Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session extraordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 15 juillet 2009

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc Laffineur

. Formation professionnelle tout au long de la vie

Discussion générale (suite)

Mme Cécile Gallez

Mme Marisol Touraine

M. François de Rugy

Mme Françoise Guégot

M. Alain Rousset

M. Jean-Pierre Brard

M. Bernard Perrut

M. Jean-René Marsac

M. Jean-Paul Lecoq

M. André Schneider

M. Victorin Lurel

M. Jean-Frédéric Poisson

M. Robert Lecou

M. Lionel Tardy

Mme Valérie Rosso-Debord

M. Régis Juanico

M. Arnaud Robinet

Mme Chantal Brunel

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Laffineur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Formation professionnelle tout au long de la vie

Suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, d'un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie (nos 1628, 1793, 1700).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de huit heures dix pour le groupe UMP, dix heures vingt-cinq pour le groupe SRC, cinq heures trente-quatre pour le groupe GDR, trois heures trente-six pour le groupe NC, cinquante minutes pour les non inscrits.

Cet après-midi l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Discussion générale (suite)

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Cécile Gallez.

Mme Cécile Gallez. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé de l’emploi, chers collègues, la formation professionnelle tout au long de la vie a une importance primordiale désormais, car peu de personnes sont assurées de travailler dans une même entreprise ou dans un même secteur d'activité tout au long de leur carrière, tant les mutations économiques entraînent des restructurations inévitables.

C'est pourquoi vous proposez un droit individuel à la formation qui soit "portable" : En cas de rupture de contrat de travail, les salariés conserveront leurs droits en la matière en dehors de l'entreprise où ils les ont acquis et ce, même en changeant de région.

Ils auront ainsi acquis un capital emploi, un passeport formation. Cependant comme, autrefois, beaucoup de chefs d'entreprise formaient eux-mêmes leurs salariés, il faut, dans l'état actuel des choses, garder les salariés les plus âgés, car ils représentent la mémoire de l'entreprise et peuvent former les jeunes.

Sans revenir en détail sur l'ensemble du projet, j'insisterai sur quelques points qui me paraissent très importants.

Ce projet vise, tout d'abord, à inciter les jeunes à choisir l'apprentissage ou le contrat en alternance. Malgré les difficultés que cela représente, on peut envisager des stages en entreprise pour des élèves en fin de scolarité primaire. Je l'ai expérimenté dans ma commune en mettant une classe complète à mi-temps une semaine dans une usine : cela les confronte déjà à la vie professionnelle et peut, dès cet âge, les ouvrir à certains métiers.

Il faut aussi modifier et améliorer le système d'orientation, dès la classe de seconde, en coopération avec les enseignants, au cours de forums des métiers, car les jeunes se plaignent souvent d'un manque d'information.

Par ailleurs, les communes et les collectivités locales ont beaucoup de difficultés à prendre des apprentis, la DDTE leur refusant la plupart du temps l'agrément du fait de l’effectif souvent réduit de leur personnel. C’est vraiment regrettable.

Dans le bâtiment, il est indispensable d'assouplir les conditions drastiques d'emploi des apprentis. Le souci de sécurité, qui, en soi, est un bon principe, est devenu tellement exorbitant que des apprentis ne peuvent pas se servir de certains outils ; par exemple, dans le secteur de la toiture, ils n'ont pas le droit de monter sur le toit. On se demande, dans ce cas, à quoi sert un apprentissage. Cela décourage les jeunes qui peinent alors à appréhender le métier, ainsi que les chefs d'entreprise qui hésitent à prendre des apprentis.

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Très juste !

Mme Cécile Gallez. Il y aurait aussi beaucoup à dire sur les conditions de confort pour les apprentis – le choix de boissons, le chauffage, etc. – qui sont imposées aux entreprises et qui paraissent, pour certaines, tout à fait exagérées.

Les entreprises du bâtiment demandent, par ailleurs, d'exclure de l'assiette du calcul de la participation au fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels l'effort qu'elles font en faveur de l'apprentissage.

Un autre point important est l’amélioration de l’accès à la validation des acquis de l'expérience. Chacun sait l'importance de la VAE pour reconnaître l'aptitude à exercer un métier, autrement que par l'obtention d'un diplôme. Je pense aux auxiliaires de vie, si précieuses pour nos personnes âgées et handicapées : le projet de loi, en développant et améliorant la VAE, va faciliter leur parcours professionnel qui était jusqu'à présent très difficile, en l'absence de réelle reconnaissance de leurs aptitudes.

M. Gérard Cherpion, rapporteur de la commission des affaires sociales. Absolument !

Mme Cécile Gallez. Une autre décision importante, surtout dans la grave récession actuelle, est l'extension du contrat de transition professionnelle, dont je suis une fervente adepte, à davantage de régions mais aussi aux plus démunis et aux plus fragiles comme les bénéficiaires du RSA, les personnes handicapées.

Vous insistez également sur la formation dans les très petites entreprises. Elle pose à ces dernières un vrai problème de coût et de planning, mais elle est nécessaire tant pour le salarié que pour l'entreprise.

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis. Tout à fait !

Mme Cécile Gallez. La France consacre déjà 1,5 % de son PIB à la formation ; il faut que celle-ci permette de sécuriser les parcours professionnels par une meilleure information et orientation des salariés, et que les outils de la formation soient simplifiés et améliorés.

Votre projet de loi va dans ce sens. Je le voterai donc avec conviction.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Monsieur le secrétaire d’Etat, messieurs les rapporteurs, chers collègues, le projet de loi dont nous débattons laisse le sentiment d'un rendez-vous manqué. Réformer la formation professionnelle est incontestablement nécessaire. Le constat est largement partagé : la formation, initiale ou professionnelle, est un élément décisif pour l'emploi des salariés, la compétitivité des entreprises et le développement des économies. Nul ne contestera davantage que la situation française peut à cet égard être améliorée, pour le dire avec retenue.

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis. Nous sommes d’accord.

Mme Marisol Touraine. Une réforme s'impose donc. Votre texte est-il à la hauteur de l'enjeu ? Je ne le pense pas.

Une réforme s'impose. Sur le terrain d'abord, ceux qui sont censés en bénéficier ne s'y retrouvent pas toujours – nouvel euphémisme – dans un système redoutablement complexe et sans doute inutilement opaque.

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis. C’est vrai !

Mme Marisol Touraine. De ce point de vue, tout ce qui peut donner plus de transparence, plus de simplicité au dispositif est bienvenu. Sans compter que, selon une logique malheureusement fréquente, ceux qui en ont le plus besoin, c'est à dire ceux qui sont le moins formés, ont le plus de difficulté à accéder aux systèmes de formation.

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis. Toujours d’accord !

Mme Marisol Touraine. Ensuite, nous faisons le même constat sur l'emploi. Le marché du travail a évolué. De plus en plus, les salariés changent de métier au cours de leur carrière, le plus souvent par nécessité, certains par choix. Selon un sondage réalisé à la demande de l'AFPA, l’association nationale pour la formation professionnelle des adultes, 83 % des Français se déclarent prêts à changer de métier en cas de licenciement. Même, 55 % d’entre eux ont déjà changé de métier au cours de leur vie. Les progressions professionnelles linéaires, sans rupture, au sein d'une seule entreprise ne correspondent plus, qu’on le regrette ou pas, à la réalité du marché du travail. Il faut nous adapter et la formation professionnelle est pour cela un élément central.

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis. Tout à fait !

Mme Marisol Touraine. Enfin, dernier élément du constat sur lequel nous nous retrouverons sans difficulté, la crise économique a provoqué plusieurs vagues massives de licenciements, justifiées ou non, ce n’est pas le sujet ici. Les réponses apportées jusqu'ici sont obsolètes ou mal à propos. Il y a urgence, comme le proposent les socialistes depuis des mois, à généraliser les contrats de transition professionnelle.

M. Gérard Cherpion, rapporteur. Justement, nous le proposons.

Mme Marisol Touraine. Le projet permet une avancée la matière, nous en sommes satisfaits, mais admettez que votre rengaine sur les socialistes qui s’opposent sans proposer ne correspond pas à la réalité.

Il y a urgence aussi à engager la France sur la voie de la sécurisation des parcours professionnels. Le Président de la République s'y était engagé pendant la campagne, mais nous en sommes loin. Cela est d'autant moins compréhensible que l'objet du texte a évolué, sous l’effet de la crise sans doute. D’abord consacré à la formation professionnelle au sens strict, il a désormais une visée plus vaste, face à l’urgence de faire que les salariés licenciés ne se retrouvent pas sur le carreau.

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis. Bien vu !

Mme Marisol Touraine. Dans la mesure où le texte a cette ambition de les aider à mieux résister à la crise, l’objectif de mettre en place une véritable sécurité sociale professionnelle est encore plus fort qu’au départ. Or, encore une fois, on a le sentiment que le rendez-vous a été manqué. Je ne conteste pas que des évolutions notables ont pu être adoptées en commission, comme l'ouverture du fonds de sécurisation des parcours professionnels aux salariés à temps partiel, ou l'adoption d'un certain nombre de mesures ciblées pour les jeunes, même si elles semblent bien limitées au regard des enjeux.

Toutefois ce texte aurait dû être plus ambitieux sur la sécurité sociale professionnelle. De quoi s’agit-il ?

Sans vouloir reprendre des exemples étrangers, dont aucun n'est évidemment transposable tel quel dans notre pays, ce qui a été mis en œuvre en Scandinavie montre que la sécurité sociale professionnelle repose sur quatre piliers. Or dans votre dispositif, ils me semblent bien fragiles.

Le premier, c'est la construction d'un parcours professionnel dès l'entrée dans la vie active. Ce parcours commence dès la formation initiale : c'est pour cela que la question des jeunes est aussi décisive.

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis. C’est mieux quand ils sortent formés de l’école.

Mme Marisol Touraine. Or, à aucun moment, votre texte ne présente la formation comme la première étape de leur vie active. Il est presque muet sur la mise en place d’un service public de l’orientation. Pourtant les discussions de la commission Hirsch ont montré que, s’il y avait un sujet de consensus, c’était bien celui-là. Le décalage entre ce consensus et votre texte est assez incompréhensible.

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis. Nous l’avons enrichi quand même.

Mme Marisol Touraine. Le second pilier d'une sécurité sociale professionnelle, c'est évidemment la formation elle-même et sa qualité.

A cet égard je salue certaines mesures comme la tentative de simplifier le système, dont il n'est pas certain qu'elle soit vraiment aboutie ; je doute que les premiers concernés trouvent vraiment le système plus lisible. Des mesures plus convaincantes sont la portabilité du droit individuel de formation ou la création du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, même si l'on peut regretter certaines faiblesses.

Autre volonté positive : celle de s'adresser en priorité aux moins formés. Néanmoins cette volonté peine à se concrétiser ; ainsi vous avez hardiment écarté ce qui était pourtant présent dans l'accord national interprofessionnel sur la formation professionnelle de janvier dernier : le droit à la formation différée. Il s'agit de donner aux salariés n'ayant pas de formation initiale un droit de se former par la suite. Les partenaires sociaux déplorent sa disparition du projet de loi. L'article 40 nous empêche d’agir en faveur de son rétablissement, même si nous avons essayé. Nous espérons que le texte évoluera dans le bon sens.

La troisième composante d'une sécurité sociale professionnelle est la sécurisation des parcours. Qu’est ce que cela signifie concrètement ?

Cela veut dire que l’on fait le pari que la stabilité et l’absence de précarité sont des facteurs positifs d'insertion professionnelle. Le texte issu des débats en commission prévoit ainsi que le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels pourra bénéficier davantage aux salariés précaires ; c’est une bonne chose, mais cela ne me paraît pas suffisant. Dans un rapport remis au gouvernement il y a déjà quelques années, Pierre Cahuc et Francis Kramarz recommandaient la suppression de tous les statuts d'emploi précaire.

Par ailleurs il faut aussi en finir avec les licenciements brutaux, et permettre aux salariés de se maintenir dans l’entreprise tout en engageant des formations qui les aide à se reconvertir. On cite très souvent l’exemple d’Ericsson : en Suède, la mise en place d’un dispositif de ce type a permis à des salariés de ne jamais être licenciés et de se former à d’autres métiers.

De ce point de vue, la responsabilité des entreprises doit être encouragée. Or vous nous proposez une politique incroyablement étatiste. Il s’agit d’un des points faibles de votre texte, et le constat, déjà fait pour ce qui concerne les régions et les partenaires sociaux, vaut aussi pour les entreprises elles-mêmes, quand on voit la place extrêmement réduite, quasiment inexistante, que vous leur accordez. Elles sont pourtant l’un des acteurs centraux des politiques qui s’adressent aux salariés, et il est vain d’imaginer que l’on puisse aboutir à une réforme durable sans implication forte des employeurs.

Enfin, une sécurité sociale professionnelle, c’est un accompagnement personnalisé et différencié très suivi. On peut comprendre que ce sujet n’ait pas été traité dans la version initiale du projet de loi. Toutefois, il y a eu des évolutions, et rien n’est prévu par ailleurs, alors que la situation de Pôle emploi ne peut que nous inquiéter, même indépendamment de la manière dont le Gouvernement semble choisir d’en faire son unique interlocuteur pour la politique de formation.

À mon tour, je veux insister sur la nécessité de territorialiser les politiques de l’emploi et les politiques de formation : la proximité, la cohérence par rapport aux spécificités des bassins d’emplois et des populations sont des conditions indispensables au succès.

Au-delà de l’intérêt que peut susciter ce texte, et des avancées qu’il comporte sur certains sujets, il est surtout décevant : décevant au regard des attentes, décevant au regard des besoins, décevant par rapport aux ambitions qu’il portait. Finalement, ma principale inquiétude est qu’en faisant voter ce projet de loi, vous ne repoussiez à une date très lointaine la véritable réforme pour une sécurité sociale professionnelle, dont notre pays a besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, si j'en crois le nombre d’orateurs inscrits dans cette discussion générale, la formation professionnelle est un sujet qui mobilise sur tous les bancs de notre assemblée. On ne peut que s’en réjouir ; c'est un bon signe, d'abord parce que ce projet de loi vient concrétiser un accord entre les syndicats de salariés et les organisations patronales ensuite parce que la formation professionnelle est souvent en tête des programmes politiques et des programmes électoraux, mais encore faut-il que ces mots trouvent une traduction concrète !

La France consacre d'ailleurs environ 28 milliards d'euros par an, soit 1,5 % de son produit intérieur brut, à la formation professionnelle. L’enjeu est donc extrêmement important. Les sommes sont énormes et nous pourrions en être fiers si, comme la loi l’affirme, elles favorisaient vraiment l'insertion ou la réinsertion professionnelle des travailleurs, si elles permettaient leur maintien dans l'emploi, si elles favorisaient le développement de leurs compétences et l'accès aux différents niveaux de la qualification professionnelle, ou si elles contribuaient au développement économique et culturel ou à leur promotion sociale. Or nous savons tous, quels que soient les bancs sur lesquels nous sommes assis, qu’il n’en est rien et que le tableau est loin d’être aussi idyllique.

Deux des meilleurs économistes français, Pierre Cahuc et André Zylberberg constataient, en 2006, dans un rapport du centre d’observation économique de la chambre de commerce et d’industrie de Paris : « Le système français de formation professionnelle est inéquitable pour au moins trois raisons. Tout d'abord, il profite surtout aux salariés les mieux formés et les mieux payés au départ, dont les formations sont financées par les salariés moins bien payés qu'eux. Ensuite, il offre peu de véritables perspectives de promotion sociale. Enfin, il ne permet pas aux chômeurs les plus éloignés de l'emploi de suivre des formations longues et coûteuses, qui seules pourraient favoriser leur retour vers un emploi stable. »

À Valence, le 9 mars dernier, Nicolas Sarkozy, lui-même, stigmatisait les inégalités « criantes » concernant l’accès à la formation : « Moins vous êtes qualifié, moins vous bénéficiez de la formation professionnelle » disait-il en dénonçant le fait qu'un cadre ait « une chance sur deux d'y accéder », contre seulement « une chance sur sept » pour un ouvrier. Il n'était pas moins sévère avec les inégalités « inacceptables » dans l'accès à la formation selon la taille de l'entreprise : « Plus votre entreprise est petite, moins vous bénéficiez d'une formation. Un salarié dans une entreprise de moins de dix salariés a cinq fois moins de chance de se former qu'un salarié d'une entreprise de plus de cinq cents salariés. »

En ce qui concerne la mutualisation des sommes prélevées sur les entreprises par les organismes collecteurs agréés, qui devraient permettre de faire financer la formation des salariés des petites entreprises par les grandes, notre collègue M. Cherpion ne peut que reconnaître dans son rapport que « l’effet redistributif semble inexistant, voire aller à l'envers ». En France les très petites entreprises ou les petites et moyennes entreprises payent la formation des salariés des très grandes entreprises : c’est tout de même un comble !

M. Gérard Cherpion, rapporteur. Tout le monde est d’accord !

M. François de Rugy. On peut regretter que les effets du dernier accord pour une réforme de la formation professionnel, signé en 2003, aient été contraires au but recherché. En effet, les entreprises de moins de dix salariés, qui avaient bénéficié de 42 % des dépenses de « professionnalisation » en 2004, n'en ont absorbé que 27 % en 2006.

Alors, s’il convient de saluer chaque avancée en matière de négociation sociale entre les syndicats de salariés et les organisations patronales, il faut aussi rester lucide sur le niveau encore très faible du dialogue social et ne pas s’emballer parce qu’un accord a été signé.

Malgré les constats relatifs aux inégalités des dispositifs en place, le système français de formation professionnelle a-t-il un effet significatif chez ceux qui arrivent à accéder à une formation ? Après tout, peut-être le système aide-t-il vraiment les chômeurs à trouver un emploi ou assure-t-il vraiment la promotion sociale des salariés. À vrai dire, nous n'en savons pas grand-chose et, de notre point de vue, il s’agit bien là d’un problème supplémentaire. En effet, aucune évaluation sérieuse des programmes de formation n'est effectuée, alors que nous dépensons pour les financer 27 à 28 milliards d’euros par an !

Bien entendu, tous les parlementaires ont reçu, il y a quelques semaines, une montagne de rapports dits « de performances », destinés à nous éclairer pour l'examen du projet de loi de finances pour 2010. Un de ces rapports, intitulé «Travail et emploi», propose une batterie d'indicateurs, plus de vingt, si mes souvenirs sont bons, censés montrer l'efficacité de la formation professionnelle.

Ces indicateurs vont du « taux d'accès à une formation qualifiante à l'issue d'une formation en ateliers pédagogiques personnalisés » au « taux de placement dans l'emploi durable, CDI ou CDD de plus de six mois, des stagiaires de l'AFPA ayant obtenu un titre professionnel délivré par le ministère de l'emploi », en passant par «le taux de réussite à l'examen à l'issue d'une formation dans les centres agréés » ou «la proportion des personnes ayant acquis un titre du ministère par la voie de la validation des acquis professionnels». Au premier abord, ces indicateurs peuvent sembler intéressants, mais ils sont en réalité bien insuffisants, voire trompeurs.

Prenons l'exemple du « taux de placement dans l'emploi durable – donnée qui peut paraître très importante –, CDI ou CDD de plus de six mois, des stagiaires de l'AFPA ayant obtenu un titre professionnel délivré par le ministère de l'emploi».

Il est évidemment sous-entendu qu'il serait bon que cet indicateur augmente chaque année, mais, en fait, il serait plutôt intéressant de savoir si les personnes ayant obtenu un titre professionnel après un stage de l'AFPA décrochent plus souvent un contrat que celles qui ne l'auraient pas suivi et, le cas échéant, si ce contrat est d’une durée plus longue. En réalité, la seule évaluation qui aurait un sens devrait se fonder sur la question suivante ce que seraient devenues les personnes ayant suivi un stage de l'AFPA et ayant obtenu un diplôme professionnel si elles n'avaient pas bénéficié de ce stage. En clair, sans comparaison avec un groupe témoin, les données que nous possédons ont peu de valeur et participent du flou qui entoure l'évaluation d'un sujet aussi important que la formation professionnelle.

Prenons l’exemple du droit individuel à la formation.

Imagine-t-on vraiment que quelques heures de formations par an, dispensées par des prestataires qui ne sont soumis à aucun contrôle ni à aucune réglementation, ont un quelconque effet sur la carrière des salariés ? Si, selon les études internationales, une année entière de formation peut permettre au salarié, après une amélioration de sa position dans l’entreprise, d’accroître son revenu annuel de 5 à 15 %, à combien peut donc s’élever cette augmentation après seulement vingt heures de droit individuel à la formation ?

Malheureusement, des structures plus ou moins fiables se sont multipliées parmi les milliers d’organismes privés de formation se disputant un marché aussi important. Un magazine grand public y a consacré, le mois dernier, un dossier intitulé : « Le scandale de la formation professionnelle. » Un de ses articles est consacré aux « programmes fantaisistes ». Peut-on vraiment dire que le stage « guérir à main nue », qui affirme que le corps humain produit ses propres ondes électromagnétiques et qui coûte, tout de même, plus de 10 000 euros, participe au développement des compétences des salariés, à leur promotion sociale ou au développement économique ? Qu’en est-il du stage de découverte du « Coaching à cheval », facturé 3 000 euros pour deux jours, ou encore des stages de reconversion en « praticien en guérison du passé » et en « spécialiste des techniques méridiennes d'apaisement émotionnel » ? Il y a évidemment de quoi être surpris.

Je cesse mes critiques pour m'étonner, cela ne vous semblera pas déplacé venant d’un député Vert, du peu de cas qu'il est fait de l’écologie dans ce projet de loi.

Plus personne ne nie – pas même le Président de la République si l’on en croit son discours au Congrès de Versailles – que nous faisons face à une crise d'une ampleur telle qu'elle nous oblige à repenser en profondeur notre mode de vie, nos modes de production, notre manière de travailler et de consommer.

Plus personne ne nie, à part quelques vieux mammouths, si je puis dire, que le changement climatique soit dû à l'activité humaine.

Plus personne ne nie non plus que la prochaine révolution industrielle sera une révolution « verte », génératrice de millions d'emplois. Nous ne sommes pas les seuls à l’affirmer puisque nous sommes rejoints par de nombreux organismes, parmi lesquels le Bureau international du travail.

Plus personne ne nie, enfin, que nous sortirons de la crise économique actuelle, la plus importante depuis quatre-vingts ans, par une sorte de New green deal, par un effort massif d’investissement en matière de nouvelles technologies, comme l’éco-construction ou l’éco-énergie. Il s’agit précisément du choix fait par les États-Unis, depuis que Barack Obama a été élu, ce qui constitue une rupture considérable par rapport à la présidence précédente. Et pourtant, rien de tout cela n'est mentionné, ne serait-ce qu’une seule fois, dans le projet de loi.

Il y a quelques semaines, nous avons présenté une proposition de loi relative à la transformation écologique de l'économie. Son article 21 portait sur la formation professionnelle et la reconversion des salariés dans les bassins d'emploi particulièrement touchés par la crise, notamment dans le secteur de l'automobile. La majorité n’avait pas adopté ce texte, mais il n’est jamais trop tard pour bien faire. En tout cas, nous considérons que la formation professionnelle constitue l’un des axes centraux de la transformation écologique de l’économie et de la sortie de crise, dont cette dernière est selon nous porteuse.

Nous promouvons un New Deal écologique et social, avec la création d’emplois écologiquement et socialement utiles qui seront, par définition, non délocalisables : ni les cols bleus ni les cols blancs ne disparaîtront, mais ils se déploieront vers d’autres activités.

Cette période de crise doit donc être mise à profit pour que les salariés acquièrent les compléments de formation nécessaires afin de pouvoir travailler dans ces activités nouvelles. Comme ces préoccupations sont absentes du projet de loi, nous proposerons de les réintroduire par le biais de différents amendements.

Il s’agit, pour nous, de rendre l’individu acteur de la conversion écologique de son métier ainsi que de son orientation professionnelle. De ce fait, l’individu peut accroître la valeur de sa force de travail, donc accéder plus facilement à l’emploi, passer d’un emploi à un autre en le choisissant plutôt qu’en le subissant.

Il revient donc aux structures d’accueil, d’information et d’orientation, depuis celles de l’éducation nationale jusqu’à Pôle emploi, en passant par les missions locales ou les maisons de l’emploi, en association avec les partenaires publics et sociaux, d’organiser leurs activités dans ce sens. Or, aujourd’hui, ces structures ne travaillent pas forcément ensemble, voire se font concurrence ou s’ignorent, comme nous pouvons tous nous en apercevoir sur le terrain. Elles ne partagent parfois aucun objectif commun. Les personnes concernées - tous les députés ont eu l’occasion de le constater - sont malheureusement ballottées d’une structure à une autre sans, trop souvent, trouver de réponse adaptée à leurs besoins ou à leurs difficultés. Le parcours qui leur est proposé s’apparente trop souvent à un parcours du combattant. Pour orienter vers les formations préparant et accompagnant la conversion écologique de l’économie, nous avons besoin de structures mieux organisées et réellement porteuses de cet enjeu.

Il convient de faire travailler ensemble, plus étroitement et plus régulièrement, les syndicats de salariés et les représentants patronaux, sur le terrain, afin de rendre prioritaires certaines formations, dont les formations aux nouvelles activités écologiques, dans le cadre des plans de formation des entreprises, des congés individuels de formation, du droit individuel à la formation, etc.

Les syndicats de salariés peuvent jouer un rôle d’information, de mobilisation des salariés, et obtenir la mise en place de plans de formation dans les entreprises, ainsi qu’un élargissement de leur accès pour les salariés. De plus en plus de syndicalistes, nous le constatons dans les discussions que nous avons avec eux, s’interrogent en effet sur le modèle économique actuel, le modèle productiviste, qui détruit non seulement l’environnement, mais aussi et surtout les emplois.

Cette émancipation de l’individu dans son parcours professionnel et dans sa vie doit être favorisée au moyen d’une adaptation des temps de formation à tous les moments de la vie, en les rendant plus compatibles avec les situations individuelles les plus complexes, qu’il s’agisse des périodes de reconversion, de chômage partiel, ou encore de congé parental.

Ensuite, il faudra « verdir » les métiers existants en accompagnant et en rendant possible cette mutation par de nouveaux référentiels de formation, de nouvelles certifications, mais aussi de nouvelles grilles de compétences transversales dès les formations initiales. Le contenu et la transférabilité de ces certifications sur le marché du travail constituent l’un des points positifs de ce projet de loi.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi. Merci !

M. François de Rugy. Il s’agit aussi de proposer une politique globale d’aménagement du territoire en matière de formation : rapprocher les lieux de formation des zones d’emploi et de résidence, notamment en mixant les publics lycéens, apprentis, stagiaires de la formation professionnelle ; identifier ces lieux de formation et leur lien étroit avec les bassins d’emploi et de résidence sous les termes « pôles de compétences » ; développer la formation ou l’enseignement à distance pour les zones les moins pourvues en formation.

Loin d’être déshumanisants, et sans en faire une solution exclusive, l’enseignement et la formation à distance permettent, outre un meilleur accès à la formation, d’éviter ce que peuvent impliquer de longs déplacements en termes de temps et d’argent.

Avant de conclure, je veux évoquer plus spécifiquement l’article 19 du projet de loi, un article qui n’est d’ailleurs nullement une transcription de l’accord national interprofessionnel.

On peut s’étonner, en effet, de l’empressement du Gouvernement à répondre favorablement, par le biais de cet article, à un avis du conseil de la concurrence sur le rôle des personnels d’orientation de l’AFPA. Nous considérons qu’il peut être tout à fait positif pour les personnes concernées que l’AFPA compte en son sein des personnels d’orientation qui, par nature, connaissent bien les formations et peuvent donc orienter au mieux, en fonction des besoins des personnes, notamment celles qui sont les plus en difficulté. En effet, les psychologues du travail développent actuellement des méthodes d’orientation au sein de l’AFPA qui sont moins discriminantes pour les personnes les moins qualifiées.

Vont-ils pouvoir poursuivre cette tâche, et de la même façon, au sein de Pôle emploi ? Cette question reste pour l’instant sans réponse. Compte tenu des grandes difficultés – que chacun reconnaît – de Pôle emploi à gérer à la fois la fusion ANPE-ASSEDIC et la forte montée du chômage, est-ce le moment d’y ajouter le transfert de près de 900 agents de ce service de l’AFPA vers Pôle emploi ?

Pour conclure, je regrette, comme d’autres collègues l’ont fait avant moi, que les régions n’aient pas été plus clairement reconnues comme acteurs pilotes de la formation professionnelle sur les territoires, alors qu’elles consacrent une part très importante de leur budget à cette politique.

De ce point de vue, l’article 20 est très symptomatique : dans son état actuel, il remet en cause, indirectement, le rôle des régions en matière de formation professionnelle. Il introduit, de fait, une sorte de droit de veto des préfets, et, surtout, il supprime le vote des plans régionaux de développement des formations professionnelles par les conseils régionaux. Au demeurant, la rédaction actuelle de l’article 20 est assez floue quant à la façon dont ces plans seraient définitivement élaborés. On parle simplement de leur signature, mais on ne dit pas comment, à un moment donné, les acteurs se mettent d’accord. On peut craindre que le rôle moteur et pilote des régions ne soit plus reconnu, et ce alors qu’elles ont démontré leur savoir-faire en la matière, même si, naturellement, beaucoup d’améliorations restent encore possibles.

Vous l’aurez compris, nous aurions souhaité d’autres orientations – cela ne veut pas forcément dire une remise en cause de toutes les orientations de ce projet de loi –, ou des précisions sur le fond comme sur la forme. Nous verrons donc, à l’issue de la discussion, quel sera notre vote. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Guégot.

Mme Françoise Guégot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans un contexte où l’économie européenne fonde sa croissance sur le développement des connaissances et où le travail connaît des mutations profondes, notamment au travers des mobilités professionnelles et géographiques croissantes, la formation professionnelle est un enjeu majeur pour toute personne soucieuse d’entrer sur le marché du travail, et de maintenir ou de développer ses compétences et son employabilité.

Elle est également essentielle pour la compétitivité des entreprises . Elle permet de s’assurer que leur personnel s’adapte à des technologies ou à des normes de production en constante évolution, et de se préparer à remplacer les prochains départs en retraite.

Malgré de nombreuses réformes, de nombreux reproches sont adressés au système, et de façon récurrente. En effet, bien que doté de moyens financiers importants, il apparaît comme inégalitaire dans son accès, cloisonné et peu transparent dans la collecte des fonds, complexe dans son offre de formation et impossible à évaluer en raison de l’inexistence de dispositifs permettant d’apprécier l’efficacité des politiques de formation sur les personnes et sur les entreprises.

Le Président de la République a fait de l’amélioration du système de formation professionnelle l’un des chantiers prioritaires de son quinquennat. Comme beaucoup, je me félicite de cette volonté qui permettra d’améliorer la lisibilité, la transparence, donc l’efficacité de l’accès à la formation tout au long de la vie, qui concerne chacun de nos concitoyens, à de multiples moments de son existence.

Je ne reprendrai pas toute la déclinaison du projet de loi dont nous allons débattre. Je souhaite plutôt développer l’axe concernant la phase d’orientation dans le processus de sécurisation du parcours professionnel, et aborder la question de l’évaluation.

En préalable, je veux revenir sur la méthode de l’élaboration de ce texte en remerciant le Gouvernement, particulièrement Laurent Wauquiez, d’avoir permis la contribution de nombreux acteurs à ce projet.

Dès 2008, je le rappelle, un groupe de travail placé sous la responsabilité de Pierre Ferracci…

M. Michel Issindou. Il n’a pas été suivi.

Mme Françoise Guégot. …a décliné huit axes principaux, qui ont permis de fixer quatre priorités : renforcer le lien entre emploi et formation ; rendre plus juste le système de formation professionnelle ; en renforcer l’efficacité ; permettre à l’individu d’être davantage acteur de son parcours professionnel. C’est sur ces bases que les organisations représentatives ont engagé une négociation, qui a conduit à l’accord national interprofessionnel du 7 janvier dernier.

Trois groupes multipartites ont travaillé respectivement sur l’orientation tout au long de la vie, la validation des acquis de l’expérience et la qualité de l’offre et de l’achat de formation. Le Gouvernement a aussi mené une concertation avec l’Association des régions de France.

Enfin, nos assemblées se sont emparées du sujet. Une mission d’information sur la formation tout au long de la vie a été créée par la commission des affaires sociales et culturelles, où j’ai travaillé avec un certain nombre de mes collègues. Le Sénat, de son côté, a apporté ses contributions au travers des rapports de MM. Jean-Claude Carle et Bernard Seillier.

Nous avons donc aujourd’hui un texte qui a été enrichi de multiples réflexions,…

M. Michel Issindou. Pas assez !

Mme Françoise Guégot. …ce qui a permis à tous les acteurs - nous savons combien ils sont nombreux - de faire part de leurs expériences et de leur vision pour l’avenir d’un système de formation tout au long de la vie.

Dans la perspective, ouverte par la stratégie de Lisbonne, d’une société de la connaissance et de l’innovation, comment donner une chance à chacun de construire durablement son parcours professionnel ?

Pour répondre à cette question, il est essentiel de bien comprendre qu’un parcours professionnel est à chaque fois unique, qu’il prend en compte de multiples facteurs d’ordre personnel, familial, social et culturel. De même, ce parcours est rarement linéaire et a surtout besoin d’être accompagné.

J’en arrive ainsi à la grande question de l’orientation.

Nous pourrions débattre pendant de nombreuses heures sur la définition même de ce terme, tellement il a fait et fera probablement encore débat. Dans le processus de formation, que l’on aborde ou non la question de la formation initiale, la démarche d’orientation s’articule en trois phases.

La première, toujours déterminante, concerne l’accueil et l’information mise à disposition. Que l’on soit collégien, lycéen, adulte en besoin de mobilité ou de reconversion, la pertinence des informations données est essentielle. Encore faut-il savoir où la trouver.

La deuxième concerne le conseil, indispensable pour aider la personne à faire son choix. Il s’agit là de trier l’information et de réaliser une bonne adéquation entre ses souhaits, ses compétences et les possibilités qui lui sont ainsi offertes.

La troisième, tout aussi importante, concerne l’accompagnement, qui s’inscrit souvent dans le temps et fait appel à des moyens financiers non négligeables. Seule cette phase assure durablement la réussite de la sécurisation du parcours professionnel.

Pour réussir ce cheminement, il faut en poser les grandes lignes. Dans le projet de loi que nous examinons aujourd’hui, nous pouvons nous féliciter de la place faite à l’orientation. Dans le nom même du projet de loi, et pratiquement à chaque titre, cette question est abordée.

Mme Monique Iborra. Ce sont des mots !

Mme Françoise Guégot. Non, et je vais le démontrer.

Dans le titre Ier, l’article 3 prévoit la labellisation des organismes de formation qui offriront un certain nombre de services, dont l’accueil physique et le développement d’outils simples d’utilisation. Grâce à l’amendement de Jean-Paul Anciaux, toute personne disposera d’un droit à l’orientation et à l’information. De même l’organisation d’un premier service d’orientation dématérialisé gratuit et de qualité sera mise en place.

Dans le titre II, les outils comme le renforcement du bilan d’étape professionnel, le passeport formation, et la portabilité du DIF sont autant de garanties pour simplifier et améliorer le processus d’orientation.

Dans le titre III, la place faite au financement des jurys et du tutorat, notamment dans la VAE, répond au besoin d’accompagnement.

Le titre VI établit clairement la constitution d’une base de données des organismes de formation au niveau national, facilite la disposition d’informations et le suivi pour le stagiaire. La mise à disposition des spécialistes de l’AFPA à Pôle emploi contribuera aussi à l’acte de conseil.

Enfin, le titre VII permettra une meilleure coordination de l’ensemble des acteurs – État, régions et partenaires sociaux – et offrira plus de lisibilité pour tous les publics.

Certains pourront toujours dire que ce projet de loi est incomplet et qu’il ne règle pas toutes les questions. Cela, hélas, est-il vraiment possible?

Sous votre responsabilité monsieur le secrétaire d’État, et celle de Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, le Premier ministre m’a confié une mission ayant pour objet de répondre à quatre questions :

Comment mieux mutualiser les connaissances sur l’évolution des emplois, des métiers et des qualifications, actuellement produites par différents organismes intervenant dans ce domaine, notamment les observatoires régionaux emploi-formation et les observatoires des branches professionnelles ?

Comment développer les pratiques coopératives dans l’offre de services d’orientation professionnelle, afin d’offrir aux personnes, quel que soit leur âge, un accueil et un conseil qui prennent en compte leurs projets et leurs contraintes, sans s’arrêter de prime abord à leur situation et leur statut ?

Comment développer l’accessibilité et la couverture territoriale des services d’orientation professionnelle, qu’il s’agisse d’un accueil physique, téléphonique ou par Internet, en s’appuyant sur les initiatives régionales et professionnelles prises en ce domaine ?

Enfin, comment mieux définir les critères permettant de donner corps à la labellisation des organismes qui concourent à la mission d’intérêt général d’information et d’orientation définie dans ce projet de loi ?

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le paysage institutionnel de l’orientation doit et va se réformer. Contrairement à ce que nous avons entendu précédemment, il ne s’agit pas d’étatiser…

M. Michel Issindou. Ah bon ?

Mme Françoise Guégot. …ni de construire une grande machine supplémentaire.

M. Michel Issindou. Nous nourrissons quelques craintes à cet égard !

Mme Françoise Guégot. Il s’agit de retenir les bonnes pratiques, d’être avant tout efficace, de poser un cadre national qui, seul, garantira l’équité, quelle que soit la région où l’on habite et quelle que soit sa situation.

C’est avec détermination et ardeur que nous pourrons, je l’espère, être nombreux à contribuer à la réussite de ce grand chantier. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Rousset.

M. Alain Rousset. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, la question de la formation professionnelle constitue à l’évidence une préoccupation majeure de nos sociétés car elle est au cœur d’enjeux essentiels pour l’avenir de notre économie et de nos concitoyens, qu’il s’agisse de l’emploi, de la compétitivité des entreprises, de leur capacité d’innovation ou de l’épanouissement individuel de chacun. Elle constitue également un outil indispensable d’égalité des chances.

Aujourd'hui la formation s’envisage sur le long terme en fonction des différentes étapes de la vie : elle sera nécessaire tout au long de la vie. Elle devra également permettre de s’adapter aux nouveaux métiers tout en répondant aux incertitudes du monde du travail. Alors que les dernières réformes du Gouvernement demandent plus de flexibilité et d’adaptabilité, il faut en contrepartie donner des droits nouveaux en matière de formation initiale différée et de formation tout au long de la vie.

La formation doit aussi contribuer au développement équilibré des territoires ; il s’agit de l’un des enjeux majeurs du texte. C’est pourquoi la réforme doit avoir pour objectif d’améliorer la relation entre le monde de l’entreprise et celui de la formation. Nous sommes collectivement confrontés à ces défis majeurs. Le constat est partagé mais les réformes et les réponses que vous apportez, monsieur le secrétaire d'État, ne me semblent pas appropriées.

La sortie massive des 150 000 jeunes sans qualification du système scolaire aurait dû être abordée. En raison de sa carence, notre système d’éducation, qui peine à les repérer en amont, ne sait pas leur offrir des solutions, là aussi, appropriées, de sorte que nous payons deux fois le même service public : une première fois, pour la formation initiale, puis une seconde, pour la formation continue.

L’absence de dispositifs sérieux d’orientation est une cause que la plupart des pays européens et le Canada, qui est en pointe en ce domaine, ont démontrée. C’est du reste la raison pour laquelle le rapport de M. Apparu sur les lycées, après avoir fait le constat bien réel que les centres d’information et d’orientation n’ont pas d’assise territoriale, propose de les confier aux régions afin qu’ils deviennent les chevilles ouvrières du service public de l’orientation, qui est à créer. Les régions, monsieur le secrétaire d'État, je vous l’ai dit, sont volontaires pour assumer cette responsabilité.

L’investissement doit être massif dans la formation et dans l’éducation. Or nous constatons, à chaque rentrée scolaire, que c’est le contraire qui se produit. Nous ne recevons, de plus, aucune réponse sur les questions relatives à l’articulation efficace entre la formation et l’emploi, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences – GPEC – ou les relations entre le monde de l’entreprise et celui de la formation, et ce, alors que les évolutions technologiques, les conséquences de la crise écologique, qu’un orateur précédent a déjà évoquées, et le vieillissement de la population appellent la création d’un dispositif de formation plus performant. Les enjeux et les défis actuels méritent mieux que la procédure d’urgence : il n’est pas bon de ne pas pouvoir amender le texte qui nous est présenté.

Sur la méthode, vous indiquez, monsieur le secrétaire d'État, avoir largement consulté. Je reconnais avoir été, en tant que président de l’Association des régions de France, invité par vous et avoir pu discuter. Il n’en reste pas moins que toutes les propositions des régions ont été refusées. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Issindou. Voilà !

M. Alain Rousset. Des procédures de concertation intéressantes ont effectivement eu lieu dans le cadre du groupe Ferracci. Les régions y ont participé avec assiduité, aux côtés des partenaires sociaux et de l’État. Pourquoi ne pas avoir repris à votre compte les points essentiels qui faisaient consensus : le renforcement indispensable du lien entre formation et emploi, la nécessaire mise en place d’une formation initiale différée et, surtout, une meilleure gouvernance ? Qui est le pilote, en France, du monde de l’emploi et de la formation ? Il n’y en a pas – j’ai beau chercher –…

M. Michel Issindou. Ne cherchez, cela n’existe pas !

M. Alain Rousset…si bien que le chômeur est un nomade qui termine habituellement sa course devant le bureau du maire, pour demander un emploi à la mairie, surtout s’il est en chômage de longue durée.

Une large concertation a également eu lieu dans le cadre des travaux du haut-commissaire à la jeunesse. Deux groupes de travail se sont penchés sur les questions de l’emploi, de la formation et de l’orientation. Où sont les dispositions qui s’inspirent de ce travail ?

Pourquoi ne pas avoir repris, monsieur le secrétaire d'État, certaines propositions des rapports parlementaires sur l’orientation, notamment celui de Mme Guégot ?

Il n’est pas exact d’affirmer après cela que ce projet a été adopté à l’unanimité des partenaires sociaux. Si c’est effectivement le cas de l’accord interprofessionnel du 7 janvier 2009, en revanche, lorsque le projet de loi a été soumis, le 14 avril dernier, au conseil national de la formation professionnelle, il n’a recueilli un vote positif que des seuls représentants de l’État. Les partenaires sociaux se sont abstenus ou ont voté contre.

Quant au fond du texte, il permet quelques avancées intéressantes, comme la portabilité du droit individuel à la formation, la volonté de faire bénéficier de la formation professionnelle ceux qui en ont le plus besoin – demandeurs d’emploi, ouvriers, employés, très petites entreprises –, le bilan d’étape professionnelle, la reconnaissance d’un droit à la formation, même si on peut regretter qu’il soit limité à l’adaptabilité au poste de travail et aux reconversions, sans oublier le raffermissement du rôle du conseil national de formation tout au long de la vie. Nous souhaiterions du reste aller plus loin en confiant à celui-ci une mission de prospective sur la formation professionnelle en relation avec nos observatoires régionaux de l’emploi et de la formation. Monsieur le secrétaire d'État, nous manquons d’un observatoire national portant à la fois sur les métiers et sur les évolutions technologiques. Nous l’attendons de l’État.

De fait, cette loi reste au milieu du gué. Alors qu’une réforme devrait indiquer clairement la direction dans laquelle elle s’inscrit, le texte qui nous est soumis n’exprime aucune stratégie apparente en matière de formation. Il ne parvient du reste à l’inscrire ni dans la stratégie européenne définie à Lisbonne, celle d’une société et d’une économie européennes tournées vers la connaissance, le savoir et l’inclusion active des plus démunis, ni dans les expériences des pays d’Europe du Nord.

Tous les travaux préparatoires ont montré, d’une part, l’existence d’un cruel déficit en matière de pilotage de la politique de formation et, d’autre part, la nécessité de renforcer le lien – je le répète – entre l’emploi et la formation. Mes collègues ont déjà évoqué cette question : où est le droit à la formation initiale différée, pourtant réclamée par tous lors des travaux du groupe Ferracci ?

Le droit à la formation initiale différée doit relever de la solidarité nationale, ce qui impose, bien sûr, une obligation de financement direct ou par compensation de l’État. La loi doit affirmer ce principe et en préciser les modalités de mise en œuvre. Il est nécessaire de réfléchir collectivement à une meilleure articulation entre la formation initiale et la formation continue et de donner aux sortants précoces du système éducatif un véritable droit de retour à cette formation initiale. J’espère que les divers dispositifs de deuxième chance, autre que les écoles labellisées, trouveront une reconnaissance dans l’appel à projets du haut-commissaire.

Où est, monsieur le secrétaire d'État, la réforme ambitieuse de l’orientation ? Ce n’est pas un service d’information qui permettra d’accompagner celles et ceux que le système de formation initiale a laissés au bord du chemin. Comme pour l’AFPA, déjà évoqué, il faut des accompagnateurs. Du reste, je crains de voir le service d’orientation de l’AFPA démantelé. Ce n’est pas parce qu’on aura transféré 900 personnes à Pôle emploi, alors que le chômage explose, que nous aurons les moyens d’orienter ces jeunes ou ces moins jeunes vers des formations indispensables.

Ce texte, qui fait l’impasse sur la réforme de l’enseignement initial, n’organise pas la cohérence entre le fonds de sécurisation des parcours professionnels et les politiques de formation initiées par les régions : faut-il rappeler que Pôle emploi a lancé des appels à projets sans concertation avec les régions ?

M. Régis Juanico. Eh oui !

Mme Monique Iborra. Évidemment !

M. Alain Rousset. Le projet de loi ne règle pas non plus l’articulation entre les politiques de formation et d’emploi. Il convient de noter la juxtaposition dommageable des CRE et des CCREFP, ainsi que les difficultés de Pôle Emploi à coordonner les actions de formation avec celles des régions.

Nous n’avons non plus aucune garantie sur les moyens supplémentaires apportés par l’État pour réaliser les politiques qu’il prétend vouloir mettre en œuvre. Nous savons simplement qu’il s'agit d'un prélèvement sur les OPCA.

C'est un texte qui recentralise – je le regrette – et risque de mettre sous la tutelle de l'État les partenaires sociaux via leurs fonds nationaux et les régions.

Monsieur le secrétaire d'État, la majorité actuelle a voté en 2004 la loi « Liberté et responsabilités locales », qui a quasiment achevé le processus de décentralisation de la formation professionnelle. Le présent texte revient en arrière, au moment même où les régions ont acquis, depuis plusieurs années, compétences, savoir-faire, créativité et innovation dans ce domaine. Vous revenez sur cette compétence générale, ainsi que sur la clarification des compétences voulue par le Président de la République.

Les régions sont pourtant devenues le premier financeur des formations pour les demandeurs d'emplois. Au cours de l'année 2007, 594 000 demandeurs d'emploi sont entrés en formation. Les conseils régionaux ont financé 56 % des stages de formation contre 52 % un an plus tôt. Elles ont dépensé 16 % de plus en moyenne que les dotations qui leur ont été transférées et sept stagiaires sur dix retrouvent un emploi à l'issue de leur formation. Elles ont mis en place des actions territorialisées, construit des plateformes régionales d'orientation et innové dans la recherche d’une plus grande d'efficacité et d'une plus grande équité.

Savez-vous, monsieur le secrétaire d'État, que, lorsque les régions ont pris la responsabilité des formations sanitaires et sociales, les formations d’aides soignantes, personnes qu’on sort du RMI ou des fins de droits, étaient payantes, et que les bourses sanitaires et sociales, notamment pour les élèves infirmières, étaient différentes d’un département à l’autre ?

Les régions ont également investi massivement dans la remise en état des locaux des CFA et des centres de formation. Elles ont permis de revaloriser significativement l'enseignement professionnel et ont œuvré à une véritable sécurisation des parcours professionnels, en assumant, ce qui est important, non pas simplement la formation elle-même – le transfert du savoir – mais également l’aide à la mobilité, à l’hébergement et au transport. Elles ont noué des partenariats avec les régions voisines pour l'accueil des stagiaires si bien que les formations à recrutement national fonctionnent sans aucune difficulté ; je l’ai vérifié.

Dans le même temps, ce qui est normal, elles ont pris en charge les interventions que l'État a abandonnées. Je pense notamment à la baisse, en 2009, de 61 % du fonds d'insertion professionnelle des jeunes, à la suppression, en 2006, des formations dédiées aux contrats aidés ou à celle, en 2005, des stages d'insertion et de formation. Dans ma région, cette mesure a concerné 8 000 demandeurs d'emplois de longue durée et coûté 10 millions d’euros.

L’alternative à votre projet est bien de confier aux régions un véritable service public de l’orientation, de la formation et de l’emploi, comme partout en Europe. Ce texte est à cet égard une occasion manquée. Si ces fonds étaient opaques, pourquoi se limiter à une partie de leur vérification ? Pourquoi ne pas étendre aux 26 milliards d’euros des OPCA ou de la formation professionnelle l’ensemble du dispositif d’évaluation ?

Je regrette qu’à l’intérieur du texte le PRDF, qui était un élément essentiel de concertation, soit maintenant à leviers multiples. Il était jusque-là à l’initiative des régions qui, je crois, prenaient leur fonction à cœur. Il faudra désormais un texte de compromis entre le président de la région et son assemblée, tous les partenaires sociaux, le préfet et le recteur : je ne pense pas que nous allions dans le sens d’un plus grand partenariat, d’une meilleure concertation ni d’une meilleure créativité.

Je le répète : il convient de confier aux régions un véritable service public de l’orientation, de la formation et de l’emploi. À l’État revient la mise en place de la formation initiale afin de permettre à tous d’accéder à un premier niveau de qualification et à son élévation. A l’État revient également la lutte contre le décrochage scolaire et les sorties sans qualification. Aux régions, il appartient de développer une véritable orientation aux métiers, le lien entre la formation et l’entreprise, qui relève de leurs compétences, la structuration de l’offre régionale de formation en lien avec les organisations professionnelles, ainsi que de véritables plateformes de formation et d’innovation dans les lycées, les CFA et les organismes de formation, stratégie d’ouverture qui permet de sauver de nombreux lycées, notamment en milieu rural, dans le cadre des trois formations initiale, continue et par apprentissage. Les régions doivent encore favoriser la promotion sociale par l’accès à la VAE et à la formation pour les salariés, en vue de faciliter les reconversions et l’acquisition de nouvelles compétences, et anticiper les mutations économiques, technologiques et organisationnelles par la formation.

Il ne faut pas hésiter, évidemment, à se poser la question de la pertinence de certaines formations ou de certains diplômes conduisant dans une impasse. Dans une situation économique et sociale tendue, la réussite à une formation doit être un tremplin vers l’emploi. Aussi ne doit-on plus voir des jeunes ayant réussi leur formation se tourner vers les missions locales ou Pôle emploi parce que, à l’évidence le diplôme obtenu ne les conduit pas à l’emploi.

Toutefois, certaines remises en cause ne doivent en aucun cas servir de prétexte pour complexifier l’offre de formation dans les territoires. Bref, il s’agit de créer, au travers d’agences régionales de l’orientation et de la formation tout au long de la vie, un vrai service public de l’orientation, de la formation et de l’emploi tout au long de la vie, qui soit lisible, visible, dans lequel les demandeurs d’emploi et les salariés puissent se retrouver.

L’État a évidemment son rôle à joue en tant que partenaire d’enjeux nationaux. Cependant il ne peut pas être à la fois arbitre et opérateur. Il faut que nous fonctionnions comme les pays européens et que soit réellement délégué aux régions l’ensemble des compétences qu’elles peuvent développer.

Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes aujourd’hui face à un texte bien insuffisant au regard des différents enjeux. C’est une régression par rapport à la décentralisation. Il n’apportera pas la clarification nécessaire, même si, ici ou là, il comporte des dispositions positives. C’est un peu un geste manqué. Je comprends qu’aujourd’hui avec un hyper président, il y ait la volonté de recentraliser l’ensemble des dispositifs, je le regrette. Il faudra revenir sur ce texte, j’espère le plus tôt possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi sur la formation professionnelle est insatisfaisant à bien des égards. Cela est particulièrement vrai pour l'article 19 relatif à l'AFPA, dont le siège national se trouve dans ma bonne ville de Montreuil.

En 1946, celui qu'on appelait le ministre des travailleurs : Ambroise Croizat – vous ne risquez pas de vous voir attribuer ce titre, monsieur le secrétaire d’État (Sourires) –, ancien secrétaire général de la fédération CGT de la métallurgie - il est vrai que vous n’avez pas ce cursus - …

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Non !

M. Jean-Pierre Brard. … ancien député communiste, …

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Encore moins !

M. Jean-Pierre Brard. … puis ministre du travail et de la sécurité sociale, instituait par décret l'Association nationale interprofessionnelle pour la formation rationnelle de la main d'oeuvre, qui devait devenir l'Association pour la formation professionnelle des adultes en 1964.

S'inspirant du programme du Conseil national de la Résistance, cette initiative répondait en particulier au besoin urgent de former les salariés du bâtiment engagés dans la reconstruction du pays. À l’époque, lorsqu’on parlait du Conseil national de la Résistance, c’était pour en appliquer le programme, non pour l’invoquer et l’utiliser comme alibi, comme cache sexe, pour mener une politique dévitalisant justement l’héritage de cette époque prestigieuse de l’histoire de notre pays.

Depuis, l'AFPA s'est adaptée pour répondre aux besoins des populations les plus en difficulté et s'est organisée sur tout le territoire français. Présente dans toutes les régions, elle compte aujourd'hui 11 300 salariés, tous nécessaires à l'accueil des stagiaires, dont 5 000 formateurs, 800 psychologues du travail, 700 ingénieurs en formation et 600 personnes réparties dans les différents secteurs de l'hébergement, de la restauration, etc., jusqu'à la médecine du travail. Je suis persuadé, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues que si nous interrogeons chacun d’entre vous, individuellement, la main sur le cœur et avec des trémolos dans la voix, vous décerneriez des lauriers à l’AFPA. Pourtant, un certain nombre d’entre vous, sans état d’âme s’apprêtent à la crucifier.

M. Robert Lecou. Pourquoi ?

M. Jean-Pierre Brard. Voilà la question qu’il fallait poser.

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que seul M. Brard a la parole.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, je crois à la vertu du débat. Maintenant que notre temps de parole est forfaitisé, nous ne vivons plus sous le stress permanent de la lampe qui va s’allumer.

Pourquoi avez-vous dit, mon cher collègue ? Parce que vous êtes des suppôts du libéralisme. (Sourires.) Pour vous,tout doit devenir marchandise : l’éducation et la formation comme le reste.

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis. Non !

M. Jean-Pierre Brard. Et, mes chers collègues, vous êtes très cohérents. Ceux qui disent que vous faites n’importe quoi ont tort. Eu égard à l’intérêt national du pays, vous faites pire que n’importe quoi : vous faites des choses répréhensibles mais vous restez cohérents. Ainsi la semaine dernière nous avons examiné le texte sur le travail le dimanche, dans lequel vous considérez les salariés comme des marchandises, puisque l’on peut en disposer n’importe quand et en les payant, comme toute marchandise, c’est-à-dire le moins cher possible.

Il en va de même pour la formation : 66 % des personnes qui entament un stage à l’APFA sont des demandeurs d'emploi, pour la plupart – ceux qui connaissent l’AFPA dans leur région le savent très bien – très faiblement qualifiés, et 8 % d’entre eux sont en situation d'illettrisme. Pourtant, plus de 70 % trouvent un emploi à l'issue du stage.

Une enquête portant sur l'impact des formations effectuées dans le cadre du congé individuel de formation – le CIF – a démontré que 83 % des stagiaires AFPA avaient trouvé un emploi dans les six mois suivants et que plus de 48 % s'étaient reconvertis en choisissant une formation sans rapport avec leur métier antérieur.

La mission d'information du Sénat, sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle, présidée par M, Jean-Claude Carle, dont le rapport a été présenté en juillet 2007, déclarait, : « L'action en faveur des personnes les plus éloignées de l'emploi est au coeur de la mission de l'AFPA […] Cet organisme joue un rôle de rééquilibrage au sein d'un système de formation où perdurent de fortes inégalités territoriales et où la formation va au mieux formés ».

Il y a une constante parmi vous, mes chers collègues. Certains d’entre vous se rappellent sans doute notre collègue Jean-Jacques Jégou, député UDF, du temps où elle existait, montrant des notes de restaurant qui étaient censées représenter des dépenses excessives de salariés de l’AFPA et m’interrogeant avec véhémence pour savoir si je connaissais ce restaurant. C’était une simple gargote de la principale rue piétonne de la ville.

Vous êtes habités par des obsessions. Le fait de dépenser normalement de l’argent est chez vous toujours suspect. Il est dommage que vous ne soyez habités pas ces obsessions quand on parle de la Société générale, des Caisses d’épargne ou de M. Pérol.

Vous constatez donc, mes chers collègues, que l'AFPA joue, dans le paysage social, un rôle de correcteur des inégalités grâce aux formations qualifiantes qu'elle dispense, et un rôle d'accompagnement adapté aux publics les plus fragilisés, qui est reconnu par tous. Elle fait partie de l'héritage précieux que nous a légué le Conseil national de la Résistance, auquel le Président de la République s'est soudainement déclaré très attaché ; lors de son discours devant le Congrès en juin dernier, certainement l’un des derniers accessoires du magasin des farces et attrapes de M. Guéno.

Pourtant, l'AFPA est gravement menacée, soumise à des coups de plus en plus rudes de la part du Gouvernement. L'annonce a été faite aux salariés de l'AFPA que, désormais, la formation professionnelle doit être soumise à la concurrence. Europe, monsieur le rapporteur, oblige – paraît-il ! Qu’est ce que cette mentalité de soumission, de renoncement, de capitulation ? Qu’est-ce que c’est que ces hommes ou ces femmes politiques qui vivent à genoux ? Dès lors qu’il s’agit de l’intérêt général, il n’y a pas de règle étrangère qui compte. Il suffit d’affirmer une volonté politique forte. Encore faut-il en avoir et ne pas appartenir à l’espèce des invertébrés.

Il dépend de vous de dire non. Moi, qui n’ai jamais été gaulliste (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), je me prends à regretter le Général de Gaulle (Rires et exclamations sur tous les bancs), qui savait dire non et qui savait toujours trouver la bonne solution, dès lors qu’il s’agissait de défendre l’intérêt national et l’intérêt général.

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis. Sarko aussi !

M. Jean-Pierre Brard. Je vois, mes chers collègues, que certains d’entre vous ont in petto des regrets face à leur propre discrétion, dès lors qu’il s’agit de célébrer le Général de Gaulle.

Mme Valérie Rosso-Debord. Super in petto !

M. Jean-Pierre Brard. Ma chère collègue, vous la référence au Général de Gaulle, ce n’est même pas in petto !

M. le président. Mes chers collègues, laissez M. Brard poursuivre son intervention !

M. Jean-Pierre Brard. Je vous remercie pour votre confession publique. C’est certainement le début de la sagesse. Peut-être entrerez-vous dans l’histoire par ce débat sur la formation professionnelle parce que vous aurez mis le dernier clou de l’UMP sur le cercueil du Général de Gaulle. (Sourires.)

Que le rouge vous monte au front, ma chère collègue !

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis. C’est un peu fort !

M. Jean-Pierre Brard. Le problème n’est pas que ce soit fort ou pas. Est-ce vrai ou non ? C’est la seule chose qui compte et vous le savez bien.

L’annonce a été faite aux salariés de l’AFPA que la formation professionnelle devrait désormais être soumise à la concurrence. En effet, depuis le 1er janvier 2009, et dans le cadre de la loi de 2004, qui prévoit la décentralisation aux régions des crédits de formation, l'achat de prestations de formation relève prétendument de la mise en concurrence. On l’imagine, mes chers collègues pour ce qui rapporte, pour ce qui est le plus facile ; mais pour les gens qui ont été brisés par la vie, qui ont été brisés par un patronat sans pitié, qui jette les salariés dès lors qu’ils ne sont plus aussi productifs que leurs employeurs le souhaitent, à ce moment-là il ne restera plus que l’AFPA, parce que de candidats il n’y aura pas pour prendre en charge ces formations, vous le savez bien.

La formation professionnelle devient-elle donc une marchandise et non plus un service public ? L'AFPA doit-elle alors se positionner comme un opérateur économique concurrentiel dans le cadre de marchés publics ? C'est une dérive que nous refusons. La souffrance de personnes privées d'emploi, la possibilité d'apprendre tout au long de la vie pour se qualifier, le droit à la formation et à la connaissance ne sont pas des marchandises. Nous sommes convaincus ne pas être les seuls à penser cela. Je sais que Pierre Méhaignerie m’écoute d’une oreille attentive. N’est-ce pas ? (Sourires.)

M. Michel Issindou. Nous ne voyons aucun signe d’approbation !

M. Jean-Pierre Brard. Comme il est indiqué dans les escaliers derrière l’hémicycle, les signes d’approbation, pas plus que d’improbation ne sont permis. Néanmoins je n’ai vu nulle part dans le règlement que cela soit véritablement interdit. Je pense que Pierre Méhaignerie peut se laisser aller à ses inclinations spontanées. (Sourires.)

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis. Il ne le fera pas !

M. Jean-Pierre Brard. Laissez-le libre, mon cher collègue ! 

Le Conseil d'État, dans son arrêt « Commune d'Aix-en- Provence » du 6 avril 2007, a jugé que les collectivités publiques peuvent ne pas passer de contrat de délégation de service public ou de marché public : « Lorsque, eu égard à la nature de l'activité en cause et aux conditions particulières dans lesquelles il l'exerce, le tiers auquel elles s'adressent ne saurait être regardé comme un opérateur sur un marché concurrentiel ».

Cette décision vient compléter la jurisprudence « Hôfner » de la Cour de justice des Communautés européennes du 23 avril 1991, selon laquelle le droit à la concurrence ne s'applique pas aux organismes agissant « sur la base du principe de solidarité ». L'AFPA n'est pas un organisme à but lucratif, c'est une association régie par la loi de 1901, et elle agit bien sur la base du principe de solidarité.

C'est donc un choix politique que fait le Gouvernement, non seulement de mettre l'AFPA en concurrence avec d'autres organismes qui pourront s'approprier les prestations les plus rentables, mais aussi de fragiliser cette structure historique en redéployant une partie de ses salariés.

Dans le texte que vous nous présentez, monsieur le secrétaire d’État, vous organisez le transfert vers Pôle emploi de 919 salariés de l'AFPA employés aux activités d'orientation, sur un total de 1 263 salariés.

Ce transfert, prévu à l'article 19, va fragiliser son fonctionnement et « fait potentiellement courir à l'AFPA un risque global » selon le rapport des deux directeurs généraux de l'AFPA et de Pôle emploi qui vous a été remis, monsieur Wauquiez, en avril dernier. À l’évidence, vous n’en avez tenu aucun compte, monsieur le secrétaire d’État.

M. Michel Issindou. Il n’écoute pas !

Erreur ! Signet non défini.. Pour former Pôle emploi, la fusion ASSEDIC-ANPE a provoqué une grande désorganisation car les salariés sont en sous-effectifs. En continuant dans ce sens, les salariés de l'AFPA mutés à Pôle emploi n'auront pas les moyens matériels de faire leur travail et l'AFPA se trouvera gravement déséquilibrée. Ces dysfonctionnements pénaliseront les salariés les plus fragiles et les effets de la crise vont encore gonfler les effectifs.

Si le président Sarkozy souhaite réellement contracter un grand emprunt national pour résister à la crise, comme il l’a annoncé dans son discours de juin, les symptômes sont connus : dégradation des conditions d'emploi, montée du chômage, de la précarité, incertitude croissante des jeunes entrant sur le marché du travail, etc. Le diagnostic est clair : le pays est malade de votre politique. C’est pourquoi il nous faut garder les outils qui ont démontré leur efficacité.

Pour sortir de la crise, la France doit, dès maintenant, investir dans la connaissance et la qualification qui seront sources de forte valeur ajoutée dans l'avenir. Des moyens supplémentaires doivent être mis, dès aujourd'hui, dans le secteur de la recherche scientifique et dans celui de la formation tout au long de la vie. Or, avec ce texte, le Gouvernement fait plutôt le choix de la stratégie des économies de bouts de ficelle en prenant des salariés par-ci, à l'AFPA, pour les transporter par là, au Pôle emploi, sans moyens supplémentaires, sans prendre le temps de la concertation avec les partenaires sociaux, car tout s’est déroulé, monsieur Wauquiez, d’une façon autoritaire.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Vraiment ?

M. Jean-Pierre Brard. Oui, de façon autoritaire, monsieur le secrétaire d’État, mais je pourrais employer d’autres adjectifs comme unilatérale ou brutale. En voulez-vous d’autres ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Est-ce possible ?

M. Jean-Pierre Brard. Qu’à cela ne tienne : arrogante.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. N’exagérez pas !

M. Jean-Pierre Brard. C’est pourtant ainsi que vous avez procédé. Vous nous avez parlé de la signature des partenaires sociaux, mais, s’agissant de l’AFPA, vous ne disposez d’aucune signature qui aille dans votre sens. Vous avez, par obsession idéologique, décidé de mettre l’AFPA en coupe réglée. Certes, vous n’êtes pas le premier : nous en sommes au moins à la quatrième offensive contre l’AFPA en une trentaine d’années. Grâce au combat des syndicats, l’essentiel a toujours été sauvegardé et j’espère que, avec notre soutien, les syndicats de l’AFPA continueront de vous tenir en échec.

Les enjeux économiques, sociaux et humains de la formation professionnelle nécessitent d'avoir une véritable ambition pour notre société, une vision plus globale et plus approfondie que ces mesurettes de bric et de broc. Il y a dans tout cela une volonté de démantèlement de l'AFPA, qui remplit pourtant, avec beaucoup d'efficacité, depuis plus de soixante ans, une mission d'intérêt général. Le Gouvernement, suivant une fois de plus les déclarations de Denis Kessler, ancien maoïste, ancien vice-président du MEDEF…

M. Pierre Méhaignerie. président de la commission des affaires sociales. Bonne formation !

Erreur ! Signet non défini.. … et actuel porte-voix des intérêts des privilégiés, affirmant qu'il est temps de détricoter le modèle social hérité du Conseil national de la Résistance, souhaite marchandiser le secteur de la formation professionnelle afin qu'il soit rentable, qu'il dégage du profit même si c'est au détriment de l'égalité de tous devant le droit à la formation.

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis. Il faut le renvoyer en rééducation chez les maoïstes !

M. Jean-Pierre Brard. Il y a une différence entre M. Kessler et les maoïstes, monsieur Anciaux ! Eux, au moins, avaient la fibre nationale et ont trouvé des voies pour le pays. M. Kessler, lui, a toujours été dans la voie du reniement et de la trahison de son idéal de jeunesse. Il n’est fidèle qu’à une chose :…

M. Michel Issindou. À lui-même !

M. Jean-Pierre Brard. …gagner toujours plus pour lui-même et ses semblables. Or cela, il ne peut le faire qu’en pressurant ceux dont il vit ce qui, du point de vue moral, est inacceptable.

J’en reviens à votre acharnement contre tout ce qui constitue le socle social dans notre pays : le travail dominical, la réforme des hôpitaux, la réforme des retraites, les franchises médicales, etc. Tout cela est particulièrement destructeur dans le contexte actuel de crise et de montée du chômage que vous alimentez avec les politiques que vous menez. C'est pourquoi nous demandons à ce que soit réaffirmée la mission de service public déléguée à l'AFPA, ce qui exclut de la découper en morceaux et de l'amputer d'une part importante de ses salariés. Nous défendrons des amendements en ce sens.

Du sort que vous ferez à l’AFPA, monsieur le secrétaire d’État, dépendra notre vote final. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur divers bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, dans un contexte de chômage élevé et durable, la formation professionnelle constitue un outil déterminant des politiques de l’emploi, M. le rapporteur l’a rappelé dans sa présentation.

Nous sommes, les uns et les autres, conscients des inégalités dans l’accès à la formation professionnelle tout au long de la vie. Je souhaite insister sur les exigences que nous avons tous dans ce domaine : exigence d’un droit personnel, égal pour tous, quantifié, capitalisable et transférable.

Le montant des moyens consacrés chaque année à la formation professionnelle – pas moins de 27 milliards d’euros – est impressionnant. Avec une telle dépense, nous pourrions être en droit d’espérer de meilleurs résultats. Or, de surcroît, nous n’en avons même pas une connaissance approfondie, ce qui pose, pour le moins, problème.

Le dispositif est cloisonné, peu transparent et engendre des inégalités d’accès à la formation, au détriment des moins qualifiés, des femmes, des salariés des petites entreprises qui accèdent plus difficilement que ceux des grands groupes à la formation tout au long de la vie, de certains secteurs géographiques, enfin, qui ne disposent pas d’organismes de formation, ce qui prive des salariés de cette formation pourtant indispensable.

Vous avez, monsieur le secrétaire d’État, rappelé l’impératif de justice et d’équité qui vous guide. Sachez que nous le partageons. L’équité entre secteurs professionnels est indispensable car la formation professionnelle doit précisément favoriser les secteurs en expansion – les nouvelles niches d’emplois – et préparer aux métiers de demain. Le propre de la formation professionnelle tout au long de la vie n’est-t-il pas d’inventer de nouveaux métiers ?

Je veux, ce soir, saluer la qualité du dialogue social.

M. Jean-Pierre Brard. Entre sourds et muets !

M. Bernard Perrut. Il y a bel et bien eu un dialogue social, monsieur Brard.

M. le président. Seul M. Perrut a la parole.

M. Bernard Perrut. La formation tout au long de la vie fait consensus, chers collègues.

Je tiens à saluer les axes principaux de ce projet de loi comme la création du fonds de sécurisation des parcours professionnels, qui a vocation à financer la formation des demandeurs d’emploi, la réorientation de la formation professionnelle vers les petites et moyennes entreprises, objectif important s’il en est, ou la réforme du statut des OPCA, dont il faut réduire le nombre, cela a été rappelé, et mieux contrôler l’action. Je souhaite que les députés que nous sommes soient mieux informés à l’avenir. On pourrait imaginer que le Parlement soit tenu informé par un rapport annuel de l’action des OPCA, des moyens et des actions concrètes.

Je veux insister sur la nécessité d’une stratégie d’ensemble et le besoin d’une contractualisation entre l’État, les régions, les partenaires sociaux et l’éducation nationale qui doit y être associée, car, au départ, il y a la formation initiale. À cet égard, il faut s’interroger sur les 150 000 à 160 000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans qualification…

M. Pierre Méhaignerie. Hélas !

M. Bernard Perrut. … pour lesquels il faut, quelques années plus tard, mettre en œuvre cette formation indispensable. En 2008, la Cour des comptes a jugé que la politique régionale de la formation professionnelle n’était pas satisfaisante. Par conséquent, prenons les mesures qui s’imposent.

Le système global de formation doit évoluer car son fonctionnement repose davantage sur l’offre de formation que sur les besoins réels des entreprises ; du moins, c’est ce que l’on constate. Les organismes de formation sont-ils tous adaptés aux attentes des entreprises et des salariés ?

M. Gérard Cherpion, rapporteur. Non !

M. Bernard Perrut. Sont-ils tous efficaces et tous crédibles ? Osons le dire : la réponse est non.

La formation, mes chers collègues, n’est pas une fin en soi. Son objectif est l’emploi grâce à la qualification nouvelle ou renforcée qu’obtient le salarié à tout moment de sa vie. Vous l’avez dit, à jute raison, monsieur le secrétaire d’État, il faut tenir compte des réalités d’une situation de l’emploi qui évolue. Compte tenu de l’évolution des savoir-faire, des techniques qui exigent que l’on s’adapte et se remette sans cesse en cause, on n’occupe plus un même emploi durant toute sa vie professionnelle.

M. Jean-Paul Lecoq. Compte tenu aussi des délocalisations !

M. Bernard Perrut. J’évoquerai plus précisément les jeunes.

En cette période où le chômage des jeunes explose, poursuivons ensemble un objectif ambitieux et faisons en sorte de ne laisser aucun jeune à l’écart de l’insertion professionnelle. Je tiens à souligner les apports de M. Cherpion, le rapporteur, quant aux enjeux de l’orientation et de l’emploi des jeunes, qui ont donné au texte toute sa dimension en direction de tous les âges de la vie.

M. Jean-Pierre Brard. C’était avant le système métrique ?

M. Bernard Perrut. Vous avez eu raison, monsieur Cherpion, de mettre en avant les objectifs pour les missions locales, parce qu’ils sont indispensables. Vous avez évoqué le développement des écoles de la deuxième chance, rejoignant les propos du Président de la République, qui, le 24 avril dernier, a souhaité qu’il y ait davantage d’écoles de ce type réparties sur notre territoire. Vous avez également prévu des clauses pour privilégier les travaux ou les fournitures qui seraient fabriqués par des jeunes. Là encore, ce sont des mesures innovantes et bénéfiques. Vous n’avez pas oublié non plus les jeunes concernés par l’apprentissage. Prendre en compte les acquis de la formation est un point essentiel.

Pour ma part, je plaide en faveur de la création d’un lieu unique d’accueil et de suivi des jeunes dès leur sortie du système scolaire, même s’ils relèvent de l’éducation nationale pendant un an. Là aussi, on peut se poser un certain nombre de questions. L’éducation nationale suit-elle et accompagne-t-elle les jeunes sortis du système scolaire ?(« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Paul Lecoq. Encore faudrait-il qu’elle en ait les moyens !

M. Bernard Perrut. À cette interrogation, on peut répondre non. Du moins, pas tous les jeunes, ce que l’on ne peut que regretter.

Certaines missions locales ont reçu une mission de service public pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes, prévue par le code du travail. Elles font preuve, il faut le reconnaître, d’une grande créativité pour trouver des solutions en matière d’emploi et de formation des jeunes. De plus en plus, les entreprises les considèrent comme des partenaires efficaces pour le recrutement. C’est dans ce sens, et vous avez pu en juger, monsieur le secrétaire d’État, que les missions locales ont, au niveau national, engagé un certain nombre de coopérations avec une vingtaine de grands opérateurs économiques, les entreprises, les branches professionnelles, les chambres consulaires. Cela est essentiel car nous devons travailler avec les branches professionnelles et ces entreprises et leur fixer des objectifs.

C’est aussi en ce sens que la coopération entre Pôle emploi et les missions locales se renforce. Pôle emploi a d’ores et déjà retenu des orientations qui vont conduire les missions locales à accueillir un nombre plus important de jeunes – c’est ce que l’on appelle la cotraitance – dans un objectif de performance. N’ayons pas peur du mot car, comme M. le rapporteur l’a souligné, en matière d’emploi, il faut aussi qu’il y ait des performances, l’accueil ne suffit pas.

Un million de jeunes sont accompagnés chaque année par les missions locales, elles-mêmes prescriptrices de programmes de formation, et le constat est le suivant : 55 % des jeunes accueillis sont sans diplôme et seulement 20 % ont accès à une formation. Les chiffres parlent d’eux-mêmes.

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis. Que fait l’éducation nationale ?

M. Bernard Perrut. L’offre de formations professionnelles destinées aux jeunes est désormais insuffisante au regard des besoins ; c’est un constat récurrent et généralement partagé. Seuls 8 % des jeunes qui obtiennent un contrat de travail accèdent à l’alternance. Là aussi, il faut ouvrir un débat.

La question des ressources, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, est aussi très importante dans la réussite d’un parcours d’insertion, particulièrement pour les jeunes en situation de précarité. Dans le Livre vert, Martin Hirsch, par certaines recommandations et réflexions, pose parfaitement la question. Un jeune a besoin d’être accompagné, mais il a aussi besoin de vivre car les difficultés matérielles qu’il subit sont aussi celles de sa famille. C’est un sujet à approfondir.

Le 8 avril dernier, le conseil d’orientation pour l’emploi soulignait que les personnes ayant quitté le système scolaire sans qualification devaient pouvoir acquérir au minimum des savoirs de base autour de leur vie professionnelle. Tel est bien l’objectif que nous nous visons les uns et les autres et auquel vous êtes attentif, monsieur le secrétaire d’État.

Ce matin, vous avez réuni une dizaine de maires autour du thème de la mobilisation pour l’emploi des jeunes, dans le cadre des grands chantiers que vous avez ouverts. Parmi eux, figure l’apprentissage qui illustre l’efficacité de l’alternance. L’alternance n’est autre, en effet, que l’apprentissage d’un métier à travers la formation et le travail. L’accompagnement est ici essentiel, au même titre que le tutorat, repris dans le projet de loi.

Vous avez encore évoqué, à cette occasion, les contrats et les passerelles qui permettent d’accueillir les jeunes dans les collectivités, à condition, bien sûr, que la qualification qu’ils ont déjà acquise ou qu’ils sont sur le point d’acquérir trouve place dans la vie de l’entreprise.

Si la formation professionnelle est indispensable tout au long de la vie, faisons en sorte que la formation initiale soit la meilleure possible pour que les jeunes partent avec des qualifications, des objectifs, des missions d’avenir.

Je terminerai par cette citation de Victor Hugo : « Chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne ». À tout moment de la vie, la formation qu’on dispense donne à l’homme sa raison d’exister. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-René Marsac.

M. Jean-René Marsac. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le présent projet de loi prolonge l'accord interprofessionnel du 7 janvier 2009 et fixe des objectifs que nous pouvons partager. Cependant répond-il véritablement à l'enjeu que constitue une formation accessible à tous, tout au long de la vie ? Apporte-t-il un souffle suffisant pour générer une dynamique collective de nature à faire date, à l’instar de la loi de 1971 ? Je ne le pense pas.

Bien entendu, ce texte propose des avancées techniques qui peuvent améliorer la situation : mutualisations financières, embryon d'une sécurisation des parcours professionnels, volonté de rendre plus accessibles l'information et l'orientation, portabilité du droit individuel à la formation. Toutefois, une approche essentiellement technique et mécanicienne du sujet l’affaiblit.

Pour favoriser l'accès de tous à la formation tout au long de la vie, il faudrait générer des modifications culturelles et comportementales plus fondamentales.

Il s’agirait, tout d’abord, d’introduire beaucoup plus clairement et plus fortement dans la formation initiale un savoir apprendre tout au long de la vie, sous des formes et par des voies diversifiées. Si chacun doit pouvoir changer de métier, il faut que ce concept soit intégré par tous dès la sortie du système de formation initiale.

Il importe, ensuite, de valoriser plus fortement les passerelles, les réorientations et les promotions professionnelles au cours de la vie afin de cesser de faire peser sur la première orientation scolaire un déterminisme professionnel et social qui s’imprègne ensuite très profondément dans l'esprit des moins qualifiés. L’intégration du déterminisme social, un sentiment d'échec scolaire et de dévalorisation intellectuelle constituent, parmi les moins qualifiés, un frein puissant qu'il convient de supprimer afin de créer une dynamique de formation accessible à tous. C’est ce que Bertrand Schwartz avait démontré à la fin des années soixante-dix à la suite d’enquêtes auprès d'ouvriers lorrains.

Je ne vois pas bien comment ce texte qui fait l'impasse sur la recherche sociale et l'innovation pédagogique peut produire des changements à la hauteur des enjeux et des objectifs affichés. Comme tout domaine d'activité, la formation professionnelle a besoin de recherche-développement ainsi que d'expérimentations, donc de moyens financiers pour les conduire.

Il faut aussi relier bien davantage éducation permanente et formation professionnelle. C'était l'intention du texte de 1971 et elle est aujourd’hui un peu perdue de vue. Votre texte porte en effet exclusivement, comme son titre l’indique, sur la formation professionnelle. Or comment ne pas voir que des apprentissages effectués au titre des loisirs culturels et sportifs ou dans le cadre d’une pratique associative apportent des compétences utiles à l'exercice professionnel ou alimentent un appétit de formation ?

D'ailleurs, la validation des acquis de l’expérience devrait prendre en compte ces expériences hors champ professionnel. Je suis sûr que, sur nos bancs, beaucoup d'entre nous ont valorisé professionnellement ou dans l'exercice de leur mandat ce qu'ils ont appris dans des associations. Peut-on envisager un vrai progrès dans l’accès de tous à la formation tout au long de la vie si, dans le même temps, vous réduisez considérablement les aides aux associations de l'éducation permanente et de l'éducation populaire ?

M. Gérard Cherpion, rapporteur. Cela n’a rien à voir !

M. Jean-René Marsac. Si, mon cher collègue !

De plus, la dynamique de la formation continue ne peut se construire sur la seule logique d'un achat individuel de formation, qui constitue pourtant la tonalité de votre texte. Je ne nie pas qu'il faille aider les individus à construire un projet personnalisé et à trouver dans l'offre une réponse adaptée à leurs attentes, mais, pour dépasser les blocages sociaux et culturels évoqués plus haut, pour réinitier à l'acte de formation ceux qui ont tiré un trait sur les apprentissages après l'école et ouvrir l'appétit des plus éloignés d'une demande de formation, il est nécessaire d'en faire un projet social collectif clairement exprimé et porté, dans les quartiers, dans les territoires et dans les entreprises.

La création d'un service public d'orientation peut certes permettre de répondre à une demande individuelle en la mettant en relation avec une offre, mais l'accès à la formation professionnelle tout au long de la vie exige une politique publique plus offensive et plus imaginative que la simple réorganisation d'un marché de la formation et des circuits de financement.

Il est nécessaire de réaffirmer que la formation ne peut se réduire à une mise en concurrence des produits ou des prestataires de formation.

Telles sont, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les conditions de réussite qui me semblent manquer dans ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Jean-Pierre Brard nous a rappelé les grandes orientations du Conseil national de la Résistance. Notons qu’aux termes de la constitution du 27 octobre 1946, la nation doit « garantir l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture ».

En cette période de profondes évolutions socio-économiques et technologiques, tout citoyen doit pouvoir disposer de connaissances et d'expériences qui lui donnent la possibilité de peser sur les transformations de la société.

Le projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie a pour ambition de « rénover le système français de formation professionnelle », de le rendre plus efficace, plus juste, plus lisible. Permettez-moi de considérer que ce texte est loin d'être à la hauteur des ambitions affichées et des objectifs fixés, et sur de nombreux points. Cela est probablement dû à un manque de volonté de s'attaquer aux vrais problèmes mais aussi au fait que ce projet a été mené au pas de charge, de l'avis de plusieurs partenaires sociaux, comme tous les textes qui nous sont soumis au sein de cet hémicycle.

Le principe de la formation professionnelle tout au long de la vie aurait certainement mérité une réflexion plus profonde visant les vrais enjeux, en particulier pour ce qui est des salariés de bas niveau de qualification et des citoyens les plus éloignés de l'insertion sociale et professionnelle.

Un réel bilan de la mise en place de l'accord national interprofessionnel de 2003 aurait sans doute également constitué un bon élément d'analyse des dysfonctionnements et besoins.

Je prends l’exemple du droit individuel à la formation, le DIF.

Certes 300 000 droits individuels à la formation ont été mis en œuvre mais, si l’on ramène ce chiffre au nombre de salariés du secteur privé, cela ne représente, selon les années, que 2 % à 4 % du total ! Qu’en est-il de la dimension universelle du dispositif ?

Rendre possible la portabilité de ce droit apparaît comme une bonne chose en cas de rupture de contrat de travail, mais encore faudrait-il que ce droit soit utilisé par un grand nombre de salariés, en particulier par ceux qui sont le plus éloigné de la qualification.

S’agissant du DIF, les difficultés principales tiennent à sa prise en charge financière, à sa faible durée et au souhait de la majorité des employeurs de voir la formation se dérouler hors temps de travail. Or quand la tendance est à la remise en cause des 35 heures et au « travailler plus pour gagner plus », on ne peut que s'interroger sur la possibilité que vont avoir les salariés de se former hors de ce temps de travail.

La loi vise la prise en charge des frais de formation des congés individuels de formation, les CIF, en dehors du temps de travail. Où est la cohérence ?

Les entretiens professionnels et les passeports formation n'ont pratiquement jamais été mis en place. Pourquoi ?

Au-delà des modalités techniques se pose le problème de fond de l'incitation des salariés à aller en formation, de la reconnaissance réelle de leur investissement dès lors qu'ils suivent une formation et de l'obligation qu'ont les employeurs de financer la formation professionnelle continue.

Tout le monde s'accorde pour reconnaître l'inégalité de l'accès à la formation continue selon le niveau de qualification des salariés et la taille des entreprises. Comment régler ce problème ? Quelle est votre réflexion sur cette réalité et quelles sont vos propositions, monsieur le secrétaire d’État ? Je ne vois rien à ce sujet dans le projet de loi.

Informer ne suffit pas : les OPCA, aux moyens financiers très conséquents, ont rivalisé pour sensibiliser employeurs et salariés à travers de multiples plaquettes et initiatives mais, six ans après, le constat reste amer.

Selon vous, le problème est simplement quantitatif alors que le problème de la formation continue des salariés de bas niveau de qualification doit faire l'objet de mesures incitatives spécifiques. Il est de notre responsabilité et de celle du monde économique que ce problème soit pris en compte rapidement tant les besoins vont devenir cruciaux.

De nombreux dispositifs de formation ont été mis en place, par la fédération du bâtiment et l’AREF BTP entre autres, en vue de l'acquisition des connaissances de base et de la maîtrise des écrits professionnels. Toutefois, sans réels volonté ou intérêt des entreprises concernées, ces dispositifs pourtant très positifs restent lettre morte. Comment aboutir à leur mise en place effective ?

Au delà de la non-inscription des salariés dans ces dispositifs, force est de constater que beaucoup d'entreprises se contentent de respecter l'obligation de participation à la formation continue en s'acquittant du versement du pourcentage de leur masse salariale prévu par leur convention collective auprès de leur organisme mutualisateur et ne réalisent que peu ou pas de formation pour leur personnel, en particulier quand les effectifs ne sont pas importants. Comment contrôler cette situation et les inciter réellement à la mise en place d'un minimum d'actions de formation ?

Quelle réflexion mener pour les aider à supporter les problèmes d'organisation dès lors que des salariés sont absents pour formation, ce qui constitue un réel problème pour les très petites entreprises et les PME ? De surcroît, il faut savoir que les salariés eux-mêmes s’autocensurent et renoncent à leur formation de peur de mettre en difficulté leur entreprise quand elle a un très petit effectif.

Sanctuariser les contributions versées par les PME afin que celles-ci ne soient pas captées par les entreprises de plus de cinquante salariés n'a de sens que si des formations sont effectivement mises en place au profit des salariés des PME.

Quant au fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, sa création serait susceptible de financer des actions de qualification et de requalification des salariés et demandeurs d'emploi. Dans l'absolu, cette mesure permet d'améliorer l'accès à la formation des personnes concernées ; encore faut-il être prudent, qu’il s’agisse de l’utilisation effective de ces fonds ou des tentatives de l’État de diminuer les budgets liés à d'autres dispositifs de formation existants. L'expérience nous y invite.

Sur ces questions, il convient de faire attention aux glissements qui risquent d’intervenir dans les responsabilités respectives de l'État et des fonds de la formation professionnelle.

Quel engagement pouvez-vous garantir sur l’effort financier de l’État en la matière ?

Concernant le droit à l’information, au conseil personnalisé et à l’orientation en matière d’orientation professionnelle, il est prévu un système cohérent et lisible. L’une des réponses consiste à mettre en place un service national de première orientation avec instauration d’une plate-forme téléphonique et d’un portail internet. Cela réglera-t-il le cas de ce jeune homme interviewé le week-end dernier à la télévision...

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis. Je l’espère !

M. Jean-Paul Lecoq. ...à qui l’on propose, faute de place, une formation en comptabilité alors qu’il souhaite entrer dans une filière du bâtiment ?

Le problème de la première orientation concerne l'éducation nationale à qui il serait indispensable de donner de réels moyens pour assurer ces missions. Bon nombre de décrochages scolaires et de situations d'exclusion seraient ainsi évités.

Concernant l'orientation des adultes, la fracture numérique et les difficultés d'accès à l'information des personnes les plus éloignées de la qualification rendent caduques les tentatives de portail d'information déjà expérimentées sur le territoire. Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, ces techniques ne sont pas adaptées aux publics les plus en difficulté.

Certes, l'orientation professionnelle est complexe et l'information qui y est liée est très dense et parfois difficilement accessible, mais les dispositifs seraient plus lisibles s'ils ne changeaient pas perpétuellement de nom, d'objectifs, de publics concernés et de modalités d'accès. J’ajoute que ces changements se font, la plupart du temps, aux dépens des publics concernés.

Nous sommes à l'ère des dématérialisations et des fusions de services qui complexifient plutôt qu'elles ne facilitent les relations entre les demandeurs d'emploi et de formation et les institutions. Pour des non-initiés, certaines recherches ressemblent à un parcours du combattant...

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis. C’est vrai !

M. Jean-Paul Lecoq. ...et le « taper 1, 2 ou 3 » sur un clavier téléphonique n'a jamais facilité quoi que ce soit. Au bout d’un moment, on désespère !

Les services d'information et d'orientation doivent être dotés de réels moyens tant humains que matériels pour favoriser une relation d'écoute et d'échange de qualité. À cet égard, je partage la quasi-totalité des propos qu’a tenus tout à l’heure M. Perrut, ce qui est rare.

M. Jean-Pierre Brard. Il va être exclu de l’UMP !

M. Jean-Paul Lecoq. Du moment que je ne suis pas exclu du parti communiste ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Cela ne se fait plus, car ils ne sont plus assez nombreux !

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis. Ce qui signifie que cela s’est fait par le passé ! (Sourires.)

M. Jean-Paul Lecoq. J’ai apprécié son intervention concernant la qualité de l’accueil dans les missions locales, l’évolution de celles-ci, leur professionnalisme et leur originalité dans la pertinence des propositions.

M. Bernard Perrut. Merci, monsieur Lecoq !

M. Jean-Paul Lecoq. Plus les publics sont éloignés de la formation, plus il faut simplifier et humaniser l’accueil, et surtout pas le rendre technique en passant par des bornes télématiques – c’est bon pour ceux qui savent se débrouiller seuls.

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis. Nous sommes tous d’accord sur ce point !

M. Jean-Paul Lecoq. Au regard des difficultés de plus en plus nombreuses d'ordre psychologique ou de conséquences prégnantes de l'exclusion sociale, constatées par les professionnels de l'insertion et de la formation, une réelle qualification des personnels en la matière est indispensable.

C'est le cas du personnel de l'AFPA, comme l’a montré tout à l'heure Jean-Pierre Brard, alors que cette institution serait amputée de son secteur en charge de l'orientation transféré à Pôle emploi. L'accompagnement psychologique des demandeurs d'emploi de longue durée est indispensable et l'AFPA ne doit en aucun cas être démantelée.

Nous avons maintenant quelques mois de recul s’agissant de la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC. Les réalités vécues par les personnels et le service rendu aux bénéficiaires se passent de commentaires. Cet après-midi, Claude Goasguen a fait état du nombre important des institutions de formation et vous avez parlé, monsieur le secrétaire d’État, de la dérive sectaire de certaines d’entre elles.

Si je suis particulièrement attaché, comme M. Brard, à un vrai service public de formation, d'orientation professionnelle et d'emploi, seul capable d'assurer une égalité d'accès et de traitement sur l'ensemble du territoire, je ne peux omettre la réalité vécue aujourd'hui par les centres de formation associatifs à but non lucratif qui assurent un maillage performant dans nos régions.

Bien que classés dans la notion d'organismes privés, il me paraît important de dissocier ces centres souvent issus de l'éducation populaire de ceux pour qui la formation est un pur produit marchand.

Ce tissu associatif s'est particulièrement développé avec les lois Rigoux dans les années 80, période où la recherche de l'innovation en matière de formation professionnelle et la lutte contre l'échec scolaire avaient réellement un sens.

Depuis trente ans, ils ont développé un savoir-faire et un réel niveau d'expertise, ils ont investi et professionnalisé leurs équipes. Ils obtiennent des résultats en matière de qualification et d'accès à l'emploi à la hauteur des objectifs fixés par les financeurs, malgré un public parfois difficile et très diversifié que certaines institutions rechigneraient à accompagner.

Contrairement à ce qu’indiquait cet après-midi Claude Goasguen, nombre de ces centres sont labellisés, certifiés, y compris dans le cadre de la norme ISO 9001 que les financeurs les ont fortement incités à obtenir comme garantie de la qualité de leur prestation. J’espère que M. le secrétaire d’État confirmera mes propos, cette demande de certification émanant des directions régionales de l’emploi et de la formation professionnelle. Cela montre la qualité de ces centres.

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis. Il faudrait certifier également les DDTE !

M. Jean-Paul Lecoq. Depuis le positionnement des actions d'insertion et de qualification et plus généralement des prestations de formation professionnelle dans le code des marchés publics, tous constatent une détérioration des conditions d'exercice de leur activité.

Permettez-moi d’ouvrir une parenthèse sur la notion de marché public. Les collectivités locales sont souvent sollicitées sur la dimension d’insertion qui s’adresse souvent aux métiers qui accomplissent déjà de nombreux efforts, notamment dans le domaine du bâtiment et des travaux publics. Si l’on fait un appel d’offre en matière de téléphonie par exemple, on ne demandera pas la clause d’insertion à France Télécom alors qu’on pourrait le faire.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi. C’est vrai !

M. Jean-Paul Lecoq. Cet après-midi, j’ai vu un camion belge livrer du mobilier à l’Assemblée nationale. On n’a sans doute pas imposé de clause d’insertion au fabricant de meubles !

M. le président. Veuillez en revenir à votre sujet, monsieur Lecoq, car je crois que vous vous en écartez !

M. Jean-Pierre Brard. C’est de la pédagogie !

M. Jean-Paul Lecoq. Je suis maire d’une ville où est implantée une raffinerie Total. À aucun moment on ne demande de clause d’insertion à Total qui nous fournit le carburant. Il ne faut pas sans cesse s’adresser aux entreprises du bâtiment et des travaux publics. Même si c’est un peu plus compliqué, il faudra savoir décliner et oser investir dans cette clause d’insertion.

Dans les marchés publics, à côté de la clause d’insertion, il y a souvent la clause sociale.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Ce n’est pas la même chose !

M. Jean-Paul Lecoq. Mais on fait souvent l’amalgame !

Nous sommes un certain nombre à considérer qu’il faut défendre les entreprises citoyennes qui rémunèrent normalement leurs salariés, prennent en compte les années d’ancienneté, gardent ceux qu’ils ont qualifiés, bref qui les payent un peu plus que les entreprises qui font sans cesse appel à l’intérim. Mais, lorsqu’elles répondent à un appel d’offre, ces entreprises sont généralement plus chères parce qu’elles assument leurs responsabilités d’entreprises citoyennes. Il faudra donc que les communes, les départements et les régions osent dire qu’ils retiendront l’entreprise la plus performante socialement, même en cas d’appel d’offre européen. Je referme la parenthèse.

Aujourd'hui, il est question de mandatements d'un ou plusieurs opérateurs de formation avec octroi de droits spéciaux. J'attire votre attention, dans ce cadre, sur la nécessité de préserver le savoir-faire et l'existence des centres associatifs aux côtés des grandes institutions que sont les GRETA et AFPA pour préserver la richesse de la diversité et de l'innovation.

Comme vous pouvez le constater, en l’état actuel nous sommes bien loin d'une réforme ambitieuse et même si le député Anciaux a prévenu qu'il ne s'agissait pas du grand soir de la formation professionnelle,...

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis. Et je maintiens ce que j’ai dit !

M. Jean-Paul Lecoq. ...peut-être aurions-nous pu espérer une plus grande prise en compte des enjeux fondamentaux que constituent le droit à la formation pour tous tout au long de la vie et l'égalité des chances.

Un député de votre majorité, monsieur le secrétaire d’État, a qualifié votre projet de loi d’embryon. Faisons-le grandir. Pour notre part, nous proposerons des amendements. À vous de prouver que vous voulez vraiment en faire une bonne loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. Jean-Pierre Brard. Sans IVG, pour faire plaisir à Christine Boutin !

M. le président. La parole est à M. André Schneider.

M. André Schneider. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre pays connaît de fortes inégalités concernant l'accès à la formation professionnelle : inégalité géographique, inégalités en fonction de l'âge, de la catégorie socioprofessionnelle, de la taille de l'entreprise. Voilà autant de problèmes qu'il nous faut résoudre afin de permettre à chacun d'acquérir par la formation un capital emploi et d'accentuer la mobilité. Il est nécessaire de répondre aux besoins de l'économie réelle.

Face à ces nombreuses inégalités, il devenait urgent de légiférer. Cette réforme est une véritable chance pour l'ensemble des salariés, des demandeurs d'emploi, des jeunes. Il est important de la mener à bien, car ce projet de loi permettra notamment l'amélioration de l'orientation professionnelle, la création du fonds de sécurisation des parcours professionnels, la mise en place d'un congé individuel de formation type cours du soir et réformera le statut des organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA.

Monsieur le secrétaire d’État, vous le savez, l'Alsace est une région pionnière en ce qui concerne la formation professionnelle. Il n'est pas utile de rappeler que notre région, avec la Lorraine et la Franche-Comté, permet déjà aux salariés en chômage partiel de bénéficier de formations adaptées améliorant ainsi leurs compétences. Je rappelle que 96 000 personnes ont bénéficié d'une formation durant l'année 2007 en Alsace.

Ce projet de loi prend ses racines dans ce que j'appellerai notre loi fondamentale en matière de formation professionnelle, c'est-à-dire celle du 16 juillet 1971 qui instituait, à côté des financements publics, une participation obligatoire des employeurs au financement de la formation professionnelle continue et un congé de formation. Elle fut complétée par celle du 4 mai 2004.

Nous nous devions d'adapter ce texte aux attentes sociétales. En effet, les dispositifs français d'aide à l'orientation sont particulièrement nombreux et souvent incohérents. Je citerai l'excellent rapport de mon collègue Jean-Paul Anciaux : La France compte plus de 8 500 organismes d'information et d'orientation, au moins quinze plates-formes téléphoniques et dix sites Internet généralistes.

La mise en place d'un système de labellisation des organismes d'information et d'orientation est une excellente idée. Je souhaite, monsieur le secrétaire d’État, que ces mesures, qui seront organisées par la voie réglementaire, soient prises le plus rapidement possible et que ces organismes soient enfin évalués régulièrement.

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis. Très bien !

M. André Schneider. Par ailleurs, il était important de créer un fonds de sécurisation des parcours professionnels. Ce fonds aura notamment vocation à financer la formation des demandeurs d'emploi. Cette mesure est très attendue et je tiens à vous féliciter de la mettre en œuvre. Sa gestion paritaire se fera avec le Pôle emploi dont je tiens à souligner qu'il est le pivot de la lutte contre le chômage.

Il faut encourager les employeurs des TPE et PME à former leurs salariés. Et c'est ce que permettra ce projet de loi par la mutualisation des fonds de la formation.

Une aide particulière doit aussi être apportée aux très petites entreprises. Il n'est pas inutile de rappeler qu'elles versent obligatoirement 0,55 % de leur masse salariale aux OPCA, dont 0,4 % au titre du plan de formation. J'insiste sur ce point, monsieur le secrétaire d’État : elles jouent un rôle fondamental dans notre économie, elles emploient plus de 5 millions de personnes sur notre territoire. Ces salariés doivent bénéficier des mêmes garanties de formation que ceux des grandes entreprises. En effet, pourquoi un salarié travaillant dans une TPE n'aurait-il pas les mêmes droits à la formation que ceux travaillant dans de grands groupes ? Nous devons lutter contre ces inégalités.

L'accord national interprofessionnel du 7 janvier dernier prévoit que les OPCA devront élargir leur rôle d'organisme collecteur à celui de conseil tant pour les entreprises que pour les salariés. Un décret devrait compléter les dispositions législatives afin d'identifier la mission d'intérêt général confiée aux OPCA en matière de conseil auprès des PME-PMI. Monsieur le secrétaire d’État, il est indispensable de ne pas oublier les TPE lors de la rédaction de ce décret.

Ayant exercé durant ma vie professionnelle quelques responsabilités régionales dans le domaine de la formation professionnelle continue, je crois pouvoir dire que ce texte permettra des avancées significatives et favorisera le progrès social.

Enfin, fils et frère d'artisan, je sais à quel point la sécurité de la situation du salarié et sa productivité se fondent sur le savoir-faire et les compétences transmises de génération en génération. Il convient également d'encourager la mobilité des salariés peu prisée dans notre pays - je ne parle évidemment pas de délocalisation. Elle est l’un des meilleurs moyens de lutter contre le chômage et la précarité. Il en va aussi de la compétitivité de notre économie.

Votre projet de loi, monsieur le secrétaire d’État, offrira à chacun la possibilité de se former tout au long de la vie et permettra à toutes et à tous de repartir sur de nouvelles bases, vers un nouveau métier...

Permettez-moi de conclure en citant l’industriel Henri Ford : « La démocratie dont je suis partisan, c'est celle qui donne à tous les mêmes chances de réussir et ensuite à chacun selon sa capacité ». Il ajoutait : « Se réunir est un début. Rester ensemble est un progrès. Travailler ensemble est la réussite ». Nul doute qu'ensemble nous réussirons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. J’aurai décidément tout entendu ce soir, même M. Schneider citant Karl Marx :« De chacun selon ses capacités à chacun selon ses besoins » ! Nous aurions pu bien avancer sur la voie du consensualisme si vous étiez allé jusqu’au bout de votre démarche…

Beaucoup ayant déjà été dit sur ce texte, je ne ferai que répéter, marteler, ce qui a déjà été dénoncé avec maestria par mes collègues, mais ce texte répond si peu aux attentes de nos concitoyens que je ne puis faire autrement.

Personne ne peut le contester, le système de formation professionnelle est frappé d'une lourde embolie, au point qu’il n’y a pas si longtemps, le sénateur Carle avait parlé à son sujet de la crise des trois « C » : complexité, cloisonnement, corporatisme.

Complexité puisqu'une multitude d'acteurs – l’État, la région, les entreprises, les partenaires sociaux, les organismes collecteurs, l’AFPA et autres organismes privés de formation – interviennent dans le domaine de la formation professionnelle.

Cloisonnement, car il est bien difficile, et un président de région en sait quelque chose, de fédérer et de mettre en synergie les différents acteurs.

Corporatisme enfin car, le rapporteur l’a rappelé, « les OPCA forment un maquis totalement incontrôlable » et les statistiques sont là pour nous rappeler qu’en pratique, l’argent des salariés faiblement qualifiés finance la formation des cadres, celui des PME celle des grands groupes et celui des demandeurs d'emplois celle des salariés.

Face à l'injustice du système, l’on ne peut accepter le statu quo.

Chez moi, en Guadeloupe, 55 % des quinze–vingt-quatre ans sont au chômage – c’est le taux le plus élevé d’Europe – et 33 % quittent le système scolaire sans le moindre diplôme !

Le taux de sous-qualification est très élevé avec 70 % des demandeurs d'emploi inscrits à fin décembre 2008, de niveau 5 et infra, dont 32 % de niveau 5 bis, contre respectivement 57 % et 18% dans l'hexagone. Le taux de chômage exceptionnellement élevé de la Guadeloupe – 22 %, voire 25 % – fragilise sa stabilité sociale : près de 30 000 personnes « disqualifiées » sont aujourd’hui particulièrement exposées à la grande précarité. Transposez ces données à l’échelle de l’hexagone et vous serez stupéfaits des chiffres astronomiques que vous obtiendrez !

Il est donc urgent de mettre en place un véritable plan Marshall pour la formation professionnelle et l'emploi des jeunes, pas seulement en Guadeloupe, mais dans tout l’outre-mer, ainsi que l’a préconisé le rapport de la mission d'information sénatoriale conduite par Serge Larcher.

Malheureusement, votre projet de réforme n’est pas à la hauteur des enjeux. Il ne fait que reprendre en grande partie l’accord national interprofessionnel du 7 janvier 2009, signé par l'ensemble des partenaires sociaux. Sa finalité, selon l'exposé des motifs, est "d'améliorer la transparence et les circuits de financement" de la formation professionnelle pour "mieux les orienter vers ceux qui en ont le plus besoin", mais, face à la menace brandie par l'État de décider sans eux, les partenaires sociaux ont dû se mettre d'accord dans la précipitation et, selon les syndicats eux-mêmes, la différence est grande entre ce qu'ils ont signé et le projet de loi.

Certes, nous relevons quelques avancées comme la portabilité du droit individuel à la formation, le développement des contrats en alternance ou la volonté de faire bénéficier de la formation professionnelle ceux qui en ont le plus besoin – demandeurs d'emploi, ouvriers, salariés des très petites, petites et moyennes entreprises.

Nous ne pouvons qu'adhérer à de tels principes mais qu’en sera-t-il concrètement ? Les deux axes principaux de la réforme nous laissent quelque peu perplexes.

La sécurisation des parcours professionnels se traduit par la création d'un fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels qui permettra à l'Etat de remettre la main sur les 900 millions d’euros des partenaires sociaux.

Ce nouveau fonds paritaire est, malgré son nom, une manière de recréer une enveloppe destinée aux demandeurs d'emploi et salariés les moins qualifiés, qui sera mise à disposition de Pôle emploi : cela revient à réintroduire le financement des stages non rattachés à un contrat de formation, que la loi Borloo avait supprimés. Nous aurons l’occasion de revenir plus longuement sur le cœur de ce texte à son article 9, mais je crains fort que les crédits de ce fonds ne retournent pas vers ceux qui en ont le plus besoin, notamment chez moi en Guadeloupe. L’enveloppe de Pôle emploi, jusqu’à présent gérée par les ASSEDIC, n’est consommée qu’à 22 %. Tout le reste revient en métropole.

Quant à la simplification du système actuel de gouvernance et de financement de la formation professionnelle, chacun s'accorde pour regretter que ce texte complexifie encore le dispositif. Nous aurons l’occasion d'y revenir, mais il est évident que cette recentralisation assumée est en contradiction frontale avec les conclusions de la mission Ferracci selon lesquelles la région aurait dû être confirmée comme « pilote » de la formation professionnelle.

Au final, ce projet de loi s'illustre essentiellement par de nombreuses désillusions. L’une de ses lacunes principales, en matière d’insertion des jeunes, concerne le droit à la formation initiale différée – cela a été dit, mais il faut le marteler. C’est bien là l’oubli le plus important, à nos yeux, alors que 150 000 jeunes quittent chaque année le système scolaire sans le moindre diplôme. On aurait pu espérer que ce texte propose les moyens de les récupérer, grâce à une formation soutenue.

Un système équitable doit permettre à ceux qui ont manqué le wagon de la formation initiale de s'y raccrocher par des droits différés. Il ne doit pas se contenter de reporter la formation qu'ils n'ont pas eue au départ, il doit leur ouvrir des droits complémentaires. Nous avons déposé des amendements en ce sens.

Pour tous les membres de la commission Hirsch, la question de l'orientation est primordiale et doit être revue de fond en comble. La commission propose ainsi de créer un service public de l'orientation territorialisé – Spot –, service autonome de l'éducation nationale qui implique de «pouvoir s'engager sur une production de services homogènes sur le territoire national mais construite avec les acteurs régionaux et municipaux qui n'oppose pas l'Etat et les collectivités territoriales mais cherche à les réunir sur des objectifs partagés et définis en commun".

Or, vous nous proposez la voie d’une convention État-régions-partenaires sociaux mettant en place un service national unique de première orientation.

Alors que le projet de loi passait sous silence la problématique de l'insertion des jeunes, des mesures « d'affichage »  ont été introduites en commission. La commission des affaires sociales, consciente de cette faiblesse, a souhaité mettre l’accent sur l’insertion et l’emploi des jeunes en ajoutant un titre IV bis contenant une dizaine d'articles proposant des expérimentations en la matière.

Rédigés alors que la commission Hirsch sur la politique de la jeunesse n’avait pas terminé ses travaux, ces articles, qui ne sont pas du domaine législatif, relèvent plutôt de l’incantatoire et cherchent à pallier l’absence d’une véritable réforme de fond du système de l'orientation et de l'insertion des jeunes.

Un autre sujet aurait mérité une place de choix, celui de la structuration de l'offre de formation et les modalités de la commande publique. Il y a là un sujet de fond sur la qualification du secteur de la formation professionnelle au regard, notamment, du droit communautaire, pour que celle-ci puisse au moins, pour partie, relever du régime des services sociaux d'intérêt général, et l’illustration d'une urgence absolue à travers l'AFPA.

Le code des marchés publics ne saurait être l'outil unique adapté pour structurer une politique publique de formation inscrite dans la durée et répondant aux problématiques particulières de l'AFPA.

Les procédures de mise en concurrence, quelle que soit la qualité des cahiers des charges, n'apportent pas toujours toutes les garanties qu'une autorité publique attend. En tant que président de région, j’en sais quelque chose. Ma région est la seule de France où une AFPA a été liquidée pour mauvaise gestion, et je suis peut-être sous le coup d’une mise en examen pour une procédure juridique que même la chambre régionale des comptes n’a pas pu qualifier. Aujourd’hui, la région a dû se faire habiliter par le Parlement et créer un centre régional de formation professionnelle pour faire face aux obligations.

Dernière grosse désillusion: l'instauration d'une gouvernance éclatée. Ce texte marque en effet le grand retour de l'État dans le dispositif. Plutôt que de simplifier, il ajoute encore plus d'État aux acteurs existants, sans accorder de moyens supplémentaires. Nous savons ce que valent les systèmes de copilotage : soit l'organisation sera encore plus opaque, soit l'État deviendra le patron de l'ensemble. En tout état de cause, il est regrettable que les régions soient reléguées au rang de partenaires ordinaires, alors que la loi de 2004 leur avait donné la responsabilité pleine et entière de la formation continue. C’est un mauvais procès que l’on nous fait. Lorsque l’on élabore un PRDF, on voit tout le monde, on passe des accords, des conventions annexes sont même signées avec le préfet : pourquoi ajouter une signature supplémentaire qui prend l’allure d’une tutelle qui n’ose pas dire son nom ?

Cette orientation n'était ni justifiée ni demandée par les partenaires sociaux. La seule ligne directrice qu'on y voit est celle d'une reprise en main par l'État. La répartition des rôles n'est même pas réglée, et on ignore quel sera le lieu de la coordination. La question essentielle du rôle de l'éducation nationale et du Pôle emploi est à peine évoquée.

À notre sens, ce texte est donc une occasion manquée – on l’a dit bien avant moi –, celle de repenser l’organisation et le pilotage de l’ensemble d’une chaîne : information-orientation-formation-emploi.

Je pense sincèrement que, entre la fusion ANPE-UNEDIC, le présent projet et les travaux en cours sur l’orientation, ainsi que ceux de la commission Hirsch, nous avons « saucissonné » un sujet qui aurait dû être traité dans sa globalité pour gagner en cohérence et donc en efficacité.

Les enjeux de la formation professionnelle portent aujourd’hui sur la capacité collective des acteurs à coordonner leurs actions après avoir défini des objectifs partagés. Or la contractualisation est une pratique courante en région, qui peut tout à fait être généralisée et portée par des conférences des décideurs-financeurs. Ces partenariats se sont du reste considérablement développés au cours des dernières années dans le respect des prérogatives des uns et des autres, et ces rapprochements entre régions et partenaires sociaux chargés de la gestion paritaire de dispositifs sont incontestablement appelés à devenir la norme. La récente conversion du Président de la République aux initiatives locales que sont les écoles régionales de la deuxième chance en est une des meilleures preuves. Or nous aurons bientôt une troisième école de la deuxième chance en Guadeloupe, mais nous n’avons pas reçu un kopeck de l’État.

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous en sommes à l’euro, mon cher collègue !

M. Victorin Lurel. J’aimerais bien que les promesses soient tenues.

La coordination des acteurs et des dispositifs de la formation professionnelle aurait pu passer également par des engagements réciproques et durables, et les plans régionaux de développement des formations, construits de manière partenariale avec une portée opérationnelle étendue en les rendant prescriptifs, auraient pu constituer ce cadre partagé.

Nous aurions pu construire, dans un partenariat intelligent avec l’État, les partenaires sociaux, les collectivités locales, un grand service public local de la formation professionnelle au plus près des besoins, donc au niveau local.

C’est d’ailleurs l’impulsion que j’entends donner dans le cadre de l’habilitation obtenue par la région Guadeloupe. La création du futur établissement public administratif de la formation professionnelle s’efforcera d’allier souplesse et adaptation à la rigueur de la gestion publique, tout en proposant une offre de formation de qualité à ceux qui en ont le plus besoin. C’est à ce titre, par exemple, que je solliciterai la formation de deux publics particulièrement fragiles, les illettrés et les détenus. C’est la première fois qu’une telle initiative est prise sous la Ve République ; la région Guadeloupe peut désormais remplacer le Gouvernement et le Parlement, puisqu’elle est habilitée « à fixer la règle ». Nous tenterons de le faire et vous constaterez que votre texte ne prend pas du tout en considération certaines particularités.

Vous le voyez, les élus locaux, et singulièrement les régions, sont prêts à travailler, à condition toutefois que l’on veuille bien leur faire confiance et que leurs initiatives ne soient pas bridées. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, même si l’on peut à bon droit regretter que, une fois encore, la loi ne soit pas parfaite – l’est-elle jamais ? –,…

M. Régis Juanico. Elle est souvent imparfaite !

M. Jean-Frédéric Poisson. …le débat est censé permettre d’y apporter les compléments nécessaires, et il faut saluer cette réforme qui constitue une tentative…

M. Michel Issindou. Une tentative seulement !

M. Jean-Frédéric Poisson. …d’organiser, de clarifier un système de formation professionnelle dont nous avons tous décrit les défauts. Il fallait du cran pour s’y attaquer et, du haut de la tribune, je tiens à saluer cet effort.

Je ne reviens pas sur l’importance que revêt la formation professionnelle pour les personnes, pour les entreprises, pour le pays tout entier – les deux rapporteurs l’ont déjà soulignée.

Je salue également ce texte en ce qu’il entend rectifier des inégalités qui tiennent pour certaines au statut des salariés, aux différences d’accès à la formation professionnelle selon qu’on est cadre ou non, d’autres tenant à la taille des entreprises et à la prédominance des grandes entreprises dans les organismes gestionnaires de la formation professionnelle, autant d’inégalités structurelles handicapantes pour notre système de formation.

Le projet traduit la volonté de clarifier un système devenu opaque, dont les modalités de gestion échappent à nombre d’entre nous, et d’instaurer des règles qui doivent nous permettent de nous y retrouver. C’est aussi une excellente chose.

Enfin, l’objectif d’optimiser la gestion des fonds destinés à la formation professionnelle – fonds dont les montants sont très importants – me paraît tout aussi digne d’intérêt.

J’évoquerai en quelques points le contenu du texte.

Tout d’abord, l’article 1er mentionne une stratégie nationale de coordination entre tous les acteurs. J’attire votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur le fait que la pleine efficacité de ce dispositif nécessitera une coopération active des branches professionnelles qui ne sont pas mentionnées dans le texte puisqu’elles ne sont pas directement concernées, mais qui seront des partenaires actifs du système de formation professionnelle, en particulier pour ce qui est de l’organisation des modalités de la transférabilité des droits.

Ensuite, je suis satisfait de ce que l’on souhaite instaurer une base légale à la labellisation des organismes. Notre collègue Goasguen mettait tout à l’heure en évidence la spectaculaire prolifération des organismes de formation, quelle que soit leur taille, pourvus de compétences parfois difficiles à estimer à leur juste valeur. Il est bon que cette labellisation soit organisée et que le secteur soit dans une large mesure surveillé, au sens positif du terme, pour éviter un certain nombre des abus aujourd’hui constatés.

À l’article 14, le texte prévoit que les organismes collecteurs devront prêter une particulière attention aux petites et moyennes entreprises. Nous savons à quel point ces dernières doivent faire l’objet d’une attention soutenue de notre part, qu’il s’agisse des droits sociaux ou de la réglementation du travail et de la formation en général. Il convient que les organismes collecteurs s’en rapprochent.

Par ailleurs, il semble également nécessaire, comme le prévoit l’article 15, que ces organismes collecteurs reçoivent un agrément.

J’attire votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur quelques points que plusieurs de mes collègues et moi-même avons signalés par le biais d’amendements.

Nous souhaitons ainsi revenir sur la disposition qui concerne la rémunération des étudiants à partir de deux mois de stage et non plus à partir du troisième mois. Il y a quelques semaines, nous avons discuté de cette disposition qui figure désormais dans la proposition de loi visant à faciliter le maintien et la création d’emplois. Nos collègues Cherpion et Anciaux avaient déjà participé au débat. Dans la mesure où il est à peu près certain que, pour des raisons de calendrier parlementaire, le présent projet sera adopté définitivement avant que ladite proposition de loi ne le soit, j’ai décidé de réintroduire cette disposition par un amendement que je remercie le rapporteur Cherpion d’avoir cosigné. (Sourires.)

M. Jean-Patrick Gille. Bravo !

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous souriez, monsieur Gille, mais sachez que l’on peut, même dans cet hémicycle, faire preuve de constance !

Nous avons souhaité que les politiques des organismes collecteurs fassent l’objet d’une évaluation annuelle.

Notre collègue Schneider en a parlé, je souhaite revenir sur la place particulière de l’artisanat qui, tant en matière d’apprentissage que de formation continue, nécessite d’être précisée. Nous avons souhaité que vous puissiez, monsieur le secrétaire d’État, à l’occasion de la discussion, non pas rassurer l’artisanat car il ne doit pas être inquiet, mais tout au moins apporter les précisions qu’il réclame si j’en juge par les correspondances que je reçois en ce moment.

J’en viens maintenant au décret qui fixera la destination des fonds excédentaires des organismes collecteurs. Je ne parlerai pas au nom du président de la commission des affaires sociales, d’autant qu’il est présent dans l’hémicycle, mais je crois savoir qu’un certain nombre des commissaires aimeraient être associés à la rédaction de ce décret au vu de son importance politique. Comme le disait à l’instant Victorin Lurel, il faudrait que nous décidions ensemble de l’affectation des excédents aux populations, aux territoires et aux entreprises qui en ont besoin. Cela paraîtrait juste.

M. Victorin Lurel. Je défendrai deux amendements à ce sujet !

M. Jean-Frédéric Poisson. Mon collègue guadeloupéen ne m’en voudra pas de chasser sur ses terres ou presque, mais l’accord national interprofessionnel ne mentionnait pas les modalités d’application dans les territoires et départements d’outre mer.

M. Victorin Lurel. En effet !

M. Jean-Frédéric Poisson. Il faudra donc revenir, j’ignore encore sous quelle forme – la discussion permettra de le préciser –, sur ces modalités d’application.

M. Victorin Lurel. Il s’agit de faire respecter le paritarisme !

M. Jean-Frédéric Poisson. Notre collègue Lecoq a souligné pour sa part que certains organismes de formation qui proposent des stages de développement personnel camouflent des organisations sectaires aux nuisances desquelles il faudrait pouvoir mettre un terme. J’ignore certes par quels moyens. Ce n’est certes pas moi qui condamnerai ou déprécierai l’importance de la formation des hommes, qui manque cruellement au sein de l’entreprise, mais des fonds s’évadent ainsi vers des destinations inconnues sans que le système de formation en profite.

Pour finir, une importance particulière doit être accordée à la santé au travail qui, sauf exception, demeure un parent pauvre de la formation continue. Même si ce n’est pas le seul thème sur lequel il faudrait tenter d’infléchir la politique des organismes de formation, donc la politique de formation professionnelle des entreprises, il semble que ce sujet devrait faire l’objet d’une incitation ou d’une accélération particulière, compte tenu de l’urgence qu’il revêt désormais dans les entreprises françaises. Il est souhaitable que ce projet de réforme de la formation professionnelle contribue à cette accélération. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Robert Lecou.

M. Robert Lecou. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, dans un contexte économique difficile qui voit notre société en état de mutation permanente et afin de répondre à la légitime attente des femmes et des hommes qui veulent évoluer dans leur vie professionnelle, ainsi qu’à deux défis essentiels – celui de la recherche d’emploi du salarié et celui de la création d’emplois adaptés à l’entreprise –, il était indispensable de moderniser les outils de notre politique d’emploi.

La réforme du système de la formation professionnelle dont les dysfonctionnements sont récurrents et les limites connues, se révèle donc plus que jamais nécessaire. Elle revêt de ce fait un enjeu considérable tant pour les salariés et les demandeurs d’emplois que pour les entreprises. En effet, la formation professionnelle est l’un des socles de notre politique de l’emploi.

L’époque où l’on faisait toute sa carrière dans la même entreprise est révolue. Les salariés veulent évoluer et découvrir d’autres horizons. En période de crise, certains métiers accusent une vertigineuse perte de vitesse alors que d’autres secteurs sont en pleine expansion – je pense aux services à la personne et aux emplois verts, les véritables gisements d’emplois de demain, aujourd’hui sans véritable offre de formation dûment dimensionnée. En effet, 150 000 jeunes non qualifiés sortent chaque année du système scolaire et sont malheureusement inadaptés à un monde du travail exigeant. Combien de jeunes diplômés ont-ils besoin de rattrapage ou d’une nouvelle orientation ?

Voilà des défis fondamentaux de notre politique de l’emploi auxquels la formation professionnelle tout au long de la vie devrait répondre. Or sa réponse très partielle est loin d’être à la hauteur des sommes mobilisées et du nombre d’organismes chargés de cette mission. En effet, 27 milliards d’euros sont dépensés chaque année pour un total de 48 000 institutions de formation. Or un ouvrier sur sept bénéficie d’une formation selon ses besoins et les trois quarts des demandeurs d’emploi ne reçoivent pas de réponse adaptée. Quant aux salariés des PME et à leurs entreprises, ils financent la formation professionnelle sans en bénéficier.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez décidé d’agir, et je salue votre volonté. En effet, combien de rapports ayant souligné ces dysfonctionnements et l’absence de transparence sont restés dans les tiroirs ! Aujourd’hui, l’urgence s’est accrue sous l’effet de la crise et il est primordial de s’assurer que l’argent investi dans la formation va bien à celle-ci, et non aux structures. La transparence et la simplification doivent permettre d’améliorer l’évaluation et le contrôle de la gestion des fonds des OPCA. Une plus grande équité et une plus grande justice sont nécessaires pour gommer les disparités qui privent des salariés, des territoires, des tranches d’âge et des entreprises de la formation professionnelle, laquelle est pourtant l’un des meilleurs outils au service de l’emploi et l’un des moyens les plus adaptés pour favoriser l’épanouissement de l’homme dans le travail.

Votre projet de loi, ainsi que le travail effectué par les rapporteurs et les commissions vont dans le bon sens. Au reste, même l’opposition reconnaît, avec réalisme, des avancées incontestables. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Régis Juanico. On peut en parler !

M. Robert Lecou. Ce texte apporte en effet une réponse au double constat suivant, admis par tous : la formation professionnelle est un véritable outil mal employé.

Monsieur le secrétaire d’État, au-delà des avancées utiles que comporte votre projet de loi, je souhaite, avant de conclure, attirer votre attention sur deux points.

Tout d’abord, il est nécessaire de parvenir, dans un souci d’équité républicaine, à un équilibre satisfaisant dans le partenariat entre l’État, les partenaires sociaux et la région. Chacun des acteurs doit tenir son rôle. Pour que les territoires ne soient pas soumis à des disparités, l’action de l’État est nécessaire. Mais pour que leurs besoins spécifiques soient pris en compte au plus près du terrain, les régions sont utiles. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) En tout cas, les partenaires sociaux associés à l’éclosion du projet devront être les responsables reconnus, conformément au rôle que les textes pertinents votés par l’Assemblée nationale leur ont conféré dans le dialogue social. Dans cette exigence, l’État doit être le garant de ce partenariat constructif.

M. Gérard Cherpion, rapporteur. Tout à fait !

M. Robert Lecou. Ensuite, l’AFPA, cette institution qui dispose de nombreux atouts et d’une expérience nationale, doit continuer à jouer un rôle important dans la formation professionnelle de demain.

L’AFPA, c’est en effet 178 000 entrées en formation en 2007, 64 000 salariés, 114 000 demandeurs d’emploi, 22 directions régionales, 272 sites de formation et de certification et 215 sites d’orientation animés par de bons professionnels.

M. Jean-Patrick Gille. Tout cela, c’est fini !

M. Robert Lecou. Monsieur le secrétaire d’État, le 10 juin 2008, lors d’une séance consacrée aux questions orales sans débat, vous m’aviez répondu que vous étiez attaché au principe d’une AFPA nationale, gérée nationalement de manière tripartite par l’État, les régions et les partenaires sociaux, et vous vous étiez déclaré soucieux de trouver les adaptations nécessaires à l’obligation de respecter l’application des procédures d’appel d’offre. Je suis donc confiant dans le devenir de l’AFPA. (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe SRC.)

La formation professionnelle tout au long de la vie avait besoin d’une réforme urgente. Puissions-nous faire œuvre utile en examinant ce projet de loi : il y va de l’emploi des Français, de leur épanouissement dans leur vie professionnelle et de la formation qui est, avec l’éducation, le meilleur investissement pour l’homme libre et responsable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, cette réforme de la formation professionnelle était attendue. En effet, de nombreux problèmes se posent depuis plusieurs années, ainsi qu’en ont témoigné divers rapports, dont celui de mon collègue sénateur de Haute-Savoie, Jean-Claude Carle, qui a rappelé l’urgence d’une réforme.

Les partenaires sociaux se sont mis autour de la table et ont conclu un accord en janvier dernier ; aujourd’hui, nous légiférons. Cette méthode de travail me semble être la bonne. Les résultats de cette réforme seront positifs. En effet, le nombre d’organismes collecteurs va diminuer de manière drastique : seuls subsisteront ceux qui ont une réelle capacité à remplir leur mission. Cette rationalisation était indispensable pour mettre fin à ce qu’il faut bien appeler, dans certains cas, une gabegie. L’offre de formation sera également mieux orientée et proposée en priorité à ceux qui en ont le plus besoin, ce qui ne fut pas toujours le cas jusqu’à présent.

Par ailleurs, je note avec satisfaction la volonté très claire de préserver les fonds de la professionnalisation, qui financent la formation des jeunes. Sur ce sujet très important,…

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. C’est vrai !

M. Lionel Tardy. …que j’ai abordé en commission, les rapporteurs m’ont pleinement rassuré.

Ce texte est donc très positif. Toutefois, j’estime que l’on pourrait aller encore plus loin, en y incluant une mesure simple qui, sans rien coûter à l’État, améliorerait l’efficience du système. Cette mesure, c’est le libre choix de l’OPCA par le chef d’entreprise.

Le projet de loi laisse en effet subsister des monopoles en faveur des OPCA de branche : autant de chasses gardées sur lesquelles les OPCA interprofessionnels ne pourront pas intervenir. C’est bien dommage, car il n’y a rien de mieux que la libre concurrence pour stimuler et améliorer la qualité du service rendu aux entreprises.

M. Régis Juanico. Ah, vous n’êtes pas applaudi par vos collègues de l’UMP !

M. Lionel Tardy. Cette réforme aura des effets induits très importants. La logique d’organisation par branche, qui pouvait être pertinente dans l’ancien système, perdra ainsi beaucoup de sa raison d’être dans un paysage où moins d’une vingtaine d’OPCA subsisteront. Des regroupements auront lieu et certains nouveaux OPCA concerneront tellement de branches que l’on ne les distinguera pas d’un OPCA interprofessionnel, sauf que cet OPCA multibranche bénéficiera de chasses gardées que n’aura pas un OPCA interprofessionnel

Comment justifier une telle situation, notamment auprès de Bruxelles, qui aura tendance à considérer l’activité des OPCA comme une prestation de service, donc comme une activité économique devant être soumise aux règles communes, à commencer par celles de la concurrence ?

M. Michel Issindou. Eh oui, le risque existe !

M. Lionel Tardy. Le libre choix des OPCA par les entreprises, nous finirons bien par y arriver, de gré ou de force. Alors, autant aller jusqu’au bout de la réforme : cela nous évitera d’avoir à y revenir. Ce n’est donc que partie remise. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rosso-Debord.

Mme Valérie Rosso-Debord. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, dans un contexte socio-économique difficile et incertain, fait de mutations technologiques, d’internationalisation des économies et de précarisation de l’emploi, la rénovation de notre système de formation professionnelle est devenue une préoccupation majeure. L’ancien modèle, qui consistait à fonder l’ensemble de sa carrière sur une formation initiale, n’est plus satisfaisant. Les attentes du monde du travail, en termes d’adaptation aux évolutions du marché de l’emploi et de la formation professionnelle tout au long de la vie, sont devenues une réalité incontournable.

Les réponses apportées par la loi Fillon du 4 mai 2004 ont marqué une étape déterminante en matière de justice sociale et d’efficacité économique. Le droit individuel à la formation pour l’ensemble des salariés, le contrat de professionnalisation et l’amélioration du recours à l’apprentissage sont désormais reconnus par les entreprises comme des éléments essentiels de leur compétitivité et de leur développement, et il faut nous en féliciter.

Aujourd’hui, un nouveau volet de réforme de la formation professionnelle est nécessaire, afin de corriger des dysfonctionnements connus et récurrents. Il s’agit d’un enjeu national de première importance. Beaucoup de choses ont été dites, notamment par nos deux excellents rapporteurs ; je concentrerai donc mon propos sur le plan régional de développement des formations.

En matière de formation professionnelle, les régions ont vu leurs compétences s’accroître considérablement et le plan régional de développement des formations professionnelles constitue aujourd’hui un instrument majeur de programmation mis à leur disposition. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Patrick Gille. Très bien !

Mme Valérie Rosso-Debord. Destiné, dans un premier temps, aux filières de formation professionnelle des jeunes, ce plan a été étendu par la suite aux publics adultes. Les régions ont vu leurs compétences réaffirmées par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales et ce sont désormais les conseils régionaux qui définissent les objectifs et les lignes d’action de la politique d’apprentissage et de formation professionnelle.

La crise que nous traversons nous a montré combien la mobilisation des moyens de l’État était essentielle à la relance, au soutien de la compétitivité et de l’emploi, et combien une vision stratégique globale était nécessaire. De même, la rénovation du système de formation professionnelle ne pourra pas faire l’économie d’une analyse nationale des grands enjeux en termes de démographie, d’emploi et de formation.

Un pilotage stratégique au niveau national est donc primordial, d’autant que, comme le rappelle justement la Cour des comptes dans son rapport d’octobre 2008, les régions ne sont pas encore en mesure d’orienter de manière satisfaisante la politique de formation professionnelle. À cet égard, je regrette que ma région, la Lorraine, soit particulièrement à la traîne. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Victorin Lurel. C’est de la politique politicienne !

Mme Valérie Rosso-Debord. Votre texte, monsieur le secrétaire d’État, prévoit de renforcer la coordination entre l’État et les conseils régionaux et, notamment, de contractualiser le plan régional de développement des formations professionnelles ; j’y souscris pleinement. Dans le souci d’une rénovation efficace et compréhensible du système de formation professionnelle, il est nécessaire que le Gouvernement définisse clairement le rôle que jouera ce plan régional de développement dans la coordination des politiques de formation professionnelle, ainsi que la répartition des compétences entre l’État et la région.

Par ailleurs, nous attendons du Gouvernement qu’il nous indique les mécanismes qu’il entend mettre en œuvre afin de garantir une égalité dans la gestion et le contrôle des formations sur l’ensemble du territoire de la République.

Monsieur le secrétaire d’État, dans les années 70, lorsque la loi sur la formation professionnelle est entrée en vigueur, la recherche de la performance sociale n’était pas une priorité. Désormais, nos concitoyens exigent contrôle et qualité des actions et de la gouvernance. Ce projet de loi, fruit d’un accord entre les partenaires sociaux, est équilibré et marque une nette avancée pour les bénéficiaires. C’est pourquoi j’y adhère pleinement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, monsieur le secrétaire d’État, parce que des millions de salariés et de demandeurs d’emploi attendent une réforme de ce secteur, je souhaite sincèrement que votre projet de loi sur la formation professionnelle tout au long de la vie connaisse plus de succès, en tout cas produise plus de résultats, que les précédents textes soutenus par votre majorité.

Je ne parle pas de la proposition de loi sur la banalisation du travail dominical que, dans sa grande sagesse, votre suppléant, monsieur le secrétaire d’État, notre collègue Jean-Pierre Marcon, n’a pas votée. (Sourires.) Au reste, je ne doute pas un seul instant que, de ce côté-ci de l’hémicycle, nos collègues seront beaucoup plus nombreux à soutenir votre projet de loi qu’ils ne l’ont été pour voter cette proposition de loi, qui a été adoptée de justesse cet après-midi.

Je pense plutôt aux derniers textes que vous avez défendus et sur l’efficacité desquels il est permis de s’interroger. Ainsi, la loi sur les droits et les devoirs des demandeurs d’emploi, qui comporte le dispositif emblématique de « l’offre raisonnable d’emploi », a été adoptée à contretemps. Cette mesure accroît en effet la pression exercée sur les demandeurs d’emploi, au moment où l’emploi se raréfie. Mais, fort heureusement, ce texte inapplicable n’est, dans les faits, pas appliqué.

Quant à la réforme du service public de l’emploi, elle a abouti à la création de Pôle emploi, issu de la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC, dont nous constatons tous sur le terrain qu’elle se déroule dans les pires conditions et de façon chaotique, alors que des centaines de milliers de nouveaux chômeurs affluent dans les agences du nouvel organisme.

Comme pour ces textes, la question se pose donc de savoir si le projet de loi sur la formation professionnelle tout au long de la vie est bien à la hauteur de la situation économique et sociale et de la crise sans précédent que nous sommes en train de vivre.

Nous ne cessons de le répéter depuis plusieurs mois : à situation exceptionnelle, réponses exceptionnelles. Nous avons besoin, aujourd’hui plus que jamais, d’un service public de l’emploi et de la formation qui soit fort.

Certes, comme nous l’avons déjà dit, ce texte contient un certain nombre d’avancées, en particulier dans l’accès à la formation des salariés qui en ont le plus besoin : les salariés peu qualifiés, les demandeurs d’emploi ou les salariés des petites entreprises. On peut ainsi voir une avancée dans la création d’un fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, qui sera doté de 900 millions d’euros et pourra bénéficier à 500 000 salariés peu qualifiés et 200 000 demandeurs d’emploi ; on peut également en voir une dans le principe de portabilité du droit individuel à la formation, qui permettra aux salariés de bénéficier de droits acquis pour financer des formations pendant les périodes de chômage ou dans le cadre d’un nouvel emploi pendant une période de deux ans ; enfin, une autre avancée réside dans les mesures favorisant le tutorat dans les entreprises, avec l’augmentation significative de l’allocation destinée à assurer la formation des jeunes en alternance.

En dépit de ces quelques avancées, votre texte manque néanmoins d’ambition et n’est pas à la hauteur des enjeux. Premièrement, il n’instaure pas un vrai service public d’orientation professionnelle. Deuxièmement, il oublie la formation initiale différée, qui garantit le financement d’un an de formation continue aux jeunes sortis du système scolaire sans qualification ou diplôme. Troisièmement, il remet en cause la décentralisation. Alors que différents rapports sur la réorganisation territoriale appellent à une clarification des compétences entre collectivités et alors que la légitimité des régions en matière de formation est reconnue par tous les acteurs, le Gouvernement se lance dans une recentralisation à contre-courant qui aboutira, avec le principe du copilotage État-région, à diluer les responsabilités.

Enfin, ce texte est lourd de menaces pour la pérennité de l’Association pour la formation professionnelle des adultes. Les 11 000 salariés de l’AFPA sont légitimement inquiets pour l’avenir des missions de service public qu’ils remplissent au quotidien. Ils voient, dans le transfert des 900 personnels chargés de l’orientation, composante indissociable de la formation, la première étape d’un démantèlement programmé de l’AFPA. Monsieur le secrétaire d’État, vous qui vous dites pragmatique et affirmez vous inspirer, pour vos réformes, de ce qui marche…

M. Jean-Frédéric Poisson. Et il le fait !

M. Régis Juanico. …je peux témoigner qu’à Saint-Étienne comme partout en France, l’AFPA marche très bien ! Sur 160 000 stagiaires qui passent à l’AFPA chaque année, 70 % trouvent ou retrouvent un emploi qualifié à l’issue de leur formation. L’AFPA assure le droit à la formation professionnelle, à égalité sur l’ensemble du territoire, un droit à la formation professionnelle accessible à tous et gratuit. L’AFPA, et plus largement de nombreux acteurs de la formation professionnelle, sont aujourd’hui menacés dans leur existence même par les règles de la concurrence libre et non faussée, ainsi que par l’absence, en l’état actuel, de précisions sur les conditions de mise en œuvre et le champ d’application de la directive services.

Le grand absent de ce texte, monsieur le secrétaire d’État, est précisément l’articulation entre ce projet de loi et la législation européenne. Nous devons transposer en droit français la directive services avant le 28 décembre 2009. À six mois de cette date butoir, nous ne savons toujours rien des intentions réelles du Gouvernement – plus exactement, nous savons aujourd’hui qu’il n’y aura pas de grande loi de transposition de cette directive.

Les services sociaux d’intérêt général assurent dans notre pays une fonction de cohésion sociale et territoriale, dont font partie la formation et la réinsertion professionnelle. Ces SSIG sont actuellement soumis, au niveau européen, aux règles du marché intérieur et de la concurrence, ce qui les place dans une situation d’insécurité juridique intenable. Il faut donc absolument que le législateur – notamment dans le cadre de ce projet de loi – vise à une exclusion claire et large de ces services sociaux d’intérêt général, dont la formation professionnelle, du champ d’application de la directive services. C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, nous avons déposé un amendement en ce sens, que nous aurons l’occasion de discuter lors du débat qui va suivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, notre économie change. Et en cette période de crise, les bouleversements qu’elle connaît sont particulièrement graves, d’autant plus qu’à travers nos entreprises, ce sont des hommes et des femmes qui subissent les fermetures et les licenciements.

Face à ce monde qui va vite, nous devons être réactifs. Face à la précarité de l’emploi, nous devons sécuriser les parcours professionnels. Et pour réagir immédiatement, pour sécuriser les parcours professionnels, quoi de mieux que la formation ? « Le gaspillage des intelligences et des talents, c’est le pire des gaspillages pour un pays », nous disait récemment le Président de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ces propos ont un sens, surtout lorsque l’on parle de formation professionnelle. La formation professionnelle, c’est la liberté pour chacun de pouvoir évoluer au cours de sa carrière. C’est un formidable moyen pour rebondir, se former tout au long de sa vie. C’est également un outil indispensable à nos entreprises pour être toujours plus compétitives.

Des intelligences, des talents, notre pays n’en manque pas, et nous avons l’obligation de tout faire pour qu’ils puissent s’exprimer, à n’importe quel âge. C’est en cela que le débat sur la formation professionnelle est intimement lié à un autre débat qui arrivera bientôt dans cet hémicycle : le débat sur les retraites. L’activité des seniors restera en effet un vœu pieu si nous ne prenons pas la peine de former les quadras, les quinquas et les sexagénaires.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Très juste !

M. Arnaud Robinet. Et sur ce sujet comme sur le reste, le texte que nous examinons aujourd’hui va dans le bon sens. Au fond, que prévoit-il ? Il vient rénover notre modèle de formation professionnelle. Il tend à le rendre plus juste, plus efficace et plus réactif. Plus juste, parce qu’il est prioritairement destiné aux plus fragiles : les chômeurs, les salariés peu qualifiés ; plus efficace, parce qu’il permettra de former mieux, en gérant mieux les fonds alloués ; plus réactif, parce qu’il est adapté à la situation que nous connaissons et nous donne des moyens concrets pour affronter la crise.

Bien sûr, aucun texte n’est exempt de critiques. Et je ne fais pas partie de ceux qui acquiescent sans jamais se poser de questions. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe SRC.) Sur le point spécifique du recouvrement des cotisations, j’ai déposé un amendement visant à apporter plus de proximité dans la gestion et l’emploi des fonds. Les contributions de formation professionnelle continue sont aujourd’hui versées par les entreprises à leur organisme paritaire collecteur agréé, interprofessionnel ou de branche, soit au siège de ces organismes, soit au lieu d’une implantation régionale s’il en existe une. Or, les OPCA de branche sont généralement basés à Paris, tandis que les principaux OPCA interprofessionnels ont des implantations régionales réparties sur l’ensemble du territoire français, formant ainsi un maillage qui favorise la proximité. Il pourrait être tiré profit de cette présence sur le terrain des OPCA interprofessionnels en transposant le principe déjà appliqué pour le versement des contributions dues au titre du congé individuel de formation. Il s’agirait de généraliser le versement des contributions de formation professionnelle auprès des établissements régionaux, par préférence au centralisme parisien, c’est-à-dire prescrire que le versement des contributions de formation professionnelle ait lieu auprès de l’implantation régionale de l’OPCA où est payée la masse salariale.

Néanmoins, parce que ce projet de loi me semble équilibré, parce qu’il est la traduction littérale de ce qu’ont voulu les partenaires sociaux et les régions (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), parce qu’il rénove durablement la formation professionnelle pour plus de justice et d’efficacité, parce qu’il fait de la formation un outil efficace pour lutter contre la crise, et pour les raisons de fond que je vous ai indiquées, je voterai le texte qui nous est soumis. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Brunel.

Mme Chantal Brunel. Avec ses 27 milliards d’euros de budget – ou plutôt 23 milliards, si l’on se réfère à la somme des chiffres que vous avez cités, monsieur le secrétaire d’État –, ses plus de 50 000 organismes de formation, ses 7 millions de bénéficiaires annuels, et ses dizaines de milliers de professeurs, la formation professionnelle constitue l’un des chantiers les plus importants pour les emplois de demain. Et pourtant, chaque année, entre 250 000 et 500 000 offres d’emploi demeurent non pourvues, faute de candidats ayant les compétences requises. Encore trop souvent, des entreprises envoient leurs salariés en formation par obligation administrative ou fiscale, sans contrôle réel des acquis de la formation. Parfois, les petites entreprises ne les envoient pas, car l’absence d’un salarié parti en formation coûte cher et pose souvent un problème de continuité de l’activité. Dans les PME un peu plus importantes, certains chefs d’entreprises sont réticents à faire bénéficier leurs employés d’une formation, redoutant que ceux-ci ne leur réclament ensuite une augmentation ou une promotion. (« Quel toupet ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

On peut également s’interroger sur le sérieux de certaines formations, dont l’intitulé peut surprendre : coaching à cheval pour 3 000 euros les deux jours, stages de conception de jeux vidéos et formations low cost, dont la qualité n’est pas assurée.

Face à ces difficultés, le projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie repose sur une volonté clairement affichée, que M. le secrétaire d’État et les rapporteurs ont rappelée et qui se décline selon trois directions : réduire les inégalités d’accès et accroître l’employabilité ; recentrer la formation sur les personnes qui en ont le plus besoin ; accroître la transparence financière des circuits de formation.

La diminution du nombre des OPCA permettra, en ce sens, de simplifier la tuyauterie financière d’une complexité effarante qui régit actuellement la collecte des fonds, et de réduire les dérives et les frais de gestion. Je rappelle que chaque année, les frais de fonctionnement des OPCA représentent environ 9,9 % de la collecte, soit 600 millions d’euros.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Très juste !

Mme Chantal Brunel. En ce qui concerne l’AFPA, dont on a beaucoup parlé, il y a sans doute des économies de gestion à réaliser. Il existe des placards dorés – de droite et de gauche – et les syndicats de l’AFPA que j’ai reçus demandent des efforts de gestion de leur organisme. Je ne doute pas que le Gouvernement tienne le professionnalisme de l’AFPA en grande estime.

L’effort placé en priorité sur l’insertion des travailleurs les moins qualifiés était une nécessité. La mise en place d’une période de professionnalisation, ainsi que la revalorisation des contrats effectués en alternance, garantissent le développement de compétences tant pour ceux qui, éloignés de l’emploi, doivent réinsérer le marché du travail, que pour ceux qui, au sein d’une entreprise, souhaitent y évoluer.

J’estime, monsieur le secrétaire d’État, que nous devons aller plus loin que le texte dans l’adéquation entre les offres de formation existantes et les besoins en personnel des entreprises. Aujourd’hui, nous avons trop de spécialistes de la communication et pas assez d’ingénieurs calés en Internet, trop de psychologues – on en forme autant que l’Europe tout entière – et pas assez d’infirmiers. Dans ma circonscription, à Marne-la-Vallée, où les imprimeries ont fermé, où les entreprises de logistique sont nombreuses, où la demande en langues étrangères est forte à cause de la présence d’Euro Disney, les formations en infographie et en logistique manquent cruellement – 25 places offertes en formation pour 250 demandes. On observe le même phénomène en ce qui concerne les formations FIMO ou FCOS pour les chauffeurs de poids lourds. Quant aux formations courtes d’anglais, elles ont tout simplement été supprimées par la région.

Si ce projet de loi prévoit la mise en place d’observatoires des besoins qui transmettront leurs conclusions aux OPCA, il est impératif que l’offre de formation, à travers le PRDF, se décline et se développe par bassin d’emploi. C’est pourquoi il faut accroître la capacité des principaux acteurs de la formation à proposer une offre de formation correspondant aux besoins des entreprises. Il faut également que les branches professionnelles communiquent mieux sur leurs besoins en formation. Ce n’est pas aux OPCA de décider seuls de la politique de formation ; c’est au terrain. Loin de n’être qu’une question d’équilibre social, le réajustement de la demande d’emploi à l’offre de formation renforcera notre économie une fois la croissance retrouvée. N’oublions pas que, même en période de croissance, notre chômage structurel est beaucoup plus élevé que celui de nos voisins. Chez nous, le chômage atteignait 7,9 % fin 2007, alors qu’il n’était que de 4,5 % aux États-Unis et de 5,1 % au Royaume Uni. Il est évident qu’une meilleure information et une orientation professionnelle dans les lycées constituent un volet indispensable en complément de cette réforme.

En outre, je me réjouis de la mise en place d’une charte qualité pour les organismes de formation prévue par ce projet de loi. Toutefois, il faut également prendre en compte le problème de la qualification des formateurs. Je sais, par expérience, qu’une simple déclaration du chef d’entreprise suffit pour qualifier un formateur. Je sais aussi que la solution n’est pas simple. À trop vouloir réglementer, on peut en effet se priver de compétences. En tout cas, des mesures doivent être étudiées pour améliorer la qualité de nos formations et régler le problème de la qualification des formateurs.

Bref, le secteur de la formation doit faire l’objet d’une rénovation profonde, s’agissant tant de son fonctionnement intrinsèque que de ses objectifs en termes d’emploi. Nous ne pouvons plus tolérer que, chaque année, des millions s’évaporent, ce sont autant de travailleurs potentiels qui voient s’évaporer la possibilité d’une réinsertion réussie. Ce texte offre un grand nombre de réponses. Il faudra peut-être, dans un second mandat, aller plus loin : laisser par exemple le soin aux entreprises de choisir leurs OPCA, fusionner le CIF et le DIF. On y gagnera en efficacité et en lisibilité. Comme vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, ce sera un moyen de donner un élan aux futurs métiers porteurs et de faire face aux nouveaux défis que sont la mobilité géographique et la mobilité professionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce matin, à neuf heures trente :

Suite du projet de loi relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 16 juillet 2009, à zéro heure trente.)