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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2010-2011

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 15 juin 2011

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Jean-Christophe Lagarde

1. Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 (suite)

1. Première partie (suite)

Rappel au règlement

M. Jean-Patrick Gille

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé

Après l’article 1er

Amendement no 99

M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires sociales

Amendements nos 100, 101, 102, 70, 73, 74

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales

Amendements nos 117, 118 rectifié, 120, 69, 136 rectifié, 135 rectifié, 134 rectifié

Article 2

Mme Jacqueline Fraysse

Article 3 et annexe B

M. Jean Mallot

Amendements nos 23, 138, 139, 140, 141, 142, 143, 144

Article 4

Amendement no 145

Article 5

Amendement no 146

Article 6

Amendement no 147

Article 7

M. Jean Mallot

M. Yves Bur, rapporteur

Amendements nos 148, 149, 150

Article 8 et rapport annexé

Amendements nos 27, 28, 29, 30, 160, 31, 161, 32, 162, 33, 34, 35, 159, 36, 151 rectifié, 152, 153

Article 9

Amendements nos 37, 38

1. Deuxième partie

Avant l'article 10

Amendement no 84 rectifié

Article 10

Amendement no 39 rectifié

Article 11

M. Jean-Pierre Brard

M. Jean Mallot

M. Xavier Bertrand, ministre

Amendements nos 71, 40 rectifié

Article 12

Amendement no 41 rectifié

Article 13

Mme Jacqueline Fraysse

Amendement no 154

Article 14

Amendement no 155

Après l’article 14

Amendement no 55

Article 15

Amendement no 42 rectifié

Vote sur l’ensemble de la deuxième partie

2. Alternance et sécurisation des parcours professionnels

M. Gérard Cherpion, rapporteur de la commission des affaires sociales

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé

Mme Nadine Morano, ministre chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle

Motion de rejet préalable

M. Jean-Patrick Gille

M. Xavier Bertrand, ministre, M. Bernard Perrut, M. Michel Issindou, M. Francis Vercamer, M. Roland Muzeau

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Jean-Christophe Lagarde,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, immédiatement suspendue, est reprise à vingt et une heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

1

Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 (n°s 3459, 3513).

Première partie (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a commencé l’examen des articles de la première partie du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n° 119 rectifié portant article additionnel après l’article 1er.

M. Jean-Patrick Gille. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Mon rappel au règlement concerne le déroulement de la séance. En fin d’après-midi, nous avons eu un échange très intéressant sur la nécessité de respecter la négociation collective et le dialogue social.

M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires sociales. Vous n’étiez pas là !

M. Jean-Patrick Gille. Mais si, monsieur Bur !

M. Jean Mallot. Si, si !

M. Jean-Patrick Gille. À ce propos, je m’interroge sur le déroulement de nos travaux ce soir. En effet, un second texte est inscrit à l’ordre du jour, qui porte sur l’emploi, le développement de l’alternance et les groupements d’employeurs. Or, vous le savez, sur ces questions, il faut une concertation des partenaires sociaux avant que nous ne légiférions, y compris – depuis l’adoption d’une proposition de loi du groupe socialiste – lorsqu’il s’agit, comme ici, d’une proposition de loi.

Il fallait donc d’importantes négociations collectives, très diverses, et qui ont eu lieu dans la précipitation – mais nous y reviendrons. L’une de ces négociations, qui concerne les groupements d’employeurs, n’a pu débuter qu’hier ; les partenaires sociaux n’ont pas eu le temps d’aboutir. Ils souhaitent poursuivre leur réflexions et ils demandent tous aux parlementaires de différer l’examen du titre II de la proposition de loi.

Je profite par conséquent de la présence du ministre du travail, de l’emploi et de la santé pour l’interroger sur la position du Gouvernement : a-t-il l’intention de retirer ce titre II de la proposition de loi, ce qui permettrait de mieux organiser le débat que nous aurons tout à l’heure ?

M. Jean Mallot. Et voilà comment travaille l’Assemblée nationale !

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Monsieur Gille, vous faites allusion au texte dont nous débattrons après celui-ci. Je ne voudrais pas parler au nom du président Méhaignerie, mais nous avons déjà, je crois, repoussé l’examen de ce texte pour permettre le déroulement d’une discussion entre les partenaires sociaux. Nous aborderons le sujet tout à l’heure.

Je le dis très paisiblement et très sereinement : je ne suis vraiment pas persuadé que votre question vise à autre chose qu’à repousser, encore et encore, l’examen de cette proposition de loi.

M. Alain Vidalies. Il faut respecter les partenaires sociaux !

M. Xavier Bertrand, ministre. Sur la question de la proposition de loi Cherpion et de la place des GEIQ – les groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification – je laisserai le soin de répondre au président Méhaignerie, qui s’est occupé de ce dossier : il s’agit bien d’une proposition de loi, et non d’un projet. Le Gouvernement avait, c’est vrai, accepté de laisser un délai supplémentaire ; mais, délai supplémentaire après délai supplémentaire, est-ce que nous allons renoncer à délibérer sur cette question importante ? Très franchement, je ne suis pas convaincu que ce soit le but que vous recherchiez.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Cela fait vingt-cinq ans que ça dure !

Après l’article 1er

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 1er.

La parole est à M. Jean Mallot, pour soutenir l’amendement n° 99.

M. Jean Mallot. Cet après-midi, nous avons parlé de taux de cotisation divers et variés, suivant les types de rémunérations auxquels ils s’appliquent. Nous avons à plusieurs reprises – comme vous – souhaité lutter contre les niches sociales ; mais, contrairement à vous, nous pensons que toutes les rémunérations, quelle que soit leur forme, devraient être soumises aux mêmes prélèvements, sociaux et fiscaux d’ailleurs.

Joignant le geste à la parole, nous vous proposons par cet amendement n° 99 de nous intéresser aux stock-options et aux attributions d’actions gratuites. La contribution patronale est actuellement fixée à 14 % ; nous souhaitons la fixer à 20 %, ce qui est encore loin, bien sûr, du taux de droit commun de cotisations sociales sur les salaires, qui est de 38 %.

M. Bur s’apprête, j’en suis sûr, à nous rappeler que la contribution employeur sur les stock-options et les actions gratuites a été créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008. Mais, avec un taux de 14 %, nous sommes loin du compte : voilà pourquoi nous souhaitons porter ce taux à 20 %.

M. le président. La parole est à M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 99.

M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission a rejeté cet amendement. Comme vous l’avez rappelé, monsieur Mallot, le taux de contribution initialement fixé – à mon initiative – à 10 % a déjà été sensiblement augmenté par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, dans le cadre de la réforme des retraites, puisqu’il est désormais de 14 %, auxquels s’ajoute un taux de 20,1 % de contribution salariale.

Il faut, je crois, rester au niveau de ce qui se fait dans d’autres pays ; si vous taxez trop, il n’y aura plus de stock-options. Les entreprises iront chercher ailleurs !

M. Jean Mallot. Qu’appelez-vous « trop » ?

M. Yves Bur, rapporteur. Voulons-nous garder ici ces entreprises, et ces chefs d’entreprises ? Ce qui compte, c’est d’atteindre un bon équilibre, et je crois que nous nous en approchons.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Même avis que la commission.

(L’amendement n° 99 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 100.

La parole est à M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Dans le même esprit que l’amendement précédent, nous proposons ici de porter la contribution salariale sur les stock-options et les attributions d’actions gratuites de 8 % à 10 %. Nous sommes là aussi, on le sait bien, très éloignés du taux de droit commun de cotisations sociales sur les salaires, qui s’élève à 38 %.

Nous voulons donc, tout doucement, inciter le Gouvernement à aller plus vite. L’argument de M. Bur pourrait s’entendre en période d’excédents budgétaires ou d’excédents de trésorerie de la sécurité sociale, mais on cherche aujourd’hui désespérément, à chaque PLFSS, à combler ces trous insupportables pour la protection sociale et qui mettent celle-ci en péril à très court terme.

Nous voulons donc vous aider à trouver des recettes. Celles-ci ne dissuaderaient pas d’utiliser les stock-options ; elles instaurent simplement un prélèvement plus juste. Ceux qui touchent des stock-options aujourd’hui ne font pas partie des plus démunis, et on peut leur demander un effort.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur. Le taux de contribution salariale, initialement fixé à 2,5 %, a déjà été sensiblement augmenté par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, dans le cadre de la réforme des retraites : il est désormais de 8 %, auxquels s’ajoutent 12 % de cotisations sociales et 14 % de contribution patronale spécifique.

Il faut tout de même se rappeler qu’avant 2007, la dernière fois que l’on avait touché au dispositif des stock-options, c’était en 1999. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Et c’était alors, justement, pour que la comparaison avec ce qui se passe ailleurs demeure acceptable pour nos entreprises. Qui était au pouvoir en 1999 ? Je vous laisse le choix de la réponse.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Même avis.

(L’amendement n° 100 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 101.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Cet amendement s’inscrit dans la même démarche.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous nous rappelez régulièrement que la fiscalité sur les stock-options avait diminué au moment où Laurent Fabius était ministre des finances.

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous ne diriez tout de même pas du mal de M. Fabius !

M. Alain Vidalies. Mais avez-vous oublié quelle avait été alors la position de la droite ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Je n’étais pas parlementaire à cette époque…

M. Alain Vidalies. Aviez-vous voté contre ? Non. Au contraire, vous trouviez que la baisse n’était pas suffisante !

M. Patrice Verchère. Au moins, nous sommes cohérents.

M. Alain Vidalies. Sur ce terrain, vous feriez donc mieux de bien vous souvenir de ce qui s’est passé, d’autant que nous étions alors dans une conjoncture où les finances sociales étaient équilibrées.

M. Xavier Bertrand, ministre. C’était l’époque où vous faisiez des cadeaux aux riches !

M. Alain Vidalies. L’amendement que je défends est d’une autre nature, car s’il est bien un domaine où l’on peut s’accorder sur le fait que les modes de rémunération sont dans l’exagération, et à tout le moins ne sont pas compris par les Français, c’est bien celui des parachutes dorés !

Jour après jour, semaine après semaine, on voit bien que rien n’a été remis en cause, et que les sommes que certains s’attribuent aux dépens de la société, pour leurs vieux jours, sont extraordinaires ! Monsieur le rapporteur, vous qui avez instauré un début de moralisation, il me semble qu’on peut distinguer cet amendement, qui porte sur les parachutes dorés, des autres amendements que nous avons présentés : faisons, collectivement, un effort indispensable pour améliorer l’état de nos finances sociales. Ce serait, de plus, moralement juste.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur. Il ne faut pas nier la portée symbolique de ces amendements – sur les stock-options, les attributions d’actions gratuites, et maintenant les parachutes dorés.

Mais il faut aussi avoir conscience que les montants en jeu sont très faibles : il serait faux de penser que de telles mesures pourraient suffire à rétablir les équilibres des comptes sociaux.

M. Jean Mallot. Si les montants en jeu sont faibles, alors ces taux ne seraient pas dissuasifs !

M. Yves Bur, rapporteur. Les prélèvements sur les parachutes dorés ont déjà été accrus ces dernières années. La loi de financement pour 2009 a soumis à taxation au premier euro, à mon initiative, les indemnités de rupture supérieures à trente fois le plafond annuel de la sécurité sociale. La loi de financement pour 2011 limite à trois fois le plafond annuel de la sécurité sociale leur exclusion de l’assiette des contributions sociales. Nous avons, je pense, déjà fait ainsi un grand pas dans le sens de l’équité.

M. Alain Vidalies. Un petit pas !

M. Yves Bur, rapporteur. Naturellement, on peut toujours dire qu’on peut faire plus ! Mais on ne peut pas nier que nous avons fait un grand pas vers davantage d’équité dans la contribution sociale.

Du temps des gouvernements auxquels vous participiez, il n’y avait aucune mesure de contribution sociale sur l’ensemble de ces revenus. Aujourd’hui, c’est à notre initiative que ces dispositifs sont soumis à contribution sociale : les stock-options, les attributions gratuites d’actions, les parachutes dorés, contribuent au financement de notre protection sociale.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. L’argumentation du rapporteur est tout à fait intéressante : en gros, il rejette l’amendement de nos collègues socialistes parce que ces sommes représentent si peu de chose que cela ne vaut pas le coup de se baisser pour les ramasser ! (Sourires.)

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est pour leur éviter les contradictions…

M. Jean Mallot. C’est la droite qui est incohérente.

M. Xavier Bertrand, ministre. …et pour leur éviter de dire du mal de M. Fabius.

M. Jean-Pierre Brard. Oh, bien sûr ; pour les contradictions, monsieur le ministre, nous ferons un jour un séminaire où nous lirons ensemble Le Capital, et vous verrez : vous en sortirez fortifié, et vous changerez de politique !

Vous dites avoir déjà beaucoup progressé dans le sens de l’équité, pour reprendre une formule qui vous est chère, monsieur le rapporteur. Mais il me semble que M. Xavier Bertrand rencontre de temps en temps M. François Baroin : vous ne pouvez pas oublier, monsieur le ministre, ce qui a été décidé la semaine dernière. Ce furent des cadeaux comme on n’en avait encore jamais vu : des gros cadeaux – 2 milliards sous la table pour compenser ce qui vous a fait tant de peine, la suppression du bouclier fiscal – et puis aussi des petits cadeaux. Monsieur le ministre, vous le savez bien, ou alors vous devriez demander à François Baroin : il paraît que vous êtes dans le même Gouvernement ! (Sourires.)

Et qu’avez-vous décidé, au nom de la politique familiale ? Vous aimez vraiment les enfants, la preuve : pour les riches, qui payent l’impôt sur la fortune – qui payent des cacahuètes en impôt sur la fortune : pour 2 millions de patrimoine, on paye 750 euros, environ…

M. Xavier Bertrand, ministre. Ne parlez pas trop de cacahuètes au ministre de la santé ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Pour ces riches, vous avez prévu un abattement supplémentaire de 300 euros par enfant, à déduire de l’impôt sur la fortune – je suis sûr que le sang de Pierre Méhaignerie ne fait qu’un tour, quand il entend cela !

M. Patrice Verchère. Au PC, vous n’aimez pas les enfants ?

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Bur, vous le savez : nous vous estimons, nous vous aimons bien ; mais ce n’est pas une raison pour vous encourager à persévérer dans l’erreur et l’injustice ! Vous ne pouvez pas oublier aussi facilement ce qui a été décidé la semaine dernière.

M. Yves Bur, rapporteur. Vous datez un peu, monsieur Brard. (Sourires.)

(L’amendement n° 101 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 102.

La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Je commencerai par rappeler à M. le rapporteur et à M. le ministre que l’état des finances sociales dans les années 1999-2000 n’était pas ce qu’il est aujourd’hui ! On peut imaginer que les mesures proposées puissent être largement différentes.

Cela étant, monsieur le rapporteur, si vous estimez que nos amendements ne rapportent pas assez, si je puis dire, vous pouvez augmenter les taux que nous proposons ! Ne vous retenez surtout pas. (Sourires.)

L’amendement n° 102 vise à porter à 20 % le « forfait social » appliqué à l’intéressement et à la participation, qui est actuellement de 6 %. Même si nous sommes loin du taux de droit commun de cotisations sociales sur les salaires, qui est de 38 %, ce serait néanmoins un progrès substantiel.

Cet amendement est d’autant plus opportun qu’il rejoint le débat que nous avions sur la nature même de la prime dite « Sarkozy » que vous avez instituée il y a quelques heures à l’article 1er. Cet après-midi, vous avez non seulement compris que la logique de cette prime s’apparentait très largement à celle de l’intéressement, mais vous avez même adopté un amendement Joyandet qui complète le dispositif en ce sens.

Cet amendement concourt donc à la bonne compréhension de ce que vous-même proposez, tout en aidant les finances sociales, qui en ont bien besoin. Nous souhaitons donc que vous l’adoptiez avec nous.

M. le président. Monsieur le rapporteur, la commission a-t-elle répondu à ce souhait ?

M. Yves Bur, rapporteur. Bien évidemment non. (Sourires.) Je rappelle ici que j’avais proposé, dans le rapport de la mission d’information de 2008, une flat tax de 5 % sur l’ensemble des niches sociales.

M. Jean-Pierre Brard. Comment dit-on flat tax en français ? Ou en allemand, à la limite …? (Sourires.)

M. Jean Mallot. Ce n’est pas de l’humour corrézien ! (Sourires.)

M. Yves Bur, rapporteur. J’avais proposé une assiette large et un taux bas, si vous préférez. (Sourires.) Cette mesure avait d’ailleurs été acceptée par l’ensemble des membres de la mission, y compris par son président Gérard Bapt.

Lorsqu’il a été créé, le taux du forfait social était de 2 % ; il est ensuite passé à 4 % ; il a, enfin, été porté l’an dernier à 6 %. Il dépasse donc un petit peu la taxe que j’avais proposée – monsieur Issindou, vous étiez membre de cette mission d’information, je crois.

Nous sommes là au cœur de vos contradictions. Pendant la première partie de l’après-midi, lors de la discussion de l’article 1er, vous n’avez cessé de défendre les mécanismes d’intéressement et de participation. Et là, une fois voté l’article 1er, vous voulez porter le forfait social à 20 % ! Ce serait tout simplement signer la mort de la participation et de l’intéressement.

M. Patrice Verchère. Le PS aime beaucoup les taxes !

M. Xavier Bertrand, ministre. Le PS est pour les impôts et contre la participation.

M. Yves Bur, rapporteur. J’ai du mal à comprendre ! Si on veut que ces mécanismes d’intéressement, qui contribuent à la bonne santé des entreprises, perdurent, alors il ne faut pas toucher au niveau de cette contribution, qui est d’ailleurs plus élevé aujourd’hui que dans le passé. Vous nous expliquerez certainement l’état de vos réflexions, et vos contradictions.

M. Michel Issindou. Et vous nous expliquerez l’état des finances sociales !

M. Jean Mallot. Nous sommes parfaitement cohérents !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Monsieur le rapporteur, pour toute argumentation théorique concernant les cotisations auxquelles peuvent être soumis l’intéressement et la participation, le mieux est de vous reporter à la démonstration faite tout à l’heure par M. Garrigue qui, de ce point de vue, me paraît avoir beaucoup plus de légitimité pour interpréter la pensée gaulliste que moi. Il vous a expliqué, et je veux reprendre ses propos, combien lui paraissait incompréhensible le fait que cette idée forte de la participation et de l’intéressement se soit toujours développée avec la nécessité absolue d’avoir des exonérations à la clé. Au contraire même, dans cette idée d’alliance entre le capital et le travail, on ne voit pas pourquoi, d’une manière systématique, il devrait y avoir des exonérations.

Vous venez de dire, me semble-t-il, que vous n’étiez pas non plus de cette famille politique. Je préfère donc la légitimité et l’authenticité de cette interprétation. Vous voyez bien que ce que vous avez voulu relever comme contradiction engendre un autre débat.

Monsieur le rapporteur, vous nous dites que nos propositions rapportent peu d’argent et qu’il ne sert à rien de taxer les parachutes dorés. Votre majorité n’a pourtant pas hésité à taxer les indemnités journalières d’accident du travail, pour un gain de 120 millions d’euros, au titre de la justice sociale. Je vous renvoie donc à ce que vous avez fait. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Je reviens sur un problème de fond et un point d’histoire. Le problème de fond, je l’ai dit tout à l’heure, c’est que si l’on donne à la participation et à l’intéressement un régime fiscal et de cotisations sociales exorbitant du droit commun, c’est que, quelque part, il n’y a pas de légitimité. Or la légitimité tient à ce que ces dispositifs traduisent le partage d’un effort commun, ce qui veut dire que tout le monde est soumis aux mêmes règles en matière de fiscalité et de cotisations sociales.

Ce débat a existé dès les premiers textes sur la participation. Louis Vallon, qui était rapporteur général du budget, et René Capitant, qui fut ensuite ministre de la justice, tous deux à l’origine de ce dispositif, avaient dénoncé, lorsqu’elle a été prise, le fait que l’ordonnance de 1967 soit assortie d’avantages fiscaux sortant du droit commun. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L'amendement n° 102 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 70.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, vous n’êtes pas favorable aux impôts. La preuve : Mme Bettencourt, qui jusqu’à cette année payait 40 millions d’euros d’impôts, n’en paiera plus que 10 millions l’année prochaine. Quand on aime tendrement, on est toujours prêt à faire des efforts !

À vous voir, j’ai l’impression que François Baroin ne vous a pas parlé de ce cadeau.

M. Xavier Bertrand, ministre. J’essayais de me rappeler de combien vous aviez augmenté les impôts, 30 % ou 40 %, quand vous étiez maire de Montreuil.

M. Jean-Pierre Brard. C’était de 20 % en six ans, moins qu’à Saint-Quentin.

M. Xavier Bertrand, ministre. Quand la mairie était communiste, c’est vrai !

M. le président. Nous ne sommes pas dans un débat municipal, monsieur Brard. Le temps s’écoule et je crains qu’il ne vous en reste pas pour défendre votre amendement.

M. Jean-Pierre Brard. L’objet de cet amendement est de revenir sur les allégements généraux de cotisations sociales, qui représentent plus des trois quarts des mesures d’exonération, afin de relâcher la pression à la baisse sur les salaires et sur les rentrées de cotisations sociales qu’exercent ces dispositions.

La réduction générale des cotisations patronales, dite Fillon, jusqu’à 1,6 SMIC, représente un manque à gagner de 22 milliards d’euros pour les comptes sociaux, des milliards qui sont certes intégralement compensés par l’État mais qui pèsent lourd sur son budget, dont vous vous plaignez ensuite qu’il est en déficit. En tout état de cause, ces sommes pourraient être utilement réorientées vers d’autres postes budgétaires.

Soulignons que la Cour des comptes elle-même juge sévèrement ce dispositif de réduction générale puisqu’elle propose, sinon sa suppression, du moins sa réduction à 1,4 SMIC, de façon à récupérer a minima 5 milliards d’euros.

De plus, ce dispositif est un outil à tirer les salaires vers le bas.

Pour toutes ces raisons, nous estimons nécessaire de le supprimer intégralement, d’autant qu’il est loin d’avoir fait la preuve de son efficacité en matière de compétitivité et de créations d’emplois. C’est le sens de notre amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur. En apparence, cette mesure rapporterait beaucoup puisque vous parliez de 22 milliards. Cela dit, vos données méritent d’être actualisées : l’an dernier, nous avons supprimé 2 milliards d’exonérations au titre de l’annualisation.

M. Michel Issindou. C’est vrai, mais il en reste !

M. Yves Bur, rapporteur. Aujourd’hui, les recettes potentielles seraient donc de 20 milliards.

Vous avez participé à la commission, où nous avons vu que l’ensemble des études et de nombreux partenaires sociaux reconnaissaient que ces mesures d’exonération avaient permis de créer ou de maintenir à peu près 700 000 à 800 000 emplois. S’il n’y avait pas de données formelles, il y avait toutefois un large consensus.

Voulez-vous prendre aujourd’hui le risque de supprimer brutalement l’ensemble des exonérations, au risque d’aggraver le chômage pour les salariés les moins qualifiés ? Pour ma part, je n’oserai pas faire une telle proposition.

Par contre, nous avions proposé une diminution progressive de ces exonérations. Dans mon rapport, j’avais ainsi suggéré de passer progressivement leur taux de 1,6 % à 1,4 % en conditionnant cette diminution à la bonne santé de l’économie, car, en période de crise ou de sortie de crise, ce ne serait pas pertinent. Lorsque la croissance sera vraiment affermie, nous pourrons aller dans ce sens.

Un premier effort a été fait avec la mise en œuvre d’une des recommandations du rapport, à savoir l’annualisation, qui permet une économie pour l’État de 2 milliards d’euros. Il faut continuer dans cette voie, de manière raisonnable mais résolue, avec tempérance, en fonction de la croissance et de la situation des entreprises. Les exonérations de charges sociales ne sont pas un cadeau aux entreprises ; c’est une manière de maintenir dans l’emploi des salariés à faible qualification qui, autrement, auraient certainement beaucoup de difficultés à être au travail.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Je n’ai pas tout à fait la même lecture qu’Yves Bur de ce qu’ont pu nous dire les partenaires sociaux. Effectivement, le MEDEF nous a dit cela, mais les autres partenaires ont été beaucoup moins explicites. Le nombre d’emplois préservés était grosso modo de 300 000 à 1,5 million. Lorsque l’on avance des fourchettes aussi étendues, cela veut dire qu’on n’en sait rien ! Vraisemblablement, les carnets de commande sont beaucoup plus efficaces pour maintenir l’emploi que les exonérations, qui produisent des effets d’aubaines. Cela a été dit aussi par des syndicalistes. Il y a donc encore un effort à faire au regard des 20 milliards en question. Aujourd’hui, les déficits sont tels qu’il faut encore se reposer la question, monsieur le rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Tout à fait !

M. Michel Issindou. Nous ne sommes pas encore allés au bout de la réflexion sur ce sujet du manque à gagner. L’État compense certes celui de la sécurité sociale, mais les vases sont tellement communicants que c’est un manque pour les finances publiques de manière générale.

Je suis persuadé que cette disposition n’aurait pas d’incidence, notamment sur les emplois non délocalisables. Expliquez-moi en quoi elle diminuerait les emplois dans une entreprise de nettoyage. Il faudra bien continuer à faire du nettoyage. La restauration et tout un tas de secteurs ne seront pas concernés.

Peut-être faudrait-il l’appliquer avec discernement pour des entreprises exportatrices, qui pourraient fabriquer à l’extérieur, mais pas pour celles qui sont complètement localisées. Beaucoup des emplois à faible revenu sont précisément dans ces entreprises franco-françaises qui ne peuvent pas être délocalisées.

Encore une fois, face à un déficit de 30 milliards, lié pour partie à la crise mais pour 10 milliards d’origine structurelle, ne pas s’interroger sur ces 20 milliards de manque à gagner serait vraiment une faute professionnelle, monsieur le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je suis d’accord sur les 20 milliards de manque à gagner plutôt que 22.

Monsieur Bur, pourquoi estimons-nous beaucoup nos collègues alsaciens ? Pour leur rigueur. Et qu’entend-on dans votre bouche : les données plus ou moins formelles que nous avons ! Ce n’est pas avec des données plus ou moins formelles que l’on peut fonctionner, c’est avec de vraies données. En la matière, Mme Parisot n’a jamais été un parangon de véracité, au contraire !

Les vraies données, qui les détient ? C’est Gilles Carrez et la Cour des comptes. Que nous disent-ils, dans deux rapports différents et indépendants l’un de l’autre ? Que vos exonérations de cotisations fiscales et sociales n’ont servi à rien. Voilà la vérité ! En plus, les faibles salaires tirent les qualifications vers le bas.

Dans les comparaisons franco-allemandes qui vous sont si chères, que constate-t-on, à propos notamment de l’affaissement des exportations françaises ? L’image des produits français est altérée, non pas à cause des prix, toutes les études le montrent, mais à cause de la baisse de qualité et de capacité d’innovation. Vous tirez les emplois vers le bas et notre industrie perd sa capacité de renouvellement.

Le rapporteur faisait appel à la tempérance. Quelle drôle de notion à associer au budget qui nous occupe ! J’avoue que je n’y suis pas habitué, à la commission des finances. Peut-être la pratique-t-on davantage dans la vôtre.

M. Yves Bur, rapporteur. Elle est plus sociale, plus humaine !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le rapporteur, restez humain, mais revenez à la rigueur qui fait votre charme d’habitude et que vous abandonnez pour justifier la politique gouvernementale.

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet.

M. Alain Joyandet. D’un débat à l’autre, les socialistes nous demandent tout et son contraire, et je voudrais réagir à ce que j’ai entendu. Alors que, en matière de participation et d’intéressement, ils dénoncent la différence de traitement que le dispositif pourrait introduire, sur l’exonération de cotisations sociales sur les bas salaires, ils viennent de dire quelque chose de fort intéressant que je tiens à relever : il faudrait la supprimer pour les entreprises qui ne sont pas en concurrence à l’international, mais on pourrait la maintenir pour les autres. Chers collègues, expliquez-moi comment mettre en œuvre une telle mesure.

M. Michel Issindou. Facile !

M. Alain Joyandet. Comment fera-t-on la différence et où sera la limite entre les entreprises qui sont en concurrence internationale et celles qui sont sur le marché intérieur ? Comme s’il y avait des entreprises dont l’activité se situe exclusivement sur le marché international et d’autres exclusivement sur le marché intérieur !

M. Michel Issindou. Oui !

M. Alain Joyandet. Vous rendez-vous compte de ce que vous dites, de la façon dont cette énormité pourrait être mise en œuvre et de ce que le Conseil constitutionnel pourrait en penser ?

M. Jean Mallot. Vous mettez bien en œuvre une prime qui ne concernera qu’un salarié sur vingt-cinq !

M. Alain Joyandet. Le débat n’autorise quand même pas tout. Tous sur ces bancs, nous avons sur nos territoires des entreprises qui ont à affronter la forte compétitivité internationale. Qui prendra le risque d’annuler aujourd’hui les exonérations de charges, notamment sur les bas salaires, et d’une manière générale parce qu’on ne peut pas le faire autrement ?

M. Jean Mallot. Supprimez carrément les cotisations !

M. Alain Joyandet. À vouloir introduire une différence entre les entreprises en leur accordant des allégements si elles sont en concurrence sur le plan international et en laissant les autres payer plein pot parce qu’elles sont sur le marché intérieur, on atteint un très haut niveau de débat au sein de la représentation nationale. Cela m’inquiète fortement.

(L'amendement n° 70 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 73.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à encourager la négociation salariale dans les branches et les entreprises afin de lutter contre les bas salaires, le temps partiel subi et les inégalités salariales. Il s'agit, dans une perspective plus pérenne et plus juste que celle qui prévaut à l’article 1er, d'organiser une grande conférence nationale sur les salaires et de sanctionner de manière significative les entreprises qui refusent de négocier ou d'appliquer la législation existante en matière d'égalité professionnelle.

Je veux vous livrer quelques éléments de réflexion. Une publication de la DARES d’avril 2009 montre qu’en dépit de l'obligation de négociation annuelle sur les salaires seuls 40,9 % des 7,5 millions de salarié-e-s des entreprises de plus de dix salarié-e-s du secteur marchand non agricole bénéficiaient en 2007 d'un accord d'entreprise relatif aux salaires et aux primes.

La précarité des femmes est en grande partie due au fait qu'elles sont plus souvent payées au SMIC que les hommes, et qu'en conséquence, elles sont les premières concernées par son niveau bien trop bas. En outre, les femmes sont les premières touchées par le travail à temps partiel subi, ce qui rend nécessaire un grand plan de lutte contre cette forme de travail qui n’est pas choisie.

Je le répète, cet amendement vise à encourager la négociation salariale parce que ce ne sont pas les primes qui permettent aux salariés de vivre et de se constituer une retraite ; ce sont les salaires. Il poursuit trois objectifs : lutter contre les bas salaires, contre le temps partiel subi et avancer dans la lutte contre les inégalités salariales pour les effacer un jour.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

Le débat a déjà eu lieu tout à l’heure lors de la discussion de l’article 1er. Dans ce fameux rapport de 2008 sur les exonérations de charges sociales, nous avions proposé de conditionner un avantage fiscal ou social à l’ouverture de négociations. Du reste, c’est cette majorité qui l’a fait pour la première fois en réduisant les allégements de charges sociales pour les entreprises qui n’engagent pas la négociation annuelle obligatoire.

Cela dit, conditionner ici un tel avantage à la conclusion d’un accord reviendrait à déséquilibrer totalement les données de la négociation. On aurait toujours intérêt à rompre une négociation, car l’entreprise perdrait certainement beaucoup plus à ne pas conclure. On a beaucoup réfléchi, et M. Issindou peut en témoigner, sur la question du conditionnement. Il n’y a pas de bonne solution. La seule qui puisse être efficace consiste à encourager le dialogue social au sein des entreprises. C’est ce que nous avons essayé de faire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Avis défavorable. Une réunion de travail très importante aura lieu sous l’égide de Roselyne Bachelot et de nombreux ministres, le 28 juin, suivie, à partir du mois de juillet, d’un programme d’action interministériel sur ces questions. En parler, ce n’est pas mal ; agir, c’est mieux. C’est ce que nous voulons faire.

(L'amendement n° 73 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l’amendement n° 74.

M. Jean-Pierre Brard. Friedrich Engels disait que lorsqu’on ne trouve pas de solution à un problème, cela ne prouve qu’une chose : qu’on a été incapable de la trouver. Faites donc preuve d’un peu d’imagination ! Évidemment, vous ne demandez jamais de contrepartie.

Quant au sophisme de M. Joyandet, il est invraisemblable. Il reste dans un cadre général. Du coup, ceux qui nous regardent pourraient être enfumés par ce qu’il dit.

Mme Laure de La Raudière. C’est l’hôpital qui se moque de la charité !

M. Jean-Pierre Brard. Vous croyez que les entreprises de nettoyage, de ramassage des ordures, de service informatique, de santé, subissent la concurrence étrangère ? Cela ne tient pas la route.

M. Alain Joyandet. En Franche-Comté, on ne s’est jamais fait enfumer par Mme Voynet !

M. Jean-Pierre Brard. Même les Verts ne résistent pas à la pollution ! Je vous donne rendez-vous en 2014 ! (Sourires.)

M. Philippe Boënnec. M. Brard est vert de rage !

M. le président. Mes chers collègues, ne relancez pas M. Brard, sinon il ne pourra pas vous expliquer ce qu’il pense.

M. Jean-Pierre Brard. Cela concerne aussi le président de séance, car nous sommes dans le même département.

M. le président. Mais je n’ai pas de problème de pollution !

M. Jean-Pierre Brard. L’amendement n° 74 revient sur les exonérations de charges sociales sur les heures supplémentaires votées en août 2007 dans le cadre de la loi TEPA. Si vous avez aboli le bouclier fiscal en refilant aux privilégiés, sous la table, 2 milliards en même temps que vous leur preniez 600 millions d’euros, vous n’avez pas touché à la loi TEPA. Pourtant, c’est un manque à gagner pour les finances de l’État de trois milliards d’euros environ par an.

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est faux ! Ce sont des recettes pour l’économie !

M. Jean-Pierre Brard. On croirait entendre un disque vinyle rayé !

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous n’aimez pas les ouvriers !

M. Jean-Pierre Brard. Étant issu d’une famille ouvrière, je les connais mieux que vous !

M. Charles de La Verpillière. Mais on voit que vous n’êtes pas allé à l’usine !

M. le président. Mes chers collègues, n’interrompez pas M. Brard, qui adore cela ! (Sourires)

Monsieur Brard, vous en êtes déjà à deux minutes trente d’intervention. Toutefois, je vais vous accorder trente secondes supplémentaires pour vous permettre de terminer.

M. Jean-Pierre Brard. Merci, monsieur le président. Vous êtes magnanime !

M. le président. Toujours !

M. Alain Joyandet. Le président est centriste !

M. Jean-Pierre Brard. Nous avons toujours combattu la loi TEPA, emblématique du « travailler plus pour gagner plus », pour ceux qui auraient eu la faiblesse d’y croire, sous prétexte d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés. En fait, cela permet aux employeurs de réduire leur taux global de cotisations sociales et d’imposition et de réduire les droits à pension des salariés. De plus, cette mesure freine l’embauche au moment où le chômage est aggravé par la crise. Et après, vous reprocherez aux bénéficiaires du RSA de ne pas travailler ! C’est peu dire que cette mesure pèse lourdement sur l’équilibre de nos comptes sociaux et sur l’ensemble du marché du travail.

La Cour des comptes considère que l’on peut récupérer 15 milliards d’euros. Vous cherchez des petits sous : nous amenons là beaucoup d’argent.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable sur cet amendement.

Je rappelle à M. Brard que plus de 7 millions de salariés ont bénéficié d’heures supplémentaires, ce qui représente concrètement du pouvoir d’achat.

Mme Jacqueline Fraysse. Mieux vaudrait embaucher !

M. Yves Bur, rapporteur. On a le sentiment que ces salariés ne vous intéressent pas. Or ils ont gagné de l’argent en travaillant davantage, ce qui me paraît aller dans le bon sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Tout à l’heure, vous avez cité l’Allemagne qui connaît une grande prospérité parce que, pendant dix ans, sous la férule du socialiste Gerhard Schröder, les entreprises ont été déchargées de tout ce qui n’a pas de relation directe avec le travail. Les entreprises ont la responsabilité sociale de donner du travail, de créer de la richesse. Elles n’ont pas à jouer forcément le jeu de la solidarité. C’est le principe qu’ont appliqué les socialistes allemands. Le résultat est là : l’économie allemande est extrêmement florissante. Pendant ce temps, en France, nous étions au balcon, nous les regardions de manière incrédule.

M. Charles de La Verpillière. On devrait envoyer les socialistes français en stage là-bas !

M. Yves Bur, rapporteur. Je vous rappellerai ce que disait le chancelier Helmut Kohl : ce qui est social, c’est ce qui donne du travail. C’est le principe que nous essayons d’appliquer méthodiquement avec les dispositions que nous mettons en œuvre.

Dans ses recommandations du 7 juin dernier, la Commission européenne demande à la France d’accroître l’efficacité de son système fiscal, notamment en déplaçant la charge fiscale du travail vers l’environnement et la consommation et en mettant en œuvre la réduction prévue du nombre et du coût des exonérations sociales et fiscales, y compris les niches fiscales. C’est ce que prévoit le programme pluriannuel que nous avons envoyé. Il est donc bien question de déplacer la charge fiscale du travail vers la consommation et l’environnement. Je ne sais pas si nous sommes sur la même longueur d’onde.

M. Jean-Pierre Brard. Pas vraiment !

M. Yves Bur, rapporteur. On peut se réjouir que les recommandations de Bruxelles soient relativement sévères et qu’elles demandent à aller plus loin dans l’effort de rigueur, mais je ne suis pas certain que vous les partagiez toutes.

M. Jean-Pierre Brard. Nous n’en partageons aucune !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Même avis !

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Le dispositif adopté à l’article 1er de la loi TEPA en août 2007 exonère les heures supplémentaires, quelles qu’elles soient, de cotisations patronales, salariales et de fiscalité sur le revenu. J’indique au passage que cette disposition ne peut concerner que celles et ceux qui paient l’impôt sur le revenu, c’est-à-dire celles et ceux qui gagnent suffisamment. Cela ne concerne donc que la moitié des salariés en question.

Cette mesure coûte plus de 4 milliards aux finances publiques. Toutes les études qui ont été faites jusque-là ont montré que l’effet d’aubaine était complet. En effet, le dispositif sert à subventionner avec de l’argent public des heures supplémentaires qui auraient été faites de toute façon. Bercy vous le démontrera dans quelques jours. De plus, ce dispositif n’a créé aucune activité supplémentaire. On gagne plus en effet, mais on distribue de l’argent public à des personnes qui, de toute façon, auraient fait ces heures supplémentaires.

M. Alain Joyandet. C’est faux !

M. Jean Mallot. Vous savez, comme moi, que dans les entreprises, si on fait des heures supplémentaires ce n’est pas parce qu’il existe un dispositif d’exonérations ; c’est parce que le carnet de commandes est plein.

M. Jean-Pierre Brard. Voilà !

M. Jean Mallot. Toutes celles et tous ceux qui connaissent la vie des entreprises – il y en a quelques-uns ici – savent cela. Le dispositif d’exonération de cotisations patronales correspond à un pur effet d’aubaine puisqu’il soutient les entreprises dans la partie la plus rentable de leurs activités, l’heure supplémentaire étant celle qui rapporte le plus à l’entreprise.

M. Xavier Bertrand, ministre. Elle est payée plus cher !

M. Jean Mallot. Elle aurait été payée plus cher de toute façon ! Vous voyez, vous allez dans mon sens, monsieur le ministre. C’est de l’argent utilisé inutilement. On pourrait en faire un meilleur usage.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Les bénéficiaires des heures supplémentaires vous ont déjà dit ce qu’ils pensaient de la politique gouvernementale, mais vous avez dû oublier les résultats des élections cantonales.

M. Yves Bur, rapporteur. Il y a encore ceux qui ont voté pour nous !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Bur, vous êtes plein d’espoir en disant cela ! (Sourires.) Il faut du temps pour que les yeux se dessillent. C’est un processus, comme aurait dit Marx.

M. Yves Bur, rapporteur. Et vous, vous êtes dans un processus d’appauvrissement !

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez dit : ce qui est social, c’est ce qui donne du travail. Il suffit de connaître le nombre de chômeurs supplémentaires qui existent depuis 2002 pour mesurer l’impact de votre politique sociale.

Si l’Union européenne est votre référence, elle n’a jamais été la nôtre. Au hasard, je vous rappellerai la directive Bolkestein.

Enfin, vous avez cité le socialiste Schröder. Quel joli mot que celui de socialiste ! C’est un mot sacré qui me fait penser à Jaurès, mais on ne peut l’appliquer à M. Schröder.

Souvenez-vous, dans le Faust de Goethe, Faust avait vendu son âme à Méphistophélès. Pour sa part, M. Schröder l’a vendue à Gazprom. Et vous dites qu’il est socialiste ? Mais c’est faire insulte à nos collègues socialistes qui se battent avec nous aux côtés de ceux qui souffrent contre la politique menée en faveur des privilégiés. Si j’étais au Vatican, je dirais que M. Schröder mérite l’excommunication de la famille social-démocrate. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Louise Fort. Heureusement, vous n’êtes pas au Vatican.

M. le président. Pour le moment, le Vatican est encore préservé !

La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.

M. Jean-Pierre Brard. Voilà un apôtre du Vatican !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, j’interviens le moins possible pour ne pas allonger les débats, mais je trouve que la vision du parti socialiste sur les heures supplémentaires est extrêmement archaïque. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Charles de La Verpillière. Si encore sa vision n’était archaïque que sur ce sujet !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Je viens de quitter des représentants des entreprises et des PME du bâtiment. Pour ces PME, pour les ouvriers, les heures supplémentaires représentent un élément vital. Quand on a une commande de deux mois, croire qu’on peut trouver immédiatement un salarié dans l’industrie ou le bâtiment, c’est vraiment méconnaître la nécessité de la souplesse des entreprises. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

C’est la raison pour laquelle je trouve insensé qu’on puisse vouloir supprimer le pouvoir d’achat de centaines de milliers de salariés pour les remplacer par 300 000 emplois jeunes que les collectivités locales ne sauront de toute façon pas bien utiliser sur le terrain. Je supplie le groupe socialiste de revenir à la sagesse…

M. Charles de La Verpillière. Ça va être dur !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. …et d’écouter les salariés, en particulier les ouvriers et les employés qui bénéficient très largement des heures supplémentaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Mallot. Je demande la parole, monsieur le président.

M. le président. Monsieur Mallot, vous vous êtes déjà exprimé pour défendre l’amendement et pour répondre à la commission et au Gouvernement. M. Brard et M. Méhaignerie sont à leur tour intervenus. Forts de ces avis, il me semble que nous pouvons passer au vote.

M. Yves Bur, rapporteur. Très bien !

(L’amendement n° 74 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 117.

M. Dominique Tian. Cet amendement vise à préciser que toute somme ou avantage en espèces versé à un salarié par une entreprise tierce en contrepartie d’une activité accomplie dans l’intérêt de celle-ci, est une rémunération au sens de l’article L. 242-2 du code de la sécurité sociale. Cette précision tend de fait à exclure les avantages en nature de ce dispositif. Nous en avons déjà discuté au cours de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Cet amendement concerne en particulier les agences de voyage qui bénéficiaient, de la part des compagnies aériennes, de gestes commerciaux comme l’attribution gratuite de sièges invendus. Ces gestes doivent rester des avantages en nature et ne doivent pas être soumis à cotisations sociales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer le dispositif prévu par l’article 21 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Six mois plus tard seulement, M. Tian et certains de ses collègues veulent « refaire le match » et rétablir une niche sociale dont j’ai proposé la suppression l’année dernière.

Pourtant, les motifs qui ont présidé à la création d’une contribution sur les rémunérations versées par une entreprise tierce à des salariés restent d’actualité : d’une part, il ne serait pas raisonnable de priver les régimes sociaux de 70 millions d’euros de recettes ; d’autre part, il ne serait pas normal que ces rémunérations déguisées, qui se sont considérablement développées ces dernières années, échappent à tout prélèvement social.

Il faut en outre rappeler que les sommes annuelles inférieures à 15 % du SMIC mensuel restant totalement exonérées, ce dispositif ne pénalise pas les petites gratifications. Enfin, des sommes annuelles comprises entre 15 et 100 % du SMIC mensuel ne sont assujetties qu’à une contribution libératoire de 20 % et donc pas au taux commun. C’est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Le débat a lieu aussi au sein de la majorité et, pour reprendre l’expression de M. Bur, on refait le match sur certaines dispositions.

M. Dominique Tian. Eh oui !

M. Régis Juanico. Cela dit, j’irai plutôt dans le sens d’Yves Bur. Toutes les tentatives des députés pour individualiser au maximum les éléments de rémunération des salariés qui ne font pas partie du salaire net, comme les avantages en nature, ne contribuent pas à améliorer le pouvoir d’achat des salariés.

De plus, de tels avantages coûtent aux finances publiques – le rapporteur l’a rappelé à juste raison – près de 70 millions d’euros. J’observe que les divergences en la matière affectent plutôt la majorité. Le groupe SRC, en tout cas, ne votera pas cet amendement.

M. Michel Issindou. Très bien !

(L’amendement n° 117 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 118 rectifié.

M. Dominique Tian. Pour répondre à l’impératif de simplification de la vie des entreprises, but que nous poursuivons tous, cet amendement tend à généraliser le régime de la contribution libératoire de 20 % que vient d’évoquer Yves Bur à toutes les rémunérations versées par des entreprises tierces à des salariés, en contrepartie de la réalisation d’une activité dans l’intérêt de celles-ci, quelle que soit la nature du poste occupé par le salarié et quel que soit le secteur d’activité de son employeur.

Il s’agit du pouvoir d’achat de gens au salaire en principe assez bas, comme les employés du secteur de la parfumerie, qui ne sont pas des nantis et pour lesquels nous pouvons faire un geste.

M. Jean-Pierre Brard. Les parfumeurs s’en mettent plein les poches quand même !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur. J’ai déjà présenté l’essentiel de mon argumentation. Les amendements défendus par M. Tian visent à étendre le dispositif de contribution libératoire à l’ensemble des sommes ou avantages versés. À cette fin, monsieur Tian, vous invoquez l’argument séduisant de la simplification des procédures, mais ces amendements ne changeraient rien aux formalités à accomplir par les entreprises. La seule conséquence de leur adoption serait la diminution des recettes pour les régimes sociaux parce que le taux de contribution libératoire que vous prévoyez est nettement plus favorable que les prélèvements sociaux du droit commun. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Même avis.

(L’amendement n° 118 rectifié n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 120.

M. Dominique Tian. Contrairement à ce que vous pensez, monsieur Bur, la simplification que j’appelle de mes vœux génèrerait beaucoup plus de recettes. En effet, le système en vigueur est très compliqué et une contribution libératoire de 20 % inciterait les gens à ne pas tricher.

M. Alain Vidalies. Parce qu’il y a des gens qui trichent ?

M. Dominique Tian. La simplification, j’y insiste, peut aussi accroître les recettes. Vous devriez y réfléchir.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. Sans doute existe-t-il une possibilité de simplifier les procédures mais elle présenterait l’inconvénient pour les salariés, si l’on adoptait le système que vous proposez, de remplacer systématiquement des cotisations et contributions créatrices de droits par une contribution non créatrice de droits.

Vous évoquez les petits salariés, comme les vendeuses de parfum…

M. Alain Vidalies. Il y a aussi des vendeurs !

M. Yves Bur, rapporteur. …qui ont des compléments de rémunération ; ils ont, eux aussi, besoin de droits sociaux et de droits pour la retraite. Aussi votre calcul est-il mauvais.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Même avis défavorable à moins que vous ne retiriez votre amendement, monsieur Tian.

Le sujet abordé est en tout cas intéressant et, dans le cadre de l’examen du PLFSS pour 2012, nous sommes prêts à travailler avec vous pour avancer dans la perspective d’une simplification. L’idée de supprimer une obligation déclarative va tout à fait dans le sens de ce que je préconise en matière de simplification.

Nous examinons certes, en ce moment, un PLFSS rectificatif, mais nous souhaitons disposer d’un peu de temps afin d’être certains de prendre les bonnes mesures. Dans l’esprit, en tout, cas, je suis assez favorable à vos propositions et nous aurons l’occasion d’y revenir, d’autant que vous êtes assidu lors de l’examen des PLF et des PLFSS. Aussi, si je ne suis pas amnésique, je vous fais confiance pour me rappeler ce que je viens de vous dire.

M. le président. Retirez-vous votre amendement, monsieur Tian ?

M. Dominique Tian. Non, je le maintiens.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Il est difficile de savoir quelle est la position de la majorité quand on voit tous ces amendements qui proviennent d’un peu partout. Le pire n’est jamais sûr, d’autant que j’imagine les inquiétudes que doit éprouver la ministre des solidarités et de la cohésion sociale au moment où certains de nos collègues de la majorité demandent sa démission pour avoir dit, dans une émission, que le mariage entre personnes de même sexe était une évolution normale. Une pétition a même été lancée par la droite dite « populaire », si je ne me trompe, sous l’égide de M. Garraud et M. Myard, pour demander la démission d’un membre du Gouvernement.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. C’est ridicule !

M. Jean-Pierre Brard. Quelle inélégance !

M. Alain Vidalies. Vu l’état de décomposition de la majorité, si vous voulez suspendre les travaux, nous sommes d’accord.

M. le président. Voilà qui avait vraiment à voir avec l’amendement, monsieur Vidalies !

(L’amendement n° 120 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 69.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à faire reculer le travail à temps partiel subi qui touche prioritairement les femmes, les pénalise sur les plans salarial et social, notamment en matière de retraites. Il s’agit de majorer de 10 % les cotisations sociales patronales des entreprises de plus de vingt salariés comptant dans leurs effectifs au moins 20 % de salariés à temps partiel, afin de décourager le recours au temps partiel subi et d’inciter à l’accroissement de la durée d’activité.

La baisse du coût du travail via les exonérations de cotisations sociales patronales reste le fil conducteur des politiques libérales de l’emploi. M. Bur expliquait tout à l’heure de manière magistrale…

Mme Marie-Christine Dalloz. M. Bur est magistral !

Mme Jacqueline Fraysse. …que l’on pouvait appliquer une telle politique sans réserve en France puisqu’elle est en vigueur en Allemagne où tout va bien.

M. Alain Vidalies. Tout va bien en Allemagne sauf pour les Allemands !

Mme Jacqueline Fraysse. Telle n’est pas notre vision, monsieur Bur, et je ne suis pas sûre que les Allemands la partagent non plus. Nous considérons que les mesures préconisées sont des « trappes à bas salaires ». De surcroît, leur coût pour le budget de l’État et le manque à gagner pour la protection sociale atteignent plus de 30 milliards d’euros.

Parmi les salariés à temps partiel, j’y insiste, 82 % sont des femmes et si, entre soixante et soixante-quatre ans, toutes les femmes n’ont pas liquidé leurs droits à pension, c’est parce qu’elles ne peuvent bénéficier d’une retraite à taux plein à l’âge de soixante-cinq ans du fait d’une carrière incomplète. C’est le cas de près de trois femmes sur dix de la génération de 1938 contre un homme sur vingt.

Voilà quelques arguments parmi bien d’autres qui nous conduisent à présenter cet amendement visant à remédier à la situation anormale que je viens de décrire, en pénalisant les entreprises ayant trop fortement recours au temps partiel.

M. Michel Issindou. C’est une très bonne initiative !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. Le temps partiel n’est pas systématiquement subi. Il est souvent choisi par les salariés.

M. Michel Issindou. Ce n’est pas toujours vrai !

M. Yves Bur, rapporteur. La DARES a montré, il y a quelques années, dans une étude fort intéressante, que 32 % seulement des salariés à temps partiel déclaraient que c’était faute d’avoir trouvé un travail à temps plein (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR),…

M. Alain Joyandet. C’est vrai !

M. Yves Bur, rapporteur. …les autres invoquant d’autres motifs : avoir du temps pour s’occuper des enfants ou réaliser des travaux domestiques, raisons de santé, volonté de disposer de temps libre…

M. Jean Mallot. De quand date cette étude ?

M. Yves Bur, rapporteur. Elle date de 2005.

M. Jean-Pierre Brard. C’est la préhistoire !

M. Yves Bur, rapporteur. Les conditions de travail n’ont pas complètement changé !

Les politiques généralisées de quotas ont également des effets pervers. Certaines activités comportent inévitablement une part plus importante de temps partiel que d’autres. Les démarches volontaires, comme celle engagée par des enseignes de la grande distribution pour accroître l’horaire des caissières qui le souhaitent, sont préférables d’autant qu’elles sont le fruit du dialogue social.

Enfin, dois-je rappeler que le développement du temps partiel a été favorisé par un gouvernement socialiste, en 1992,…

M. Alain Vidalies. C’est vrai !

M. Yves Bur, rapporteur. …par le biais d’un allègement spécifique de charges qui n’a été neutralisé qu’en 2003 par la loi Fillon ?

M. Jean Mallot. C’est historiquement exact.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Même avis.

(L’amendement n° 69 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n° 136 rectifié.

M. Jean-Pierre Brard. Elle ne sera donc pas venue pour rien !

Mme Laure de La Raudière. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai également les amendements nos 135 rectifié et 134 rectifié, dans la mesure où tous trois concernent le statut des jeunes entreprises innovantes.

M. le président. J’allais vous y inviter, madame de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Le statut des jeunes entreprises innovantes est judicieux, particulièrement efficace et opérationnel pour les PME d’innovation favorisant directement l’emploi affecté à l’innovation.

C’est un dispositif d’exonération de charges sociales pour des PME innovantes dans ces secteurs porteurs que sont le numérique, les jeux vidéos, les biotechnologies. Ce sont des secteurs porteurs d’avenir. Vous savez comme moi que le numérique représente 25 % de la croissance de notre PIB.

La loi de finances pour 2011 est venue modifier, un peu hâtivement à mon avis, un dispositif utilisé par 2 500 à 3 000 start-ups françaises dans les secteurs du numérique, des jeux vidéos, de l’audiovisuel, des biotechnologies. C’est vraiment regrettable. Comme l’a souligné le Président de la République lors de l’installation du Conseil national du numérique, c’est une « balle perdue » de la loi de finances de 2011.

Le dispositif « Jeunes entreprises innovantes » est complémentaire au crédit impôt recherche. Il joue directement sur la trésorerie des PME innovantes, qui sont nos pépites, nos succès de demain, nos futurs joyaux du web3.0, nos succès internationaux. Nous sommes, sur ces marchés, en compétition mondiale avec les dispositifs favorisant l’innovation et le soutien aux PME de recherche qui sont installées aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni. Nous avons, en France, tous les moyens d’être parmi les leaders mondiaux en matière de numérique. Monsieur le ministre, par ces trois amendements, je vous demande de revenir sur la loi de finances de 2011.

Le premier amendement, n° 136 rectifié, vise, a minima, à rétablir le dispositif existant pour les entreprises qui disposaient du statut de jeunes entreprises innovantes avant le 1er janvier 2011.

Il vise, par ailleurs, pour les nouvelles entreprises qui entreraient dans le dispositif, à mettre en place un nouveau statut, proposé par le Conseil national du numérique, qui est proche de celui prévu par la loi de finances, mais qui précise que l’entreprise peut bénéficier du statut de jeune entreprise innovante quand elle le souhaite, mais pas plus tard que quatre ans après sa création, et que le plafond d’exonération sera, dès lors, relevé.

L’amendement n° 135 rectifié vise à rétablir purement et simplement le dispositif tel qu’il était avant la loi de finances pour 2011.

Quant à l’amendement n° 134 rectifié, il tend à proposer un nouveau cadre pour le dispositif de JEI à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Yves Bur, rapporteur. Ma chère collègue, nous connaissons votre engagement pour les entreprises innovantes, celles qui se placent sur le marché des nouvelles technologies. C’est un combat louable. Mais une loi rectificative n’est pas là pour défaire ce qui a été voté il y a quelques mois. Ce qu’on nous demande aussi, c’est un peu de cohérence dans nos choix. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable à ces trois amendements.

Je crois qu’il faut d’abord faire un bilan, pour en tirer ensuite les enseignements. Reconnaissez que, quelques mois seulement après l’entrée en vigueur de ces dispositions, il est totalement impossible d’en dresser ne serai-ce qu’un premier bilan.

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. J’entends bien qu’il faut faire un bilan du rabot auquel il a été procédé. Je m’appuyais simplement sur le fait que cela a été considéré comme une balle perdue de la loi de finances de 2011, et sur le fait que les premiers bilans ont déjà été dressés par la profession : 89 % des jeunes entreprises innovantes prévoient de réduire leurs dépenses de recherche-développement, en France, en 2011 ; 54 % ont déjà limité les recrutements de personnel R&D, et 23 % envisagent même de délocaliser leurs activités R&D. Voilà le premier bilan.

Monsieur le ministre, j’entends bien que ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale n’est peut-être pas le texte approprié. Mais j’aimerais pour le moins que le Gouvernement s’engage à dresser, dans la perspective du projet de loi de finances pour 2012, un véritable bilan, après un an d’application. Ce rabot nous a fait économiser 50 millions, mais, à mon avis, à court et moyen terme, nous perdrons beaucoup plus en termes de brevets pour la France et en termes d’innovations par ces PME, qui sont des pépites.

Je voudrais donc un engagement du Gouvernement sur le fait qu’une étude sera réalisée et qu’un bilan sera dressé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Madame de La Raudière, vous connaissez très bien les procédures. Vous savez très bien que nous sommes en train de discuter d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale, et qu’en aucun cas ce n’est le vecteur susceptible de porter les dispositions que vous proposez.

En tant que ministre du travail, de l’emploi et de la santé, que puis-je faire, à part répercuter ce que vous me dites auprès de mes collègues ?

Que puis-je vous répondre ? Que nous savons quel est l’impact des jeunes entreprises innovantes ? Oui, nous savons quel est leur impact. L’autre jour encore, j’étais avec Pascale Gruny dans sa circonscription : nous étions face à un jeune chef d’entreprise innovante qui avait des problèmes de financement, et qui se heurtait en particulier à un dialogue de sourds avec OSEO. Il avait besoin d’un financement spécifique. Nos outils ne le lui permettaient pas.

Il y a, en plus, cette dimension fiscale du problème, et il faut bien évidemment que nous y soyons attentifs autrement que dans de grands discours. Je suis d’accord avec vous. Parce qu’il s’agit aussi des emplois de demain. Et aucune fatalité ne nous interdit d’espérer que, un jour, un Google européen soit possible.

Mais dans ce débat, au moment où nous parlons de la prime pour les salariés, je ne peux pas prendre d’engagement. Ce n’est pas le lieu, ce n’est pas le moment, et ce n’est pas ma compétence ministérielle.

Si vous voulez savoir si je suis sensible à ces questions, je vous réponds que oui. Je le suis en tant qu’élu local, et je sais, en tant que ministre, que ces entreprises représentent des emplois et des créations d’emplois dans un secteur qui nous intéresse tout particulièrement. Mais hélas, même si je vous vois approuver, je ne peux pas vous dire davantage. J’en suis désolé.

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. Je comprends parfaitement l’argument de M. le ministre. Ces amendements ne relèvent pas de ce PLFRSS, c’est vrai. Il est également vrai que, comme le dit M. le rapporteur, des choix ont été faits dans la loi de finances, et il ne faut pas modifier aujourd’hui des dispositions qui ont été votées il y a peu de temps.

Pour autant, si je me permets d’intervenir en tant que président de la commission des affaires économiques, c’est pour dire que Laure de La Raudière a raison d’insister sur la nécessité de faire un bilan des dispositions votées dans le cadre de la loi de finances de 2011. En effet, tant en ce qui concerne le crédit impôt recherche que le dispositif « Jeunes entreprises innovantes », l’enjeu est l’emploi, l’activité, l’innovation. Cela mérite qu’on s’y attarde. Certes, il a fallu faire des choix, et des choix globaux ont été faits. Mais il faudra que nous nous penchions sur ces questions, qui sont vraiment d’un intérêt primordial pour notre pays.

(Les amendements nos 136 rectifié, 135 rectifié et 134 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Article 2

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, inscrite sur l’article 2.

Mme Jacqueline Fraysse. Par cet article, nous sommes invités à approuver le montant de 3,6 milliards d’euros correspondant à la compensation des différents dispositifs dérogatoires en matière de prélèvements sociaux.

Je voudrais en profiter pour rappeler au Gouvernement que, en vertu de la loi de février 2009 de programmation des finances publiques, il doit transmettre au Parlement avant la fin de ce mois un rapport sur le coût et l’efficacité des différents dispositifs dérogatoires fiscaux et sociaux.

J’insiste sur l’importance de cette étude. En effet, le Conseil des prélèvements obligatoires, dans un rapport d’octobre 2010, a évalué à 172 milliards d’euros le coût pour les finances publiques des différents dispositifs bénéficiant aux entreprises, un montant qu’il est intéressant de rapprocher de celui du déficit public, qui a atteint en 2010 environ 150 milliards d’euros, c’est-à-dire moins que le montant de ces exonérations.

Les premières études dont on dispose sur ces dispositifs ne sont guère concluantes en termes d’efficacité. Ainsi, pour l’évaluation du dispositif Fillon d’exonération générale sur les bas salaires, l’annexe V du dernier PLFSS renvoie à une étude qui conclut que « la réforme Fillon n’a pas eu d’effet clair sur l’emploi ». C’est une façon élégante de dire que cette réforme, si elle n’a pas tout à fait servi à rien, n’a pas servi à grand-chose.

Concernant la défiscalisation des heures supplémentaires instaurée par la loi TEPA, le Conseil des prélèvements obligatoires fait remarquer qu’elle coûte plus qu’elle ne rapporte.

Enfin, concernant les mesures ciblées, notamment les zones franches urbaines et les zones de revitalisation rurale, les différents rapports évoquent l’essoufflement de ces dispositifs, les effets d’aubaine qu’ils entraînent, et déplorent l’absence d’études concluantes sur leur efficacité.

Évidemment, monsieur le ministre, ces appréciations nous préoccupent. Elles méritent d’être approfondies. C’est la raison pour laquelle je vous demande si vous pouvez nous confirmer que cette étude sera remise au Parlement dans les délais prévus par la loi.

(L’article 2 est adopté.)

Article 3 et annexe B

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, inscrit sur l’article 3.

M. Jean Mallot. Je serai très bref sur cet article 3, qui a fait l’objet de très peu d’amendements, lesquels sont essentiellement des amendements de rectification et d’ajustement.

Comme le précise l’exposé des motifs, cet article a pour objet de prendre en considération les « 375 millions d’euros de ressources nouvelles au bénéfice de la sécurité sociale » que génère le dispositif de versement de la fameuse prime aux salariés en contrepartie de l’augmentation des dividendes versés aux actionnaires – je rappelle qu’il faudra que le montant des dividendes versés soit en augmentation par rapport à la moyenne des deux exercices précédents, mais je ne reviendrai pas sur la description complète du dispositif.

Ce que nous contestons, dans cette affaire, ce n’est évidemment pas le calcul. C’est le fait que cette prime fasse l’objet d’une exonération de cotisations sociales, patronales et salariales, et qu’elle ne soit assujettie qu’au forfait social, à la CGS et à la CRDS. Cela aboutit, malgré la perte de recettes sur l’impôt sur les sociétés, à générer ces 375 millions de ressources nouvelles. Nous savons, par contre, que si cette prime, cette rémunération, était assujettie aux cotisations de droit commun, elle générerait pour la sécurité sociale des ressources beaucoup plus importantes. Il y a donc un manque à gagner extrêmement important pour la sécurité sociale. C’est ce qu’on appelle une niche, dont nous regrettons l’existence, et contre laquelle nous avons protesté. Voilà pourquoi nous ne voterons pas cet article.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 23.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Je voudrais, monsieur le président, faire un certain nombre de remarques sur l’ensemble des articles qui suivront, sur les recettes et sur les dépenses.

En effet, ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale nous permet d’intégrer des bonnes nouvelles, qui ont été officialisées la semaine dernière par la commission des comptes de la sécurité sociale. Je l’ai dit, les effets de la crise commencent à s’estomper. Les comptes sociaux s’améliorent, certes timidement, mais cela traduit une véritable amélioration de la situation économique.

Le déficit du régime général, considéré en lui-même, a diminué, pour atteindre 19,5 milliards d’euros. En intégrant le FSV, le solde s’améliore de plus de 4,4 milliards d’euros, soit 16 % de mieux par rapport au solde 2010. Tous les amendements qui suivent vont intégrer dans la loi de financement toutes ces bonnes nouvelles de la commission des comptes de la sécurité sociale.

Ces bonnes nouvelles, je le rappelle, sont également dues au fait que la masse salariale a progressé de manière importante au premier trimestre : elle a connu une augmentation de 1,1 % qui est due, pour une part, à l’accroissement significatif de l’emploi. La création de 103 000 emplois au premier trimestre est vraiment une bonne nouvelle pour l’économie française. Les salaires augmentent également de 1,7 %, ce qui se traduit dans les comptes sociaux. C'est la raison pour laquelle je vous demande de voter la série d’amendements à venir qui modifient les recettes et les dépenses dans les différents tableaux financiers.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet.

M. Alain Joyandet. Sur l’ensemble des amendements qui vont suivre, je souhaite souligner ce que vient de dire le rapporteur quant à l’amélioration de la situation.

Nous débattons beaucoup de telle ou telle exonération pour telle ou telle catégorie d’entreprises ou de salariés, mais la meilleure chose qui puisse nous arriver est que la situation macroéconomique s’améliore, aussi bien pour l’emploi que pour les comptes sociaux.

Nous parlons des choses qui vont mal, mais je pense qu’à cet instant, il est légitime de souligner l’amélioration de la situation en France. Il y a encore quelques années, nous étions en pleine crise financière et économique. Je me souviens d’un certain nombre de débats à l’époque concernant les solutions proposées par le Président de la République et le Gouvernement pour sortir de cette crise.

Aujourd’hui, force est de constater que les recettes qui ont été mises en place fonctionnent, que nous sommes en train de sortir de la crise, même si tout n’est pas réglé, bien évidemment. Mais si l’on fait le comparatif au plan européen et au plan mondial, la France tire particulièrement bien son épingle du jeu.

Rappelez-vous, mes chers collègues, lorsque le Président de la République était aux commandes de l’Europe, et que nous avions à faire face à la crise mondiale qui nous venait du secteur privé aux États-Unis. Je me souviens de tous les débats qui mettaient en question les solutions proposées par le Président de la République. Mais ces solutions ont été copiées dans beaucoup de pays – je pense notamment à la relance par l’investissement – et il fallait du courage pour les mettre en œuvre, car ces mesures nécessitent du temps pour produire des résultats. Elles sont moins démagogiques qu’un certain nombre de solutions immédiates dont on ne connaît pas les résultats pour l’avenir.

À cet instant, le meilleur baromètre pour l’avenir vient de nous être exposé par le rapporteur. C’est bien la preuve que la politique mise en place par la France commence à porter ses fruits. Il faut rester particulièrement prudent, car tout cela est provisoire, et cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas continuer à améliorer la situation.

On évoque beaucoup les analyses et les prévisions. Qui nous avait annoncé la crise financière à laquelle nous avons dû faire face ?

M. Jean Mallot. Jacques Attali !

M. Alain Joyandet. Je lis beaucoup, et j’ai constaté que tous les dirigeants des grands pays ont été surpris. Ensuite, quand la crise est arrivée, on nous a expliqué qu’elle serait très dure et qu’elle allait durer longtemps.

Ce que nous allons voter tout à l’heure prouve que la France sort mieux son épingle du jeu que les autres, c’est donc le moment de saluer la bonne politique du Président de la République, car c’est son bilan, et l’on n’en parle pas assez. (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Ce bilan est beaucoup plus positif que le groupe socialiste ne veut le dire. Je souhaitais le relever.

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que nous débattons de l’amendement rédactionnel n° 23, sur lequel le rapporteur a lancé un débat général. Je vous informe que nous devions, en théorie, terminer l’examen de ce texte ce soir. Il me paraît donc raisonnable d’en rester à notre sujet. Vous aurez tout loisir de continuer à débattre sur le prochain texte.

(L'amendement n° 23 est adopté.)

M le président. Je suis saisi d'un amendement de coordination de la commission, n° 138.

Cet amendement a été défendu.

La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. En entendant MM. Bur et Joyandet, et le ministre, qui s’exprime de façon cursive, on oublierait presque que ce pays compte encore 4,3 millions de chômeurs, et que l’annexe à votre projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 annonce, pour l’ensemble des régimes obligatoires de base, un déficit de 20 milliards en 2011, de 20 milliards en 2012, de 20 milliards en 2013, et de 18,5 milliards en 2014.

Alors, réjouissons-nous qu’une perspective de sortie de crise pointe à l’horizon, mais ne nous dites pas que tout est résolu ! Ne chantez pas victoire, nous n’avons pas la cagnotte à portée de main.

M. Alain Joyandet. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Jean Mallot. Et lorsque M. Vidalies est intervenu concernant une des ministres de ce gouvernement mise en cause par des députés UMP pour ses positions favorables au mariage entre deux personnes de même sexe, il lui a été répondu que ce n’était pas le sujet. C’est bien entendu le sujet ; car cette ministre est chargée de la solidarité, et notamment de la dépendance, elle conduit un grand débat dans ce pays, et elle fait partie des ministres les plus concernés par l’état de nos finances sociales.

(L'amendement n° 138 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements de coordination de la commission, n° 139 et 140.

(Les amendements n° 139 et 140, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement de précision de la commission, n° 141.

(L'amendement n° 141, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements de coordination de la commission, nos 142, 143 et 144.

(Les amendements nos 142, 143 et 144, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L'article 3, amendé, est adopté.)

Article 4

M. le président. Je suis saisi d'un amendement de coordination de la commission, n° 145.

(L'amendement n° 145, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 4, amendé, est adopté.)

Article 5

M. le président. Je suis saisi d'un amendement de coordination de la commission, n° 146.

(L'amendement n° 146, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 5, amendé, est adopté.)

Article 6

M. le président. Je suis saisi d'un amendement de coordination de la commission, n° 147.

(L'amendement n° 147, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 6, amendé, est adopté.)

Article 7

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, inscrit sur l’article n° 7.

M. Jean Mallot. J’ai une question à poser au Gouvernement sur cet article 7 selon lequel « l’objectif d’amortissement de la dette sociale par la Caisse d’amortissement de la dette sociale demeure inchangé » et « les prévisions des recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites demeurent inchangées ».

Mais les conditions d’amortissement de la dette sociale devraient être améliorées, ou bien je n’ai pas compris votre argumentaire, dans la mesure où la fameuse prime que vous instaurez devrait générer de la CRDS. Peut-être que ces montants sont faibles, ou que vous ne croyez pas beaucoup en votre prime, ce que je pourrais comprendre après nos débats, mais le peu de CRDS généré par cette prime devrait être pris en compte dans cet article.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Sur les 300 millions d’euros, cela va rapporter un petit d’argent à la CADES, mais cela reste marginal, et nous intégrerons ces conséquences dans la loi de finances pour 2012.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements rédactionnels de la commission, nos 148, 149 et 150.

(Les amendements nos 148, 149 et 150, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L'article 7, amendé, est adopté.)

Article 8 et rapport annexé

M. le président. Je suis saisi de deux amendements de précision de la commission, nos 27 et 28.

(Les amendements nos 27 et 28, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements rédactionnels de la commission, nos 29 et 30.

(Les amendements nos 29 et 30, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 160, de coordination avec les données du rapport présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale le 9 juin, présenté par M. Yves Bur.

(L'amendement n° 160, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement rédactionnel de la commission, n° 31.

(L'amendement n° 31, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement de coordination, n° 161, présenté par M. Yves Bur.

(L'amendement n° 161, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement de la commission, n° 32, visant à rectifier une erreur matérielle.

(L'amendement n° 32, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement de coordination, n° 162, présenté par M. Yves Bur.

(L'amendement n° 162, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement rédactionnel de la commission, n° 33.

(L'amendement n° 33, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 34 de la commission visant à rectifier une erreur matérielle.

(L'amendement n° 34, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement rédactionnel de la commission, n° 35.

(L'amendement n° 35, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 159, de coordination, présenté par M. Yves Bur.

(L'amendement n° 159, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement rédactionnel de la commission, n° 36.

(L'amendement n° 36, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements de coordination de la commission, nos 151 rectifié, 152 et 153.

(Les amendements nos 151 rectifié, 152 et 153, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L'article 8, amendé, est adopté.)

Article 9

M. le président. Je suis saisi de deux amendements rédactionnels de la commission, nos 37 et 38.

(Les amendements nos 37 et 38, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L'article 9, amendé, est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011.

(L'ensemble de la première partie du projet de loi est adopté.)

Deuxième partie

M. le président. Nous abordons maintenant la deuxième partie du projet de loi, concernant les dispositions relatives aux dépenses pour l’année 2011.

Avant l'article 10

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 84 rectifié.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Cet amendement aborde un sujet important, et je souhaite en profiter pour poser une question au ministre. L’exposé sommaire rédigé par Gérard Bapt, qui connaît bien ces questions, est assez précis, notamment sur l’historique de l’indemnisation des malades depuis la loi de 2002.

L’objet de cet amendement est de demander un rapport au Gouvernement concernant la prise en charge des dommages causés par l’administration de médicaments bénéficiant d’un bon rapport bénéfice-risque – c’est ce que l’on appelle le risque diffus. Nous sommes en effet de plus en plus confrontés à la situation de personnes qui prennent des médicaments pour lesquels le rapport bénéfice-risque a été accepté, mais dont le risque se réalise. La question de l’indemnisation de ces malades pose donc une difficulté.

Monsieur le ministre, je voudrais vous poser une question sur l’évolution du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante. Vous ne pouvez ignorer qu’aujourd’hui les parlementaires sont saisis par les associations concernées des inquiétudes suscitées par les modifications, éventuellement par décret, de la composition du conseil d’administration du FIVA. Il serait utile que le Gouvernement puisse, à ce stade, nous donner une réponse sur cette question et nous apporter des apaisements.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

D’abord, sur la forme, avons-nous vraiment besoin d’un rapport de plus ? Les commissions travaillent. Des rapports seront rendus. De plus, vous savez que la date du 1er octobre est totalement utopique.

M. Charles de La Verpillière. Le socialisme est déjà une utopie !

M. Yves Bur, rapporteur. Sur le fond, la question de l’indemnisation des dommages résultant de l’administration de médicament est complexe. L’affaire du Mediator a montré les limites du dispositif public d’indemnisation amiable créé par la loi Kouchner du 4 mars 2002, puisqu’il a fallu le modifier par l’article 22 du collectif budgétaire.

Nous pourrions avoir utilement ce débat dans le cadre de l’examen du projet de loi réformant la pharmacovigilance, dont le Gouvernement a annoncé la préparation ; nous pourrions en discuter lors de la rentrée parlementaire.

J’ai envie de vous demander de retirer votre amendement. Mais M. le ministre peut évidemment vous donner toutes les informations que vous souhaitez obtenir.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Même avis.

Cela va bouger sur tous les sujets concernant le médicament. Le rapport a été rendu public aujourd’hui. Le seul changement s’agissant du FIVA portera sur la possibilité d’avoir un président qui ne soit pas seulement issu de la Cour de cassation, car je ne suis pas sûr qu’il sera suffisamment disponible. Cela représente, en effet, une très grosse charge de travail. Nous voulons simplement élargir le champ du choix du président. Monsieur Vidalies, comme j’ai eu l’occasion de l’écrire, notamment aux associations qui s’en sont émues, le reste est sans changement.

Il s’agit d’un travail à temps complet pendant peut-être six mois. Je l’ai vu avec le rapport rendu par Mme Favre pour M. Mercier et moi-même : des questions de disponibilité se posent.

Je vous propose de vous apporter rapidement une réponse par écrit sur le risque diffus.

M. le président. Monsieur Vidalies, retirez-vous l’amendement ?

M. Alain Vidalies. J’accepte de le retirer compte tenu des réponses de M. le ministre.

(L'amendement n°84 rectifié est retiré.)

Article 10

M. le président. Sur l’article 10, je suis saisi d'un amendement n°39 rectifié.

La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur,rapporteur. C’est un amendement rédactionnel.

(L'amendement n° 39 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 10, amendé, est adopté.)

Article 11

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, inscrit sur l’article.

M. Jean-Pierre Brard. Encore un article inutile qui se contente d’énoncer que l’ONDAM pour 2011 demeure inchangé ! Cela justifie bien un projet de loi de financement rectificative à un an des élections présidentielles ! Cette mascarade permet d’afficher que l’ONDAM, cette année encore, sera respecté. Peut-être, mais à quel prix !

Votre maîtrise comptable des dépenses a entraîné un recul sans précédent de l’accès aux soins. Il suffit, pour s’en rendre compte, d’être confronté aux mois d’attente nécessaires pour accéder à certains hôpitaux parisiens, y compris pour des pathologies lourdes.

M. Xavier Bertrand, ministre. Quel hôpital ?

M. Jean-Pierre Brard. La Salpêtrière !

M. Xavier Bertrand, ministre. Pour être pris en urgence ?

M. Jean-Pierre Brard. Je n’ai pas parlé d’urgence ! Je parle de rendez-vous spécialisés, y compris pour des pathologies lourdes. De ce point de vue, ma collègue Jacqueline Fraysse est plus compétente que vous et moi réunis.

M. Jean Mallot. C’est dire !

M. Jean-Pierre Brard.Plus généralement, la maîtrise comptable des dépenses a entraîné non pas une baisse des dépenses de santé, mais un transfert vers les ménages et les assurances complémentaires.

Monsieur le ministre, parlez avec vos administrés de Saint-Quentin et vous verrez ce qu’ils vous diront. Je sais que vous allez faire les courses avec votre épouse au Carrefour du coin.

M. Xavier Bertrand, ministre. Il n’y a pas de Carrefour !

M. Jean-Pierre Brard. C’est un Auchan !

M. Xavier Bertrand, ministre. Ne faites pas de publicité ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Lorsque vous ferez la queue à la caisse, en attendant de payer, interrogez les personnes autour de vous ! Vous verrez ce qu’elles vous diront !

Les hôpitaux publics sont les principales victimes de cette maîtrise comptable «épicière » et ils en supportent l’essentiel du coût.

Un rappel historique s’impose. En 2009, le sous-ONDAM hospitalier a été dépassé de 500 millions d’euros environ, dus pour 60 % aux hôpitaux publics et aux établissements PSPH, et pour 40 % aux cliniques privées.

Cette année, rebelote : 150 millions d’euros seront redéployés au titre de la convergence ciblée ; 145 millions d’économies ont été annoncées sur les achats des hôpitaux publics et 530 millions de MIGAC seront gelés. Soit environ 800 millions d’euros prélevés sur les crédits de l’hospitalisation publique.

En conséquence, la progression réelle de l’ONDAM « hospitalier public » sera inférieure de 1,8 % au lieu des 2,8 % annoncés par le Gouvernement, alors que l’évolution naturelle des charges est estimée par la Fédération hospitalière de France à 3,05 %. Comme si cela ne suffisait pas, vous avez ajouté une nouvelle baisse des tarifs de 0,7 % dans le public, contre seulement 0,05 dans le privé.

Pouvez-vous nous expliquer, monsieur le ministre, comment les hôpitaux publics, soumis à une telle cure d’austérité, vont pouvoir remplir leur mission tout en se modernisant ? Si vous n’êtes pas convaincu, je vous invite à faire une visite à l’hôpital de Montreuil, dans ma bonne ville qui est particulièrement en difficulté du fait des politiques suivies et du bassin de recrutement de sa patientèle, problème qui n’est pas unique à Montreuil et que l’on retrouve, monsieur le président, dans d’autres hôpitaux de Seine-Saint-Denis.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. M. Brard ayant été très complet sur cet article, je serai plus rapide.

L’article 11 vise à indiquer que l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base reste inchangé, de même que ses sous-objectifs.

L’exposé des motifs rappelle – c’est une réalité – que l’ONDAM a été respecté en 2010. Le Gouvernement ne peut se fixer un autre objectif pour 2011 que le respect de l’ONDAM. Mais à quel prix ?

Nos concitoyens, vous le savez, sont de plus en plus nombreux à reporter des soins, voire à y renoncer pour des raisons économiques. En dehors de la prise en charge des affections de longue durée, le système tel qu’il fonctionne aujourd’hui ne couvre plus, au titre du régime obligatoire, que 55 % de la charge pour les patients.

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est faux !

M. Jean Mallot. Le reste est reporté sur les complémentaires. Le solde à la charge du patient est important ce qui dissuade nos concitoyens.

Vous avez fait le choix de procéder à cette maîtrise comptable en fixant des objectifs et en gelant les crédits hospitaliers – vous l’aviez fait l’an dernier, vous le refaites cette année. Cela représente plusieurs centaines de millions d’euros et oblige à une gestion contrainte avec, à la clé, une réduction des effectifs et une détérioration des conditions de travail. On assiste finalement à une détérioration du service rendu. C’est votre choix, nous le contestons. Je ne pouvais laisser passer l’examen de l’article 11 sans rappeler cette situation.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Je ne peux pas laisser dire n’importe quoi sur le sujet. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Quel est ce discours ? Il cherche bien évidemment à faire peur. Des patients qui diffèrent la prise en charge parce qu’ils n’ont pas les moyens dans un pays où vous êtes pris intégralement en charge à l’hôpital, qu’est-ce que cela signifie ? Il ne faut pas raconter d’histoires !

Maintenant, vous allez nous faire croire que l’on ne peut pas se soigner en France, alors que le niveau de prise en charge obligatoire est à 76 %, constant depuis des années. Ce ne sont pas les chiffres du ministère ; ce sont ceux du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie. Cela vous dérangerait-il de dire la vérité ?

Monsieur Mallot, je préfère me faire soigner en France plutôt qu’à l’étranger. Et vous aussi, lorsque vous sortez de cet hémicycle, vous ne tenez pas d’autre discours, parce que vous savez pertinemment qu’il vaut mieux être soigné dans les hôpitaux français plutôt que dans des hôpitaux étrangers, même européens. C’est la vérité.

M. Jean-Pierre Brard. C’est vrai !

M. Xavier Bertrand, ministre. Si c’est vrai, il faut le dire ! Vous avez oublié de le faire, monsieur Brard. Peut-être n’avez-vous pas eu un temps de parole suffisant. Alors je le dis pour vous. Pardonnez-moi d’être votre porte-parole, je ne voudrais pas vous compromettre.

Si vous voulez que l’on aille faire une visite à l’hôpital de Montreuil. Nous irons ! Mais petite précaution : il faudra prévenir le maire ; j’espère que vous accepterez tout de même de venir.

M. Jean-Pierre Brard. Moi oui ! Elle peut-être pas ! (Sourires.)

M. Xavier Bertrand, ministre. L’ONDAM progresse de 4,7 milliards d’euros cette année. Sur l’hôpital, il y a 2 milliards d’euros de plus. Je n’ai jamais vu cela et je ne suis pas près de voir un hôpital qui fermerait ses portes le 30 octobre car il n’aurait plus d’argent pour financer l’accueil des patients. Ce n’est pas la réalité de l’hôpital en France.

Vous pouvez raconter tout ce que vous voulez ; mais je note que vous avez très souvent un discours différent dans vos hôpitaux, localement, car vous êtes un peu moins démagogues lorsque vous êtes gestionnaires. Quand on voit votre démagogie, vous n’êtes pas près de redevenir gestionnaires au niveau national ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n°71, visant à supprimer l’article 11.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le ministre, je voudrais que vous soyez plus calme et que vous ayez l’amabilité de répondre à la question que je vous ai posée lors de l’examen de l’article 2. Quand le rapport attendu sur le coût et l’efficacité des différents dispositifs dérogatoires fiscaux et sociaux sera-t-il publié ? La loi prévoit en effet qu’il le soit ce mois-ci. Mais peut-être s’agit-il d’un simple oubli !

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est sur le bureau de Baroin.

Mme Jacqueline Fraysse. Vous chargez M. Baroin de nous répondre ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Il est ministre des comptes publics, vous le savez.

Mme Jacqueline Fraysse. C’est tout de même une réponse un peu courte.

Je voudrais, monsieur le ministre, réagir à vos propos concernant l’hôpital. Nos hôpitaux publics sont d’excellents hôpitaux.

M. Xavier Bertrand, ministre. Il faut le dire !

Mme Jacqueline Fraysse. Ils ont des tâches particulièrement difficiles, qu’ils accomplissent de bonne manière, des tâches d’accueil de tous les patients sans exception, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et 365 jours par an, des tâches de formation des médecins et des soignants et des tâches de recherche.

Nous sommes fiers, bien sûr, de nos hôpitaux publics. Notre courroux est donc d’autant plus grand quand nous voyons à quel point vous vous appliquez à les démolir de jour en jour (Protestations sur les bancs du groupe UMP), avec des suppressions d’emplois, et des tarifs en baisse. Dès qu’un hôpital augmente son activité, les tarifs baissent, et les efforts accomplis par les équipes ne sont pas couronnés de succès.

M. Philippe Boënnec. C’est faux !

Mme Jacqueline Fraysse. Vous vous attachez à voter un ONDAM inférieur à ce que réclame la fédération hospitalière de France. Vous mettez donc délibérément les hôpitaux en déficit et créez les conditions pour que leurs tâches ne soient plus accomplies avec autant de brio.

M. Philippe Boënnec. Ne parlez pas au nom de la FHF !

Mme Jacqueline Fraysse. Voilà pourquoi votre propos est déplacé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

Si nous vous suivions, madame Fraysse, nous supprimerions l’ONDAM et nous aurions un dispositif totalement laxiste. Il n’y aurait plus de limite à la dépense et à la gabegie. Nous pourrions avoir le sentiment de nous rapprocher de la période 1997-2002. La croissance avait certes permis à la sécurité sociale d’avoir d’énormes recettes, mais vous n’avez pas maîtrisé les dépenses, qui filaient à 6 ou 7 %, et, dès qu’elle s’est inversée, il y a eu des déficits considérables que nous avons mis plusieurs années à payer. Ne pas maintenir un ONDAM serait d’ailleurs contraire aux dispositions de la loi organique.

Cela dit, la maîtrise des dépenses ne se fait pas au détriment des patients. Notre premier objectif est de garantir la pérennité de notre système de soins, un système de soins solidaire dont le coût doit être supportable pour l’ensemble de l’économie de notre pays. Si nous vous suivions dans votre propension à dépenser sans compter, nos caisses se trouveraient très rapidement dans des difficultés financières qui mettraient en cause la solidarité à laquelle nous tenons tous.

Cela dit, avec une croissance de 2, 9 %, on ne peut tout de même pas parler sérieusement d’austérité dans une période de sortie de crise. L’an dernier, pendant la crise, l’ONDAM a progressé de 3 % alors que la croissance était négative. Notre système de solidarité a donc continué à fonctionner. Il y a dans l’appareil de l’État un grand nombre de dépenses qui n’ont pas évolué de la même manière.

Monsieur Mallot, ce n’est pas parce que vous faites de la désinformation, que vous affirmez, avec beaucoup de talent peut-être, des contrevérités, voire des mensonges que cela changera quelque chose. Vous prétendez que la prise en charge par les régimes obligatoires est de 55 % : elle est de 76 %, comme le réaffirme régulièrement le Haut conseil.

M. Jean Mallot. Vous n’avez pas écouté ce que j’ai dit !

M. Yves Bur, rapporteur. Certes, un taux de 55 % circule pour les soins de ville mais ce n’est pas la même chose.

M. Jean Mallot. Je vais vous répondre !

M. Yves Bur, rapporteur. La prise en charge est constante depuis dix ans, avec une baisse de l’ordre de 1 %. On ne peut donc pas prétendre que le système n’est plus profondément solidaire.

Quant à l’hôpital, il doit à l’évidence évoluer, se moderniser et être plus efficace. Dans ma région, le CHU de Strasbourg modernise son fonctionnement. Les déficits baissent et, malgré tout, l’hôpital investit et l’activité progresse. Nous avons un hôpital qui marche mieux, ce qui permet de mieux répondre aux attentes des Français. Soyons donc fiers de nos hôpitaux et arrêtons de nous plaindre systématiquement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Défavorable.

M. Roland Muzeau. C’est tout ?

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. M. le ministre criait fort pour se donner du courage mais cela ne suffit pas pour dire des vérités. On peut effectivement retenir un taux de prise en charge globale de 76 %, en prenant en considération les affections de longue durée. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Yves Bur, rapporteur. C’est plus raisonnable !

M. Jean Mallot. Je n’ai rien dit d’autre. Reprenez le compte rendu et soyez de bonne foi ! Si l’on tient compte des affections de longue durée, on obtient effectivement un tel taux. Comme la part de ces affections, prises en charge à 100 %, comme vous le savez, a augmenté au cours du temps, la prise en charge des autres patients a diminué et elle est aujourd’hui à 55 %. C’est une réalité arithmétique.

(L’amendement n° 71 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement rédactionnel, n° 40 rectifié, de M. le rapporteur.

(L’amendement n° 40 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 11, amendé, est adopté.)

Article 12

M. le président. Sur l’article 12, je suis saisi d’un amendement rédactionnel et de coordination, n° 41 rectifié, de M. le rapporteur.

(L’amendement n° 41 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 12, amendé, est adopté.)

Article 13

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, inscrite sur l’article 13.

Mme Jacqueline Fraysse. L’article 13 ajuste à la baisse l’objectif de dépenses de la branche famille, du fait notamment d’un écart de 400 millions entre les prévisions de dépenses en faveur du logement en 2009 et les dépenses réelles, finalement moins élevées. Un tel argument nous laisse sans voix au regard de la situation réelle.

Selon les résultats d’un sondage réalisé à l’occasion de la deuxième édition des états généraux pour le logement, qui se sont tenus la semaine dernière, 82 % des sondés estiment difficile aujourd’hui de trouver un logement en France. Ils sont 76 % à trouver que leurs dépenses consacrées au logement sont trop élevées et 84 % à juger très insuffisantes les actions des pouvoirs publics face au problème du logement.

Ils ont évidemment raison car il y a 100 000 SDF dans notre pays, 3,5 millions de personnes très mal logées, 10 millions en situation de fragilité de logement, avec des problèmes de surpeuplement ou d’impayés de loyer. Nos concitoyens consacrent en moyenne 25 % de leur budget au logement, contre 20 % au début des années 80, mais le taux d’effort pour les locataires du secteur libre est encore plus élevé, supérieur à 30 % de leurs revenus, et atteint jusqu’à 40 % pour les ménages les plus modestes.

Selon une autre enquête réalisée pour le compte des HLM, une personne sur cinq déclare connaître des difficultés pour payer son loyer.

C’est justement pour répondre à ces problèmes qu’ont été créées les différentes aides au logement.

Au regard de cette situation criante et connue de tous, il est absolument incompréhensible que l’enveloppe de ces aides n’ait pas été intégralement dépensée. En tout état de cause, s’il reste de l’argent, et puisque vous semblez manquer d’idées, nous en avons pour l’utiliser.

Nous vous demandons donc de ne pas diminuer ce budget en faveur des familles. C’est un véritable affront pour elles qui en ont tant besoin.

M. Roland Muzeau. Tout à fait !

Mme Jacqueline Fraysse. Dans nos villes, nous avons des milliers de demandeurs de logements, des centaines de familles qui ne peuvent plus payer, et vous, vous diminuez les crédits prévus pour les aider. C’est à tomber à la renverse !

M. le président. Je suis saisi d’un amendement de coordination, n° 154, de M. le rapporteur.

(L’amendement n° 154, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 13, amendé, est adopté.)

Article 14

M. le président. Sur l’article 14, je suis saisi d’un amendement de coordination, n° 155, de M. le rapporteur.

(L’amendement n° 155, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 14, amendé, est adopté.)

Après l’article 14

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 55, portant article additionnel après l’article 14.

La parole est à Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. L’amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement qui relève plus, je crois, du fantasme que de la réalité.

M. Alain Vidalies. Du Front national surtout !

M. Yves Bur, rapporteur. Le minimum vieillesse est un minimum social qui permet d’éviter aux personnes bénéficiant d’une très faible retraite ou ne touchant aucune retraite de tomber dans la pauvreté.

Grâce à l’augmentation régulière des pensions depuis trente ans, le nombre de personnes en bénéficiant a considérablement diminué, passant de 1,7 million en 1980 à moins de 600 000 aujourd’hui, ce dont nous devons nous féliciter. Si les dépenses ont récemment augmenté, c’est que notre majorité a décidé d’augmenter le montant de cette allocation de 25 % sur la législature, ce dont nous pouvons être très fiers.

Les bénéficiaires sont en grande majorité des femmes âgées de plus de soixante-quinze ans, qui, dans la plupart des cas, vivent seules. Il n’y a, je crois, rien de choquant à ce que la société offre un filet de sécurité minimal à ces personnes, bien au contraire. Nous restons là dans la philosophie du minimum vieillesse et les petits problèmes qui se posent inévitablement pour de tels dispositifs ne méritent pas que l’on jette l’opprobre sur cette solidarité envers les plus aînés.

Mme Laure de La Raudière. Telle n’était pas mon intention !

M. Roland Muzeau. Bien sûr que si !

Mme Laure de La Raudière. Je sais ce que j’avais voulu dire !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Il est important de noter que, dans notre assemblée, au sein du groupe UMP, il s’est trouvé une vingtaine de députés pour déposer cet amendement qui est une revendication du Front national.

Mme Laure de La Raudière. Non !

M. Roland Muzeau. Amendement de la honte !

M. Jean Mallot. Nos collègues veulent réserver le versement de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, aux personnes de nationalité française ou aux personnes ayant travaillé en France ayant au moins soixante-cinq ans, même si elles n’ont pas cotisé à un régime obligatoire de retraite. C’est écrit dans l’exposé sommaire de l’amendement.

Mme Jacqueline Fraysse. Que Mme de la Raudière n’a pas osé défendre !

M. Jean Mallot. Tout à fait, et c’est tout de même assez étrange.

Mme Laure de La Raudière. Je n’ai pas voulu vous faire perdre de temps !

M. Jean Mallot. Quand nous avons des positions à défendre, nous les exprimons et nous débattons. Quand on est capable de déposer un tel amendement, on l’assume.

L’idée largement répandue que des personnes étrangères arriveraient sur le territoire français pour bénéficier immédiatement de l’ASPA sans jamais avoir travaillé est totalement fausse. L’une des conditions d’ouverture du droit à cette allocation pour les étrangers est justement d’être titulaire depuis au moins cinq ans d’un titre de séjour autorisant à travailler. La propagande du Front national vous a amenés par suivisme à déposer cet amendement. Franchement, vous devriez au moins vous justifier.

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Effectivement, il faut mettre fin à ce fantasme.

Il y a le cas des personnes bénéficiant de ce minimum social sans avoir jamais cotisé à un régime de retraite. Le minimum vieillesse leur est alors versé par la Caisse des dépôts et consignations, sous réserve qu’elles soient titulaires depuis au moins cinq ans d’un titre de séjour les autorisant à travailler. Cela concernait 70 000 personnes en 2010, dont 23 735 étrangers non ressortissants de l’Union européenne. Selon les informations obtenues par la MECSS lors de l’audition de la directrice des retraites de la Caisse des dépôts le 19 mai dernier, la durée moyenne de séjour au moment de l’ouverture des droits en 2010 est de dix ans et huit mois.

L’idée largement répandue et reprise par cet amendement, que nous voyons prospérer sur internet, que des personnes arrivant sur le territoire français bénéficient immédiatement du minimum vieillesse sans jamais avoir travaillé est donc totalement fausse. (« Très bien ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet.

M. Alain Joyandet. Si j’avais su que le rapporteur prendrait à nouveau la parole pour apporter ces précisions, je ne l’aurais pas demandée.

J’acquiesce totalement à ce qui vient d’être dit. Le groupe UMP considère que les dispositions actuelles sont équitables et équilibrées. La France fait face à son devoir d’accueil, de terre des droits de l’Homme, tout en ayant une certaine rigueur et en posant certaines conditions pour accéder au modèle social français. Notre groupe, dans son immense majorité, soutient cette position très équilibrée. Dont acte. Ce n’est pas la peine de lui faire un procès.

M. Jean-Pierre Brard. Il y en a qui sauvent l’honneur !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Je tiens à remercier M. le rapporteur et M. Joyandet car il n’y a rien de plus inacceptable dans le débat politique, pour nous tous, que des gens relayent ce genre de bruits qui circulent sur internet. Des citoyens, parmi vos amis ou les nôtres, finissent par croire des absurdités. Il est scandaleux de parler, comme le fait la pétition en question, de système d’appel à l’immigration irrégulière, alors que le dispositif n’est ouvert qu’aux personnes remplissant les conditions prévues, qu’a rappelées le rapporteur. Qui plus est, il s’agit d’une allocation différentielle. Déposer un amendement dont la seule origine aujourd’hui connue est une association proche du Front national est parfaitement scandaleux et ne sert pas le débat politique républicain.

M. Roland Muzeau. Le texte est sur le site du Front national !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 55…

Mme Laure de La Raudière. Je souhaite retirer l’amendement, monsieur le président !

M. le président. L’amendement est donc retiré.

(L’amendement n° 55 est retiré.)

Article 15

M. le président. L’amendement n° 42 rectifié de M. le rapporteur est rédactionnel.

(L’amendement n° 42 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 15, amendé, est adopté.)

Vote sur l’ensemble de la deuxième partie

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la deuxième partie du projet de loi.

(L’ensemble de la deuxième partie du projet de loi est adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi.

Je rappelle que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet auront lieu le mardi 21 juin après les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante-cinq, est reprise à vingt-trois heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Alternance et sécurisation des parcours professionnels

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi de MM. Gérard Cherpion, Bernard Perrut, Jean-Charles Taugourdeau et plusieurs de leurs collègues pour le développement de l’alternance, la sécurisation des parcours professionnels et le partage de la valeur ajoutée (nos 3369, 3519, 3512).

La parole est à M. Gérard Cherpion, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Gérard Cherpion, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, de l’emploi et de la santé, madame la ministre chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle, mes chers collègues, je voudrais, en propos liminaire, appeler votre attention sur quelques réalités statistiques qui me paraissent impressionnantes.

Chaque année, pour une entreprise de cent personnes, on a désormais, en moyenne, quarante-cinq embauches et autant de départs. Ce niveau de rotation de la main-d’œuvre est encore plus important si l’on s’en tient aux ouvriers non qualifiés, aux employés ou aux jeunes salariés en général. Pas plus que quiconque, je ne me réjouis de cette instabilité de l’emploi, mais c’est une réalité que nous devons prendre en compte : il n’est plus envisageable de garantir au plus grand nombre un emploi, voire un métier, à vie.

Dès lors, le développement des politiques de sécurisation des parcours professionnels est déterminant, l’objectif étant de construire pour tous des parcours valorisants, avec des périodes de recherche d’emploi limitées et des opportunités de promotion ou de reconversion professionnelle et d’ascension sociale. La formation professionnelle tout au long de la vie est naturellement un outil qui peut être très puissant dans ce domaine, mais là aussi, les statistiques nous apprennent qu’il reste beaucoup à faire : l’INSEE a observé que seulement 61 % des actifs de quinze à cinquante-cinq ans ont une spécialité de formation professionnelle, et surtout que, parmi eux, seuls 40 % ont un emploi en adéquation avec cette spécialité.

Le troisième fait établi par les évaluations est que l’alternance sous statut de travail, dans le cadre de l’apprentissage ou des contrats de professionnalisation, constitue l’une des voies les plus efficaces d’insertion dans l’emploi. Les analyses récentes du Centre d’études et de recherches sur les qualifications, le CEREQ, à propos de l’insertion des jeunes sortis du système de formation démontrent un réel avantage pour ceux qui sortent de l’apprentissage, à niveau de diplôme égal, par rapport aux jeunes restés dans le système scolaire : à terme, plus de chances d’avoir un emploi, plus de chances d’obtenir un emploi à durée indéterminée, de meilleurs salaires, avec des écarts importants. L’alternance, en apportant un revenu salarial, est aussi un mode de financement des études. Bref, c’est « un métier, un diplôme, un revenu ».

Enfin, je dirai quelques mots des résultats d’une expérience à laquelle je suis très attaché, celle du contrat de transition professionnelle, le CTP, dans le bassin d’emploi de Saint-Dié, que je connais plus particulièrement. Grâce à l’implication de tous les acteurs, en particulier des services de l’État, de la filiale de l’AFPA Transitio CTP et des OPCA financeurs de la formation professionnelle, nous avons réussi, sur les dernières cohortes de bénéficiaires, à obtenir plus de 68 % de reclassement en emploi durable, dans un bassin d’emploi où il y a plus de 13 % de chômage, avec une population de bénéficiaires massivement constituée de salariés de l’industrie souvent relativement âgés.

C’est la prise en compte de tous ces faits qui explique la proposition de loi que Bernard Perrut, Jean-Charles Taugourdeau et moi-même avons l’honneur de vous présenter. Toutes les dispositions de ce texte sont centrées sur la sécurisation des parcours.

En premier lieu, il s’agit de développer les formations en alternance, suite au discours prononcé à Bobigny, le 1er mars dernier, par le Président de la République. La promotion de l’alternance doit nécessairement passer par plusieurs canaux : des incitations financières aux entreprises certes, mais également des aménagements de la réglementation pour lever certaines limitations juridiques et ouvrir de nouveaux champs aux formations par ce moyen, ainsi que des mesures de simplification administrative, et surtout des mesures, à la fois de principe et pratiques, de reconnaissance des jeunes qui s’y engagent autant que des entreprises qui s’y impliquent. Telle est la panoplie de propositions que ce texte s’efforce de mettre en place.

En commission des affaires sociales, nous avons largement enrichi le texte initial, par exemple en instituant un label pour les entreprises qui s’impliquent dans l’alternance, en ouvrant la voie à l’expérimentation de l’apprentissage dans le cadre du travail temporaire ou encore en proposant des mesures pour faciliter la transition entre le système scolaire et l’apprentissage, en particulier pour adapter le système de l’apprentissage à la mise en place du baccalauréat professionnel en trois ans. Ces apports ont notamment été inspirés par la soixantaine d’auditions que j’ai réalisées à Paris et à Épinal, qui m’ont permis de recueillir des suggestions de toutes origines, parfois en provenance de groupes d’intérêt que nous connaissons tous, mais souvent aussi consécutives à l’expérience de terrain de personnes qui n’ont pas fréquemment l’occasion de s’exprimer sur un texte législatif – je pense ainsi à des chefs d’entreprise, des directeurs de CFA, des fonctionnaires territoriaux ou de l’État, des syndicalistes ou des représentants professionnels locaux.

Mme Laure de La Raudière. Excellente démarche !

M. Gérard Cherpion, rapporteur. Notre texte vise ensuite à lever certains des obstacles juridiques qui limitent encore le développement des groupements d’employeurs. Vingt-cinq ans après sa création, cette formule d’emploi partagé reste encore assez confidentielle ; elle est peu connue des institutions et des grands acteurs nationaux et véhicule des préjugés défavorables, alors même qu’il s’agit d’une forme d’externalisation de la relation de travail qui est au moins aussi bien encadrée que nombre d’autres. Les groupements d’employeurs offrent des opportunités de sécurisation aux salariés en favorisant la conclusion de contrats à durée indéterminée et à temps plein pour des tâches ponctuelles pour lesquelles les entreprises adhérentes ne recouraient pas, quand elles étaient seules, à de tels contrats. Il convient de ne pas négliger cette piste. J’ajouterai qu’en commission, à l’initiative de Jean-Charles Taugourdeau, nous avons acté une garantie nouvelle et importante pour les salariés des groupements : celle de l’égalité de traitement avec ceux des entreprises auprès desquelles ils sont mis à disposition.

Le troisième objet de la proposition de loi, qui relève de la sécurisation des parcours professionnels, est de donner une base légale au nouveau dispositif spécifique d’accompagnement des salariés d’entreprises de moins de 1 000 salariés qui sont l’objet d’un projet de licenciement économique : le contrat de sécurisation professionnelle. Celui-ci remplacera la convention de reclassement personnalisé – la CRP –, et le contrat de transition professionnelle – le CTP. Sur ce point, les partenaires sociaux viennent de trouver un accord, et la proposition de loi a pour objet de constituer le cadre légal nécessaire dans lequel ce dispositif pourra être décliné, géré par eux et par l’État. Je me félicite que nous puissions ainsi conserver, dans le cadre du nouveau dispositif, ce qui constituait l’un des points forts du CTP. Il y aura ainsi la faculté pour les salariés éligibles auxquels le dispositif n’aurait pas été proposé d’y adhérer de leur propre initiative, la possibilité d’effectuer, durant l’accompagnement, des périodes de travail de travail en entreprise dans un cadre juridique clair et protecteur, et un droit au retour en cas de reprise d’emploi s’il y a rupture du nouveau contrat de travail avant le terme du contrat de sécurisation. De fait, c’est bien l’engagement de généraliser le CTP qu’avait pris le Président de la République que nous réalisons. Par ailleurs, même si cela ne relève pas de la loi, tout laisse à penser que le mode de gouvernance territorialisé du CTP sera largement repris. Du moins, je le souhaite vivement, et je demande à M. le ministre du travail sa position sur ce point, en particulier sur la possibilité de désigner les opérateurs du dispositif au niveau de chaque département et en accord avec les acteurs départementaux. En outre, les travaux de la commission des affaires sociales ont permis de donner une base légale aux expérimentations, souhaitées par les partenaires sociaux, d’élargissement du dispositif à des salariés en fin de CDD, de mission d’intérim ou de contrat de chantier.

Pour conclure, je voudrais dire un mot des relations complexes qu’entretiennent dans notre pays le contrat et la loi parce qu’il nous a été reproché, avec cette proposition de loi, d’exercer une forme de pression sur les partenaires sociaux.

Pour ce qui est de la forme, je ferai observer que le président de la commission a appliqué le protocole relatif à la consultation des partenaires sociaux sur les propositions de loi sociales adopté le 16 février 2010 par la conférence des présidents de l’Assemblée nationale. Les partenaires sociaux ont été consultés et ont tous répondu ; un délai supplémentaire d’un mois pour négocier leur a été accordé par le président de la commission, Pierre Méhaignerie ; leurs négociations viennent d’aboutir tant sur l’emploi des jeunes que sur le contrat de sécurisation professionnelle.

Sur le fond, il n’échappe à personne que certaines des mesures de la proposition de loi sont urgentes. C’est un fait que la CRP et le CTP arrivaient normalement à expiration au 31 mars de cette année et qu’il était donc nécessaire d’assurer la continuité sans tarder. C’est un fait que, pour être efficaces, des mesures relatives à l’alternance doivent être adoptées à temps pour s’appliquer dès la rentrée scolaire.

J’ajouterai que les accords des partenaires sociaux que je viens d’évoquer sont de grande qualité, en particulier celui sur l’emploi des jeunes, qui comprend des avancées tout à fait importantes sur la moralisation des stages. Je crois donc que s’il y a eu une forme de pression, au moins quant aux délais, du politique sur les partenaires sociaux, cette pression a été très productive, et nous ferons notre travail de législateur en reprenant dans la loi leurs apports.

C’est pourquoi notre commission a inséré dans la proposition de loi un titre Ier bis qui est consacré à l’encadrement des stages et acte des protections nouvelles très fortes pour les stagiaires : limitation de la durée des stages dans une même entreprise, établissement d’un délai de carence en cas d’accueil successif de stagiaires dans le même poste, ouverture aux stagiaires des activités et avantages gérés par le comité d’entreprise, tenue obligatoire d’un registre des stages dans les entreprises, information du comité d’entreprise sur le recours aux stages ou encore définition des conditions de leur prise en compte dans la période d’essai en cas d’embauche ultérieure du stagiaire. Après l’introduction en 2006 de l’obligation d’indemniser les stages de plus de trois mois, puis la réduction de cette durée à deux mois et l’interdiction des stages hors cursus en 2009, c’est donc une troisième étape très significative de la moralisation des stages que notre majorité va pouvoir réaliser.

M. Régis Juanico. Enfin !

M. Gérard Cherpion, rapporteur. En votant rapidement cette proposition de loi – à laquelle vous pourrez ainsi vous associer, monsieur Juanico –, le Parlement assumera donc pleinement ses responsabilités, tout en respectant la démocratie sociale puisque les résultats des négociations des partenaires sociaux y sont intégrés. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi relative au développement de l’alternance, à la sécurisation des parcours professionnels et au partage de la valeur ajoutée est un texte important qui témoigne de la mobilisation constante de la majorité pour lutter contre le chômage et la précarité.

Les mesures proposées sont pragmatiques. Les formations en alternance et les groupements d’employeurs ont fait la preuve de leur efficacité pour assurer une insertion plus durable dans l’emploi, mais des obstacles continuent de peser sur leur développement : la proposition de loi les lève.

Je tiens à rendre hommage au travail remarquable du rapporteur, Gérard Cherpion, qui a été à l’initiative de ce texte, et je salue l’apport de Bernard Perrut.

En tant que rapporteur pour avis, j’ai concentré mon rapport sur les dispositions relatives aux groupements d’employeurs, un sujet qui me tient particulièrement à cœur et sur lequel je suis mobilisé depuis longtemps.

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est vrai.

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis. Je sais que vous l’êtes également, monsieur le ministre.

Six amendements ont reçu un avis favorable en commission des affaires économiques, et tous ont trouvé une issue favorable en commission des affaires sociales, ce dont je me félicite : un amendement de M. Lionel Tardy, interdisant d’utiliser des stagiaires pour effectuer des tâches correspondant à des besoins permanents dans l’entreprise – largement satisfait par l’introduction d’un titre entier sur les stages ; un amendement de M. Serge Poignant, président de la commission des affaires économiques, permettant aux jeunes de quatorze ans et demi ayant terminé le collège d’entrer en apprentissage s’ils ont quinze ans avant la fin de l’année civile ;…

Mme Laure de La Raudière. C’est du bon sens !

M. Roland Muzeau. Pourquoi pas onze ans ?

M. le président. Mes chers collègues, seul M. le rapporteur pour avis a la parole.

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis. …et quatre amendements, dont j’étais à l’origine, sur les groupements d’employeurs, le premier garantissant l’égalité de traitement entre les salariés des groupements et ceux des entreprises auprès desquelles ils sont mis à disposition, le deuxième supprimant directement l’obligation faite aux entreprises de plus de 300 salariés de signer un accord collectif pour adhérer à un groupement, le troisième visant à ouvrir le champ de la négociation collective pour les groupements et le quatrième tendant à sécuriser les dérogations au principe de responsabilité solidaire pour les dettes sociales.

Les groupements d’employeurs constituent une solution pour déprécariser les salariés car en regroupant les besoins de main-d’œuvre de plusieurs entreprises, ils permettent de transformer des CDD ou de l’intérim en CDI. Ils montrent que c’est le travail qui crée l’emploi et non l’inverse : en regroupant des besoins en travail auprès de plusieurs entreprises de toutes sortes, on peut alors créer des emplois stables. Il serait peut-être préférable de n’avoir que des CDI dans les entreprises, mais le choix aujourd’hui, c’est entre des CDD ou de l’intérim d’un côté, et des CDI dans les groupements d’employeurs de l’autre, CDI qui permettent aux employés d’avoir de la visibilité, d’accéder à des crédits immobiliers. Cette seconde solution n’est-elle pas préférable ? Je crois que si.

Le constat porté sur les groupements d’employeurs est unanimement positif : ils sont utiles et n’engendrent pas d’effet pervers. Pourtant, il est clair qu’ils sont trop peu développés. L’Union des groupements d’employeurs de France – l’UGEF – vient de réaliser une enquête dont les résultats ont été rendus publics la semaine dernière, au cours de l’assemblée générale à laquelle je me suis rendu. Il existe environ 3 000 groupements agricoles, employant 12 000 salariés, 100 groupements d’insertion et de qualification représentant 3 200 contrats, plus de 300 groupements professionnels qui constituent 12 000 équivalents temps plein ; au total, c’est environ 30 000 emplois qui ont été créés grâce aux groupements. Il a été dit en commission, la semaine dernière, qu’il n’y avait pas de chiffres, je vais donc donner quelques chiffres supplémentaires tirés d’un questionnaire envoyé par l’UGEF en mars 2011 auprès de tous les groupements de France, avec un taux de retour de 55 %. Les groupements qui ont répondu ont en moyenne quarante salariés et cinquante-trois adhérents, 57 % ont moins de dix salariés et 24 % entre dix et cinquante salariés, 66 % fonctionnent en autofinancement, la région étant le principal financeur public.

M. Jean Mallot et M. Régis Juanico. En effet !

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis. 54 % des salariés des groupements sont des hommes, 46 % des femmes. On a dit qu’ils ne concluaient pas de CDI. Or les CDI temps plein représentent au moins 50 % des effectifs, les CDD temps plein en représentant 30 % et le temps partiel 20 %. En moyenne, il y a deux travailleurs handicapés, huit seniors et sept salariés âgés de moins de vingt-six ans par groupement d’employeurs. 60 % des salariés sont ouvriers ou employés et 15 % des cadres. Je note aussi une extrême diversité des métiers au sein des groupements. Je précise également que 84 % des salariés partagent leur temps de travail entre deux ou trois entreprises.

Ce constat très positif et les vingt-cinq années de recul que nous avons depuis la création des groupements d’employeurs en 1985 montrent qu’il n’y a que des bénéfices à attendre de leur développement. Or celui-ci est entravé par un certain nombre de verrous législatifs que la proposition de loi propose de supprimer : interdiction d’appartenir à plus de deux groupements, accord collectif obligatoire dans les entreprises de plus de 300 salariés pour adhérer à un groupement, responsabilité solidaire pour les dettes salariales et de cotisations sociales et encadrement drastique du recours aux groupements d’employeurs par les collectivités locales. J’ai travaillé sur ce sujet, dans une perspective constructive, en pensant d’abord à tous les salariés précaires qui rêvent d’un CDI.

M. Jean Mallot. C’est en effet un rêve !

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis. J’ai par ailleurs pris en compte les remarques de l’opposition : d’abord celles qui avaient été faites en 2009, visant par exemple à maintenir le principe de la responsabilité solidaire et de l’aménager seulement à titre dérogatoire, proposition que j’ai reprise par voie d’amendement ; ensuite, celles qui ont été faites lors de l’examen de la présente proposition de loi en commission, notamment sur l’application de la responsabilité solidaire aux collectivités territoriales, que je propose d’aménager lors de la discussion des articles.

Je regrette qu’à l’inverse, l’opposition ait une attitude un peu dogmatique sur le sujet.

M. Charles de La Verpillière. Ça ne leur arrive jamais ! (Sourires.)

M. Jean Mallot. Il a seulement dit : « un peu » ! (Sourires.)

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis. Ainsi, elle a déposé un amendement de suppression sur chaque article alors que le groupement d’employeurs est pourtant une belle invention du parti socialiste en 1985,…

M. Régis Juanico. Eh oui !

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis. …mais je crois que cette invention fait peur à ses inventeurs. En affirmant que les groupements d’employeurs vont être utilisés comme des agences d’intérim low cost, la gauche ne tient pas compte des garanties apportées par le texte en matière d’égalité de traitement. Cette attitude renvoie à une opposition de principe au développement des groupements d’employeurs, opposition qu’illustrent les mesures proposées dans les amendements des groupes SRC et GDR, qui empêcheraient totalement les groupements de se développer.

M. Jean Mallot. Ne seriez-vous pas un peu dogmatique, monsieur le rapporteur pour avis ?

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis. Même les syndicats les plus à gauche sont plus pragmatiques. Je connais ainsi un groupement qui a pu se créer grâce à l’appui des délégués CGT locaux.

M. Roland Muzeau. On n’est pas sectaires, nous !

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis. En tout cas, du côté de la majorité, nous pensons qu’un emploi stable dans un groupement d’employeurs, avec le même traitement que les salariés de l’entreprise auprès de laquelle elles sont mises à disposition, vaut mieux pour les personnes concernées qu’un CDD ou de l’intérim. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, à cette heure tardive, je m’en tiendrai à trois réflexions, mais permettez-moi d’abord de remercier très chaleureusement Gérard Cherpion.

Cet homme passionné a passé des heures et des heures sur ce travail de réflexion et il mérite vraiment nos remerciements. Je voudrais remercier aussi Jean-Charles Taugourdeau, Bernard Perrut et Jean-Patrick Gille car les uns et les autres sont également des passionnés. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et SRC.)

Venons-en à mes trois réflexions.

Premièrement, la mission sur la compétitivité qui continue ses travaux après avoir mené de nombreuses auditions a dégagé trois priorités d’égale importance : le coût salarial, la formation professionnelle et l’effort d’innovation. De la plupart des auditions, il est ressorti que la formation professionnelle n’était pas encore – en particulier dans l’industrie – au niveau où elle devrait se trouver, compte tenu des besoins d’adaptation des entreprises. Un effort reste à faire.

Deuxièmement, je voudrais féliciter les six organisations syndicales et patronales qui, en matière de compétitivité, ont effectué un travail remarquable et ont signé un protocole qui pourrait être une référence pour toutes les formations politiques.

M. Bernard Perrut. C’est vrai !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr, la formation professionnelle est un élément important de ses priorités.

Troisième réflexion : malgré les nombreux progrès accomplis au cours des dernières années, des obstacles culturels restent à surmonter. Quand j’entends quatorze ans, je dis : prudence !

M. Michel Issindou. Nous aussi !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Il reste en effet des obstacles culturels venant à la fois des familles et des enseignants, et il faut les comprendre car notre système ne permet pas encore la formation tout au long de la vie. Je mesure la difficulté de suivre des formations individuelles, les difficultés et les rigidités de l’université pour celui qui, à partir d’un apprentissage, voudrait devenir technicien ou ingénieur. Les difficultés sont encore grandes.

M. Régis Juanico. Moins qu’avant !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Moins que par le passé, mais elles restent réelles.

La valorisation des acquis de l’expérience tout au long de la vie produit des résultats encore beaucoup trop limités. Le nombre de bénéficiaires de la VAE se situe aux alentours de 4 000…

M. Yves Bur. Quasiment rien !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. …alors que les projections avaient été établies pour 40 000. Dans le bassin d’emploi que je représente – 45 % d’actifs industriels – il existe un besoin de formation. Or mettre en place des systèmes de formation dans l’industrie c’est quasiment mission impossible actuellement, sauf peut-être parfois avec le Conservatoire national des arts et métiers et certaines régions plus ou moins motivées.

Quant aux insatisfactions, elles restent encore substantielles : empilement des structures ; manque de pilotage – qui est le pilote dans l’avion ? – ; absence de lisibilité d’un système qui demeure trop complexe ; rigidités du système éducatif.

Si l’on veut développer la formation, on a besoin de tuteurs. Or beaucoup de salariés de cinquante-sept ou cinquante-huit ans possèdent une très grande expérience tout en étant fatigués d’un travail répétitif. Nous avions décidé la mise en place d’un fonds de mutualisation doté de vingt millions d’euros et permettant justement d’aider les entreprises et de cofinancer le tutorat, en particulier dans les entreprises industrielles et dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.

Depuis plusieurs semaines, j’attends la sortie du texte avec impatience car je suis convaincu que beaucoup d’industriels, d’organisations syndicales et d’élus sont prêts à se battre pour faire en sorte que nous réduisions la pénibilité ou la peur de certains salariés fatigués d’aller jusqu’à soixante-deux ans…

M. Roland Muzeau. On vous l’a dit pendant un mois et demi au moment du débat sur les retraites !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. … en permettant à certains de devenir tuteurs pour des jeunes.

M. Alain Vidalies. Il n’y a pas que Vitré ! Il faut plus de vingt millions d’euros pour toute la France !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Voilà les réflexions que je vous soumets, monsieur le ministre, en espérant des réponses positives.

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs Cherpion et Taugourdeau, mesdames et messieurs les députés, la proposition de loi que nous examinons ensemble va nous permettre d’apporter des réponses concrètes pour développer l’emploi des jeunes.

L’emploi des jeunes est une priorité du Président de la République et du Gouvernement, mais c’est aussi une priorité pour notre pays. Toutes et tous avons à relever ensemble ce défi car un pays qui ne sait pas offrir d’avenir à ses jeunes est un pays qui n’a pas d’avenir, je pense que nous en sommes tous convaincus ici.

Je remercie le rapporteur et auteur de cette proposition de loi, Gérard Cherpion, ainsi que les deux coauteurs de ce texte, Bernard Perrut et Jean-Charles Taugourdeau. J’ai bien noté ce que Pierre Méhaignerie a dit de Jean-Patrick Gille et nous verrons si cet esprit constructif qui a présidé aux travaux pourra se révéler constant dans le cours de ce débat.

M. Jean Mallot. Vous n’aurez pas longtemps à attendre !

M. Xavier Bertrand, ministre. Je tiens également à remercier la commission des affaires sociales ainsi que son président, Pierre Méhaignerie, et la commission des affaires économiques pour leur travail de grande qualité.

Ce texte propose de développer l’alternance, d’encadrer les stages, de développer l’emploi dans les groupements d’employeurs et de sécuriser les parcours professionnels, grâce notamment au dispositif unique d’insertion des salariés licenciés pour motifs économiques.

Nadine Morano reviendra largement sur la réforme de l’alternance dont je vais évoquer certaines mesures.

Pour obtenir des résultats en matière d’emploi des jeunes, il faut rapprocher les jeunes de l’entreprise, parce qu’un jeune qui apprend son métier en même temps en entreprise et à l’école a beaucoup plus de chance de trouver un emploi ensuite. C’est du pragmatisme, je l’assume.

Mme Laure de La Raudière. Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre. Plus de huit jeunes sur dix formés en alternance trouvent un emploi dans l’année.

L’objectif que nous a fixé le Président de la République, je le rappelle, est d’atteindre le nombre de 800 000 alternants dont 600 000 apprentis d’ici à 2015, contre 420 000 apprentis à ce jour. Pour atteindre cet objectif, nous avons déjà pris des mesures importantes que Nadine Morano vous détaillera : aides pour les PME, relèvement du quota de jeunes alternants à 4 %. Certaines de ces mesures ont été adoptées dans le cadre du projet de loi de finances rectificative.

Les partenaires sociaux veulent aussi s’engager, notamment via des accords de branches, à développer ces formations. Nous ne pouvons que saluer et soutenir cette dynamique et nous le faisons en signant des engagements avec la métallurgie et l’artisanat et en veillant à ce tous puissent progresser vers cet objectif ambitieux de 800 000 alternants en 2015.

Je tiens à saluer aussi les mesures concrètes proposées dans ce texte, issues d’amendements du rapporteur qui a fait un travail remarquable de volontarisme mais aussi de pragmatisme pour adapter l’apprentissage au bac professionnel en trois ans. Ce n’était pas un sujet mineur ; il fallait aussi savoir en tenir compte.

Ces mesures efficaces seront opérationnelles dès la rentrée 2011 parce que nous savons que tout se joue à partir de la rentrée.

Je veux aussi ramener à leurs justes proportions les interrogations exprimées sur l’âge d’entrée en apprentissage. Le texte permet simplement, d’une part, de prendre en compte les jeunes dont la date anniversaire des quinze ans tombe après le début de l’année scolaire.

M. Serge Poignant. Exactement !

M. Xavier Bertrand, ministre. Il s’agit juste de leur éviter d’attendre quasiment un an, en légalisant une pratique existante – il est bon de le rappeler. Sinon, un jeune qui a quinze ans en novembre ne peut pas intégrer un cycle : c’est trop tard. Que fait-il pendant huit mois ?

M. Régis Juanico. Depuis la maternelle, c’est comme ça !

M. Xavier Bertrand, ministre. Ce n’est pas une raison pour ne pas régler le problème !

Mme Laure de La Raudière. Ils viennent nous voir dans nos permanences pour nous demander d’agir !

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous, on règle les problèmes. C’est aussi simple que ça ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) Aux familles dont l’adolescent aura quinze ans au mois de novembre doit-on répondre : tant pis pour lui, il attendra le tour suivant. Eh bien non ! Il est quand même plus intelligent de trouver une solution à la fin de la scolarité.

M. Régis Juanico. Le problème se pose en maternelle aussi !

M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Juanico, vous pouvez vous énerver tant que vous voulez, je ne tomberai pas dans un débat idéologique sur ce sujet. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Un débat pragmatique, ça me va bien ; un débat idéologique, je vous laisse discuter seul. Voilà, c’est aussi simple que ça.

Ce texte permet, d’autre part, d’élargir le préapprentissage sous statut scolaire pour les jeunes ayant achevé leur troisième. Il ne s’agit que de cela. Nous n’avons pas voulu poser un principe général alors qu’il existe déjà des dispositions sur l’apprentissage junior dans le code de l’éducation. Nous avons voulu apporter quelques souplesses de façon pragmatique. Rien de plus, rien de moins.

Venons-en aux dispositions de cette proposition de loi qui visent à mieux encadrer les stages en entreprises afin d’empêcher les abus.

Le rapporteur a repris les dispositions de l’accord national interprofessionnel du 7 juin qui encadre la pratique des stages. Je salue l’action conjuguée des partenaires sociaux et du Parlement pour atteindre cet objectif.

L’action du Gouvernement a permis des progrès mais nous ouvrons une nouvelle étape avec ces dispositions : délai de carence, plafonnement à six mois, interdiction de pourvoir un emploi lié à l’activité permanente de l’entreprise.

Les stages en entreprise permettent aux jeunes de préciser leur orientation, de mettre en œuvre des connaissances théoriques dans un cadre professionnel et d’acquérir une expérience du monde de l’entreprise et de ses métiers. C’est donc un moyen efficace d’insertion, à terme, sur le marché du travail. Mais il faut veiller à ce que l’entreprise montre bien son meilleur visage à ces jeunes. Voilà pourquoi il était important d’avancer aussi dans cette voie.

Troisième point : ce texte comporte également des dispositions pour relancer les groupements d’employeurs. Ceux-ci représentent un atout pour l’entreprise : ils lui permettent des embauches qui n’auraient pas pu se faire si chaque entreprise avait dû assumer seule la charge administrative ou le coût de l’embauche d’un salarié supplémentaire. Jean-Charles Taugourdeau connaît parfaitement ces questions, il y est attaché et je veux saluer son travail.

Les groupements d’employeurs offrent aussi un avantage au salarié, lui permettant d’exercer son métier dans différentes entreprises et d’enrichir son expérience. Le groupement d’employeurs, c’est du pragmatisme à 100 %.

Les entrepreneurs qui utilisent ce système, notamment dans les zones touristiques où il a été expérimenté en priorité, en sont satisfaits. Nous pouvons aller plus loin car, actuellement, les groupements d’employeurs emploient seulement 30 000 salariés. Cette proposition de loi permettra de faciliter le développement de ce dispositif en levant des restrictions et des obstacles inutiles, tout en apportant des garanties aux salariés.

Les partenaires sociaux souhaitent que leurs discussions en cours soient prises en compte. Dont acte. Mais il faut aussi avoir à l’esprit que la majorité des groupements d’employeurs appartiennent au secteur agricole qui n’est pas visé par ces discussions en cours. Voilà pourquoi vous avez légitimité pour débattre de ce sujet. Le débat parlementaire ne sera pas terminé avec l’examen à l’Assemblée nationale puisqu’il se poursuivra au Sénat.

Enfin ce texte donne une base légale au contrat de sécurisation professionnelle pour les licenciés économiques. Nous l’avions promis, cela se fait. Je veux remercier les partenaires sociaux qui ont achevé leurs discussions relatives à la fusion du contrat de transition professionnelle et de la convention de reclassement personnalisé en aboutissant à un accord créant le contrat de sécurisation professionnelle.

Voulu par le Président de la République, ce contrat renforcera les garanties apportées aux salariés licenciés pour motif économique, améliorera leur accompagnement pour retrouver un emploi et permettra un pilotage territorial au plus près des besoins des territoires.

C’est un outil efficace de retour à l’emploi comme il l’a prouvé, et pas seulement pendant la crise. Voilà pourquoi nous soutenons l’adoption, dans cette proposition de loi, de dispositions permettant de rendre applicable ce nouveau contrat de sécurisation professionnelle dans les prochaines semaines.

Madame la ministre, monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, l’examen de ce texte permettra d’apporter des réponses concrètes supplémentaires en matière d’emploi, des jeunes notamment. Je sais que vous aurez à cœur de l’enrichir de manière constructive et le Gouvernement y sera ouvert à chaque fois que l’esprit du texte et des accords signés par les partenaires sociaux sera respecté.

Il ne servirait à rien de faire de grands discours proclamant que les jeunes sont l’avenir de notre pays si nous ne mettions pas tous les moyens à la hauteur de cette ambition. Voilà pourquoi nous avons pris nos responsabilités. Nous ne nous contentons pas de voir le chômage des jeunes reculer mois après mois. Même si elle est importante depuis le mois de novembre, cette baisse n’est pas suffisante. Même si certains pays connaissent des taux de chômage des jeunes beaucoup plus importants, il n’est pas question de se satisfaire d’un taux qui reste supérieur à 20 %. La baisse est supérieure à 20 %, mais elle n’est pas suffisante à mes yeux.

Ce texte va nous permettre de faciliter l’accès des jeunes à l’entreprise par la voie de la formation en alternance. Cette proposition de loi nous donne des outils pour aider les jeunes à accéder à un emploi durable, à l’autonomie et à l’insertion dans la société. C’est plus que jamais une priorité au sortir d’une crise qui a touché le plus durement ceux qui sont les plus vulnérables : les chômeurs de longue durée qui étaient déjà sortis du marché du travail et qui n’y retournent pas facilement ; les jeunes pour lesquels les portes ne se sont pas ouvertes.

Tout en visant les chômeurs de longue durée, ce texte va également nous permettre d’avoir des réponses supplémentaires pour l’emploi des jeunes.

C’est une priorité non seulement pour le Gouvernement, mais aussi, je le dis très clairement et dans un esprit de recherche de consensus, pour l’ensemble des acteurs : les élus locaux, les collectivités locales, les mairies, les régions, tout comme les entreprises et les partenaires sociaux. La mobilisation de tous permettra de faire reculer le chômage des jeunes. C’est un objectif commun. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à Mme Nadine Morano, ministre chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle.

Mme Nadine Morano, ministre chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle. Mesdames, messieurs, tout d’abord, permettez-moi de m’associer aux remerciements et aux félicitations qu’a exprimés Xavier Bertrand. Mes remerciements iront tout particulièrement à Gérard Cherpion, dont je connais l’expertise de terrain, puisqu’il a été pendant de nombreuses années en responsabilité sur ces sujets au conseil régional de Lorraine. Je le remercie également, ainsi que Bernard Perrut et Jean-Charles Taugourdeau, pour la rapidité avec laquelle ils ont su transcrire dans cette proposition de loi les engagements du Président de la République, énoncés le 1er mars dernier, à Bobigny. Dans ce discours, Nicolas Sarkozy a exprimé la volonté, qui doit devenir un objectif national partagé, de développer l’alternance et l’apprentissage dans notre pays, parce qu’ils sont un levier puissant pour permettre aux jeunes d’entrer sur le marché du travail.

Cosignée par pas moins de 160 députés, cette proposition de loi témoigne de la mobilisation de ceux-ci et démontre une nouvelle fois que l’emploi des jeunes est une priorité du Gouvernement et de la majorité parlementaire.

Je veux également rendre hommage aux membres de la commission des affaires sociales et à ceux de la commission des affaires économiques, en particulier à leurs présidents respectifs, MM. Pierre Méhaignerie et Serge Poignant, pour la qualité de leurs travaux et de leurs auditions.

Le Gouvernement est attaché au respect du travail parlementaire. Votre expertise, mesdames, messieurs, et les idées qui émanent directement de votre expérience du terrain sont indispensables dans le combat que nous menons en faveur de l'emploi.

L'emploi des jeunes doit être un objectif national partagé par l'ensemble des acteurs de notre pays : régions, partenaires sociaux, chefs d'entreprises, responsables de formation. Nous avons le devoir d'être à la hauteur des attentes de la jeunesse, pour lui permettre de s'intégrer pleinement à notre société en ayant la possibilité d'accéder à un travail qui assure une réelle autonomie matérielle et financière.

En 2007, le Président de la République a placé au cœur de son projet la valeur travail. Malgré la crise économique et financière, cet objectif a toujours guidé l'action du Gouvernement.

M. Régis Juanico. Et le chômage ?

Mme Nadine Morano, ministre. Au travers de cette proposition de loi, je me réjouis de voir transcrire dans notre droit à la fois les engagements de Nicolas Sarkozy, et certaines propositions de l'accord national interprofessionnel des partenaires sociaux sur l'emploi des jeunes du 7 juin 2011, ainsi que les conclusions du groupe de travail sur l'emploi constitué par Christian Jacob.

Comme l'a rappelé Xavier Bertrand, le texte que nous examinons propose d'apporter de nouvelles réponses concrètes, pragmatiques et immédiatement opérationnelles pour développer l'alternance, encadrer les stages, développer l'emploi dans les groupements d'employeurs et sécuriser les parcours professionnels.

La feuille de route qui nous a été confiée par le Président de la République est claire : développer l'apprentissage pour atteindre l'objectif de 800 000 alternants d'ici à 2015. La formation en alternance est, en effet, un véritable « prêt-à-l'emploi » qui permet aux jeunes d'acquérir des compétences adaptées aux besoins des entreprises. Ces formations sont une garantie d'insertion professionnelle rapide et durable, avec de véritables perspectives de progression sociale. Je le rappelle, 80 % des jeunes apprentis ont un emploi à l'issue de leur diplôme.

Entrons maintenant dans le vif du sujet. Xavier Bertrand a présenté les grandes lignes de cette proposition de loi, je souhaite en détailler les apports majeurs.

Pour inciter les jeunes à s'engager vers l'apprentissage, il convient de revaloriser le statut de l'apprenti. Par la création d'une carte d'étudiant des métiers, l’article 1er permet à l'apprenti d'accéder aux mêmes réductions tarifaires que les étudiants de l'enseignement supérieur. La signature prochaine d'une convention entre mon ministère et celui de Valérie Pécresse a pour but d'instaurer un tarif réduit dans les restaurants du CROUS pour les apprentis : 3 euros le repas. Les apprentis auront désormais accès aux mêmes droits que les étudiants. C'était une promesse du Président de la République !

Parce qu'il faut aussi faciliter les relations entre les employeurs et les alternants, l'article 2 prévoit la création d'un service dématérialisé de l'alternance. Les chambres consulaires et les OPCA participeront à l'organisation de ce service qui simplifiera les formalités administratives que doivent remplir les entreprises et les jeunes.

Pour faciliter le recours à l'alternance, vous avez souhaité supprimer le contrôle de la validité de l'enregistrement des contrats d'apprentissage opéré par les directions régionales des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi – DIRECCTE.

Parmi les autres apports du texte, je veux également citer la possibilité nouvelle pour deux employeurs saisonniers d'embaucher un apprenti en signant une convention tripartite avec lui.

De même, un employeur et un salarié pourront désormais renouveler un contrat de professionnalisation dès lors que la qualification préparée permet d'améliorer celle détenue par le salarié. C'est une avancée forte, attendue par les acteurs de l'alternance et annoncée par le Président de la République.

Les commissions parlementaires ont également enrichi ce texte.

L'un de ces apports est l'ouverture, chère à Gérard Cherpion, de l'apprentissage dans le cadre du travail temporaire. Alors que plus de 30 % des intérimaires ont moins de 25 ans, les besoins en qualification dans les entreprises intérimaires sont très importants. L'ouverture de l'apprentissage, voulue dans le cadre de l'accord national interprofessionnel relatif aux jeunes, constitue donc une réelle opportunité pour les jeunes intérimaires qui souhaitent développer leurs compétences et acquérir un diplôme ou un titre professionnel.

Par ailleurs, l'instauration d'un cadre légal pour les stages de découverte en entreprise proposés par certaines chambres consulaires pendant les vacances scolaires est une avancée importante pour mettre les jeunes en relation avec le monde professionnel.

Je tiens également à citer les avancées, prévues à l'article 6, pour les jeunes qui préparent un baccalauréat professionnel. Jusqu'à maintenant, alors que les lycéens pouvaient effectuer une seconde professionnelle générale et se déterminer ensuite pour un certificat d'aptitudes professionnelles – CAP – ou un baccalauréat professionnel, les apprentis devaient arrêter leur choix dès la signature du contrat d'apprentissage. Désormais, grâce à l'amendement présenté par les députés Gérard Cherpion et Bernard Perrut, et adopté par la commission des affaires sociales, les apprentis bénéficieront de la même souplesse que les lycéens. Ils pourront s'engager dans un parcours en trois ans préparant à un baccalauréat professionnel, tout en ayant, à la fin de la première année, la possibilité de se réorienter vers un CAP.

Votre proposition de loi  pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels s'inscrit dans la révolution culturelle que nous sommes en train de mener pour valoriser ces formations. Afin de conduire cette révolution, des mesures concrètes ont déjà été prises.

Pour les entreprises de moins de 250 salariés, deux dispositifs sont effectifs depuis le 1er mars conformément à la feuille de route du Président de la République : la compensation « zéro charge » pendant un an pour toute embauche supplémentaire d'un jeune en apprentissage ou en contrat de professionnalisation, et la prime de 2 000 euros pour inciter les entreprises à conclure des contrats de professionnalisation pour les personnes de plus de quarante-cinq ans.

Je serai d'ailleurs demain au salon Planète PME pour rappeler ces dispositifs et mobiliser les PME.

De même, la hausse de 3 % à 4 % du quota d'alternants pour les entreprises de plus de 250 salariés a été votée lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2011. Nous sommes en train d'examiner la mesure, proposée par les partenaires sociaux dans le cadre de l'accord national interprofessionnel des jeunes, visant à accompagner les efforts des branches professionnelles qui s'engagent sur l'alternance afin de trouver les voies et moyens pour tirer toutes les conclusions possibles de ce dispositif.

Parce que je sais aussi que, pour atteindre notre objectif de 800 000 alternants d'ici à 2015, dont 600 000 apprentis, l'action de l'État a besoin de relais, j'ai organisé le 27 avril une grande journée de mobilisation avec plus de 60 représentants des branches professionnelles. À cette occasion, des engagements ambitieux ont été pris. Le secteur du paysage prévoit ainsi d'atteindre le seuil de 10 % d'alternants par an, soit 7 000 apprentis. Je pense également aux engagements des secteurs du commerce de gros et de détail, qui visent respectivement une augmentation de 10 % et de 8 % du nombre de contrats de professionnalisation.

Pour aller encore plus loin dans la mobilisation des entreprises, j'organiserai, le 28 juin prochain, une réunion d'échange et de travail avec les entreprises du CAC 40. Lors de cette réunion, ces grandes entreprises signeront une charte en faveur du développement de l'alternance avec des engagements, à la fois qualitatifs et quantitatifs, précis.

Parce qu'il est temps de changer le regard que notre pays porte sur l'apprentissage, j'ai aussi créé, le 7 avril, le Club de l'apprentissage dans le but de sensibiliser les jeunes. Ce Club est animé par d'anciens apprentis devenus des références dans leur métier, comme le coiffeur Franck Provost. Par ailleurs, j'ai initié la création de la « Communauté apprentissage » sur le site Viadeo pour mettre en relation les apprentis, les entreprises et les centres de formation.

Avec Xavier Bertrand, nous avons lancé, le 5 mai dernier, une campagne nationale de promotion de l'apprentissage sur les radios : « Un métier, un diplôme, un revenu, c'est ça l'apprentissage ». Avec cette campagne, nous avons voulu dire aux jeunes que l'apprentissage est une voie royale vers l'emploi et un moteur de promotion sociale accessible à tous les niveaux de formation et dans tous les secteurs.

M. Roland Muzeau. Et vous cassez l’éducation nationale au passage !

Mme Nadine Morano, ministre. Il faut savoir, qu’en trois semaines, nous avons eu 145 000 connexions sur le site du Gouvernement de jeunes intéressés et de leur famille sur ce dispositif de l’apprentissage.

Mme Laure de La Raudière. Très bien !

Mme Nadine Morano, ministre. Mais, les régions doivent aussi jouer leur rôle pour mobiliser les moyens financiers nécessaires au développement de l'apprentissage.

M. Charles de La Verpillière. Ça, c’est plus dur !

Mme Nadine Morano, ministre. Dans le cadre des contrats d'objectifs et de moyens – COM – apprentissage 2011-2015, je veille avec Xavier Bertrand à ce qu'elles prennent toutes leurs responsabilités et s'engagent à parité avec l'État.

M. Charles de La Verpillière. Lourde tâche !

Mme Nadine Morano, ministre. Pas si lourde que ça, au final, monsieur le député.

Le 1er juin dernier, j'ai signé avec le président de la Région Languedoc-Roussillon, Christian Bourquin, le premier contrat d'objectifs et de moyens. Cette signature est la preuve que tous les acteurs peuvent s'unir, au-delà des clivages politiques. Je vais d'ailleurs bientôt signer les prochains accords cadres des contrats d'objectifs et de moyens avec plusieurs autres régions, comme la Bourgogne, l'Alsace et la Lorraine.

M. Charles de La Verpillière. Et Rhône-Alpes !

Mme Nadine Morano, ministre. À M. le président Alain Rousset, qui vient de quitter l’hémicycle,...

M. Régis Juanico. Il va revenir !

Mme Nadine Morano, ministre. …je veux dire que je me réjouis de cette mobilisation des régions à nos côtés. Je compte sur votre soutien à tous pour poursuivre cette dynamique et cette démarche républicaine.

Au total, l'État consacre 1,7 milliard d'euros au financement des contrats d'objectifs et de moyens pour permettre aux jeunes de bénéficier d'un appareil de formation performant et d'avoir accès à des solutions d'hébergement. C'est 350 millions d'euros de plus par rapport à la première génération des contrats d'objectifs et de moyens.

C'est également tout le sens de l'appel à projet doté de 500 millions d'euros dans le cadre du programme d'investissements d'avenir dont le déploiement avance très bien. Le Premier ministre a en effet annoncé, le 23 mai dernier, les quatre premiers projets retenus qui vont bénéficier d'une enveloppe de 19 millions d'euros.

La jeunesse, c'est notre avenir. Elle nous oblige à la mobilisation, à l'action et, surtout, au résultat. La jeunesse, c'est aussi l'âge de tous les possibles et de tous les choix. C'est pourquoi notre pays s'honore aujourd'hui en donnant à sa jeunesse les moyens de faire les bons choix.

En tant que ministre de la République, permettez-moi donc de vous exprimer toute ma fierté. Je mesure en effet pleinement l'opportunité que constitue ce texte pour répondre aux attentes et aux espoirs de nos jeunes et de leurs familles. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Motion de rejet préalable

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Monsieur le ministre, je crains de vous décevoir un peu car mon rôle va être de pointer les failles, les manques et les dangers des propositions que vous nous soumettez. Certes, vous avez eu la délicatesse de laisser aux parlementaires le soin de se saisir de ces questions, mais elles s’incarnent dans la politique de flexibilité à outrance que vous avez mise en place et qui tarde à porter ses fruits.

M. Xavier Bertrand, ministre. Ça commence mal, en effet !

M. Jean-Patrick Gille. C’est la raison pour laquelle je vous prévenais que je risquais de vous décevoir un peu.

Mme Laure de La Raudière. Le texte qui nous est proposé est empreint de pragmatisme  !

M. Jean-Patrick Gille. Cette proposition, comme cela a été répété, reprend les annonces du Président de la République lors de son discours sur l’emploi à Bobigny le 1er mars.

Elle porte sur le développement de l’alternance – dont nous allons parler longuement – et sur la fusion de la Convention de reclassement professionnel et du Contrat de transition professionnelle, suite à l’accord unanime des partenaires sociaux. S’y ajoute, étrangement, la déréglementation des groupements d’employeurs. Étrangement, car les mesures proposées qui, selon nous, dénaturent les groupements – auxquels nous sommes favorables – ont déjà été adoptées par notre assemblée il y a deux ans. Ces propositions ont pour point commun, non pas, hélas ! de favoriser la sécurisation des emplois, mais de permettre de faire sortir des chômeurs des statistiques de Pôle emploi, sans pour autant créer de nouveaux emplois.

Je constate, par ailleurs, que le grand texte sur l’emploi, particulièrement l’emploi des jeunes, que l’on nous avait annoncé a disparu, ainsi que les crédits afférents. Les 500 millions annoncés ne sont plus que 350 dans le PLFR, et ils sont consacrés en grande partie au financement de contrats aidés qui, s’ils sont utiles, viendront, eux aussi, dégonfler les statistiques du chômage.

Pendant ce temps, Pôle emploi va perdre 1 800 agents et les missions locales se séparent des 1 000 conseillers que le plan d’urgence avait permis de recruter pour faire face à l’augmentation de 30 % du chômage des jeunes, lequel n’a pourtant baissé que de 6 % en un an. Un rapport récent de l’IGF, chargé d’établir une comparaison avec nos principaux voisins européens, atteste que c’est en France que le taux d’encadrement ou d’accompagnement des demandeurs d’emploi est le plus faible. Du reste, les organisations de salariés de ces composantes du service public de l’emploi, y compris l’AFPA – qui s’enfonce dans une crise financière et de management –, appellent à une journée d’action le 23 juin.

Permettez-moi de citer quelques chiffres concernant les jeunes. Leur taux de chômage est de 23 % et atteint le double dans certains quartiers. Les entrées en alternance diminuent, en dépit des aides qui avaient été mises en place et qui se sont éteintes au 31 décembre – certaines vont être relancées. Le taux des jeunes qui sont sans emploi et ne suivent pas de formation est de 15 % chez les 15-29 ans – soit 1,2 million de jeunes – et atteint 18 % chez les 20-24 ans. Il est donc nécessaire de se mobiliser, notamment en faveur de l’alternance, mais nous craignons qu’elle ne soit pas la seule réponse.

La proposition de loi que nous sommes amenés à examiner ne semble pas à la hauteur de ces enjeux et l’on peut se demander quels sont ses objectifs, puisque les principales mesures qu’elle comporte ont déjà été prises dans le cadre du PLFR ou par décret. Force est de constater – et ce fut particulièrement le cas en commission, qui l’a largement transformée – qu’elle vise essentiellement à alléger la réglementation relative à l’alternance et aux groupements d’employeurs. Le fameux mythe de la flexibilité !

On l’aura compris, hormis ce qui a fait l’objet d’un large accord des partenaires sociaux, le Gouvernement laisse aux députés les initiatives les plus contestables pour alimenter une démarche essentiellement quantitative, qui confine au dévoiement de l’apprentissage.

M. Serge Poignant, président de la commission des affaires économiques. C’est faux !

M. Jean-Patrick Gille. Qu’on en juge.

L’apprentissage en emploi saisonnier ne peut qu’engendrer un accroissement des difficultés pour l’apprenti et sa famille et susciter la tentation – j’ose le dire – d’exploiter une main-d’œuvre à coût réduit, notamment dans le secteur de l’hôtellerie-restauration, où le taux de rupture est déjà de 40 %.

Vous souhaitez ouvrir l’apprentissage à l’intérim, mais j’ai du mal à comprendre comment cela pourrait fonctionner : contrairement au contrat de professionnalisation, l’apprentissage, qui est une formation longue, n’est pas adapté à l’intérim et cette mesure risque d’entraîner des dérives.

Quant à l’apprentissage à quinze ans – et même à quatorze ans, puisqu’on peut signer avant quinze ans –, nous ne pouvons l’accepter, car il remet en cause deux principes : l’obligation scolaire jusqu’à seize ans et l’interdiction de signer un contrat de travail avant seize ans – à moins que vous ne remettiez en cause le fait que le contrat d’apprentissage est un contrat de travail. S’il s’agit d’orienter un jeune vers une pédagogie de l’alternance, il est possible de recourir à des dispositifs existants, que nous avons mis en place – je pense au DIMA.

Par ailleurs, la possibilité d’enchaîner les contrats de professionnalisation est la porte ouverte à des pratiques de sous-emploi et donc de sous-rémunération.

Enfin, nous nous inquiétons de la suppression du contrôle a priori par les DIRECCTE.

Je veux également dire un mot de l’article 6 sexies, qui généralise une expérimentation qui permettait de poursuivre un contrat d’apprentissage en cas de rupture avec l’employeur ou d’intégrer un CFA sans avoir tout à fait un employeur. En faisant sauter la barrière des trois mois notamment, vous supprimez ainsi tous les verrous et vous créez un apprentissage sans maître d’apprentissage.

De manière plus générale, je m’inquiète de la volonté de nos collègues de la majorité non seulement de rapprocher le contrat de professionnalisation du contrat d’apprentissage, au point de les confondre alors qu’ils répondent à des besoins différents, mais aussi de confier un rôle hégémonique aux chambres consulaires –de la collecte de la taxe d’apprentissage au contrôle exclusif des contrats en passant par l’inspection pédagogique –, alors qu’elles sont les principales dispensatrices de formation.

Autant de mesures, qui répondent aux attentes d’une partie du patronat, mais qui risquent de remettre en cause la démarche engagée depuis des années, notamment par les régions, pour revaloriser l’apprentissage. Force est de constater que l’objectif de l’État est, hélas ! d’opérer un transfert des lycées professionnels vers les CFA, afin de faire supporter la charge de leur formation par les régions. Entendons-nous bien : nous sommes pour le développement de l’alternance, mais nous nous opposons à son dévoiement à la seule fin de faire du chiffre.

Qu’aurait-on pu attendre d’une telle proposition de loi ?

Tout d’abord, qu’elle favorise l’amélioration de l’orientation, laquelle passe avant tout par une meilleure information concernant les métiers et les filières de l’alternance – je crains que le gadget du portail internet ne suffise pas. Peut-être devrions-nous écouter davantage les jeunes, leur demander leur avis sur ce qui pourrait les inciter à choisir l’alternance. Pour cela, il faut améliorer l’image de l’apprentissage ainsi que la qualité, tant matérielle que pédagogique, des CFA – les régions s’y sont employées depuis qu’elles en ont la compétence – et octroyer aux apprentis une véritable carte d’étudiant.

M. Gérard Cherpion, rapporteur. C’est fait !

M. Jean-Patrick Gille. Que les apprentis soient reconnus « étudiants des métiers », c’est très bien, mais ce ne sont que des mots : il faut qu’ils aient accès à une carte d’étudiant.

Ensuite, il faudrait s’adresser aux publics déficitaires : les jeunes femmes, qui ne représentent que 31 %, les niveaux infra-bac, dont le nombre en apprentissage ne dépasse jamais les 250 000, et les jeunes discriminés, qu’ils viennent d’un quartier dit sensible ou qu’ils soient porteurs d’un handicap. Il conviendrait également de mobiliser les employeurs en déficit d’embauches d’alternants, notamment les grandes entreprises – l’adoption du quota de 4 % le permettra – et d’agir au niveau des branches – vous le faites, mais il faut aller plus loin – et sur les territoires. S’agissant la fonction publique, on pourrait instaurer un quota de 1 %, comme le propose d’ailleurs notre collègue Laurent Hénart dans son rapport.

D’autres pistes – peut-être plus qualitatives, mais qui auraient, à terme, un effet quantitatif – pourraient être explorées.

La première consisterait à reformer et à simplifier le financement. Actuellement, l’apprentissage présente la caractéristique paradoxale d’être un dispositif dont une partie des ressources, la taxe d’apprentissage, n’est pas garantie d’une année sur l’autre. Chacun connaît les dysfonctionnements constatés dans le dispositif de collecte et de répartition de cette taxe : manque de transparence dans les reversements par les organismes collecteurs, avec, à la clé, des inégalités de traitement entre les CFA absolument injustifiées. Il est inacceptable que la taxe perçue par apprenti dans certains CFA soit 20, 30, 40, 50 fois supérieure à celle que perçoivent d’autres centres, selon que l’établissement est adossé ou non à un collecteur puissant. Il est tout aussi inacceptable qu’un CFA voit ses ressources en taxe d’apprentissage réduites de 10 ou 20 % d’une année à l’autre et se retrouve en déficit parce qu’une entreprise ou un collecteur a décidé de changer sa politique d’attribution. Dans ces cas-là, ce sont les régions qui doivent compenser.

La France compte plus de 1 000 CFA, et l’équilibre financier d’un nombre croissant d’établissements est de plus en plus précaire. Pour garantir la pérennité du dispositif de formation et répondre aux enjeux de son développement, il est indispensable que le financement des CFA fasse l’objet d’une véritable réforme. Cette réforme passe inévitablement par une refonte du fonctionnement de la taxe d’apprentissage, en particulier du dispositif actuel de collecte et de répartition des crédits, et par le renforcement du rôle des régions en la matière, qui pourraient devenir elles-mêmes collectrices.

M. Alain Vidalies. Très bien !

M. Jean-Patrick Gille. Bien entendu, une telle réforme doit se faire en concertation avec tous les acteurs et nécessiterait un dispositif de péréquation nationale. Mais elle permettrait que la taxe d’apprentissage arrive directement dans les CFA – comme cela était prévu à l’origine – sans suivre un parcours que je qualifierai pudiquement de sinueux, qui aboutit à ce que 40 % de son produit soient affectés à d’autres formations, notamment les grandes écoles de commerce.

M. Xavier Bertrand, ministre. Le texte exauce vos vœux !

M. Jean-Patrick Gille. Sur environ 7 milliards que coûtait l’apprentissage en 2008, seulement 1,2 milliard provenait de la taxe d’apprentissage.

Deuxième piste : conforter les régions dans leur compétence. L’État veut porter, à l’horizon 2015, le nombre d’apprentis de 430 000 à 600 000. Excellent ! Mais, si l’on se fonde sur le coût moyen d’un apprenti en CFA en 2008, qui est de 5 591 euros, le surcoût s’établirait à 1 milliard d’euros. Or, le Gouvernement prévoit de financer cette dépense grâce à quelques mesurettes relatives au fonctionnement de la taxe d’apprentissage, qui rapporteront 70 millions d’euros, et à des contrats d’objectifs et de moyens, dont les montants restent très aléatoires.

Au final, c’est sur les régions qu’il veut faire porter le développement de l’apprentissage, tout en réduisant, par ailleurs, leurs marges de manœuvre financières. Or les régions ont été amenées à augmenter de façon importante leur intervention en faveur de l’apprentissage. Elles sont ainsi devenues, depuis plusieurs années déjà, comme le montrent les enquêtes annuelles du Conseil national de la formation tout au long de la vie, les principales fînanceurs des CFA. Depuis le premier contrat d’objectifs et de moyens, si l’augmentation de la participation de l’État a été de 31 %, celle des régions est globalement de 46 % et atteint près de 2 milliards d’euros, sans compter les primes, qui évoluent mécaniquement. Autrement dit, quand l’État ajoute 1 euro, les régions mettent 1,21 euro.

Il est assez stupéfiant que ces dernières, premiers financeurs de l’apprentissage, à l’essor duquel elles ont, depuis la décentralisation, largement contribué, ne soient quasiment jamais mentionnées dans cette proposition de loi. Ainsi, il apparaît nettement que l’État veut se donner le beau rôle à peu de frais, tout en organisant le transfert de la formation initiale professionnelle vers les régions. Je ne doute pas que notre collègue Alain Rousset reviendra sur la nécessité de renforcer la compétence des régions en matière d’apprentissage et de leur en donner les moyens financiers pérennes.

Troisième piste : mettre en œuvre une organisation qualifiante du travail. L’apprentissage, l’alternance, ce n’est pas seulement une mesure, un contrat spécifique, c’est d’abord et avant tout une pédagogie et une culture d’entreprise. Une culture de la transmission et une pédagogie qui consiste à faire faire pour comprendre plutôt qu’à chercher à comprendre avant de faire. Cela requiert une forme spécifique d’organisation du travail et la mise en place du tutorat. Cette situation, traditionnelle dans l’artisanat, reste à construire dans les grandes entreprises. L’adoption d’un quota de 4 % va contraindre ces dernières à modifier leur organisation du travail, à repérer, à former des tuteurs et à leur donner du temps pour exercer cette mission pédagogique. Sans doute faut-il d’ailleurs réfléchir, comme le suggérait le président Méhaignerie, à la mise en place d’un financement adapté.

La question se pose également de savoir si une obligation de formation des tuteurs, comme le souhaite notamment l’UPA, ne serait pas nécessaire. Elle compenserait la réduction de cinq à trois ans de la condition d’expérience professionnelle décidée par décret. Là aussi, il ne faut pas, pour faire du chiffre, renoncer à la qualité.

Quatrième piste : lutter contre les ruptures de contrat et les abandons. Si le taux d’insertion professionnelle est très bon dans l’apprentissage – de 70 à 85 % –, c’est parce qu’il est calculé par rapport aux fins de parcours et ne tient pas compte des ruptures, qui avoisinent 20 %, voire 40 % dans la restauration. L’expérience que j’ai menée dans le CFA dont je suis président prouve que, si l’on se dote d’un dispositif d’accompagnement renforcé avec les entreprises qui permet d’intervenir dès que surgit un problème, ce taux peut rapidement être réduit de moitié.

Le problème, c’est qu’une telle mesure n’impacte pas les deux critères retenus par le Président de la République : le nombre d’entrées et le taux d’insertion à la sortie. Pourtant, elle permettrait d’éviter un échec supplémentaire à de nombreux jeunes pour un coût relativement modeste, ainsi que l’attestent les expérimentations menées par les missions locales, « les expérimentations Hirsch », qu’il faudrait généraliser.

Cinquième piste : améliorer les conditions matérielles des apprentis.

Les ruptures sont souvent dues à une orientation subie, par l’échec, mais aussi à des problèmes relationnels, à des difficultés de vie, d’organisation, de financement, qu’il s’agisse de l’hébergement ou du transport. L’insertion et la stabilisation d’un jeune dans l’emploi est déjà difficile. Quand cela s’accompagne de la nécessité d’un double, voire d’un triple, hébergement, cela devient très, très difficile pour un jeune de moins de 18 ans, en rupture familiale, en préparation de BEP avec une rémunération de 25 % du SMIC. Et je ne vous parle pas de l’apprentissage saisonnier, qui multiplierait ces problèmes !

C’est pourquoi nous sommes très favorables à ce que les apprentis soient reconnus comme des « étudiants des métiers » mais en bénéficiant d’une véritable carte d’étudiant.

M. Gérard Cherpion, rapporteur, et M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis. C’est le cas !

M. Jean-Patrick Gille. Voilà qui serait un signe fort et valorisant pour les jeunes !

Bien évidemment, il faut soutenir les dispositifs d’aide au premier équipement, d’aide aux transports collectifs, d’accès au sport ou à la culture mis en place par les régions, mais il faut peut-être aussi créer une aide générale, une sorte de coup de pouce à l’entrée en apprentissage pour que ces difficultés matérielles n’y soient pas un frein.

De manière plus générale, nous devrions, comme cela a été évoqué en commission, mener aussi une réflexion sur les barèmes de rémunération qui correspondent à une fraction du SMIC en fonction de l’âge et de l’année de formation, d’autant plus que la situation de l’apprenti n’est pas la même selon qu’il vit avec ses parents ou qu’il doit s’assumer tout seul.

Sixième et dernière piste : faire de l’apprentissage une voie d’excellence.

On peut désormais faire un beau parcours en alternance jusqu’à des études supérieures, et l’on peut aussi finir son parcours universitaire par un master professionnalisant en alternance, mais il est encore bien rare d’emprunter la voie de l’alternance et de revenir dans une filière généraliste ou universitaire.

Si l’on veut valoriser l’alternance, elle ne doit plus être une voie de non-retour. Il faut donc favoriser les passerelles avec les autres filières et faciliter les retours en formation classique.

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis. C’est en français dans le texte !

M. Jean-Patrick Gille. Aujourd’hui, tout le monde sait que celui qui s’engage dans l’apprentissage a peu de chances d’accéder à l’université. Tant qu’il en sera ainsi l’alternance apparaîtra comme une voie secondaire pour ne pas dire d’exclusion.

De la même manière, il faut – je crois que nous serons tous d’accord – développer la mobilité européenne, il est indéniable qu’effectuer un fragment de son parcours d’apprentissage dans un autre pays de l’Union européenne est un atout supplémentaire.

II existe donc toute une série de pistes pour une politique de qualité, déjà expérimentées dans les régions, qui concourent à l’amélioration et à la revalorisation de l’apprentissage et qui mériteraient d’être reprises, soutenues et amplifiées, puisque l’État veut amplifier ces efforts.

M. Gérard Cherpion, rapporteur. C’est ce qu’on fait !

M. Jean-Patrick Gille. J’insiste, en ce qui concerne l’alternance au sens large, sur le fait que nous restons attachés à une distinction entre le contrat d’apprentissage, pour les jeunes qui n’ont pas connu l’emploi stable, qui reste de l’ordre de la formation initiale qualifiante longue, et le contrat de professionnalisation, qui permet une adaptation rapide à un emploi par l’obtention d’une qualification, en général de branche, et qui ne nécessite donc pas, sauf cas exceptionnel, d’être renouvelé. Sans cela, nous entrerions dans un autre système.

Je l’ai déjà dit, il faudrait instaurer un quota de 1 % d’alternants dans la fonction publique.

J’avais également suggéré à Mme la ministre une réflexion sur la reconnaissance des écoles de la deuxième chance comme une possible troisième voie de l’alternance, même si, par bien des côtés, elles sont différentes. Je crois que ce serait une piste de réflexion intéressante.

Il faudrait également valoriser symboliquement mais aussi financièrement la fonction de tuteur ou de maître d’apprentissage, faire en sorte que les salariés expérimentés ou ayant fait preuve de capacités pédagogiques puissent voir une partie de leur rémunération prise en charge pour ce travail et bénéficier de formations qualifiantes et validables. Ce serait aussi une manière de maintenir des seniors en activité.

Enfin, je rappellerai que le financement de l’organisation des examens doit être assuré par l’État. Las, ce n’est plus le cas : ce sont les CFA qui assument tout pour le moment. De même, l’inspection pédagogique de l’apprentissage ne doit pas être confiée aux chambres consulaires, qui deviendraient juges et parties.

M. Régis Juanico. Eh oui !

M. Jean-Patrick Gille. Pour autant, l’alternance n’est pas la panacée et ne va pas régler à elle seule le problème du chômage des jeunes. En tant que telle, elle ne crée pas d’emplois. Si on la considère comme de l’emploi, c’est une forme de sous-emploi car elle est sous-rémunérée.

Nous pensons que, si nous ne voulons pas connaître une situation à la grecque ou à l’espagnole, il faut aussi envoyer un signe fort à notre jeunesse avec la création d’emplois d’avenir, c’est-à-dire des emplois aidés notamment dans le secteur des emplois verts et pour les jeunes des quartiers. Contrairement à vous, monsieur le ministre, nous ne souhaitons pas opposer l’alternance aux emplois aidés. Au regard de l’urgence de la situation, il faut faire les deux et financer cet effort de la nation pour insérer les jeunes en revenant sur le dispositif d’exonération des heures supplémentaires.

S’agissant du changement de nature des groupements d’employeurs que vous proposez, le recours à une proposition de loi vous a permis d’éviter de faire les études d’impact importantes que nécessite la levée de toutes les garanties qui les encadrent.

Les groupements d’employeurs, qui concernent environ 30 000 salariés, sont des dispositifs que nous soutenons pour autant qu’ils permettent à de petites entreprises qui n’y parviennent pas autrement de créer des emplois « dé-précarisés ».

J’ai moi-même localement soutenu ce type d’initiatives et je suis même engagé dans une action expérimentale de groupement d’activité en direction des demandeurs d’emplois. Il s’agit de les embaucher en CDI dans un groupement d’employeurs pour, progressivement, les stabiliser dans l’emploi.

Votre idée, en revanche, c’est de créer des groupements d’employeurs pour les plus grosses entreprises et les collectivités locales, qui, elles, a priori, ont la surface nécessaire pour recourir à l’emploi normal ou, au besoin, à l’intérim. Rien qu’en cela, c’est donc une mesure de flexibilité pour ne pas dire de précarisation.

Vous retournez donc, si je puis dire, le principe des groupements d’employeurs. À partir d’un bon dispositif formalisé par les socialistes en 1985 et en supprimant en même temps l’obligation d’appartenir à deux groupements au maximum, les limitations en termes de taille des entreprises éligibles et l’encadrement de la mise à disposition des salariés d’un groupement pour les collectivités locales, on passe finalement d’une pratique artisanale de l’entraide et de la solidarité inventée dans le monde agricole à une pratique industrielle de prêt de main-d’œuvre encadrée et licite. Pour régler des problèmes de saisonnalité, vous imaginez la création de groupements d’employeurs géants qui fonctionnent comme des grossistes de main-d’œuvre sur un territoire,…

M. Gérard Cherpion, rapporteur. Mais non !

M. Jean-Patrick Gille. … où les salariés ne sont pas en CDI, alors que c’était le fondement même des groupements d’employeurs : se regrouper pour faire des CDI.

Contrairement à ce qui est annoncé dans l’exposé des motifs, les quatre articles de la proposition de loi ne lèvent pas les contraintes relatives à la création des groupements d’employeurs, ils en modifient l’objet et l’effet, donc la nature.

Comme l’indique Emmanuel Dockès, professeur à Paris X, les groupements d’employeurs ont été crées pour permettre à de petites entreprises d’embaucher en commun, par exemple un comptable. Alors, demande-t-il, « pourquoi une entreprise de plusieurs milliers de salariés embaucherait-elle des salariés via le groupement d’employeurs, au lieu de les embaucher directement, si ce n’est pour séparer la gestion du personnel de la gestion de l’entreprise ? C’est ce que l’on appelle l’extériorisation de la main-d’oeuvre. »

Quand le groupement sera multi-activités, et ce sera de plus en plus le cas, cela permettra de contourner la convention collective de l’entreprise d’accueil. C’est en tout cas l’application des conventions collectives que nous devons sécuriser.

Contrairement à ce qui est affirmé dans le rapport, le bilan social du groupement Alliance Emploi, groupement cité à l’envi par tout le monde, atteste qu’il n’y a pas 80 % de CDI, qu’il y en a seulement 50 %. Nous vous proposerons donc un amendement qui dispose que le nombre de CDI d’un groupement ne peut pas être inférieur à 80 %, hormis, évidemment, le cas des GEIQ.

Puisque votre souci est de faire des groupements d’employeurs un outil de sécurisation des emplois, nous ne doutons pas de l’accueil favorable que vous apporterez à cet amendement. Dans le cas contraire, nous serons enclins à penser que vos intentions ne sont pas aussi pures et que votre objectif est de créer un dispositif d’intérim low cost.

M Taugourdeau ne cesse de nous rappeler que, pour l’entreprise, le coût est le même. Je me permets de lui faire remarquer que ce n’est pas le cas pour le salarié, pour qui l’intérim est plus avantageux, car il y a, justement, une prime de précarité.

Enfin, rendre les groupements d’employeurs largement accessibles aux collectivités territoriales, c’est ouvrir à celles-ci la voie au contournement du recours aux emplois statutaires, par l’externalisation, voire la privatisation, de missions normalement exercées par des fonctionnaires. II est aussi à noter que c’est la légalisation d’une forme de gestion de fait.

Les modifications prévues par la proposition de loi ne sont donc pas anodines au regard du code du travail. Elles s’inscrivent dans une démarche d’externalisation de la main-d’œuvre contraire à votre objectif dit de sécurisation. Je constate, par ailleurs, qu’il n’est nullement présenté d’estimation, même prudente, du nombre de postes qu’elles permettraient de créer. Faut-il en déduire que là n’est donc tout à fait son objectif ?

Je m’interroge aussi sur cet acharnement – j’en parlais au début de mon intervention – à vouloir légiférer à nouveau sur le groupement d’employeurs alors que nous l’avons fait dans les mêmes termes il y a deux ans.

À l’époque, le recours à une proposition de loi permettait de contourner l’obligation de négociation, mais, en séance, l’engagement avait été pris de mettre en place un groupe de travail. Celui-ci s’est réuni en janvier et en février 2010. Mais ses conclusions sont restées lettre morte, comme la proposition de loi d’ailleurs, puisque celle-ci n’a jamais été inscrite à l’ordre du jour du Sénat !

Les négociations sur le sujet ont repris le 14 juin 2011, c’est-à-dire hier, mais elle n’ont pas abouti, et les partenaires sociaux nous ont fait part de leur souhait que le titre II de la proposition de loi soit donc retiré ou suspendu dans l’attente de la fin de leurs négociations. Malgré vos grandes déclarations sur le dialogue social, j’ai cru comprendre que votre réponse était plutôt négative.

Chers collègues, compte tenu de la demande des partenaires sociaux, de l’absence d’études d’impact et d’une réelle concertation sur les groupements d’employeurs, de leur déréglementation, qui va développer de nouvelles formes de précarisation, de l’absence d’une réforme du financement de l’apprentissage qui assure réellement son développement, de la régression que constituent des mesures telles que l’apprentissage à quatorze ans, de son ouverture aux emplois saisonniers ou à l’intérim, bref, d’une démarche qui privilégie la quantité au détriment des efforts qualitatifs accomplis depuis des années, notamment par les régions, pour valoriser l’alternance, je vous invite à voter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. La stratégie est toujours la même. On cherche à faire peur, on ne dit pas ce qu’il y a dans le texte, on le caricature quand ça arrange mais, en définitive, cela montre bien une chose : vous essayez de faire d’un sujet qui devrait être consensuel, et qui l’est bien souvent au plan local, un sujet de polémique au plan national.

Je trouve cela dommage car, si vous le vouliez vraiment, vous pourriez certainement faire des propositions. Vous dites que l’on peut avoir à la fois les contrats d’avenir et l’apprentissage. Chiche ! Faites des propositions en la matière.

M. Régis Juanico. On les a faites !

M. Xavier Bertrand, ministre. Je vais vous dire pourquoi vous n’en faites pas : parce que nous proposons quelque chose de pragmatique et non pas d’idéologique. Vous avez donc du mal à exister.

M. Régis Juanico. Mais non !

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous parlez de la carte d’étudiant, mais c’est exactement ce qu’il y a dans le texte ! Vous revenez sur l’apprentissage à quatorze ans ; pourquoi ne parlez-vous pas de l’apprentissage à huit ans, pendant que vous y êtes ? Vous pourrez dire que c’est une coquille. Si vous voulez caricaturer, autant caricaturer jusqu’au bout !

Je tiens à vous le dire : les arguments que vous avez avancés ne sont pas sérieux. Si vous décidez de redevenir sérieux, nous nous retrouverons, et ce sera dans l’intérêt des jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Au titre des explications de vote, la parole est à M. Bernard Perrut, pour le groupe UMP.

M. Bernard Perrut. Nous avons écouté avec attention les propos de M. Jean-Patrick Gille qui, certes, connaît bien le sujet de l’emploi des jeunes, mais aucun des arguments qu’il a pu donner, tant sur l’apprentissage que sur la sécurisation du parcours professionnel ou sur le groupement d’employeurs, ne saurait nous amener à le suivre.

Je propose donc que nous votions contre la motion de rejet préalable car, comme l’a dit le ministre à l’instant, vous caricaturez nos propos, monsieur Gille, vous caricaturez notre proposition de loi et vous n’acceptez pas que nous nous battions pour l’emploi en adoptant des mesures beaucoup plus souples, des mesures pragmatiques, qui nous permettront demain de mieux répondre aux attentes des jeunes en matière d’apprentissage ; nous y reviendrons au cours du débat.

Vos arguments ne sont pas recevables. Le groupe UMP votera contre la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Mallot. Le groupe UMP a tort !

M. Régis Juanico. C’est toujours le même discours !

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou, pour le groupe SRC.

M. Michel Issindou. Jean-Patrick Gille a brillamment montré ce que pourrait être l’apprentissage de notre point de vue qui n’est pas tout à fait le même que le vôtre.

Nous pouvons cependant être d’accord sur une chose : votre échec en matière d’emploi des jeunes depuis huit ans. 23 % de chômage chez les jeunes, aujourd’hui, c’est beaucoup trop ! Vous en êtes parfaitement conscients, et vous l’avouez vous-mêmes.

Vous semblez aussi découvrir l’apprentissage. Ce n’est quand même pas quelque chose de nouveau : cela a des dizaines d’années ! Vous auriez donc pu le valoriser plus tôt, si c’était vraiment la solution pour vous.

Le principe est bon. Nous ne contestons pas l’apprentissage et l’alternance, qui sont deux bonnes manières de s’insérer rapidement et efficacement dans le monde du travail. Pour autant, il y aura des difficultés : l’apprentissage a encore mauvaise presse auprès des parents eux-mêmes, qui poussent rarement leurs enfants dans les filières d’apprentissage. Cela ira en s’améliorant, en laissant d’ailleurs sur la touche les plus mauvais. Ceux qui sortent sans diplôme de l’enseignement, et notamment du collège, ne trouveront pas, pour beaucoup, de solution dans l’apprentissage.

Le plus désagréable, c’est que vous vendez l’apprentissage comme une panacée au problème du chômage et de l’emploi des jeunes. Or telle n’est pas la réalité. Un employeur ne recrute un apprenti que lorsqu’il a besoin de quelqu’un pour faire fonctionner son entreprise. Il ne recrutera pas pour vos beaux yeux ou pour vous faire plaisir, et ce, malgré les pénalités que vous pourrez lui infliger. C’est donc une manière quasi royale de rentrer dans la filière professionnelle pour les jeunes qui veulent en bénéficier. Malheureusement – cela a été si bien détaillé que je n’y reviendrai que très rapidement –, on retrouve plus de flexibilité que de sécurité dans ce dispositif.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Issindou.

M. Michel Issindou. Permettez-moi, monsieur le président, de dire quelques mots sur ce sujet !

M. le président. Je vous invite à conclure, mon cher collègue. Votre groupe a déjà défendu une motion pendant trente minutes et vous avez deux minutes pour expliquer votre vote. Je pense qu’en trente-deux minutes, vous aurez pu exprimer l’essentiel de votre pensée dans cette assemblée !

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis. Oui, tout cela n’est que répétition !

M. Michel Issindou. L’emploi saisonnier, l’ouverture à l’intérim, l’apprentissage avant quinze ans, l’enchaînement des contrats introduisent une flexibilité qui n’aurait pas lieu d’être dans des contrats d’apprentissage sérieux.

M. Alain Vidalies. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe NC.

M. Francis Vercamer. Gérard Cherpion a présenté, avec ses collègues, une PPL tout à fait pragmatique dont l’objectif est de développer l’alternance en France et de lever des verrous. Je n’entrerai pas dans le détail du texte, mais je reprendrai quelques arguments développés par Jean-Patrick Gille.

Pour ce qui est du groupement d’employeurs, le principe est d’essayer d’augmenter la proportion d’apprentis. Il ne s’agit pas de tout verrouiller ou d’essayer de contourner la loi. L’objectif est de lever des verrous en respectant, bien sûr, les droits du salarié – cela me semble normal.

Je ne comprends pas bien votre discours, chers collègues du groupe SRC. M. Issindou vient de dire que l’alternance avait mauvaise presse, et c’est vrai. Elle est souvent synonyme d’échec scolaire. Elle a donc besoin d’une valorisation des filières, et non du dogmatisme dont vous venez de faire preuve, en essayant de faire passer des messages – faux, d’ailleurs – sur la déscolarisation dès quatorze ans etc. Ce discours, qui a tendance à salir l’apprentissage ne me convient pas et je dois dire que je suis déçu par votre intervention, monsieur Gille. Je pensais que vous étiez au-dessus de cela !

Par conséquent, le groupe Nouveau Centre repoussera cette motion de rejet préalable.

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour le groupe GDR.

M. Roland Muzeau. Jean-Patrick Gille a pris le soin d’expliciter ce qu’étaient les objectifs de cette proposition de loi. Il en a détaillé les aspects positifs, modestement positifs, pour être plus précis, et les dispositions préoccupantes, comme celles relatives aux groupements d’employeurs.

Après le discours de Bobigny, les auteurs de cette PPL ont fait le « job », comme on dit.

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis. Merci de le reconnaître !

M. Roland Muzeau. Ils ont tout fait pour faire coïncider la parole présidentielle, toujours volontaire et si désespérément inefficace, avec le travail parlementaire qui devrait corriger tout cela.

Cet exercice, Jean-Louis Borloo s’y était exercé en son temps avec la loi sur l’égalité des chances. Le résultat est si brillant, chers collègues, avec un taux de 23 % de chômage des jeunes, qu’il faut, selon vous, en remettre une couche. Cela a conduit les auteurs du texte à s’aligner sur une proposition peu glorieuse du sénateur Serge Dassault, qui est le père spirituel de cette régression. Serge Dassault, le milliardaire, y a pensé, et vous l’avez fait ! Vous autorisez l’apprentissage à quatorze ans.

Le texte est inséparable du contexte et, lorsque vous vous drapez dans une pseudo-volonté de résorber le chômage des jeunes, la réalité impose de prendre conscience du grand écart entre les mots à usage de propagande préélectorale, et la réalité vécue dramatiquement par les jeunes et leur famille.

Si l’apprentissage est utile, il n’est pas pour autant la voie miracle de résolution de l’échec scolaire. Cet échec est massif, il l’est plus encore dans les villes populaires où le chômage de masse entraîne à son tour des difficultés éducatives et de formation. Comment pourrait-il en être autrement quand, sûrement par pragmatisme, comme l’a dit Xavier Bertrand, des dizaines de milliers de postes d’enseignants sont supprimés, chaque année, au nom de la RGPP ? Madame, monsieur les ministres, vous ne pouvez, dans ces conditions, prétendre répondre sérieusement aux attentes des jeunes.

Il en est de même avec les dispositions sur les groupements d’employeurs – nous y reviendrons lors de nos débats – au travers desquels percent prioritairement les désirs de flexibilité et de précarisation de l’emploi.

Pour le sociologue Robert Castel, « cette expansion de la précarité est actuellement supportée par une offensive politique menée à partir des plus hauts sommets de l’État au nom du  travailler plus pour gagner plus  et d’une survalorisation du travail qui conduit paradoxalement à sa dégradation. »

M. Régis Juanico. Bravo à Robert Castel !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Muzeau !

M. Roland Muzeau. Vous êtes bien pressé, monsieur le président…

M. le président. Non, je ne suis pas pressé, mais vous êtes long, monsieur Muzeau : alors que vous n’avez que deux minutes pour vous exprimer, vous en êtes déjà à trois minutes vingt-six. J’ai été très tolérant !

M. Roland Muzeau. En attendant de soutenir notre motion de renvoi en commission, nous voterons cette motion de rejet préalable.

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, jeudi 16 juin à neuf heures trente :

Suite de la discussion de la proposition de loi pour le développement de l'alternance, la sécurisation des parcours professionnels et le partage de la valeur ajoutée.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 16 juin 2011, à une heure vingt.)