes de croissance et de taux de chômage, puisque ce dernier a rejoint le niveau de 1983 et que le nombre de créations nettes d’emplois marchands et non-marchands a atteint, l’année dernière, 352 000. Vous avez voulu renforcer cette dynamique, et je me réjouis du projet de loi que vous nous présentez.

Un travail de fond a été effectué pour aboutir à un projet ambitieux qui vise à moderniser notre économie en lui donnant des espaces de liberté, en levant les freins à l'esprit d'entreprise, à la concurrence, à l'attractivité de notre territoire et à la fluidité du financement de l'économie. Vous-mêmes, madame la ministre, messieurs les secrétaires d’État, avez procédé à une large consultation tout au long de la préparation de ce texte, et je m'en félicite. Je veux aussi saluer par avance la très large contribution qui sera apportée par nos rapporteurs, présidents de commission et autres collègues députés, notamment par la commission des affaires économiques saisie au fond. Comme l’a indiqué avant moi le président Ollier, nous pouvons parler de véritable coproduction législative.

Le régime simplifié pour 1’auto-entrepreneur, l'extension du rescrit social, l'élargissement de la protection du patrimoine individuel, la réduction des délais de paiement, la simplification du fonctionnement des PME, la facilitation de la reprise et de la transmission sont autant de mesures fortes et concrètes qui contribuent au succès de notre économie.

M. Claude Bodin. Très bien !

M. Serge Poignant. La remise à plat de la négociabilité des conditions générales de vente dans l'intérêt des consommateurs, assortie de contreparties et de contrôles, était nécessaire, tout comme la réforme de la TACA et l'abondement du FISAC.

Nous discuterons par ailleurs de l'équilibre qu’il faut trouver entre le développement de la concurrence, le soutien au petit commerce et l'aménagement de notre territoire.

Le développement de l'accès au très haut débit et aux nouvelles technologies de l'information et de la communication est également tout à fait opportun.

Mme Catherine Vautrin et M. Claude Bodin. C’est gouvernemental !

M. Serge Poignant. Enfin, la mobilisation des financements et l'accessibilité bancaire ne sont pas les moindres des mesures de ce projet de loi.

Monsieur Brottes, votre argumentaire sur l'affaiblissement du financement du logement social ne tient absolument pas. Il relève tout simplement d'une tentative de désinformation dont nous ne sommes pas dupes.

Au-delà de toutes ces vérités, je n'ai pas entendu le moindre élément sérieux d'irrecevabilité dans votre démonstration. En janvier dernier, lors de la même motion de procédure sur la loi Chatel, nos collègues socialistes évoquaient l'argument de rupture d'égalité entre les citoyens et allaient même jusqu'à parler de non-conformité du texte avec la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Aujourd'hui, à défaut de trouver le moindre élément constitutionnel, vous nous parlez ironiquement de la « loi de modernisation des illusions ».

M. François Brottes. C’est juste !

M. Serge Poignant. Quel dépassement des clivages allons-nous trouver après une telle position ?

Mes chers collègues, ce texte constitue une nouvelle étape de la politique de réforme voulue par les Français et le Président de la République. Le groupe UMP votera donc résolument contre l’exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour le groupe SRC.

Mme Marylise Lebranchu. Madame la ministre, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, François Brottes a indiqué, à la fin de son intervention, qu’il n’avait pas voulu soulever des points d’anticonstitutionnalité mais plutôt vous convaincre que, malgré quelques mesures intéressantes, nous sommes en train de prendre un mauvais chemin. Et pour le démontrer, on aurait pu en appeler à ce qu’il est advenu de la concurrence « libre et non faussée ».

Mme la ministre nous a parlé de « négocier les soldes », formule que je n’avais encore jamais entendue. Cela veut dire que si j’achète 100 unités d’un produit textile, je vais demander qu’on m’en facture 20 à un prix plus bas, cette part correspondant aux soldes. Cela signifie donc qu’on va négocier les soldes. Ce n’est pas acceptable.

On nous dit qu’il pourra y avoir négociation entre la grande distribution et les producteurs, les fournisseurs et les entreprises. Mais en quoi y a-t-il égalité des chances de négociation entre le grand groupe qui produit des cosmétiques et la petite entreprise du nord de Bordeaux qui essaie désespérément depuis des années de se faire référencer ?

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. L’obligation sera réciproque !

Mme Marylise Lebranchu. Monsieur Charié, je vous mets au défi de le démontrer !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Chiche !

Mme Marylise Lebranchu. Quelle est la force des producteurs dans une société qui devient petit à petit celle des low cost ? J’entends parfois certains de mes collègues de la majorité hurler parce que des compagnies aériennes à bas coût mettent en danger les autres, mais aussi d’autres formes de transport, y compris l’Eurostar. Or, c’est bien une société du low cost que nous installons.

Avec les barrières d’installation que le texte réinvente, les plus à l’aise seront les discounters. Or, c’est précisément d’eux dont ont peur les petits commerçants et les petits producteurs.

Comment voulez-vous que la négociation commerciale ne tourne pas à l’avantage des discounters s’ils sont cinq ou six à y peser de tout leur poids ?

M. Charié nous parlait de bon sens économique. Mais cette notion n’existe pas, ni en macro ni en microéconomie.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Chez les socialistes, peut-être !

Mme Marylise Lebranchu. Non, monsieur le rapporteur ! Smith et Pareto n’avaient rien de socialistes !

L’optimum économique est incompatible avec l’optimum social et environnemental, ainsi qu’avec les régulations. C’est une règle de l’économie.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Je suis d’accord.

Mme Marylise Lebranchu. Or, le système que vous allez créer engendrera de nouvelles situations de domination qui vont à l’encontre de toute préoccupation sociale et environnementale, et sera en totale contradiction avec la volonté de garder la production industrielle en France.

Les chefs d’entreprise du secteur du meuble et de la décoration, pourtant en plein essor en Europe, seraient-ils donc si nuls en économie ? Ils savent bien qu’un texte comme le vôtre fera disparaître les petites et moyennes surfaces des centres-villes alors qu’elles les aident à écouler leurs produits en France et à être plus forts à l’exportation.

Si tous ces chefs d’entreprise sont nuls en économie, si au sein de l’UPA et dans les TPE et les PME il y a des gens qui ne comprennent rien, qui n’ont vraiment rien à faire dans le monde économique, il faut le dire. Tous, en effet, nous expliquent que ce texte va les mettre à genoux. Pour ma part, j’ai envie de les écouter. Ils sont d’accord pour qu’on facilite la création d’entreprises, mais peut-on garantir qu’il ne s’agira pas d’externaliser des fonctions ? Peut-on garantir qu’il ne s’agit pas d’une forme nouvelle de tâcheronnage ? Peut-on garantir qu’il ne s’agit pas de créer un pôle de concurrence destiné à mettre à genoux celui qui est en face pour ensuite réintégrer l’activité à l’entreprise, comme on l’a vu souvent ?

Je me suis battue autrefois pour que la TACA n’entre pas dans le budget de l’État. Hélas ! Bercy était trop heureux de le faire tant c’est une variable d’ajustement formidable. La preuve : à l’époque, cette taxe était affectée pour un tiers seulement à soutenir le petit commerce et l’artisanat, pour un tiers aux caisses de retraite des mêmes artisans et commerçants et pour un tiers à équilibrer le budget de l’État. Aujourd’hui, quel est le pourcentage ? On ne peut pas nous dire à la fois qu’on va aider plus fortement les centres-villes et réorienter la TACA vers le soutien au budget général.

De nombreux points de ce texte font peur aux maires qui imaginent ce que sera un PLU ou un SCOT lorsqu’il faudra faire face à la pression du hard discount. Chacun sait que si l’on touche aux seuils, on peut très bien, un jour, installer un atelier mécanique puis, quinze jours plus tard, le remplacer par un magasin hard discount puisque tout cela sera légalisé. En fait, au lieu d’avoir des mesures intéressantes, nous avons des mesures qui déstabilisent. Pourquoi ne pas aller au bout de votre logique et supprimer tout simplement les seuils ?

On aurait pu rêver que les grandes enseignes de la grande distribution refusent toute entente entre elles et se fassent concurrence. Mais j’ai toujours eu peur qu’il y ait une entente tacite, absolument pas détectée.

Votre réforme est mal taillée car ce sont les bas coûts qui occuperont la place la plus importante. Tous les petits commerçants où les gérants de moyennes surfaces que je rencontre estiment que ce texte ne les favorisera pas. Or je ne pense pas que leurs organisations professionnelles, chambres de métiers ou autres soient ignares en économie.

Ce qui a sans doute déterminé ce texte, c’est le fait que la grande distribution comme les grands groupes ont tous gagné parce que la grande distribution bénéficie d’une rente de situation avec les lois actuelles. Sans les grands groupes, la distribution ne peut pas fonctionner en raison du poids de la publicité à la télévision et du poids des marques. Voilà pourquoi elle est obligée de faire des concessions et de négocier. Quant aux autres sociétés laissées à l’écart de la télévision et des marques, elles n’ont plus leur place dans ce type d’affrontement.

Vous avez fait un choix difficile qui se défend, celui du libéralisme. Mais c’est le choix de l’importation et du déséquilibre, et vous n’avez pas suffisamment réfléchi à l’urbanisme. Nous aurions pu trouver des accords ensemble si nous avions vraiment dit vouloir aider le consommateur, en essayant d’équilibrer les positions dominantes. Alors la class action nous y aurait aidés.

M. Olivier Dassault. Ce n’est pas une explication de vote !

Mme Marylise Lebranchu. Si monsieur Dassault ! Il est vrai que les grandes entreprises n’ont pas l’habitude de discuter avec les petites...

M. Jean-Pierre Brard. Surtout les constructeurs d’avions !

Mme Marylise Lebranchu. ...mais c’est peut-être le moment de les écouter !

Mme Laure de La Raudière. Pourquoi n’avez-vous pas présenté des amendements en commission ?

M. le président. Veuillez conclure, madame Lebranchu, car vous avez largement dépassé votre temps de parole.

Mme Marylise Lebranchu. L’économie, ce n’est pas simplement les grandes règles de macroéconomie, c’est aussi l’observation fine de la microéconomie et de la renaissance d’une politique industrielle française et européenne. Mais ce n’est pas au rendez-vous d’aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe GDR.

M. Jean-Pierre Brard. Madame la ministre, messieurs les secrétaires d’État, si j’en crois la définition du Larousse encyclopédique, un patchwork est un ensemble quelconque formé d’éléments hétérogènes disparates. En apparence, votre texte pourrait tout à fait servir d’illustration au Larousse encyclopédique !

M. Jean-Pierre Balligand. Très juste !

M. Jean-Pierre Brard. Mais si l’on gratte un peu – ce que nos collègues de l’UMP n’ont manifestement pas l’habitude de faire –, on décèle une certaine cohérence, et je vais y revenir.

Loi Jacob, loi Dutreil, loi Chatel : si on revient sur ces lois, c’est qu’elles n’ont servi à rien ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Comme l’a fort bien dit M. Brottes, l’irrecevabilité de ce texte n’est pas de nature constitutionnelle mais morale et sociale.

En pensant à M. Brottes, qui citait Paul Eluard, et à M. Piron, qui est un homme de lettres, je ferai référence pour ma part à Paul Valéry : « Il y a plus faux que le faux, c’est le mélange du vrai et du faux ». C’est ce que vous pratiquez, et très bien, dans ce texte.

Je ne parlerai pas des grands oubliés de vos discours : Auchan, Carrefour, la Société générale ou Total – le prix de l’essence ne compte-t-il donc pas ? Certes, madame la ministre, vous avez demandé aux pétroliers, que vous avez reçus à l’heure du thé, de faire des efforts, faute desquels vous les menaceriez de les foudroyer du regard, au moins. Mais, bien évidemment, vous n’avez rien obtenu.

M. Michel Piron. De Paul Valéry aux pétroliers, la transition est abrupte !

M. Jean-Pierre Brard. Avec votre texte, La Poste va devenir officiellement la banque du pauvre, à moins que vous n’acceptiez l’amendement adopté par la commission de finances.

Madame Lagarde, tout à l'heure, pour soutenir votre politique, vous avez cité fort légitimement la loi Le Chapelier qui date de 1791. Quel symbole que cette loi qui a donné tous les droits aux entrepreneurs et aucun aux salariés de l’époque ! Vous auriez pu évoquer 1793, mais je comprends bien que cela vous fasse encore frémir !

En réalité, votre texte prévoit de consolider le système des grandes surfaces. Au reste, les craintes légitimes des petits commerçants ont trouvé un écho dans le propos de M. Ciotti, car nombre de députés sont aussi des élus locaux. La disparition des petits commerçants tuera nos centres-villes et en fera des déserts.

Quant au logement social, vous l’évoquez, mais sans dire – probablement pour ne pas allonger les débats – quand vous comptez faire appliquer la règle des 20 % et rendre inéligibles les maires voyous qui la refusent ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Charles Taugourdeau. Hors sujet !

M. Jean-Pierre Brard. Vous prétendez vouloir faire davantage sans pour autant obliger les maires qui enfreignent la loi à l’appliquer ! Votre discours, madame la ministre, est empreint de duplicité ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est hors sujet !

M. Jean-Pierre Brard. Vous jugez cela « hors sujet » parce que vous voulez découper le sujet en rondelles, de sorte que nos concitoyens ne puissent le mettre en perspective et en saisir la profondeur – ce qui est pourtant essentiel. On s’en est bien aperçu, ces deux dernières semaines, à l’occasion du débat constitutionnel, auquel vous n’avez d’ailleurs pas participé, monsieur Ollier. Vous m’avez reproché tout à l’heure de ne pas avoir assisté aux réunions de la commission, mais je ne possède pas le don d’ubiquité.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Moi non plus !

M. Jean-Pierre Brard. Alors, ne me faites pas grief de ne pas avoir ce que vous n’avez pas vous-même !

Vous déroulez le tapis rouge aux impatriés – et bien épais, encore, pour qu’ils n’attrapent pas d’ampoules aux pieds ! (Sourires sur divers bancs.) Or, bien que comparaison ne soit pas raison, il y a actuellement, dans ma ville de Montreuil (« La ville de Mme Voynet ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), l’occupation d’une entreprise qui compte, sur vingt-six salariés, dix-huit sans papiers, employés depuis des années et qui ont contribué à l’enrichissement du patron.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Mais que faisait donc le maire de l’époque ?

M. Jean-Pierre Brard. Se pose aujourd’hui la question de leur régularisation. Or la préfecture exige pour cela une promesse d’embauche ! Pourquoi demander cela à des gens qui sont déjà embauchés, depuis des années ?

M. Jean-Charles Taugourdeau. Mais arrêtez-le !

M. Jean-Pierre Brard. Vous allez donner au préfet le pouvoir de délivrer une carte de séjour de dix ans. Est-ce pour pouvoir traiter différemment les Kerviel de l’étranger, ou l’ancien responsable de la Barings, celui qui a défrayé la chronique avec ses frasques à Singapour ?

M. le président. Monsieur Brard, il faut conclure. (« Oui, arrêtez-le ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Je termine, monsieur le président.

Nous nous sommes laissés dire, tout à l’heure, que l’on agréera certains privilégiés sans leur barguigner leur titre de séjour. Sera-ce selon leur notoriété, établie par Voici, Détective ou Closer ? (Rires.) J’imagine que ce sont là les critères d’un Président de la République qui fréquente Doc Gyneco et Johnny Hallyday !

Je vous accorde toutefois une certaine cohérence dans vos propos, madame la ministre. « Croissance, liberté et équilibre », avez-vous dit ? Certes, mais il s’agit de la croissance des profits pour les plus riches et de la liberté des privilégiés – ceux que l’on appelait autrefois les « exploiteurs ». Vos projets de loi sont cohérents, puisque vous voulez par ailleurs détruire définitivement les 35 heures en privilégiant les accords d’entreprise, comme l’a fort brillamment expliqué notre collègue Marylise Lebranchu dans son explication de vote. Quant à l’équilibre, c’est plutôt un numéro d’équilibriste que vous effectuez, coincés que vous êtes entre votre volonté de gaver davantage les privilégiés et les profiteurs, et la révolte qui gronde, chez les pêcheurs, chez les agriculteurs et, demain, chez les salariés qui doivent emprunter leur voiture pour aller travailler.

Il conviendrait de dépasser les clivages gauche-droite ? Vous voulez en réalité que la gauche adhère à vos lois d’airain et qu’elle se rallie à la droite ! Certainement pas ! C’est pourquoi nous voterons l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Jean Dionis du Séjour. Comme l’a noté Mme la ministre, l’opposition – à l’exception peut-être de Marylise Lebranchu – se réfugie dans les délices du hors sujet et de la caricature.

M. Jean-Pierre Brard. Vous, vous faites dans l’apologie et l’amour aveugle !

M. Jean Dionis du Séjour. Il est arrivé à M. Brottes d’être plus précis et plus concentré sur son sujet. En commission, je l’avais notamment entendu dire à Mme Lagarde que son texte était un vrai projet de loi, précis et normatif. Il ne tient pas le même discours ce soir – je ne sais pourquoi, puisque le projet est le même. Il y a encore du chemin à faire, camarades, jusqu’au social-libéralisme !

M. François Brottes. Ne nous donnez pas de leçons, s’il vous plaît !

M. Jean Dionis du Séjour. Le Nouveau Centre a, quant à lui, mené un combat constant contre les marges arrière.

Mme Sandrine Mazetier. Et les libraires !

M. François Brottes. Et les livres !

M. Christian Paul. Et la culture !

M. Jean Dionis du Séjour. Ce n’est pas pour chipoter aujourd’hui ! En revanche, je souhaite mettre un peu de cohérence dans tout cela.

En premier lieu, la suppression des marges arrière exige la négociabilité. Quelle est cette bouillie intellectuelle qui soutient la suppression des marges arrière et, en même temps, critique la négociabilité ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Mme Sandrine Mazetier. Quels propos injurieux !

M. Jean-Pierre Brard. L’intellect n’est pas au centre, cela se saurait !

M. Jean Dionis du Séjour. Cela n’a aucune cohérence intellectuelle !

Ensuite, les propositions du Nouveau Centre ont toujours eu pour axe central le développement des PME. Or ce texte crée un environnement plus favorable aux TPE. Nous le soutiendrons donc.

Enfin, il y avait certaines affirmations justes dans l’exposé de M. Brottes. Votre crédibilité, madame la ministre, se voit ainsi atteinte par ce quatrième report à un texte ultérieur de sujets comme les actions de groupe ou le registre positif en matière d’endettement. Il y a urgence à prendre des décisions.

Il est également vrai que ce texte manque d’ambition en ce qui concerne la fibre optique (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) et que la Haute autorité de la concurrence doit bénéficier de pouvoirs d’injonction. Le groupe Nouveau Centre l’avait dit avant vous, et il a d’ailleurs déposé un amendement en ce sens. Le groupe socialiste a refusé de le voter en commission ! Il arrive sur ce sujet tel Grouchy ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Nous allons pouvoir discuter, tranquillement, de toutes ces questions. Pour nos amis socialistes, le refus est doux et confortable. Quant à nous, nous préférons le débat et l’audace ! Nous voterons donc contre l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de modernisation de l’économie.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures cinquante.)