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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2010-2011

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 23 novembre 2010

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Jean-Pierre Balligand

1. Nouvelle organisation du marché de l'électricité

M. Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique

M. Serge Poignant, vice-président de la commission des affaires économiques, suppléant M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur

Motion de rejet préalable

M. Daniel Paul

M. Serge Poignant, rapporteur suppléant, M. Jean Proriol, M. Jean Gaubert, M. Yves Cochet

Motion de renvoi en commission

M. François Brottes

M. Serge Poignant, rapporteur suppléant, M. Éric Besson, ministre, M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement, M. Jean Dionis du Séjour, M. Jean Proriol, Mme Catherine Coutelle, M. Daniel Paul

Discussion générale

M. Jean Dionis du Séjour

M. Jean Dionis du Séjour

M. Jean Proriol

Mme Frédérique Massat

M. Yves Cochet

M. Daniel Fasquelle

M. Jean Gaubert

Mme Catherine Vautrin

M. Jean Grellier

M. François-Michel Gonnot

M. Éric Besson, ministre

Discussion des articles

Article 1er

M. Yves Vandewalle

M. Jean Lassalle

M. François-Michel Gonnot

M. François Brottes

Amendements nos 1, 26, 27, 28, 25, 29, 2, 30

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Jean-Pierre Balligand,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Nouvelle organisation
du marché de l'électricité

Discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (n°s 2831,2933).

La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique.

M. Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique. Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission des affaires économiques, mesdames et messieurs les députés, nous examinons aujourd'hui ensemble ce texte de refondation du système électrique qu'est le projet de loi NOME, relatif à la nouvelle organisation du marché de l'électricité.

Je souhaite tout d'abord remercier celles et ceux qui ont consacré de l'intelligence, du temps et de l'engagement personnel pour faire progresser ce texte. Je pense en particulier aux membres de la commission Champsaur, dont bien sûr Jean-Claude Lenoir, rapporteur du texte, et François Brottes, ainsi qu’à l’ensemble des membres de la commission des affaires économiques sous la présidence talentueuse et efficace de Patrick Ollier, que je suis heureux de voir à mes côtés, cette fois en tant que ministre chargé des relations avec le Parlement. Leurs remarques constructives ont été précieuses, depuis la genèse de ce texte jusqu'à ce jour. Je remercie également les membres du groupe de travail sur la gestion de la pointe du système électrique, dont Serge Poignant a été le coprésident, avec le sénateur Bruno Sido. Je remercie enfin les nombreux parlementaires qui ont pris de leur temps pour des réunions de travail dans les toutes dernières semaines avec des experts du sujet, en particulier Martial Saddier, Lionel Tardy, Michel Bouvard, Yves Vandewalle, et d’autres encore qui mériteraient d’être cités.

M. Jean Gaubert. Nous, par exemple !

M. Éric Besson, ministre. Je voudrais vous rappeler en quelques mots la raison d'être de ce texte et son économie générale.

Notre marché électrique ne fonctionne pas aujourd'hui de façon satisfaisante, comme en témoignent l'imbrication législative et réglementaire des régimes tarifaires et l'insatisfaction de l'ensemble des acteurs du marché, notamment du fait de l'absence de prévisibilité du système.

Notre organisation a de surcroît suscité deux contentieux de la part de la Commission européenne, le premier pour défaut de transposition de la directive, le second pour aides d'État, qui pourraient entraïner de très lourdes décisions à l'encontre de la France et de son industrie : ce sont en effet potentiellement des dizaines de milliards d'euros qui pourraient être enlevés à nos industriels.

La réponse à ces difficultés, c'est le projet de loi dont nous allons débattre en deuxième lecture.

Quel est son effet ? Il réaffirme les principes fondamentaux du système électrique français, et donc la stratégie électrique française.

J'en rappelle rapidement les principes.

Premièrement, tout client doit pouvoir bénéficier, quel que soit son fournisseur, de prix fondés sur la réalité du parc de production français, lequel est, vous le savez, largement fondé sur un ensemble de cinquante-huit centrales nucléaires…

M. Yves Cochet. Réacteurs !

M. François Brottes. Il ne connaît pas la différence.

M. Éric Besson, ministre. Vous avez raison, monsieur Cochet !

M. François Brottes. C’est un passionné du nucléaire !

M. Éric Besson, ministre. Nous sommes, Yves Cochet et moi-même, passionnés par le nucléaire ! (Sourires.)

Un ensemble de cinquante-huit réacteurs nucléaires, voulais-je dire, premier pilier d’un bouquet énergétique qui fait une part de plus en plus grande aux énergies renouvelables.

Deuxièmement, l'émulation entre les fournisseurs d'électricité doit se concentrer sur les segments sur lesquels l'innovation, au bénéfice des consommateurs, est attendue : gestion de la pointe du système électrique, commercialisation, services innovants, économies d'énergie.

Troisièmement, chaque acteur du marché, doit, en proportion de son rôle sur ce marché, investir pour assurer la sécurité d'approvisionnement

Pour ce faire, le projet de loi met en place pour les fournisseurs un droit nouveau, le droit à l’accès régulé à l'électricité nucléaire historique – l’ARENH –, tel que l'a baptisé votre assemblée : tout fournisseur a droit à acquérir auprès d'EDF de l'électricité, à un prix représentant les coûts réels et complets du parc nucléaire historique, et pour un volume strictement proportionné aux besoins de ses clients en France. En parallèle, chaque fournisseur doit investir pour garantir la sécurité d'approvisionnement, en particulier aux moments de pointe, c'est-à-dire lorsque la demande électrique est la plus forte.

Un certain nombre de dispositions d'accompagnement complètent ce dispositif fondamental. Il s'agit notamment de la réaffirmation du droit aux tarifs réglementés et à la réversibilité pour tous les petits consommateurs ; de l'aménagement progressif des dispositifs de tarifs réglementés pour les moyens et gros consommateurs, avec la substitution immédiate du projet de loi NOME au système transitoire TARTAM – le tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché – et l'extinction progressive, dans les cinq prochaines années, des tarifs réglementés « verts » – tarifs pour les plus gros consommateurs – et « jaunes » – tarifs pour les consommateurs intermédiaires ; enfin, de l'adaptation logique des compétences de la commission de régulation de l’énergie – la CRE –, et donc de son organisation à la nouvelle donne issue de ce texte.

Je voudrais souligner la qualité du travail parlementaire qui a accompagné l'évolution de ce texte jusqu'à la deuxième lecture ce soir. De nombreux amendements, de tous les bords politiques, ont été adoptés lors de la première lecture en juin dernier. La navette parlementaire a permis de confirmer ou de préciser la plupart des amendements adoptés. Je retiens en particulier la clarification des modalités de l’ARENH permettant de garantir aux acteurs leur droit à la confidentialité ; la confirmation que le prix de l’ARENH serait dans un premier temps établi en cohérence avec le TARTAM, afin d’assurer aux clients qui sont au TARTAM une stricte continuité entre le régime actuel et futur ; la mise en place d'une rémunération de l’interruptibilité pour ceux des gros consommateurs qui sont capables de s'interrompre au bénéfice du système électrique ; l'aménagement bien légitime du dispositif pour prendre en compte la spécificité des entreprises locales de distribution – les ELD.

Sur tous ces amendements, le vote du projet de loi au Sénat a montré le très fort consensus entre les deux chambres. Les sénateurs ont également apporté quelques précisions utiles.

Comme vous l'avez fait, ils ont souhaité associer les électro-intensifs à la réforme du marché, en prévoyant des appels d'offres pour l'effacement qui pourront leur bénéficier et en explicitant le rôle que les électro-intensifs pourraient jouer pour les investissements d'allongement de la durée de vie du parc nucléaire.

Ils ont également souhaité l'extension aux consommateurs de gaz naturel de cette grande liberté qu'est la réversibilité entre offre libre et tarifs réglementés ; la mise en place par la loi d'une attribution plus automatique des tarifs sociaux gaz naturel aux consommateurs les plus vulnérables. Pour les tarifs d'électricité, je rappelle que la loi permet déjà une quasi-automaticité, mais qu'il faut modifier le décret, ce que nous ferons bien sûr. Ils ont enfin souhaité l'organisation de la concertation entre ERDF et les autorités concédantes sur les programmes d'investissements.

Il me semble que le bilan de ce travail parlementaire, riche et constructif, est équilibré et que le texte qui résulte de vos travaux est assez consensuel.

Je voudrais pour conclure rappeler l'importance pour notre pays d'aller de l'avant, avec le vote de ce texte, dans un calendrier serré, parce que c'est l'engagement de la France, et parce que c'est ce qu'attendent tous les acteurs du secteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant, vice-président de la commission des affaires économiques, suppléant M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur.

M. François Brottes. Il pourrait même être président de la commission ! (Sourires.)

M. Serge Poignant, vice-président de la commission des affaires économiques, suppléant M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, la situation est inédite. Suite au remaniement ministériel, le président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier, est entré au Gouvernement. En tant que vice-président, je le remplace au banc de la commission dans l'attente de l'élection de son successeur. À cet instant, permettez-moi de saluer spécialement notre nouveau ministre des relations avec le Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

En outre, en raison du retard pris dans l'examen du projet de loi de finances, la seconde lecture du projet de foi NOME prévue la semaine passée a dû être repoussée à ce soir. Or notre rapporteur, M. Jean-Claude Lenoir, ne peut être présent. Je me substituerai aussi à lui et essaierai de vous présenter au mieux ses réponses et les réponses de la commission aux divers amendements, saluant l'important travail de spécialiste qu'il a effectué.

J'en viens au texte.

Le projet de loi relatif à la nouvelle organisation du marché de l'électricité est un texte nécessaire. Il répond à la menace d'une sanction de la France par l'Union européenne, M. le ministre vient de le rappeler. Il permet la mise en œuvre d'une concurrence effective sur le segment de la fourniture d'électricité. Il préserve la compétitivité de l’électricité française, le financement du parc nucléaire et l'avenir d'EDF.

Ce projet de foi s'inscrit dans le prolongement du mouvement de libéralisation du marché entamé il y a plus de dix ans, dont je rappelle les principales étapes :

La directive de 1996 a prévu une ouverture limitée à la concurrence, qui devait être progressive et atteindre un tiers des volumes en 2003 ;

La loi de 2000 relative au service public de l'électricité a transposé ces dispositions en prévoyant que les consommateurs dont la consommation dépassait un seuil, fixé par décret dans le respect des obligations européennes, pouvaient opter pour des offres de marché ;

M. François Brottes. Cela valait seulement pour les entreprises ! On dirait du Lenoir !

M. Serge Poignant, rapporteur suppléant. Suite à l'accord conclu au Conseil européen de Barcelone en mars 2002 d'ouvrir dès 2004 le secteur de l'électricité à tous les consommateurs non domestiques, une seconde directive électricité a été adoptée, celle de 2003, rendant la totalité des consommateurs éligibles aux offres de marché au 1er juillet 2007 ;

Les lois de 2004 sur le service public de l'électricité et de 2006 relative au secteur de l'énergie ont transcrit ces dispositions en droit français et fait évoluer le statut des opérateurs historiques – EDF et GDF – afin qu'ils aient les moyens de faire face à la concurrence et de devenir des acteurs solides sur le marché européen. La loi de 2006 a en outre été l'occasion d'instituer le TARTAM – tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché – pour les consommateurs ayant exercé leur éligibilité qui souffraient de l'augmentation du prix de l'énergie ;

L'essentiel des décisions législatives qui ont été prises depuis a consisté à corriger les effets négatifs de la censure par le Conseil constitutionnel des dispositions relatives su retour au tarif réglementé de vente – le TRV – que le législateur avait adoptées en 2006, dans les lois de 2007 relatives au droit au logement opposable, de 2008 sur les tarifs réglementés et de 2010 sur le retour aux tarifs réglementés.

Deux leçons peuvent être retenues.

La première, c'est que la libéralisation complète était en germe dès la directive de 1996 et la loi de 2000 qui la transposait. Quelles que soient leurs réticences, la majorité comme l'opposition ont accompagné ce mouvement.

La seconde, c'est que la libéralisation s'est accompagnée de la mise en place d'outils de régulation visant à protéger le consommateur,

Le projet de loi NOME s'inscrit clairement dans cette perspective historique et son apport peut être résumé en trois points.

Premièrement, il permet de passer d’une concurrence théorique sur un marché tout entier à une concurrence réelle sur le segment de fourniture.

En effet, l’exigence de protection du consommateur avait conduit le législateur à maintenir une régulation des prix de détail – tarif réglementé de vente et TARTAM. Cette régulation, associée à la mise à disposition par EDF du parc nucléaire, aujourd’hui bien plus compétitif que les autres types de centrales, a empêché les autres fournisseurs de se développer. En reportant la régulation au niveau des prix de gros, le projet de loi rend le marché de fourniture contestable, au sens économique du terme, tout en maintenant des prix bas pour le consommateur.

Deuxièmement, le projet assure le financement des investissements. Il s’agit d’abord du financement du parc nucléaire, en particulier grâce aux modalités de calcul de l’ARENH, qui permettent que le juste prix du parc nucléaire soit payé par les fournisseurs alternatifs, et à un nouveau mode de construction des tarifs réglementés, qui le garantit aux consommateurs. Il s’agit ensuite du financement de la pointe, par l’intermédiaire des obligations de capacité prévues à l’article 2.

Troisièmement, le texte simplifie. Au cours de la longue période de transition ouverte par la loi de 2000, nous n’avons cessé d’aménager des dispositifs pour résoudre les problèmes qui se sont peu à peu fait jour. Le droit issu de ces dix années de législation sur l’énergie est complexe ; la loi NOME est source de clarté.

Permettez-moi d’apporter quelques précisions sur les dispositions essentielles du projet de loi.

Je rappelle, après M. le ministre, que l’ARENH, institué à l’article 1er, est un dispositif transitoire, qui sera révisé en 2015, ne porte que sur le nucléaire et aura pour contrepartie les obligations de capacité prévues à l’article 2.

L’application de cet article nécessitera la publication du décret en Conseil d’État prévu à la fin de l’article 1er, la signature de conventions cadre entre EDF et les fournisseurs alternatifs, puis la cession effective d’électricité après calcul des volumes par la CRE.

Des débats subsistent sur la question du prix. Rappelons à ce propos que le prix initial sera cohérent avec le TARTAM, afin d’éviter une discontinuité tarifaire par rapport au système actuel, comme l’a parfaitement expliqué le ministre ; mais ce prix évoluera ensuite pour être fixé au niveau des coûts complets du parc nucléaire. Ainsi que le rappelait Jean-Claude Lenoir dans son rapport en première lecture, toute la difficulté, s’agissant du prix initial, vient du fait que le TARTAM est un tarif intégré, alors que l’ARENH ne représentera qu’une partie de la consommation du consommateur, qui demandera à être complétée par de la pointe.

M. François Brottes. On ne peut pas se payer l’ARENH au prix du TARTAM !

M. Serge Poignant, rapporteur suppléant. Or le prix de l’ARENH qui permet au consommateur de payer la même facture globale que le TARTAM varie fortement selon les hypothèses que l’on formule sur le prix de la pointe. En ce qui concerne le prix de moyen terme, deux paramètres semblent expliquer les différences d’estimation : la méthode de valorisation des investissements passés dans le parc nucléaire que l’on retient, d’une part, et l’hypothèse relative aux coûts de prolongation des centrales, d’autre part.

Quant aux tarifs réglementés, dont l’évolution est fixée aux articles 4 et 5, je rappelle que leur construction tarifaire sera progressivement modifiée d’ici à 2016 afin de les rendre cohérents avec l’ARENH. Pourront en bénéficier tous les petits consommateurs, sans restriction, ainsi que les gros consommateurs qui ne seront pas passés au marché fin 2015, moyennant des restrictions afin d’éviter l’optimisation saisonnière.

La CRE fait l’objet des articles 7 et 8. Sa gouvernance est adaptée et ses missions évoluent afin qu’elle puisse assurer correctement son rôle de régulateur dans le nouveau cadre juridique.

Je termine par un aspect particulièrement cher à Jean-Claude Lenoir : l’article 14 étend le statut des IEG – les industries électriques et gazières – à toutes les entreprises du secteur qui ne bénéficient pas déjà d’une convention du secteur de l’énergie, tenant ainsi une promesse faite en 2006.

J’en viens aux modifications apportées par le Sénat.

Les principaux sujets de débat apparus en première lecture dans l’enceinte de cette assemblée ont été abordés. Je songe notamment à la Compagnie nationale du Rhône, qui n’est ni ne sera concernée par ce texte ; aux modalités de calcul du prix de l’ARENH, qui ont été précisées par nos collègues sénateurs ; ou encore au rôle de « tiers de confiance » entre EDF et ses concurrents que notre rapporteur, Jean-Claude Lenoir, avait proposé d’instituer et que la Haute assemblée a entendu confier à la CRE, ce qui devrait rassurer ceux d’entre vous qui s’étaient inquiétés du fonctionnement de ce mécanisme.

Le Sénat a par ailleurs consolidé les modifications adoptées par l’Assemblée, notamment le remplacement de l’ARB – accès régulé à la base – initial par l’ARENH, et à l’exception de quelques dispositions relatives à la gouvernance de la CRE. Nous y viendrons à propos des articles qui concernent cette dernière.

Il a enfin choisi d’apporter plusieurs précisions et compléments utiles. Aux termes des amendements les plus importants qu’il a adoptés, le prix de l’ARENH sera calculé par addition de la liste des coûts complets ; le TARTAM sera prolongé jusqu’à l’instauration effective de l’ARENH ; afin de favoriser le développement de capacités d’effacement, RTE sera tenu d’organiser des appels d’offres pour la contractualisation de capacités d’effacement jusqu’à la mise en œuvre du marché de capacité. En outre, le bénéfice des tarifs sociaux de gaz et d’électricité deviendra automatique ; les petits consommateurs de gaz bénéficieront de la réversibilité totale vers les tarifs réglementés ; la situation actuelle en matière d’auto-assurance chômage sera pérennisée.

Quelques dispositions nouvelles ont été prises. Ainsi, un article sur les énergies renouvelables, favorable à la biomasse, a été ajouté.

M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement. Très bien !

M. Serge Poignant, rapporteur suppléant. S’agissant de la petite hydroélectricité, un article entérine le compromis auquel le ministre est parvenu en juillet dernier, et qui permet de reconduire les tarifs d’achat pendant quinze ans, en contrepartie d’investissements. Nous reparlerons des amendements concernés.

Un autre article a modifié les coûts de raccordement des producteurs d’électricité aux réseaux de distribution : ceux-ci, qui étaient pris en charge à hauteur de 60 % – c’est la fameuse « réfaction des 40 % » –, peuvent désormais, sous certaines conditions, l’être à 100 %, à l’exclusion des coûts de renforcement.

Le Sénat a également adopté certaines dispositions relatives aux collectivités territoriales, ainsi qu’un article qui prévoit que RTE participera financièrement aux travaux d’enfouissement des lignes électriques, afin que cette participation ne dépende pas du pouvoir de négociation des élus locaux.

Un autre article porte sur la coordination des investissements dans les réseaux de distribution, avec une conférence départementale qui sera dirigée par le préfet.

Diverses autres dispositions ont également été adoptées, mais, au total, le Sénat n’a pas substantiellement modifié ce qu’avait décidé l’Assemblée nationale, et ses apports me semblent plutôt satisfaisants.

J’ajoute qu’il est très important que ce texte soit rapidement adopté. Vous savez que le calendrier de son examen du texte a été décalé. Or la réforme était attendue il y a un an. Dans l’intervalle, il a fallu apporter des ajouts à la loi ; ainsi le TARTAM a-t-il été prolongé au printemps dernier. Dans le présent projet de loi, le Sénat en a encore reporté l’extinction à l’entrée en vigueur effective de l’ARENH. Je vous signale toutefois que, si le texte n’était pas promulgué avant la fin de l’année, ces dispositions nouvelles n’entreraient pas en vigueur et le TARTAM ne serait pas prolongé.

M. François Brottes. Même pas peur !

M. Serge Poignant, rapporteur suppléant. Même si le texte était promulgué fin décembre, une adoption tardive serait dommageable. Des délais incompressibles séparent en effet la promulgation du texte de l’édiction des mesures d’application qui rendront l’ARENH effectif.

M. François Brottes. Il fallait y penser avant !

Mme Catherine Coutelle. Il fallait engager la procédure accélérée ; pour une fois, vous ne l’avez pas fait !

M. Serge Poignant, rapporteur suppléant. Si la loi est votée, le TARTAM sera prolongé.

Quelques mois de prolongation ne fourniront sans doute pas à Bruxelles un motif suffisant pour rouvrir les procédures contentieuses qui ont été suspendues ; mais le droit européen sera à coup sûr appliqué avec plus de rigueur. Une telle prolongation perpétuerait par ailleurs l’incertitude réglementaire du fait de laquelle les opérateurs, faute de visibilité, ne peuvent aujourd’hui proposer de bons contrats de fourniture d’électricité.

Tout le monde a donc intérêt à ce que le texte issu du Sénat soit rapidement adopté.

Un seul amendement a été adopté par la commission en deuxième lecture,…

M. Jean Gaubert. Très bien !

M. Serge Poignant, rapporteur suppléant. …à l’initiative de M. Michel Raison ;…

M. François Brottes. Excellent amendement ! Très bon député ! (Sourires.)

M. Serge Poignant, rapporteur suppléant. …il concerne l’accès des scieries au tarif de rachat de l’électricité produite à partir de la biomasse. Comme le dit Jean-Claude Lenoir, sa portée ne paraît pas justifier que l’on retarde l’adoption du texte, d’autant que les dispositions qu’il prévoit ne sont pas de nature législative et que le Gouvernement a déjà trouvé une solution réglementaire. M. le ministre nous l’expliquera.

M. François Brottes. Castrateur !

M. Serge Poignant, rapporteur suppléant. Je soutiendrai donc la proposition gouvernementale de revenir au texte du Sénat.

Enfin, monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir souligné l’importance du travail parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Brottes. Faut-il qu’on s’en aille tout de suite ?

M. Serge Poignant, rapporteur suppléant. Non, non !

M. le président. J’ai exceptionnellement autorisé M. Poignant à dépasser les dix minutes qui lui étaient imparties, puisqu’il aurait pu demander à s’exprimer en tant que président de la commission par intérim.

M. François Brottes. Ce n’est pas son genre – contrairement à son prédécesseur !

Motion de rejet préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe GDR une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. François Brottes. Vous avez le soutien de la gauche, monsieur Paul !

M. Daniel Paul. Monsieur le rapporteur, si vous souhaitez que nous partions tout de suite, nous pouvons vous laisser : tout ira plus vite !

M. Serge Poignant, rapporteur suppléant. Pas du tout !

M. Patrick Ollier, ministre. Ce serait pourtant bien ! (Sourires.)

M. Daniel Paul. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous l’avons déjà dit lors de la première lecture : votre projet de loi est inacceptable. Comment accepter, en effet, qu’au nom de la concurrence, on oblige un pays à augmenter les tarifs de l’électricité ? Comment justifier que les intérêts du marché soient plus importants que ceux d’un pays, d’une économie, d’une population ?

C’est pourtant ce que signifie votre texte de loi : vous voulez qu’au terme de cette deuxième lecture la représentation nationale décide qu’EDF cédera à ses concurrents 25 % de sa production nucléaire, et tout cela pour que ceux-ci puissent enfin espérer conquérir des parts de marché.

Car la réalité est là : depuis que les libéraux ont décidé l’ouverture du marché de l’électricité en Europe et en France, seuls 4 à 5 % de nos compatriotes ont franchi le pas en quittant l’opérateur public, et le secteur industriel lui-même reste prudent.

M. Beigbeder est donc monté au créneau. Il faut dire qu’en fondant Poweo, en 2002, il pensait que le marché de l’électricité se révélerait rapidement juteux. Mais les résultats sont décevants, et il a dû passer sous la coupe du groupe autrichien Verbund et de fonds britanniques et luxembourgeois – qui ne se préoccupent naturellement que de la qualité de l’électricité en France…

Il y a quelques jours – par hasard sans doute –, M. Beigbeder a donc annoncé que, faute de pouvoir se développer sur le marché français, Poweo envisageait de mettre fin à son activité de détail. Il dénonce le « maintien de conditions réglementaires » qui empêchent le marché de jouer pleinement ; en clair, il met en cause les choix stratégiques de notre pays depuis la Libération, la décision de développer un secteur nucléaire sous maîtrise publique pour mieux garantir la sécurité et la maîtrise des coûts, et le maintien par l’État de tarifs réglementés.

À nos yeux, c’était et cela reste bien ainsi : l’électricité n’étant ni un produit banal, ni une marchandise ordinaire, il est juste et responsable que des gouvernements, année après année, aient décidé qu’elle ne ferait pas l’objet de spéculations à des fins de profit, mais qu’elle serait accessible à la population et à nos industries. Pour le dire clairement, l’électricité était et demeure un atout de la politique sociale et économique.

Or c’est cela que vous bradez aujourd’hui sur l’autel du libéralisme. Certes, vous prétendez sauvegarder le système instauré par nos aînés dans le cadre du programme du CNR. Certains espèrent sans doute dissimuler qu’ils sont favorables à la loi du marché : ils n’osent pas trop le dire ; d’autres se sont résignés à lui céder, sans le reconnaître. Mais cela n’empêche ni le Président de la République ni vous-mêmes de rappeler votre fidélité au général de Gaulle, alors que ce sont les principes mêmes du CNR, puis de la politique qui en a découlé, que vous enterrez !

Comment ne pas établir un parallèle avec le dossier des retraites et de la protection sociale ? Là aussi, vous prétendez sauver le système par répartition, alors qu’étape par étape, adaptation après adaptation, vous le videz de son sens en cédant aux pressions des marchés et des assurances privées.

Nombreuses sont les raisons qui justifient un rejet préalable de votre texte. Ne pouvant les présenter toutes dans le délai qui m’est imparti, j’en retiendrai trois, qui me semblent particulièrement révélatrices de vos objectifs et des enjeux auxquels nous sommes confrontés.

Je l’ai dit, certains défendent l’idée que, dans tous les domaines, la loi du marché est la seule qui vaille. D’autres ont cédé devant l’offensive libérale. Tous, pourtant, aujourd’hui comme hier, vous poussez à la déréglementation, à la casse des outils publics, à la marchandisation généralisée, même de ce qui est nécessaire à la vie de nos concitoyens et à l’activité de notre pays.

Comment pouvez-vous oublier ou négliger que le prix de l’électricité en France, l’un des moins chers d’Europe, est un atout essentiel d’un point de vue social et économique ? Au nom des intérêts de quelques financiers, vous voulez qu’EDF vende 25 % de sa production nucléaire à ses concurrents. Cela entraînera évidemment des conséquences sur le tarif final aux usagers.

Dans tous les cas, mes chers collègues, ce sont les consommateurs qui paieront. Si le prix de cession atteint 42 euros par mégawattheure, la Commission européenne n’acceptera pas qu’il en soit autrement. Du reste, selon les projections de la CRE, si EDF obtient gain de cause, il faudra relever les tarifs bleus – applicables aux particuliers et aux petits professionnels – d’un peu plus de 11 % une fois la réforme votée, puis de 3,5 % par an entre 2011 et 2025. C’est la CRE qui le dit ; et vous connaissez l’amour immodéré que je porte à cette institution !

Mais ne soyons pas dupes : à travers les négociations sur la loi NOME, EDF cherche également à obtenir une augmentation de ses tarifs. En juillet 2009, Pierre Gadonneix avait réclamé une hausse des tarifs de 20 % sur trois ans, ce qui lui avait coûté son poste. Le journal Les Échos, en janvier dernier, a fait état de projections internes à EDF envisageant une hausse des tarifs aux particuliers de l'ordre de 24 % entre 2010 et 2015.

Il y aura sans doute marchandage entre EDF, dont la proposition entraînerait une lourde augmentation des prix, et ses concurrents, dont la demande serait synonyme d’un bradage complet. Cela dit, quel que soit le montant retenu – entre 42 euros et 35 à 36 euros –, une augmentation des prix de l'électricité interviendra de manière automatique. Prétendre que la concurrence pourra ensuite jouer au profit des consommateurs est une supercherie et je n’ose prononcer dans cette enceinte le mot qui me vient plus spontanément à la bouche. Vous le savez bien du reste, l'électricité n'étant pas stockable, la concurrence ne peut qu'entraîner l'augmentation des prix. Ce scénario s'est vérifié partout.

Mais votre logique va plus loin. Non seulement l'opération à laquelle vous vous prêtez aboutira à une augmentation mécanique des prix, mais elle va également justifier à plus ou moins long terme la fin des tarifs régulés, ceux-là mêmes qui sont depuis longtemps dans le collimateur de la Commission européenne au nom de la concurrence libre et non faussée.

Vous pouvez toujours nous faire toutes les promesses du monde, comme celui qui est aujourd’hui Président de la République en faisait lorsqu’il était ministre, jurant qu’il n’y aurait aucun changement ; mais il est inutile de vous rappeler son discours, vous le connaissez.

M. Jean Gaubert. Mieux que nous !

M. Daniel Paul. Vous pouvez même proposer un tarif social accessible aux plus démunis. L’important, c’est que la libéralisation du système aura eu lieu : les prix de l'électricité auront augmenté, les tarifs régulés auront disparu pour la plus grande satisfaction des marchés, les freins dont parle M. Beigbeder auront disparu, non pour que la situation des consommateurs, qu'il s'agisse des ménages, des collectivités locales, des PME ou des PMI, s’améliore, mais pour que celle des marchands d'électricité soit plus profitable.

C'est à cela que vous vous prêtez aujourd'hui en bradant les intérêts de notre pays pour obéir aux lois du marché et vous conformer à une injonction de la Commission européenne. Cet abandon est inacceptable et justifie à lui seul notre demande de rejet.

N’oublions pas qu'à cela s'ajouteront l’augmentation de la contribution aux charges du service public de l'électricité destinée à soutenir l'obligation d'achat des énergies renouvelables – il est question de la faire passer de 4,50 à 7,50 euros –, les hausses motivées par la situation difficile du réseau de distribution et la prolongation de la vie des réacteurs nucléaires ou encore le coût des compteurs dits intelligents.

En parlant d’une augmentation de 20 %, M. Gadonneix avait donc sans doute dit tout haut et trop tôt ce que certains exigeaient et que vous aviez décidé d'accepter.

La deuxième raison qui justifie le rejet de votre texte, c'est qu'en autorisant la création d'un marché de capacités, vous aggravez la spéculation autour des questions énergétiques. Je dis bien « aggravez », car la spéculation existe depuis la libéralisation du secteur électrique, seulement vous allez lui ouvrir de nouveaux horizons.

Ainsi, pour accéder à l'électricité nucléaire d'EDF, les nouveaux opérateurs devront disposer de capacités de production et de capacités d'effacement. Mais comme faire argent de tout est dans l'air du temps, vous annoncez que ces capacités pourront faire l'objet d'échanges sur le marché, donc de spéculation. Nous vous avions déjà demandé en première lecture d'abandonner cette disposition : vous l'avez maintenue. Ainsi, un marchand d'électricité pourra acheter à un autre opérateur une partie de ses capacités d'effacement ou de production pour obtenir une part de la production nucléaire d'EDF. Nous continuons de demander la suppression de cette disposition dont tout fait craindre qu’au lieu de servir les intérêts des consommateurs elle aggrave encore plus la situation du secteur de l'électricité.

Comment d'ailleurs ne pas établir un lien avec les quotas de CO2 qui font eux aussi l'objet d'un marché à l'échelle internationale ? Une fraude de 5 milliards à la TVA a été découverte : des groupes peu scrupuleux faisant tourner les crédits de carbone entre plusieurs pays européens ont encaissé les sommes correspondant à la TVA sans jamais les reverser à l'État.

Ce marché du carbone se révèle extrêmement profitable pour des groupes que rien n'oblige à faire bénéficier les populations et les territoires des profits qu'ils retirent de leurs opérations. Un opérateur de chauffage urbain peut ainsi moderniser sa centrale de chauffe en faisant payer les investissements par ses clients et réaliser en un an un profit de 460 000 euros à l’échelle d’un quartier de 5 000 logements en négociant sur les marchés les quotas issus de la réduction de production de carbone sans qu’il soit obligé d’inscrire cette somme dans les résultats de l'entreprise chargée de la chaufferie. Au lieu de contribuer à réduire la facture de chauffage des habitants, le gain reste dans le groupe. Cette optimisation financière n’est autre que le résultat de la soumission aux règles du marché. C’est un phénomène que l’on observe dans toutes les communes de notre pays aujourd’hui.

Et ce n'est pas l'éventualité de faire payer par les industriels entre 5 % et 15 % de leurs quotas, actuellement gratuits, et d'utiliser la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité qui modifiera la nocivité du système.

Comment croire que la création d'un marché de capacités de production et d'effacement avec des opérateurs soumis à l'exigence d’une rentabilité rapide et maximale se soldera par autre chose que la recherche d'opportunités financières, bien loin de l’objectif de fournir à notre pays, à ses entreprises et à ses habitants, l'électricité la moins chère possible dans les meilleures conditions de sécurité et de sûreté ?

Qu'il s'agisse du chauffage urbain ou de la fourniture d'électricité, c'est bien l'ensemble du secteur de l'énergie qui se trouve concerné. Légiférer à jet continu pour libéraliser toujours plus, en prétendant hier que la marchandisation favorise la réduction de la production de CO2 et aujourd’hui que le développement de la concurrence dans la fourniture de l'électricité est bénéfique aux usagers, c'est tromper les gens, c'est là encore brader les intérêts collectifs de notre pays au profit des intérêts particuliers de financiers qui, fort logiquement, ont pour mission de faire gagner toujours plus d'argent à leurs employeurs et à leurs actionnaires, et cela au moment où l'on sent bien que cette soumission au marché est de plus en plus contestée en France mais aussi dans le monde.

La troisième raison qui justifie le rejet de ce texte est la conséquence logique des deux premières : vous voulez aller vite, au prétexte que la Commission européenne vous impose un tel texte, mais en fait vous savez sa nocivité et vous craignez la grande sensibilité de nos compatriotes aux questions du prix de l'électricité, comme le montre leur résistance aux sirènes du marché. Alors, plus vite ça ira, mieux vous espérez vous en sortir.

Vous avez ainsi déclaré au début de votre audition devant la commission des affaires économiques que vous n'accepteriez aucun amendement et qu'il fallait que le texte soit voté dans les mêmes termes que celui issu du Sénat – le sort réservé à l’amendement de M. Raison le montre parfaitement. C'est un simulacre de débat que vous voulez imposer. Vous direz sans doute comme vous le faites avec tous les textes que le débat a eu lieu mais que, étant majoritaires, vous avez refusé toute modification du texte que vous vouliez imposer, sauf que personne n'est dupe et la comparaison avec la réforme des retraites est là encore édifiante.

Parce que votre texte est une étape supplémentaire dans la casse d'EDF, entreprise publique dont vous avez modifié le statut et que vous voulez à présent contraindre à céder 25 % de sa production nucléaire à ses concurrents ; parce que vous avez décidé d'augmenter les prix de l'électricité pour satisfaire les appétits des marchés et des spéculateurs ; parce qu'en agissant ainsi vous mettez fin à une politique constante, née d'un accord entre toutes les forces politiques et sociales de notre pays en vue de préserver l'électricité des règles du marché et que vous allez même aggraver, avec le marché de capacités, la soumission à ces règles ; parce que votre texte est contraire aux intérêts de notre pays, de son économie et de nos compatriotes ; parce que nous ne confondons pas les intérêts de notre pays avec ceux des marchés et que nous estimons qu'une autre politique est possible et nécessaire au plan national, pour la préservation des intérêts de notre pays avec la création d'un pôle public de l'énergie dans le cadre d'une maîtrise publique associant tous les opérateurs, mais aussi au plan européen, en travaillant à une Europe de l'énergie assurant la fourniture à tous les pays et à leurs habitants d'une électricité accessible dans le cadre d'un mix énergétique maîtrisé, pour toutes ces raisons, nous appelons au rejet de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission, suppléant M. le rapporteur.

M. Serge Poignant, rapporteur suppléant. Comme M. Paul l’a dit lui-même, ce texte est absolument nécessaire : pour répondre aux exigences communautaires, sous peine de faire l’objet de sanctions ; pour répondre aux demandes des industriels, qui risquent sinon de perdre le TARTAM ; pour pérenniser les tarifs réglementés de vente pour les petits consommateurs.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier l’existence d’un dispositif d’obligation de capacités de production et d’effacement qui permet de lutter contre l’insécurité de l’approvisionnement en période de pointe. Je m’en réjouis d’ailleurs car il est issu d’un rapport que le sénateur Bruno Sido et moi-même avons élaboré en nous appuyant, j’y insiste, sur un groupe de travail réunissant l’ensemble des opérateurs, agrégateurs et autres partenaires.

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean Proriol, pour le groupe UMP.

M. Jean Proriol. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je serai d’accord sur un point avec M. Paul : l’électricité n’est pas une marchandise comme les autres, comme il l’a souligné dans son introduction.

Pour le reste, nos divergences sont assez fortes. Le maintien par l’État des tarifs réglementés pour les petits consommateurs, confirmé par le ministre, figure dans le texte, monsieur Paul. Il suffit de lire l’article le concernant.

M. François Brottes. Ce n’est pas une garantie !

M. Jean Proriol. Vous employez des mots très forts, affirmant que ce texte brade le programme de la Résistance. Mais, vous savez, les choses ont évolué depuis cette époque et il faut bien en tenir compte. Nous ne sommes plus dans une situation de disette en matière d’énergie électrique.

M. Jean Roatta. Eh oui !

M. Jean Proriol. Nous essayons d’avoir davantage recours aux énergies renouvelables. C’est une des raisons pour lesquelles vous ne pouvez affirmer comme vous le faites que c’est à cause de la loi NOME que les tarifs d’électricité vont augmenter. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Brottes. Bien sûr que si !

M. Jean Proriol. Monsieur Brottes, vous savez aussi bien que M. Paul que cette augmentation est due aux coûts liés au renouvellement des ressources nucléaires …

M. François Brottes. Heureusement que nous avons provisionné !

M. Jean Proriol. …à la sécurisation des réseaux de distribution – en ce domaine d’ailleurs, nous constatons qu’EDF n’a pas prévu autant de crédits qu’il eût fallu –, à l’absorption et au raccordement des énergies renouvelables ou encore à la mise en place de compteurs intelligents. Et EDF et ERDF nous ont confirmé que ces coûts étaient relativement élevés.

Selon les instances européennes, le marché de l’électricité dans notre pays ne correspondrait pas aux normes concurrentielles dans ce domaine. Quand un opérateur dominant passe de 100 % à 95 %, il va sans dire qu’il faut prendre quelques dispositions pour que le fonctionnement du marché donne de meilleurs résultats.

Pour toutes ces raisons, nous n’adopterons pas la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Cela n’étonnera personne, à la différence de Jean Proriol, je dirai d’emblée mon accord avec la démonstration que vient de faire Daniel Paul, que nous compléterons par la suite, sur la situation dans laquelle nous nous trouvons, en particulier quant aux causes et aux conséquences de ce texte de loi.

Les causes, on en connaît la principale, c’est la déréglementation. Or, suivant le bon principe des libéraux, quand le système qu’ils ont mis en place ne va pas bien, c’est qu’ils n’ont pas été assez libéraux. Et c’est bricolage sur bricolage. Je ne doute pas qu’avant la fin de la présente législature nous ayons à en faire d’autres.

Daniel Paul a bien relevé l’échec de la mise en concurrence des opérateurs, qu’on nous explique par le prix trop faible de l’énergie. Pour que les concurrents puissent gagner de l’argent, il va donc falloir que l’énergie augmente. À l’occasion, EDF en gagnera un peu aussi, et c’est pourquoi ses représentants sont moins vent debout contre le texte.

Notre collègue a également bien souligné toute l’ambiguïté du marché de capacité qu’on nous propose, dont nous ne voyons pas très bien comment il fonctionnera et qui ajoutera sans doute de la complexité au système en même temps que des moyens de spéculation pour les opérateurs.

S’il fallait en rajouter, Jean Proriol vient de le faire en expliquant que la loi n’avait pour but que d’assurer l’augmentation du prix de l’énergie. Il a également dit, avec raison, que ce ne sera pas suffisant et qu’il faudra aussi augmenter le tarif d’utilisation des réseaux en raison des travaux à y faire. C’est vrai. Il faudra encore installer un compteur dit intelligent – dont l’ADEME commence à subodorer qu’il sera intelligent seulement pour le vendeur, pas pour le consommateur –, payant bien sûr. Lorsque les limites seront atteintes, les consommateurs obtiendront peut-être ce que nous n’obtenons pas de votre part, c’est-à-dire un peu de raison.

Pour tous ces motifs, et d’autres que nous développerons par la suite, nous voterons la motion de rejet préalable défendue par Daniel Paul. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Cela n’a rien d’étonnant, nous soutenons la motion de rejet préalable de notre collègue Daniel Paul, dans laquelle il a analysé le phénomène, assez long puisqu’il a commencé au début des années soixante-dix, de libéralisation dans tous les domaines touchant aux biens publics, avec parfois des tentatives dans les domaines de la santé et de l’école, auxquels nos concitoyens devraient avoir accès à des prix acceptables.

Daniel Paul a adossé sa motion à trois raisons principales, que je reprends brièvement. La première, c’est la volonté de céder au libéralisme alors que le marché est aveugle. Obtenir un rapport sur investissement de l’ordre de 15 % pour verser des dividendes aux actionnaires est tout à fait impossible dans un monde où la croissance, pour autant qu’il y en ait, n’est que de quelques pour cent. La deuxième, c’est l’aggravation de la spéculation, notamment sur un des nouveaux marchés d’effacement et de capacité. Je m’accorde avec lui pour dire qu’il y a déjà de la spéculation sur les matières premières en général et sur l’électricité en particulier. Un marché de plus, c’est une possibilité de spéculation de plus. La troisième raison, c’est la rapidité imposée à la fois par la Commission de Bruxelles et par le Gouvernement. Autant ne pas débattre à l’Assemblée puisqu’il faut voter exactement ce qu’a fait le Sénat.

Dans ma prochaine intervention, j’ajouterai d’autres arguments pour appuyer la nécessité de revoir entièrement ce texte, notamment, et c’est là peut-être une divergence avec quelques collègues de l’opposition, s’agissant du type de tarification, pas des tarifs. C’est peut-être pour d’autres raisons que le renouvellement des infrastructures ou des centrales de production que les prix de l’électricité, comme ceux de toutes les énergies, vont augmenter.

Je termine en incitant toute notre assemblée à voter la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour qui nous écouterait de l’étranger nous demander, à propos d’un bien de première nécessité, utilisé par tous, non stockable et au cœur des missions de service public, comment payer l’ARENH lorsqu’elle fait des pointes, notre débat paraîtrait pour le moins étrange. (Sourires.) L’ARENH, c’est cet objet nouvellement identifié qu’est la partie de nucléaire qu’EDF va se voir imposer de vendre, donner, brader aux opérateurs alternatifs. La pointe, c’est le moment auquel on consomme le plus d’énergie dans le pays. La formule, qui va être utilisée au cours de ce débat, est susceptible de porter préjudice aux relations internationales ce dont nous n’avons pas vraiment besoin.

Selon la formule consacrée, « on prend les mêmes et on recommence ». Pas cette fois. Tout le contexte est différent : le ministre, le président de la commission ont changé, le commissaire européen est un peu nouveau.

M. Jean Gaubert. Il n’y a que nous qui ne changeons pas !

M. François Brottes. On ne peut donc pas recommencer ni faire la même chose. S’il faut faire autre chose, ce ne peut donc pas être un vote conforme. Ou alors, ce serait que le nouveau ministre, découvrant le sujet, veut vite s’en débarrasser parce qu’il n’y comprend pas grand-chose. Je ne veux pas le croire, monsieur le ministre, car je crois savoir que, dans une vie antérieure, vous avez eu une expertise sur ces questions.

M. Jean Gaubert. Il était de gauche, à l’époque !

M. François Brottes. Vous êtes, de surcroît, territorialement assez impliqué dans ces sujets pour ne pas passer pour quelqu’un qui les découvrirait. Dès lors que vous connaissez la question de façon sérieuse et que vous avez en charge le pilotage de l’énergie, vous aurez certainement à cœur de marquer de votre sceau la politique énergétique française et de n’enfiler en aucun cas des chaussures taillées pour d’autres qui ont mis en place des choses qui aujourd’hui ne fonctionnent pas bien.

Je vais vous livrer quelques éléments calamiteux de la gestion du calendrier qui vient de s’écouler. Je parle sous le contrôle de l’ancien président de la commission des affaires économiques qui, de la place qu’il occupe aujourd’hui, ne peut pas me démentir. C’est donc avec délectation que je vais pouvoir m’exprimer sans même qu’il puisse contester mon propos. (Rires.)

M. le président. Calmez-vous, monsieur Brottes !

M. François Brottes. Merci, monsieur le président, de ne pas chercher à neutraliser la parole de ceux qui s’expriment.

M. le président. Je suis attentif à toute dérive.

M. François Brottes. Je n’en suis pas encore là. Si je dérive, vous verrez ce que c’est !

D’abord, s’agissant du TARTAM, pardon, monsieur Poignant, combien de fois nous avons-vous proposé de reporter les échéances ? Avec mes collègues, nous avons présenté bien des amendements tendant à nous laisser du temps pour organiser le marché comme le souhaitait Bruxelles. En première lecture, le ministre de l’époque avait opposé à nos propositions qu’on ne pouvait pas toucher à cela, alors que le Sénat, comme souvent, a eu le droit de faire ce qui était refusé à l’Assemblée. Au passage, cela devient insupportable, y compris, je pense, pour les collègues de l’UMP. Cette précaution n’a donc pas été prise. Aujourd’hui nous la payons, et cela vous sert d’argument pour nous presser puisque le 31 décembre est une échéance incontournable. Il fallait y penser avant !

Autre sujet pour lequel le calendrier marche sur la tête, les quotas de CO2 que la France a négociés pour un certain volume. Il va manquer 400 millions d’euros. Le Sénat vient de s’en rendre compte, sans doute avec l’expertise du Gouvernement, et on invente une nouvelle taxe sur les opérateurs consommateurs d’énergie existants, sans prendre en compte les nouveaux entrants alors que c’était prévu. Au passage, on va aussi ponctionner un peu la taxe intérieure votée dans le texte. Encore de l’improvisation !

Nous nous interrogeons, monsieur le ministre, sur les retards du calendrier s’agissant des concessions hydroélectriques. Beaucoup de situations sont fragilisées aujourd’hui parce qu’en attente. Les barrages peuvent certes turbiner tout seuls, mais quand on ne sait pas comment vont être réattribuées les concessions ni dans quels délais, sachant qu’au lieu du mieux-disant ou du plus-disant, vous avez opté pour un concours de beauté qui laisse place à beaucoup d’arbitraire, on a tout lieu d’être inquiet dans nos régions de montagne, mais pas seulement. D’autant que certains, comme notre collègue Jean Dionis du Séjour, souhaitent que ces concessions hydrauliques soient bradées à tous les opérateurs entrants pour faire un semblant de concurrence.

M. Jean Dionis du Séjour. Bradées, comme vous y allez !

M. François Brottes. J’attire votre attention sur un point réglementaire. Votre collègue Nathalie Kosciusko-Morizet, que nous questionnions lors de son entrée en fonction, la semaine dernière, a indiqué qu’elle aurait la main sur l’approbation des tarifs des énergies renouvelables. Or, dans les textes existants, c’est le ministre chargé de l’énergie qui en est responsable, en aucun cas un autre. Soit ce qu’elle a dit est faux et c’est ennuyeux de démarrer une fonction ministérielle par un mensonge, soit c’est vrai et il faut vite changer la loi. Le problème est sérieux et doit être réglé.

Avec l’accélération du calendrier, nous assistons à une mascarade. Le président de la commission, à l’époque, était très fier de nous dire que l’urgence ne serait pas déclarée sur ce texte, que nous aurions deux lectures pour débattre vraiment et faire un travail parlementaire de qualité. Or, quand arrive la deuxième lecture, on nous dit : « Circulez, il n’y a rien à voir ! On est pressés, il faut voter conforme. » Autrement dit, c’est l’urgence. C’est même pire puisque, avec la plus grande hypocrisie, on se fiche des parlementaires en leur faisant croire qu’ils pourront faire un travail de fond. Même s’il devient courant d’avoir des deuxièmes lectures pour rien, c’est tout à fait insupportable et on ne s’y habitue pas. J’ose espérer que ces pratiques cesseront un jour, sinon autant supprimer carrément le Parlement.

Monsieur le ministre, a priori ce n’est pas vous qui répondrez à cette motion de procédure puisqu’il s’agit de décider le renvoi en commission. Vous aurez certainement l’élégance de considérer que c’est plutôt à celui qui assure l’intérim de la présidence de la commission de le faire, mais je vais tout de même vous solliciter sur des questions précises.

La première porte sur le changement de pied de la politique européenne. M. Proriol, qui suit ces questions, a vraisemblablement raté l’étape récente. Le nouveau commissaire européen à l’énergie, qui est Allemand, qui connaît bien ces sujets – je n’ai pas dit « à l’inverse de son prédécesseur », même si je le pense –, vient de faire un certain nombre de constats :

Il considère que la manière dont la libéralisation a été organisée en Europe ne fonctionne pas : les prix augmentent et peu d’opérateurs sont en concurrence.

Il pense qu’il serait bon de conserver sous monopole les réseaux de transport de l’énergie. Dans son pays, avec quatre gestionnaires de réseaux, c’est le bazar, dit-il. D’ailleurs, il y a eu une panne énorme à cause de cela en Allemagne. En France, notre dispositif marche encore plutôt bien. Il y a déjà quelque temps, nous avons proposé de mettre en place un grand réseau européen qui soit un monopole public pour le transport de l’énergie, à la fois de l’électricité et du gaz. C’est en effet une des seules manières que les États auront de conserver la main sur un bien vital complètement stratégique. La pensée européenne du commissaire est donc en train d’évoluer dans un sens qui nous intéresse.

Il dit autre chose d’extrêmement important s’agissant des économies d’énergie : si on continue à ne rien faire, au lieu des 20 % prévus, on atteindra seulement 9 %.

Sur ces questions, il est important que vous nous disiez, monsieur le ministre, comment la France s’inscrit dans la nouvelle attitude européenne concernant le secteur de l’énergie.

À propos des réseaux, j’espère que vous nous direz ce que vous pensez de l’hypothèse de M. Mestrallet de vendre une partie de GRTgaz, qui, je le rappelle, en un temps où vous exerciez d’autres responsabilités, monsieur le ministre, a été offerte pour un euro symbolique à Gaz de France, encore entreprise publique. M. Mestrallet serait prêt à ouvrir le capital du réseau de transport de gaz à on ne sait qui – encore que j’aie bien noté que Gazprom commençait à nous installer des compteurs intelligents. Comme je l’ai dit lors de questions au Gouvernement, il ne faudrait pas prendre les Français pour des imbéciles sous prétexte de leur installer des compteurs intelligents. Ce qui est inquiétant ici, c’est que GDF Suez, de mon point de vue, est opéable ; si le réseau de transport de gaz part vers ceux qui nous fournissent le gaz, demain, nous serons en bien mauvaise position en matière de prix et d’indépendance énergétique. Nous aurons beau avoir des tarifs réglementés, ils ne garantiront en rien contre une augmentation exponentielle des prix, car ce qui fait la sécurité du tarif, ce n’est pas qu’il est réglementé, c’est qu’il est accessible et pas cher pour les consommateurs.

Monsieur le ministre, j’aimerais donc connaître l’avis du Gouvernement sur l’ouverture du capital du réseau de gaz et du réseau de transport d’électricité.

J’en viens au nucléaire, sujet cher à M. Cochet notamment. Le fait que l’activité nucléaire soit publique en France entraîne son acceptabilité par les citoyens. Si, demain, elle devait être gérée par des opérateurs privés, alors la défiance serait au rendez-vous dans la population, mettant à mal des années et des années d’investissements. Une grande majorité de Français ne se sont pas encore rendu compte qu’EDF avait été privatisée et croient qu’EDF-GDF existe encore, ce qui montre bien que cette confiance est complètement liée au fait qu’il s’agissait d’une entreprise publique. Ne vous en déplaise, la création d’EDF-GDF par le Conseil national de la Résistance est une des belles choses qui nous ont été transmises (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), comme la sécurité sociale ou la retraite par répartition, tous choses qui, avec le service public tout entier, constituent le pacte social de notre pays, indispensable pour l’ensemble de nos populations et de nos territoires.

Monsieur le ministre, quel sort envisagez-vous pour la filière nucléaire si toutefois elle devait être privatisée, en tout cas dans sa gestion ?

Par ailleurs, où en est l’appel d’offres pour l’éolien offshore ? M. Borloo nous avait dit que c’était imminent. Mais, depuis, certaines éminences nous ont quittés (Sourires). Cela dit, il va bien falloir préciser l’échéancier.

S’agissant de la file d’attente des installations photovoltaïques, nous avons eu un débat très intéressant. À cet égard, je remercie l’ancien président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier, qui était à l’origine de cette rencontre. Nous avons pu avoir des échanges, les yeux dans les yeux, avec les opérateurs qui vendent de l’énergie photovoltaïque, ceux qui en profitent, ceux qui en profitent un peu moins mais qui voudraient en profiter au moins autant que les autres, et ceux qui nous disent que cela va coûter des milliards et des milliards à la CSPE, qui est adossée au tarif de l’énergie. Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître votre point de vue sur cette file d’attente des installations photovoltaïque qui est contestée puisqu’on nous a expliqué qu’elle était plus importante qu’elle ne l’est en réalité.

Par ailleurs, je souhaiterais connaître votre avis sur l’avenir de la contribution climat-énergie dont on ne parle plus alors qu’elle faisait partie des grands engagements du Grenelle. Certes, comme le Grenelle est mort et enterré, on peut comprendre qu’il n’y ait pas de réponse à ces questions, mais je vous pose néanmoins celle-ci.

Autre problème, le prix de l’ARENH. On délibère ici sur une règle du jeu. Mais ce qui importe, c’est de savoir quel sera le prix de l’énergie nucléaire. Jean Proriol prétend qu’il n’augmentera pas. Or il augmentera de 10 % au moins. Mais de combien ? De 42 centimes, de 38 centimes ? Monsieur le ministre, donnez-nous des indications avant l’adoption de ce texte, sinon nous ne sommes vraiment là que pour faire de la littérature ; vous me direz : cela ne changera pas beaucoup.

J’avais cru comprendre que M. Champsaur, libéral sérieux et remarquable que j’ai bien connu, devait être missionné pour réfléchir à ce prix. Mais quand j’ai interrogé M. Apparu à ce sujet, il a semblé évident qu’on n’avait rien demandé à M. Champsaur, contrairement à ce qu’affirmait la presse. On peut donc se demander qui réfléchit à quoi sur une question lourde de sens.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est vrai !

M. François Brottes. Si le TARTAM disparaît le 31 décembre, il va bien falloir fixer un prix d’ici là. Mais comment, et par qui ? J’ai bien compris que le Gouvernement souhaitait laisser cette responsabilité au régulateur, mais je ne pense pas que ce soit une bonne chose. La question est stratégique et elle nécessite des réponses claires de la part de ceux qui sont au pouvoir, quels qu’ils soient.

J’en viens à une question qui risque de vous gêner, et qui dure presque autant que le feuilleton du remaniement ministériel,celle de l’avenir de l’équipe de France du nucléaire. Qui va entrer dans le capital d’AREVA, et à quelle hauteur ? AREVA gardera-t-elle sa dimension d’entreprise intégrée, y compris en conservant ses mines d’uranium ? Son avenir est-il au Qatar, au Koweït, au Japon ? Quelle est sa stratégie internationale ? Quelles sont les combinazione entre EDF et AREVA aujourd'hui ? Qui est le pilote ? Dans son rapport, M. Roussely indique – mais il ne dévoile pas tout, le reste est classé secret défense, nous en avons l’habitude – qu’il faut au moins un pilote dans l’avion du secteur de l’énergie. J’ai cru comprendre que c’était vous, monsieur le ministre. Je ne demande pas que vous me répondiez ce soir mais j’espère que vous me donnerez demain des réponses utiles.

Il me reste quelques secondes pour évoquer une question fondamentale qui pourrait nous éviter de former un recours devant le Conseil constitutionnel, et qui concerne la transposition du paquet énergie. Le président Ollier, la majorité UMP, l’opposition communiste et socialiste avaient indiqué à l’époque qu’il n’était pas possible de transposer par ordonnance le paquet énergie en raison de lourdes conséquences sur les énergies renouvelables, les consommateurs, l’organisation des réseaux. D’un commun accord, Gouvernement et Parlement avaient ainsi décidé de retirer l’article de la loi NOME concernant la transposition de la directive. Or la proposition de loi issue du Sénat portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit communautaire, texte fourre-tout, prévoit, comme par hasard, la possibilité de transposer par ordonnance le paquet énergie. Monsieur le ministre, on ne peut pas accepter que le Parlement se dessaisisse de ces questions majeures. Il n’y a pas de raison pour que ce que nous avons tous refusé dans la loi NOME, nous l’acceptions dans un autre texte ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission, suppléant M. le rapporteur.

M. Serge Poignant, rapporteur suppléant. Monsieur Brottes, le texte portant nouvelle organisation du marché de l’électricité nous revient du Sénat, qui a fait un bon travail. En première lecture, 200 amendements environ avaient été examinés, dont une trentaine avaient été acceptés, hors amendements rédactionnels. En deuxième lecture, une centaine d’amendements ont été présentés, la plupart ayant déjà été rejetés en première lecture.

M. Jean Gaubert. Entre-temps, le ministre a changé !

M. Serge Poignant, rapporteur suppléant. Pendant la discussion, un certain nombre de questions ont été posées à juste titre. Le ministre avait proposé de se pencher sur ces questions, certaines relevant du domaine réglementaire, d’autres pouvant faire l’objet de rapports. Nous y reviendrons lors de l’examen des amendements, mais je tenais d’ores et déjà à vous apporter ces précisions.

Vous demandez le renvoi de ce texte en commission. Or je vous rappelle que cela retarderait la mise en place de l’ARENH. Il n’y aurait alors pas de continuité entre le TARTAM et l’ARENH.

M. François Brottes. C’est le dernier argument qui vous reste !

M. Serge Poignant, rapporteur suppléant. Je veux vous lire la réponse de la Commission européenne au Premier ministre à la fin de 2009 : « À ce stade de la procédure « aides d’État », nous considérons que compte tenu de l’ensemble des principes et engagements que vous avez indiqués dans votre courrier, et une fois que sera adoptée une loi reprenant intégralement les principes que vous avez énoncés concernant le TARTAM, les tarifs réglementés de vente de l’électricité et le dispositif d’accès régulé à la base, les conditions seraient réunies en principe pour proposer à la Commission une décision conditionnelle déclarant les tarifs visés par cette procédure compatibles avec les règles « aides d’État » du traité Commission européenne pour une période de temps limitée à 2010 pour le TARTAM et à 2015 pour les autres tarifs aux grandes et moyennes entreprises. »

Voilà pourquoi il n’y a pas lieu de revenir en commission.

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie.

M. Éric Besson, ministre. Monsieur le président, je serai bref, M. Brottes ayant accepté que je lui apporte des réponses lors de l’examen des amendements.

Constatons au moins ensemble, pour nous en réjouir, que le projet de loi NOME est une reconnaissance par la Commission européenne d’une spécificité française, puisqu’il permet des prix distincts en France et en Europe et qu’il accepte le principe de prix réglementés au moins pour les petits consommateurs.

En ce qui concerne les réseaux, nous sommes d’accord : ce n’est pas une activité comme une autre et elle doit susciter une très grande vigilance. Il reste des monopoles et des monopoles régulés. La loi garantit le caractère public des réseaux, notamment des réseaux de gaz de GDF-Suez. Les autres réseaux de gaz qui appartiennent à Total sont privés, mais restent des monopoles régulés.

Concernant le nucléaire, nous aurons l’occasion d’en débattre abondamment lors de l’examen des amendements. Le cap du Gouvernement reste celui que vous connaissez. Nous avons la chance d’avoir deux grands champions, EDF et AREVA. Nous voulons favoriser un partenariat stratégique de long terme entre eux, ce qui signifie qu’un certain nombre de questions doivent être traitées rapidement. Nous aurons l’occasion d’en discuter dans les jours à venir.

L’éolien offshore est un enjeu industriel majeur pour la France. Les décisions seront prises avant la fin de cette année. Quelles que soient les éminences, vous voyez donc que c’est imminent ! (Sourires.)

Le photovoltaïque a connu dans notre pays, du fait des dispositions qui ont été prises, un formidable engouement. Les objectifs de 2015 ont déjà été atteints. Par conséquent, faut-il maintenir ce dispositif en l’état ou, au contraire, apporter des adaptations ?

Concernant l’augmentation de capital d’AREVA en cours, vous comprendrez que je ne puisse la commenter.

Quant à la directive Marché intérieur, nous sommes prêts à travailler en toute transparence et à montrer, dès à présent, un projet quasi définitif du texte qui sera soumis à l’ordonnance. En tout état de cause, nous aurons l’occasion d’en débattre ici, notamment lors de l’examen de la proposition de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit communautaire, et j’essaierai de vous apporter d’autres précisions demain soir.

Monsieur le président, comme M. Ollier a bien suivi tous ces travaux, peut-être pourrait-t-il intervenir pour évoquer ce qu’a dit M. Brottes s’agissant d’un vote conforme.

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement.

M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement. Je souhaite intervenir pour interpeller la majorité et dire à M. Brottes qu’il s’est livré, comme à son habitude et avec le talent qu’on lui connaît, à des provocations auxquelles il n’aurait pas dû se laisser entraîner.

M. Patrick Lemasle. N’électrisez pas l’hémicycle, monsieur le ministre !

M. Patrick Ollier, ministre. Le texte que nous avons construit, lorsque j’étais encore président de la commission des affaires économiques, avec Jean-Claude Lenoir et Serge Poignant, est un texte abouti.

Monsieur Brottes, vous ne pouvez pas dire qu’il s’agit d’hypocrisie et que l’on se moque des députés.

La liberté du Parlement, c’est de construire la loi.

Mme Catherine Coutelle. On a vu ce que cela a donné la semaine dernière avec le projet de loi de finances !

M. Patrick Ollier, ministre. La liberté de la majorité, c’est aussi de faire confiance à son gouvernement. Et son devoir, c’est de lui faire confiance jusqu’au bout, même s’il lui demande de voter conforme dans l’intérêt général.

Avec Serge Poignant et Jean-Claude Lenoir, j’ai rencontré Jean-Paul Émorine et Ladislas Poniatowski. Nous avons construit avec eux, en amont, la discussion au Sénat et je leur suis reconnaissant d’avoir accepté de faire progresser, grâce à l’adoption de quatre-vingts amendements, ce que nous avions déjà construit à l’Assemblée.

Ne vous laissez donc surtout pas entraîner par les provocations de M. Brottes.

M. François Brottes. Nous n’avons pas participé aux mêmes réunions !

M. Patrick Ollier, ministre. Si le Gouvernement vous demande de voter ce texte conforme, c’est parce que l’intérêt général exige qu’il soit adopté avant Noël, ainsi que l’ont bien expliqué Éric Besson et Serge Poignant.

M. Jean Gaubert. On n’a qu’à déplacer Noël !

M. Patrick Ollier, ministre. Le TARTAM, que nous avons conçu ensemble avec Jean-Claude Lenoir – mais aussi avec votre concours, monsieur Brottes –, doit pouvoir être prolongé afin, notamment, que les entreprises électro-intensives puissent en profiter.

Ne vous étonnez pas que le Gouvernement vous demande de résister à la tentation de céder aux provocations de M. Brottes et de ses collègues.

Mme Catherine Coutelle. M. Brottes a été excellent !

M. Patrick Ollier, ministre. Je vous demande d’emblée de rejeter ses amendements.

M. François Brottes. Avez-vous donc si peur que votre majorité vous fasse défaut ?

M. Patrick Ollier, ministre. Après le remarquable travail d’élaboration et d’amélioration de cet excellent texte, travail dont je vous remercie et dont je remercie les sénateurs, nous irons jusqu’au bout pour faire en sorte que le projet soit voté conforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Brottes. Les injonctions du ministre sont insupportables !

M. Jean Gaubert. Et les applaudissements de la majorité très mesurés !

M. le président. J’ai noté dans l’intervention de M. Ollier une certaine nostalgie, au point que, parfois, il semble avoir éprouvé quelque difficulté à séparer son rôle d’ancien président de la commission des affaires économiques et ses nouvelles fonctions ministérielles.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Jean Dionis du Séjour. Le mot « provocation » pour qualifier le discours de M. Brottes semble un peu fort. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Certains propos de notre collègue socialiste me paraissent en effet justes.

Mme Catherine Coutelle. Merci, monsieur Dionis du Séjour !

M. Jean Dionis du Séjour. Ils ne se réfèrent pas directement au texte mais n’en restent pas moins intéressants, en particulier quand il s’agit de savoir quel sera le prix de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique. Vous n’êtes pas obligé de répondre, monsieur le ministre, mais vous vous honoreriez en levant le voile sur le prix de l’ARENH.

M. François Brottes. Il faut lever le voile de l’ARENH…

M. Jean Dionis du Séjour. Sera-t-il de 42 euros, de 30 euros, où en sommes-nous ? Notre collègue a raison, en tout cas, de s’interroger sur ce point.

En outre, où en sommes-nous de l’organisation de la filière nucléaire française ? Nous comprenons bien que certains dossiers sont en cours d’élaboration. Reste que, si je me réfère aux propos du Premier ministre sur la répartition des compétences ministérielles, une partie du secteur de l’énergie continue de relever du ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, tandis que l’énergie nucléaire, pour sa part, est placée sous la responsabilité de M. Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique.

Il importe par conséquent que vous nous informiez des axes stratégiques de l’État : veut-il une équipe de France intégrée et, dans l’affirmative, quels moyens va-t-il donner ? La responsabilité de l’énergie nucléaire vous incombant, selon le choix du Président de la République et du Premier ministre, il conviendrait, monsieur Besson, que vous nous indiquiez quelle direction le Gouvernement entend prendre. Sur ce point, l’intervention de M. Brottes s’est révélée pertinente. Le Gouvernement s’honorerait de répondre à cette question, j’y insiste, même s’il n’y est pas obligé dans la mesure où, quoique connexe, elle ne concerne pas directement le texte.

Si l’on en revient aux questions logistiques, nous devons assurer la continuité entre le tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché et la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité. Nous devons clore un contentieux avec l’Union européenne qui dure depuis quatre ans.

M. le président. Vous avez dépassé de douze secondes les deux minutes qui vous étaient imparties, monsieur Dionis du Séjour. Je vous rappelle que vous disposez de dix minutes dans la discussion générale.

M. Jean Dionis du Séjour. Suivant votre bon conseil de me hâter vers ma conclusion, monsieur le président, je dirai qu’il n’est pas urgent de renvoyer ce texte en commission ; le groupe Nouveau Centre ne votera donc pas cette motion. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Lemasle. Deux minutes douze secondes de plaisir, et tout ça pour ça !

M. le président. La parole est à M. Jean Proriol, pour le groupe UMP.

M. Jean Proriol. Je note une différence entre l’argumentation de Daniel Paul et celle, plus subtile, moins idéologique, de François Brottes, que nous avons l’habitude d’entendre sur ce sujet.

M. François Brottes. Merci, camarade !

M. Jean Proriol. Je ne suis toutefois pas de l’avis de Jean Dionis du Séjour : il y avait bien quelques provocations (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC), en tout cas des débordements du sujet, de la part de M. Brottes quand il a demandé si le Réseau de transport d’électricité allait ouvrir son capital, puisque le texte ne le prévoit pas, ou quand il a demandé si le gestionnaire du réseau de transport de gaz allait lui aussi ouvrir son capital, puisque le texte ne le prévoit pas non plus.

M. François Brottes. Certes, mais cette ouverture de capital est liée au texte !

M. Jean Proriol. La privatisation de l’énergie nucléaire évoquée par M. Brottes ne figure pas davantage dans le projet.

Quant au prix de l’ARENH, M. Brottes s’en étonne, ce qui est surprenant de la part de quelqu’un qui nous a habitués à fustiger un projet de loi en connaissance de cause. Le texte définit la méthode grâce à laquelle la Commission de régulation de l’énergie tâchera de déterminer le meilleur prix possible en ne lésant pas EDF – qui ne doit pas supporter tous les coûts de production de l’énergie nucléaire – tout en accordant aux opérateurs de justes conditions d’entrée.

M. François Brottes. Ce n’est pas la CRE qui importe mais ce qui est écrit au tableau !

M. Jean Proriol. Nous ne vous avons pas interrompu, monsieur Brottes, et Dieu sait pourtant si nous en avions envie !

Quant au TARTAM, vous aurez l’occasion, après l’avoir voté, de le proroger jusqu’au 31 décembre.

Enfin, la privatisation est la marotte de notre ami Brottes. Nous avons croisé le fer à propos de La Poste, dont il annonçait la privatisation urbi et orbi (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) ;…

M. François Brottes. Tous les bureaux de poste ferment !

M. Jean Proriol. …il appelait toutes les forces de la terre à s’y opposer. Or il n’y a pas eu plus de privatisation de La Poste que d’AREVA, de RTE ou de G…, du nucléaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jean Gaubert. Vous alliez dire GDF !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Coutelle, pour le groupe SRC.

Mme Catherine Coutelle. Comme François Brottes l’a exposé avec brio, nous demandons le renvoi de ce texte en commission. Ce projet apparaît très technique, au vu des termes que nous employons, mais il n’en reste pas moins très important pour la vie quotidienne des Français et celle des entreprises. Nous ne pouvons donc nous cacher derrière un débat technique.

Outre les modifications apportées par le Sénat qui nous conduisent à demander le renvoi du texte, François Brottes l’a souligné : il nous faut tenir compte du changement de périmètre du ministère. Même si le ministre, qui n’est plus le même, doit assurer la continuité de l’État, d’autant que le Premier ministre a été reconduit dans ses fonctions, le ministère dont relève ce texte a changé et ce n’est pas seulement un symbole. Reflet marquant de la nouvelle politique, le texte n’est plus défendu par le ministre de l’environnement mais par un ministre rattaché à Bercy, c’est-à-dire au ministère de l’économie, des finances et de l’industrie.

Autrement dit, il ne s’agit plus d’insister sur les économies d’énergie mais sur les économies concernant la production, la distribution de l’électricité et sur ce que la réorganisation de ce marché va rapporter à l’État. L’esprit n’est donc plus du tout le même que celui dans lequel nous avions discuté et voté le texte en première lecture.

En outre, le commissaire européen concerné est beaucoup moins attaché à la concurrence complète dans le domaine de l’énergie ; il en est revenu, comme bien d’autres. Le contexte européen a donc lui aussi changé.

Si ces deux points nous conduisent à demander le renvoi du texte en commission, c’est aussi le cas des tarifs. On note une flambée de 11 % pour les six derniers mois et l’on prévoit une augmentation de 25 % d’ici à 2015. Les Français ont le droit de savoir à quelle sauce ils seront mangés. Or, sans vouloir ajouter aux jeux de mots auxquels nous nous sommes déjà livrés, il va bien falloir lever le voile, donner le vrai prix, les tarifs de l’ARENH.

Enfin, force est de constater que la concurrence ne marche pas puisque les Français n’ont pas quitté l’opérateur public. Donnons-lui donc la possibilité de continuer sa mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe GDR.

M. Daniel Paul. Si Montesquieu était l’un de nos contemporains, il écrirait sans doute des lettres persanes pour s’étonner d’un pays où l’on prétend, pour faire baisser les prix de l’électricité, commencer par les faire augmenter par l’ouverture de ce secteur à la concurrence, car c’est bel et bien ce qui va se passer, quel que soit le prix de l’ARENH ; et je ne reviens pas sur les autres raisons d’augmenter les prix.

Notre camarade Montesquieu… (Exclamations ironiques sur les bancs des groupes UMP et NC.) Nous avons le droit d’en faire un contemporain éclairé…

Montesquieu s’étonnerait, dis-je, que vous n’observiez pas ce qui se passe ailleurs où la libéralisation de l’électricité a déjà eu lieu. Si j’étais sûr qu’une telle libéralisation entraîne demain des tarifs sans cesse moins élevés pour une électricité de bonne qualité, pour la grande satisfaction des consommateurs, dans l’intérêt du pays et des salariés d’EDF, je serais prêt à voter ce texte. Mais nulle part on n’a constaté une telle réalité. Le philosophe s’étonnerait par conséquent que vous ne tiriez pas les leçons de ce qui advient ailleurs.

Il s’étonnerait sans doute aussi que vous soyez si persuadés que le libéralisme que vous défendez conservera les tarifs régulés. Chers collègues, vous savez autant que moi que, pour des raisons de rapports de force, de prudence, il est jugé préférable par un certain nombre de hautes autorités d’avancer pas à pas. On a commencé par annoncer qu’on n’ouvrirait pas le capital d’EDF, qu’on ne privatiserait pas GDF ; or c’est fait.

Ainsi, l’étape suivante prévoit la vente par EDF d’une partie de son électricité nucléaire, avec la promesse de s’en tenir là. Mais vous savez bien que ce ne sera pas le cas.

Montesquieu s’étonnerait ensuite que vous n’écoutiez pas ce commissaire européen évoqué par François Brottes, commissaire qui n’est pas suspect, lui, d’être un antilibéral primaire. Il y croyait, il y croit sans doute encore, mais il s’interroge puisque la libéralisation n’a pas eu les effets escomptés. Pourtant, vous si prompts à écouter tout ce que dit la Commission européenne, vous ignorez les positions de ce commissaire.

Sans doute Montesquieu ajouterait-il que c’est là le résultat d’aveuglements coupables parce que, dans les jours qui viennent, vous allez porter un mauvais coup à notre pays, aux consommateurs, sur le plan social, et à notre économie. Nous aimerions empêcher ce mauvais coup. Montesquieu s’étonnerait que dans un Parlement dont les pouvoirs ont prétendument été augmentés, l’opposition ne puisse s’exprimer davantage, défendre davantage ses positions. Et pourquoi faut-il que deux ministres demandent à leur majorité de ne pas défendre leurs amendements ? Voilà ce que vous êtes en train de faire, voilà ce que Montesquieu mettrait en évidence. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. À titre exceptionnel, parce que la référence, ce soir, du groupe GDR était Montesquieu, j’ai laissé M. Paul dépasser son temps de parole. Mais il n’était peut-être pas bienvenu d’entendre Montesquieu qualifié de « camarade ».

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, au nom des centristes, je voulais tout d’abord souhaiter bonne chance à la nouvelle équipe gouvernementale qui va traiter des problèmes de l’énergie, nucléaire en particulier. À elle de faire prospérer…

(À ce moment, des banderoles sont déployées dans les tribunes du public.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures, est reprise à vingt-trois heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

Veuillez poursuivre, monsieur Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, j’espère que mon deuxième départ sera plus calme que le premier.

M. le président. Ne provoquez pas les cieux !

M. Jean Gaubert. C’était un faux départ !

M. Jean Dionis du Séjour. Avant toute chose, mes chers collègues, permettez aux centristes de saluer l’action réformatrice de Jean-Louis Borloo à la tête du MEDAD pendant trois ans et demi…

Mme Catherine Coutelle. Il n’y est plus !

M. Jean Dionis du Séjour. Cela ne nous a pas tout à fait échappé.

M. Jean-Louis Gagnaire. À titre posthume, donc !

M. Jean Dionis du Séjour. La loi NOME n’est pas une législation isolée. Elle doit être pensée de manière cohérente avec les réformes structurantes telles que Grenelle 1 et 2, notamment sur la CSPE et la volonté de faire décoller les énergies renouvelables.

Mme Catherine Coutelle. Y compris l’éolien !

M. Jean Dionis du Séjour. Les centristes souhaitent bonne chance à la nouvelle équipe gouvernementale, notamment au ministre qui a la charge de l’énergie nucléaire. À elle de faire prospérer le bel héritage qui est le sien.

Nous avions clos l'examen en première lecture en saluant les avancées permises par le projet de loi NOME et en espérant que la seconde lecture permettrait d'aller plus au fond des choses en termes de concurrence.

Force est de constater, après l'examen en commission des affaires économiques, que le débat sera limité et que le texte définitif sera proche de celui adopté en première lecture par notre assemblée.

Deux échéances empêchent en effet une réforme plus profonde : la fin du tarif transitoire d'ajustement au marché ; la contrainte des procédures que la Commission européenne a lancées à l’encontre de la France.

Afin d’affronter la première, nous avons, le 11 mai dernier, adopté la proposition de loi Poniatowski, qui a permis de prolonger le TARTAM de six mois, jusqu'à la fin décembre 2010. C'est demain : d’où l'urgence dans laquelle se trouve le Gouvernement, qui souhaite enchaîner sans discontinuité la fin du TARTAM et la mise en application de la loi NOME.

Cette volonté de gestion, les députés centristes peuvent la comprendre. Nous n'avons donc pas l'intention de gêner le Gouvernement sur ce point.

Mais certains problèmes de fond ne sont pas résolus par la loi NOME ; ils ne vont pas s'évanouir. Les centristes entendent profiter de ce débat pour faire des propositions sur ces problèmes restant à résoudre et prendre date.

Deuxième urgence : la procédure européenne. La Commission européenne a lancé à l’encontre de la France, dès le 4 avril 2006, une procédure pour manquement dans la mise en œuvre de la directive 2003-1954 et plus précisément son article 3.

Encore une fois, la Commission européenne a eu raison de souligner que le marché français de l'électricité n'est pas concurrentiel et qu'il est bon de le réformer.

D'abord parce que la France est actuellement le seul pays de l'Union où l'opérateur historique en électricité n'a pas été contraint de vendre une partie significative de ses moyens de production. Aujourd'hui encore, la totalité de nos cinquante-huit tranches de nucléaire est propriété exclusive d'EDF. À titre d'exemple contraire, citons la Belgique, qui a obligé son opérateur historique Electrabel à vendre une partie de sa production nucléaire.

Ensuite, parce que le marché français de l'électricité est encore ultradominé par EDF, qui a conservé 87 % des abonnés professionnels et 96 % abonnés particuliers.

Dans ce contexte contraint, le Gouvernement, sachant qu'il est objectivement sous la menace d'un vide juridique et d'une amende élevée, a pris l'initiative du rapport Champsaur. Ce dernier a proposé plusieurs pistes. C'est finalement la solution d'un accès régulé à la base à hauteur de 25 % de celle-ci, soit environ 100 térawattheures par an, qui a été retenue.

Cette solution a le mérite d’exister et d’éteindre un contentieux. Loin d'être une solution miracle, elle répond à l'injonction européenne tout en gardant un opérateur unique pour les centrales nucléaires françaises, ce qui est un plus en matière de sécurité et d'optimisation de l'utilisation de la base française.

Restent certains problèmes de fond non résolus par le texte que notre assemblée adoptera. Nos amendements visent à prendre date, car il faudra bien résoudre ces problèmes rapidement.

Premièrement, la fixation du prix de l'ARENH – au-delà du jeu de mots, le problème est réel – et des tarifs régulés. Le texte confie au Gouvernement la tâche de le fixer pour une durée de trois ans. La rumeur des milieux autorisés – selon l’expression chère à Coluche –…

M. Yves Cochet. Qui s’autorisent entre eux ! (Sourires)

M. Jean Dionis du Séjour.… affirme que nous nous acheminons vers un tarif d’environ 42 euros le mégawatheure, en continuité avec le TARTAM.

Or, aux dires de la CRE comme des concurrents d'EDF, ce tarif est bien au-dessus des 34 euros le mégawatheure, le prix de revient le moins contesté, et en tout cas celui auquel la branche commerciale d'EDF achète en interne son électricité à la production d'EDF.

Comment vont faire les concurrents d'EDF qui, eux, l'achèteront à 42 euros et seront tenus aux mêmes tarifs de vente qu'EDF ?

Nous redisons notre scepticisme quant à l'efficacité de la NOME pour créer une véritable concurrence. L'État détient 84,9 % du capital d'EDF, une société qui a dégagé 3,9 milliards d'euros de bénéfices en 2009.

En donnant à l'État le pouvoir de fixer le prix de l'ARENH et, pour faire bonne mesure, celui des tarifs d'électricité aux consommateurs finaux pour une durée de cinq ans, nous, législateurs, créons les conditions d'un lourd conflit d'intérêts. L'État actionnaire aura intérêt à maximiser constamment les profits d'EDF alors que l'État régulateur aura la charge d'organiser une concurrence équitable.

Aucun des arguments avancés pour retarder le transfert du pouvoir régulateur à la CRE n'est sérieux : ni la complexité des évaluations à faire, ni l'argument d'une transition politique à effectuer ne nous convainquent.

Pour sortir de ce conflit d'intérêts – encore une fois, nous prenons date par rapport au futur contentieux européen –, le Nouveau centre propose une vision cohérente qui s'appuierait sur quatre décisions fondatrices consistant, premièrement, à installer définitivement la CRE comme régulateur fort en lui confiant le pouvoir de fixation du prix de l'ARENH dès la promulgation de la loi ; deuxièmement, à confier à la CRE l'administration des tarifs réglementés de manière à pouvoir réguler l'achat et la vente d'électricité ; troisièmement, à donner à la CRE la responsabilité de l'observation des marges réalisées par les distributeurs spécialisés dans l'achat et la revente d'électricité, y compris, bien sûr, pour l'opérateur historique ; quatrièmement, à conférer à la CRE le pouvoir de sanction en cas de marges exorbitantes.

Cette vision avait été adoptée lors d'une première délibération en commission lors de l’examen du texte en première lecture. Vous êtes revenus sur ce vote. Dont acte. Mais nous vous alertons solennellement : si elle n'est pas rapidement corrigée, la loi que nous allons voter aujourd’hui sera lourde de contentieux européens à venir.

Seconde et dernière question au cœur de la réforme : la contribution au service public de l’électricité – CSPE. Lors de l’examen du texte au Sénat, quelques dispositions nouvelles ont été prises.

Pour la petite hydroélectricité, un article entérine le compromis trouvé par le ministre en juillet dernier permettant la reconduction des tarifs d'achat pendant quinze ans. J'y reviendrai.

Par ailleurs, un article a modifié les coûts de raccordement des producteurs d'électricité aux réseaux de distribution : ceux-ci étaient pris en charge à hauteur de 60 % par la CSPE. Ils peuvent maintenant l’être à 100 %.

Ces dispositions vont dans le bon sens. Mais la loi que nous allons adopter ne fait qu'effleurer le sujet central qu'est devenue la CSPE. En clair, la CSPE est-elle le bon outil pour financer – par l'augmentation du prix de l'électricité au consommateur – tous les objectifs politiques relatifs à l'énergie : énergies renouvelables, péréquation territoriale, tarifs sociaux ?

Les parlementaires ont adopté, il y a quelques jours, un amendement au projet de loi de finances pour 2011 entraînant une nouvelle hausse des tarifs de l'électricité à partir de janvier, via un relèvement de la CSPE de 3 euros maximum le mégawattheure. Cet amendement se justifiait par le fait que, depuis 2009, le coût des charges de service public a crû de manière exponentielle en raison de l'explosion des investissements, notamment dans le photovoltaïque.

Au nom de mon groupe, nous appelons, bien sûr, à une maîtrise des coûts de démarrage des filières des énergies renouvelables. Mais, en contrepartie, le Gouvernement doit s'engager à donner plus de lisibilité à ces filières, car elles souffrent actuellement de politiques publiques mêlant hésitation et confusion.

M. Yves Cochet. Tout à fait !

M. Jean Dionis du Séjour. Yann Maus, gérant de Fonroche Énergie et récemment élu président d'Industrie photovoltaïque française, association qui fédère tous les acteurs industriels de cette toute jeune filière, a formulé une série de propositions pour accompagner durablement et sainement la filière photovoltaïque injustement prise en bouc émissaire. Pourquoi, par exemple, ne pas proposer une dégressivité du tarif de rachat selon la puissance installée du projet ?

M. Yves Cochet. C’est le contraire qu’il faut faire !

M. Jean Dionis du Séjour. Pourquoi ne pas organiser un quota de puissance annuelle à raccorder pour chacun des objectifs publics – bâtiments, hangars agricoles, etc. ?

Ces propositions soumises à Jean Louis Borloo, quand il était encore ministre,…

M. Jean Gaubert. Paix à son âme !

M. Jean Dionis du Séjour. …ont été qualifiées de « bonnes idées ». Que comptez-vous en faire, monsieur le ministre ? J’ai bien compris que les énergies renouvelables étaient plutôt de la responsabilité de Nathalie Kosciusko-Morizet, mais, en tant que représentant du Gouvernement, peut-être pourrez-vous nous répondre.

Enfin, il faut parler clair et encourager la filière vertueuse qu'est l’hydroélectricité, et notamment la petite hydraulique.

À l'heure actuelle se pose la question de la survie des quelque 1 200 centrales existantes. Un manque de liquidités, une volatilité forte, des coûts d'investissement insurmontables pèsent sur cette petite production. L'organisation mise en place par cette loi renforcera les difficultés rencontrées par la filière. Comme l'étude d'impact adossée au projet de loi NOME le souligne, les fortes incertitudes des évolutions du marché sont réelles : à vrai dire, d'un côté, on protège les principaux intervenants du secteur en créant un système réglé sur mesure ; de l'autre, on envoie les entreprises hydrauliques les plus modestes sur un marché sans protection.

Monsieur le ministre, la loi NOME devrait être l'occasion d'assurer à la petite hydroélectricité la même visibilité que celle accordée aux fournisseurs alternatifs comme aux consommateurs.

L’article 1er bis B renvoie « à la réalisation d'un programme d'investissement défini par arrêté ». Que contiendra cet arrêté, monsieur le ministre ? Vous ne pouvez pas jouer à cache-cache avec la représentation nationale et avec toute une filière de notre bouquet énergétique. Je vous remercie de nous préciser ce que prévoit cet arrêté pour la petite hydroélectricité.

Telles sont les propositions et les pistes de travail que les centristes mettent sur la table à l'occasion de cette deuxième lecture. Que ce soit sur le rôle de la CRE et le conflit d’intérêts entre l’État régulateur et l’État actionnaire ou sur les énergies renouvelables, le Gouvernement serait bien inspiré de répondre sur le fond à nos questions. On a toujours besoin d'un plus petit que soi. (Sourires.) C'est vrai en politique. Ça l’est aussi dans le débat sur l'énergie.

M. Philippe Folliot. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Proriol, pour le groupe UMP.

M. Jean Proriol. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, en faisant déposer ce texte le 14 avril dernier par Jean-Louis Borloo au nom de François Fillon, le Gouvernement a voulu donner du temps au Parlement puisqu'il n'a pas déclaré l'urgence. Cela nous a permis d'entendre tous les partenaires et de prendre connaissance des rapports Charpin et Poignant-Sido, de celui de la CRE sur la qualité de l'électricité et de celui d’André Schneider et Philippe Tourtelier intitulé : Énergie : quelle stratégie européenne ?

Notre organisation du monde de l'électricité est soumise, comme beaucoup d'autres, à deux influences : la première est la nécessité de moderniser et d'adapter notre système national spécifique et de faire face aux évolutions technologiques ; la seconde est la nécessaire transposition, dans ce domaine comme ailleurs, des directives européennes.

Le texte qui nous revient en deuxième lecture du Sénat nous donne satisfaction, d'abord parce qu'il ne remet pas en cause, bien au contraire, les grandes orientations votées par notre Assemblée ; ensuite, parce que les modifications et précisions du Sénat nous confortent. Nous proposons donc de retenir les vingt-quatre articles qu'il compte désormais, au lieu des onze dans sa version initiale.

En effet, l’accès régulé à l'électricité nucléaire historique d'EDF instauré en faveur des opérateurs alternatifs se voit doter d'un régime juridique connu maintenant par ses initiales : l'ARENH. L'article 1er précise les modalités de cet accès à la base nucléaire. Les volumes transférés par EDF le seront pour une durée d'un an mais cette ouverture peut aller jusqu'en 2025. La CRE jouera chaque année le rôle d'interface entre EDF, le fournisseur, et les opérateurs demandant à être bénéficiaires de cet accès. Le prix de l'électricité cédée par EDF – qui a suscité bien des interrogations – est encadré mais est encore inconnu à ce jour ; les modalités de son calcul seront précisées par décret en Conseil d'État après avis de la CRE et il sera réexaminé chaque année afin de rester représentatif des conditions économiques de production d'électricité par les seules centrales nucléaires.

Ainsi la loi NOME, sur injonction de la directive européenne, oblige EDF à céder une part de sa production nucléaire à ses concurrents, ce qui offre une plus grande liberté de choix aux consommateurs finaux.

Aujourd'hui EDF, opérateur historique, bénéficiant de par ses centrales nucléaires du prix de revient le moins cher en France, et même en Europe, devra donc le partager pour un volume de l'ordre de 20 %. C'est un sacrifice important. Aussi la loi NOME impose-t-elle que le prix de cession soit au coût complet de production du kilowatt nucléaire.

C’est à mon sens l'article majeur de la loi NOME,

La naissance de l'ARENH entraînera la fin du tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché – le TARTAM –, créé en 2004, qui sera prolongé jusqu'au 31 décembre 2010, pour faire la jonction.

Je veux souligner dans cette loi d'autres dispositions intéressantes.

Premièrement, un tarif spécial de solidarité – TSS – est lancé dans le secteur gaz. Il sera le pendant du tarif de première nécessité – TPN – existant dans le secteur de l'électricité.

Deuxièmement, les taxes locales sur l'électricité, contreparties versées par les fournisseurs aux autorités concédantes, sont confortées et, surtout, mises en conformité avec le droit communautaire. Elles reposeront sur une nouvelle assiette : les consommations en volume et non plus comme actuellement sur 80 % du montant facturé.

Troisièmement, la loi améliore la transparence sur les investissements d'ERDF. Elle rend obligatoire la remise d'un compte rendu annuel de sa politique d'investissement aux autorités concédantes. Nous aurons l’occasion d’en parler plus longuement tout à l’heure.

Pour conclure, j’aborderai, comme mes prédécesseurs, la question des contrats d'achat dont bénéficient les installations de production hydroélectrique. Les contrats dits « 97 » ont été signés à cette date pour quinze ans. Leur échéance tombe donc en 2012. Cela concerne quelque 1 200 petites centrales qui ne fournissent pas moins de 3 térawattheures annuels, soit autant que la production prévue dans la convention pour la relance de l'hydroélectricité signée par le ministre d'État chargé de l'environnement, le 23 juin 2010. L'esprit de cette convention, c'est le renouvellement, toutes choses étant égales par ailleurs. Si des investissements sont nécessaires pour des raisons environnementales, de sécurité ou de meilleure productivité, on peut le comprendre. Mais si de tels investissements ont été effectués dans une période récente, il est excessif d'en imposer d'autres qui ne seraient ni utiles, ni amortissables sans rachat ! Nous considérons en effet qu’il s’agit d’une énergie verte renouvelable, indispensable pour franchir les pointes de consommation sans peser sur la contribution au service public de l’électricité, la CSPE.

Le texte qui nous est proposé, court en articles, n’est donc pas bavard ; il est technique par certains aspects et européen par d'autres, dont ceux transposant la directive. Il constitue la nouvelle charpente législative de notre marché de l'électricité. Le groupe UMP vous invite, mes chers collègues, à le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en première lecture, le ministre et le rapporteur nous ont longuement expliqué que ce texte avait un seul et unique objet : la nouvelle organisation du marché de l'électricité avec, comme mesure phare, l'accès régulé à l’électricité nucléaire historique, l’ARENH.

On nous a expliqué avec insistance que l'objet du texte étant limité, il n'était pas question de s'éloigner de la feuille de route. Dès lors, tous nos amendements tendant à élargir le champ ont été, pour ce motif, repoussés.

Nos collègues sénateurs ont eu plus de chance que nous puisque, lors de la première lecture, ils ont pu faire adopter un certain nombre d'amendements sur des sujets qu’il nous avait été refusé d’aborder.

D'où, il faut l’avouer, monsieur le ministre, une certaine frustration et, en même temps, l'espoir d’être mieux entendus lors de cette seconde lecture. Je ne me fais, cependant, guère d'illusion puisque la volonté affichée par le rapporteur et le Gouvernement est d’obtenir un vote conforme à l'Assemblée nationale.

Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, nous avons déposé un certain nombre d'amendements qui, je l'espère, vous interpelleront.

La problématique à laquelle entend répondre le texte n'est pas simple : il s'agit d'ouvrir à la concurrence un marché marqué, en France, non seulement par la présence d'un opérateur historique, EDF, en situation de quasi-monopole pour la production d'électricité, mais aussi par le choix de l'énergie nucléaire.

Au-delà de la complexité d'une libéralisation du marché de l'électricité dans un tel contexte, c'est aussi notre pacte républicain qui est en cause.

N'oublions pas que le Préambule de la Constitution de 1946, composante du bloc de constitutionnalité, affirme que « tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».

À l’évidence, l'électricité d'origine nucléaire ne peut pas s'adapter aux pratiques habituelles du marché, pour plusieurs raisons : à cause, premièrement de son importance stratégique et de l'impératif de sécurité lié à sa gestion et à son traitement, deuxièmement de son caractère de produit de première nécessité, troisièmement de l'obligation d'établir un maillage suffisant de réseaux de qualité.

L'enjeu de ce projet de loi NOME n'est pas seulement technique, comme on a voulu nous le faire croire en commission ; il est également politique. Il est donc indispensable, dans une réflexion sur l'énergie, de penser le système énergétique dans sa globalité : technique, politique, économique, sociale, juridique.

Nos concitoyens sont de plus en plus inquiets quant à l'avenir tarifaire de l'énergie, à cause de la part importante qu'occupe l'énergie dans leur budget, de la complexité du système, du nombre des fournisseurs, du manque de transparence et de simplicité dans la fixation des tarifs, de l'augmentation croissante des contentieux sur la facturation. Ils ont bien conscience qu'avec ce texte, une étape importante de l'histoire de l'électricité va être franchie et qu’ils risquent, une fois de plus, d’être pris en otages, avec une incidence directe sur l'augmentation des tarifs.

Tout le monde s'accorde à le reconnaître : le sujet essentiel de la loi NOME est bien la fixation et même l'augmentation des tarifs. Le texte est totalement muet à ce sujet ; on ignore aujourd'hui sur quelles bases, après quelles études d'impact, ils seront fixés. Ce que l'on sait, c'est que le coût actuel de l'électricité de base d'origine nucléaire s'élève à 30,90 euros par mégawattheure.

Nous savons également que le coût de l’accès régulé à l’électricité de base ne sera pas de 30,90 euros, contrairement à ce que le Gouvernement a répété à plusieurs reprises, notamment devant la commission des affaires économiques. Comment, en effet, concilier ses propos avec ceux de M. de Ladoucette, président de la CRE, qui, graphiques à l’appui, a bel et bien démontré en commission l’augmentation des tarifs ? Ainsi, pour les clients résidentiels, les projections révèlent un coût de cession de 37, 20 euros par mégawattheure, ce qui impliquerait une majoration de 7,1 % des tarifs réglementés en 2011, puis de 3,1 % par an entre 2011 et 2025. Au prix de 42 euros, réclamé par EDF, les hausses de tarifs seraient de 11,4 % en 2011, puis de 3,5 % par an entre 2011 et 2025. Ce n’est pas le groupe socialiste qui a fait ces projections, mais le président de la Commission de régulation de l’énergie.

D’ailleurs, la mécanique infernale a déjà été enclenchée par anticipation puisque, le 15 août, au beau milieu de l’été, les factures d’EDF ont poursuivi leur ascension : 3 % pour les particuliers, 4 % pour les artisans et les professions libérales, 4,5 % pour les PME, 5,5 % pour les grandes entreprises. Une nouvelle hausse de 3 % est prévue pour janvier 2011. L’escalade insupportable pour les ménages continue, elle devient insoutenable et accentue la précarité énergétique de nos concitoyens.

Certes, les tarifs réglementés seront maintenus pour les ménages mais, à terme, d’augmentation en augmentation, ils se rapprocheront des prix du marché et finiront donc par disparaître. N’est-ce pas, en fait, l’objectif visé ?

Pour faire passer la pilule, on nous expliquera une fois de plus que nous avons les tarifs les moins chers du monde, ce qui est faux puisque, pour l’électricité domestique, nous sommes derrière la Bulgarie, l’Estonie, la Grèce, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie, la Croatie et la Turquie.

M. François Brottes. Il y en a douze devant nous !

Mme Frédérique Massat. Nous pouvons donc faire mieux.

L’énergie est un bien de première nécessité. La gestion du parc nucléaire français ne peut être confiée à n’importe qui, dans n’importe quelles conditions ; il est impératif que l’opérateur historique recentre son activité sur ses missions de service public, sur la qualité des réseaux de distribution, sur l’investissement en moyens humains et matériels dans les territoires, et ne soit pas pillé au profit d’opérateurs privés. Nos concitoyens sont très attachés à ce qui fut un fleuron du pays : l’entreprise publique nationale performante et efficace qui a construit notre maillage territorial en fournissant un courant de qualité à des prix acceptables.

Enfin, nos concitoyens souhaitent que l’État reste maître du jeu dans la fixation des tarifs et ne se défausse pas une fois de plus sur la CRE, comme ce fut le cas pour le gaz. Or ce texte complexe va nécessiter de nombreux ajustements. Juridiquement fragile, il va faire naître de nombreux contentieux.

Monsieur le ministre, je ne peux cautionner un projet de loi qui oublie les intérêts des citoyens, qui va entraîner une augmentation des tarifs en ouvrant de nouveaux espaces aux spéculateurs privés et, ainsi, lâcher les lions dans l’ARENH. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean Dionis du Séjour. Oh, bravo pour le jeu de mots !

M. le président. Je crains que ce ne soit pas le dernier ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à notre avis, qui est partagé, le projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité aura de graves conséquences, aussi bien en matière d’aménagement du territoire et d’impacts environnementaux qu’en termes d’égalité d’accès à l’électricité. En effet, la directive européenne organisant le marché de l’électricité que nous transposons aujourd’hui ne se préoccupe guère d’écologie. Mais elle comporte une autre aberration, centrale : elle ne tient aucun compte du caractère particulier de l’électricité, qui est un bien non stockable et de première nécessité, et qui devrait pour cette raison même faire l’objet d’une réglementation spécifique. Ce n’est pas le cas. Cette erreur d’appréciation est un nouvel avatar de ce paradigme libéral productiviste qui, depuis trois décennies, en France, sclérose les décideurs publics dès qu’il s’agit d’énergie. Cette politique erronée est incarnée par le choix de la centralisation nucléaire et la recherche d’une croissance supplémentaire des moyens de production électrique.

Avant d’en venir au texte qui nous occupe aujourd’hui, j’aimerais dire un mot sur le sort réservé à l’énergie et à l’écologie dans le nouveau gouvernement de M. Fillon. Il est évident que le remaniement ministériel affaiblit l’écologie, non pas à cause de la nomination de Mme Kosciusko-Morizet, mais simplement parce que le titre de ministre d’État n’est pas maintenu et que le ministère est dégradé dans l’ordre hiérarchique. Il faut voir en cela non seulement une symbolique, mais une volonté. Les tergiversations des différents ministres – et du Président de la République lui-même – autour des questions d’écologie n’ont cessé de s’aggraver ces derniers mois.

Quant à l’énergie, elle fait retour à Bercy : cela n’augure rien de bon pour les énergies renouvelables. Ce choix prouve que l’énergie n’est plus considérée comme un enjeu environnemental et social prioritaire, mais comme un domaine économique à faire fructifier, comme n’importe quel autre secteur. Cela indique que vous sous-estimez le poids environnemental et social de l’électricité.

Pourtant, la construction des réacteurs, l’extraction de l’uranium, son transport et le retraitement du combustible usé sont sources de CO2 : de 20 à 90 grammes par kilowattheure, selon les études, contre 840 pour une centrale à charbon ou 370 pour une centrale à cycle combiné à gaz modernes. Les 440 térawattheures nucléaires produits en France en 2007 ont donc émis entre 9 et 40 millions de tonnes de CO2. Sur ces 440 térawattheures, 340 seulement ont été fournis au réseau national. Un peu moins de 70 térawattheures ont été exportés, et 30 ont été consommés par le cycle nucléaire lui-même. Produits à partir de gaz naturel, ces 340 térawattheures auraient émis 126 mégatonnes de CO2. L’économie d’émissions de CO2 pour la France est donc de 96 à 116 mégatonnes de CO2, soit de 18 à 23 % des émissions totales de la France.

Du côté de l’indépendance énergétique, c’est bien évidemment au pétrole que l’on pense d’abord. Mais, là aussi, il faut avouer notre déception puisque, après trente-six ans de nucléaire, depuis le gouvernement de M. Messmer en 1974, nous consommons un peu plus de pétrole par habitant - 1,46 tonne - que nos voisins anglais : 1,33, allemands : 1,36, ou italiens : 1,31, alors que ces derniers n’ont plus de nucléaire.

Pour l’énergie, cela fait beaucoup. Après le renforcement de la réglementation et les projets anti-éoliens, le rapport Charpin, la nouvelle baisse des tarifs d’achat et le coup de rabot sur le crédit d’impôt en faveur du photovoltaïque dans le budget 2011, le retour à Bercy de la responsabilité de l’énergie n’augure rien de bon pour les filières renouvelables. On peut dire aujourd’hui que le monde de l’industrie fossile et du nucléaire a gagné. M. Dionis du Séjour parlait du Grenelle 1 et du Grenelle 2 : nous avons là un projet de loi qui est vraiment anti-Grenelle.

Permettez-moi de consacrer quelques instants au nucléaire, non pas pour lancer un débat de fond, mais parce que le texte prévoit de contraindre EDF à vendre à ses concurrents un quart de sa production nucléaire historique à prix coûtant. Or, ce n’est pas un secret, le prix du courant nucléaire affiché aujourd’hui a beau être inférieur à celui de la plupart – pas de tous, comme l’a rappelé l’oratrice précédente – de nos voisins européens, moins nucléarisés, il n’internalise pas divers coûts qui seront, pour l’essentiel, reportés sur les générations futures. Il s’agit principalement du coût de traitement des déchets, dont les filières s’évaporent à l’étranger – on se souvient du magnifique reportage, diffusé par Arte, sur la ville fantôme nucléaire Tomsk-7 en Sibérie, où l’on retrouvait des déchets français –, du coût de l’assurance, qui n’est presque pas pris en compte, et de celui du démantèlement des centrales en fin de vie.

L’accès régulé à l’énergie nucléaire – c’est-à-dire la possibilité offerte aux concurrents d’EDF de s’approprier jusqu’à 25 % de sa production d’électricité nucléaire historique – aura pour conséquence directe une augmentation des tarifs aux particuliers de 10, 15 ou 20 % – on ne sait – d’ici à 2015. Plusieurs orateurs l’ont dit, notamment mon collègue et camarade Daniel Paul, une électricité soumise aux seules lois du marché, c’est une augmentation inévitable des tarifs et, j’ajoute, un risque de pénurie.

Aucune formule économique de fixation du niveau de l’ARENH n’y changera rien : par nature, la loi NOME est instable et marque le début d’une bataille sans merci pour la rente nucléaire. Les prédateurs sont là pour accaparer cette rente et faire du profit, alors que, depuis trente-cinq ans, ils n’ont pas participé à sa constitution.

Je ne parlerai pas de l’absence d’ouverture aux énergies renouvelables – quitte à y revenir demain, à l’occasion de l’examen de certains amendements –, préférant insister sur les effets nocifs de la dégressivité. À mon sens, en effet, la loi NOME ne pouvait éluder la question centrale de la tarification. Celle-ci est actuellement fortement dégressive – plus on consomme, moins on paie –, donc antisociale et antiécologique. Un tel dispositif – qui pénalise les ménages les plus modestes, ceux qui vivent dans des appartements mal isolés et chauffés à l’électricité – ne peut que contribuer à la précarité énergétique. Pour les familles à revenus moyens, la facture énergétique représente en moyenne 7 % du budget. Cette part est beaucoup plus importante dans le cas d’un budget modeste : 300 000 ménages au moins sollicitent chaque année une aide pour le règlement de factures d’énergie impayées, principalement d’électricité.

Encore une fois, alors qu’il faudrait encourager la sobriété énergétique, vous proposez un système incitant au gaspillage, à la voracité. La dégressivité, contradictoire avec le Grenelle, décourage les efforts individuels ou collectifs de sobriété électrique, au point même que l’État est obligé d’intervenir de manière compensatrice pour inciter, malgré tout, nos concitoyens et nos industriels à la sobriété.

Le particulier ou l’industriel n’économise que sur la partie variable de sa facture, celle qui correspond à l’énergie consommée, mais il ne peut agir sur la partie fixe. Au contraire, la tarification progressive, qui devrait être au cœur de la loi NOME, inverse cette logique de gaspillage en rendant le signal-prix cohérent avec les objectifs d’équité sociale et de sobriété. Une première mesure en faveur de la progressivité pourrait être d’éliminer la part fixe de la facture, c’est-à-dire l’abonnement : elle ne figure évidemment pas dans votre loi.

En conclusion, ce texte n’est pas adapté aux besoins actuels de sobriété et de progressivité. Nous ne le voterons pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, assurer l’accès à l’électricité au juste prix pour l’ensemble de nos concitoyens est une mission essentielle des pouvoirs publics. La loi NOME doit permettre, et je m’en félicite, d’améliorer les conditions de développement d’un marché décisif pour notre économie et notre société.

Rappelons-le, l’ouverture à la concurrence du marché de la fourniture d’électricité répond à une exigence européenne fondée sur une logique économique vertueuse : la concurrence, pourvu qu’elle soit correctement régulée, incite les acteurs d’un marché à comprendre et à satisfaire au mieux les intérêts des consommateurs pour gagner des parts de marché. Concrètement, grâce à elle, des efforts sont sans cesse entrepris pour tirer les prix vers le bas et améliorer la qualité du produit ou du service rendu, notamment grâce à l’innovation.

Certains considèrent qu’en matière de fourniture d’électricité, cette concurrence est inefficace, alors que, en réalité, elle est encore en grande partie inexistante, notamment sur le marché de masse.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est vrai !

M. Daniel Fasquelle. Les nombreuses analyses qui ont été publiées mettent en évidence qu’à l’heure actuelle les nouveaux entrants ne disposent pas d’un espace économique suffisant pour se développer, voire pour survivre longtemps. Dépendants de l’offre d’électricité nucléaire d’EDF, qui est non seulement leur concurrent pour la fourniture d’énergie, mais aussi le producteur nucléaire unique, les nouveaux entrants se trouvent dans la situation pour le moins inconfortable de commerçants sommés de vendre une marchandise moins cher qu’ils ne l’ont achetée. À qui la faute ? À la réglementation, qu’il fallait évidemment changer. C’est ce que nous faisons avec ce projet de loi.

Si cette étrange situation est évidemment dommageable pour les nouveaux entrants, elle est également et surtout mauvaise pour les citoyens. Elle a été dénoncée très efficacement par une commission indépendante présidée par l’économiste Paul Champsaur, et elle risquerait, si elle perdurait, d’être sanctionnée par la Commission européenne. C’est pour mettre fin à cette situation que le Premier ministre s’est engagé vis-à-vis de l’Europe à améliorer les conditions de la concurrence dans ce secteur : cet engagement se concrétise aujourd’hui avec le projet de loi NOME que nous examinons en deuxième lecture.

En l’espèce, il ne s’agit pas d’améliorer la concurrence en facilitant l’arrivée de nouveaux acteurs, mais d’imposer une plus grande égalité des chances entre les nouveaux entrants et le commercialisateur historique. Cela ne doit pas inquiéter le producteur historique : qu’EDF vende son électricité directement aux consommateurs ou qu’elle la vende à un tarif proche aux nouveaux fournisseurs ne changera rien pour elle.

En revanche, cela donnera des marges d’action et un peu d’oxygène aux nouveaux entrants, aujourd’hui en situation structurellement déficitaire ; cela leur permettra de faire vivre la concurrence et d’innover dans l’intérêt de tous. Je pense, par exemple, aux boîtiers intelligents qui pourraient être mis en place rapidement et qui devraient permettre de consommer moins et mieux, tout en améliorant notre confort de vie.

Si tous les textes sont perfectibles, il convient de souligner combien il est urgent de voir celui-ci appliqué en l’état : urgence face aux autorités européennes, qui ont clairement fait comprendre que le retard de la France devenait critique ; urgence pour les nouveaux entrants, qui mourraient de ne pas voir les conditions d’une juste concurrence apparaître ; urgence enfin pour les citoyens, qui ont plus que jamais besoin d’être en mesure de mieux gérer leur énergie.

Ce dernier point, surtout, est fondamental. Au moment où nous nous rendons compte que l’énergie ne sera plus jamais aussi bon marché et abondante qu’auparavant, la concurrence régulée que permettra l’application de ce texte favorisera l’émergence d’une gestion plus intelligente de nos consommations. Cette loi – il faut s’en réjouir – incitera au développement rapide d’outils technologiques permettant la gestion raisonnée par le particulier de sa consommation d’électricité, outils qui font aujourd’hui étrangement et cruellement défaut.

C’est pourquoi je souhaite à mon tour que ce texte soit voté en l’état et que tout soit mis en œuvre pour qu’il soit appliqué le plus rapidement possible sur tous les segments de marché, dans l’intérêt, d’abord et avant tout, des consommateurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Dans les cinq minutes qui me sont imparties, je m’en tiendrai à quelques observations.

Tout d’abord, je loue votre honnêteté, monsieur le rapporteur suppléant et président de la commission par intérim. Nous la connaissions déjà, mais c’est la première fois que l’on entend ici un président de commission et rapporteur rappeler l’exacte vérité sur la chronologie des directives, rappeler notamment que la directive qui a complètement ouvert les offres de marché aux consommateurs datait de 2003. Elle faisait suite – vous l’avez dit aussi – à la décision prise par Mme Fontaine de ne plus se mettre en travers du chemin de l’Union européenne.

Dont acte. Ce débat est clos. Il est simplement dommage que le rapporteur en titre ne soit pas là : il aurait pu en prendre acte lui aussi.

Je l’évoquais lors de l’examen en première lecture : M. Proglio avait estimé que ce projet de loi était, à l’origine, dangereux et qu’il était, ensuite, devenu inutile. Je pense qu’il pourra revenir quelque peu sur son point de vue, car elle n’est plus tout à fait inutile, en particulier pour lui. Pourquoi donc ? Tout d’abord, la fixation du prix de l’ARENH – on a beaucoup parlé à une certaine époque du collier de la reine ; maintenant, on parle de la valeur de l’ARENH – va lui être relativement favorable, et donc lui permettre, comme on dit, de retomber sur ses pieds.

Le prix relativement élevé de l’ARENH aura une deuxième conséquence. Puisque nous parlons de la construction du tarif par coûts additionnels, la Commission de Bruxelles s’en saisira sans doute pour estimer, sur cette base, que notre tarif régulé ne tient pas la route et qu’il faudra l’augmenter. Tous les gens intelligents l’ont compris ; c’est pourquoi bien peu, parmi ceux qui ont intérêt à une augmentation des prix de l’énergie – ce ne sont évidemment pas les consommateurs –, se battent encore contre ce projet de loi.

Deuxième observation : si nous connaissons une cascade de textes de loi depuis quelque temps, celui-ci – je vous rassure, mes chers collègues – n’est pas le dernier, peut-être même de la législature. Nous allons mettre en concurrence les barrages en 2012, et il faudra bien tenir compte du fait que les concessions qui quitteront EDF ne seront plus constitutives du mix énergétique. Le mix énergétique qui sert d’assise au tarif de l’électricité sera déséquilibré, puisqu’on aura moins d’énergie peu coûteuse et plus d’énergie coûteuse. Il faudra donc re-légiférer pour reconstituer la base tarifaire.

Troisième observation : l’attitude de Bruxelles est susceptible de changer, comme l’ont déjà indiqué plusieurs orateurs. Pour avoir entendu le nouveau commissaire à l’énergie, nous sentons bien – vous aussi, sans doute – qu’il formule plus que des nuances et qu’il lui arrive même de regretter que le Président Sarkozy ait été naguère trop libéral. À une question que notre rapporteur lui posait sur la dérive libérale, il a répondu, en substance, qu’il était un peu prisonnier du discours que M. Sarkozy avait fait il y a deux ans et de ce qu’il avait alors accepté, en précisant que ce n’était pas sa faute si M. Sarkozy avait changé d’avis depuis lors.

En tout état de cause, nous savons que le commissaire européen s’appuie sur une réalité allemande qui n’est pas la même que la nôtre, une réalité d’entreprises intégrées, certes à des échelons beaucoup plus bas, alors que vous avez, vous, choisi la désintégration du système.

Plutôt que de nous considérer comme les meilleurs élèves – que nous ne serons jamais – de la Commission européenne, nous pourrions peut-être, de temps en temps, lui répondre, voire lui résister. Je reprends ici l’exemple de l’Allemagne. Comme vous le savez, les Allemands ont déjà fait l’objet d’observations en matière d’énergie, mais ils n’ont rien changé au système de leurs Stadtwerke, et ils n’ont pas l’intention d’y renoncer.

Lorsqu’il sera question d’urbanisme commercial, car nous y reviendrons sans doute un jour, nous pourrons vous rappeler, par exemple par la voix de notre collègue Michel Piron, comment les Allemands répondent à la Commission de Bruxelles. Ils n’ont pas l’habitude de se présenter devant elle comme les Bourgeois de Calais.

Voilà les observations que je voulais faire. Nous aurons l’occasion d’en reparler et de redire, en particulier, que tout ce qui est fait va dans le sens d’une augmentation des tarifs, avec l’appui de tous les opérateurs, car tout le monde y a intérêt, à l’exception bien sûr des consommateurs. Comme j’ai déjà dépassé le temps qui m’est imparti dans le cadre de la discussion générale, j’y reviendrai lors de l’examen des articles et des amendements. Je montrerai alors que nous sommes assaillis par tous ceux qui nous expliquent qu’il faut que le prix de l’électricité augmente, que ce soit ceux qui s’occupent de production, ceux qui s’occupent de distribution ou ceux qui s’occupent de compteurs. En fait, on demandera davantage aux consommateurs, qui n’en peuvent plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin.

Mme Catherine Vautrin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où nous examinons la loi sur le marché de l’électricité en seconde lecture, je mesure à quel point ce texte apporte de la clarté.

Cela dit, je veux consacrer les cinq minutes qui me sont accordées à attirer votre attention, monsieur le président, sur l’enjeu particulier de la filière de la petite hydroélectricité.

Au début de notre discussion de ce soir, Serge Poignant rappelait l’accord signé cet été. Comme vous le savez, il ne règle pas tous les problèmes, notamment en matière d’investissement. Pour faire face à la fin des contrats dits « 97 », appelés ainsi car ils avaient été signés pour 15 ans en 1997, la plupart des installations ont déjà bénéficié d’investissements de modernisation en vue d’obtenir le renouvellement de la concession.

La production des 1 200 centrales hydroélectriques représente quelque 3 térawattheures annuels, soit autant que l’objectif de la convention pour le développement de l’hydroélectricité signée le 23 juin dernier par Jean-Louis Borloo, alors ministre d’État.

Dans le même temps, les producteurs d’hydroélectricité devront faire face à de nombreuses obligations, notamment au renforcement de leurs obligations environnementales à cause de la révision des classements des cours d’eau et de la mise en œuvre du plan de restauration de la continuité écologique. Le dispositif mis en place pour les quinze ans à venir représente un obstacle qui, conjugué aux incertitudes du marché, peut se révéler fatal pour les 1 200 centrales hydroélectriques concernées.

En effet, les microcentrales risquent d’être inadaptées au marché de l’électricité à partir de 2012, date à laquelle elles seront confrontées à la fin des contrats d’achat avec EDF. Pourquoi des difficultés ? Tout simplement parce que ce marché manque de liquidités, est trop volatile, présente un coût d’intervention très important, nécessite des capacités de prévision hors de leur portée et, enfin, ne valorise pas – c’est important dans l’après-Grenelle – le caractère vert et renouvelable de cette production.

Les professionnels considèrent même que l’organisation mise en place par ce texte peut renforcer leurs difficultés en modifiant la donne du marché et potentiellement diminuer les possibilités de valorisation de la petite hydroélectricité.

Comme on l’a rappelé tout à l’heure, le Sénat a adopté un amendement qui prévoit le renouvellement des contrats pour quinze ans.

Reste un sujet : la réalisation d’un programme d’investissement défini par arrêté. Certes, des discussions ont déjà été engagées avec le ministère, le MEDAD à l’époque ; certes, les assouplissements prévus représentent un réel progrès, mais aucune modification n’a été apportée quant au niveau d’investissement exigé.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, je suis au moins la cinquième, ce soir, à insister pour que soit réexaminée cette notion de condition d’investissement, en limitant son champ, par exemple, aux problèmes de sécurité ou à l’amélioration de la productivité.

Par ailleurs, en tant que parlementaires, nous devons considérer l’ensemble des textes que nous discutons et votons dans cet hémicycle, et cette solution permettrait de rendre la mesure conforme à l’article 19 de la loi Grenelle 2 du 13 juillet 2010, qui dispose que le renouvellement de l’obligation d’achat se fera « sans contrainte supplémentaire autre que le respect des normes environnementales et techniques en vigueur ». Je crois, monsieur le ministre, qu’il faut faire preuve de continuité dans la manière dont nous abordons les textes proposés par le Gouvernement.

Enfin, cette production hydroélectrique ne fait peser sur la CSPE aucune charge supplémentaire, à l’inverse des nouvelles filières d’énergies renouvelables.

J’ai bien noté qu’il convenait de voter ce texte dans les meilleurs délais. J’ai entendu tout à l’heure M. le ministre Patrick Ollier – vous savez à quel point notre commission est attachée à son ancien président – dire qu’il fallait l’adopter avant Noël, mais je me permets, monsieur le ministre de l’industrie, de vous interpeller. Le sous-amendement voté par le Sénat fait mention de ce programme d’investissement. Nous sommes au milieu du gué. Comme le disait Jean Dionis du Séjour tout à l’heure, il est indispensable que vous acceptiez de rencontrer les professionnels, de leur dire et de nous dire ce qu’il y a dans ce fameux arrêté.

Nous connaissons tous le rôle économique des centrales hydroélectriques en zone rurale et en zone de montagne, des milieux qui ne sont pas faciles. Sur tous les bancs, nous nous mobilisons, car il importe vraiment d’avancer en clarifiant le contenu de cet arrêté.

Voilà, monsieur le ministre, quelles sont nos attentes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Jean Grellier.

M. Jean Grellier. Monsieur le ministre, nous entamons l’examen en deuxième lecture de ce projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité. Après son examen par le Sénat, le texte conserve les mêmes bases, et nous avons pu noter en commission des affaires économiques votre volonté d’aller vite maintenant et d’obtenir un vote conforme. Cela permettrait une application rapide de la loi, dès le début de l’année 2011, sous réserve de la publication des décrets d’application.

Nous regrettons de ne pas avoir la possibilité, à tout le moins, d’amender significativement un texte qui risque, dans une certaine confusion, d’entraîner des effets dévastateurs pour nombre de nos concitoyens, à commencer, une fois encore, par les plus fragiles, et aussi d’avoir des conséquences très négatives pour l’ensemble de notre tissu économique.

Lors de la première lecture, il y a quelques mois, je me suis permis de souligner le fort décalage qui existe entre le moment où les directives européennes ont été prises, fortement inspirées par une conception très libérale d’ouverture à une concurrence totalement débridée, de nature, nous disait-on, à faire baisser les prix, et la situation actuelle, marquée par la crise économique et financière, qui appelle plutôt une nécessaire régulation dans de nombreux domaines, dont celui de l’énergie.

Par ailleurs, au plan européen, il aurait mieux valu, à mon sens, se battre au cours des dernières années pour faire adopter la directive cadre sur les services d’intérêt général, demandée et obtenue par la France à Barcelone en 2002. Elle aurait sans doute permis de préserver les avantages de notre mix énergétique et l’ensemble de ses acquis, dont bénéficient nos concitoyens et nos entreprises.

Comment, en effet, allons-nous leur expliquer que l’ouverture à la concurrence en matière d’électricité risque de conduire inéluctablement à une augmentation très sensible des prix, alors qu’initialement elle était censée en favoriser la baisse ?

De plus, la nouvelle organisation que ce projet de loi va mettre en œuvre et qui va obliger l'opérateur historique à céder un quart de sa production nucléaire aux fournisseurs alternatifs, lesquels sont aussi ses propres concurrents, s'appuie sur un ensemble d'éléments et de structures particulièrement obscurs dans leur fonctionnement et leur relation. Il est donc impossible d'en connaître à terme les véritables conséquences et répercussions, sans compter l'insécurité juridique qui, malgré tout, persiste au sein d'une telle organisation, compte tenu de sa complexité.

En outre, certains effets négatifs ont déjà pu être constatés, La situation difficile est maintenant connue de POWEO qui, compte tenu de ses problèmes financiers, envisage – si ce n'est déjà fait – de se retirer de la fourniture d'électricité sans que l'on puisse mesurer, pour les clients concernés, les conséquences réelles. Cet exemple préfigure sans doute d'autres événements qu'il faudra alors gérer et qui risquent d'être négatifs pour les personnes et les entreprises concernées. Alors, oui, ce texte de loi apporte plus d'inquiétudes que de certitudes.

Pourtant la production, la gestion et la maîtrise de l'énergie constituent déjà et constitueront, dans les prochaines années, des enjeux fondamentaux de notre développement. Ces enjeux touchent à la fois à l'aménagement du territoire - avec la prise en compte de la gestion, de la maintenance et du fonctionnement des réseaux - à la production des énergies renouvelables et surtout aux nécessaires économies d'énergie.

La France, avec son organisation initiale, construite au fils des ans, disposait et dispose encore de nombreux atouts en termes d'énergie électrique. Je crains que nous ne soyons en train de les perdre en grande partie, et cela risque de provoquer, à terme, une grande instabilité. Au-delà du texte de la loi NOME, je pense que le temps est venu de clarifier plus globalement la politique énergétique de notre pays dans un environnement européen qu'il faudra rendre plus stable et plus cohérent, en y intégrant dès que possible la nécessité de régulation.

L'audition récente, par les commissions des affaires économiques et du développement durable, des acteurs de la filière du photovoltaïque a fait apparaître une certaine confusion, mais aussi beaucoup d'interrogations sur les éléments chiffrés qui peuvent être fournis par les uns et par les autres.

Quels que soient les effets et les conséquences, à court et moyen terme, de cette loi NOME, il reste urgent de clarifier ne serait-ce que la situation actuelle, afin de définir plus clairement les différents éléments d'une politique énergétique ambitieuse pour notre pays. Elle doit s'appuyer sur les atouts développés et maintenant acquis, à condition toutefois de ne pas les perdre ou de ne pas les dilapider.

Cette politique énergétique doit intégrer tous les enjeux importants qui concernent la vie de nos concitoyens et les inévitables impacts sur le développement et la vie de nos entreprises.

Il n'est peut-être pas encore trop tard pour agir efficacement. Il reste à en afficher la volonté, mais tel n’est pas le cas avec la loi NOME. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Daniel Paul. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François-Michel Gonnot.

M. François-Michel Gonnot. Je me réjouis, monsieur le ministre, de voir au banc du Gouvernement un ministre de l’industrie et de l’énergie qui a tous les moyens administratifs et politiques de donner à la France une politique industrielle digne de ce nom. Je suis de ceux qui pensent que le démantèlement du ministère de l’industrie il y a un peu moins de vingt ans a été une erreur et a eu un coût élevé pour l’industrie française. Le signe donné par la constitution de ce gouvernement et dans le périmètre de votre ministère est très positif pour l’industrie française, et notamment pour nos industries énergétiques.

Pour revenir à la loi NOME, le texte qui nous est proposé prévoit treize arrêtés et décrets. Par conséquent, la question se pose de la mise en application de cette loi. Le point précis qui nous préoccupe est celui de la fin du TARTAM.

Le texte voté au Sénat indique que le TARTAM prendra fin lors de la mise en œuvre de la loi NOME. J’aimerais savoir, monsieur le ministre, si vous avez une idée plus précise de cette date qui est un peu floue. C’est un souci pour nos industriels, qui doivent savoir à quel moment le dispositif de l’ARENH sera effectivement appliqué. C’est un problème de négociation avec EDF et de prévisibilité.

Par ailleurs, la loi prévoit que l’ARENH a un caractère transitoire. À terme, il doit s’effacer au profit d’une vraie concurrence industrielle qui pourra – on le suppose – conduire à une prise de participation dans des actifs de production nucléaire pour des producteurs souhaitant concurrencer EDF. Dès lors, deux questions se posent. Quel dispositif le Gouvernement envisage-t-il de mettre en place pour organiser cette transition et cette concurrence ? Quelle incitation auront ou pourraient avoir les acteurs, et notamment EDF, pour permettre un investissement partagé dans la prolongation de vie des centrales nucléaires françaises ?

Enfin, j’évoquerai une phrase introduite au Sénat, selon laquelle la loi NOME prévoit, avec l’obligation de capacité, que le dispositif doit s’inscrire dans la construction européenne du marché de l’électricité. C’est sans doute un vœu pieux, peut-être un objectif, mais il est nécessaire que le Gouvernement précise de quelle façon il permettra d’intégrer les moyens de production qui se trouvent notamment hors de nos frontières et qui participent à l’équilibre du système électrique français.

M. le président. La discussion générale est close.

M. le président. La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique.

M. Éric Besson, ministre Je tiens d’abord à remercier tous les orateurs pour leur contribution. Nous reviendrons à certains thèmes qu’ils ont abordés de façon non exhaustive lors de la discussion des amendements.

Pour la petite hydroélectricité, évoquée par Mme Vautrin, M. Dionis du Séjour et M. Proriol, qu’il n’y ait pas d’ambiguïté : le Gouvernement est décidé à l’encourager. Car c’est l’électricité renouvelable la mieux maîtrisée, partant la plus compétitive.

Afin de rassurer l’Assemblée nationale, le Gouvernement prend les engagements suivants.

D’abord, l’obligation d’achat pour les nouvelles centrales hydroélectriques est maintenue.

L’obligation d’achat pour les centrales hydroélectriques déjà existantes est prolongeable sous réserve de la réalisation d’un programme d’investissement. Le dispositif existant sera amélioré incessamment par un arrêté qui assouplira les conditions requises pour bénéficier de la prolongation de l’obligation d’achat. Un dispositif de retour d’expérience sera mis en place, sitôt l’arrêté en vigueur, pour examiner avec attention les éventuels effets de seuil, sur lesquels certains professionnels appellent à la vigilance. Ce retour d’expérience pourra, bien sûr, être communiqué à votre commission des affaires économiques. Enfin, une concertation sera organisée dans les prochains mois et, madame Vautrin, nous sommes tout à fait d’accord pour retenir votre suggestion. Mon cabinet et moi-même sommes à votre disposition pour rencontrer les professionnels que vous souhaitez nous faire entendre.

Pour lever toute ambiguïté entre nous, il est un engagement que le Gouvernement ne peut pas prendre : celui d’assurer un renouvellement de l’obligation d’achat pour les centrales en fin de droits qui ne réinvestiraient pas. Ce ne serait ni plus ni moins qu’une perpétuation de l’obligation d’achat, c’est-à-dire au-delà de toute autre considération économique, une aide d’État proscrite par la Commission européenne.

Monsieur Proriol, vous avez évoqué, outre l’hydroélectricité, plusieurs autres sujets. Je vous remercie d’avoir souligné les améliorations apportées au texte par les débats en première lecture, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, ce qui montre la qualité du travail réalisé.

Madame Massat, je suis en désaccord avec certains de vos propos, notamment lorsque vous dites que ce projet de loi a déjà eu pour effet d’augmenter les prix de l’électricité. Au contraire, il a pour objectif de continuer à faire bénéficier les consommateurs de la compétitivité du parc nucléaire historique. C’est un enjeu de l’attractivité de notre territoire. Si les tarifs réglementés ont augmenté à l’été 2010, c’est pour couvrir les coûts du système électrique, dont les investissements, tant dans les réseaux que dans les capacités de production, sont en forte augmentation depuis deux ans.

Monsieur Cochet, ce texte est le premier à reconnaître la valeur de l’effacement. Tous ceux qui sont attachés au développement durable – nous le sommes tous – ne peuvent que s’en réjouir.

Quant à la nouvelle composition gouvernementale – je veux, là aussi, vous rassurer –, elle ne modifie pas le maintien des engagements du Grenelle. On peut être pour le Grenelle, pour le développement durable et pour les énergies renouvelables, tout en reconnaissant que nous avons, avec le nucléaire, un atout particulier. Par ailleurs, il n’y a pas de dégressivité, mais un prix transparent et identique pour tous. Les seules réductions existantes sont destinées aux ménages défavorisés.

Monsieur Gaubert, nous espérons que la Commission européenne va changer et mettre en œuvre l’obligation de capacité que la France, pionnière en ce domaine, instaure avec l’article 2. D’autres pays européens, et non des moindres, s’intéressent à la question. S’il est un secteur où nous ne devons rien envier à l’Allemagne, c’est bien celui de l’électricité. Toutes taxes comprises, les prix allemands excèdent de plus de 80 % les prix français.

M. Jean Gaubert. Ce n’est pas de cela que j’ai parlé !

M. Éric Besson, ministre. Monsieur Grellier, vous avez parlé d’insécurité juridique. C’est plutôt aujourd’hui qu’on pourrait l’évoquer, car nous sommes face à un maquis de textes imbriqués et à des contentieux qui sont à notre charge. Nous devons tous veiller à y mettre un terme. En revanche, je suis d’accord avec vous : la politique énergétique de demain, s’appuyant de façon grandissante sur les énergies renouvelables, doit être organisée de façon cohérente avec notre tradition nucléaire.

Enfin, je vous remercie, monsieur Gonnot, pour vos mots de bienvenue dans mon nouveau ministère. Au-delà de mon cas personnel et des appréciations que vous avez portées sur l’organisation du Gouvernement, je partirai, si vous le voulez bien, de votre question pour évoquer l’ARENH, sujet abordé dans les motions de procédure et dans plusieurs interventions, notamment celle de M. Dionis du Séjour.

M. Brottes et M. Dionis du Séjour s’interrogent tous deux sur ce que sera le prix de l’ARENH et estiment que, sans ce prix, nous ne pourrions pas discuter du texte. En réalité, le projet de loi donne des indications extrêmement claires, presque une fourchette. Dès lors qu’il indique qu’il y aura une cohérence entre le TARTAM et l’ARENH, on voit bien à quel niveau se situera cette fourchette.

Par ailleurs, les critères que vous avez introduits et votés en première lecture sont absolument transparents. Quant à l’évaluation, elle a commencé. Mais comment pourrions-nous fixer un prix, achever cette évaluation, avant même le vote de la loi ? Le calendrier et la méthode sont clairs : il y a d’abord le vote de la loi ; puis, dans la foulée, le décret d’application pour que le passage instantané du TARTAM à l’ARENH puisse avoir lieu ; enfin, l’arrêté de fixation des prix.

Pourquoi vous polarisez-vous sur le prix en année N, vraisemblablement celui du début de l’année prochaine, alors que le Parlement a souhaité que le prix de l’ARENH soit fixé annuellement ?

M. Jean Gaubert. C’est parce qu’il ne baissera pas !

M. Éric Besson, ministre. Je ne crois pas qu’il y ait là matière à si grand intérêt. Vous définissez des principes généraux. Vous votez des critères qui permettront une évaluation. Il y aura, ensuite, adaptation année par année. Je ne pense pas que cela justifie une telle mobilisation.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi sur lesquels les deux Assemblées du Parlement n’ont pas pu parvenir à un texte identique.

Article 1er

M. le président. Sur l’article 1er, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Yves Vandewalle.

M. Yves Vandewalle. Il me paraît nécessaire d’éclaircir un point, concernant le tarif d’achat des énergies renouvelables. Le prix de l’énergie photovoltaïque atteint actuellement, pour les particuliers, 580 euros par mégawatt ; c’est le plus élevé au monde. Le montant de la CSPE vous paraît-il suffisant, monsieur le ministre, pour compenser les dépenses supportées à ce titre par EDF et pour garantir l’égalité avec la concurrence ? L’un de nos collègues, Marc Goua, évoque, dans son rapport, un arriéré de 2,7 milliards d’euros. Ce chiffre est-il exact ?

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle, pour les députés non-inscrits.

M. Jean Lassalle. Comme vous venez de le rappeler, monsieur le président, et je vous en sais gré, je suis un député non inscrit. J’ai cru pendant très longtemps qu’un député égalait un député. Je constate que tel n’est pas tout à fait le cas. J’étais, en effet, inscrit depuis longtemps sur ce texte et je ne me suis pas retrouvé dans la liste des orateurs. Mais vous avez – et c’est heureux – accepté de me donner la parole sur cet article. Je tenais à le faire remarquer et à vous en remercier, monsieur le président.

Comme François-Michel Gonnot, je trouve très satisfaisant que soient regroupées au sein d’un même ministère l’industrie et l’énergie, ce qui ne s’est pas produit depuis longtemps. C’est, je le pense, un gage encourageant pour notre pays et son économie.

Nous sommes amenés à ouvrir le marché de l’énergie nucléaire sous la pression de plus en plus en vive de nos amis européens. Pour ma part, je ne me précipiterais pas. J’ai en effet toujours assez mal accepté l’idée que l’industrie nucléaire soit livrée aux mains du privé. Cette industrie présente certainement le plus d’avantages, mais aussi le plus de dangers. Elle mérite, en conséquence, de demeurer sous l’autorité de la puissance publique. N’exagérons pas : la France, pays européen à avoir consenti dans ce domaine les plus gros efforts, doit tout de même avoir le temps de se retourner !

Enfin, j’aimerais, après certains collègues, vous faire part de mon étonnement à propos de ce qui a été acté dans le Grenelle 1 et le Grenelle 2, à savoir que les énergies renouvelables doivent représenter à terme 23 % du programme énergétique. Dans mon département, deux projets de microcentrale, à l’étude depuis près de dix ans, ont fait l’objet d’une enquête d’utilité publique très favorable. Or, lors de la réunion de la dernière commission départementale, les administrations de l’État, sans exception, et les associations de protection de la nature, bien entendu, se sont prononcées contre ces deux projets. Les maires comprennent mal cette démarche. Il en va de même de l’éolien, mais nous ne sommes fort heureusement pas concernés par cette énergie dans notre région. J’ai, pour ma part, présenté deux projets relatifs à l’énergie solaire. Mais M. l’architecte des Bâtiments de France m’a fait observer qu’ils se trouvaient à 150 mètres d’une chapelle classée, pour l’un, d’une zone Natura 2000, pour l’autre, et qu’il convenait, par conséquent, de maintenir l’unité des toitures.

Je veux bien que l’on envisage de produire 23 % d’énergies nouvelles, mais je ne sais pas comment nous pourrons y parvenir avec de semblables applications sur le terrain !

M. le président. La parole est à M. François-Michel Gonnot.

M. François-Michel Gonnot. L’article 1er crée l’ARENH, dispositif dont nous avons bien compris qu’il doit favoriser, en matière de fourniture d’électricité, une concurrence plus effective entre EDF, principal producteur, et ses concurrents. L’ARENH permettra aux concurrents d’EDF d’alimenter les particuliers et les entreprises et, parmi ces dernières, celles qui ne pourront plus alors bénéficier du tarif transitoire dit TARTAM.

J’ai longuement évoqué, en première lecture, le cas des entreprises de transport – la RATP et la SNCF plus particulièrement – qui bénéficient actuellement du TARTAM pour l’ensemble de leur consommation électrique. Demain, elles pourront profiter de l’ARENH pour leur consommation d’électricité de base. En revanche, sauf dispositions particulières, elles devront, pour leur consommation de pointe, s’alimenter sur le marché concurrentiel, donc à des tarifs qui feront exploser leur facture.

Le Gouvernement, qui paraissait découvrir le problème, m’avait alors rassuré et promis d’engager des discussions avec ces deux grandes entreprises, notamment, pour que leur facture d’électricité n’augmente pas aussi considérablement. C’est, semble-t-il, chose faite. Lors de l’examen de ce texte en deuxième lecture par la commission, M. Apparu a laissé entendre qu’un dispositif se dessinait. Il semble que le Gouvernement ait promis à ces deux entreprises de prendre un décret, mais nous en ignorons la teneur. Vous aurez sans doute l’occasion, monsieur le ministre, lors de l’examen des amendements, de nous en préciser le contenu pour rassurer plus particulièrement les usagers de la RATP et de la SNCF, mais aussi les collectivités qui les financent par l’intermédiaire du STIF et des conventions TER.

Enfin, concernant les particuliers, nous comprenons mal comment l’ARENH permettra aux concurrents d’EDF d’être compétitifs en matière de tarifs. Il serait utile que vous nous expliquiez, au fil des amendements, comment l’ARENH pourra très concrètement profiter à ces nouveaux entrants – à ces alternatifs, à ces concurrents – et introduire sur le marché des particuliers une concurrence qui n’existe pas aujourd’hui.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je ne souhaitais pas intervenir sur l’article, monsieur le ministre, mais l’intervention de François-Michel Gonnot me conduit à ajouter quelques remarques pour nourrir votre réflexion. Je n’ai pas lu dans le texte que les entreprises qu’il a citées pourraient directement bénéficier de l’ARENH. Nous avons évoqué ce problème avec le ministre précédent. Vous devez donc nous dire si des engagements ont été pris dans ce sens et surtout nous expliquer comment cela va se dérouler. Les conséquences pour les usagers des transports en commun risquent d’être considérables. Des amendements seront d’ailleurs déposés sur ce sujet très lourd.

Vous avez indéniablement, par rapport à tous vos prédécesseurs, l’avantage de bien connaître le fleuve Rhône. À l’origine, alors que vous n’étiez pas encore ministre de l’énergie, on parlait de l’accès à la base. En effet, beaucoup d’électricité en base étant produite dans notre pays, tout le monde devait pouvoir bénéficier du faible coût qu’elle représentait par rapport à la production en pointe. On retrouve dans la base l’ensemble du nucléaire et l’hydraulique au fil de l’eau, dont le Rhône. Je ne parle pas de l’hydraulique en montagne qui compense l’activité de pointe. Nous avons été un certain nombre à regretter que l’on ait finalement abandonné la notion de base pour ne retenir que le nucléaire historique. J’ai bien compris que vous souhaitiez, vous aussi, que nous adoptions ce texte sans modification. Mais je pense très franchement que nous regretterons longtemps que ce texte n’intègre pas la totalité de la base, dans l’esprit de la commission Champsaur, laquelle s’est intéressée à la base et non au nucléaire historique. Les choses ont donc été quelque peu détournées. Vous me répondrez, certes, que le Gouvernement est là pour cela, qu’il a la main sur ces sujets, et qu’il revient en principe au Parlement de trancher.

Il reste que je tenais à profiter de cette discussion sur l’article 1er pour vous demander de nous expliquer comment un opérateur exploitant de transports en commun peut accéder à l’ARENH. Ce n’est précisé nulle part dans ce texte. J’admets que cela puisse relever d’un décret. Mais sur quoi s’appuiera-t-il ? Comment un décret pourra-t-il apporter une précision si aucun support n’est prévu dans ce projet de loi ? Ce sujet ne concerne d’ailleurs pas seulement la SNCF et la RATP, mais d’autres opérateurs dont nous parlerons au cours du débat.

Enfin, si vous aviez, non des remords, mais des regrets, monsieur le ministre, s’agissant du bon usage du fleuve Rhône à destination de l’ensemble des consommateurs d’électricité de ce pays, ce serait le moment de rétablir la justice. En effet, les opérateurs du Rhône sont dispensés de livrer quelques mégawatheures disponibles à un prix qui permettrait à notre industrie d’être plus compétitive.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1, tendant à supprimer l’article 1er.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Vous l’avez compris, monsieur le ministre, nous ne soutenons pas ce projet de loi. J’aurai donc à cœur, sur presque tous les articles, de montrer sa nocivité.

Ce texte, je l’ai dit, est une nouvelle étape dans un processus lancé depuis longtemps qui vise à banaliser l’électricité, à la « marchandiser » et à en tirer une sorte de profit financier, alors que, depuis plus d’un demi-siècle, notre pays a ouvert une voie originale assurant des avancées certaines aux plans industriel, économique et social pour notre pays.

Tout devrait pourtant vous conduire à la prudence après les années d’offensive libérale, mais aussi face à l’expérience des pays étrangers, où l’offensive a souvent été brutale, dans ce domaine comme dans celui des industries de réseau. Vous avez sans doute dû tenir compte du fort attachement de notre peuple au caractère public de l’entreprise historique EDF et au tarif régulé en particulier. Mais d’engagements non tenus en mensonges, vous creusez le sillon du libéralisme. Comme cela vient de le rappeler François Brottes, la notion de base, qui intégrait l’hydraulique, a été sans doute abandonnée parce qu’il y a l’hydraulique d’EDF, mais aussi celle de GDF. Il devenait donc difficile de faire tenir un texte debout sans léser les intérêts des uns et des autres.

Vous le savez, l’augmentation des prix est inéluctable, y compris pour les collectivités locales. Le congrès des maires qui se tient ces jours-ci s’en fera, je pense, l’écho, parce que les communes sont directement confrontées à cet enjeu.

Les tarifs régulés rattraperont les prix du marché, et cette convergence organisée signifiera leur disparition à moyen ou à court terme. Même EDF, d’ailleurs, qui verra ainsi son chiffre d’affaires augmenter, soutient une telle évolution. L’État, quant à lui, aura des recettes supplémentaires et les actionnaires d’EDF comme de ses concurrents y trouveront la récompense de leurs efforts et de leur patience. C’est d’ailleurs le discours tenu par les concurrents d’EDF, dont certains nous expliquent par téléphone ou par différents moyens comment de nouveaux tarifs verront le jour et comment des tarifs très sociaux pourront être accordés à des gens en difficulté.

Pour nous, ce n’est pas une réponse aux enjeux et aux défis, et que dire du silence sur le prix de cession ? Nous discutons d’un principe, monsieur le ministre, mais reconnaissez que ses conséquences sont très lourdes au plan économique et social et qu’accepter un tel texte sans plus de précisions est tout simplement inconcevable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Serge Poignant, rapporteur supppléant. Supprimer l’article 1er, c’est supprimer l’ARENH, c’est supprimer le projet, c’est même supprimer le TARTAM. Vous imaginez bien que la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. J’ai essayé d’expliquer pourquoi ce texte est indispensable. Il l’est pour les consommateurs et pour tous les acteurs, il l’est pour nous permettre de respecter les engagements de la France. Comme vient de le dire fort justement le rapporteur, supprimer l’article 1er, c’est supprimer le projet de loi. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

(L’amendement n° 1 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 26.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Cet amendement évoque l’idée d’une étude préalable. Vous allez sûrement me répondre, monsieur le ministre, qu’on ne va pas perdre de temps à faire une étude préalable, qu’on en a déjà trop perdu. Ce n’est pas nous qui choisissons le calendrier, mais je n’y reviens pas.

Puisque nous parlons d’étude d’impact, vous allez peut-être pouvoir répondre à la question très précise que nous avons posée avec François-Michel Gonnot à l’instant. Quel sera l’impact pour la SNCF et la RATP de l’existence de l’ARENH ? Pour en bénéficier, devront-elles passer par un opérateur du marché, qu’il soit historique ou nouvel entrant, ou pourront-elles avoir un accès direct ? C’est une question très précise qui pourrait être un élément de l’étude d’impact que nous demandons.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Serge Poignant, rapporteur suppléant. Cet amendement a été rejeté en première lecture, et c’est la réponse que je ferai pour bon nombre d’amendements.

La question des transports publics, le ministre peut y répondre maintenant, mais elle sera abordée dans d’autres amendements.

Concernant l’étude préalable, la loi NOME met en place pour le mode de calcul du prix de l’ARENH et la construction des tarifs réglementés un système assurant la juste couverture des coûts du parc nucléaire historique. S’il devait y avoir en plus une étude préalable, on repousserait encore l’application de la loi et la mise en place de l’ARENH.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Défavorable.

La question des transporteurs publics est abordée dans l’amendement n° 33 ; j’aurai donc l’occasion d’y répondre précisément lorsqu’il sera appelé.

Pour l’étude d’impact, François Brottes a parfaitement répondu par avance à son propre amendement.

(L’amendement n° 26 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 27.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Cet amendement renvoie directement aux propos de Jean Proriol, qui m’ont d’ailleurs beaucoup inquiété. C’est pourtant un homme sérieux, qui fait preuve de réserve et de prudence dans l’argumentation, beaucoup plus que d’autres, et là, il nous a dit qu’il faudrait augmenter le prix de l’électricité,…

M. Jean Proriol. Je n’ai pas dit ça !

M. François Brottes. …que c’était inéluctable parce que EDF devait penser à investir pour renouveler les centrales.

De qui se moque-t-on ? Franchement, EDF a-t-elle attendu la loi NOME pour mettre un peu d’argent de côté pour réinvestir ? Si c’était le cas, on aurait le droit d’être extrêmement inquiet et il faudrait même sanctionner tous ceux qui ont eu quelques responsabilités dans le conseil d’administration. Heureusement que ce n’est pas le cas. Il ne faut donc pas nous vendre deux fois les investissements futurs. Ils sont pris en charge depuis longtemps dans les comptes d’EDF. On ne peut pas nous expliquer qu’à cause de la loi NOME et des exigences d’investissement, bienvenues d’ailleurs, pour la prolongation de la durée des centrales nucléaires, on va augmenter les tarifs.

Notre amendement propose une étude d’impact sur le niveau d’investissement nécessaire pour l’entretien, la maintenance et le développement des réseaux et de la production. Je veux m’assurer, et j’espère que le ministre va me conforter, que l’on n’a pas attendu la promulgation de la loi NOME pour investir dans la maintenance, l’entretien et le développement futur de notre dispositif de production et de transport d’énergie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Serge Poignant, rapporteur suppléant. Cet amendement a également été rejeté en première lecture.

François Brottes le sait bien, la commission des affaires économiques a lancé, à sa demande d’ailleurs, une mission d’information sur les réseaux de distribution, coprésidée par Jean Gaubert et Jean Proriol. Est-il vraiment nécessaire de demander au Gouvernement de doubler le travail de cette mission ? Avis défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Je confirme qu’il n’y a pas de lien entre l’ARENH et le fonctionnement des réseaux électriques. Pour l’étude d’impact, même réponse qu’à propos de l’amendement précédent : elle n’est pas nécessaire et elle aboutirait à retarder un calendrier qui est contraint. Je suis défavorable à cet amendement.

(L’amendement n° 27 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 28.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Tous les amendements que nous présentons sont importants, forcément, mais celui-ci l’est particulièrement.

Je l’ai dit dans mon intervention liminaire, l’acceptabilité du nucléaire dans notre pays est liée depuis longtemps à un pacte national, qui date de l’époque du général de Gaulle. Ce dernier a eu le courage de se lancer dans un programme dont on savait pertinemment à l’époque qu’il faudrait quelques années avant d’obtenir un retour sur investissement. En outre, la production nucléaire n’étant pas sans risques, et il ne serait pas sérieux d’affirmer le contraire, il s’est engagé, pour garantir la protection de nos concitoyens, à ce que la gestion du parc de centrales soit publique.

Nous souhaitons donc que soit réaffirmé dans ce texte que le parc continuera à être géré par des entreprises majoritairement publiques. Cela signifie qu’il peut y avoir une tolérance, ce qui est d’ailleurs le cas dans certaines de nos centrales où interviennent des capitaux privés, mais elles sont gérées par des entreprises majoritairement publiques. Je n’ai pas entendu nos gouvernants dire que cela changerait, mais quelques entreprises privées souhaitent pouvoir gérer directement des centrales nucléaires. Pour l’instant, la porte ne leur a pas été ouverte, mais le mieux, c’est que le Parlement encadre cette disposition : nous sommes là pour ça.

Il est important, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez quelle est votre stratégie par rapport à ceux qui tirent la sonnette en vous expliquant, par exemple, que, dans le Tricastin, région que vous connaissez un peu, ils souhaitent implanter une petite centrale nucléaire privée pour faire leurs armes dans ce métier, même s’ils ont déjà commencé un peu en Belgique. Vous devez nous dire clairement quelles sont les intentions du Gouvernement maintenant que vous avez la responsabilité de ce dispositif.

Je ne pose pas la question au rapporteur car il ne peut pas s’engager au nom du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Serge Poignant, rapporteur suppléant. Cet amendement a été rejeté en commission pour la bonne raison que le caractère public du parc est aujourd’hui assuré et qu’il n’est pas prévu que cela change.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. La réponse serait longue et complexe, monsieur Brottes, parce que c’est presque un débat d’orientation que vous nous proposez, d’autant que le terrain n’est pas vierge.

D’abord, nous avons probablement tous bu le lait d’EDF sur les bancs de cette assemblée, nous avons longtemps conçu son monopole public, mais il s’est produit depuis lors un certain nombre d’événements. M. Lenoir n’est pas là, ce qui vous prive d’un partenaire de ping-pong auquel vous êtes habitué ; je l’ai vu à la télévision en suivant vos débats sur le point de savoir à qui imputer exactement la libéralisation du marché.

M. Jean Gaubert. Le président et rapporteur par intérim a réglé le problème dans son intervention. Il a rappelé la chronologie.

M. Éric Besson, ministre. Il se trouve que j’ai fait du benchmarking et je me souviens de la façon dont les choses se sont passées des deux côtés. (Sourires.) Je pourrais donc peut-être apporter ma contribution si jamais un jour j’y étais obligé. Je ne souhaite pas que ce soit ce soir.

Je dirai simplement que le débat ne porte pas sur ce point. Je ne veux pas l’éluder, et nous y reviendrons très probablement si se pose un jour la question de l’implantation sur un site. Si l’on décode vos propos, vous voulez savoir ce qui se passerait si GDF-Suez demandait à implanter l’ATMEA dans le Tricastin. Ainsi, les choses sont claires. Ce n’est vraiment pas à l’ordre du jour de ce soir ; nous y reviendrons. Cela dit, on pourrait débattre du lien mécanique entre caractère public et sécurité. Il y a une loi sur la transparence et la sécurité nucléaires qui dit bien ce que sont les responsabilités qui pèsent sur tous les opérateurs quels qu’ils soient.

Je ne veux pas approfondir ce débat qui pourrait nous amener très loin. Nous l’aurons sans doute un jour, en tout cas pas ce soir pour ce qui me concerne. Je suis défavorable à l’amendement.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. D’abord, monsieur le ministre, nous sommes bien dans un débat d’orientation : il s’agit de la nouvelle organisation du marché de l’électricité. Si le projet NOME n’est pas un texte d’orientation qui pose les bases du mode de fonctionnement de l’avenir, je n’y connais rien. Ce n’est pas un texte anecdotique, il est en train de remodeler totalement le cadre de l’organisation du marché.

Par ailleurs, vous connaissez trop ces questions pour mélanger les sujets ; il n’est pas question en l’occurrence de la libéralisation. La libéralisation, c’est la manière dont des opérateurs peuvent exercer une vente de services en concurrence auprès du consommateur final. Dans le secteur de l’énergie, vous ne le découvrez pas, il y a de la production, du transport, de la distribution, et il y a aussi les modalités de consommation des services avec tel ou tel type de compteur. Là, nous parlons strictement de la production d’énergie nucléaire, ce qui ne nous empêche pas de considérer qu’il y a d’autres opérateurs, y compris privés, dans la production d’énergie en dehors du nucléaire.

Nous sommes convaincus - mais je comprends que vous ne partagiez pas nos convictions, peut-être pour des raisons de benchmarking - que si le parc nucléaire n’est pas public, il perd une part de son acceptabilité sociale, et c’est l’ensemble du dispositif qui peut alors se désagréger. Nous appelons votre attention sur ce point. Nous prenons acte que ce n’est pas à l’ordre du jour, ce qui ne signifie pas que la question ne se poserait pas si la demande se faisait plus forte.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Serge Poignant, rapporteur suppléant. Jean Gaubert a mal compris ce que j’ai dit. Je ne voudrais pas qu’on laisse entendre que je ne partage pas l’avis de Jean-Claude Lenoir et de la majorité.

J’ai cité la directive de 2003 mais j’ai aussi rappelé – peut-être ne l’a-t-il pas entendu – que la libéralisation complète était en germe dès la directive de 1996 et la loi de 2000 la transposant. Quelles que soient leurs réticences, la majorité comme l’opposition ont accompagné ce mouvement.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Je ne vois pas de contradiction avec ce que j’avais compris, monsieur le rapporteur. La directive de 1996 a en effet provoqué la loi de 2000, laquelle ne s’est pas du tout intéressée à la libéralisation pour les consommateurs particuliers. C’est la directive de 2003 qui a ouvert le marché aux particuliers, nous en sommes d’accord.

(L’amendement n° 28 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean Grellier, pour soutenir l’amendement n° 25.

M. Jean Grellier. J’y ai fait allusion lors de mon intervention : il s’agit d’intégrer au processus la directive-cadre relative aux services d’intérêt économique général que nous appelons de nos vœux.

Cet amendement rappelle un élément majeur du sommet de Barcelone de mars 2002. Lors de ce Conseil européen, Lionel Jospin, Premier ministre, avait refusé la libéralisation des marchés du gaz et de l’électricité pour les ménages, en mettant en avant les missions de service public. Je le cite : « Le service public est vraiment lié à notre identité, à notre culture, à notre modèle social. »

Afin de garantir le respect futur des missions des services publics, Lionel Jospin obtint le principe de l’élaboration d’une directive-cadre dans laquelle serait fixé l’ensemble des principes qui les caractérisent et les distinguent des services habituellement soumis à la concurrence. Durant la conférence de presse suivant le sommet, il dénonça, en se basant sur les exemples britannique et suédois, « la hausse des tarifs qu’avaient entraînée pour les consommateurs la privatisation et la libéralisation de l’électricité », en précisant en outre que l’égalité d’accès quel que soit le lieu de résidence était un principe qu’une libéralisation pourrait menacer.

Ce préalable est aujourd’hui tout à fait réalisable puisque le groupe socialiste au Parlement européen a déposé en mai 2006 une proposition de directive-cadre. Nous proposons de l’intégrer à l’article 1er de cette loi NOME.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Serge Poignant, rapporteur suppléant. Défavorable. Cet amendement a été rejeté en première lecture. Ce serait encore un retard pour l’ARENH.

(L’amendement n° 25, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour soutenir l’amendement n° 29.

M. François Brottes. Le ministre nous a indiqué que le cadre était suffisamment précis pour que nous ayons une idée du prix de l’ARENH. Je me suis alors dit qu’il faudrait que j’aille voir le prochain film d’Harry Potter, qui donne dans la science-fiction, que peut-être en prononçant les mots « ARENH, ouvre-toi », nous obtiendrions des éléments plus précis. (Sourires.) Car nous sommes loin d’avoir une indication suffisante !

Avec cet amendement, nous entrons dans le détail, où se niche parfois le diable. Nous proposons de substituer au mot « utilisation » celui d’« exploitation » du parc nucléaire. Lorsqu’il s’agira de débattre du coût, le mot « utilisation » permettrait de ne prendre en considération que les périodes pendant lesquelles les centrales tournent, à l’exclusion de celles pendant lesquelles elles sont au repos ou en maintenance, auquel cas le prix intègrerait une charge sensiblement inférieure à la réalité. Comme l’objectif n’est pas, je l’espère, de spolier EDF, nous proposons d’y substituer le terme « exploitation » qui recouvre l’ensemble de l’usage des centrales nucléaires, y compris des périodes hors fonctionnement.

La réponse du ministre aura une importance capitale dans la mesure où, selon la manière dont il définira les choses, celui qui sera ensuite chargé de réaliser les évaluations – nous ne savons pas trop qui ce sera ; il paraît que ce doit être le régulateur – s’en inspirera.

Je n’ose espérer que cet amendement sera voté puisque j’ai bien compris qu’aucun ne le serait. Pour autant, que cela ne permette pas au rapporteur et au ministre de se contenter de répliquer que j’ai déjà apporté la réponse ; le coup a marché une fois, ils ne sont pas obligés de recommencer ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Serge Poignant, rapporteur suppléant. Défavorable. L’alinéa 25 prévoit que le coût des investissements de maintenance est pris en compte dans le prix de l’ARENH. L’amendement est donc satisfait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. M. Brottes ayant signalé que ma réponse était importante car elle engageait l’avenir, je vais tâcher d’être exhaustif.

La substitution proposée est cosmétique et l’amendement nous semble superfétatoire. Je comprends qu’il vise à permettre de prendre en compte les périodes de fonctionnement des centrales aussi bien que les périodes d’arrêt. En réalité, les conditions économiques d’exploitation ou d’utilisation du parc nucléaire historique ne sauraient être identifiées sans la prise en compte des durées de fonctionnement des centrales et donc de leurs périodes d’arrêt. En effet, une centrale ne saurait fonctionner sans les nécessaires périodes d’arrêt pour maintenance ; ces périodes d’arrêt sont nécessairement prises en compte dans les coûts d’utilisation. Les deux mots recouvrent donc la même notion, et l’amendement n’est pas nécessaire.

Je suis sûr que M. Brottes est rassuré par ma réponse, qui nous engage, et qu’il retirera son amendement. À défaut, je donnerais un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je ne suis pas rassuré mais éclairé. Étant éclairé, je retire l’amendement.

M. le président. Vous voyez que l’électricité, ça fonctionne encore ! (Sourires.)

(L’amendement n° 29 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir l’amendement n° 2.

M. Daniel Paul. Nous sommes quelques-uns ici à venir de régions où sont implantées des centrales nucléaires, et nous connaissons tous la sensibilité des populations au caractère public de ces centrales et de l’industrie nucléaire pour la production d’électricité, telle que nous la connaissons depuis un peu plus de trente ans.

Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que la question n’était pas à l’ordre du jour, mais qu’elle se poserait peut-être plus tard et qu’il en serait discuté à ce moment-là. C’est préoccupant car, dans l’esprit de nos concitoyens, le caractère actuel de ces centrales nucléaires est établi, non pour aujourd’hui seulement, mais pour longtemps. À l’évidence commence à germer dans l’esprit d’un certain nombre de nos dirigeants, dont vous êtes, l’idée que cela pourrait changer. Raison de plus pour qu’à chaque fois que nous parlons d’électricité, cette question soit remise sur le tapis, afin de rassurer nos concitoyens quant au caractère particulier de la production d’électricité nucléaire en France.

Comme je le rappelle souvent, la Normandie compte un certain nombre de moyens de production de cette nature. On affirme que l’électricité nucléaire sera toujours la base et qu’elle servira à maintenir des prix relativement bas. Sauf que l’électricité que nous achetons vous et moi, monsieur le ministre, ne vient pas uniquement de centrales nucléaires. Si, demain, l’électricité nucléaire est banalisée, si le prix n’est plus ce qu’il était, si cette électricité nucléaire est produite par des centrales où interviennent des intérêts privés – sachant, par exemple, qu’un amendement du Sénat va imposer à ceux qui bénéficient de l’électricité nucléaire d’investir pour diminuer la facture du prolongement de la durée de vie des centrales : ce n’est pas encore l’exploitation mais c’est déjà la participation, l’investissement –, quel sera l’impact sur les populations locales ?

Il est nécessaire d’appeler, chaque fois que nous le pouvons, l’attention du Gouvernement, quel qu’il soit, sur ces questions lourdes de conséquences. Prenons garde, même si nous avons le sentiment que le nucléaire fait partie du paysage, qu’il est accepté pour toujours, que cette conviction ne bascule pas et que nous ne nous retrouvions alors en grande difficulté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Serge Poignant, rapporteur suppléant. Défavorable. La réponse est la même que pour l’amendement n° 28 de M. Brottes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Même avis.

Je ne reprends pas la réponse que j’ai faite à M. Brottes, mais j’indique à M. Daniel Paul, pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, qu’au moment où nous parlons, la programmation pluriannuelle des investissements de production électrique ne montre pas de besoins de nouvelle centrale nucléaire à l’horizon de 2020. La question ne se pose donc pas aujourd’hui. Pour l’avenir, nous verrons.

Quant à la sûreté nucléaire, monsieur le député, vous avez entièrement raison : cela doit être une préoccupation constante des pouvoirs publics. En la matière, rien n’est jamais acquis, le risque zéro n’existe pas. Convenons tout de même que l’Autorité de sûreté nucléaire française est considérée par les experts internationaux comme la plus exigeante. Veillons à ce qu’elle le reste ; c’est notre patrimoine commun.

(L’amendement n° 2 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Massat, pour soutenir l’amendement n° 30, dernier amendement que nous examinerons ce soir.

Mme Frédérique Massat. Afin de rassurer nos concitoyens, nous proposons cet amendement qui vise à réaffirmer dans le présent texte les principes du service public de l’électricité, à savoir l’égalité, la continuité, l’adaptabilité et la sécurité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Serge Poignant, rapporteur suppléant. Cet amendement a été rejeté en première lecture. Il est satisfait par la loi du 10 février 2000, dont l’article 1er dispose : « Matérialisant le droit de tous à l’électricité, produit de première nécessité, le service public de l’électricité est géré dans le respect des principes d’égalité, de continuité et d’adaptabilité, et dans les meilleures conditions de sécurité, de santé, de coûts, de prix et d’efficacité économique, sociale et énergétique. » L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Même avis, non parce que nous serions en désaccord sur les principes mais, comme vient de le rappeler excellemment le rapporteur, parce que ces principes sont déjà inscrits dans la loi et que rien dans le présent projet ne les modifie.

(L’amendement n° 30 n’est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mercredi 24 novembre à quinze heures :

Déclaration de politique générale du Gouvernement, débat et vote sur cette déclaration ;

Texte de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 24 novembre 2010, à une heure.)