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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2009-2010

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 24 juin 2010

Deuxième séance du jeudi 24 juin 2010

Présidence de M. Maurice Leroy,
vice-président

M. le président . La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Modification de l'ordre du jour

M. le président. M. le président de l’Assemblée nationale a reçu de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement une lettre l’informant que la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative aux violences faites aux femmes, initialement inscrite à l’ordre du jour du lundi 28 juin, aura lieu le mardi 29 juin à neuf heures trente.

Débat sur la rupture conventionnelle du contrat de travail

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur la rupture conventionnelle du contrat de travail.

L’organisation de ce débat ayant été demandée par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, la parole et à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée des aînés, chers collègues, en cet instant, des millions de salariés se sont mobilisés pour défendre leur droit à la retraite et exiger une meilleure répartition des richesses dans notre pays.

Dans quelques dizaines de minutes, lorsque nous en aurons terminé avec les deux débats qui nous concernent, je rejoindrai le cortège parisien.

Plébiscitée par le patronat à l'initiative du concept de séparabilité, rejetée par les syndicats et l'opposition lors de son introduction, il y a deux ans maintenant, par la loi dite de modernisation du marché du travail, la rupture conventionnelle, mode particulier de rupture à l'amiable du contrat de travail à durée indéterminée, continue aujourd'hui de susciter beaucoup d'intérêt, nombre d'interrogations et de vraies critiques.

Et pour cause! Sans entrer dans le détail des articles L.1237-11 à L.1237-16 du code du travail, rappelons tout de même que, dépourvue de motif autre que la supposée volonté commune des parties de rompre le contrat, à la différence des licenciements qui doivent avoir une cause réelle et sérieuse, la rupture conventionnelle du contrat de travail obéit à une procédure spécifique voulant éviter tout procès: entretien(s) entre les deux parties, droit de rétractation comme en droit de la consommation, homologation de la convention par la DDTE – la direction départementale du travail et de l’emploi.

Rendue « attractive » par les droits à indemnité légale de licenciement et à indemnisation chômage, la rupture conventionnelle peut intervenir alors même que l'entreprise rencontre des difficultés économiques qui l'amènent à se séparer de certains de ses salariés.

Dans ces conditions, rien de surprenant que certains, à la tête du MEDEF ou plaidant professionnellement les dossiers de la partie patronale, à l'appui de statistiques, vantent à l'envi le fort succès du dispositif de rupture conventionnelle du contrat de travail. Lequel, en n’étant ni un licenciement ni une démission, et tout sauf un licenciement surtout, aurait permis de dédramatiser, de pacifier les discussions entre employeurs et salariés.

Les mêmes tentent encore de nous faire croire qu'en « adultes responsables », les deux parties désormais placées sur un pied d'égalité négocieraient de gré à gré les conditions de leur séparation, sécurisant du coup la rupture du contrat de travail et limitant la judiciarisation.

Toujours selon eux, la rupture conventionnelle aurait également pour mérite de limiter la pratique des licenciements pour motif économique déguisés et de ne pas dégrader l'emploi des seniors!

Nous verrons que la réalité est beaucoup plus sombre et complexe. Le Gouvernement ne peut se contenter d'analyser simplement le développement croissant de ce procédé simplifié et expéditif de rupture du contrat de travail comme une marque d'intérêt des salariés et des employeurs. Nous jugeons un peu courtes les déclarations de son directeur général du travail considérant qu'il n’y a – je le cite – « ni effet d'aubaine » des entreprises, « ni dérive globale » dans l'utilisation de ces ruptures conventionnelles. Toute la lumière doit être faite sur les zones d'ombre de l’application de la loi de du 25 juin 2008 flexibilisant les règles d'embauche et de licenciement, et plus particulièrement sur son article 5. C'est la raison pour laquelle nous avons tenu à initier le débat de ce jour sur la rupture conventionnelle.

L'intérêt de cet acquis, pour Mme Parisot et ses amis, est loin d'être négligeable. Dans sa campagne interne, la présidente du syndicat patronal ne se prive d'ailleurs pas de revendiquer le successfull de la flexisécurité avec la rupture conventionnelle du contrat de travail.

Il est vrai que ce dispositif légitime sa thèse de refondation sociale des relations entre l'employeur et ses collaborateurs, démarche gommant le lien de subordination pourtant bien réel entre le patron et son salarié, comme toute la spécificité de la relation de travail; une démarche ringardisant l'existence de règles de droit social spécifiques, collectives, protectrices des salariés et distinctes de celles du droit civil.

Idéologiquement, le MEDEF a obtenu du gouvernement Fillon et de Xavier Bertrand de vraies victoires. Le leurre de l'égalité entre l'employeur et le salarié, la négociation de gré à gré, le recours au volontariat structurent désormais toutes les réformes en matière de droit du travail, au risque de pervertir notre droit social, de vider de sa substance le droit du licenciement économique. « Comment un plan de sauvegarde de l’emploi pourrait-il s'avérer pertinent quand toutes les mesures censées s'y trouver ont préalablement été proposées aux salariés sur la base du volontariat? » s'inquiète Alexandre Fabre, docteur en droit, auteur notamment du livre Le régime du pouvoir de l'employeur .

Indiscutablement, la rupture conventionnelle est un élément tout à fait positif pour toutes celles et ceux qui ont été contraints de renoncer au CNE – le contrat nouvelle embauche – et n'ont pu obtenir la suppression pure et simple de la justification de la cause réelle et sérieuse du licenciement, prohibée notamment par la convention de l'OIT, disposant que tout licenciement doit être pourvu d'un motif valable. Le domaine de la cause réelle et sérieuse ne s'applique pas à la rupture conventionnelle, qui échappe totalement au droit du licenciement. Personne n'est officiellement à l'initiative de la rupture, l'employeur n'a donc plus à justifier des motifs de celle-ci, le juge n'a pas non plus à les apprécier et encore moins à regarder et à se prononcer sur la gestion de l'entreprise.

Le professeur Emmanuel Dockès voit justement dans la rupture conventionnelle « un puissant moyen d'écarter le droit du licenciement». « À la réflexion», dit-il, « cette évolution juridique est peut-être la plus dangereuse de toutes… la rupture conventionnelle pourrait marginaliser la pratique du licenciement à l'ancienne. L'exigence d'une cause réelle et sérieuse deviendrait alors, en pratique, une sorte d'exception, un cas marginal légèrement désuet ».

Gagnant-gagnant, la rupture conventionnelle, dites-vous? Pour les employeurs assurément, pour les salariés, en revanche, cela reste à démontrer. Dans la période de crise que nous connaissons, rarissimes sont en effet les cas où les salariés souhaitent quitter volontairement leur emploi pour faire une pause ou parce qu'ils ont un autre emploi en perspective.

Exceptée la situation marginale de ces salariés devant jusqu'à présent négocier avec leur employeur pour qu'il déguise leur démission en licenciement, mais pouvant désormais négocier une rupture conventionnelle de leur contrat de travail et bénéficier du droit à l’indemnisation chômage; exceptée aussi la situation de ceux qui, jusqu'alors, démissionnaient sous la pression de leur employeur, pour lesquels ce nouveau dispositif peut être un progrès, dans la majorité des cas, la rupture conventionnelle se fait à la demande et sous la pression de l'employeur faisant miroiter les contreparties de l'indemnité de licenciement et de l'indemnisation chômage, en lieu et place d'une procédure pour licenciement pour faute ou d'un licenciement économique.

Alors, ni pression ni contournement des règles du licenciement économique? Et encore moins de mises à la retraite en catimini aux frais de Pôle emploi, dites-vous ?

Il suffit pourtant de lire les statistiques mensuelles de la DARES recensant pour les seuls salariés non protégés le nombre de demande de ruptures conventionnelles homologuées pour mesurer l'ampleur incroyable des dérives et réaliser que les entreprises utilisent bel et bien ce dispositif pour tailler dans les effectifs des entreprises.

Les demandes d'homologations n'ont cessé d'augmenter. Depuis août2008, le nombre d'homologations a explosé. Ces sept derniers mois, d’octobre2009 à avril2010, plus de 137000 ruptures conventionnelles ont été homologuées, contre 100000 les sept mois précédents, de mars2009 à septembre2009, contre à peine 55000 d'août2008 à février2009. La tendance montre que, parallèlement, le taux de demandes irrecevables et le taux de refus diminuent substantiellement: 12 % en août2008, contre 3 % en avril2010 pour l'irrecevabilité; 21 % en août2008, contre 10 % en avril2010, s'agissant des refus.

Deux autres enseignements sont à tirer du document de la DARES sur les ruptures conventionnelles au premier semestre 2009. Le dispositif est surtout utilisé dans les petits établissements, notamment ceux du commerce. Sur la période de référence, trois ruptures conventionnelles sur quatre ont été signées dans des établissements de moins de cinquante salariés, là où justement les organes représentatifs de salariés font cruellement défaut. Alors que la part de ces sorties de CDI représente un peu moins de moins de 8 % des sorties par licenciement ou démission, dans les établissements de commerce, les ruptures conventionnelles représentent plus de 12 % des sorties.

Le 15 avril 2008, défendant pour le groupe GDR une motion contre le projet de loi dit de modernisation du marché du travail, anticipant les dévoiements de la rupture conventionnelle, si chère à Mme Parisot, je déclarais: « Vous aurez beaucoup de mal à nous convaincre que ce nouveau mode de rupture du CDI peut être négocié d'égal à égal et que les garde-fous sont suffisants pour éviter que la dissolution du contrat ne soit toujours imposée par l'employeur. D'autant que 80 % des salariés des PME-PMI ne bénéficient pas du soutien des instances représentatives du personnel. » Les faits me donnent malheureusement raison.

À ce surcroît de taux de rupture conventionnelle dans les PME-TPE, il faut ajouter la surreprésentation des salariés de cinquante-huit ans et plus dans les entreprises de plus de cinquante salariés. Là, les ruptures conventionnelles représentent près de 14 % des sorties, contre 9 à 11 % des sorties par licenciement.

Dans le dossier de mai2010 de Liaisons Sociales intitulé « Les départs anticipés ne battent pas en retraite », où il est question de ces providentielles ruptures conventionnelles – entre guillemets dans le texte – la direction Champagne-Ardenne de Pôle emploi pointe qu'« en 2009, 23 % des chômeurs inscrits à l'issue d'une rupture conventionnelle étaient âgés de cinquante ans et plus alors que, tous motifs d'inscription confondus, les seniors représentent seulement 10 % de la demande d'emploi enregistrée au cours de la même période. » Les chiffres ont doublé.

Cette nouvelle forme de rupture du contrat de travail favoriserait donc les cessations anticipées d'activité, elle serait détournée par les employeurs pour se débarrasser aux frais de l'assurance chômage de leurs seniors. Ainsi, par exemple, 15 à 20 % des séparations à l'amiable conclues dans le secteur des mines et de la métallurgie portent sur des salariés de plus de cinquante ans. Ce problème n'est pas nouveau. En avril2009 déjà, l'OCDE, pourtant si prompte à prescrire la poursuite sur la voie de l'assouplissement de la législation sur les licenciements, recommandait au Gouvernement, dans son Étude de la France, 2009 « d'éviter que les employeurs ne puissent abuser du nouveau dispositif de rupture conventionnelle pour se séparer des seniors à bon compte et aux frais de l'assurance chômage. » Fermez le ban, tout a été dit! Au moment où, justement, le Gouvernement entend reporter de soixante à soixante-deux ans l'âge légal de départ à la retraite et prétend vouloir améliorer le taux d'emploi des seniors, la brèche ainsi ouverte par la rupture conventionnelle doit être comblée. Le Gouvernement fermera-t-il encore les yeux ou entend-il restreindre le recours aux ruptures conventionnelles?

Je citerai un dernier exemple témoignant de la perversité de ce dispositif, des dangers de son utilisation par les employeurs peu scrupuleux: à savoir les petits paquets de rupture conventionnelle ficelés pour détourner les règles applicables en matière de licenciements économiques et notamment l'obligation pour l'employeur d'élaborer un plan de sauvegarde de l’emploi. Là encore, les dangers étaient prévisibles. Le ministre de l'époque est pourtant resté sourd aux mises en garde exprimées par les partenaires sociaux et les parlementaires. L’article 5 est largement déséquilibré au profit de l’employeur. Il répond au « tout sauf un licenciement » du MEDEF, qui libère l’employeur de ses obligations en termes de reclassement, d'information et de consultation du comité d'entreprise. De là à porter atteinte aux procédures de licenciements collectifs pour motif économique, il n'y a qu'un pas, disais-je encore dans cet hémicycle, en avril2008. Le pas a largement été franchi.

Le Gouvernement ne méconnaît pas le sujet: preuve en est l'instruction du 23 mars 2010 de la Direction générale du travail relative à l'incidence d'un contexte économique difficile sur la rupture conventionnelle d'un CDI, invitant l'autorité administrative à vérifier l'existence ou non d'un contournement des procédures de licenciement collectif « dès lors que le recours à la rupture conventionnelle concerne un nombre important de salariés et que cela a pour effet de priver ces salariés du bénéfice des garanties attachées aux licenciements collectifs. » Il convient toutefois de noter que la même instruction rappelle qu'« une rupture conventionnelle peut intervenir alors même que l'entreprise rencontre des difficultés économiques qui l’amènent à se séparer de certains de ces salariés. » Il s’agit bien évidemment, comme je l’ai précédemment démontré, des salariés âgés.

Enfin, faute de faire de la prévention primaire en mettant un terme à ce dispositif pervers de rupture conventionnelle, le Gouvernement se contente d'en gérer les dangers en reportant sur la DRT le soin de contrôler les demandes d'homologation, de surveiller les abus et éventuellement de les sanctionner en refusant l'homologation de la rupture conventionnelle. Des décisions de conseils de prud'hommes, n'allant d'ailleurs pas toutes dans le même sens, interviennent ensuite pour approuver ou non le refus d'homologation de la rupture conventionnelle par la DDTE.

Madame la secrétaire d’État, sur cette question des ruptures conventionnelles se substituant aux licenciements, avez-vous définitivement démissionné et décidé un laisser-faire qui réjouit le patronat, mais plombe l'assurance chômage et trompe des dizaines de milliers de salariés qui perdent des droits, ou bien entendez vous réagir et comment?

M. Christian Eckert. Très bien!

M. le président. La parole est à Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, vous avez souhaité discuter aujourd'hui du dispositif de rupture conventionnelle, procédure introduite par la loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008, à la suite de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008.

En introduction, et sans vouloir anticiper sur les propos qui seront tenus dans cet hémicycle, je voudrais partager avec vous quelques constats... cinq précisément.

Le premier est de l'ordre du rappel, mais il est essentiel. C'est le constat que ce dispositif constitue l'un des symboles de notre maturité politique. En effet, la rupture conventionnelle est le fruit d'un accord signé par la quasi-unanimité des partenaires sociaux, au terme de seize réunions de négociation. Cet accord a été le premier résultat tangible de la procédure instituée par la loi de modernisation du dialogue social. Ce sont donc les partenaires sociaux eux-mêmes qui ont initié ce nouveau mode de rupture des contrats de travail à durée indéterminée. Pour sa part, le Gouvernement a répondu aux attentes exprimées. Il a proposé un projet de loi, afin de rendre effectivement applicable cette procédure. Nous avons également répondu à la demande des partenaires sociaux pour que les ruptures conventionnelles soient soumises au contrôle d'homologation des directions départementales du travail. Nous avons aussi animé un groupe de travail tripartite, afin de bâtir le modèle de document à utiliser, comme ils nous l'avaient demandé.

Le second constat que je voudrais partager avec vous, c'est que la possibilité de rompre « à l'amiable » le contrat de travail existait avant la loi du 25 juin 2008, mais sans cadre juridique clair. C'était le juge qui précisait, au gré des affaires qui lui étaient soumises, si la volonté commune des parties pouvait défaire le contrat de travail qu'elles avaient noué des années auparavant. Cette situation n'était satisfaisante ni pour le juge, alors contraint de pallier la lacune des textes, ni pour les parties au contrat de travail, souvent conduites à maquiller une rupture réciproquement souhaitée en une fausse démission ou un faux licenciement... À cette impasse juridique, la procédure de rupture conventionnelle a apporté une réponse, un cadre juridique clair, limité, précis dans ses conditions autant que dans ses effets et assorti de nombreuses garanties.

Avec presque deux années de recul – et c'est mon troisième constat – il faut souligner que ce dispositif a trouvé sa place et qu'il a démontré sa pertinence. En effet, depuis 2009, le recours à cette procédure est globalement en train de se stabiliser: un peu moins de 50000 ruptures conventionnelles homologuées chaque trimestre en 2009; un peu plus de 50000 ruptures conventionnelles homologuées sur le premier trimestre 2010. Cette stabilisation se constate aussi du coté des refus d'homologation: ce taux, de 14 % au premier semestre 2009, est descendu à 12 % au second, pour se stabiliser autour de 10 % depuis le début de l'année. Je ne détaillerai pas tous les chiffres ici, mais je retiendrai de cette stabilisation que le dispositif de rupture conventionnelle a effectivement acquis une place à part entière dans les modes possibles de rupture des CDI.

Ces chiffres, comme je viens de le souligner, illustrent aussi la pertinence de ce mode de rupture et démentent, du même coup, les polémiques et les craintes de toutes sortes qui avaient pu naître. On disait que « la rupture conventionnelle siphonnerait le droit du licenciement ». C'est faux: les ruptures conventionnelles sont cinq fois moins nombreuses que les licenciements. On disait également que « la rupture conventionnelle serait une nouvelle porte ouverte vers le contentieux ». Là aussi, c'est faux. À ce jour, on dénombre moins d'une centaine de contentieux se rapportant à la rupture conventionnelle, à comparer aux quelque 200000 contentieux qu'occasionnent chaque année les ruptures des contrats de travail. On disait, enfin, que « la rupture conventionnelle deviendrait le lot commun, un peu obligé peut-être, de la rupture des CDI ». C'est également faux. Les démissions sont les plus fréquentes – 56 % – devant les licenciements – 37 % – alors que les ruptures conventionnelles ne représentent que 8 % des cas de fin de CDI.

Doit-on pour autant considérer que ce dossier est clos, que cette procédure est définitivement figée et que l'attention et le suivi ne sont plus de mise? La demande du groupe GDR de tenir cette discussion tend à prouver le contraire. Sans doute « ce pas » vers plus de maturité dans les relations individuelles de travail doit-il être mieux assuré.

C'est mon quatrième constat: la vigilance est encore de mise. Vigilance pour que cette procédure soit comprise et utilisée dans les cas imaginés par les partenaires sociaux et seulement dans ceux-là: c'est ce que la circulaire du 17 mars 2009 avait pris soin de préciser. Vigilance, encore, pour que cette procédure ne permette pas, par exemple, de contourner le régime juridique des plans de sauvegarde de l'emploi, lorsqu'ils doivent être mis en place. C’est ce que rappelle, à toutes fins utiles, l'instruction de la Direction générale du travail du 23 mars dernier.

M. Roland Muzeau. Et pour cause!

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Vigilance, enfin, dans le suivi quantitatif et qualitatif des demandes de ruptures conventionnelles, ce qui constitue une activité nouvelle pour les services de l'inspection du travail. Je constate qu'une demande sur dix est refusée, ce qui atteste concrètement de cet effort de vigilance de la part des directions du travail, dont Éric Woerth et moi-même tenons à souligner l'engagement et le professionnalisme.

Tels sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, les constats que je voulais partager avec vous.

Ce dispositif a été crée par les partenaires sociaux et émane d'un accord qui est un symbole de notre maturité politique. Il répond à un vide juridique qui pénalisait les salariés, les entreprises et les juges. Il a manifestement trouvé sa place dans les modes de rupture des CDI, et ce modestement et sans alimenter les dérives annoncées. Éric Woerth par ses instructions, et tous les agents du ministère du travail dans l'exercice de leurs missions au quotidien, restent vigilants pour que ce dispositif occupe pleinement la place qui lui revient sans la déborder.

Je vous avais annoncé cinq constats et je n'en ai cité que quatre, et je vous invite à tirer vous-mêmes le cinquième, qui est un principe pour ce gouvernement: celui de l'écoute attentive de vos échanges.

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la rupture conventionnelle du contrat de travail est un élément essentiel de la modernisation du marché du travail, comme le démontre son utilisation constante depuis son entrée en vigueur. Plus de 300000 ruptures conventionnelles ont ainsi été homologuées depuis août2008.

Je tiens, tout d’abord, à rappeler – et c’est essentiel – que ce dispositif a été mis en place à la demande des organisations syndicales et patronales pour mettre fin, en particulier, à l’insécurité juridique que vient, à juste titre, de dénoncer Mme la secrétaire d’État. Certes, comparaison n’est pas raison, mais nous pourrions, pourquoi pas, rapprocher cette procédure de celle du divorce. Jusqu’en 1975, date à laquelle a été reconnu le divorce par consentement mutuel, certains divorces étaient maquillés en divorces pour faute, parce qu’il n’existait pas d’autre voie possible pour les époux qui voulaient se séparer. Il manquait aussi, dans le domaine du droit du travail, une voie permettant à l’employeur et à l’employé de se séparer d’un commun accord. Explorée par les tribunaux de façon incertaine, elle a été clairement posée à la demande des partenaires sociaux dans le cadre de la loi de 2008.

Cette rupture conventionnelle est issue de l’accord national interprofessionnel sur la modernisation du marché du travail signé le 11 janvier 2008. Il est bien qu’il y ait ce dialogue et que le Gouvernement et le législateur soient attentifs aux attentes des partenaires sociaux. Il est également bon que le droit du travail évolue, en France, dans l’intérêt des uns et des autres, comme cela s’est déjà produit dans d’autres pays. Nous ne devons pas craindre la modernisation dans ce domaine comme dans d’autres.

Quatre organisations syndicales sur cinq ont signé cet accord, et toutes les parties signataires se déclarent satisfaites de la mise en place du dispositif.

La rupture conventionnelle représente l’un des éléments constitutifs de la « flexicurité » à la française, qui était d’ailleurs demandée par la plupart des candidats lors de la dernière élection présidentielle, qu’ils soient de droite ou de gauche – en allant chercher des exemples à l’étranger, nous construisons notre propre voie par rapport aux spécificités de la France et aux attentes des partenaires sociaux –, son pendant étant la sécurisation des parcours professionnels, à travers, notamment, la portabilité des droits prévue à l’article 14 de l’accord du 11 janvier 2008. Cet accord était équilibré: sortie plus facile du contrat de travail, mais droits renforcés pour permettre au salarié de poursuivre son parcours professionnel et de retrouver rapidement une place sur le marché du travail.

C’est une procédure qui permet à l’employeur et au salarié de convenir en commun, lors d’un ou de plusieurs entretiens, des conditions de la rupture du CDI qui les lie – elle n’est pas applicable aux contrats à durée déterminée. Au cours de ces entretiens, le salarié peut se faire assister par un salarié appartenant à l’entreprise ou, dans les entreprises dépourvues d’instances de représentation du personnel, par un conseiller du salarié choisi sur une liste administrative.

La rupture conventionnelle diffère donc du licenciement ou de la démission, car la rupture du contrat de travail est librement acceptée par chacune des parties.

Formellement, cette rupture se réalise par un document renseigné entre l’employeur et le salarié, qui définit les conditions de cette rupture, notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui sera versée au salarié, au moins égale à l’indemnité conventionnelle ou légale, et la date de rupture du contrat.

À compter de la date de signature de la convention par l’employeur et le salarié, l’un et l’autre disposent d’un délai de quinze jours pour exercer leur droit de rétractation, ce qui permet au salarié qui aurait des regrets ou qui aurait subi des pressions de faire machine arrière. Quinze jours, ce n’est pas rien, c’est un délai de réflexion suffisant, à moins que l’on nous dise qu’il faut le faire évoluer.

Nous voyons donc que les différentes étapes du processus précédant la rupture du contrat garantissent que le consentement du salarié est libre et éclairé, puisque ce dernier bénéficie d’une information complète, du droit d’être assisté et d’un délai de rétractation.

Par la suite, comme l’ont voulu les signataires de l’accord du 11 janvier 2008, il revient à l’autorité administrative d’homologuer ou non la convention de rupture dans un délai de quinze jours, ce qui est une garantie supplémentaire. Cette homologation permet de s’assurer du respect de la liberté de consentement des parties et de celui des conditions prévues par le code du travail.

Toute situation où le consentement mutuel n’est pas suffisamment affirmé est automatiquement écartée du champ d’application de la rupture conventionnelle.

Par ailleurs, les textes repoussent expressément l’utilisation de la rupture conventionnelle pour pallier d’éventuelles difficultés économiques.

Ainsi, la rupture conventionnelle n’est pas applicable aux ruptures de contrats de travail résultant des accords collectifs de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ou des plans de sauvegarde de l’emploi, c’est-à-dire des plans de licenciements collectifs fondés sur un motif économique.

De même, la rupture conventionnelle ne saurait être admise dans les situations où le salarié est manifestement fragilisé: suspension du contrat pour maladie ou inaptitude, congé maternité.

D’ailleurs, contrairement à ce que j’ai entendu, il n’y a pas eu d’explosion du nombre de ruptures conventionnelles liées à la crise économique.

M. Roland Muzeau. À peine!

M. Daniel Fasquelle. Il y a eu peut-être un peu plus de ruptures conventionnelles mais la proportion par rapport au nombre de ruptures de contrats de travail ne change pas. On ne peut absolument pas dire, après deux ans de recul, que la rupture conventionnelle a été utilisée dans le cadre de la crise économique comme un moyen facile pour des employeurs de se séparer de leurs salariés. C’est tout à fait inexact, les chiffres le démontrent.

M. Roland Muzeau. Non! Ils démontrent l’inverse!

M. Daniel Fasquelle. Vous avez le droit de ne pas être d’accord avec moi, mais l’intérêt de ce débat est de nous permettre de nous écouter.

Enfin, la rupture conventionnelle ouvre droit à l’indemnisation chômage après la rupture du contrat de travail.

Le nombre de demandes homologuées a cru de façon régulière depuis août2008 et se situe depuis à un niveau stable, entre 17000 et 19000 chaque mois, selon la DARES, ce qui montre que le dispositif a atteint une certaine maturité.

Le taux de refus a suivi l’évolution inverse, puisque, de 18 % à l’automne 2008, il est à présent d’environ 9 %, les principaux motifs de refus étant le non-respect des délais et les erreurs dans le calcul de l’indemnité de rupture conventionnelle.

D’après les études de la DARES, les ruptures conventionnelles représentent un peu moins de 8 % des fins de contrat à durée indéterminée. Ce nouveau dispositif vient donc s’ajouter aux autres mécanismes de sortie de contrat, sans s’y substituer, contrairement aux craintes de certains et à ce que l’on a pu entendre ici ou là.

À l’exception de quelques contentieux épars qui ont vu le jour juste après la mise en œuvre de la rupture conventionnelle, et qui concernaient essentiellement le respect du processus et non des contestations de fond, la rupture conventionnelle ne donne pas lieu à des contestations de la part des salariés qui l’ont acceptée.

Si le dispositif n’avait pas trouvé sa place, si certains salariés avaient été floués ou si c’était réellement un moyen de pression, qu’est-ce qui les empêcherait d’entamer un contentieux pour dénoncer ce qu’ils ont accepté? Or ce n’est pas ce qui se passe concrètement. C’est donc bien qu’ils avaient librement accepté cette rupture, que le dispositif a trouvé sa place et qu’il était justifié.

L’objectif recherché par les partenaires sociaux est donc atteint, à savoir mettre en place un mode de rupture du contrat dénué de conflictualité et protégeant les intérêts de chaque partie.

Madame la secrétaire d’État, vous nous avez rappelé que la paternité du dispositif revenait aux partenaires sociaux. Je me souviens que le rapporteur, notre collègue Dominique Dord, avait fortement souligné ce point, nous exhortant d’ailleurs à examiner le texte en prenant garde de ne pas porter atteinte à son équilibre général.

Afin de préparer la discussion d’aujourd’hui, j’ai relu avec attention l’accord interprofessionnel du 11 janvier 2008 et, plus précisément, sa troisième et dernière partie. Y figure notamment la disposition suivante: les partenaires sociaux « conviennent de mettre en place une commission de suivi et d’évaluation de l’accord qui s’assurera notamment du bon fonctionnement des différents dispositifs mis en place par le présent accord ».

À ma connaissance, cette commission n’a jamais été installée et je me demande si le Gouvernement ne pourrait pas prendre l’initiative de provoquer une réunion. Après plus de deux années de recul, le temps d’un premier bilan est sans doute venu pour éclairer le chemin parcouru et juger de l’utilité du dispositif. Peut-être faudrait-il le faire évoluer sur un point ou un autre. C’est une attente des députés de la majorité que je veux exprimer cet après-midi.

M. Roland Muzeau. Au moins sur ce point, nous sommes d’accord!

M. Daniel Fasquelle. C’est donc une demande unanime des députés présents cet après-midi.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis de l’organisation de ce débat demandé par nos collègues du groupe GDR. Je ferai quelques observations générales mais je centrerai mon intervention sur un exemple particulier.

Dans la mise en œuvre de cette mesure, le Gouvernement, a oublié une notion essentielle, le lien de subordination qui existe entre l’employeur et son salarié. Comment voulez-vous, madame la secrétaire d’État, particulièrement en une période de crise, qu’un salarié que l’on pousse au départ puisse résister aux pressions, dans la mesure où l’on met en avant un certain nombre de contreparties?

Certains évoquent un dispositif gagnant-gagnant, par comparaison peut-être avec des pratiques antérieures. C’est le cas, bien sûr, pour l’employeur, et, selon certains, pour le salarié, mais qu’en est-il de l’économie et des territoires, qu’en est-il de la nécessaire reconversion, des obligations de reclassement qui disparaissent totalement dans des pratiques qui sortent de leur objectif initial ou en tout cas annoncé?

M. Fasquelle a souligné que ce dispositif ne pouvait en aucun cas se substituer à des procédures collectives et, notamment, à l’obligation de proposer des plans de sauvegarde de l’emploi lors de licenciements. Je voudrais vous interroger très solennellement, madame la secrétaire d’État, sur la situation d’Arcelor-Mittal.

Je suis élu de Lorraine, pas tout à fait de la circonscription de Gandrange mais tout le monde connaît cet exemple. Arcelor-Mittal se sépare actuellement de plus de 1200 salariés dans l’ensemble des unités de son groupe. Au départ, ce ne devait être que les cols blancs. Finalement, cela concerne également les cols bleus. J’ai un ami très proche qui a cinquante-sept ans. On lui a proposé, pour qu’il parte, de lui payer ses trois ans de salaire jusqu’à la retraite et les cotisations sociales pour valider ces trois ans. Il aura droit aux ASSEDIC et même à une petite retraite chapeau. Il n’est pas cadre supérieur mais Arcelor-Mittal dispose de conventions particulières et, dans certaines entreprises, il n’y a pas que les grands patrons qui ont des retraites chapeaux.

Au moment où vous parlez de l’emploi des seniors sur la question des retraites, comment expliquez-vous que, dans une telle entreprise, 1200 personnes ou plus puissent bénéficier d’une rupture conventionnelle? C’est bien d’une rupture conventionnelle qu’il s’agit en effet.

J’aimerais que les services de la direction du travail m’expliquent comment c’est possible. On me dit que, chez Renault ou Peugeot, il y a des pratiques similaires. Dans ces conditions, il n’y a pas de plan de sauvegarde de l’emploi, pas d’obligation de reconversion des territoires et pas de dispositif de reclassement.

La plupart du temps, Roland Muzeau l’a très justement signalé, ces dispositifs de rupture conventionnelle s’appliquent à des personnes proches de l’âge de la retraite. Alors que vous essayez de nous convaincre qu’il faut allonger la durée de travail, on a une parfaite illustration de l’incurie de ce dispositif. Pour les territoires, pour le développement de l’économie, c’est un mauvais service.

Je me réjouis en tout cas que nos collègues du groupe GDR aient initié ce débat, même si la participation est un peu faible. Il y a dans cet hémicycle trois fois plus de fonctionnaires et une dizaine de fois plus de spectateurs que de parlementaires, pour un sujet qui a concerné, cela a été dit, 130000 personnes dans les sept derniers mois, c’est regrettable.

M. Jean-Louis Léonard. C’est vrai que les députés de gauche sont passionnés!

M. Roland Muzeau. Ils sont dans les manifs!

M. Christian Eckert. Je reviendrai sur le jour et l’heure de ce débat et du suivant, auquel, j’espère, vous assisterez aussi.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Monsieur Muzeau, le principal mode de rupture pour les seniors, les personnes âgées de plus de cinquante-cinq ans, reste le licenciement: licenciement pour motif personnel dans 36 % des cas, licenciements économiques dans 24 % des cas. Les démissions représentent 28 % des cas. Viennent ensuite les ruptures conventionnelles, 13 %. Vous voyez donc qu’il n’y a pas d’augmentation du nombre de ces ruptures par rapport aux autres.

Au sujet, monsieur le député Fasquelle, du suivi par les partenaires sociaux de leur accord en général et de ce dispositif en particulier, il est vrai qu’une commission de suivi était prévue. Vous comprendrez aussi que le Gouvernement peut difficilement rappeler aux partenaires sociaux la nécessité de réunir cette commission. Cependant, votre interpellation est tout à fait pertinente et rejoint d’ailleurs une demande des organisations syndicales, à laquelle Éric Woerth souhaite répondre positivement. Des rencontres seront donc organisées entre son cabinet et toute organisation syndicale qui le souhaitera pour échanger sur ce dispositif. Il s’agira d’un point de départ pour instituer le comité de suivi.

Enfin, monsieur le député Eckert, la rupture conventionnelle ne peut être utilisée comme un moyen de contourner les règles du licenciement économique collectif…

M. Roland Muzeau. Elle l’est pourtant!

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. …et de priver ainsi les salariés des garanties attachées aux accords d’entreprise et de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et aux plans de sauvegarde de l’emploi.

Dès lors que le recours à la rupture conventionnelle concerne un nombre important de salariés et que des difficultés économiques en sont à l’origine, l’homologation est refusée. Ceci est suivi, comme vous le savez, par les directions départementales du travail.

M. Christian Eckert. Arcelor-Mittal! Je n’ai pas de réponse à ma question. Pouvez-vous vous engager à me communiquer une réponse écrite?

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. On vous répondra par écrit, monsieur le député.

M. le président. Le débat est clos.

M. Roland Muzeau. Suspendez la séance, monsieur le président: il paraît qu’il y a deux millions et demi de personnes dans la rue pour défendre les retraites!

M. le président. Selon la police ou selon les organisateurs, monsieur Muzeau? (Sourires.)

M. Roland Muzeau. Pour connaître les chiffres de la police, il faut diviser par deux! (Sourires.)

M. le président. Afin de vous permettre de comptabiliser (Sourires) , je vais vous accorder une suspension de séance d’un quart d’heure.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Bernard Accoyer.)
Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président . La séance est reprise.

création d’une commission d’enquête sur la spéculation

Discussion d’une proposition de résolution

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. Jean Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues tendant à la création d’une commission d’enquête sur les mécanismes de spéculation affectant le fonctionnement des économies (n os 2629, 2577).

Je rappelle que, cette discussion étant organisée en application de l’article141, alinéa 3, du règlement, elle comprend uniquement une phase d’explications de vote, à l’exclusion de toute autre prise de parole. En effet, lorsqu’un groupe exerce son droit de tirage en matière de commission d’enquête, il ne saurait y avoir de débat, mais seulement un vote de l’Assemblée.

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe SRC.

M. Christian Eckert. Monsieur le président, madame la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, mes chers collègues, je veux d’abord revenir brièvement sur les conditions d’organisation de ce débat. À la conférence des présidents, le président de mon groupe avait exprimé le souhait que le jour et l’horaire d’examen de cette proposition de résolution soient modifiés. Je crois qu’il y avait de la place dans l’ordre du jour. Aujourd’hui est une journée quelque peu particulière, et nous aurions pu éviter de procéder aux explications de vote et au vote à un tel moment. Cela dit, vous l’avez rappelé, monsieur le président, il s’agit d’un droit de tirage.

Je vais revenir sur l’utilité de cette commission dont nous demandons la création, qui aura, comme toutes les autres commissions d’enquête, des pouvoirs d’investigation.

Fin 2009, la spéculation sur la dette d’un certain nombre d’États et des attaques contre l’euro ont une nouvelle fois appelé l’attention sur la nécessité d’organiser les mécanismes financiers. Beaucoup de questions se sont posées: quels sont les rôles des agences de notation, à la fois clientes et conseils des banques et du secteur financier? N’y a-t-il pas là sinon un délit d’initiés, du moins une confusion des genres? Quel est le rôle de la spéculation, notamment sur les CDS – les credits default swaps –, assurances sur des titres même pas toujours possédés par les assurés? Qui pratique la spéculation? D’où partent les attaques, de quels territoires?

Mais, au-delà de ce qui a marqué les esprits ces derniers mois, d’autres pratiques doivent également être examinées dans le cadre de cette commission d’enquête. Nous pensons notamment au HFT, le « trading haute fréquence ». Comment expliquer qu’aujourd’hui, souvent plus de la moitié des transactions boursières sont effectuées à l’échelle de la seconde, voire parfois de la nanoseconde? Elles constituent une part importante de la spéculation. Une question surtout me brûle les lèvres: quelle est l’utilité de ce genre de pratiques? Quelle valeur ajoutée cela crée-t-il de faire faire à des titres, à de l’argent, le tour du monde en une fraction de seconde – avec quelques prélèvements au passage pour quelques privilégiés informés ou habiles qui cliquent au bon moment et bon endroit –? Il n’y a pas de valeur ajoutée économique, mais du détournement d’argent. La richesse est avant tout produit de l’économie dite réelle, fruit de la production des entreprises et des salariés. Jouer sur cette richesse n’apporte pas de mieux-être pour l’ensemble de nos concitoyens, mais uniquement pour une minorité.

Votre récent projet de loi sur la régulation bancaire et financière adopté par l’Assemblée est un acte manqué.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Oh!

M. Christian Eckert. Madame la ministre, il contient peu de choses sur les CDS; les agences de notation n’ont que l’obligation de se faire enregistrer; il aborde très peu les paradis fiscaux alors que l’on voit bien que les conventions passées ici ou là à leur sujet sont assez vides et n’apportent rien; il n’y a rien sur la HFT.

On nous dit que les sommets comme celui de Pittsburgh et les G20 font progresser les choses. Mais j’ai lu dans un grand quotidien du soir que l’Europe se présente au prochain G20 en position de faiblesse, que les États-Unis tiennent les Européens pour responsables de l’absence de croissance en Europe et que la taxe sur les banques n’a aucune chance d’être mise en place en raison du refus de certains. Certes, les Allemands ont pris un certain nombre de décisions, les Américains sont, eux aussi, en train de faire des choses, mais il semble que les Français restent l’arme au pied, même si les déclarations d’intention se multiplient.

C’est pourquoi nous avons décidé de « griller » notre droit de tirage en proposant la création d’une commission d’enquête sur ce thème, et je m’en félicite. J’ose espérer que l’ensemble de l’Assemblée nous rejoindra dans cette volonté d’en savoir plus.

M. Roland Muzeau. Très bien!

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour le groupe GDR.

M. Roland Muzeau. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, la proposition de résolution soumise à notre examen cet après-midi se fixe pour objectifs de déterminer quels sont les acteurs qui spéculent contre les intérêts nationaux et européens, et d’identifier avec précision les méthodes utilisées, dans le but de donner au législateur les moyens de mieux les encadrer.

Nous ne pouvons bien sûr qu’approuver ces orientations et nous voterons donc sans hésitation en faveur de la présente résolution. Cette initiative appelle pourtant plusieurs remarques.

Elle met en particulier en relief le peu de pertinence des outils mis en oeuvre par le Gouvernement depuis le début de la crise financière. Deux ans après le début d’une crise dont la gravité est sans précédent depuis les années trente, deux ans après le début d’une crise qui a déjà coûté plusieurs centaines de milliards d’euros aux Français – entre le renflouement des banques et les plans de relance – et qui a détruit des centaines de milliers d’emplois, 680000 exactement, force est de constater que les initiatives prises par le Gouvernement n’ont pas été à la hauteur des événements.

Ils sont bien loin aujourd’hui les prétendus engagements pris par M. Sarkozy, lors du meeting de Toulon, en septembre2008: « Une certaine idée de la mondialisation s’achève […] ou bien les professionnels se mettent d’accord sur des pratiques acceptables, ou bien nous réglerons le problème par la loi avant la fin de l’année ». Ils n’ont pourtant pas tremblé. Aujourd’hui, alors que les loups de la finance mordent la main que vous leur avez tendue et spéculent sur la dette des États, quel bilan les Français peuvent-ils tirer de votre action, madame la ministre?

Ce qu’ils voient, ce que nous voyons, c’est l’annonce d’un plan d’austérité à la seule fin de rassurer les marchés, c’est l’annonce par les banques de profits colossaux tandis que notre économie est exsangue, c’est l’annonce de nouvelles restrictions des droits sociaux, à commencer par les retraites, afin de satisfaire aux attentes des agences de notation.

Vos discours sur la nécessaire moralisation du capitalisme ne sont depuis deux ans qu’un paravent destiné à camoufler maladroitement à l’opinion la réalité de vos intentions. Car vous n’avez en réalité oeuvré ces deux dernières années qu’à permettre aux acteurs financiers de se remettre à flot grâce à l’argent public et à leur ouvrir à nouveau toutes grandes les portes du casino.

À l’heure où deux millions de nos concitoyens manifestent contre la réforme des retraites injuste que vous tentez de leur imposer, il n’est pas inutile de rappeler une évidence: les mécanismes spéculatifs ne sont pas compatibles avec la logique redistributive qui fonde notre modèle social. Il n’est plus acceptable que les mécanismes spéculatifs accaparent une part sans cesse plus grande de la richesse créée, au détriment de l’économie réelle, de l’investissement et de l’emploi. En un peu plus de vingt ans, de 1983 à 2006, la part des salaires dans la valeur ajoutée a chuté en France de 9,3 %, soit l’équivalent de près de 100 milliards d’euros par an, au seul bénéfice de la sphère financière; la part des dividendes versés aux actionnaires est passée de 3,2 % à 8,5 % du PIB, et de 5 % de la valeur ajoutée à près de 25 %! Trois chiffres illustrent l’impossible coexistence du capitalisme financier avec le système de retraite par répartition que les Français défendent aujourd’hui dans la rue: entre1993 et2009, le volume des cotisations sociales a augmenté de 19 % tandis que le PIB – notamment en raison des gains de productivité – augmentait, lui, de 33 %, et que les revenus financiers des entreprises et des banques progressaient de… 143 %! La part des produits financiers dans la valeur ajoutée des entreprises est désormais près de deux fois supérieure – 29 % contre 15 % – à celle de leurs cotisations sociales.

Évoquer dans le cadre de ce débat la réforme des retraites n’est donc pas hors sujet. Cette réforme est le signe que la crise financière n’a pas ôté au Gouvernement ses ornières idéologiques. La faiblesse des mesures proposées par le projet de loi sur la régulation bancaire et financière, débattu ici même il y a quinze jours, en est un autre témoignage.

En se proposant de rechercher les acteurs qui se livrent aux attaques spéculatives, comme dans le cas de la Grèce, d’analyser les méthodes employées et de déterminer le rôle des agences de notation dans les prises de position des fonds spéculatifs et des acteurs de marché, ou le rôle délétère de certains instruments et produits financiers, tels les CDS, nos collègues proposent de s’attaquer enfin à un vrai sujet, prenant à contre-pied les gesticulations gouvernementales. Nous appuyons donc sans réserve leur démarche.

M. Christian Eckert. Très bien!

M. le président. La parole est à M. Jean-François Mancel, pour le groupe UMP.

M. Jean-François Mancel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous livrerai quelques réflexions sur ce projet de création de commission d’enquête, dans la ligne exclusive qui nous a été rappelée.

D’abord, il faut éviter de tomber dans la caricature totale, contrairement à notre collègue Muzeau. Certes, il est facile de présenter la situation sous la forme d’une petite bande dessinée sur le thème: la spéculation est à l’origine de toutes les difficultés rencontrées par le monde financier.

Il n’y a pas que cela! La spéculation n’est pas à l’origine des difficultés de la Grèce. Si ce pays n’avait pas rencontré de difficultés budgétaires et financières, s’il n’avait pas fourni de faux calculs et de fausses statistiques, la spéculation ne se serait pas développée à son encontre.

M. Georges Mothron. Eh oui!

M. Jean-François Mancel. Alors, essayons d’être réalistes. Abordons ce thème avec clarté et précision sans lancer des anathèmes trop faciles.

Ensuite, cette commission d’enquête rencontrera un vrai problème, celui de la mondialisation de la finance. À mon avis, elle aura beaucoup de difficulté à convoquer des acteurs financiers issus des quatre points cardinaux du globe. À partir de là, nous risquons de nous retrouver devant une situation franco-française, ce qui ne nous fera pas beaucoup avancer dans un tel domaine.

Enfin, je trouve que c’est finalement une deuxième chance que voudraient se donner les groupes de l’opposition en venant quasiment aider le Gouvernement dans l’action qu’il mène.

Depuis 2008 et le démarrage de la crise financière, qui a dénoncé puis agi? Le Président de la République au premier rang, que ce soit au G20, en tant que président de l’Union européenne, ou dans toutes les instances auxquelles il a participé, il a été très souvent le seul chef d’État à dénoncer cette situation, à faire remarquer les dérives du monde financier, et à mettre en œuvre des processus destinés à les contrarier, les éviter, ou les encadrer. Dans ce registre, madame Lagarde a présenté un projet de loi – que l’opposition n’a pas approuvé, à ma connaissance – sur la régulation bancaire et financière.

À partir de là, je crois qu’il faut faire preuve de beaucoup de clémence à l’égard des groupes de l’opposition.

M. Christian Eckert. Il ne s’agit pas de clémence!

M. Jean-François Mancel. Vous voulez sans doute vous rattraper. À travers cette commission d’enquête, peut-être avez-vous l’intention de donner quelques arguments supplémentaires au Président de la République lorsqu’il présidera le G20, pour qu’il agisse une nouvelle fois avec la détermination qu’on lui connaît et l’efficacité qui est la sienne, afin de mieux réguler les marchés financiers.

M. Roland Muzeau. Il va encore se prendre pour Harry Potter!

M. Jean-François Mancel. Le groupe UMP n’a donc aucune raison de s’opposer à votre proposition de résolution d’où émane cette bonne intention, et ce d’autant moins qu’il s’agit d’un droit de tirage prévu par le règlement de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Maurice Leroy, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Maurice Leroy. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre Assemblée est aujourd’hui saisie d’une proposition de résolution du groupe SRC visant à la création d’une commission d’enquête sur les mécanismes de spéculation affectant les économies.

En effet, à la lumière des événements récents qui ont ébranlé l’ensemble de la zone euro, il est de plus en plus urgent de tirer, une fois pour toutes, les enseignements de la crise économique et financière qui a ébranlé l’ensemble des économies avancées.

M. Roland Muzeau. Ça ne démarre pas trop mal!

M. Maurice Leroy. C’est la raison pour laquelle cette proposition de résolution et la commission d’enquête qui en résultera seront, et je le dis au nom du groupe Nouveau Centre, d’utilité publique.

Mais avant d’aller plus loin…

M. Roland Muzeau. Ah!

M. Maurice Leroy. …je veux tout d’abord, comme Jean-François Mancel, saluer l’action conjointe du Président de la République et de vous-même, madame la ministre. Vous avez su faire de la France un pays pionnier en matière de régulation bancaire.

C’était le cas lors de la présidence française de l’Union européenne en 2008, mais cela a été également avéré ces dernières semaines au moment où la stabilité de la monnaie unique et la cohésion de la zone euro étaient en jeu.

M. Roland Muzeau. Il n’y a que la foi qui sauve!

M. Maurice Leroy. Je n’ai pas dit qu’il n’y avait que la France. Le Président de la République a agi en tant que président de l’Union européenne. Nous connaissons tous ici le rôle joué par le couple franco-allemand et nous nous en réjouissons.

M. Roland Muzeau. Ce n’est pas ce que j’ai dit, mais je ne voulais pas vous interrompre.

M. Maurice Leroy. Voyez, vous pouvez m’interrompre autant de fois que vous le souhaitez.

Au nom du groupe Nouveau Centre, je ferai ici trois remarques. Premièrement, l’une des grandes leçons de la crise, c’est l’absolue nécessité de la mise en place d’instruments de supervision et de normes communes à l’ensemble des pays du G20.

M. Christian Eckert. Absolument!

M. Maurice Leroy. Pour vous prouver que je suis vraiment centriste, je vais me tourner maintenant vers mon collègue Jean-François Mancel, de l’UMP.

Vous avez eu raison de rappeler à nos amis de l’opposition le rôle joué par les problèmes fondamentaux de la Grèce, et notamment par la transmission de chiffres inexacts aux institutions européennes. Cela étant, cher collègue, la spéculation n’a fait qu’aggraver, qu’amplifier les problèmes. Voilà pourquoi le groupe Nouveau Centre souhaite que la régulation puisse s’exercer.

Dans ce domaine, nous devons nous réjouir des avancées majeures qui ont été effectuées, à commencer par le renforcement du rôle du G20. Madame la ministre, vous y avez largement pris votre part. Au nom de mon groupe, je tenais à vous en féliciter.

Actuellement, le G20 est considéré, en lien avec le Conseil de stabilité financière, le Conseil européen du risque systémique et le Fonds monétaire international comme l’enceinte la plus représentative des nouveaux équilibres internationaux dans le suivi des questions économiques et financières au niveau mondial.

J’en profite pour redire toute l’importance que notre groupe accorde à l’idée d’une taxation européenne – et non pas seulement nationale – du secteur financier.

L’autre enseignement que nous devons tirer de cette crise, c’est la nécessité de responsabiliser véritablement les opérateurs de marché, et de faire en sorte que le risque encouru soit toujours proportionnel au gain escompté.

M. Roland Muzeau. Il faudrait déjà séparer les différents métiers de la banque, pour commencer!

M. Maurice Leroy. Cela devrait être une évidence, mais on a bien vu qu’il fallait rappeler et marteler cette règle. Je pense, bien évidemment, au renforcement du contrôle et de la surveillance du secteur financier qui passe notamment par l’élargissement du contrôle et de la surveillance à de nouveaux acteurs.

M. Christian Eckert. C’est la leçon du procès Kerviel: qu’est-ce qu’on surveille bien!

M. Maurice Leroy. Enfin, l’une des graves carences que la crise a mise à jour dans notre système de régulation, c’est l’existence de véritables vides juridiques de la finance, qui se trouvent jusqu’alors dans l’angle mort des législateurs nationaux et internationaux.

Au Nouveau Centre, nous en sommes convaincus: sans une régulation forte, sans une exigence de transparence, ces produits continueront d’être propices à la spéculation à tout va.

M. Christian Eckert et M. Roland Muzeau. Kerviel!

M. Maurice Leroy. C’est la raison pour laquelle, au groupe Nouveau Centre, nous sommes favorables à la création d’une agence de notation européenne.

Permettez-moi de dire également un mot sur deux pratiques financières qu’au Nouveau Centre nous souhaitons encadrer fortement, à défaut de les interdire. Je vise la vente à nu des fameux credit default swaps souverains qui, sans en être la cause, ont tout de même aggravé la crise grecque, comme vous le savez, madame la ministre.

M. Christian Eckert. Pourquoi a-t-elle refusé de les interdire?

M. Maurice Leroy. Je vise aussi la pratique foncièrement malsaine de la vente à découvert, qui précipite le plus souvent la chute des marchés.

Mes chers collègues, vous l’aurez donc compris, les députés du groupe du Nouveau Centre ne s’opposeront pas à la création de cette commission d’enquête puisqu’elle répond à la nécessité d’une régulation forte pour accompagner et encadrer la libéralisation des marchés à laquelle notre famille politique est particulièrement attachée.

Comme nous n’avons en général rien à craindre des commissions d’enquête, cela ne nous pose aucun problème. Bon vent à cette commission d’enquête!

Vote sur l’article unique

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle qu’aux termes de l’article141 alinéa 3 du règlement, la demande de création d’une commission d’enquête est rejetée si la majorité des trois-cinquièmes des membres de l’Assemblée s’y oppose, soit 346 voix.

En outre, seuls les députés défavorables à la création de la commission d’enquête participent au scrutin.

Je soumets à l’Assemblée la demande de création d’une commission d’enquête.

La majorité requise n’est pas atteinte. En conséquence, la demande de création d’une commission d’enquête est adoptée.

(La proposition de résolution est adoptée.)

M. le président. Afin de permettre la constitution de la commission d’enquête dont l’Assemblée vient de décider la création, MM. les présidents des groupes voudront bien faire connaître, conformément à l’article 25 du règlement, avant le 6 juillet 2010, à 17 heures, le nom des candidats qu’ils proposent.

La nomination prendra effet dès la publication de ces candidatures au Journal officiel .

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures vingt-huit, sous la présidence de M. Maurice Leroy.)
Présidence de M. Maurice Leroy,
vice-président

M. le président . La séance est reprise.

Exécution des décisions de justice et exercice de certaines professions réglementées

Suite de la discussion d’une proposition de loi adoptée par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à l’exécution des décisions de justice et aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées (n os 1451, 2622).

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant dans le texte de la commission les articles de la proposition de loi.

Articles 1 er et 2

(L’article 1 er est adopté.) (L’article 2 est adopté.)

Article 3

M. le président. À l’article 3, je suis saisi d’un amendement n° 27.

La parole est à M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. Cet amendement vise à faciliter le travail des huissiers de justice en leur permettant d’accéder aux parties communes des immeubles d’habitation.

En effet, le législateur avait permis, en 2005, au prestataire du service universel postal et aux opérateurs titulaires de l’autorisation prévue au code des postes d’accéder aux boîtes aux lettres.

Dans l’exercice de leurs missions de signification et d’exécution, missions de service public sur délégation de l’État, les huissiers de justice doivent pouvoir accéder à ces mêmes boîtes aux lettres pour garantir le bon fonctionnement de la justice.

M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin pour donner l’avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, sur l’amendement n° 27.

M. Yves Nicolin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. La commission est assez intéressée par cet amendement. Néanmoins, si M. Huyghe en est d’accord, je préférerais que nous adoptions l’amendement n° 31 qui aboutit exactement au même résultat, tout en étant un peu mieux rédigé.

Par conséquent, si M. Huyghe voulait bien retirer son amendement, cela nous permettrait d’adopter l’amendement n° 31 qui répond à ses préoccupations.

M. le président. M. Huyghe, retirez-vous votre amendement au profit de l’amendement n° 31?

M. Sébastien Huyghe. Si M. Sauvadet et les autres auteurs de l’amendement n° 31 veulent bien m’accepter comme cosignataire, dans une grande communion d’idées, je retire le mien.

Mme Colette Le Moal. Tout à fait.

(L’amendement n° 27 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement rédactionnel du rapporteur, n° 34.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la justice , pour donner l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la justice. Favorable.

(L’amendement n° 34 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n°31. Il est rectifié par l’ajout d’un signataire, M. Huyghe.

La parole est à Mme Colette Le Moal.

Mme Colette Le Moal. Cet amendement propose de supprimer la fin de l’alinéa 4, après le mot « habitation ».

Le pouvoir laissé par le texte aux assemblées générales de copropriétaires risque, in fine , de remettre largement en cause la portée de la disposition.

Au surplus, le texte institue une inégalité de traitement manifeste entre propriétaires et locataires, les premiers pouvant, à la différence des seconds, interdire aux huissiers de justice l’accès des parties communes de leur immeuble.

M. le président. Quel est l’avis de la commission?

M. Yves Nicolin, rapporteur . Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Favorable également. L’amendement de M. Huyghe était bien rédigé, mais l’amendement dont nous discutons est techniquement plus précis.

M. le président. Voilà qui est élégamment dit, monsieur le secrétaire d’État. (Sourires.)

(L’amendement n° 31, tel qu’il vient d’être rectifié, est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 33 tombe.

(L’article 3, amendé, est adopté.)

Article 3 bis

(L’article 3 bis est adopté.)

Article 4

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 24, tendant à la suppression de l’article 4.

La parole est à Mme George Pau-Langevin.

Mme George Pau-Langevin. Si la médiation du parquet n’a pas une grande incidence, elle nous semble avoir son importance. Il n’y a donc pas lieu, selon nous, de la supprimer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission?

M. Yves Nicolin, rapporteur . Défavorable. L’article 4 propose une simplification destinée à renforcer la capacité des huissiers à faire appliquer les décisions de justice. Le truchement du parquet n’apparaît plus nécessaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Défavorable, pour les mêmes raisons que la commission.

(L’amendement n° 24 n’est pas adopté.)

M. le président. ¸L’amendement n° 43, monsieur le rapporteur, est de coordination.

M. Yves Nicolin, rapporteur . Oui, monsieur le président.

(L’amendement n° 43, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’article 4, amendé, est adopté.)

Article 5

(L’article 5 est adopté.)

Après l’article 5

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 47 rectifié, portant article additionnel après l’article 5.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Cet amendement propose d’habiliter le Gouvernement à codifier les procédures civiles d’exécution.

Le législateur a appelé de ses vœux, depuis près de vingt ans, la codification des procédures civiles – je pense notamment à la réforme de juillet1991. Les quelques ajustements que le présent texte apporte à la loi de 1991, ainsi que la réforme de la saisie immobilière par la ratification de l’ordonnance du 21 avril 2006, vont permettre au Gouvernement d’achever ce travail, sous l’égide de la Commission supérieure de codification.

Il s’agit bien sûr d’une codification à droit constant, qui, sous réserve des ajustements nécessaires, contribuera à l’accessibilité et à l’intelligibilité du droit de l’exécution civile.

(L’amendement n° 47 rectifié, accepté par la commission, est adopté.)

Article 6

(L’article 6 est adopté.)

Après l’article 6

M. le président. Je suis saisi de deux amendements portant articles additionnels après l’article 6.

La parole est à Mme Françoise Hostalier, pour défendre l’amendement n° 20.

Mme Françoise Hostalier. Cet amendement fait suite à une réflexion déjà ancienne, et dont je reconnais qu’elle n’est pas en lien direct avec le projet de loi.

Vous avez eu le courage, monsieur le secrétaire d’État, de venir il y a quelque temps à Hazebrouck; vous savez donc que la fermeture du tribunal de grande instance y posera davantage de problèmes qu’elle n’en résoudra. L’amendement a pour but d’élargir les compétences du tribunal d’instance, qui restera à Hazebrouck, compétences qui dès lors ne seraient pas transférées au tribunal de grande instance de Dunkerque.

Il ne s’agit pas uniquement d’un amendement d’opportunité – encore que –, car les mêmes problèmes se posent ailleurs. Il permettrait en tout cas d’offrir la possibilité dont j’ai parlé lorsqu’une demande locale existe et que les collectivités territoriales accompagnent le projet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission?

M. Yves Nicolin, rapporteur . Mme Hostalier s’implique beaucoup dans ce dossier, et elle défend son tribunal avec beaucoup de punch. (Sourires.)

Je pense néanmoins que l’amendement, qui tend à créer un nouveau type de juridiction, risquerait de complexifier le système. Comment, par exemple, le justiciable saurait-il si son affaire relève d’un tribunal d’instance ou de grande instance? Je ne puis donc malheureusement qu’émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Même avis que la commission. Mais je souhaite répondre à Françoise Hostalier, qui fait preuve d’une réelle constance sur ce sujet qu’elle connaît bien.

Elle pose d’ailleurs une vraie question, l’idée des TI renforcés ayant été avancée, puis écartée, lors des travaux préparatoires de la réforme de la carte judiciaire. Vous avez, madame Hostalier, évoqué ce sujet hier soir avec Mme la garde des sceaux, qui vous a exposé les raisons pour lesquelles cette solution n’était pas la bonne. Par respect pour votre engagement, et eu égard à la situation locale, à laquelle il faut apporter des réponses, je vous les rappelle brièvement.

La création de TI renforcés, nouveaux types de tribunaux intermédiaires entre le tribunal d’instance et le tribunal de grande instance, rendrait plus complexe notre organisation judiciaire. Elle poserait de surcroît la question de la présence obligatoire de l’avocat pour les nouveaux contentieux, alors que, pour le TI tel qu’il existe, la règle est claire: cette présence n’est pas obligatoire, et ne l’a jamais été. Ce dernier point peut certes se discuter; mais il ajouterait de la complexité.

Plus spécifiquement, en matière de droit de la famille, votre assemblée a voté en 2009, avec le projet de loi de simplification du droit, la création d’un pôle de la famille au sein du TGI; or votre amendement reviendrait sur cette clarification des compétences organisées par blocs.

Mme la garde des sceaux vous a répondu hier sur la possibilité des audiences foraines; je pousserai le raisonnement un peu plus loin. Au vu du constat que nous avons dressé sur le terrain avec les élus locaux et les magistrats, ces audiences foraines, conjuguées à l’amélioration de l’accès au droit – via notamment les moyens de communication modernes –, constituent des réponses peut-être mieux à même de vous satisfaire que la création de TI renforcés. S’agissant d’Hazebrouck, j’entends bien poursuivre le dialogue avec vous sur ces sujets, auxquels j’ai été à juste titre sensibilisé.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Hostalier.

Mme Françoise Hostalier. Je vous remercie beaucoup de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État, et de votre engagement personnel sur ce dossier.

Au bénéfice des précisions que vous avez données, je retire mon amendement. Mais je me réserve pour le suivant.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Aïe! (Sourires.)

(L’amendement n° 20 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 21.

La parole est à Mme Françoise Hostalier.

Mme Françoise Hostalier. L’amendement propose d’insérer, après l’article 6, un article ainsi rédigé:

« Dans un délai de six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur le fonctionnement des tribunaux d’instance qui se sont substitués aux tribunaux de grande instance supprimés et sur un possible élargissement de leurs compétences. »

Ce rapport permettrait au Gouvernement de préciser les modes d’application et les problèmes posés par la fermeture des TGI, et d’évaluer les mesures d’accompagnement telles que les bornes et les audiences foraines. Nous pourrions ainsi voir s’il est nécessaire de procéder à des ajustements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission?

M. Yves Nicolin, rapporteur . Malheureusement défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Même avis que la commission.

J’apporterai néanmoins une précision. L’évaluation est une vraie question et, si l’idée d’un rapport pourra être envisagée à l’avenir, elle est prématurée à ce stade.

Les propositions du rapport Guinchard sont en cours d’application; hier soir, madame la députée, vous avez d’ailleurs parlé de nouvelles compétences pour les TI en matière de surendettement. Bref, si vous posez de bonnes questions, le temps de l’évaluation n’est pas encore venu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Clément.

M. Jean-Michel Clément. Je soutiens les deux amendements de Mme Hostalier, et notamment l’amendement n° 21, qui est la conséquence logique d’une réforme mal préparée, et dont il souligne la nécessité d’évaluer dès aujourd’hui la mise en œuvre.

Les difficultés constatées à Hazebrouck se posent dans d’autres tribunaux. Il y a en effet deux possibilités: soit les justiciables se détournent de la justice, soit les tribunaux sont engorgés par manque d’organisation et de préparation. Il suffit de se rendre dans certaines audiences, comme il m’arrive de le faire dans les quelques moments où j’exerce encore mon activité professionnelle, pour prendre la mesure de ces problèmes. Pas plus tard que cette semaine, j’ai été effaré de constater que la présidente était satisfaite de me voir demander un renvoi, ce qui lui laissait le temps de gérer ses propres dossiers. Le fait que nous en soyons là permet de comprendre que nous avons touché les limites du système.

Je suis un peu désabusé lorsque j’entends M. le secrétaire d’État nous dire qu’il est trop tôt pour faire une évaluation, alors que les études préalables à la réforme de la carte judiciaire n’ont même pas été réalisées. Il me semblait tout à fait opportun de faire un état des lieux aujourd’hui, via un rapport. Faut-il envisager des tribunaux d’instance renforcés, voire créer des TGI ici ou là, pour les regrouper avec les TI, ce qui répondrait à la question de la présence des avocats? Ces questions méritent qu’on s’y intéresse; je regrette donc que le Gouvernement remette à demain ce qui pourrait être mis en chantier dès aujourd’hui. C’est une occasion manquée.

Chacun souhaite que notre justice fonctionne correctement; l’amendement nous aurait permis d’y travailler ensemble.

(L’amendement n° 21 n’est pas adopté.)

Articles 7 à 15

M. le président. Les articles 7 à 15 ne faisant l’objet d’aucun amendement, je vais les mettre successivement aux voix.

(Les articles 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 13 bis ,14 et 15, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 15 bis

M. le président. Sur l’article 15 bis , je suis saisi d’un amendement n° 35 de M le rapporteur.

M. Yves Nicolin, rapporteur . Il est rédactionnel, monsieur le président.

(L’amendement n° 35, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’article 15 bis , amendé, est adopté.)

Article 16

M. le président. Sur l’article 16, je suis saisi d’un amendement n° 36, qui est lui aussi rédactionnel, monsieur le rapporteur.

M. Yves Nicolin, rapporteur . Oui, monsieur le président.

(L’amendement n° 36, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 25.

La parole est à Mme George Pau-Langevin.

Mme George Pau-Langevin. La signification électronique est inévitablement amenée à se développer. Cette solution, me semble-t-il, doit toutefois être réservée aux professionnels: les particuliers, eux, ne sont pas encore prêts à être joints par ce moyen. La mesure me semble donc prématurée pour eux; je pense notamment aux clauses types, en fonction desquelles ils pourraient recevoir une signification électronique sans l’avoir expressément sollicitée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission?

M. Yves Nicolin, rapporteur . Défavorable. Le procédé de la signification électronique sera principalement utilisé par des professionnels; pour autant, dans la mesure où il reste purement facultatif, les particuliers devront eux-mêmes effectuer la démarche de transmettre leurs coordonnées à la chambre nationale des huissiers. Pourquoi donc, dans ces conditions, leur interdire cette possibilité? Le texte parle de « personnes ayant consenti », donc volontaires.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Même avis que la commission, pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à Mme George Pau-Langevin.

Mme George Pau-Langevin. La personne peut être réputée consentante, précisément dans un contrat type auquel elle n’aura pas spécialement fait attention. On peut en effet très bien avoir donné son adresse e-mail à un organisme avec lequel on a contracté.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yves Nicolin, rapporteur . Je ne le pense pas, ma chère collègue, car il lui faudra néanmoins transmettre toutes ses coordonnées – et pas seulement son adresse électronique – à la Chambre nationale des huissiers. Il ne pourra pas agir avec désinvolture, sans se soucier des conséquences.

(L’amendement n° 25 n’est pas adopté.) (L’article 16, amendé, est adopté.)

Article 17

(L’article 17 est adopté.)

Article 18

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques, n os  26, 30, 32 et 37.

La parole est à M. Jean-Michel Clément.

M. Jean-Michel Clément. Nous sollicitons la suppression de l’alinéa 3 de l’article 18. Cet article prévoit deux cas de figure en matière d’état des lieux. En cas de refus par l’une des parties d’établir un état des lieux, l’intervention d’un huissier sera obligatoire. Dans cette hypothèse, l’intervention de l’huissier sera facturée à un coût fixé par décret, la situation des huissiers étant monopolistique.

En cas d’état des lieux établi dans un cadre amiable, celui-ci pourra être réalisé par les parties ou par un tiers de leur choix. Le coût de cet état des lieux sera à la charge du bailleur. L’alinéa 3 prévoit que, si le tiers choisi est un huissier, son tarif sera fixé par décret. Dans la mesure où il sera possible de mettre en concurrence les tiers pouvant être sollicités pour établir l’état des lieux, l’instauration d’un tarif fixe pour les huissiers n’est pas nécessaire, car ils n’auraient pas la possibilité de négocier leur tarif. Nous sommes là dans une situation de concurrence anormale. Par conséquent, cet amendement vise à supprimer le tarif fixe imposé aux huissiers dans le cas où cette profession n’est pas en situation de monopole. Les huissiers pourront ainsi, comme les autres intervenants, négocier avec la partie demanderesse.

M. le président. La parole est à M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. Nos amendements sont identiques et ont été déposés dans une totale communion d’idées. Je précise cependant que l’Autorité de la concurrence a considéré à plusieurs reprises – notamment dans un avis du 24 octobre 2000 – que, en dehors d’une activité monopolistique, le tarif ne se justifie pas.

M. le président. La parole est à Mme Colette Le Moal.

Mme Colette Le Moal. Mon amendement n° 32 propose également de supprimer l’alinéa 3. En tout état de cause, la charge du coût de l’intervention de l’huissier de justice dans le cadre amiable incombera toujours au bailleur.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 37 et donner l’avis de la commission sur les amendements identiques.

M. Yves Nicolin, rapporteur . Mon amendement n° 37 est en effet identique à ceux déposés par le groupe SRC, par M. Huyghe et par le groupe Nouveau Centre. On peut se féliciter qu’il existe quand même, dans notre assemblée, des moments où nous savons tous nous retrouver, sur des sujets d’une extrême importance. (Sourires.)

L’huissier de justice intervenant de manière facultative, dans un cadre amiable, et aux seuls frais du bailleur, il ne paraît pas opportun de lui appliquer un tarif pour cette tâche.

La commission est favorable à ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Le Gouvernement se joint naturellement à ces amendements.

M. le président. Communion totale, comme dirait M. Huyghe. (Sourires.)

(Les amendements identiques n os  26, 30, 32 et 37 sont adoptés.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

Je suis saisi d’un amendement rédactionnel, n° 42, de M. le rapporteur.

(L’amendement n° 42, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’article 18, amendé, est adopté.)

Articles 19, 19 bis , 20 à 30 et 30 bis

M. le président. Les articles 19 à 30 bis ne faisant l’objet d’aucun amendement, je les mets aux voix successivement.

(Les articles 19, 19 bis , 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30 et 30 bis , successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 31

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 44.

La parole est à M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. L’article 31 concerne la procédure participative, qui, dans la rédaction actuelle, est encore une fois réservée à l’avocat – qui, avec les deux textes que nous examinons, devient multimonopolistique dans ses attributions. Pourtant, d’autres professionnels sont susceptibles de trouver un accord entre les parties. Avec cet amendement, la procédure participative n’impliquerait pas obligatoirement le recours à un avocat et les autres professionnels qui sont en rapport avec les justiciables pourraient poursuivre les tractations. Cela permettrait quelques économies. L’article 31 prévoit d’étendre le champ de l’aide juridictionnelle à toute personne bénéficiant de cette procédure participative; mais si c’est un autre professionnel que l’avocat qui parvient à cette procédure participative, l’aide juridictionnelle ne sera pas sollicitée. Or on a vu qu’elle connaissait déjà des problèmes de financement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission?

M. Yves Nicolin, rapporteur . L’amendement n° 44 de M. Huyghe vise à permettre à un professionnel du droit autre qu’un avocat d’assister les parties dans le cadre de la procédure participative. Je voudrais simplement lui rappeler – mais nous nous en sommes déjà expliqués en commission – que, en cas de désaccord complet ou partiel, il est de l’intérêt des parties que la personne qui les a conseillées pendant la procédure puisse aller en justice. Or, si un notaire ou un huissier ont accès à cette procédure, elle deviendrait singulièrement compliquée si, à un moment donné, ils étaient obligés de se dessaisir au profit d’un avocat. Seul l’avocat a compétence pour aller devant la juridiction. Il est donc important de réserver cette procédure participative aux seuls avocats. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Avis défavorable, pour les raisons qui viennent d’être exposées par le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. Le but de la procédure participative, c’est d’éviter d’avoir à aller devant la justice. Dans ces conditions, pourquoi mettre un avocat dans le jeu? Il s’agit aussi de limiter les coûts, à la fois pour la justice et pour le justiciable, qui n’aura pas besoin de rémunérer un avocat en supplément.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Clément.

M. Jean-Michel Clément. La procédure participative, telle qu’elle nous est proposée et telle qu’elle fonctionne dans les pays anglo-saxons, est un mode alternatif de règlement des conflits, préalable à toute action judiciaire, dans l’espoir qu’il sera inutile d’aboutir à la procédure judiciaire. Aujourd’hui, nous disposons de l’instrument de la transaction: dans ce cadre, et d’après les articles 2044 et suivants du code civil, tout professionnel peut intervenir, puisque la transaction engage les parties qui la signent. La procédure participative entre, d’un côté, la transaction et, d’autre part, l’action judiciaire, est une alternative très utile dans le traitement de nombre de conflits, à laquelle les parties pourront recourir, si elles en sont d’accord, au lieu de s’en remettre au juge. Cela leur évite aussi de recourir à un avocat.

Ainsi, lorsqu’une personne ne s’entend plus avec ses associés, il faut trouver une porte de sortie. Jusqu’à présent, en cas de blocage, on saisit le juge, qui incite indirectement les parties à se rapprocher pour qu’un accord intervienne avant même que l’affaire ne soit appelée à l’audience. Ainsi, d’un côté, on encombre la justice; de l’autre, on recherche un accord. Lorsqu’on a pris la mesure d’une telle situation, il est parfaitement possible d’anticiper sur le conflit ouvert en utilisant la procédure participative, et les avocats savent le faire. Évitons donc de réserver cette procédure aux professionnels qui sont censés conduire le conflit devant le tribunal.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yves Nicolin, rapporteur . Monsieur Huyghe, la procédure participative vise, comme vient de le rappeler justement M. Clément, à éviter un recours à la justice. Vous parliez tout à l’heure du coût. Imaginons une procédure participative à laquelle est associé un notaire: en cas d’échec, même partiel, il faudrait prendre un avocat, ce qui coûterait beaucoup plus cher. Après avoir payé le notaire, il faudrait en effet se tourner vers un avocat, qui devra prendre connaissance du dossier, et je doute qu’il intervienne de façon totalement désintéressée. Ne vaut-il pas mieux, d’emblée, avoir un seul professionnel du droit, qui s’occupera de la procédure de A à Z? en cas d’échec, il poursuivra la procédure; en cas de succès, il n’y aura que lui à payer.

(L’amendement n° 44 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 22.

La parole est à M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. Je constate que nous ne sommes plus ici, comme tout à l’heure, dans une communion d’idées. Cet amendement de repli procède de la même philosophie. L’amendement n° 44 concernait tous les professionnels du droit susceptibles de faire du conseil; celui-ci restreint la possibilité de la procédure participative à un officier public et ministériel, en plus de l’avocat.

Je voudrais, cependant, répondre au rapporteur. Si un notaire – pour reprendre votre exemple – est sollicité dans le cadre d’une procédure participative, son intervention était déjà prévue. Dès le départ, si l’on peut trouver un accord, il n’est pas nécessaire de recourir à l’avocat qui représente un coût supplémentaire. Si, par la suite, on a vraiment besoin d’aller devant le juge, l’intervention de l’avocat sera indispensable. L’officier public ou ministériel qui est un juriste éminent sera capable d’expliquer la situation à l’avocat, qui n’aura aucun mal à reprendre le dossier et à plaider devant le juge.

M. le président. Quel est l’avis de la commission?

M. Yves Nicolin, rapporteur . Mêmes arguments que pour l’amendement précédent.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Permettez-moi d’apporter une précision. Les échanges qui ont eu lieu au cours de la négociation devront permettre de saisir la juridiction d’une affaire déjà en état d’être jugée, simplifiant et accélérant le traitement du litige. La commission Guinchard a ainsi préconisé que la juridiction soit saisie par un procès-verbal listant les points de désaccord, énonçant les prétentions respectives des parties et comprenant les pièces utiles pour permettre à l’affaire d’être directement appelée en audience de jugement. Tout cela relève évidemment du monopole de la profession d’avocat qui serait au contraire remis en cause si la procédure participative était ouverte à tous les autres professionnels du droit.

M. le président. La parole est à M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. Je voudrais vous soumettre un cas qui peut se présenter.

Si des biens immobiliers sont concernés par le litige, comment le problème est-il résolu? La procédure participative, qui sera ensuite homologuée par le juge, permettra-t-elle une publication au fichier immobilier?

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Cette question a été vue lors de l’examen de l’article 4 du projet Darrois, hier soir.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Tout à fait!

(L’amendement n° 22 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 41.

La parole est à M. Yves Nicolin.

M. Yves Nicolin, rapporteur . Il s’agit d’un amendement de précision, dans l’attente d’informations complémentaires du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Le Gouvernement souhaiterait que M. Nicolin retirât cet amendement qui tend à préciser que les accords conclus dans le cadre d’une procédure participative doivent obligatoirement revêtir la forme d’un acte notarié pour être publiés à la conservation des hypothèques, que les accords aient été homologués par le juge ou non. L’amendement vise à garantir ainsi que la publication des transactions immobilières n’échappera pas au monopole des notaires.

Un tel amendement de précision n’est pas nécessaire: cette question est, elle aussi, réglée par l’article 4 du projet de loi, relatif à la publicité foncière, que nous avons examiné hier.

Le Gouvernement prie M. le rapporteur de bien vouloir retirer cet amendement.

M. Yves Nicolin, rapporteur . Je le retire donc.

(L’amendement n° 41 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 23.

La parole est à M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. Comme l’amendement dont l’amendement n° 23 tire les conséquences a été repoussé, l’amendement n° 23 tombe.

M. le président. Je vous remercie, c’est ce que je souhaitais entendre.

(L’article 31 est adopté.)

Article 32

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 1 tendant à rétablir l’article 32, supprimé par la commission.

La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Il s’agit là d’un sujet auquel j’accorde une grande importance et sur lequel je travaille depuis longtemps. J’y travaillais avant même d’être parlementaire. Il pose tout simplement la question du rayonnement du droit français et de la capacité des professionnels français à assurer le rayonnement de notre droit.

Les professionnels de notre pays sont beaucoup trop dispersés face aux grosses machines anglo-saxonnes, qui, malheureusement, viennent trop souvent prendre des parts de marché sur le marché parisien du droit des affaires. Ce n’est donc pas une rivalité à armes égales.

S’agissant des brevets, nous avons débattu, en 2007, dans cet hémicycle, du protocole de Londres. Personnellement très réservé, j’avais conditionné mon vote à l’indispensable rapprochement entre les conseils en propriété industrielle et les avocats, de façon à ce que les professionnels français puissent rivaliser, dans le cadre instauré par le protocole de Londres, avec les professionnels anglais et allemands. Le ministre s’était alors engagé à travailler au rapprochement entre lesdits conseils en propriété industrielle et les avocats.

Ce rapprochement s’est progressivement organisé. J’ai ici, entre les mains, le projet d’unification des professions d’avocat et de conseiller en propriété industrielle adopté – ce n’est tout de même pas rien – par l’assemblée générale du conseil national des barreaux, le CNB, le 12 septembre 2008 et par l’assemblée générale de la compagnie nationale des conseils en propriété industrielle, la CNCPI, le 15 octobre 2008. CNB et CNCPI ont donc adopté en 2008 le même texte visant à l’unification des deux professions. Je le tiens à votre disposition, mes chers collègues.

Ils ont exprimé une volonté si forte que le Sénat a adopté, avec un avis favorable du Gouvernement, toute une série d’amendements – dont je demande présentement le rétablissement – qui avaient pour objet de fusionner CPI et avocats; cette fusion est d’ailleurs préconisée par le rapport Darrois, j’en parlais tout à l’heure avec Sébastien Huyghe.

Les deux professions s’accordent pour approuver une fusion; le projet que j’ai apporté le prouve. Ceux qui ont étudié ces sujets et œuvré à la rédaction du rapport Darrois souhaitent également la fusion. Le Gouvernement a émis un avis favorable au Sénat, et nos collègues sénateurs ont voté la fusion.

C’est un sujet dont on parle depuis trop longtemps, et une décision que l’on repousse sans cesse. Je demande donc que l’on rétablisse les articles qui avaient été adoptés par le Sénat, de manière à organiser enfin la fusion des deux professions et à donner ainsi aux professionnels français toutes les chances de pouvoir rivaliser avec leurs collègues anglais et allemands.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Nicolin, rapporteur . La série des amendements déposés par M. Fasquelle vise à rétablir les dispositions tendant à fusionner les deux professions des avocats et des conseils en propriété industrielle. Je comprends la légitime implication de M. Fasquelle dans ce travail, sachant que le rapprochement de ces deux professions est bien évidemment souhaitable.

L’accord évoqué par M. Fasquelle date de 2008. J’ai été nommé rapporteur sur cette proposition en avril 2009, c’est-à-dire il y a plus d’un an. Avec la commission, nous avons beaucoup travaillé et mené de nombreuses auditions. Nous nous sommes ainsi rendu compte au fil des mois – je m’en suis encore entretenu avant-hier avec M. Zocchetto, rapporteur du Sénat – que l’accord ne tenait plus; les choses avaient évolué. C’est pourquoi de nouvelles discussions ont été engagées par les deux professions sous l’égide de la chancellerie. Ce n’est donc pas le moment, me semble-t-il, d’interférer dans ces discussions: il faut leur permettre d’aboutir. Laissons aux parties un peu de temps pour qu’elles concluent un accord qui satisfasse véritablement les deux professions.

Je pense qu’il ne serait pas tout à fait loyal d’adopter aujourd’hui un amendement qui scelle un accord avec lequel les deux professions ne sont plus en phase. Je demande donc à M. Fasquelle de retirer ses amendements, non sans affirmer que, les uns et les autres, nous souhaitons que ce rapprochement puisse faire. Il faut simplement que ce soit dans des conditions que les professions auront définies ensemble, sous couvert de la chancellerie.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Je répéterai les propos tenus par M. le rapporteur, et vous dirai, M. Fasquelle, que le Gouvernement est très ennuyé.

Au-delà du vote que vous avez évoqué, qui était un temps de notre travail, au cours duquel se sont d’ailleurs manifestées de fortes oppositions émanant de minorités conséquentes, il n’y a, aujourd’hui, pas de consensus au niveau professionnel. Même ce qui a pu être l’amorce d’un accord s’est plutôt dégradé. C’est pourquoi la concertation a repris.

À l’initiative de Mme la garde des sceaux, un groupe de travail s’est constitué récemment à la chancellerie, il y a quelques semaines: la démarche a été initiée en mars dernier. Ce groupe de travail compte tant des partisans de la fusion que des opposants à celle-ci, les uns et les autres appartenant aux deux professions. Nous avons donc vraiment mis tout le monde autour de la table; c’était effectivement le rôle de la chancellerie.

Des discussions très concrètes ont été engagées, sur des mesures de nature à nous permettre d’atteindre le double objectif auquel nous souscrivons tous: proposer, dans le domaine de la propriété intellectuelle, des services complets, structurés, et donner aux professionnels français de la propriété intellectuelle les moyens d’être plus compétitifs.

Ces discussions se poursuivent, et progressent, même si elles n’ont, à ce jour, pas abouti à un accord. Nous n’y avons pas mis fin.

Le vote de cet amendement ennuierait le Gouvernement, car il se trouverait alors dans une position de déloyauté vis-à-vis des personnes qu’il a réunies autour de la table dans un esprit constructif.

Je comprends, certes, votre impatience, monsieur le député, mais je pense que nous aurons d’autres occasions de finaliser cette démarche et, éventuellement, si nécessaire, de faire tomber le couperet de la loi. C’est cependant prématuré à l’heure actuelle, et cela placerait le Gouvernement, Mme la garde des sceaux et moi-même dans une position très difficile après avoir œuvré à la recherche d’un consensus, d’un accord pour une bonne cause. Je vous le dis avec quelque insistance et de manière très franche, même si je comprends votre point de vue et votre engagement.

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle, rapporteur . Tout d’abord, je ne suis pas certain que l’on puisse mettre un jour d’accord 100 % des avocats et 100 % des CPI sur le principe de la fusion. Arrive un moment où il est de notre responsabilité de trancher. Je vous rappelle qu’il s’agit d’une proposition de loi; je pense qu’il est bon que les parlementaires prennent de temps en temps leurs responsabilités. Cela fait vingt ou trente ans que l’on parle de ce sujet, sans avancer pour autant. Nous n’avons pas à céder à des réflexes parfois corporatistes, il faut aussi savoir aller de l’avant.

D’ailleurs, même si 100 % des avoués étaient opposés à la fusion de leur profession avec celle d’avocat, la fusion a quand même lieu.

S’agissant des avocats et des conseils en propriété industrielle, un accord a même été conclu par les deux professions en 2008. J’ai, pour ma part, rencontré les présidents des différents organismes, et nous n’avons apparemment pas entendu, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, le même discours car ces deux professions me paraissent largement favorables à la fusion.

J’entends votre point de vue, mais les fenêtres de tir ne sont peut-être pas si nombreuses que cela et nous débattons du sujet depuis trois ans, depuis l’époque du protocole de Londres. Si nous n’aboutissons pas aujourd’hui, nous n’aboutirons jamais.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Si!

M. Daniel Fasquelle. La législature va se poursuivre sans qu’aucun texte du type de celui que nous examinons présentement ne soit inscrit à l’ordre du jour. Ce sera donc reparti pour deux, trois ou quatre ans, et il ne nous restera plus qu’à espérer que quelqu’un s’empare du sujet lors de la prochaine législature pour qu’il soit de nouveau débattu dans cet hémicycle. On en reprend au moins pour cinq ans, voire beaucoup plus!

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Non!

M. Daniel Fasquelle. Je trouve vraiment dommage de reculer ainsi, alors que les sénateurs avaient voté ces dispositions, avec l’assentiment du Gouvernement et l’accord des professions.

J’ai bien entendu les arguments du Gouvernement et de M. le rapporteur. Je vous propose donc une solution susceptible de recueillir l’accord de tous.

Je retire l’amendement visant à rétablir la disposition votée par le Sénat, qui prévoit la fusion, solution qui va effectivement extrêmement loin. Je peux admettre qu’elle suscite des réticences, tout en le regrettant profondément, car je pense qu’il fallait s’avancer sur la voie ouverte par le Sénat. Admettons donc que la fusion ne soit qu’un horizon.

J’accepte donc de retirer cet amendement; en revanche, je défends, si vous me le permettez, monsieur le président, les deux amendements qui suivent.

M. le président. Retirez-vous bien, monsieur Fasquelle, l’amendement n° 1?

M. Daniel Fasquelle. Oui, monsieur le président. J’ai bien entendu les points de vue du Gouvernement et de M. le rapporteur, même si je regrette profondément que nous n’allions pas au bout de la démarche et ne suivions pas les sénateurs.

Cependant, je ne crois pas qu’il soit possible de ne rien faire. C’est pourquoi je défendrai les amendements n os 29 et 28 après l’article 32, que je ne retirerai pas. Nous devons effectivement prendre nos responsabilités, cela fait trop longtemps que nous parlons de ce dossier.

Ce sont vraiment des amendements de repli qui visent un rapprochement a minima dans un but d’équité et de justice, et pour éviter une double concurrence déloyale.

La première concurrence déloyale est entre les avocats et les CPI. Aujourd’hui, un avocat peut exercer les fonctions de conseiller en propriété industrielle, mais l’inverse n’est pas vrai. Il existe donc un décalage entre ces deux professions, que l’amendement vise à combler dans un esprit de justice. Si les avocats peuvent être CPI, il n’y a pas de raison que les CPI ne puissent pas être avocats. Ce serait une mesure de justice, d’autant que le décalage s’est creusé avec le texte que nous avons adopté hier soir dans lequel nous avons renforcé le rôle des avocats, notamment à travers l’acte sous seing privé.

La seconde concurrence déloyale à laquelle il est urgent de mettre fin est celle qui existe entre les professionnels français et les professionnels anglais ou allemands. Je n’ai pas le temps de développer mais sachez tout de même, mes chers collègues, qu’en Angleterre ou en Allemagne, quand vous vous adressez à un professionnel, celui-ci traite de tout: il dépose votre brevet, et si vous avez des soucis, il défend vos intérêts devant les différentes juridictions. En France, ce n’est pas forcément le cas: si vous vous adressez à un CPI, ce dernier peut instruire votre dossier mais il ne pourra pas le suivre de bout en bout. Or les grandes entreprises qui déposent des brevets veulent ne frapper qu’à une porte et n’avoir qu’un seul interlocuteur.

J’accepte, dans un esprit de compromis, de retirer l’amendement n° 1 mais je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir adopter ces deux amendements de repli qui sont des amendements de bon sens extrêmement raisonnables. Nous montrerions ainsi clairement notre volonté de faire en sorte que ces deux professions, qui discutent, nous dit-on, aillent vers la fusion et, en attendant, d’introduire l’équité et l’égalité entre ces deux professions.

(L'amendement n° 1 est retiré.)

M. le président. En conséquence, la suppression de l’article 32 est maintenue.

Après l'article 32

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n os  29 et 28, qui portent articles additionnels après l’article 32 et qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

Ces deux amendements viennent d’être défendus par M. Fasquelle.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements?

M. Yves Nicolin, rapporteur . Ce sont des amendements de repli mais je voudrais vous faire remarquer, monsieur Fasquelle, que votre intervention, à l’instant, démontre la complexité du sujet.

En proposant de ne pas fusionner mais de permettre le double exercice, vous desservez votre cause, puisque vous tordez définitivement le cou à une éventuelle fusion à venir. Si on adopte le double exercice, ce sera terminé, on n’en rediscutera pas, on aura tué le rapprochement dans l’œuf.

Je pense qu’il ne faut pas orienter la discussion qui s’est installée entre les deux professions sous l’égide de la Chancellerie. Ce ne serait pas un service à leur rendre que d’intervenir, il faut les laisser maîtres de cette discussion. Celle-ci doit continuer. Par conséquent, l’avis de la commission est défavorable. Le groupe de travail est en place depuis quelques semaines seulement, on peut lui laisser jusqu’à la fin de l’année. On tirera les conclusions à ce moment-là.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Je suis obligé de reprendre les arguments que vient de développer le rapporteur.

C’est un continuum: comme vous le disiez vous-même au début, monsieur Fasquelle, tout est lié. Vos amendements posent des difficultés techniques que la concertation à laquelle je faisais allusion tout à l’heure n’a pas encore permis de résoudre. Il y a une continuité entre les activités d’avocat et de CPI qui s’intéressent au même public, le premier prenant d’ailleurs le relais du second dans les mêmes dossiers, mais la concertation doit se poursuivre sur ces questions.

L’amendement n° 28 soulève le problème de l’harmonisation des conditions d’accès à ces deux professions. Il me paraît prématuré. Comme le rapporteur, je pense que cet amendement de repli créerait plus de difficultés, y compris au regard de l’objectif que vous vous êtes fixé et que nous partageons, qu’il ne constituerait une étape pour aller vers cet objectif. Tout se tient.

Je suis très ennuyé mais je ne peux pas donner un avis favorable à ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. J’entends bien ce qui est dit mais les arguments sont toujours les mêmes quand on ne veut pas qu’un amendement soit adopté: « ce n’est pas le moment » et « c’est compliqué »…

Je ne peux pas accepter ces arguments; cela fait trop longtemps que cette affaire traîne, je crois que le moment est venu de trancher.

Ce que je propose n’est pas compliqué du tout et surtout ce serait une mesure de justice. Aujourd’hui, un avocat peut exercer les fonctions d’un CPI mais l’inverse n’est pas possible. Je propose une mesure d’équité: la possibilité pour les CPI de devenir avocats. Après tout, on a pas mal ouvert les portes d’accès à la profession d’avocat, et encore hier soir. Je ne vois pas pourquoi on les fermerait aux CPI.

Cette proposition rencontre d’ailleurs un écho très favorable parmi les professionnels avec qui j’en ai discuté. Je ferai remarquer enfin que si mon amendement de rétablissement de la fusion n’a pas été cosigné, ces amendements de repli ont été cosignés par deux collègues parlementaires qui travaillent sur ces sujets et qui sont sensibles à ces questions, qui sont même à l’origine pour partie des textes dont nous débattons depuis hier soir, je veux parler d’Etienne Blanc et de Philippe Houillon.

Le moment est venu d’envoyer un signal. Ce que je propose n’est absolument pas une révolution. Chaque profession reste, il y a les CPI d’un côté, les avocats de l’autre. Simplement, les avocats qui veulent exercer la profession de CPI le peuvent et inversement, les CPI peuvent exercer la profession d’avocats. Cela me semble tout à fait normal. C’est une mesure de justice et, au plan européen, cela rétablirait l’équilibre car aujourd’hui, les professionnels français sont très désavantagés par rapport aux professionnels anglais ou allemands, qui ont beaucoup plus de possibilités d’agir.

Les discussions que vous annoncez sur la fusion dureront encore des années, nous le savons bien, et dans cinq ou dix ans, nous serons encore là pour débattre des mêmes choses.

Permettons cette avancée, très modeste, et travaillons, ensuite, sur le projet beaucoup plus ambitieux de la fusion des professions.

M. le président. La parole est à M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. Il y a deux poids, deux mesures: certains accords, bien que considérés comme déséquilibrés, ne doivent pas, nous dit-on, être modifiés d’un iota par le législateur – je fais référence à nos discussions d’hier soir – tandis que d’autres accords peuvent être allégrement mis en cause…

M. Yves Nicolin, rapporteur . Pas du tout!

M. Sébastien Huyghe. Il existe un véritable déséquilibre: on permet aux avocats d’intervenir finalement tous les domaines du droit, et donc de devenir CPI parallèlement à leur activité d’avocat, mais on interdit aux CPI de devenir avocats et d’aller jusqu’au bout de la procédure dans le champ d’activité qui est le leur.

On nous oppose que les discussions ont été rouvertes et qu’elles devraient aboutir. Mais je suis très circonspect sur leurs chances d’aboutir. Pourquoi les avocats accepteraient-ils que les CPI deviennent avocats? Les CPI n’ont rien à donner en contrepartie, puisque les avocats peuvent déjà eux-mêmes avoir cette activité de CPI! Les avocats n’ont donc pas intérêt à parvenir à un accord puisqu’ils ont déjà atteint l’objectif vers lequel l’accord pourrait tendre. Je pense donc que, comme le dit mon collègue Fasquelle, on va mettre bien des années avant de trouver un accord.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Clément.

M. Jean-Michel Clément. Je ne voudrais pas répéter ce qui vient d’être dit par mes collègues, mais, quand même, je m’interroge.

J’ai assisté à de nombreuses auditions il y a un an, avec M. le rapporteur. S’il y avait un dossier qui ne posait pas de difficultés, c’était bien celui-ci, on l’avait déjà presque rangé parce que tout le monde semblait d’accord.

M. Daniel Fasquelle. Évidemment!

M. Jean-Michel Clément. C’était, estimait-on, la conclusion de négociations déjà anciennes. Les deux instances majeures de ces professions avaient statué, on pouvait ranger le dossier et considérer que la loi pouvait emporter la décision. Et puis, plus le temps passe, moins les choses se sécurisent, j’en veux pour preuve l’affaiblissement de ces professionnels. Pourtant, s’il y a un domaine où manifestement la place internationale doit être affichée et reconnue, c’est bien celui-là. Je ne comprends pas pourquoi, alors que c’est un souhait de la profession, on prend un tel retard. On affaiblit une profession, on affaiblit l’économie française, pour des motifs qui m’apparaissent pour le moins futiles.

On nous dit qu’il n’est pas possible de fusionner, alors que tout à chacun était d’accord pour le faire. On a une proposition de repli qui est de permettre l’alternative. Ce compromis m’apparaît tout à fait possible.

M. Daniel Fasquelle. Évidemment!

M. Jean-Michel Clément. Le CPI est un professionnel qui maîtrise parfaitement ce domaine-là. En ne lui permettant pas d’agir à l’international alors même que les enjeux sont là, nous ne remplissons pas notre rôle.

Il nous faut faire avancer ce texte. Il faut reconnaître à tout à chacun, comme l’a dit mon collègue Huyghe, la possibilité de faire le métier qu’il maîtrise.

Il y avait un accord. Si maintenant, on parle de désaccord, cela veut dire qu’un lobby, plus fort qu’un autre, a œuvré. Il faut le débusquer et le convaincre. En tout cas, une majorité s’est exprimée, il nous appartient de lui donner satisfaction.

Mon collègue a retiré son amendement. Si son amendement de repli ne reçoit pas non plus l’approbation du Gouvernement, à tout le moins il faudrait que celui-ci s’engage devant la représentation nationale qu’une réponse claire sera apportée dans les six mois à ces professionnels. Sinon, on va encore prendre un train de retard. Notre rôle est aussi de passer outre des accords qui n’en finissent pas d’arriver.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yves Nicolin, rapporteur . Je remercie M. Clément d’essayer de trouver avec nous une porte de sortie mais je voudrais revenir sur ce qu’a dit M. Huyghe.

Je ne peux pas lui laisser dire qu’il y a des accords sur lesquels on tient et puis d’autres sur lesquels on s’assied.

M. Sébastien Huyghe. Je n’ai pas dit ça.

M. Yves Nicolin, rapporteur . Je rappelle que les avoués sont au nombre de 400 en France, quand les avocats sont 50000. Il est évident qu’un accord concernant les avocats et les CPI ne peut pas recueillir l’unanimité, mais un consensus oui.

En 2008, un consensus existait; le conseil national des barreaux, que nous avions auditionné avec M. Clément pour préparer cette proposition de loi, nous l’avait dit. Lorsque nous avons reçu à nouveau le conseil national des barreaux sur cette proposition de loi, ce conseil a reconnu que ce consensus n’était plus d’actualité. Il y a eu une évolution entre2008 et2010, et aujourd’hui on ne peut pas dire que nous sommes en train de défaire un accord, car cet accord s’est défait de lui-même.

Il faut laisser un peu de temps à la discussion. En revanche, je suis d’accord sur le fait qu’il faut en sortir à un moment donné, et que le Gouvernement devra siffler la fin de la récréation, peut-être d’ici à la fin de l’année. Mais l’adoption de ces amendements que vous proposez, y compris les amendements de repli, perturberait la discussion, ce qui serait du plus mauvais effet.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, de la législation et de l’administration générale de la République. Je soutiens la position du rapporteur.

M’exprimant avec la même franchise que les autres intervenants, je dirai que ce qui a changé, c’est que nous avons un nouveau garde des sceaux, lequel considère que le but de l’initiative législative, ce n’est pas de mettre le feu dans les professions, mais d’essayer de trouver des accords.

Le garde des sceaux a constitué un groupe de travail. Il serait particulièrement déloyal, alors que ce groupe de travail est en train de travailler, que nous intervenions et que nous votions des dispositions obligatoires qui enlèveraient tout sens à la concertation que le ministre a engagée.

Voilà pourquoi je pense qu’il n’est pas du tout opportun de légiférer sur ce volet. D’ailleurs le Sénat, qui avait pourtant voté cette disposition, est aujourd’hui tout à fait d’accord avec la position de sagesse que l’Assemblée prendrait en ne légiférant pas.

Ne coupons pas l’herbe sous le pied du Gouvernement. Maintenant, le débat aura été utile. Je pense que tous ceux qui l’auront écouté auront compris que l’Assemblée est très motivée pour que les choses avancent. Et j’aimerais que le Gouvernement emprunte la porte de sortie que suggérait notre collègue Clément, et prenne un engagement très clair, avec un délai bien défini, parce que nous ne pouvons pas, comme le craint notre collègue Fasquelle, en être au même point dans cinq ans.

Je suis pour donner à Michèle Alliot-Marie les moyens de continuer le travail qu’elle a entamé avec son groupe de travail, mais je souhaite que vous preniez un engagement ferme devant l’Assemblée, monsieur le secrétaire d’État, en termes de délai. Dès lors que les choses seront bien cadrées, je vous appelle, mes chers collègues, à ne pas voter ces amendements.

M. le président. Mes chers collègues, j’ai laissé tout le monde s’exprimer largement, car c’est un débat important. Je vais maintenant donner la parole à M. Fasquelle puis à M. le secrétaire d’État, s’il le souhaite, et nous passerons au vote sur ces amendements.

La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Quant au nombre de professionnels concernés, M. le rapporteur m’a donné un argument auquel je n’avais pas pensé, et je l’en remercie: il n’y a pas plus de CPI que d’avoués en France. Il faut prendre les choses du côté des CPI, non des avocats. Cela donne une idée de l’importance de notre débat qui concerne quelques centaines de professionnels, pas plus.

Quant à l’argument de M. le président de la commission selon lequel l’adoption d’une telle disposition mettrait le feu aux négociations, je n’y crois pas du tout. Je suis moi-même juriste, professeur de droit, et j’ai, dans une autre vie, travaillé sur les professions réglementées en France, en Europe, et dans le monde.

Si je me permets d’insister, c’est que mon amendement de repli est modeste et ne handicaperait absolument pas les négociations à venir, bien au contraire. Cet amendement montre que nous avons pris conscience du problème, et que nous souhaitons renforcer la position des professionnels français par rapport aux autres professionnels en Europe.

Si M. le secrétaire d’État prend en outre l’engagement d’aboutir, dans un délai de six mois, sur la question de la fusion ou de l’interprofessionnalité, pourquoi pas? Mais je souhaite que nous adoptions cet amendement pour que les professions soient incitées à aller de l’avant. Nous serons alors certains d’aboutir rapidement à une fusion ou à une autre forme souhaitée par les professionnels. En tout cas, il est plus que temps d’envoyer un signal fort et c’est notre rôle de députés que de prendre nos responsabilités dans le cadre d’une proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. C’est un échange de qualité que nous avons sur une question très spécifique dont on mesure bien l’importance, non seulement pour les professionnels concernés, mais aussi pour notre pays en termes d’enjeux économiques.

Nous devons sortir par le haut de cette difficulté. Je ne jette aux orties aucun des arguments avancés. Je connais la compétence des uns et des autres en la matière et je sais que vous avez eu des contacts approfondis avec la profession. Je respecte totalement votre position, mais quoi que vous puissiez en penser, sans aller jusqu’à reprendre les paroles fortes prononcées à l’instant par le rapporteur et le président de la commission, si l’amendement de repli est adopté, cela créera forcément une perturbation majeure dans la négociation en cours. Et cette perturbation occasionnera soit des retards, soit un passage en force, alors que les choses sont aujourd’hui bien engagées – je le dis en mon nom et en celui de Mme la garde des sceaux.

Vous pourriez me rétorquer que je vais certes prendre un engagement de délai, mais que nous n’avez pas la garantie que j’arriverai au bout. Mais nous aurons d’autres rendez-vous sur des sujets parallèles, notamment sur le texte Darrois, qui nous permettront de vérifier où nous en sommes, de poser à nouveau certaines questions, bref de maintenir la pression, comme vous le faites si bien pour la bonne cause. Nous n’avons pas de désaccord sur le fond. Nous avons simplement du mal à nous mettre d’accord sur la méthode à utiliser pour parvenir au résultat que nous souhaitons tous.

Tout en vous demandant le retrait de ces amendements de repli, je m’engage donc solennellement, au nom de Mme la garde des sceaux, à ce que nous aboutissions à une solution d’ici à la fin de l’année 2010. Cela correspond au délai de six mois évoqué par M. Clément, et cela serait aussi, pour nous, une manière de mettre la pression. Au fond, nous nous fixons ainsi une limite à nous-mêmes, ce qui est une bonne chose. Le débat sur ces amendements est utile, car il nous permettra d’aborder la suite de la discussion dans une meilleure position que s’il n’avait pas eu lieu. Nous faisons ainsi quelque chose d’utile qui portera ses fruits et je vous en remercie.

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. J’entends bien ce que vous nous dites, monsieur le secrétaire d’État, mais il faut en sortir! Nous ne pouvons pas continuer à repousser sans cesse l’échéance, d’année en année, de six mois en six mois!

Vous prenez un engagement, monsieur le secrétaire d’État, mais il faut qu’il soit tenu. Je demande à être associé aux rencontres qui seront organisées avec ces professions et à l’élaboration du texte qui sera déposé dans les six mois en accord avec elles. Je veux donc bien retirer mes amendements mais à la condition que le Gouvernement s’engage fermement à ce que, dans les six mois à venir, nous ayons rencontré les professionnels, tranché la question et déposé devant l’Assemblée un texte permettant enfin de régler le problème.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Pour compléter mon propos, je m’engage également très clairement à ce que vous soyez associé à la démarche, monsieur Fasquelle, comme vous le demandez. Vous pourrez ainsi suivre les choses en temps réel sans être obligé d’atteindre la fin du délai de six mois pour savoir comment elles se passent.

M. le président. Fort de cet engagement gouvernemental, monsieur Fasquelle, je suppose que vous retirez vos amendements!

M. Daniel Fasquelle. Je retire en effet les amendements n os  29 et 28 et, pour le plus grand soulagement de mes collègues, qui doivent avoir hâte de rentrer chez eux, je retire tous mes amendements suivants, n os  2 à 19, qui visaient à rétablir la fusion.

(Les amendements n os  29 et 28 sont retirés.)

Articles 33 à 50

M. le président. La commission a supprimé les articles 33 à 50. Les amendements n os  2 à 19 de M. Fasquelle, qui visaient à rétablir ces articles, sont retirés, et la suppression des articles est donc maintenue.

Article 50 bis

(L’article 50 bis est adopté.)

Article 50 ter

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 38.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Yves Nicolin, rapporteur . Cet amendement est rédactionnel.

(L'amendement n° 38, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’article 50 ter , amendé, est adopté.)

Article 50 quater

M. le président. Je suis saisi d’un amendement d’harmonisation rédactionnelle, n° 39, de M. Nicolin.

(L’amendement n° 39, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 40 de M. Nicolin.

(L’amendement n° 40, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’article 50 quater , amendé, est adopté.)

Article 50 quinquies

(L’article 50 quinquies est adopté.)

Article 51

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 45 deuxième rectification.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. La question de l’application du présent texte outre-mer mérite une expertise approfondie compte tenu des importantes modifications qui y ont été apportées. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement sollicite une habilitation, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, de pouvoir régler cette question par voie d’ordonnances.

M. le président. Quel est l’avis de la commission?

M. Yves Nicolin, rapporteur . Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Clément.

M. Jean-Michel Clément. Tout à l’heure, M. le secrétaire d’État s’est engagé devant la représentation nationale à ouvrir une réflexion et à aboutir avant le 31 décembre.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Je vous y associerai également!

M. Jean-Michel Clément. C’était ma requête, monsieur le secrétaire d’État! Merci de penser aussi à l’opposition!

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Évidemment, et nous n’oublions pas le rapporteur! Nous allons travailler tous ensemble!

(L’amendement n° 45 deuxième rectification est adopté.) (L’article 51, amendé, est adopté.)

Article 52

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 48.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Nous avons un gros travail à faire pour la mise en application de cette proposition de loi qui reprend de nombreuses dispositions très attendues. Certaines de ces dispositions, dont l’entrée en vigueur est prévue pour le 1 er  janvier 2011, nécessiteront des décrets d’application. Je pense notamment à la création de la procédure participative, dont le volet judiciaire doit être inséré dans le code de procédure civile, à l’accomplissement des mesures conservatoires après décès par les huissiers de justice, au transfert du contentieux du surendettement aux tribunaux d’instance... Tout cela justifie quelques mois de report pour que les choses se passent dans de bonnes conditions et que l’on ne nous fasse pas, à juste titre, le reproche de ne pas mettre en application des textes votés – c’est toujours un mauvais message en direction de nos concitoyens. Nous voulons donc être réalistes en vous proposant un report, au demeurant tout à fait raisonnable, au 1 er  septembre 2011 au plus tard, puisque la date d’entrée en vigueur pourra être fixée par décret à une date antérieure.

(L'amendement n° 48, accepté par la commission, est adopté.) (L’article 52, amendé, est adopté.)

Après l’article 52

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 46.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. C’est un amendement de coordination.

(L’amendement n° 46, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des articles de la proposition de loi relative à l’exécution des décisions de justice et aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées.

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que le projet sur la modernisation des professions judiciaires et cette proposition feront l’objet d’explications de vote communes et de votes sur l’ensemble, par scrutin public, le mercredi 30 juin après les questions au Gouvernement.

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, lundi 28 juin à dix-sept heures:

Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques et de la proposition de loi visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-sept heures quarante.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l’Assemblée nationale,
Claude Azéma