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Délégation pour l’Union européenne

mercredi 2 avril 2008

10 heures

Compte rendu no 39

Présidence de M. Pierre Lequiller Président

I. Réunion commune avec la Commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale bulgare

II. Examen de deux textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution (E 3766 et E 3818)

I. Réunion commune avec la Commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale bulgare

Le Président Pierre Lequiller a souhaité la bienvenue à la délégation de la Commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale bulgare et s’est déclaré très heureux de cette rencontre.

Après avoir salué la présence de M. Jean-Paul Gauzès, député européen, il a proposé que soient d’abord examinées les questions institutionnelles. La Bulgarie a été le sixième Etat à ratifier le traité de Lisbonne à une très large majorité le 21 mars dernier, après la France en février, ce qui a été une grande satisfaction après l’échec du référendum. Les ratifications sont en cours en Europe : la Diète polonaise a ratifié le texte hier même, la Grande-Bretagne est sur la bonne voie et les perspectives s’améliorent quant au résultat du référendum en Irlande.

Il a suggéré ensuite que soient débattues les priorités de la présidence française ainsi que les questions relatives à la politique régionale, à la situation dans les Balkans occidentaux et à la politique européenne de voisinage.

En France, le contrôle des affaires européennes et de la subsidiarité est effectué par la Délégation dans le cadre des institutions de la Ve République qui sont marquées par la prééminence de l’exécutif par rapport au législatif. Un rééquilibrage des pouvoirs devrait cependant être effectué dans le cadre de la prochaine révision constitutionnelle, permettant ainsi à la Délégation de pouvoir examiner la totalité des textes européens. Actuellement, elle n’a pas le pouvoir de la Commission des affaires européennes du Parlement danois, reçue ici hier, qui donne un mandat de négociation aux ministres avant chaque Conseil.

Il n’y a pas, au sein de la Délégation, le clivage classique entre gauche et droite, ses avis étant souvent adoptés à une très forte majorité ou à l’unanimité, ce qui a un effet politique important sur le Gouvernement. Une fois adoptée par la Délégation, la proposition de résolution est transmise à la commission permanente compétente qui, dans la plupart des cas, adopte sans modification le texte de la Délégation qui peut être débattu en séance publique.

Concernant le contrôle de subsidiarité, la Commission européenne envoie directement les textes aux parlements nationaux, en l’espèce à la Délégation qui les reçoit aussi du Gouvernement. La Délégation dispose alors d’un délai de huit semaines pour effectuer ce contrôle de subsidiarité. Il revient à deux députés, l’un de la majorité, M. Didier Quentin, et l’autre de l’opposition, M. Jérôme Lambert, d’effectuer l’instruction de ces textes. Le plus souvent, l’examen conclut à une conformité mais un certain nombre de textes comme la directive postale ont suscité des conclusions réservées.

Après avoir indiqué que la Délégation recevait de nombreuses délégations des parlements nationaux de l’Union dans la perspective de la présidence française, il a rappelé l’avis très favorable qui avait été émis sur le rapport de M. Jérôme Lambert sur l’entrée de la Bulgarie dans l’Union européenne. Il a conclu son propos en souhaitant que les relations bilatérales s’intensifient dans le futur.

M. Mladen Petrov Tcherveniakov, Président de la Commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale bulgare, membre de la Coalition pour la Bulgarie, a tout d’abord souligné la qualité des rapports entre les parlements français et bulgares en rappelant l’unanimité du Parlement français pour autoriser l’entrée de la Bulgarie dans l’Union européenne et les nombreuses visites échangées depuis entre les deux parlements.

Après avoir rappelé que la Bulgarie est, depuis 1991, membre de l’Organisation internationale de la francophonie, il a évoqué l’accord sur le partenariat stratégique proposé à l’occasion de sa récente visite en Bulgarie par le Président Sarkozy, qu’il a tenu à remercier pour son rôle personnel dans la libération des infirmières bulgares.

Il a ensuite présenté la délégation bulgare : Mme Ivanova Anguelieva-Koleva, membre du Mouvement national Siméon II, parti libéral ; M. Radoslav Teodorov Ivanov, membre du Parti socialiste bulgare et M. Konstantin Stevanov Dimitrov, membre des Démocrates pour une Bulgarie forte.

Abordant le contrôle des affaires européennes par les parlements, il a regretté que ce contrôle soit très différent selon les pays en mentionnant le caractère exemplaire des pays scandinaves où les ministres reçoivent un mandat de négociation de leurs parlements avant chaque Conseil. Comme le parlement français, le parlement bulgare ne possède pas ce pouvoir même si la Commission des affaires européennes exerce un contrôle croissant sur ces questions. L’année dernière, soixante-sept projets ont été examinés alors que cette année trente-quatre l’ont déjà été. Le parlement bulgare a la possibilité d’élaborer des avis propres qu’il envoie à la Commission européenne.

Après avoir noté que le traité d’Amsterdam avait donné de larges pouvoirs aux parlements nationaux, il a souligné que le fait que la Commission, la Banque centrale européenne ou la Cour des comptes européenne doivent envoyer les projets d’actes aux parlements nationaux est très apprécié.

Concernant le contrôle de subsidiarité, il a rapporté que, dans deux cas, un manquement au principe de proportionnalité avait été constaté. La possibilité d’effectuer un contrôle de subsidiarité est très satisfaisante avec la possibilité du «carton jaune » selon laquelle lorsqu’un tiers des parlements nationaux a adopté un avis motivé, le projet en question doit être reconsidéré. Le carton « orange » contraint la Commission à réexaminer sa position.

Les ministres se rendent devant les commissions compétentes du parlement bulgare avant chaque Conseil des ministres européens sans qu’il soit possible de donner des indications obligatoires, les ministres étant cependant invités à respecter les avis des commissions. Il a noté qu’aujourd’hui même le Premier ministre bulgare devait être entendu sur les questions européennes.

Il existe au sein du parlement bulgare une sous-commission des fonds européens compétente pour les fonds structurels, présidée par M. Radoslav Teodorov Ivanov, qui peut donner des directives obligatoires pour leur utilisation.

Il a souligné l’intérêt de la COSAC pour les rencontres entre parlements nationaux qui remplissent une fonction utile dans l’espace de liberté européen, domaine dans lequel le parlement bulgare prévoit de faire des rapports annuels. Leur rôle doit, à l’instar de celui du Parlement européen, croître dans l’avenir, cette évolution, en cours en France, traduisant le fait que les parlements nationaux sont un des facteurs d’expression des citoyens européens.

Le Président Pierre Lequiller a ajouté que la Délégation procédait également régulièrement à l’audition des ministres, sur les différents thèmes qu’il lui appartient de traiter. Par ailleurs, un débat en séance publique est organisé avant chaque Conseil européen, puis la Délégation entend le ministre chargé des affaires européennes dans la semaine qui suit.

Les parlementaires européens sont également invités à chacune des réunions de la Délégation. Meilleure est la compréhension par les citoyens des questions européennes, dès lors que les parlements nationaux sont associés au fonctionnement communautaire. S’agissant de la France, les circonscriptions d’élection des parlementaires européens sont, en effet, très vastes et le relais des parlementaires nationaux, plus proches du terrain, est nécessaire. Les relations entre le Parlement européen et les parlements nationaux se sont d’ailleurs améliorées. Lors de la Convention sur l’avenir de l’Europe, le Parlement européen s’était opposé à la proposition du Président Giscard d’Estaing d’organiser un congrès. Dans les faits, le développement des réunions conjointes entre les parlementaires européens et les parlementaires nationaux, lesquels peuvent ainsi s’adresser directement au président de la Commission et au président du Parlement européen, notamment, répond aux objectifs de cette proposition. Le traité de Lisbonne consacre par ailleurs tant un renforcement du rôle du Parlement européen que la mission européenne des parlements nationaux.

M. Radoslav Teodorov Ivanov a évoqué le contrôle parlementaire de l’utilisation des fonds européens par la sous-commission compétente du parlement bulgare. Ce contrôle n’est pas nécessairement très bien perçu par l’exécutif, mais il ne se heurte à aucune résistance d’ordre institutionnel. La sous-commission établit un rapport qu’il appartient ensuite à la grande commission des affaires européennes d’adopter.

M. Konstantin Stevanov Dimitrov a demandé comment la France voyait la représentation de l'Union européenne sur la scène internationale selon le traité de Lisbonne, et l’articulation entre le président du Conseil européen, le président de la Commission européenne et le Haut représentant. Le compromis institutionnel tel qu’il a été établi représente un défi.

Le Président Pierre Lequiller a considéré que la présidence stable du Conseil européen était une excellente mesure d’un point de vue tant institutionnel que citoyen. Même certains diplomates ne connaissent pas le nom de l’actuel président du Conseil européen. On sait seulement qu’il s’agit du Premier ministre slovène.

Le futur président du Conseil européen aura un rôle qui exigera aussi bien des qualités d’impulsion que des capacités de négociation. Il ne sera ni un président de la République tel que le prévoit la Constitution de la France, ni un président cantonné à une fonction de représentation tel que l’ont créé certaines Constitutions parlementaires. Le président du Conseil européen va disposer de services avec des fonctionnaires. En l’absence de définition claire de son rôle, c’est la pratique qui sera importante pour définir son articulation avec tant le président de la Commission européenne que le Haut représentant. Il sera essentiel qu’aucun des trois titulaires n’empiète sur les compétences des autres.

En ce qui concerne les noms d’éventuels candidats à ces postes, il est nécessaire qu’il y ait un large débat préalable à la nomination, et que la décision ne soit pas prise dans les seuls couloirs du Conseil européen. C’est dans cette perspective qu’un soutien public à M. Jean-Claude Juncker, qui présente toutes les qualités d’un excellent candidat pour la présidence stable du Conseil européen, doit être comprise. S’agissant des critères, il paraît a priori difficile que le président du Conseil européen soit le ressortissant d’un pays qui n’a pas souhaité entrer dans la zone euro, n’appartient pas à l’espace Schengen et a négocié différentes exceptions au traité de Lisbonne. Telles sont les difficultés qui rendent délicat de retenir une éventuelle candidature de M. Tony Blair.

Le Président Mladen Petrov Tcherveniakov a estimé important que l’on ne puisse plus, dorénavant, se poser les questions qu’avait soulevées dans le passé M. Henry Kissinger sur le thème « L’Europe, c’est quoi ? ». L’Union européenne ne sera donc plus seulement un sujet de droit mais une entité incarnée par une figure. Pour ce qui concerne le futur président stable du Conseil européen, il apparaît préférable de fixer d’abord les critères avant de choisir la personne.

La Bulgarie accorde par ailleurs une grande attention à la composition du futur service diplomatique. Celui-ci doit répondre aux critères de l’égalité des pays membres, tant dans l’équilibre démographique que dans sa composition géographique. Par ailleurs, à ce stade, la Bulgarie considère qu’il conviendrait que les personnes concernées aient le statut de fonctionnaire temporaire plutôt que celui d’expert national. Aucune décision n’est pour l’instant intervenue en la matière. Quelle est la position de la France ?

M. Pierre Forgues a craint que l’organisation institutionnelle ne soit source de malentendus et de conflits. S’il est positif de disposer d’une présidence stable du Conseil européen, il est tout autant difficile de percevoir comment celle-ci s’articulera avec le Haut représentant pour les affaires extérieures. Le problème est différent pour ce qui concerne les relations entre le président du Conseil européen et le président de la Commission. Il ne devrait pas y avoir de difficultés dès lors que ce dernier s’en tiendra à ses prérogatives.

M. Jean-Paul Gauzès, député européen, a estimé pour sa part que la difficulté essentielle sera d’aménager les rapports entre le Président du Conseil européen et le chef d’Etat ou de gouvernement de l’Etat membre présidant l’Union selon la rotation semestrielle. Ce sera l’une des tâches décisives de la présidence française du second semestre 2008. En revanche, le Haut représentant devrait, en sa qualité de vice-président, pencher nettement du côté de la Commission dont il incarnera les compétences extérieures. Dans cet esprit, il sera surtout chargé de mettre en oeuvre la politique définie par le Conseil européen.

En réponse à M. Pierre Forgues qui s’interrogeait sur l’étendue de son autonomie pour représenter l’Union à l’étranger, M. Jean-Paul Gauzès a considéré qu’elle ne dépassera pas les limites fixées par le Conseil européen.

La mise en œuvre des traités fera dès lors partie, à côté de la crise financière qui exigera immanquablement la définition d’une politique européenne adaptée, des sujets qui vont s’ajouter aux priorités que la France veut imprimer à sa présidence de l’Union.

Le Président Pierre Lequiller a relevé que l’ensemble de ces questions seront évidemment au cœur de l’agenda de la présidence française. Des débats difficiles devront être tranchés. Ainsi, par exemple, le nouveau service européen des affaires étrangères sera rapidement mis en place. La position de la Délégation est qu’il soit composé à la fois de fonctionnaires européens mais aussi de fonctionnaires des Etats membres, avec une représentation de l’ensemble des pays par exemple en fonction du critère démographique. Dans le même esprit, il faudra reconstruire une chaîne de commandement ou une répartition efficace permettant de relayer les priorités portées par le Président du Conseil européen au sein des Conseils des ministres, qui demeureront présidés par les ministres des Etats qui assument la présidence tournante de l’Union. Le lien est aujourd’hui aisé, puisque le président de l’Union est le chef d’Etat ou de gouvernement des ministres qui président les Conseils. Comment faire demain pour assurer une action cohérente de l’Europe ?

Mais il ne faudrait pas pour autant mésestimer la portée des progrès induits par le traité de Lisbonne. Si Henri Kissinger cherchait demain le numéro de l’Europe, nous serions enfin en mesure de lui répondre.

Le Président Mladen Pretov Tcherveniakov s’est réjoui de l’intensité des débats que relance le nouveau traité. Ils sont le signe de la remise en mouvement de l’Europe, comme les discussions sans fin sur les influences respectives des Etats et de la Commission durant la mandature de M. Jacques Delors témoignaient de la force des avancées de l’intégration communautaire. Au fond, ces débats sont consubstantiels à la nature de l’Europe, partagée entre la vision de Victor Hugo des Etats-Unis du vieux continent et celle des partisans résolus d’une Union des nations limitées aux coopérations économiques souples. Le traité de Lisbonne avance dans la première direction, prenant acte du fait que dans le monde contemporain, même les « grands » Etats européens sont bien « petits » pour faire face aux dynamiques de la mondialisation et de l’émergence des puissances orientales, et que seule une Europe unie pourra efficacement porter notre voix dans le concert des nations. Tous les partis bulgares sont convaincus de cette nécessité. Les difficultés d’articulation des pouvoirs sont, dans ce contexte, naturelles et légitimes, et elles devraient se résoudre sans réelles difficultés selon les rapports de force qu’imprimera le jeu des personnalités. La montée en puissance du Parlement européen au tournant des années 2000 s’est ainsi presque naturellement engouffrée dans le vide créé alors par l’affaiblissement temporaire de la Commission présidée par M. Jacques Santer. La force respective des personnalités des premiers titulaires des nouvelles fonctions introduites par le traité de Lisbonne devrait, de la même manière, décider in fine de l’articulation des pouvoirs.

Après que M. Pierre Forgues eut remarqué que la difficulté pourrait précisément naître de la confrontation de deux fortes personnalités aux deux postes clefs que seront la présidence de la Commission et celle du Conseil européen, le Président Pierre Lequiller a rappelé qu’il avait proposé, lors de la Convention de 2002, que ces deux fonctions n’en fassent qu’une, afin d’incarner pleinement l’Europe. Bien que sa proposition ait été trop audacieuse pour être immédiatement retenue, la Convention avait veillé à ce que les textes n’interdisent en rien cette possibilité. Le traité de Lisbonne permet ainsi, si les conditions politiques sont un jour réunies, de nommer la même personnalité à la fois président du Conseil européen et président de la Commission. Ce n’est pas pour demain, mais il serait imprudent d’en exclure à jamais l’éventualité.

Répondant à Mme Odile Saugues qui s’interrogeait sur les raisons qui ont conduit à conserver les présidences tournantes de l’Union, M. Jérôme Lambert a rappelé qu’il restera, aujourd’hui comme demain, nécessaire de présider chaque formation spécialisée du Conseil des ministres. En outre, il est bon pour l’Europe que chaque Etat membre se trouve investi de la mission de contribuer, pendant six mois, à donner les grandes directions à l’Union et de porter des priorités spécifiques. C’est d’ailleurs un moment fort permettant de consolider le sentiment de l’appartenance à notre destin commun.

M. Pierre Forgues a ajouté que la coexistence des présidences tournantes avec la présidence du Conseil européen, évidemment potentiellement conflictuelle, était aussi le moyen de ne pas trancher le débat fondamental entre les fédéralistes et les souverainistes.

Le Président Pierre Lequiller a ensuite abordé les quatre priorités de la présidence française de l’Union : l’énergie, la lutte contre le réchauffement climatique, la défense et l’immigration, auxquelles s’ajouteront évidemment la crise financière et la mise en œuvre du traité de Lisbonne. Dans chacun de ces domaines, des avancées majeures sont envisageables. Les plus prometteuses concernent le pacte européen sur l’immigration. De même, la présidence allemande de l’Union a permis de faire franchir de nombreux obstacles vers une politique énergétique ambitieuse. La présidence slovène a mis en chantier le dispositif communautaire de lutte contre le changement climatique, qui appelle de difficiles compromis. Et l’Europe de la défense demeure un sujet brûlant et décisif, porté avec force par le Président de la République notamment lors de sa visite d’Etat au Royaume-Uni. Ce dernier sujet ne pourra cependant être pleinement traité que lorsque le traité sera ratifié dans les Etats les plus sensibles à cette question, comme le Royaume-Uni ou la Suède par exemple.

M. Thierry Mariani a rappelé que le pacte européen sur l’immigration sera une des priorités de la présidence française. Les discussions s’articuleront autour de cinq points :

- le premier est la gestion commune des frontières. Le système Frontex ayant démontré son efficacité pour contrôler les flux migratoires en provenance des côtes africaines, il s’agira de mettre en place des instruments communs ;

- le deuxième est l’élaboration de règles communes. La Bulgarie n’a pas connu l’expérience des régularisations unilatérales mais c’est une question qui concerne l’ensemble des Etats membres ;

- le troisième est la mise en œuvre d’une politique de reconduite commune. En effet, outre l’avantage d’être moins coûteux, ces vols ne nuisent pas à l’image d’un seul Etat dans la mesure où ils sont l’application d’une décision commune ;

- le quatrième est l’organisation d’une politique commune d’asile à laquelle la France est très attachée. Le temps est venu de créer un Office européen de l’asile ;

- le cinquième point, qui engage fortement l’avenir, est celui de la politique de co-développement. En effet, on ne quitte pas son pays par plaisir mais parce qu’il existe des problèmes d’emploi ou de sécurité. C’est la raison pour laquelle la France, et maintenant d’autres pays de la « vieille Europe » qui ne connaissaient pas ces problèmes, sont attachés à mettre sur pied une telle politique.

Le Président Mladen Petrov Tcherveniakov s’est déclaré heureux des convergences de vue entre la France et la Bulgarie sur les questions d’énergie.

La Bulgarie est en plein accord sur l’objectif de 20 % d’énergies renouvelables. Le taux de 16 % à l’horizon 2011 semble réalisable. Le taux complémentaire de la Bulgarie est de 5,5 %, plus 1 %, se situant donc à un niveau inférieur à celui de la Roumanie.

S’agissant de l’énergie nucléaire, la Bulgarie est, comme la France, à la fois un pays producteur et exportateur. La Bulgarie est donc désireuse de chercher des points d’accord avec la France pour développer cette source d’énergie et souhaite notamment que les pays conservent leur autonomie de décision en la matière.

Il lui apparaît nécessaire de développer cette énergie dans une perspective de lutte contre le réchauffement climatique et de diversification des sources d’énergie renouvelables.

Sur la question de l’immigration, il a regretté que cette question n’ait pas beaucoup progressé dans le Traité de Lisbonne et que la mise en place d’une police commune frontalière n’ait pas été décidée. En tout état de cause, tous les moyens pour amorcer ce processus de création d’un tel service commun sont bons, y compris Frontex. L’adhésion de la Bulgarie à l’espace Schengen prévue pour 2011 constituera une étape importante dans la mesure où ce pays est une frontière externe de l’Union européenne. Sans doute les prochains élargissements de l’Union européenne changeront-ils la donne.

Sur les réadmissions, si la Bulgarie n’a pas été en mesure de prendre le premier train de mesures, elle a signé des contrats de réadmission avec tous les pays de l’Union européenne. Elle est en effet favorable à l’idée de retour groupé de citoyens de pays tiers.

Enfin, il est nécessaire que les valeurs communes partagées par les Etats membres servent de base à l’élaboration d’une politique commune d’asile qui déterminera dans quelles conditions il est possible de donner l’asile politique à des ressortissants de pays tiers.

En conclusion, il s’est déclaré favorable à l’accentuation de la réglementation commune et de la coopération dans le domaine de l’immigration.

M. Konstantin Stevanov Dimitrov a fait deux commentaires sur les priorités de la présidence française. Sur la question de l’énergie, la Bulgarie doit suivre le programme ambitieux élaboré sous présidence allemande. Les plafonds doivent cependant tenir compte de la croissance économique des nouveaux adhérents et de la crise financière mondiale.

Il s’est dit satisfait de l’évolution de la position française en matière de défense commune, évolution illustrée par le récent discours du Président de la République en Grande-Bretagne. En envoyant des troupes supplémentaires en Afghanistan, la France confirme ainsi son engagement de lutte contre le terrorisme. Même si la décision est difficile à prendre sur le plan intérieur dans la mesure où ce sont des hommes qui seront exposés au combat, il est nécessaire, au nom de nos valeurs communes, de s’attaquer à nos ennemis à l’extérieur comme nous le faisons à l’intérieur de nos frontières.

Le Président Pierre Lequiller a rappelé qu’un débat sur ce sujet à l’Assemblée nationale a eu lieu, opposant majorité et opposition et a considéré cet effort supplémentaire comme indispensable.

Les propos du Président sur l’énergie nucléaire sont très intéressants. En effet, si la question des énergies renouvelables est posée dans toutes les grandes déclarations sur l’énergie, le sujet de l’énergie nucléaire demeure un sujet tabou dans les cercles européens. Or ce sera le vrai enjeu de l’Europe de l’énergie si l’on veut que l’Europe devienne indépendante, vis-à-vis de la Russie par exemple. Même si certaines personnalités comme M. Hans-Gert Pöttering abordent la question, un pays comme l’Allemagne est particulièrement gêné sur ce sujet dans la mesure où la coalition CDU-SPD a pris des positions très hostiles au nucléaire. La Grande-Bretagne a, quant à elle, décidé de relancer son programme nucléaire. La Bulgarie pourra appuyer la France pour que le sujet de l’énergie nucléaire soit abordé sans tabou.

Le Président Mladen Petrov Tcherveniakov a indiqué que la Bulgarie a actuellement un projet avancé de construction d’une nouvelle centrale nucléaire. Son pays a une responsabilité particulière à l’égard des pays des Balkans de l’Ouest et les pays frontaliers. Ainsi l’arrêt d’une centrale thermique a créé des sérieux problèmes d’approvisionnement en Albanie. Dans un monde où les ressources énergétiques s’épuisent, il ne faut donc pas s’interdire d’aborder le sujet du nucléaire. Il en est de l’intérêt des pays producteurs et de ceux qui utilisent cette énergie.

M. Jean-Paul Gauzès a fait observer que, dans une déclaration récente, le secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes, M. Jean-Pierre Jouyet, avait souligné la nécessité d’éviter toute position frontale de la part de la France sur l’énergie nucléaire et comptait sur d’autres pays intéressés par celle-ci pour faire progresser le débat au sein de l’Union, ce qui, selon M. Jean-Paul Gauzès, devrait inciter la Bulgarie à jouer un rôle important.

Le Président Mladen Petrov Tcherveniakov déclarant que, si « la grande France » n’exprimait pas de position claire dans le débat sur l’énergie nucléaire, il s’est demandé ce que « la petite Bulgarie » pourrait alors faire.

Le Président Pierre Lequiller a souligné que les réactions allemandes étaient défavorables aux propos tenus par le Président Nicolas Sarkozy sur l’énergie nucléaire lors d’un déplacement en Allemagne Il a indiqué qu’à titre personnel la Chancelière Angela Merkel n’était pas opposée à l’idée d’une relance de l’énergie nucléaire, laquelle ne pourra avoir lieu que dans le cadre d’une nouvelle alliance ou en cas de changement d’opinion du SPD.

En réponse au Président Mladen Petrov Tcherveniakov, il a estimé que contrairement à ses propos, la Bulgarie avait un rôle à jouer dans le débat sur l’énergie nucléaire comme d’autres pays d’Europe centrale confrontés à la menace russe. En outre, il a indiqué que l’attitude de la France se justifiait par le souci d’éviter d’être taxée d’arrogante.

Le Président Mladen Petrov Tcherveniakov a convenu qu’il était difficile de parvenir à l’unanimité sur la question de l’énergie nucléaire au sein de l’Union européenne, d’autant que, par exemple, la Constitution de l’Autriche interdit la construction de centrales nucléaires sur son territoire. Cela étant, il a estimé que la Bulgarie et la France devaient s’efforcer, d’une part de viser à ce que l’Union accepte le principe de la possibilité pour chaque Etat membre de définir sa propre politique énergétique, en particulier le choix des différentes sources d’énergie, y compris l’énergie nucléaire et, d’autre part, de faire admettre que l’énergie nucléaire est un moyen nécessaire à la limitation des effets de serre et la lutte contre le changement climatique.

Puis le Président Mladen Petrov Tcherveniakov a proposé que les deux délégations puissent procéder à des échanges libres sur d’autres sujets.

Le Président Pierre Lequiller a souhaité connaître l’avis de la délégation bulgare sur la situation des Balkans occidentaux et du Kosovo et, en ce qui concerne ce dernier, s’il existe une unanimité au sein de la classe politique bulgare.

M. Konstantin Stevanov Dimitrov, tout en soulignant l’absence d’unanimité, a fait valoir qu’il existait une opinion prédominante favorable à la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo au sein des partis représentés au Parlement à l’exception d’une seule force politique - le Parti Attack, formation nationaliste et défavorable à l’indépendance du Kosovo. Ce parti profite de la non-information de l’opinion, laquelle existe aussi, selon M. Konstantin Stevanov Dimitrov, dans d’autres Etats. Il a déclaré que la Bulgarie était favorable à ce que le Kosovo soit un Etat indépendant et qu’elle participera aux efforts déployés par l’Union européenne en vue du rétablissement des structures administratives et du maintien de l’ordre. La Bulgarie souhaite également dialoguer avec les autorités serbes et se tourner conjointement avec l’Union européenne vers les forces démocratiques serbes et ce dans la perspective des élections législatives du 11 mai 2008. A titre personnel, M. Konstantin Stevanov Dimitrov a déclaré soutenir l’attitude pondérée des autorités serbes tout en n’excluant pas que des entreprises bulgares ayant des activités en Serbie ne soient l’objet de réactions violentes.

Il a également fait valoir qu’il importait pour la Bulgarie que le Kosovo délimite ses frontières avec l’Ancienne République Yougoslave de Macédoine. Il a jugé également nécessaire que les institutions du Kosovo puissent prévenir les activités terroristes favorables à la construction d’une grande Albanie. Il s’agit là d’une exigence très importante qui recueille l’unanimité en Bulgarie, car cette dernière considère que le Kosovo doit lutter contre les tendances extrémistes, susceptibles d’apparaître dans les enclaves albanaises présentes sur le territoire serbe.

Le Président Mladen Petrov Tcherveniakov a considéré que la Serbie aurait pu se trouver dans une meilleure situation si le Président Milosevic n’avait pas rejeté le plan Holbroke et que l’indépendance du Kosovo est le fruit du plan Ahtisaari. Il lui est apparu important de prévenir le séparatisme de Mitrovica et en même temps de permettre aux Serbes du Kosovo de participer à la reconstruction de l’administration.

En ce qui concerne les Balkans occidentaux, le Président Mladen Petrov Tcherveniakov a déclaré soutenir le processus d’intégration dans l’Union européenne et approuver la déclaration du Conseil européen de décembre dernier qui leur donne des perspectives d’adhésion ainsi que la communication de la Commission du 5 mars 2008 sur les perspectives européennes des Balkans occidentaux. Dans ce contexte, il a estimé que la Croatie était prête à adhérer et que des accords d’association pouvait être signés avec les autres Etats des Balkans.

S’agissant des Serbes, il a souhaité que ces derniers évitent tout nationalisme excessif et acceptent les perspectives qui leur sont offertes par l’Union européenne. Après avoir évoqué la question du processus d’intégration de la Turquie, il a, en conclusion, dit apprécier les propos du Général de Gaulle selon lesquels le patriotisme se définit par l’amour de sa patrie et le nationalisme par la haine de ses voisins.

Le Président Pierre Lequiller a demandé aux membres de la commission des affaires européennes si cette position était très différente de celle de la Roumanie.

Le Président Mladen Petrov Tcherveniakov a indiqué que la position de la Roumanie était différente, en raison du problème de la Transylvanie et, potentiellement, de la Voïvodine. En Transylvanie, il y a une population hongroise massive et un parti hongrois représenté au Parlement. Les Roumains craignent un processus similaire à celui du Kosovo. En Bulgarie, le modèle ethnique est différent. Il y a une population turque, avec un parti politique qui est représenté au Parlement et qui participe à la coalition. Cette population a été intégrée dans le processus politique.

La situation au Kosovo est très particulière, elle repose sur une histoire complexe, il ne doit pas y avoir de cas similaire dans les Balkans. La position de la Roumanie, de la Grèce, de l’Espagne et de la Slovaquie sur le Kosovo est compréhensible. En Bulgarie, la situation est différente.

II. Examen de deux textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution (E 3766 et E 3818)

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné les deux textes suivants soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Aucune observation n’ayant été formulée, la Délégation les a approuvés.

Point B

Ø Agriculture

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1234/2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement « OCM unique ») (document E 3766).

Ø PESC et relations extérieures

- projet d'action commune du Conseil modifiant et prorogeant l'action commune 2005/190/PESC relative à la mission intégrée « Etat de droit » de l'Union européenne pour l'Irak, Eujust Lex (document E 3818).