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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2009-2010

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 14 octobre 2009

Deuxième séance du mercredi 14 octobre 2009

Présidence de M. Tony Dreyfus,
vice-président

M. le président . La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.)

Délimitation des circonscriptions des députés

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés (n os 1893, 1949).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est le suivant: sept heures cinquante-deux pour le groupe UMP, neuf heures cinquante-trois pour le groupe SRC, trois heures cinquante-cinq pour le groupe GDR, trois heures cinquante-neuf pour le groupe Nouveau Centre, et cinquante minutes pour les députés non-inscrits.

Discussion générale (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Bruno Le Roux. Vous allez regretter le tripatouillage en Seine-Saint-Denis, monsieur le secrétaire d’État!

M. Éric Raoult. On va en parler, du tripatouillage, monsieur Le Roux!

M. le président. Seul M. Goldberg a la parole.

M. Daniel Goldberg. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales, mes chers collègues, je dois dire que c’est en ayant certaines attentes que je participe ce soir à ce débat. Car, comprenez-moi, je suis bien en peine d’expliquer aux citoyens de Seine-Saint-Denis les bases sur lesquelles s’appuie le Gouvernement pour redécouper les circonscriptions de notre département.

Aussi, monsieur le secrétaire d’État, vous me permettrez de vous poser quelques questions simples, auxquelles j’espère que vous répondrez précisément, afin que je puisse à mon tour tenter d’expliquer aux habitants ce qui paraît bien inexplicable.

De mon côté, je vais démontrer que votre démarche permet de conjuguer, et c’est presque une prouesse, une forfanterie démocratique, une supercherie électorale et une injustice faite à la Seine-Saint-Denis, qui sert, une fois de plus, de variable d’ajustement électoral.

M. Éric Raoult. Donneur de leçons!

M. Daniel Goldberg. Bien entendu, comme tous les députés du groupe SRC, je partage l’idée qu’il était nécessaire de procéder à un redécoupage,…

M. Éric Raoult. Que vous n’avez pas fait!

M. Daniel Goldberg. …pour être en adéquation avec les évolutions démographiques. Mais au lieu de la démarche transparente, équitable, franche, bref démocratique, que les Français étaient en droit d’attendre, vous vous êtes comporté, monsieur le secrétaire d’État, comme un maquignon électoral.

M. Éric Raoult. C’est un compliment!

M. Daniel Goldberg. En effet, le résultat de votre redécoupage en Seine-Saint-Denis a surtout dépendu d’un seul critère: quels sont celles et ceux, parmi les députés actuels, que vous voulez favoriser? C’est uniquement en fonction de l’appartenance politique et du profil de l’élu en place que vous avez choisi les endroits où faire passer vos ciseaux. Vos talents de médecin électoral étant ce qu’ils sont, vous vous êtes éloigné de la chirurgie plastique pour vous rapprocher du rayon charcuterie, encore que je ne voudrais pas être déplaisant à l’endroit de cette dernière profession.

Forfanterie démocratique, d’abord. Vous pouvez en effet inscrire à votre palmarès d’avoir, dans notre département, travaillé dans l’opacité totale,…

M. Éric Raoult. C’est faux! On va en parler!

M. Daniel Goldberg. …recevant, dans l’ambiance calfeutrée de votre bureau, les doléances des représentants de la majorité, et donnant des assurances aux partis de l’opposition, ou plutôt à certains d’entre eux – très consentants, je dois le dire –, que vous avez choisi de favoriser, au mépris de la réalité du département.

Vous avez constamment refusé à vos interlocuteurs socialistes tout échange concernant vos projets dans ce département.

M. Éric Raoult. C’est faux!

M. Daniel Goldberg. Vous n’avez suivi ni l’avis des fonctionnaires départementaux consultés, ni celui de la commission présidée par M. Guéna. Vous avez appliqué des critères flous, mis en œuvre de manière différente dans d’autres départements. Au contraire de règles claires et compréhensibles par tous, vous avez choisi le tapis vert pour favoriser vos amis et choisir vos adversaires.

En l’espèce, je dis à cette tribune ce que tous les observateurs constatent, qu’il s’agisse de l’ensemble des journalistes, des spécialistes du sujet, ou même de M. Salmon, ce géographe sur lequel vous preniez appui hier, ici même, dans l’hémicycle.

Vous avez choisi de favoriser les bastions UMP, Nouveau Centre, et ceux du parti communiste de Seine-Saint-Denis, dans ce qui s’apparente à une sorte de Yalta départemental.

M. Éric Raoult. Mais vous gérez le département avec eux!

M. Daniel Goldberg. Bref, une seule ligne: avec l’UMP, tout devient possible dès qu’il s’agit de servir vos propres intérêts.

Où est, sur ces questions sensibles, l’échange démocratique, au grand jour, que les citoyens étaient en droit d’attendre? Avant votre travail, pas de discussions précises. Il fallait attendre. Une fois que vous avez commencé à produire des documents, vous refusez de les communiquer, en attendant l’avis de la commission Guéna. Cet avis enfin rendu public, vous refusez de mettre ses conclusions sur la table des discussions, et vous publiez à la sauvette, en plein été, votre projet d’ordonnance, qui elle-même, intrinsèquement, interdit tout débat ou presque.

Et quand, hier, vous affirmez que nous ne devons pas discuter du tracé de telle ou telle circonscription, surtout si elle est située dans notre propre secteur d’élection, vous fermez la boucle: ce redécoupage « impartial » est bien l’œuvre de l’ancien secrétaire aux élections de l’UMP, soutenu dans sa démarche « indépendante » par l’ancien secrétaire général de l’UDR. Dans quelle démocratie sommes-nous? Quel exemple donnons-nous à l’étranger?

Je vais continuer de vous citer, monsieur le secrétaire d’État: « La question qui nous est posée, avez-vous dit hier, est de savoir si le travail accompli depuis un an par le Gouvernement correspond ou non, globalement, à la mission que vous lui aviez confiée, et s’il peut en quelque sorte lui en être donné quitus. »

Eh bien, permettez-moi, pour savoir si le quitus peut vous être accordé, et s’il est encore possible dans l’enceinte de la République de discuter des choix du Gouvernement, de prendre un exemple concret, celui de la Seine-Saint-Denis, avec les propres critères que vous avez mis en avant hier, dans votre intervention. Il s’agit simplement de savoir si vous avez respecté votre parole.

Je vous ai écouté hier avec attention, monsieur le secrétaire d’État: vous peinez un peu à expliquer le résultat de votre travail, et rapidement plusieurs failles apparaissent au grand jour quand on juxtapose les principes que vous avez mis en avant et la réalité de votre proposition de redécoupage électoral dans mon département.

En effet, vous avez dit – et je vous renvoie au compte rendu – que parmi les critères à retenir figurait bien entendu l’équilibre démographique des circonscriptions. Or ce n’est pas seulement moi, c’est aussi la commission Guéna qui a relevé que le projet que vous avez retenu « laisse subsister un important déficit démographique – moins 13,74 % – dans la huitième circonscription, aux contours inchangés », et ce sans que vous y apportiez la moindre justification. Dois-je préciser que le député actuel de cette circonscription est UMP? Il s’agit de notre collègue Patrice Calméjane, qui s’est exprimé tout à l’heure.

Vous n’avez voulu ni tenir compte de cet avertissement, ni permettre d’arriver à un équilibre plus satisfaisant. Aussi, première question, monsieur le secrétaire d’État, pourquoi ne pas avoir tenu compte de l’avis de cette commission que vous avez installée comme « témoin de moralité » de votre travail ? C’est la première faute.

Ensuite, vous nous avez dit hier: « D’autres principes généraux ont présidé aux choix retenus pour ajuster la carte électorale, dont la suppression des circonscriptions dans l’ordre croissant de leur population ». Sur ce même principe, d’ailleurs, le préfet de la région Île-de-France, Daniel Canépa, s’était lui-même engagé par écrit auprès de nous, en répondant, le 13 mars dernier, à l’un de mes collègues : « Un objectif de proportionnalité amène à ne pas modifier les limites des circonscriptions législatives lorsque celles-ci ont une population proche de la moyenne. »

Ainsi, j’ai une deuxième question, toute simple, monsieur le secrétaire d’État: pourquoi ce critère n’a-t-il pas été retenu pour la Seine-Saint-Denis ? En effet, ma circonscription, celle dont je suis l’élu aujourd’hui, et que avez décidé de supprimer, compte 123260 habitants, soit un chiffre très proche de la tranche de 125000 habitants, et avec un écart par rapport à la moyenne départementale de 0,8 %. Elle est la deuxième circonscription la plus peuplée du département, après celle de Claude Bartolone, qui compte 126957 habitants. Et ce sont pourtant ces deux circonscriptions que vous malmenez au lieu de vous attaquer aux quatre circonscriptions les moins peuplées. Mais, il est vrai qu’aucune d’elles n’a un député socialiste.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Comme par hasard!

M. Bruno Le Roux. Cette démonstration est lumineuse!

M. Daniel Goldberg. Deux d’entre elles sont représentées par un élu UMP, et deux autres par des collègues communistes. Deuxième faute.

Votre troisième critère, monsieur le secrétaire d’État, je vous cite toujours, est « l’unité des cantons présentant une solution de continuité ». Or, dans mon département, le canton mêlant Le Bourget, Dugny et le nord de Drancy est réparti, dans le découpage actuel, sur trois circonscriptions différentes. On aurait pu attendre de votre travail que ces trois parties d’un même canton soient versées dans la même circonscription. Mais, là aussi, vous n’avez pas respecté ce critère que vous aviez vous-même défini, laissant ce canton à cheval sur deux circonscriptions législatives. Pourquoi n’y êtes-vous pas parvenu, et d’ailleurs sans donner d’explication ? C’est la troisième question, et donc la troisième faute.

Votre quatrième critère, tel que vous l’énonciez hier, était « l’unité des communes ». Mais alors, monsieur le secrétaire d’Etat, comment se fait-il que, alors que dans le découpage actuel une seule commune de Seine Saint-Denis se trouve à cheval sur deux circonscriptions, vous ayez choisi de réserver à une deuxième ce sort peu enviable ? En effet, alors que cela n’a jamais été le cas, la commune de Bondy serait partagée entre deux circonscriptions. Je me dois de préciser ici que le maire de cette commune, Gilbert Roger, et la députée de la circonscription où elle se situe, Élisabeth Guigou, sont tous deux socialistes.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est un hasard.

M. Bruno Le Roux. La démonstration est implacable.

M. Daniel Goldberg. Et donc, quatrième question, monsieur le secrétaire d’État: pourquoi avoir une nouvelle fois pris le contre-pied de vos propres critères en découpant une commune qui ne l’était pas? En agissant ainsi, vous allez désorienter les habitants de cette ville…

M. Éric Raoult. Ils s’en fichent!

M. Daniel Goldberg. …et risquer de faire apparaître au grand jour la nature de vos choix. C’est la quatrième faute.

Et je ne parlerai pas des intercommunalités, que vous ne respectez pas et qui constituent pourtant l’espace local de référence aujourd’hui.

M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. Ce ne sont pas des collectivités locales!

M. Daniel Goldberg. Ce sont des bassins de vie auxquels, de plus en plus, les citoyens se réfèrent. Ainsi, vous créez des circonscriptions à cheval sur plusieurs communautés d’agglomération. Mais je n’irai pas plus loin sur ce sujet, car vous n’avez jamais dit, je vous le concède, que vous en tiendriez compte. C’est sûrement une vision un peu dépassée, mais c’est la vôtre et je la respecte. Vous n’avez jamais pris l’engagement de tenir compte des frontières de ces bassins de population qui se sont forgé des destins communs.

Mais enfin, si l’on retient les quatre critères que vous avez énoncés solennellement hier, force est de constater qu’aucun d’entre eux n’est respecté dans le redécoupage que vous nous proposez aujourd’hui.

Mais permettez-moi d’aller un peu plus loin, puisque vous n’avez jamais pris la peine de me consulter sur ce projet de redécoupage, contrairement d’ailleurs à vos engagements réaffirmés dans la Revue Parlementaire de mai 2009. Vous y parliez d’une « concertation importante », comportant des « séances de travail avec l’ensemble des parlementaires concernés ». Pour ma part, je n’ai été invité à aucune séance de travail.

Le fait que j’aille un peu plus loin sur la définition des contours des circonscriptions nous permettra de gagner du temps une fois que le Conseil constitutionnel nous aura donné raison, si vous refusez, comme cela est prévisible, de passer au cœur du débat vendredi, c’est-à-dire au cœur de nos propositions d’amendement.

Aller un peu plus loin, c’est répondre à un argument que vous pourriez m’objecter, à savoir qu’un redécoupage des circonscriptions électorales respectant à la fois l’équilibre démographique et l’exigence de modifier en priorité les circonscriptions actuelles les moins peuplées, maintenant l’unité des villes et des cantons, et se souciant même des intercommunalités, est impossible en Seine Saint-Denis et que, faute de mieux, vous avez dû faire des choix et que ceux-ci, par manque de chance, divise des villes, divise des cantons,…

M. Éric Raoult. Divise le PS.

M. Daniel Goldberg. …laisse une circonscription largement déficitaire et, pour ce qui me concerne précisément, conduit à démanteler les liens historiques, culturels, administratifs, sociaux, économiques et même souvent familiaux qui unissent depuis toujours les villes de ma circonscription, en particulier Aubervilliers et La Courneuve, puisque vous avez décidé d’éclater ma circonscription dans trois circonscriptions différentes.

Eh bien, monsieur le secrétaire d’État, j’affirme qu’un tel redécoupage électoral, respectant l’ensemble des critères que vous avez énoncés, est possible dans notre département. Il est d’ailleurs ici, dans ma main : acceptez enfin d’en discuter sur des critères objectifs. Nous pourrons alors confronter nos points de vue.

M. Bruno Le Roux. Bravo!

M. Daniel Goldberg. Puisqu’un tel projet de redécoupage existe,…

M. Éric Raoult. Vous pouvez nous le passer?

M. Bruno Le Roux. Il est consultable depuis six mois, monsieur Raoult.

M. Daniel Goldberg. …chacun peut se demander pourquoi le Gouvernement en a choisi un autre. Cela m’amène à mon second point : la supercherie électorale.

Cette supercherie, vous l’avez d’ailleurs mise en évidence tout à l’heure, en lisant la liste des circonscriptions que vous avez décidé de supprimer. Vous avez indiqué, et vous le répétez depuis le mois de juin, que c’est la dixième circonscription qui est supprimée en Seine-Saint-Denis. Cela fait partie de l’équilibre dont vous parlez en contestant les affirmations de Bruno Le Roux. Cette dixième circonscription, c’est celle de mon collègue Gérard Gaudron, ici présent. Elle n’est absolument pas supprimée. D’ailleurs, si vous prenez la peine d’ouvrir à la page 169 l’excellent rapport de notre collègue de La Verpillière, vous constaterez qu’elle ne l’est pas et que c’est la troisième, celle dont je suis l’élu, qui l’est.

La première supercherie électorale, c’est bien celle qui concerne l’équilibre général des circonscriptions supprimées. Vous le contestiez tout à l’heure, mais nous maintenons que, parmi celles-ci, vingt-trois ont aujourd’hui un député de gauche et dix un député appartenant à la majorité.

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. C’est complètement faux!

M. Bruno Le Roux. Quelle démonstration remarquable!

M. Éric Raoult. On peut en avoir une copie?

M. Daniel Goldberg. Si vous parlez du rapport, vous pouviez même le lire, monsieur Raoult.

M. Bruno Le Roux. M. Raoult est fébrile!

M. Éric Raoult. Aulnay coupé en deux!

M. Daniel Goldberg. Vous parlerez tout à l’heure, monsieur Raoult.

M. le président. Monsieur Raoult, que je sache, vous n’êtes pas membre du parti socialiste. Je vous remercie de laisser M. Goldberg continuer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Daniel Goldberg. Je vous prends au mot, monsieur Raoult. Votez vendredi notre amendement de suppression du redécoupage proposé par M. Marleix et mettons l’ensemble des chiffres sur la table. Nous verrons qui de nous deux a raison.

M. Éric Raoult. Comme en 1988, avec Charasse et Mitterrand!

M. Bruno Le Roux. M. Raoult sent la situation lui échapper!

M. Éric Raoult. Et le coup du Front national, avec la proportionnelle?

M. Daniel Goldberg. Ce n’est pas parce que j’ai raison que vous devez vous énerver.

M. Bruno Le Roux. Quand on est partisan, on devient fébrile.

M. le président. Laissez l’orateur poursuivre.

M. Bruno Le Roux. On a débusqué les partisans!

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. À qui profite le crime?

M. Daniel Goldberg. Monsieur le ministre, vous avez déclaré, dans Le Figaro du 13 avril dernier: « On ne découpe pas en fonction des desiderata des uns et des autres. » C’est pourtant très exactement ce que vous avez fait pour contenter les uns et certains autres. (« Voilà! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Comme d’habitude!

M. Daniel Goldberg. Je le dis ici, mais toute la presse et tous les observateurs en conviennent: la base de votre redécoupage en Seine-Saint-Denis avait comme premier principe d’y conforter les bastions de l'UMP, du Nouveau Centre et du parti communiste. Ce principe, vous ne l'avez pas énoncé hier, alors que c’est pourtant celui qui vous a demandé le plus d'attention!

On ne peut comprendre autrement le fait d'ajouter à la circonscription d'un député Nouveau Centre une ville, celle du Bourget, dont le maire est – comme c'est curieux – Nouveau Centre lui aussi, et de faire de même avec la ville de Bagnolet, dont le maire est communiste, en faveur de Jean-Pierre Brard. Sûrement une coïncidence! Le but le plus sensible de l'opération était de tricoter sur mesure une circonscription – oserai-je dire un  parachute doré? – pour Marie-George Buffet, qui se trouve être la députée de la circonscription la moins peuplée du département, donc celle sur laquelle vos ciseaux auraient dû se concentrer si vous aviez suivi vos propres recommandations.

M. Charles de La Verpillière, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. On le lui dira, et ce sera répété déformé!

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ne vous donnez pas cette peine, on le lui a déjà dit!

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Elle est belle l’union de la gauche!

M. Éric Raoult. Et Martine Aubry qui était à la fête de L’Huma !

M. Daniel Goldberg. Au lieu de cela, vous avez préféré adjoindre à sa circonscription la ville de La Courneuve, dont le maire est communiste!

M. Éric Raoult. Quelle horreur!

M. Daniel Goldberg. Je vois que vous suivez mon raisonnement, monsieur le secrétaire d’État, puisque vous l'avez précédé et même appliqué.

Prenez garde néanmoins, car si vous niez avoir dessiné sciemment ces nouvelles « circonscriptions pour convenance personnelle », vous devrez vous engager précipitamment et résolument dans une carrière scientifique dans le domaine particulier de la statistique descriptive:…

M. Charles de La Verpillière, rapporteur . En la matière, M. Le Roux pourrait vous donner des leçons!

M. Daniel Goldberg. …avec de tels résultats, obtenus par hasard à vous entendre, vous réussirez sûrement à en modifier la théorie en profondeur !

Plus sérieusement, vous avez vous-même avoué avoir fait de telles choses sciemment. C'était dans l'émission Dimanche + du 21 juin dernier, au cours de laquelle un journaliste vous interrogeait sur votre projet pour le département. Je vous cite encore: « Je ne partage pas les idées, tant s'en faut, de Marie-George Buffet. Mais c'est une femme tout à fait respectable, elle est chef de parti et, justement, on va… On me fait le reproche de l'aider et on voudrait qu'un député socialiste, qui arrive d'un autre département et qui est élu là depuis trois ans, soit avantagé par rapport à Mme Buffet. » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je n’ai jamais dit cela!

M. Daniel Goldberg. Bien sûr que si, vous pouvez l’entendre sur les bandes de Canal Plus.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. C’est un truquage! C’est honteux d’utiliser de tels arguments!

M. Daniel Goldberg. C’est vous qui les avez employés.

Même si ce n'est pas un critère objectif et constitutionnel, je veux vous préciser que ma famille est installée dans les villes de ma circonscription actuelle depuis 1937. C'est peu, je vous le concède, au regard de l'âge de l'humanité… Mais de là à dire que j'arrive d'un autre département, il y a un pas que vous franchissez allègrement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien!

M. Daniel Goldberg. J'ai un tort à vos yeux, qui se répercute sur les habitants de la circonscription dont je suis élu, celui d’être (« Socialiste! » sur les bancs du groupe SRC)

M. Éric Raoult. Trop jeune!

M. Daniel Goldberg. ...député depuis seulement trois ans et de ne pas être responsable national de mon parti. C'est donc bien sur ces critères, peu liés à la Constitution, avouez-le, que vous avez assis votre démarche.

Vous en avez d'ailleurs convenu – quelle imprévoyance! – dans une de vos confidences rapportée par Le Nouvel Observateur du 10 juin dernier.

M. Bruno Le Roux. Vous parlez trop, monsieur le secrétaire d’État!

M. Daniel Goldberg. Vous adressant à un ancien dirigeant communiste, vous avez dit: « Est-ce que tu vois toujours tes anciens amis? Tu sais que, pour le redécoupage, on les soigne. » Édifiant!

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Vous faites les poubelles?

M. Daniel Goldberg. Non, je lis les journaux. Et vous n’avez pas démenti.

M. Éric Raoult. Vous travaillez aux RG?

M. Daniel Goldberg. Voilà une nouvelle question à laquelle j'attends votre réponse. Quel verbe devait suivre, dans la phrase que vous n'avez pas terminée, les mots « on va »? Pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur ce sujet?

Votre proposition de redécoupage électoral est d'ailleurs aussi contestée par des militants et élus communistes, qui, eux, connaissent bien notre département, y sont attachés, tout comme moi, et jugent, je cite l’un de nos collègues du groupe GDR, que « l'accord passé entre la secrétaire nationale du parti communiste et M. Marleix est inacceptable ».

M. Jean-Yves Le Bouillonnec et M. Jean-Jacques Urvoas. Très bien!

M. Daniel Goldberg. Car, selon eux, cet accord a bien eu lieu. Moi, je n’en sais rien.

Voilà donc la supercherie électorale: il s'agit à tout prix de « sauver le soldat Marie-George », comme me l'a dit, à mots couverts et sous le sceau du secret, un haut fonctionnaire.

M. Éric Raoult. Et les reports de voix!

M. Daniel Goldberg. Et quand la principale intéressée est questionnée sur le sujet, au lieu de citer des critères objectifs justifiant ce redécoupage, sa réponse est pour le moins sujette à caution. Ainsi, dans Libération du 13 octobre, elle déclare: « Allez voir les camarades de Seine-Maritime s'ils sont avantagés. » Comprenez: si elle est avantagée en Seine-Saint-Denis, c’est parce que d'autres communistes le sont moins ailleurs. Le 5 mai dernier, elle déclare encore à l'AFP: « Je suis parmi les petites circonscriptions, alors ou on rajoute d'un côté ou on rajoute de l'autre ». Il ne vient pas à l'idée de notre collègue, se drapant dans des justifications de dirigeante nationale d'un parti politique, que, selon la logique constitutionnelle que vous vous êtes engagé à respecter, monsieur le secrétaire d’État, le découpage électoral devrait se faire à partir de cette plus petite des circonscriptions. Nous sommes bien loin du respect des règles constitutionnelles, convenez-en!

M. Éric Raoult. Anticommuniste!

M. Daniel Goldberg. Comprenez-moi bien, chers collègues de tout bord, je respecte la personne et le statut de Marie-George Buffet. Mais je ne pense pas que ce statut particulier de secrétaire nationale d’un grand parti politique…

M. Éric Raoult. Elle a quand même été ministre de M. Jospin!

M. Daniel Goldberg. …justifie un redécoupage de complaisance, à la carte, obtenu loin des préoccupations des citoyens et faisant fi de l'histoire de la Seine-Saint-Denis d'hier et d'aujourd'hui. Nul doute que ce nouvel argument du redécoupage électoral, présenté à l’instant par M. Raoult et figurant dans le compte rendu de nos débats, éclairera le Conseil constitutionnel.

M. Bruno Le Roux. Très bien!

M. Daniel Goldberg. Monsieur le secrétaire d’État, je crois avoir suffisamment démontré en quoi votre projet de redécoupage électoral est partial, ne vise aucune cohérence territoriale ou démographique, choisit de privilégier les uns plutôt que les autres de manière électoraliste.

M. Jean-Jacques Urvoas. Un boucher, ce Marleix!

M. Daniel Goldberg. Il est peut-être aussi sous-tendu par une solidarité de génération puisque, pendant longtemps dans votre famille politique, on a cru que les quartiers populaires devaient se répartir entre gaullistes et communistes, et encore au seul profit de ceux qui étaient bien dans la ligne de leurs appareils politiques respectifs. Je ne referai pas ici l'historique qui a conduit au découpage des départements de la petite couronne en 1967.

Le dernier point que j’aborderai est l'injustice faite à la Seine-Saint-Denis. Ce n'est pas une plainte personnelle que je veux formuler ici,…

M. Éric Raoult. Vous irez au Sénat!

M. Daniel Goldberg. …tant le statut de député est confortable au regard de la situation de la grande majorité des habitants de notre pays, particulièrement ceux des quartiers populaires. C'est la plainte d'un département que je veux exprimer, d'une population qui a souvent servi de bouc émissaire sur des questions nationales, et de variable d’ajustement pour des intérêts politiques nationaux. Ce département et ses habitants méritent respect et considération. Toutes celles et tous ceux qui, aujourd'hui, par de petits arrangements entre amis, profitent de votre opération de tripatouillage électoral, tous ceux-là ont manqué à ce respect légitime.

J'ai sûrement à vos yeux plusieurs torts qui vous ont conduit à déposer un tel projet, tricoté en catimini, un projet que le terme de « Yalta électoral » que j'ai employé tout à l'heure, typique des années soixante, résume parfaitement, tant vous voulez, comme au temps de la guerre froide, geler des positions acquises. Ces torts, je peux les énumérer: je suis socialiste, j'ai une quarantaine d'années, j'ai choisi de me consacrer pleinement à ce mandat de député en démissionnant d'autres responsabilités électives, c'est effectivement mon premier mandat de député, et je ne suis pas responsable national de ma formation politique. Tout cela a certainement pesé lourd dans vos choix. La difficulté pour vous maintenant est de justifier, par des considérations objectives, qu’ils respectent les critères que vous vous êtes vous-même fixés.

Avant de conclure, je veux vous rappeler que je vous ai posé plusieurs questions précises, non polémiques, sur vos choix en matière de respect de l'unité des villes et des cantons, d'équilibre démographique et de circonscriptions à redécouper. J'attends ici, à l'Assemblée nationale, au cœur du Parlement qui est censé avoir un pouvoir de contrôle plus important depuis la réforme de la Constitution,…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr!

M. Daniel Goldberg. …que vous y répondiez précisément, point par point, selon la tradition républicaine.

Si vous refusiez de répondre au représentant de la nation que je suis, si vous vous réfugiiez, comme hier, derrière des fiches écrites avant même que le débat ait lieu ou si vous me donniez des réponses qui n’iraient pas dans les détails que j'ai pointés, vous comprendrez que vous n'obtiendriez pas de moi le quitus démocratique que vous demandiez hier, tant l'exemple de la Seine-Saint-Denis aura démontré les présupposés de votre démarche générale concernant le redécoupage de l'ensemble des circonscriptions.

Finalement, la manière dont vous avez conduit cette révision de la carte électorale est une vision raccourcie de la méthode Sarkozy d'accaparement du pouvoir au profit d'un clan qui en vient même à sélectionner ses adversaires, ceux sans doute qui lui causeront le moins de soucis. Nous l'avons vu dans la volonté de contrôler l’ensemble des médias, dans les liens avec certains milieux financiers, dans la chasse à l'indépendance de la justice qui condamne par avance ceux qui ne sont qu'inculpés, et dans un certain nombre de nominations. Nous le verrons lors de la réforme territoriale, et tout prochainement, dans le projet de loi sur le Grand Paris. Vous voulez passer au-dessus des représentants démocratiquement élus.

Cet accaparement du pouvoir a été symbolisé ces derniers jours par la figure du fils du Président de la République.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Tout à fait!

M. Jean Mallot. Vous lui avez réservé une circonscription, à lui?

M. Daniel Goldberg. D’où ma dernière question, à laquelle, rassurez-vous, je connais déjà la réponse: qui peut penser que le redécoupage électoral en Seine-Saint-Denis serait le même si je m'appelais Daniel Sarkozy? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux. Remarquable démonstration!

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Quel mépris pour la population communiste de Seine-Saint-Denis! Elle est belle, l’union de la gauche!

M. le président. Abstenons-nous de tout commentaire, monsieur le secrétaire d’État.

La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, le projet de loi doit remédier aux écarts démographiques apparus depuis le dernier découpage électoral des circonscriptions législatives. Telle est la légitime demande, claire et précise, du Conseil constitutionnel. Respecter la démocratie, telle est, monsieur le secrétaire d’État, votre mission républicaine.

Que constatons-nous? Vos travaux ont débuté il y a dix-huit mois. Au cours de cette période, vous avez reçu beaucoup d'entre nous, élus socialistes et républicains, ensemble ou individuellement. En cela, certains ont eu plus de chance que Daniel Goldberg. Mais rassurez-vous, monsieur Raoult, cela n’a servi à rien. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Excellent!

Mme Catherine Génisson. Si vous nous avez écoutés, monsieur le ministre, vous n’avez rien entendu. Votre écoute a été unilatérale, plus que sélective; vous n'avez cessé de parler de transparence pour mieux agir dans l'opacité.

Pourtant, nous, socialistes, ensemble, tant au niveau national qu'au niveau de nos fédérations, nous avons fait des propositions en totale adéquation avec les préconisations définies par le Conseil constitutionnel. Représentants élus du peuple, c'est avec dignité et une grande détermination que nous nous battons pour que le peuple soit respecté. Ne nous rétorquez pas que nous serions dans le registre d'intérêts particuliers. Vous n'enfoncerez pas de coin entre nous. Je vais vous le prouver en abordant les quatre points qui me paraissent les plus contestables.

En effet, si la copie que nous examinons aujourd'hui fait le bonheur de beaucoup d'entre vous, chers collègues de droite, elle ne fait pas pour autant honneur à notre démocratie.

M. Éric Raoult. Oh!

Mme Catherine Génisson. Eh oui!

M. Jean Mallot. Elle a raison!

Mme Catherine Génisson. La majorité UMP-Nouveau Centre compte 339 députés, près de 60 % de l'hémicycle,

M. Éric Raoult. Il ne fallait pas présenter Ségolène!

Mme Catherine Génisson. Soyez poli, monsieur Raoult!

M. Éric Raoult. Ce n’est pas une insulte!

Mme Catherine Génisson. Pourtant, monsieur le secrétaire d’État, sur les trente-trois circonscriptions supprimées, seulement dix d'entre elles, soit à peine 30 %, concernent un député de votre parti politique, alors que le département du Pas-de-Calais par exemple perdra deux circonscriptions sur quatorze: la troisième et la onzième, aujourd'hui solidement ancrées à gauche, grâce à l'action remarquable de deux de nos parlementaires: Jean-Claude Leroy et Odette Duriez. Un hasard, sans doute!

D'autre part, les trente-trois circonscriptions que vous proposez de créer dans une quinzaine de départements, dont les onze représentant des Français de l'étranger, ont été conçues et réparties de telle façon qu'en calquant les résultats de 2007, pas moins de vingt-quatre d'entre elles vous seraient acquises. Le hasard fait décidément très bien les choses!

Ensuite, dans de très nombreux départements, les ciseaux de la découpe n'ont pas été utilisés avec la même dextérité. Il y a les circonscriptions tranchées à la hache au mépris de toute cohérence territoriale – je pense notamment à la première circonscription du Pas-de-Calais dans laquelle ma collègue Jacqueline Maquet est élue aujourd’hui. Pas moins de onze cantons et 295 communes, une large bande de territoires ruraux correspondant à un tiers du territoire du département, sans homogénéité géographique ou sociologique, sans ville-centre – une circonscription, où quel que soit le député élu, de droite ou de gauche c’est une insulte à la démocratie. Mais cette circonscription cohabite avec des circonscriptions taillées sur mesure, avec la finesse de la dentelle. Ces dernières sont, faut-il vraiment le préciser, détenues par certains de vos plus éminents collègues. J'évoque, toujours dans le Pas-de- Calais, une circonscription qui perd des habitants, qui est à la limite inférieure de l’écart de 20 % de la moyenne de la population du Pas-de-Calais, mais qui s'enrichit surtout d’un canton qui vote traditionnellement à 70 % à droite et qui, comme par hasard, perd un canton qui vote traditionnellement, lui, à 70 % à gauche.

M. Éric Raoult. C’est l’équilibre!

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est l’équilibre à la Raoult!

Mme Catherine Génisson. C’est une circonscription soignée aux petits oignons pour l’un de vos collègues, monsieur Raoult.

Ainsi, l'objectif de réduction des inégalités démographiques n'est pas rempli. Les exemples de circonscriptions aux écarts de population considérables pullulent. Et lorsque le Conseil d'État vous le fait observer, vous qualifiez avec dérision son avis de « perfectionniste ». Nous pensons que la problématique de la représentation démocratique des citoyens mérite mieux que l'approximation.

Vous réussissez le triste exploit, monsieur le secrétaire d’État, de faire mieux que votre prédécesseur Charles Pasqua il y a vingt-trois ans.

M. Éric Raoult. Et Michel Charasse?

Mme Catherine Génisson. Vous garantissez en effet à votre camp un socle d'au moins 250 députés, tandis que vous imposez à la gauche d'obtenir 51,4 % des suffrages de nos concitoyens pour avoir une majorité de sièges.

Une telle iniquité constitue une remise en cause insupportable du fondement même de la démocratie représentative.

Votre projet abîme, blesse notre démocratie. Notre légitimité politique vient de la volonté et du consentement du peuple. Avec ce redécoupage, beaucoup de nos collègues estiment que, malheureusement, la France ne sera pas à l'abri d'une situation à l'américaine où les modalités du vote influencent l'élection, jusqu'à faire gagner le camp minoritaire en voix. Les États-Unis ont la justification historique du fédéralisme qui impose un équilibre entre la représentation populaire et celle des États. Quelle est la vôtre, monsieur le secrétaire d’État? Pour quelle raison, dans notre pays, faudrait-il rassembler la moitié du corps électoral plus 600000 voix pour espérer obtenir une majorité de gauche au Parlement?

On évoque depuis des décennies une crise de la représentation. Les causes en sont multiples, ses effets bien connus sur un grand nombre de nos concitoyens: suspicion généralisée sur les représentants politiques, abstention massive, désintérêt pour la chose publique. Je crains que votre projet soit la source d'un ressentiment et d'une frustration populaire sans précédent.

Quelle occasion gâchée! Alors que vous aviez l'opportunité d'améliorer le lien et la proximité entre l'électeur et son représentant, vous avez préféré ne prendre en compte que vos seuls intérêts par un redécoupage dont, à l'évidence, nul ne peut sincèrement prétendre qu'il ne soit politiquement orienté.

S'il est logique que le Gouvernement ait la charge de la délimitation électorale, il est indispensable, comme nous l'avions demandé, qu'une commission strictement indépendante puisse contrôler vos travaux. Cela n'a pas été le cas. La règle de l'incompatibilité de ses membres avec l'exercice d'un mandat électif ou de représentation d'intérêts partisans n'a pas été respectée.

Vous demandez, monsieur le secrétaire d’État, le quitus de l'Assemblée nationale sur votre projet. Le respect de la démocratie qui anime les députés du groupe socialiste et républicain nous interdit de vous le donner. Elle nous contraint au contraire à rejeter avec force et détermination un projet de loi qui ne garantit pas l'un des principes fondateur de notre démocratie: l'égalité devant le suffrage. Aussi, j'en appelle à l'éthique collective de notre assemblée pour le repousser.

Au final, lorsque l'on prend un peu de recul sur votre action dans le domaine institutionnel depuis 2007, on ne peut que constater que le redécoupage des circonscriptions tel qu'il est conçu aujourd'hui est un outil, parmi d'autres, pour affaiblir les velléités d'opposition ou de résistance à la toute-puissance du pouvoir exécutif.

La réforme de notre règlement en était la première étape, le redécoupage la seconde; la troisième s'annonce avec le prochain examen de la réforme territoriale: le mode de scrutin choisi pour les futurs « conseillers territoriaux », à savoir le scrutin majoritaire à un tour teinté de proportionnelle vise à favoriser un bipartisme qui profitera évidemment à votre parti. Vous accompagnez ce mode de scrutin étranger à notre culture politique d’une véritable mise sous tutelle financière des collectivités. Même méthode, même cohérence d'ensemble, même objectif: affaiblir les contre-pouvoirs politiques aussi bien au niveau national que local. Voilà une raison supplémentaire pour que notre assemblée refuse d’apporter son soutien à votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

M. Bruno Le Roux. Suite à l’intervention argumentée de Daniel Goldberg, j’ai entendu une interruption qui figure très certainement au compte rendu. Elle s’adressait non seulement à lui mais au parti socialiste dans son ensemble: « Quel mépris pour la population communiste du département! »

M. Éric Raoult. Eh oui!

M. Bruno Le Roux. Je souhaite m’exprimer de la façon la plus calme qui soit.

M. Éric Raoult. Le report de voix!

M. Bruno Le Roux. Nous avons une tradition de confrontation d’idées dans ce département.

Le respect de l’électorat a toujours été la base d’un rassemblement. Je voudrais en donner trois exemples.

Premièrement, M. Daniel Goldberg nous a dit que c’était son premier mandat. Mais cela devrait être son deuxième mandat. En effet, il avait été investi en 2002 pour devenir député, mais a été « enlevé » du premier tour, car il y avait à l’époque un danger extrême face auquel nous avions fait le choix d’investir, dès le premier tour, Mme Muguette Jacquaint. Nous lui avions demandé de revenir à l’Assemblée nationale et de siéger pour la gauche, faisant fi de la candidature de Daniel Goldberg. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Deuxièmement, jamais, en dehors de la confrontation du premier tour, pour respecter l’électorat, nous n’avons maintenu deux candidats de gauche au second tour. Nous nous sommes toujours retirés, que ce soit pour les élections législatives en 1988 ou pour les élections cantonales, afin de respecter l’électorat, pas seulement communiste, l’électorat de gauche de ce département.

Troisièmement, quand il a fallu permettre cette conquête dans le temps d’un conseil général et qu’il y avait égalité, nous avons pensé, là encore, que le respect de l’électorat et de ce qui s’était passé pendant de nombreuses années conduisait à ce que ce soient ceux qui avaient assumé la plus grande partie du temps qui continuent jusqu’au moment où une majorité claire s’affirmerait.

Dans ce département, la confrontation est une confrontation d’idées. Le respect de l’électorat de gauche, de tous les électeurs de Seine-Saint-Denis, c’est la clarté dans notre système d’alliances et c’est la clarté dans les arguments que nous défendons aujourd’hui, lesquels ne mettent en cause personne, sinon la méthode qui a été utilisée pour le redécoupage de ce département. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Monsieur le secrétaire d’État, lors des débats parlementaires relatifs à la loi d'habilitation, vous vous étiez engagé à ce que l'ordonnance de redécoupage des circonscriptions législatives soit prise en toute transparence. Vous aviez promis notamment de tenir le plus grand compte de l'avis de la commission de contrôle du redécoupage électoral – la CCRE – et ensuite de l'avis du Conseil d'État. Or vous avez fait exactement l'inverse.

Vous le reconnaissez dans Le Figaro du 29 juillet 2009 puisque vous indiquez: « Seules trente-quatre circonscriptions ont reçu une double recommandation de la Commission et du Conseil d'État. Pour treize d'entre elles, nous avons modifié notre projet. » Dans au moins vingt et un cas, vous êtes donc passé outre à la fois à l'avis de la CCRE et à celui du Conseil d'État. Le département de la Moselle fait, hélas! partie de ces vingt et un cas. Les deux principales victimes en sont notre collègue Aurélie Filippetti et moi-même.

Vous avez permuté entre la première et la troisième circonscription les treize bureaux de vote qui constituent le canton de Metz 1 contre, en sens inverse, onze bureaux de vote soigneusement sélectionnés à l'intérieur du canton de Metz 3. Or vos arrière-pensées politiques sont évidentes puisque le canton de Metz 1, qui passe de la première à la troisième circonscription, est le plus à gauche de la ville. Son conseiller général est le maire socialiste de Metz.

Par contre, les onze bureaux de vote du canton de Metz 3 transférés en sens inverse sont eux les plus à droite de la ville de Metz. Pire, cette permutation de bureaux de vote a été effectuée au prix d’un découpage tout à fait particulier. En effet, historiquement, la limite entre la première et troisième circonscription a toujours coïncidé avec le lit de la Moselle. Or, avec votre ordonnance, les deux circonscriptions vont former l’une dans l'autre des excroissances qui s'enchevêtrent de manière inextricable. En particulier, les bureaux de vote du canton de Metz 3 transférés à la première circonscription auront la forme d'une hernie rattachée à celle-ci par une étroite bande de terrain de quelques centaines de mètres.

Ce charcutage est tellement flagrant…

M. Éric Raoult. Marie-Jo, tu es dans la majorité! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Néri. On n’est jamais trahi que par les siens!

Mme Marie-Jo Zimmermann . …que la région messine figure parmi les cinq exemples nationaux cités par le journal Le Monde du 1 er  août 2009. Elle figure aussi parmi les quatre exemples nationaux cités par l'hebdomadaire Le Canard Enchaîné du 5 août 2009: « En Moselle, les circonscriptions dessinées par M. Marleix prennent des allures de fjords norvégiens ou de carte des Balkans. Pour renforcer l'UMP François Grosdidier… ce travail de dentellière a été réalisé au détriment de la députée UMP Marie-Jo Zimmermann… ».

M. Alain Néri. Quelle honte!

Mme Marie-Jo Zimmermann . Facteur aggravant, cette permutation n'a strictement aucune justification démographique puisque l'actuelle troisième circonscription n'a que 9,66 % d'habitants de moins que la moyenne départementale. Or, en Moselle, votre ordonnance laisse inchangée la circonscription de Sarreguemines, laquelle a pourtant une population inférieure de 13,03 % à la moyenne départementale. Comment pouvez-vous sérieusement prétendre qu'un écart de 9,66 % est inacceptable à Metz alors que dans le même département, à Sarreguemines, vous considérez qu'un écart de 13,03 % est tout à fait normal?

Il n’est donc pas surprenant qu’à la fois la commission de contrôle du redécoupage électoral et le Conseil d’État aient formulé un avis négatif au sujet de votre projet de découpage en Moselle. J’espère qu’à son tour le Conseil constitutionnel ne laissera pas passer une telle injustice.

Monsieur le secrétaire d’État, j’ai entendu vos propos sur l’intérêt particulier. La présente intervention n’a vraiment pas du tout pour but de mettre en avant l’intérêt particulier de Marie-Jo Zimmermann. Je crois simplement que, pour la ville de Metz, le redécoupage présente des anomalies, que je souhaitais soulever. Je remercie le président du groupe UMP, M. Jean-François Copé, de m’avoir permis de m’exprimer dans la discussion générale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quel courage!

M. le président. La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri. Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur… Le président de la commission n’est pas là et je le regrette, car il aurait été convenable, et utile, que M. Warsmann soit parmi nous ce soir.

Monsieur Marleix, si vous avez pensé, pendant que je montais ces marches, que j’allais vous dire « Ave, Marleix, morituri te salutant », vous vous êtes trompé! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vous vous êtes trompé parce que je suis d’Auvergne et que «  sem d’Auvernha, lachem pas ! » Je vous traduis: on est d’Auvergne et on ne lâche pas!

M. Jean-Paul Bacquet. C’est vrai!

M. Alain Néri. De même, j’ai la faiblesse de croire que Vaclav Havel avait parfaitement raison quand il affirmait: « Il n’est de batailles perdues que celles que l’on ne livre pas. »

M. Éric Raoult. C’est Jacques Chirac qui a dit cela! Pas Vaclav Havel!

M. Alain Néri. Soyez assuré que nous allons livrer bataille, et, comme l’a dit Marie-Jo Zimmermann, non pas une bataille pour des intérêts particuliers, mais la bataille de l’intérêt général, de la démocratie et du respect de la République.

M. Bruno Le Roux. Très bien!

M. Éric Raoult. Comme au congrès de Reims!

M. Alain Néri. Nous entrons en résistance, monsieur Marleix. Si vous croyez que nous allons accepter d’être crucifiés (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP), d’être supprimés, que nous allons nous contenter de dire « Marleix m’a tuer », vous vous trompez, la bataille ne fait que commencer!

M. Éric Raoult. Vous êtes en verve!

M. Alain Néri. Votre projet de découpage est un déni de démocratie, un défi aux républicains sincères et aux valeurs de la République, dont je croyais qu’elles étaient partagées par tous dans cet hémicycle.

Votre projet de découpage est inique. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Mallot. Le mot est faible!

M. Alain Néri. En effet, pour que la gauche soit majoritaire en sièges, il faudra qu’elle obtienne au minimum 51,4 % des voix.

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. N’importe quoi!

M. Charles de La Verpillière, rapporteur . Honteux!

M. Éric Raoult. Il faudra qu’elle ait de bons candidats!

M. Alain Néri. Cela prouve que l’on pourra être majoritaire en voix et minoritaire en sièges, ce qui, convenez-en, n’est pas la règle de vie démocratique que l’on souhaiterait partager.

M. Éric Raoult. Vos collègues n’applaudissent même pas!

M. Alain Néri. C’est un découpage sectaire, partisan et je dirai même cynique.

M. Jean Mallot. C’est vrai!

M. Alain Néri. En réalité, c’est à un véritable charcutage que vous vous êtes livré, charcutage par lequel vous souhaitez rendre impossible toute alternance dans ce pays, au mépris de nos concitoyens et du suffrage universel.

M. Éric Raoult. Pour qu’il n’y ait pas d’alternance, on vous laisse faire!

M. Alain Néri. Aussi, je vous accuse, vous et tous ceux qui, travaillant à vos côtés, ont participé à cette mascarade, de forfaiture. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je m’honore de ne pas souvent partager les propos de M. Hortefeux.

M. Éric Raoult. Pourtant il est Auvergnat!

M. Alain Néri. Mais, pour une fois, quand il s’est exprimé à Seignosse, j’ai pensé qu’il avait raison. Il a prétendu qu’il s’adressait aux Auvergnats, mais je me suis fait la réflexion qu’il ne pouvait pas penser aux Auvergnats lorsqu’il disait: « Quand il y en a un, ça va; c’est quand ils sont plus nombreux que cela ne va pas. »

M. Éric Raoult. Un Néri, il n’y en a qu’un seul!

M. Alain Néri. J’ai donc pensé que ce dont il parlait, c’était plutôt des ministres auvergnats: quand il y en a un, cela pourrait peut-être aller, mais quand il y en a deux, attention les dégâts! On est en train de le vérifier aujourd’hui. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Je voudrais, pour éclairer davantage vos turpitudes, prendre l’exemple d’un département que nous connaissons bien tous les deux: le département du Puy-de-Dôme. Vous le connaissez bien puisque vous êtes notre voisin.

Le département du Puy-de-Dôme compterait, selon le recensement de 2006, 623463 habitants. Et vous vous appuyez sur ce chiffre pour supprimer une circonscription, puisqu’il faudrait 625001 habitants pour les conserver toutes, selon la formule que vous avez choisie, cette formule injuste de la tranche. Je disais hier que vous vouliez vous payer une tranche de socialistes. Mais ce sera difficile.

M. Éric Raoult. On vous laisse faire tout seuls!

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. C’était la formule de 1985! Nous n’avons rien changé.

M. Alain Néri. Pour conserver six circonscriptions dans le Puy-de-Dôme, il nous manque 1538 habitants, c’est-à-dire 257 habitants par circonscription. Ainsi, par la magie de votre découpage, nous devenons le département de France où il faudra la plus forte moyenne et le plus grand nombre d’habitants pour faire une circonscription, à savoir 124693 habitants.

Alors que dans un département voisin que vous connaissez encore mieux, celui du Cantal, dont vous êtes élu depuis un certain temps, et où vous avez même été maire, à Massiac,...

M. Éric Raoult. Très bon maire!

Mme Aurélie Filippetti. Ah bon?

M. Alain Néri. …avec 150000 habitants, vous aurez deux députés. Ce qui veut dire, si j’ai bien calculé, qu’il faut presque deux habitants du Puy-de-Dôme pour faire un Cantalien!

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et voilà!

M. Alain Néri. Je crois donc que nous ne pouvons guère parler de justice, d’égalité et d’équité. C’est pourquoi je dénonce votre découpage. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Tant que nous y sommes, nous pourrions également évoquer la nouvelle circonscription de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin: un député pour 43518 habitants…

M. Éric Raoult. M. Victorin Lurel en est le député! Il est socialiste!

M. le président. Monsieur Raoult, s’il vous plaît!

M. Bruno Le Roux. Et alors, monsieur Raoult! Que voulez-vous démontrer?

M. Éric Raoult. Soyez meilleurs et vous gagnerez les élections!

M. Alain Néri. Quel exemple de justice et de respect des orientations que le Conseil constitutionnel vous avait fixées, vous rappelant qu’il fallait vous appuyer sur un équilibre démographique dans le nombre d’habitants par circonscription!

Votre projet crée des circonscriptions avec un écart supérieur à celui qui existe aujourd’hui entre les circonscriptions du département. Entre celle de Riom – 109243 habitants – et celle de Clermont – 136207 habitants – il y a un écart – cramponnez-vous, monsieur Marleix – de 26964 habitants! Excusez du peu: c’est une population supérieure à celle de l’arrondissement d’Ambert.

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Il y a deux arrondissements!

M. Alain Néri. Non, monsieur Marleix, relisez vos notes; vous en aurez besoin puisque vous allez être candidat aux élections régionales, et il vaudrait mieux que vous connaissiez bien les arrondissements du département du Puy-de-Dôme.

Puisque vous souhaitez des propositions, j’ai déposé un amendement de découpage dans la transparence et la sérénité, grâce auquel les circonscriptions ne seront pas entachées de dents creuses, de « fjords norvégiens », comme disait Marie-Jo Zimmermann, mais seront compactes,…

M. Éric Raoult. Comme en 1988!

M. Alain Néri. …tiendront compte des habitudes de vie, des réalités économiques des territoires, des cantons et des communes, et où l’écart sera de 2985 habitants.

Comme vous êtes ouvert à la discussion, et comme vous nous dites que vous souhaitez la transparence, l’égalité et l’équité, je ne doute pas que vous allez prendre nos propositions en considération, rouvrir la discussion et tenir compte du document que je vous ai envoyé.

Comme je l’ai dit, il nous manque un nombre infime d’habitants: 257 par circonscription. Or la population du Puy-de-Dôme est en croissance, je sais que nous dépassons aujourd’hui les 625001 habitants et que la démographie sera encore plus forte en 2012. J’ai peur, en revanche, que votre département du Cantal – 150000 habitants – n’ait pas conservé à cette date autant d’habitants qu’aujourd’hui. Je crains même que, si un nouveau découpage est réalisé dans cinq ou dix ans, votre département ne soit réduit, comme la Creuse ou la Lozère, à un seul siège. Je ne le souhaite pas, et nous continuerons d’ailleurs, avec mes amis socialistes, à développer les quatre départements de la région Auvergne, dont le département du Cantal, pour que vous échappiez à ce couperet.

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. Vous allez faire des enfants dans le Cantal?

M. Alain Néri. Je m’étonne qu’avec votre talent, monsieur le secrétaire d’État, vous ne soyez pas parvenu à la solution qu’un petit député de base du Puy-de-Dôme a pu trouver.

Vous supprimez donc une circonscription, et ce faisant vous gravissez un échelon de plus, si c’est possible, dans la turpitude. Vous affirmez, pour justifier cette suppression, que la formule de la tranche l’impose, et vous nous feriez presque pleurer en nous assurant combien vous en êtes malheureux et combien vous le regrettez. Mais des regrets, cela ne garantit pas le respect de l’égalité!

Vous supprimez une circonscription, mais laquelle, monsieur Marleix? La moins peuplée? Non, au contraire, vous supprimez la plus peuplée, avec 117157 habitants en 2008. D’ailleurs, cette circonscription que vous explosez est plus peuplée que la deuxième circonscription de Riom que ce découpage impose et qui n’aura que 109243 habitants.

M. Michel Issindou. Scandaleux!

M. Alain Néri. Si je voulais parodier Louis Jouvet, je dirais: « Bizarre, vous avez dit bizarre? » (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Éric Raoult. Comme c’est bizarre!

M. Alain Néri. Non, ce n’est pas bizarre car, pour ceux qui ne l’auraient pas encore compris, cette circonscription est de gauche! (« Ah! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Éric Raoult. Quelle horreur!

M. Alain Néri. Et ce n’est pas n’importe quelle circonscription à gauche, puisque c’est celle qui donne régulièrement, depuis sa création en 1986, le meilleur score socialiste du département du Puy-de-Dôme. Lors de la dernière consultation de 2007, les socialistes l’ont emporté avec 61,85 % des voix. (« Bravo! » sur les bancs du groupe SRC.) La boucle est bouclée.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez déjà réalisé une bonne opération puisque la gauche vous menait par cinq à un, et que, sur le tapis vert, parce que vous êtes incapable de gagner sur le terrain, vous ramenez le score à quatre à un. Et comme vous le dites, avec une expression que vous aimez bien: « En avant la musique! » (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

Grand spécialiste du charcutage, vous êtes en progression constante.

M. Éric Raoult. Ce n’est pas un discours, c’est un sketch!

M. Alain Néri. Apprenti charcutier en 1986, avec comme maître d’apprentissage M. Charles Pasqua, orfèvre en la matière,…

M. Éric Raoult. Et M. Charasse?

M. Alain Néri. …vous avez poursuivi votre formation avec un succès inespéré puisque vous avez maintenant une spécialité supplémentaire, dans laquelle vous excellez – est-ce la proximité avec le Puy? –: vous êtes devenu une dentellière de talent. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

Je m’explique. Vous fragilisez la deuxième circonscription, nouvelle formule, du Puy-de-Dôme, celle de Riom, en ajoutant deux cantons de droite, Herment et Bourg-Lastic, et en supprimant un canton de gauche, Ennezat. Pourquoi? On pourrait avoir l’esprit un peu mal tourné, mais après tout, comme il semblerait que ce soient certaines arrière-pensées qui aient présidé à votre découpage, permettez-nous d’en avoir également.

Peut-être entendez-vous préparer un terrain d’atterrissage pour votre collègue Brice Hortefeux (« Ah! » sur les bancs du groupe SRC) , qui a du mal à se poser quelque part. Il ne s’est d’ailleurs jamais décidé à être candidat à quelque élection que ce soit quand il faut y aller tout seul!

Mme Catherine Coutelle. Comme Raffarin!

M. Alain Néri. Il a eu des occasions aux législatives – je l’avais même invité à venir m’affronter – mais il était aux abonnés absents. À Clermont-Ferrand, jusqu’au dernier moment, on disait: « Hortefeux va être là », mais il n’a pas osé affronter Serge Godard.

M. Éric Raoult. Ce n’est pas vrai!

M. Alain Néri. Et aujourd’hui il se défile à nouveau pour les élections régionales en vous laissant, bravement, la tête de liste! J’espère que vous n’oublierez pas de le remercier du dévouement et de l’esprit de sacrifice dont il fait preuve pour vous offrir l’honneur d’affronter les socialistes dans la région Auvergne. Aussi, je crains qu’essayer d’affaiblir la deuxième circonscription de Riom ne serve à rien car, comme il en a l’habitude puisqu’il le fait chaque fois, au dernier moment, M. Hortefeux refusera de prendre son envol, et donc il n’y aura pas à prévoir de piste d’atterrissage. Vous bafouez le suffrage universel. Mais cela ne servira à rien parce que je suis sûr que les électeurs du Puy-de-Dôme sauront répondre à votre provocation en se mobilisant pour que la gauche remporte à nouveau cette circonscription.

Tout à l’heure, j’ai reconnu volontiers vos talents de charcutier et de dentellière, dont je vais maintenant vous fournir les preuves.

M. Éric Raoult. Monsieur le président, M. Néri a-t-il un temps de parole de dix minutes ou de trente minutes?

M. le président. Le temps de parole indiqué sur la feuille jaune n’est qu’indicatif, mon cher collègue. Monsieur Néri, veuillez poursuivre.

M. Alain Néri. Monsieur Raoult, vous qui êtes un parlementaire chevronné, vous devriez savoir que vous avez voté un nouveau règlement qui prévoit que le temps de parole est libre dans un contingent horaire fixé à l’avance. Je prends donc mon temps.

M. Éric Raoult. Ça peut durer cinq heures alors?

M. Alain Néri. Si vous êtes fatigué, vous pouvez aller vous reposer. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le secrétaire d’État, dans le Puy-de-Dôme, non content de charcuter la deuxième circonscription nouvelle formule, vous explosez la deuxième circonscription actuelle, que j’ai l’honneur de représenter à l’Assemblée nationale, en vous livrant sur elle à un curieux exercice.

M. Jean-Paul Bacquet. C’est vrai!

M. Alain Néri. En effet, vous avez décidé de rattacher le canton de Vertaizon – que je connais bien puisque j’en suis l’élu au conseil général sans interruption depuis 1982 – à la circonscription d’Issoire. Je crois rêver, et les Auvergnats aussi! Ce n’est certainement pas dû à une méconnaissance de la géographie locale de ce département car je suis persuadé que vous la connaissez parfaitement, et que c’est justement pour ça que vous vous êtes livré à cet exercice de dentellière. Comment un tel charcutage, qui ne respecte ni la réalité économique, ni les habitudes de vie des habitants, ni les modes de relations entre les communautés de communes et les communes du canton, a-t-il été possible? Vous qui avez été pendant de nombreuses années député du Cantal, vous qui avez été maire de Massiac, donc plus près d’Issoire que de Vertaizon, je ne doute pas que vous allez de temps en temps à la foire de la Saint-Paul, à Issoire, et je pense que, lorsque vous vous y rendez, vous avez peu de chances de rencontrer un habitant de Vertaizon: si les Vertaizonnais n’y vont pas pour la foire de la Saint-Paul, cela veut dire qu’ils n’iront jamais à Issoire! Voilà le charcutage que vous avez commis! Vous qui avez la prétention de représenter les habitants de la région Auvergne, donc ceux du canton de Vertaizon – puisque vous êtes candidat à la présidence de la région –, sachez que nous aurons l’occasion de vous rappeler la géographie tout au long des mois de février et mars, durant la campagne électorale. Vous pouvez compter sur nous parce qu’il nous semble qu’il faut éclairer les électeurs sur la réalité de la politique que vous menez, et que vous mèneriez aussi dans la région Auvergne si, malheureusement, vous parveniez aux responsabilités que vous ambitionnez.

M. Charles de La Verpillière, rapporteur . Ça n’a pas grand-chose à voir avec le texte, monsieur Néri.

M. Alain Néri. De plus, annexer le canton de Vertaizon à Issoire est une véritable gageure parce qu’il n’y a pas de continuité territoriale. Mais c’est alors que la dentellière Marleix est entrée en action: elle a découpé le canton de Billom, 10113 habitants, pour en rattacher la partie la plus importante à la circonscription de Thiers, ne rattachant à la circonscription d’Issoire que la commune de Pérignat-ès-Allier…

Mme Catherine Coutelle. C’est scandaleux!

M. Alain Néri. …pour créer une continuité territoriale artificielle.

M. Éric Raoult. On ne vous suit plus! Il nous faut un GPS!

M. Alain Néri. Pérignat-ès-Allier reste dans sa vocation qui est de servir de pont, mais, cette fois, cela ira à l’encontre des intérêts des Auvergnats. Vous ciselez le canton de Billom en le découpant en deux et hop, le tour est joué!

M. René Dosière. Incroyable!

Mme Catherine Coutelle. Inadmissible!

M. Alain Néri. C’est du moins ce que vous pensez, monsieur Marleix. Mais l’affaire n’est pas encore dans le sac car je vais vous citer mot à mot ce que vous avez répondu à M. Geoffroy, notre collègue de l’UMP, lors de la discussion en commission de votre projet de charcutage: « Monsieur Geoffroy, nous avons respecté la règle qui interdit de découper les cantons de moins de 40000 habitants. » Or le canton de Billom est quatre fois moins peuplé: 10113 habitants. Monsieur le secrétaire d’État, je vous prends en flagrant délit de mensonge.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Monsieur Néri!

M. Alain Néri. Votre découpage n’est donc pas constitutionnel: c’est le découpage de la honte! C’est un découpage scélérat! À la vérité, il ne s’agit en aucun cas d’un découpage, mais d’un dépeçage partisan et d’un charcutage voyou. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Éric Raoult. Monsieur le président, il va trop loin!

M. Alain Néri. On ne pourra pas vous accuser de n’avoir rien fait. Vous nous reprochez de ne pas avoir fait le découpage quand nous en avions la possibilité, et il est vrai qu’aujourd’hui vous nous donnez des regrets. Si nous l’avions mené à bien, on ne serait pas dans une telle situation. Madame Zimmermann, je pense qu’alors vous auriez été mieux respectée en tant qu’élue et en tant que citoyenne. On aurait pris en compte les réalités géographiques et économiques ainsi que la réalité de la vie des habitants de votre département, comme ce devrait être le cas dans tous les départements de France, y compris dans le Puy-de-Dôme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le secrétaire d’État, j’étais un modeste instituteur, à une époque où l’on faisait encore des leçons de vocabulaire. Je vais donc vous faire ce soir une petite leçon de vocabulaire.

M. Jean-Pierre Dupont. Mais vraiment petite, alors!

M. Alain Néri. Vous avez fait, et vous vous en vantez, même s’il n’y a pas de quoi. Vous avez fait, disais-je, vous êtes donc un faisant. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Éric Raoult. Monsieur le président, il faut présider!

M. le président. Monsieur Raoult, je vous en prie!

M. Alain Néri. Mais il y a les bienfaisants et les malfaisants. De même, il y a les bienfaiteurs et les malfaiteurs. Pour ma part, je considère que, pour le département du Puy-de-Dôme, vous êtes un malfaiteur parce que vous vous êtes livré à un véritable hold-up au suffrage universel en voulant gagner par charcutage des circonscriptions que vous avez été incapables de gagner dans les urnes! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Votre projet est une insulte au suffrage universel et à la démocratie!

M. Charles de La Verpillière, rapporteur . C’est vous qui insultez!

M. Alain Néri. Cette nouvelle carte électorale est un chef-d’œuvre de découpage partisan. Sachez qu’originaire d’une terre historique de la Résistance, avec des démocrates et des républicains sincères, je n’aurai de cesse de dénoncer et de combattre votre atteinte à l’équité, à la justice et au suffrage universel, donc à la démocratie et à la République. J’appelle d’ores et déjà les républicains sincères et les démocrates de la région Auvergne à se mobiliser pour donner dans les urnes la réponse qui convient à votre mascarade de découpage qui est une insulte au suffrage universel. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Éric Raoult. Rappel au règlement!

M. le président. Monsieur Raoult, vous vous êtes suffisamment illustré…

M. Éric Raoult. Monsieur le président, vous ne faites pas votre travail! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Ça suffit! Chacun d’entre vous est directement concerné par les propos qu’il tient car il est très concerné par sa circonscription. C’est une réalité politique et humaine et je comprends que vous soyez exaspéré par des quolibets ou des interventions intempestives.

M. Éric Raoult. Vous faites mal votre travail! (Mêmes mouvements.)

M. Daniel Goldberg. C’est scandaleux ce que vous dites, monsieur Raoult!

Mme Aurélie Filippetti. Il faut le redécouper!

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Éric Raoult.

M. Éric Raoult. Monsieur le président, j’interviens sur le fondement de l’article 57-1. Il y a quelques instants, un député vient de traiter un membre du Gouvernement de faisan! Au nom du groupe UMP, je demande à ce parlementaire de s’excuser. Sinon, je demande que vous informiez le président de l’Assemblée nationale de ce qui s’est passé, car tel est votre devoir. Je demande à M. Néri de s’excuser auprès de M. Marleix! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à M. Hervé Féron.

M. Éric Raoult. Ce n’est pas correct, monsieur le président!

M. Jean Mallot. Monsieur Raoult, vous ne connaissez pas le règlement: vous avez été incapable de citer un article susceptible de constituer le fondement de votre intervention!

M. Éric Raoult. Vous savez pourquoi vous allez rester dans l’opposition? (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Raoult à la buvette!

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Comique troupier!

M. le président. Mes chers collègues, un mot: par votre comportement, faites comprendre à votre contradicteur, même s’il s’agit de M. Raoult, que nous ne sommes pas au théâtre.

La parole est à M. Féron et à lui seul.

M. Hervé Féron. Monsieur le secrétaire d’État, en bon petit soldat chargé d’une mission, vous avez, depuis plusieurs mois, découpé, taillé, charcuté. Et comme vous me semblez ne pas toujours bien connaître le terrain, les circonscriptions, les députés que vous avez ainsi malmenés, je voudrais me présenter à vous: je suis député, élu en Lorraine, et, dans cette belle région, la plus grande fête populaire de l’année a lieu le 6 décembre: c'est la fête de la Saint-Nicolas. J’ai très envie de vous inviter cordialement à cette grande fête, à ce beau défilé au milieu de milliers de spectateurs. Peut-être vous rendriez-vous compte alors que, dans la légende de saint Nicolas – et c'est un grand laïc qui vous parle –, c’est le personnage du boucher-charcutier qui est le plus hué et vilipendé par les enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est une bonne tradition!

M. Hervé Féron. Monsieur le secrétaire d’État, je vous ai écouté avec attention: j’ai été choqué de vous entendre défendre l’indéfendable, de vous voir ne pas avoir honte de construire l’injustice sur une logique si pauvre, car systématiquement partisane, qu’elle ne fera que le malheur des uns et la tristesse des autres. C’est de la vie des gens que l’on parle ici, ceux d’en bas aussi, ceux qui souffrent au quotidien, ceux dont le pouvoir d’achat ne cesse de baisser, ceux qui n’ont plus les moyens de se soigner, ceux qui ont des retraites de misère, ceux qui ont subi un plan social, ceux qui ont connu les ruptures de la vie; ces gens-là, pour garder un peu d’espoir, ont besoin de pouvoir rencontrer leur député et de le solliciter, besoin d’appartenir à un territoire où les services, les infrastructures, la solidarité, la vie sont organisés de façon cohérente. Comment peut-on parler dans tel ministère de cohésion sociale et, dans le même gouvernement, déstructurer des circonscriptions comme vous le faites? Auriez-vous le projet d'organiser le fait politique à côté ou en dehors de la vie des citoyens? Que signifient dans ce cas les belles valeurs de la République: l’égalité, la fraternité?

M. Jean Mallot. Ça n’existe plus!

M. Hervé Féron. Vous opposez votre logique strictement comptable au service du tripatouillage à la logique de vie solidaire.

Je ne crois pas que votre GPS se soit détraqué, car tout cela est bien pensé, calculé. Vous n'êtes que partisan et vous êtes donc dans l'impossibilité de privilégier l'intérêt public.

Le cynisme, c'est être capable de dire des phrases toutes faites, qui sont davantage des alibis que des apports à la bonne intelligence, comme celle-ci que vous avez prononcée tout à l'heure: « Nul n'est propriétaire de ses voix. »

Au contraire, s'intéresser aux gens et à leurs conditions de vie au quotidien, c'est se dire qu'un député doit être aussi un élu de proximité avec une légitimité territoriale issue d'une logique de bassin de vie et du lien social. Alors, les petits arrangements entre amis, ça suffit!

Monsieur le secrétaire d'État, l'ordonnance qu'il nous est proposé de ratifier aujourd'hui est entachée d'illégalité. En effet, l'article 25 de la Constitution modifiée du 4 octobre 1958 dispose en son alinéa 3: « Une commission indépendante, dont la loi fixe la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement se prononce par un avis public sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs. »

Par ailleurs, l'article L.567-3 du code électoral dispose: « Les fonctions de membre de la commission sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat électif régi par le présent code. » Les articles suivants disposent que ses membres sont astreints à une stricte neutralité politique.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Quel rapport? Qui visez-vous?

M. Hervé Féron. Écoutez bien, vous allez être instruit, monsieur le secrétaire d’État!

C'est d'ailleurs ce que soulignait le Premier ministre dans son discours d'installation des membres de cette commission. Il disait: « Elle renforce leur indépendance par l'interdiction d'appartenir à une formation politique, d’exercer un mandat électif ou de recevoir instruction de toute autre autorité extérieure. »

Enfin, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 8 janvier 2009 statuant sur la constitutionnalité de la loi relative à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution, a clairement souligné: « La garantie d'indépendance et des règles d'incompatibilité prévues à l'article L.567-3 du code électoral qui l'assure interdisent que les partis au plan politique soient directement ou indirectement représentés au sein de la commission. »

Mais voilà que, dans le communiqué du 6 avril 2009 paru sur le site Bienvenue au Sénat , le président du Sénat, Gérard Larcher, propose la désignation de Bernard Castagnède à la commission de contrôle du découpage électoral, et le présente comme « ancien député européen, professeur à l'université de Paris I et vice-président et porte-parole du parti radical de gauche »!

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Ce n’est pas un crime! Elle est belle l’union de la gauche! Après les communistes, vous attaquez le PRG: ça ne va pas très bien, à gauche!

M. Hervé Féron. Je tiens aussi à votre disposition la page Facebook de Jean-Michel Baylet, président du PRG, en date du 6 avril 2009. Celui-ci y annonce que le président du Sénat a proposé Bernard Castagnède, comme membre de cette commission, et le présente aussi comme un ancien député européen et porte-parole du PRG, en reprenant fièrement le communiqué du Sénat.

Le 4 septembre 2009, le site Le courrier des maires rappelle lui aussi que Bernard Castagnède, choisi par le Sénat, est « vice-président et porte-parole du PRG ». J'aurais quelques autres exemples comme ceux-là à vous servir, mais je ne résiste pas au plaisir de vous citer l'analyse du Figaro, journal qui n'est pas connu pour être spécialement de gauche.

M. René Dosière. Excellent journal! (Sourires)

M. Hervé Féron. Sur son site, le 18 juin 2009, on lit: « Depuis 2007, l'Élysée observe avec attention le PRG. Au titre de l'ouverture, le porte-parole du PRG Bernard Castagnède a été nommé en avril à la commission Guéna. Dans la majorité, certains ont vu dans l'appel du PRG à ne pas voter socialiste aux élections européennes un signal positif. »

M. Bruno Le Roux. Elle est belle, l’indépendance!

M. Hervé Féron. En résumé, la présence dans cette commission d'un membre éminent du PRG ne répond pas aux garanties d'indépendance et d'impartialité requises par la loi.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. C’est grave! Que fait-il sur vos bancs?

M. Hervé Féron. La commission était donc irrégulièrement composée et l'irrégularité de l'avis qu'elle a formulé entache d'illégalité l'ordonnance.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Que voulez-vous prouver? Où allez-vous?

M. Hervé Féron. Désolé si je vous dérange, monsieur le secrétaire d’État!

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. J’essaie de sauver l’union de la gauche.

M. Hervé Féron. Enfin, je voudrais vous parler un peu de la Meurthe-et-Moselle, en Lorraine. Vous savez, la région de Saint-Nicolas!

Le département de Meurthe-et-Moselle, qui compte 725302 habitants, perd une circonscription. L'ancien découpage faisait apparaître une circonscription très nettement déficitaire, la troisième, forte de 93948 habitants. La logique aurait donc voulu que ce fût, autant que possible, autour de cette dernière que s'effectuât le découpage électoral, permettant ainsi de rééquilibrer les circonscriptions qui sont les moins peuplées. Mais voilà, c'est une députée UMP qui est en place dans cette troisième circonscription! (« Ah! » sur les bancs du groupe SRC.)

Au contraire, l'ordonnance conduit à modifier de façon substantielle la deuxième circonscription, dont la population était pourtant, dans toute la Meurthe-et-Moselle, la plus proche de la nouvelle moyenne départementale, soit 3,77 %.

M. Michel Issindou. Comme en Auvergne!

M. Hervé Féron. Cette deuxième circonscription où est élu actuellement un socialiste – tiens donc! – est par conséquent déchirée en trois. Surtout, le canton de Tomblaine est basculé, contre toute attente, dans la quatrième circonscription, qui est un autre bassin de vie, le Lunévillois.

Ce canton de Tomblaine est composé de douze communes qui ont une logique de bassin de vie tournée vers l'agglomération nancéenne. Basculer le canton de Tomblaine dans le Lunévillois sera vécu comme une aberration par les citoyens, voire comme un découpage partisan. Cela participerait à décrédibiliser encore un peu plus la République et la politique.

Les quatre plus grosses communes du canton de Tomblaine font partie de la communauté urbaine du Grand Nancy. De grosses infrastructures du Grand Nancy sont situées dans ces villes. Dans la commune de Tomblaine, chef-lieu de canton, sont implantés l'aéroport de Nancy, le stade de football de l'équipe professionnelle de Nancy, une piscine du Grand Nancy.

Vous-même, monsieur le secrétaire d'État, ne vous étiez-vous pas engagé à ce que, en aucun cas, un député-maire ne voie sa propre ville sortir de sa circonscription?

M. Christian Eckert. C’était juste pour l’UMP!

M. Hervé Féron. Eh bien, c'est exactement ce qui se passerait si Tomblaine et le canton de Tomblaine étaient effectivement basculés dans la quatrième circonscription!

La commission Guéna a refusé que ce canton de Tomblaine puisse rester dans la deuxième circonscription sous prétexte que celle-ci serait alors à plus 18,51 % de la moyenne départementale. Mais il est rappelé que, si on n'avait pas touché à cette circonscription, elle serait toujours à 3,77 %, et il est aussi souligné que la cinquième circonscription, celle où avait été élue Mme Morano – tiens donc! – reste quant à elle à plus 13,48 %! On n'y a pas touché!

M. Christian Eckert. Scandaleux!

M. Hervé Féron. Et puis aussi, d'après les chiffres parus sur le site du Premier ministre, seize circonscriptions en France sont à plus de 15 % de leur moyenne départementale respective.

Voilà pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, quoi qu'il arrive, il sera justice de réintégrer le canton de Tomblaine dans la deuxième circonscription de Meurthe-et-Moselle. Je suis sûr que ce bon saint Nicolas saurait apprécier si le boucher et son grand couteau revenaient à la raison. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Valax.

M. Jacques Valax. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, en ce qui me concerne, je ne suis pas écartelé ou dépecé, je ne suis même pas supprimé. (« Ça viendra! » sur les bancs du groupe SRC.) Alors, me direz-vous, pourquoi venez-vous ici vous plaindre? D’ailleurs, suis-je en droit de me plaindre?

Me référant à un article paru hier dans Libération , je vous dirai que je suis parqué. Le journaliste expliquait que vous aviez décidé, monsieur le secrétaire d’État, de créer une réserve d’Indiens dans le nord du département du Tarn. Je suis donc parqué. Je suis fier d’être comparé à ce peuple qui, dans l’histoire, a toujours été opprimé.

M. Jean-Jacques Urvoas. Peau-Rouge!

M. Jacques Valax. Un peuple qui s’est toujours battu debout et qui, incontestablement, a marqué l’histoire.

Thierry Carcenac, président du conseil général du Tarn, est présent dans cet hémicycle. Voulez-vous faire de nous un exemple, monsieur le secrétaire d’État? Si vous avez cru que Thierry Carcenac et moi-même, élus sur ce même territoire, pouvions un seul instant penser à nous disputer, c’est un échec: quoi qu’il arrive et quelles que soient les circonstances, dans l’intérêt des Tarnais, nous resterons unis. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Éric Raoult. C’est rare chez les socialistes!

M. Jacques Valax. C’est l’avenir des socialistes!

Ce projet de redécoupage touche à la représentation nationale, au droit de vote et au principe d’égalité et de fonctionnement démocratique de nos institutions. À ce titre, il se devait d’être objectif, transparent et concerté. En réalité, il est arbitraire et injuste. Il décrédibilise l’institution parlementaire et l’ensemble des élus.

En tant que membre du Gouvernement, vous aviez le devoir d’éviter cet arbitraire. Or vous avez utilisé des méthodes claniques, de tricheur – et je pèse mes mots! Votre clan, non content de manipuler et de contrôler une bonne partie des pouvoirs médiatiques et financiers, s’apprête aussi à placer sous sa coupe le pouvoir judiciaire. Nous en avons maintenant la démonstration flagrante: il veut aussi fausser le système électoral.

M. Jean-Jacques Urvoas. Honte à lui!

M. Jacques Valax. Le département du Tarn symbolise parfaitement l’ensemble des invraisemblances de votre découpage.

Votre charcutage ignore les bassins économiques et les limites administratives. Votre charcutage ignore également la moralité politique de ce département – je vais y revenir dans quelques instants.

M. Philippe Folliot. Il a raison!

M. Jacques Valax. Monsieur Marleix, je vous le dis simplement: au début, j’avais un petit doute. Je m’étonnais que le membre du Gouvernement chargé du dossier soit, parallèlement et en même temps, secrétaire national aux élections de l’UMP.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Non, j’ai démissionné!

M. Jacques Valax. Candide j’étais et je le suis encore! Je n’ai rien dit et, je vous l’avoue, je n’ai même pas pensé un seul instant à mal. On ne peut nier votre compétence en la matière; comme mon ami Alain Néri me le rappelait à l’instant, vous êtes le fils spirituel de M. Pasqua, qui a mis dix ans à vous former. D’autres vont plus vite dans la formation et accèdent, nonobstant leur jeune âge, à des responsabilités beaucoup plus importantes beaucoup plus rapidement.

M. Éric Raoult. Jean-Christophe Mitterrand?

M. Jacques Valax. M. Pasqua a mis dix ans à vous former, disais-je. Mais indépendamment de votre compétence, le mélange des genres avait induit de nouveaux et nombreux soupçons de partialité. À présent, les soupçons sont devenus des preuves à charge contre vous et votre découpage.

Votre charcutage a été guidé uniquement par la volonté de conforter l’UMP lors des prochaines élections législatives de 2012, dont vous percevez déjà qu’elles seront vraisemblablement très difficiles pour vous et pour vos amis.

Dans le Tarn comme dans d’autres départements, vous avez complètement ignoré la moralité politique.

Mme Élisabeth Guigou. Ça compte, la moralité!

M. Jacques Valax. Dans ce département, une seule circonscription n’évolue pratiquement pas: celle qui est détenue par le seul député UMP de ce coin de France: M. Carayon qui était présent tout à l’heure. Je le cite parce que j’assume mes affirmations.

Ce charcutage tarnais ignore – et c’est grave – les limites administratives, méprise les intercommunalités existantes et ne tient pas compte des réalités économiques de ce département.

Quelques rappels historiques et économiques. Depuis toujours, le Tarn est organisé autour de trois grands bassins de vie et d’emploi, que vous semblez méconnaître, ce que l’on peut comprendre. Que nous montre la carte? Tout d’abord le bassin de vie d’Albi-Carmaux, lequel évoque Jaurès…

M. Charles de La Verpillière, rapporteur . Ah!

M. Jacques Valax. …aux côtés des ouvriers de la mine et des ouvriers verriers, limogés car leur entreprise, par décision unilatérale de l’employeur, venait de fermer. Jaurès avait demandé à ces hommes de le suivre, pour construire une nouvelle verrerie à Albi, à dix kilomètres de là.

Mme Élisabeth Guigou. Cela fait partie de l’histoire de France!

M. Jacques Valax. Plus loin, à l’autre bout du département, se trouve le bassin de Castres-Mazamet. Enfin, le troisième bassin est composé de la zone en devenir de Lavaur, chère à M. Carayon, de Graulhet et de l’agglomération toulousaine.

Ce sont trois bassins d’emploi, trois zones incontestables, que chacun reconnaît objectivement comme telles.

M. Philippe Folliot. Il a raison!

M. Jacques Valax. Or vous n’avez pas voulu en tenir compte, l’UMP ayant jugé plus utile de verrouiller une circonscription: celle de M. Carayon.

Votre charcutage tarnais ignore également les limites administratives. Depuis 1815, comme M. Folliot le rappelait, jamais les villes d’Albi et de Castres n’ont figuré au sein d’une même circonscription.

M. Philippe Folliot. Eh oui!

M. Jacques Valax. La logique aurait voulu que l’on crée une circonscription pour Albi, une autre pour Castres et une dernière à l’ouest – cette zone en développement vers l’agglomération toulousaine que j’évoquais à l’instant. Quelle cohérence y a-t-il à représenter à l’Assemblée la moitié de deux villes de 50000 habitants chacune, associées de surcroît à une zone de montagne?

Votre charcutage tarnais méprise également les intercommunalités existantes: le territoire de la communauté d'agglomération de Castres-Mazamet se trouve scindé en deux, ainsi que celui de la communauté d’agglomération de l’Albigeois, et de nombreuses autres communautés de communes sont fractionnées, alors qu'il est nécessaire de renforcer les pouvoirs des intercommunalités. Le rapport Balladur, que vous soutenez, affirme ainsi que l’intercommunalité est la base architecturale de l’organisation future de la France; or votre premier acte politique consiste à couper des intercommunalités qui existent depuis des années! (« Eh oui! » sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Élisabeth Guigou. C’est absurde!

M. Jacques Valax. En effet, madame Guigou.

Quant à l’autre pôle d'activités économiques, Castres-Mazamet, ancien bassin textile, il se compose de nombreuses PME et PMI ainsi que des laboratoires Pierre Fabre, lesquels constituent un socle solide pour l'activité du territoire.

Ces identités économiques sont aujourd'hui complétées par un troisième bassin spécifique à l'ouest du département, bassin qui assure la transition vers l'agglomération toulousaine autour des villes de Rabastens, Lavaur, Graulhet et Gaillac. Comme vous pouvez le constater, monsieur le secrétaire d’État, la logique économique embrasse la logique de nos territoires de projet et de nos intercommunalités. Il y a là une unité, une cohérence que votre charcutage veut et va briser.

Celui du Tarn n'a même pas été accepté par la commission Guéna, dont vous avez pourtant vous-même choisi les membres.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Mais non!

M. Jacques Valax. Cette commission vous a demandé de revenir au découpage de 1958 en reprenant, je cite, « la distinction traditionnelle des bassins de vie d'Albi et Carmaux, de Castres et Mazamet et enfin Gaillac, Graulhet et Lavaur ». Même si le critère démographique demeure essentiel, pour éviter l'arbitraire, il doit pouvoir se concilier avec les réalités territoriales. Vous le voyez, votre charcutage fait l'unanimité contre vous – à l'exception, bien sûr, de M. Carayon et de quelques élus de l’UMP, lesquels, il faut bien le dire, sont très peu nombreux à vos côtés aujourd’hui. (« C’est vrai! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Thierry Carcenac, président du conseil général, de nombreux élus locaux, l'Association des maires et de nombreux commentateurs extérieurs à notre département –lesquels ont unanimement stigmatisé les invraisemblances de votre charcutage électoral –, ont fait une proposition s'appuyant sur le découpage de 1958, proposition reprise par la commission Guéna et qui respectait, bien évidemment, le critère démographique ainsi que les bassins de vie et d'emploi, les territoires, les villes et les intercommunalités existantes; bref, c’est une vraie proposition, qui aurait le mérite d'être comprise par l'ensemble de la population. Elle s'éloigne de votre logique de clan et a dû terriblement effrayer le seul député UMP du département.

Notre proposition a, de plus, le mérite d’intégrer les futures évolutions démographiques, notamment la forte croissance de l’ouest tarnais et la baisse démographique dans le secteur des Monts de Lacaune. Elle respecte les réalités géographiques, historiques et économiques, et revient au redécoupage de 1958 avec trois pôles clairement identifiés: Albi-Carmaux, Castres-Mazamet et l’ouest tarnais autour des trois villes de Gaillac, Graulhet et Lavaur. Cette configuration, je le répète, serait comprise par la population. Juste et transparente, elle permettrait de conforter la crédibilité de notre institution parlementaire.

En conclusion, votre redécoupage tarnais trahit votre réelle intention, qui est de privilégier les intérêts électoraux de l'UMP au détriment d'une représentation équitable des électeurs. Pouvons-nous espérer un sursaut républicain de certains collègues de l’UMP? Ils restent, hélas, bien silencieux.

M. Éric Raoult. Il me cherche?

M. Jacques Valax. Ces projets de charcutage et de tripatouillage s'inscrivent dans le cadre d’un projet plus général de société, celui de Nicolas Sarkozy: fracturer les contrepouvoirs politiques, médiatiques et juridiques, afin de conduire à sa fin – mais où est la fin, avec vous? –, et sans entraves, la casse du service public, et de poursuivre la baisse des impôts des plus riches.

Finalement, notre débat dépasse largement le cadre du charcutage envisagé. Le but réel est, à terme, de nous empêcher de vous opposer notre conception de la République et de la démocratie; c’est d’occulter, voire de supprimer le vrai débat sur l'avenir des services publics, sur l'effort de solidarité nationale, sur le niveau de fiscalité et sur l'égalité territoriale.

M. René Dosière. Tout à fait!

M. Jacques Valax. Votre invention des circonscriptions, digne d'une république bananière, c’est‑à-dire indigne,…

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. On peut dire que vous êtes modéré!

M. Jacques Valax. …est scandaleuse et, en tout cas, antidémocratique. Je souhaite, pour finir, cent cinquante ans après sa naissance, citer Jean Jaurès (« Ah! » sur les bancs du groupe SRC) 

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Cessez de le mettre à toutes les sauces!

M. Jacques Valax. …« C’est parce que je suis socialiste que je suis républicain. Sans la République, le socialisme est impuissant. Sans le socialisme, la République est vide. »

Voulez-vous vraiment, monsieur le secrétaire d’État, une République vide? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. Éric Raoult. Va-t-il évoquer les investitures au parti socialiste?

M. le président. Je sens, monsieur Raoult, que vous désirez rejoindre le parti socialiste: il sera temps de le faire à la fin de la séance. (« Non! On le laisse à l’UMP! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. René Dosière. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce tour de France manque un peu de soleil: je vous entraînerai donc vers les paysages lointains et sympathiques de Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Mayotte et la Nouvelle-Calédonie.

M. Éric Raoult. Très bien!

M. Jean Mallot. Ça nous changera de Raoult!

M. René Dosière. Vous proposez, monsieur le secrétaire d’État, la création d’un siège de député pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy, collectivités actuellement incluses dans la circonscription de notre collègue et ami Victorin Lurel. Cette proposition, bien sûr, est un moindre mal par rapport à celle qui, votée par la majorité de l’époque, instaurait un siège pour chacune de ces deux collectivités. Rappelons que Saint-Barthélemy compte 8398 habitants et Saint-Martin 35000.

Par ailleurs, l’éloignement qui justifie, aux yeux du Conseil constitutionnel, la création d’un siège de député pour Saint-Pierre-et-Miquelon ou Wallis-et-Futuna n’est pas recevable en l’occurrence: Saint-Barthélemy est située à 230 kilomètres de la Guadeloupe, et Saint-Martin à 25 kilomètres de Saint-Barthélemy. Il s’agit donc d’une zone géographique très proche de la Guadeloupe et, hormis la très forte probabilité d’y voir élire un député de droite, on ne voit pas ce qui explique la disposition prévue. Un seul député de droite, me direz-vous, c’est mieux que deux.

M. Éric Raoult. Victorin Lurel était d’accord! Vrai ou pas?

M. René Dosière. Reste que créer un siège de député pour une zone aussi faible au plan démographique et aussi proche de la Guadeloupe ne me semble pas opportun. On peut très bien envisager que ces deux collectivités gardent leur député actuel, qui est d’ailleurs un très bon député.

S’agissant de Mayotte, île qui a vocation, dès que les conditions seront réunies, à devenir un département, et que je connais un peu pour y avoir mené différentes missions avec Didier Quentin, je m’étonne qu’elle se voie attribuer un second siège de député. On argue que ses 186000 habitants en font quasiment la plus grande circonscription de France. Certes, mais c’est oublier que cette population compte 75000 étrangers, soit 41 %. Je n’ai évidemment rien contre les étrangers, que l’on prend aussi en compte dans les circonscriptions métropolitaines;…

M. Éric Raoult. Comme en Seine-Saint-Denis!

M. René Dosière. …mais 61000 d’entre eux, soit 33 % de la population, sont clandestins.

M. Éric Raoult. Il faut les expulser!

M. René Dosière. Si l’on appliquait cette proportion à la métropole, celle-ci comporterait de 18 à 20 millions de clandestins, contre environ 500000 en réalité, selon des estimations par définition imprécises.

La situation de Mayotte n’a donc rien de commun avec celle de la métropole. En supprimant des sièges de députés dans celle-ci pour en créer à Mayotte, qui sera mieux représenté? Les Anjouanais? D’autres clandestins africains présents à Mayotte? Cette mesure pose problème. La meilleure preuve en est que le rapport entre les inscrits sur les listes et la population totale, de l’ordre de 67 % en métropole, tombe à 34 % à Mayotte. Certes, la population y est peut-être plus jeune mais, même rapporté aux statistiques de l’outre-mer, ce chiffre reste très faible.

En outre, si l’on examine le cas des quatre communes de plus de 10000 habitants de Mayotte, qui représentent 53% de la population, le rapport entre les inscrits et la population est de 21%. C’est naturellement dans les communes les plus importantes que les clandestins essaient de travailler et de se loger. Il s’agit d’une situation très particulière: certes il y a 180000 habitants, mais de qui s’agit-il en réalité? Voilà le premier problème.

Le second problème, à Mayotte, est celui que posent l’état civil et son absence de fiabilité. Un certain nombre de Mahorais sont français et ont des papiers. Mais beaucoup n’en ont pas, pour de multiples raisons. Au temps de la colonisation, on ne peut pas dire que les autorités françaises aient particulièrement soigné l’état civil comorien, lequel est quasi inexistant, du moins défaillant. En outre, ce pays est de religion musulmane. Chacun sait qu’Allah connaît ses enfants, lesquels n’ont donc pas besoin de papiers. Marianne, quant à elle, ne connaît pas tous ses enfants et elle a besoin qu’ils disposent d’une pièce d’identité. Il faut donc agir en ce domaine.

M. Éric Raoult. Vos propos sont un peu limite! C’est du Georges Frêche!

M. Charles de La Verpillière, rapporteur . Cela tombe sous le coup de la loi Gayssot!

M. René Dosière. Autre difficulté: nombre de Mahorais ne pratiquent pas la langue française. Toutes ces raisons expliquent que l’état civil soit défaillant.

Depuis 2000 a été mise en place une commission chargée de réviser l’état civil et de donner aux Mahorais des papiers fiables. Je vous le rappelle, monsieur le secrétaire d’État, car il est possible que vous n’en ayez pas vraiment connaissance: cette commission travaille dans des conditions absolument lamentables. Nous l’avons signalé dans notre rapport, il y a quatre ans. Il y a à peine un an, nous avons pu vérifier que non seulement la situation de cette commission ne s’était pas arrangée, mais qu’elle avait même empiré puisqu’elle n’avait plus de président pendant la moitié du temps. Ses membres travaillent donc dans des conditions difficiles. Il en résulte que l’état civil ne s’améliore pas et est toujours aussi déficient.

J’ajoute, ce qui est encore plus inquiétant, que les systèmes informatiques de l’état civil des mairies, du parquet et de la commission de révision ne sont pas compatibles. Ce serait trop simple s’ils pouvaient communiquer entre eux! Las, les liaisons ne se font pas facilement…Lorsque la CREC, la commission qui établit l’état civil des Mahorais, donne un état civil correct à un Mahorais, l’inscription sur la liste électorale n’est pas faite. Autrement dit, l’individu doit aller lui-même dans la mairie où il est inscrit sur la liste électorale sous son nom d’origine pour dire qu’il faut le supprimer et l’écrire sous son nouveau nom. Faute de quoi, il sera inscrit sous deux noms dans des listes différentes! Le fichier électoral pose donc un vrai problème de fiabilité.

Compte tenu de tous ces éléments spécifiques, on ne peut pas traiter Mayotte comme la métropole. La démographie n’est pas la même, la fiabilité de l’état civil et des listes électorales non plus. Je ne dis pas cela pour pénaliser Mayotte en quoi que ce soit. Mais, avec mes collègues du groupe SRC, nous sommes attachés à la réussite de la départementalisation de Mayotte, qui est une entreprise extraordinairement difficile. Pour réussir la départementalisation, il est absolument nécessaire que l’état civil soit fiable. Or, depuis plusieurs années, monsieur le secrétaire d’État, votre gouvernement ne prend pas les mesures indispensables en la matière. Dès lors qu’il s’agit de réprimer les immigrés clandestins, vous donnez les moyens nécessaires, mais lorsqu’il s’agit de réussir la départementalisation, vous ne trouvez pas les moyens qui permettraient d’améliorer l’état civil. Cette situation est très préoccupante.

La troisième collectivité dont je parlerai est la Nouvelle-Calédonie. Je regrette qu’à ce stade, vous n’y créiez pas un siège supplémentaire de député. Ce serait pourtant justifié tant au plan démographique qu’au plan institutionnel.

Sur le plan démographique, le recensement a été fait cet été. Le précédent, en 2004, n’était pas tout à fait fiable: les Kanaks avaient refusé d’y participer, car il avait été décidé qu’il ne se ferait plus sur une base ethnique. Or le seul territoire de la République où le recensement se fasse sur une base ethnique est la Nouvelle-Calédonie. Cette disposition figurant dans la Constitution, il n’y a aucun problème sur ce sujet: la situation n’est pas la même qu’en métropole. Un recensement vient d’avoir lieu et nous devrions en avoir les résultats dans quelques semaines, puisqu’il s’est terminé le 22 août. La population de Nouvelle-Calédonie s’élèverait à 260000 ou 270000 habitants. Si ces chiffres étaient officialisés, ils justifieraient un député supplémentaire.

M. Charles de La Verpillière, rapporteur . Nous sommes d’accord sur le principe.

M. René Dosière. J’en prends acte, monsieur le rapporteur, mais, à ce jour, le nombre de députés est fixé à 577 par la Constitution. Par conséquent, aux termes de votre ordonnance si elle est acceptée, le jour où les 577 sièges seront pourvus, il faudra modifier la Constitution pour créer un 578 e député et l’offrir à la Nouvelle-Calédonie! Ce n’est pas si simple…

M. Éric Raoult. On supprimera un siège de député dans l’Aisne!

M. René Dosière. J’ajoute que cette création est institutionnellement souhaitable. Dans son processus de décolonisation pacifique, la Nouvelle-Calédonie a besoin d’un député pour défendre les thèses indépendantistes dans notre assemblée.

M. Éric Raoult. Très bien! Voilà un bon socialiste!

M. René Dosière. Certes, on ne peut pas savoir d’avance, lorsqu’on découpe une circonscription, quel en sera l’élu.

M. Éric Raoult. Il ne sera peut-être pas socialiste!

M. René Dosière. Vous n’oserez pas soutenir qu’on le peut, monsieur le secrétaire d’État, après tout ce que vous avez dit. Mais il serait très facile de créer une troisième circonscription en Nouvelle-Calédonie. Ainsi, la première préserverait le siège d’un anti-indépendantiste – elle existe déjà. La deuxième, celle de Pierre Frogier, est sans doute moins acquise. Nous pourrions en créer une troisième dont il est vraisemblable qu’un indépendantiste deviendrait l’élu.

Dans la suite du processus de décolonisation, nous mettrions en place un dispositif très opportun et politiquement très significatif. Éric Raoult lui-même m’approuve.

M. Éric Raoult. C’est rare!

M. Jean-Jacques Urvoas. C’est louche!

M. le président. Ne vous réjouissez pas trop vite…

M. René Dosière. Peut-être devrais-je en effet m’en inquiéter… (Sourires.)

Voilà, monsieur le secrétaire d’État, les quelques observations que je voulais faire sur l’outre-mer. Je souhaite que le Gouvernement y prête attention, car les conditions y sont suffisamment différentes de celles de la métropole pour ne pas légiférer aveuglément, comme si ces différences n’existaient pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Lepetit.

M. Éric Raoult. Une rescapée!

Mme Annick Lepetit. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a vingt-trois ans, notre assemblée débattait du découpage « Pasqua »,…

M. Éric Raoult. Pasqua-Charasse!

Mme Annick Lepetit. …symbole à l'époque d'un détournement très partisan des règles démocratiques. Alors que les lentes évolutions démographiques et sociologiques commençaient à en atténuer les effets, le Gouvernement nous propose aujourd'hui une nouvelle carte électorale destinée à offrir, une fois encore, un avantage significatif à la droite pour les prochaines élections législatives.

Soyons clairs : ce n'est pas le principe même d'un redécoupage que nous critiquons: il était évidemment devenu nécessaire, nous l’avons tous souligné ici. Mais nous ne pouvons accepter ni la manière dont vous vous y êtes pris, monsieur le secrétaire d’État, ni les véritables objectifs que vous avez poursuivis. Vous n'avez pas cherché à offrir aux électeurs une plus grande égalité devant le suffrage, et encore moins à garantir la neutralité politique de ce redécoupage. Votre but était avant tout de rendre plus difficile l'alternance en assurant à votre camp un véritable bouclier électoral, aussi néfaste pour la démocratie que votre bouclier fiscal peut l'être pour la justice sociale.

Je ne reviendrai pas sur les explications et les chiffres que nous a présentés Bruno Le Roux dans sa motion de rejet préalable, car la démonstration fut limpide. Le fait que la gauche doive désormais réunir plus de 51,4 % des suffrages pour obtenir une majorité de sièges à l'Assemblée démontre une évidence: vous avez sans vergogne avantagé votre parti.

Je m’attarderai plutôt sur la situation de Paris. D’abord, je tiens à rappeler que votre décision d'employer la méthode de la « tranche » – également critiquée par mon collègue Alain Néri – pour répartir les sièges, défavorise les départements les plus peuplés et les plus urbains, c’est-à-dire ceux qui, électoralement, vous sont globalement les moins favorables aujourd'hui. Paris perd ainsi trois députés. Avec une moyenne de 121187 habitants par circonscription, ce taux est l'un des plus élevés de France. Pourtant, si vous n’aviez supprimé que deux sièges, la moyenne parisienne aurait été de 114809 habitants, soit un niveau équivalent à la moyenne nationale. Le choix d’autres méthodes statistiques aurait abouti à un résultat beaucoup plus juste et à même de garantir l'égalité des électeurs devant le suffrage universel.

Je tiens d’ailleurs à souligner, et à regretter, le dépeçage qu’a subi la première circonscription, représentée par Martine Billard. Alors qu’avant le redécoupage, sa population était au niveau de la moyenne parisienne, donc bien plus élevée que dans la plupart des circonscriptions de droite de la capitale, vous avez décidé de la rayer de la carte, pour protéger les circonscriptions situées plus à l'ouest et tenues par l'UMP.

Je note aussi votre tentative de déstabilisation de la onzième circonscription, qui consiste à la remonter vers le nord et vers les quartiers du sixième arrondissement acquis à la droite, tout en lui retirant les quartiers du sud du quatorzième, votant traditionnellement plus à gauche.

Dès le premier projet communiqué à la commission Guéna, vous avez montré, monsieur le secrétaire d’État, votre volonté de faire payer à la gauche, et exclusivement à la gauche, la suppression de ces trois circonscriptions parisiennes.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Ce n’est pas ce que dit Rémi Féraud dans Le Parisien!

Mme Annick Lepetit. Pour cela, vous n’avez pas hésité à surpeupler les circonscriptions de l’est de la ville, qui avaient voté pour des députés socialistes et verts, et à sous-peupler celles de l'ouest détenues par l'UMP. La conséquence, aussi évidente qu'inadmissible, était qu'une voix de droite aurait eu plus de valeur qu’une voix de gauche !

Pour arriver à vos fins, vous n'avez eu d'autre choix que de mépriser totalement la jurisprudence du Conseil d’État voulant qu’à Paris les frontières des circonscriptions respectent le plus possible celles des arrondissements et des quartiers administratifs. Dans votre projet, vingt et un de ces quartiers sur quatre-vingts se voyaient ainsi à cheval sur deux circonscriptions, alors qu’il n’y en a que six actuellement.

Outre la première et la onzième circonscriptions, votre troisième cible était la dix-septième, qui englobe une partie des 17 e et 18 e arrondissements, et dont je suis l'élue. Ce que vous avez tenté d'y faire est un exemple très parlant de vos pratiques et de vos véritables objectifs. Puisque les circonscriptions du 16 e arrondissement n'étaient pas assez peuplées, vous deviez en supprimer une. Mais, pour ne pas faire perdre un siège à l'UMP, vous avez inventé un découpage alambiqué afin de noyer les voix de la seule circonscription de gauche du nord-ouest parisien. C'est ainsi qu'est apparue, un beau matin, une très longue, étroite et insolite circonscription surnommée la circonscription « banane »…

M. Éric Raoult. Oh, vraiment!

Mme Annick Lepetit. …– ce n’est pas moi qui l’ai inventé! –, à la cohérence territoriale plus que contestable, mais qui vous permettait de diluer les votes des quartiers populaires avec ceux des Champs-Élysées et de la porte Dauphine.

M. Éric Raoult. C’était la banane bleue!

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. On n’a jamais proposé cela!

Mme Annick Lepetit. Votre projet était tellement grossier, monsieur le secrétaire d’État, que la commission Guéna vous a totalement désavoué. Pourtant, cette commission consultative, installée par le Premier ministre – très attentif à votre travail, je n’en doute pas –, n’avait pas été créée pour vous mettre des bâtons dans les roues.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On ne peut pas le dire!

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. L’un de vos collègues de gauche l’a pourtant dit!

Mme Annick Lepetit. Elle ne comptait aucun représentant des partis politiques, aucun géographe, aucun démographe ou sociologue, et la moitié de ses membres a été nommée par des responsables de droite! Mais votre proposition était tellement éloignée des exigences du Conseil constitutionnel qu'elle n'a pu que refuser de vous suivre et a entièrement redessiné la carte parisienne. En toute logique, elle a redonné à la dix-septième circonscription sa forme originale.

Vous auriez pu en rester là et prendre acte de cet avis. Mais vous avez décidé de vous acharner et de poursuivre votre seul objectif : reprendre par les coups de ciseaux ce que vous aviez perdu par les urnes. Puisque vous ne pouviez plus dépecer cette circonscription, vous avez voulu la grignoter. Vous avez ainsi retiré un quartier du 18 e pour le remplacer par un quartier du 8 e . Ce quartier du 18 e , que vous avez supprimé, est classé en politique de la ville. Il est coincé entre le périphérique et les boulevards des Maréchaux. L'un des objectifs des grands travaux de rénovation urbaine qui y sont actuellement menés est justement de le sortir de son isolement, non d'y ajouter de nouvelles frontières. En outre, aucun argument sérieux ne pouvait justifier de raccrocher un troisième arrondissement à cette circonscription et de couper, une fois encore, des quartiers administratifs. Alors, la commission Guéna vous a désavoué une seconde fois en émettant la « réserve expresse » que le 8 e arrondissement ne soit pas rattaché à cette circonscription.

Après un tel rappel à l'ordre, la sagesse aurait voulu que vous suiviez ce deuxième avis négatif. Mais non, vous avez décidé de passer outre! Vous avez transmis tel quel votre projet d'ordonnance au Conseil d'État, sans prendre en compte les recommandations de la commission. Et pour la troisième fois, vous vous êtes fait refouler. Le Conseil n'a, semble-t-il, pas été plus convaincu que la commission par vos justifications pour ce tripatouillage flagrant.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. C’est du roman! Quelle imagination!

Mme Annick Lepetit. Ce roman-là, monsieur le secrétaire d’État, c’est vous qui l’avez écrit!

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Comment pouvez-vous le savoir?

Mme Annick Lepetit. Finalement, après deux avis négatifs de la commission Guéna et un du Conseil d'État, vous avez fini par céder en ne rattachant pas le 8 e  arrondissement à cette circonscription. Il était temps. Je regrette tout de même que vous ne vous soyez pas contenté de suivre le premier avis de la commission et que vous vous soyez obstiné à découper par petits bouts le 18 e  arrondissement.

Au mépris de la cohérence géographique, au mépris des frontières des quartiers, au mépris de l'égalité entre les électeurs parisiens, vous avez tenté tout ce qui était possible pour faire basculer une circonscription de gauche à droite. Ce cas particulier me semble assez exemplaire de la manière dont vous avez pensé ce redécoupage. Alors, ne parlez pas dans cette enceinte d'intérêt général, d'égalité devant le suffrage ou même d'équité politique. Nous sommes nombreux aujourd'hui à prendre la parole à cette tribune pour expliquer aux Français vos intentions et vos actes. Malheureusement pour la démocratie, ce qui s'est passé à Paris n'est pas un cas isolé et s'est reproduit dans de nombreux départements où vos ciseaux ont bizarrement dérapé! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Rappel au règlement

M. Bruno Le Roux. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. Sur quel fondement?

M. Bruno Le Roux. Sur le fondement de l’article 57, monsieur le président.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Cela fait maintenant plusieurs minutes que nos orateurs sont interrompus par le peu de députés de la majorité présents. S’ils trouvent que les interventions sont trop longues ou trop répétitives, nous sommes prêts dès maintenant, s’ils le désirent, et pour entrer dans le vif du sujet, à clore la discussion générale, à débattre des amendements et à voter! (« Très bien! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Je souhaite, chers collègues, vous mettre devant vos responsabilités. Je ne crois pas que la chose vous soit possible…

M. Jean Mallot. Si, votons!

M. Bruno Le Roux. …étant donné que vous êtes, comme hier, minoritaires en séance! Je tenais donc à apporter cette précision face à vos injonctions et à la façon dont vous interrompez les orateurs: nous sommes prêts, je le répète, à passer à l’étude de l’article unique et des amendements, puis à voter!

M. Éric Raoult. Comme en 1988!

M. président. Je vous remercie, monsieur Le Roux. Je ne parlerai pas de colossale finesse mais, étant donné le rapport des forces en séance, je vais donner la parole à M. Mallot. Chacun pourra réfléchir.

Reprise de la discussion

M. le président. Nous poursuivons la discussion générale.

Vous avez la parole, monsieur Mallot.

M. Jean Mallot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la funeste révision constitutionnelle de juillet2008 était annoncée comme devant renforcer le rôle du Parlement et, en son sein, les droits de l’opposition. En réalité, elle a abouti à un renforcement des pouvoirs du Président de la République qui, depuis 2007, s’efforce de maîtriser les médias, le pouvoir judiciaire, le pouvoir économique et même, en les étranglant, les collectivités locales.

Le Président, vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, n’aime pas les contre-pouvoirs. Après avoir fait mine, avec quelques gadgets, de revaloriser le Parlement, il a veillé à soumettre son fonctionnement au fait majoritaire, de façon encore plus marquée qu’auparavant. Le nouveau règlement de notre assemblée, que l’UMP nous a imposé, en est l’instrument. Seulement voilà, il est bien beau de tout vouloir maîtriser, mais cela ne garantit pas que le peuple adhère systématiquement à la politique suivie… Il y a donc un risque électoral. C’est là que M. Marleix, charcutier talentueux, intervient!

M. Jean-Jacques Urvoas. Un artiste!

M. Jean Mallot. Zorro arrive! Il réalise un nouveau découpage des circonscriptions législatives dont l’objectif est d’une grande clarté. Même si les électeurs français votaient majoritairement à gauche, la majorité des députés resterait à droite.

La méthode utilisée trouve dans mon département de l’Allier une belle illustration. C’est la formule du « rasoir à deux lames ». Partons de la situation actuelle: ce département compte quatre députés de gauche.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Excusez du peu!

M. Éric Raoult. C’est anormal! Il faut laisser une circonscription à l’UMP!

M. Jean Mallot. Le vote des électeurs est anormal, monsieur Raoult?

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire . Il faut rééquilibrer!

M. Jean Mallot. Quatre députés de gauche, donc, et je remercie M. Raoult pour son hommage! On applique alors la règle démographique: l’Allier perd un député… de gauche. Eh oui! La première lame du rasoir est passée: moins un pour la gauche!

Les cantons de la circonscription supprimée sont alors répartis entre les trois circonscriptions restantes. Là, la deuxième lame est beaucoup plus subtile, car les mains qui la « magnent » ne sont pas innocentes! Foin de la proximité, foin des bassins de vie… C’est ainsi que Saint-Germain-des-Fossés, commune aux portes de Vichy et membre de la communauté d’agglomération de Vichy votera… avec Moulins, à soixante kilomètres de là! Il faut l’expliquer aux habitants de Saint-Germain-des-Fossés, qui n’en reviennent pas! Et pour retrouver un équilibre démographique arithmétique, monsieur Marleix, vous détachez de Moulins deux cantons qui n’en peuvent mais. La seule explication possible, c’est que la deuxième lame, en renforçant deux circonscriptions à gauche, rend la troisième plus facile à prendre par la droite. Bilan final: moins deux pour la gauche! C’est limpide!

Ajoutons qu’avec ce découpage, la partie la plus rurale de l’Allier ne sera plus directement représentée à l’Assemblée nationale et que les trois pôles du département – Moulins, Montluçon et Vichy –, désormais clairement séparés, vivront plus encore qu’auparavant chacun de leur côté dans un département éclaté. C’est plus facile à tenir, n’est-ce pas?

Plus généralement, le scandale réside dans la résultante politique de ce redécoupage au niveau national. Bruno Le roux, dans sa très brillante démonstration d’hier, l’a montré: en 2007, avec le périmètre actuel des circonscriptions, la gauche, pour être majoritaire à l’Assemblée, devait recueillir 50,4 % des voix dans l’ensemble du pays. Avec le nouveau découpage, il lui faudra au moins 51,4 % des voix.

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. Pure invention!

M. Jean Mallot. La droite, elle, pourra conserver la majorité des sièges avec seulement 48,7 %.

M. Alain Néri. C’est la mathématique moderne!

M. Jean Mallot. C’est là, reconnaissez-le, le véritable scandale! Et c’est bien pour cela que vous réagissez.

Imaginons un instant qu’au football, une nouvelle règle du jeu précise que les équipes qui portent un maillot bleu entreront sur le terrain au début du match avec deux buts d’avance.

M. Alain Néri. Cela nous aurait bien arrangés lors des championnats d’Europe! (Sourires.)

M. Jean Mallot. Vous pourrez me répondre que cela n’empêchera pas l’équipe adverse de gagner. Il suffirait simplement qu’elle marque trois buts et n’en prenne aucun!

M. Jacques Remiller. C’est la France qui a gagné! (Sourires.)

M. Jean Mallot. Vous êtes d’accord avec moi, ce n’est pas acceptable. En effet, les règles du jeu doivent être consensuelles, acceptées par tous et considérées comme justes pour que le match soit correct.

Vous auriez pu vous y prendre autrement, monsieur le secrétaire d’État, si vos intentions avaient été honnêtes. Après avoir fait voter des règles objectives pour déterminer le nombre de circonscriptions et leur poids démographique, vous auriez pu confier à une commission composée paritairement de députés de droite et de gauche le soin de déterminer le périmètre géographique desdites circonscriptions. Votre sourire montre que vous n’y croyez pas et cela en dit long! De bonne foi, dans un esprit républicain et dans la transparence, cette commission aurait produit un découpage accepté par tous les groupes politiques.

M. Charles de La Verpillière, rapporteur . Cela aurait été formidable!

M. Jean Mallot. Eh oui! Votre ironie montre votre état d’esprit!

Lorsqu’on met en évidence le caractère partisan et déséquilibré de votre découpage, vous nous rappelez celui de 1986, que vous connaissez bien, et vous indiquez qu’il n’a pas empêché l’alternance de 1988. Mais, justement, et nous sommes nombreux dans cet hémicycle à nous souvenir – et pour cause! – qu’à l’époque, le parti socialiste, contrairement à 1981, n’avait qu’une majorité relative au sein d’une courte majorité de gauche. Et en 1993, le découpage a considérablement accentué l’ampleur de la majorité de droite, devenue écrasante. En fait, le redécoupage, déjà de M. Marleix, avait atteint ses objectifs: un, rendre l’alternance à gauche plus difficile et moins fréquente; deux, amplifier la majorité de droite quand elle gagne; trois, réduire la majorité de gauche quand c’est elle qui gagne. La gauche va aux élections avec un handicap. C’est le résultat de vos travaux.

Monsieur le secrétaire d’État, j’ai toujours pensé que, même en politique, le cynisme devrait avoir des limites. Manifestement, vous ne partagez pas cette opinion. Vous avez le pouvoir, vous vous servez! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Éric Raoult. Oh!

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bonne formule!

M. Jean Mallot. On savait qu’il y avait des « patrons voyous », on sait maintenant qu’il y a des ministres voyous au service d’un parti voyou! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Monsieur Mallot, je suis sûr que vous pouvez maîtriser beaucoup mieux votre verve: il y a des ministres incompétents dont vous pouvez contester les projets. Continuez!

M. Jean Mallot. Le dictionnaire Le Robert donne du mot « voyou » la définition suivante: « Mauvais sujet aux moyens d’existence peu recommandables ».

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà!

M. Charles de La Verpillière, rapporteur . C’est pire que tout!

M. Jean Mallot. Mes chers collègues de l’UMP, avec ce nouveau découpage, vos moyens d’existence politique seront en effet peu recommandables. Voilà pourquoi nous les combattons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Domergue.

M. Éric Raoult. Voilà un député courageux!

M. Jacques Domergue. Il n’est pas facile de s’exprimer ce soir devant une assemblée pour le moins réactive. J’ai le triste sentiment, monsieur le secrétaire d’État, que vous êtes victime d’un procès d’intention. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Éric Raoult. Exactement!

M. Jacques Domergue. Comparez seulement, mes chers collègues, le résultat des élections législatives de 1993 et celui des élections de 1997: vous verrez combien c’est instructif! Mais à vous écouter, le territoire national est constitué d’hommes et de femmes qui votent d’un bloc selon une couleur politique, et le redécoupage serait le seul élément déterminant d’un changement de majorité ou d’une véritable alternance politique.

Il est vrai que certains d’entre vous s’y connaissent en matière de charcutage électoral. Réussir, lors d’élections internes mobilisant un peu plus de 100000 électeurs, à se retrouver, par un jeu savant d’équilibre, avec deux vases exactement identiques et 100 bulletins de différence entre les deux candidates, ça, c’est du charcutage électoral! Mais ce n’est pas ce que nous vivons aujourd’hui, parce que la réalité est tout autre.

M. René Dosière. Dans votre parti, on ne vote pas, c’est plus simple! Un candidat unique et pas de consultation!

M. Jacques Domergue. La France a changé…

M. Alain Néri. Pas vous!

M. Jacques Domergue. …et il était indispensable que les circonscriptions soient redécoupées. Je prendrai, vous vous en doutez bien, l’exemple du département de l’Hérault,…

M. Jean Mallot. Quelle audace, quelle imagination!

M. Jacques Domergue. …qui démontre à lui seul l’intégrité de notre secrétaire d’État et la qualité du redécoupage qui a été effectué.

M. Alain Néri. Il n’y a que vous pour y croire!

M. Jacques Domergue. Je comprends l’amertume que certains d’entre vous peuvent ressentir quand une circonscription disparaît, lorsque, à la suite d’évolutions démographiques, la sociologie change.

Dans l’Hérault, nous sommes aujourd’hui sept députés, pour un nombre d’habitants compris depuis 2002 entre 900000 et un million. Il a fallu attendre cette année pour que la croissance démographique de ce département soit enfin reconnue et que les électeurs soient mieux représentés à l’Assemblée nationale.

M. Alain Néri. Ils sont tout de même mieux représentés que ceux du Cantal!

M. Jacques Domergue. Je n’y peux rien si les gens du Nord, les chtis, viennent finir leurs jours chez nous; je n’y peux rien si certains départements de France se vident et si d’autres, grâce à la qualité de leur accueil, attirent de nouvelles populations. C’est la réalité.

Dans l’Hérault, nous aurons neuf circonscriptions. Il y a plus d’un million d’habitants et il en arrive 30000 nouveaux chaque année. Imaginez ce que ce sera dans les années à venir. Vu la croissance de la démographie, nous aurions pu prétendre à dix circonscriptions. Nous sommes déjà heureux d’en avoir neuf, monsieur le secrétaire d’État, parce que nos électeurs seront mieux représentés.

Pour les neuf circonscriptions, vous avez respecté la polarité du département. Cinq circonscriptions couvriront le grand Montpellier. Montpellier, ville ancrée majoritairement à gauche, a des députés de droite parce que, aujourd’hui, on vote pour les villes et on ne représente pas les agglomérations qui, elles, seraient majoritairement d’une couleur politique différente. On retrouve cela dans la répartition des circonscriptions. Cinq circonscriptions, cela correspond aux 500000 habitants qui vivent dans le grand Montpellier. Il y aura trois circonscriptions dans le Biterrois, dont une pour l’arrière-pays,…

M. Kléber Mesquida. Le haut pays!

M. Jacques Domergue. …et une circonscription littorale.

Voilà un département exemplaire…

M. Kléber Mesquida (montrant la nouvelle carte électorale). C’est ça, l’exemplarité?...

M. Jacques Domergue. …où le redécoupage va répondre aux attentes de la population, aux exigences de la sociologie locale, avec, en plus, une répartition équitable en termes de population, puisqu’il y aura environ 110000 habitants dans chacune des circonscriptions.

M. Alain Néri. Pourquoi ce qui est possible dans l’Hérault ne l’est-il pas ailleurs?

M. Jacques Domergue. On peut toujours discuter le fait que le découpage passe à tel endroit ou à tel autre, mais vous avez eu des contraintes. Il fallait respecter les cantons, vous ne pouviez redécouper que ceux qui avaient plus de 40000 habitants.

Après avoir entendu pis que pendre sur votre action, je voulais, par ce témoignage, attester l’intégrité du travail qui a été effectué et son caractère exemplaire. Il permettra à la France si, demain, nous devons revoter, de pouvoir répondre aux aspirations des Français. Soyez conscients, mes chers amis, que nous n’avons pas besoin de redécouper les circonscriptions pour que vous les perdiez: vous êtes suffisamment habiles pour le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C’est ça la réalité, et c’est la peur que vous avez pour les élections de demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti.

Mme Aurélie Filippetti. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec émotion que je m’exprime ce soir à cette tribune, émotion et tristesse, partagées avec l’ensemble de mes collègues, car nous sommes ici pour parler de ce fameux redécoupage que nous évoquons depuis si longtemps.

Tous les chiffres ont été donnés. Les méthodes que vous avez employées, monsieur le secrétaire d’État, nous les avons dénoncées, nous en avons démontré l’iniquité. Ce ne sont pas tant nos cas personnels qui nous bouleversent, c’est que vous ayez fait fi du vote de chacun des électeurs de ce pays.

Vous avez commencé votre intervention par une phrase surprenante. Ne nous avez-vous pas dit, à nous députés supprimés, que nous ne saurions discuter du tracé de telle ou telle circonscription, surtout s’il s’agit de notre propre secteur d’élection, car, en débattant d’un texte qui peut affecter directement nos conditions d’élection, nous nous mettrions dans une situation de conflit d’intérêts qui entacherait notre vote d’une suspicion d’intérêt personnel?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Eh oui!

Mme Aurélie Filippetti. Pourtant si, il faut en discuter de ces cas personnels, car ce sont nos électeurs qui nous ont mis là où nous sommes et c’est à eux que nous rendons des comptes, que vous devez rendre des comptes. Ce sont les hommes et femmes que nous rencontrons tous les jours, dans les usines, dans les entreprises, dans nos permanences électorales, dans les mairies, sur nos marchés. Ils nous ont accordé leur confiance.

Dans mon cas, ils ont fait le choix d’accorder leurs suffrages à une jeune femme qui se présentait devant eux pour la première fois.

M. Jean-Paul Bacquet. C’est pour cela qu’il faut la garder!

Mme Aurélie Filippetti. Pourtant, ma circonscription est aujourd’hui explosée façon puzzle.

Je me suis battue et continuerai de le faire, face à la crise économique, à la destruction de l’industrie sidérurgique, aux accidents industriels, aux difficultés de la sous-traitance automobile; pour les petites entreprises qui n’ont pas accès au crédit; pour les sans-papiers qui ont besoin de papiers pour travailler; pour les élèves handicapés qui n’ont pas accès à l’école qu’ils souhaiteraient; pour les malades de l’amiante, de la sidérose, des cancers professionnels qui se battent pour leur reconnaissance dans ma région; pour les maires des petites communes, qui luttent pour faire vivre leur territoire et qui n’ont pas forcément d’attaches partisanes. C’est à eux que je pense ce soir. J’aurais aimé pouvoir me représenter devant eux en 2012, pour leur demander de juger mon action. Je ne le pourrai pas.

Au gré de votre bon vouloir, vous aviez créé en 1986 cette huitième circonscription de Moselle, alors dessinée pour tomber dans l’escarcelle de la droite.

Au gré de votre bon vouloir, vous la supprimez aujourd’hui car elle a eu le tort, en 1997, à la faveur d’une triangulaire, de passer à gauche. Nous l’avons maintenue à gauche par les efforts et par le travail.

La Moselle, un million d’habitants, une terre industrielle, ouvrière, ne comptait que deux députés de gauche sur dix. C’était sans doute déjà trop aux yeux du Gouvernement. La Meurthe-et-Moselle, chez mon ami Hervé Féron, comptait trois députés socialistes sur sept, vous en avez supprimé un.

En Moselle, alors que la démographie est en faveur du nord du département, partagé entre la circonscription de mon collègue Michel Liebgott et la mienne, c’est là que vous avez tranché, en préservant les circonscriptions du sud et de l’est, pourtant beaucoup moins peuplées et moins dynamiques démographiquement.

La commission consultative et le Conseil d’État ont déploré ce déséquilibre démographique que vous avez introduit, mais vous n’en avez pas tenu compte, comme vous n’avez pas tenu compte de leur avis sur le dépeçage de deux cantons, celui de Yutz – la ville de Terville est extraite de la circonscription de Thionville Est pour être rattachée à la circonscription de Thionville Ouest, parce que le maire, un dissident, a eu l’audace de se présenter aux dernières élections contre le député UMP sortant et a donc été châtié –, et celui de Metz III, pour favoriser un député UMP actuellement élu dans la circonscription de Metz I. Aucun de ces découpages n’est justifié, ni aux yeux du Conseil d’État ni à ceux de la commission consultative présidée par Yves Guéna.

Puis-je me permettre, monsieur le secrétaire d’État, de vous interroger? Si, le 17 juin 2007, M. Alain Missoffe, héritier de Wendel, alors candidat UMP, mon concurrent, l’avait emporté dans la huitième circonscription de Moselle, auriez-vous supprimé sa terre d’élection?

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Bien sûr que non!

Mme Aurélie Filippetti. Puis-je me permettre d’émettre une hypothèse, de vous faire part d’une intuition. Si Alain Missoffe avait été élu à ma place en 2007, comme cela aurait dû se passer selon vos calculs, dans une circonscription où Nicolas Sarkozy avait recueilli 53 % des voix à l’élection présidentielle, ce redécoupage en Moselle aurait-il eu le même visage aujourd’hui?

M. Alain Néri. Non!

M. Bruno Le Roux. Bien sûr que non!

Mme Aurélie Filippetti. Permettez-moi d’en douter.

Les électeurs de la huitième circonscription ont fait alors un autre choix,…

M. Jean-Paul Bacquet. Le bon choix!

Mme Aurélie Filippetti. …celui de la liberté. C’est cette indépendance qui est bafouée aujourd’hui.

Vous connaissez tous ce héros de Mary Shelley inspiré d’un théologien et alchimiste allemand du XVII e  siècle, Johann Conrad Dippel.

M. Éric Raoult. Non!

M. Bruno Le Roux. Raoult connaît pas!

M. Jean-Jacques Urvoas. Pas étonnant!

Mme Aurélie Filippetti. Eh bien, ce héros vous ressemble, monsieur le secrétaire d’État. Théologien, vous l’êtes un peu en effet.

M. Éric Raoult. Nous sommes laïcs!

Mme Aurélie Filippetti. Vous avez la religion des arrangements, des petits arrangements entre amis pratiqués sur cette nouvelle carte électorale, comme lors de votre première œuvre, sous Charles Pasqua, ministre de l’intérieur.

M. Éric Raoult. Et Charasse!

Mme Aurélie Filippetti. Dippel était également alchimiste, et vous l’êtes aussi un peu. J’invite ceux qui en douteraient à se pencher attentivement sur votre créativité en ce qui concerne la première et la troisième circonscription de Moselle. Non content de supprimer une circonscription socialiste, vous deviez encore assurer les arrières du député UMP de la circonscription de Metz I. Il devait récupérer l’un des cantons de ma circonscription, deux communes, Rombas et Amnéville mais, sur ces deux communes, se trouve une partie de l’emprise de l’entreprise Arcelor-Mittal de Grandrange.

Il fallait un vrai talent pour changer l'or en plomb, tordre la réalité géographique, et cela contre l'avis de la commission Guéna: extraire du canton Metz III onze bureaux de vote "votant bien" – c'est-à-dire UMP à 60 % – et les affecter à la 1 re circonscription afin de tenter d'assurer, contre vents et marées, quoi qu’il arrive, la réélection de l'actuel député UMP, François Grosdidier, quitte à fragiliser un peu une autre députée, pourtant issue de votre majorité, Mme Zimmermann, qui s’est exprimée à la tribune tout à l’heure. C'est moins grave sans doute car il s'agit d'une femme…

M. Éric Raoult. Oh!

Mme Aurélie Filippetti. …et l’on peut dire que les femmes ont été particulièrement soignées dans votre projet. Selon le rapporteur, le redécoupage du canton suivrait la ligne de chemin de fer. Cela prêterait à rire, si ce n’était pas triste à pleurer!

Dans le roman de Shelley, Johann Conrad Dippel s'appelle Victor Frankenstein.

M. Éric Raoult. Ah!

M. Bruno Le Roux. Là, il connaît!

Mme Aurélie Filippetti. La carte électorale que vous nous proposez, monsieur Marleix, a l'apparence de l'équilibre comme la créature de Frankenstein avait l'apparence d'un être humain. La carte électorale de la France aura le visage suturé de cicatrices du monstre ainsi créé! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Le conflit d'intérêts que vous avez évoqué n’est-il pas là, entre vos fonctions récentes de chargé des élections à l'UMP et votre rôle de secrétaire d’État en charge du redécoupage? Vous nous avez dit que vous n’étiez plus responsable des élections, mais on peut parfois être et avoir été. Si vous n’en avez plus le titre, vous en remplissez admirablement, pour ce qui est de votre camp, les missions par anticipation pour 2012.

Ah, nous ne saurions « discuter du tracé de telle ou telle circonscription »? Nous nous mettrions dans une situation de « conflit d'intérêts »? Nous entacherions notre vote d'une « suspicion d'intérêt personnel »? La suspicion, monsieur Marleix, est de votre côté.

M. Jean Mallot. Évidemment!

Mme Aurélie Filippetti. Le conflit d'intérêts, il est là, sur votre banc. C'est le conflit du pouvoir qui abuse de lui-même.

Vous le savez, le plus grand péché des Grecs était l' ubris , la démesure.

M. Éric Raoult. Oh! Oh!

Mme Aurélie Filippetti. Votre pouvoir a péché par orgueil et par perte du sens de la mesure et de la justice.

On ne saurait discuter de sa propre circonscription, mais on saurait découper au nom de son seul pouvoir et parce qu'on en a le pouvoir?

On ne saurait discuter de son propre cas, mais au nom de quelle indécence? L'indécence n'est -elle pas dans cet abus de pouvoir que vous infligez à la carte électorale par votre méthode elle-même?

N'aurait-il pas été plus respectueux de tous, et d'abord des électeurs grâce auxquels nous sommes ici ce soir, de confier à une commission réellement indépendante, composée de démographes et de géographes, le soin d'établir une nouvelle carte électorale qui respecte les équilibres et la diversité de notre pays?

N'aurait-ce pas été le signe d'un pouvoir réellement respectueux de la démocratie et du pluralisme, mais surtout respectueux de la charge qui lui a été confiée par le peuple et par la Constitution?

La grandeur et l'honneur des hommes d'État, c'est de savoir se placer au-dessus de leurs propres intérêts partisans, au-dessus de l'intérêt d'un clan, d'une caste, d'imposer le respect à son adversaire lui-même par la considération que l'on témoigne aux principes supérieurs, ceux de l'intérêt général. Ce sont les principes fondamentaux de notre République. Ce pacte républicain, c'est aussi la séparation des pouvoirs et le respect du pluralisme.

Ce gouvernement, qui ne sera, comme tous les pouvoirs, que temporaire, aurait été plus grand de savoir ne pas abuser de l'autorité des ciseaux pour tenter de museler la liberté des urnes.

Eh bien, puisque vous nous demandez de nous taire, puisque vous nous placez pendant les trois ans qui viennent dans la position de députés en sursis,…

M. Charles de La Verpillière, rapporteur . Nous le sommes tous!

Mme Aurélie Filippetti. …nous serons les soldats de cette armée morte (Murmures sur les bancs du groupe UMP), l'armée des députés sursitaires et des électeurs oubliés.

Vous avez raison, monsieur le secrétaire d’État, on ne parle pas de son cas personnel, on n'est jamais avocat de sa propre cause. Mais c'est vous qui, en jouant sur les divisions ici et là, en avivant les tensions et en renforçant les intérêts des uns au détriment des autres, mais surtout au détriment de l'intérêt général, qui doit présider à une opération électorale de ce type, c’est vous qui nous avez condamnés à l’inélégance de devoir exposer notre longue litanie de cas, dont la longueur n’a d’égale que l’ampleur du déni de justice qui nous est fait.

M. Éric Raoult. Il faut se battre, Aurélie! Commencez donc par prendre du Prozac!

Mme Catherine Lemorton. Parlez en générique!

Mme Aurélie Filippetti. Alors, puisque vous nous condamnez à cette impudeur qui consiste à parler de soi, je choisis ici de me taire. Puisque vous voulez nous forcer au silence du sursitaire, je vous imposerai d'écouter ce silence ici, maintenant, pendant les quelques secondes qui me restent, à l’image du temps qui reste à nos territoires. Ce sera ma forme de protestation. (Après quelques instants de silence, applaudissements prolongés sur les bancs du groupe SRC.)

M. Éric Raoult. Il fallait mieux placer Mme Filipetti aux européennes!

M. Michel Bouvard. Vous n’allez pas lui donner une nouvelle investiture? Il y a bien un siège qui va se libérer!

M. le président. La parole est à M. Patrick Lebreton.

M. Patrick Lebreton. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant d’en venir à mon propos, je souhaite rappeler à M. Raoult la déclaration qu’il a faite à la télévision, il y a quinze jours à La Réunion, dans le cadre d’une élection municipale que la majorité a d’ailleurs amplement perdue. À propos de notre collègue Huguette Bello, vous n’avez pas hésité, monsieur Raoult, à dire qu’avec une représentante du parti de Marie-George Buffet, qui réalise moins de 2 % en France, vous n’aviez pas envie qu’il y ait « la Corée du nord, Cuba et Saint-Paul ».

M. Bruno Le Roux. Quelle considération pour les électeurs!

M. Patrick Lebreton. Ce n’est pas à votre honneur, d’autant que vous êtes le vice-président du groupe d’amitié parlementaire France - Cuba. Ce n’est ni intéressant pour les Réunionnais, ni pour les communistes.

J’en viens au projet d’ordonnance.

Monsieur le secrétaire d’État, vous vous êtes, lancé, à grand renfort de déclarations, dans une action bien complexe et périlleuse: le redécoupage des circonscriptions. L’impérieuse nécessité de prendre en compte les changements démographiques de nos territoires est une justification qui peut s’entendre. À La Réunion, cela se traduit par la création de deux circonscriptions.

Cependant, si le découpage s’avère nécessaire, il importe de préciser qu’il n’est jamais innocent. Vous parlez du courage politique qu’il faut pour conduire une telle action. Courage: je n’irai pas jusque là. Je me bornerai à dire qu’à mi-mandat, le Président de la République ne cherche qu’à ancrer dans les faits et dans l’espace la conservation de son pouvoir. Comment ne pas s’interroger sur le fait que pour trente-trois circonscriptions supprimées, vingt-trois soient de gauche?

Comment ne pas réagir quand vous mettez à mal l’alternance? Quand vous bafouez les règles et les principes les plus élémentaires de la démocratie? Quand vous ménagez certains – c’est un euphémisme –, négociez en catimini avec d’autres et ignorez, voire méprisez les derniers, notamment la nouvelle génération d’élus nationaux de gauche que nous sommes?

C’est un projet partisan, beaucoup l’ont rappelé. Il faudra que la gauche obtienne 51,4 % des suffrages pour avoir une majorité à l’Assemblée nationale. Votre projet ne respecte aucune règle démocratique, mais il peut être considéré comme réussi par ceux qui y voient une superbe machine à faire gagner la droite. Je n’ose y voir quelque manipulation politique. Qui oserait croire que derrière les deux circonscriptions créées à La Réunion se cachent quelques candidats en embuscade?

Que dire de celles et ceux qui, dans l’hexagone, voient leur circonscription disparaître et qui plus est, seraient, chers collègues de droite, sommés de vous remercier? Les erreurs successives de votre gouvernement rendaient sans doute ce projet de loi plus important et plus urgent que jamais: l’inefficacité de la loi TEPA, l’injustice du paquet fiscal, la suppression de la taxe professionnelle annoncée ou de la TVA, les franchises médicales, le forfait hospitalier, la taxe carbone. J’arrête là cette énumération, car la liste est déjà longue!

Ce projet de loi ne respecte pas, monsieur le secrétaire d’État, les principes constitutionnels d’équilibre démographique et de continuité territoriale. Vous avez eu à cœur, dites-vous, de respecter le principe de la continuité du territoire et les limites cantonales. Or vous proposez, sans concertation aucune, des découpages niant la réalité locale de certains territoires. La notion de continuité territoriale est liée à de multiples facteurs: bassins d’emploi, d’administration, de santé, de consommation. Les réalités géographiques sont souvent bien différentes des frontières imposées. D’aucuns diront qu’il est aisé de faire basculer une population d’un pôle à un autre, mais laissez-moi, mes chers collègues, illustrer à quel point le découpage des circonscriptions engendre parfois des situations absurdes.

M. René Dosière. Des désordres même!

M. Patrick Lebreton. La quatrième circonscription de La Réunion repose sur un savant équilibre de zones urbaines et d’une zone rurale: une zone appelée le Sud sauvage qui comprend les communes de Petite-Île, Saint-Joseph dont je suis le maire et Saint-Philippe prolongée par Sainte-Rose à l’est. Les problématiques de développement rural se posent dans les mêmes termes pour l’ensemble de la micro-région. Les synergies et les actions communes sont nombreuses. Nonobstant, vous proposez, monsieur le secrétaire d’État, d’en retirer deux cantons: Sainte-Rose et Saint-Philippe. Ces deux cantons, au cœur du sud de la quatrième circonscription, se retrouvent basculés, catapultés dirai-je, dans la circonscription de l’est. C’est un non-sens!

Cette seule mesure fait voler en éclats le principe de continuité territoriale à l’intérieur de toutes les circonscriptions. Saint-Philippe appartient pleinement au Sud sauvage. La détacher des autres communes de la circonscription apparaîtrait comme un non-sens absolu au regard de la géographie de la micro-région sud. J’ajoute qu’il est fréquent que les coulées volcaniques du Piton de la Fournaise viennent couper la seule route qui relie cette commune à la région est. Votre logique de continuité territoriale s’illustrera à merveille lorsque le député de la cinquième circonscription de l’est devra, pendant six mois ou plus, passer par deux circonscriptions du sud pour se rendre dans cette nouvelle commune. Je n’irai pas plus loin dans les détails. Avec ce simple exemple, et tous ceux qui ont été exposés et qui concernent nombre d’entre nous – bien souvent des élus socialistes représentant une nouvelle génération –, nous avons la preuve que votre opération de charcutage est encore plus caricaturale que ce que l’on pouvait craindre de pire.

Monsieur le secrétaire d’État, votre projet est destiné à modifier les règles pour obtenir un avantage de départ dans les scrutins législatifs. Lorsque l’on modifie les règles d’un jeu pour obtenir des avantages, cela s’appelle de la triche. Certains vont même jusqu’à dire de la magouille!

Dans un système démocratique, cela s’appelle une atteinte à la démocratie, qui symbolise la peur que vous avez des citoyens parce que votre politique les martyrise depuis de trop nombreuses années. L’exercice auquel vous venez de vous livrer et qui se traduit par le présent projet de loi en est, hélas, une brillante illustration. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. René Dosière. Brillante n’est pas le mot le plus approprié!

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet.

M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne doute pas que vous ayez ressenti de l’émotion en écoutant notre collègue Aurélie Filippetti, si j’en juge par le silence qui a régné pendant son intervention et par l’atmosphère de respect qui a prévalu à l’audition du message qu’elle a su si bien faire passer.

Aurélie a eu le courage de se présenter dans une terre de mission. Elle a gagné grâce à ses qualités personnelles et certainement parce que l’électorat a compris la sincérité de son engagement. Aujourd’hui, elle est éliminée. À ceux qui ont pu considérer qu’elle devrait prendre du Prozac, moi qui suis prescripteur, je dis que je préfère sa tristesse et son amertume à la goujaterie qui désinhibe ceux qui n’ont pas le courage de regarder la vérité en face.

M. Éric Raoult. Dites-lui plutôt de se battre!

M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur Raoult, il y a des blessures qui ne se ferment jamais…

M. Thierry Mariani. Vous voulez parler de vos résultats aux européennes!

M. Jean-Paul Bacquet. …et des électeurs qui savent rappeler qui les a infligées.

M. Éric Raoult. Ce n’est plus un parti, c’est un psychodrame!

M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le secrétaire d’État, faut-il vous reprocher ce redécoupage électoral qui suscite tant de réflexions et tant de critiques? Il était obligatoire, certes, et je n’ai pas peur de vous dire que le seul reproche que j’ai à faire, c’est à mes amis politiques que je devrais l’adresser. Car si nous avions procédé auparavant à ce redécoupage,…

M. Charles de La Verpillière, rapporteur . Ça aurait été quelque chose!

M. Jean-Paul Bacquet. …aujourd’hui, nous ne serions pas là pour constater les dégâts d’une chirurgie faite à la hache, l’œil gauche fermé, pratiquée sans anesthésie, sans entente préalable et sur une erreur de diagnostic. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

Le redécoupage devait corriger les inégalités territoriales induites par l'évolution de la démographie de notre pays à travers une redistribution de la population rendue nécessaire par le dépeuplement rural et l’accroissement des zones urbaines et péri-urbaines. Il s’agissait, en outre, de mieux répartir les populations dans les circonscriptions au niveau départemental.

Qu'en est-il aujourd'hui?

Votre projet aboutit à une injustice nouvelle, avec l'obligation pour la gauche d’obtenir 51,4 % des voix pour être majoritaire. Je ne le dirai pas mieux que ne l’a fait Bruno Le Roux.

M. Charles de La Verpillière, rapporteur . Mais, non! C’est une invention, cessez de répéter cet argument.

M. Jean-Paul Bacquet. Et vous, cessez d’aboyer! Taisez-vous! C’est ce que vous avez de mieux à faire!

Nous sommes face à une répartition territoriale toujours inégalitaire puisque l'on a modifié les limites des circonscriptions dans les départements sans pour autant obtenir une répartition plus juste de la population.

Je vais prendre l’exemple d’un département que vous connaissez bien, puisqu’il jouxte le vôtre, monsieur le secrétaire d’État: le Puy-de-Dôme. Y avait-il besoin de passer de six à cinq circonscriptions?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Oui, la loi l’impose!

M. Jean-Paul Bacquet. En 1986, avec 99061 habitants en moyenne par circonscription, le département se situait au quarante-deuxième rang national. En 2006, avec 103911 habitants en moyenne, au cinquante-troisième rang national et, en 2009, avec 124693 habitants en moyenne, il sera, et de loin, au premier rang national! Or, vous savez pertinemment que dans six mois, compte tenu de l’évolution démographique, la barre des 125000 habitants sera dépassée, ce qui obligera à un nouveau découpage.

De ce fait, le Puy-de-Dôme va avoir la moyenne d'habitants par circonscription la plus forte de France alors qu'avec six circonscriptions, la moyenne aurait été de 103911 habitants par circonscription, ce qui l’aurait placé vingt-six rangs au-dessus du Cantal, votre département.

M. Alain Néri. Eh oui!

M. Jean-Paul Bacquet. Si l'on considère les écarts de population entre circonscriptions, qu’en est-il du rééquilibrage que vous annoncez? En 1982, la différence entre la circonscription la plus peuplée et la moins peuplée était de 21,88 %; en 1999, de 26,50 %; en 2006, 31,79 %. Vous aboutissez aujourd’hui à 21,62 %. Qui peut considérer au vu de ces chiffres que vous êtes parvenu à une meilleure répartition démographique?

Osons comparer avec le Cantal que vous connaissez si bien. Dans ce département, de 1986 à 2009, la moyenne est passée de 81419 à 74871 habitants – soit une chute très nette – pour deux députés. Dans le Puy-de-Dôme, pour la même période, la moyenne est passée de 99061 à 124 693 – augmentation très forte – pour cinq députés au lieu de six. Ce qui veut dire, comme l’indique Alain Néri, qu'il y a deux députés du Cantal pour un du Puy‑de-Dôme.

Où est donc la cohérence pour la circonscription que j’ai l’honneur de représenter, coincée entre la Giscardie, la Chiraquie et la Pompidolie, dont vous avez hérité?

M. Éric Raoult. Sans oublier la Charasserie!

M. Jean-Paul Bacquet. Laissez-le là où il est: de votre côté! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Éric Raoult. C’est tout de même un sénateur socialiste!

M. Jean-Paul Bacquet. Ne vous rendez-vous pas compte des efforts qu’il fait chaque jour pour vous montrer qu’il est de votre bord? Une chose est sûre, nous ne le réclamons pas.

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Bacquet!

M. Jean-Paul Bacquet. Désormais, les cantons de Champeix et d’Ardes sont rattachés à la circonscription de Louis Giscard d'Estaing. Pourtant Ardes et Champeix appartiennent au même arrondissement, Issoire, au même pays, Issoire-Val-d'Allier-Sud, que j’ai l’honneur de présider, au même schéma de cohérence territoriale, au même programme LEADER, au même pays d’art et d’histoire, au même plan de déplacements, au même plan d’habitat vacant, et sont traversés par les mêmes axes structurants: l'autoroute A 75, l'Allier et la ligne SNCF.

Alors pourquoi une telle décision? Louis Giscard d'Estaing m'a clairement expliqué qu'il avait choisi Champeix plutôt que Clermont-Ferrand Nord-Ouest, qu’on lui avait proposé, parce qu'il considérait qu'il avait plus à gagner, ou moins à perdre, dans l’un que dans l’autre. Je n’ose toutefois croire, monsieur le secrétaire d’État, que son intérêt ait pu l’emporter sur la cohérence géographique, économique, administrative et celle du bassin de vie.

Que dire du canton de Vertaizon, espèce de molluscum pendulum , rattaché à une circonscription n’ayant rien à voir par un pédicule que l’on est venu amputer sur un canton voisin. Alain Néri l’a évoqué tout à l’heure avec sa gouaille et son talent habituels. Ce rattachement pose incontestablement problème.

Il était facile de comprendre que vous alliez profiter de ce redécoupage, dans le Puy-de-Dôme comme ailleurs en France, – enfin, je vous connais suffisamment pour penser que vous ne l’avez pas fait de votre propre initiative et que vous avez certainement travaillé sur commande – pour renforcer les circonscriptions de droite, quitte d’ailleurs à en renforcer certaines de gauche, mais surtout pour supprimer des circonscriptions de gauche et en rendre d'autres beaucoup plus vulnérables afin qu’avec peu de voix supplémentaires, la droite obtienne davantage de sièges à l’Assemblée.

Cela est évident dans le Puy-de-Dôme. Il suffit, pour s’en convaincre, de transposer les résultats de 2007 aux nouvelles circonscriptions. De cinq députés de gauche contre un à droite – situation actuelle –, vous passerez à quatre contre un, voire à trois contre deux, comme vous l’espérez.

M. Alain Néri. Nous ferons le nécessaire pour vous décevoir!

M. Jean-Paul Bacquet. Ce serait une belle performance, avouez-le.

M. Alain Néri. Seulement vous ne jouez pas sur le terrain, préférant Tapis vert.

M. Jean-Paul Bacquet. Cela est inacceptable, monsieur le secrétaire d’État, car les inégalités, loin d’être réduites, ont été renforcées.

Cela est incompréhensible, ou plutôt trop compréhensible. En fait, avec votre famille politique – vous connaissant, ce n’est pas à vous que je l’impute –, c’est la règle du gagnant-gagnant, mais la grande difficulté, c’est que c’est toujours le même qui l’emporte.

Tout à l’heure, M. Urvoas, avec beaucoup de talent, déclarait qu’au-delà de l’amertume que nous pouvons ressentir les uns et les autres, il y avait une espérance. Il citait l’exemple de Berlusconi, tellement certain de gagner qu’il a perdu.

M. Éric Raoult. Il est toujours au pouvoir!

M. Jean-Paul Bacquet. Dans le découpage de 1958, il ne fallait pas 51,4 % des voix à la gauche pour être majoritaire mais 52 %. Pourtant, cela ne l’a pas empêchée en 1981 d’obtenir la plus belle majorité qu’elle ait jamais eue.

M. Éric Raoult. Alors!

M. Jean-Paul Bacquet. Alors, monsieur Raoult, riez bien! La dégringolade a commencé. À nous de nous mobiliser pour vous démontrer, monsieur le secrétaire d’État, que l’électorat saura reconnaître l’injustice et saura nous faire gagner. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier.

M. Alain Néri. Encore une tête qui va rouler!

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mon intervention s'articulera en deux temps: je me permettrai d’abord de relayer l'intervention que mon collègue et ami Jean Auclair aurait voulu faire s’il n’avait eu un empêchement; je vous ferai part ensuite de mon sentiment personnel sur le projet de loi.

Depuis plusieurs mois, Jean Auclair a multiplié les interventions pour tenter de trouver une solution à la suite de la décision du Conseil constitutionnel, malheureusement saisi par le parti socialiste, dont Michel Vergnier, député de la Creuse, …

M. Kléber Mesquida. C’est un droit!

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. …qui a censuré une disposition législative selon laquelle tout département devrait être représenté à l'Assemblée nationale par deux députés au moins, quelle que soit la population.

Dans sa décision de 1986, le Conseil constitutionnel relevait qu'un impératif d'intérêt général serait susceptible d'atténuer la portée de la règle selon laquelle l'Assemblée nationale doit être élue sur des bases essentiellement démographiques.

L'application stricto sensu de cette décision appelle une question relative à la base démographique de l'élection. En effet, les départements dont la population se situe entre 125000 et 250000 habitants posent problème: leur affecter un seul député revient à les pénaliser tandis que leur allouer deux députés les avantage. À moins d’accepter une rupture d'égalité des citoyens devant la loi, ce à quoi le Conseil constitutionnel ne peut consentir, l'effet de seuil interdit que la règle des 125000 habitants par député reçoive une application automatique.

Un autre principe constitutionnel peut être invoqué pour contester le raisonnement du Conseil: un seul député par département interdit la pluralité d'expression. Enfin, conclut Jean Auclair, l'élu de la Creuse aura à parcourir seul une circonscription comptant 260 communes. S’il compte les visiter toutes, il y consacrera 260 jours par an à raison d'une par jour. Mon collègue en déduit que le travail parlementaire s'en trouvera profondément affecté.

Il estime de ce fait que le principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant la loi commande le respect d'une certaine équité entre les territoires.

Il observe à cet égard que la Creuse bénéficie d'un régime dérogatoire pour les sénateurs puisque la base est d'un sénateur jusqu'à 150000 habitants, puis un de plus par tranche de 250000 habitants. La Creuse, forte de 136000 habitants, dispose néanmoins de deux sénateurs, ce qui n’est pas le cas de la Lozère.

Il vous demande donc de vous pencher sur ce point spécifique et vous précise qu'il votera contre votre loi si ses observations ne sont pas prises en considération.

Pour ma part, monsieur le secrétaire d’État, et après maints échanges de réflexions tant avec vous-même qu'avec le Président de la République en personne, je voudrais vous dire mon sentiment à l'occasion de ce débat.

Il ne m'appartient pas de critiquer la décision du Conseil constitutionnel – avocat, j’ai pour habitude de ne pas mettre en cause la justice – même si tout raisonnement juridique a ses limites et que tout principe a son ou ses exceptions. Pourquoi n'en serait-il pas ainsi dans ce dossier?

En 1986, le même Conseil constitutionnel avait accepté des dérogations au critère démographique, fixé alors à 108000 habitants, pour les petits départements comme la Lozère. Aujourd'hui, dans un considérant relevant un changement dans les circonstances de fait et de droit, il estime que l'unique critère pour l'élection des députés est celui de la population.

Il retient, pour se justifier, l'augmentation de la population française de plus de 7 millions d'habitants en vingt ans, l'apparition des députés représentant les Français de l'étranger et la fixation à 577 le nombre maximum de députés.

Le président du Conseil constitutionnel m'a précisé qu'une telle équation avait conduit les sages à estimer qu'aucune dérogation au critère démographique ne pouvait être désormais accordée: à moins de 125000 habitants, un seul député, au-delà deux, voire plus. Dont acte!

Cela dit, force est de constater que, dans près de 477 circonscriptions, le ratio sera de 70000 à 80000 habitants par député, ce qui, comparé à la Lozère, me semble quelque peu injuste.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez plaidé durant des mois, à Paris et dans mon département, pour le respect de la règle des deux députés. Le projet de loi initial comportait cette règle...

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Oui!

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. .et je vous en sais gré. Le Gouvernement a été censuré. Il vous appartient aujourd’hui d'en tirer les conséquences du point de vue politique.

Comme je vous l’ai dit en commission des lois, je regrette qu'aucun collaborateur, aucun conseiller ne vous ait alerté sur ce risque juridique. Dans la révision constitutionnelle de 2008, il eût été facile d'intégrer la règle de deux députés au minimum par département.

M. Jean-Paul Bacquet. Il faut faire fusionner la Lozère et le Cantal!

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Si je l’avais su à l’époque, mon vote sur la révision de la Constitution aurait peut-être été différent.

Sans vouloir reprendre les propos de Jean Auclair, j’estime évident que le projet que vous nous proposez ne peut me satisfaire, ni aucun élu du département de la Lozère, même si je suis le seul aujourd'hui à m'exprimer. Je ne baisserai pas les bras.

M. Jean-Paul Bacquet. C’est la révolution en Lozère!

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Moins de proximité, une atteinte au pluralisme politique, un climat politique difficile qui pourrait devenir délétère, tout particulièrement en Lozère où le cas de figure est unique – deux députés UMP sortants voudront l'un et l'autre se représenter en 2012‚–; un département tout entier représenté par un seul député sur plus de 5000 kilomètres carrés, soit 20 % du territoire du Languedoc-Roussillon; un département qui ne sera représenté désormais que par deux parlementaires, un député et un sénateur; enfin, un département symbole de la ruralité qui n'aura à l'Assemblée qu'une seule voix: tout cela est injuste, et vous le savez, monsieur le secrétaire d’État. Quelle solution pratique envisagez-vous pour éviter une sous-représentation nationale de la Lozère, mais également des déchirures politiques profondes qui pourraient apparaître?

Il y a une solution: la révision de la Constitution, à défaut d'autres pistes que je vous ai exposées.

Député de l'UMP, je ne voudrais pas être conduit, à l’instar de Jean Auclair, à voter contre votre texte, d'autant que le projet de loi initial comportait la règle des deux députés. Je réserve donc mon vote jusqu’à mardi prochain en fonction des propositions que vous pourriez être amené à faire devant la représentation nationale en réponse à mes légitimes interrogations.

M. Jean-Paul Bacquet. Vous allez faire trembler le secrétaire d’État!

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Je m’exprime très librement et je n’entends pas à être gêné dans mon expression!

Oui, je souhaite que la Lozère continue à être représentée par deux députés. Oui, je souhaite que la Lozère ne connaisse pas de climat politique délétère.

M. Alain Néri. Très bien!

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Oui, je souhaite, avec mon ami le sénateur Jacques Blanc, sortir par le haut de ce dossier.

Non, je ne me résoudrai jamais à abandonner ce combat, comme d'autres l'ont déjà fait, car il y va de l'identité même de la Lozère et de la défense de la ruralité.

Pourquoi ne pas considérer qu'il ne s'agit que d'un début et que la Lozère pourrait être ensuite dépecée, au gré des réformes institutionnelles, entre le Cantal, l'Aveyron, la Haute-Loire, l'Ardèche, le Gard et l'Hérault?

Monsieur le secrétaire d’État, ceci n'est pas une supplique mais l'expression intime, profonde, d'un élu accroché à son territoire, ancré dans ses valeurs, convaincu que le combat qu'il mène est juste et légitime.

Le Président de la République a pour habitude de dire qu'il transpire la politique par tous ses pores. Puis-je utiliser la même formule, mais appliquée à la Lozère en ce qui me concerne?

J'attends avec grand intérêt votre réponse et je me déterminerai en mon âme et conscience en fonction de la position que vous exprimerez à l'issue de ce débat.

M. Philippe Folliot. Très bien!

M. Jean-Paul Bacquet. Tout cela n’est pas sérieux, monsieur Morel-A-l’Huissier!

M. Alain Néri. La jacquerie est en marche en Lozère!

M. le président. La parole est à M. Michel Vauzelle.

M. Michel Vauzelle. Avec moi aussi, la jacquerie le sera bientôt, monsieur Néri!

Mes chers collègues, je tiens à vous rassurer sur le teint que j’ai ce soir: ce n’est pas le soleil de la Provence mais la honte du républicain qui me monte au front! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Rires sur les bancs du groupe SRC.) Un peu d’humour n’est pas déplacé après les grands moments d’émotion que nous avons vécus!

Retrouvant ce bon vieux racisme à l’égard des méridionaux, je veux dire combien je regrette la façon dont l’UMP s’empare de la France et essaie d’en faire sa chose.

M. Jean Mallot. Très bien!

M. Michel Vauzelle. Depuis la gestion du quartier de La Défense jusqu’à la façon dont le Président de la République et président de l’UMP vient à Nice et à Toulon,...

M. Éric Raoult. Hors sujet!

M. Michel Vauzelle. Au contraire, on est au cœur du sujet!

M. Éric Raoult. Mais non!

M. Claude Bartolone. Arrêtez de vous exciter, monsieur Raoult! Cela ne fera jamais de vous un ministre!

M. Michel Vauzelle. ...c’est la démocratie et la République qui sont en cause. Parle-t-il en tant que Président de la République ou en tant que chef de l’UMP lorsque, à Nice puis à Toulon, il réclame le dû à l’UMP, c’est-à-dire que la région Provence-Alpes-Côte d’Azur revienne à la droite parce que, dit-il, c’est une région de droite?

M. Éric Raoult. Tout à fait!

M. Michel Vauzelle. Je suppose qu’il en est de même dans toutes les circonscriptions qui ont été redécoupées avec ce souci: la France appartient de droit à la droite; elle doit revenir à la droite.

Le cas anecdotique que je vais vous citer prouve que, pour la première fois dans l’histoire du pays d’Arles que je représente, on a taillé dans un territoire qui avait été respecté dans son unité, son histoire, sa culture, ses traditions, ses liens humains, dans son écologie avec le parc naturel de Camargue, et dans les périls vécus en commun face aux crues du Rhône. Jusqu’à présent, personne n’avait taillé dans cette entité: c’est ce que fait aujourd’hui l’UMP.

L’UMP a hésité, et je voudrais vous livrer un détail très intéressant qui montre sa façon de procéder. Dans un premier temps, j’ai reçu de M. le préfet des Bouches-du-Rhône une carte du redécoupage des circonscriptions. On y avait enlevé Tarascon de la seizième circonscription pour conforter la droite dans la quinzième circonscription. Puis, parce que l’UMP a ses habitudes aux Saintes-Maries-de-la-Mer, où le Président de la République monte à cheval comme un gardian, on a écouté le maire, par ailleurs pilier de l’UMP, comblé d’honneurs – y compris de la légion d’honneur –...

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Ce n’est pas croyable!

M. Michel Vauzelle. ...et de responsabilités, et finalement on a replacé Tarascon dans la seizième circonscription pour y conforter l’UMP et on en a retiré Port-Saint-Louis-du-Rhône, ville de gauche, afin de mettre à mal la façon dont l’équilibre politique y était constitué.

Dans les Bouches-du-Rhône, le couteau a donc été manié avec beaucoup de brutalité. Ainsi, tout a été fait pour que la seizième circonscription puisse revenir à l’UMP, comme tout a été fait pour que la région PACA revienne de droit, selon le Président de la République, à l’UMP.

M. Thierry Mariani. Pas tout de suite!

M. Michel Vauzelle. Il y a donc lieu, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, de s’interroger sur la façon dont l’UMP conçoit la République et les droits des démocrates. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Éric Raoult. On vous a connu meilleur!

M. le président. La parole est à Mme Martine Pinville.

Mme Martine Pinville. Monsieur le secrétaire d’État, le projet de loi relatif à la délimitation des circonscriptions que nous examinons aujourd’hui est toujours un sujet délicat dans l’histoire parlementaire. Aussi ai-je été très prudente quand j’ai appris que le département dont je suis l’élue, la Charente, serait touché.

Si nous sommes conscients que l’avis du Conseil constitutionnel devait rééquilibrer la représentation nationale par rapport aux évolutions récentes de la population, compte tenu du dernier recensement, nous savons, par expérience, que le redécoupage peut être source de manipulations en tous genres de la part de ses auteurs. C’est pourquoi, avec nos collègues du groupe socialiste, nous avons été très attentifs à l’évolution de vos réflexions et de vos travaux. Nous avons rapidement compris que vos intentions n’étaient pas si innocentes ni si impartiales qu’elles auraient pu et dû l’être.

Ce découpage supprime trente-trois circonscriptions, dont dix-huit détenues par l’opposition actuelle et quinze par la majorité, un hasard dû, me direz-vous, aux seules évolutions démographiques. Permettez-moi d’en douter.

Plus grave encore, si l’on établit une projection des résultats des élections législatives de 2007 à cette nouvelle carte électorale, on peut envisager que vingt à trente circonscriptions de gauche basculeraient dans l’escarcelle de la majorité actuelle.

M. Éric Raoult. Quelle horreur!

Mme Martine Pinville. Pardonnez-moi de vous le dire franchement: le hasard n’y est pour rien. J’aurais presque envie d’en sourire si votre impartialité et celle de l’État n’étaient pas remises en cause.

Par ailleurs, les différents partis de gauche devraient obtenir au moins 51,4 % des voix pour obtenir la majorité des sièges à l’Assemblée nationale.

M. Charles de La Verpillière, rapporteur . Mais non! Toujours la même invention!

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Arrêtez l’intox!

Mme Martine Pinville. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez une drôle de vision de la démocratie et peu d’estime pour l’image qu’en donne notre Assemblée à nos concitoyens.

Je ne détaillerai pas toutes les contradictions dont souffre ce projet de redécoupage: mes collègues vous en ont cité bien des exemples. Mais je veux signaler l’incohérence manifeste dont nombre de futurs députés vont avoir à subir les conséquences, tant en termes d’unité territoriale que de disparité des populations au-delà des frontières traditionnelles des cantons, des communautés de communes ou des pays.

En fait, comme nombre de mes collègues socialistes qui ont abordé avec une certaine réserve les travaux préparatoires de cette nouvelle délimitation des circonscriptions tout en restant attentifs à de possibles dérives, je suis déçue par votre esprit partisan, qui l’a emporté sur une certaine vision de la démocratie et qui a bafoué les règles d’éthique minimales. Je ne manquerai pas d’évoquer ces manquements graves auprès de mes concitoyens afin de les alerter sur les conséquences négatives que pourrait avoir ce redécoupage et sur la possibilité d’une alternance politique en 2012 qui constituerait un signe fort de vitalité de notre démocratie.

En conclusion, n’ayez aucune inquiétude, chers collègues: nous nous battrons, comme nous savons le faire, avec une ténacité que vous n’imaginez pas! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à une séance ultérieure.

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, aujourd’hui jeudi 15 octobre, à neuf heures trente:

Discussion de la proposition de loi relative à la suppression du crédit revolving, à l'encadrement des crédits à la consommation et à la protection des consommateurs par l'action de groupe;

Discussion de la proposition de loi visant à rendre plus justes et plus transparentes les politiques de rémunérations des dirigeants d’entreprises et des opérateurs de marché;

Discussion de la proposition de résolution estimant urgente la mise en œuvre de l’article 11 de la Constitution sur l’extension du référendum.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 15 octobre 2009, à une heure.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma