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Délégation pour l’Union européenne

mardi 8 juillet 2008

15 h 30

Compte rendu n° 56

Présidence de M. Pierre Lequiller Président,
puis de
M. Michel Herbillon Vice-Président

I. Examen du rapport d’information de M. Marc Laffineur sur l’avant-projet de budget de l’Union pour 2009

M. Marc Laffineur, rapporteur, a indiqué que le budget général de l’Union européenne pour l’année 2009 sera le troisième budget d’application des perspectives financières 2007-2013. Comme les avant-projets présentés les années précédentes, les propositions de la Commission européenne pour l’exercice 2009 sont globalement marquées par une saine discipline budgétaire. A la différence des avant-projets des années précédentes, l’exercice de négociation budgétaire présente cette année plusieurs spécificités importantes :

- d’une part, pour la France, car c’est sur la présidence française que pèse la responsabilité du bon déroulement de la négociation budgétaire cette année ;

- et d’autre part, pour l’ensemble de l’Union, car 2009 sera juridiquement et politiquement une année de profonds changements : élection du Parlement européen, renouvellement de la Commission européenne, et, on peut l’espérer, entrée en vigueur du traité de Lisbonne.

En crédits d’engagement, l’avant-projet de budget pour 2009 se chiffre à 134,4 milliards d’euros, soit 1,04 % du RNB communautaire, en hausse de 3,1 % par rapport au budget 2008. En crédits de paiement, le montant proposé par la Commission est de 116,7 milliards d’euros, soit 0,9 % du RNB communautaire, en baisse de 3,3 % par rapport à 2008. Pourquoi la Commission propose-t-elle un montant de crédits de paiement inférieur à celui du budget 2008 ?

Cette baisse était prévue par l’accord sur les perspectives financières, dans lesquelles le plafond fixé pour l’année 2009 est en retrait par rapport à celui fixé pour l’année 2008. La baisse ne touche pas toutes les catégories de dépenses, et concerne pour l’essentiel la sous-rubrique 1 B, qui correspond à la politique régionale de l’Union (-  13,9 %). Plusieurs facteurs se conjuguent pour expliquer cette évolution : les paiements liés à l’exécution des programmes de la période 2000-2006 arrivent à leur fin, donc diminuent considérablement ; par ailleurs, les paiements liés à l’exécution de la période 2007-2013 se poursuivent, mais d’une part, le démarrage d’un certain nombre de projets a pris du retard et, d’autre part, les difficultés rencontrées par la Commission pour obtenir du Parlement européen la décharge pour l’exécution du budget 2006 amènent la Commission à être plus exigeante pour opérer le paiement des avances.

Parmi les autres orientations générales de l’avant-projet de budget, on peut citer :

- en ce qui concerne la sous-rubrique 1 A, qui recouvre l’essentiel des programmes-clés pour la stratégie de Lisbonne et qui représente désormais 45 % du budget européen, des hausses sensibles au profit du septième programme-cadre de recherche, des programmes dans le domaine de l’éducation et de la formation, des réseaux transeuropéens et de Galileo ;

- un degré d’incertitude élevé sur le chiffrage exact des besoins de la Rubrique 4, consacrée aux actions extérieures de l’Union européenne, en raison des besoins additionnels susceptibles de se concrétiser pour le soutien au processus de paix au Proche-Orient, pour l’action de l’Union au Kosovo, et pour faire face aux engagements de l’Union en matière d’aide alimentaire dans le contexte de flambée des prix à l’échelle mondiale.

Au-delà de la question du contenu des propositions budgétaires de la Commission, il apparaît que le budget 2009 ne sera pas tout à fait un budget « comme les autres ». La France se trouve dans une position particulière cette année puisqu’elle doit piloter la recherche d’un compromis au sein du Conseil et dans les négociations entre le Conseil et le Parlement européen. L’exercice promet d’être particulièrement difficile car les exigences du Parlement européen ont tendance à croître en fin de mandat.

Autre élément qui va compliquer la tâche de la présidence française : elle doit mener de front la négociation budgétaire proprement dite et la poursuite des travaux sur la préparation de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Or les dispositions du traité ont des conséquences importantes sur les règles qui régissent la procédure d’adoption du budget, ainsi que des implications sur le contenu et la structure du budget.

Si le traité de Lisbonne entre en vigueur en 2009, il introduira deux changements importants dans la procédure budgétaire annuelle : celle-ci ne comportera plus qu’une seule lecture du projet de budget par la Conseil et le Parlement européen, au lieu de deux ; et la distinction entre « dépenses obligatoires » et « dépenses non obligatoires » disparaîtra, ce qui mettra le Parlement européen et le Conseil sur un pied d’égalité, avec la possibilité pour le Parlement d’avoir le dernier mot.

D’autre part les innovations institutionnelles que vise à introduire le traité auront des implications budgétaires, notamment avec la création du Service européen d’action extérieure.

Les travaux préparatoires, juridiques et techniques, n’ont été qu’engagés par la présidence slovène et il appartient donc à la présidence française de les poursuivre et – on peut l’espérer – de les mener à leur terme avec succès. En revanche, l’autre grand « chantier » en matière budgétaire, qui est la réforme d’ensemble du système budgétaire communautaire prévue par l’accord sur les perspectives financières, ne s’ouvrira pas avant fin 2008-début 2009 car la date de présentation par la Commission européenne de ses propositions reste incertaine. Il reviendra donc aux présidences tchèque et suédoise d’engager les discussions sur ce thème.

En présentant la proposition de résolution, le rapporteur s’est interrogé sur l’état des réflexions sur l’éventualité de la création d’un impôt européen, et a relevé qu’un accord semble se dégager autour de l’idée que l’impôt sur les sociétés pourrait servir de base à cette création. Il a exprimé son souhait que les Etats parviennent à une harmonisation « comptable », portant sur les bases de l’impôt sur les sociétés et non sur les taux, et a proposé que la proposition de résolution mentionne ce projet. Après les observations du Président Pierre Lequiller, la Délégation a adopté la proposition de résolution ainsi amendée.

A l’issue de ce débat, la Délégation a adopté la proposition de résolution suivante :

« L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 272 du traité instituant la Communauté européenne et l’article 177 du traité Euratom,

Vu l’accord interinstitutionnel du 17 mai 2006 sur la discipline budgétaire et la bonne gestion financière,

Vu l’avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l’exercice 2009 (SEC [2008] 514 final/ no E 3891),

1. Prend acte des grandes orientations de l’avant-projet de budget général pour 2009, troisième budget de la période couverte par les perspectives financières en vigueur ;

2. Relève que c’est à la présidence française que revient cette année la responsabilité du bon déroulement de la négociation budgétaire ;

3. Constate avec satisfaction que l’intégration progressive des nouveaux Etats membres dans les politiques communautaires, et sa traduction budgétaire, se poursuivent, notamment en ce qui concerne la politique agricole et la politique de cohésion ;

4. Approuve les augmentations de crédits proposées au bénéfice de programmes-clés pour la réalisation de la stratégie de Lisbonne, tels que le septième programme-cadre de recherche-développement et les programmes pour l’éducation et la formation ;

5. Prend acte de la diminution, dans l’avant-projet de budget présenté par la Commission, du niveau global des crédits de paiement pour 2009, diminution qui était prévue dans le cadre financier pluriannuel et qui s’explique à la fois par la fin progressive de l’exécution des programmes de la période précédente et par une plus grande prudence de la Commission dans le versement des fonds de la politique régionale ;

6. Demande cependant au gouvernement français de veiller à ce que cette diminution des crédits de paiements n’affecte ni la continuité des politiques communautaires, ni la capacité de l’Union européenne à tenir ses engagements et à réaliser ses ambitions ;

7. Souligne que la France doit veiller, d’une part, à faire progresser les travaux préparatoires à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, et d’autre part, à ce que les coupes budgétaires négociées au sein du Conseil pour aboutir à un compromis entre les Etats soient compatibles avec les priorités de la présidence française ;

8. Souhaite à terme une harmonisation des méthodes de calcul de l’assiette de l’impôt sur les sociétés. »

II. Communication de M. Gérard Voisin sur le Livre vert sur une nouvelle culture de la mobilité urbaine (E 3647)

Soulignant l’importance de ce Livre vert, présenté par la Commission, le 25 septembre 2007, le rapporteur a relevé qu’il était intervenu à un moment où l’Union
– dont plus de 60 % de la population vit dans les villes – est confrontée à la forte hausse du prix du pétrole et au risque de sa raréfaction. Mais en outre, à travers le plan climat-énergie qui doit être adopté à la fin de cette année, l’Union européenne a manifesté sa volonté de jouer un rôle exemplaire dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Pour ce qui concerne la France, on peut se féliciter que le Livre vert partage certaines de ses options avec le Grenelle de l’environnement et corresponde aux priorités de la présidence française, comme l’énergie et l’environnement. Par ailleurs, c’est sous présidence française qu’à l’automne le Conseil sera saisi du Plan d’actions, mentionné par le Livre vert, par lequel la Commission devrait préciser les mesures qu’elle souhaite proposer pour améliorer la mobilité urbaine.

Présentant les grandes lignes du Livre vert, le rapporteur a tout d’abord noté que son principe avait été accueilli favorablement, comme en témoignent les 450 contributions qui ont été adressées à la Commission. Cette dernière a tenu – fait exceptionnel au regard de ses précédentes initiatives – à adopter une stratégie globale, qui repose sur trois piliers :

– la lutte contre la congestion des villes, à travers la promotion des modes de déplacement « doux » tels que la marche et le vélo, ou encore la généralisation des péages urbains ;

– la protection des villes contre la pollution, grâce à des mesures restreignant la circulation, telles que la mise en place de zones vertes urbaines ;

– la promotion du développement économique des villes, à laquelle pourraient concourir les systèmes de transport intelligents, qui, à l’aide des technologies de l’information, visent à améliorer la mobilité et l’accessibilité.

Le rapporteur a fait observer que le principe de stratégie globale avait été salué, même dans les Etats membres les plus attachés au respect du principe de subsidiarité. Ainsi, les autorités allemandes ont-elles apprécié l’intégration des modes doux dans la stratégie globale de la planification des transports et de l’urbanisme.

Abordant les réserves auxquelles se heurte le Livre vert, le rapporteur a évoqué la plus importante, à savoir le principe de la subsidiarité. Il s’est référé notamment à la position – très largement partagée – du Bundesrat qui voit dans les questions de mobilité urbaine une compétence originaire des communes, ce qui, selon les termes mêmes des services de la Commission, restreint le rôle de cette dernière à celui de « boîte à outils ». L’étendue des compétences des autorités locales est toutefois diversement interprétée, puisque les autorités françaises plaident en faveur de la généralisation des plans de déplacements urbains, alors que les autorités allemandes et britanniques y sont opposées au nom du principe de subsidiarité.

Examinant les pistes d’action pour relever efficacement les défis de la mobilité urbaine, M. Gérard Voisin a convenu de la nécessité de tenir compte de la nouvelle donne énergétique, laquelle ne cessera de nous obliger à modifier en profondeur nos habitudes et nos comportements. Il s’est toutefois vigoureusement élevé contre les solutions présentées comme inéluctables pour lutter contre la congestion, telles que le développement systématique des transports collectifs ou la mise en place des péages urbains. Les premiers ne constituent une alternative efficace à la voiture individuelle que là où existe un flux significatif, ce qui n’est pas le cas du tramway parisien, par exemple, qu’une étude récente a sévèrement critiqué.

Quant aux péages urbains, le rapporteur a indiqué qu’il avait pu constater, lors de son déplacement à Londres, que le système mis en place avait été un échec, comme l’illustre la forte part des amendes – 55 millions de livres – et de la rémunération du gestionnaire du système (85 millions de livres) – dans le montant total des recettes (213 millions de livres).

M. Gérard Voisin a regretté que la Commission, avant de proposer la généralisation des péages urbains, n’ait pas pris en considération le cas de Tokyo, où la circulation en centre ville est fluide, parce qu’en amont, les problèmes de mobilité ont été intégrés dans les règles de planification urbaine, de telle sorte qu’on ne puisse ni posséder un véhicule, ni rouler dans Tokyo, si l’on n’apporte pas la preuve de disposer d’une place de parking.

Le rapporteur a indiqué qu’outre ces différentes critiques, la proposition de conclusions appelait la présidence française à agir sur le contenu du plan d’actions et à faire avancer la discussion des propositions de directive sur les véhicules propres et les sanctions transfrontalières.

En conclusion, citant le propos de l’écrivain québecois Roger Fournier selon lequel « l’imagination est la meilleure compagnie de transport du monde », le rapporteur a appelé à faire preuve d’imagination afin que, dans l’avenir, les citoyens européens soient acteurs d’une mobilité réussie.

M. Jacques Myard s’interrogeant sur la pertinence du Livre vert au regard du principe de subsidiarité a déclaré approuver la position du Bundesrat. Le rôle de la Commission doit se limiter à l’échange des expériences et ne saurait aller jusqu’à proposer la création d’un Observatoire de la mobilité urbaine. Il a considéré qu’une telle initiative fossilisait la construction européenne.

M. Gérard Voisin a répondu qu’il existait sur le même modèle un observatoire de la sécurité qui n’est pas contesté et que la création d’un tel Observatoire était importante d’un point de vue écologique et humain, dans la mesure où il concerne les différents aspects de la mobilité et participe de la prise de conscience que toutes les formes de transport doivent pouvoir être utilisées.

M. Michel Herbillon, Président, a demandé les raisons de l’échec du péage urbain à Londres et comment les Japonais ont, quant à eux, réussi à résoudre leurs problèmes de transports urbains.

M. Gérard Voisin a indiqué que la fluidité en surface de la circulation au Japon est due à ce que le problème a été résolu en sous-sol avec l’obligation – instituée depuis 20 ans – de détenir une place de parking en achetant un véhicule. S’agissant du péage urbain de Londres, il a sans doute contribué à la défaite électorale du maire Ken Livingstone, si bien que son successeur a décidé de ne pas aggraver la situation, car si les amendes étaient source de revenus, celles-ci bénéficiaient pour une large part à la société chargée de la gestion du système, laquelle va d’ailleurs être remplacée par IBM. Le péage urbain a dans un premier temps entraîné une baisse du trafic de 21 %, mais finalement le gain, en termes de congestion, a été réduit à 10 %. La complexité du système s’oppose à ce que sa généralisation puisse être recommandée. Le péage urbain est certes un instrument susceptible d’être utilisé dans la lutte contre la congestion mais pas contre le réchauffement climatique.

A M. Jacques Myard qui faisait observer que le tramway pouvait faire l’objet de nombreuses critiques, M. Gérard Voisin a indiqué qu’en effet, au-delà du coût de ce mode de transport, une étude récente a confirmé que les gains environnementaux ont été quasiment nuls et a renvoyé à sa communication pour les autres inconvénients : absence de report modal dans la mesure où seulement 2 à 3 % des usagers sont des anciens usagers de la voiture, rétrécissement de la voirie des boulevards des maréchaux, où la congestion a augmenté, hausse des rejets de CO2 du fait de l’allongement des parcours des véhicules qui utilisaient auparavant les boulevards des maréchaux.

M. Jacques Myard est revenu sur le statut de l’Observatoire de la mobilité urbaine, estimant que sa création pouvait à la rigueur se justifier s’il s’agissait de promouvoir les échanges entre les Etats membres mais que la Commission européenne ne devait pas entrer en ligne de compte.

M. Gérard Voisin a répondu qu’en tout état de cause, la création d’un tel Observatoire était en marche et qu’il faudrait en formaliser l’ existence.

Le Président Michel Herbillon a fait remarquer qu’il serait nécessaire d’intégrer dans les moyens de transports urbains, la navette fluviale qui assure aujourd’hui la liaison entre la gare d’Austerlitz à Maisons-Alfort, avec un projet d’extension vers l’Ouest parisien. Selon une étude récente, le temps de transport y est inférieur à celui mis en bus avec une pollution moindre. Sur le plan de l’environnement, il s’agit d’un moyen de transport complémentaire.

M. Gérard Voisin a indiqué que la question de la navette fluviale avait été abordée dans sa communication et que toute mobilité urbaine inclut également les ports et les aéroports.

M. Jacques Myard a fait valoir que s’il n’était pas précisé que l’Observatoire de la mobilité urbaine était un lieu d’échanges et d’information entre Etats membres, il voterait contre la proposition de conclusions. M. Gérard Voisin a maintenu sa version initiale sur laquelle M. Jacques Desallangre s’est abstenu.

Puis la Délégation a approuvé, sous réserve d’une modification proposée par M. Jacques Myard, les conclusions suivantes :

« La Délégation,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Considérant le Livre vert de la Commission « Vers une nouvelle culture de la mobilité urbaine » (E 3647 COM[2007] 551 final)

1. Se félicite que la Commission ait engagé une réflexion et ouvert une consultation sur des questions touchant conjointement à la politique de la ville, à l’aménagement du territoire, au rôle qu’y jouent les transports, et sur les différents défis qui doivent être relevés en vue d’améliorer la mobilité urbaine ;

2. Considère que, si la hausse du prix du pétrole et sa raréfaction imposent une révision des comportements, il importe toutefois de veiller à ce que les solutions susceptibles d’y être apportées – en particulier le développement des transports collectifs – soient mises en œuvre avec circonspection et ne portent pas préjudice à l’économie tout entière ;

3. Juge indispensable que les Etats membres et leurs autorités locales s’attachent à mieux intégrer en amont les exigences de la mobilité dans la planification urbaine, plutôt que d’instaurer des péages urbains, dont l’efficacité n’est pas avérée ;

4. Demande que la Présidence française de l’Union européenne obtienne du Conseil :

a) l’insertion des mesures suivantes dans le Plan d’actions qui lui sera présenté par la Commission :

- création d’un Observatoire de la mobilité urbaine ;

- généralisation des plans de mobilité urbaine dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants ;

- développement des travaux de normalisation technique concernant l’information et la billetterie électronique ;

- exploitation des travaux sur l’interopérabilité des systèmes de transport intelligent.

b) la discussion et l’adoption :

- de la proposition de directive sur les voitures propres ;

- de la proposition de directive sur les sanctions transfrontalières. »

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Point B

Sur le rapport du Président Michel Herbillon, la Délégation a examiné les deux textes suivants soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Aucune observation n’ayant été formulée, la Délégation les a approuvés.

Ø Agriculture

- proposition de décision du Conseil modifiant la décision 2006/493/CE déterminant le montant du soutien communautaire en faveur du développement rural pour la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2013, sa ventilation annuelle, ainsi que le montant minimal à affecter aux régions pouvant bénéficier de l'objectif « convergence » (document E 3893).

Ø PESC et relations extérieures

- proposition de décision du Conseil sur l'éligibilité des pays d'Asie centrale au titre de la décision 2006/1016/CE du Conseil accordant une garantie communautaire à la Banque européenne d'investissement en cas de pertes résultant de prêts et de garanties de prêts en faveur de projets en dehors de la Communauté (document E 3854).

Ø Espace de liberté, de sécurité et de justice

- projet de décision du Conseil sur le renforcement d'Eurojust portant modification de la décision 2002/187/JAI du Conseil du 28 février 2002 instituant Eurojust afin de renforcer la lutte contre les formes graves de criminalité, telle que modifiée par la décision 2003/659/JAI du Conseil (document E 3777).

M. Guy Geoffroy, rapporteur, a rappelé qu’Eurojust a été créée en 2002 et constitue un outil d’échanges et de coordination en matière judiciaire ainsi que de soutien aux autorités nationales.

Eurojust intervient dans le cadre d’enquêtes et de poursuites concernant au moins deux Etats membres et se révèle indispensable car les formes de criminalité dont il est question ont, depuis longtemps, appris à se jouer des frontières. Eurojust est composée de 27 membres nationaux, qui doivent avoir la qualité de juge, de procureur ou d’officier de police. Dès l’origine, la principale difficulté a résidé dans les différences de systèmes pénaux des Etats membres, ce qui a diminué la capacité d’Eurojust à agir. Ainsi, ce sont les Etats qui déterminent les pouvoirs de leur représentant national. La Délégation a souvent eu l’occasion de rappeler la nécessité d’un outil de poursuite à l’échelle de l’Union, cet outil devant être créé à partir d’Eurojust, comme le prévoit expressément le traité de Lisbonne, selon lequel « pour combattre les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union […], le Conseil peut instituer un parquet européen à partir d’Eurojust ». Un tel développement n’est pas encore d’actualité et l’on ne peut que regretter que le traité se soit limité aux actes compromettant les intérêts financiers de l’Union.

A l’heure actuelle, Eurojust ne peut pas effectuer d’actes d’investigation, mais malgré son périmètre d’action limité, Eurojust a vu récemment son activité augmenter très fortement (+ 41 % en 2007 par rapport à 2006). Une volonté politique forte s’est également dégagée pour donner à cet organe les outils nécessaires à l’accomplissement de ses missions.

Le premier objectif du texte consiste à renforcer les pouvoirs des membres nationaux d’Eurojust. Leur mandat serait, au minimum, de quatre ans et ils devraient être établis de manière permanente au siège d’Eurojust. Pour faire face aux situations d’urgence, une cellule de coordination d’urgence serait mise en place. Enfin, les compétences des membres nationaux seraient élargies et ces derniers pourraient bénéficier d’un pouvoir décisionnel propre, notamment en cas d’urgence. Les pouvoirs qui pourraient être exercés en accord avec les autorités nationales ne devraient cependant pas remettre en cause des règles constitutionnelles ou l’organisation fédérale d’un Etat. Bien que ces dispositions fassent encore l’objet de négociations, ce texte constitue un réel progrès.

Le second objectif est de renforcer les échanges d’information. Ainsi, un dispositif de « coordination nationale Eurojust » assisterait l’unité Eurojust. Une obligation d’information s’appliquerait aux Etats dans certaines situations, bien que cette disposition butte actuellement sur un certain nombre de points, notamment les accords conclus avec les pays tiers. Le collège Eurojust pourrait émettre des avis non contraignants et des magistrats de liaison pourraient être détachés auprès d’Etats tiers par Eurojust.

Ces avancées sont essentielles et justifient l’approbation de ce texte au moment où la France assure la présidence de l’Union, la Garde des Sceaux ayant récemment insisté sur la nécessité de développer la coopération pénale entre les Etats membres.

Il convient de mettre en œuvre le maximum d’outils, dans le respect des droits pénaux nationaux, face à la criminalité transnationale qui, sinon, ne trouvera aucun obstacle sur sa route.

M. Jacques Myard a estimé que la coopération judiciaire était une nécessité mais qu’Eurojust posait un problème différent, dans la mesure où il serait compétent pour poursuivre des actes délictueux contre les intérêts de l’Union européenne, par exemple en matière de fraude. Il a souhaité savoir si, dans l’esprit de la proposition, ce parquet serait indépendant, ce qui n’est heureusement pas le cas en France.

M. Guy Geoffroy, rapporteur, a répondu qu’il ne deviendrait pas indépendant parce qu’il ne devait pas le devenir. Dans l’hypothèse de poursuites à l’échelle européenne dans l’intérêt de la lutte contre la criminalité transnationale, il serait possible de se servir d’Eurojust comme d’un instrument a minima. Il agira de toute façon sous l’égide du Conseil, et il reviendra au Conseil de définir les conditions de création d’un parquet à partir d’Eurojust et les pouvoirs de ce parquet. L’indépendance n’est pas souhaitable ; en France, le parquet est sous l’autorité du Garde des Sceaux et applique les orientations générales du Gouvernement dans sa politique pénale.

M. Jacques Myard, prenant l’exemple de fraudes sur les aides agricoles européennes dans un département insulaire, a observé qu’elles étaient constitutives d’un délit en droit français et que la Commission pouvait envoyer sur place des inspecteurs et saisir le parquet en France. L’échange d’informations peut être utile mais on peut s’interroger sur la nécessité de la volonté politique de mettre en avant Eurojust. M. Jacques Myard a donc indiqué qu’il s’abstiendrait sur la proposition.

Le Président Michel Herbillon a remercié le rapporteur d’avoir inscrit ses conclusions dans le contexte de la présidence française. Il a souligné que les citoyens européens attendaient des résultats concrets à travers le renforcement de la coopération judiciaire et pénale, afin de mieux lutter contre la criminalité transnationale.

Puis la Délégation a approuvé le texte.

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du [...] modifiant le règlement (CE) no 562/2006 en ce qui concerne l'utilisation du système d'information sur les visas (VIS) dans le cadre du code frontières Schengen (document E 3800).

M. Guy Geoffroy, rapporteur, a rappelé que cette proposition de règlement a pour objectif de renforcer l’utilisation du système d’information sur les visas (VIS) dont la prochaine mise en place devrait permettre d’augmenter la sécurité aux frontières. La France a toujours soutenu le recours systématique aux données biométriques lors des contrôles aux frontières, comme le prévoyait le texte initial de la Commission. Le Conseil a, en revanche, avancé l’idée qu’un contrôle systématique à l’aide des données biométriques n’est pas indispensable. Un compromis devrait pouvoir être trouvé selon lequel les vérifications aux frontières pourraient ne pas comporter l’utilisation des données biométriques, sous certaines conditions, pendant une période transitoire de trois années supplémentaires. Les contrôles uniquement fondés sur le numéro du visa seraient limités. La prise en compte des données scientifiques modernes constituant une avancée majeure, la proposition de règlement devrait être soutenue.

La Délégation a ensuite approuvé ce texte.

- proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2003/109/CE afin d'étendre son champ d'application aux bénéficiaires d'une protection internationale (document E 3560) ;

M. Guy Geoffroy, rapporteur, a indiqué que les réfugiés et les bénéficiaires d’une protection subsidiaire ne peuvent actuellement pas profiter du statut de résident de longue durée. Le résident de longue durée bénéficie, en principe, des mêmes droits que les nationaux. Au cours des négociations sur la directive établissant le statut de résident de longue durée, les réfugiés ont été exclus du champ d’application du texte alors que la France souhaitait les inclure. Il était cependant admis que les bénéficiaires d’une protection internationale seraient ultérieurement compris dans le champ de la directive. Tel est l’objet de la présente proposition. Il est notamment prévu que la durée de la procédure d’asile soit prise en considération pour le calcul des cinq années de résidence légale nécessaires à l’obtention du statut de résident longue durée. En l’état actuel des négociations, ce serait la moitié de cette durée qui serait prise en compte. La France a toujours soutenu l’extension de la directive et défend donc cette proposition de texte.

Puis la Délégation a approuvé la proposition de directive.

IV. Nomination d’un rapporteur

Sur proposition du Président Michel Herbillon, la Délégation a nommé :

M. Hervé Gaymard, rapporteur d’information sur l’avenir des relations entre l'Union européenne et les pays et territoires d’outre-mer (PTOM).