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mis en distribution

le 19 juin 2008

 

N° 957 (rectifié)

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIEME LEGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 juin 2008

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur le bilan de santé de la politique agricole commune,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement)

PRÉSENTÉE,

par M. HervÉ GAYMARD,

Rapporteur de la Délégation

pour l'Union européenne,

Député.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil : « Préparer le "bilan de santé" de la PAC réformée », COM [2007] 722 final,

Vu la proposition de règlement du Conseil établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, la proposition de règlement du Conseil modifiant les règlements (CE) n° 320/2006, (CE) n° 1234/2007, (CE) n° 3/2008 et (CE) n° …/2008 en vue d'adapter la politique agricole commune, la proposition de règlement du Conseil portant modification du règlement (CE) n° 1698/2005 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et la proposition de décision du Conseil modifiant la décision 2006/144/CE relative aux orientations stratégiques de la Communauté pour le développement rural (période de programmation 2007-2013) - Bilan de santé, (COM [2008] 306 final/n° E 3878),

Considérant que le secteur agricole se caractérise par l’étroitesse de ses marchés, la forte volatilité du prix de ses produits et l’importance de ses enjeux pour l’avenir de la planète, qu’il relève ainsi d’un modèle économique spécifique, qui ne peut être régi par la seule loi de l’offre et de la demande et le moins-disant sanitaire, écologique et social ;

Considérant que la conjoncture actuelle, marquée par le prix élevé des matières premières et un contexte de pénurie alimentaire, laisse présager une instabilité accrue des marchés, liée aussi bien aux aléas climatiques, macroéconomiques et politiques qu’à des mouvements spéculatifs au niveau mondial ;

Considérant que la politique agricole commune (PAC) constitue un des éléments structurants de la construction européenne justifiant qu’on lui accorde des moyens financiers suffisants, les dépenses qu’elle entraîne ne représentant aujourd’hui que 0,4 % du PIB de l’Union européenne, et qu’elle ne doit pas être considérée comme la variable d’ajustement des autres politiques communautaires ;

Considérant que les raisons fondatrices de la PAC, et notamment l’objectif d’autosuffisance alimentaire de l’Europe, n’ont pas disparu mais au contraire rejaillissent aujourd’hui avec force, que ce soit au travers de la question de la qualité sanitaire et environnementale des produits, celle du pouvoir d’achat ou encore celle du maintien de l’activité agricole sur l’ensemble de nos territoires ;

Considérant que, dans la perspective de la prochaine réforme de la PAC, il conviendra de rouvrir un débat de fond sur la place à accorder, dans l’agriculture européenne, à la recherche de solutions alternatives aux énergies fossiles et donc au développement des agrocarburants, la fonction première de notre agriculture demeurant néanmoins la production alimentaire ;

Considérant que l’Europe a déjà apporté sa contribution à la conclusion du cycle de Doha avec la réforme de la PAC opérée en 2003, qui a transféré la grande majorité des aides européennes dans la boîte verte de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), alors même que d’autres grands pays producteurs, comme par exemple les Etats-Unis avec le Farm Bill, continuent de soutenir massivement leur agriculture, que ce soit par le biais d’aides contra cycliques, de mécanismes d’assurance revenu ou de subventions à l’exportation ;

Considérant qu’il appartient en conséquence à l’Union européenne à la fois de défendre son modèle agricole, tel que défini par le Conseil européen réuni à Berlin les 24 et 25 mars 1999, et de participer à la résolution des grands défis mondiaux, alimentaires, énergétiques et environnementaux, notamment :

- en révisant à la hausse le budget qu’elle consacre à l’aide alimentaire et en activant sa réserve pour l’aide d’urgence aux pays tiers ;

- en promouvant la mise en œuvre de politiques agricoles au sein des grands ensembles régionaux du globe, en particulier en Afrique, qui sont seules à même de permettre l’essor des agricultures vivrières locales indispensables au développement des pays les plus pauvres ;

- en réexaminant la question des accords par produit sur le prix des matières premières ;

- en tenant compte des difficultés spécifiques de l’agriculture des pays ACP dans la poursuite des négociations des accords de partenariat économique ;

- et en participant à l’émergence d’une nouvelle gouvernance de l’agriculture au niveau mondial ;

Considérant que le bilan de santé de la PAC constitue un élément indissociable de la réflexion à mener sur la réforme de la PAC après 2013 et qu’à défaut que ces deux processus fassent l’objet d’une réflexion commune, il convient que les décisions actées dans le cadre du bilan de santé n’opèrent pas des choix irréversibles pour 2013 mais permettent au contraire de lancer des idées nouvelles, notamment en matière de gestion des crises et des risques ;

1. Se félicite de l’adoption par la Commission européenne, le 20 mai 2008, concomitamment à l’annonce de ses propositions législatives sur le bilan de santé de la PAC, d’une communication présentant des solutions visant à limiter les conséquences de la progression des prix des denrées alimentaires sur les marchés mondiaux, qui répond aux préoccupations exprimées par la France lors du Conseil des ministres européens de l’agriculture à Luxembourg, le 14 avril 2008, concernant l’urgence d’une initiative européenne pour la sécurité alimentaire ;

2. Souhaite que le bilan de santé de la PAC soit mené à son terme en tenant compte avant tout des intérêts des citoyens européens, producteurs, consommateurs et contribuables, de la diversité de nos agricultures et des besoins de nos territoires, sans considération des pressions extérieures provenant des négociations en cours à l’OMC, pour lesquelles il doit être clairement établi que l’Europe a déjà fait une offre suffisante ;

3. Salue les propositions de la Commission européenne en vue de simplifier le régime des aides, d’en débureaucratiser la gestion et d’en alléger les contraintes liées aux exigences réglementaires auxquelles sont soumis les agriculteurs dans le cadre de la conditionnalité ;

4. Reconnaît que des ajustements ponctuels sont nécessaires afin de tenir compte de l’évolution de la conjoncture et des leçons tirées de l’instauration du régime de paiement unique, notamment : la suspension de la jachère, la diminution du niveau de soutien apporté aux secteurs bénéficiant aujourd’hui de prix très rémunérateurs, comme les céréales, en vue d’une réorientation vers des secteurs plus fragiles, la réduction des écarts entre les aides distribuées et une répartition plus équitable de celles-ci ;

5. Appelle à une vigilance toute particulière concernant l’augmentation progressive des quotas laitiers proposée par la Commission européenne : celle-ci doit impérativement faire l’objet d’un réexamen annuel et n’être mise en œuvre que si elle correspond à la situation réelle du marché ; elle doit en outre aller de pair avec un renforcement des interprofessions et de la politique de contractualisation en amont et en aval, et impliquer la mise en place de mesures d’accompagnement en faveur des zones de montagne, défavorisées, intermédiaires et à faible densité laitière afin de compenser les surcoûts liés à la production ou à la collecte ;

6. Prend acte de la proposition de la Commission européenne de supprimer les quotas laitiers en 2015 mais demande à ce qu’ils soient remplacés par un système rénové de gestion de l’offre afin de ne pas déstabiliser l’ensemble de la filière laitière. A défaut, leur maintien sera exigé ;

7. Regrette que la Commission européenne ait préféré un système de modulation progressive des paiements directs du 1er vers le 2ème pilier de la PAC en lieu et place du plafonnement des aides qu’elle envisageait dans sa communication du 20 novembre 2007 « Préparer le "bilan de santé" de la PAC réformée » et demande à ce que cette mesure soit effectivement mise en œuvre et que les montants ainsi dégagés puissent être utilisés par chaque Etat membre dans le cadre de l’article 69 révisé ;

8. Estime impératif de conserver au sein de la PAC un 1er pilier fort, orienté vers une agriculture productive et respectueuse de l’environnement, afin de ne pas limiter notre seule politique commune à un dispositif d’accompagnement social et rural de l’agriculture et d’éviter toute renationalisation de celle-ci. En conséquence, l’augmentation du pourcentage de modulation obligatoire du 1er vers le 2ème pilier avancée pour 2012 apparaît excessive : celle-ci doit en effet demeurer compatible avec l’équilibre des finances publiques des Etats membres et ne pas vider le 1er pilier des moyens financiers qui lui sont nécessaires, en particulier pour mettre en œuvre les nouvelles mesures de soutien prévues dans le cadre de l’article 69 révisé ;

9. Salue l’effort de diversification des outils utilisés dans le cadre du 1er pilier par le biais de l’élargissement de l’ancien article 69 aux secteurs du lait, des produits laitiers, du riz et des viandes bovine, ovine et caprine (article 68) ainsi qu’au financement de l’assurance récolte (article 69) et de fonds de mutualisation contre les risques sanitaires (article 70) : cette mesure constitue une avancée majeure qui devrait néanmoins, afin que son efficacité soit garantie, faire l’objet d’un taux maximal de prélèvement sur les plafonds nationaux de paiements directs supérieur aux 10 % proposés par la Commission européenne et ne pas être soumise à des contraintes de mise en œuvre trop importantes, telles que l’application d’un sous-plafond de 2,5 % à l’intérieur du plafond initial pour « les mesures dont il n’est pas certain qu’elles remplissent les conditions de la boîte verte de l’OMC » ;

10. Accueille positivement la décision de la Commission européenne de ne pas imposer de découplage total des aides directes du 1er pilier dans le secteur des productions animales et de ne pas modifier le régime applicable dans les régions ultrapériphériques, mais s’oppose avec force à sa proposition de suppression dès 2010 des aides couplées pour certaines cultures spécifiques, qu’elle juge notamment incompatible avec la satisfaction des besoins actuels de l’Union européenne en protéines végétales ;

11. Demande à ce que la simplification du régime des paiements uniques et le découplage accru des aides directes aillent de pair avec une harmonisation de ces aides et une plus grande équité dans leur répartition : certaines productions peu aidées en raison des bases historiques retenues lors de la réforme de 2003 et présentant des externalités positives (que soit par exemple en termes de préservation de l’environnement ou d’aménagement du territoire), comme la production laitière, l’élevage extensif ou l’agriculture biologique, devraient ainsi bénéficier d’une redistribution des aides directes ou être éligibles à de nouveaux soutiens, par exemple dans le cadre de l’article 69 révisé ;

12. Juge indispensable que l’Union européenne conserve des mécanismes d’intervention sur les marchés en cas de crise et engage rapidement, dans la perspective de la prochaine réforme de la PAC, plusieurs chantiers de réflexion portant notamment sur :

- la pérennisation et le financement des aides du 1er pilier, ainsi que leur finalité (favoriser la création d’emplois, le développement d’une agriculture à la fois productive et durable, etc) ;

- la création de nouveaux outils de stabilisation des marchés et d’orientation des productions agricoles, comme par exemple l’instauration d’un mécanisme communautaire de couverture des risques économiques permettant aux agriculteurs de mieux vivre du prix de leurs produits ;

- l’amélioration de la gouvernance des professions agricoles et de l’organisation commerciale des filières, notamment par une modification du droit de la concurrence ;

- la mise en œuvre de la préférence communautaire ;

- le développement d’une véritable politique de recherche et d’innovation, permettant de renforcer à la fois la compétitivité et l’excellence environnementale de notre agriculture.


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