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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session extraordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 22 juillet 2009

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Alain Néri

1. Protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet

Rappels au règlement

M. Jean Mallot

M. le président

M. Olivier Dussopt

M. le président

Discussion des articles (suite)

Article 1er (suite)

Amendement no 769 à 777

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Brard

Article 1er (suite)

Amendement no 778 à 786

Rappel au règlement

M. Jean-Yves Le Bouillonnec

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux

Article 1er bis

M. Philippe Gosselin

M. Patrick Bloche

M. Jean-Yves Le Bouillonnec

M. Jean Mallot

M. Jean-Pierre Brard

Mme Martine Billard

M. Marcel Rogemont

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Brard

Article 1er bis (suite)

Amendements nos 133 à 141, 195 à 203, 856

Rappels au règlement

M. Jean-Pierre Brard

M. Olivier Dussopt

Article 1er bis (suite)

Amendements nos 857, 858, 859

M. Franck Riester, rapporteur

M. le président

Mme Michèle Tabarot,

M. le président

Rappels au règlement

M. Jean Mallot

M. Franck Riester, rapporteur

M. Philippe Gosselin

Article 1er bis (suite)

Amendements nos 860 rectifié, 823 rectifié, 855 rectifié, 178, 846 rectifié, 824 rectifié, 204 à 212

Rappel au règlement

M. Jean Mallot

M. le président

Article 1er ter

M. Philippe Gosselin

M. Patrick Bloche

M. Didier Mathus

M. Jean Mallot

Mme Marylise Lebranchu

M. Jean-Yves Le Bouillonnec

Mme Monique Boulestin

M. Jean-Louis Gagnaire

Amendements nos 848, 213 à 221, 643, 847, 849, 850, 222 à 230, 851 rectifié, 852, 231 à 239, 825, 853

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Alain Néri,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet

Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet (n° 1841).

Rappels au règlement

M. le président. Sur quels articles le rappel au règlement que vous souhaitez faire est-il fondé, monsieur Mallot ?

M. Jean Mallot. Il s’appuie, monsieur le président, sur les articles 58, alinéa 1, et 41 de notre règlement, ainsi que sur le considérant n° 20 de la décision du Conseil constitutionnel du 25 juin 2009 portant sur le nouveau règlement de notre assemblée.

La séance de ce matin a été intéressante puisque nous avons abordé le cœur du dispositif. Nous avons développé des argumentaires juridiques assez pointus qui ont nécessité que nous dépassions de quelques secondes les deux minutes qui nous sont désormais imparties pour défendre un amendement. À l’inverse, nous avons été amenés à en présenter certains en moins de deux minutes. Je rappelle à cet égard que le Conseil constitutionnel a précisé qu’« il appartiendra, dans tous ces cas au président de séance d’appliquer cette limitation du temps de parole en veillant au respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire ».

Par ailleurs, nous avons regretté ce matin que notre assemblée ne respectât point l’article 41 du règlement, lequel prévoit que, quand l’Assemblée tient séance, les commissions permanentes ne peuvent pas siéger.

M. Pierre Cardo. Cela ne vaut pas en session extraordinaire !

M. Jean Mallot. Si, monsieur Cardo ! Lisez le règlement, il est très clair !

Le président de séance de ce matin nous a opposé que la conférence des présidents avait décidé de maintenir l’ordre du jour. Mais elle ne peut pas, sauf à changer de régime, décider seule de modifier le règlement.

De ce fait, certains députés qui ont fait honneur au débat parlementaire en défendant dans l’hémicycle les amendements qu’ils avaient déposés, n’ont pas pu participer aux travaux de leur commission. C’est mon cas, et je ne suis pas le seul. Ce matin, la commission dont je suis membre procédait aux auditions de Mme Bachelot, M. Woerth et M. Darcos sur la mise en oeuvre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. À la fin de la séance publique, je me suis précipité en commission pour entendre les ultimes phrases de Mme Bachelot et de Mme Morano. J’en serai donc réduit à lire le compte rendu de ces auditions. Avouez que ce n’est pas très sérieux. Voilà pourquoi je demande solennellement que la présidence tienne parole, afin qu’une telle situation ne se renouvelle pas.

M. le président. Monsieur le député, il appartient à la présidence de présider avec rigueur, car c’est de la rigueur que naît la clarté de nos débats. Comme le disait Boileau : « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément » – j’ajouterai rapidement.

M. Pierre Cardo. Très bien !

M. le président. Vous aurez du reste constaté que je vous ai laissé un peu plus de temps que prévu pour présenter votre rappel au règlement.

Ce matin, je vous ai répondu qu’une telle situation était exceptionnelle car nous étions en session extraordinaire. Je ne lis pas dans l’avenir, mais je peux penser que les engagements pris seront tenus.

M. Marcel Rogemont. Ce serait bien la première fois !

M. le président. Dès lors, nous devons faire un effort de concision et de clarté, ce qui est nécessaire pour valoriser le travail du Parlement.

La parole est à M. Olivier Dussopt.

M. Olivier Dussopt. Monsieur le président, mon rappel au règlement est fondé sur l’article 58, alinéa 1.

Nos débats ont trait à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet. De ce fait, nous citons abondamment le code de procédure pénale et nous abordons les questions de séparation des pouvoirs, d’instruction, de procédure contradictoire. Aussi nous paraît-il regrettable d’ouvrir la séance en l’absence d’un représentant du ministère de la justice, ce qui témoigne de la dégradation de l’examen de ce texte. Jusqu’à présent, Mme Alliot-Marie ou M. Bockel étaient présents. Sans remettre en cause les compétences du ministre de la culture et de la communication,...

M. Jean Mallot. Elles sont grandes !

M. Olivier Dussopt. ...nous estimons que la présence du ministère de la justice au banc du Gouvernement est indispensable pour pouvoir continuer l’examen de ce texte, au moins pour apporter les précisions que nous demandons avec insistance et souvent sans obtenir de réponse, sur les différents éléments relevant du code de procédure pénale ou les conditions dans lesquelles le droit est rendu dans notre pays.

M. le président. Comme vous l’avez vous-même noté, monsieur Dussopt, le Gouvernement est représenté par M. le ministre de la culture et de la communication...

M. Jean Mallot. Nous l’avions reconnu ! (Sourires.)

M. le président. J’ajoute que nous ne sommes pas chargés de décider qui représente le Gouvernement dans cet hémicycle.

M. Marcel Rogemont. Mais c’est le Gouvernement qui décide de la façon dont l’Assemblée siège !

M. le président. Dès lors que le ministre, le rapporteur, les députés de l’opposition et de la majorité sont présents, nous pouvons passer à l’examen des amendements.

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles du projet de loi, s’arrêtant aux amendements identiques nos 769 à 777 à l’article 1er.

Article 1er (suite)

M. le président. Je suis saisi de neuf amendements identiques, nos 769 à 777.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l’amendement n° 769.

M. Patrick Bloche. Monsieur le président, j’espère que M. le ministre de la culture répondra aux questions relatives au code de procédure pénale de façon plus exhaustive que ce matin.

Le texte issu du Sénat prévoyait que les procès-verbaux des agents de la commission des droits « font foi jusqu’à preuve contraire ». Cette formule a suffisamment choqué sur tous les bancs de cette assemblée pour qu’elle ait disparu en commission, ce dont nous nous réjouissons. Toutefois, notre satisfaction n’est pas totale. C’est pourquoi nous avons voulu aller plus loin, non pour le plaisir de gagner du temps, mais parce que nous légiférons dans le cadre prévu par la décision historique du Conseil constitutionnel du 10 juin dernier. En l’occurrence, il ne faut pas qu’il y ait de confusion : le principe de séparation des pouvoirs est essentiel. C’est la raison pour laquelle nous proposons de compléter l’article 1er par l’alinéa suivant : « Leurs procès-verbaux ne valent qu’à titre de simples renseignements. » Ce sont des éléments qui sont communiqués au juge. Ils ne peuvent s’apparenter en aucune façon à des aveux, ceux-ci ayant pu être extorqués aux internautes.

M. le président. L’amendement n° 771 est-il défendu ?

M. Marcel Rogemont. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Erhel, pour soutenir l’amendement n° 773.

Mme Corinne Erhel. Les internautes s’engageant, avec votre système, dans une procédure assez longue, il est nécessaire de leur garantir une procédure contradictoire et le respect des droits de la défense.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l’amendement n° 774.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il s’agit de tenter de rétablir la pertinence juridique des dispositions que vous voulez mettre en œuvre, en se conformant à la décision du Conseil constitutionnel.

L’HADOPI est une autorité administrative, elle ne détient aucun pouvoir de sanction d’ordre judiciaire. La loi doit fixer des règles de fonctionnement qui permettront aux agents de remplir leurs missions conformément à la prescription constitutionnelle. C’est pourquoi nous vous proposons des amendements, afin de redonner un sens à votre texte, sinon les situations portées à la connaissance des agents qu’ils transmettront au parquet pour engager des poursuites risquent de ne pas être ordonnées. Je rappelle que le débouché vers l’ordonnance pénale, vers le juge unique ou vers la contravention devrait se faire dans les formes répondant à ces trois techniques de jugement. Il est impératif que l’autorité administrative travaille dans un sens défini par la loi et non pas improvisé ou défini par ceux qui la constituent.

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt, pour soutenir l’amendement n° 775.

M. Olivier Dussopt. Monsieur le président, permettez-moi tout d’abord de saluer l’arrivée de Mme la ministre la justice que j’appelais de mes vœux dans un rappel au règlement. Mes souhaits sont donc exaucés.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. J’y suis sensible !

M. Olivier Dussopt. Madame la garde des sceaux, je ne souhaite qu’une chose : que vous puissiez en exaucer d’autres en acceptant nos amendements et finalement en retirant votre texte.

Ce matin, nous avons défendu un amendement qui a reçu un avis défavorable du Gouvernement et du rapporteur. Il précisait que le procès-verbal devait être lu et signé par les personnes convoquées devant la Haute autorité, et que celles-ci pouvaient refuser de le signer si elles considéraient qu’il ne correspondait pas à la réalité des infractions qui pouvaient leur être reprochées. Le rejet de cette rédaction rend encore plus nécessaire l’adoption de l’amendement n° 775. En effet, si les procès-verbaux de la Haute autorité ne sont pas contresignés par les personnes directement intéressées par leur contenu, il est important que la loi précise que ces procès-verbaux ne valent qu’à titre de simples renseignements et qu’ils ne peuvent en aucun cas faire foi ou constituer une pièce à charge.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, pour soutenir l’amendement n° 776.

M. Jean Mallot. Il ne faut pas, en effet, le confondre avec les autres. (Sourires.) Il y a quelque temps, j’ai reçu un courriel qui m’a intrigué ; il émanait de «Régulation automatique », était parvenu à mon adresse électronique de député : jmallot@assemblee-nationale.fr, et avait pour objet « Mise en demeure avant suspension abonnement internet ».

Je vous lis ce courriel : « Monsieur, notre système de régulation automatique a constaté des téléchargements illicites extraits notamment des connexions fournies par votre fournisseur d'accès internet. Nous vous informons en regard de vos droits de l'extrait de l'article suivant : "La suspension de l'accès au service pour une durée d'un mois à un an assortie de l'impossibilité, pour l'abonné, de souscrire pendant la même période un autre contrat portant sur l'accès à un service de communication au public en ligne auprès de tout opérateur". Aucune exploitation de ces éléments ne peut donc avoir lieu sans l'autorisation préalable et expresse des titulaires de droits exclusifs sur tout ou partie des éléments que vous avez téléchargés. Nous vous mettons, par conséquent, en demeure de cesser tout téléchargement de fichiers illicites sur votre connexion, dès réception de la présente. »

J’ai été rassuré quand j’ai lu qu’il était écrit que ce courriel était un faux envoyé depuis le site :  claude.gueant@intérieur.gouv.fr . (Rires.) C’était tout de même une belle simulation !

Depuis, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision et vous avez compris que tous les arguments que nous avions avancés lors de la discussion de la loi HADOPI 1 étaient fondés puisque le Conseil les a validés et que vous avez dû présenter ce nouveau projet de loi qui instaure une procédure judiciairement correcte selon vous, bien que ce ne soit pas notre avis.

Avec l’amendement n° 775, nous souhaitons vous aider à aller plus loin dans ce sens, en complétant l’article 1er par l’alinéa suivant : « Leurs procès-verbaux ne valent qu’à titre de simples renseignements. »

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont, pour soutenir l’amendement n° 777.

M. Marcel Rogemont. Avec tout le respect que nous devons, en tant que parlementaires, à Mme la garde des sceaux et à M. le ministre de la culture et de la communication, je voudrais rappeler, n’en déplaise à notre collègue inventeur de l’alinéa 7 de l’article 58 du règlement, combien les débats parlementaires sont utiles : le dernier alinéa de l’article 1er, tel qu’il ressortait du débat sénatorial, était d’une approche très difficile pour nous, ce qui explique le grand nombre d’amendements que nous avons pu déposer afin de réaffirmer le principe de la présomption d’innocence des personnes susceptibles d’avoir des rapports trop étroits avec l’HADOPI.

Le Sénat avait souhaité que les procès-verbaux fissent foi jusqu’à preuve du contraire, alors même que tous ne seront pas signés par les personnes concernées ! Nous voulons, par l’amendement n° 777, réaffirmer que ces procès-verbaux n’ont qu’une valeur de simples renseignements.

M. le président. La parole est à M. Franck Riester, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. Franck Riester, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Avis défavorable à cet amendement.

Permettez-moi de remercier M. Dussopt pour ses remarques, avant de répondre à M. Bloche que nous avons adopté en commission un amendement tendant à supprimer l’alinéa selon lequel les procès-verbaux font foi jusqu’à preuve du contraire, parce que telle est la règle en droit commun. Nous voulons nous référer au droit commun de la procédure pénale. Votre amendement, pour cette raison, n’est pas acceptable en l’état.

M. le président. La parole est à M. Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. L’article 431 du code de procédure pénale dispose que ces procès-verbaux, comme tous ceux dressés par des agents chargés de certaines missions de police judiciaire, vaudront jusqu’à preuve contraire. Cela ne signifie pas qu’ils lient le juge et il n’est pas porté atteinte à la présomption d’innocence. Simplement, le juge prend en compte les constatations matérielles qui ont été faites sans les écarter à la suite d’une simple dénégation. Ce sont des éléments de preuve parmi d’autres, qui peuvent être contestés par d’autres preuves.

Bien entendu, le principe de l’intime conviction du juge demeure, de même que le pouvoir de qualification dont nous avons déjà parlé.

Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Selon vous, monsieur le rapporteur, l’amendement ne serait pas « acceptable en l’état ». Si vous aviez la volonté d’aboutir, vous l’auriez sous-amendé. Las, vous n’en avez pas l’intention.

Quant à vous, madame la ministre, vous prétendez que les procès-verbaux feront foi jusqu’à preuve contraire. Nous sommes toujours dans la même logique : vous faites prévaloir la présomption de culpabilité. Vous pourriez le nier mille fois, il suffit à la vérité de ne jaillir qu’une fois pour s’imposer à ce qui n’est pas vrai.

À y bien réfléchir, le téléchargement n’est qu’un péché véniel, mais vous sortez tout de même le marteau-pilon. Prenons cette fois, pour ne pas déplaire à Mme Billard, l’exemple du grand-père plutôt que celui de la grand-mère : lui non plus n’a rien fait de mal mais vous allez l’enfermer dans une procédure dont il n’arrivera pas à se sortir. C’est d’une injustice flagrante ! Vos motivations doivent être bien puissantes pour nécessiter un tel arsenal face à des fautes si bénignes.

Monsieur le ministre, madame la garde des sceaux, nous savons bien que vos déterminations ne sont pas en cause. Dans cette affaire, vous n’avez aucune marge de manœuvre car, ainsi que l’a répété Sa Majesté Impériale, « j’irai jusqu’au bout », avec l’entêtement et la culture qui caractérisent le personnage.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Notre rapporteur et Mme la garde des sceaux viennent d’affirmer que les procès-verbaux font foi jusqu’à ce qu’ils soient contestés devant la juridiction. C’est une erreur ; ce n’est pas vrai s’agissant de la loi HADOPI. Il n’y a qu’en matière de contravention que les procès-verbaux font foi jusqu’à preuve du contraire.

C’est l’article 537 du code de procédure pénale qui fixe les modalités. Permettez-moi, madame la garde des sceaux, de vous le lire : « Les contraventions sont prouvées soit par procès-verbaux ou rapports, soit par témoins à défaut de rapports et procès-verbaux, ou à leur appui. Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les procès-verbaux ou rapports établis par les officiers et agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints, ou les fonctionnaires ou agents chargés de certaines fonctions de police judiciaire auxquels la loi a attribué le pouvoir de constater les contraventions, font foi jusqu’à preuve contraire. La preuve contraire ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins. »

J’insiste sur les mots « le pouvoir de constater les contraventions ».C’est le problème que nous soulevons depuis hier : vous avez donné aux agents de l’HADOPI, non pas le pouvoir de constater les contraventions, coincée que vous étiez par la décision du Conseil constitutionnel qui a rappelé le caractère d’autorité administrative de l’HADOPI, mais celui de constater les faits « susceptibles de ». Nous ne sommes pas dans le cadre de l’article 537 du procédure pénale. Avec tout le respect que je vous dois, je conteste que les procès-verbaux établis par les agents de l’HADOPI puissent faire foi jusqu’à preuve contraire.Depuis hier, vous persévérez dans cette erreur.

(Les amendements identiques nos 769 à 777 ne sont pas adoptés.)

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. Sur quel article vous fondez-vous ?

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes facétieux, monsieur le président, puisque vous savez bien qu’il s’agit de l’alinéa 1 de l’article 58 et du paragraphe 3 de l’article 47.

Nous sommes regardés, observés par nos concitoyens. Nous travaillons sous leur contrôle républicain. Or que disent-ils ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Ah ! les belles histoires de Jean-Pierre !

M. Jean-Pierre Brard. Vous ne voulez pas écouter la vox populi, Monsieur Gosselin ! Vous n’écoutez que la voix de l’Élysée, vous !

J’ai donc reçu un mail de M. Jean-Pierre Dubois : « Nous finissons par croire que pour être nommé ministre ou rapporteur, il faut savoir répéter à l’infini “avis défavorable”. Le tube de l’année à l’Élysée ! Conclusion de l’absence de débat sur l’amendement : refus, sous le prétexte fallacieux de la liberté pédagogique. Quand on sait que la plupart des instituteurs et des professeurs sont très ignorants face à l’outil informatique…(Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Où est le rappel au règlement ?

M. le président. Nous avons compris, monsieur Brard. Si nous avons besoin de plus d’explications, nous irons nous-mêmes sur internet.

Article 1er (suite)

M. le président. Je suis saisi de neuf amendements identiques, n°s 778 à 786.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l’amendement n° 778.

M. Patrick Bloche. Nous sommes au cœur d’une controverse juridique qui mérite d’être menée à son terme. M. Le Bouillonnec, avec les qualités qu’on lui connaît, a levé un lièvre. Nous devons clarifier la question.

L’article 1er entre-t-il ou non dans le champ de l’article 537 du code de la procédure pénale ? Si l’article 537 s’applique, il n’y a pas de problème et le procès-verbal, comme l’a indiqué Mme la garde des sceaux, fait foi jusqu’à preuve contraire. Si, en revanche, nous ne sommes pas dans le cadre de cet article, la valeur qu’il convient d’attribuer au procès-verbal revêt toute son importance pour la suite. De façon peut-être naïve – mais nous nous reprenons en séance, et je vous remercie d’ailleurs de votre honnêteté, madame la garde des sceaux – nous avions allégrement supprimé en commission la mention « le procès-verbal fait foi jusqu’à preuve contraire », considérant que nous n’étions pas dans le champ de l’article 537 et que ni la notion de preuve, ni par conséquent celle de preuve contraire que peut mettre en avant l’internaute pour sa défense, ne pouvaient être en rien des éléments constitutifs du procès-verbal, lequel faisait simplement partie du dossier ensuite transmis au juge.

Dans ce contexte, nos amendements sont parfaitement cohérents, qu’il s’agisse du précédent tendant à ce que les procès-verbaux ne valent qu’à titre de renseignements ou de celui-ci qui vise à ce que l’internaute obtienne copie du procès-verbal.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Franck Riester. rapporteur. Sur cette série d’amendements, Mme la garde des sceaux aurait, je crois, une proposition à faire dans le sens que souhaite M. Bloche.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Compte tenu de la nature même du délit que constitue la contrefaçon, il est évident que l’article 431 s’applique.

Par ailleurs, il n’est pas possible que l’ensemble des procès-verbaux dressés par les agents de l’HADOPI soient remis à la personne concernée, ne serait-ce que parce que cette personne n’est pas toujours identifiée.

En revanche, monsieur Bloche, si vous rectifiez l’amendement pour viser le seul procès-verbal d’audition et non plus l’ensemble des procès-verbaux, je suis prête à l’accepter.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Nous avançons de manière constructive et le débat en sera clarifié. J’accepte de rectifier l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Voilà une avancée et voilà à quoi l’on peut reconnaître une femme politique : elle sait prendre acte du rapport des forces politiques…

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Vous allez me gêner… Et pour ce qui est du rapport des forces, regardez donc à droite de l’hémicycle !

M. Jean-Pierre Brard. Le rapport des forces n’est pas dans l’hémicycle puisque certains députés y sont aussi autistes que muets. Le rapport des forces est dans le pays. Vous entendez enfin les internautes dont nous sommes ici les porte-voix. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir enfin entendu ce que nous avons dit, comme dans le cas de la grand-mère et du grand-père,…

M. René Couanau. Ils sont partis en vacances ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. …avec tous les risques d’injustice et de viol du droit qu’il comportait.

Nous avançons donc. Toutefois, une seule hirondelle ne fait pas le printemps : y en aura-t-il une seconde avant la nuit ?

M. le président. Monsieur Bloche, êtes-vous prêt à nous lire l’amendement n° 778 rectifié ?

M. Patrick Bloche. Si nous avons bien compris la proposition de Mme la garde des sceaux, la rédaction des amendements identiques nos 778 à 786 est ainsi rectifiée : « Une copie du procès-verbal d’audition est remise à la personne concernée. ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques ainsi rectifiés ?

M. Franck Riester, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je suppose que le Gouvernement est favorable à une rectification qu’il a lui-même proposée…

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Bien sûr, monsieur le président.

(Les amendements identiques nos 778 rectifié à 786 rectifié sont adoptés.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

(L'article 1er, amendé, est adopté.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour un rappel au règlement, fondé sans doute sur l’article 58, alinéa 1.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Merci de me devancer, monsieur le président.

Je tiens simplement à signaler que je ne partage pas l’analyse de Mme la garde des sceaux sur l’application de l’article 431-1 du code de procédure pénale. Vous le comprendrez aisément, madame la ministre, même si je ne vous demande pas d’être convaincue par mes propres explications. Mais il est important de le préciser, pour la clarté de l’utilisation qui pourra être faite de nos débats en vue d’apprécier, dans le cadre de la CMP ou ultérieurement, ce qui vient de se passer.

L’article 431 du code de procédure pénale prévoit que « dans les cas où les officiers de police judiciaire, les agents de police judiciaire ou les fonctionnaires et agents chargés de certaines fonctions de police judiciaire ont reçu d’une disposition spéciale de la loi le pouvoir de constater des délits par des procès-verbaux ou des rapports, la preuve contraire ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins », l’article 537 étant le pendant de cet article en matière de contravention.

Je note de nouveau que le projet de loi ne confère pas aux agents de la Haute autorité la charge de constater des délits par des procès-verbaux ou des rapports. Même l’article 1er adopté à l’instant ne le prévoit pas, alors même qu’il prescrit que les agents « peuvent constater les infractions ».

En effet, l’alinéa 2 de l’article 431 prévoit qu’« il en est autrement lorsque le procès-verbal, tel celui d’un agent de police, ne fait pas foi jusqu’à preuve contraire : le juge de police peut alors renvoyer le prévenu ». Cela signifie que des procès-verbaux établis par des agents de police ne font pas foi puisque ce ne sont pas des agents de police judiciaire. De ce fait, mes chers collègues, le vote de l’article 1er n’a pas permis de purger le différend, qui existe depuis le début de notre débat entre la majorité et l’opposition et sur lequel ni la garde des sceaux ni le rapporteur ne nous ont éclairés, relatif au fait que, selon nous, les agents de l’autorité administrative, n’ayant pas la qualité d’agents de police judiciaire, ne pourront pas faire le constat de l’infraction, mais pourront seulement constater la matérialité du fait susceptible de constituer une infraction à la lumière de son examen par l’autorité judiciaire.

Il était important de le noter, monsieur le président,…

M. le président. Nous vous avons écouté, monsieur Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …afin que ma remarque figurât dans le compte rendu de la séance.

M. le président. Si je vous ai laissé parler, monsieur Le Bouillonnec, alors que vos propos n’entraient pas vraiment dans le cadre d’un rappel au règlement, c’est qu’ils éclairaient les débats et nous permettaient donc de les poursuivre dans un bon climat.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Je tiens simplement à rappeler à M.  Le Bouillonnec un adage juridique qu’il n’a sûrement pas oublié et qui s’applique en la matière : « qui peut le plus peut le moins ». (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Article 1er bis

M. le président. Sur l’article 1er bis, plusieurs orateurs sont inscrits. Je rappelle que la durée des interventions est limitée à deux minutes.

La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Je me réjouis du climat plus serein qui semble régner dans cette enceinte,…

M. Pierre Cardo. Cela ne va pas durer.

M. Philippe Gosselin. …et qui tranche avec les anathèmes lancés ce matin.

Ramenons le débat à l’essentiel. Je regrette en effet de nouveau que l’opposition utilise un nombre aussi important de salves – quatre-vingt-trois – au travers de ces amendements répétés, pour ne pas dire répétitifs, alors que nous pourrions nous concentrer, dans chaque série d’amendements, sur l’essentiel et avoir de ce fait des échanges plus nourris sur le fond.

Monsieur Brard, vous prenez souvent les internautes à témoin. Or nous sommes regardés et recevons des courriels tout comme vous – il s’agit peut-être parfois des mêmes. Il ne suffit pas de répéter des contrevérités pour qu’elles deviennent des révélations, encore moins la révélation.

Monsieur Le Bouillonnec, l’article 1er, que nous venons d’adopter, s’inscrit dans une procédure qui respecte, sans doute aucun, les droits de la défense et l’intégralité des principes de la République, aussi bien l’article 9 que l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

M. Marcel Rogemont. Grâce à la censure du Conseil constitutionnel, car vous ne vouliez pas de la procédure judiciaire dans HADOPI 1 !

M. Philippe Gosselin. Vous cherchez à masquer ou à emberlificoter la réalité : cela révèle une malhonnêteté intellectuelle qui ne surprendra personne ici. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

L’article 1er bis, qui a été ajouté par le Sénat, est un article de cohérence,…

M. Patrick Bloche. D’incohérence !

M. Philippe Gosselin. …puisqu’il précise que le régime déontologique des agents sera fixé par le règlement intérieur. Il tient compte du transfert des pouvoirs de sanction de l’HADOPI vers l’autorité judiciaire. Il en constitue même la suite logique.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. L’article 1er bis est un bien curieux article ! Ne figurant pas dans le projet initial transmis par le Gouvernement, il a été ajouté lors de l’examen du texte au Sénat et nous espérons sa suppression.

En effet, deux points de cet article suscitent notre inquiétude. Il supprime tout d’abord une garantie essentielle encadrant le recrutement des agents assermentés de l’HADOPI, garantie que nous avions nous-mêmes validée lors de l’adoption d’HADOPI 1 et selon laquelle « les agents doivent en outre remplir les conditions de moralité et observer les règles déontologiques définies par décret en Conseil d’État ». Eh bien, cette garantie saute !

Monsieur le rapporteur, je me permettrai de citer ce que vous avez écrit dans le rapport n° 1486, lors de la première lecture à l’Assemblée du texte favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet : « Enfin cette nouvelle version de l'article L. 331-21 du code de la propriété intellectuelle se termine par un alinéa indiquant que les agents de la Haute autorité devront remplir des conditions de moralité et observer des règles déontologiques définies par décret en Conseil d’État. Une fois encore transparaît à travers cette disposition un souci manifeste d’adjoindre à l’HADOPI et plus particulièrement à sa commission de protection des droits des personnes les personnels les plus responsables et les plus professionnels possible. »

La responsabilité et le professionnalisme des agents ne doivent plus avoir aucune importance pour HADOPI 2, puisque vous les renvoyez au règlement intérieur de la Haute autorité ! Avouez qu’il est surprenant de renvoyer à un règlement intérieur des garanties aussi essentielles.

La seconde inquiétude tient au fait que la loi HADOPI 1 est en quelque sorte débridée, puisque la phrase : « Les mesures prises par la commission de protection des droits sont limitées à ce qui est nécessaire pour mettre un terme au manquement à l’obligation définie à l’article L. 336-3 », est purement et simplement supprimée. Alors que HADOPI 1 avait limité les pouvoirs et l’action de la commission de protection des droits, vous faites également sauter ce verrou. Il n’y aura plus désormais aucune limite à l’action de cette commission. Il fallait que cela soit noté.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Qu’on pense, comme nous, que les agents de la Haute autorité n’ont aucune prérogative de police judiciaire, ou a fortiori le contraire, à savoir qu’ils ont bien de telles prérogatives, il était légitime que la loi prévoie les conditions dans lesquelles ces agents doivent être recrutés. En conséquence, le renvoi à un décret en Conseil d’État, comme le prescrivait le projet de loi initial, paraissait à chacun, quelle que soit, je le répète, la réponse apportée au débat que je viens d’évoquer, représenter la précaution élémentaire que nous devions prendre pour que la personnalité, le parcours, la compétence et la moralité de ces agents soient la source essentielle de leur action, avant même les critères définis par le règlement de la Haute autorité.

Il est quand même étonnant, voire extraordinaire qu’au moment même où, après la décision du Conseil constitutionnel, vous décidez de maintenir des prérogatives de police judiciaire pour les agents de la Haute autorité, vous fassiez sauter une mesure renvoyant à un décret en Conseil d’État la définition du cadre de recrutement de ces agents. Une telle initiative n’a pas de sens puisque personne ne sait dans quels sérail, espace ou filière professionnels ces agents seront recrutés.

Nous étions unanimement favorables à la mesure prévoyant un décret en Conseil d’État parce qu’elle permettait d’encadrer les modalités de ce recrutement initial. Le fait que le projet de loi renonce à un tel dispositif est un mauvais signe, et nous le regrettons.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. L’article 1er bis révèle les contradictions dans lesquelles le Gouvernement et sa majorité se sont enfermés en entrant dans une démarche de type HADOPI. Un coup en avant, un coup en arrière ; sanction administrative, procédure judiciaire : plus personne n’y comprend rien et le hanneton se cogne contre les parois du bocal, puisqu’il fait voter une disposition dans HADOPI 1 avant de la supprimer d’HADOPI 2. Nous avons déjà pu nous rendre compte que vous ne savez pas clairement quelles dispositions du code de procédure pénale s’appliquent dans le cadre de votre démarche.

Nous sommes précisément là pour clarifier les choses, et c’est la raison pour laquelle l’article 1er bis, en supprimant la mesure qui prévoit que « les agents doivent en outre remplir les conditions de moralité et observer les règles déontologiques définies par décret en Conseil d’État », ne laisse pas de nous inquiéter.

Certes, le texte renvoie au règlement intérieur de la Haute autorité, mais cela me conduit à ouvrir le débat. Bien avant que je ne sois élu député, l’Assemblée a créé différentes autorités administratives dites « indépendantes », et qui le sont. Ces autorités traitent de sujets nombreux dans les domaines de la santé, des discriminations ou de l’énergie, tout en constituant un démembrement de l’État puisqu’elles se voient attribuer de larges compétences, selon des modalités plus ou moins homogènes d’une autorité à l’autre. Or il est probablement temps – nous avons évoqué la question au sein du comité d’évaluation et de contrôle nouvellement créé à l’Assemblée – de remettre à plat les caractéristiques de ces différentes autorités administratives, afin d’y voir un peu plus clair, notamment en matière de règles du jeu, lesquelles bougent beaucoup d’une autorité à l’autre, d’autant que ces autorités établissent leur propre jurisprudence. Ce sujet doit nous préoccuper sur tous les bancs de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Nous n’avons pas demandé la suppression de l’article 1er bis dans la mesure où l’alinéa 3, en abrogeant l’article 331-25, retire une disposition qui fait référence aux mesures prises par la commission de protection des droits. Comme nous nous opposions au pouvoir de sanction de cette commission, nous ne pouvons que nous en féliciter.

En revanche, l’article 1er bis modifie le code de la propriété intellectuelle en supprimant notamment les dispositions du dernier alinéa de l’article L. 331-22, lequel prévoit que les agents de l’HADOPI « doivent en outre remplir les conditions de moralité et observer les règles déontologiques définies par décret en Conseil d’État ».

Nous souhaiterions, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, que vous précisiez les raisons qui vous conduisent à supprimer cette disposition pourtant porteuse de garanties importantes eu égard au rôle des membres de la commission des droits. Et ne nous renvoyez pas aux prérogatives de police judiciaire que vous souhaitez attribuer aux agents de l’HADOPI. Rien n’interdit, sauf erreur de notre part, le maintien d’une telle disposition et son articulation avec le statut dont vous gratifiez les agents.

Enfin, à l’attention de M. Gosselin qui se préoccupe des internautes, je lirai ce que nous écrit M. Levtgnen : « Moi qui ai toujours voté à droite, je n’aurais jamais pensé dire merci à un député communiste ou de gauche. Mais voilà, la Constitution est au-dessus de tous ces choix partisans et votre embuscade puis votre guérilla de longue haleine contre HADOPI méritent des encouragements sincères et des remerciements. Il y aura encore certainement beaucoup d’internautes pour regarder les débats ce mercredi – nous avons entendu votre appel d’hier. Que soient remerciés tous les parlementaires qui se battent. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Pierre Cardo. Nous ne sommes pas là pour lire notre courrier !

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Vous devriez verser des droits d’auteur à tous ceux que vous citez, monsieur Brard !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je souhaite revenir à l’article L. 331 du code de la propriété intellectuelle. L’HADOPI est composée de neuf membres, dont des juges. Elle « dispose de services placés sous l’autorité de son président ». Elle « établit son règlement intérieur et fixe les règles de déontologie applicables à ses membres et aux agents des services ». L’HADOPI « peut également solliciter en tant que de besoin l’avis d’autorités administratives, d’organismes extérieurs ou d’associations représentatives des utilisateurs des réseaux de communications électroniques […] ». Enfin, « pour l’exercice, par la commission de protection des droits, de ses attributions, la Haute autorité dispose d’agents publics assermentés habilités par le président de la Haute autorité […] ».

Ainsi, quand on parle des agents de l’HADOPI, plusieurs catégories de personnels sont en fait concernées qui ne sont pas toutes soumises aux mêmes règles. Si certains agents relèvent des règles de déontologie de la fonction publique ou assimilée, ce n’est pas le cas de tous les autres. C’est pourquoi il nous semble que les garanties, notamment celles concernant les conditions de moralité – qu’on doit vérifier au moment du recrutement –, ne doivent pas relever seulement du règlement intérieur mais d’un décret en Conseil d’État.

En effet, pourront être amenées à collaborer avec l’HADOPI des personnes qui auront précédemment travaillé pour les sociétés d’auteurs, les sociétés d’ayants droit, les distributeurs, et ainsi de suite. Dans un souci de transparence, et afin que les travaux de l’HADOPI soient dignes de confiance, il vaut mieux que les conditions de moralité soient définies par un décret en Conseil d’État que par le règlement intérieur.

Voilà pourquoi, madame la garde des sceaux, nous souhaitons revenir à la situation précédente – et il n’est pas si fréquent que nous demandions à en rester à la loi HADOPI 1.

M. le président. Votre proposition a été entendue, madame Billard.

M. Jean-Pierre Brard. Ça, on n’en sait rien !

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Yves Albarello. Encore !

M. Marcel Rogemont. Je n’avais pas prévu d’intervenir.

M. René Couanau. C’était une bonne idée…

M. Marcel Rogemont. Ne me poussez pas dans mes retranchements,sinon j’interviendrai plusieurs fois.

Je remercie Jean-Pierre Brard de nous faire part des encouragements adressés aux députés communistes et aux autres députés de gauche.

M. Pierre Cardo. Un seul courriel !

M. Marcel Rogemont. Que les règles de déontologie soient définies par décret en Conseil d’État paraît important. L’actualité récente l’a montré : les règles déontologiques, même quand elles existent, ne sont pas toujours appliquées. Afin de respecter la présomption d’innocence et d’assurer le fonctionnement le plus républicain possible, elles doivent être affirmées de façon claire et nette.

Martine Billard a souligné le fait que des personnes pourraient être embauchées après avoir travaillé pour des organismes dont l’activité se situe dans le champ d’action de l’HADOPI. Aussi la notion de déontologie est-elle importante et, dès lors, je ne comprends pas pourquoi l’article 1er bis vise, notamment, à supprimer le dernier alinéa de l’article L. 331-22 du code de la propriété intellectuelle.

Quant à votre souhait que les conditions de moralité soient prévues par le règlement intérieur, je constate, par exemple, que nous-mêmes nous asseyons sur le règlement de l’Assemblée puisque nous avons siégé alors même que les commissions se réunissaient, en violation de l’article 41, tout simplement parce que la majorité en avait décidé ainsi.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Rogemont !

M. Marcel Rogemont. On voit bien que la portée d’un règlement intérieur est loin d’avoir celle d’un décret en Conseil d’État.

M. Jean Mallot. Très juste !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Brard. Mon intervention se fonde sur l’article 58, alinéa 1, du règlement.

Une information vient de nous être communiquée.

M. Jean Proriol. Nous ne sommes pas là pour nous lire la presse !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre de la culture, ou bien vous ne savez pas encore tout de ce qui se passe au sein de votre ministère – ce qui serait bien légitime –, ou bien vous êtes un cachottier. En effet, qu’apprend-on ? Que vous avez choisi la société Extelia pour envoyer les fameux mails automatisés.

M. Jean Mallot. Ah ! Voilà donc l’origine de celui que j’ai reçu ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Nous ne comprenons pas que vous ayez pris cette décision puisque la loi n’est pas encore votée.

M. Franck Riester, rapporteur. Mais la partie non-censurée de la loi HADOPI 1 a été promulguée, elle.

M. Jean-Pierre Brard. Le dispositif répressif est donc déjà en place.

Pire encore – et vous voyez bien, monsieur le président, que cela peut avoir une influence déterminante sur la suite de nos débats –, pendant dix à douze mois, cette filiale de La Poste enverrait de façon semi-automatisée 1 000 e-mails d’avertissement par jour pour un rythme de croisière de 10 000.

La question est simple : pourquoi un traitement différent ? Est-ce comme pour le 14 juillet, où un carré VIP était réservé à des citoyens de catégorie supérieure, dans lequel François Fillon et son épouse Pénélope ne se sont du reste pas reconnus puisqu’ils sont allés avec le vrai peuple ? (Sourires.) Ces 1 000 se situent-ils donc au sein d’une sorte de carré privilégié de la répression ? Et que faites-vous des 9 000 autres ? Où est passée l’égalité républicaine ?

Votre réponse jouera un rôle sur le climat – je ne parle pas, bien sûr, du changement climatique mais du climat de la discussion.

M. Jean Mallot. Très bien !

Article 1er bis (suite)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 133 à 141.

La parole est à Mme Monique Boulestin, pour soutenir l’amendement n° 133.

M. Jean-Pierre Brard. Je n’ai pas eu de réponse de la part du ministre !

M. Jean Mallot. Eh non, il garde le silence !

Mme Monique Boulestin. Je ne peux que reprendre à mon compte l’argumentaire présenté par Patrick Bloche pour justifier la suppression pure et simple de l’article 1er bis, qui lui-même supprime des garanties essentielles prévues par la loi HADOPI 1.

Si cet article est issu de la commission des affaires culturelles du Sénat, il ne constitue pas pour autant une mesure de sagesse. Pour reprendre un proverbe bien connu, je dirai à Mme la garde des sceaux que le mieux est l’ennemi du bien.

Le second alinéa de l’article fait disparaître des garanties qui devraient être définies par décret en Conseil d’État, concernant la moralité et la déontologie des agents de l’HADOPI, garanties auxquelles nous tenons. Le troisième alinéa, quant à lui, supprime les limites de l’action de la commission de protection des droits fixées par la loi HADOPI 1.

Comme M. Brard, j’attire votre attention sur le fait qu’il n’est pas si courant que nous souhaitions maintenir des dispositions de la loi HADOPI 1. Nous demandons donc la suppression pure et simple de cet article.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert, pour soutenir l’amendement n° 134.

M. Jean Gaubert. Mes collègues ont déjà dit tout le mal qu’ils pensaient de cet article. Jean-Pierre Brard, notamment, a évoqué le fait que l’on ripait joyeusement d’un décret en Conseil d’État à un code de déontologie ou d’éthique, alors que notre pays est connu pour être le champion des codes de déontologie, d’éthique, de moralité… Ainsi, à chaque manquement, on rédige un code qui, en général, n’engage que ceux qui y croient mais jamais ceux qui sont concernés.

Nous serons ici dans la même situation car il faut tenir compte d’une constante : un corps social ne se renouvelle pas, ne se réglemente pas par lui-même. Le cas des députés est quelque peu similaire : comme l’ont souligné plusieurs collègues, nous venons d’adopter un règlement que nous n’appliquons pas. De même, pour l’HADOPI, on rédigera un de ces codes qu’on appliquera quand cela arrangera et qu’on méconnaîtra quand cela n’arrangera pas.

M. Gilles Cocquempot. C’est vrai !

M. Jean Gaubert. Nous souhaitons, pour une fois, comme l’a dit Martine Billard, en revenir à l’esprit de la loi HADOPI 1, afin que la moralité des personnes amenées à travailler pour l’HADOPI soit garantie par un décret en Conseil d’État.

Nous savons, de plus, qu’on aura recours à des prestataires de services. Récemment encore, dans de grandes entreprises nationales, on a vu de quelle manière on a utilisé le code d’éthique pour le recours à ces prestataires. Je pense à la SNCF mais aussi aux centrales nucléaires d’EDF, dont les sous-traitants ne sont pas toujours payés suivant la législation française ; je ne parle donc même plus de code d’éthique.

L’article 1er bis nous promet de belles joyeusetés pour peu que ce texte aboutisse, ce que nous ne souhaitons pas.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Erhel, pour soutenir l’amendement n° 137.

Mme Corinne Erhel. Nous demandons la suppression de cet article. Nous ne pouvons en effet, à sa lecture, que nous interroger sur les conditions de recrutement des agents de l’HADOPI. Ils vont devoir envoyer plus de 10 000 avertissements par jour, 3 000 en recommandé, selon les estimations réalisées par les services de Mme Albanel. Pour des personnels investis d’une mission aussi importante, il paraît aberrant que les conditions de moralité et de déontologie prévues par la loi HADOPI 1 ne soient pas maintenues.

Nous demandons donc que ces conditions soient fixées par décret pris en Conseil d’État, les règles étant ainsi établies de manière préalable au recrutement des agents de l’HADOPI. À l’inverse, un règlement intérieur ne s’applique qu’une fois le recrutement effectué.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l’amendement n° 138.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il faut toujours se poser la question du pourquoi.

M. René Couanau. Où allons-nous, qui sommes-nous ? Et cætera.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pourquoi a-t-on supprimé le dispositif prévoyant que les garanties de moralité et de déontologie des agents de l’HADOPI seraient fixées par décret en Conseil d’État ? Ces agents qui ne seront pas chargés d’appliquer les sanctions judiciaires, puisque le Conseil constitutionnel ne l’a pas voulu, mais les procédures permettant à la justice d’en connaître.

Je me pose d’autant plus cette question que, dans le cadre des articles 431 ou 537 du code de procédure pénale, les agents de police judiciaire ou les fonctionnaires détenteurs d’une autorité et par là même d’une capacité à faire des constatations, sont tous recrutés sous des conditions morales et déontologiques bien déterminées. Les processus de recrutement sont bien connus, que ce soit dans l’ensemble des collectivités aux exécutifs desquels nous participons ou bien à l’Assemblée.

Que signifie donc ce retrait, que cherche-t-on ?

M. Franck Riester, rapporteur. Mais rien de mal !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cherche-t-on à donner à la Haute autorité une plus grande efficacité en faisant venir des gens qui connaissent déjà les instruments de l’internet, qui sont déjà acteurs dans ce secteur ?

M. Franck Riester, rapporteur. Mais pourquoi voir le mal partout ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le décret en Conseil d’État, qui ne prescrirait sûrement pas un tel procédé, vous gêne-t-il ? Il faudrait, monsieur le rapporteur, que vous nous disiez pourquoi cette sage précaution, consistant à fixer un cadre d’application de la loi, a été retirée.

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt, pour soutenir l’amendement n° 139.

M. Olivier Dussopt. Si les agents de l’HADOPI ont des prérogatives de police judiciaire, alors la prudence impose que les conditions dans lesquelles et auxquelles ils vont être recrutés soient définies par décret en Conseil d’État, et non pas simplement par le règlement intérieur de cette Haute autorité. Voilà pourquoi la suppression de ces dispositions par la commission des affaires culturelles du Sénat n’est pas un bon choix. Nous souhaitons donc la suppression de l’article 1er bis, de façon à revenir aux dispositions de la loi HADOPI 1.

Si nous tenons à ce que, par le texte législatif, cet encadrement soit le plus précis possible et offre le plus de garanties possible, c’est qu’un sérieux coup de canif vient d’être porté au contrat de confiance qui commençait, peut-être, à lier la majorité et l’opposition dans cet hémicycle. Je veux parler des informations qui ont été portées à notre connaissance par Jean-Pierre Brard. S’il est vrai que le ministère de la culture et de la communication a d’ores et déjà choisi la société prestataire chargée d’adresser les mails d’avertissement pour le compte de la Haute autorité, et ce alors même que la loi n’a pas été adoptée, alors même que la commission mixte paritaire ne s’est pas réunie, si donc cette information est vraie – et il semble qu’elle le soit, puisqu’elle a laissé le ministre sans voix –,comment pouvons-nous avoir confiance ?

Comment pouvons-nous faire confiance à un simple règlement intérieur alors qu’il est possible de passer par un décret en Conseil d’État ?

Comment pouvons-nous faire confiance aux propos tenus par les représentants du Gouvernement, ou même par le rapporteur ce matin, lorsqu’il s’est engagé à ce qu’en commission mixte paritaire, un certain nombre de dispositions soient reprises dans le bon ordre ?

Et comment pouvons-nous avoir confiance en ce qui concerne les conditions de recrutement des agents de l’HADOPI, alors même que la majorité a repoussé ce matin un amendement visant à allonger la durée d’incompatibilité pour les membres du conseil de la Haute autorité ?

Toute cette confusion, aggravée par les informations dont a fait état M. Brard, tous ces risques qui pèsent sur un fonctionnement de l’HADOPI totalement transparent et offrant toutes les garanties nécessaires, tout cela nous conduit à solliciter à nouveau la suppression de l’article 1er bis.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, pour soutenir l’amendement n° 140.

M. Jean Mallot. Cet article 1er bis, nous en comprenons la logique apparente, mais nous en voyons surtout les conséquences réelles. Logique, si j’ai bien compris, consiste à dire : dans la loi HADOPI 1, l’autorité administrative avait un pouvoir de sanction, et donc il fallait imposer aux agents des conditions de moralité et de déontologie fixées par décret en Conseil d’État ; de même, il fallait veiller à ce qu’ils appliquent le principe de proportionnalité. Dans la loi HADOPI 2, l’autorité en question n’aura plus le pouvoir de sanction – en réalité, c’est beaucoup plus compliqué que cela –, qui sera renvoyé à l’autorité judiciaire. Par conséquent – et c’est ce « par conséquent » qui est intéressant –, il n’y a plus besoin de se préoccuper des règles déontologiques ou des conditions de moralité. Nul besoin de décret en Conseil d’État. On renvoie au règlement intérieur, et tout ira bien !

De la même façon, pourquoi s’ennuierait-on avec le principe de proportionnalité, puisqu’il ne s’agit plus que de quelques agents publics qui ne feront que transmettre des informations ?

En réalité, je ne vois pas pourquoi il ne devrait pas y avoir de règles déontologiques. Je ne vois pas non plus pourquoi, bien au-delà de l’HADOPI, ce problème ne se poserait pas pour un certain nombre d’autres autorités administratives indépendantes. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

Vous voulez également supprimer, disais-je, les dispositions imposant que les mesures prises par la commission de protection des droits soient soumises au principe de proportionnalité. Or ces mesures peuvent faire grief. Voilà pourquoi nous pensons que la commission de protection des droits doit respecter le principe de proportionnalité.

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont, pour soutenir l’amendement n° 141.

M. Marcel Rogemont. Je propose moi aussi la suppression de l’article 1er bis. La responsabilité et la professionnalisation des agents, dès lors que l’on supprime le dernier alinéa de l’article L. 331-22, semblent ne plus avoir d’importance. C’est surprenant.

Pourquoi supprimer la disposition selon laquelle les agents doivent remplir les conditions de moralité et observer les règles déontologiques définies par décret en Conseil d’État ? Peut-être est-ce parce que vous vous apercevez, vous, membres du Gouvernement, que ce qui fait obstruction à la mise en place des lois, ce n’est pas l’opposition, contrairement à ce que dit la presse, mais ce sont les difficultés que vous rencontrez avec le Conseil d’État, lequel n’arrive pas à suivre cette logorrhée législative à laquelle vous l’astreignez. À partir de là, vous supprimez le passage par le Conseil d’État : cela permettra une application plus rapide de ce texte !

En outre, vous proposez l’abrogation de l’article L. 331-25, qui constitue une garantie pour les citoyens. La loi HADOPI 2 donne donc à la Haute autorité un pouvoir plus large encore. On ouvre là une brèche…

M. le président. Je vous remercie, monsieur Rogemont.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Je voudrais d’abord rappeler à M. Dussopt que la loi HADOPI 1, dans la très grande majorité de ses dispositions, a été adoptée et promulguée. Il est donc tout à fait logique que le Gouvernement avance dans la mise en place du dispositif d’envoi d’avertissements aux internautes qui téléchargent illégalement.

Pour ce qui est de cet amendement, je souligne que ce que nous mettons en place est beaucoup moins tortueux, vicieux ou pervers que ce que vous imaginez, chers collègues de l’opposition.

M. Jean-Pierre Brard. C’est juste cauteleux !

M. Franck Riester, rapporteur. Le texte HADOPI 1 disposait, aux termes de l’article L. 331-22 du code la propriété intellectuelle, que les règles déontologiques applicables aux agents publics de la Haute autorité seraient définies par décret en Conseil d’État. En revanche, aux termes du troisième alinéa de l’article L. 331-19, la fixation des règles déontologiques applicables aux membres et agents de l’HADOPI relevait de son règlement intérieur. Nous voulons simplement sortir de cette incohérence,…

M. Jean Mallot. Vous en sortez dans le mauvais sens !

M. Franck Riester, rapporteur. …clarifier les choses, faire en sorte que ce soit le règlement intérieur qui fixe les règles de déontologie,…

M. Marcel Rogemont. Pourquoi faites-vous disparaître la référence au décret pris en Conseil d’État ?

M. Franck Riester, rapporteur. …comme cela est le cas, monsieur Rogemont, pour toutes les autorités administratives indépendantes de notre pays.

Je vous rappelle en outre que les agents sont soumis aux dispositions de la loi de 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, ainsi qu’à celles du décret de 1986.

Et ces agents, madame Billard, sont assimilés à des agents publics même s’ils ne sont pas fonctionnaires.

Mme Martine Billard. Pas tous ! Pas les membres de l’HADOPI.

M. Franck Riester, rapporteur. Le décret de 1986 leur est donc applicable.

En ce qui concerne les agents assimilés, monsieur Gaubert, nous n’avons pas voulu créer, à travers un décret en Conseil d’État, un dispositif spécifique. C’est pourquoi nous avons retenu le même dispositif que celui qui s’applique pour les autres autorités administratives indépendantes.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Avis défavorable à ces amendements. Je précise simplement deux points.

Extelia a gagné l’appel d’offres dans des conditions parfaitement limpides. Et ce n’est pas parce que l’on est silencieux que l’on est sans voix, monsieur Dussopt.

Par ailleurs, les agents sont assermentés devant le juge. Je complète ainsi ce qu’a dit M. Riester.

(Les amendements identiques nos 133 à 141 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de dix amendements identiques, nos 195 à 203 et 856.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l’amendement n° 195.

M. Patrick Bloche. Il s’agit d’un amendement de repli. Si l’article 1er bis n’est pas supprimé, qu’au moins certains de ces alinéas le soient. En l’occurrence, si nous demandons la suppression de l’alinéa 2, c’est parce que nous n’avons pas été convaincus, c’est le moins que l’on puisse dire, par les arguments de M. le rapporteur, même si nous le remercions de nous avoir répondu.

Si nous vous avons bien compris, monsieur le rapporteur, vous estimez que voisinaient, après l’adoption et la promulgation de la loi HADOPI 1, deux dispositions qui pouvaient s’entrechoquer, l’une disant que les garanties déontologiques et de moralité que l’on doit attendre des agents assermentés de la Haute autorité sont fixées par le règlement intérieur de celle-ci, l’autre prévoyant que ces garanties font l’objet d’un décret en Conseil d’État. Or vous donnez à ces agents assermentés une responsabilité majeure, puisqu’ils sont chargés de préparer le dossier qui sera transmis, par la procédure expéditive de l’ordonnance pénale, au juge. De notre point de vue, vous avez fait le mauvais choix. Nous aurions été très compréhensifs, nous ne serions pas en train d’essayer d’amender ce projet de loi, si vous aviez suivi ce que vous avez vous-même écrit dans votre premier rapport en décidant que les règles de moralité et de déontologie des agents assermentés seraient fixées par décret en Conseil d’État, c’est-à-dire de manière extérieure, donc plus transparente et plus neutre.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir l’amendement n° 196.

M. Pierre-Alain Muet. La suppression de l’alinéa 2 permettrait de rétablir une condition essentielle pour le recrutement de ces agents. J’avoue que je suis assez étonné d’entendre M. le rapporteur dire que, pour des raisons de cohérence, il opte pour la version la plus faible, c’est-à-dire le règlement intérieur, plutôt que pour le décret en Conseil d’État. Comme beaucoup de membres de cette assemblée, j’ai lu le rapport qu’il avait rédigé pour la loi HADOPI 1, dans lequel il écrivait ceci : « Enfin, cette nouvelle version se termine par un alinéa indiquant que les agents de la Haute autorité devront remplir des conditions de moralité et observer des règles déontologiques définies par un décret en Conseil d’État. Une fois encore, transparaît à travers cette disposition un souci manifeste d’adjoindre à l’HADOPI des personnels les plus responsables et les plus professionnels possible. »

Est-ce à dire que vous n’auriez pas cette même ambition aujourd’hui, monsieur le rapporteur ? Je trouve cela profondément choquant.

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus, pour soutenir l’ amendement n° 197.

M. Didier Mathus. Comme disait Éluard, « le tout est de tout dire, et je manque de temps, et je manque d’audace ». Après m’être absenté un court instant, me revoici.

Je ne vous parlerai cette fois ni de milices ni de brigade de répression numérique, mais de cet amendement qui reprend la philosophie que nous exposons depuis hier : il apporte des garanties aux justiciables, en l’occurrence aux internautes. Il s’agit de retrouver le fil d’une bonne expression juridique dans la rédaction de cette loi qui a été sinon bâclée – le terme serait excessif – du moins écrite de façon tellement approximative qu’elle comporte de nombreuses chausse-trappes.

Comme vient de l’exposer Pierre-Alain Muet, l’alinéa qui existait dans HADOPI 1 mais qui a disparu de la loi HADOPI 2 nous paraissait tout à fait légitime. Il est troublant que la précision ait été supprimée, car elle ne semblait pas poser de problème particulier : elle semblait même plutôt relever du bon sens.

Le choix de la faire disparaître ne peut qu’éveiller sinon la suspicion, du moins de sérieuses interrogations. Celles-ci sont vraisemblablement, certainement superfétatoires : nous proposons donc de rétablir la rédaction d’HADOPI 1, qui avait le mérite d’une certaine clarté.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour soutenir l’amendement n° 200.

Mme Catherine Lemorton. Depuis deux ans, nous avons, dans cet hémicycle, une drôle de manière de faire la loi !

Je ne voudrais pas rappeler le débat douloureux que nous avons vécu il y a deux semaines à peine, lorsque nous avons discuté d’une loi qui légalisait une situation illégale concernant l’ouverture des commerces le dimanche.

M. Richard Mallié. Ça suffit !

Mme Catherine Lemorton. Et voici aujourd’hui un deuxième cas d’espèce : nous discutons d’un article qui va supprimer des dispositions votées il y a un mois seulement. Il n’y a que deux possibilités : soit vous reconnaissez que vous faites mal la loi, puisque vous êtes obligés de la corriger un mois après ; soit vous faites preuve d’une inconstance pour le moins inquiétante. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Mallot. Et peut-être les deux à la fois !

Mme Catherine Lemorton. Je vais être redondante par rapport à mes collègues, monsieur le rapporteur, mais il est tout à fait curieux que vous ayez soutenu il y a quelques semaines l’obligation de règles de moralité, pour considérer aujourd’hui que cela n’aurait aucune importance !

Je ne crois pas que ce soit dans un règlement intérieur propre à l’HADOPI que l’on pourra éliminer d’éventuels conflits d’intérêts. La rédaction actuelle de l’article crée la suspicion ; elle fait naître le doute. À l’heure où les institutions sont mises à mal, où l’Assemblée même n’est pas toujours considérée comme vertueuse par l’opinion publique (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), la suppression de cet alinéa serait de nature, je crois, à envoyer un signe de transparence non seulement aux internautes, mais à l’opinion publique dans son ensemble. Il est vrai que vous semblez avoir un problème avec la transparence. Il y a de quoi s’inquiéter, quand on pense à l’affaire Pérol, dans laquelle la commission de déontologie a été écartée.

M. le président. Merci, madame Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Je crois qu’il est de notre devoir d’instaurer des règles de transparence, de moralité et de déontologie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

MM. Olivier Dussopt et Jean Mallot. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour défendre l’amendement n° 201.

Mme Aurélie Filippetti. La question est simple : M. le rapporteur nous a expliqué qu’il s’agissait de résoudre une contradiction : en choisissant entre le règlement intérieur et des règles fixées par décret en Conseil d’État. Alors, pourquoi avoir laissé au règlement intérieur de l’HADOPI – autorité administrative indépendante – le soin de définir les règles de déontologie et de moralité qui s’appliqueront à ses propres agents ?

M. Franck Riester, rapporteur. Parce que c’est le principe général !

Mme Aurélie Filippetti. Pourquoi choisir le moins quand on peut choisir le plus ? À l’évidence, le Conseil d’État a dans notre ordre juridique un poids supérieur à celui de n’importe quelle autorité administrative.

Pour reprendre l’argumentation de Jean Mallot, nous assistons en France à une inflation des autorités administratives indépendantes, qui deviennent de véritables ordres à l’intérieur de l’État. Cela a déjà été relevé dans plusieurs rapports. Les laisser en plus se fixer leurs propres règles me semble contraire aux exigences de la démocratie et aux principes les plus élémentaires de la déontologie.

On ne peut pas ne pas évoquer le précédent fâcheux, et encore tout récent, de la commission de déontologie de la fonction publique qui, dans l’affaire Pérol, n’a pas été saisie par le principal intéressé parce qu’il lui revenait, et à lui seul, de la saisir.

M. Philippe Gosselin. Ce n’est pas le sujet !

M. Sébastien Huyghe. Et ce n’est même pas un problème !

Mme Aurélie Filippetti. Il devait considérer si lui-même se sentait tenu de saisir la commission de déontologie qui, elle, aurait souhaité l’être. Mais elle ne l’a pas été parce que le principal intéressé a décidé qu’il n’avait pas à le faire. Il y a là un véritable problème juridique.

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour soutenir l’amendement n°202.

Mme Marylise Lebranchu. Je comprends l’agacement du rapporteur. Il y a peu, en effet, il défendait bec et ongles l’idée que nous devions nous sentir tout à fait tranquilles puisque, grâce à la loi HADOPI 1, un décret en Conseil d’État fixerait les règles de déontologie de cette haute autorité. Il fallait donc accepter qu’HADOPI puisse prononcer des sanctions.

Ici, on passe au niveau supérieur, on monte en gamme, si j’ose dire : on va jusqu’à l’ordonnance pénale, et il semble même que des courriers électroniques aient déjà été expédiés. Lorsqu’il s’agissait de sanctions de type administratif – dont on nous expliquait en long, en large et en travers qu’elles étaient de pure dissuasion et rendraient tout le monde vertueux – le décret en Conseil d’État devait nous rassurer. Maintenant, on va jusqu’à l’ordonnance pénale, mais il n’y a plus besoin de décret en Conseil d’État !

Je vous rappelle tout de même que si tout décret peut faire l’objet d’un recours, ce n’est pas le cas d’un règlement intérieur.

Je demande donc au rapporteur de s’expliquer clairement : pourquoi a-t-il défendu bec et ongles la nécessité d’un décret en Conseil d’État pour des personnes qui allaient envoyer des courriers électroniques et prendre des sanctions administratives, et pourquoi aujourd’hui, alors que ces mêmes personnes iront jusqu’à provoquer une ordonnance pénale – sous l’autorité d’un procureur – un règlement intérieur est-il suffisant ? Il y a dans cette histoire quelque chose qui ne va pas !

Nous attendons une réponse. Nous faisons bien évidemment confiance aux magistrats, mais qu’une règle de déontologie votée dans la loi HADOPI 1, aujourd’hui promulguée –vous l’avez rappelé vous-même, monsieur le rapporteur – soit aujourd’hui battue en brèche, je ne comprends pas !

M. le président. La parole est à Mme Monique Boulestin, pour soutenir l’amendement n° 203.

Mme Monique Boulestin. L’alinéa visé supprime, cela vient d’être dit, une garantie essentielle, qui encadrait la moralité des agents de l’HADOPI.

Je pose la même question que mes collègues : pourquoi revenir sur une disposition promulguée il y a un mois seulement ? Pourquoi une telle précipitation, quand on connaît la complexité du repérage des resquilleurs éventuels, et surtout lorsque l’on sait combien les internautes auront du mal à prouver qu’ils ne sont pas les auteurs d’activités illégales ?

Il est donc nécessaire d’avoir des agents au-dessus de tout soupçon, même s’ils sont assermentés. Il est aussi indispensable de prendre toutes les garanties nécessaires pour éviter des situations aussi ubuesques que celles que l’on a vues au Royaume-Uni récemment, où des personnes âgées ont été poursuivies pour avoir piraté des jeux vidéo !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l’amendement n° 856.

Mme Martine Billard. Nous n’avions pas, pour notre part, déposé d’amendement de suppression de l’article tout entier : nous approuvons en effet son alinéa 3. Il s’agit ici de supprimer l’alinéa 2.

Monsieur le rapporteur, j’avais moi-même souligné que les agents de la commission de protection des droits sont assimilés à des fonctionnaires. Mais cela ne concerne pas l’ensemble des agents de l’HADOPI.

D’autre part, il y aujourd’hui beaucoup de problèmes de pantouflage, de transfert d’agents d’une institution à une autre ; l’opinion publique se pose des questions sur un certain nombre de nominations.

Compte tenu des difficultés rencontrées par cette loi, qui ne sera au mieux promulguée qu’à la fin du mois de septembre – et encore ! –, il serait, je crois, bien préférable de prendre des précautions de transparence.

L’HADOPI est saisie par les représentants des ayants droit et transmet des dossiers tout ficelés – si j’ose dire – dans le cadre d’ordonnances pénales. Sauf si le juge a vraiment un doute sur le dossier transmis – auquel cas il demandera une extension de l’enquête – les jugements se feront sur la base du dossier transmis par la Haute autorité.

Dans ce cadre, il est fondamental d’établir la confiance. Or il y a déjà un déficit de confiance à cause de la difficulté de la preuve. Si un doute s’instaure sur l’indépendance des personnes qui travaillent pour l’HADOPI, ce déficit s’aggravera. De votre propre point de vue, ce serait, je crois, une très mauvaise chose.

Je trouve très bon le parallèle avec l’affaire Pérol. Je sais que cela ne plaît pas à M. Gosselin et à nos collègues de l’UMP – M. Gosselin n’est pas seul en cause, je ne voudrais pas qu’il prenne cela pour une mise en cause personnelle…

M. Philippe Gosselin. Merci !

Mme Martine Billard. Vous devriez donc, je crois, revenir en l’occurrence à la loi HADOPI 1.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Franck Riester, rapporteur. Je ne vais pas reprendre tous les arguments que j’ai évoqués tout à l’heure. Il y avait, c’est vrai, une disposition contraire dans la loi HADOPI 1. Le Sénat a proposé de préciser et de clarifier les choses en optant pour la méthode couramment utilisée dans les autorités administratives indépendantes, où c’est le règlement intérieur qui définit les règles de déontologie.

Je vous rappelle, madame Billard, que les règles d’indépendance existent : elles ont été définies par la loi HADOPI 1. Elles sont encore présentes : vous pouvez donc être rassurée.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. Beaucoup de choses ont déjà été dites. Avis défavorable également sur cet amendement de repli, comme dit M. Bloche.

Je précise simplement à Mme Lebranchu qu’aucun courrier électronique ne sera évidemment envoyé par Extelia tant que la CNIL et le Conseil d’État n’auront pas été consultés.

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole, monsieur le président !

M. le président. Monsieur Brard, vous ne pouvez pas intervenir contre un amendement dont vous êtes signataire.

La parole est à M. Henri Emmanuelli, pour répondre à la commission et au Gouvernement.

M. Henri Emmanuelli. Je m’étonne de votre argumentation : on nous explique finalement que s’en remettre au règlement intérieur d’une autorité administrative indépendante permet d’offrir de meilleures garanties que si l’on s’en remet au législateur ! Je suis surpris par ce genre de raisonnement.

Nous vivons un moment où il y a déjà beaucoup à dire sur les autorités administratives indépendantes. Je vous rappelle qu’il aura fallu qu’un tribunal administratif rappelle à une autorité indépendante que le pluralisme de l’information n’était pas respecté pour que ladite autorité indépendante fasse semblant de le découvrir !

Cela n’encourage pas beaucoup à faire confiance aux autorités indépendantes ! Il y a là un signe manifeste d’affaissement de la démocratie, en général, et du Parlement, en particulier.

En tant que parlementaire, monsieur le rapporteur, vous devriez faire davantage confiance aux amendements ou à la loi qu’aux futurs règlements intérieurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(Les amendements identiques nos 195 à 203 et 856 ne sont pas adoptés.)

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement – fondé, comme toujours, je suppose, sur l’article 58, alinéa 1.

M. Jean-Pierre Brard. En effet, et pour gagner du temps, je ne citerai pas mes autres références…(Sourires.)

Nul doute que M. Mitterrand a un vrai talent. Il est mesuré dans l’expression, jusqu’à en être patelin, à tel point qu’il a un certain pouvoir d’endormissement de notre vigilance.

M. Jean Mallot. Dormez, je le veux !

M. Jean-Pierre Brard. En effet, et tout à l’heure, je n’ai pas immédiatement réagi à sa réponse sur Extelia.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. J’ai le pouvoir de vous envoûter ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Vous faites de la magie, ce qui est une forme de culture d’ailleurs !

M. Philippe Gosselin. C’est un magicien du verbe !

M. Jean-Pierre Brard. Et c’est ainsi que vous avez zappé l’essentiel. J’ai déjà évoqué, pour m’en indigner, la composition du carré VIP pour le 14 juillet. Si, au moins, y avait été réunie l’aristocratie de l’intelligence… mais combien de prix Nobel, combien de membres de l’Académie des sciences ? Aucun ! Seulement des académiciens du bling-bling. Le jour où l’on célèbre l’égalité, la liberté, la fraternité, voilà ce à quoi on a droit !

En fin de compte, monsieur le ministre, les mille avertissements sur les dix mille, ce n’est pas un carré VIP. Vous êtes en train d’inventer le centre de rétention pour internautes – et, madame la ministre, vous savez, compte tenu de vos fonctions antérieures à l’intérieur, de quoi je veux parler.

M. Philippe Gosselin. Où est le rappel au règlement ?

M. Jean-Pierre Brard. Expliquez-nous, madame la garde des sceaux et monsieur le ministre, comment vous allez trier, si j’ose dire, ces mille sur les dix mille que vous allez ainsi plus durement sanctionner. Vous n’avez pas répondu sur ce point tout à l’heure.

M. Philippe Gosselin. Ce n’était pas un rappel au règlement !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Gosselin, mêlez-vous de ce qui vous regarde !

M. Pierre Cardo. Cela le regarde !

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt.

M. Olivier Dussopt. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1.

M. Philippe Gosselin. Ce serait un vrai, alors !...

M. Olivier Dussopt. Nous constatons avec désolation qu’aucun de nos amendements n’est adopté. Vous n’avez pas voulu réintroduire dans le code de la propriété intellectuelle la disposition prévoyant que les agents de la Haute autorité doivent remplir les conditions de moralité et observer les règles déontologiques définies par décret en Conseil d’État, en renvoyant cette question au règlement intérieur.

Qui, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, établira le règlement intérieur de l’HADOPI ? Les membres de la Haute autorité ? Ou bien ce règlement sera-t-il fixé dans le cadre du pouvoir réglementaire ?

M. Henri Emmanuelli. C’est l’alinéa Copé !

M. Olivier Dussopt. Pouvez-vous, en outre, nous éclairer sur le contenu de ce règlement intérieur à venir ?

M. Philippe Gosselin. Ce n’était pas non plus un rappel au règlement.

Article 1er bis (suite)

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l’amendement n° 857.

Mme Martine Billard. Notre amendement vise à abroger l’article L. 331-3 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction issue de la loi HADOPI 1. Il s’agit de la labellisation de l’offre légale et des technologies de reconnaissance des contenus et des filtrages. Nous avions déjà exprimé notre opposition à cet article lors du débat HADOPI 1.

La notion d’offre légale n’est définie par aucun texte. En outre, il serait difficile de labelliser une offre illégale. Une telle dénomination est donc pour le moins surprenante.

Si le Conseil constitutionnel a jugé que cet article n’était pas inconstitutionnel, cela ne signifie pas pour autant qu’il soit recevable. Attribuer des labels à des œuvres culturelles pose, en effet, problème. Si les offres qui respectent les droits d’auteur sont labellisés, on ne voit pas quel est l’intérêt d’un label, dans la mesure où il n’y a pas de labels pour les offres illégales.

M. Franck Riester, rapporteur. Justement !

Mme Martine Billard. On nous a expliqué que le label permettrait aux internautes de faire la différence.

M. Franck Riester, rapporteur. Exactement !

Mme Martine Billard. C’est faire preuve de naïveté quant aux possibilités offertes par internet, malheureusement, pour camoufler toutes sortes d’informations. Vous pouvez tous, en tant qu’utilisateur d’internet, le constater. De nombreux mails peuvent être dissimulés sous le nom de votre banque, celui d’organismes de paiement avec lesquels vous seriez en compte, alors que c’est inexact, ou encore celui de votre fournisseur d’accès. On peut très facilement se laisser prendre car ces documents sont très bien imités.

M. Pierre Cardo. On les reconnaît au nombre important de fautes d’orthographe !

Mme Martine Billard. Oser penser qu’un label permettra aux internautes de faire la différence entre des offres qui respectent les droits d’auteur et les autres est, soit naïf, soit vise à instaurer une différence commerciale entre certaines œuvres.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Avis défavorable. Nous en avons longuement parlé lors de nos débats sur HADOPI 1, madame Billard : il est important de donner la possibilité aux offres légales d’obtenir un label permettant aux internautes de mieux se repérer dans l’univers complexe d’internet.

Par ailleurs, nous ne renonçons pas à réguler internet et nous avons la ferme volonté de ne pas y laisser tout faire. C’est pourquoi nous voulons que les internautes s’y retrouvent en matière d’offre légale de biens culturels.

M. Henri Emmanuelli. Le gouvernement chinois aussi !

M. Pierre Cardo. Il n’a pas tout à fait le même objectif !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. J’avoue qu’il est assez difficile de comprendre les arguments développés par Mme Billard.

Mme Martine Billard. Ah bon ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. Une fois de plus, vous tentez de revenir sur les dispositions de la loi Création et internet. De surcroît, celle que vous visez ici a été explicitement validée par le Conseil constitutionnel…

Mme Martine Billard. Et alors ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. …comme toutes les dispositions qui se rapportent à l’encouragement de l’offre légale.

De quoi s’agit-il ? L’article de code dont vous proposez la suppression vise directement à favoriser l’attractivité et la clarté des offres légales proposées au public. Il charge en effet la Haute autorité de rendre compte du développement de l’offre légale et de référencer et labelliser les offres légales pour favoriser leur identification par les consommateurs. C’est donc un article entièrement favorable aux consommateurs que vous voulez supprimer, ce à quoi je m’oppose.

M. André Wojciechowski. Avec raison !

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus, pour répondre à la commission et au Gouvernement.

M. Didier Mathus. Je considère pour ma part que ce sont les arguments du ministre qui sont difficilement concevables. Comment peut-on imaginer – et méconnaître à ce point la psychologie des usagers – que le tampon officiel de l’HADOPI sera une sorte de lumière leur permettant de se repérer dans le continent noir de l’internet ?

C’est fondamentalement étranger à la philosophie même d’internet. L’idée que l’HADOPI puisse labelliser officiellement des sites qui seraient autorisés produira l’effet exactement inverse de celui qui est escompté.

M. Henri Emmanuelli. C’est digne de l’imprimatur du Vatican !

M. Didier Mathus. Par ailleurs, ce mécanisme est des plus pervers. Il faudrait que vous nous disiez ce qui sera labellisé : des sites ? des fichiers ? Quel sort réservez-vous aux fichiers dans lesquels on trouve à la fois des fichiers légaux – parce qu’ils sont libres de droits – et d’autres qui sont dits piratés ? Votre idée est inapplicable et douteuse sur le plan de la philosophie et fait penser aux méthodes – que M. Brard m’excuse – qui avaient cours dans l’Union soviétique d’autrefois.On ne peut qu’être très surpris que le gouvernement français entende dire ce qui est bien et ce qui ne l’est pas, ce qu’il faut écouter et ce qu’il ne faut pas écouter en apposant un tampon sur des sites labellisés !

Une incompréhension aussi totale du phénomène internet est stupéfiante !

(L'amendement n° 857 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l’amendement n° 858.

Mme Martine Billard. Que vous lisiez les notes préparées par vos services pose problème, monsieur le ministre. Dans mon intervention, j’ai dit que le Conseil constitutionnel avait répondu sur l’aspect de la conformité à la Constitution, mais ne s’était pas exprimé sur le fond puisque telle n’est pas sa mission.

Or c’est sur le fond que nous contestons la labellisation. C’est pourquoi nous proposons de supprimer le deuxième alinéa de l’article L. 331-23.

Vous ne voulez pas renoncer à réguler internet, dites-vous, monsieur le rapporteur. Soit, mais cela revient à vider la mer avec une petite cuiller.

Que dit cet alinéa ? « La Haute autorité attribue aux offres proposées par des personnes dont l’activité est d’offrir un service de communication au public en ligne un label… ». Cela signifie que les FAI pourront utiliser un label. Or de nombreuses œuvres culturelles sont mises en ligne en dehors des FAI ou des sites commerciaux. Que va-t-il se passer pour les autres offres mises en ligne, notamment sous les licences Creative commons ? Auront-elles un label fourni par l’HADOPI ? Cela étant, je ne pense pas qu’elles le demandent car elles fonctionnement différemment.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. Vous n’en savez rien.

Mme Martine Billard. La question est de savoir qui demandera un label : les sites ? Ou bien l’HADOPI aura-t-elle pour fonction de surveiller tout ce qui passe sur internet ?

M. Franck Riester, rapporteur. On vous a déjà répondu des dizaines de fois !

Mme Martine Billard. Si tel est le cas, il y aura des créations d’emplois ! Dans le secteur des services, c’est un peu moins polluant que dans d’autres productions. Cela étant, les clics sont tout de même polluants.

Un peu de sérieux, monsieur le ministre ! On n’est pas dans une culture soviétisée ; je le dis d’autant plus volontiers que je n’ai jamais appartenu au parti communiste ! (Sourires.)

M. Henri Emmanuelli. Ni même été « vaticanisée » ! (Sourires .)

Mme Martine Billard. Laissons vivre la culture ; les internautes sont assez grands pour faire la distinction entre ceux qui respectent les droits d’auteur sur internet et ceux qui ne les respectent pas. Lorsqu’ils téléchargent abusivement, ils le savent dans la plupart des cas…

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Quel aveu !

Mme Martine Billard. …et lorsqu’ils ne le savent pas, les camouflages de labels feront qu’ils ne le sauront pas plus.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Nous en avons parlé vingt fois, que dis-je ? cinquante fois, madame Billard.

Mme Martine Billard. Ça ne change rien au problème.

M. Franck Riester, rapporteur. Cela ne sera pas obligatoire ; l’HADOPI ne surveillera pas toutes les offres disponibles sur internet pour labelliser toutes celles qui seraient légales. Ce sera laissé à la discrétion des sites. S’ils le décident, ils peuvent demander à l’HADOPI d’être labellisés dans des conditions qui seront fixées par décret en Conseil d’État.

M. Henri Emmanuelli. Ils ne seront pas nombreux à le faire !

M. Franck Riester, rapporteur. C’est une information supplémentaire à la disposition des internautes, afin qu’ils aient la certitude d’aller sur un site où les offres qu’ils paieront contribueront à financer la création et les auteurs, ce que nous appelons, vous et nous, de nos vœux.

M. Henri Emmanuelli. Il n’y aura peut-être que le site de l’UMP qui le demandera !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. M. Emmanuelli vous a soufflé, madame Billard, le fait que je lisais mes fiches…

Mme Martine Billard. Il n’a pas eu besoin de le faire, cela se voit !

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. Je constate du reste que vous aussi, vous lisez les vôtres. Donc, je ne vois pas quel est le problème.

Mme Martine Billard. Ce sont mes notes !

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. Cela peut se comparer à des fiches !

Mme Martine Billard. Non, c’est écrit cursivement à côté du texte de l’amendement !

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. Par ailleurs, je trouve que c’est faire preuve d’arrogance que de vouloir faire ainsi la leçon !

M. Jean Mallot. C’est un expert qui parle !

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. Dans un domaine aussi important que celui qui nous rassemble aujourd’hui, chacun sait le sens des mots. J’essaie, pour ma part, d’utiliser les mots exacts, et c’est pourquoi je m’appuie sur des notes. Me le reprocher est assez médiocre.

M. Franck Riester, rapporteur. Très bien !

M. Jean-Pierre Brard. On dirait que vous êtes moins mesuré et patelin que tout à l’heure.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. Puisque vous appréciez le fait que je lise mes notes, je vais poursuivre en vous citant l’avis du Conseil constitutionnel : « La labellisation du caractère légal des offres a pour seul objet de favoriser l’identification par le public d’offres de service respectant les droits de la propriété intellectuelle. Ces dispositions ne confèrent à la Haute autorité aucun pouvoir arbitraire. »

Vous voyez que, quelquefois, cela vaut la peine de lire !

Avis défavorable, donc.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je constate que M. le ministre perd ses nerfs !

M. André Wojciechowski. Pas du tout !

Mme Martine Billard. Inutile de relire la décision du Conseil constitutionnel, monsieur le ministre ; j’en avais donné le sens, de surcroît sans fiche ! Mais lorsque les députés défendent leurs amendements, ils en ont évidemment le texte sous les yeux.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. Vous avez le droit de railler !

Mme Martine Billard. Monsieur le rapporteur, le problème c’est qu’il n’y a pas que des œuvres payantes sur internet. Certaines sont mises à disposition gratuitement. Lors de l’examen de la loi HADOPI 1, vous m’aviez répondu de la même façon ; c’est la raison pour laquelle je considère que le débat n’est pas clos.

Il existe deux types d’œuvres sur internet : d’une part, des œuvres mises à disposition contre paiement par l’intermédiaire de plateformes appartenant à de grandes enseignes ou à des sociétés de diffusion, d’autre part, des œuvres mises à disposition gratuitement, par les auteurs eux-mêmes ou par des sites, notamment pour les œuvres tombées dans le domaine public.

Vous voulez mettre en place un système de labellisation afin d’indiquer aux internautes quels sites respectent le paiement des droits d’auteur, signe que votre philosophie n’envisage aucunement qu’il peut y avoir gratuité sans pillage des droits d’auteur. C’est tout le débat philosophique qui nous oppose depuis la loi DADVSI en 2005 : vous ne concevez la culture que contre paiement ; nous, nous considérons que la culture peut aussi être gratuite tout en respectant le droit moral des artistes, d’autant que de plus en plus d’auteurs font le choix de la gratuité. Pour cela, il n’y a pas besoin de label.

M. Philippe Gosselin. C’est un choix de leur part, voilà toute la différence !

(L'amendement n° 858 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 859.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je m’apprêtais à demander la parole pour un rappel au règlement, monsieur le président, mais je le ferai après.

Dans la mesure où les critères de choix ne sont pas énoncés dans l’article L. 331-23 et qu’il est impossible d’être exhaustif dans le référencement, qui va décider des offres qui seront mises en valeur ? Les lobbyistes, les marchands du temple élyséen – pas celui de la mythologie mais celui qu’occupe M. Bling-Bling – qui hantent les couloirs des ministères ?

De fait, ce seront encore les offres commerciales des industries monopolistes qui se retrouveront en tête de gondole. C’est un frein à l’innovation et à la création de nouveaux types d’offres, car le cahier des charges que vous ne manquerez pas d’instituer par décret contraindra et formatera les moyens de diffusion qui pourraient émerger afin de sauvegarder encore et toujours les privilèges des nantis.

Pourquoi encadrer les offres commerciales sur un portail de référencement ? Pourquoi ne pas créer un portail de référencement des sites de vente en ligne de prêt-à-porter garanti 100 % not made in China ou un portail de référencement des entreprises du bâtiment n’employant que des travailleurs qualifiés pourvus à 100 % de papiers en règle, ou encore des banques garanties 100 % sans actifs financiers toxiques ? Cette dernière proposition éviterait au moins à nos petits épargnants d’être floués ou à l’État de prêter de l’argent à des banques véreuses en difficulté.

La contradiction dans vos comportements est tout à fait éclairante.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Avis défavorable pour les mêmes raisons que j’ai évoquées précédemment.

M. Brard se plaît à nous faire part des mails qui lui sont adressés pour le soutenir dans son action. Eh bien, je viens de recevoir un mail…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pourquoi les mails passent sur son appareil et pas sur le mien ?

M. Franck Riester, rapporteur. …de M. Destout, que je vais vous lire : « Monsieur Riester, je tiens à vous remercier pour votre engagement concernant l’HADOPI. En effet, je tiens un vidéo-club dans un petit village en Gironde et le piratage est un vrai fléau pour notre profession. Pas un jour sans qu’un client nous dise qu’il a déjà vu tel film alors qu’il vient juste de sortir au cinéma. La situation est grave. Les vidéo-clubs ferment les uns après les autres et je crains de devoir faire pareil en cette fin d’année. Nous comptons fortement sur votre soutien, monsieur le rapporteur, ainsi que sur le groupe UMP pour défendre notre profession qui reste le moyen le moins cher, le plus créateur d’emplois et le plus convivial d’accès à la culture et souvent le seul pour les petits villages comme le mien. »

M. André Wojciechowski. Heureusement que l’UMP est là !

M. le président. Monsieur le rapporteur, permettez-moi de vous dire que je suis très étonné que vous ayez reçu un mail pendant nos débats dans l’hémicycle.

M. Franck Riester, rapporteur. Monsieur le président, j’ai seulement lu un mail que j’avais reçu bien avant que nos débats ne commencent.

M. le président. C’est tout simplement contraire à ce que souhaite M. le président Accoyer, qui veut éviter toute intervention extérieure sur la réflexion des parlementaires pendant les débats dans l’hémicycle.

M. Philippe Gosselin. M. le rapporteur a seulement lu un mail ! C’est bon pour le développement durable : au moins, il n’y a pas de tirage sur papier.

M. le président. Vous n’avez aucune raison de vous énerver, monsieur Gosselin. Il n’est pas tout à fait dix-sept heures et nous avons encore beaucoup de temps à passer ensemble. Gardez plutôt vos forces.

M. Philippe Gosselin. Rassurez-vous, j’en ai encore beaucoup !

M. le président. Si vous me dites que vous avez reçu ce mail avant que la séance ne commence, à quinze heures, j’en prends acte, monsieur le rapporteur.

Je tenais toutefois à préciser que pour le bon fonctionnement de notre assemblée, il faut éviter que des mails ou tout autre mode d’intervention n’interfèrent avec les débats en séance.

M. Michel Piron. Il faut se garder du lobbying en effet !

M. le président. Et cela est valable pour l’ensemble de nos collègues. Je me contente de rappeler une exigence essentielle, voulue non seulement par le président de notre assemblée mais par la conférence des présidents, pour assurer le bon déroulement de nos travaux.

La parole est à Mme Michèle Tabarot, présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

Mme Michèle Tabarot, présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Monsieur le président, M. Brard a passé la journée à présenter les mails qu’il recevait pour insulter tour à tour les membres du Gouvernement, le rapporteur et ses collègues de l’UMP alors que M. le rapporteur évoque pour la première fois un mail qu’il a reçu dans le courant de la journée. Dès lors, j’estime que ce rappel à l’ordre est un peu difficile à accepter.

Nous avons été d’une patience exemplaire avec M. Brard. J’espère, monsieur le président, que vous vous montrerez tout aussi patient et ouvert à l’égard de M. le rapporteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Madame la présidente, permettez-moi de vous répondre à mon tour…

M. Philippe Gosselin. Honnêtement !

M. le président. …en toute honnêteté. Les mails reçus pendant la séance et lus sur un appareil électronique ne sont pas de même nature que les mails imprimés sur papier, forcément reçus avant le début de la séance, comme ceux lus par M. Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je suis de la vieille génération !

M. le président. C’est d’ailleurs bien ce qu’il a précisé.

Madame la présidente, avec toute l’estime que j’ai pour vous et tout le respect que j’ai pour votre fonction, je vous rappelle qu’il s’agit du mode de fonctionnement de notre assemblée tel qu’il a été arrêté par la conférence des présidents, sous la responsabilité du président Accoyer. Je suis non seulement en droit mais en devoir de le faire respecter. Tout le monde est traité de la même façon et parfaitement honnêtement, je le précise à mes collègues de la majorité. Personne ne peut le contester, je crois.

Je rappelle encore une fois que citer des mails reçus en séance parce que le brouillage n’aurait pas fonctionné n’est pas admissible.

Cela dit, je considère que l’incident est clos.

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Deux poids, deux mesures !

M. le président. Je ne peux tolérer de tels propos ! J’applique le règlement loyalement, personne ne peut le contester.

Pour calmer les esprits, je suspends la séance pour cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures.)

M. le président. La séance est reprise.

M. Jean Mallot. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Mon rappel au règlement porte sur le déroulement de nos travaux, donc sur l’article 58, alinéa 1 et non sur l’article 58, alinéa 5, dont chacun sait qu’il n’est utilisé que par une seule personne dans notre hémicycle !

Je regrette, tout d’abord, que la présidence de séance ait été, évidemment à tort, mise en cause tout à l’heure.

M. Patrick Bloche. C’est sûr !

M. Jean Mallot. Je m’associe, ensuite, monsieur le président, à la position que vous avez rappelée, mais nous vivons en 2009. Nous recevons effectivement des messages électroniques dans nos bureaux, sur nos ordinateurs, sur nos BlackBerry, et autres appareils.

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Pas de publicité !

M. Jean Mallot. Vous allez comprendre pourquoi j’ai cité ce nom. Dans cet hémicycle, pour des raisons faciles à comprendre, il existe un système de brouillage. La plupart des téléphones portables et autres sont brouillés et nous sommes en quelque sorte coupés du monde. Toutefois, certains appareils – celui dont j’ai prononcé le nom et d’autres sans doute –, s’affranchissent des barrières du brouillage. C’est une réalité. Le président Accoyer et le Bureau de l’Assemblée ont souhaité que nous ne puissions pas réagir instantanément à des messages que nous recevrions en quelque sorte en direct. Il est certes possible que les uns et les autres impriment dans leur bureau un message électronique et en fassent état dans le débat, comme ils le feraient pour une note ou une fiche, ainsi que l’a précisé M. le ministre. Je ne sais pas si c’est le cas du message que M. Riester a lu tout à l’heure et je ne veux pas le savoir d’ailleurs.

M. Franck Riester, rapporteur. Je vais vous le dire !

M. Jean Mallot. Toutefois, il serait extrêmement regrettable que nous puissions, les uns et les autres, réagir en direct à des messages que nous recevrions dans cet hémicycle. La nature et la sérénité de nos travaux s’en trouveraient sérieusement affectées, et ce ne serait pas une bonne chose pour notre assemblée.

Je pense donc que la position rappelée par le président est la bonne et nous devons nous y tenir.

M. Jean-Pierre Brard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Franck Riester, rapporteur. J’ai reçu ce mail en début de matinée. Je regrette d’avoir dit que je venais de le recevoir, car tel n’était pas le cas.

M. Jean-Pierre Brard. C’est un manque de précision !

M. Franck Riester, rapporteur. C’est effectivement un manque de précision.

De plus, j’ai préféré le garder sur mon BlackBerry plutôt que de l’imprimer parce que je suis très sensible au développement durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Martine Billard. Dans ce cas, mieux vaudrait renoncer au BlackBerry, très énergivore !

M. le président. Monsieur le rapporteur, monsieur le député Jean Mallot, ce fut l’occasion pour nous de préciser l’article 14 de notre règlement.

M. Franck Riester, rapporteur. Je suis d’accord avec vous.

M. le président. Il peut arriver qu’on manque de précision en s’exprimant. Effectivement, monsieur le rapporteur, vous avez dit, et je vous cite : « Je viens de recevoir ».

M. Franck Riester, rapporteur. Je le reconnais, monsieur le président.

M. le président. Sans quoi, je ne vous aurais pas rappelé à l’ordre.

Mme Michèle Tabarot, présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. L’incident est clos.

M. Franck Riester, rapporteur. Mea culpa !

M. le président. Vous auriez alors fait état d’une correspondance reçue bien avant le début de nos travaux.

Cela nous a permis de rappeler que l’article 14 est essentiel et que, comme l’a précisé Jean Mallot, nos débats doivent être sereins et ne pas se dérouler sous la pression de l’opinion publique.

M. Franck Riester, rapporteur. Je suis d’accord !

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Mon rappel au règlement, fondé sur l’article 58-1, s’inscrit tout à fait dans le droit-fil de ce qui vient d’être dit. L’incident est clos. Très bien !

En revanche, il appartiendra au Bureau de préciser les modalités réelles d’utilisation des ordinateurs portables prévues à l’article 14, alinéa 3. Il y est, en effet, précisé que les communications électroniques et les communications publiques en ligne sont autorisées. Il faudra peut-être assortir cette disposition de quelques conditions.

Nous devrons tout de même accepter l’entrée de quelque modernité dans cette enceinte. Si je pense effectivement que nos discussions ne doivent pas être sous l’influence immédiate de l’opinion publique, nous avons toutefois des comptes à lui rendre, et nous ne devons donc pas non plus tomber dans l’hypocrisie : un collaborateur pourrait tout aussi bien apporter un mail de l’extérieur. Il convient donc d’utiliser avec discernement l’article 14, alinéa 3.

M. le président. Mon cher collègue, l’article 14 est effectivement ainsi rédigé et il appartiendra au Bureau d’apporter très prochainement des précisions. C’est ce qu’il devrait faire, en principe, dès la rentrée parlementaire.

Tout est donc rentré dans l’ordre.

Article 1er bis (suite)

M. le président. Nous en revenons à l’examen de l’amendement n° 859.

Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je ferai une réponse globale. Nous parlions de BlackBerry, mais vous faites, en réalité, une blacklist, comme dirait Mme Lagarde en français !

Monsieur le ministre, je redoute fort que pendant votre trop bref séjour à la Villa Médicis, où vous êtes déjà regretté, vous ayez bénéficié, si j’ose dire, des ondes vaticanes et que vous établissiez une sorte d’index à l’envers : avec le label, il y aura les bons, donc, par soustraction, – ce qui prouve qui vous êtes dans la modernité –, il y aura les mauvais ! Un véritable problème se pose.

Quant à Mme Tabarot, je pense qu’elle a confondu insulter avec brocarder, ironiser. Parfois, il faut appuyer là où ça fait mal. L’humour – le brocard – vise l’esprit, ce qui peut faire plus mal que la violence physique, j’en conviens volontiers !

Concernant les propos de M. le rapporteur sur son vidéoclub, je raisonnerai par analogie. Depuis quinze jours, il y a du vent ; depuis quinze jours, l’épidémie de grippe s’étend ; cela prouve que la grippe est diffusée par le vent. C’est bien l’amalgame que vous avez fait entre la réduction du chiffre d’affaires de votre vidéoclub et le téléchargement. Vous êtes en plein sophisme, monsieur le rapporteur ! Convenez-en afin de ne pas tomber dans le ridicule !

Vous constaterez, madame Tabarot, que je ne me situe pas dans l’insulte, mais que je fais preuve d’humanité vis-à-vis du rapporteur.

(L'amendement n° 859 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 860 rectifié.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Cet amendement porte sur l’avant-dernier alinéa de l’article L. 331-23 du code de la propriété intellectuelle, qui prévoit les expérimentations sur les technologies de filtrage. Nous avons déjà dit notre désaccord sur le développement des technologies de filtrage et l’obligation d’installation de logiciels de sécurisation sur les postes des internautes.

Peut-être Mme la ministre pourra-t-elle apporter une précision puisque, dans ses précédentes fonctions, elle a dû être confrontée à cette tentative de développement d’outils de filtrage pour lutter contre la pédophilie en ligne. Il semble finalement que, dans un certain nombre d’affaires, la réussite de nos services de police soit davantage due à l’infiltration dans les réseaux ou à la surveillance des réseaux en ligne qu’au développement d’outils de filtrage, dont l’expérience a démontré qu’ils étaient inefficaces et très coûteux pour très peu de résultats. À la croyance dans la superpuissance de ces outils technologiques, il est donc apparu préférable de s’en tenir aux bonnes vieilles méthodes de police qui ont fait leurs preuves !

Si ces nouvelles technologies ne permettent pas de lutter contre la criminalité en matière de pédophilie, je ne vois pas très bien comment cela pourrait être possible s’agissant des droits d’auteur.

J’ajouterai une brève remarque sur les vidéoclubs évoqués par M. le rapporteur. Vous devriez répondre à votre internaute, monsieur le rapporteur, que le développement de la vidéo à la demande en ligne qui, je le crois, est un souhait du Gouvernement et du ministre de la culture, tuera également les vidéoclubs. Il est vrai qu’au moment où nous avons discuté de la loi DADVSI, les représentants des vidéoclubs s’étaient beaucoup mobilisés et nous avaient adressé des courriers pour signaler que leur profession était en danger. Depuis, ils ont pratiquement disparu et personne n’a tellement pleuré sur leur sort. C’est dommage, parce que ce sont effectivement des emplois en moins, mais c’est aussi la transformation, à un moment donné, des types de distribution.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Avis défavorable. Nous avons souvent évoqué ce sujet lors de nos débats sur HADOPI 1. Si les parties aux accords de l’Élysée ont convenu que le filtrage n’était pas aujourd’hui une technologie mûre – nous ne l’avons d’ailleurs pas inscrit dans notre projet de loi –, elles ont toutefois préconisé qu’HADOPI puisse avoir une mission de veille technologique sur ces nouvelles technologies, ce qui est une bonne chose. Il est essentiel de maintenir cette mission spécifique à l’HADOPI.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. Avis défavorable. M. le rapporteur a dit l’essentiel.

(L'amendement n° 860 rectifié n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 823 rectifié.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai également l’amendement n° 855 rectifié. J’espère que vous ne serez pas trop sévère, si je dépasse mon temps de parole de dix secondes, puisqu’on y gagnera au total !

M. le président. J’essaie de faire respecter l’esprit qui doit régner et de veiller à ce que clarté préside dans vos exposés !

M. Jean-Pierre Brard. Je suis d’accord pour que vous me répondiez, mais cela m’a déjà pris vingt secondes, monsieur le président ! (Sourires.)

M. le président. Défendez donc vos deux amendements, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Le filtrage des contenus sur internet est, par définition, une atteinte grave à la neutralité du net. Ce principe est pourtant essentiel, car il est la base du modèle de développement d'internet tel que nous le connaissons aujourd'hui. C'est de cette neutralité du net que nous viennent les bénéfices sociaux, économiques et culturels d'internet, ainsi que son modèle d'innovation.

Selon ce principe de neutralité, lorsque de l'information transite par le net, aucune discrimination n'est appliquée en fonction de l'émetteur, du destinataire, ou de la nature de l'information transmise.

En mettant en place le filtrage des contenus, notamment dans l'article 4 de la loi LOPPSI, vous avez choisi d'ouvrir la boîte de Pandore qui transformera internet en une sorte de « sous-internet » contrôlé par l'État. Il s'agit ni plus ni moins que d'un retour au Minitel, d'un mélange entre le Minitel et l'internet chinois !

Ainsi, le Président de la République tente-t-il de venir à bout du plus formidable outil pour la diffusion et le partage de la connaissance jamais inventé ! En réalité, le Président a peur de ce formidable contre-pouvoir qu'est internet, comme l’a démontré le référendum sur le traité constitutionnel, car la propagande de l’Élysée y est inopérante !

Monsieur le rapporteur, madame, monsieur les ministres, acceptez au moins ces amendements de bon sens afin que la CNIL, dont vous n’avez de cesse de réduire le pouvoir comme peau de chagrin, puisse remplir sa mission de protection de la vie privée de nos concitoyens.

Vous voyez bien, monsieur le ministre, que ce n’est pas sans lien avec cette sorte de centre de rétention pour internautes sélectionnés que j’avais évoqué. Vous n’avez d’ailleurs toujours pas répondu, et j’ai cru voir tout à l’heure que vous aviez perdu un peu de votre modération.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Franck Riester, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. Pour vous, monsieur Brard, ma modération sera toujours sans limites. (Exclamations sur divers bancs.)

Mme Martine Billard. Il en a de la chance ! C’est de la discrimination.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. Pour vous aussi, madame Billard. Avec ma grand-mère, nous vous saluons, avec l’adolescent de Montceau-les-Mines également. Ce sont de vieilles histoires entre nous, madame Lebranchu. Cela fait déjà deux jours que nous sommes ensemble. (Rires.)

Nous avons déjà répondu sur ce point à propos de l’amendement n° 860 rectifié. Quant à la CNIL, ce n’est ni sa fonction, ni son travail, ni en somme, de manière plus familière, son boulot. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. Je veux d’abord vous remercier, monsieur le ministre, pour l’adolescent de Montceau-les-Mines.

Il y a des pays qui ont relativement bien réussi dans la technologie du filtrage : la Chine, l’Iran, l’Ouzbékistan et un certain nombre de grandes démocraties contemporaines… Vouloir que la France expérimente cette technologie est tout de même on ne peut plus inquiétant.

M. Sébastien Huyghe. Fantasme sécuritaire !

M. Didier Mathus. Cela relève par ailleurs d’une illusion technologique absolue. On sait d’ores et déjà qu’aucun des outils mis en place n’est technologiquement fiable et on vient d’en avoir un tout dernier exemple.

Extelia a été l’attributaire de l’appel d’offres pour les mécanismes d’avertissement et de sanction de l’HADOPI – puisque c’est une société privée qui va sous-traiter toute la mécanique de l’HADOPI. Or, selon une dépêche, un internaute a démontré aujourd’hui sur Twitter que le site d’Extelia n’était pas sécurisé, qu’il avait réussi à injecter du code dans le moteur de recherche, qu’il avait modifié les pages et exécuté des scripts sur le site. Autrement dit, la société chargée de sanctionner les manquements à la sécurité des internautes n’est même pas capable de sécuriser son propre site !

M. Jean Mallot. On est bien parti !

M. Jean-Pierre Brard. C’était l’entreprise la moins-disante ?

M. Didier Mathus. C’est vous dire que tout cela est une aimable plaisanterie technologique qui n’a aucune chance de s’inscrire dans la réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L’amendement n° 823 rectifié n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 855 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 178.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. En fait, ce que nous souhaitons, c’est faire faire des économies à l’HADOPI. Il ne sert à rien de se lancer dans des expérimentations qui ne peuvent pas aboutir, parce que, avec le filtrage, c’est tout ou rien.

Vous pouvez tout bloquer, et encore, sans garantie : les logiciels anti-spam ou anti-virus ont beau être mis à jour constamment, quasiment tous les jours, il n’y a pas de sécurité absolue. Les spams, ce n’est pas dramatique, mais des millions de spams par minute et peut-être même par seconde, cela pollue énormément et cela a des conséquences sur le débit d’internet. Bien que des services de sécurité travaillent sur ces logiciels anti-spam, anti-virus ou anti-trojan, il y en a constamment de nouveaux qui sont envoyés. Cela dit, il est intéressant d’empêcher le développement des spams et des virus.

Mais le filtrage que vous voulez, c’est pour essayer d’empêcher la diffusion sur internet d’un certain nombre d’œuvres. La seule chose dont nous sommes sûrs pour l’instant, c’est qu’il y aura un marquage, mais il ne concernera qu’un nombre d’œuvres très limité, introduisant donc une discrimination entre auteurs et ne garantissant les droits patrimoniaux que d’une minorité. En résumé, vous allez utiliser un marteau pour taper sur une mouche.

M. Jean Mallot. Ce n’est pas facile !

Mme Martine Billard. Il convient au moins, c’est un amendement de repli, d’évaluer le caractère intrusif de telles pratiques dans les ordinateurs des internautes.

(L’amendement n° 178, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 846 rectifié.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Nous demandons que la Haute autorité rende compte dans son rapport annuel des principales évolutions constatées en la matière, notamment pour ce qui regarde l’efficacité de telles technologies et l’absence de faux positifs.

L’exemple que vient de donner Didier Mathus est très significatif. Nous avons été nombreux, parmi ceux qui ont participé à l’examen de la loi HADOPI 1, à recevoir des faux mails au nom de l’HADOPI. Comme nous avions participé au débat, nous savions que ce n’était pas encore possible, mais vous voyez bien que c’est faisable à terme.

Si l’on arrive à la conclusion qu’il est impossible de ne pas avoir un taux de faux positifs élevé, mieux vaut arrêter immédiatement les expérimentations plutôt que de continuer à faire des dépenses inutiles.

(L’amendement n° 846 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 824 rectifié.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Toujours pas de réponse sur le centre de rétention pour internautes. Après, c’est comme un disque rayé. C’est une vieille technologie, mais ça marche très bien.

J’en viens à mon amendement.

Vous avez prévu dans la loi Création et internet, que l’HADOPI puisse mener des expérimentations en matière de technologie de reconnaissance et de filtrage des contenus.

L’amendement proposé vise à faire en sorte que ces expérimentations soient menées dans le respect de l’intérêt général. En effet, en mettant en place des techniques de filtrage, nous mettons en danger le principe de la neutralité du net, principe selon lequel l’information doit circuler sans entrave ni discrimination sur les réseaux. Il s’agit là d’un principe essentiel, qui a présidé au développement d’internet pour en faire la formidable technologie que nous connaissons aujourd'hui.

En prévoyant des expérimentations en matière de filtrage des contenus, vous avez donc ouvert la porte à la fin du net tel que nous le connaissons : un espace de liberté où citoyens et innovateurs peuvent laisser libre court à leur créativité. Et vous laissez entrevoir un contrôle de l’internet qui mettrait notre pays sur la voie des régimes autoritaires cités par Didier Mathus.

Aussi, à défaut d’obtenir le retrait de ces dispositions, nous proposons de les encadrer pour s’assurer, entre autres choses, que les droits fondamentaux des citoyens, notamment le droit au respect de la vie privée ou la liberté d'expression, sont respectés, que ces technologies n’empêchent pas les usages légaux des œuvres culturelles, notamment dans le cadre de l’exercice du droit à la copie privée, que ces expérimentations de techniques de reconnaissance et de filtrage ne représentent pas un coût disproportionné pour le contribuable.

Il s’agit simplement de faire en sorte d’éviter les dérives dans l’expérimentation de ces techniques, qui pourraient avoir des conséquences désastreuses sur le long terme.

Nous savons que de tels dispositifs de filtrage sont envisagés dans le cadre d’autres projets législatifs. Il faut protéger nos espaces de liberté.

(L'amendement n° 824 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’amendements identiques, nos 204 à 212.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour défendre l’amendement n° 204.

M. Patrick Bloche. Nous voulons essayer de comprendre pourquoi ce que nous avons voté il y a à peine deux mois fait aujourd’hui l’objet de modifications, de manière très paradoxale d’ailleurs.

À l’alinéa précédent, nous avons essayé de maintenir le fait que les règles dites de moralité et de déontologie auxquelles doivent souscrire les agents assermentés de l’HADOPI sont fixées par décret en Conseil d’État. Vous ne nous avez pas suivis, nous le regrettons.

Nous discutons maintenant de l’alinéa 3.

Il était prévu dans HADOPI 1 que les pouvoirs des agents assermentés de l’HADOPI, et donc de la commission de protection des droits, soient clairement encadrés. Il était souligné en l’occurrence que les mesures prises par la commission de protection des droits sont limitées à ce qui est nécessaire pour mettre un terme au manquement à l’obligation définie à l’article L. 336-3.

Vous supprimez cette disposition. Il n’y a donc plus de limite au champ d’action des agents assermentés de l’HADOPI.

C’est d’autant plus ennuyeux que, parallèlement, vous accroissez considérablement leurs pouvoirs, notamment avec les prérogatives de police judiciaire que vous leur accordez. Faut-il rappeler que les agents assermentés de l’HADOPI seront saisis par les ayants droit, seront amenés à examiner les faits qui leur sont transmis, à obtenir tous les documents et informations nécessaires, notamment auprès des FAI, et à procéder bien sûr aux auditions des internautes ?

Nous ne comprenons donc pas comment vous avez pu ainsi faire exploser ces limites raisonnables.

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus, pour défendre l’amendement n° 206.

M. Didier Mathus. C’est tout de même l’un des changements les plus importants entre HADOPI 2 et HADOPI 1, le fait que des pouvoirs de police judiciaire soient donnés aux agents de la commission de protection des droits, dans une sorte de flou juridique qui ne laisse pas de nous inquiéter.

On voit bien qu’HADOPI 2 a été construit à partir de la décision du Conseil constitutionnel, mais dans des conditions d’improvisation telles que l’on a un projet de loi extrêmement incertain, aux contours juridiques assez troubles, ce qui risque d’entraîner de très nombreux contentieux.

Il est important que la loi soit écrite clairement et que les prérogatives de chacun soient fixées de façon précise, notamment celles de l’HADOPI en général et de la commission de protection des droits en particulier, dans la mesure où leur sont attribués un certain nombre de pouvoirs de police judiciaire.

Les très nombreuses approximations de ce projet de loi nous inquiètent beaucoup et nous renvoient à la réflexion que nous avons tous sur la loi, sur l’esprit des lois, sans paraphraser Montesquieu.

M. Jean-Pierre Brard. C’est permis !

M. Didier Mathus. Oui, ce n’est pas forcément une référence secondaire.

Moi, je ferais plutôt appel à Burke, qui disait que les mauvaises lois sont les mères de la tyrannie. Quand une loi est à ce point imprécise, approximative, et manque de clarté juridique, c’est toujours un mauvais chemin pour la démocratie.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire, pour défendre l’amendement n° 207.

M. Jean-Louis Gagnaire. Nous avons à maintes reprises expliqué qu’il y avait beaucoup d’improvisation pour faire passer cette loi avant l’été. L’OVNI juridique dont on parle mérite tout de même qu’on apporte un certain nombre de précisions. Comme j’ai eu l’occasion de le dire sur plusieurs amendements, il s’agit de garantir un minimum de droits aux internautes. On ne peut évidemment pas laisser l’HADOPI totalement libre d’agir sans respecter un minimum de règles judiciaires.

Cet amendement vise donc à préciser les choses, car je crois qu’on n’en fera jamais trop sur ce plan. Encore une fois, nous ne sommes pas contre les artistes. Il s’agit de concilier les intérêts des uns et ceux des autres, et on ne saurait les opposer les uns aux autres.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l’amendement n° 209.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Notre collègue Didier Mathus a eu raison de dire que l’imprécision des lois était un danger. En l’entendant, je faisais le lien avec ce qu’a dit M. le ministre au sujet des sections spéciales. De nombreuses analyses considèrent que celles-ci sont nées d’abord grâce à des imprécisions juridiques, c’est-à-dire au fait que les lois, que les textes qui régissaient les codes n’ont pas eu à être modifiés et ont pu être utilisés d’autant plus facilement que des imprécisions existaient.

Il se tient actuellement à Wolfenbüttel, en Allemagne, une exposition qui défend la même analyse s’agissant de l’action de la justice allemande à l’arrivée du nazisme. Les concepteurs de cette exposition montrent, d’une manière intellectuellement très forte, de quelle manière la loi, par son imprécision, a permis au processus de prendre, dans un premier temps, une forme légale. Les Allemands démontrent ainsi la pertinence d’écrire des lois précises en signalant ce danger qui doit être prévenu par toute démocratie. Nous ne nous trouvons certes pas dans une situation comparable, mais il n’en reste pas moins que la précision de la loi est l’assurance la plus certaine que cette dernière sert la démocratie.

Dans le cas présent, ce qu’il y a de singulier, c’est qu’à la suite de la censure du Conseil constitutionnel, vous supprimez les dispositifs de protection et d’encadrement de l’HADOPI. D’un seul coup, la Haute autorité, décalée par rapport aux obligations d’autorité judiciaire que vous tentiez de lui donner, est devenue une sorte d’OVNI, une autorité administrative sans cadrage.

Nous souhaitons donc maintenir les garanties dont le fonctionnement de l’HADOPI doit être assorti, et tel est le sens de ces amendements, qui, en précisant la loi, la rendront à la fois plus équitable et moins contestable.

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour soutenir l’amendement n° 211.

Mme Marylise Lebranchu. Il y avait dans la loi HADOPI 1 un article qui complétait bien les choses, parce que tous avaient fait le choix de la précision, y compris le rapporteur et les ministres. À cet égard, je ne résiste pas au plaisir de lire ce que disait alors le rapporteur Franck Riester : « Une fois encore transparaît à travers ces dispositions un souci d’adjoindre à l’HADOPI, et plus particulièrement à sa commission de protection des droits, des personnels le plus responsables et le plus professionnels possible ». Il défendait l’intégralité de l’article tel qu’il était rédigé.

Je n’ai qu’une seule question à poser : que gagnons-nous à supprimer, par cette nouvelle rédaction, l’encadrement du dispositif par l’autorité judiciaire ? Je souhaiterais que la ministre me dise ce que nous gagnons en efficacité juridique à cette nouvelle rédaction, dans la mesure où la précédente avait été si brillamment défendue dans le cadre d’HADOPI 1. Nous n’avons pas la réponse à cette question.

M. le président. La parole est à Mme Monique Boulestin, pour soutenir l’amendement n° 212.

Mme Monique Boulestin. Nous pouvons en effet nous demander ce qu’apportera cette nouvelle loi, en particulier l’élargissement du champ d’action des agents, certes assermentés, de l’HADOPI.

La procédure mise en place va être génératrice de dérives et de contentieux. Elle est contraire au droit français et dangereuse pour les libertés individuelles. Je ne peux à cet égard que répéter ce que des associations, en particulier l’UFC-Que Choisir, ont récemment dénoncé : un texte présenté « dans sa version la plus répressive ».

Enfin, nous pouvons nous demander quelle valeur la France accorde aux positions des eurodéputés, qui ont récemment exprimé leur désaccord sur l’ensemble de cette loi HADOPI 2.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Franck Riester, rapporteur. Les eurodéputés s’étaient prononcés, notamment avec l’amendementBono, pour que ce soit l’autorité judiciaire qui prononce la sanction de suspension de l’accès internet. C’est ce qu’a dit le Conseil constitutionnel et ce que nous mettons en place par le biais de ce projet HADOPI 2. Je ne vois donc pas du tout sur quoi portent vos interrogations.

Tout sera encadré par la procédure pénale. En confiant les pouvoirs de police judiciaire à l’HADOPI, la loi place automatiquement les agents de celle-ci dans le champ d’application des articles 12 et suivants du code de procédure pénale. Leur action sera nécessairement menée sous la direction, le contrôle et la surveillance du procureur de la République, du procureur général et de la chambre de l’instruction, en application de ces articles. Il n’y a donc aucune nécessité de rédiger le texte tel que le proposent les amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Ce qui a changé, c’est que l’on est passé d’un système dans lequel la sanction était une contravention prononcée par une autorité à un cadre délictuel dans lequel toute la procédure est contrôlée par le juge. Nous sommes dans la logique même du Conseil constitutionnel, et je vous rappelle tout de même que c’est vous qui êtes à l’origine du recours devant ce dernier, recours dans lequel vous contestiez la formule antérieure que vous faites maintenant semblant de regretter. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Dans la logique à la fois du Conseil constitutionnel et de notre conception de la protection des libertés, nous plaçons l’ensemble de la procédure sous le contrôle du juge, ce qui implique par ailleurs l’allégement d’un certain nombre de procédures ou de contraintes qui étaient normales lorsqu’il s’agissait d’un prononcé par une institution non judiciaire, mais qui ne le sont plus dès lors que tout est contrôlé par le juge.

M. Franck Riester, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Madame la garde des sceaux, il n’y a aucune confusion dans notre esprit. Nous nous félicitons de la décision du Conseil constitutionnel puisque c’est nous qui l’avons saisi, avec un argumentaire très largement étayé par ce que nous avions soutenu dans l’hémicycle. Le Conseil n’a d’ailleurs même pas eu besoin de regarder l’ensemble de nos éléments de recours pour statuer et prononcer la censure.

Nous sommes d’accord également sur la nature de ce qui a changé : le rappel qu’une autorité administrative ne peut prononcer de sanctions judiciaires vous place dans l’obligation de faire fonctionner la Haute autorité à partir de ce qui n’a pas été censuré par le Conseil ; et je reconnais que c’est difficile, parce que vous avez construit une machine complexe, quelque chose de particulier qui n’est ni la HALDE ni aucune autre structure existante.

Vous évoquez des prérogatives de police judiciaire. Sur ce point, je pense que nous aurons à nous retrouver, peut-être devant le Conseil constitutionnel, parce que nous pensons que vous vous engagez à nouveau sur un chemin qui n’est pas celui que ce même conseil a considéré être le bon pour l’HADOPI.

À partir du moment où celle-ci n’est plus une autorité judiciaire et ne prononce plus de sanctions, il faut bien encadrer son fonctionnement, ses modalités de convocation et autres, qui ne relèveront pas de l’encadrement du procureur de la République. La difficulté tient à ce que vous lui donnez des instruments qui sont ceux d’une autorité judiciaire alors même que vous reconnaissez que le Conseil constitutionnel ne lui a pas conféré de compétences de cette nature et qu’elle n’aura plus pour seule mission que de réunir des éléments de fait.

(Les amendements identiques nos 204 à 212 ne sont pas adoptés.)

(L’article 1er bis est adopté.)

M. Jean Mallot. Je demande la parole pour un rappel au règlement, sur le fondement de l’article 58, alinéa 1, et de l’article 41.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer le problème ; je ne serai donc pas trop long, monsieur le président.

Si vous consultez le feuilleton de notre assemblée à la date d’aujourd’hui, mercredi 22 juillet, vous constaterez que la commission des finances a commencé ses travaux à seize heures trente pour auditionner M. Woerth sur les moyens de lutter contre les paradis fiscaux. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Richard Mallié. Arrêtez ! Qui est le président de la commission ?

M. Jean Mallot. Vous conviendrez avec moi que c’est un sujet extrêmement important. Certains de nos collègues sont encore en commission. Celle-ci n’aurait pas dû se réunir à ce moment-là.

M. le président. Monsieur Mallot, sans vouloir être désagréable avec vous, je crois que vous nous avez suffisamment expliqué la chose et que nous avons compris que vous étiez en complet désaccord avec le fait que l’article 41 n’ait pas été respecté. Je vous ai déjà indiqué que c’était tout à fait exceptionnel et que cela ne se reproduirait plus, le Gouvernement et la conférence des présidents s’y étant engagés.

M. Jean Mallot. C’est un sérieux problème !

Article 1er ter

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits à l’article 1er ter.

La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. HADOPI 2, comme certains l’appellent, est le volet « sanction » du dispositif de la loi Création et Internet. Il ne peut en être autrement : on n’a jamais vu une loi qui ne soit pas assortie de sanctions ; il n’y a pas de responsabilité autrement.

Cependant, vous savez bien, mes chers collègues, qu’il s’agit d’un ensemble beaucoup plus vaste, dont l’élément le plus important est le volet pédagogique. Il n’y a nul souhait à l’UMP de voir survenir une avalanche de sanctions, un « abattage » ou une « justice expéditive », comme cela a été tant de fois martelé. Nous avons tous à l’esprit qu’internet est un outil formidable, mais cet outil doit en même temps se concilier avec certaines règles, dont l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Dans le cadre de ce volet lié aux sanctions, l’article 1er ter met en avant un aspect pédagogique. Il s’agit en effet d’informer les internautes des sanctions qu’ils peuvent encourir, et ce dans un but à la fois pédagogique et dissuasif, pour éviter justement d’avoir à utiliser la sanction.

Nous voyons donc bien, une fois de plus, que la démarche n’est pas la réprimande ou la sanction à tout prix, mais qu’au contraire, le Gouvernement et la majorité souhaitent pleinement développer la pédagogie. La base de celle-ci, c’est de bien faire connaître la sanction, pour éviter qu’elle ne s’applique.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Le Sénat, sur suggestion de sa commission des affaires culturelles, en réminiscence sans doute de la « pédagogie dissuasive » de l’HADOPI, avez-vous dit si longtemps – même si nous avons basculé dans le tout-répressif –, a souhaité que les personnes recevant des recommandations de la Haute autorité soient averties des sanctions dont nous discutons actuellement, notamment du fait qu’elles pouvaient voir leur connexion internet suspendue jusqu’à un an pour téléchargement illégal ou contrefaçon et jusqu’à un mois pour négligence caractérisée, en raison d’un défaut de sécurisation de leur connexion internet.

Dans la même démarche, il a été prévu de compléter les informations que devront comprendre les contrats des fournisseurs d’accès à internet. En plus des sanctions pénales et civiles encourues en cas de violation du droit d’auteur, les personnes seront également informées de la possibilité d’une contravention assortie de la suspension de l’accès à internet en cas de négligence caractérisée.

Il est bon d’informer les internautes, notamment des sanctions qui pèsent sur eux, dans ce qui demeure, de notre point de vue, une présomption de culpabilité.

Cela dit, il nous semble essentiel, pour prendre en compte la décision du Conseil constitutionnel, les droits de la défense et le principe même de la procédure contradictoire, que nos concitoyens soient informés des voies de recours, des moyens de se défendre pour faire valoir leur bon droit. Tel est l’objet des amendements que nous présenterons à cet article. En l’état, celui-ci est très incomplet, ce qui traduit bien la démarche que vous suivez dans ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. L’article 1er ter concerne les fameux avertissements. Tout le monde a compris qu’ils seront formulés par des sociétés privées – que je n’ose plus qualifier précisément, même si M. Copé est parti –, une sorte de brigade privée de la répression numérique.

M. Philippe Gosselin. Ce n’est donc pas une milice !

M. Didier Mathus. Cette brigade va dire à l’HADOPI à qui il faut envoyer les mails d’avertissement. Sur quelle base seront-ils établis ? La question est d’autant plus délicate qu’ils seront, je le rappelle, en nombre considérable. La précédente ministre avait évoqué le chiffre de 10 000 avertissements par jour, soit tout de même 3 650 000 par an. Excusez du peu ! Un tel dispositif générerait annuellement environ 50 000 procédures. On voit bien là le caractère industriel de l’HADOPI.

De plus, il faut savoir comment seront tracés les internautes. Nous avons eu quelques éclaircissements lors des débats au Sénat : cette brigade de répression numérique, ou milice numérique (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Gosselin. Allons !

M. Didier Mathus. …– comment doit-on l’appeler ? –, va s’appliquer à surveiller les téléchargements de 10 000 fichiers musicaux et de 1 000 films. C’est extrêmement peu par rapport aux centaines de milliers de fichiers mis à disposition sur internet. Cela veut dire que le système va protéger ceux qui n’ont pas besoin de l’être, les plus gros.

M. Marcel Rogemont. Johnny Hallyday !

M. Didier Mathus. Une étude universitaire récente l’a démontré : les plus gros sont les plus téléchargés, mais aussi ceux qui vendent le plus de disques. Les deux vont ensemble. Toutes les études ont en effet montré que les gens qui ont une forte appétence vis-à-vis du téléchargement numérique sont aussi de gros consommateurs culturels. On s’apprête donc à établir un régime à deux vitesses : la protection pour les artistes qui n’en ont pas besoin, et rien pour les autres.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. L’article 1er ter décrit les premières démarches qu’entreprendra, en cas d’infraction, la commission de protection des droits de l’HADOPI. Elle pourra envoyer une recommandation lorsqu’elle sera saisie de faits susceptibles de constituer un manquement à l’obligation définie à l’article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle. Le Sénat a complété cette disposition en prévoyant que cette commission avertit la personne concernée des sanctions encourues en application des articles L. 335-7 et L. 335-7-1.

Cela me rappelle un message que j’ai reçu à mon adresse électronique de l’Assemblée nationale : « Notre système de régulation automatique a constaté des téléchargements illicites extraits notamment des connexions fournies par votre fournisseur d’accès internet ». Même si ce message s’est révélé faux, il y a là plus qu’un simple courrier d’avertissement, et le destinataire se demande ce qui se passe. Les mesures prises par la commission de protection des droits ne sont pas, elles non plus, anodines. Le principe de proportionnalité doit donc s’appliquer, et ce, d’autant plus que l’article 1er ter dispose que cette commission « peut » envoyer une recommandation, et qu’elle « peut » l’assortir d’une lettre remise contre signature. Il est vrai que notre commission des affaires culturelles a introduit une obligation en substituant au mot « peut », le mot « doit ».

Nous avons besoin d’obtenir des précisions sur cet article afin que le rôle de la commission de protection soit défini en cohérence avec les règles de base de nos procédures judiciaires. Tel est l’objet de nos amendements.

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Monsieur le rapporteur, dans l’élaboration d’un tel dispositif, il faut être très clair. Si on informe la personne incriminée des sanctions encourues, il faut aussi l’informer des voies de recours. Cela va de soi, et Mme la ministre va sûrement accepter l’amendement qui le prévoit. Toutes les voies de recours doivent être incluses dans toute information concernant une sanction possible.

Une remarque supplémentaire : nous sommes un certain nombre à recevoir des mails qui proviennent de notre fournisseur d’accès, mais nous sommes intimement convaincus qu’il s’agit de messages envoyés dans le cadre d’opérations malveillantes. Par prudence, nous n’ouvrons pas ces mails. Quand l’internaute reçoit un mail d’un expéditeur strictement inconnu, il y a de fortes probabilités qu’il ne l’ouvre pas non plus. C’est pourquoi la transmission par mail de l’avertissement m’a toujours inquiétée : de bonne foi, on peut ne pas l’ouvrir. J’avais déjà fait part de mon inquiétude à ce sujet lors du débat sur HADOPI 1.

Enfin, je rappelle que l’on peut être propriétaire d’une adresse IP en étant totalement étranger à certaines manœuvres dont celle-ci est l’objet.

M. Jean Mallot. Très juste !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On progresse (Rires sur plusieurs bancs du groupe UMP), mais sans que le Gouvernement ou M. le rapporteur y soient pour quelque chose.

Cet article montre une évolution par rapport à HADOPI 1, s’agissant des instruments dont la Haute autorité va se servir pour notifier la mise en cause du comportement d’un internaute. Nous avions déposé de nombreux amendements au texte initial, qui visaient à ce que la notification rappelle le type d’infraction que l’internaute était soupçonné d’avoir commis, les conditions dans lesquelles il pouvait être sanctionné et les voies de recours possibles. Ils avaient tous été écartés.

Après la décision du Conseil constitutionnel, on revient à nos propositions. Mais ce n’est pas le Gouvernement qui a introduit des dispositions précautionneuses, c’est le Sénat. Il a introduit ce nouvel article qui prévoit que le destinataire d’une recommandation soit informé des risques qu’il encourt à maintenir son comportement supposé frauduleux. Il est extraordinaire qu’il ait fallu autant de temps, après des décisions, des débats, la saisine du Conseil constitutionnel, puis un retour du texte devant le Sénat, pour obtenir que celui qui se voit notifier un reproche soit informé dans la lettre de notification des sanctions qu’il encourt. C’est incroyable !

M. le président. La parole est à Mme Monique Boulestin.

Mme Monique Boulestin. Avec HADOPI, on le voit bien, nous entrons dans un système nouveau. En effet, pour certains acteurs judiciaires, cette loi établit une véritable présomption de culpabilité. Cela n’est pas le fondement de notre droit. C’est pourquoi nous insistons sur la nécessité, dans la recommandation, qu’en sus de l’indication des sanctions qu’il encourt, l’internaute soit informé des voies de recours. On nous dit que l’internaute pourra faire appel, encore faut-il qu’il sache comment. C’est indispensable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Cet article, comme l’a dit Mme Boulestin, constitue un début de progrès en ce qui concerne le contenu informatif des e-mails avertissant les internautes des sanctions encourues. Mais ces messages risquent d’être considérés comme des spams par leurs destinataires. Ceux qui naviguent souvent sur internet et qui relèvent eux-mêmes leur courrier électronique savent qu’on reçoit énormément d’e-mails susceptibles d’être mis à l’écart lorsque l’ordinateur comporte un logiciel de sécurité suffisamment puissant. J’ai constaté que 500 à 600 spams sont ainsi bloqués sur mon ordinateur. Mais il faut les vérifier parce que ce type de logiciel bloque parfois de véritables messages. On ne peut donc pas considérer que l’envoi d’e-mails pour avertir les internautes des risques encourus soit suffisant puisque ces messages seront assimilés à des spams par certains logiciels. Au final, il y a un risque que tous les intéressés ne soient pas avertis, et de bonne foi.

Méfions-nous de l’automatisation de ce genre d’avertissement. Notre collègue Didier Mathus le rappelait : il va y avoir 10 000 e-mails par jour, soit 3 650 000 par an. Sommes-nous sûrs à 100 % que tous ces millions d’internautes auront été correctement avertis ? Bien sûr que non. Il suffit de fréquenter souvent internet et d’en avoir une bonne maîtrise pour se rendre compte que ce n’est pas une solution fiable.

Pour compléter ce qu’a indiqué Marylise Lebranchu, je confirme que, depuis quelques jours, circulent des e-mails censés provenir d’un opérateur historique, mais nous sommes persuadés qu’ils sont envoyés par des indélicats qui cherchent à obtenir des numéros de cartes bleues. On voit bien que nous sommes dans un système extrêmement mouvant et dangereux pour les internautes. Il faut prendre cela en compte.

M. le président. Nous passons à la discussion des amendements.

Je suis saisi d'un amendement n° 848.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. L’alinéa 2 de l’article 1er ter modifie l’article L. 331-26 du code de la propriété intellectuelle, qui prévoit que la commission de protection des droits peut envoyer une recommandation à la personne concernée, en le complétant par les mots : « et l’avertissant des sanctions encourues en application des articles L. 335-7 et L. 335-7-1 ». Notre amendement propose de supprimer la référence à l’article L. 335-7-1, car celui-ci crée la contravention pour négligence caractérisée.

Autant nous admettons qu’il est cohérent de proposer une sanction, à l’article L. 335-7, pour lutter contre le téléchargement abusif, autant nous sommes totalement opposés à la notion de négligence caractérisée. Nous avions déjà manifesté notre désaccord lors de l’examen d’HADOPI 1, à l’époque où cette notion était appelée « obligation de sécurisation de sa connexion ». La nouvelle expression est plus moralisatrice. Nous y reviendrons à l’article 3 bis, mais notre amendement vise, par souci de cohérence, à supprimer dès l’article 1er ter la référence à cette notion.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Défavorable, dans un même souci de cohérence. Nous serons défavorables à l’amendement de suppression de Mme Billard, car cet article permet d’informer les internautes qui recevront une recommandation des peines encourues tant pour le délit de contrefaçon que pour la négligence caractérisée. Comme nous sommes attachés au maintien de la négligence caractérisée, nous sommes défavorables à l’amendement de Mme Billard.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. En fait, vous voulez supprimer la contravention pour négligence caractérisée. On ne peut même pas discuter : on est évidemment contre. (Rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme Martine Billard. Si, on peut discuter, on est même là pour ça : on est à l’Assemblée nationale !

M. Marcel Rogemont. Le ministre de la communication fait dans la simplicité !

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. Dans le laconisme !

(L'amendement n° 848 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’amendements identiques, nos 213 à 221.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour défendre l’amendement n° 213.

M. Patrick Bloche. Monsieur le ministre de la culture, si vous ne répondez pas quand vous n’êtes pas d’accord, vous allez rester coi !

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. Je suis aussi ministre de la communication !

M. Patrick Bloche. Oui, ministre de la culture et de la communication, excusez-moi !

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. C’est bien, vous progressez !

Mme Martine Billard. Et de « l’incommunication ! »

M. Patrick Bloche. Et de la pénalisation des internautes. On peut vous rajouter des titres, si vous le souhaitez. Cela fera un peu ancien régime, mais je sens que c’est une atmosphère qui doit vous être agréable.

En l’occurrence, cet amendement pourrait vous permettre d’adresser un signe. Il s’agit d’informer l’internaute, par le biais de la recommandation, qu’il risque jusqu’à un mois de suspension de son accès à internet pour négligence caractérisée, c'est-à-dire pour avoir insuffisamment surveillé ou sécurisé sa connexion.

Dans ce domaine, la réponse ministérielle ne peut se limiter à « nous ne sommes pas d’accord ». C’est sans doute l’élément le plus discutable, le plus contestable de votre projet de loi. Déjà présent dans HADOPI 1, il a été conservé dans HADOPI 2.

Si un internaute reçoit une recommandation signalant des téléchargements illégaux sur sa connexion, qu’il débarque parce qu’il ne télécharge jamais et que cela s’est donc fait à son insu sur sa ligne internet, le bon sens est d’inscrire dans la loi qu’il sera aussi informé sur les moyens de se défendre. On doit aussi lui donner la marche à suivre pour qu’il puisse dire : « Ce n’est pas moi ; je n’ai jamais téléchargé de ma vie ; je veux prouver mon innocence. »

C’est l’esprit même de la décision du Conseil constitutionnel : assurer les droits de la défense.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert, pour présenter l’amendement n° 214.

M. Jean Gaubert. Monsieur le ministre, je voudrais compléter les propos de Patrick Bloche.

C’est vrai que je ne suis pas présent toute la journée mais, rassurez-vous, je serai là demain et vendredi sans doute aussi (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Nous aurons donc le temps de nous expliquer davantage.

M. Philippe Gosselin. Vous ne nous manquiez pas !

M. Jean Gaubert. Dans cet hémicycle que vous ne connaissez pas encore bien – mais vous ne demandez certainement qu’à apprendre –, nous avons l’habitude que des ministres ne se contentent pas de répondre : « je ne suis pas d’accord ».

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. Cela fait deux jours qu’on en parle !

M. Jean Gaubert. C’est une réponse simple, mais il s’agit aussi d’expliquer pourquoi on n’est pas d’accord. Je crois quand même que le débat mérite plus que cela, comme Patrick Bloche vient de le dire. Si vous êtes ici, à ces bancs, c’est parce qu’une précédente tentative a échoué, malgré des arguments assez semblables aux vôtres, parfois un peu plus développés,…

Mme Martine Billard. Défavorable ! Défavorable !

M. Jean Gaubert. …que nous avions contestés, comme le Conseil constitutionnel d’ailleurs.

Pour votre bonne information, je voudrais vous dire qu’un autre ministre venant de la société civile avait l’habitude de faire des réponses comme les vôtres, au cours de la mandature précédente. Il n’est pas resté très longtemps aux bancs du Gouvernement. Je voudrais donc vous encourager à faire des réponses un peu plus argumentées, ce serait certainement tout bon pour vous (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Des menaces ?

M. Sébastien Huyghe. Un peu de sollicitude !

M. Jean Gaubert. Je suis très heureux d’avoir pu vérifier que mes collègues de la majorité ne sombraient pas complètement dans l’apathie, et qu’il suffisait de quelques mots – de la référence à des faits que certains d’entre eux n’avaient peut-être pas vécus – pour qu’ils se réveillent.

M. Charles de La Verpillière. Nous sommes toujours là, et toujours plus nombreux !

M. Jean Gaubert. En tout cas, pour revenir au fond du débat, monsieur le ministre, l’essentiel est quand même de permettre à la personne mise en cause d’avoir un minimum de droits pour se défendre et être capable de faire la preuve de sa bonne foi. Cela ne me paraît pas être trop demander dans ce texte, sinon nous nous retrouverons pour un HADOPI 3 ou un HADOPI 4, jusqu’à ce qu’enfin le Gouvernement et le Président de la République aient pu comprendre.

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus, pour présenter l’amendement n° 215.

M. Didier Mathus. Nous sommes sur l’un des points névralgiques de ce projet de loi :..

M. Philippe Gosselin. C’est toujours névralgique !

M. Didier Mathus. …le délit de négligence caractérisée. Non seulement nous introduisons cette novation dans notre droit, mais en plus les internautes ne sont pas informés des voies de recours existantes – nous avons bataillé pour qu’elles soient maintenues et nous essayons d’en introduire d’autres.

Très franchement, cela ne coûterait pas très cher de les prévenir, puisqu’on leur envoie un mail dont le coût de production est assez résiduel. Qu’il fasse vingt-cinq lignes au lieu de dix ne changera pas fondamentalement l’économie du projet qui est déjà désastreuse : cette affaire va coûter 70 millions d’euros aux FAI, et très cher au ministère de la justice.

Soyons réalistes, pragmatiques. Madame la ministre et monsieur le ministre, qu’est-ce qui empêche que, dans le mail d’avertissement, les voies de recours soient indiquées aux personnes concernées ?

M. Franck Riester, rapporteur. Il n’y a pas de sanction !

M. Didier Mathus. L’exemple donné par Patrick Bloche est révélateur. Imaginez qu’une personne découvre le mail d’avertissement alors qu’elle n’est pour rien dans le téléchargement illégal – cela arrivera très fréquemment statistiquement. La moindre des choses est que l’on puisse l’informer, cela ne coûte rien. Je ne vois pas ce qui peut s’y opposer.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire, pour défendre l’amendement n° 216.

M. Jean-Louis Gagnaire. Je sais ce que va nous répondre le rapporteur : il n’y a pas de sanction à ce stade de la procédure.

M. Franck Riester, rapporteur. C’est bien, monsieur Gagnaire !

M. Jean-Louis Gagnaire. C’est parfaitement exact, mais nous sommes là pour essayer de prévenir les contentieux.

M. Didier Mathus, M. Patrick Bloche et Mme Martine Billard. Exactement !

M. Jean-Louis Gagnaire. Nous ne sommes pas là pour générer du contentieux, me semble-t-il, dans un souci de bonne gestion du ministère de la justice.

M. Philippe Gosselin. Mais il n’y a pas de grief !

M. Jean-Louis Gagnaire. Comme le rappelait Patrick Bloche, des internautes parfaitement sincères peuvent découvrir que certains indélicats ont utilisé leur adresse IP à leur insu.

M. Franck Riester, rapporteur. C’est un bienfait, un bénéfice supplémentaire !

M. Jean-Louis Gagnaire. Un de nos enfants, petits-enfants, petits-neveux ou autre peut utiliser notre IP pour pouvoir télécharger.

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Ils sont bien mal élevés ! (Sourires)

M. Jean-Louis Gagnaire. Il serait de bonne pratique de préciser les voies et les délais de recours, comme c’est l’usage en matière administrative,…

M. Franck Riester, rapporteur. Quand il y a sanction !

M. Jean-Louis Gagnaire. …même en dehors de la procédure contentieuse à proprement parler.

Si l’on veut prévenir à tout prix des contentieux inutiles, voire avertir sérieusement ceux qui seraient victimes d’indélicats, cela ne coûte vraiment rien de rajouter trois lignes dans un e-mail.

M. Guénhaël Huet. Pourquoi ne pas demander à Mme Royal de mettre un message d’excuse aussi ?

M. Jean-Louis Gagnaire. Nous ne comprenons donc pas votre obstination à rejeter cet amendement. Comme d’habitude, quand les amendements viennent de nos bancs, ils sont systématiquement refusés.

M. Philippe Gosselin. Non ! Nous en avons même adopté un à l’unanimité en début de séance !

M. le président. La parole est à Mme Corinne Erhel, pour défendre l’amendement n° 217.

Mme Corinne Erhel. Puisque les recommandations ont une portée juridique, il nous paraît raisonnable et évident que l’internaute soit informé des voies de recours dont il peut éventuellement disposer en cas de sanction.

Je reprends toujours l’exemple de l’internaute lambda : la tante, le grand-père, qui vous voulez. Dites-vous bien que tout le monde ne suit pas nos débats (« C’est sûr ! » sur les bancs du groupe UMP), tout le monde ne va pas être au fait des procédures et du système complexe que vous êtes en train d’élaborer.

L’internaute lambda qui reçoit une recommandation assortie d’un avertissement va débarquer ! Il ne va pas comprendre ce qu’est une négligence caractérisée, ni comment son adresse IP a pu être usurpée. S’il n’a pas suivi les débats et n’est pas informé des voies de recours possibles, il faut bien les lui signaler dans la recommandation. C’est du bon sens. Il saura alors qu’il dispose de voies de recours, si quelqu’un s’est servi de son ordinateur ou a usurpé son adresse IP, sans qu’il sache comment.

Madame la garde des sceaux et monsieur le rapporteur, vous pourriez au moins être d’accord sur ce point. Je ne vois pas en quoi cela vous pose problème, à moins que votre objectif soit de limiter le nombre des recours, ce qui serait quelque peu aberrant.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l’amendement n° 218.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En fait, on voulait vous faire progresser plus encore que je ne l’indiquais tout à l’heure.

M. Jean Mallot. On fait ce qu’on peut !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le ministre de la culture et de la communication, votre prédécesseure vantait le caractère pédagogique de ce texte. Au fil du temps et des difficultés rencontrées pendant les débats, Mme Albanel s’est arc-boutée sur cet argument.

À ce stade, avant la sanction, la pédagogie consiste à transmettre toutes les informations : l’ensemble des risques et des recours possibles. Voilà pourquoi nous ajoutons « et des voies de recours possibles » au passage sur les sanctions encourues.

Qui peut le plus peut le moins, madame la garde des sceaux, comme vous me l’avez dit très pertinemment tout à l’heure ! Qu’est-ce que cela retire, qu’est-ce que cela enlève de mettre cette phrase ?

M. Franck Riester, rapporteur. Qu’est-ce que cela améliore ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. S’il s’agit de faire de la pédagogie, il est nécessaire d’informer intégralement la personne qui est susceptible de faire l’objet d’une réitération de notification et de procédures qu’elle aura la faculté d’exercer des voies de recours.

En réalité, vous êtes parcimonieux, soucieux de réduire le plus possible le champ du débat avec la CMP, même si elle s’est éloignée dans notre calendrier. Vous n’avez surtout pas envie d’ouvrir des champs qui permettraient éventuellement aux sénateurs comme aux députés de revisiter ce texte.

C’est dommage, car le texte perd de son intérêt pédagogique, alors que vous prétendez pourtant appeler le législateur à œuvrer dans ce sens.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, pour soutenir l’amendement n° 220.

M. Jean Mallot. Dans l’un de ses ouvrages, le grand écrivain d’origine bourbonnaise Charles-Louis Philippe, décédé il y a cent ans cette année, a écrit : « On a toujours l’air de mentir quand on parle à un gendarme. »

M. Philippe Gosselin. C’est du vécu !

M. Jean Mallot. Quand la commission de protection des droits vous envoie une lettre de recommandation et vous avertit des sanctions encourues, ce n’est pas rien : 300 000 euros d’amendes, trois ans de prison. Bigre ! C’est quand même la moindre des choses d’informer non seulement des sanctions encourues, mais également des voies de recours possibles. C’est le sens de notre amendement.

Cela nous ramène au débat sur la proportionnalité que nous avons eu lors de l’examen de l’article précédent, mais tout se tient. À travers ces amendements, nous voulons amener le Gouvernement et sa majorité à construire un dispositif qui respecte les principes fondamentaux de notre droit, et en particulier des droits de la défense.

La personne soupçonnée, suspectée, potentiellement coupable d’avoir téléchargé illégalement, voire d’être passible de « négligence caractérisée » avec une présomption de culpabilité, doit au moins être informée des voies de recours qui sont à sa disposition, pour qu’elle puisse envisager de les exercer. C’est la moindre des choses, sinon elle sera placée en situation d’avoir l’air de mentir et d’être sur la défensive, comme devant le gendarme.

M. le président. La parole est à Mme Monique Boulestin.

Mme Monique Boulestin. La pédagogie étant l’art de la répétition, je vais me répéter. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. En ce cas, vous avez la palme de la pédagogie !

Mme Monique Boulestin. Il est nécessaire d’aller au bout de la rédaction de cet article : les recommandations envoyées doivent comporter non seulement les sanction encourues mais aussi les voies de recours possibles. L’internaute doit, le cas échéant, pouvoir prouver son innocence et sa bonne foi, et ce en toute connaissance de cause. Tel est le sens de l’amendement que nous espérons voir adopté.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Franck Riester, rapporteur. Défavorable. À ce stade de la procédure, nous ne sommes pas au moment de la sanction : M. Gagnaire a raison sur ce point.

M. Patrick Bloche. Et alors ?

M. Jean-Louis Gagnaire. Justement !

M. Franck Riester, rapporteur. Il n’est donc pas nécessaire d’informer l’internaute sur les délais et les voies de recours. Ces amendements risqueraient même, monsieur Mallot, de semer le doute dans l’esprit de l’internaute, qui pourrait s’imaginer qu’il est déjà sanctionné.

M. Jean Mallot. Pourquoi donc lui parler de sanctions ?

M. Franck Riester, rapporteur. Parce qu’il encourt des sanctions s’il continue à télécharger illégalement ou ne surveille pas son accès à internet.

En revanche, le texte donne à l’internaute la possibilité d’envoyer des observations à l’HADOPI pour expliquer en quoi il ne s’est pas livré à des téléchargements illégaux. L’article L. 331-26 du code de la propriété intellectuelle prévoit que les recommandations « indiquent les coordonnées téléphoniques, postales et électroniques où [l’internaute] peut adresser, s’il le souhaite, des observations à la commission de protection des droits et obtenir, s’il en formule la demande expresse, des précisions sur le contenu des œuvres ou objets protégés concernés par le manquement qui lui est reproché ». Bref, l’internaute peut formuler des observations ; il est informé des sanctions encourues et, s’il est sanctionné, toutes les informations relatives aux délais et voies de recours lui seront fournies.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. Défavorable, pour les mêmes raison que celles fort bien expliquées par M. le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour répondre au Gouvernement et à la commission.

M. François Brottes. Il s’agit bien, monsieur le rapporteur, de proposer des voies de recours au cas où l’internaute encourt des sanctions. Puisque, comme vous l’avez répété, vous souhaitez faire de la pédagogie, il faut expliquer. Pour être concernés, les internautes doivent comprendre. La bonne foi devrait consister pour vous à indiquer la bonne voie ; mais votre seule motivation semble de faire régner la terreur. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Mallot. Et voilà !

M. Philippe Gosselin. Mais non ! C’est de la pédagogie !

M. François Brottes. Cela fait des mois que nous débattons du sujet, et l’on voit bien que vous voulez modifier les comportements par la terreur ; or, s’agissant des libertés fondamentales, cette voie est une impasse : elle n’est ni pédagogique ni efficace.

Il est hélas trop tard pour sous-amender cet amendement, monsieur le président ; mais nous aurions pu le rédiger ainsi : « et des voies des recours possibles, notamment par la création d’un site, lavocatdopi.com ».

M. Jean Mallot et M. Jean-Louis Gagnaire. Très bien !

(Les amendements identiques nos 213 à 221 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 643.

La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Cet amendement propose une rédaction différente, s’agissant des voies de recours, que celle des neuf amendements identiques que viennent de présenter nos collègues de l’opposition. J’ai d’ailleurs pris bonne note des réponses de la commission et du Gouvernement.

Le présent amendement participe du même esprit que l’amendement n° 642, adopté ce matin. Proposé par Jean-Pierre Decool, je l’ai cosigné avec plusieurs collègues. L’article 1er ter veille à mieux informer les titulaires d’un abonnement à internet des sanctions qu’ils encourent en cas de téléchargement illégal ; dans un souci de respect du contradictoire, l’amendement propose de compléter l’alinéa 2 par la phrase suivante :

« Elle lui indique également la possibilité de répondre à cette recommandation sous un délai de quinze jours en se faisant éventuellement assister d’un conseil de son choix. »

M. Jean-Louis Gagnaire. C’est complètement démago !

M. Frédéric Reiss. Cette possibilité de réponse et d’assistance, qui existe pour le procès-verbal, doit également être respectée dans le cadre des sanctions.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Défavorable : l’amendement est déjà satisfait.

M. Jean Mallot. L’explication est pour le moins rapide !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. Défavorable : le délai de quinze jours restreindrait les droits des internautes.

M. le président. Souhaitez-vous répondre à la commission et au Gouvernement, monsieur Reiss ?

M. Frédéric Reiss. Compte tenu des explications qui viennent d’être données, je retire mon amendement. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

(L’amendement n° 643 est retiré.)

M. Jean Mallot. Il ne vous en faut pas beaucoup ! Deux mots, et hop ! Encore plus fort que le Nouveau Centre !

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 847.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Selon l’article L. 331-26 du code de la propriété intellectuelle, « la commission de protection des droits peut envoyer à l’abonné, sous son timbre et pour son compte, par la voie électronique et par l’intermédiaire de la personne dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne ayant conclu un contrat avec l’abonné, une recommandation […] ».

Des ayants droit demanderont donc à une société privée de repérer et de collecter les adresses IP. Le directeur général de la société civile des producteurs phonographiques a indiqué que, à l’heure actuelle, deux sociétés restaient en lice ; il attend la promulgation de la loi pour faire son choix. Reste qu’une première société privée effectuera le relevé de l’adresse IP.

Nous avons également appris que les avertissements ne seraient finalement pas envoyés par l’HADOPI mais par une société privée, Extelia, une filiale de La Poste. Son objectif sera d’envoyer les fameux e-mails, après que les fournisseurs d’accès lui auront donné l’adresse IP relevée – avec tous les problèmes que cela entraînera – et le nom de l’abonné correspondant.

L’article L. 331-26 prévoyant que l’HADOPI envoie sa recommandation « sous son timbre et pour son compte », nous pensions qu’elle se chargerait du travail. Mais, comme on le voit, tout le circuit est privatisé : le relevé des fait présumés délictueux sera effectué par une société privée, de même que l’envoi des avertissements. Déléguer des actions aussi massives – puisque l’on annonce cinquante mille procédures par an – à des sociétés privées relance évidemment le débat sur l’encadrement et la déontologie du système.

À travers cet amendement, nous souhaitons exprimer clairement notre désapprobation quant à la privatisation de la surveillance : nous pensons que cette mission incombe à l’HADOPI, et non aux fournisseurs d’accès ou à d’autres sociétés privées.

Mme Marylise Lebranchu. Très bien !

(L'amendement n° 847, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 849.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Cet amendement de cohérence propose de supprimer, à la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 331-26, les mots : « , sur l’existence de moyens de sécurisation permettant de prévenir les manquements à l'obligation définie à l'article L. 336-3 ainsi que ».

Je souhaite néanmoins revenir sur la société Extelia. Celle-ci, jusqu’à une période récente, publiait la liste des abonnés de sa newsletter. On ne peut donc qu’être inquiet sur les conditions de sécurité que cette société offrira s’agissant de l’envoi des recommandations.

On va obliger les internautes à sécuriser leur accès à internet, sous peine de se voir imputer des téléchargements qu’ils n’auraient pas effectués, les sanctions prévues allant d’une amende de 1 500 euros à la coupure de leur connexion ; or la société dont j’ai parlé n’est même pas capable de sécuriser la liste des abonnés à sa newsletter ! On perçoit vite les limites d’une telle naïveté quant à l’obligation de sécurisation. Tel est le fondement de nos critiques : la méconnaissance du monde réel d’internet, ou peut-être la volonté de ne pas le voir, et ce par pure idéologie.

M. Jean Mallot et Mme Marylise Lebranchu. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. Défavorable également.

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour répondre à la commission et au Gouvernement.

Mme Marylise Lebranchu. Je veux surtout répondre à leur silence. Je le comprends d’ailleurs : nous sommes à un moment clé du débat.

Nous connaissons tous – puisque la mesure est d’origine parlementaire – le nombre de personnes employées par l’État à traquer, devant leur ordinateur, faux marchés, faux crédits et malfaçons. Mme la garde des sceaux sait aussi bien que nous quels en sont les résultats, puisque cette surveillance conduit tout de même, de temps à autre – heureusement –, à ouvrir des informations judiciaires. C’est un travail très difficile et délicat puisque, pour le système dont nous débattons, il concernera un outil privé de communication et aussi d’échange, les e-mails étant assimilables à des lettres. Ce travail, outre qu’il doit impliquer des conditions de déontologie difficiles à définir, doit composer avec la réaction des intéressés.

Nombreux sont ceux qui, naviguant sur des sites, n’osent accepter tel ou tel système de sécurisation ou telle mise à jour qu’on leur propose quotidiennement…

M. Franck Riester, rapporteur. C’est pour cela que l’HADOPI est nécessaire !

M. le président. Merci, madame Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. M. le rapporteur m’a interrompue, monsieur le président.

M. le président. Vous avez déjà dépassé votre temps de parole.

Mme Marylise Lebranchu. Ma remarque, monsieur le président, visait M. le rapporteur, qui est d’une impolitesse caractérisée !

(L'amendement n° 849 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 850.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Nous nous interrogeons sur la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 331-26, selon lequel l’avertissement est donné par le biais d’une lettre remise contre signature « ou de tout autre moyen ». Que signifie cette dernière expression ? Qu’y a-t-il de plus sûr qu’une lettre recommandée avec accusé de réception ? Certes, en commission, certains collègues ne comprenaient pas que cette voie ne soit pas complètement sûre. Je leur ai rappelé que beaucoup de gens, par crainte de mauvaises nouvelles, ne vont plus chercher ces lettres.

J’aimerais néanmoins poser une question au sujet de l’expression : « ou de tout autre moyen » ; j’espère que l’on y répondra précisément. La société Extelia envisage d’éventuels procès verbaux d’huissiers de justice afin de certifier les envois.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Non ? Incroyable !

Mme Martine Billard. Cette information n’est-elle qu’une rumeur infondée ? Sinon, explique-t-elle l’expression « ou de tout autre moyen » ? Si mon hypothèse n’est pas la bonne, je suppose que le Gouvernement et la commission accepteront de supprimer la mention visée : quel moyen serait plus sûr que la lettre envoyée avec accusé de réception, malgré les limites que j’évoquais ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Défavorable. Aujourd’hui, c’est la lettre recommandée avec accusé de réception qui a force probante, mais nous ne devons pas nous interdire de recourir, à l’avenir, à de nouveaux moyens qui pourraient avoir la même force et qui seraient validés dans le cadre de la procédure pénale.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. Rassurez-vous, madame Billard, nous n’envisageons pas de faire envoyer les avis par des pigeons voyageurs. Nous savons que la technique évolue très vite et nous essayons de nous ménager des possibilités futures. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour répondre à la commission et au Gouvernement.

Mme Martine Billard. Monsieur le ministre, la question que j’ai posée au sujet de l’huissier est très sérieuse, et j’étais en droit d’obtenir une réponse sérieuse. Tout n’est pas drôle.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. Je ne prends rien à la légère !

Mme Martine Billard. Je vous le répète, certaines personnes ne vont jamais chercher les lettres recommandées avec accusé de réception, car elles sont en difficulté, elles sont au chômage, elles ont peur de ce qui peut leur arriver.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. Je sais !

Mme Martine Billard. Celles qui ont des difficultés pour payer leur loyer n’ont qu’une peur, c’est que l’huissier vienne un jour frapper à leur porte. Et il faudrait, en plus, qu’elles risquent de voir l’huissier se présenter chez elles à cause de l’HADOPI ? La situation est insupportable et vous me répondez : « pas de pigeons voyageurs ». Je veux bien que, par moments, on ait besoin de se détendre, de plaisanter. Peut-être, pour notre part, sommes-nous parfois un peu dans la redite. Mais, en l’occurrence, ma question était on ne peut plus sérieuse.

D’autre part, tous nos concitoyens ne consultent pas leurs courriels. On peut parfaitement être connecté à internet sans se servir de la messagerie et se contenter de surfer, de chercher des informations. Vous ne pourrez pas, même dans le futur, garantir que les avertissements ont bien été reçus si vous ne passez que par internet – à moins de faire de la prospective technologique à cinquante ou à cent ans.

Quoi qu’il en soit, j’aurais bien aimé avoir une réponse précise sur la question de l’huissier.

M. Sébastien Huyghe. Et ceux qui ne savent pas lire ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. Peut-être, madame Billard, la plaisanterie sur les pigeons voyageurs était-elle déplacée. Je prends tout à fait au sérieux vos préoccupations et voulais simplement introduire un peu de gaieté dans un débat où les répétitions sont fort nombreuses et où vos arguments sont parfaitement entendus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Martine Billard. En attendant, vous ne m’avez toujours pas répondu !

(L’amendement n° 850 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 222 à 230, 851 rectifié et 852, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 222 à 230 et 851 rectifié sont identiques.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Le pigeon voyageur ayant été remis dans sa cage,…

M. Alain Ferry. Il n’y est pas tout seul, il est avec Saturnin, que vous aviez attiré dans nos débats ! (Sourires.)

M. Patrick Bloche. …je voudrais dire qu’il ne s’agit pas, dans ce débat, de gaieté ou de tristesse. Il s’agit simplement d’apporter des réponses aux questions que nous posons. C’est ainsi que cela fonctionne dans cet hémicycle. Et, si nous vous posons des questions, ce n’est pas, comme vous le croyez, pour faire durer le débat ou parce que nous avons envie de nous faire plaisir, mais parce que nos concitoyens se les posent. Ils veulent savoir comment cela marche, quels seront les conséquences et les effets de la loi.

Mme Billard évoquait l’envoi de la recommandation par lettre recommandée avec accusé de réception, qui est un élément essentiel du dispositif. Vous allez dire que nous n’en sommes pas encore au stade de la sanction. Certes, mais nous en sommes aux préliminaires qui conduiront les agents assermentés de l’HADOPI à constituer le dossier qu’ils enverront au parquet. Tout ce qui va se passer entre le courriel d’avertissement et la recommandation est extrêmement important. Nous avons eu cette controverse juridique en commission avec Mme la garde des sceaux, car nous estimons que, dès le premier courriel d’avertissement et, a fortiori, dès la recommandation, des effets juridiques sont créés, c’est-à-dire des actes de nature administrative qui entrent dans la sphère juridique de l’internaute.

Vous pourriez au moins nous accorder cet amendement. Il demande simplement que ce qui établira que la lettre recommandée a bien été envoyée ne soit pas la date d’envoi, mais celle de réception. Le fait que la lettre ait été envoyée ne prouvera absolument pas qu’elle a été reçue.

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. À ma connaissance, la loi n’oblige personne à relever son courrier électronique tous les matins. Or la procédure se déclenche au moment où un courriel d’avertissement est envoyé, sans qu’il soit jamais besoin de prouver que l’internaute en a bien eu connaissance. Comment peut-on fonder une procédure sur des faits aussi évanescents ?

Nous avons tous plusieurs adresses électroniques. Certaines personnes ont une messagerie chez Wanadoo, une autre chez Google, une autre chez Hotmail. En fonction des habitudes, ils consultent davantage telle ou telle messagerie. L’identification de la messagerie par l’adresse IP peut donc conduire à envoyer l’avertissement à une adresse inutilisée. Les facteurs de méprise, d’erreur, d’incompréhension, sont multiples. Tâchons de les limiter autant que possible. Le minimum serait que l’on demande d’apporter la preuve que l’internaute a bien reçu le courriel d’avertissement. Nous connaissons tous des gens qui ne relèvent jamais leur courrier électronique, parce qu’ils n’en éprouvent pas le besoin. Il paraît bien légitime d’exiger au minimum cette garantie-là.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. De deux choses l’une. Soit vous cherchez à faire du chiffre, à publier des statistiques éloquentes sur la lutte contre le téléchargement illégal, et il vous suffira de proclamer que 3 650 000 courriels ont été envoyés en une année : peu vous importera l’effet qu’auront ces avertissements, ce qui comptera pour vous, c’est d’avoir une politique d’affichage. Soit vous privilégiez une autre démarche, pédagogique, et vous cherchez réellement à prévenir des contentieux. Il est d’usage de considérer que la date qui vaut est celle de la réception, non celle de l’envoi, à plus forte raison quand l’envoi a lieu par courriel.

Comme le rappelait le précédent orateur, nous avons tous plusieurs adresses électroniques. On peut même disposer de plusieurs comptes d’utilisateur auprès de son fournisseur d’accès à internet. L’adresse générique est la seule connue du fournisseur d’accès : c’est, en général, celle qu’on ne communique pas aux tiers, parce que, contrairement aux autres, on ne peut pas la modifier. Or vous savez que l’on a tout intérêt à en changer assez régulièrement, quand on est la cible d’individus indélicats ou de publicités automatiques. C’est pourtant à cette adresse générique que l’on risque de recevoir les avertissements.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Quéré.

Mme Catherine Quéré. L’amendement n° 226 peut paraître aléatoire.

M. Franck Riester, rapporteur. Aléatoire ?

Mme Catherine Quéré. Il est, à mes yeux, absolument essentiel. Le rôle du législateur, c’est d’éviter tout risque d’erreur, pour chaque projet de loi. Dans le cas qui nous intéresse, le risque d’erreur est énorme. Il est indispensable de s’assurer que l’internaute a vraiment été prévenu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La formalité de l’envoi et de la réception est importante, car nous parlons ici du deuxième avertissement, celui qui va caractériser divers éléments susceptibles de provoquer la transmission du dossier à la justice, ou de construire ce qui sera demain considéré comme l’évidence de la « négligence caractérisée ». Du reste, cette expression de « négligence caractérisée » m’inquiète beaucoup, car, vous le savez, en matière de code de la route, par exemple, c’est une incrimination qui permet toujours de sanctionner. Négligence, imprudence, inobservation des règlements, c’est cette formule globale qui, pour des faits mineurs, permet d’imputer la responsabilité.

On pourra toujours justifier que la lettre existait et qu’elle a bien été envoyée : ce qu’il faut, c’est avoir la certitude qu’elle a été reçue, puisque c’est la connaissance qu’en a le destinataire qui décide du caractère avéré de ses manquements, qu’ils soient liés à l’exploitation de la contrefaçon ou à la négligence caractérisée. C’est pourquoi l’amendement que nous proposons place le curseur de la réalité de la mise en cause du destinataire non pas au moment où les services de la Haute autorité envoient la lettre, mais au moment où elle est reçue.

Je précise que, dans la quasi-totalité des procédures judiciaires, c’est la notification du courrier ou son dépôt à la poste qui fait courir les délais. C’est pourquoi cette formule nous paraît plus appropriée.

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Le deuxième envoi est important, puisque c’est à ce moment que l’on décide d’entamer une procédure. Chacun a conscience qu’il est nécessaire de s’assurer que le courriel a bien été reçu. Nombre d’internautes ont souscrit leur premier abonnement à internet il y a une dizaine d’années : on leur a alors attribué une adresse électronique. Mais ils ont parfois été amenés à en changer. Je connais par exemple un ancien ministre de la justice qui a dû le faire pour des raisons de sécurité. Le fournisseur d’accès ne peut pas effacer cette première adresse, à moins que l’internaute ne résilie l’abonnement. Or c’est cette adresse-là qui sera fournie à l’HADOPI, c’est à cette adresse que l’avertissement sera expédié.

Il a pu se produire – je connais au moins un cas – qu’un accès à internet, au téléphone, à la télévision, soit coupé par suite d’un incident lié à une carte bancaire. C’est à cette adresse initiale que le fournisseur d’accès avait envoyé un message d’avertissement : comme le courrier n’y était pas relevé, tout a été coupé.

Lorsque nous vous demandons de prévoir ce type de garantie, ce n’est pas par jeu, mais parce que c’est ce qui doit décider de l’ouverture d’une procédure. Vous pouvez mettre en grande difficulté quelqu’un qui est de bonne foi, qui ne sait pas comment se sortir de ce piège, puisqu’il n’aura eu aucune information et que l’HADOPI n’aura pu vérifier aucun envoi.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Je demanderai une suspension de séance après la présentation de ces amendements.

M. le président. Nous en venons donc à l’amendement n° 230.

La parole est à M. François Brottes.

M. Marcel Rogemont. Nous pensions que le Gouvernement allait répondre sur l’amendement !

M. François Brottes. Je n’ose pas penser que le Gouvernement ne réponde pas aux questions que nous posons par le biais de cet amendement. Imaginons que ce texte devienne loi ; il constituerait une jurisprudence fâcheuse dans bien d’autres domaines ! En effet, il s’agit de démontrer qu’une information a été envoyée à une personne, preuve qu’elle en a pris connaissance : c’est une grande nouveauté ! Songez-y plutôt : convocation au tribunal, informations sur des factures à payer… Si la vie devenait telle, je ne vous cache pas que les erreurs judiciaires seraient innombrables !

Le sujet est donc grave. Examinons les trois temps de la procédure : tout d’abord, l’envoi – l’expéditeur peut alors faire sa démonstration. Deuxième temps : s’assurer que le courrier a été correctement aiguillé et qu’il a atteint son destinataire – se pose alors le problème de la validité des adresses de messagerie. Le troisième temps est celui de la prise de connaissance du courrier par le destinataire. Au fond, vous court-circuitez deux opérations – la confirmation du destinataire et la prise de connaissance par ce dernier – au motif, in fine, que la preuve de l’envoi suffit. Un tel raccourci est très grave. Imaginez que cette règle s’étende à d’autres domaines : une telle jurisprudence serait gravissime, car elle permettrait de rendre coupable des personnes qui sont en fait innocentes.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour défendre l’amendement n° 851 rectifié.

Mme Martine Billard. Sur cet amendement identique aux précédents, j’aborderai plusieurs points. Tout d’abord, je m’inquiète du fait que, pour la deuxième fois, le Gouvernement et la majorité UMP effectuent un glissement de la date de réception à la date d’envoi. De mémoire, le dernier cas eut lieu à l’occasion du texte visant à réprimer la fraude au RMI – une obsession, en quelque sorte. On réprime rarement la fraude lorsqu’il s’agit de délits boursiers…

M. Marcel Rogemont. En effet : il n’y a pas de date limite !

Mme Martine Billard.… mais on la réprime souvent dès que les allocataires du RMI sont concernés. Or le même glissement s’était déjà produit à l’époque et avait suscité un long débat.

Aujourd’hui, il se produit de nouveau. Ce n’est donc plus un hasard, mais une réelle volonté de transformer les délais, puisqu’il s’agit de la date qui ouvre les délais de recours et de procédure. Je suis favorable au maintien de la date de réception, afin que les délais de recours et de procédure prennent effet à une date précise, et qu’aucun doute ne soit permis quant au début de la procédure.

D’autre part, nous n’avons pas obtenu de réponse à la question de l’huissier, ni à ce que signifie l’expression « tout autre moyen ». Selon notre bon vieux dicton, qui ne dit mot consent.

M. Charles de La Verpillière. Et pas de fumée sans feu !

Mme Martine Billard. Vous envisagez donc d’utiliser le procès-verbal d’huissier. Dans le cas contraire, M. le rapporteur ou M. le ministre m’auraient répondu clairement qu’il ne s’agissait que d’une rumeur incroyable. Or rien n’a été dit. Sauf démenti ultérieur, je prends donc acte que le Gouvernement envisage d’utiliser des procès-verbaux d’huissier pour adresser ses recommandations concernant des actes supposés, mais non prouvés. À moins, encore une fois, d’un démenti immédiat, il nous faudra, chers collègues, prendre acte de cette étrange avancée de notre droit !

M. le président. Nous en venons à l’amendement n° 852, le dernier de cette série, qui peut faire l’objet d’une discussion commune avec les précédents.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Il s’agit d’un amendement de repli. Pour les dates, trois possibilités s’offrent à nous. L’envoi, tout d’abord : il est très difficile à prouver. La présentation par le facteur de l’accusé de réception de la lettre, ensuite : que le titulaire de l’abonnement retire ou non la lettre, les délais courent à compter de la présentation de l’accusé de réception. Cette date est souvent utilisée dans diverses procédures, pour les retards de loyer par exemple. Voilà qui pourrait offrir une solution, si vous refusez de retenir – troisième option – la date de réception, c’est-à-dire le moment où l’abonné retire la lettre recommandée, ce qu’il n’est pas obligé de faire. Choisir la date de présentation constituerait un moindre mal, et offrirait de toute façon une plus grande sécurité que la date d’envoi.

M. le président. Souhaitez-vous que nous suspendions tout de suite la séance, madame la ministre ?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Oui, monsieur le président, pour cinq minutes environ.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-neuf heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 222 à 230 et 851 rectifié, ainsi que sur l’amendement n° 852 ?

M. Franck Riester, rapporteur. La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 222 à 230 ainsi qu’à l’amendement n° 851 rectifié, car ils induiraient des comportements d’évitement et bloqueraient l’ensemble des procédures. Comme l’a rappelé Mme Billard, les internautes pourraient ne jamais aller chercher leur lettre recommandée.

En revanche, après avoir entendu les arguments de Mme Billard concernant la date de présentation, j’émets à titre personnel – la commission s’étant prononcée négativement – un avis favorable à l’amendement n° 852. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Louis Gagnaire. Le débat parlementaire a donc des vertus !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Après avoir écouté les différents arguments, je suis prête, à condition que la date de référence soit la date de présentation, à accepter la formule de la date de présentation, non de la date d’envoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(Les amendements nos 222 à 230 et 851 rectifié sont retirés.)

(L'amendement n° 852 est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité. (Applaudissements sur divers bancs.)

Je suis saisi de neuf amendements identiques, nos 231 à 239.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l’amendement n° 231.

M. Patrick Bloche. Nous nous réjouissons que la discussion parlementaire aboutisse à ce que le texte évolue dans le bon sens. Nous espérons qu’il sera fait bon accueil aux amendements que nous serons amenés à présenter par la suite.

À commencer peut-être par notre amendement n° 231 ? Nous sommes toujours dans le cadre de l’envoi des recommandations. Nous insistons sur le fait que l’envoi de ces recommandations fait partie intégrante de la procédure de riposte graduée, puisqu’il faudra avoir franchi ces étapes successives pour déclencher la procédure conduisant à ce que le dossier soit transmis au parquet.

Lorsque l’abonné recevra la recommandation adressée en vertu de l’article L. 331-26 – puisque c’est désormais la date de présentation qui vaut référence –, nous souhaitons, s’il considère qu’on lui a envoyé cette recommandation à tort, qu’il puisse en contester le bien-fondé par courrier. Il y aura probablement un envoi massif de recommandations. Aussi un abonné doit-il pouvoir, par simple courrier, contester cette recommandation. S’agissant d’un dispositif de riposte de masse, l’abonné doit pouvoir dire, dans les trente jours suivant l’envoi de cette recommandation, qu’il y a une erreur sur le destinataire.

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus, pour soutenir l’amendement n° 233.

M. Didier Mathus. Le moment que nous venons de vivre montre que notre obstination est productive, puisque nous avons éclairé le Gouvernement et le rapporteur sur une faille du dispositif. Comme vous le voyez, nous sommes magnanimes puisque nous vous aidons à améliorer votre texte !

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. Je vous en remercie ! (Sourires.)

M. Didier Mathus. Au fond, dans la vie, c’est le temps que l’on croit perdu qui est souvent le plus utile, et nous vous l’avons démontré cet après-midi…

Notre amendement essaie de renforcer les droits des justiciables dans un processus qui, bizarrement, emprunte au vocabulaire militaire. Mme la garde des sceaux s’y retrouve sûrement, mais la riposte graduée faisait autrefois partie de la sémantique nucléaire. La riposte graduée, c’était la stratégie nucléaire de la fin des années soixante. Il est curieux d’avoir fait appel à un tel vocabulaire pour évoquer la riposte des ayants droit – et de quelques sociétés – contre l’internet et les internautes. Ce parallèle avec le vocabulaire militaire est quelque peu troublant !

Quoi qu’il en soit, nous proposons que l’abonné qui reçoit un recommandé puisse contester par simple courrier le fait d’avoir eu un comportement répréhensible au regard de cette loi. Il s’agit d’élargir et de garantir les droits de la défense et d’améliorer le texte.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire, pour soutenir l’amendement n° 234.

M. Jean-Louis Gagnaire. Petit à petit, nous progressons et, même s’il reste beaucoup de chemin à parcourir d’ici à la fin du texte, nous sommes très patients.

Notre amendement vise à améliorer la protection des internautes innocents. Les internautes sollicités à tort doivent pouvoir répondre. Nous le savons tous, les réponses par e-mail à des serveurs qui envoient des e-mails par milliers, cela ne fonctionne pas, et il n’y a aucune assurance que les e-mails en réponse soient lus. Il faut donc utiliser la voie normale, autrement dit la voie postale.

S’agissant de riposte graduée, notre amendement vise à éviter les dégâts collatéraux d’une procédure mal maîtrisée et trop massive. Vous n’aurez donc aucune difficulté selon moi à accepter le principe même de cet amendement. Nous pouvons discuter des modalités : faut-il un courrier ordinaire ou non ? le délai de trente jours est-il suffisant ? Je vous demande, monsieur le rapporteur, de réfléchir à deux fois au principe de cet amendement avant de le repousser. Je crains en effet que nous ne soyons confrontés à une longue série de refus, après la petite concession que vous venez de nous accorder…

M. Franck Riester, rapporteur. « Les » concessions !

M. le président. La parole est à Mme Corinne Erhel, pour soutenir l’amendement n° 235.

Mme Corinne Erhel. J’insiste sur la nécessité de protéger les droits de la défense et la procédure contradictoire.

Tout à l’heure, je suis tombée sur un article en ligne d’un grand quotidien national, qui traitait d’un groupe de jeunes hackers. Je ne cautionne pas ce genre de pratique, je veux seulement vous montrer les difficultés auxquelles les internautes pourront être confrontés. Ces jeunes hackers ont mis en place un programme qui repère les réseaux wifi du voisinage et commence par « craquer » les mots de passe. Dès qu’ils ont les clés, ils peuvent créer un point d’accès virtuel, c’est-à-dire utiliser la connexion internet du voisin à son insu. Pour éviter d’être repéré, le routeur diffuse de façon aléatoire des adresses-machine fictives. Si un routeur « conquis » change de mot de passe, le système bascule automatiquement sur un autre signal wifi du voisinage et commence aussitôt à attaquer le nouveau mot de passe. Le routeur, qu’ils ont baptisé « HADOPI », permet aussi de surveiller ce que font les utilisateurs des réseaux craqués. Ils veulent seulement publier un logiciel et faire comprendre à tout le monde que les données techniques utilisées par l’HADOPI pour accuser les gens ne sont pas fiables.

Cet exemple montre les difficultés auxquelles les internautes auxquels vous allez envoyer des avertissements, puis des recommandations, pourront être confrontés. Il est donc indispensable que la procédure contradictoire soit en place dès le départ et qu’une personne injustement mise en cause puisse facilement faire état de sa bonne foi et répondre le plus rapidement possible. Ce que nous essayons de vous dire depuis le début de ce débat, c’est qu’il y aura des possibilités de passer outre. C’est une question importante, à laquelle j’aimerais avoir une réponse.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour soutenir l’amendement n° 236.

Mme Catherine Lemorton. Cet amendement est extrêmement important. Je donne un exemple. Chacun le sait, l’envoi des recommandations fait partie intégrante de la procédure de riposte graduée. C’est l’envoi des recommandations qui va permettre le déclenchement de la sanction et la suspension de l’accès à internet. Par conséquent, il est indispensable que la procédure soit contradictoire dès l’envoi du premier avertissement. En effet, suspendre l’accès d’un abonné à internet n’est pas anodin. Nous allons, dans le cadre du développement durable, vers ce que l’on appelle la société du « zéro papier ». De plus en plus de services sont aujourd’hui accessibles par internet. J’en veux pour preuve le télétravail – mais nous ne voulons pas relancer le débat,…

M. Philippe Gosselin. Si on peut l’éviter !

Mme Catherine Lemorton. …l’accès aux comptes bancaires ou aux remboursements de la sécurité sociale pour les soins. Nombre d’institutions demandent à l’abonné s’il veut recevoir ces informations sur papier ou par internet. Souvent, le citoyen étant responsable, il choisit internet. Or l’abonné n’est pas forcément l’utilisateur principal. L’abonné est le ou les parents, et le ou les utilisateurs sont les enfants, ce qui ne met pas à l’abri d’un téléchargement illégal de la part d’un membre de la famille, voire de quelqu’un que l’on héberge chez soi pour lui rendre service pendant quelques mois. L’abonné doit être averti en personne pour chercher l’origine du téléchargement illégal. En l’occurrence, il y a un mot que je n’entends pas beaucoup dans cet hémicycle, alors qu’il était la cheville ouvrière de HADOPI 1, en termes de sémantique : je veux parler de la « pédagogie ».

Il est important que l’abonné qui reçoit le premier avertissement fasse de la pédagogie auprès de ses enfants ou des gens qui l’entourent.

M. le président. Madame Lemorton, vous avez dépassé votre temps de parole.

Mme Catherine Lemorton. Mais j’ai tellement peu parlé, monsieur le président !

M. le président. Vous parlerez tout à l'heure !

La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour soutenir l’amendement n° 238.

Mme Marylise Lebranchu. Imaginons que quelqu’un reçoive un avertissement. Comme il souhaite connaître la raison de cet avertissement étant donné qu’il ne se sent pas concerné, il interpelle l’HADOPI. Nous proposons que la Haute autorité justifie, dans les trente jours, l’envoi de cette recommandation. Est-ce en raison du coût de la disposition proposée que vous refusez cet amendement ?

Madame la ministre, quand un avertissement peut déclencher une action, ce qui est le cas ici, il me paraît anormal qu’on ne puisse pas exiger de celui qui l’émet une explication dans les trente jours. On est en droit de savoir ce qui s’est passé, si c’est notre voisin ou ces fameuses voitures à parabole dont tout le monde a entendu parler qui ont procédé à un téléchargement illégal, afin que l’on puisse sécuriser son système.

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont, pour soutenir l’amendement n° 239.

M. Marcel Rogemont. Mes collègues et moi-même donnons, depuis quelques minutes, notre point de vue sur la façon dont votre système de répression est mis en place et nous essayons de faire en sorte que le droit de présomption soit affirmé. Mme Lebranchu se demande si vous refusez à la personne incriminée d’interpeller l’HADOPI en raison du coût de la disposition. Je pense que c’est parce que des milliers de personnes se retrouveront dans cette situation. Vous ne voulez pas que des personnes puissent se défendre de façon trop prématurée pour ne pas engorger le dispositif HADOPI. La Haute autorité risque d’être submergée par le nombre d’injonctions qu’elle va devoir adresser aux internautes. Or vous n’avez pas les moyens de votre politique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements. Les recommandations que va envoyer l’HADOPI comporteront la date et l’heure du téléchargement illégal. S’ils le souhaitent, les internautes peuvent demander expressément à la Haute autorité quelles œuvres ont été téléchargées illégalement et ils peuvent formuler des observations, c’est-à-dire d’une certaine façon contester les faits qui leur sont reprochés. Mais comme à ce moment-là la procédure pénale n’a pas encore été engagée, on ne peut pas donner aux internautes tous les droits en matière de contestation de ces faits qui sont propres à la procédure pénale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. Madame Lebranchu, autant vous étiez convaincante tout à l'heure, à tel point que nous avons demandé une suspension de séance et que nous sommes allés vers vous, autant, en l’occurrence, le simple relevé des faits est une explication. Il n’y a donc aucune raison d’ouvrir un recours contre ces recommandations puisqu’elles ne sont pas suivies de sanctions.

Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.

Mme Marylise Lebranchu. Ce n’est pas un recours !

M. Marcel Rogemont. Il s’agit juste de pouvoir interpeller à nouveau l’HADOPI !

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Cela existe déjà !

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Imaginons que je reçoive un courriel de l’HADOPI et que je m’en étonne. J’écris alors à la Haute autorité qui a l’obligation de me dire à quelle date et à quelle heure j’ai téléchargé illégalement tel morceau de musique. Pouvez-vous me confirmer ici que l’HADOPI a l’obligation de me répondre avant de m’envoyer le deuxième avertissement ?

M. Jean Mallot. Silence !

(Les amendements identiques nos 231 à 239 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 825.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je reviens aux les deux questions auxquelles je n’ai pas obtenu de réponse.

D’abord, Mme Lebranchu vient de poser une question que nous avions déjà posée dans le cadre de l’examen d’HADOPI 1 et qui n’avait pas reçu de réponse. L’HADOPI est-elle dans l’obligation de prendre acte de la demande d’éclaircissement de la part de la personne incriminée au moment de l’envoi par internet de la première recommandation ? Si une personne fait l’effort de répondre à l’HADOPI pour expliquer pourquoi il y a erreur dans les faits incriminés mais qu’il ne se passe rien et que la procédure continue, l’envoi d’une recommandation est inutile. Et qu’est-ce qui prouve que son courriel a été reçu et qu’il est pris en compte par la Haute autorité ?

Par ailleurs, vous ne m’avez toujours pas dit si l’envoi du second avertissement se fera par huissier.

Peut-être obtiendrai-je une réponse après avoir posé ces questions une dizaine de fois.

M. le président. Nous allons être fixés, madame Billard.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Franck Riester, rapporteur. Les observations formulées par l’internaute figureront dans son dossier. Mais l’HADOPI n’a pas l’obligation de répondre à ces observations.

Mme Marylise Lebranchu. C'est bien le problème !

M. Franck Riester, rapporteur. En revanche, elle est obligée de donner la date et l’heure du téléchargement illégal. Et, si l’internaute le demande expressément, elle devra dire quelle œuvre a été téléchargée illégalement. Mais elle n’a pas à répondre aux observations qui ont été faites par l’internaute au moment des recommandations.

M. Jean-Louis Gagnaire. C’est contestable !

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Lorsque j’ai demandé si l’HADOPI devait répondre au courrier de contestation de l’internaute, Mme la garde des sceaux et M. le ministre de la culture ont fait « oui » de la tête – mais cela ne peut pas figurer dans le compte rendu de nos débats –, tandis que le rapporteur a répondu « non ». Nous avons besoin que le Gouvernement nous donne une réponse, afin que cela puisse servir dans d’éventuels contentieux – malheureusement, il y en aura beaucoup – pour construire la jurisprudence.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. Madame Lebranchu, vous avez été garde des sceaux. Vous avez une expérience considérable de la vie politique et de la législation, et je vous respecte. Quand je vous écoute, je hoche la tête, mais cela ne signifie pas que je sois d’accord avec vous ! (Sourires.)

M. Marcel Rogemont. C’est dommage !

M. le président. Au moins, les choses sont précises et l’Assemblée est éclairée !

(L'amendement n° 825 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l’amendement n° 853.

Mme Martine Billard. Nous avons bien compris qu’il ne fallait pas interpréter les gestes de M. le ministre mais les silences : répondre aux observations ne servira pas à grand-chose puisque la procédure continue, et le second avertissement pourra être envoyé par huissier. C'est un peu inquiétant pour nos concitoyens puisque, quoi qu’ils disent, cela ne servira à rien.

L’amendement n° 853 est un amendement de cohérence avec l’amendement de suppression de l’article 3 bis du présent projet relatif aux obligations de sécurisation.

Il s’avère que le ministère de la rue de Valois a lancé un appel d’offres pour sécuriser son haut débit avec filtrage des adresses IP. À la question posée : « Afin de pouvoir vous donner une cotation de ces prestations, pouvez-vous m’indiquer le nombre de boîtes mail, je vous prie ? », la rue de Valois a répondu : « nous avons un total de 7 000 boîtes mail ». Si, par hasard, une de ces 7 000 boîtes mail procède à un téléchargement abusif, est-ce l’ensemble du ministère qui verra les 7 000 boîtes mails, voire la connexion, suspendues ? Ou bien pourra-t-on savoir quelle boîte mail a procédé à ce téléchargement abusif ?

Pensez-vous, monsieur le ministre, que vos services seront en mesure de sécuriser le système pour qu’une telle situation ne se produise pas ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment et en coordination avec la position que nous avons défendue face à votre proposition de supprimer l’article 3 bis.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. Avis défavorable.

M. Jean Mallot. Cela signifie-t-il que le ministre est d’accord ?

(L'amendement n° 853 n'est pas adopté.)

(L'article 1er ter est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous propose de suspendre nos travaux puisque quatorze orateurs sont inscrits sur l’article 1er quater. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Mais nous pouvons bien travailler jusqu’à 20 heures !

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi relatif à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet..

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)