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N° 2706

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 juillet 2010

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE

sur l’articulation entre la LOLF et les réformes de l’organisation de l’État

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. Michel BOUVARD, Jean-Pierre BRARD,

Thierry CARCENAC et Charles de COURSON

Députés.

——

INTRODUCTION 5

LES RECOMMANDATIONS DE LA MILOLF 7

I.– LA LOLF ET LA RÉATE : LE CROISEMENT DES RÉFORMES 9

A.– LA NOUVELLE ORGANISATION TERRITORIALE DE L’ÉTAT 9

1.– Une administration territoriale de l’État largement redessinée 9

2.– Une mise en œuvre complexe, marquée par de nombreuses difficultés 12

a) Multiplicité des interlocuteurs 13

b) Complexité des modes de gestion 13

c) Implantations immobilières à rationaliser 14

B.– LES NOUVELLES MODALITÉS DE GESTION DES SERVICES DÉCONCENTRÉS : LES INNOVATIONS DE LA LOLF À L’ÉPREUVE DE LA RÉATE 14

1.– Les progrès accomplis dans le dialogue de gestion 15

2.– La RéATE impose une vigilance accrue de la part du contrôleur financier 17

3.– L’autonomie réelle des responsables locaux reste toute relative 17

4.– La RéATE ne facilite pas en soi une meilleure intégration de la performance dans la gestion budgétaire 18

5.– La modification attendue de la maquette budgétaire : la création d’un programme regroupant les crédits de fonctionnement courant des DDI 19

6.– Le déploiement laborieux de Chorus 20

II.– LES FINANCEMENTS INNOVANTS DES UNIVERSITÉS : L’EXIGENCE D’UNE ADAPTATION À LA LOGIQUE DE LA LOLF 27

A.– LE CADRE RENOUVELÉ DES RELATIONS ENTRE L’ÉTAT ET LES UNIVERSITÉS 28

1.– Une majorité d’universités autonomes 28

2.– Des opérateurs comme les autres ? 31

B.– UNE DÉMARCHE DE PERFORMANCE EN COURS DE MUTATION 32

1.– Des performances mieux prises en compte dans l’allocation des moyens 32

2.– Des performances mieux prises en compte dans la gestion 35

C.– PLAN CAMPUS, INVESTISSEMENTS D’AVENIR : DES DISPOSITIFS EXTRABUDGÉTAIRES ET DÉROGATOIRES AU DROIT COMMUN DE LA LOLF 37

1.– Le plan Campus 37

2.– Le programme d’investissements d’avenir 41

3.– Adapter la gouvernance universitaire 43

4.– Respecter les objectifs de la LOLF 45

EXAMEN EN COMMISSION 49

ANNEXE 1 : AUDITIONS ET DÉPLACEMENT DE LA MISSION 60

A.– AUDITIONS DE LA MISSION 60

B.– DÉPLACEMENT DE LA MISSION : 61

ANNEXE 2 : RAPPEL DES RECOMMANDATIONS DU RAPPORT DE LA MILOLF N° 1807 DE JUILLET 2009 (« CHORUS AU CœUR DE LA LOLF ») 63

INTRODUCTION

Comme chaque année depuis 2003 (1), votre commission des Finances a constitué en son sein la Mission d’information relative à la mise en œuvre de la LOLF (Milolf), composée d’un député représentant chacun des groupes de l’Assemblée nationale.

La Mission avait, en 2009, consacré ses travaux aux systèmes d’information de l’État (2) et au dispositif d’évaluation de la performance (3).

En 2010, l’actualité a conduit à retenir une problématique plus large : celle de la bonne articulation entre la LOLF et les réformes plus récentes de l’organisation de l’État. Ces réformes s’inscrivent de façon globale dans le sillage de la révision générale des politiques publiques (RGPP).

La LOLF, désormais entrée dans sa cinquième année d’application, est devenue pour les gestionnaires de l’État une réalité quotidienne. Pour autant, les travaux de la Mission l’ont montré, la période transitoire est loin d’être achevée : des progrès considérables restent à accomplir afin que l’outil que constitue la loi organique produise tous ses effets bénéfiques, qu’il s’agisse de l’autonomie réelle des gestionnaires locaux ou de la fiabilisation des outils de mesure de la performance. La mise en production du progiciel de gestion budgétaire et comptable Chorus reste un point de passage obligé malaisé à franchir. L’audition sur ce thème, par la commission des Finances, de MM. Christian Babusiaux, Philippe Parini et Jacques Marzin, le 22 juin 2010, à laquelle les membres de la Milolf ont pris une part active, l’a éloquemment montré (4).

Or la situation de nos finances publiques qui accentue les contraintes budgétaires, associée au rythme très soutenu des réformes depuis 2007, est porteuse d’un risque, souligné par de nombreux observateurs. Comme le président du Comité interministériel d’audit des programmes (CIAP) l’a souligné lors de son audition par la Mission : « Le train de la RGPP risque de cacher le train de la LOLF ! ».

Pour sa part, dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l’État en 2009 (mai 2010, p. 124), la Cour des comptes note à ce propos que « la modernisation de l’administration a été engagée sans lien véritable avec la LOLF ».

Force est de constater que la rationalisation des missions et services de l’État, orchestrée par la révision générale des politiques publiques (RGPP), vient parfois en contradiction avec les acquis et les objectifs de la LOLF. Quelle marge de manœuvre reste-t-il au gestionnaire quand la RGPP est suivie d’une recentralisation des décisions au sein des ministères ? Comment parvenir notamment à la mise en œuvre d’une véritable gestion locale des ressources humaines dans le contexte général du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite ? Comment ne pas craindre que le dialogue de gestion se réduise à une procédure formelle, d’ailleurs concentrée sur le volet budgétaire au détriment du volet performance ?

Le CIAP, dans son rapport d’activité relatif au sixième cycle d’audits réalisés entre septembre 2008 et juillet 2009, ayant dressé le constat, livre les éléments de la conciliation à trouver : « Face à ces risques, il importe de tenir les deux bouts de la chaîne, c'est-à-dire de faire en sorte que, tout en répondant aux défis de la contrainte budgétaire et des réformes structurelles, on continue à faire de la LOLF le cadre de référence de la modernisation de l'État ».

*

Partageant ces préoccupations, la Mission se devait de tenter l’examen des divergences possibles entre les réformes et la mise en œuvre de la LOLF, avant d’envisager les moyens de les surmonter.

Pour tenir compte de l’étendue du sujet, la Mission a privilégié une approche sous forme d’« étude de cas ». Comme les réformes en cours engagent de profondes mutations, tant de la gestion budgétaire déconcentrée que des relations entre l’État et ses opérateurs, deux thématiques déjà abordées à plusieurs reprises (5), il convenait de les suivre en priorité. D’où le choix de la Mission :

– la gestion budgétaire déconcentrée est examinée au regard de l’impact
– majeur – de la réforme de l’administration territoriale de l’État (RéATE) ;

– l’évolution des relations avec les opérateurs est illustrée par l’exemple spécifique des universités, qui bénéficient d’une attention particulière des pouvoirs publics ces dernières années (loi relative aux libertés et responsabilités des universités, plan « Campus », « investissements d’avenir » financés par le « grand emprunt », etc.).

LES RECOMMANDATIONS DE LA MILOLF

A.– SUR LA RÉFORME DE L’ADMINISTRATION TERRITORIALE DE L’ÉTAT ET LA LOLF

Recommandation n° 1 : Dans le cadre du dialogue de gestion à l’échelon déconcentré, éviter le recours aux dotations provisoires et faire des dotations notifiées en début d’exercice les dotations définitives.

Recommandation n° 2 : Prohiber, par une circulaire du Premier ministre, le « fléchage des crédits » déconcentrés depuis le niveau central.

Recommandation n° 3 : Promouvoir la gestion locale des crédits de personnel et donner enfin son essor à la fongibilité asymétrique.

Recommandation n° 4 : Renforcer le lien entre la performance des agents au regard des objectifs et indicateurs définis dans les PAP, et leur rémunération indemnitaire.

Recommandation n° 5 : Garantir un retour vers les agents d’une partie des gains obtenus grâce aux mutualisations mises en œuvre.

Recommandation n° 6 : Conditionner la création d’éventuels nouveaux programmes supports à la mise en œuvre effective d’une comptabilité analytique dans Chorus.

Recommandation n° 7 : Placer le Comité d’orientation stratégique de Chorus sous la responsabilité du Premier ministre.

Recommandation n° 8 : Mettre en œuvre un plan cohérent et massif de rattrapage de la formation des utilisateurs de Chorus.

Recommandation n° 9 : Actualiser l’évaluation du coût complet de Chorus et celle du retour sur investissement en tenant compte de toutes les difficultés rencontrées, des besoins réels en personnels et des coûts de fonctionnement de l’AIFE.

Recommandation n° 10 : S’assurer de la validité de la reprise des données et du bon fonctionnement des développements connexes avant de poursuivre le déploiement de Chorus.

B.– SUR LES FINANCEMENTS INNOVANTS DES UNIVERSITÉS
ET LA LOLF

Recommandation n° 11 : Fiabiliser le décompte des effectifs et doter les rectorats des outils permettant de s’assurer du respect des plafonds d’emploi.

Recommandation n° 12 : Prendre les mesures législatives et réglementaires permettant d’assurer le transfert effectif, avant le 31 décembre 2010, aux universités en ayant fait la demande, du parc immobilier mis à leur disposition par l’État, en précisant les conditions financières et juridiques de ce transfert.

Recommandation n° 13 : Clarifier le traitement réservé aux universités dans le nouveau cadre de pilotage des opérateurs l’État, en précisant en particulier les efforts demandés en vue de la maîtrise des dépenses courantes.

Recommandation n° 14 : Mieux prendre en compte, dans le système d’allocation des moyens en fonction des performances, les différences de taux d’encadrement, disciplinaire et administratif, d’une université à l’autre.

Recommandation n° 15 : Rendre compte, dans les documents budgétaires, de la place de la performance dans le pilotage du système universitaire et dans l’allocation des moyens aux universités.

Recommandation n° 16 : Préciser les conditions de l’éventuel retour financier aux universités bénéficiaires du plan Campus de l’équivalent de la rémunération du capital. Garantir aux universités bénéficiaires l’équivalent de la rémunération du capital de 3,7 milliards d’euros conservé depuis décembre 2007 sur le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État.

Recommandation n° 17 : Présenter au Parlement un calendrier actualisé et détaillé du déroulement prévisionnel de l’opération Campus.

Recommandation n° 18 : Préciser le mécanisme d’attribution des dotations en capital au titre des investissements d’avenir et les conditions de leur éventuelle reprise par l’État.

Recommandation n° 19 : Clarifier le rôle des PRES, en fonction de leurs différentes formes juridiques, dans la mise en œuvre des investissements d’avenir, en particulier des initiatives d’excellence, en élargissant leur socle de compétences minimales et en améliorant leur gouvernance.

Recommandation n° 20 : Assurer, dès le projet de loi de finances pour 2011, la bonne information du Parlement sur la mise en œuvre du plan Campus et des investissements d’avenir.

Recommandation n° 21 : Bâtir dès aujourd’hui des dispositifs d’évaluation a posteriori du plan Campus et des investissements d’avenir, en précisant les outils disponibles, les critères retenus et le rôle des différents acteurs.

I.– LA LOLF ET LA RÉATE : LE CROISEMENT DES RÉFORMES

La révision générale des politiques publiques (RGPP), lancée en 2007, est porteuse de nombreuses réformes, dont l’objectif général est de rationaliser l’organisation de l’État, d’en améliorer l’efficacité ainsi que la qualité du service rendue au citoyen.

Or, le Comité interministériel d’audit des programmes (CIAP) souligne, dans son rapport d’activité correspondant à son sixième cycle d’audits, réalisés de septembre 2008 à juillet 2009, le risque d’un recouvrement de la LOLF par les différentes réformes en cours, notamment celle concernant l’administration territoriale de l’État (RéATE). Du fait de cette floraison de réformes, l’image de la LOLF dans le paysage administratif français passe au second plan.

Cette préoccupation rencontre celle de la Mission d'information relative à la mise en œuvre de la LOLF qui, depuis 2006, s’intéresse à l’application de la loi organique dans les services déconcentrés de l’État. Une des questions nouvelles que pose la simultanéité de ces réformes est de vérifier comment la RéATE s’articule avec les nouvelles pratiques de gestion induites par la LOLF dans les services déconcentrés, et si elle permet notamment de dépasser l’apparente contradiction entre la logique horizontale – interministérielle – des besoins au niveau des territoires et la logique verticale – ministérielle – de la LOLF.

La RéATE, dont la mise en œuvre effective est tout à fait récente pour ce qui concerne sa dimension départementale, devrait s’achever en 2011 pour sa partie régionale. Cette réforme bouleverse le paysage administratif territorial de l’État et conduit les gestionnaires locaux à adopter des comportements nouveaux, à développer des nouvelles pratiques de dialogue de gestion et accentue les besoins interministériels, notamment pour ce qui concerne la gestion des crédits de fonctionnement.

Les auditions et déplacements effectués par la Mission ont également permis de faire le point sur le déploiement laborieux du système d’information financière de l’État Chorus dans les services déconcentrés.

A.– LA NOUVELLE ORGANISATION TERRITORIALE DE L’ÉTAT

1.– Une administration territoriale de l’État largement redessinée

Le Conseil des ministres du 23 juin 2010 a été l’occasion pour le Premier ministre de présenter un premier bilan de la réforme de l’administration territoriale de l’État.

Un des objectifs de cette réforme est de réorganiser le niveau régional de l’administration de l’État pour en améliorer la lisibilité et l’efficacité en matière de pilotage des politiques publiques. Le niveau régional devient ainsi le niveau de droit commun du pilotage des politiques publiques. Cette réorganisation s’est articulée autour de trois axes principaux :

● la réorganisation des services régionaux selon des périmètres de compétences correspondant globalement aux missions des ministères dans l’organisation gouvernementale ;

● la mise en œuvre de la nouvelle capacité régionale en matière de mutualisation des fonctions support, se traduisant notamment par le renforcement des secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR) ;

● l’affirmation du rôle du préfet de région comme pivot de l’organisation territoriale de l’État. À cet effet, le décret du 16 février 2010 a redéfini les compétences des préfets de région et de département. Désormais, le préfet de région a autorité sur les préfets de département dans le cadre de sa mission de pilotage des politiques publiques. Les préfets de département continuent cependant d’exercer une compétence générale dans certains domaines, notamment la sécurité, l’ordre public et le droit des étrangers.

Le niveau régional de l’administration est passé d’une vingtaine à huit structures régionales :

● la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) ;

● la direction régionale des entreprises, de la concurrence et de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) ;

● la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) ;

● la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF) ;

● la direction régionale de la culture (DRAC) ;

● l’agence régionale de santé (ARS) ;

● la direction régionale des finances publiques (trésorerie générale et services fiscaux) ;

● le rectorat d’académie.

Cette nouvelle organisation a été adaptée dans les régions spécifiques comme l’Île-de-France, la Corse et les régions d’outre-mer.

Par ailleurs, outre les directions régionales, le préfet de région s’appuie sur le secrétariat général pour les affaires régionales (SGAR), dont le rôle a été renforcé, notamment en ce qui concerne la coordination de la réforme de l’immobilier de l’État.

Le niveau départemental sous la responsabilité du préfet de département reste l’échelon de la mise en œuvre des politiques publiques et l’échelon de la proximité avec les usagers.

À l’exception de l’Île-de-France, de la Corse et de l’outre-mer, le nombre de structures de l’administration départementale de l’État a été réduit de plus d’une dizaine à deux ou trois selon les départements, en fonction des besoins et des spécificités locales. Ainsi, à côté de la préfecture, de l’inspection d’académie, de la direction départementale des finances publiques et des services chargés de la sécurité intérieure, deux ou trois directions départementales interministérielles (DDI) ont été créées dans chaque département :

● une direction départementale des territoires (DDT) ;

● une direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) ou dans les départements dont l’importance démographique ou les nécessités de la politique de la ville le justifie, une direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) et une direction départementale de la protection des populations (DDP).

Ces directions sont placées sous l’autorité directe du préfet de département, à l’exception de celles concernant les finances, l’éducation et l’inspection du travail.

En termes de calendrier, à l’échelon régional, le déploiement de l’ensemble des services sous l’autorité des préfets de région doit s’achever en 2011, avec la mise en place des dernières DREAL. À l’échelon départemental, près de deux ans auront été nécessaires pour aboutir à la « préfiguration » et au détail des organigrammes. Le 1er janvier 2010, le Gouvernement a nommé 208 directeurs de services départementaux déconcentrés.

Le Premier ministre a également indiqué, lors de sa communication en Conseil des ministres du 23 juin 2010, que la réorganisation des services s’accompagne d’une rationalisation sans précédent des implantations immobilières de l’État entraînant une réduction des surfaces de bureaux de 500 000 m² et d’importantes réductions de charges locatives.

Enfin, en matière de gestion des ressources humaines, la mise en place de « plateformes régionales interministérielles d’appui à la gestion des ressources humaines », dont le rôle est de développer la gestion prévisionnelle et interministérielle des emplois et des compétences à l’échelle régionale, devrait faciliter la mobilité des agents dans les services déconcentrés. Ces plateformes sont composées, selon la dimension des régions, de trois à cinq personnes, sous la responsabilité d’un directeur, chargé de mission.

Les crédits correspondants à ces plateformes sont inscrits, fort logiquement, sur la mission Direction de l’action du gouvernement sur un programme nouvellement créé à cet effet, Fonctionnement des directions départementales interministérielles (n° 333). C’est en effet au Premier ministre qu’incombe la responsabilité budgétaire de ces services à caractère interministériel. Leur inscription, au moins à titre transitoire, sur un programme spécifique garantit la meilleure information du Parlement.

Lors de son audition, l’ancien responsable de la Mission interministérielle pour la réforme de l'administration territoriale de l'État (MIRATE) a tenu à souligner l’importance de l’implication des plus hautes autorités pour l’aboutissement de cette réforme. À ses yeux, cette dernière n’a été possible que parce que la fonction de coordonnateur de la MIRATE a été légitimée au fur et à mesure des arbitrages rendus par l’Élysée et de Matignon. Tous les sujets, des plus stratégiques aux plus techniques, ont ainsi pu être abordés les uns après les autres.

2.– Une mise en œuvre complexe, marquée par de nombreuses difficultés

Si les premiers mois de mise en œuvre de la réforme ont révélé un certain nombre de difficultés, il ressort néanmoins des auditions et déplacements effectués par la Mission que le regroupement de certaines anciennes directions est le gage d’une meilleure anticipation sur de nombreux sujets, grâce aux complémentarités entre les différents réseaux.

Ainsi en région Rhône-Alpes, les regroupements opérés ont permis, selon les témoignages des responsables des différents services déconcentrés, une amélioration de la lisibilité de l’État et une clarification de la répartition des compétences entre la région et les départements. Une réflexion globale sur des investissements mutualisés a par ailleurs été conduite.

Cependant, la mise en œuvre de cette réorganisation se heurte à de nombreuses difficultés.

Parmi les principales, la multiplicité des interlocuteurs (responsables de programme – RPROG – et responsables de budget opérationnel de programme – RBOP –), la rationalisation incomplète des implantations immobilières, la diversité des calendriers et des modes de gestion ont constitué des obstacles forts aux entreprises de mutualisation et à la mise en œuvre des mobilités.

a) Multiplicité des interlocuteurs

Ainsi, les responsables des directions régionales regrettent de ne pas avoir d’interlocuteur unique, y compris pour la gestion des effectifs. À ce titre, l’exemple de la direction régionale des entreprises, de la concurrence et de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), soumise à quatre plafonds d’emplois non fongibles entre eux, est assez édifiant.

De même, les directions départementales interministérielles (DDI) dépendent de deux ou trois responsables de BOP et parfois plus : la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) peut dialoguer avec cinq responsables de BOP.

Le travail d’harmonisation effectué en région Rhône Alpes montre que les dépenses prises en compte dans les dotations de fonctionnement courant ne sont pas identiques selon les programmes. La base de calcul varie également : selon les cas, il est tenu compte des équivalents temps plein (ETP) ou des équivalents temps plein travaillés (ETPT), de l’effectif socle ou de l’effectif cible.

b) Complexité des modes de gestion

Au niveau régional, pour ce qui concerne les affectations dans les services, certains directeurs doivent d’abord tenir compte de la mission sur laquelle est affecté l’agent avant d’examiner son profil, sa compétence ou son adéquation au poste.

Pour ce qui concerne la mutualisation des fonctions support, les efforts entrepris par les nouvelles directions régionales seront sans doute accentués lorsque les services centraux auront harmonisé les modalités de gestion des personnels et les périmètres des dépenses de fonctionnement.

Au niveau départemental, les problèmes de gestion des ressources humaines sont aggravés par le fait que la gestion statutaire ne relève pas de calendriers ou de règles identiques, qu’il s’agisse par exemple, des commissions administratives paritaires statuant sur les demandes de mutation, des règles d’avancements ou de la définition du temps de travail. Il arrive également que celui qui préconise une formation pour un agent en DDI n'est pas celui qui en supporte la charge financière, que le passage d’un agent d’un ministère sur des missions d’un autre ministère au sein d’une même direction nécessite une autorisation de niveau national.

De plus, les directeurs de DDI sont également confrontés à la diversité des critères de dotation en crédits de fonctionnement.

La création des DDI a par ailleurs naturellement accru les besoins de mutualisation des fonctions supports. Cette mutualisation nécessite une certaine proximité, qui dépend évidemment de la rationalisation en cours des implantations immobilières. Elle suppose également des niveaux de gestion convergents : or, les DDI sont issues de services interrégionaux (par exemple la direction générale de la Concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), régionaux ou départementaux.

Des mutualisations sont d’ores et déjà entreprises lorsque les conditions d’implantation s’y prêtent dans les domaines suivants : standard, services de courrier.

Pour atténuer les inconvénients des implantations éclatées, la Mission interministérielle pour la réforme de l'administration territoriale de l'État (MIRATE) a encouragé la mise en œuvre d’équipes transversales qui commencent à émerger, notamment sur les fonctions informatiques.

c) Implantations immobilières à rationaliser

Les problématiques immobilières restent très importantes, avec des conséquences évidentes sur les modalités de gestion. Ainsi, en région Rhône Alpes, les nouveaux services issus de la RéATE n’ont pu être regroupés dans des sites uniques dès le 1er janvier 2010. De ce fait, les organisations ont dû s'adapter pour la gestion des flux administratifs notamment pour le courrier ou les procédures de signature.

Il a été signalé à la Mission que cette réorganisation a également engendré une certaine perte de repères chez les agents. Les causes peuvent en être recherchées dans les compétences des agents transférés, une certaine grogne sociale due à la refonte des règlements intérieurs, des primes et des statuts, un manque de lisibilité sur les procédures à suivre pour accompagner les mouvements des personnels et enfin la refonte des circuits de responsabilités et de gestion.

B.– LES NOUVELLES MODALITÉS DE GESTION DES SERVICES DÉCONCENTRÉS : LES INNOVATIONS DE LA LOLF À L’ÉPREUVE DE LA RÉATE

Le Guide pour les relations de travail entre le niveau régional et le niveau départemental diffusé par la MIRATE le 26 mars 2010 réaffirme que la nouvelle organisation territoriale de l’État ne remet en cause, ni la fonction de transversalité des préfets (article 72 de la Constitution), ni la fonction verticale ministérielle de pilotage des politiques publiques sectorielles (article 34 de la LOLF).

À l’évidence, la RéATE ne permet pas, par elle-même, de dépasser la contradiction apparente entre la logique horizontale, interministérielle des besoins au niveau des territoires et la logique verticale, ministérielle de la LOLF.

Mais la RéATE agit plutôt comme un révélateur, en mettant davantage en relief le caractère étanche des verticalités ministérielles, et la difficulté – tant structurelle que culturelle – des administrations centrales à travailler dans un cadre interministériel.

Si des progrès ont été accomplis dans certains domaines, notamment en ce qui concerne les modalités du dialogue de gestion, des pratiques anciennes inadaptées ont ressurgi comme les notifications tardives de crédits, alors que d’autres perdurent comme le fléchage des crédits depuis les administrations centrales. Enfin, les difficultés de gestion courante des DDI ont été prises en compte avec la création d’un programme dédié aux crédits de fonctionnement de ces nouvelles directions interministérielles.

1.– Les progrès accomplis dans le dialogue de gestion

En 2008, la Mission avait recommandé de renforcer la collégialité du dialogue de gestion, en y associant en particulier le niveau départemental.

Pour ce qu’a pu constater la Mission à l’occasion de ses auditions et de son déplacement en région Rhône-Alpes, cette recommandation semble avoir été entendue. Le Guide pour les relations de travail entre le niveau régional et le niveau départemental précise le sens et les principes du dialogue de gestion et dessine également des nouvelles modalités de dialogue de gestion qui si elles restent évidemment à inventer, prévoient explicitement la participation accrue du niveau départemental : « Les pré-CAR doivent être préparés en amont par un dialogue de gestion entre RBOP et DDI, auquel est associé le préfet de département, ainsi qu’un échange technique entre les directeurs régionaux - RBOP – dont relève une même DDI. »

Les procédures mises en œuvre en région Rhône-Alpes sont une bonne illustration de ces nouvelles modalités où responsables de niveau régional et départemental œuvrent en toute collégialité, et où le rôle de chacun est en principe clairement identifié.

LES MODALITÉS DE DIALOGUE DE GESTION EN RÉGION RHÔNE-ALPES

Le préfet de région anime le Comité de l’administration régionale (CAR) qui doit être un lieu d’échange permettant un pilotage régional adapté aux besoins et particularités des départements.

Afin de prendre en compte les spécificités du dialogue de gestion territorial liées au caractère interministériel des DDI, des conférences multi BOP sont organisées par le Secrétaire général pour les affaires régionales (SGAR), qui coordonne par ailleurs l’élaboration d’outils d’aide à la constitution des budgets de fonctionnement des DDI.

Le SGAR suit la procédure d’élaboration des BOP et l’état du dialogue de gestion entre les responsables de BOP (RBOP) et les responsables de programmes (RPROG). Il propose la détermination de BOP à enjeux au niveau régional, indique aux RBOP les modalités harmonisées de présentation de leur projet, et tient un tableau de bord pour l’examen des projets de BOP au Comité de l’administration régionale (CAR). Les projets de BOP sont adressés par le SGAR aux RPROG accompagnés de l’avis du préfet de région.

Le dialogue RBOP / Responsable d’UO a généralement lieu lors des collèges de directeurs ou comités techniques régionaux. Les DDI y sont conviés sous couvert des préfets de département. Une information sur le calendrier, l’ordre du jour et le compte rendu doit être communiquée au SGAR pour mise en ligne sur le système d’information territorial.

Le préfet de département organise des réunions avec les directeurs des DDI où le processus d’élaboration des UO est abordé de façon centrale. Il établit la liste consolidée de tous les agents affectés en DDI.

Le dialogue de gestion entre DDI et RBOP a lieu sous son couvert, il est informé de la tenue des réunions organisées par les RBOP, directement et par la mise en ligne des informations sur le système d’information territorial. Pour les aspects très techniques, les discussions se tiennent en direct entre le RBOP et les responsables d’UO. Le préfet de département participe également aux réunions organisées par le SGAR (conférences multi BOP) et est consulté sur les projets de BOP lors des CAR.

Les services régionaux concernés par les mêmes DDI ont harmonisé leur calendrier afin d’éviter de trop fréquents déplacements aux responsables.

Cependant la qualité d’une organisation dépend des pratiques et des individus. Un guide, pour utile qu’il soit, ne saurait suffire pour assurer un dialogue de gestion efficace et satisfaisant.

La persistance des pré-notifications et notifications tardives constatées ces dernières années nuisent à la conduite du dialogue de gestion local et ne permettent pas toujours d’organiser dans des délais acceptables la consultation du CAR et du contrôle financier.

De plus, les dotations notifiées en début d’exercice ont tendance à devenir des dotations provisoires qui sont ensuite modifiées plusieurs fois, alors que la réserve de précaution votée en loi de finances initiale et la mise en œuvre de la réserve de budgétisation du budget pluriannuel étaient censées y mettre fin. Cette pratique, qui se rapproche des pratiques antérieures à la LOLF, nuit évidemment à la qualité du pilotage.

Recommandation n° 1 : Dans le cadre du dialogue de gestion à l’échelon déconcentré, éviter le recours aux dotations provisoires et faire des dotations notifiées en début d’exercice les dotations définitives.

2.– La RéATE impose une vigilance accrue de la part du contrôleur financier

La mise en œuvre de nouvelle organisation territoriale n’a pas modifié profondément l’action du contrôleur financier en région. Ce dernier continue d’appliquer les référentiels de contrôle des engagements de dépenses sur une base ministérielle.

Cependant les réorganisations associées à la RéATE entraînent de nouvelles architectures budgétaires liées à la création des DDI, notamment pour la gestion des dépenses de fonctionnement mutualisées (cf. infra). Les circuits budgétaires se complexifient et nécessitent de la part du contrôleur financier une vigilance accrue pour prévenir les risques et garantir en toutes circonstances la soutenabilité et la maîtrise des budgets déconcentrés.

3.– L’autonomie réelle des responsables locaux reste toute relative

Du fait des très fortes contraintes budgétaires, les responsables de programme, par prudence, sont conduits à « flécher » les crédits qu’ils délèguent aux responsables de BOP. Ces pratiques réduisent considérablement les marges de manœuvre. L’esprit de la LOLF est difficile à faire vivre dans un contexte d’extrême tension budgétaire.

C’est pourquoi la fongibilité des crédits reste en pratique d’un usage pour le moins marginal. La RéATE, qui ne peut être tenue pour responsable de cette situation, n’a pas permis de lever les obstacles à la fongibilité.

Celle-ci n’est réellement opérationnelle que lorsque le gestionnaire conserve un réel pouvoir de redéploiement. Or les budgets alloués, de plus en plus contraints, sont seulement ajustés en fonction de la couverture des engagements obligatoires, donc de plus en plus rigides.

La Mission est donc conduite à réitérer l’une de ses recommandations de 2008, visant à mettre fin à ces pratiques dommageables.

Recommandation n° 2 : Prohiber, par une circulaire du Premier ministre, le « fléchage des crédits » déconcentrés depuis le niveau central.

En ce qui concerne plus particulièrement la fongibilité asymétrique, les crédits de personnels sont désormais gérés soit au niveau central, soit délégués au niveau régional en fonction des prévisions de consommation. Le pilotage local des effectifs est effectué dans un cadre très contraint, déterminé par les administrations centrales.

Recommandation n° 3 : Promouvoir la gestion locale des crédits de personnel et donner enfin son essor à la fongibilité asymétrique.

Il est à craindre que le manque d’autonomie des responsables locaux participe à l’impression que le dialogue de gestion est un exercice purement formel.

4.– La RéATE ne facilite pas en soi une meilleure intégration de la performance dans la gestion budgétaire

La déclinaison au niveau local des objectifs et indicateurs décrits dans les projets annuels de performances (PAP) et les rapports annuels de performances (RAP) révèle qu’ils ne sont pas toujours adaptés à la réalité du terrain. La performance nécessite que les priorités stratégiques, les objectifs à atteindre soient définis et déclinés par le préfet en fonction des priorités territoriales.

Des initiatives locales cherchent à prendre davantage en compte la performance, en tant qu’outil de gestion des politiques publiques.

L’application Internet intitulée « Œdipe partagé », mise en œuvre dans la région Rhône-Alpes pour suivre la performance budgétaire des BOP (suivi de la consommation en autorisations d’engagement et crédits de paiement) et mesurer les résultats obtenus, est une illustration de cette volonté. L’ensemble des acteurs régionaux peut accéder à ce suivi, notamment le contrôleur financier. Mensuellement, à partir du mois d’avril, un tableau de bord est mis en ligne sur le système d’information territorial (SIT). La diffusion du bilan annuel tiré de cette application permet de participer au cercle vertueux initié par la LOLF.

Cependant la LOLF n’ayant pas introduit de lien direct entre la performance des acteurs et le montant des dotations qui leur sont allouées pour la conduite des politiques publiques, le risque est réel que la notion de performance s’efface en raison d’une réduction mécanique des crédits et des effectifs.

En ce qui concerne les dispositifs de rémunération à la performance, le regroupement opéré au sein des DDI par la RéATE n’a rien changé aux dispositifs indemnitaires, actuellement déployés dans les services de l’État sur le modèle de la prime de fonction et de résultat (PFR). La généralisation à l’ensemble des services de l’État, à compter du 1er janvier 2012, doit permettre de connecter les résultats attendus des agents aux objectifs globaux pour fixer la part modulable des primes liée aux résultats.

Actuellement les dispositifs de rémunération à la performance ne sont pas liés aux objectifs et indicateurs des PAP et RAP mais aux objectifs individuels fixés par le supérieur hiérarchique direct lors de l’entretien annuel d’évaluation.

Recommandation n° 4 : Renforcer le lien entre la performance des agents au regard des objectifs et indicateurs définis dans les PAP, et leur rémunération indemnitaire.

Par ailleurs, bien qu’il ne s’agisse pas à proprement parler de rémunération à la performance au sens de la LOLF, l’ancien responsable de la MIRATE a regretté, lors de son audition par la Mission que les gains et les revalorisations catégorielles soient déconnectés des économies permises par les réformes et ne soient pas identifiables par les agents qui les mettent en oeuvre. La Mission estime effectivement qu’il convient de mieux utiliser ce puissant levier d’adhésion à la réforme.

Recommandation n° 5 : Garantir un retour vers les agents d’une partie des gains obtenus grâce aux mutualisations mises en œuvre.

5.– La modification attendue de la maquette budgétaire : la création d’un programme regroupant les crédits de fonctionnement courant des DDI

Les premiers mois de fonctionnement des DDI ont démontré la difficulté de concilier ces nouvelles directions interministérielles, acteurs uniques de la dépense, avec la pluralité des programmes et BOP dont ils reçoivent les crédits. À titre d’exemple, pour les directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP), les crédits émanent de cinq programmes et cinq BOP différents.

Les solutions proposées aux ministères pour la gestion mutualisée des crédits (délégation de gestion, provision pour mutualisation, multi imputation que permet le système Chorus) ont atteint leur limite dans un contexte de généralisation complète.

La création d’un programme support relevant de la responsabilité du Premier ministre doit permettre de surmonter cette réelle difficulté de gestion courante. D’après les informations adressées au Parlement à l’occasion du débat d’orientation des finances publiques, le nouveau programme n° 333 doit être créé dans le projet de loi de finances pour 2011 au sein de la mission Direction de l’action du Gouvernement, afin de regrouper l’ensemble des crédits de fonctionnement dès le vote de la loi de finances initiale.

La création de ce nouveau programme correspond à un véritable consensus, comme l’ont confirmé les besoins exprimés par les préfets et les DDI devant la Mission au cours de son déplacement en région Rhône-Alpes.

Faudra-t-il aller plus loin ? Certains gestionnaires locaux souhaitent poursuivre la réflexion afin d’inclure également dans ce programme la gestion des effectifs. Au cours de son audition le 28 avril dernier, le directeur du Budget a informé la Mission que la possibilité de créer un programme spécifique pour la gestion des crédits immobiliers était à l’étude.

Si le nouveau programme respecte la forme de la LOLF, notamment la contrainte de rattachement à un seul ministère, il s’en éloigne aussi, dans la mesure où il rend plus difficile, par construction, l’évaluation du coût d’une politique publique. Le budget de fonctionnement étant dissocié des crédits d’intervention et d’investissement, la notion de coût réel d’une politique publique devra donc être reconstruite a posteriori.

En l’absence d’une véritable comptabilité analytique, la généralisation de Chorus en 2011 aurait dû faciliter cette restitution, notamment grâce à la fonctionnalité d’analyse des coûts constatés qu’il propose. Malheureusement, les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de l’outil laissent planer un doute sur le respect de cette disposition, pourtant prévue par la LOLF.

Recommandation n° 6 : Conditionner la création d’éventuels nouveaux programmes supports à la mise en œuvre effective d’une comptabilité analytique dans Chorus.

6.– Le déploiement laborieux de Chorus

Le système d’information financière Chorus doit permettre à l’État de disposer d'un outil unifié et fiable retraçant en temps réel l'ensemble des opérations affectant les finances publiques. Il doit assurer un suivi performant de la dépense et disposer à terme d’une comptabilité analytique.

Or depuis 2006, la Cour des comptes constate chaque année, à l’occasion de la certification des comptes de l’État, les dommages dus au retard dans la mise à jour des systèmes d’information financière de l’État. Ce sujet est ainsi la première des huit réserves substantielles formulées par le Cour des comptes sur la certification des comptes de l’exercice 2009.

Lors de ses précédents travaux, la Mission a régulièrement souligné l’importance de Chorus dans la mise en œuvre pleine et entière de la LOLF. Son dernier rapport d’information « Chorus au cœur de la LOLF » publié en juillet 2009, présentait ainsi 21 propositions pour notamment renforcer la gouvernance de Chorus, en maîtriser ses fonctionnalités, en actualiser ses coûts et tenir son calendrier de déploiement, alors prévu pour le début 2011.

Force est de constater, sur la foi des témoignages recueillis par la Mission au cours du premier semestre 2010, que ce projet souffre de nombreuses critiques. Il ne s’agit pas dans le cadre du présent rapport de faire simplement écho aux difficultés rencontrées par certains ministères, dont celui de la Défense, pour payer nombre de fournisseurs. Les députés membres de la Mission ont bien entendu, à ce sujet, les explications avancées par le directeur de l’AIFE qui, lors de son audition par la commission des Finances dans le cadre de l’examen du projet de loi de règlement pour 2009, imputait la principale raison de ces retards de paiement à une mauvaise reprise dans Chorus des données gérées dans les anciens systèmes. De son point de vue « malgré ces défauts de jeunesse, qu’il faut distinguer de ceux liés à la bascule, l’outil informatique fonctionne correctement. Les bogues ont été peu nombreux et rapidement corrigés. »

Cependant les nombreuses difficultés constatées lors de la mise en place de Chorus dans les services déconcentrés de l’État contredisent le bilan en forme de satisfecit dressé par l’AIFE.

Ces difficultés sont très variables selon la phase d’implantation des organisations. Le florilège dont il est fait état dans l’encadré suivant a été constitué par les services déconcentrés de la région Rhône-Alpes. Les membres de la Mission savent d’expérience que, les mêmes causes produisant les mêmes effets, des difficultés identiques surviennent sur l’ensemble du territoire.

Trois natures de problèmes ont été relevées :

– un manque de formation et d’accompagnement des utilisateurs ;

– un certain nombre de dysfonctionnements techniques ;

– les difficultés liées à la concomitance du déploiement de Chorus et de la mise en œuvre de la nouvelle organisation territoriale.

SYNTHÈSE DES RETOURS D’EXPÉRIENCE DU DÉPLOIEMENT DE CHORUS
EN RÉGION RHÔNE ALPES

Constats des services dont la gestion de la dépense est déjà assurée partiellement ou totalement par Chorus

● Une formation et un accompagnement insuffisant

Il ressort des témoignages recueillis par la Mission que l’appropriation de cet outil par les agents est particulièrement complexe d’autant plus que la formation initiale est jugée notoirement insuffisante. Il apparaît également nécessaire d’assurer un accompagnement par de la formation continue et l’assistance de prestataires spécialisés.

Les services confrontés à ces difficultés jugent que les quotas de droit à formation ont été sous estimés par l'Agence pour l'informatique financière de l'État (AIFE), alors que seuls les agents ayant suivi une formation sont habilités à travailler sous Chorus. Il semblerait même que l’assistance ait cessé alors que certains agents n’avaient pas obtenu leur habilitation.

Or, les organisations chargées du suivi et de l’assistance aux utilisateurs, mises en place dans les services centraux, ont une grande influence sur la rapidité de l’appropriation de l’outil par les services déconcentrés. Ainsi pour les préfectures, l'appui permanent de la mission Chorus de la direction de l'Évaluation, de la performance et des affaires financières et immobilières (DEPAFI) a été jugée efficace.

● Un apprentissage technique d’autant plus complexe qu’il se confronte à la mise en place d’une nouvelle organisation

Au-delà de l’apprentissage à un nouvel outil, les agents ont dû s’adapter à une nouvelle organisation. Or, plus la réforme organisationnelle est complexe et profonde, moins la mise en œuvre de Chorus est satisfaisante.

Ainsi par exemple, le ministère de l’Intérieur a mis en place, dans un premier temps, des plates-formes départementales. Cette organisation a permis une bonne mobilisation des agents. Ceux-ci provenaient des anciens services financiers et disposaient d’une compétence certaine. Par ailleurs, le recrutement s’est avéré aisé. Enfin, l’utilisation des anciens schémas lorsque cela était possible a débouché sur une organisation rapidement opérationnelle.

Le ministère de l’Écologie et celui de l’Agriculture ont eux, mis en place des organisations régionales mutualisées totalement nouvelles. Cette réorganisation lourde occasionne des difficultés liées au recrutement, à l’implantation géographique, à la préparation des locaux, à la création d’une culture commune indispensable à la solidarité, à la transmission des savoirs.

● Les rigidités et insuffisances du progiciel SAP

Le fonctionnement interne de Chorus impose que chaque agent se voit attribuer un rôle, dont les paramètres déterminent les droits d’accès aux informations ainsi que la nature des opérations qu’il est habilité à effectuer.

Or, que ce soit par manque d’information ou de formation et dans l’obligation d’apporter une réponse rapide, ces rôles ont parfois été attribués sans en connaître totalement les conséquences. Cela a été la source d’erreurs de paramétrage qui n’ont pas été corrigées, principalement faute de moyens suffisants de la part de l’AIFE.

Par ailleurs l’outil souffre d’un manque de disponibilité lié aux horaires d’ouverture, aux opérations de maintenance, et surtout aux difficultés de connexions (délais, déconnexions intempestives).

Les attentes sur les restitutions demeurent fortes, surtout pour fiabiliser le suivi des consommations. Pour compenser leur mauvaise qualité, les services gèrent en parallèle des tableaux excel.

L’outil prévoit peu de contrôles bloquants. La fongibilité totale permise impose de revoir le périmètre de certains BOP (exemple : BOP 307 administration territoriale » avec les crédits assistance technique des fonds européens).

Avec la V6 de Chorus, il ne sera plus possible de procéder au versement des subventions par mandat collectif comme dans NDL. Les préfectures estiment que la charge de travail sera alors dix fois plus importante.

Le retour d’information sur les anomalies doit être amélioré.

● Le retard dans la mise en œuvre des développements spécifiques

Les interfaces prévues par certains ministères n’ont pas été disponibles dans les délais impartis et la mise en place des formulaires proposés par l’AIFE a, sans cesse, été repoussée.

Les craintes des services qui débuteront la gestion de la dépense sous Chorus en janvier 2011

● Les difficultés de recrutement

La création de plateformes régionales (DRFIP), interrégionales (SGAP) voire nationales (Douanes) nécessite un apport important en personnel dans des services qui seront généralement implantés à Lyon.

L’expérience de la plate forme DREAL montre que ces recrutements sont particulièrement difficiles. En effet, la gestion très centralisée des plafonds d’emplois par les ministères freine la mobilité interministérielle des agents. De plus, le mode de recrutement dans la fonction publique a favorisé les profils juridiques au détriment des profils comptables. Enfin, les agents susceptibles d’être intéressés par les nouveaux métiers financiers offerts par les plateformes sont généralement peu mobiles.

Ces difficultés imposent qu’un effort particulier soit entrepris pour augmenter l’attractivité des postes proposés et faciliter le redéploiement d'effectifs existants.

Enfin, certains services contributeurs aux plateformes interministérielles considèrent que les effectifs prélevés sont trop nombreux, compte tenu des tâches qu’ils doivent continuer à assurer (6).

● Un calendrier tendu

Tout doit être géré sous Chorus au 1er janvier 2011. Les services craignent que la fin de gestion 2010 et le début d’exercice 2011 soient difficiles, notamment en raison du basculement de nombreux de BOP, de la nécessité d’assurer les opérations de gestion (paiements, traitement des opérations reportées et en cours) alors que la formation des agents ne sera pas achevée.

● L’implantation des plateformes

Dans un contexte de rationalisation des implantations immobilières, les solutions pour installer correctement ces nouveaux services de taille importante sont nécessairement plus compliquées.

● La gestion des crédits d’intervention

L’utilisation de Chorus pour la gestion des crédits d’intervention, notamment dans le domaine de l’emploi, devra être parfaitement maîtrisée, compte tenu du caractère très sensible de ces dispositifs (activité partielle par exemple). Or les expériences actuelles semblent avoir porté davantage sur la gestion de crédits de personnel et de fonctionnement.

Compte tenu de ces difficultés et des questions qu’elles soulèvent, la Mission ne peut que regretter que ses recommandations de juillet 2009 (7), dont la liste récapitulative est reprise en annexe n° 2 du présent rapport, n’aient pas été mises en œuvre.

La Mission insiste particulièrement sur la question de la gouvernance du projet. L’AIFE, chargée de la construction et de la maintenance de Chorus, conduit ses travaux sous l’autorité du comité d’orientation stratégique (COS). Le COS est actuellement placé auprès du ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique. Cette structure de gouvernance des systèmes d’information budgétaire, financière et comptable de l’État associe les directeurs des affaires financières des ministères, les directeurs du Budget, des Finances publiques (DGFiP), de la Modernisation de l’État et des Affaires juridiques ainsi que des représentants des services déconcentrés. Or, la Mission avait dénoncé le caractère essentiellement technique de cette gouvernance.

Afin de mieux prendre en compte la dimension interministérielle du projet Chorus et pour en souligner l’importance non seulement technique mais également politique, la Mission préconise de placer le COS auprès du Premier ministre. Ce changement de rattachement doit s’accompagner d’une réelle « reprise en main » du pilotage du projet à l’échelon politique.

Recommandation n° 7 : Placer le Comité d’orientation stratégique de Chorus sous la responsabilité du Premier ministre.

Le projet Chorus est, de l’aveu même du directeur de l’AIFE, le plus important projet SAP au monde. Sans mettre en doute la qualité des équipes en charge de ce gigantesque projet, la nature des difficultés rencontrées témoigne du caractère incomplet de l’évaluation préalable des besoins que ce soit en termes de formation des utilisateurs, en termes de définition de leurs habilitations ou encore pour ce qui concerne les procédures de reprise des données des anciens systèmes.

La Mission s’étonne que 200 millions d’euros selon M. Jacques Marzin, directeur de l’AIFE, aient été dépensés avec si peu de fruit pour la formation des utilisateurs de Chorus.

Recommandation n° 8 : Mettre en œuvre un plan cohérent et massif de rattrapage de la formation des utilisateurs de Chorus.

Ces difficultés ont engendré des délais supplémentaires, mobilisé des ressources imprévues qui se traduisent nécessairement par un coût supplémentaire et un impact sur l’évaluation du retour sur investissement du projet.

L’analyse multicritère de projets informatiques fondée sur la méthode MAREVA figurant dans le rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement pour 2009 estime le coût complet de Chorus à 1 009 millions d'euros sur la période 2006-2015, soit une estimation inférieure à celle retenue dans le scénario initial qui était de 1 110,4 millions d'euros. Compte tenu des dysfonctionnements observés, cette nouvelle estimation mérite des explications détaillées. En l’état actuel de ses connaissances, la Mission constate que le Parlement n’est pas suffisamment informé.

Recommandation n° 9 : Actualiser l’évaluation du coût complet de Chorus et celle du retour sur investissement en tenant compte de toutes les difficultés rencontrées, des besoins réels en personnels et des coûts de fonctionnement de l’AIFE.

Par ailleurs, il convient d’ores et déjà de s’assurer de la validité de la reprise des données avant le déploiement de la prochaine version de Chorus (V6) prévue en janvier 2011.

Les conséquences d’une pause dans le calendrier de déploiement mériteraient d’être évaluées, dans l’hypothèse où apparaîtraient des doutes sur la conformité des informations reprises dans Chorus au moment du basculement.

De même, il convient de s’assurer du bon fonctionnement des développements connexes au projet (formulaires, interfaces) pour ne pas reproduire les situations malheureusement rencontrées, conduisant les services à effectuer de la double saisie ou à utiliser un logiciel bureautique de type tableur.

Recommandation n° 10 : S’assurer de la validité de la reprise des données et du bon fonctionnement des développements connexes avant de poursuivre le déploiement de Chorus.

II.– LES FINANCEMENTS INNOVANTS DES UNIVERSITÉS :
L’EXIGENCE D’UNE ADAPTATION À LA LOGIQUE DE LA LOLF

Souvent mis en exergue par la Mission, l’enjeu budgétaire que représentent les opérateurs de l’État ne se dément pas. La Cour des comptes notait récemment qu’entre 2008 et 2009, les dépenses des organismes divers d’administration centrale (ODAC), notion proche de celle d’opérateur de l’État, avaient augmenté de 11 % en en volume, dont 9,8 % pour leurs seules dépenses de fonctionnement (8).

En 2010, les crédits versés par l’État à ses opérateurs s’établissent à environ 34 milliards d’euros (9), soit près de 12 % des dépenses nettes du budget général. Les opérateurs du secteur de la recherche et de l’enseignement supérieur mobilisent environ 53 % de ce montant, soit 18,1 milliards d’euros. Cette proportion atteint 69 % au sein des seules subventions pour charges de service public versées par l’État (voir le tableau ci-après).

CRÉDITS VERSÉS AUX OPÉRATEURS EN 2010 :
LA PLACE PRÉPONDÉRANTE DE LA MISSION RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

(en millions d’euros)

 

Budget général de l’État

Mission Recherche et enseignement supérieur

 

En M€

En %

Subventions pour charges de service public

24 543

16 877

69

Transferts

9 312

941

10

Dotations en fonds propres

285

276

97

Total Opérateurs

34 140

18 095

53

Source : annexe budgétaire « Opérateurs de l’État », projet de loi de finances pour 2010.

Les universités, auxquelles la Mission s’est plus particulièrement intéressée cette année, représentent à elles seules 40 % des crédits versés aux opérateurs en 2010 par la mission Recherche et enseignement supérieur (MIRES) et 21 % de ceux alloués par l’ensemble du budget général (voir le tableau ci-après). L’augmentation des subventions pour charges de service public aux universités, dépenses du titre 3, constitue d’ailleurs l’un des corollaires du renforcement de l’autonomie des universités (10), du fait du transfert à leur profit de la masse salariale auparavant rémunérée par l’État (dépenses du titre 2).

CRÉDITS VERSÉS AUX OPÉRATEURS EN 2010 :
LA PLACE DÉTERMINANTE DES UNIVERSITÉS

(en millions d’euros)

 

 

en % de la MIRES

en % du budget général

Programme Formations supérieures et recherche universitaire

8 528

47

25

dont Universités et établissements assimilés

7 274

40

21

N.B. : Les pourcentages sont calculés par rapport à l’ensemble des crédits versés aux opérateurs par la MIRES ou par le budget général.

Source : annexe budgétaire « Opérateurs de l’État », projet de loi de finances pour 2010.

A.– LE CADRE RENOUVELÉ DES RELATIONS ENTRE L’ÉTAT ET LES UNIVERSITÉS

Les relations entre l’État et les universités s’inscrivent dans un cadre doublement renouvelé, du fait des récentes orientations valables pour l’ensemble des opérateurs et en raison du passage, pour un nombre croissant d’universités, au nouveau régime d’autonomie défini par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) du 10 août 2007.

1.– Une majorité d’universités autonomes

● Au 1er janvier 2009, on dénombrait 18 universités (11) ayant accédé au régime des responsabilités et compétences élargies en matière budgétaire et de gestion des ressources humaines défini par la loi LRU. S’y sont ajoutés, le 1er janvier 2010, 33 universités (12) et 6 établissements d’enseignement supérieur (13). Plus de 60 % des 83 universités françaises ont ainsi accédé au nouveau régime d’autonomie.

Ces nouvelles compétences concernent principalement :

– la gestion des ressources humaines. Le conseil d’administration de l’université fixe les principes régissant la répartition des obligations de service des personnels, ainsi que le régime des primes et des dispositifs d’intéressement. Les possibilités de recrutement d’agents contractuels sont assouplies ;

– l’attribution d’un budget global : le montant de la dotation de l’État est défini dans le cadre du contrat quadriennal, sous réserve des crédits votés en lois de finances. À l’exception de la masse salariale, les moyens de fonctionnement et d’investissement sont fongibles ;

– la gestion de la masse salariale, transférée de l’État aux universités (environ 5,3 milliards d’euros et 97 000 emplois pour les 51 universités concernées). À la différence des autres moyens de fonctionnement et des dépenses d’investissement, les montants prévus pour la masse salariale au sein de la dotation de l’État sont limitatifs et assortis d’un plafond d’emplois.

● Dresser le bilan de l’application de la loi LRU excéderait largement le champ du présent rapport. Il convient toutefois de signaler que le principal reproche enregistré par la Mission à propos de l’autonomie des universités porte sur l’insuffisante souplesse de gestion des effectifs.

Les marges de manœuvre en la matière demeurent limitées par la pratique, déjà constatée par la Mission à propos d’autres ministères, consistant à annuler des crédits de personnel non consommés, au motif que le plafond d’emploi de l’année n’a pas été « saturé ». Pourtant, lorsqu’un recrutement n’a pu être réalisé une année donnée du fait de contraintes de délais ou pour des raisons d’exigence scientifique, il apparaîtrait légitime que les crédits correspondants soient reportés sur l’exercice suivant et que le plafond d’emploi soit préservé.

Force est également de constater que, pour le Parlement, la lisibilité du nombre et de l’évolution des emplois rémunérés est encore loin d’être au rendez-vous. Les difficultés sont nombreuses : décompte des personnels tantôt en ETP, tantôt en ETPT (14) ; fiabilité des recensements ; changements de périmètre liés à l’accession d’universités aux compétences élargies ; complexité tenant à la coexistence d’emplois sous plafond ministériel, d’emploi sous plafond d’opérateur et d’emplois hors plafonds.

DÉCOMPOSITION DES EMPLOIS
DU PROGRAMME FORMATIONS SUPÉRIEURES ET RECHERCHE UNIVERSITAIRE

 

LFI 2009

LFI 2010

Plafond d’emploi ministériel (ETPT)

114 138

53 513

dont agents affectés auprès d’un opérateur

112 737

51 982

Plafond d’emploi des opérateurs (ETP)

52 047

113 535

Total des emplois plafonnés

166 185

167 048

Emplois hors plafonds (ETP)

6 372

11 281

dont universités et assimilés

5 260

8 496

Total des emplois

172 557

178 329

Source : Crédits votés, LFI 2010 ; annexe « Opérateurs de l’État », PLF 2010.

Rappelons en particulier que l’ensemble des emplois intégralement financés sur ressources propres des universités ayant opté pour le régime d’autonomie prévu par la loi LRU est exclu du plafond applicable aux opérateurs de la MIRES, y compris lorsqu’il s’agit d’emplois correspondant à des contrats à durée indéterminée (15). Le président de la troisième chambre de la Cour des comptes, M. Jean Picq, a néanmoins récemment souligné que « la zone de démarcation entre les emplois sous plafond et ceux hors plafond est une vaste zone grise qui peut être le lieu de dérapages » (16).

La fiabilisation du décompte des emplois doit donc être poursuivie. Il convient en outre d’améliorer les outils permettant aux autorités de tutelle de s’assurer, en exécution, du respect des plafonds d’emploi (17).

Recommandation n° 11 : Fiabiliser le décompte des effectifs des universités et doter les rectorats des outils permettant de s’assurer du respect des plafonds d’emploi.

● La loi LRU permet également de transférer aux établissements qui en font la demande la pleine propriété des bâtiments qui leur sont affectés ou mis à disposition par l’État. Il semble cependant que les règles de financement et les conditions juridiques de ce transfert du parc immobilier soient encore incertaines – alors même que neuf universités se sont, à ce jour, portées volontaires pour procéder à un tel transfert. Les difficultés à lever sont multiples : état du patrimoine à transférer ; modalités d’amortissement des biens transférés ; participation de l’État aux charges ; périmètre du transfert ; rôle des pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES), etc. (18)

Or, on ne peut que souscrire à l’analyse de la Cour des comptes dans son rapport public annuel de 2009, selon laquelle « il n’y aura de véritable autonomie que lorsque les établissements exerceront toutes les prérogatives du propriétaire, y compris celle d’acquérir ou d’aliéner des terrains et des bâtiments, et pourront développer une politique patrimoniale au service de leurs ambitions scientifiques et pédagogiques. Cette perspective, qui doit être la moins éloignée possible, nécessite toutefois que les universités soient rapidement en mesure de l’assumer pleinement et que l’État accompagne cette évolution à travers un pilotage réformé » (19). Il convient notamment de s’assurer au préalable que les universités disposent d’une « fonction immobilière » suffisamment structurée et d’outils de pilotage adaptés, soit en leur sein, soit au travers d’un mandat confié à un tiers.

Il est regrettable d’avoir attendu trois ans après la publication de la loi LRU pour s’apercevoir que l’article 762-2 du code de l’éducation, dans sa rédaction actuelle, ne permettait pas aux établissements d’enseignement supérieur de délivrer des droits réels sur le domaine de l’État, rendant impossible l’utilisation des contrats de partenariats par les universités et limitant singulièrement les ambitions d’autonomie en matière immobilière.

Recommandation n° 12 : Prendre les mesures législatives et réglementaires permettant d’assurer le transfert effectif, avant le 31 décembre 2010, aux universités en ayant fait la demande, du parc immobilier mis à leur disposition par l’État, en précisant les conditions financières et juridiques de ce transfert.

2.– Des opérateurs comme les autres ?

● À la fin de l’année 2009, M. Éric Woerth, alors ministre du Budget, a annoncé une série de mesures visant à promouvoir une « nouvelle gouvernance » des opérateurs de l’État. Formalisées par une circulaire du Premier ministre du 26 mars 2010, ces mesures prolongent certaines réformes antérieures (telles que le plafonnement en loi de finances des emplois des opérateurs ou le recensement de leur parc immobilier) et s’inscrivent pour la plupart dans le droit fil des recommandations formulées par la Mission dans ses précédents rapports. Au-delà de la traditionnelle tutelle ministérielle, la circulaire cherche ainsi à développer un « véritable pilotage stratégique » des opérateurs, au moyen de divers outils : lettres de mission des dirigeants, contrats de performance, rapports annuels, dispositifs de suivi de la performance etc.

La circulaire du Premier ministre, en outre, affirme que les règles de gestion et de maîtrise des dépenses mises en place ces dernières années pour l’État ont vocation à être étendues aux opérateurs :

– maîtrise des dépenses de personnel, par application de l’objectif de non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux ;

– modernisation de la gestion des ressources humaines, notamment pour la nomination et la rémunération des dirigeants ;

– optimisation de la gestion du patrimoine immobilier, en particulier par la transposition du ratio moyen d’occupation de 12 m2 de surface utile nette par agent servant aujourd’hui de référence pour l’État ;

– maîtrise des dépenses de fonctionnement, dans des conditions comparables à celles définies dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP).

● Toutefois, l’applicabilité de la circulaire du 26 mars 2010 aux opérateurs du secteur de la recherche et de l’enseignement supérieur n’est pas totale. S’il est bien mentionné que les principes qu’elle énonce « valent pour l’ensemble des opérateurs », la circulaire précise que leur application sera « adaptée aux spécificités de certains organismes », notamment les « établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel », ce qui vise notamment les universités et d’autres établissements d’enseignement supérieur (20).

Ce traitement particulier réservé aux universités n’a rien de surprenant, dès lors que celles-ci disposent d’un système de gouvernance spécifique, défini par la loi, rendant difficile la transposition littérale des outils de pilotage précités (lettres de mission, contrats de performance etc.). En revanche, au-delà des modalités de gouvernance des établissements, la question de l’application aux universités des règles de gestion et de maîtrise des dépenses mériterait d’être tranchée. Si, par exemple, les universités ont bénéficié en 2009 et 2010 d’un traitement particulier, les exonérant des efforts de maîtrise des effectifs demandés ailleurs (21), aucun arbitrage n’a jusqu’à présent été rendu pour les années suivantes (22).

Une telle clarification s’impose d’autant plus que les universités devraient prochainement bénéficier d’importantes ressources supplémentaires dans le cadre du plan « Campus » et du « grand emprunt » : il convient donc que les efforts demandés en contrepartie dans la maîtrise des dépenses courantes soient clairement définis, ne serait-ce que pour donner aux établissements une visibilité à moyen terme.

Recommandation n° 13 : Clarifier le traitement réservé aux universités dans le nouveau cadre de pilotage des opérateurs l’État, en précisant en particulier les efforts demandés en vue de la maîtrise des dépenses courantes.

B.– UNE DÉMARCHE DE PERFORMANCE EN COURS DE MUTATION

La diffusion de la culture de performance est un enjeu décisif dans le champ de la recherche et de l’enseignement supérieur. Dans le domaine universitaire, les évolutions récentes en la matière apparaissent tant au stade de l’allocation des moyens qu’au niveau de leur gestion.

1.– Des performances mieux prises en compte dans l’allocation des moyens

La prise en compte de la performance dans la détermination des moyens accordés aux universités a été renforcée par un nouveau modèle d’allocation des moyens, dénommé SYMPA (23).

Succédant au modèle SAN RÉMO (24) introduit en 1994, ce nouveau dispositif vise à une plus grande équité entre les universités et à la promotion d’une gestion efficiente et performante.

Le modèle SYMPA porte sur un champ beaucoup plus large que son prédécesseur. Par exemple, il inclut les moyens dédiés à la recherche, prend en compte l’université dans toutes ses composantes (notamment les IUT) et les crédits d’allocation de recherche. Il distingue, au sein des crédits alloués et des emplois autorisés aux universités, deux enveloppes principales, l’une consacrée à l’enseignement, l’autre à la recherche, chacune se décomposant en une part « activité » (80 %) et une part « performance » (20 %). S’y ajoutent deux enveloppes spécifiques, l’une spécialement consacrée au « plan Licence », l’autre dédiée à la compensation de l’équivalence entre TP et TD (25).

LES QUATRE ENVELOPPES CONSTITUTIVES DE LA DOTATION D’UNE UNIVERSITÉ

Il convient de souligner que le volet « performance » de chacune des grandes enveloppes peut lui-même être subdivisé en deux parts : une part (80 %) calculée directement par le modèle en fonction de critères nationaux (nombre de diplômés en master, notation des unités de recherche par l’AERES (26) etc.) ; une part (20 %) négociée dans le cadre du contrat quadriennal passé avec l’État.

Entré en vigueur en 2009, ce nouveau modèle a été amélioré en 2010, afin notamment de fiabiliser les données utilisées, d’affiner les paramètres retenus et d’ajuster le contenu des enveloppes (nouveau calibrage des moyens dédiés aux licences et aux masters dans l’enveloppe « enseignement », nouvelle pondération des étudiants de sciences humaines et sociales, de droit, d’économie et de gestion etc.).

Quoique perfectible, ce nouveau modèle s’inscrit incontestablement dans l’esprit de la LOLF, puisque la part des moyens attribués en fonction de la performance est portée à 20 %, à comparer avec seulement 3 % dans l’ancien système.

Deux principales séries de critiques sont néanmoins susceptibles d’être émises.

D’une part, la prise en compte de la performance demeure limitée. Elle est en particulier tempérée par l’existence d’une enveloppe d’environ 200 millions d’euros destinée à financer les « excédents d’initialisation ». En effet, lorsque la dotation calculée par le modèle SYMPA est inférieure à la dotation de référence de l’établissement (c’est-à-dire celle de l’année précédente, moyennant d’éventuels ajustements techniques), celui-ci bénéficie du versement d’un excédent d’initialisation lui permettant de conserver un montant au moins égal à sa dotation de référence. À l’inverse, lorsque le modèle SYMPA aboutit à une dotation théorique supérieure à la dotation de référence d’un établissement, ce dernier bénéficie d’une forte augmentation de ses moyens (dans la limite d’un plafond fixé chaque année).

En conséquence, destiné à permettre une évolution différenciée en fonction de la situation de chaque établissement au moment de la mise en place du nouveau modèle d’allocation des crédits, ce mécanisme d’initialisation réintroduit une dimension forfaitaire dans la détermination des dotations des universités.

D’autre part, l’inégalité des taux d’encadrement des universités est susceptible de biaiser leurs performances respectives telles que les mesure le modèle SYMPA. Par exemple, une université connaissant un faible taux d’encadrement ne peut consacrer à la recherche les mêmes moyens qu’une université mieux dotée, dans laquelle les enseignants-chercheurs sont moins sollicités pour des fonctions d’enseignement ou des tâches administratives. Cette problématique n’est aujourd’hui traitée qu’indirectement, par le mécanisme financier de compensation des « emplois manquants », destiné à articuler les dotations en emplois et en crédits attribués par le modèle SYMPA (27).

Pour la Conférence des présidents d’université (CPU), il conviendrait d’aller au-delà et de pondérer la performance « brute » (par exemple la notation des laboratoires de recherche attribuée par l’AERES) en la rapportant aux moyens initiaux de l’établissement. Cette mesure de l’« efficience » pourrait être utilisée comme base de référence pour le calcul d’une dotation spécifique et complémentaire en faveur des universités sous-dotées les plus performantes.

Recommandation n° 14 : Mieux prendre en compte, dans le système d’allocation des moyens en fonction des performances, les différences de taux d’encadrement, disciplinaire et administratif, d’une université à l’autre.

Si la prise en compte de la performance dans l’allocation des moyens semble globalement progresser, il n’en va pas de même de la restitution des résultats présentés dans les documents budgétaires soumis au Parlement. Le Rapporteur spécial des crédits de l’enseignement supérieur à l’Assemblée nationale, M. Laurent Hénart, qui a été associé aux travaux de la mission, préconise en ce sens que soit mise en évidence dans les rapports annuels de performances (RAP) la part des moyens alloués aux établissements d’enseignement supérieur en fonction de leurs performances (28).

Dans sa note sur l’exécution du budget de la MIRES en 2009, la Cour des comptes soulignait également que « le véritable problème ne se situe (...) pas dans la détermination du ministère à favoriser une politique de performances, mais dans sa capacité à en rendre compte dans ses documents budgétaires en format LOLF ». La principale lacune porte, selon la Cour, sur le manque de disponibilité et de fluidité des données : si « les performances de la MIRES dépendent totalement de celle de ses opérateurs (...), les dispositifs de contrôle de gestion et de remontée d’information entre les établissements et l’administration sont encore loin d’être harmonisés ».

Recommandation n° 15 : Rendre compte, dans les documents budgétaires, de la place de la performance dans le pilotage du système universitaire et dans l’allocation des moyens aux universités.

2.– Des performances mieux prises en compte dans la gestion

● S’agissant de la prise en compte de la performance dans la gestion « quotidienne » des universités, la Mission tire trois enseignements de ses travaux.

Premièrement, l’articulation entre les objectifs et indicateurs de performances des contrats quadriennaux et ceux des projets et rapports annuels de performances (PAP et RAP) ne semble pas poser de problème majeur, dès lors qu’un équilibre entre objectifs communs à tous les établissements et objectifs spécifiques à chaque université est généralement trouvé.

Deuxièmement, la place occupée par la performance dans le dialogue de gestion est très variable, qu’il s’agisse du dialogue interne à chaque université ou du dialogue entre l’administration centrale et les établissements. Si le second s’est incontestablement enrichi ces dernières années grâce à la refonte des contrats quadriennaux, les échanges spécifiquement relatifs à la performance restent insuffisants. La place prise par la performance dans les processus internes d’allocation des moyens est plus difficile à mesurer et, surtout, s’avère très inégale d’un établissement à l’autre : il apparaît en tout état de cause nécessaire que le dialogue de gestion interne s’inspire des évolutions récentes connues par le modèle d’allocation des dotations de l’État.

Troisièmement, l’évaluation de la performance globale des universités est indissociable d’une évaluation de la performance individuelle des universitaires. La principale évolution en la matière consiste en la création en 2009 (29) de la prime d’excellence scientifique, qui remplace l’ancienne prime d’encadrement doctoral et de recherche (30). Cette prime est attribuée, pour une durée de quatre ans renouvelables, aux enseignants-chercheurs « dont l’activité scientifique est jugée d’un niveau élevé par les instances d’évaluation » ainsi qu’aux chercheurs exerçant une activité d’encadrement doctoral. Elle varie de 3 500 euros à 15 000 euros par an en fonction des résultats de l’évaluation (31).

Selon les informations recueillies par la Mission, les crédits disponibles devraient permettre de financer environ 3 300 primes en trois ans, au montant moyen de 6 000 euros et, ainsi, de bénéficier à près de 20 % des chercheurs.

L’attribution de la prime est décidée par le président de l’université, sur la base de critères fixés par le conseil d’administration après avis du conseil scientifique. Pour les universités qui ne sont pas encore passées au régime des responsabilités et compétences élargies, l’instruction du dossier de candidature de l’enseignant-chercheur demeure néanmoins confiée à une instance nationale d’évaluation. Pour les universités déjà autonomes, cette consultation n’est que facultative : sur proposition du conseil d’administration, le président peut recueillir préalablement l’avis de l’instance nationale d’évaluation sur les candidats. De façon significative, le bilan de la campagne d’évaluation 2009 montre que sur les 18 établissements passés aux responsabilités élargies, 14 ont choisi de recourir à cette instance nationale.

C.– PLAN CAMPUS, INVESTISSEMENTS D’AVENIR : DES DISPOSITIFS EXTRABUDGÉTAIRES ET DÉROGATOIRES AU DROIT COMMUN DE LA LOLF

La recherche et l’enseignement supérieur sont les grands bénéficiaires de deux dispositifs innovants en cours de mise en œuvre (32) : l’opération « Campus » lancée en 2007 ; les « investissements d’avenir » définis dans la loi de finances rectificative du 9 mars 2010.

1.– Le plan Campus

Lancée en 2007, l’opération Campus vise à rénover le patrimoine immobilier universitaire, en faisant émerger une dizaine de campus de niveau international.

Cette opération bénéficie d’un montant total de crédits apportés par l’État de 5 milliards d’euros : 3,7 milliards d’euros ont été dégagés lors de la cession de 2,5 % du capital d’EDF en décembre 2007 et sont actuellement inscrits sur le compte d’affectation spéciale (CAS) Participations financières de l’État ; la loi de finances rectificative du 9 mars dernier y a ajouté, dans le cadre des « investissements d’avenir », 1,3 milliard d’euros supplémentaires (33).

Cette dotation de 5 milliards d’euros constitue un capital dont une fraction est attribuée à chacun des sites universitaires retenus, au terme d’un processus de sélection par le Gouvernement fondé sur quatre critères : l’ambition scientifique et pédagogique du projet, l’urgence de la situation immobilière, le développement d’une vie de campus et le caractère « structurant et innovant » du projet pour le territoire. Le tableau ci-après présente cette répartition, ainsi que la date de lancement des différents projets.

RÉPARTITION PAR UNIVERSITÉ
DES DOTATIONS DU PLAN CAMPUS

(en millions d’euros)

Nom et date du projet

Dotation

Aix-Marseille Université (11 mai 2009)

500

Campus de Bordeaux (6 mai 2009)

475

Condorcet Paris-Aubervilliers (3 septembre 2009)

450

Campus de Grenoble (21 juillet 2009)

400

Lyon Cité Campus (15 janvier 2009)

575

Campus de Montpellier (27 mai 2009)

325

Paris-Centre

700

dont PRES Paris-Cité (9 février 2010)

200

Saclay (29 avril 2009)

850

Université de Strasbourg (5 février 2009)

375

Toulouse Campus (10 septembre 2009)

350

Total

5 000

PRES : pôle de recherche et d’enseignement supérieur.

Ces dotations en capital sont dites « non consomptibles », au sens où seuls les intérêts produits par leur rémunération sur un compte du Trésor seront disponibles pour les universités. Les réactions recueillies par la Mission auprès des universités sont naturellement très positives, dès lors qu’elles y trouvent une source de financement pérenne, s’ajoutant aux moyens traditionnels et échappant à la régulation budgétaire. En effet, au sein du budget de l’État, ces revenus récurrents ne transiteront pas par la mission Recherche et enseignement supérieur – il s’agit en cela de ressources « extrabudgétaires » – mais pèseront sur les dépenses du programme Charge de la dette et trésorerie de l’État (34). Grâce aux intérêts ainsi générés, les universités sélectionnées devraient pouvoir acquitter les redevances annuelles des futurs contrats mis en œuvre pour rénover leur patrimoine immobilier.

D’après les informations recueillies par la Mission, les universités ont très souvent été tenues dans l’ignorance du montant des intérêts dont elles seront bénéficiaires, ainsi que du calendrier de leur versement – qui, à ce jour, n’a pas encore débuté. Longtemps mystérieuses, les conditions de rémunération de ces fonds non consomptibles ont été précisées par un arrêté du ministre de l’Économie du 15 juin 2010. Le taux d’intérêt est calculé en appliquant la formule ci-après reproduite :

Il ressort de ces modalités de calcul que :

– la tranche initiale de capital de 3,7 milliards d’euros consacrée au plan Campus est rémunérée à 4,25 %, c’est-à-dire au taux à 10 ans auquel l’État se finançait le 3 décembre 2007, jour de la cession des titres EDF ;

– la fraction des fonds de 1,3 milliard d’euros, issue de la loi de finances rectificative du 9 mars 2010, est rémunérée au taux à 10 ans auquel l’État se finançait le jour de la publication de cette loi, soit 3,413 % (35).

Au total, la dotation de 5 milliards d’euros est donc rémunérée par le Trésor à un taux moyen de 4,032 %, ce qui représente des intérêts d’environ 202 millions d’euros chaque année. Le tableau ci-après précise leur répartition par projet du plan Campus.

INTÉRÊTS ANNUELS À VERSER AU TITRE DU PLAN CAMPUS

(en millions d’euros)

Nom du projet

Dotation

Intérêts

Aix-Marseille Université

500

20,2

Campus de Bordeaux

475

19,2

Condorcet Paris-Aubervilliers

450

18,1

Campus de Grenoble

400

16,1

Lyon Cité Campus

575

23,2

Campus de Montpellier

325

13,1

Paris-Centre

700

28,2

dont PRES Paris-Cité

200

8,1

Saclay

850

34,3

Université de Strasbourg

375

15,1

Toulouse Campus

350

14,1

Total

5 000

201,6

Source : calculs de la Mission.

Ces intérêts devraient commencer à être produits à compter de la signature des conventions entre l’État et l’Agence nationale de la recherche (ANR). Cette dernière est en effet l’opérateur attributaire des crédits dédiés aux investissements d’avenir dans le domaine de la recherche et de l’enseignement supérieur. Selon une communication en Conseil des ministres du 2 juin dernier, ces intérêts « pourront être utilisés dès la fin de l’année 2010 pour financer les premières opérations ».

En revanche, demeure entière la question de la mise en œuvre de l’engagement du Gouvernement tendant à ce que la rémunération du capital attribué aux universités intègre également les intérêts correspondant aux intérêts d’emprunt économisés par l’État du fait de la réduction de son besoin de financement à due concurrence des sommes destinées au plan Campus mais demeurées situées, depuis la fin décembre 2007, sur le CAS Participations financières de l’État. Le respect de cet engagement représente un enjeu financier non négligeable, cette rémunération « rétroactive susceptible d’être reversée aux universités » due aux universités pouvant atteindre, selon les calculs de la Mission, au moins 350 millions d’euros.

Au sein de la Mission, le représentant du groupe Nouveau centre estime que la situation actuelle des finances publiques justifie que les versements aux établissements soient limités à la rémunération des 5 milliards d’euros de capital placé.

En tout état de cause, la mission considère que cette question doit faire l’objet d’une décision explicite au terme d’un débat. Il importe d’éviter les malentendus et la frustration du monde de l’université et de la recherche, reproduisant à l’échelle réduite le fâcheux précédent de la « cagnotte ».

Recommandation n° 16 : Préciser les conditions de l’éventuel retour financier aux universités bénéficiaires du plan Campus de l’équivalent de la rémunération du capital. Garantir aux universités bénéficiaires l’équivalent de la rémunération du capital de 3,7 milliards d’euros conservé depuis décembre 2007 sur le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État.

D’autres incertitudes relatives au financement de ces opérations de rénovation immobilière restent d’actualité. Pour la facilitation des négociations des parties prenantes comme pour la bonne information du Parlement, il conviendrait que soient précisées et clarifiées les modalités de cofinancements susceptibles d’être retenues : participation des collectivités territoriales ; articulation avec les contrats de projets État-régions (CPER) 2007-2013 ; mobilisation de ressources propres des établissements ; effets de levier attendus.

La forme juridique prise par les opérations immobilières financées par le plan Campus a également été source de difficultés et de retards dans l’élaboration des projets.

Comme l’a souligné l’un des interlocuteurs de la Mission, le « dogme des PPP » a longtemps prévalu : le schéma initial du Gouvernement privilégiait les partenariats public-privé (PPP), alors que cet instrument n’est pas adapté à tous les projets immobiliers – que l’on songe par exemple à certaines opérations relatives au logement étudiant ou à la voirie.

Depuis, les outils juridiques ont été diversifiés, au profit d’opérations sous maîtrise d’ouvrage directe du ministère (dans le cadre de la classique loi « MOP ») ou de montages originaux proposés par la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Couramment dénommés « partenariats public-public », ces derniers consistent à créer une société de réalisation immobilière, filiale de l’université ou du PRES porteur du projet (36), dont le capital est ouvert à la CDC et aux collectivités territoriales, puis à passer avec elle une autorisation d’occupation du domaine public assortie d’une convention de mise à disposition non détachable. Cette filiale, seul maître d’ouvrage des opérations immobilières, peut ensuite piloter le programme de rénovation, assurer les arbitrages budgétaires et mobiliser les financements nécessaires à la réalisation des opérations. Dans un second temps, ce montage est complété par la mise en place de contrats globaux pour la construction, la réalisation et la maintenance des ouvrages.

Diverses incertitudes juridico-financières ayant été levées, il conviendrait aujourd’hui que le Gouvernement fasse clairement le point sur le calendrier prévisionnel de déroulement du plan Campus : évaluations préalables ; appels d’offres et dialogue compétitif avec les partenaires privés ; signature des contrats de partenariat ; début des travaux.

L’information du Parlement est un enjeu d’autant plus essentiel que les ressources financières utilisées passent par des canaux distincts de la procédure budgétaire classique.

Recommandation n° 17 : Présenter au Parlement un calendrier actualisé et détaillé du déroulement prévisionnel de l’opération Campus.

2.– Le programme d’investissements d’avenir

La recherche et l’enseignement supérieur sont les domaines privilégiés par les « investissements d’avenir » programmés par la loi de finances rectificative du 9 mars 2010. Bénéficiant de 21,9 milliards d’euros de crédits (voir le tableau ci-après), ces deux domaines rassemblent à eux seuls plus de 62 % des 35 milliards d’euros du « grand emprunt ».

CRÉDITS OUVERTS À LA MIRES AU TITRE DES INVESTISSEMENTS D’AVENIR

(en milliards d’euros)

Programmes

Montant

Instituts thématiques d’excellence en matière d’énergies décarbonées

1,0

Projets thématiques d’excellence

3,1

Pôles d’excellence

15,4

dont Campus d’excellence (a)

7,7

dont Opération Campus

1,3

dont Plateau de Saclay

1,0

dont Valorisation de la recherche

3,5

dont Laboratoires d’excellence

1,0

dont Instituts hospitalo-universitaires

0,9

Recherche dans le domaine de l’aéronautique

1,5

Nucléaire de demain

1,0

Total mission Recherche et enseignement supérieur

21,9

(a) Cette action est aujourd’hui dénommée « Initiatives d’excellence ».

Source : loi de finances rectificative du 9 mars 2010.

Sans entrer ici dans le détail des différentes actions constitutives des investissements d’avenir, il est possible de distinguer deux grandes finalités : une enveloppe de 15,4 milliards d’euros consacrée à des « pôles d’excellence » ; une enveloppe de 6,6 milliards d’euros répondant plutôt à une logique de projets.

Rappelons que c’est l’ANR qui, après passation d’une convention avec l’État sous l’égide du Commissaire général à l’investissement (37), sera destinataire des crédits et que l’Agence sera tenue de les déposer en totalité sur un compte du Trésor dans l’attente de leur versement aux bénéficiaires finaux (38). Ainsi qu’on l’a vu précédemment, les fonds non consomptibles sont rémunérés au taux à 10 ans auquel l’État se finançait le jour de la publication du collectif budgétaire, soit 3,413 % (arrêté ministériel du 15 juin 2010 précité).

La plupart des actions (17,9 milliards d’euros, soit plus de 80 % des investissements d’avenir de la MIRES) seront mises en œuvre par l’intermédiaire d’appels à projets compétitifs. Les premiers appels à projets, qui correspondent à des crédits ouverts sur le programme Projets thématiques d’excellence, ont été lancés en juin 2010 et concernent :

– les équipements de recherche « d’excellence », qui bénéficieront au total d’une dotation d’un milliard d’euros, consomptible à hauteur de 40 %. Il s’agit principalement de financer des équipements de taille moyenne, dits « mi-lourds » ;

– la santé et les biotechnologies. Il s’agit de financer des études sur de grandes cohortes (200 millions d’euros non consomptibles) et divers projets de recherche dans le domaine des biotechnologies, de l’agronomie, de la bioinformatique et des nanotechnologies (1,35 milliard d’euros consomptibles à hauteur d’un tiers).

Dans les deux cas, c’est le Commissariat général à l’investissement (CGI) qui, après une instruction du dossier faisant intervenir l’ANR, un comité de pilotage ad hoc et un jury international, validera les dossiers retenus. La procédure de sélection, qui fait intervenir nombre d’instances, est d’ailleurs particulièrement complexe, comme l’illustre le tableau ci-après extrait de la convention relative à l’action « Santé et biotechnologies ».

SCHÉMA DE RÉPARTITION DES RÔLES DANS LA SÉLECTION DES PROJETS

Étapes

CGI

MESR et ministères concernés

ANR

Comité de pilotage

Jury

Élaboration du cahier des charges

Validation

Rédaction

 

Proposition

 

Lancement et gestion de l’appel à projets

   

X

   

Constitution du comité d’évaluation

     

X

 

Instruction des dossiers et notation

       

X

Sélection des projets et décisions sur les montants

Validation

   

Proposition

 

Contractualisation avec les lauréats

   

X

   

Notification éventuelle des aides

   

X

   

Règlement financier des aides

   

X

   

Suivi des projets

   

X

   

Déclenchement d’un nouvel appel à projets

Validation

   

Proposition

 

Suivi et évaluation de l’action

     

X

 

Les autres appels à projets seraient lancés selon un calendrier présenté dans le tableau ci-après. Cette première phase ne donnera cependant pas lieu à l’attribution de la totalité des crédits prévus par la loi de finances rectificative, d’autres appels à projets étant prévus en 2011 et 2012.

LES CINQ PHASES DE LA PREMIÈRE VAGUE D’APPELS À PROJETS
DANS LE SECTEUR DE LA RECHERCHE ET DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

(en milliards d’euros)

   

Crédits totaux

Publication
des AAP

Remise des dossiers

Décisions d’attribution

1

Équipements d’excellence

1

Juin 2010

Août 2010

Fin 2010

Santé et biotechnologies

1,55

2

Laboratoires d’excellence

1

Juillet 2010

Automne 2010

Début 2011

Instituts hospitalo-universitaires

0,85

3

IRT et IEED (a)

2 + 1

Juillet 2010

Automne 2010

Début 2011

Fonds national de valorisation

1

4

Initiatives d’excellence

7,7

Été 2010

Printemps 2011

Été 2011

5

Instituts Carnot (b)

0,5

Automne 2010

Début 2011

Mars 2011

TOTAL

16,6

     

(a) IRT : Instituts de recherche technologique. IEED : Instituts thématiques d’excellence en matière d’énergies décarbonées.

(b) Les instituts Carnot bénéficieront également en 2010 d’un abondement de 0,5 milliard d’euros hors appel à projets.

Source : ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche.

Du point de vue de la gestion publique, ces opérations exceptionnelles en faveur de la recherche et de l’enseignement supérieur posent deux séries de questions : comment adapter la gouvernance du système universitaire à ces dispositifs « innovants » ? Comment articuler ces procédures dérogatoires et extrabudgétaires avec la logique de « droit commun » de la LOLF ?

3.– Adapter la gouvernance universitaire

L’insuffisante adaptation de la gouvernance du système universitaire se mesure à plusieurs niveaux.

Elle explique par exemple la longueur des procédures, en particulier la tardiveté de la mise en place des « initiatives d’excellence », (nouvelle dénomination des « campus d’excellence »), qui n’interviendrait qu’en toute fin de processus, à l’été 2011 (39). Il est vrai que les exemples étrangers, en particulier celui des universités allemandes, montrent qu’un délai de l’ordre de dix-huit mois à deux ans est nécessaire pour permettre de créer les synergies nécessaires et de développer une véritable logique de site. En outre, la logique défendue par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche est celle d’un « emboîtement » des différents labels : la sélection des sites éligibles aux initiatives d’excellence interviendra en dernier lieu, afin de pouvoir s’appuyer sur les résultats des appels à projets précédents (laboratoires d’excellence, valorisation, instituts hospitalo-universitaires etc.). Pour autant, l’objectif de mise en place de projets globaux et structurants plaiderait plutôt en faveur d’une relative simultanéité du lancement des multiples composantes des investissements d’avenir – ce qui suppose que les différents sites soient rapidement dotés d’« une organisation et une gouvernance conformes aux standards mondiaux » (40).

La difficulté d’identification des organismes attributaires des dotations en capital – qu’il s’agisse des fonds du grand emprunt ou de l’opération Campus – témoigne également des défauts de pilotage du système.

D’après les informations associées au projet de loi de finances rectificative relatif aux investissements d’avenir, l’opération « Initiatives d’excellence » se déroulera en deux temps. Dans une première phase « probatoire » de trois ans (2011-2013), la totalité de la dotation initiale demeurera attribuée à l’ANR, les sites sélectionnés se contentant de percevoir les revenus de son placement. Dans un second temps, une fois qu’aura pu être vérifiée « la dynamique de transformation des entités bénéficiaires », en conformité avec les objectifs fixés dans les cahiers des charges des appels à projets, la dotation sera fractionnée et directement attribuée aux sites sélectionnés (41).

Ce mécanisme est à la fois peu responsabilisant pour les établissements (soumis à « période probatoire ») et peu clair quant au choix des structures adossées aux sites d’excellence qui pourront, dans un second temps, recevoir les dotations en capital : s’agira-t-il des pôles de recherche et d’enseignement supérieur (42), de fondations universitaires (43) ou d’organismes ad hoc ? Ce dernier point mériterait d’être éclairci, afin que soient précisés les mécanismes garantissant la non-consommation des dotations et les conditions de leur éventuel retrait. L’enjeu n’est pas mince : il s’agit de concilier l’exigence de protection des deniers publics et l’objectif d’autonomie et de responsabilisation des établissements.

Recommandation n° 18 : Préciser le mécanisme d’attribution des dotations en capital au titre des investissements d’avenir et les conditions de leur éventuelle reprise par l’État.

D’une manière plus générale, la question de l’articulation entre ces opérations exceptionnelles et la politique de regroupement des établissements d’enseignement supérieur a récemment été soulevée par la Cour des comptes. Dans son référé relatif à la politique de regroupement et de coopération dans l’enseignement supérieur transmis le 21 mai dernier à la commission des Finances, la Cour signale certaines limites des regroupements sous forme de pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) (44) ; elle souligne que les mesures prévues dans le cadre des investissements d’avenir, certes destinées à accélérer la dynamique de transformation du monde universitaire, « recèlent un risque d’empilement supplémentaire des labels et des structures, et de complexification des relations entre les acteurs ».

À l’heure actuelle, aucun système de gouvernance précis n’est imposé par l’État pour procéder aux indispensables regroupements d’établissements préalables à la mise en œuvre des investissements d’avenir et, en particulier, des initiatives d’excellence. En dehors de la fusion d’établissements (Université de Strasbourg), la constitution de PRES peut prendre diverse formes : adoption du statut de grand établissement (Université de Lorraine), création d’un établissement public de coopération scientifique (Paris-Cité) ou constitution d’une fondation de coopération scientifique (Sorbonne Universités). Leur finalité peut de surcroît varier d’une situation à l’autre. Deux modèles sont généralement avancés : un modèle fédéral à objectif fusionnel et un modèle confédéral à objectif promotionnel.

La Mission ne peut donc que faire sienne la recommandation de la Cour des comptes selon laquelle il revient aux pouvoirs publics « de mettre en cohérence les diverses initiatives législatives et financières majeures qui se sont succédé depuis quatre ans » et qu’il appartient à l’État « de fixer une ligne stratégique claire sur la politique de restructuration de la carte universitaire et les supports institutionnels qu’il entend privilégier au terme d’une période transitoire qui ne doit plus durer, sauf à prendre le risque d’une démobilisation des porteurs de projets les plus significatifs ».

Recommandation n° 19 : Clarifier le rôle des PRES, en fonction de leurs différentes formes juridiques, dans la mise en œuvre des investissements d’avenir, en particulier des initiatives d’excellence, en élargissant leur socle de compétences minimales et en améliorant leur gouvernance.

4.– Respecter les objectifs de la LOLF

Au-delà des questions de gouvernance et de pilotage du système universitaire, un autre défi consiste à articuler ces procédures dérogatoires et extrabudgétaires avec la logique de « droit commun » de la LOLF.

Ainsi qu’on l’a vu, les moyens ouverts aux universités par le plan Campus ou par le « grand emprunt » emprunteront des canaux distincts des programmes habituels de la mission Recherche et enseignement supérieur, ce qui rendra difficile la réalisation de deux objectifs fondamentaux de la LOLF : le renforcement du contrôle parlementaire sur l’utilisation des fonds publics ; la présentation des coûts complets de chaque politique publique.

Rappelons en ce sens que le plan Campus n’a jamais donné lieu à un vote du Parlement. S’il en va autrement du « grand emprunt », les programmes spécialement créés dans la loi de finances rectificative du 9 mars 2010 disparaîtront de la nomenclature budgétaire l’année prochaine, la totalité des crédits ayant vocation à être versés aux opérateurs (en l’occurrence l’ANR) dès 2010 – alors même que les véritables dépenses d’investissement s’étaleront sur de nombreuses années. Prendre connaissance des intérêts versés annuellement grâce à la rémunération des fonds déposés au Trésor supposera en outre de consulter des annexes budgétaires – les PAP et RAP relatifs aux comptes de commerce (45) – jusqu’alors plutôt réservées aux initiés, sans d’ailleurs que le degré de finesse de l’information qui y sera disponible ne soit aujourd’hui garanti.

Il appartiendra donc au ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche de pallier ces difficultés en rendant compte avec précision du déroulement des opérations dans les PAP et RAP de la mission MIRES ainsi que dans la future annexe budgétaire « jaune » relative à la mise en œuvre des investissements d’avenir jointe au prochain projet de loi de finances (46).

Recommandation n° 20 : Assurer, dès le projet de loi de finances pour 2011, une information précise et complète du Parlement sur la mise en œuvre du plan Campus et des investissements d’avenir.

Enfin, l’une des idées force de la LOLF consiste à faire confiance aux acteurs en allégeant les tutelles et les contraintes a priori, tout en les soumettant en contrepartie à un contrôle a posteriori plus exigeant. Ce raisonnement mérite d’être pleinement transposé aux dispositifs extrabudgétaires ici analysés, ne serait-ce qu’en raison du montant exceptionnel des financements accordés.

Quoi qu’elle puisse paraître moins prioritaire que d’autres en cette période de préparation des projets, la question de l’évaluation a posteriori des opérations est jugée essentielle par la Mission.

Sur ce sujet, la réflexion ne saurait être reportée et doit prioritairement porter sur trois aspects :

– les outils. Il s’agit de répondre au constat dressé par la Cour des comptes dans le référé précité, selon lequel le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche « ne dispose ni de tableaux de bord, ni d’un suivi de synthèse budgétaire des structures de coopération, en crédits et en emplois. Sans instruments destinés à mesurer les progrès dans la mutualisation mais aussi les coûts de structures générés, la réflexion stratégique et la traçabilité des fonds publics dédiés à la mise en œuvre de l’opération Campus et des mesures du grand emprunt risquent d’être problématiques, ce qui n’est pas compatible avec l’exigence du bon emploi des sommes considérables qui seront investies par la nation dans ces projets » ;

– les critères. C’est probablement la question la plus délicate et la plus susceptible de variations d’un domaine à l’autre. Sans naturellement prétendre à l’exhaustivité, les principaux critères d’évaluation qui, dans le domaine de la recherche et de l’enseignement supérieur, ont vocation à être retenus sont la qualité scientifique des opérations, leur caractère innovant, leur cohérence avec la politique nationale et européenne de recherche, les effets de levier générés sur la recherche-développement privée, le degré de participation des établissements sur leurs ressources propres et les retours sur investissements obtenus (qu’ils soient financiers ou socio-économiques) ;

– les acteurs. La multiplicité des instances susceptibles d’intervenir dans l’évaluation a posteriori n’est pas nécessairement un gage de qualité de cette dernière. Une clarification s’impose manifestement quant à la définition des rôles respectifs du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, de l’ANR, du Commissariat général à l’investissement, et du Comité de surveillance des investissements d’avenir.

Recommandation n° 21 : Bâtir dès aujourd’hui des dispositifs d’évaluation a posteriori du plan Campus et des investissements d’avenir, en précisant les outils disponibles, les critères retenus et le rôle des différents acteurs.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du mercredi 7 juillet 2010 à 9 heures 30, la commission des Finances a procédé à l’examen des conclusions du présent rapport.

M. le Président Jérôme Cahuzac. La Commission va maintenant entendre les membres de la mission d’information sur la mise en œuvre de la LOLF, MM. Michel Bouvard, Jean-Pierre Brard, Thierry Carcenac et Charles de Courson.

Le thème retenu cette année est d’une grande portée pratique puisqu’il s’agit de l’articulation entre la mise en œuvre de la LOLF et les réformes de l’organisation de l’État, dont certaines, récentes, procèdent de la révision générale des politiques publiques. Compte tenu de l’étendue du sujet, il avait été décidé, en accord avec mon prédécesseur, M. Didier Migaud, et avec M. Gilles Carrez, Rapporteur général du budget, de centrer l’analyse sur l’administration territoriale et sur l’enseignement supérieur. De cette façon, il a été possible à la MILOLF de travailler avec les services déconcentrés et avec les opérateurs sur des enjeux significatifs.

M. Michel Bouvard, Rapporteur. Monsieur le président, mes chers collègues, je tiens d’emblée à préciser que notre travail avec Jean-Pierre Brard, Thierry Carcenac et Charles de Courson a été véritablement collectif, comme chaque année depuis 2003.

La LOLF a neuf ans cette année. Cette relative ancienneté explique que la loi organique ait moins souvent que par le passé les honneurs du débat public, d'autant que d'autres réformes de l'administration, de l'État et de la gestion publique sont intervenues depuis lors. Pour la plupart, elles s'inscrivent dans le sillage de la révision générale des politiques publiques (RGPP).

Compte tenu de cette actualité, la Mission a choisi de mettre au centre de ses travaux, qui se sont déroulés au premier semestre de cette année, la question de la bonne articulation entre la LOLF et ces réformes plus récentes.

La LOLF, appliquée en totalité depuis 2006, est devenue pour les gestionnaires de l'État une réalité quotidienne. Pour autant, les travaux de la Mission l'ont montré, la période transitoire est loin d'être achevée : des progrès considérables restent à accomplir, qu'il s'agisse de l'autonomie réelle des gestionnaires locaux ou de la fiabilisation des outils de mesure de la performance. La mise en production du progiciel de gestion budgétaire et comptable Chorus reste un point de passage obligé, mais manifestement malaisé à franchir.

Or la situation de nos finances publiques, qui accentue les contraintes budgétaires, associée au rythme très soutenu des réformes depuis 2007, est porteuse de nombreux risques. Comme M. Philip Dane, président du Comité interministériel d'audit des programmes (CIAP), l'a souligné lors de son audition par la Mission : « Le train de la RGPP risque de cacher le train de la LOLF ! ». Dans le même sens, la Cour des comptes notait récemment que « la modernisation de l'administration a été engagée sans lien véritable avec la LOLF ».

Force est de constater que la rationalisation des missions et services de l'État, orchestrée notamment par la RGPP, vient parfois en contradiction avec les acquis et les objectifs de la LOLF. Quelle marge de manœuvre reste-t-il au gestionnaire quand la RGPP est suivie d'une recentralisation des décisions au sein des ministères, notamment en ce qui concerne les plafonds d'emplois ? Comment ne pas craindre que le dialogue de gestion se réduise à une procédure formelle, d'ailleurs concentrée sur le volet budgétaire au détriment du volet performance ?

En sens inverse, le renforcement des moyens financiers exceptionnellement accordés à certains secteurs peut lui aussi s'accompagner d'une mise en danger des grands principes de la loi organique. En échappant à la procédure budgétaire habituelle, les financements dérogatoires ou « innovants » – tels que le plan de relance ou les « investissements d'avenir » – présentent le risque de brouiller la lisibilité de l'action publique et compliquent l'évaluation de son efficacité.

Partant de ces préoccupations, la Mission a privilégié une approche sous forme d'études de cas. Elle a décidé de s'intéresser à deux thématiques qui lui sont chères et d'analyser les mutations qu'elles connaissent sous l'effet de récentes réformes.

Je traiterai pour ma part des relations entre l'État et ses opérateurs à travers l'exemple spécifique des universités, qui bénéficient d'une attention particulière des pouvoirs publics ces dernières années et figurent parmi les bénéficiaires de financements « innovants ». Auparavant, M. Thierry Carcenac examinera la gestion budgétaire déconcentrée après la toute récente réforme de l'administration territoriale de l'État.

M. Thierry Carcenac, Rapporteur. Alors que la LOLF, entrée dans sa cinquième année d'application, est devenue, comme cela a été dit, une réalité quotidienne pour les gestionnaires de l'État, notamment pour ceux des services déconcentrés, la Mission a souhaité étudier au travers de cas concrets l’articulation de la LOLF avec une des mesures issues de la RGPP : la réforme de l'administration territoriale de l'État – dite RéATE. Il s'agit, pour la MILOLF, d'exercer son droit de suite sur la thématique de la mise en œuvre de la LOLF dans les services déconcentrés, déjà abordée en 2006 et 2008.

Après avoir auditionné non seulement les responsables de la mise en œuvre de cette réforme, notamment l'ancien directeur de la MIRATE et son successeur au secrétariat général du Gouvernement, mais également de hauts fonctionnaires des ministères de l'Intérieur et du Budget, la Cour des Comptes et le CIAP, la Mission est retournée dans la région Rhône-Alpes afin d'entendre les responsables des services des préfectures de région et de département, ceux des directions régionales des services déconcentrés ainsi que les autorités chargées du contrôle financier.

Compte tenu du bouleversement opéré dans les services déconcentrés par la RéATE et des difficultés inhérentes à la mise en œuvre d'une réforme de cette ampleur, en particulier le regroupement des implantations immobilières, la MILOLF a voulu vérifier dans quelle mesure cette réforme permettait de dépasser la contradiction entre la logique horizontale - interministérielle – des besoins des territoires et la logique verticale – ministérielle – de la LOLF. Il s'agissait plus généralement de vérifier si la succession de réformes présentait le risque d'affaiblir la LOLF en tant que cadre pérenne de la modernisation de l'État, comme le CIAP en avait souligné le danger dans son dernier rapport d'activité.

Les travaux de la MILOLF ont permis de mesurer les progrès accomplis dans le dialogue de gestion, en particulier au niveau local. Il apparaît ainsi assez clairement que la recommandation émise par la MILOLF en 2008, qui visait à renforcer le caractère collégial de ce dialogue en y associant notamment le niveau départemental, a été entendue et que la nouvelle organisation territoriale, avec le renforcement du rôle du préfet de région, la création des directions départementales interministérielles – les DDI – et la rationalisation des directions régionales, y conduit inévitablement.

Il convient toutefois de relativiser les progrès réalisés sur l'autonomie des responsables locaux. En effet, compte tenu des contraintes budgétaires liées à l'état de nos finances publiques, des pratiques déjà dénoncées par la MILOLF perdurent : fléchage des crédits depuis les administrations centrales, dotations de début d'exercice modifiées à de multiples reprises en cours d'année, alors que la réserve de précaution existe, ou gestion centralisée des plafonds d'emplois interdisant, de fait, la fongibilité asymétrique. Ces pratiques font craindre que le dialogue de gestion, après s’être amélioré au niveau local, ne soit finalement perçu que comme une procédure formelle. Par ailleurs, la RéATE n'a pas modifié profondément le rôle du contrôleur financier : la complexité nouvelle des flux budgétaires lui impose une vigilance accrue.

En ce qui concerne l'intégration de la performance dans la gestion budgétaire, la RéATE n'y a pas apporté de changements significatifs. La déclinaison au niveau local des objectifs et indicateurs décrits dans les projets et rapports annuels de performances – PAP et RAP – révèle qu'ils ne sont pas toujours adaptés à la réalité du terrain. Quant au regroupement opéré au sein des directions départementales interministérielles par la RéATE, il n'a rien changé aux dispositifs indemnitaires actuellement déployés dans les services de l'État sur le modèle de la prime de fonction et de résultat (PFR).

Un impact visible de la RéATE sur l’application de la LOLF est la modification attendue de la maquette budgétaire, avec la création d'un programme regroupant les crédits de fonctionnement courant des DDI. Il s'agit là d'une réponse pragmatique aux difficultés rencontrées par les responsables de ces nouvelles directions interministérielles, qui pouvaient être amenés à dialoguer avec cinq responsables de budgets opérationnels de programme (BOP) différents. La MILOLF comprend bien que la création de ce nouveau programme support est une réponse technique permettant de dépasser, pour les crédits de fonctionnement des DDI, la contradiction entre logique verticale de la LOLF et vision transversale des besoins des territoires. Elle tient toutefois à rappeler qu'un des objectifs fondamentaux de la LOLF est de permettre l'évaluation d'une politique publique dans son intégralité. Or la multiplication des programmes supports et l'absence d'une véritable comptabilité analytique rendent plus difficile cette évaluation à coût complet.

À ce sujet, la MILOLF a pu constater au cours de ses travaux combien le déploiement du système d'information financière de l'État Chorus était laborieux, y compris dans les services gestionnaires déconcentrés – la Commission a auditionné M. Jacques Marzin à ce propos le 22 juin dernier. Compte tenu des dysfonctionnements constatés et de la réalité des effectifs nécessaires à son fonctionnement, la Mission ne peut manquer de s'interroger sur la question du retour sur investissement de ce projet et sur le pilotage du système, à l’amélioration duquel nous avons consacré plusieurs recommandations.

M. Michel Bouvard, Rapporteur. En ce qui concerne les opérateurs et les pratiques extrabudgétaires ou innovantes, la seconde partie du rapport de la Mission porte sur l'articulation entre la LOLF et les récentes réformes de l'enseignement supérieur. Le choix de ce sujet se justifiait doublement.

Tout d’abord, les universités constituent une catégorie d'opérateurs dont le poids financier est très important. En 2010, elles bénéficient à elles seules de plus de 20 % de l'ensemble des subventions de l'État aux opérateurs. Au sein de la mission Recherche et enseignement supérieur, cette proportion atteint 40 %.

Ensuite, les universités ont fait l'objet ces dernières années d'une série de réformes ou de plans d'action : loi relative aux libertés et responsabilités des universités – dite LRU – de 2007, plan « Campus » lancé la même année et « investissements d'avenir » financés par le grand emprunt en 2010.

S'agissant d'abord de la loi LRU, on constate que cinquante et une universités, soit plus de 60 % des universités françaises, bénéficient depuis 2010 du régime dit des « responsabilités et compétences élargies », qui renforce largement leurs pouvoirs en matière budgétaire et en matière de gestion des ressources humaines. Cette réforme, qui sera généralisée en 2012, paraît dans l'ensemble bien accueillie par les universités qui ont accédé à l'autonomie.

La Mission a cependant identifié trois difficultés principales.

La première concerne, là comme ailleurs, la gestion des emplois, qui reste marquée par une tutelle de l'État encore très présente. Plus largement, le suivi de l'évolution et de l'utilisation des plafonds d'emploi manque de fiabilité et de lisibilité.

En deuxième lieu, la dévolution du parc immobilier de l'État est aujourd'hui bloquée par une série de difficultés juridiques et financières, alors que plusieurs universités ont demandé à en bénéficier. Ce blocage est naturellement un frein à une véritable autonomie. On peut s’étonner qu’il ait fallu presque trois ans pour constater que toutes les dispositions nécessaires n’avaient été mises en œuvre dans la loi.

Enfin – troisième difficulté –, la spécificité de la gouvernance des universités résultant de la loi LRU, ainsi que le traitement particulier dont bénéficient généralement la recherche et l'enseignement supérieur dans les arbitrages budgétaires, font que la place des universités dans le nouveau cadre de pilotage désormais imposé aux opérateurs de l'État n'est pas clairement définie. Je tiens à rappeler que les opérateurs sont désormais soumis à la norme de dépense de l’État avec les mêmes règles en matière de plafonds d’autorisation d’emploi. Or, les universités bénéficiant d’un régime spécifique au titre des missions et des programmes prioritaires, une mise au point s'impose manifestement, ne serait-ce que pour préciser les conditions dans lesquelles leur seront appliqués les objectifs récemment annoncés de réduction des dépenses de fonctionnement et des charges de personnel des opérateurs de l'État.

S'agissant ensuite du plan Campus, la Mission n'a pu que constater la lenteur du déroulement d'une opération qui, lancée en 2007, visait à rénover le patrimoine immobilier universitaire et à faire émerger plusieurs grands pôles de référence.

À l'heure actuelle, une dizaine de sites ont été sélectionnés pour bénéficier d'une quote-part d'une dotation totale de 5 milliards d'euros, dont 3,7 milliards d'euros sont tirés de la vente d'une partie du capital d'EDF en 2007, le solde ayant été financé par la loi de finances rectificative du 9 mars 2010 sur le grand emprunt. On sait que ces dotations en capital ne pourront être consommées par les universités et que seuls pourront être dépensés chaque année les intérêts versés par le Trésor public, auprès duquel les fonds seront placés. Pour les universités, il s'agit donc d'une ressource pérenne et récurrente, mais qui ne passe pas par les canaux budgétaires traditionnels.

La Mission souhaite appeler particulièrement l'attention de la Commission sur deux points relatifs à la mise en œuvre du plan Campus.

Premier point : le montant exact des intérêts annuels que percevra chacune des universités sélectionnées n'est pas encore précisément connu. Certes, depuis un arrêté du 15 juin 2010, le taux de rémunération des fonds a enfin été fixé à 4,25 % pour la fraction initiale de l’enveloppe et à 3,4 % pour la part issue du grand emprunt, ce qui représente au total un peu plus de 200 millions d'euros par an. Toutefois, la question de la rétrocession aux universités de l'équivalent financier de ce qu'a économisé l'État depuis la fin de l'année 2007, en conservant dans sa trésorerie les 3,7 milliards d'euros de recettes issues de la cession des titres EDF, n'a, semble-t-il, toujours pas été tranchée. L’esprit de la LOLF plaide à tout le moins en faveur d’une plus grande visibilité donnée aux gestionnaires et pour la transparence dans l'utilisation de ces fonds. On peut du reste, avec M. Charles de Courson, se demander si, compte tenu des difficultés budgétaires de l’État, il ne conviendrait pas de s’abstenir de verser cette somme puisqu’aucune dépense n’a été engagée à ce jour. Il n’en demeure pas moins que l’engagement contraire a été pris.

Second point : des difficultés juridiques et financières ont ralenti l'application du plan Campus. Il aura fallu renoncer au choix initial de ne recourir qu'à des partenariats public-privé, dont très peu sont annoncés à l’heure actuelle. Si la situation a aujourd'hui commencé à se débloquer c’est grâce notamment aux montages innovants proposés par la Caisse des dépôts.

Reste que le Parlement n'a aujourd'hui aucune visibilité sur le calendrier de déroulement des opérations de rénovation immobilière. Or cette information est d'autant plus essentielle que, du fait des modalités de financement retenues, le contrôle parlementaire de l'utilisation des ressources financières mobilisées est plus difficile qu'avec de classiques crédits budgétaires.

C'est cette même problématique qui s'applique aux « investissements d'avenir », définis par la loi de finances rectificative du 9 mars dernier. La recherche et l'enseignement supérieur en sont les grands gagnants, puisque ce secteur bénéficie de 21,9 milliards d'euros de crédits, soit 62 % des 35 milliards d'euros du grand emprunt. À eux seuls, les campus d'excellence, désormais rebaptisés « initiatives d'excellence », mobilisent 7,7 milliards d'euros.

Du point de vue de la Mission, la réussite de cette opération suppose que deux conditions soient réunies.

La première est la mise en place d'une gouvernance universitaire adaptée. On l'a vu récemment, en particulier grâce aux travaux de la Cour des comptes, la politique de regroupement, notamment sous forme de pôles de recherche et d'enseignement supérieur, les PRES, est encore loin d'avoir porté tous ses fruits. C'est sans doute cette inadaptation qui explique qu'une période probatoire de trois ans, de 2011 à 2013, soit prévue avant que les dotations en capital soient effectivement versées à chacun des sites sélectionnés.

La seconde condition est la mise en place d'un dispositif rigoureux d'évaluation a posteriori de ces fonds exceptionnels alloués à l'enseignement supérieur. C'est une condition parfaitement conforme à l'esprit de la LOLF, mais qui ne pourra être satisfaite qu'en marge des procédures habituelles définies par celle-ci. En effet, comme pour le plan Campus, les ressources financières mises à la disposition des universités au titre des investissements d'avenir ne pourront être passées au crible ni des objectifs et indicateurs de performances de la mission Recherche et enseignement supérieur ni du nouveau système d'allocation des moyens aux universités en fonction de leur performance, mis en place depuis 2009, sous la dénomination de « SYMPA ».

Dans ces conditions, il est essentiel que soit rapidement définie une méthodologie d'évaluation, dans le cadre d’une réflexion portant à la fois sur les outils, sur les critères et sur les acteurs. Pour s'en tenir ici à ce dernier point, il est bien évident que la multiplicité des instances susceptibles d'intervenir n'est pas un gage de qualité de l'évaluation. Il s'impose manifestement de clarifier les rôles respectifs du ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche, de l'Agence nationale de la recherche – ANR –, du commissariat général à l'investissement et du comité de surveillance des investissements d'avenir.

M. Thierry Carcenac, Rapporteur. La mission propose dix recommandations relatives à l’articulation entre la réforme de l’administration territoriale de l’État et la LOLF : elles concernent notamment le suivi de Chorus et la gestion des crédits déconcentrés. Elles sont présentées dans le rapport.

M. Michel Bouvard, Rapporteur. Il en est de même des onze recommandations relatives aux universités et qui découlent directement de mes propos.

M. Charles de Courson, Rapporteur. En ce qui concerne la réforme de l’administration territoriale de l’État, on ne saurait trop insister sur les problèmes posés par Chorus, problèmes que révèle le fait que quatre des dix recommandations portent sur ce seul outil. Dans certains secteurs – je pense notamment au ministère de la Défense, qui assure 10 des 14 milliards d’euros d’investissement du budget de l’État –, Chorus fonctionne si mal que les fournisseurs ne peuvent plus être payés.

Une de nos recommandations porte également sur la comptabilité analytique : comment en parler, en effet, si le système ne fonctionne pas pour la comptabilité générale ? Ce point a d’ailleurs fait l’objet d’une des huit réserves substantielles formulées par la Cour des comptes.

Par ailleurs, le Gouvernement avait promis, de façon assez curieuse, il est vrai, que les dotations aux universités non versées porteraient, depuis l’origine, intérêt à un taux de 4 %, ce qui représentait 140 millions à 150 millions d’euros par an avant le complément du grand emprunt. Est-ce raisonnable dans la situation actuelle, où les dotations sont consommées très lentement ? C’est la raison pour laquelle, j’ai émis, sur la recommandation concernée, une opinion dissidente, qu’a rappelée Michel Bouvard.

Il est certain qu’en raison de la restructuration des administrations, le système se complexifie alors qu’il commençait un peu à fonctionner. Je pense aux fonctions support : quand les moyens support proviennent de trois ou quatre programmes, la fongibilité est impossible ! Il convient dès lors de repenser les programmes support.

M. Jean-Pierre Brard, Rapporteur. M. de Courson a recouru à une litote en déclarant que « le système se complexifie alors qu’il commençait un peu à fonctionner ». C’est tout d’abord faire preuve d’un grand optimisme que d’affirmer que le système « commençait » de fonctionner. Ensuite, il serait plus exact de dire non pas « qu’il se complexifie », mais qu’il se bloque, comme nous avons pu le vérifier lors de notre déplacement dans la région Rhône-Alpes, au cours duquel nous avons été reçus par le préfet de région et par les préfets de département. Les propos de ces hauts fonctionnaires qui aiment l’État, étaient empreints d’un certain pathétique et révélaient une véritable souffrance.

N’en revient-on pas parfois au papier pour pallier les dysfonctionnements du système Chorus ? Quant au responsable de la direction départementale de la sécurité publique, il nous a précisé que, pour pouvoir s’en sortir, la direction avait été informée qu’elle recevrait le concours de soixante-neuf fonctionnaires, au lieu de huit, et ce, en pleine RGPP ! C’est la preuve que les réformes se télescopent. Du reste, comme cela a déjà été rappelé, quatre de nos dix recommandations portent sur Chorus.

Il ne vous aura pas non plus échappé que, lors de sa première prestation à l’Assemblée nationale pour la séance de questions au Gouvernement, ses collaborateurs ont fait dire à M. François Baroin, au sujet de Chorus, des choses inexactes, que le ministre a du reste récemment corrigées. Nous nous dirigeons vers un scandale d’État, à côté duquel celui de l’Imprimerie nationale passera pour une petite affaire, puisque nous dépassons déjà le milliard d’euros de dépenses.

Est-il normal que certains hauts fonctionnaires, qui ont toujours raison, n’aient jamais de comptes à rendre ? On ne saurait continuer de l’accepter. Je soutiens particulièrement les quatre recommandations visant Chorus.

Nous aurions pu proposer une autre recommandation visant à faire interdire par le Premier ministre le fléchage des crédits, pour ne pas laisser détruire la LOLF.

M. le Président Jérôme Cahuzac. Vous aurez noté, mes chers collègues, que, dans le projet de budget pour 2011, la réserve de précaution s’élèvera seulement à 600 millions d’euros. Autant dire qu’il n’y aura plus de réserve.

M. Alain Rodet. Nous avons l’impression que le train de la RGPP s’apprête à percuter celui de la LOLF, plutôt qu’à le cacher.

Je souhaite savoir si, lors de leur déplacement en région Rhône-Alpes, les membres de la Mission ont pu entrer en contact avec les responsables des nouvelles grandes directions régionales, au nombre de huit et placées sous l’autorité, normalement renforcée, des préfets de région. Je pense non pas tant à l’Agence régionale de santé – l’ARS –, de création récente, qu’à la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement – DREAL. Un grand désordre semble régner, accompagné d’une démotivation des fonctionnaires les plus actifs et les plus capables. N’assistons-nous pas au délitement de la vie administrative et, de ce fait, à un appauvrissement de la culture et de l’action de l’État ? Dans certaines directions administratives, les responsables ont même le sentiment de ne plus être chargés de trouver des solutions aux problèmes mais des problèmes aux solutions, notamment lorsque celles-ci sont avancées par les élus territoriaux.

M. Gérard Bapt. Les directeurs des ARS découvrent que les crédits, y compris ceux visant à financer l’amélioration de la qualité et l’expérimentation en matière d’offres de soins, qui devraient être fongibles, sont fléchés. Nous traversons certes une période budgétaire difficile, mais cette absence de la fongibilité ne vide-t-elle pas de son sens la création des ARS, qui ont pour objet de répondre aux besoins territorialisés de santé ? Comment la réactivité sera-t-elle possible au niveau régional si ces agences sont privées de toute marge de manœuvre ? La déception n’est pas loin.

M. Michel Bouvard, Rapporteur. En Rhône-Alpes, nous avons pu rencontrer les responsables des différentes directions régionales, mais pas ceux de l’ARS, du fait de sa récente mise en place ; il nous faudra sans doute revenir sur la question.

C’est vrai : le regroupement des administrations au niveau régional pose des problèmes, dans la mesure notamment où il implique des fusions de corps. Il exige donc un délai et nous sommes actuellement dans une période d’instabilité. Nous avions d’abord à traiter les problèmes de financement et de gestion des ressources humaines : or le regroupement des administrations pose de vraies difficultés à ce dernier égard parce que nous n’avons pas assez progressé sur la question des logiques de métier. Mais, en sus des questions d’ordre statutaire, le mouvement est également freiné par le fait que tel ministère ne veut pas « lâcher » des postes, considérant que tel autre a fourni moins d’efforts que lui.

M. Thierry Carcenac, Rapporteur. Sans porter de jugement sur la réforme elle-même, on ne peut que constater la désorganisation financière, à laquelle concourent le manque de moyens et les fléchages : les crédits arrivent par petites tranches, ce qui ôte toute efficacité au dialogue de gestion. De plus, l’articulation entre l’organisation préfectorale et les directions régionales reste difficile. Si le préfet de région, comme c’est le cas en Rhône-Alpes, rassemble autour de lui une vraie équipe afin de travailler en concertation, les difficultés s’en trouvent réduites, mais elles n’en sont pas supprimées.

Si les réformes ne sont pas pilotées différemment, on court à la catastrophe – je pense notamment à Chorus –, du fait qu’on ne pourra pas résoudre les problèmes, toujours plus graves, qui se poseront. Le Premier ministre doit réussir à maîtriser l’ensemble du processus.

M. Olivier Carré. En ce qui concerne les universités, les fonds consomptibles avaient pour intérêt d’amorcer l’arrivée d’autres fonds, notamment en provenance du privé, au travers de fondations, en vue de compléter les dotations. Qu’en est-il aujourd'hui ? Quel est le point de vue des différentes universités sur le sujet ?

M. Michel Bouvard, Rapporteur. Des enveloppes ont été fixées par université mais les délégations de fonds n’ont pas encore été mises en œuvre. Les problèmes se posent d’abord dans le domaine de l’immobilier : à ce jour, aucune des opérations n’a pu commencer, je le répète, pour des raisons juridiques et financières, qui tiennent à la dévolution du patrimoine immobilier. Une de nos recommandations vise à ce que ces difficultés soient réglées d’ici à la fin de l’année : à défaut, le volet immobilier d’une loi votée en début de législature ne serait toujours pas mis en œuvre à la fin de la législature.

Les fondations, quant à elles, se mettent en place. Il convient toutefois de régler la double question de leur périmètre et de leur efficacité. Convient-il d’avoir une fondation par université ou des fondations communes par PRES ? Les partenariats public-privé font aujourd'hui l’objet d’intentions. Des entreprises se sont manifestées auprès de certaines universités pour les accompagner mais le rythme n’est pas satisfaisant.

M. Laurent Hénart. Les PRES ont fait l’objet d’une intéressante audition de la Cour des comptes par la Commission. Pour les membres de la MILOLF, quelle utilité peuvent-ils avoir dans des sites où ils sont conçus comme préalables à la création d’une université unique ? Les universités ont alors la volonté de les doter de missions, de compétences et de moyens. L’analyse de la MILOLF est importante en la matière, s’il convient d’envisager des évolutions législatives rapides.

M. Michel Bouvard, Rapporteur. La Mission recommande de « clarifier le rôle des PRES, en fonction de leurs différentes formes juridiques, dans la mise en œuvre des investissements d’avenir, en particulier des initiatives d’excellence, en élargissant leur socle de compétences minimales et en améliorant leur gouvernance ».

On peut en effet distinguer plusieurs catégories de PRES : certains sont une étape conduisant à l’université unique – c’est le cas à Strasbourg ou à Bordeaux. D’autres sont conçus comme des instruments de coopération. Or les PRES peuvent donner lieu à différents niveaux de coopération. Il conviendrait, à nos yeux, de définir – un peu sur le modèle des intercommunalités – un socle de compétences obligatoires identique à tous les PRES, auquel s’ajouterait un menu optionnel permettant d’adapter le périmètre des compétences du pôle aux réalités du terrain. Il s’agit de concilier la cohérence de l’action et la transparence de l’évaluation.

M. François Goulard. Les PRES ont délibérément été conçus en 2006 sans modèle préalable, afin de s’adapter aux différents projets des universités. Certaines souhaitaient se rapprocher jusqu’à la fusion : le PRES le permet. D’autres n’envisageaient que des coopérations ponctuelles. Le PRES le permet encore. Celui-ci a donc été conçu comme un outil permettant tous les types, ou presque, de coopération. Il est fort possible qu’après plusieurs années d’expérience, un tri se révèle nécessaire. Toutefois, on ne doit pas oublier l’intention du législateur, qui était de laisser la porte ouverte à toutes les formes de coopération.

En effet, en matière universitaire, il ne saurait être question de faire prévaloir l’uniformité, du fait que, dans aucun pays, les universités ne sont identiques entre elles. Certaines ont une visée essentiellement professionnelle et forment des jeunes à bac + 4 ou + 5 ; d’autres se consacrent à la recherche de haut niveau. Entre ces deux modèles, il existe des gradations. On ne saurait donc partir du principe que toutes les universités doivent obéir à un modèle unique. Penser que leur coopération doive être dictée par des normes absolument intangibles constituerait une profonde erreur d’analyse.

Par ailleurs, l’immobilier universitaire est un vrai sujet de préoccupation : il est généralement assez dégradé du fait qu’il a été géré avec une rigidité invraisemblable, dans le cadre de situations non clarifiées, l’immobilier appartenant tantôt à l’État, tantôt à l’université elle-même, tantôt aux collectivités territoriales. Je déplore qu’on n’ait pas réalisé de progrès dans ce domaine où l’autonomie était la plus immédiatement utile.

Enfin, depuis la loi de 2006, les PRES peuvent avoir un statut de fondation permettant de recueillir des fonds privés. L’expérience montre toutefois qu’un tel statut est assez peu répandu dans les mœurs universitaires françaises.

M. le Président Jérôme Cahuzac. Je remercie les membres de la Mission du travail très intéressant qu’ils ont effectué.

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* *

À la suite de ce débat, la Commission a autorisé la publication du présent rapport d’information.

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ANNEXE 1 : AUDITIONS ET DÉPLACEMENT DE LA MISSION

A.– AUDITIONS DE LA MISSION

Ministère de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales (23 mars 2010) :

– M. Henri-Michel Comet, secrétaire général du ministère de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

– M. Christophe Mirmand, secrétaire général adjoint, directeur de la Modernisation et de l’action territoriale

Ministère du Budget, des comptes Publics et de la réforme de l'État–Direction du budget (28 avril 2010) :

– M. Philippe Josse, directeur du budget

– Mme Amélie Verdier, sous-directeur (1re sous-direction)

– M. Laurent Garnier, sous-directeur (2e sous-direction)

Secrétariat général du Gouvernement (25 mai 2010) :

– M. François Seners, directeur, adjoint au secrétaire général du Gouvernement, responsable du suivi de la réforme de l’administration territoriale de l’État (RéATE)

Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (30 mars 2010) :

– M. Pierre-Yves Duwoye, secrétaire général du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche

– M. Patrick Hetzel, directeur général pour l’Enseignement supérieur et l’insertion professionnelle (DGESIP), responsable des programmes Formations supérieures et recherche universitaire et Vie étudiante

– M. Frédéric Guin, directeur des Affaires financières du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, responsable des programmes Pôles d’excellence et Projets thématiques d’excellence

Universités (12 mai et 26 mai 2010) :

– M. Alain Beretz, président de l’Université de Strasbourg

– M. Jean Déroche, secrétaire général de l’Université de Strasbourg

– M. Lionel Collet, président de l’Université de Lyon-I et président de la Conférence des présidents d’université (CPU)

– M. Gilles Gay, secrétaire général de l’Université de Lyon-I

Mission interministérielle pour la réforme de l'administration (13 avril 2010) :

– M. Yves Colcombet, ancien directeur de la Mission interministérielle pour la réforme de l'administration territoriale de l'État

Comité interministériel d’audit des programmes (CIAP) (31 mars 2010) :

– M. Philip Dane, président du CIAP ;

– Mme Paule Damilleville, secrétaire générale du CIAP

Préfecture (7 avril 2010) :

 M. Jean-Luc Marx, préfet du Lot

Cour des comptes (16 mars 2010) :

– M. Gérard Ganser, conseiller-maître

– M. Gilles Cazanave, conseiller-maître

B.– DÉPLACEMENT DE LA MISSION :

Lyon, région Rhône-Alpes, le 16 juin 2010

Préfets :

– M. Jacques Gérault, préfet de la région Rhône-Alpes, préfet du Rhône

– M. Régis Guyot, Préfet de l’Ain

– M. Amaury de Saint-Quentin, Préfet de l’Ardèche

– M. Albert Dupuy, Préfet de l’Isère

– M. François-Xavier Ceccaldi, Préfet de la Drôme

– M. Pierre Soubelet, Préfet de la Loire

– M. Jean-Luc Videlaine, Préfet de la Haute-Savoie

– M. Jean-Marc Picand, secrétaire général de la préfecture de Savoie, représentant M. le Préfet

– Mme Josiane Chevalier, Secrétaire générale de la Préfecture du Rhône

Préfet délégué :

– M. Francis Vuibert, préfet délégué pour l’égalité des chances

Secrétariat général pour les affaires régionales (SGAR) :

– M. Marc Challéat, secrétaire général pour les affaires régionales

– M. Jean-François Colombet, adjoint au secrétaire général pour les affaires régionales

– Mme Françoise Bros-Jacquot, chargée de mission, pilotage financier et suivi de la performance

– Mme Pascale Preveirault, chargée de mission, politique immobilière de l'État

Direction régionale des finances publiques (DRFIP) :

– M. Bernard Moncere, directeur régional des finances publiques

Secrétariat général pour l’administration de la police (SGAP) :

– M. Gilles Bernard, secrétaire général adjoint pour l'administration de la police

Directions régionales :

– M. Michel Delarbre, directeur régional des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi de la région Rhône-Alpes (DIRECCTE)

– M. Gilles Pelurson, directeur régional de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt de la région Rhône-Alpes (DRAAF)

– M. Philippe Ledenvic, directeur Régional de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement Rhône-Alpes (DREAL)

– M. Alain Parodi, directeur régional de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale de Rhône-Alpes (DRJSCS)

– M. Alain Lombard, directeur régional de l’action culturelle

Directions départementales interministérielles (DDI) :

– Mme Corinne Gautherin, directrice départementale de la cohésion sociale de l'Ain (DDCS)

– M. Claude Ageron, directeur départemental des territoires de l'Ardèche (DDT)

– M. Alain Bleton, directeur départemental de la cohésion sociale de la Drôme (DDCS)

– M. Philippe Estingoy, directeur départemental des territoires de la Loire (DDT)

– M. Guy Levi, directeur départemental des territoires du Rhône (DDT).

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ANNEXE 2 : RAPPEL DES RECOMMANDATIONS DU RAPPORT DE LA MILOLF N° 1807 DE JUILLET 2009 (« CHORUS AU CœUR DE LA LOLF »)

I. Sur la gouvernance :

1.– Veiller à assurer au projet Chorus une gouvernance exercée tant au niveau technique que politique.

2.– Veiller à ce que les structures de gouvernance assurent une association pleine et entière des ministères au développement de Chorus, afin qu’ils puissent statuer en connaissance de cause sur l’abandon de leurs applications ministérielles de gestion.

3.– Obtenir une application interministérielle de gestion de la performance, avec récupération automatique de données de Chorus, pour mettre fin au foisonnement actuel des systèmes de tableaux de bord sur la performance utilisés par les ministères.

II. Sur les fonctionnalités :

4.– S’assurer concrètement que la transparence de toutes les informations contenues dans Chorus bénéficiera réellement, tant aux décideurs des différents ministères qu’aux rapporteurs spéciaux des commissions des Finances des Assemblées.

5.– Veiller à ce que la mise en place de Chorus n’aboutisse pas à une reconcentration de la gestion dans les ministères, au détriment du fonctionnement du principe de fongibilité des crédits et de la responsabilisation des gestionnaires opérationnels, en particulier dans les services déconcentrés.

6.– Veiller à ce que la mise en place de Chorus et du système d’information SI Paye de l’opérateur national de paye (ONP) ne soit pas l’occasion d’une remise en cause du principe de déconcentration de la fonction ressources humaines, au détriment de la responsabilisation des gestionnaires opérationnels.

7.– S’abstenir de toute tentation de régulation budgétaire masquée à l’occasion du déploiement de Chorus, sous peine d’affecter gravement son acceptabilité.

8.– Faire une réelle priorité de la gestion des dépenses fiscales, qui fait partie du « reste à faire » dans l’élaboration de Chorus.

9.– Opérer, dès le déploiement de Chorus, la dématérialisation de toutes les procédures comptables et financières qui peuvent l’être (marchés publics, pièces justificatives, factures…).

10.– S’atteler au chantier de la révision du règlement général sur la comptabilité publique (RGCP) de 1962, afin d’adapter, avant le 31 décembre 2010, les règles budgétaires et comptables au nouvel environnement de la LOLF et de Chorus.

11.– Conduire, dès le déploiement complet de Chorus - et donc au plus tard le 1er janvier 2011 -, l’expérimentation dans Chorus d’une comptabilité analytique permettant un contrôle de gestion sans ressaisie des données sur un programme dans tout ministère volontaire.

12.– Garantir l’évolutivité du module immobilier Chorus Real Estate (RE), pour en faire un véritable outil de gestion immobilière, dans le cadre de la réforme de l’immobilier de l’État conduite par le ministre du Budget et le service France Domaine.

13.– Mettre en place dès maintenant un cadre de travail permettant d’envisager, sur la base de normes comptables harmonisées, l’intégration dans Chorus des budgets des opérateurs de l’État.

14.– Lancer une expérimentation en la matière au début de la prochaine législature, par exemple dans un ministère où les opérateurs sont nombreux.

III. Sur les coûts :

15.– Réactualiser dans les projets et rapports annuels de performances du programme Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État l’évaluation du coût initial (2006-2011) du programme Chorus, en incluant le coût de fonctionnement de l’AIFE.

16.– Compléter cette information par le coût prévisionnel de l’adaptation à Chorus des systèmes d’information utilisés par les différents ministères et qui continueront d’exister après la mise en œuvre de Chorus.

17.– Ne pas remettre en cause le choix en faveur d’une mutualisation des services financiers et comptables autour de blocs de ministères, le seul compatible avec le respect du calendrier de déploiement de Chorus. Garder comme objectif cible à terme la constitution de services facturiers régionaux constitués au sein d’un service à compétence nationale, afin d’optimiser les gains de productivité.

18.– Réactualiser et justifier, dans les projets et rapports annuels de performances du programme Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État et pendant les dix premières années de vie du projet, les calculs en termes de retour sur investissement du projet Chorus (réductions d’effectifs réellement engendrées par la réorganisation des services financiers et comptables et abandon des applications ministérielles).

19.– Individualiser dans ces projets et rapports annuels de performances, ainsi que dans la programmation budgétaire pluriannuelle, les réductions d’effectifs induites dans différents ministères.

20.– Prendre en compte le coût d’adaptation des systèmes d’information dans les projets ultérieurs de réorganisation administrative et stabiliser autant que possible la maquette budgétaire.

IV. Sur le calendrier :

21.– S’assurer que sera tenu l’engagement pris d’un déploiement complet de Chorus dans l’ensemble des ministères avant le 31 décembre 2010, afin que la certification des comptes de l’année 2011 soit entièrement réalisée sous ce système d’information. Instaurer un indicateur LOLF supplémentaire dans le projet annuel de performances du programme Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État retraçant l’avancement et le coût du projet Chorus.

1 () À l’exception, en raison des échéances électorales, de l’année 2007.

2 () Voir « Le système d’information financière de l’État : une condition de réussite de la LOLF, toujours en attente », Rapport d’information n° 1378, janvier 2009 et « Chorus au cœur de la LOLF », Rapport d’information n° 1807, juillet 2009 : http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i1807.asp .

3 () Voir la contribution de la Mission dans le rapport d’information présenté par MM. Didier Migaud et Gilles Carrez, « La performance dans le budget de l’État », n° 1780, juin 2009.

4 () Voir le tome 2 du rapport général n° 2651 sur la loi de règlement 2009, http://www.assemblee-nationale.fr/13/rapports/r2651-tII.asp .

5 () Voir notamment « Du débat parlementaire aux services déconcentrés de l’État : les conditions de réussite de la LOLF », Rapport d’information n° 3165, juin 2006 et « Les acteurs de la LOLF : autonomie, responsabilité et contrôle des services déconcentrés et des opérateurs de l’État », Rapport d’information n° 1058, juillet 2008.

6 () À titre d’exemple, le secrétariat général pour l’Administration de la police de Lyon a informé les députés membres de la Milolf que, dans le cadre du déploiement de Chorus, les effectifs chargés de l’exécution de la dépense sont prévus pour passer de 8 à 69.

7 () « Chorus au cœur de la LOLF », Rapport d’information n° 1807, juillet 2009 : http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i1807.asp .

8 () Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques préliminaire au débat d’orientation budgétaire, juin 2010, p. 31.

9 () Selon l’annexe « jaune » sur les opérateurs de l’État jointe au projet de loi de finances pour 2010, ce montant se décompose en 24,5 milliards d’euros de subventions pour charges de service public, 0,3 milliard d’euros de dotations en fonds propres et 9,3 milliards d’euros de dépenses d’intervention.

10 () Voir infra, A.

11 () Aix-Marseille 2 ; Cergy-Pontoise ; Clermont-Ferrand 1 ; Corte ; La Rochelle ; Limoges ; Lyon 1 ; Marne-la-Vallée ; Montpellier 1 ; Mulhouse ; Nancy 1 ; Paris 5 ; Paris 6 ; Paris 7 ; Saint-Étienne ; Strasbourg ; Toulouse 1 ; Troyes.

12 () Aix-Marseille 1 ; Aix-Marseille 3 ; Angers ; Avignon ; Besançon ; Bordeaux 1 ; Bordeaux 2 ; Brest ; Clermont-Ferrand 2 ; Compiègne ; Dijon ; Grenoble 1 ; Lille 2 ; Littoral (Dunkerque) ; Lorient ; Lyon 3 ; Metz ; Montbéliard ; Montpellier 2 ; Nantes ; Nice ; Paris 2 ; Paris 11 ; Paris 12 ; Paris 13 ; Pau ; Poitiers ; Rennes 1 ; Rennes 2 ; Toulouse 3 ; Tours ; Valenciennes ; Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines.

13 () École normale supérieure d’Ulm ; École normale supérieure de Lyon ; École normale supérieure Lettres et sciences humaines de Lyon ; Institut national polytechnique de Grenoble ; Institut national polytechnique de Lorraine ; Institut national polytechnique de Toulouse.

14 () ETP : équivalents temps plein ; ETPT : équivalents temps plein travaillé.

15 () Cette spécificité peut être déduite a contrario de l’article L. 712-9 du code de l’éducation, selon lequel « les montants affectés à la masse salariale au sein de la dotation annuelle de l’État sont limitatifs et assortis du plafond des emplois que l’établissement est autorisé à rémunérer ».

16 () Audition par la commission des Finances du 8 juin 2010, compte-rendu n° 81.

17 () Selon la Cour des comptes (note sur l’exécution du budget de la MIRES en 2009), « en contrepartie de l’accession aux responsabilités et compétences élargies, les établissements ont l’obligation de recourir au service de paye à façon offert par le réseau de la Direction générale des finances publiques. En 2009, pour leur première année d’autonomie, les 18 établissements concernés ont été autorisés à continuer de rémunérer leurs personnels contractuels via leurs propres applications, seuls les personnels anciennement rémunérés sur le titre 2 basculant immédiatement dans le système de paye à façon. Mais à compter du 1er janvier 2010, en principe, toutes les rémunérations sont liquidées et ordonnancées via une application spécifique (POLCA-OREMS) à laquelle ont accès les rectorats, en charge du contrôle budgétaire ».

18 () Toutes ces questions sont détaillées dans le rapport d’information de MM. Philippe Adnot et Jean-Léonce Dupont sur la dévolution du patrimoine immobilier aux universités, Sénat, n° 578, juin 2010.

19 () Cour des comptes, Rapport public annuel, janvier 2009, p. 440. La Cour ajoute (p. 461) que « le peu d’empressement actuel des établissements à demander cette dévolution [du patrimoine immobilier] montre qu’ils restent dans l’attente d’une clarification de ses modalités précises ».

20 () Cette catégorie d’établissements publics, régie par les articles L. 711-1 et suivants du code de l’éducation, regroupe les universités, les instituts nationaux polytechniques, certaines écoles et instituts extérieurs aux universités, les écoles normales supérieures, les écoles françaises à l’étranger et les grands établissements.

21 () Conformément aux engagements pris par le Premier ministre le 25 février 2009.

22 () Le rapport du Gouvernement préparatoire au débat d’orientation des finances publiques de juillet 2010 se contente de reprendre les termes de la circulaire du 26 mars 2010 (tome 1, p. 32).

23 () SYMPA : Système de répartition des Moyens à la Performance et à l’Activité.

24 () SAN RÉMO : Système ANalytique de RÉpartition des MOyens. Sur les limites de ce système, voir le rapport d’information de MM. Alain Claeys et Laurent Hénart au nom de la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) de la commission des Finances, « Un nouveau contrat pour les universités : garantir le service public et reconnaître la performance », n° 996, juillet 2008.

25 () Le décret du 22 avril 2009 relatif au statut des enseignants-chercheurs a introduit l’équivalence de rémunération entre travaux pratiques (TP) et travaux dirigés (TD).

26 () AERES : Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.

27 () La subvention de l’État par emploi manquant est de 20 000 euros en 2009 et de 25 000 euros en 2010.

28 () Rapport sur le projet de loi de règlement du budget 2009, n° 2651, juin 2010, Tome 2, p. 463.

29 () Décret n° 2009-851 du 8 juillet 2009.

30 () S’y ajoutera prochainement un dispositif d’intéressement collectif des chercheurs, prévu par le décret n° 2010-619 du 7 juin 2010.

31 () Ce montant peut être porté à 25 000 euros pour les personnels lauréats d’une distinction scientifique de niveau international ou national conférée par un organisme de recherche ou aux personnels « apportant une contribution exceptionnelle à la recherche ».

32 () Ajoutons que ce secteur bénéficie également d’une part importante des crédits du plan de relance de l’économie (0,7 milliard d’euros en 2009).

33 () Programme Pôles d’excellence de la mission Recherche et enseignement supérieur. Ce programme versera en conséquence 1,3 milliard d’euros de crédits au CAS Participations financières de l’État.

34 () Ce même mécanisme vaut pour les « investissements d’avenir » présentés infra.

35 () Ce taux est par ailleurs applicable à tous les fonds non consomptibles ouverts au titre des investissements d’avenir.

36 () Cette filiale prend la forme d’une société par actions simplifiées (SAS).

37 () L’article 8 de la loi de finances rectificative du 9 mars 2010 prévoit que les projets de convention sont préalablement transmis au Parlement.

38 () Conformément à l’article 8 de la loi de finances rectificative du 9 mars 2010.

39 () Il s’agit de faire émerger cinq à dix « initiatives d’excellence », réunissant sur un même site universités, grandes écoles et établissements de recherche. Un montant de 7,7 milliards d’euros non consomptible est prévu à ce titre.

40 () Pour reprendre les termes du rapport de MM. Alain Juppé et Michel Rocard, Investir pour l’avenir. Priorités stratégiques d’investissement et emprunt national, novembre 2009.

41 () Elle demeurerait cependant non consomptible et, obligatoirement déposée auprès du Trésor, serait génératrice d’intérêts.

42 () Sur les PRES, voir également infra.

43 () Au sens du décret n° 2008-326 du 7 avril 2008.

44 () Notamment l’absence de contractualisation avec l’État, la concurrence de la loi LRU privilégiant une logique d’autonomie, l’insuffisante mutualisation des politiques de recherche et des fonctions support et les faiblesses de gouvernance et de gestion.

45 () La rémunération des dépôts des correspondants du Trésor constitue l’un des postes de dépense de la première section du compte de commerce Gestion de la dette et de la trésorerie de l’État, dont l’équilibre est assurée par une subvention du budget général versée par le programme Charge de la dette et trésorerie de l’État.

46 () Le VI de l’article 8 de la loi de finances rectificative du 9 mars 2010 dispose : « Le Gouvernement dépose chaque année jusqu’en 2020, en annexe générale au projet de loi de finances de l’année, un rapport relatif aux investissements financés par les crédits ouverts sur les programmes créés par la présente loi de finances rectificative. Pour chacune des missions concernées, ce rapport présente notamment : 1° Les investissements prévus et en cours de réalisation, en justifiant le choix des projets et en présentant l’état d’avancement des investissements ; 2° Les montants dépensés, les moyens financiers prévus pour les années à venir, les modalités de financement mises en oeuvre et, le cas échéant, les modifications apportées à la répartition initiale des fonds ; 3° Les cofinancements publics et privés attendus et obtenus ; 4° Les objectifs poursuivis et les résultats attendus et obtenus, mesurés au moyen d’indicateurs précis dont le choix est justifié ; 5° Les retours sur investissement attendus et obtenus ainsi que les méthodes d’évaluation utilisées ; 6° Le rôle des organismes [bénéficiaires des fonds], le contenu et la mise en œuvre des conventions (...), ainsi que les résultats du contrôle par l’État de la qualité de la gestion de ces organismes. Ce rapport est déposé sur le bureau des assemblées parlementaires et distribué au moins cinq jours francs avant l’examen par l’Assemblée nationale, en première lecture, des crédits de la première des missions concernées ».


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