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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session extraordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Première séance du vendredi 17 juillet 2009

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Bernard Accoyer

1. Formation professionnelle tout au long de la vie

Après l’article 19

Amendements nos 134 rectifié, 132

Article 20

M. Alain Rousset

Mme Monique Iborra

M. Michel Issindou

M. Jean-Patrick Gille

M. Régis Juanico

M. Claude Goasguen

M. Francis Vercamer

M. Alain Rousset

M. Francis Vercamer

Amendement no 127

Article 20 (suite)

Amendements nos 191, 145, 148, 25, 226 (sous-amendement), 111, 149, 112, 150, 151, 113, 209, 153, 210, 154, 155 rectifié

Après l’article 20

Amendement no 156

Article 21

Après l’article 21

Amendements nos 130, 131, 133

Article 22

Après l’article 22

Amendement no 114

Articles 23 et 24

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État

M. Pierre Méhaignerie,

Explications de vote personnelles

M. Michel Issindou, M. Jean-Patrick Gille, Mme Marie-Hélène Amiable, Mme Monique Iborra, M. Alain Rousset

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Formation professionnelle tout au long de la vie

Suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie (nos 1628, 1793, 1700).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de : cinq heures cinquante-six pour le groupe UMP, dont cinq amendements restent en discussion ; quatre heures trente-huit pour le groupe SRC, dont quatorze amendements restent en discussion ; trois heures cinquante-trois pour le groupe GDR, dont cinq amendements restent en discussion ; trois heures vingt pour le groupe NC, dont deux amendements restent en discussion, et cinquante minutes pour les députés non inscrits.

Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 134 rectifié, portant article additionnel après l’article 19.

Après l’article 19

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 134 rectifié et 132, portant articles additionnels après l’article 19, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. L’honneur me revient d’être le premier orateur de la dernière séance de travail sur le projet de loi relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.

M. Jean-Paul Lecoq. On ne sait pas ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le secrétaire d’État chargé de l’emploi, je suis certain que vous serez attentif à ces amendements relatifs aux plans de professionnalisation du monde agricole.

L’amendement n° 134 rectifié est nécessaire, et même indispensable, pour le monde agricole. Il vise à élargir les efforts de formation du fonds de formation des entreprises agricoles, appelé aussi VIVEA, s’adressant à une population de cotisants solidaires, souvent constituée de chefs d’exploitations agricoles de taille très modestes, actuellement exclus de ces actions.

Il s’agit, vous le savez, d’une demande forte et constante de la part de la profession agricole qui traverse une période difficile. Pour ces personnes qui, souvent, sont de jeunes agriculteurs en pré-installation et dirigent des exploitations de taille assez modeste, suivre une formation, à titre individuelle ou collectif, constitue une condition essentielle s’ils veulent améliorer leur situation.

Sur le même sujet de la formation, l’amendement n° 132 concerne, en particulier, l’installation des jeunes agriculteurs et des futurs exploitants.

Monsieur le secrétaire d’État, je ne doute pas que vous serez favorable à ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Gérard Cherpion, rapporteur. La commission est favorable aux deux amendements. Le développement de la formation des chefs d’entreprises agricoles doit être encouragé et salué.

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi. Ces deux amendements intéressants correspondent bien à l’esprit dans lequel travaille Jean-Pierre Door qui porte une attention particulière aux problématiques agricoles. M. Door souhaite que soient mises en place des formations destinées aux exploitants qui s’installent et d’autres permettant aux agriculteurs d’adapter leurs compétences de façon continue. Ces propositions constituent un vrai « plus » pour la formation agricole. Le Gouvernement y est donc très favorable.

(Les amendements n° 134 rectifié et 132, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

M. le président. Je constate que ces votes ont été acquis à l’unanimité.

Article 20

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 20.

La parole est à M. Alain Rousset.

M. Alain Rousset. Nous abordons là un article stratégique de ce projet de loi, puisque, d’une certaine façon, il met en cause la compétence générale que le législateur a entendu confier aux régions en matière de formation professionnelle depuis plus d’une vingtaine d’années.

La loi du 7 janvier 1983 transfère aux régions une compétence de droit commun en matière d’apprentissage et de formation professionnelle continue. La loi quinquennale pour l’emploi du 20 décembre 1993 leur transfère la formation et l’insertion des jeunes en difficulté sortis du système scolaire. La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 coordonne les financements des CFA autour du conseil régional et étend la validation des acquis de l’expérience. La loi relative à la démocratie de proximité du 27 février 2002 étend les compétences des régions aux formations des adultes en recherche d’emploi et leur confie le versement de l’indemnité compensatrice forfaitaire aux employeurs d’apprentis. Enfin, la loi relative aux libertés et responsabilités locales du 13 août 2004 affirme le principe selon lequel les régions ont l’entière responsabilité de l’apprentissage et de la formation professionnelle des jeunes et des adultes à la recherche d’emploi.

Selon cette dernière loi : « La région adopte le plan régional de développement des formations professionnelles et s’assure de sa mise en œuvre. Ce plan a pour objet de définir une programmation à moyen terme des actions de formation professionnelle des jeunes et des adultes et de favoriser un développement cohérent de l’ensemble des filières de formation ».

Vous le voyez, l’ensemble des majorités et des gouvernements qui se sont succédé depuis les années 80 a progressivement confié aux régions une compétence générale en matière de formation professionnelle. Par leurs actions, les régions ont acquis un véritable savoir-faire dans ce domaine. Depuis de nombreuses heures, le débat sur ce projet de loi montre à quel point ce dossier est technique et politique. Dans une période de crise, il engage l’avenir de notre pays.

La loi du 13 août 2004 précise encore que le plan régional de développement des formations professionnelles est « élaboré en concertation avec l’État, les collectivités territoriales concernées et les organisations syndicales d’employeurs et de salariés représentatives à l’échelon national […] » Bref, ce plan résulte d’un long travail de concertation, d’ajustements, et de réflexion collective.

Or le projet de loi évoque non plus une adoption du plan régional – ce qui doit s’entendre comme un cheminement démocratique aboutissant au vote d’une assemblée –, mais seulement une élaboration. Le pilote unique de ce plan a disparu et il y en a désormais trois : l’État, au sein duquel il faut distinguer entre le recteur et le préfet, et la région.

De plus, désormais, ce plan devra être élaboré à la hâte, dans les trois mois qui suivent l’installation d’un nouvel exécutif. Quand on connaît la complexité de la question de la formation professionnelle, demander, dans ce délai, à un exécutif à peine élu d’élaborer un plan régional, alors qu’il doit prendre le temps de mener les nombreuses concertations nécessaires et de recueillir les avis du conseil général, des services de l’État et des organisations syndicales, c’est tout simplement impossible ! Donner moins de trois mois à la région pour élaborer ce plan sans avoir acquis la compétence nécessaire pour traiter un sujet aussi difficile, ce n’est pas sérieux !

L’article 20 constitue un recul ; j’insiste sur ce point. En effet, la loi de 2004 prévoyait un vote et un débat dans une assemblée démocratiquement élu, alors que l’alinéa 7 de l’article 20 se limite à préciser que : « Le plan régional de développement des formations professionnelles est signé par le président du conseil régional, le représentant de l’État dans la région et, en ce qui concerne la formation initiale, l’autorité académique. » À la limite, les présidents de conseils régionaux pourraient signer ce plan sans avoir recueilli l’avis et le vote de leur assemblée.

Un autre problème se pose. Le PRDF concerne la formation continue et non la formation initiale : il aurait peut-être été souhaitable, pour justifier le retour de l’État, que le plan régional de développement de la formation continue devienne le plan régional de développement des formations. Il aurait été judicieux que ce document permette de régler le problème des gens qui quittent l’enseignement initial sans qualification et celui de l’évolution des métiers et des technologies, deux défis que doit relever la formation. Or ce n’est pas le cas.

Par ailleurs, si nous voulons aller au bout de la logique de M. le secrétaire d’État, qui évoquait hier le rôle des partenaires sociaux dans la formation professionnelle, il faudrait que l’ensemble des organisations professionnelles signe ce plan.

Je m’exprime sans doute à partir de mon expérience de président d’une région, mais je trouve que nous régressons ; c’est dommage ! Nous régressons parce que la décentralisation, récente en France, suppose que tant les services que les élus puissent acquérir des compétences. Cette acquisition et ces mécaniques d’évaluation que nous évoquions hier montent actuellement en puissance et supposent l’existence d’un certain niveau de partenariat social au niveau des régions. Je ne sais pas comment, en trois mois, nous pourrons, sans pilote, organiser ce plan régional qui est pourtant devenu dans toutes les régions un outil ambitieux et extrêmement performant pour l’évolution des formations et la planification des métiers d’avenir.

En l’état, le projet de loi nécessite de nombreuses modifications. Que se passera-t-il en cas de conflit entre l’État et la région ? Qui arbitrera ? Puisque aucune mesure d’arbitrage n’est prévue, cela signifie-t-il qu’en cas de conflit, il n’y aura pas de PRDF ? Il n’y a ni pilote ni solution en cas de conflit. Quant au temps prévu, il est trop court pour élaborer démocratiquement un véritable plan qui associe les partenaires sociaux.

Ce texte, qui semble avoir été rédigé à la hâte, mériterait d’être amendé. Il conviendrait notamment – mais nous y reviendrons lors de l’examen des amendements – de remplacer « élaboré » par « adopté », « région » par « conseil régional » et de revenir à la loi de 2004, qui fut le fruit d’une longue réflexion.

Par ailleurs, la durée du plan régional de développement des formations professionnelles – six ans – est manifestement trop longue ; il faudrait pouvoir l’adapter tous les trois ans. Prenons l’exemple de la crise économique que nous traversons : les entreprises aéronautiques et automobiles de nos régions ont perdu d’un seul coup des centaines de milliers d’heures de travail. Dans le cadre de responsabilités antérieures, j’ai connu des situations dans lesquelles des sites aéronautiques perdaient brutalement 250 000 heures de travail. Dans de tels cas, le dispositif de formation continue doit être adapté du jour au lendemain. Il doit être immédiatement réactif. Six ans, c’est trop long.

Il conviendrait également de désigner un pilote, conformément aux vœux du Président de la République qui, dans le cadre de la mission qu’il a confiée à M. Balladur, a souhaité une répartition claire des compétences, afin que l’on sache qui fait quoi. À cet égard, le texte est facteur de complexité. Actuellement, l’État donne son avis sur le PRDF et il est abondamment consulté, mais il existe un pilote, une assemblée démocratique, qui tranche. Il faut donc simplifier le dispositif.

Enfin, je rappelle que les organisations professionnelles, qui ne sont pas mentionnées dans l’alinéa 8, doivent être aussi consultées.

M. le président. La parole est à Mme Monique Iborra.

Mme Monique Iborra. Monsieur le secrétaire d’État, il peut paraître pesant que nous en revenions régulièrement aux mêmes arguments, au risque que vous nous accusiez, comme vous l’avez fait hier, de défendre des intérêts locaux, peu importants en regard de la République et de l’État, des intérêts catégoriels, un tout petit pouvoir. Si telle est votre conviction, je le dis avec gravité, vous faites preuve d’irresponsabilité, car n’oublions pas que vous remettez en cause les lois de la République.

Il est ainsi pour le moins paradoxal que vous reveniez subrepticement sur la loi de 2004, alors que celle-ci a été votée par la majorité, conçue par des personnalités qui occupent actuellement des postes éminents au sein du Gouvernement, et qu’elle est en accord avec les préconisations de M. Balladur et la politique que vous défendez au niveau national : clarification des compétences, économies, efficacité. C’est vraiment petit ! Une telle démarche n’est pas à la hauteur de ce que l’on est en droit d’attendre des responsables politiques.

Vous considérez que les collectivités locales, notamment les régions, devraient finalement se limiter à appliquer et à gérer la politique de l’État. Or, en tant que conseillers régionaux, nous avons été élus au suffrage universel sur un projet, dont nous devons rendre compte aux citoyens et à la représentation nationale. Certes, c’est à l’État de fixer les objectifs et aux régions de les décliner. Mais il doit tenir compte des réalités locales et du Projet politique, avec un grand « p », que nous avons défendu et sur lequel nous avons été élus. Vous dites toujours que les socialistes n’ont pas de projets. Eh bien, vous vous trompez : nous en avons au niveau national comme au niveau local. Qui plus est, notre projet régional, nous avons la possibilité de l’appliquer, et vous ne pouvez en aucun cas nous le reprocher.

Soit votre démarche n’est pas réfléchie – et votre projet est bâclé –, soit vous ignorez complètement l’intervention des régions en association avec l’État, les différents partenaires et les autres collectivités locales. Quoi qu’il en soit, votre projet étant totalement inadapté, il est évident que votre dispositif sera inefficace et ne fonctionnera pas.

Monsieur le secrétaire d’État, l’État aurait besoin de s’appuyer sur les régions. Hélas ! vous avez fait le choix inverse. Il en résultera un brouillage des compétences et des dysfonctionnements tels que votre réforme aura très peu de chances d’aboutir.

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Monsieur le secrétaire d’État, l’article 20, qui est l’un des points-clés de la réforme que vous nous proposez, s’inscrit dans la continuité des dispositions que nous avons examinées ces derniers jours. De même que l’article 9 traduit votre volonté de voir l’État peser lourdement sur les décisions concernant le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, l’article 20 organise le dessaisissement des régions au profit de l’État.

Cependant, votre texte est ambigu et inachevé. En effet, vous auriez dû aller plus loin. Puisque, manifestement, vous voulez confier à l’État un rôle éminent en matière de formation, vous auriez dû modifier préalablement les lois de décentralisation. Mais la procédure aurait été lourde et complexe et il n’aurait pas été populaire d’ôter aux régions la compétence pleine et entière qu’elles exercent en matière de formation professionnelle, compétence qu’elles exercent plutôt bien, même si vous pensez le contraire. Sur ce point, du reste, votre opinion n’est sans doute pas étrangère au fait que vingt-deux des vingt-quatre régions sont dirigées par l’opposition. Ainsi, le débat n’aurait sans doute pas été le même si l’équilibre politique avait été différent. Des voix se seraient fait entendre, au sein de votre propre camp, pour démontrer que les régions sont capables, et elles le prouvent, de mener une bonne politique en matière de formation professionnelle.

L’État revient, donc, mais sans chasser la région, de sorte que la formation professionnelle sera dirigée par une sorte de bête à deux têtes. Or nous savons parfaitement que les co-pilotages fonctionnent très mal, voire pas du tout. Si les lois de décentralisation n’ont eu de cesse que de désigner des chefs de file, c’est précisément parce qu’il n’est pas possible de diriger à plusieurs. Vous avez conçu votre dispositif selon un schéma idyllique, dans lequel l’État et les différents acteurs s’entendraient parfaitement, qui n’existe pas dans la vraie vie. Vous le découvrirez, hélas ! rapidement. Nous espérons que les choses marcheront, mais nous avons tout de même de bonnes raisons de penser que votre projet ne correspond pas à ce qu’il fallait faire.

Encore une fois, l’article 20 est plein d’ambiguïtés. Il suppose l’entente des régions, de l’État et des recteurs, mais il y a peu de chances que le document soit signé par l’ensemble des partenaires, de sorte qu’il le sera peut-être par le seul État. Vous tuez ainsi la décentralisation en matière de formation professionnelle sans véritablement le dire, et vous allez en mesurer tous les inconvénients au quotidien.

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. L’article 20, qui porte sur l’organisation régionale, est un élément important du texte, puisque c’est là que le secrétaire d’État fait un geste fatal.

M. Michel Issindou. Létal !

M. Jean-Patrick Gille. Puisqu’on a beaucoup dit que le projet de loi était la transcription d’un ANI, je tiens à rappeler que personne n’a réclamé un tel geste. En effet, les partenaires sociaux ont indiqué qu’ils n’avaient pas à se prononcer sur les questions relatives à la gouvernance, tout en reconnaissant la pertinence de l’échelon régional pour l’organisation de la formation professionnelle. La compétence des régions en la matière est un acquis issu du mouvement de décentralisation et elle correspond à une réalité.

En effet, si la loi doit fixer un cadre national – plutôt que d’entrer dans le détail, comme le fait le projet de loi, en cherchant à réglementer divers sujets –, la déclinaison et la mise en œuvre de celui-ci doivent relever des régions, pour qu’il soit efficace et bénéfique aux salariés ainsi qu’aux demandeurs d’emploi. Or, force est de constater que, s’il existe un fil rouge dans le patchwork que forme ce texte, c’est le retour de l’État ; je serais tenté d’ajouter : avec l’argent des autres, partenaires sociaux ou régions – même si les recettes de ces dernières proviennent en partie de l’État.

Pourquoi remettre en cause la compétence des conseils régionaux en matière de formation professionnelle ? L’absence de réponse à cette question fait naître une forme de soupçon. Depuis un an, toute une argumentation – une sorte de tapis de bombes – a été développée, en premier lieu par le Président de la République, expliquant que la formation professionnelle fonctionne mal, qu’elle est à l’origine d’une gabegie. Or, ajoute-t-on, ce sont les régions qui sont compétentes dans ce domaine. Je précise, d’ailleurs, que n’est pas tout à fait vrai. Les régions ont, en effet, une compétence générale en tant que chef de file en matière de formation, mais elles n’exercent une compétence directe que sur la formation des jeunes, depuis 1993, et sur celle des demandeurs d’emploi, depuis 2004. Vous procédez donc par amalgame, même s’il est vrai que cette idée est passée dans l’opinion. Nos concitoyens, du moins ceux que l’on rencontre dans nos permanences, où l’on est souvent amené à évoquer des problèmes d’emploi et de formation, ont clairement fait le lien entre le conseil régional et la formation professionnelle, ce qui constitue une avancée notoire. L’inconvénient, c’est que les reproches se dirigent désormais vers la région à chaque fois que l’on estime que la formation professionnelle ne fonctionne pas de manière satisfaisante – ce qui revêt une certaine importance à quelques mois d’une échéance importante.

Je rappelle que les difficultés relatives à la formation professionnelle ne sont pas toutes imputables aux régions. Nous avons débattu hier de différentes questions, notamment celle des OPCA ou de la transparence, où les régions n’ont aucune part de responsabilité – tout au plus ont-elles commencé à travailler avec les OPCA. Le contrôle de la formation professionnelle relève du domaine de compétence de l’État, plus précisément du ministère de l’emploi. Les régions ont, elles, à évaluer les programmes qu’elles mettent en place. Il me paraissait nécessaire d’insister sur ce point, car les régions sont trop souvent mises en cause sur des questions qui ne relèvent pas de leur responsabilité.

Les régions ont compétence directe sur les demandeurs d’emploi. C’est votre majorité qui, avec la loi Borloo, a organisé les choses de cette manière. Cette loi est d’ailleurs allée assez loin en affirmant qu’il n’y aurait plus une seule formation financée par l’État qui ne serait pas adossée à un contrat de travail. Cette approche pouvait être intéressante dans l’optique d’une reprise forte de la croissance et de l’emploi, quoique un peu radicale – ce qui peut être dû au fait que M. Borloo était alors au parti radical. Aujourd’hui, face à la montée du chômage, vous devez recourir à des stratagèmes permettant le contournement de la loi de 2004 – en vous appuyant pour cela sur les partenaires sociaux et sur le POE qui va être géré par Pôle emploi – pour remettre en place toute une série de mesures de formation pour les demandeurs d’emploi.

On assiste à un désengagement très fort de l’État avec le transfert aux régions de la pleine compétence sur les demandeurs d’emploi, qui a donné lieu au développement du plan régional de développement des formations professionnelles, le PRDF, succédant au plan régional de la formation pour les jeunes. La compétence de la région s’est ainsi élargie à l’ensemble des publics. Les préfets vont devoir s’impliquer sur ce point davantage qu’ils ne l’ont fait jusqu’à présent : c’est le retour de l’État. Quand les instances régionales seront élues, elles auront trois mois pour mettre le plan en place, pour une durée de six ans. J’y vois une erreur eu égard à la nature profonde du PRDF : celui-ci doit être conçu non pas comme une programmation ou une planification – si c’était le cas, les problèmes seraient résolus depuis longtemps –, mais plutôt comme un processus de négociation. C’est, en quelque sorte, une démarche participative – même si cette idée ne va pas plaire à tout le monde – associant l’ensemble des acteurs, qu’il s’agisse des syndicats, des syndicats d’employeurs, du monde associatif, du monde de l’éducation. Plus il est participatif, mieux c’est. Tel que je l’ai observé dans certaines régions, c’est une sorte de mouvement perpétuel de négociation qui, à terme, s’incarne dans un document adopté par une assemblée démocratique. Ce serait une grave erreur que de le résumer à ce document final, vu comme une programmation cosignée par l’État et le recteur.

Le plan comprend, par exemple, le schéma directeur des formations sanitaires et sociales. Quand il a été procédé au transfert, personne n’a pensé que les régions pourraient assumer cette fonction. Elles y sont pourtant assez bien parvenues, un peu comme elles l’avaient fait pour les lycées – alors que c’était plus compliqué, car en l’occurrence on transférait aux régions la responsabilité de ce qui se passe dans les écoles sans avoir procédé au transfert des bâtiments. Les formations sanitaires et sociales se sont largement améliorées par rapport à ce qu’elles étaient avant le transfert. Il y a quelques années, ce secteur de formation était en effet en pleine crise, et l’on faisait venir de toute l’Europe les infirmières dont on manquait en France. Les infirmières se forment non pas en trois mois, mais en trois ans. Les régions ont su prendre ce problème en charge au moment le plus difficile et ont considérablement avancé sur la voie de sa résolution. Le travail des régions est donc plus positif que ce que l’on entend parfois dire un peu légèrement.

Le PRDF est un travail continu se concluant par un moment important, celui de sa validation par l’assemblée régionale. Il faut se féliciter du caractère démocratique du dispositif, qui permet à nos concitoyens de sanctionner, d’une manière ou d’une autre, le travail accompli et assumé par l’équipe qui dirige la région. Je vois là toutes les avancées de la décentralisation.

Toutefois, la vraie question consiste à savoir comment mieux articuler la formation professionnelle et l’emploi. Même si cela peut paraître paradoxal dans la période actuelle, il me semble, monsieur le secrétaire d’État, que vous commettez une erreur en réduisant la formation professionnelle à un outil destiné à lutter contre le chômage. Certes, votre ministère est celui de l’emploi – donc un peu celui du chômage, en ce moment –, mais la formation professionnelle ne doit pas, à mon sens, concerner uniquement les 3 millions de demandeurs d’emploi : elle doit concerner l’ensemble des salariés. Les mesures de formation professionnelle doivent évidemment aller dans le sens de la résolution des problèmes d’inadéquation que nous connaissons en formant les demandeurs d’emploi pour qu’ils puissent retrouver un poste. Mais il ne faut pas pour autant négliger les salariés qui ont un emploi et qui doivent tout de même bénéficier d’une formation dans le cadre de la formation continue, de l’éducation permanente. C’est non seulement une forme de promotion sociale, mais aussi un moyen de préparer l’avenir économiquement. Concevoir la formation professionnelle uniquement en fonction de la situation du chômage – une situation éminemment préoccupante, j’en conviens – constitue, à mon sens, une erreur stratégique. Je vois, dans le rôle donné aux préfets, la volonté de répondre à l’urgence du problème du chômage, mais cela ne me paraît pas une bonne idée – il devrait d’ailleurs y avoir, au sujet des demandeurs d’emploi, une convention chaque année.

En ce qui concerne la coordination à rechercher afin d’obtenir une meilleure articulation entre la formation et l’emploi, nous avons fait une proposition, qui n’a pas été retenue, consistant, non pas à faire cosigner le plan par le préfet, mais à instaurer un véritable lieu de coordination. Je ne sais pas combien de fois je vais devoir le répéter, mais il existe actuellement dans chaque région, d’une part, un conseil régional de l’emploi, présidé par le préfet et dédié à l’emploi, d’autre part, un comité de coordination régional de l’emploi et de la formation professionnelle – CCERFP –, coprésidé par le préfet et le président de région et dédié à la formation. Comment voulez-vous que la coordination s’effectue correctement avec deux lieux de coordination placés au même niveau ? Je ne comprends pas pourquoi personne ne veut régler cette question que nous avons été plusieurs à soulever. Pour notre part, nous proposions de choisir le CCERFP, qui est coprésidé, ce qui devrait vous satisfaire, monsieur le secrétaire d’État, et qui est d’une nature plus institutionnelle que le PRDF.

Il faut que vous nous expliquiez pourquoi, alors que les PRDF sont en plein développement, vous décidez tout à coup de faire à nouveau intervenir le préfet et le recteur dans leur fonctionnement – alors que nous sommes nombreux à avoir constaté, sur le terrain, qu’il n’était pas toujours évident de faire coexister le préfet et le recteur. Que se passera-t-il en cas de tensions ? Qui arbitrera si le préfet et le président de région ne parviennent pas à se mettre d’accord ? Même si le contrat de projet peut donner lieu à des discussions, on ne peut pas assimiler le PRDF à un contrat de plan. Certaines mesures du contrat de plan peuvent venir soutenir les dispositifs de formation ou d’emploi, mais vous n’avez pas tenu compte du processus en continu qui doit permettre d’associer l’ensemble des acteurs de manière participative. Il me paraît légitime qu’il revienne aux conseils régionaux et à leurs présidents de mener ce travail – ce qui n’exclut évidemment pas d’associer l’État à certaines discussions.

L’autre question sur laquelle il faut avancer est celle du rapprochement entre formation initiale et formation continue. Dans ma région, c’est ce point qui a été mis en avant pour la construction du PRDF. Vous imaginez bien que cela ne s’est pas fait sans discussions avec les services de l’État, le préfet et le recteur. Le système actuel fonctionne de manière satisfaisante, ce qui me fait dire que si vous voulez aujourd’hui imposer la signature du préfet, c’est que vous avez une autre idée derrière la tête. Nous aimerions bien la connaître, monsieur le secrétaire d’État.

M. le président. La parole est à M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Monsieur le secrétaire d’État, nous en avons appelé, hier soir, à votre pragmatisme au sujet de l’article 19 et de la question du transfert au Pôle emploi des personnels de l’AFPA chargés de l’orientation. Sans doute un manque de lucidité que l’on peut mettre sur le compte de l’heure tardive vous a-t-il empêché de nous suivre (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

M. Guy Geoffroy. C’est plutôt l’inverse ! Vous êtes trop fragile !

M. Régis Juanico. …mais j’espère que ce matin, au moment où nous débattons sur l’article 20, vous avez retrouvé toute votre lucidité et saurez faire preuve de bon sens.

M. Guy Geoffroy. Sûrement plus que vous !

M. Régis Juanico. Je ne voudrais pas que vous engagiez votre responsabilité et celle du Gouvernement sur un texte, et singulièrement un article 20, qui vont à rebours de l’histoire. Le texte que vous défendez a de nobles ambitions – l’orientation et la formation professionnelle tout au long de la vie, ce n’est pas rien ! –, mais il ne faudrait pas qu’il devienne le texte de la méfiance et de la défiance.

Méfiance et défiance par rapport aux partenaires sociaux à l’article 9 à propos de la gestion paritaire – et en fait non paritaire – du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Méfiance et défiance à l’article 20 à l’égard des régions et des élus régionaux avec la signature du PRDF et l’instauration d’une sorte de copilotage.

En vous proposant de revenir sur cet article 20, nous vous invitons à faire un choix de cohérence, de clarté et d’efficacité. Chacun le reconnaît aujourd’hui, les régions sont légitimes et efficaces en matière de formation professionnelle, y compris les deux où la droite est majoritaire. C’est l’échelon adapté. Tous les rapports publiés récemment, en particulier le rapport Balladur, le montrent. À cet égard, j’aurais aimé que Dominique Perben, présent voilà quarante-huit heures, s’exprime sur cette question. J’imagine en effet que, dans le tour de France qu’il a entrepris pour vendre les conclusions du rapport Balladur, il a été amené à expliquer certaines choses. Alain Roussel a fort bien retracé le long cheminement, depuis 1983, qui a conduit à faire de la région le chef de file incontesté de la formation professionnelle. Comme Dominique Perben n’est pas à rebours de l’histoire, il aurait eu quelque hésitation à défendre cet article 20.

Peut-être ces rapports recèlent-ils des intentions cachées sur le devenir de l’échelon régional ? Nous ne sommes pas dupes. Le concept de conseiller territorial est plutôt de nature à affaiblir cet échelon régional. En tout état de cause, tous les acteurs reconnaissent que l’échelon pertinent en matière de formation professionnelle est, aujourd’hui, la région.

Or l’article 20 instaure une recentralisation. Il est d’ailleurs assez cocasse de constater que c’est ce gouvernement qui réengage une sorte de processus d’étatisation sur cette question de la formation professionnelle.

M. Yves Nicolin. Nous ne sommes pas dogmatiques, nous !

Mme Monique Iborra. En l’occurrence, vous êtes jacobino-staliniens !

M. Régis Juanico. Je vous rappelle que j’en ai appelé au pragmatisme du secrétaire d’État…

Vous ne laissez que trois mois aux nouveaux exécutifs pour élaborer le PRDF. Doit-on en déduire que vous considérez que la plupart des exécutifs régionaux seront reconduits et qu’ils auront ainsi préparé ce plan, car ne prévoir que trois mois pour boucler l’élaboration d’un tel document, qui engagera la collectivité pour six ans, paraît totalement irréaliste ?

Ce projet de loi a été rédigé à la hâte. Il faut que la région reste le chef de file en matière de formation professionnelle. Il faut faire le choix de la cohérence, de la clarté et de l’efficacité. Le PRDF doit rester un outil permettant aux régions de développer la politique de formation qu’elles souhaitent.

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.

Mme Monique Iborra. Un homme raisonnable !

M. Claude Goasguen. Il ne faut pas dramatiser cet article 20 qui n’engendre aucune révolution juridique. J’ai écouté avec beaucoup d’attention les différentes interventions et notamment celle du président Rousset. Certains éléments sont préoccupants, en effet. S’agissant de la durée prévue, des amendements pourraient peut-être améliorer les conditions de travail au sein des conseils régionaux.

Cela étant, le débat va bien au-delà de la question de l’adoption ou de l’élaboration. Vous avez eu raison de le souligner. Pourquoi moi, qui ai défendu les régions pendant toute une partie de mon existence parlementaire, ai-je finalement pensé, après de longues discussions avec le secrétaire d’État, qu’il était bon de faire évoluer le système ? Il s’agit en effet d’une évolution et non d’une transformation du système.

Vous avez souvent cité le rapport d’Édouard Balladur : je vous rappelle que ce document reconnaît la compétence des régions mais modifie la configuration de ces dernières. Et ce n’est pas fortuit. Aujourd’hui, le problème est double. Dans la situation économique actuelle, le terme « emploi » est devenu majeur. Tel n’était pas le cas dans l’histoire passée de la formation professionnelle. Certes, la formation continue, la formation au sein de l’entreprise étaient importantes – et elles le sont toujours. Mais, aujourd’hui, nous ne pouvons pas défendre devant nos concitoyens une autre priorité que celle de l’emploi compte tenu de la période de crise économique internationale que nous traversons, hélas !

M. Philippe Cochet. Très bien !

M. Claude Goasguen. L’emploi sera donc au centre du débat. Il sera même au centre du débat régional. J’ai bien senti dans les différentes interventions comme les prémices d’une campagne électorale. (Sourires.) Et c’est bien normal. Nous répondrons à l’argument que vous avancerez certainement et qui consistera à caricaturer l’article 20 et cette loi. Vous prétendrez que nous avons retiré la formation professionnelle aux régions. Non, il s’agit pour nous de mettre en priorité l’emploi sur la dynamique de la formation professionnelle. Je le précise car certains orateurs du groupe socialiste ont expliqué que l’emploi, c’était le problème de l’État et pas celui des régions. Chers collègues, l’emploi est désormais, aussi, le problème des régions !

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Évidemment !

M. Claude Goasguen. Tant mieux, si vous êtes d’accord ! J’imagine que vous serez également d’accord pour que, sur la question de l’emploi, des réformes soient opérées.

Je m’interroge personnellement sur les circonférences d’emploi. J’ai toujours été favorable aux bassins d’emploi. J’ai soutenu ainsi l’amendement de Pierre Méhaignerie, hier.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Il a été adopté !

M. Claude Goasguen. Certes. Mais nous aurions pu aller plus loin.

Il faut prendre en compte les nouveaux éléments qui sont intervenus dans la problématique de l’emploi. Il est des choses que les régions peuvent difficilement faire. Je pense au grand plan prospectif par l’emprunt, à la mobilité des salariés. En la matière, la circonférence régionale n’est pas la plus pertinente. De même, les nouvelles technologies de formation vont complètement bouleverser ce secteur.

Mme Monique Iborra. Et alors ?

M. Claude Goasguen. Les formations se feront sans doute au niveau européen sur la mobilité des salariés. Voilà une dimension qui n’existait pas il y a trente ans, lorsque la loi sur la formation professionnelle a été votée.

Alors quel est l’élément essentiel de cette modeste modification, qui n’est pas une substitution de pouvoir puisque l’article 20 ne prévoit pas que les régions ne seront plus dotées de la compétence en matière de formation ?

M. Michel Issindou. Il serait plus clair de le dire !

M. Claude Goasguen. Les régions restent dotées de la compétence en matière de formation professionnelle : l’État intervient simplement sur la question de l’emploi. Vous dites que le recteur ne doit pas intervenir.

M. Alain Rousset. Non !

M. Claude Goasguen. J’ai modifié un peu votre propos mais je ne le caricature pas.

S’agissant de la formation professionnelle, j’ai toujours considéré que l’éducation nationale était trop centralisée. Je suis ravi de constater que des membres éminents du parti socialiste partagent cet avis, tel n’a pas toujours été le cas. Mais il faut souligner aussi un certain émiettement, parfois. Une formule intermédiaire reste à trouver, le recteur représentant l’État sur la formation. Vous avez fort justement insisté dans votre intervention sur la nécessité de relier le débouché des formations initiales à la formation professionnelle.

Mme Monique Iborra. Ce n’est pas dans le projet !

M. Claude Goasguen. Tout cela ne mérite pas un débat très polémique, même si les élections ne sont pas loin. En réalité, la région reste l’organisme majeur en matière de formation professionnelle. Elle est considérée comme le patron. La modification est due davantage aux circonstances qu’à une vision politique tendant à supprimer un acquis dont bénéficient les régions et que la droite a largement contribué à leur donner. Je rappelle que la plupart des lois sur la formation professionnelle ont été votées par la droite, qui a donné le pouvoir aux régions.

M. Michel Issindou. Respectez ces lois !

M. Claude Goasguen. Il s’agit donc, non pas de revenir sur le dispositif, mais de l’adapter compte tenu de la situation de l’emploi actuelle. Il faut prendre en compte la modernité des sujets, les structures régionales, qui sont d’une certaine façon remises en cause dans le rapport Balladur et qui pourraient être revues – si du moins on décidait de le faire un jour…

En tout cas, ne créons pas de polémique : l’article 20 ne constitue pas une révolution fondamentale, c’est une adaptation à la politique de l’emploi.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Avec l’article 20, nous en arrivons au titre VII intitulé « Coordination des politiques de formation professionnelle et contrôle de la formation professionnelle ». Il s’agit, en gros, de la gouvernance. Avant de m’intéresser à cet article, je veux rappeler les avancées de ce texte, qui sont importantes : sécurisation des parcours professionnels, orientation, alternance, emploi des jeunes, qualité de la formation, portabilité des droits. Ces avancées sont très significatives dans un certain nombre de domaines même si, parfois, elles ne sont pas allées assez loin. Mais on ne peut pas tout révolutionner d’un coup. Il faut progresser par petits pas.

Avec l’article 20, nous en arrivons à la gouvernance. Si l’on veut qu’une politique fonctionne, il faut savoir en effet qui l’applique, comment elle est mise en œuvre et avec quel système de coordination des acteurs sur le terrain. Au Nouveau Centre, nous nous sommes interrogés sur ce point. Les acteurs étant nombreux – comités régionaux, comités de bassin d’emploi, conseils régionaux de l’emploi, COPIRE, Pôle emploi –, on ne peut que se demander comment tout cela sera coordonné.

Par ailleurs, qui va analyser les besoins ? Il ne suffit pas de réunir les acteurs autour d’une table. Les demandeurs d’emploi ou les salariés doivent être formés pour répondre aux besoins des entreprises. Qui va déterminer ces besoins ?

Enfin, il faut assurer une cohérence avec toutes les politiques associées. Cela concerne bien sûr la politique de l’emploi mais aussi celle du développement économique. Il faut former les demandeurs d’emploi ou les salariés à une économie dynamique et en phase de développement. Il faut savoir comment tout cela s’articule également avec l’insertion sociale ou professionnelle. Comment amener jusqu’à l’emploi certaines populations en difficulté et en marge ? Avec quels moyens ? Qui financera ?

À tout cela s’ajoutent les politiques de reconversion industrielle, les pôles de compétitivité, bref, tous les dispositifs d’État qui visent à relancer l’activité économique. Je n’oublierai pas dans cette énumération les difficultés quasiment structurelles de notre pays avec l’illettrisme. Il est donc essentiel de savoir comment rendre cohérentes toutes ces politiques.

À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, le PRDF me paraît constituer une avancée importante. S’agissant des modalités, la durée de six ans me paraît suffisante, les objectifs sont partagés avec les différents partenaires, la concertation est assez large. Je souligne au passage que nous avons déposé un amendement visant à demander l’avis du conseil régional de l’emploi qui vient d’être créé. Le texte prévoit donc de mettre tout le monde autour de la table pour essayer de fixer des grands objectifs. Surtout, il y a un engagement, avec la signature du préfet et de la région. Or qui dit engagement, dit attente de résultats et évaluations.

Cela étant, je vois deux écueils dans votre texte, monsieur le secrétaire d’État. Le premier porte sur le copilotage. L’alinéa 9 prévoit en effet que les parties s’assurent du suivi et de l’évaluation. Cela instaure donc une dichotomie entre le préfet et la région, voire d’autres acteurs, qui doivent suivre chacun leur propre projet, leur propre évaluation sans véritable cohérence. Or la politique de formation professionnelle n’est qu’un moyen : ce n’est pas un objectif. On ne fait pas de la formation professionnelle pour faire de la formation professionnelle. On en fait pour aller vers l’emploi et la sécurisation des parcours professionnels, et pour permettre aux salariés d’obtenir des qualifications. L’objectif n’est pas de dépenser beaucoup d’argent dans de belles formations.

Si les uns ne se préoccupent que de la qualité de leurs formations tandis que les autres ne se soucient que de leur politique de l’emploi, on bute sur un premier écueil. Dès lors qu’il n’y a ni coordination ni évaluation permettant de vérifier que les moyens mis en place correspondent bien aux objectifs à atteindre, la formation professionnelle ne sera pas adaptée aux politiques de l’emploi et de développement économique.

C’est toute la question de l’obligation de moyens et de l’obligation de résultats. La région dira qu’elle a une obligation de moyens, renvoyant l’État à son obligation de résultats, et l’on sait bien qu’en cas de copilotage, chacun a tendance à tirer la couverture à soi, s’attribuant les réussites pour rejeter sur l’autre les échecs.

C’est la raison pour laquelle j’ai proposé un conseil régional de l’emploi élargi à la formation professionnelle et pouvant être ouvert à d’autres partenaires mais n’ayant qu’une seule tête, le préfet. Celui-ci s’assurera du résultat qui, je le répète, se mesure en termes d’emploi.

Le second écueil de votre texte réside dans la déclinaison territoriale. Les régions, on le sait, ne sont pas des entités homogènes. Dans la région Nord-Pas-de-Calais, par exemple, les problèmes ne sont pas du tout les mêmes selon que l’on se trouve dans les zones en déclin industriel du côté de Roubaix ou dans les cantons ruraux. J’imagine qu’en Rhône-Alpes les enjeux en termes d’emploi et de formation ne sont pas non plus les mêmes à Lyon, dans les Alpes ou sur la côte d’Azur.

Il manque donc, selon moi, dans votre proposition de PRDF une déclinaison territoriale qui prenne en compte les bassins d’emploi et les acteurs de terrain qui y officient – comités de bassin d’emploi, maisons de l’emploi et autres missions locales. C’est la seule manière de bien adapter la formation professionnelle aux réalités du terrain.

M. le président. La parole est à M. Alain Rousset.

M. Alain Rousset. Avant de répondre à Claude Goasguen, je voudrais m’étonner de ce que je viens d’entendre. En effet, la France est le seul pays d’Europe qui ne cherche pas à rapprocher le pouvoir des citoyens en donnant aux assemblées territoriales plus de responsabilités et donc plus d’efficacité. Alors que c’est la voie choisie par les nouvelles démocraties d’Europe de l’Est, la France en est encore à tenir des propos jacobins vieux de deux ou trois siècles. On sait pourtant que c’est plus cher et moins efficace que la décentralisation, mais on confie l’avenir de la région au préfet, un haut fonctionnaire nommé qui change tous les deux ou trois ans, qui est donc moins au fait des réalités locales mais a sans doute fait de meilleures études que les élus locaux.

En tant que président de région et président de l’ARF, je reconnais malheureusement que les régions sont souvent mal informées.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. On n’est pas à l’ARF !

M. Alain Rousset. Monsieur le secrétaire d’État, les législateurs doivent non seulement évaluer les pouvoirs publics mais aussi les organiser, et rien n’interdit de s’appuyer pour cela sur son expérience.

Les régions sont donc peu au fait de ce qui se passe dans le domaine de la formation professionnelle, de l’innovation et de l’aide aux entreprises. Or je conviens avec vous que pour être responsable de la formation, il faut aussi connaître les problèmes de l’emploi et de l’entreprise. Nous ne disons pas autre chose, et je pense que les précédentes lois de réforme économique comme cette loi auraient dû prévoir deux ou trois expérimentations – dans une région de droite et une région de gauche, par exemple –, en jumelant la compétence emploi et la compétence formation sous un même pilote.

S’agissant maintenant du PRDF, je voudrais que le secrétaire d’État nous dise ce qu’il entend par région. S’il s’agit du conseil régional, pas de problème. J’aimerais également des précisions sur le calendrier et sur ce qu’il faut entendre par « première année civile suivant le début de la mandature ». Enfin, je pense qu’un plan pour six ans, c’est trop long, compte tenu des incertitudes économiques.

M. Claude Goasguen. C’est vrai !

Mme Chantal Brunel. Il a raison !

M. Alain Rousset. Claude Goasguen a parlé des nouvelles techniques qui allaient bouleverser la formation professionnelle. Je suis d’accord. Aujourd’hui, ces nouvelles technologies sont déjà mises en œuvre dans les lycées professionnels ou dans les lycées généraux pour l’apprentissage des langues ou d’autres apprentissages. Sous l’égide de qui ? Répondez à cette question, cela pourra vous donner des idées pour la formation professionnelle…

Quoi qu’il en soit, une meilleure adéquation entre formation professionnelle et emploi passe aussi par la prise compte des problèmes auxquels le chômeur se trouve confronté lorsqu’il cherche un emploi, au premier rang desquels la mobilité et les aides à la mobilité.

M. Claude Goasguen. On est d’accord !

M. Alain Rousset. Aujourd’hui le marché du travail est trop cloisonné géographiquement, alors que des solutions peuvent exister à l’échelle de la région. J’en ai fait l’expérience avec un jeune de ma commune, sans emploi malgré un BTS mécanique, et qui a trouvé un travail en quinze jours dans la région ; c’est aussi au niveau de la région que l’on a pu résoudre le problème d’une entreprise du sud de l’Aquitaine qui n’arrivait pas à recruter les cent personnes dont elle avait besoin. On a mis en place, au niveau de la région, une personne qui a rassemblé tous les organismes et on a réglé le problème. Cela montre bien qu’il faut un pilote et un seul.

L’autre problème auquel se trouvent confrontés les demandeurs d’emploi, c’est celui de l’hébergement. On sait que la force de l’AFPA, c’est d’offrir accompagnement, hébergement et conseil. Qu’en sera-t-il à l’avenir ? Quoi qu’il en soit, il faut se préoccuper non seulement du logement des jeunes et des chômeurs, mais aussi de leur accompagnement. Qui va accompagner le chômeur qui aura retrouvé du travail ? Ces questions relèvent du PRDF et il faut que celui-ci n’ait qu’un seul pilote.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur Rousset, j’ai dit à plusieurs reprises que nous pouvions étudier d’autres propositions, même si ma préférence allait au conseil régional de l’emploi, dans la mesure où, s’agissant du suivi de l’évaluation, il était préférable qu’il n’y ait qu’une seule tête.

Et si ce pilotage doit, selon moi, être assuré par le CRE présidé par le préfet, c’est parce que la formation professionnelle est un moyen au service de l’emploi et qu’il me paraît normal que celui qui répond de l’objectif final soit aussi celui qui s’assure du bon déroulement de l’ensemble de la procédure. Je suis donc ouvert à toute autre proposition à condition que l’on prenne en compte l’ensemble du parcours et qu’il n’y ait in fine qu’une seule tête.

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 20.

Je suis saisi d’un amendement n° 127.

La parole est à M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Nous avons déjà longuement exposé les incohérences de l’article 20, que cet amendement vise à supprimer, et les problèmes que pose l’existence de deux têtes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Cherpion, rapporteur. La commission a évidemment rejeté cet amendement. Le PRDF est aujourd’hui l’objet d’une simple concertation, sous la responsabilité du conseil régional, entre différents acteurs de la formation professionnelle. Il se traduit par l’établissement de différents schémas pour chacune des voie d’accès à la qualification, dont la cohérence finale et la mise en œuvre effective ne sont pas toujours assurées.

Je le dis d’autant plus facilement que je suis aussi conseiller régional et que j’ai également été vice-président d’un conseil régional, en charge de l’établissement d’un PRDF. Je sais donc que, parce qu’il n’est pas prescriptif, le PRDF ne contribue pas toujours comme il le devrait au développement de la formation. Il faut donc impérativement que ce PRDF devienne prescriptif. Et je parle ici en tant que parlementaire, même si je m’appuie sur mon expérience de conseiller régional. Je ne veux pas qu’il y ait de confusion entre les deux mandats. Nous sommes ici des parlementaires.

Le rapport sénatorial présenté par M. Seillier en 2007 avait déjà pointé les insuffisances de coordination entre les acteurs : « La mission recommande la mise en place d’une coopération régionale des acteurs publics, associatifs, professionnels et privés autour d’un projet transversal de territoire, le PRDF, qui aura désormais un caractère prescriptif. En conséquence, elle propose de modifier la loi dans ce sens afin que les différents acteurs soient engagés par leur signature, chacun dans leur champ de compétence et que soit renforcée la nécessaire responsabilisation des partenaires. »

C’est la raison pour laquelle il est important de continuer à faire évoluer cet outil et de franchir une nouvelle étape en favorisant la coordination des politiques menées et en prévoyant que ce plan régional de développement des formations professionnelles fera l’objet d’une contractualisation entre la région et l’État.

Je tiens également à souligner que cet article ne met nullement en cause la compétence du conseil régional. Quant à l’alinéa 3 de l’article 20, il est particulièrement clair sur la négociation du PRDF. Celui-ci est négocié pour une période de six ans, quinze mois après l’élection. Il ne doit pas y avoir d’ambiguïté. Rien ne se fera dans la précipitation, et ce délai de plus d’un an me paraît propre à favoriser le développement du PRDF.

M. Alain Rousset. Cette précision me convainc.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Je voudrais d’abord répondre aux différentes questions qui m’ont été posées.

La première chose – sur laquelle je suis très surpris de voir M. le député Rousset revenir, puisque nous avons longuement travaillé avec ses services sur ce sujet –, c’est la question du délai. Je lis l’article de loi, qui ne saurait être plus limpide : « Un plan régional de développement des formations professionnelles est élaboré par chaque région pour une durée de six ans débutant le 1er juin de la première année civile suivant le début de la mandature du conseil régional. » Vous êtes ici des législateurs plus que confirmés ; nous avons longuement travaillé avec vos services : c’est non pas trois mois, mais bien un an et plus après l’élection. Vous avez donc plus d’un an pour préparer le PRDF.

M. Alain Rousset. Dont acte.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Vous nous dites ensuite que six ans, c’est trop long. Je ne comprends pas ! La durée des PRDF est aujourd’hui en moyenne de cinq à sept ans : c’est ce que vous faites, vous, aujourd’hui.

M. Jean-Patrick Gille. Mais il y a des bilans d’étape !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Je ne comprends pas non plus la cohérence de votre position : vous aviez déposé juste avant un amendement visant à allonger la durée à six ans, parce qu’un an était un délai trop court.

Mme Valérie Rosso-Debord. C’est vrai !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Il est vrai que vous n’étiez pas là, monsieur Rousset. Nous nous sommes calés sur ce que vous faites, pour ne pas perturber les habitudes de travail des régions. C’est, je pense, une marque de respect pour votre travail.

Dernier détail avant d’en arriver au fond : le terme de « région » renvoie bien évidemment au conseil régional ; c’est également la dénomination utilisée par le code de l’éducation nationale.

Voilà pour les précisions que je souhaitais vous apporter. J’en viens maintenant au fond du dossier.

On nous dit que cet article est le nœud gordien, le « geste fatal », « létal » – je reprends les mots de l’opposition ; nous serions au cœur du réacteur nucléaire, nous en arriverions ici à l’enjeu majeur de ce texte.

Je vous lis ce qui est, selon le groupe SRC, l’enjeu majeur de ce texte : « Le plan régional de développement des formations professionnelles est signé par le président du conseil régional, le représentant de l’État dans la région et, en ce qui concerne la formation initiale, l’autorité académique. » Voilà le geste létal, le nœud gordien du texte !

Jusqu’ici, le PRDF était uniquement conçu par les régions ; nous leur demandons seulement – sans revenir en rien sur les compétences qui leur ont été attribuées pour l’apprentissage et les demandeurs d’emploi – d’avoir la bienveillance de bien vouloir faire en sorte que nous nous coordonnions pour mettre en place le PRDF, et que l’éducation nationale, les services de l’État et les régions puissent travailler ensemble. Je ne sous-estime pas l’avancée qui est faite !

Mme Monique Iborra. Ce n’est pas une avancée ! Cet article est superfétatoire.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Mais de là à en faire un geste létal pour l’avenir des conseils régionaux et pour leurs compétences en matière de formation professionnelle, je suis un tout petit peu surpris. Les mots qui ont été employés étaient forts : un geste létal, le nœud gordien !

Vous nous dites que tout est parfait. Les conseils régionaux en matière de formation professionnelle seraient partout sur la bonne voie ; la décentralisation est absolument parfaite et il n’y a rien à corriger.

Je suis désolé, mais il y a des choses à corriger ! Et c’est normal : il faut un équilibre ; personne ne fait de choses absolument parfaites – même les conseils régionaux. C’est le rôle de la République que de trouver les bons dosages entre, d’une part, les indispensables déclinaisons territoriales de nos politiques par bassin d’emploi, et, d’autre part, une vision républicaine à l’échelle nationale. Même vous, vous devriez pouvoir en convenir ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Je vais m’appuyer sur des points très précis. La Cour des comptes a réalisé une évaluation à partir d’un travail mené par cinq chambres régionales des comptes, en Basse-Normandie, régions Centre, Champagne-Ardenne, Île-de-France et Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Vous vous appuyez d’ailleurs souvent sur les rapports de la Cour des comptes dans vos interventions, et vous avez raison. La Cour s’est penchée sur la conduite régionale de la formation professionnelle, sur ses atouts – incontestables, avec des avancées, sur lesquelles je ne reviens pas – et sur ses faiblesses.

Sur le PRDF, l’évaluation est précise : il y a une mauvaise coordination des différents services des conseils régionaux, une lenteur dans l’application du code des marchés publics, une illisibilité des dispositifs régionaux. Le PRDF est encore trop souvent uniquement un outil de la région. La concertation se limite à une information participative qui est insuffisante ; l’absence de certains acteurs dans le PRDF n’est plus tolérable. Les logiques du conseil régional et de l’éducation nationale sont – vous le dites vous-mêmes – sont trop opposées. Enfin, les régions signent trop souvent des conventions, notamment avec l’État et les branches professionnelles, qui n’exposent pas des objectifs précis.

Le premier élément du diagnostic posé par la Cour des comptes, c’est donc qu’il faut améliorer le dispositif, et qu’il y a en particulier un problème de coordination.

Le second point est pour moi beaucoup plus grave : des inégalités extrêmement importantes se sont développées sur le territoire. On ne peut pas vous demander de le prendre en compte : ce n’est pas le rôle des conseils régionaux. Ces inégalités concernent d’abord le taux d’accès des demandeurs d’emploi à la formation. Je vous citais hier la région Île-de-France, qui visiblement ne vous convenait pas ; je vais vous en citer d’autres.

Mme Monique Iborra. Je vous ai répondu sur ce point !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Dans la région PACA, 8 % des demandeurs d’emploi accèdent à la formation professionnelle ; dans la région Centre, 8 % ; dans la région Limousin, 21 % ; et puisque le Limousin ne vous convenait pas, dans la région Basse-Normandie, 18 %. Selon la région dans laquelle il se trouve, les chances d’un demandeur d’emploi d’accéder à la formation peuvent varier d’un facteur de un à trois, aujourd’hui, sur le territoire de la République !

Mme Valérie Rosso-Debord. Très bien !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Il y a des différences territoriales. On peut dire que la région Centre n’a rien à voir avec la région PACA ou avec les régions Limousin ou Basse-Normandie ; ce n’est pas totalement faux. Mais de là à en tirer la conclusion qu’il est normal que les chances d’un demandeur d’emploi d’accéder à une formation varient de un à trois ! Ce n’est plus une déclinaison par bassin d’emploi ; c’est une inéquité républicaine, et il est de notre devoir de la corriger ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Jean-Patrick Gille. Vous dites n’importe quoi.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Vous pourriez me répondre que tel n’est pas le cas en matière d’apprentissage. Mais, selon que vous êtes dans la région Nord-Pas-de-Calais, ou dans la région Pays-de-la-Loire, vos chances d’accéder à l’apprentissage varient de un à deux. On retrouve donc le même problème.

M. Jean-Patrick Gille. C’est historique !

M. Jean-Pierre Schosteck. Et alors, parce que c’est historique, il ne faudrait pas le changer ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. C’est historique, mais cela fait un bout de temps que cela aurait pu être corrigé ! Vous le disiez vous-même, monsieur Gille : le sens de l’histoire, c’est d’aller vers la correction de ces inégalités.

Les différences sont flagrantes entre les dispositifs mis en place par les régions et les différentes aides. Et là encore, c’est logique : on ne peut pas vous en faire le reproche.

Mme Monique Iborra. Et l’évaluation des politiques publiques ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Certaines régions paieront à un apprenti qui commence une formation en boucherie ou en charcuterie, par exemple, son kit d’outils – d’autres pas. Certaines régions paieront les frais de déplacement, d’autres pas. Certaines régions participeront aux frais de logement, d’autres pas.

Mme Monique Iborra. C’est faux !

M. Jean-Paul Lecoq. Et bien sûr, l’État va payer tout ça ? (Sourires)

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Il y a un autre point dont vous avez vous-même convenu, et je regrette que M. Juanico ne soit pas là : il y a des différences d’accès selon la région dans laquelle vous vous trouvez.

Vous avez fait, monsieur Rousset, un travail remarquable dans votre territoire pour passer des conventions avec les régions voisines et faire en sorte qu’un demandeur d’emploi, ou un jeune en apprentissage, ne rencontre aucun problème pour accéder à la formation sur votre territoire. Il y a malheureusement beaucoup de régions où ce n’est pas le cas.

Je prends l’exemple d’un territoire que je connais très bien : il n’y a aucune convention entre les régions Auvergne et Rhône-Alpes. Il y a des distorsions, et j’ai été amené à saisir des centaines de fois tant le président de la région Rhône-Alpes que le président de la région Auvergne. Je suis désolé, mais il y a là une vraie inégalité : le demandeur d’emploi ou l’apprenti qui est de l’autre côté de la frontière régionale n’a pas accès à une formation qui peut être à quinze kilomètres de chez lui. On va lui demander de faire 300 kilomètres ! Ce n’est pas tout à fait ma conception de la République.

Mme Valérie Rosso-Debord et M. Yves Nicolin. Très bien !

M. Jean-Patrick Gille. Ce n’est pas vrai ! Il y a des accords !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Je tiens toutes les pièces à votre disposition. Je suis désolé, mais je pense que les élus qui sont ici et qui connaissent bien ces situations peuvent tous en témoigner.

Vous dites que ce sujet n’a pas été relevé. Mais il l’a été ! Pierre Ferracci, dans son rapport, a relevé que « le PRDF devrait devenir un support de programmation accepté par les différents acteurs, et faire l’objet d’une contractualisation partagée sur des objectifs communs. »

Quant au Conseil d’orientation pour l’emploi, il a considéré qu’il fallait établir une programmation commune des actions de formation professionnelle et faciliter la contractualisation.

Même vous, vous avez soulevé ce point : vous avez souligné un élément qui était, c’est vrai, difficile, et qui nous a obligés à mener une bataille en interne. L’éducation nationale n’était pas prête, en effet, à se mettre autour de la table pour que la formation professionnelle et l’éducation nationale travaillent ensemble.

Dans le cadre du PRDF, nous amenons l’éducation nationale autour de la table, et vous ne relevez pas cet apport.

M. Jean-Patrick Gille. Vous dites absolument n’importe quoi !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Je pense, honnêtement, que vous avez tout intérêt à vous investir : cela vous permettra d’obtenir – comme je sais que M. le député Rousset le souhaite – une concertation avec l’éducation nationale sur toutes les formations.

Mme Monique Iborra. C’est incroyable, d’entendre ça !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. L’objectif du projet de loi est bien de passer d’une logique où chacun reste dans son couloir à une logique de travail en équipe. Certaines régions ont d’ailleurs commencé à le faire avec succès : ainsi, la région PACA a négocié son PRDF directement avec les services de l’État et l’éducation nationale – et le président de cette région, dont l’approche politique ne nous est pas particulièrement favorable, reconnaît que ce fonctionnement-là est tout à fait intéressant.

La conception que nous essayons de porter à travers ce texte, la voici : en termes de formation professionnelle, compte tenu des masses financières qui sont en jeu, nous ne pouvons pas faire autrement que de nous mettre autour de la table et de travailler ensemble. Nous ne pouvons pas entrer dans une logique où un seul acteur serait le chef de file et dicterait sa volonté aux autres.

M. Jean-Patrick Gille. Sauf si c’est vous !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Pas plus que vous !

Mme Monique Iborra. Sauf si c’est vous, et même si vous ne financez pas !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Je voudrais rétablir quelques vérités précises et chiffrées.

Le financement de la formation professionnelle est assuré pour 11 milliards d’euros par les partenaires sociaux et pour 7 milliards par l’État, dont seulement 2 milliards sont destinés à la formation des agents. La région n’est que le troisième financeur, avec 3,8 milliards d’euros. Je veux bien que vous nous disiez : il n’y a que la région et personne d’autre, ni partenaires sociaux ni État, mais cette conception est surprenante !

Mme Monique Iborra. Parlez des demandeurs d’emploi !

M. Jean-Patrick Gille. Arrêtez la décentralisation alors !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Notre conception est toute simple. Vous avez une compétence, qui est importante, en matière de demandeurs d’emploi et d’apprentissage. Vous la conservez totalement et il est hors de question de revenir là-dessus.

Mme Monique Iborra. Mais non !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Soyez totalement rassurée : toutes vos responsabilités sont préservées. Rien dans le texte ne revient là-dessus.

Il faut donc assurer la déclinaison territoriale des politiques. Mais il y a aussi des centres de formation dont le rayonnement dépasse l’échelle des régions : Egletons, par exemple. Certains demandeurs d’emploi, certains apprentis vont passer d’une région à l’autre. Il y a enfin des inégalités et des inéquités, qui supposent d’avoir une vision nationale.

M. Claude Goasguen. Et une vision européenne !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Enfin, les partenaires sociaux ont leur mot à dire et n’ont pas l’intention de se laisser exclure du tour de table.

Comment faut-il comprendre votre position ? Car je ne peux pas croire que ce petit article ait provoqué à lui seul une telle irritation, et vous amène seul à parler d’un geste létal.

Ma lecture est que vous souhaitiez que les régions deviennent chefs de file, seules, de la formation professionnelle, et même chefs de file, seules, de toute la politique de l’emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je relis les propos de M. le député Rousset hier ; ils sont très clairs : « Pour répondre à ma collègue, il faut que nous ayons l’audace de désigner un responsable unique pour l’emploi et la formation. Encore une fois, la seule collectivité territoriale compétente dans ces deux domaines et donc la mieux placée pour le devenir, c’est la région. »

Ce que vous demandez – et qui est tout à fait respectable : chacun a droit à ses opinions, mais il faut les assumer – c’est que la région s’occupe de la formation professionnelle et de Pôle emploi. Pôle emploi serait donc non plus une instance nationale, mais une instance régionalisée. Ce sont bien les propos qui ont été tenus par M. Rousset et enregistrés, comme tout ce qui est dit dans l’hémicycle : chacun, y compris au sein de Pôle emploi, pourra les consulter.

Enfin, je me suis demandé si la France était, à cet égard, une anomalie. Serions-nous d’horribles archaïques jacobins faisant marche arrière…

M. Jean-Patrick Gille. En vous entendant, on commence effectivement à se poser la question ! (Sourires.)

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. …alors que tous les pays européens marcheraient vers la décentralisation heureuse, en termes de politique de l’emploi et de la formation professionnelle ?

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Oui !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Je m’en suis préoccupé, et j’ai demandé à mes services de faire une étude précise de la situation. Tous les pays européens ont-ils entamé cette marche heureuse et sereine vers la décentralisation en donnant aux régions les clés de toute la politique de l’emploi et de toute la politique de la formation ?

Eh bien il n’y pas un seul pays européen, pas un seul, qui ait décentralisé sa politique de l’emploi. Car ce qui est en cause, c’est une équité fondamentale ! On ne peut pas avoir une déclinaison avec des inégalités aussi flagrantes selon les territoires. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Je tiens à le dire : même en termes de formation de demandeurs d’emploi, ni l’Allemagne, ni l’Espagne, ni le Royaume-Uni, ne l’ont fait. Cette étude est entièrement à votre disposition et à celle de l’Association des régions de France.

Un seul pays l’a fait, un seul – et je ne suis pas sûr que ce soit tout à fait un modèle en la matière : c’est l’Italie. Ce n’est sans doute pas un hasard si en matière de formation et d’emploi, l’Italie est dans une situation apocalyptique ! Les Italiens sont d’ailleurs en train de réfléchir sur la façon de corriger rapidement une décentralisation qui ne correspondait pas à ce qu’on peut faire !

Oui, il y a un respect absolu des compétences des conseils régionaux. Mais, non, il est hors de question d’abandonner aux régions la totalité des politiques de la formation et de l’emploi.

Plus de vingt articles de ce texte sont directement consacrés à l’amélioration du dispositif de formation des demandeurs d’emploi et des salariés. Et il y a, c’est vrai, un article qui concerne la gouvernance et la place des régions – il est important, mais il n’est pour moi ni une pierre angulaire ni un réacteur nucléaire. Est-ce là le nœud gordien du texte ? Ce projet de loi concerne-t-il l’avenir des régions et la défense de leur pré carré, ou cherche-t-il à faire en sorte que 500 000 salariés faiblement qualifiés puissent mieux accéder à l’emploi ?

Est-ce que le nœud gordien du texte c’est d’aider 200 000 demandeurs d’emploi qui aujourd’hui restent à la porte de la formation à bénéficier de celle-ci ?

Est-ce que le nœud gordien, c’est d’essayer de faire en sorte que l’on ait accès à la formation, que l’on soit dans une PME ou dans un grand groupe ? Est-ce que le nœud gordien, c’est de construire une sécurité sociale professionnelle et le DIF ? Est-ce que le nœud gordien, c’est l’apprentissage ou les seniors ? Ou est-ce que le nœud gordien, c’est uniquement de se poser la petite question de savoir si le PRDF est fait par la région toute seule ou par la région, l’État et l’éducation nationale ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Michel Issindou. La gouvernance est au commencement quand même !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Chacun doit assumer ses positions. Vous avez le droit de considérer que l’article le plus important du texte est celui qui concerne les conseils régionaux. Nous, nous avons le droit de considérer que c’est celui qui concerne les salariés et les demandeurs d’emploi. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Le ministre s’enflamme et il entraîne ses troupes dans le mouvement.

Mme Chantal Brunel. Très bien !

M. Michel Issindou. C’est bien, cela nous réveille à cette heure matinale, mais, en réalité, il ne fait que démontrer qu’il est très centralisateur.

Mme Monique Iborra. C’est vrai !

M. Michel Issindou. Il commence par s’appuyer sur des rapports de la Cour des comptes pour dire que les régions n’ont pas bien travaillé dans le domaine de la formation professionnelle. Mais nous pouvons, nous aussi, trouver des choses « horribles » sur le fonctionnement de l’État dans ces rapports de la Cour des comptes.

Mme Monique Iborra. C’est pire !

M. Michel Issindou. Finalement, au fur et à mesure de son exposé, il nous confirme qu’il croit à un État fort, puissant, qui régulera tout cela. C’est que ce nous pressentions depuis le début mais que, depuis deux jours, il n’arrivait pas à dire. Aujourd’hui, il le dit avec brio, comme il sait le faire, en vous faisant vibrer.

Donc, l’État revient dans la formation professionnelle. L’État est le grand régulateur, celui qui règle toutes les anomalies, qui met de la justice partout, qui s’occupe de l’intérêt général – comme si les régions ne s’occupaient que des intérêts particuliers ! Les conseillers régionaux sont élus démocratiquement, ils ont le souci de l’intérêt général comme les maires, comme tous les élus en général. Il n’y a pas que l’État qui a le sens de l’intérêt général, tous les élus, à tous les niveaux de la République, l’ont également.

Les inégalités d’accès existent, c’est certain, et on peut trouver des différences entre les régions. Mais on peut aussi admettre que la décentralisation est un phénomène assez neuf et que la formation professionnelle qui est pleinement dévolue aux régions depuis 2004 monte en puissance.

Ne jugeons pas les régions, qui n’ont que quelques petites dizaines années d’existence – et moins encore s’agissant de la formation professionnelle – sur leur capacité ou non à être performantes et brillantes. Nous savons que l’État ne fera pas mieux. Ne rêvons pas d’un État centralisateur qui, demain, pourrait tout régler. On a l’impression que plus on remonte, plus on redevient centralisateur et plus les problèmes se règlent. Ce n’est pas le sens de l’histoire, Régis Juanico l’a dit à juste titre. Aujourd’hui, les lois de décentralisation de 1982 sont acceptées par tous. Si elles vous agacent, commencez par revenir dessus, au lieu de vouloir les casser sans les casser. Le problème est là : vous affirmez de rien vouloir casser, vous prétendez que les régions gardent tout leur pouvoir sur la formation professionnelle, mais, au bout du compte, c’est l’État qui décidera, parce que c’est lui le plus fort.

Voilà ce que vient de nous dire M. le secrétaire d’État, avec beaucoup de force. Qu’il veuille faire partager cette conviction à ses troupes, cela me paraît normal. Mais, nous, nous n’avons pas la même approche sur la formation professionnelle. Nous pensons que la proximité du terrain est un atout indiscutable pour régler ces problèmes au plus près des gens qui ont besoin de formation. C’est une discordance majeure que nous avons avec lui sur cet article 20.

Bien sûr, ce n’est pas l’essentiel, il y a des choses plus importantes, comme il l’a dit, mais si on ne règle pas le problème de la gouvernance, on a tous les risques que l’objectif final qu’il poursuit, et que l’on partage, ne soit pas atteint. Si, au départ, la gouvernance n’est pas bonne, vraisemblablement, les choses, derrière, se passeront mal.

M. Jean-René Marsac. C’est évident !

M. Michel Issindou. Il faut poser clairement les choses. Nous, nous considérons qu’il ne faut qu’un pilote. M. le secrétaire d’État est persuadé que la région et l’État peuvent copiloter. Dont acte, nous verrons comment tout cela fonctionnera.

M. le président. La parole est à M. Alain Rousset.

M. Alain Rousset. J’enregistre avec satisfaction la reconnaissance par le secrétaire d’État, et par le rapporteur, que la région, c’est le conseil régional. C’est, pour le groupe, quelque chose de positif.

J’ai également pris note du fait que la durée de l’élaboration du plan, ce n’est pas de mars à juin. J’invite d’ailleurs les rédacteurs à relire leur texte. Bien qu’élu local, j’ai fait quelques études de droit, et je trouve la rédaction pas aussi évidente que cela.

Vos précisions, monsieur le secrétaire d’État, ainsi que celles du rapporteur me satisfont. Le nœud gordien, comme vous l’évoquez avec beaucoup de flamme, c’est en effet l’efficacité des territoires sur le plan économique, sur le plan social – la réponse que l’on apporte aux demandeurs d’emploi et aux besoins des entreprises. Je crois que nous partageons tous ce point de vue.

Le problème reste que nous n’arrivons pas obtenir une clarification sur le « qui fait quoi dans notre pays ». L’État veut, encore une fois, être porteur de normes, au-delà de ses compétences régaliennes que nul ne lui conteste. Il veut organiser, élaborer avec le législateur une méthode et une forme de gouvernance, et en même temps être opérateur. C’est là que les problèmes se posent. Confier aux préfets les rôles à la fois d’opérateur et d’arbitre soulève des difficultés sur le terrain. Il ne me dérange nullement que l’État et les préfets, avec toutes les commissions que l’on veut, soient arbitres et fixent les normes. Toutefois, je rappelle que la RGPP a conduit à supprimer progressivement les services de l’État dans les domaines de compétences transférés aux collectivités locales.

Mme Monique Iborra. Exactement !

M. Alain Rousset. Ramener de l’intervention technique va être extrêmement compliqué. On va, une fois de plus, embrouiller les choses.

Ayant participé à la commission de M. Weissman et ayant écouté Mme Lagarde ici, je me souviens avoir entendu évoquer la possibilité de lancer des expérimentations pour essayer d’avancer sur ce sujet du rapport entre la politique de l’emploi et la politique de la formation, qui est un problème que nous n’arrivons pas à régler. Nous attendons ces expérimentations, quelle que soit la sensibilité politique des majorités des exécutifs régionaux ou départementaux.

Vous dites que l’État porte le devoir d’équité. D’accord. Mais peut-on être à la fois arbitre et opérateur ? Comment se juge-t-on soi-même ? Nous voyons très bien sur le terrain, dans la gestion partagée des crédits européens, que les mécanismes d’évaluation des services de l’État et des services des régions ne sont pas aussi simples que cela. D’ailleurs, nous aurions intérêt – je le conseille à votre secrétariat d’État – à observer comment s’opère l’évaluation de l’application des crédits européens lorsque nous essayons de mettre en place, avec les services déconcentrés de l’État, des dispositifs originaux.

Par ailleurs, les services de l’État produisent-ils naturellement de l’équité sur tout le territoire ? J’ai évoqué hier une expérience que toutes les collectivités locales qui ont repris des compétences autrefois gérées par l’État ont connue, concernant la formation des infirmières et des aides soignantes. Il n’y avait pas plus inégale que la gestion de l’État, qui se faisait en fonction des rapports de forces locaux.

M. Jean-Patrick Gille. En effet !

M. Alain Rousset. Même le système de bourse des infirmières était différent d’un département à l’autre. Les régions ont amené de l’équité à leur niveau, à charge pour elles, aujourd’hui, avec votre évaluation et celle du Conseil national de l’évaluation, d’organiser l’équité à l’échelle du pays.

S’agissant de l’éducation nationale, nous la consultons dans le cadre du plan régional de développement des formations professionnelles. La loi de 2004 fait obligation aux régions de consulter et de recueillir l’avis de l’État et des collectivités territoriales concernées, voire des organisations syndicales et d’employeurs. C’est pourquoi nous nous interrogeons sur l’utilité d’un texte nouveau. La loi de 2004 permet le contrôle de légalité. Je ne suis nullement gêné quand le contrôle de légalité rappelle la loi aux collectivités locales. C’est parce que vous avez choisi de modifier ou de compléter ce texte que nous nous inquiétons. Nous craignons que cela n’introduise de la complexité, avec les signatures, l’intervention du recteur, même si, je le reconnais, vous nous avez en partie apaisés.

M. Michel Issindou. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. L’emphase avec laquelle M. le secrétaire d’État nous a répondu ne cache pas une méconnaissance de la réalité. Le fait d’affirmer, avec une certaine arrogance, qu’il faut absolument que les régions travaillent avec l’État, n’annonce en réalité que le retour de l’État, ce qui est craint dans les territoires. Son propos a été la parfaite illustration de son envie de recommencer à donner des leçons à tout le monde.

Je voudrais revenir sur les différences du taux d’accès des demandeurs d’emploi à la formation selon les régions. Il est vrai que le taux de chômage n’est pas du tout le même en Île-de-France que dans les autres régions, mais il y a des explications qui tiennent à la formation professionnelle elle-même. Quant à la région Centre, qui connaît un taux plus faible, l’explication est assez simple. On peut dire que la formation professionnelle a essentiellement pour objet la lutte contre le chômage – et on forme dès lors des demandeurs d’emploi – mais on peut aussi pousser la réflexion un peu plus loin et adopter une démarche plus intelligente, en se demandant s’il ne serait pas préférable que l’effort de formation, le surcroît de connaissance apporté par la formation intervienne avant que les gens ne soient au chômage. Pourquoi la formation connaît-elle un grand gâchis ? Parce que ce n’est pas quand vous êtes au chômage que vous vous formez le mieux.

M. Claude Goasguen. C’est le rôle de l’éducation nationale.

M. Jean-Patrick Gille. Je prends la question du numérique et d’Internet. Vous pouvez multiplier les formations au numérique, si les demandeurs d’emploi n’ont pas la possibilité de les mettre en application dans les semaines qui suivent, tout est perdu. C’est cela qui se passe dans le pays.

La région Centre a décidé de procéder autrement, elle a mis en place des visas. Ces dispositifs de deux ou trois jours de formation sont ouverts à tout public à différents moments – évidemment, cela va choquer M. Vercamer qui pense que la formation ne doit servir qu’à l’emploi. Ces formations sont même ouvertes aux retraités, pour éviter justement la fracture numérique. Chaque année, ce sont ainsi 50 000 personnes qui se sont formées depuis plusieurs années de manière volontaire, auprès d’organismes répartis sur l’ensemble du territoire. Des groupes se forment, cela crée de la convivialité, beaucoup de phénomènes très intéressants. Les demandeurs d’emploi ont également bénéficié de cette formation, mais ces 50 000 personnes n’apparaissent pas dans les statistiques des demandeurs d’emploi en formation.

Il existe un visa pour le numérique, un visa pour les gestes écocitoyens par rapport au développement durable. Vous me rétorquerez que cela ne concerne pas directement l’emploi, mais c’est quand même un geste de formation très important. Toutes les questions d’illettrisme et de savoirs de base sont traitées de la même façon. Vous le voyez, les statistiques sont très relatives.

Le travail avec l’éducation nationale se fait quotidiennement, bien évidemment, pour savoir par exemple si, à tel endroit, il n’y a pas doublon entre le lycée professionnel et l’apprentissage. Ce travail de rapprochement est réalisé chaque année pour voir comment on réoriente, quelles sections doivent être ouvertes ou fermées, quelles doivent être les conventions, etc.

Le vrai problème est moins de savoir qui décide que de savoir qui assume la décision. Moi, je trouve plus démocratique que ce soient des élus. Un recteur – n’y voyez aucune critique à l’égard de cette fonction, certains ici l’ont exercée – ne l’assume pas de la même manière. C’est là un des intérêts de la décentralisation : la responsabilité est plus directe, plus démocratique, ce qui tend à faire avancer les choses plus rapidement.

Quant à votre discours sur les frontières régionales…. Chacun sait qu’il existe des accords entre les régions.

M. Yves Nicolin. Non ! Pas partout !

M. Jean-Patrick Gille. C’est le cas pour l’apprentissage depuis que l’État a décidé de ne plus financer des CFA nationaux, ce qui peut d’ailleurs se comprendre. Le CFA que je préside dispense une formation d’ascensoriste. Cela fonctionne bien : les entreprises nous soutiennent, le secteur est très porteur et notre CFA recrute au niveau national. Mais si nous pouvons actuellement développer et investir, c’est tout de même grâce au financement de la collectivité locale la plus proche, c’est-à-dire l’agglomération, et de la région. N’est-ce pas la preuve que c’est possible ? Nous sommes en pleine équité et en pleine égalité républicaine. Le centre forme plus d’une centaine de jeunes, dont seuls un ou deux sont originaires de la région. La plupart viennent en effet des cités de Lyon, Marseille ou Paris. Il n’y a pas frontière régionale, Alain Rousset l’a dit avant moi.

Le problème de la pénurie d’infirmières, qui représentait un véritable scandale, a été réglé de la même manière. Comment cela se passe-t-il ? Alors que les infirmières sont formées dans le nord, une sorte de tropisme les pousse ensuite vers le soleil et la Côte d’Azur où le besoin de est plus fort et l’exercice de la profession peut-être plus rentable. Une telle situation pose d’ailleurs d’autres problèmes, comme celui du lien entre formation et pré-embauche. Voilà un vrai sujet ; mais vos propos, monsieur le secrétaire d’État, ne reflètent pas la réalité. J’y vois plutôt une revanche de l’administration centrale ou de la DGFP sur la décentralisation. Ne vous laissez pas emporter par ces grands élans jacobins qui suscitent à coup sûr l’émotion dans notre hémicycle, mais qui ne correspondent pas à la réalité du terrain !

M. Michel Issindou. Très juste !

M. le président. La parole est à Mme Monique Iborra.

Mme Monique Iborra. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez pointé un certain nombre de dysfonctionnements des régions – pourquoi pas ? Nul n’est parfait –, mais vous vous êtes bien gardé de souligner les points positifs que la Cour des comptes a mis en avant.

Nous aussi, nous avons lu son rapport, et nous n’aurons pas la cruauté de lister tous les dysfonctionnements imputables aux politiques de l’État, qui pèsent autrement plus lourdement sur les finances du citoyen moyen que ceux que vous avez cités.

Si le sujet était moins grave, vos arguments feraient sourire. Vous ne les avancez que pour justifier une recentralisation que, pour le moment, vous n’arrivez pas à assumer, mais que vous allez largement développer avec la réforme des collectivités territoriales. Il y a une cohérence dans les diverses politiques que vous menez, pourquoi le cacher ? Ainsi, derrière cet article 20, vous mettez en place des politiques qui feront double emploi avec celles des régions, ce qui entraînera, outre des dysfonctionnements majeurs dont vous vous apercevrez très vite, une gabegie d’argent public. Ainsi, cet article que vous vous efforcez de présenter comme anodin s’inscrit dans une stratégie.

Il suffit, à vous entendre, que l’État intervienne pour faire disparaître toutes les inégalités. Quelle suffisance ! Qui peut vous croire, au vu de la politique que mène le Gouvernement ? Vous plaisantez, tout le monde le sait, et nous n’aurons aucun mal à en faire la démonstration !

Est-ce une farce, ou le résultat d’une méconnaissance totale ? Faut-il mettre en cause la communication des régions ?. Admettons que nous ayons de gros progrès à faire dans ce domaine, c’est une évidence. Nous pourrions d’ailleurs prendre exemple sur ce que fait le Président de la République ; je vous assure que nous allons nous y mettre ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Nicolin. On pourrait commencer par examiner vos comptes de campagne !

Mme Monique Iborra. Pourquoi vous énerver ainsi ?

M. Jean-Claude Lenoir. On rigole !

Mme Monique Iborra. Faites-le, si cela vous amuse !

M. le président. Poursuivez votre démonstration, madame Iborra !

Mme Monique Iborra. Rira bien qui rira le dernier.

M. Yves Nicolin. Vous avez déjà bien ri aux élections européennes. Il n’y a qu’à continuer !

Mme Monique Iborra. Les propos de M. Wauquiez prouvent une totale méconnaissance du terrain. Ils en deviennent même amusants, car on ne peut penser qu’ils ont été réfléchis et prémédités. Vous redécouvrez l’eau chaude en décrivant des mécanismes que nous connaissons parfaitement !

M. Yves Nicolin. Ben voyons !

M. Jean-Pierre Schosteck. Vous êtes les seuls à connaître le terrain !

Mme Monique Iborra. Monsieur le secrétaire d’État, votre démonstration ne nous a pas convaincus, pas plus qu’elle ne convaincra les Français, auxquels nous rappellerons les politiques précises et évaluées que nous avons menées. Vous prétendez relever des dysfonctionnements majeurs qui nécessiteraient la signature de l’État, présentée comme le remède radical à toutes les inégalités. Laissez-nous rire !

M. Yves Nicolin. Riez donc !

M. Jean-Pierre Schosteck. C’est déjà ça !

M. le président. L’Assemblée étant désormais bien informée après ce long débat, et de grande qualité, je mets aux voix l’amendement n° 127.

(L’amendement n° 127 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suspends à présent la séance pour quelques minutes, afin de réunir la conférence des présidents.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures vingt-cinq, est reprise à onze heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 20 (suite)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 191.

La parole est à M. Alain Rousset.

M. Alain Rousset. L’amendement n° 191 tend à réécrire totalement l’article 20. Mais je n’allongerai pas le débat, tous les arguments ayant déjà été largement évoqués.

M. le président. Effectivement, la densité des interventions et leur nombre ont permis d’exposer tous les arguments.

(L’amendement n° 191, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 145.

La parole est à M. Alain Rousset.

M. Alain Rousset. Il est défendu.

(L’amendement n° 145, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 148.

La parole est à M. Alain Rousset.

M. Alain Rousset. Il est défendu.

(L’amendement n° 148, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 25.

La parole est à Mme Chantal Brunel.

Mme Chantal Brunel. L’amendement n° 25 tend à décliner le PRDF au niveau du bassin d’emploi lorsqu’il y a un intérêt à le faire. Cela permettrait une analyse plus fine de l’offre et de la demande de formation par rapport à l’emploi. Notre amendement complète celui du président Méhaignerie que nous avons voté hier soir et qui demande une évaluation de la formation professionnelle par bassin d’emploi. Il répond également au souhait exprimé par M. Vercamer de décliner le PRDF par bassin d’emploi. Une évaluation au plus près du terrain ne pourra qu’améliorer l’efficacité de la formation professionnelle.

M. le président. Sur cet amendement, je suis saisi d’un sous-amendement n° 226.

La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Ce sous-amendement vise à faire de la déclinaison par bassin d’emploi une obligation et non une simple faculté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Cherpion, rapporteur. L’amendement n°25 va dans le bon sens. En revanche, je suis dubitatif sur le sous-amendement. Faut-il vraiment imposer cette obligation dans les 343 bassins d’emploi qui existent ? Certaines régions peuvent mener des politiques de formation sur plusieurs bassins d’emploi à la fois. Il faut dans ce domaine laisser la liberté aux conseils régionaux.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Même avis que le rapporteur : mieux vaut conserver la souplesse. Je suis donc favorable à l’amendement n° 25 et défavorable au sous-amendement n° 226.

(Le sous-amendement n° 226 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 25 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 111.

La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable.

Mme Marie-Hélène Amiable. Avec votre permission, monsieur le président, je présenterai en même temps les trois amendements nos 111, 112 et 113, qui concernent tous les personnes handicapées. Le premier prévoit que le plan de formation régional comportera un volet spécifique concernant les actions de formation professionnelle des personnes handicapées ; le deuxième que ce volet sera élaboré en concertation avec le fonds de développement de l’insertion professionnelle des personnes handicapées ; le troisième vise à associer le conseil départemental consultatif des personnes handicapées du département où se trouve le chef-lieu de la région à l’élaboration du plan de formation professionnelle. Ainsi, ces plans seraient mieux adaptés aux besoins de ces publics prioritaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Cherpion, rapporteur. La commission a repoussé ces trois amendements. En effet, il est déjà possible d’inclure dans le PRDF toutes dispositions particulières relatives aux personnes handicapées. En outre, désigner uniquement celles-ci est un peu stigmatisant si on ne décline pas également des dispositions concernant les personnes en reconversion, les jeunes et d’autres catégories. Laissons les conseils régionaux libres de leur choix.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Même avis.

(L’amendement n° 111 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 149.

La parole est à M. Alain Rousset.

M. Alain Rousset. Il est défendu.

(L’amendement n° 149, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 112 a été défendu.

(L’amendement n° 112, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 150.

La parole est à M. Alain Rousset.

M. Alain Rousset. Il est défendu.

(L’amendement n° 150, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 151.

La parole est à M. Alain Rousset.

M. Alain Rousset. L’adoption par le conseil régional suppose que le texte en question soit soumis au vote de son assemblée. Nous disions tout à l’heure qu’il appartient à la représentation nationale de fixer la règle de la gouvernance. Dans cet esprit, notre amendement n° 151 prévoit de parler d’« adoption » du plan de formation régional, plutôt que de « signature ». Celle-ci pourrait être le fait du seul président décidant avec son exécutif, sans adoption en assemblée. Mentionner l’adoption est plus démocratique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ce point technique ?

M. Gérard Cherpion, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement. On n’imagine pas, dans un système démocratique, que le président signe sans avoir consulté l’assemblée.

M. Alain Rousset. Mais pourquoi revenir en arrière par rapport au texte précédent ?

(L’amendement n° 151, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 113 a été défendu.

(L’amendement n° 113, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 209.

La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Le PRDF est soumis pour avis à différentes structures, mais pas au conseil régional de l’emploi, ce qui me paraît curieux. L’amendement n° 209 prévoit qu’il le soit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Cherpion, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, la consultation du comité de coordination régional de l’emploi et de la formation professionnelle étant prévue à l’alinéa 7 de l’article 20.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Cette situation est ubuesque, et la réponse du rapporteur n’en est pas une. Il existe deux instances de concertation au niveau régional et elles font doublon, tout le monde le sait. Or vous refusez de trancher, mais en ne prévoyant de concertation qu’avec l’une de ces deux instances – le comité de concertation, comme nous le souhaitions, tandis que M. Vercamer privilégie le conseil régional de l’emploi. Mais le problème reste entier : il fallait en supprimer une, on n’a pas vraiment tranché et les difficultés vont persister. Peut-être jugerez-vous cela anecdotique ou symbolique, mais le symbole est criant.

(L’amendement n° 209 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 153.

La parole est à Mme Monique Iborra.

Mme Monique Iborra. De l’avis même du rapporteur, le PRDF doit avoir un caractère prescriptif. Pourquoi alors ne pas accepter notre amendement n° 153 qui lui reconnaît précisément ce caractère ? Nous ne sommes pas les seuls à le demander. Tous ceux qui y travaillent en dehors des conseillers régionaux, et ils sont nombreux, le demandent également. Qu’est-ce qui s’y oppose, d’autant qu’il porte désormais la signature de l’État ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Cherpion, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. Contrairement à ce que laisse entendre son exposé des motifs, le caractère prescriptif du PRDF va de pair avec une véritable contractualisation telle que la prévoit l’alinéa 7. Il est dès lors inutile de prévoir des conventions d’application.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Même avis.

(L’amendement n° 153 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 210.

La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Il est défendu.

(L’amendement n° 210, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 154.

La parole est à M. Alain Rousset.

M. Alain Rousset. Notre amendement n° 154 traduit bien les préoccupations que nous exprimions hier, en précisant que l’évaluation du plan est assurée selon des modalités générales définies par le conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Cherpion, rapporteur. Défavorable, dans la mesure où cet amendement est déjà satisfait.

(L’amendement n° 154, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 155 rectifié.

La parole est à M. Alain Rousset.

M. Alain Rousset. L’amendement n° 155 rectifié traite du cas spécifique de la Corse, en proposant, conformément à ce que avons dit pendant tout le débat, en proposant que le conseil régional soit chargé d’élaborer le plan régional de développement de la formation professionnelle, et qu’il soit ensuite opérateur des différentes conventions d’application avec l’État et les partenaires sociaux.

(L’amendement n° 155 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 20, amendé, est adopté.)

Après l’article 20

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 156 portant article additionnel après l’article 20.

La parole est à M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. L’amendement n° 156 revient sur la question de savoir comment sécuriser, sur le plan juridique, un certain nombre d’acteurs de la formation professionnelle, en particulier dans les relations qu’ils peuvent avoir avec les collectivités locales, notamment les régions.

Cet article additionnel vise à transposer en droit français les procédures définies par le droit communautaire et à autoriser un système de mandatement avec octroi de droits spéciaux, qui peuvent être nécessaires pour la réalisation d’un service d’intérêt général.

Ces procédures sont conformes au droit communautaire –vous insistiez hier soir sur cet aspect, monsieur le secrétaire d’État –, dans la mesure où ces décisions sont nécessaires pour remplir une mission de service public telle que définie par la puissance publique et où le choix du mandataire, bénéficiaire de droits spéciaux, a été réalisé conformément aux principes généraux du droit de la concurrence.

On en revient toujours au même problème. Il y a certes l’état du droit existant, du droit communautaire, du droit de la concurrence, mais le législateur a toute latitude pour aménager, et sécuriser le cadre juridique des opérateurs. Il est impératif de le faire dans ce texte de loi. Le mandatement avec octroi de droits spéciaux est à cet égard un élément de sécurisation des opérateurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Cherpion, rapporteur. Cet amendement a été rejeté par la commission. Pourtant, le sujet est tout à fait intéressant, dans la mesure où la mise en œuvre des services sociaux d’intérêt général pose effectivement question – recours aux marchés publics ou mandatement direct par octroi de droits spéciaux, qu’il s’agisse d’un agrément ou d’une autorisation.

Reste que ce sujet dépasse clairement notre débat d’aujourd’hui. Il mérite un traitement plus approfondi et plus global, puisque sont en cause l’ensemble des services sociaux, et non seulement la formation professionnelle. Il ne me paraît donc pas opportun de légiférer de manière sectorielle, les problèmes étant communs à différents domaines.

M. Régis Juanico. Ce n’est pas ce que dit le Gouvernement !

M. Jean-Patrick Gille. Le Gouvernement dit l’inverse !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi. Nous avons déjà eu ce débat hier, à propos des règles de la concurrence. Je ne vais pas reprendre mes propos ; je crois avoir essayé d’expliquer clairement le point de vue du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Alain Rousset.

M. Alain Rousset. Comme le dit le rapporteur, le sujet est important. Une analyse juridique peut être faite par ailleurs. J’entends ce qu’a dit le secrétaire d’État hier, après l’avis du Conseil de la concurrence. Nous avons d’autres avis, qui témoignent de la non-application, pour l’instant, du droit européen, et admettent la possibilité d’utiliser les services économiques d’intérêt général.

Je pense notamment aux personnes les plus éloignées de l’emploi. Je vois mal le dispositif d’appel à projets ou le marché de la formation répondre à leurs problèmes. Il faut trouver un autre système et ces droits spéciaux, ou la possibilité de mandatement direct – comme le faisait d’ailleurs l’État avec l’AFPA, à un moment donné –, seraient certainement beaucoup plus efficaces.

Peut-être faut-il reporter la discussion. En tout cas, il faudra que cette question soit posée. Tous les opérateurs de formation professionnelle se la posent. Nous ne savons pas la régler pour un certain nombre de publics.

Je reviens à la préoccupation que je partage avec le secrétaire d’État : comment trouver la bonne formation, adaptée aux chômeurs ? Les personnes les plus éloignées de l’emploi forment un public cible qui pose des problèmes extraordinairement compliqués, jamais que le code des marchés ne pourra résoudre.

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Monsieur le secrétaire d’État, vous éludez la question, alors que le rapporteur a reconnu qu’il y avait là une vraie difficulté.

Il est nécessaire de transposer la directive services. Peut-être n’est-ce pas le lieu, mais dans ce cas-là, il faut que vous nous disiez quand vous allez le faire : ce problème doit impérativement être réglé avant la fin de l’année.

Le Gouvernement a décidé de ne pas faire de loi-cadre et contrairement à ce que vient de dire le rapporteur, de transposer la directive « services » secteur d’activité par secteur d’activité. Il faut donc, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous disiez quelle est votre réponse.

Dans celle que vous nous avez faite hier soir, vous confondiez deux choses. Il y a, certes, mise en concurrence, c’est-à-dire systématisation de la procédure d’appel d’offres. Tout le monde, d’une certaine manière, est prêt à le reconnaître ou à en discuter. Mais le problème qui demeure n’est pas tout à fait celui-là : il s’agit de savoir quelle possibilité il restera à la puissance publique, même si elle recourt à des appels d’offres, pour soutenir des organismes à caractère public, l’AFPA entre autres. On trouve toute une série de secteurs où, même avec des appels d’offres, des organismes de formation reçoivent une aide publique. Celle-ci peut parfois consister en la simple mise à disposition de locaux. J’ai déjà cité le cas des écoles dans le secteur sanitaire et sociale.

Concomitamment, comme l’a souligné Alain Rousset, la puissance publique décide de conduire une politique très active à destination de toute une série de publics : les demandeurs d’emploi, les détenus, etc. Par conséquent, elle aide, directement ou indirectement. Considérez-vous, monsieur le secrétaire d’État, que tout cela est fini, et qu’il faut accepter la mise en concurrence totale ? Si tel est le cas, le travail de transposition sera assez limité. Sinon, il faut la réaliser au plus vite pour dire quel est le choix de la France en ce qui concerne la possibilité d’exclure certains secteurs de l’application de la directive « services ». Et dans un second temps, il faudra déterminer le niveau de collectivité habilité à procéder à des mandatements. Cela rejoint notre débat de tout à l’heure. L’État l’assume-t-il ou préfère-t-il ne pas l’assumer, pour différentes raisons, et autoriser les régions, les départements, les collectivités locales à avoir recours au mandatement.

Nous vous posons donc deux questions, monsieur le secrétaire d’État : comment répondez-vous à cela, et à quel moment allez-vous traiter la question de la formation par rapport à la directive services ?

Le problème se posera également, à mon avis, en ce qui concerne l’orientation. Il y a un petit sujet en ce qui concerne les OPCA, puisque l’on est resté dans une organisation par branche. Là aussi, du point de vue de la Commission européenne, si le problème n’est pas traité, cela peut poser une difficulté, puisqu’il y a un caractère captif, dans l’organisation par branche.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi. Vos propos font écho au débat que nous avons eu hier soir.

Premièrement, en l’état actuel du droit communautaire, de notre point de vue – mais l’État n’impose pas à tout un chacun, et notamment pas aux responsables des collectivités locales, d’avoir la même analyse que lui –, il n’y a aucune marge de manœuvre : la formation professionnelle est considérée comme une activité économique, soumise à ce titre au droit de la concurrence.

Deuxièmement, de l’avis des plus grands experts que nous avons consultés, la notion de SSIG est totalement vide. Autrement dit, elle ne reçoit aucune application en droit communautaire permettant de l’utiliser pour se dérober au droit de la concurrence. La notion de services sociaux d’intérêt général ne permet pas de se soustraire à l’application du droit de la concurrence. Si jamais vous avez une autre vision de la jurisprudence de la CJCE, je suis preneur. Pour notre part, nous avons saisi le Conseil de la concurrence, demandé des expertises, consulté la direction des affaires juridiques, posé la question au Conseil d’État, bref, nous nous sommes adressés à tout ce qui fait l’expertise du droit public en France. Personne n’est parfait, me direz-vous, peut-être ont-ils manqué quelque chose ; reste que la doctrine sur ce sujet est tout de même assez unanime.

Troisièmement, la directive « services » ne porte pas sur la formation professionnelle et ne permet pas d’utiliser sa transposition pour soustraire la formation professionnelle au champ de l’activité économique.

Reste un problème qu’a soulevé le député Rousset, qui m’a écrit à ce sujet en tant que président de l’ARF : l’ambiguïté, en droit communautaire, de la notion de mandatement. On s’est parfois demandé ce que la Commission européenne avait exactement en tête. Le mandatement n’offre-t-il pas un biais permettant d’atténuer, notamment pour les personnes les plus éloignées de l’emploi, l’application du droit de la concurrence ? Cette notion apparaît dans une décision du 28 novembre 2005 relative à l’application des dispositions de l’article 86-2. Or il apparaît, après avoir interrogé la Commission, que la notion de mandatement est pour elle la simple transcription de ce que nous appellerions une délégation de service public. Ils considèrent que les règles du droit de la concurrence s’appliquent, que vous l’exerciez vous-même ou que vous l’exerciez sous forme de délégation de service public. Ce qui n’autorise pas à se soustraire aux règles du droit de la concurrence.

En outre, il faut savoir que le droit communautaire est supérieur, dans la hiérarchie des normes, au droit national. Même si le Parlement adoptait une loi, le Conseil d’État la balaierait d’un revers de main. Même une loi ne nous protègerait pas.

Autrement dit l’état actuel du droit, de notre point de vue, ne nous permet pas de faire autrement que de nous soumettre au droit de la concurrence. Nous le faisons donc sur nos propres marchés.

Certaines régions ont la même lecture que nous. C’est le cas de la région Bretagne, qui s’est engagée dans cette démarche. D’autres régions en ont une autre : la région Limousin, par exemple, a considéré qu’elle pouvait continuer à subventionner l’AFPA. Un contentieux est en cours. J’attends de voir quel en sera le résultat. Mais, comme je vous l’ai dit, je suis très inquiet de la prise de risque juridique. Si, comme je le pense très fortement, les tribunaux annulent les subventions, il pourrait être demandé rétroactivement à l’AFPA de reverser les sommes qu’elle a reçues. C’est une grosse prise de risque.

Reste l’ouverture qui a été faite par le député Rousset, et sur laquelle je suis totalement prêt à travailler. Le code des marchés publics nous laisse des marges. La Bretagne les a exploitées, avec un appel d’offres contenant des clauses qui valorisaient les services publics et l’accompagnement des personnes les plus éloignées de l’emploi. Je crois que c’est dans cette voie qu’il faut s’engager. Nous y sommes prêts. Je vous ai donné l’exemple de l’appel d’offres que nous avons lancé pour les détenus et autres publics très spécifiques. C’est l’AFPA qui l’a remporté, et notamment parce que nous avons veillé à ce que les clauses de l’appel d’offres valorisent la dimension de service public. Au vu de l’état du droit européen et de notre capacité – soyons lucides – à le modifier dans les cinq années à venir, cela me semble la meilleure voie. Je suis tout à fait prêt à travailler avec vous dans ce sens.

M. le président. La parole est à M. Alain Rousset.

M. Alain Rousset. J’ai suggéré une autre possibilité,sur laquelle nos juristes sont en train de travailler : la piste des publics.

Pour les publics très éloignés de l’emploi, il doit être possible de trouver des dispositifs. Il y a là, en effet, une distorsion complète : comment inscrire ces publics, totalement paumés, si j’ose dire, dans un dispositif de marché ? Je n’ai plus en mémoire les éléments de jurisprudence européenne, mais il doit y avoir là une piste à explorer.

Je vous approuve totalement, monsieur le secrétaire d’État, lorsque vous dites que si l’on inscrit dans les appels d’offres des conditions d’accompagnement et d’orientation, les offres « service public » et AFPA aurotn toutes chances de les remporter. N’y voyez aucune questions perverse, monsieur le secrétaire d’État, mais supposons que l’AFPA n’ait plus son dispositif d’orientation : que se passera-t-il si des appels d’offres correspondent à ce qu’est aujourd’hui l’AFPA mais qu’elle ne sera plus demain ?

(L’amendement n° 156 n’est pas adopté.)

Article 21

(L’article 21 est adopté.)

Après l’article 21

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 21.

La parole est à M. Jean-Patrick Gille, pour soutenir l’amendement n° 130.

M. Jean-Patrick Gille. Cet amendement a trait aux sportifs. La commission l’a écarté au motif qu’elle y voyait un cavalier, ce que je ne crois pas.

La loi du 15 décembre 2004 a supprimé la contribution à la formation professionnelle de 1 % prélevée sur les contrats à durée déterminée des sportifs professionnels. Dans le domaine sportif, il existe beaucoup de contrats à durée déterminée et les rémunérations sont souvent conséquentes.

Paradoxalement –sans doute faut-il y voir une sorte de cadeau pour soutenir l’activité sportive – les CDD ont été exonérés de ce prélèvement de 1 % qui sert notamment à financer le congé individuel de formation des sportifs. Certes, je ne suis pas sûr que les grands sportifs, qui perçoivent plusieurs millions par an, aient souvent recours à cette possibilité… Mais bon nombre de sportifs de niveau national, mais non sponsorisés par des grands clubs, perçoivent certes des rémunérations certes plus conséquentes que la moyenne, mais en contrepartie d’une carrière souvent limitée à quelques années. Cela suppose un gros travail de reconversion – beaucoup de régions se sont investies dans ce domaine. Reste que ces sportifs peuvent bénéficier du congé annuel de formation pour lequel leurs employeurs ne cotisent pas. C’est là un véritable scandale qu’il convient de corriger, à plus forte raison – on n’en a pas tellement fait état – lorsque l’enveloppe atteint les 900 millions d’euros pour seulement 40 000 personnes. Nous devrions en reparler, car il s’agit d’un outil utile et performant. Quoi qu’il en soit, il serait juste que l’on puisse prélever sur les contrats de travail des sportifs, dont la rémunération est souvent substantielle, la contribution de 1 % pour la formation professionnelle, car les sportifs utilisent beaucoup les possibilités de formation professionnelle.

Mme Chantal Brunel. Il a raison !

M. Jean-Patrick Gille. Je pense vous avoir démontré que cet amendement n’était pas un cavalier. C’est un vrai sujet et nous ferions œuvre utile en le traitant maintenant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Cherpion, rapporteur. La commission a rejeté l’amendement n° 130. Cette mesure figurait dans la loi du 15 décembre 2004 qui avait trait non pas à la formation professionnelle, mais au sport professionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Sur le fond, l’intention est bonne. La reconversion des sportifs est un vrai sujet. Le problème est qu’il n’y a eu aucune concertation avec le monde du sport.

Si vous en êtes d’accord , monsieur Gille, ce sera un plaisir de me faire votre ambassadeur auprès de Mme Bachelot et de Mme Rama Yade, secrétaire d’État chargée du sport, afin de voir comment on peut avancer sur cette question.

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Je n’ai pas eu de réponse à proprement parler. Je suis moi aussi attaché à la consultation et à la concertation, mais j’ai du mal à imaginer les arguments que vous pourrez mettre en avant pour convaincre le monde sportif de verser 1 % pour la formation professionnelle… Ils ne seront évidemment pas d’accord, et finalement, on aura beau jeu d’expliquer que nous allons créer un prélèvement supplémentaire ! Certes, mais tout le monde y est soumis : il s’agit là de mettre fin à une exonération. J’avais cru sentir dans notre hémicycle une volonté de mettre fin à ces multiples exonérations injustifiées, qui conduisent certains à ironiser sur l’utilité du travail des parlementaires. Nous prendrions nos responsabilités, en toute sérénité et en toute sagesse, en adoptant cet amendement.

(L’amendement n° 130 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 131.

La parole est à M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Cet amendement s’inscrit dans la série des évaluations – cela fera sans doute plaisir au président Méhaignerie qui souhaite voir les dispositifs évalués et suivis dans leur application sur le terrain.

Nous sommes passés de vingt et un à soixante et un bassins d’emplois. Nus proposons qu’un rapport établi par le Gouvernement soit transmis au Parlement avant le 31 décembre 2009 sur les conditions de la généralisation du contrat de transition professionnelle en faveur des salariés licenciés. Il serait intéressant de savoir si les statistiques selon lesquelles 60 % des salariés retrouvent rapidement un emploi dans le cadre d’un bassin d’emploi bénéficiant du contrat de transition professionnelle se vérifient sur la durée. Nous sommes convaincus qu’il s’agit d’une avancée, puisque nous avions voté pour ; mais nous voudrions que le Parlement soit en mesure de le vérifier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Cherpion, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Non seulement nous avons adopté après l’article 9 un amendement n° 192 du Gouvernement étendant le champ d’application du contrat de transition professionnelle, mais il existe un comité national de suivi du contrat de transition professionnelle, auquel Pierre Méhaignerie et moi-même participons. Il se réunit tous les trimestres pour suivre l’évolution du CTP.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Certes, deux de nos éminents collègues sont membres du comité national de suivi du contrat de transition professionnelle. Mais le Parlement ne pourrait-il pas, pour autant, en être saisi ?

(L’amendement n° 131 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 133.

La parole est à M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Je crains que cet amendement ne subisse le même sort que le précédent… Nous proposons qu’un rapport établi par le Gouvernement soit transmis au Parlement avant le 31 décembre 2009 sur les conditions de la prorogation de l’allocation de fin de formation.

Nous connaissons les difficultés auxquelles sont confrontés ceux qui perdent leur emploi et qui sont actuellement en formation. Nous aimerions pouvoir les mesurer et évaluer les politiques publiques mises en place. C’est le rôle désormais dévolu au Parlement ; des semaines y sont spécifiquement consacrées. Il serait paradoxal que lorsque l’on demande une évaluation des politiques publiques, on réponde que ce n’est pas le lieu et que d’autres s’en occupent à notre place.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Cherpion, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Avis défavorable.

M. le président. Je voudrais indiquer à M. Issindou que les nouvelles procédures d’évaluation et de contrôle lui permettent de saisir l’assemblée elle-même qui pourra évaluer l’application de telle ou telle disposition,…

M. Michel Issindou. Certes !

M. le président. ce qui nous évitera de crouler sous les rapports.

La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. À la différence de l’amendement précédent, celui-ci pose une question très précise sur l’allocation de fin de formation, objet d’un débat récurrent entre M. le secrétaire d’État et moi-même. L’AFF avait été supprimée dans la loi de finances pour 2008. Nous étions intervenus pour que l’application de cette mesure soit repoussée d’un an, compte tenu de la crise. Le ministère soutenait que le coût de l’allocation – 160 millions d’euros – devait être pris en charge par le régime assurantiel, autrement dit par les ASSEDIC : on pensait à l’époque qu’elles dégageraient un excédent de 4 milliards d’euros… Quoi qu’il en soit, l’idée du ministère n’était pas de la supprimer, mais de la faire prendre en charge soit par les ASSEDIC, soit par les régions, si l’UNEDIC n’avait pas voulu. Le débat était revenu sur la table au début de l’année ; j’avais posé une question orale au secrétaire d’État sur le sujet. Il avait relancé une négociation avec les partenaires sociaux. Une réponse à hauteur de 160 millions a été trouvée dans le cadre du FISO. La question était donc réglée pour cette année. Mais comment sera-t-elle traitée l’année prochaine ? Tout le monde reconnaît que l’on ne peut abandonner l’AFF : c’est le seul système permettant aux demandeurs d’emplois, en fin de droits ASSEDIC, de poursuivre la formation engagée.

Qui va porter ce financement prorogé d’un an ? Cet amendement est un moyen de demander, sans tomber sous le coup de l’article 40, que l’État reprenne à sa charge cette contribution, de l’ordre de 150 millions d’euros. Environ 35 000 personnes en formation sont concernées chaque année. Ce n’est pas négligeable et, compte tenu de la crise économique, ce chiffre n’est pas près de diminuer. Il ne s’agit pas, je le répète, de prendre en charge toute l’indemnisation de la formation, mais seulement l’indemnisation de la formation de ceux qui ont épuisé leurs droits aux ASSEDIC. Dans la logique de l’argumentation que le secrétaire d’État a développé à l’appui de ce projet de loi, il serait bon de nous indiquer la solution retenue pour l’année 2010 et les suivantes.

(L’amendement n° 133 n’est pas adopté.)

Article 22

(L’article 22 est adopté.)

Après l’article 22

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 114, portant article additionnel après l’article 22.

La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable.

Mme Marie-Hélène Amiable. L’amendement n° 114 vise à obtenir, tous les deux ans, un rapport établi par le Gouvernement à destination du Parlement sur les formations réellement effectuées par les salariés du privé. Je crains qu’il ne connaisse le même sort que les précédents.

La proportion de salariés du secteur privé effectuant réellement une formation dans les TPE et les PME est très faible. Les entreprises s’acquittent de leur contribution obligatoire à la formation professionnelle auprès d’organismes collecteurs. Elles reçoivent de ces derniers un ticket libératoire qui ne les oblige en rien vis-à-vis de leurs salariés, qu’elles n’encouragent pas à rejoindre ces formations.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Cherpion, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. En effet, il est trois fois satisfait : en partie par l’amendement n° 27 du président Pierre Méhaignerie ; par le « jaune » annexé au projet de loi de finances consacrée à la formation professionnelle ; par les propos enfin que M. le président de l’Assemblée nationale lui-même a tenus en réponse à M. Issindou.

(L’amendement n° 114, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Articles 23 et 24

(Les articles 23 et 24 sont adoptés.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avons terminé l’examen des articles.

La Conférence des Présidents qui vient de se réunir a décidé que les explications de vote des groupes et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi, auront lieu le mardi 21 juillet, après les questions au Gouvernement.

En revanche, conformément à l’article 49 de notre nouveau règlement, chaque député peut prendre la parole pour une explication de vote personnelle de cinq minutes, dès maintenant.

Avant les explications de vote personnelles, la parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’emploi.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je tenais à rendre hommage à tous ceux qui ont permis d’alimenter ce débat.

Je remercie d’abord très sincèrement votre rapporteur, M. Gérard Cherpion. Il fait partie de ces parlementaires avec lesquels c’est un vrai plaisir de travailler, non parce qu’il suit l’avis du Gouvernement, mais parce qu’il le tire vers le haut. Il a permis d’améliorer très substantiellement le texte. Le dialogue avec lui a toujours été exigeant, mais extrêmement constructif. J’ai apprécié sa connaissance du terrain, son calme et sa solidité. Cela a été un vrai plaisir d’examiner ce texte avec lui. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

J’associe à ces remerciements M. le député Jean-Paul Anciaux qui, avec la commission des affaires économiques, a accompli un travail important sur le droit à l’orientation.

Permettez-moi également de saluer le travail de l’ensemble des groupes. M. Vercamer a, au nom du Nouveau Centre, porté, seul – mais nous y sommes habitués –, les arguments de son groupe et a contribué à améliorer le texte – qui méritait de l’être – sur la portabilité du DIF et les contrats aidés.

Les parlementaires du groupe GDR ont été présents de façon constante, Mme Amiable et M. Lecoq notamment. J’ai beaucoup apprécié la sincérité de leurs interventions, et leurs ajouts : rappelons que nous avons pris en compte leurs propositions sur deux points non négligeables, les CDD et l’extension de la portabilité du DIF, ainsi que l’extension du dispositif de lutte contre les dérives sectaires. Ce point, je le sais, leur tenait particulièrement à cœur, ainsi qu’à M. Brard.

J’ai apprécié les interventions du groupe SRC, expertes et précises, particulièrement celles de M. Issindou que j’ai eu beaucoup de plaisir à retrouver dans ce débat, mais aussi celles de M. Gille, M. Juanico, Mme Iborra, M. Marsac et M. Rousset. Nous avons accepté certains de vos amendements qui ont contribué à améliorer le texte, qu’il s’agisse de l’AFPA ou de la situation des personnes en situation de handicap. Au total, nous aurons accepté une vingtaine d’amendements émanant du groupe SRC –chiffre à mes yeux substantiel.

M. Michel Issindou. Certes, mais vous n’avez pas accepté les amendements majeurs !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Je voudrais enfin saluer le travail des députés de l’UMP : Claude Goasguen (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) qui a contribué à améliorer le texte sur la transparence et la régulation des organismes de formation ; Chantal Brunel qui proposé des améliorations en faveur d’un meilleur contrôle des OPCA ; Valérie Rosso-Debord, présente durant toute la journée d’hier ; Françoise Guégot chargée d’une mission sur la déclinaison de l’orientation sur le terrain ; Jacques Kossowski qui a pu faire aboutir, et j’en suis très heureux, une réflexion qu’il portait depuis longtemps ; M. Binetruy dont les interventions sont toujours empreintes de sagesse et de l’humanisme qui le caractérisent.

Je ne peux enfin manquer de relever les interventions de M. Pierre Méhaignerie qui ont, à plusieurs reprises, permis de ramener de la sagesse et de l’équilibre, tant du côté du Gouvernement que dans l’hémicycle, ce qui fut précieux.

Je tiens à remercier le travail de la présidence, notamment le Président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, qui nous a fait l’honneur de présider deux séances et qui nous a permis d’avoir des débats de qualité aux moments importants, ainsi que les services de l’Assemblée dont le travail est, pour nous, fondamental.

Ce débat aura été l’honneur de cet hémicycle. Il est le fruit du travail de parlementaires qui se seront penchés sur un sujet donné depuis fort longtemps. Ils ont porté des amendements sur des aspects que le Gouvernement n’avait pas forcément identifiés. Grâce à ce travail sur la durée, nourri à la fois par une vision nationale et leur expérience de terrain, ces parlementaires font avancer et bouger les choses. Le mérite de ce projet de loi a été, sur tous les bancs de l’hémicycle, de mettre en valeur la dignité de la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Je ne vais pas me complaire dans l’autosatisfaction, mais seulement dire à notre rapporteur, Gérard Cherpion, dont j’ai pu mesurer depuis plusieurs mois l’importance du travail, un très grand merci. Mes remerciements vont également aux administrateurs qui ont travaillé successivement ces dernières semaines sur la loi Hôpital, patients, santé et territoires, la loi sur les dérogations au repos dominical et enfin ce projet sur la formation professionnelle, des textes qui auront exigé beaucoup de temps et fait l’objet de nombreuses auditions.

Tout comme vous, monsieur le secrétaire d’État, j’ai apprécié la qualité du débat. J’ai évidemment perçu la multitude des convergences, mais j’ai également noté une divergence forte sur le pilotage et la gouvernance. C’est là un point crucial. Nous disposons de deux mois, avant l’examen du texte par le Sénat, pour concrétiser et améliorer ce qui peut l’être.

J’ai pris la mesure de votre passion, monsieur Wauquiez, celle du secrétaire d’État comme celle de l’élu du Puy. Je ne doute pas que vous saurez, avec la même passion, concrétiser rapidement les orientations que nous avons fixées.

J’adresse également un grand merci à mes collègues de la majorité comme à ceux de l’opposition. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Explications de vote personnelles

M. le président. Nous en venons aux explications de vote personnelles.

Je suis saisi de six demandes d’explications de vote personnelles en application de l’article 49, alinéa 13, du règlement.

La parole est à M. Michel Issindou, pour le groupe SRC.

M. Michel Issindou. Mon intervention sera brève, puisque nous aurons, conformément à la décision de la Conférence des présidents, l’occasion de nous exprimer mardi prochain dans le cadre des explications de vote au nom des groupes.

Je m’associe bien évidemment à l’ensemble des remerciements que viennent d’être adressés. Gérard Cherpion, même s’il a tendance à dire non trop souvent – c’est le seul reproche qu’on peut lui faire –, le fait toujours avec un grand sourire et diplomatie, ce qui est pour le moins appréciable ! Nous ne doutons pas qu’il ait beaucoup travaillé à l’élaboration du rapport.

M. le secrétaire d’État quant à lui n’a pas toujours fait dans la dentelle, si je puis me permettre ce mauvais jeu de mots (Sourires.). Mais nous savons que c’est un ministre passionné et c’est toujours un plaisir de débattre avec lui, même si nous ne sommes toujours d’accord. Dès le début, monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez tendu des perches pour nous convaincre que votre texte était formidable. Je crains malheureusement que la position de mon groupe ne soit pas à la hauteur de vos espérances : Pour tout vous dire, vos perches étaient un peu grosses ; nous le trouvons assez moyen et nous avons, article après article, mis l’accent sur tous ses défauts. Son ampleur n’a rien d’extraordinaire : il n’a rien de la grande réforme que nous étions en droit d’attendre. Certes, il y a longtemps que nous avons passé l’âge de croire au grand soir, mais nous pouvions espérer un peu plus d’ambition pour ce texte. Certaines de ses lacunes sont trop criantes pour le trouver beau : le service public de la formation, pourtant préconisé par la mission Guégot, est absent, tout comme la formation initiale différée : il est impossible de traiter de la formation professionnelle tout au long de la vie sans régler le problème de la formation initiale, d’une part, et de la formation initiale différée, d’autre part.

Enfin, nous n’avons cessé de le répéter au cours du débat, nous sommes en total désaccord avec vous sur les choix de gouvernance. Ce qui compte, c’est le fond et non la gouvernance, dites-vous. Nous en sommes d’accord, mais nous estimons que pour réussir sur le fond, il faut d’abord réussir la gouvernance. S’agissant de la création du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnel –bonne décision au demeurant –, le fait que l’État pèse de tout son poids et y mette toute sa patte entier ne nous convient pas. Cela témoigne d’une défiance envers les partenaires sociaux qui n’est pas de bon augure. Vous vous inscrivez dans une logique centralisatrice et jacobine, même si vous n’avez pas d’emblée assumé cette position. Au fil du débat, cela s’est précisé et vous vous êtes finalement lâché ce matin, à dix heures trente, en déclarant que l’État avait tellement de vertus qu’il devait tout reprendre en main, d’une main de fer et de maître. C’est votre choix ce n’est pas le nôtre. Nous sommes beaucoup plus décentralisateurs que vous et nous pensons que les régions ont toute leur place et qu’elles ont prouvé par le passé leurs capacités dans ce domaine.

Le texte mérite quelques bons points et nous les reconnaissons, mais il faut surtout en savoir gré aux partenaire sociaux, puisqu’ils se résument pour l’essentiel aux apports de l’accord national interprofessionnel de janvier 2009, comme la portabilité du DIF, et d’autres mesures sur lesquelles je ne reviendrai pas.

Nous savons reconnaître les points positifs, mais les points négatifs sont trop nombreux pour augurer mardi prochain un vote positif de notre groupe sur ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Quelques mots pour conclure nos débats. Et puisque tout le monde a le mot « évaluation » à la bouche, je propose que nous évaluions le travail qui a été accompli.

Revenons un an en arrière et rappelez-vous, chers collègues, les résultats de la commission dite Ferracci sur la formation professionnelle. Cette commission tripartite avait fixé huit objectifs et esquissé un nouvel équilibre entre l’ensemble des partenaires concourant à la formation professionnelle. Occasion manquée aujourd’hui, faute d’avoir suivi les recommandations de cette commission. Seulement deux des huit objectifs ont donné lieu à des avancées : l’évolution du CIF et du DIF. Encore faudra-t-il se poser la question – qui fait débat – d’un rapprochement entre le CIF et le DIF ainsi que sur l’évolution du métier et des missions des OPCA.

Sur la clarification des compétences, nous n’avons pas avancé et nous allons nous séparer sur un constat de défiance réciproque entre l’État et les régions. Nous n’avons pas réussi, au niveau régional et au niveau des bassins d’emplois, à établir une coordination efficace.

Quant à la question du droit à la formation différée, elle a été complètement écartée. Je réitère notre volonté de déposer une proposition de loi, même si c’est difficile compte tenu des limites de l’article 40. À ce propos, monsieur le président, permettez-moi de faire remarquer que nombre de nos amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 alors qu’ils n’impliquaient pas de charges nouvelles dans la mesure où ils ne faisaient que réécrire le texte de la loi.

Notre attente était grande sur la sécurisation des parcours professionnels. Hormis une extension– mais, au fond, encore minime, loin de la généralisation – du CTP, que nous avons votée tous ensemble, il n’y a pas véritablement eu d’avancée.

S’agissant de la qualité de l’offre de formation – sujet certes difficile –, nous en avons parlé, mais là encore aucune avancée concrète n’est à noter.

Quant à l’accroissement des capacités d’anticipation, de transparence et d’évaluation du système, nous ne sommes pas à la hauteur des espérances et des attentes. C’est une des grandes difficultés du système français. Or le choix que vous avez fait, qui peut se comprendre en période de crise, de réorienter très fortement la formation professionnelle sur les questions de traitement du chômage ne facilite rien à l’affaire. Le problème, j’en suis convaincu, n’est pas tant l’accès à la formation que l’accès à des formations qui débouchent sur des emplois. Il faut davantage réfléchir – c’est la mission de la formation professionnelle – à former avant que le drame du chômage ne survienne.

En conclusion, je suis au regret de vous dire, monsieur le secrétaire d’État, que votre projet de loi ne fixe pas de cap à la formation professionnelle. Vous nous avez présenté une sorte de bricolage sur un ensemble de sujets…

M. Francis Vercamer. N’exagérez pas !

M. Jean-Patrick Gille. …qui ne remplit pas les objectifs de clarification et de simplification.

En fait, vous avez voulu toucher à tout ce qui constitue la formation professionnel, sans régler aucun des grands problèmes sur lesquels il faudra revenir. Le fil rouge de votre loi, c’est le retour de l’État, mais sans les moyens, ou plus exactement avec les moyens des autres. Contrairement à un mouvement historique et européen, vous proposez une forme de recentralisation, un retour en arrière par rapport à la décentralisation, ce qui n’est pas une bonne nouvelle ni un gage d’efficacité.

Enfin, je déplore que vous n’ayez pas voulu vous attaquer au droit à la deuxième chance. C’est une grande lacune de votre texte – et les partenaires sociaux ne cessent de le répéter. Sans un droit à la deuxième chance et à la formation initiale différée, il n’y aura pas de possibilité d’inscrire un continuum entre la formation initiale et la formation professionnelle, et de dépasser ce drame qu’est la dictature du diplôme qui est terriblement nocif pour nos jeunes. Pas une seule fois durant ces trente heures de débat, je n’ai pas entendu dans votre bouche l’expression « formation tout au long de la vie » alors que c’est le titre même du projet de loi dont nous avons débattu !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable.

Mme Marie-Hélène Amiable. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, j’associe à cette explication de vote Jean-Paul Lecoq, Jean-Pierre Brard et Roland Muzeau, qui ont travaillé en commission sur ce texte.

L’ambition de ce projet de loi était de « rénover le système de formation professionnelle dans un souci de justice et d’efficacité ». Au terme de nos débats, force est pour nous de constater que ces objectifs n’ont pas été atteints.

Nous nous retrouvions sur la nécessité d’une cohérence des dispositifs, de l’efficience de l’argent consacré à la formation professionnelle ainsi que du ciblage des personnes en ayant le plus besoin. Mais nous estimons que les dispositions votées relèvent davantage de l’affichage que d’une véritable rénovation de la formation professionnelle, comme mon collègue vient de le souligner.

Vous n’avez en fait rien modifié sur le fond. Il s’agit pour nous d’un texte d’inspiration libérale qui place la formation principalement dans le champ de la concurrence, suivant les orientations issues de la stratégie de Lisbonne. Vous avez d’ailleurs expliqué à plusieurs reprises, monsieur le secrétaire d’État, que le droit communautaire primait et qu’il était impossible pour la représentation nationale d’influer dans ce domaine. Cette stratégie, nous la contestons, mais votre gouvernement la soutient au plus haut niveau.

Nous aurions aimé que ce projet de loi aboutisse à un renforcement et une modernisation des services publics d’orientation et de la formation et à la création d’un grand service public. Ce n’est pas le cas. Et ce qui se passe aujourd’hui sur le terrain avec Pôle emploi nous fait redouter le pire pour l’avenir.

La création du fonds de sécurisation des parcours professionnels par regroupement des OPCA nous fait également craindre que vous n’ayez l’intention de ponctionner les fonds destinés à la formation professionnelle afin de faire face à l’urgence du chômage.

Vous avez refusé d’inscrire dans la loi le droit à la formation initiale différée pour les salariés sortis du système scolaire sans diplôme, question pour nous cruciale alors que le désinvestissement de l’État dans le domaine de l’éducation nationale est engagé. Vous avez également refusé d’adopter un droit plancher de dix heures de formation par an pour les salariés à temps partiel ; cela aurait pourtant constitué un geste positif à nos yeux. Vous avez encore refusé d’étendre aux entreprises de moins de cinquante salariés l’obligation de proposer un entretien professionnel aux salariés de plus de quarante-cinq ans pour les informer de leurs droits en matière d’orientation et de formation. Enfin, si vous avez prétendu qu’il était hors de question de démanteler l’AFPA, c’est bien la dissolution de ses missions que vous organisez concrètement avec le transfert de ses personnels à Pôle emploi avant le 1er avril 2010. Nous aurons l’occasion d’y revenir car je pense que les craintes que nous exprimons aujourd’hui trouveront malheureusement confirmation demain.

Compte tenu de ses désaccords, les députés du groupe GDR rejetteront ce texte.

M. le président. La parole est à Mme Monique Iborra.

Mme Monique Iborra. Ce projet de loi comportait deux grandes parties : la transcription de l’accord national interprofessionnel et la gouvernance, mise à l’ordre du jour dans ce texte – ce qui prouve bien qu’elle avait son importance.

S’agissant de la transcription de l’accord interprofessionnel, je rappelle que les partenaires sociaux se sont réunis dans l’urgence et sous la menace – nous pourrons vous présenter des textes à l’appui de nos affirmations. Votre transcription est tout à fait incomplète, ce qui explique que les organisations syndicales et les régions aient voté contre le texte présenté au Conseil national de la formation tout au long de la vie. Le Gouvernement ne peut donc se targuer aujourd’hui d’avoir l’aval des partenaires sociaux ; ce serait faux de l’affirmer.

Ce texte rate la marche de l’orientation, rate la marche de la coordination de la gouvernance, rate la marche de la formation initiale différée… Cela fait beaucoup pour une seule loi, d’autant qu’elle se voulait être un chef-d’œuvre en matière de réforme.

Enfin, il faut noter que ce projet de loi marque la volonté du Gouvernement de monter les élus locaux contre les citoyens – cela est assez clair mais ce n’est pas récent – et d’amorcer la réforme des collectivités locales. D’une manière un peu détournée, laissant penser que rien n’est vraiment changé – pourquoi dans ce cas une nouvelle loi, une nouvelle gouvernance ? –, votre texte s’emploie à préparer le débat sur la place des collectivités locales et la gestion des politiques publiques, un débat qui est loin d’être anodin. Cela nous paraît être en grande cohérence avec un gouvernement jacobin, empreint de suffisance, qui pense qu’il suffit d’invoquer l’État pour que les problèmes d’égalité soient réglés, alors que les politiques actuelles créent des inégalités comme jamais auparavant.

Pour toutes ces raisons, nous n’aurons aucun mal à expliquer pourquoi nous voterons contre ce texte.

M. le président. La parole est à M. Alain Rousset.

M. Alain Rousset. Monsieur le président, j’étais en train de relire un texte portant sur les comparaisons européennes entre les différentes politiques d’emploi et de formation. Le débat va trop vite et je n’ai pas eu le temps de le terminer. Mais ce qui apparaît clairement, c’est l’importance de place de l’État et la façon dont il se positionne.

Je retrouve dans le débat sur la formation professionnelle les points sur lesquels j’avais appelé l’attention de Mme Lagarde dans le domaine de l’innovation et du développement économique. J’aspire, autant en tant que législateur qu’en tant qu’opérateur de terrain, à ce que l’on sache ce que fait l’État et ce que font les collectivités locales ou les partenaires sociaux. C’était, je crois, le souhait du Président de la République : clarifier les compétences des uns et des autres et donc les responsabiliser.

Malheureusement pas, ce texte le défi essentiel que constitue la relation entre l’emploi et la formation, deux politiques qui ont vocation à marcher ensemble et ont besoin, non d’un opérateur unique, mais d’un pilote commun, contrôlé et évalué. Il existe une grande chaîne, qui va de la connaissance de l’entreprise, de ses besoins en compétences et en formation, présents et à venir, jusqu’à l’éducation et à la formation. Il faut qu’un pilote puisse tenir les deux bouts de cette chaîne. Or ce n’est pas le cas dans le dispositif que vous proposez.

La première caractéristique des pays d’Europe du Nord est une intervention de l’État assez limitée et concentrée sur les grands principes et sur les règles. Pour ce qui concerne notre pays, l’État doit établir avec les partenaires sociaux les normes, en particulier pour ce qui concerne la durée et l’indemnisation du chômage ; aux partenaires sociaux et aux régions de jouer le rôle du mécanicien de terrain, les mains dans le cambouis, pour rapprocher les besoins du chômeur, sa formation, son parcours et ceux de l’entreprise, et, en ce sens inverse, de faire coïncider ces mêmes besoins de l’entreprise avec le marché du travail et les problèmes de mobilité, d’hébergement et d’accompagnement que cela implique.

Or ce texte, même si le secrétaire d’État m’a rassuré sur certains points, ne règle pas ce problème de gouvernance, qui est l’enjeu essentiel des politiques publiques aujourd’hui.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, lundi 20 juillet à seize heures :

Discussion de sept conventions internationales en procédure d’examen simplifiée.

Discussion du projet de loi organique et du projet de loi relatifs à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures quarante.)