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Commission des affaires européennes

mardi 15 décembre 2009

16 h 15

Compte rendu n° 131

Présidence de M. Pierre Lequiller Président

I. Communication de M. Didier Quentin sur la construction navale

II. Examen du rapport d’information de M. Thierry Mariani sur le paquet asile

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES

Mardi 15 décembre 2009

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission

La séance est ouverte à 16 h 15

I. Communication de M. Didier Quentin sur la construction navale

M. Didier Quentin, rapporteur. Le transport maritime est essentiel pour les échanges internationaux de l’Union européenne Or aujourd’hui, la construction navale traverse la crise la plus grave depuis trente ans. Après la disparition de la construction navale dans de nombreux pays européens, nous pouvons nous demander si la conjoncture économique actuelle ne va pas voir la disparition des chantiers navals rescapés de cette « saignée ».

Le recul de 90 % des commandes sur les derniers mois a conduit à des mesures de chômage technique, des licenciements voire des disparitions d’entreprises, s’agissant des chantiers Odense au Danemark et Wadan en Allemagne. Cette situation peut encore s’aggraver s’il n’y a pas un redressement rapide de la conjoncture économique. Si nous prenons, par exemple, la flotte de porte conteneurs, les navires commandés représentent 42 % de la flotte en service aujourd’hui, qui est actuellement en surcapacité ; la situation est pire pour les vraquiers, où les navires en commande représentent 66 % de la flotte mondiale.

Le handicap structurel des chantiers européens par rapport aux asiatiques ne concerne pas exclusivement le coût de la main d’œuvre, puisque un chantier européen enregistre pour un navire moyen un différentiel de prix de l’acier de 18 millions d’euros par rapport à un chantier chinois. L'Europe possède environ 150 chantiers navals, dont environ quarante fabriquent de grands navires de mer commerciaux à destination du marché mondial. Près de 120 000 personnes sont directement employées dans l'Union européenne sur ces chantiers, civils et militaires, nouvelles constructions et réparations. Forte d'une part de marché de quelque 15 %, l'Europe est encore en concurrence avec la Corée du Sud pour la première place mondiale en termes de valeur des navires civils construits, 15 milliards d'euros en 2007.

Au total, environ 15 000 emplois sont menacés en Europe dans le secteur de la construction navale. Mais les armateurs européens sont également dans une situation délicate et risquent de rencontrer des difficultés pour honorer leurs commandes, en particulier vis-à-vis des chantiers asiatiques. Le prix du fret a été divisé par cinq à la fin de 2008 sur les lignes entre l’Asie et l’Europe, 548 navires, soit environ 10 % de la flotte mondiale, sont aujourd’hui à l’ancre. Le groupe CMA CGM, 3e armateur mondial, est en train de restructurer sa dette et de négocier un rééchelonnement des livraisons de navires commandés. A défaut d’une reprise économique vigoureuse, toute la filière liée au commerce maritime international va beaucoup souffrir dans les années à venir, particulièrement en Europe.

Les résultats de la politique suivie ces cinq dernières années ont été encourageants : les chantiers européens ont vu la valeur de leurs nouvelles commandes plus que tripler entre 2002 et 2005, avec, en 2004 et 2005, un taux de croissance plus rapide que dans toute autre partie du monde car, s’ils ont perdu 36 % de leurs emplois, ils ont gagné 43 % en productivité. Or, la gravité de la crise actuelle peut remettre en cause ce début de redressement et compromettre les objectifs exposés le 15 octobre 2009 par la Commission européenne : « trouver les voies et moyens pour stimuler davantage l’emploi et les investissements maritimes dans le transport, tout en soutenant le concept de « navires propres » ». A ce propos, la Commission insiste sur sa volonté de soutenir l’innovation dans le secteur de la construction navale pour la conception de navires à très faible taux d’émission, voire à zéro émission. En effet, cette politique ne pourra être conduite que si l’outil industriel européen est préservé. Le secteur européen de la construction navale est régi par l’article TFUE 173, qui définit la politique industrielle. Dans ce cadre, l’Union européenne a essayé de développer une politique permettant d’abandonner la voie des subventions : c’est la stratégie « LeaderShip 2015 », élaborée en 2003 à un moment où les perspectives de la construction navale européenne semblaient assez peu encourageantes, du fait d’importantes augmentations de capacités en Asie. L’initiative « LeaderShip 2015 » a aidé la construction navale européenne à se positionner dans les secteurs de haute technologie, malgré le mouvement de délocalisation vers l’Asie. Les constructeurs navals européens et leurs fournisseurs dominent des segments du marché tels que les navires de croisière et les navires de passagers, les petits navires de commerce, les bâtiments des forces navales et le tonnage spécialisé. Cette donnée explique que les chantiers européens réalisent un chiffre d’affaires nettement supérieur à celui réalisé par leurs homologues d’Extrême-Orient en dépit d’un volume de tonnage inférieur. Le soutien communautaire s’est surtout manifesté ces dernières années dans le domaine de la recherche. La construction navale est un secteur technologique de pointe, puisque les chantiers investissent en moyenne plus de 10 % de leur chiffre d’affaires dans la recherche, le développement et l’innovation.

L’effort considérable entrepris par les chantiers, soutenus par les Etats et l’Union européenne, ne pourra bien évidemment pas porter ses fruits si le marché disparaît. Il est donc vital de prendre des dispositions réglementaires et fiscales incitant au renouvellement des flottes et, dans le cadre d’un plan de relance européen concerté, d’encourager les Etats à hâter le renouvellement des navires militaires pour soutenir l’activité des chantiers navals, le retour aux subventions devant être le plus limité possible.

Deux problèmes structurels ne sont toujours pas réglés de manière satisfaisante : l’élaboration de règles mondiales visant à lutter contre les distorsions de concurrence et la mise en œuvre d’une politique de financement des navires. L’industrie de la construction navale est véritablement mondiale, les règles commerciales mondiales qui régissent le secteur sont souvent inégales, incomplètes ou inapplicables. L’un des objectifs affirmés par « LeaderShip 2015 » était de parvenir à harmoniser ce secteur au niveau mondial afin d’obtenir le respect de règles concurrentielles plus honnêtes. Il n’y a malheureusement pas encore de résultats tangibles dans ce domaine.

Dans le Livre vert publié en 2008 la Commission européenne souligne que les « chantiers navals doivent gérer des projets de grande envergure, coûteux et complexes ». Les chantiers ne développent pas seulement des projets novateurs, mais doivent aussi prévoir le fonds de roulement nécessaire et les garanties de remboursement généralement exigées par les propriétaires de navires. Ces contraintes en terme de temps et de ressources nuisent à la compétitivité des chantiers européens vis-à-vis de leurs concurrents qui, dans la plupart des cas, bénéficient de dispositifs publics de financement des navires.

La Commission européenne s’est donc penchée de manière intensive sur cette question mais il est extrêmement dommageable pour l’Union européenne que ce dossier n’ait pas encore abouti.

L’Union européenne a adopté un troisième paquet « sécurité maritime » afin de renforcer la législation existante, notamment en ce qui concerne les sociétés de classification, le contrôle des ports par l’Etat, le suivi du trafic maritime, la responsabilité des Etats du pavillon, les enquêtes après les accidents maritimes et la responsabilité des propriétaires de navires. Cette politique qui va dans la bonne direction, devrait être confortée à l’avenir dans la mesure où la Commission européenne considère dans sa communication du 15 octobre 2009 sa volonté de développer une politique maritime intégrée en soutenant le concept de « navires propres ».

Une des pistes d’amélioration du plan de charge des chantiers navals passe une reconversion vers des produits nouveaux tels que les centrales électriques fonctionnant à partir de la houle ou des courants marins.

Les activités de défense n’étant pas soumises aux règles de l’OMC, ce levier d’action est par ailleurs un des rares moyens disponibles pour donner à l’industrie navale la capacité de surmonter la crise actuelle.

Il est certain que l’Union européenne devra dégager très rapidement des solutions si nous voulons éviter une nouvelle « saignée » dans la construction navale.

La communication du 15 octobre 2009 sur la politique maritime de la Commission européenne définit six orientations stratégiques dont les modalités de mise en œuvre seront précisées en 2010. Une proposition relative à l’intégration de la surveillance maritime, partage des outils et des données, et une communication sur la dimension internationale, qui souligne la nécessité pour l'Union européenne de s’exprimer d’une seule voix ou au moins de manière cohérente sur la scène internationale dans le domaine des affaires maritimes, complètent ce « paquet ».

M. Jacques Myard. Le contenu de la communication nous laisse un peu sur notre faim. Le diagnostic est correct. Il y a la crise et un risque majeur face à la concurrence de pays qui ne respectent pas les règles. Néanmoins, les conclusions de la Commission européenne sont d’une naïveté totale. Il faut effectivement promouvoir les navires propres, mais il faut alors aller jusqu’au bout de la logique et interdire l’entrée des navires concernés sur notre territoire. S’agissant des aides d’Etat, la Chine et la Corée font du dumping industriel. Se placer dans le cadre des règles de l’OMC est d’une naïveté confondante.

Le secteur maritime exige un certain nombre de mesures. Il est d’abord impératif de contrôler les groupes industriels pour éviter qu’ils ne passent sous la coupe d’investisseurs extérieurs, notamment asiatiques, qui ont pour objectif de les démembrer et de récupérer le savoir-faire technique. C’est une politique industrielle semblable à celle des Etats-Unis qu’il faut. Ensuite, il convient de mettre en place une politique d’aide. A défaut, ce secteur industriel de la construction navale dépérira et les mesures que l’on prendra ne seront que des vœux pieux, du « wishful thinking ».

M. Marc Laffineur. La communication met justement l’accent sur l’importance de la construction navale pour l'Europe, notamment pour l’emploi. Il y a actuellement trop de navires et la crise explique en partie la situation actuelle, mais il y a aussi le problème des coûts de main-d’œuvre et de la faiblesse du marché européen par rapport à celui de la Chine. Sans être naïf, y-a-t’il une véritable volonté européenne pour une politique des chantiers navals ou est-ce un domaine où chaque Etat mène sa propre stratégie ? La réponse est essentielle car il faut un effort commun de recherche mais aussi de définition des normes de navigabilité pour les eaux territoriales, notamment pour protéger l’environnement, comme cela a été fait en matière de transport pétrolier. Le secteur fait vivre une importante sous-traitance dont il convient également de prendre en compte les intérêts.

M. Jérôme Lambert. La division par cinq du prix du fret depuis la fin de l’année 2008 apparaît étonnante. Par quoi s’explique t-elle ? Les marges antérieures étaient-elles si importantes ?

Je rejoins les remarques précédentes sur l’importance du secteur, notamment pour les emplois directs et les emplois du futur. Les fermetures de chantier correspondent à des pertes de qualification qui ne seront jamais récupérées. Ce sont les indépendances nationale et européenne qui sont, à terme, en cause. Or, comme tout au long de l’histoire, le transport maritime reste un secteur stratégique. Les règles de l’OMC notamment ne doivent pas interdire de manifester une volonté politique.

Les normes environnementales sont l’un des éléments essentiels d’une politique. Il y a le précédent des Etats-Unis qui ont imposé, les premiers, les pétroliers à double coque. L’accès aux ports européens doit être réservé aux seuls navires respectant certaines normes.

M. Didier Quentin. Il y a eu récemment plusieurs évolutions, notamment sur les navires poubelles, avec les paquets « Erika ». En revanche, sur la concurrence déloyale, il n’a pas échappé à la Commission européenne que l’absence de règles commerciales mondiales était particulièrement préjudiciable. L’un des objectifs de la stratégie « LeaderShip 2015 » était de combler ces vides. On peut penser que c’est un vœu pieux dans la mesure où les efforts de l’OCDE et ceux de l’OMC n’ont pas donné de résultats tangibles. Néanmoins, la question est difficile car les subventions ne concernent pas le produit mais le producteur. Une procédure en contestation des aides coréennes a été engagée mais elle n’a pas abouti. La Commission européenne, pour sa part, a entrepris des actions mais s’est heurtée, pour ce qui concerne la garantie de financement des pré-livraisons, à des difficultés auprès de la Banque européenne d’investissement (BEI) ainsi qu’à l’absence de suites données par les Etats membres à l’atelier d’octobre 2006 associant ces derniers à des représentants de l’industrie, de la Commission européenne et de la BEI.

La sous-traitance est extrêmement importante dans le secteur puisqu’elle peut représenter jusqu’à 80 % de l’activité. Son chiffre d’affaires s’est établi à 26 milliards d’euros en 2007. 45 % est à l’exportation. Le prix du fret a pu être divisé par cinq car 548 navires sont à l’ancre et les transporteurs préfèrent exploiter leur flotte à un prix même très faible. Le développement d’une activité militaire apparaît nécessaire.

M. Jacques Myard. Combien y-a-t’il de chantiers navals ?

M. Didier Quentin. Il y a très peu de grands chantiers comme celui de Saint-Nazaire mais il faut aussi compter les petits chantiers pour les navires de pêche et la plaisance.

Mme Odile Saugues. Y-a-t’il véritablement une volonté de la Commission européenne de mettre fin aux abus ? Les navires « pourris », les pavillons de complaisance, les certifications « véreuses » ?

M. Didier Quentin. Il y a eu de nets progrès.

Mme Odile Saugues. Où en est le projet des autoroutes de la mer ou du « merroutage » qui semble « enlisé » alors qu’il présente un intérêt environnemental fort pour réduire le transport routier ?

M. Didier Quentin. A l’origine, cette idée a été émise par le sénateur Henri de Richemont. Elle est au point mort, notamment sur Livourne-Marseille et l’Atlantique. L’un des problèmes est de développer ensuite les infrastructures ferroviaires et routières pour acheminer les marchandises vers l’intérieur.

M. Marc Laffineur. C’est un investissement très important qui ne concerne, en définitive, qu’une faible partie du trafic de marchandises, puisque 80 % du transport routier se fait sur moins de 80 kilomètres. Ce frein ne remet pas en cause l’intérêt du « merroutage » mais il explique en partie la situation actuelle.

M. Michel Piron. Pour ce qui concerne la diversification, quelle filière privilégier et quels investissements prévoir, à quelles échéances et pour quels besoins ? La réponse à cette question commande l’essentiel, à savoir les structures d’exploitation pour les investissements. En outre, il faut définir les politiques européennes, mais cela semble difficile car, entre les Etats membres, il y a des convergences mais aussi des divergences et des concurrences.

M. Christophe Caresche. Quel est le niveau de spécialisation des chantiers navals français sur les marchés de niche, notamment celui des croisières ?

M. Didier Quentin. La stratégie des niches a permis d’avoir d’assez bons résultats dans le passé mais ces secteurs sont également atteints par la crise. La construction navale militaire offre des perspectives, notamment avec le « Mistral ». L’importance des travaux d’infrastructure à entreprendre fait que le « merroutage » exige nécessairement des actions de long terme.

M. Jacques Myard. Quelle est la part de la flotte française qui assure nos importations ?

M. Didier Quentin. Il y a quinze ans, la flotte française était au 28ème rang mondial alors qu’elle faisait partie des cinq premières après la seconde guerre mondiale. Elle a encore reculé depuis et se situe autour du 30ème rang. C’est un secteur qui a fait l’objet d’intentions affichées d’une grande ambition maritime mais pour lequel les initiatives concrètes doivent nécessairement intervenir. Aussi je propose la création d’une mission d’information dans ce domaine.

Suivant les conclusions du rapporteur, la Commission a décidé la création de la mission d’information proposée.

II. Examen du rapport d’information de M. Thierry Mariani sur le paquet asile

M. Thierry Mariani, rapporteur. Malgré les mesures d’harmonisation adoptées depuis dix ans, des différences fondamentales demeurent dans les décisions de reconnaissance ou de rejet de demandes d’asile présentées par des personnes venant d’un même pays. L’effort d’harmonisation doit impérativement être poursuivi. Chacun sait que, selon que l’on dépose une demande d’asile en France, en Italie ou en Grèce, les résultats sont radicalement différents.

La Commission européenne a présenté le 9 décembre 2008 trois propositions qui font l’objet du présent rapport : refonte de la directive sur les normes minimales d’accueil, refonte du règlement de Dublin et du règlement Eurodac. Le 10 septembre 2009, la Commission a également présenté une proposition fondée sur le troisième pilier tendant à permettre l’accès des services répressifs aux données contenues dans la base de données Eurodac. Elle sera également examinée dans le présent rapport.

La première proposition vise à assurer des normes de traitement plus élevées en termes de conditions d’accueil.

En premier lieu, elle s’appliquerait aux personnes demandant une protection subsidiaire et non plus aux seuls demandeurs d’asile. La France a déjà mis en pratique cette extension. La proposition étendrait également la notion de membre de la famille. En second lieu, elle vise à faciliter l’accès à l’emploi des demandeurs d’asile. La Commission européenne propose de prévoir que les demandeurs de protection internationale auront accès au marché du travail au plus tard six mois après le dépôt de leur demande, contre un an aujourd’hui. En troisième lieu, la proposition modifierait l’accès aux « conditions matérielles d’accueil ». Ces dernières devraient être alignées sur le montant de l’aide sociale octroyée dans l’Etat membre. En quatrième lieu, la proposition modifierait les conditions de mise en rétention. Le placement en rétention des mineurs non accompagnés serait interdit. La décision de placement devrait être réservée à l’autorité judiciaire, sauf cas d’urgence.

D’une manière générale, les ONG et associations compétentes en matière d’asile ont salué les objectifs portés par la Commission européenne. La proposition a suscité en revanche une vive opposition des Etats membres sur plusieurs points majeurs.

S’agissant de l’accès au marché du travail, les autorités françaises sont, en l’état actuel des négociations, réservées sur un abaissement du délai d’accès à six mois. Elles craignent en effet un impact sur la demande d’asile en renforçant l’attractivité du territoire. La question de l’interdiction de la mise en rétention des mineurs non accompagnés soulève des difficultés. Le projet impliquerait notamment d’admettre sur le territoire tout mineur demandant l’asile à la frontière. Il conviendra d’examiner dans quelle mesure une telle prescription est compatible avec la sécurité desdits mineurs non accompagnés.

J’estime notamment que des mesures qui pourraient avoir pour conséquence de renforcer l’attrait pour les Etats membres pour des motifs économiques et non pour un besoin de protection internationale, facilitation de l’accès au marché du travail, ne permettront pas d’améliorer les conditions d’accueil des personnes ayant besoin d’être protégées.

Le règlement dit de « Dublin II » établit les critères pour déterminer quel est l’Etat membre responsable d’une demande d’asile présentée par un ressortissant de pays tiers. La proposition qui refond le règlement vise à accroître l’efficacité du système, garantir des normes de protection plus élevées et mieux faire face aux situations d’urgence dans lesquelles les capacités d’accueil sont soumises à des pressions particulières.

Il est notamment proposé de mettre en œuvre un mécanisme de suspension temporaire des transferts vers un Etat membre responsable d’une demande d’asile mais qui serait soumis à une situation d’urgence particulière. Cela vise à faire face, en partie, à la situation dramatique dans laquelle se trouvent les demandeurs d’asile arrivant en masse sur le territoire de l’Union par la Méditerranée et à la saturation des régimes d’asile dans les pays du Sud de l’Union, principalement à Malte, à Chypre, en Grèce et en Italie.

Les ONG et associations ont accueilli de manière mesurée la proposition de la Commission européenne, regrettant que le système de Dublin ne soit pas totalement remis en cause. De nombreux acteurs soulignent que le système de Dublin fait peser une trop lourde responsabilité sur les Etats membres aux frontières extérieures de l’Union.

D’une manière générale, si les autorités françaises saluent la volonté de résoudre les problèmes urgents auxquels doivent faire face les régimes d’asile de plusieurs Etats membres, elles estiment que la suspension du mécanisme de transfert n’est pas la voie la plus appropriée. Une aide par le bureau européen d’appui en matière d’asile serait notamment préférable.

Deux propositions relatives à Eurodac ont enfin été déposées. Une proposition d’ordre principalement technique propose de réviser le règlement Eurodac, pour le rendre plus efficace et plus protecteur des données.

La seconde proposition tend à permettre l’accès des services répressifs à Eurodac. La Commission européenne indique que l’accès, pour les services répressifs, aux bases de données des autres Etats membres contenant les empreintes digitales des demandeurs d'asile est problématique. Il n’existe aucun système unique accessible aux services répressifs et permettant de déterminer si un Etat membre dispose d'informations concernant un demandeur d'asile.

La décision dite de Prüm permet aux Etats membres d’avoir un accès automatisé, entre autres, au système automatisé d’identification par empreintes digitales national d’un autre Etat membre. Néanmoins, de nombreux Etats membres ne conservent pas de données relatives aux demandeurs d’asile dans leur système automatisé d’identification par empreintes digitales, qui répond à des objectifs de sécurité et non de traitement des demandes d’asile.

En outre, il convient de rappeler la jurisprudence du Conseil constitutionnel dans sa décision du 22 avril 1997 qui avait censuré les possibilités d’accès, par les agents habilités des services du ministère de l'intérieur et de la gendarmerie nationale, aux données du fichier informatisé des empreintes digitales des demandeurs d’asile créé à l’époque à l’OFPRA.

Plusieurs limites encadreraient l’accès en question : finalité, lutte contre le terrorisme et les infractions graves ; autorités autorisées à effectuer une demande ; protection des données ; non communication à des pays tiers.

La proposition a reçu un accueil favorable des Etats membres, notamment de l’Allemagne et du Royaume-Uni. La délégation française l’a soutenue. Le contrôleur européen de la protection des données a émis un avis défavorable, tout comme les associations et le HCR.

J’estime qu’un accès des services répressifs pourrait être d’une réelle utilité et constituer une avancée pour les services, tout en étant suffisamment encadrée pour garantir le plein respect des droits des demandeurs d’asile. Cependant, des résultats complémentaires pourraient être fournis sur la situation des Etats membres dans lesquels les autorités répressives ont accès aux bases nationales des demandeurs d’asile. Le débat n’est probablement pas encore suffisamment abouti.

M. Philippe-Armand Martin. Je souhaite interroger M. le rapporteur sur la correcte allocation des moyens européens aux deux nécessités qui s’imposent : une lutte efficace contre les abus et les fraudes, mais aussi une protection adéquat des personnes les plus vulnérables, en particulier les victimes de la traité des humains ou les individus souffrant de handicaps.

M. Thierry Mariani. Les textes me semblent répondre à ces deux objectifs. La France, qui est redevenu le premier pays d’accueil en matière de demande d’asile avec des chiffres bruts comparables aux Etats-Unis, et qui se révèle plutôt généreuse avec un taux d’acceptation de l’ordre de 25 %, contre 2 % pour l’Italie ou la Grèce, par exemple.

M. Christophe Caresche. Dans ce sujet important, chacun doit faire preuve de réalisme et veiller à éviter toute polémique stérile. Pour autant, nous ne pouvons aller jusqu’à soutenir sans réserve, dans les conclusions que vous nous proposez, en particulier dans son point « 4 », la position du Gouvernement français que l’on évoque aujourd’hui. Le « risque d’accroître le nombre des demandes d’asile infondées » dont se prévaut votre projet me semble vague et, à vrai dire, mériterait d’être plus solidement étayé. En tout cas, nous ne pouvons donner ainsi un « blanc seing » au Gouvernement.

M. Marc Laffineur. Ce point me semble incontournable. Vous pouvez vous y opposer. Nous le soutenons résolument. Je souhaiterais par ailleurs avoir quelques précisions sur la répartition géographique des populations qui demandent l’asile en France, et sur l’évolution des flux ces dernières années.

M. Thierry Mariani. Tout d’abord, je veux rappeler que des dispositions comme la jouissance automatique des droits sociaux dans les mêmes conditions que pour les résidants réguliers peuvent en effet stimuler indûment les flux de demandes. Pour autant, je partage le souci de justice et d’humanisme, en estimant notamment que les demandeurs pour lesquels les procédures s’éternisent au-delà d’une année devraient pouvoir avoir les moyens de travailler.

Quant aux flux, je précise que sur 27 000 demandes d’asile en France chaque année, 9 200 relèvent de la « grande Europe » avec 2 500 pour la Serbie et le Monténégro (qui inclut statistiquement le Kosovo), et 2 000 environ pour la Turquie et la Russie, l’Arménie venant ensuite. Dans le reste du monde, l’Afrique compte pour 8 000 demandes, dont 1 800 pour la République démocratique du Congo.

Enfin, il faut remarquer que la situation s’accélère en effet, avec des demandes qui ont cru de 13 % en 2008 et de 28 % sur les neuf derniers mois.

Sur proposition du rapporteur, la Commission a ensuite adopté les conclusions suivantes :

« La Commission des affaires européennes,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les Etats membres (Refonte) (COM [2008] 815 final/no E 4169),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la création du système « Eurodac » pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (CE) no[…/…] [établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride] (Refonte) (COM [2008] 825 final/noE 4170),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (Refonte) (COM [2008] 820 final/noE 4174),

Vu la proposition de décision du Conseil relative aux demandes de comparaison avec les données Eurodac présentées par les services répressifs des Etats membres et Europol à des fins répressives (COM [2009] 344 final/noE 4759),

1. Se félicite que des initiatives soient prises en vue d’accélérer l’édification de normes harmonisant les régimes d’asile au sein de l’Union,

2. Rappelle l’urgence des besoins des demandeurs d’asile en la matière et la nécessité de pallier les difficultés de certains de nos partenaires,

3. Soutient le principe d’une révision de la directive relative à l’accueil des demandeurs d’asile, du règlement dit de Dublin et du règlement relatif à Eurodac,

4. Appuie la position des autorités françaises sur les risques d’accroître le nombre des demandes d’asile non fondées sur un réel besoin de protection,

5. Estime que, si la suspension des transferts au titre du règlement de Dublin devait être instituée, d’autres mécanismes de solidarité entre les Etats membres devraient être soutenus, notamment pas le biais du bureau européen d’appui en matière d’asile,

6. Estime que l’accès des services répressifs aux données contenues dans la base Eurodac mérite d’être discuté mais que des éléments d’information supplémentaires sur l’expérience des Etats membres en la matière devraient être apportés. »

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Commission a examiné des textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution.

Textes « actés »

Aucune observation n’ayant été formulée, la Commission a pris acte des textes suivants :

Ø Commerce extérieur

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1255/96 portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur certains produits industriels, agricoles et de la pêche (document E 4979) ;

- proposition de règlement du Conseil portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels (document E 4981).

Ø Environnement

- proposition de décision du Conseil concernant la conclusion, au nom de la Communauté européenne, du protocole additionnel relatif à l'Accord de coopération pour la protection des côtes et des eaux de l'Atlantique du Nord-Est contre la pollution (document E 4710)

- projet de règlement (CE) de la Commission portant modification, pour tenir compte des changements introduits par la décision C(2008)156 du Conseil de l'OCDE, des annexes III et IV du règlement (CE) no 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil concernant les transferts de déchets (texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (document E 4906) ;

Ø Espace de liberté, de sécurité et de justice

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1073/1999 relatif aux enquêtes effectuées par l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) (document E 3194) ;

- règlement financier pour l'installation et le fonctionnement du C.SIS - Version consolidée (document E 4716) ;

- proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, au nom de la Communauté européenne, d'un accord entre la Communauté européenne et la République d'Islande, le Royaume de Norvège, la Confédération suisse et la Principauté de Liechtenstein concernant des dispositions complémentaires relatives au Fonds pour les frontières extérieures pour la période 2007-2013 (document E 4844) ;

- proposition de décision du Conseil relative à la signature d'un arrangement entre la Communauté européenne, la République d'Islande, la Principauté de Liechtenstein, le Royaume de Norvège et la Confédération suisse sur la participation de ces Etats aux travaux des comités qui assistent la Commission européenne dans l'exercice de ses pouvoirs exécutifs dans le domaine de la mise en oeuvre, de l'application et du développement de l'acquis de Schengen (document E 4895) ;

- proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un arrangement entre la Communauté européenne, la République d'Islande, la Principauté de Liechtenstein, le Royaume de Norvège et la Confédération suisse sur la participation de ces Etats aux travaux des comités qui assistent la Commission européenne dans l'exercice de ses pouvoirs exécutifs dans le domaine de la mise en oeuvre, de l'application et du développement de l'acquis de Schengen (document E 4896) ;

- budget de SISNET pour l'exercice 2010 (document E 4964).

Ø Industrie

- proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du relative aux équipements sous pression transport (document E 4773) ;

- proposition de règlement du Conseil relatif à un concours financier communautaire concernant le démantèlement des réacteurs 1 à 4 de la centrale nucléaire de Kozloduy en Bulgarie « Programme Kozloduy » (document E 4877) ;

Ø Recherche

- proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à la participation de la Communauté à un programme commun de recherche et de développement sur la mer Baltique (Bonus-169) entrepris par plusieurs Etats membres (document E 4893) ;

- proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté européenne, et à l'application provisoire de l'accord de coopération scientifique et technologique entre la Communauté européenne et le gouvernement des îles Féroé, associant les îles Féroé au septième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) (document E 4915) ;

- proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, au nom de la Communauté européenne, de l'accord de coopération scientifique et technologique entre la Communauté européenne et le gouvernement des îles Féroé, associant les îles Féroé au septième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) (document E 4916).

Point B

La Commission a approuvé le texte suivant :

Ø Pêche

- proposition de décision du Conseil abrogeant la décision no 2009/473/CE du Conseil concernant la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire de l'accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne et la République de Guinée (document E 4980).

Accords tacites de la Commission

En application de la procédure adoptée par la Commission les 23 septembre 2008 (textes antidumping), 29 octobre 2008 (virements de crédits), 28 janvier 2009 (projets de décisions de nominations et actes relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) concernant la prolongation, sans changement, de missions de gestion de crise, ou de sanctions diverses, et certaines nominations), celle-ci a approuvé tacitement les documents suivants :

- décision du Conseil modifiant et prorogeant l'action commune 2008/851/PESC concernant l'opération militaire de l'Union européenne en vue d'une contribution à la dissuasion, à la prévention et à la répression des actes de piraterie et de vols à main armée au large des côtes de la Somalie (document E 4983) ;

- budget général. Exercice 2009. Section VII. Comité des régions. Virement de crédits Dec 1/2009 (article 24 du règlement financier) (document E 4973) ;

- budget général de l'Union européenne. Section VI. Comité économique et social européen. Virement de crédits no CESE Dec 2/2009 (article 24 du règlement financier) (document E 4974) ;

- proposition de virement de crédits no DEC 56/2009 - Section III - Commission - du budget général 2009 (DO) (document E 4977) ;

- proposition de règlement du Conseil abrogeant le droit antidumping institué par le règlement (CE) no 172/2008 sur les importations de ferrosilicium originaire de l'ancienne République yougoslave de Macédoine (document E 4989) ;

- règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 423/2007 concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran (document E 4990).

La séance est levée à 18 h 10

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mardi 15 décembre 2009 à 16 h 15

Présents. - M. Christophe Caresche, M. Jacques Desallangre, M. Daniel Fasquelle, M. Hervé Gaymard, Mme Anne Grommerch, M. Michel Herbillon, M. Régis Juanico, M. Marc Laffineur, M. Jérôme Lambert, M. Pierre Lequiller, M. Lionnel Luca, M. Thierry Mariani, M. Philippe Armand Martin, M. Jean-Claude Mignon, M. Jacques Myard, M. Michel Piron, M. Didier Quentin, Mme Odile Saugues, M. André Schneider, M. Gérard Voisin

Excusés. - M. Pierre Bourguignon, M. Michel Delebarre, Mme Arlette Franco, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. Robert Lecou, M. Philippe Tourtelier, M. Francis Vercamer

Assistait également à la réunion. - M. Jean-Marc Roubaud