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N° 3503

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er juin 2011.

RAPPORT

FAIT

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE
SUR LE PROJET DE
loi de finances rectificative pour 2011 (n° 3406),

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Gilles CARREZ,

Rapporteur général,

Député.

——

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : LA RÉFORME DE L’IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE 8

I.– RÉFORMER UN IMPÔT CONFISCATOIRE, SUPPRIMER TOUS LES PLAFONNEMENTS 8

II.– UNE CHARGE FISCALE GLOBALEMENT STABLE, DES MODALITÉS D’IMPOSITION DIFFÉRENTES 10

A.– LES MESURES DE FINANCEMENT DE LA RÉFORME 10

B.– LES GAGNANTS ET LES PERDANTS 12

III.– L’ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA RÉFORME 14

A.– LA CHRONIQUE BUDGÉTAIRE DE LA RÉFORME 14

B.– LES ÉVALUATIONS DU GOUVERNEMENT 18

1.– Le calcul du coût de la réforme du barème 18

2.– Les évaluations des mesures de rendement 20

SECONDE PARTIE : L’AJUSTEMENT DE LA PRÉVISION BUDGÉTAIRE 21

I.– DES MOUVEMENTS DE CRÉDITS PRINCIPALEMENT CENTRÉS SUR LA POLITIQUE EN FAVEUR DE L’EMPLOI 23

A.– LES MOUVEMENTS DE CRÉDITS SUR LE BUDGET GÉNÉRAL 23

1.– Le respect a priori de la norme « zéro valeur » sur les dépenses de l’État 23

2.– Un risque de dérapage a posteriori des ouvertures de crédits centrées sur des dépenses d’intervention ou d’investissement 24

a) 350 millions d’euros en faveur du « Plan Emploi » (mission Travail et Emploi) 24

b) Les ouvertures de crédits en faveur de la mission Culture 29

c) Les ouvertures de crédits pour financer la réforme de la garde à vue (missions Justice et Sécurité) 31

d) Les ouvertures de crédits face à la sous budgétisation chronique de l’hébergement d’urgence (mission Immigration et Asile) 33

e) Les ouvertures de crédits en faveur du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (mission Ville et logement) 33

f) Les ouvertures de crédits pour le fonctionnement du nouveau fonds d’indemnisation des victimes du Médiator (mission Santé) 34

3.– Des annulations de crédits très nombreuses 34

a) Le rôle de la réserve de précaution 34

b) Le financement du plan Emploi par une taxation ministérielle au-delà de la réserve de précaution 36

c) La mise en œuvre du principe d’auto-assurance 37

B.– LES MOUVEMENTS DE CRÉDITS SUR LES BUDGETS ANNEXES ET LES COMPTES SPÉCIAUX 42

1.– Une ouverture de 5 millions d’euros sur le BACEA financée par redéploiement de crédits 42

2.– Des ouvertures massives de crédits sur les comptes spéciaux 42

a) La création d’un « CAS Apprentissage » doté de 601 millions d’euros 42

b) L’ajustement des crédits du « CAS Pensions » 43

c) Les ouvertures de crédits de paiement au titre du prêt à la Grèce financées par des recettes exceptionnelles 44

II.– UNE RÉVISION À LA BAISSE DES RECETTES DU BUDGET GÉNÉRAL QUI EXPLIQUE LA DÉGRADATION DE SON SOLDE 45

A.– UNE RÉVISION DES RECETTES FISCALES NETTES PRINCIPALEMENT DUE AU REBASAGE DE LEUR PRÉVISION 45

B.– DE MOINDRES VERSEMENTS DE LA CAISSE DES DÉPÔTS 48

C.– UNE DÉGRADATION DU SOLDE DU BUDGET GÉNÉRAL 50

AUDITION DE M. FRANCOIS BAROIN, MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA RÉFORME DE L’ÉTAT 51

EXAMEN DES ARTICLES 69

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

I.– IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS

Article premier : Réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune 69

Article additionnel après l’article premier : Aménagements de la réduction d’impôt de solidarité sur la fortune pour investissement dans les PME 117

Article additionnel après l’article premier : Simplification des délais de production des justificatifs des dons ouvrant droit à réduction d’impôt de solidarité sur la fortune 121

Article 2 : Augmentation des taux applicables aux deux dernières tranches d’imposition pour les transmissions à titre gratuit en ligne directe 123

Article 3 : Augmentation de six à dix ans du délai de rappel des donations 127

Article 4 : Suppression des réductions de droits de donation liées à l’âge du donateur 139

Article additionnel après l’article 4 : Obligation de révéler les dons manuels et imposition de ces dons sur leur valeur au jour de leur déclaration 145

Après l’article 4 146

Article additionnel après l’article 4 : Modification de l’imposition des produits d’assurance-vie transmis au décès du souscripteur 148

Article additionnel après l’article 4 : Suppression des commissions chargées de donner un avis sur l’agrément d’une dation en paiement 152

Article additionnel après l’article 4 : Allongement du délai de transformation des sociétés civiles de placement immobilier en organismes de placement collectif immobilier 153

Article 5 : Simplification du régime fiscal des pactes d’actionnaires (« Pactes Dutreil ») 155

Après l’article 5 162

Article 6 : Imposition des biens ou droits composant un trust à l’impôt de solidarité sur la fortune et aux droits de mutation à titre gratuit 164

Après l’article 6 184

Article 7 : Création d’une contribution exceptionnelle sur la provision pour hausse des prix mise à la charge des entreprises du secteur pétrolier 186

Après l’article 7 193

II.– RESSOURCES AFFECTÉES

Article 8 : Instauration d’un « bonus-malus » sur la taxe d’apprentissage et création du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage » 194

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES A L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES

Article 9 : Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d’autorisation des emplois 204

SECONDE PARTIE

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

TITRE PREMIER

AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2011. - CRÉDITS

CRÉDITS DES MISSIONS

Article 10 : Budget général : ouvertures et annulations de crédits 207

Article 11 : Budgets annexes : ouvertures et annulations de crédits 208

Article 12 : Comptes spéciaux : ouvertures de crédits 209

TITRE II

DISPOSITIONS PERMANENTES

I.– MESURES FISCALES NON RATTACHÉES

Article 13 : Abrogation du droit à restitution des impositions directes en fonction du revenu (« Bouclier fiscal ») 210

Article 14 : Plafonnement de la taxe foncière afférente à l’habitation principale en fonction du revenu 216

Article additionnel après l’article 14 : Rétablissement des exonérations de taxes foncières sur les propriétés des régions 235

Après l’article 14 235

Article additionnel après l’article 14 : Transmission aux collectivités territoriales de la composition de la compensation relais 237

Article additionnel après l’article 14 : Lissage de l’augmentation des tarifs de la redevance sur les bureaux 238

Article 15 : Impôt de solidarité sur la fortune - Aménagements du régime des biens professionnels 240

Article 16 : Impôt de solidarité sur la fortune - Absence de prise en compte des créances détenues par des personnes non résidentes à l’égard des sociétés à prépondérance immobilière dans la valorisation des parts 252

Article 17 : Taxe sur les résidences secondaires des non-résidents 258

Après l’article 17 276

Article additionnel après l’article 17 : Aménagement du régime de la réduction d’impôt sur le revenu pour investissement dans les PME 276

Après l’article 17 278

Article 18 : Imposition des plus-values latentes lors du transfert par les contribuables de leur domicile fiscal hors de France (« Exit tax ») 280

Article additionnel après l’article 18 : Contrôle de l’achat au détail de métaux 322

Après l’article 18 324

II.– AUTRES MESURES

Article 19 : Financement du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) 325

Article 20 : Réforme du financement de l’aide juridictionnelle 332

Article 21 : Modifications des règles régissant la contribution au service public de l’électricité 340

Article 22 : Indemnisation des victimes du benfluorex 352

Article 23 : Augmentation de la quote-part de la France au Fonds monétaire international (FMI) 377

TABLEAU COMPARATIF 389

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 499

INTRODUCTION

Trois exigences doivent guider la politique fiscale : l’impôt ne doit pas être confiscatoire ; une imposition assise sur le patrimoine évalué à sa valeur vénale doit répondre aux défis de l’époque ; le financement de toute réforme fiscale doit être assuré et juste.

Le présent projet de loi répond à ces trois exigences.

En abaissant les taux les plus élevés du barème de l’impôt de solidarité sur la fortune, la présente réforme fait perdre à cette imposition son caractère confiscatoire. Le taux marginal de 1,8 % conduit aujourd’hui à ce que la puissance publique prélève près de la moitié de la rémunération d’un placement en emprunts d’État, avant même de percevoir l’impôt sur le revenu et les contributions sociales. À 0,5 %, l’impôt de solidarité sur la fortune n’amputera qu’un peu plus d’un dixième du revenu d’un tel placement, soit autant qu’en 1982. En conséquence, le plafonnement « Rocard » et son héritier, le bouclier fiscal, perdent leur raison d’être et sont supprimés.

L’impôt de solidarité sur la fortune répond aux défis d’une époque où les très hauts revenus perçoivent une part croissante de la valeur ajoutée. Dans l’économie du début du XXIème siècle, l’impôt de solidarité sur la fortune prend un sens qu’il n’avait pas à la fin des Trente glorieuses. Calculé avec précision sur la valeur vénale du patrimoine, il incite à investir et limite la tendance de l’économie à la concentration des richesses. Le choix du Gouvernement de ne pas supprimer cette imposition, dont le rendement budgétaire n’est pas négligeable au demeurant, est donc bienvenu.

Quant au financement de la réforme, il sera assuré en régime de croisière même si un besoin de trésorerie serait constaté temporairement. Ce financement est juste car les mesures qui permettent l’équilibre financier de la réforme pèseront, dans leur quasi-totalité, sur les personnes actuellement assujetties à l’impôt de solidarité sur la fortune, les non-résidents fortunés ou les personnes quittant la France pour des raisons fiscales.

Le présent projet de loi ne mettra pas un terme aux polémiques qui ont accompagné l’impôt de solidarité sur la fortune depuis sa création. Mais, parce qu’elle répond à des objectifs qui seraient largement partagés si les passions étaient moins violentes, cette réforme ne sera probablement pas remise en cause après 2012, quelle que soit l’orientation de la nouvelle majorité.

PREMIÈRE PARTIE : LA RÉFORME DE L’IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE

L’objet du présent projet de loi est de supprimer le caractère confiscatoire de l’impôt de solidarité sur la fortune. Cet objectif passe par une réforme du barème de cette imposition, dont le coût est intégralement compensé, à titre principal, par des mesures relatives aux droits de mutation à titre gratuit, et, à titre subsidiaire, par une imposition des non-résidents et des exilés fiscaux.

En conséquence, le présent projet de loi s’analyse comme une modification des modalités d’imposition des personnes détenant un patrimoine net de plus de 1,3 million d’euros, et non comme un allègement fiscal à leur profit – des transferts de charges pouvant toutefois être constatés au sein de cette catégorie au détriment des bénéficiaires actuels du bouclier fiscal.

Selon les évaluations du Gouvernement, la réforme serait, après un besoin temporaire de trésorerie, financée en régime de croisière. Son impact serait donc neutre sur les finances publiques.

I.– RÉFORMER UN IMPÔT CONFISCATOIRE, SUPPRIMER TOUS LES PLAFONNEMENTS

Dès sa création en 1989, l’impôt de solidarité sur la fortune présente une contradiction majeure qui suscite l’interrogation : il reprend les taux de son prédécesseur de 1982 – l’impôt sur les grandes fortunes – et les applique à une assiette dont la capacité contributive a diminué de moitié – les rendements des emprunts d’État ayant chuté sur la décennie en raison de la désinflation.

Cette contradiction a conduit, dès 1989, au constat que l’impôt de solidarité sur la fortune est potentiellement confiscatoire et que ses effets doivent être atténués pour les personnes dont les revenus sont trop faibles pour pouvoir le supporter (1). Le plafonnement « Rocard », prolongé par le bouclier fiscal en 2006, est conçu comme une réponse à cette préoccupation et apparaît comme inséparable de l’impôt lui-même.

En dépit de la conscience largement partagée d’une telle imperfection, la forte charge symbolique de cette imposition a non seulement empêché toute évolution substantielle du dispositif, mais a également conduit à des modifications à la marge entraînant une certaine complexification du droit, souvent mise à profit par les contribuables les plus fortunés pour réduire substantiellement leur imposition.

En visant le défaut originel de l’impôt de solidarité sur
la fortune – son barème –, le présent projet de loi fait disparaître à la fois le caractère confiscatoire de l’imposition, les mécanismes de plafonnement censés y remédier et les schémas d’optimisation qui leur sont liés.

La réforme peut donc se comprendre comme un retour à l’intention originelle de 1982, à savoir un prélèvement limité sur le patrimoine des plus fortunés. Dans un début de XXIème siècle caractérisé par un accroissement rapide des hauts revenus, une telle intention prend une justification qu’elle n’avait pas à une époque – la fin des Trente Glorieuses – où la part du travail dans la valeur ajoutée était de dix points plus élevée qu’aujourd’hui et la rémunération réelle du capital nettement inférieure à celle que l’on constate actuellement.

La réforme du barème de l’impôt de solidarité à la fortune, prévue à l’article 1er du présent projet de loi, indissociable de la suppression du bouclier fiscal prévue à l’article 13, constitue le cœur du présent projet de loi. Elle comprend trois points principaux :

– le relèvement du seuil d’entrée de 0,8 à 1,3 million d’euros d’actif net imposable ;

– la diminution des taux applicables, aujourd’hui compris entre 0,55 % et 1,8 % et qui passeraient à 0,25 % pour un actif net imposable compris entre 1,3 million d’euros et 3 millions d’euros et 0,5 % au-delà de 3 millions d’euros ;

– enfin, les taux ne seraient plus appliqués sur le montant marginal de l’actif net taxable mais sur sa totalité – un dispositif de « lissage » étant associé à cette évolution dans le but d’atténuer les effets de seuil.

L’évolution décrite ci-dessus obéit à deux logiques.

D’une part, elle se fonde sur le constat que l’ISF actuel porte sur des contribuables qui n’ont pas vocation à y être soumis. Ces personnes sont celles détenant des actifs immobiliers – le plus souvent, leur résidence principale –, dont la valeur s’est envolée depuis dix ans en raison du dynamisme du marché. En dépit de l’abattement de 30 % sur la résidence principale, elles sont soumises à une imposition qui ne devrait pas les viser puisque sa raison d’être était initialement de taxer les « grandes fortunes ». Ces contribuables sont censés, par ailleurs, supporter une imposition qui a pour objectif de venir en diminution des revenus de leur patrimoine. Or, la plus grande part du leur – la résidence principale – n’en produit pas.

Le relèvement du seuil d’entrée dans le barème apparaît donc conforme à l’objectif poursuivi par l’impôt de solidarité sur la fortune – taxer uniquement les grandes fortunes – et permet l’adaptation de cette imposition aux conditions contemporaines du marché immobilier.

D’autre part, la diminution de ces taux fait perdre à l’impôt de solidarité sur la fortune son caractère potentiellement confiscatoire et entraîne la suppression de tous les dispositifs de plafonnement créés pour répondre à ce défaut. Alors qu’au début des années 1980, le taux le plus élevé du barème conduisait à prélever environ un dixième des intérêts perçus sur un emprunt d’État, la ponction s’élève aujourd’hui à près de la moitié de ce revenu, avant même que l’impôt sur le revenu et les contributions sociales ne soient prélevées.

La diminution des taux du barème pourrait être – à tort – interprétée comme un allègement fiscal pour la plupart des contribuables disposant d’un patrimoine net supérieur à 1,3 million d’euros. Cette interprétation est inexacte car ces mêmes personnes voient parallèlement augmenter la charge fiscale pesant sur la transmission de leur patrimoine.

La réforme s’analyse donc comme une modification de l’imposition du patrimoine de ces contribuables, qui entraîne nécessairement deux transferts de charge : d’une part, de la détention à la transmission du patrimoine, et, d’autre part, des redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune qui ne bénéficient pas du bouclier fiscal à ceux qui en tirent profit.

II.– UNE CHARGE FISCALE GLOBALEMENT STABLE, DES MODALITÉS D’IMPOSITION DIFFÉRENTES

La réforme du barème de l’impôt de solidarité sur la fortune ne saurait être comprise sans être mise en regard des mesures de financement de la réforme.

De ce point de vue, le présent projet de loi constitue non pas un allègement d’imposition mais une modification des modalités d’imposition des personnes détentrices d’un patrimoine net d’un montant supérieur à 1,3 million d’euros. Ces contribuables seraient moins prélevés sur le stock de leur patrimoine – via l’impôt de solidarité sur la fortune – et davantage sur sa transmission – par les droits sur les successions et les donations.

La présentation de la réforme comme « un cadeau fiscal » fait aux plus fortunés relève donc de l’erreur d’analyse.

A.– LES MESURES DE FINANCEMENT DE LA RÉFORME

La réforme du barème de l’impôt de solidarité sur la fortune, couplée à la suppression du bouclier fiscal, engendrerait un manque à gagner de l’ordre de 1,1 milliard d’euros.

Ce besoin de financement serait couvert, à titre principal, par un accroissement de l’imposition sur la transmission du patrimoine, qui se traduit par des mesures relatives aux droits de mutation à titre gratuit – successions et donations. À titre subsidiaire, les non-résidents fortunés et les exilés fiscaux seraient mis à contribution par de nouvelles impositions ad hoc. Le tableau suivant récapitule ces mesures de financement.

LES MESURES DE FINANCEMENT DE LA RÉFORME

(en millions d’euros)

Droits de mutation à titre gratuit

Augmentation de 6 à 10 ans du délai de rapport fiscal et du délai de reprise de l'administration des donations en matière de DMTG (art. 3)

450

Suppression des réductions de droits de donation liées à l'âge du donateur (art. 4)

290

Augmentation des taux applicables aux deux dernières tranches d'imposition pour les transmissions à titre gratuit en ligne directe et pour les donations entre époux ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité (art. 2)

185

Non-résidents

Taxe sur les résidences secondaires des non-résidents (art. 17)

176

Exilés fiscaux

Imposition des plus-values latentes sur droits sociaux et valeurs mobilières lors du transfert par les contribuables de leur domicile fiscal hors de France (art. 18)

189

TOTAL

1 290

Le choix des mesures de financement de la réforme a été guidé par deux principes.

D’une part, les mesures relatives aux droits de mutation à titre gratuit traduisent la volonté de taxer davantage la transmission du patrimoine que sa détention. Elles constituent donc le volet indissociable de la réforme du barème de l’imposition de solidarité sur la fortune et permettent l’évolution des modalités d’imposition des personnes disposant d’un patrimoine net supérieur à 1,3 million d’euros. Ces mesures nouvelles couvriraient près de 80 % du coût de la réforme.

L’alourdissement de l’imposition qui en découle doit être relativisé au vu de l’ensemble des allègements adoptés depuis 2006. Ainsi, depuis cette date, la baisse de la pression fiscale sur les successions et donations peut être évaluée à environ 3 milliards d’euros, contre une hausse de 925 millions d’euros entraînée par le présent projet de loi.

Il convient, par ailleurs, de remarquer que les présentes mesures ne remettent pas en cause les abattements prévus par la loi TEPA et qui permettraient d’exonérer 95 % des contribuables. En d’autres termes, ces mesures pèseraient soit sur une partie des 5 % restant – articles 3 et 4 –, soit la fraction particulièrement fortunée de ces 5 % relevant des deux dernières tranches du barème – article 2.

D’autre part, deux des mesures de financement ciblent un public particulier de contribuables dont l’inclusion dans la réforme est cohérente avec les objectifs poursuivis.

Les non-résidents seraient mis à contribution à hauteur de 176 millions d’euros par une taxation rénovée de leur résidence secondaire. On peut supposer que ces personnes disposent d’un patrimoine substantiel pour ajouter à leur patrimoine un bien immobilier situé à l’étranger. Il convient également de noter que, si elles financent les services publics locaux en étant redevables de la taxe foncière et de la taxe d’habitation, ces personnes ne financent pas les services publics nationaux – sécurité, infrastructures... – dont elles bénéficient.

Les exilés fiscaux seraient mis à contribution à hauteur de 189 millions d’euros pour financer les services publics qui contribuent à leur réussite matérielle. En renchérissant le départ à l’étranger, une telle incitation financière à rester en France est cohérente avec les objectifs de la réforme qui visent à supprimer la principale incitation financière au départ – le caractère confiscatoire de l’impôt de solidarité sur la fortune.

B.– LES GAGNANTS ET LES PERDANTS

Le Gouvernement a fait le choix, salué par le Rapporteur général, de gager entièrement le coût de la réforme. Dès lors, il est inévitable que des gagnants et des perdants apparaissent de manière claire – les perdants d’une réforme non gagée étant les générations futures.

Le tableau suivant tente d’offrir une vue synthétique du gain retiré et du coût supporté par chaque catégorie de contribuables du fait de la réforme.

L’IMPACT DE LA RÉFORME SUR LES DIFFÉRENTES CATÉGORIES DE CONTRIBUABLES

(en millions d’euros)

Allègement d'imposition
(effet du nouveau barème de l’ISF)

Hausse d'imposition
(effet des mesures relatives aux droits de mutation à titre gratuit, de l’exit-tax et de la taxe sur les résidences secondaires des non-résidents)

Personnes dont le patrimoine net taxable est supérieur à 1,3 million d'euros

– 737

775

Personnes dont le patrimoine net taxable est supérieur à 1,3 million d'euros

Personnes dont le patrimoine net taxable est compris entre 0,8 à 1,3 million d'euros

– 400

189

Exilés fiscaux

176

Non-résidents

   

150

Autres (2)

NB : l’évaluation de la nouvelle charge d’imposition supportée par les contribuables en fonction de la valeur de leur patrimoine se fonde sur l’hypothèse que les personnes dont le patrimoine net taxable est supérieur à 1,3 million d’euros supportent 80 % des mesures de suppression des droits de donation liées à l’âge du donateur et d’augmentation de six à dix ans du délai de rapport fiscal et 100 % de la hausse du barème des successions et donations.

Le Rapporteur général n’ayant pu obtenir les éléments nécessaires à une évaluation fine de l’impact de la réforme, et plus particulièrement des mesures de hausse d’imposition, il lui est impossible d’estimer précisément la charge ou le gain induit par la réforme pour chaque catégorie de contribuables en fonction du montant de patrimoine net. Son évaluation de l’impact de la réforme reste donc approximative.

Pour l’ensemble constitué des contribuables disposant d’un patrimoine net taxable d’une valeur supérieure à 1,3 million d’euros, l’effet principal du présent projet de loi consisterait, comme indiqué plus haut, en une évolution des modalités d’imposition de leur patrimoine – la charge fiscale supportée par cette catégorie de contribuables demeurant à peu près stable.

Au sein même de cette catégorie cependant, des transferts de charges entre contribuables sont à prévoir. Plus précisément, le présent projet de loi tend à modifier la part relative de deux catégories de contribuables dans le poids de l’impôt. En effet, ceux qui bénéficient de fortes restitutions au titre du bouclier fiscal devraient voir leur imposition augmenter (3), alors que les autres bénéficieraient d’un allègement de leur charge fiscale. Le transfert de charge est particulièrement sensible au sein des tranches les plus hautes de l’impôt (cf. le commentaire de l’article premier).

Or, les premiers sont principalement ceux qui pratiquent l’optimisation fiscale en minorant leur revenu fiscal de référence pour bénéficier pleinement du bouclier fiscal. La réforme aurait donc pour effet de sanctionner les personnes recourant massivement à l’optimisation fiscale.

Les faibles revenus de certains bénéficiaires du bouclier fiscal peuvent également s’expliquer par la détention d’un capital que l’on ne fait pas fructifier et qui ne génère qu’une faible rémunération. La suppression des mécanismes de plafonnement constituera, pour ces contribuables, une incitation à mieux investir leur capital et à soutenir la croissance économique.

Dans les deux cas (4), l’effet de la réforme sera bénéfique – sanction de l’optimisation, incitation à l’investissement –, tant en termes de justice fiscale que d’efficacité économique.

Les contribuables disposant d’un patrimoine net taxable compris entre 0,8 million d’euros et 1,3 million d’euros pourraient être les principaux gagnants à la réforme. Ils bénéficieront de la suppression de la première tranche de l’impôt de solidarité sur la fortune, dont le coût est estimé à 400 millions d’euros. Ce gain sera minoré, dans une proportion probablement limitée, par l’augmentation de six à dix ans du délai de rapport fiscal et, dans une moindre mesure, par la suppression des droits de donation liés à l’âge du donateur.

Ces deux mesures concerneront également les personnes disposant d’un patrimoine net taxable inférieur à 0,8 million d’euros mais suffisamment important pour que leurs héritiers ou donataires fassent partie des 5 % de Français imposés au titre des droits de mutation à titre gratuit. Le coût que ces personnes supporteront du fait de ces mesures est inconnu mais sera probablement limité.

Enfin, les non-résidents disposant d’une résidence secondaire et les exilés fiscaux seront perdants nets à la réforme pour les raisons évoquées plus haut.

III.– L’ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA RÉFORME

Selon les prévisions du Gouvernement, la réforme dégagerait, en régime de croisière, un surplus de recettes de l’ordre de 200 millions d’euros, améliorant d’autant le solde public structurel. Le tableau suivant offre une vue exhaustive des différents éléments concourant à l’équilibre financier de la réforme.

L’ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA RÉFORME EN RÉGIME DE CROISIÈRE

(en millions d’euros)

Suppression du bouclier fiscal (art. 13)

720

Augmentation de 6 à 10 ans du délai de rapport fiscal et du délai de reprise de l'administration des donations en matière de DMTG (art. 3)

450

Suppression des réductions de droits de donation liées à l'âge du donateur (art. 4)

290

Imposition des plus-values latentes sur droits sociaux et valeurs mobilières lors du transfert par les contribuables de leur domicile fiscal hors de France (art. 18) *

189

Augmentation des taux applicables aux deux dernières tranches d'imposition pour les transmissions à titre gratuit en ligne directe et pour les donations entre époux ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité (art. 2)

185

Taxe sur les résidences secondaires des non-résidents (art. 17)

176

Imposition des biens ou droits composant un trust à l'ISF et aux DMTG (art. 6)

30

ISF - Absence de prise en compte des créances détenues par des personnes non résidentes à l'égard des sociétés à prépondérance immobilière dans la valorisation des parts (art. 16)

20

TOTAL mesures de rendement

2 060

 

 

Réforme de l'ISF (art. 1er)

– 1 857

Plafonnement de la taxe foncière afférente à l'habitation principale en fonction du revenu (art. 14)

– 7

Pactes "Dutreil" (art. 5)

NC

Extension de la notion de bien professionnel en matière d'ISF (art. 15)

NC

TOTAL mesures coûteuses

– 1 864

 

 

Solde

+ 196

* Y compris prélèvements sociaux

 

Source : Études d’impact annexées au projet de loi.

Compte tenu de la disparition progressive du bouclier fiscal, un besoin de trésorerie temporaire serait constaté en 2012 pour environ 550 millions d’euros. Toutefois, cette dégradation de 0,03 % de PIB du solde public ne paraît pas pouvoir porter une atteinte significative à la trajectoire de déficit public prévue en loi de programmation.

A.– LA CHRONIQUE BUDGÉTAIRE DE LA RÉFORME

Le besoin de trésorerie constaté en 2011 et 2012 serait résorbé dès l’année 2013. À compter de 2014, la réforme entrerait en régime de croisière et dégagerait un surplus de recettes de l’ordre de 200 millions d’euros. Le tableau suivant illustre la chronique budgétaire de la réforme.

LA CHRONIQUE BUDGÉTAIRE DE LA RÉFORME

(en millions d’euros)

 

2011

2012

2013

2014

Suppression des réductions de droits de donation liées à l'âge du donateur (art. 4)

130

160

-

 

Augmentation des taux applicables aux deux dernières tranches d'imposition pour les transmissions à titre gratuit en ligne directe et pour les donations entre époux ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité (art. 2)

23

162

-

 

Augmentation de 6 à 10 ans du délai de rapport fiscal et du délai de reprise de l'administration des donations en matière de DMTG (art. 3)

18

432

-

 

Suppression du bouclier fiscal (art. 13)

-

70

450

200

Taxe sur les résidences secondaires des non-résidents (art. 17)

-

176

-

 

Imposition des plus-values latentes sur droits sociaux et valeurs mobilières lors du transfert par les contribuables de leur domicile fiscal hors de France (art. 18) *

-

87

102

 

Imposition des biens ou droits composant un trust à l'ISF et aux DMTG (art. 6)

-

30

-

 

ISF - Absence de prise en compte des créances détenues par des personnes non résidentes à l'égard des sociétés à prépondérance immobilière dans la valorisation des parts (art. 16)

-

20

-

 
         

Réforme de l'ISF (art. 1er)

– 400

– 1 457

-

 

Plafonnement de la taxe foncière afférente à l'habitation principale en fonction du revenu (art. 14)

-

– 7

-

 

Pactes "Dutreil" (art. 5)

NC

NC

NC

NC

Extension de la notion de bien professionnel en matière d'ISF (art. 15)

NC

NC

NC

NC

         

Solde

 229

– 327

552

200

Solde cumulé

 229

– 556

– 4

196

* Y compris prélèvements sociaux.

NB : L’évaluation par le Gouvernement de l’impact de la disparition du bouclier fiscal se fonde uniquement sur la diminution des restitutions, retracées en dépenses sur le programme 200, sans prendre en compte le manque à gagner sur l’ISF, lié à l’auto-imputation prévue par l’article 13 du présent projet de loi. En 2012 en effet, le coût du dispositif « bouclier fiscal » reste quasiment stable même si les modalités de son versement diffèrent (auto-imputation au lieu de restitutions). Le calcul ci-dessus ne reprend donc pas la présentation faite par le Gouvernement.

Le besoin de trésorerie est dû, en 2011, à la suppression de la première tranche du barème de l’impôt de solidarité sur la fortune et, en 2012, au caractère progressif de la disparition des effets budgétaires du bouclier fiscal.

En 2011, la suppression anticipée de la première tranche du barème de l’impôt de solidarité sur la fortune, dont le coût est estimé à 400 millions d’euros, est partiellement compensée par les premiers effets des mesures relatives aux donations. Il en résulterait un manque à gagner de l’ordre de 230 millions d’euros.

Le Gouvernement estime que ce besoin de trésorerie est compensé par un surplus de recettes dues à l’action de la « cellule de régularisation ». Celle-ci générerait, en 2011, 300 millions d’euros de recettes supplémentaires, décomposés en 168 millions d’euros d’impôt de solidarité sur la fortune, 76 millions d’euros de droits de mutation à titre gratuit et 56 millions d’euros d’impôt sur le revenu. Ces recettes n’avaient pas été anticipées en loi de finances initiale et s’expliquent par les délais de traitement des dossiers dont certains n’ont pas encore été entièrement examinés.

L’intégration de ces recettes dans l’équilibre financier de la réforme est justifiée par le fait que, même si elles n’ont pas de lien direct avec la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune, elles portent sur les impositions assises sur le patrimoine qui sont l’objet du présent projet de loi. Par ailleurs, il est probable qu’une partie non négligeable des contribuables accueillis par la cellule dispose d’un actif patrimonial net supérieur à 1,3 million d’euros, ce qui légitimerait leur participation au financement de la présente réforme.

Néanmoins, la prise en compte de ces recettes dans le calcul du coût de la réforme nécessiterait de prendre une certaine liberté avec les règles définies par le « Voies et moyens » et dont l’objet est de garantir la qualité et la clarté de l’information fournie au Parlement. Dans le but d’offrir une claire compréhension des déterminants de l’évolution des recettes fiscales, ces règles distinguent entre leur croissance spontanée et les variations dues aux mesures nouvelles. Elles définissent ces dernières comme « l’incidence du cadre juridique et réglementaire tel qu’il existe avant intervention du projet de loi de finances ». Or, la cellule de régularisation est, selon les mots du directeur général des finances publiques (5), une simple « opération administrative » et n’a pas modifié le cadre législatif et réglementaire. Il semble donc difficile de la considérer en tant que « mesure nouvelle » et de l’intégrer à l’équilibre financier de la réforme sans méconnaître la lettre de la définition prévue par le « Voies et moyens ».

Dans l’hypothèse où la cellule de régularisation était néanmoins assimilée à une mesure nouvelle, son impact budgétaire serait négatif car il est en diminution en 2011 par rapport à 2010. Les règles d’évaluation de l’impact budgétaire des mesures nouvelles conduisent en effet à les estimer au regard de la variation de leur rendement, et non du rendement constaté sur une année donnée (6).

En 2012, en dépit du plein rendement de la quasi-totalité des nouvelles recettes, un manque à gagner supplémentaire, d’environ 330 millions d’euros, apparaîtrait, et porterait le besoin de trésorerie à plus de 550 millions d’euros. Il tient au fait que, l’an prochain, sera payé, comme chaque année, une partie du bouclier fiscal de l’année en cours (2012) ainsi que le reliquat du bouclier fiscal de l’année précédente (2011) ((7). Le tableau suivant éclaire la chronique de la disparition du bouclier fiscal.

LES EFFETS BUDGÉTAIRES DE LA DISPARITION DU BOUCLIER FISCAL

(en millions d’euros)

 

2012

2013

2014

Bouclier fiscal 2011

200* (reliquat)

0

0

Bouclier fiscal 2012

450

200* (reliquat)

0

Total « dépense » bouclier fiscal

650

200

0

Économie réalisée

70

450

200

* Par convention, le reliquat du bouclier fiscal en 2012 et 2013 est calculé sur la base de celui constaté en 2010.

Le Rapporteur général insiste sur le fait que c’est le décalage de son versement, inhérent à sa mécanique, qui explique la persistance de l’impact budgétaire du bouclier fiscal en 2012. Ce versement sera dû à ses bénéficiaires au titre de l’imposition payée, avant la réforme, en 2011 et, en vertu du principe de non-rétroactivité en matière fiscale, il ne doit pas être remis en cause ni être interprété comme un « cadeau fiscal ».

Le Rapporteur général estime, par ailleurs, que, par souci de cohérence avec la loi programmation des finances publiques (8), le Gouvernement devra présenter, en projet de loi de finances pour 2012, les mesures fiscales permettant de couvrir le besoin de trésorerie généré par le présent projet de loi.

L’article 9 de cette loi prévoit en effet, pour 2012, une augmentation nette des prélèvements obligatoires due à des mesures discrétionnaires d’un montant de 3 milliards d’euros. Pour atteindre cet objectif voté à l’initiative du Gouvernement, celui-ci devra donc prévoir, en projet de loi de finances pour 2012, un effort de hausse des ressources publiques permettant de combler le manque à gagner lié à la réforme.

Le strict respect de la loi de programmation implique donc qu’au moins 1,2 milliard d’euros (9) de ressources supplémentaires soient prévus par les projets de loi de finances et de financement pour 2012. Comme le Rapporteur général l’a noté lors du débat sur le programme de stabilité et de croissance du 2 mai dernier, il est probable que l’effort doive être encore supérieur pour tenir l’objectif de déficit public fixé pour 2012.

 En 2013 et 2014, la disparition progressive du bouclier fiscal, illustrée par le tableau précédent, permettrait d’atteindre l’équilibre financier de la réforme. En 2013, une économie serait constatée en raison du fait que seul le reliquat du bouclier fiscal 2012 sera supporté par l’État. En 2014, une dernière économie serait enregistrée en raison de la disparition de la quasi-totalité de la dépense due au titre du bouclier fiscal. À compter de cette date, un surplus net de recettes serait constaté du fait des mesures prévues par le présent projet de loi.

Il convient toutefois de remarquer que la réforme conduit à substituer à une imposition particulièrement dynamique – la croissance spontanée de l’impôt de solidarité sur la fortune étant proche de 11 % par an depuis 2002 – de nouvelles impositions dont la croissance spontanée serait inférieure – croissance spontanée de 6 % par an environ pour les droits de mutation à titre gratuit – ou inconnue – dans le cas des nouvelles impositions prévues par le présent projet de loi. À long terme, il n’est donc pas impossible que ce surplus de recettes s’érode progressivement.

B.– LES ÉVALUATIONS DU GOUVERNEMENT

Le Rapporteur général n’a pu obtenir tous les éléments requis pour porter une appréciation complète sur les évaluations du Gouvernement. Quelques observations peuvent néanmoins être faites sur la base des études d’impact annexées au présent projet de loi et des informations transmises par l’administration.

1.– Le calcul du coût de la réforme du barème

Le coût de la réforme du barème, estimé à 1 857 millions d’euros par le Gouvernement, résulte de la différence entre :

– le montant de référence de l’impôt de solidarité sur la fortune avant réforme, soit le montant d’ISF qui aurait été perçu en 2012 en l’absence de réforme, évalué à 4 140 millions d’euros ;

– le montant de l’impôt de solidarité sur la fortune après réforme, soit le montant prévisionnel d’ISF en 2012 après application du nouveau barème et des autres dispositions du présent projet de loi, estimé à 2 283 millions d’euros.

Dans les deux cas, le calcul intègre uniquement le montant d’impôt de solidarité sur la fortune sur titre courant – en excluant donc l’impact du contrôle fiscal – et hors éléments exceptionnels – l’impact non pérenne de la cellule de régularisation devant donc être neutralisé (10).

L’exclusion du contrôle fiscal de la base de calcul du coût de la réforme suscite une interrogation car les recettes qu’il génère, tant par les droits sur années antérieures que par les droits sur l’année en cours, constituent une composante du rendement de la recette fiscale. Les montants prévisionnels des produits du contrôle fiscal au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune dû en 2012 avant et après réforme devraient donc être rapprochés.

Hors cette remarque relative à la méthode retenue, il convient de noter que la non-prise en compte des recettes retirées du contrôle fiscal suppose que la réforme n’a pas d’impact sur leur niveau. En d’autres termes, évaluées à 360 millions d’euros en 2011, ces recettes resteraient stables après réforme et verraient donc leur part dans le produit du nouvel ISF – 16 % – presque doubler par rapport à la part de l’ancien ISF qu’elles représentaient – 8,5 %. Si, en revanche, cette part demeurait à leur niveau actuel de 8,5 %, le manque à gagner pour l’État pourrait dépasser 150 millions d’euros.

Le calcul du montant de référence avant réforme est réalisé en prenant pour base le montant d’impôt de solidarité sur la fortune sur titre courant en 2010, que l’on « fait vieillir » sur 2011 puis 2012.

Le montant de l’impôt de solidarité sur la fortune en titre courant en 2010 est estimé à 3 585 millions d’euros. Rappelons que le produit total de l’ISF en exécution 2010 a été constaté à 4 464 millions d’euros. Ce dernier montant doit être minoré de l’impact de la cellule de régularisation – 350 millions d’euros – et du contrôle fiscal – que l’on peut estimer à 360 millions d’euros (11). Déduction faite de ces éléments, il demeure un montant de 168 millions d’euros qui vient en minoration de la base de calcul – et donc du coût de la réforme. Le Gouvernement n’a fourni aucune précision sur cet écart.

Appliquant un taux de croissance spontanée de 5 %, le Gouvernement en déduit que l’impôt de solidarité sur la fortune en titre courant atteindrait 3 765 millions d’euros en 2011 et, par application d’un taux de croissance spontanée de 10 %, 4 141 millions d’euros en 2012 – ce dernier montant constituant le montant de référence de l’impôt de solidarité sur la fortune avant réforme.

Toutefois, l’évaluation du montant de référence en 2011 (12) omet la prise en compte de deux éléments. D’une part, les mesures nouvelles (13) devraient générer, en 2011, un produit supplémentaire de l’ordre de 134 millions d’euros. D’autre part, le gain pérenne de recettes lié à l’action de la cellule de régularisation est également oublié. Selon les informations recueillies par le Rapporteur général, il atteindrait 100 millions d’euros – soit seulement 13 % du montant total des droits recouvrés – sans qu’aucune justification ne vienne étayer une telle évaluation.

En résumé, les incertitudes relatives au calcul du coût de la réforme concernent le traitement du contrôle fiscal ainsi qu’une apparente sous-évaluation du montant de référence d’ISF avant réforme. Elles pourraient avoir un impact sur le coût de la réforme en régime de croisière.

Le montant d’ISF après réforme est calculé par application du nouveau barème à une assiette prévisionnelle de 2012. Il est estimé à 2 283 millions d’euros, une telle estimation prenant en compte le coût du mécanisme de lissage destiné à limiter les effets de seuil ainsi que celui des réductions d’impôts « ISF PME » et « ISF dons » dont le coût après réforme est estimé respectivement à 511 millions d’euros et 57 millions d’euros. Au regard des projections du Rapporteur général, une telle évaluation paraît sincère même si le coût de l’actualisation du barème n’est pas pris compte – environ une dizaine de millions d’euros.

Rappelons que ce montant de référence après réforme ne correspond pas au produit d’ISF qui sera constaté sur le budget de l’État en 2012. Ce dernier montant sera en effet majoré du produit du contrôle fiscal et minoré de l’impact de l’auto-imputation du bouclier fiscal prévue à l’article 13 du présent projet de loi.

2.– Les évaluations des mesures de rendement

Les évaluations de rendement de certaines des mesures de financement de la réforme appellent plusieurs observations.

En premier lieu, le rendement de la suppression des réductions de droits de donation liées à l’âge du donateur est calculé sans prendre en compte un éventuel changement de comportement des contribuables conduisant à une anticipation des donations. Il est en effet possible que, les réductions liées à l’âge étant supprimées, certains contribuables décident de transmettre leur patrimoine plus tôt, de manière à maximiser la reconstitution décennale des abattements.

En deuxième lieu, le dispositif d’exit-tax, dont le rendement est évalué à 189 millions d’euros, se distingue par la création d’une nouvelle assiette taxable, aujourd’hui inconnue de l’administration fiscale. Le calcul de son rendement passe donc par une tentative de reconstitution de cette assiette, nécessairement approximative car fondée sur un nombre important d’hypothèses. Par ailleurs, le taux appliqué à cette assiette pour le calcul du rendement de l’imposition est majoré par rapport au taux réel. Le taux effectif ne serait pas celui applicable en France – ce qui est fait dans l’évaluation – mais résulterait de la différence entre ce taux et celui applicable dans le pays de résidence du contribuable. Au-delà du fait qu’une telle approche tend à surestimer le rendement de l’imposition, il apparaît, en tout état de cause, que la fiabilité de l’estimation du Gouvernement semble faible.

Enfin, les mesures relatives aux trusts (article 6) et aux sociétés immobilières (article 16) dégageraient respectivement un produit de 30 millions d’euros et 20 millions d’euros, sans qu’aucune justification ne soit apportée pour étayer un tel calcul. Quant aux mesures relatives aux « pactes Dutreil » (article 5) et aux biens professionnels (article 15), elles ne sont pas chiffrées.

SECONDE PARTIE : L’AJUSTEMENT DE LA PRÉVISION BUDGÉTAIRE

PRÉSENTATION SYNTHÉTIQUE

(en millions d’euros)

I.– LES DÉPENSES (14)

A.– Ouvertures de crédits proposées dans le collectif : + 1278 (AE) et + 2771 (CP)

1. Budget général : 503 (AE) et 484(CP)

dont :

• Travail et emploi : + 350

• Culture : + 64 (AE) et + 41 (CP)

• Immigration et asile : + 50

• Justice : + 23

• Sécurité : + 10 (AE) et +15 (CP)

• Santé : + 5

2. Budgets annexes : + 5

3. Comptes spéciaux : + 770 (AE) et + 2 282 (CP) 

B.– Annulations de crédits proposées dans le collectif : – 508 (AE) et – 489 (CP)

1. Budget général : – 506 (AE) et – 487 (CP)

2. Budgets annexes : – 2

3. Comptes spéciaux : 0

C.– Soldes des mouvements proposés dans le collectif : + 770 (AE) et + 2 282 (CP)

1. Budget général : – 3 (AE) et – 3 (CP)

2. Budgets annexes : + 3

3. Comptes spéciaux : + 770 (AE) et + 2 282 en CP

II.– LES RECETTES

• Recettes fiscales nettes : – 236

dont :

Ä IR net : – 500

Ä TVA nette : + 1 400

Ä IS net : – 1 700

Ä Impositions assises sur le patrimoine : + 443

• Ressources non fiscales : – 262

• Ressources nettes du budget général : – 498

• Recettes des comptes spéciaux : 2 270

dont :

Ä comptes d’affectation spéciale : + 770

Ä comptes de concours financiers : + 2 000

III.– LE DÉFICIT

• Estimé à 91 628 en LFI, le déficit prévisionnel est fixé à 91 638 millions d’euros.

Alors que les mouvements de crédits ne remettent pas en cause le respect de la norme de dépense, les recettes du budget général sont revues à la baisse, en raison principalement du rebasage de leur prévision à la suite de l’exécution de l’année 2010. Il s’en suit une dégradation du solde du budget général évaluée à 498 millions d’euros.

Du fait d’une révision à la hausse du solde des comptes spéciaux, le solde de l’État reste néanmoins stable. Le remboursement des prêts aux constructeurs automobiles permet de financer à la fois ce besoin de financement supplémentaire et le versement de prêts à l’État grec reportés de 2010 à 2011.

I.– DES MOUVEMENTS DE CRÉDITS PRINCIPALEMENT CENTRÉS SUR LA POLITIQUE EN FAVEUR DE L’EMPLOI

A.– LES MOUVEMENTS DE CRÉDITS SUR LE BUDGET GÉNÉRAL

1.– Le respect a priori de la norme « zéro valeur » sur les dépenses de l’État

La loi de finances initiale pour 2011 a été construite sur une double norme de dépenses à travers :

 la stabilisation des dépenses de l’État en volume (dite « norme zéro volume »), sur un périmètre regroupant :

– les dépenses nettes du budget général d’un montant de 285,7 milliards d’euros (15) ;

– les prélèvements sur recettes au profit de l’Union européenne et des collectivités territoriales, hors impact de la réforme de la taxe professionnelle, d’un montant de 71,1 milliards d’euros ;

– ainsi que les nouvelles affectations de recettes d’un montant de 0,1 milliard d’euros.

Sur ce périmètre de la norme élargie, le plafond de dépenses de l’État en volume 2011 a donc été arrêté en loi de finances initiale à 356,3 milliards d’euros, sous une hypothèse prévisionnelle d’inflation de 1,5 % en 2011.

 la stabilisation de ces dépenses en valeur hors charge de la dette et des pensions à 274,8 milliards d’euros maximum (dite « norme zéro valeur »).

Comme le montrent les tableaux ci-après, les ouvertures nettes de crédits prévues par le présent collectif portent sur neuf missions du budget général et s’élèvent à 503 millions d’euros en AE répartis sur onze programmes et à 484,3 millions d’euros en CP répartis sur douze programmes.

Elles sont intégralement gagées par des annulations nettes de crédits d’un montant de 506,3 millions d’euros en AE et de 487,3 millions d’euros en CP réparties sur 28 missions (sur 32) et 82 programmes (sur 124).

Aucun ajustement n’est opéré sur les prélèvements sur recettes ou les nouvelles affectations de recettes.

Au total, il apparaît que les dépenses nettes du budget général en 2011 sont, en prévision, révisées à la baisse à hauteur de 3 millions d’euros en AE et CP. Cette économie sert en réalité à gager une ouverture de crédit sur le budget annexe Contrôle et exploitation aériens, en dehors de la norme de dépense.

2.– Un risque de dérapage a posteriori des ouvertures de crédits centrées sur des dépenses d’intervention ou d’investissement

Les principales ouvertures de crédits prévues par le présent projet de loi de finances rectificatives portent sur des dépenses d’intervention répondant à une logique de guichet ou sur des dépenses d’investissement dont le pilotage a priori n’est pas simple. Il s’ensuit qu’un effort particulier de suivi de la dépense devra être réalisé par le Gouvernement pour éviter tout dérapage a posteriori.

a) 350 millions d’euros en faveur du « Plan Emploi » (mission Travail et Emploi)

L’amélioration de la situation de l’emploi constitue la première priorité du Gouvernement. Le présent projet de loi de finances rectificative vise ainsi à mettre en œuvre les annonces du Président de la République des 10 février et 1er mars 2011 résumées sous la formule « un demi milliard pour l’emploi ».

Les efforts supplémentaires du Gouvernement en faveur de l’emploi sont concentrés autour de quatre priorités : l’emploi des jeunes ; le soutien aux demandeurs d’emploi de longue durée ; la formation des demandeurs d’emploi ; la sécurisation des parcours professionnels.

Les crédits ouverts dans la présente loi de finances, soit 350 millions d’euros en AE et CP, correspondent au coût prévisionnel sur l’année 2011 des mesures annoncées dans le plan emploi, dont le montant total est bien de 500 millions d’euros. Toutefois, plusieurs mesures de ce plan auront un impact financier réparti sur deux ans. Le financement du coût de ces mesures en 2012 sera donc pris en compte dans la construction du budget 2012 de la mission Travail et Emploi.

• Ouverture de 243 millions d’euros sur le programme Accès et retour à l’emploi (+ 3,92 % des CP par rapport à la LFI)

Les dispositifs d’aide en faveur de l’accompagnement et la formation des chômeurs de longue durée décrits ci-après sont financés par l’État au moyen du versement d’une dotation complémentaire à Pôle emploi, lequel sera chargé de mettre en œuvre concrètement chacune de ces mesures selon les objectifs fixés par le Gouvernement qui seront précisés par décret. Malgré l’intervention de Pôle emploi, ces différents dispositifs d’aide répondent à une logique de guichet dont le coût budgétaire a été évalué a priori à partir d’hypothèses conventionnelles ce qui laisse augurer d’éventuels dérapages.

– Institution d’une rémunération pour les demandeurs d’emploi en fin de droit en formation (8 millions d’euros) : le Gouvernement et les partenaires sociaux ont décidé de mettre en place une rémunération de fin de formation (R2F) versée aux demandeurs d’emplois inscrits dans une action de formation conventionnée par Pôle Emploi et indemnisés au moment de leur entrée dans le parcours de formation au titre de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE), de l’allocation spécifique de reclassement (ASR) ou de l’allocation de transition professionnelle (ATP), lorsque la durée de la formation excède celle de leur indemnisation. Cette rémunération sera versée par Pôle Emploi.

La R2F prend ainsi le relais de l’allocation d’assurance chômage pour assurer aux intéressés un revenu jusqu’à la fin de leur formation, sous différentes conditions (la formation doit être certifiante et correspondre à un métier déclaré en tension par un arrêté préfectoral).

Sur la base d’une hypothèse de 30 000 entrées au cours de l’exercice 2011 et d’un coût moyen mensuel de 652 euros, soit 21 euros par jour, le coût total de la mesure en 2011, aux termes du projet de loi de finances rectificative, serait de 16 millions d’euros, financé à parité par l’État et le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), soit 8 millions d’euros à la charge de l’État.

Le Rapporteur général note cependant que ce chiffre ne correspond pas à l’hypothèse proposée (30 000 x 652 = 19,5 millions d’euros) qui se traduirait en fait par un coût budgétaire de 9,75 millions d’euros en cas de parité entre l’État et le FPSPP.

– Renforcement des actions de formation pour les demandeurs d’emploi (40 millions d’euros) : une dotation de 40 millions d’euros permettra à Pôle Emploi d’accroître le nombre de formations offertes aux demandeurs d’emploi. Cette dotation doit permettre de financer 15 000 formations supplémentaires, d’un coût unitaire maximal de 3 000 euros. Les partenaires sociaux et les conseils régionaux pourront venir abonder cette dotation pour aller au-delà des 15 000 formations financées par l’État.

– Accompagnement renforcé des demandeurs d’emploi par un recours accru aux organismes privés de placement (30 millions d’euros) : le renforcement du suivi de 40 000 chômeurs de longue durée est mis en place par Pôle Emploi à travers l’achat de prestations extérieures auprès des organismes privés de placement (agences d’intérim et d’accompagnement dans l’emploi). L’État contribuera, pour sa part, au financement de 18 000 parcours d’accompagnement dont le coût prévisionnel est de 30 millions d’euros (soit 18 000 chômeurs suivis avec un coût moyen inférieur à 2 000 euros par personne).

– 7 000 contrats d’autonomie supplémentaire (20 millions d’euros) : le contrat d’autonomie a été mis en place en juillet 2008 dans le cadre du plan « Espoir Banlieues ». Il vise l’accompagnement vers l’emploi durable ou la formation qualifiante de jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville par des opérateurs publics ou privés de placement. Entre juillet 2008 et mars 2010, environ 25 000 contrats ont été signés dans les trente-quatre départements métropolitains où est déployé le dispositif.

Le présent projet de loi de finances rectificatives prévoit 7 000 contrats supplémentaires pour un coût de 20 millions d’euros.

– 50 000 contrats aidés du secteur non marchand (CUI-CAE) (145 millions d’euros) dont 15 000 entrées dès le 1er semestre 2011 et 35 000 à réaliser au cours du second semestre 2011.

Ces contrats qui devront être conclus avec les collectivités locales, les associations et les gestionnaires de services publics reposeront sur les mêmes paramètres de prise en charge que les contrats financés par les crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2011, soit un taux d’aide de l’État de 78,75 % du SMIC horaire brut sur la base de 21,9 heures de travail hebdomadaire. Il en résulte un coût unitaire moyen mensuel de 686 euros.

Un dérapage du coût budgétaire n’est néanmoins pas exclu dès lors que le coût de chaque contrat est différent et n’est pas susceptible d’être maîtrisé par le Gouvernement. En outre, l’expérience des trois dernières années montre que le nombre de contrats aidés est très souvent, en exécution, bien supérieur aux prévisions, comme le montre le tableau ci-après.

   

LFI +
relance

Exécution

LFI +
relance

LFI +
relance

LFI

LFI + 
LFR

CIE (CUI à partir de 2010)

y compris CIE jeunes P316 en 2009 et 2010

Effectifs (flux)

100 000

100 357

50 000

113 495

50 000

50 000

CP

232,7 M€

232,5 M€

259,1 M€

673,7 M€

257,8 M€

257,8

CAE (CUI à partir de 2010)

y compris CAE « passerelle » P316 en 2009 et 2010

Effectifs (flux)

250 000

275 662

360 000

404 079

340 000

390 000

CP

1 149,2 M€

1 253,2 M€

732,4 M€

2 796,2 M€

1 739,6 M€

1 884,6 M€

CAV

Effectifs (flux)

110 000

99 246

0

0

0

0

CP

523,7 M€

496,4 M€

223,0 M€

191,0 M€

26,1 M€

26,1 M€

TOTAL

Effectifs (flux)

460 000

475 265

410 000

517 574

390 000

440 000

CP

1 905,5 M€

1 982,1 M€

2 214,5 M€

3 660,9 M€

2 023,5 M€

2 168,5 M€

Le Rapporteur général avait déjà interpellé le Gouvernement sur « l’explosion des contrats aidés en 2010 » (+ 1,4 milliard d’euros par rapport à la prévision) dans son rapport sur le quatrième collectif budgétaire pour 2010 et rappelle qu’en 2011, le respect de la norme « zéro valeur » aura directement pour conséquence de contraindre le Gouvernement à procéder, en cours d’année, à des réductions de crédits sur les missions du budget général en cas de dérapage aussi conséquent.

● Ouverture de 107 millions d’euros sur le programme Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi (+ 2,35 % des CP par rapport à la LFI)

– Mise ne place d’un nouveau contrat de sécurisation professionnelle (52 millions d’euros) : en cas de licenciement économique dans un établissement de moins de 1 000 personnes et pour tous les établissements – quel que soit leur effectif – en redressement ou liquidation judiciaire, l’entreprise doit obligatoirement proposer au salarié concerné d'intégrer la Convention de Reclassement Personnalisé (CRP) ou le Contrat de Transition Professionnelle (CTP). C'est le lieu d'implantation de l’établissement qui définit le dispositif applicable.

Quel qu'il soit, il permet au salarié de bénéficier d'un accompagnement personnalisé qui vise la reprise d'un emploi - ou d'une activité - durable. Le salarié dispose d'un délai de réflexion de 21 jours. En cas d'acceptation, son contrat de travail est réputé rompu d'un commun accord. Il est alors dispensé de préavis.

Le bilan des entrées dans ces deux dispositifs en 2009 et 2010 est le suivant :

   

2009

2010

Conventions de Reclassement Personnalisé (CRP)

Nombre d’entrées

94 938

95 246

Coûts (en millions d’euros)

56,2

79,7

Contrats de Transition professionnelle (CTP)

Nombre d’entrées

17 023

20 227

Coûts (en millions d’euros)

47,4

120,0

Le contrat de sécurisation professionnelle remplacera les dispositifs de CRP et de CTP après que les partenaires sociaux en auront défini l’architecture. Ses modalités de mise en œuvre seront précisées par dispositions conventionnelles et réglementaires. Des mesures de transition seront donc mises en œuvre afin que les dispositifs CRP et CTP demeurent applicables jusqu’à l’entrée en vigueur du nouveau CSP.

Une dotation de 52 millions d’euros doit donc permettre de couvrir, outre le coût du CSP sur la base d’une hypothèse de 38 000 entrées dans le dispositif dans le courant de l’année 2011, le coût lié à la prorogation de ces dispositifs.

Comme pour la CRP, il est prévu que l’État participe au financement des mesures d’accompagnement des salariés en CSP à hauteur d’un montant prévisionnel de 800 euros par entrée dans le dispositif (soit le coût actuel de l’accompagnement en CRP pris en charge par l’État). Une partie de l’allocation versée aux bénéficiaires du CSP pourrait également être prise en charge par l’État dans des conditions qui seront fixées par voie conventionnelle avec les partenaires sociaux.

Le Rapporteur général constate néanmoins que ce nouveau dispositif devra être proposé obligatoirement aux salariés en cas de licenciement économique et qu’il répond donc lui aussi à une logique de guichet de sorte que le risque de dérapage budgétaire n’est pas négligeable.

 Dispositif « zéro charge » pour l’emploi des moins de 26 ans en alternance (40 millions d’euros) : cette prime sera versée aux employeurs de jeunes de moins de 26 ans embauchés sur un contrat en alternance (apprentissage et professionnalisation) dans une entreprise de moins de 250 salariés et préparant au maximum un diplôme de niveau bac.

L’aide est calculée de telle sorte qu’elle compense l’essentiel des charges sociales patronales, pour des embauches conclues entre le 1er mars et le 31 décembre 2011. Elle est accordée pour une durée de 12 mois sur demande des entreprises.

 Financement d’un portail de l’alternance (5 millions d’euros) : l’objectif est de créer un portail Internet simplifiant les formalités des employeurs (maîtres d’apprentissage) et des apprentis dans la conclusion d’un contrat en alternance. Ce projet sera réalisé en plusieurs étapes sur 3 ans et associera divers partenaires (conseils régionaux, chambres consulaires, organismes paritaires du champ de la formation professionnelle, Pôle Emploi…) sous l’égide de l’État.

– Contrat de professionnalisation des demandeurs d’emploi de plus de 45 ans (5 millions d’euros) : ce dispositif est prévu pour financer 10 000 primes de 2 000 euros versées aux employeurs de chômeurs de longue durée de plus de 45 ans recrutés en contrat de professionnalisation. Cinq millions d’euros sont prévus en 2011 pour cette action, compte tenu du rythme de la dépense : en effet, un décret d’application prévoira notamment que la prime sera versée par tranche pour éviter d’éventuels effets d’aubaine de la part des entreprises (versement d’une part de la prime à l’embauche et du reliquat quelques mois plus tard).

 Aide à la restauration et l’hébergement des alternants en résidence universitaire (5 millions d’euros) : une convention ad hoc sera signée entre le ministère chargé de l’emploi et à la formation professionnelle et le Centre national des œuvres universitaires et scolaires pour améliorer la prise en charge de la restauration et de l’hébergement des étudiants en alternance.

b) Les ouvertures de crédits en faveur de la mission Culture

● Le financement du projet « Philharmonie de Paris » (62,9 millions d’euros en AE et 39,4 millions d’euros en CP)

Le principe de la construction, en collaboration avec la Ville de Paris et la région Île-de-France, d'un grand auditorium à Paris a été présenté par le ministre de la culture et de la communication en conseil des ministres le 19 juin 2006 dans le cadre d'une préoccupation plus large visant à « améliorer les conditions de la rencontre entre toutes les musiques et tous les publics ».

Ambitieux, le projet de « Philharmonie de Paris » représentait un coût global initial estimé à 203 millions d’euros dans le projet annuel de performance annexé de la mission Culture au PLF 2008 révisé à 336,5 millions d’euros à ce jour selon les informations transmises au Rapporteur général, soit un dérapage de plus de 65 % en trois ans.

L'accord financier entre la Ville de Paris et l'État repose sur une répartition à parts égales de la charge du projet. Initialement prévue avec une participation à hauteur de 10 % du projet, la Région Île-de-France a indiqué qu'elle ne dépasserait pas une enveloppe de 20 millions d’euros compte tenu des dérapages constatés. La part relevant de l'État est donc passée de 92 millions d’euros en PLF 2008 à 158 millions d’euros sur la base des évaluations actuelles (soit une progression des dépenses à la charge de l’État de 70 % par rapport au projet initial).

Sur la période 2007-2010, les financements de l’État, apportés à travers le programme « Création », ont suivi l’échéancier suivant :

 

2007

2008

2009

2010

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

LFI

3,2

3,2

5,9

2

140

0

0

0

Reports

0

0

0

3

0

0

105,9

0

Annulations

0

0

0

0

34,1

0

0

0

Consommation

1,6

1,6

12,3 *

5,1

0

4,8

0

1,6

*Une partie de ces crédits, à hauteur de 0,8 M€, ont été désengagés

Ainsi, sur la période, la consommation en CP s’est élevée à 13,1 millions d’euros. En 2011, aucun crédit n'a été inscrit en loi de finances initiale car « les modalités de financement de la part État n’étaient pas arrêtées au moment de l’élaboration du projet de loi de finances ». En revanche, une partie des AE non consommées en 2010 (82,3 millions d’euros) a été reportée.

Le présent projet de loi de finances rectificative entend donc couvrir la totalité de la part restant due par l’État, le besoin d’AE additionnelles s’élevant à 62,9 millions d’euros. En CP, l’ouverture demandée s’élève à 39,4 millions d’euros et permettra de couvrir les paiements 2011.

Le Rapporteur général en conclut qu’il conviendra, à tout le moins, d’ouvrir 52,5 millions d’euros de CP dans le cadre du PLF 2012 pour couvrir la totalité de la part restant due par l’État, s’il n’est constaté aucun nouveau dérapage dans l’évaluation des dépenses.

● Pallier en urgence les difficultés financières de l’INRAP (8 millions d’euros)

Établissement public administratif, l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) a été créé en application de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l’archéologie préventive. L’INRAP a pour mission d’assurer la détection et l’étude du patrimoine archéologique susceptible d’être affecté par les travaux d’aménagement du territoire. Il exploite et diffuse l’information auprès de la communauté scientifique, et concourt à l’enseignement et à la valorisation de l’archéologie auprès du public.

Aux termes de la loi n° 2003-707 du 1er août 2003, sa structure de financement repose sur une étanchéité totale entre les activités qui relèvent du secteur non lucratif (diagnostics, valorisation, recherche et collaborations scientifiques) financées par une taxe affectée – la redevance d’archéologie préventive –, et celles qui relèvent du secteur lucratif (fouilles), financées par facturation de ses interventions aux aménageurs.

Or, l’INRAP connaît des difficultés financières structurelles du fait :

– de capitaux propres négatifs (– 21 millions d’euros), fruit de la succession de résultats d’exercice négatifs. Pour 2010, le résultat de l’exercice a été négatif à hauteur de 6,15 millions d’euros (– 7,46 millions d’euros pour le secteur non lucratif ; + 1,31 M€ pour le secteur lucratif, notamment en raison de reprises de provisions importantes ; en les neutralisant, le résultat d’exploitation reste négatif : – 2,69 millions d’euros, même si l’on constate une légère amélioration par rapport à 2009 : – 3,06 millions d’euros). Le déficit 2010 du secteur non lucratif résulte, comme à l’habitude, d’importantes moins-values de la redevance d’archéologie préventive dont le rendement a été inférieur de 20,5 % à la prévision.

– d’un endettement auprès de l’agence France Trésor de 15,5 millions d’euros depuis 2002, dont il n’a pu s’acquitter partiellement en 2006 (à hauteur de 7,5 millions d’euros) qu’à l’aide d’une subvention de l’État, productif d’intérêts (3,4 millions d’euros à ce jour) ;

 d’une trésorerie négative de 12 millions d’euros au 31 décembre 2010 ;

– d’un fonds de roulement négatif de 5,2 millions d’euros au 31 décembre 2010.

L’établissement n’a donc pu en 2011 poursuivre son activité que grâce au principe de trésorerie unifiée entre l’INRAP et le Fonds national pour l’archéologie préventive (FNAP), le Fonds disposant jusqu’à fin 2010 d’une trésorerie structurellement excédentaire, les dossiers de prise en charge étant engagés pour leur totalité quand les remboursements aux aménageurs ou les paiements aux opérateurs mandataires obéissaient à une logique pluriannuelle. Toutefois, en raison du caractère très fragile de la trésorerie unifiée du FNAP et de l’INRAP, il n’est pas envisageable de mobiliser brusquement toute la trésorerie du FNAP en 2011 en l’absence d’une mesure de recapitalisation de l’INRAP.

Le présent projet de loi de finances rectificative procède donc à une ouverture de crédit de 8 millions d’euros destinée à rétablir d’urgence la situation financière de l’INRAP.

Le Rapporteur général constate toutefois que les difficultés financières permanentes de l’INRAP ont toujours nécessité un apport budgétaire régulier à l’INRAP et au FNAP, en gestion jusqu’en 2006, en loi de finances initiales de 2007 à 2009, puis à nouveau en gestion à partir de 2010, année pour laquelle la subvention a été supprimée en loi de finances initiale dans le cadre de la révision générale des politiques publiques en contrepartie de l’amélioration attendue du financement de l’archéologie préventive par la voie fiscale.

Il est donc désormais plus qu’urgent de prendre position sur les propositions du rapport de la mission de l’inspection générale des finances remis au Premier ministre pour définir un nouveau système assurant un financement stable et pérenne du secteur non lucratif de l’INRAP, en adéquation avec les besoins.

c) Les ouvertures de crédits pour financer la réforme de la garde à vue (missions Justice et Sécurité)

Le présent projet de loi de finances rectificative tire les conséquences de l’entrée en vigueur de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue sur les dépenses d’aide juridictionnelle et l’adaptation des commissariats et des gendarmeries nationales aux nouvelles conditions de garde à vue.

● Le financement des dépenses d’aide juridictionnelle (23,3 millions d’euros)

À ce stade de l’année, le coût global de la réforme de la garde à vue a été évalué selon des hypothèses conventionnelles. Il a ainsi été estimé que, pour un volume annuel attendu de 400 000 gardes à vue de 24 heures, 100 000 donneraient lieu à une prolongation et 90 000 à une confrontation entre victimes et gardés à vue. En outre, l’hypothèse retenue est qu’un avocat interviendrait dans 66 % des cas. Sur ces bases et compte tenu du nouveau barème de rémunération des avocats intervenant au cours de la garde à vue (16), le coût total de la réforme serait de 104 millions d’euros en année pleine. La dotation en loi de finances initiale pour 2011 étant de 18 millions d’euros, le coût net serait en année pleine de 86 millions d’euros supplémentaires et, pour 2011, de 60,8 millions d’euros, compte tenu de l’entrée en vigueur de la réforme le 15 avril 2011.

L’article 20 du présent projet de loi de finances prévoit donc la création d’un nouveau droit d’enregistrement des instances en justice affecté au financement de l’aide juridictionnelle.

Le produit attendu en 2011 de la taxe proposée dans le présent projet de loi de finances est de 20,8 millions d’euros (recouvrement à compter du 1er octobre, avec des frais de gestion légèrement supérieurs en 2011). Le besoin de financement résiduel serait donc de l’ordre de 40 millions d’euros. Toutefois, ce calcul reposant sur des hypothèses de nature conventionnelle, il a été jugé préférable de n’ouvrir qu’une partie du besoin théorique résiduel dans le présent projet de loi de finances rectificative, soit 23,3 millions d’euros sur le programme Accès au droit et à la justice, correspondant à la dépense supplémentaire jugée, à ce stade, comme inéluctable. Cette ouverture de crédits représente une augmentation de 7,4 % des crédits de paiement du programme par rapport à la loi de finances initiale.

Le Rapporteur général en déduit que des ajustements pourront, le cas échéant, être effectués d’ici la fin de gestion 2011, au vu d’une analyse complète de l’exécution de la dépense d’aide juridique.

 L’adaptation des conditions de garde à vue dans les commissariats et les gendarmeries (10,5 millions d’euros en AE et 15 millions d’euros en CP)

Le présent projet prévoit également le financement de travaux dans les commissariats et gendarmeries pour améliorer les conditions de garde à vue, qui se traduit par une ouverture de 15 millions d’euros sur les programmes de la mission Sécurité.

L’ouverture de crédits proposée permettra ainsi un réaménagement des cellules de garde à vue ainsi que l’installation de détecteurs de métaux. De plus, il est prévu d’équiper des salles dédiées à la présence des avocats lors des gardes à vue. La loi prévoit enfin que la prolongation d’une garde à vue ne peut être accordée qu’après présentation préalable de la personne au procureur de la République. Cette présentation peut toutefois intervenir, dans une logique de rationalisation, par un moyen de communication audiovisuelle. Une partie des crédits supplémentaires ouverts permettra, dans cette optique, d’installer des systèmes de visioconférence.

Cette ouverture se répartit entre les programmes Police nationale (+ 10,5 millions d’euros en AE et CP) et Gendarmerie nationale (+ 4,5 millions d’euros en AE et CP) car les gardes à vue en zone police sont environ deux fois plus nombreuses que celles en zone gendarmerie.

Le Rapporteur général observe que l’ouverture nette de 10,5 millions d’euros en AE est gagée par une annulation de 15,5 millions d’euros en AE sur le seul programme Gendarmerie nationale, correspondant à des crédits initialement destinés à financer un partenariat public-privé Auvergne-Limousin qui a finalement été abandonné. Le cumul de ces ouvertures et annulations conduit donc à une annulation nette de 11 millions d’euros en AE et une ouverture nette de 4,5 millions d’euros en CP sur le programme Gendarmerie nationale.

d) Les ouvertures de crédits face à la sous budgétisation chronique de l’hébergement d’urgence (mission Immigration et Asile)

Le présent projet de loi de finances rectificative propose de majorer de 50 millions d’euros les moyens du programme Immigration et asile de la mission Immigration, asile et intégration au titre de l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile, soit une majoration de 10 % des crédits de paiement prévus en loi de finances initiale.

Le Gouvernement justifie cette ouverture de crédits par un flux de nouvelles demandes d’asile supérieur à la prévision et par le fait que le plan d’action lancé en 2011 pour réduire les délais d’instruction des demandes par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) n’a pas encore produit ses effets.

En pratique, cette ouverture de crédit traduit la sous budgétisation chronique en loi de finances initiale des dépenses au titre de l’hébergement d’urgence, et ce malgré une augmentation des crédits en loi de finances pour 2011. Le Rapporteur général avait d’ailleurs interpellé le Gouvernement sur ce sujet dans son rapport sur le quatrième collectif budgétaire pour 2010 en ces termes : « Au total, malgré l'effort de réajustement budgétaire déjà engagé et les économies également attendues d'une réorganisation du dispositif, il est très probable que les crédits prévus dans le cadre du projet de loi de finances initiale pour 2011 soient à nouveau insuffisants face à l'afflux des demandeurs d'asile notamment ».

e) Les ouvertures de crédits en faveur du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (mission Ville et logement)

Il est également procédé à une ouverture de 8 millions d’euros, en crédits de paiement, visant à abonder le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) géré par l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSé). Ces crédits, qui compléteront les 35 millions d’euros alloués à ce titre en loi de finances initiale pour 2011, permettront le financement d'actions de prévention de la délinquance sous maîtrise d'ouvrage d'associations, comme la lutte contre les violences faites aux femmes, l'aide aux victimes, ou encore l'accompagnement des mineurs délinquants. Le Rapporteur général s’étonne toutefois que cette ouverture de crédits de paiement n’ait pas été prévue en loi de finances initiale.

f) Les ouvertures de crédits pour le fonctionnement du nouveau fonds d’indemnisation des victimes du Médiator (mission Santé)

Cette ouverture de 5 millions d’euros vise à financer les dépenses de fonctionnement supplémentaires supportées par l'Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) en 2011 dans le cadre de la mise en place du dispositif visant à faciliter le règlement amiable des litiges relatifs aux personnes auxquelles a été administré du benfluorex, plus connu sous le nom du médicament « Médiator ».

L’ensemble du dispositif étant commenté par le Rapporteur général sous l’article 22, il convient simplement de préciser à ce stade que ces dépenses comprennent :

– le financement de la mise en place d'une première équipe d'indemnisation (dix agents) comprenant un juriste chargé du pilotage de trois groupes composés chacun de deux indemnisateurs et d’un assistant ;

– les frais de fonctionnement courant attachés à ces recrutements et à la gestion des dossiers entrants ;

– des dépenses d'expertise dont le montant dépendra du nombre de dossiers entrants et de leur complexité.

3.– Des annulations de crédits très nombreuses

Les annulations de crédits nettes sur le budget général proposées à l’article 10 et à l’état B du présent projet atteignent 506,3 millions d’euros d’AE et 487 millions d’euros de CP, soit 3 millions de plus que les ouvertures de crédits nettes (c'est-à-dire hors mission Remboursements et Dégrèvements).

Il s’ensuit que les ouvertures nettes de crédits sur le budget général sont entièrement gagées par des annulations nettes de crédits. L’annulation supplémentaire de 3 millions d’euros sur les crédits du budget général sert à gager une partie de l’ouverture de crédit sur le budget annexe Contrôle et exploitation aériens.

a) Le rôle de la réserve de précaution

En début de gestion 2011, le ministère du Budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État a procédé, comme de coutume, à une mise en réserve de crédits. Au fur et à mesure de l’exécution budgétaire, ces crédits ont vocation à être rendus disponibles aux responsables de programmes ou bien annulés, en fonction des aléas de gestion et des éventuels besoins nouveaux.

Depuis la modification de la LOLF en 2005, cette pratique a gagné en visibilité, l’information sur le « gel » des crédits initiaux étant délivrée dès le projet de loi de finances de l’année, invitant à distinguer au sein des crédits une tranche « ferme » et une tranche « conditionnelle ». Le Parlement y gagne une meilleure connaissance des conditions de l’exécution budgétaire, les gestionnaires une plus grande prévisibilité de la disponibilité de leurs crédits.

En 2011, le montant des mises en réserve de crédits initiaux s’est élevé à 6,8 milliards d’euros d’AE et de CP, correspondant à l’application d’un taux de 0,5 % sur les crédits de personnel et d’un taux de 5 % sur les autres crédits. En outre, comme le rappelle la circulaire du 6 décembre 2010, dans le cadre de la mise en place du « Fonds État exemplaire » en 2011, chaque ministère a alimenté le montant de la réserve initiale pour atteindre, au total, 100 millions d’euros (ces crédits devaient être dégelés en fonction des performances en matière environnementale des ministères).

Le montant des mises en réserve de crédits initiaux apparaît cependant théorique, dans la mesure où il est diminué, dès le début de l’exercice, pour tenir compte de deux décisions :

– financer les différentes ouvertures de crédits par amendement au projet de loi de finances pour 2011 en deuxième délibération à l’Assemblée nationale ;

– dégeler des crédits au bénéfice de certaines subventions pour charges de service public qui, bien qu’imputées sur le titre 3, financent in fine des charges de personnels employés par des opérateurs de l’État (17).

Par conséquent, le montant réel de la mise en réserve initiale s’élève à 5,7 milliards d’euros en AE et 5,2 milliards d’euros en CP.

Par ailleurs, comme chaque année, ont été identifiés à l’avance plusieurs programmes (18) dont les crédits seraient nécessairement restitués aux gestionnaires, car correspondant à des dépenses « inéluctables » sur lesquelles l’État ne dispose pas de pouvoir discrétionnaire (« guichets sociaux », subventions aux régimes de retraites, concours aux collectivités territoriales etc.) et dont le montant est d’environ 1,5 milliard d’euros en AE et CP chaque année.

Il s’ensuit que le montant de la réserve de précaution réellement disponible pour faire face aux aléas de gestion et aux dérapages imprévus de certaines dépenses s’élève en 2011 à moins de 4 milliards d’euros en AE et CP. Le tableau ci-après récapitule l’évolution des CP mis en réserve, ainsi que l’état prévisionnel de la réserve de précaution à l’issue du présent projet de loi de finances rectificative.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT MISES EN RÉSERVE EN 2011
(AU 19 MAI 2011)

(en millions d’euros)

 

Hors titre 2

Titre 2

Total

Mise en réserve théorique

6 215

586

6 800

Dégels en début de gestion (dont dégel opérateurs et réductions de crédits à la suite des amendements en 2e délibération)

– 1 314

0

– 1 314

Mise en réserve initiale

4 901

586

5 487

Mouvements intervenus sur la mise en réserve

– 133

0

5 354

Annulations réalisées dans le PLFR (hors plan Emploi)

– 137

0

5 217

Réserve post LFR

4 631

586

5 217

b) Le financement du plan Emploi par une taxation ministérielle au-delà de la réserve de précaution

L’exposé des motifs du projet de loi de finances rectificative précise en que « l’annulation de 350 millions d’euros au titre du financement du plan en faveur de l’emploi s’effectue au-delà de la mise en réserve initiale des crédits. Il s’agit d’un effort supplémentaire demandé à l’ensemble des ministères, au titre de la priorité commune que constitue l’emploi. Cela permet dans le même temps de ne pas réduire excessivement la réserve de précaution et ainsi de ne pas obérer la capacité du Gouvernement à faire face à des imprévus en cours de gestion ».

Le Rapporteur général soutient cette approche en ce qu’elle répond à un double objectif : un effort partagé de presque tous les ministères pour soutenir la politique de l’emploi du Gouvernement et la conservation d’un certaine marge de manœuvre pour faire face, en cours de gestion, à des dérapages éventuels.

La méthode utilisée a consisté en une taxation interministérielle forfaitaire au prorata de la mise en réserve initiale (à un taux de 13 %) et s’appliquant aux crédits disponibles pour atteindre 350 millions d’euros en AE et CP hors titre 2. La taxation a cependant été modulée afin de tenir compte des capacités contributives de chacun des programmes. Certains programmes ont par ailleurs été exonérés, en totalité ou partiellement pour l’un des motifs suivants : levée de la mise en réserve pouvant être considérée comme inéluctable, au sens de la définition de l’exposé général des motifs du PLF 2011 ; programme portant une ouverture nette de crédits dans le présent PLFR ; risque en exécution 2011 déjà identifié. Enfin, dans le contexte de la mise en œuvre de la réforme de la garde à vue, le ministère de la justice a été intégralement exonéré.

Au total, il est procédé à des annulations de crédits portant sur 26 missions et 74 programmes en crédits de paiement pour gager les ouvertures de crédits en faveur du plan Emploi.

c) La mise en œuvre du principe d’auto-assurance

L’exposé des motifs du présent projet précise que « le principe d’auto-assurance a été appliqué quand cela s’avérait possible ». Le Rapporteur général rappelle que ce principe de responsabilisation des ministères implique que les aléas ou les priorités nouvelles affectant les dépenses d'une mission en cours de gestion soient gérés dans la limite du plafond de ses crédits, soit par redéploiement de dépenses discrétionnaires, soit par la réalisation d'économies.

Dans le présent projet, les ouvertures de crédits en faveur du ministère de la culture et de la communication sont, partiellement s’agissant des autorisations d’engagement et quasi-intégralement pour ce qui concerne les crédits de paiement, compensées par des annulations de crédits spécifiques sur des programmes de ce même ministère, notamment au sein de la mission Médias, livre et industries culturelles, pour un montant total de 39,13 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement.

L’ouverture de crédits en faveur du ministère de la Justice pour financer la réforme de la garde à vue (23,33 millions d’euros) est intégralement gagée au sein de la mission Justice par des annulations, en autorisations d’engagement et crédits de paiement, de 9,77 millions d’euros sur le programme Administration pénitentiaire, 8,78 millions d’euros sur le programme Justice judiciaire, 3,23 millions d’euros sur le programme Protection judiciaire de la jeunesse et 1,56 million d’euros sur le programme Conduite et pilotage de la politique de la justice.

L’ouverture de 8 millions d’euros en faveur du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) est intégralement gagée par une annulation de crédits sur le programme Politique de la ville et Grand Paris.

L’ouverture de 5 millions d’euros de crédits en faveur du fonds d’indemnisation des victimes du « Médiator » est intégralement gagée sur la mission Santé, par une annulation correspondante sur le programme Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins.

Enfin, l’ouverture de crédits sur la mission Sécurité pour améliorer les conditions des gardes à vues a été entièrement gagée par une annulation correspondante sur le programme Gendarmerie nationale compte tenu de la non réalisation d’un partenariat-public-privé comme il en a été fait mention précédemment.

S’agissant des autres ouvertures de crédits, il a été procédé, comme de coutume, à une annulation par le biais d’une taxation ministérielle réalisée sur la réserve de précaution.

ÉVOLUTION DES AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT EN 2011

(en euros)

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT EN 2011

(en euros)

B.– LES MOUVEMENTS DE CRÉDITS SUR LES BUDGETS ANNEXES ET LES COMPTES SPÉCIAUX

1.– Une ouverture de 5 millions d’euros sur le BACEA financée par redéploiement de crédits

L’ouverture de 5 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement sur le programme Transports aériens, surveillance et certification du budget annexe Contrôle et exploitation aériens vise à financer des opérations de recherche et de récupération des boîtes noires du vol AF 447 qui s’était écrasé dans l’Océan Atlantique le 1er juin 2009. Cette ouverture de crédits se justifie par elle-même, la récupération des boîtes noires n’ayant pu être anticipée en loi de finances initiale.

Cette ouverture de crédits est gagée par une annulation de 2 millions d’euros sur le second programme du même budget annexe et par une annulation de 3 millions d’euros sur le programme Infrastructures et services de transport de la mission Écologie, développement et aménagement durables au sein du budget général. Le Rapporteur général rappelle en effet que ce programme comprend notamment les crédits de l’action n° 14 Soutien, régulation et contrôle dans les domaines des transports fluviaux, maritimes et aériens qui avaient enregistré une hausse d’environ 25 % en AE et en CP en loi de finances initiale.

2.– Des ouvertures massives de crédits sur les comptes spéciaux

a) La création d’un « CAS Apprentissage » doté de 601 millions d’euros

Outre l’instauration d’un système de bonus/malus en faveur de l’apprentissage, l’article 8 du présent projet de loi de finances rectificative substitue au Fonds national de développement et de modernisation de l’apprentissage (FNDMA) un compte d’affectation spéciale intitulé Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage.

L’ensemble du dispositif étant commenté par le Rapporteur général sous l’article 8, il convient à ce stade de préciser que ce compte se voit doter de 601 millions d’euros en recettes affectées et en dépenses (autorisations d’engagement et crédits de paiement).

La transformation du FNDMA en « CAS Apprentissage » permettra notamment de prendre en charge le financement des aides à l’embauche en contrats d’alternance annoncées par le Président de la République le 1er mars 2011 et d’améliorer l’information du Parlement par rapport à la situation antérieure. En effet, cette nouvelle mission budgétaire, bien qu’en dehors du budget général et de la norme de dépense, comprend trois programmes dont les objectifs sont assortis d’indicateurs de performance qui devront être commentés dans le projet et le rapport annuel de performances au moment de l’examen du projet de loi de finances de l’année et du projet de loi de règlement.

b) L’ajustement des crédits du « CAS Pensions »

L'article 108 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales instaure une compensation financière entre l’État et la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) au titre des fonctionnaires de l’État ayant opté pour le statut de fonctionnaire territorial.

La loi prévoit que la CNRACL doit reverser à l'État le produit des cotisations des agents décentralisés tandis que l'État doit reverser à la CNRACL le montant des pensions et des dépenses de compensation démographique de ces mêmes agents.

Dans la loi de finances initiale pour 2011, ce transfert a été inscrit en tant que recette du CAS « Pensions » (ligne 61) à hauteur de 458 millions d’euros, contractant 627 millions d’euros de recettes et 169 millions d’euros de dépenses.

Suite aux recommandations de la Cour des comptes, il est proposé de détailler les mouvements de recettes et de dépenses afférents à ces versements croisés. Ceci se traduit, en dépenses, par la présente ouverture de 169 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement. Cette dépense est équilibrée par une hausse à due concurrence des recettes du CAS « Pensions » en provenance de la CNRACL mentionnée à l’état A.

ÉVOLUTION DES AUTORISATIONS ET CRÉDITS DE PAIEMENT DES COMPTES D’AFFECTATION SPÉCIALE EN 2011

CAS

AE et CP
en LFI 2011

Ouvertures du PLFR
en AE et CP

AE et CP révisés

Variation en %

Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage

-

601 000 000

601 000 000

 

Péréquation entre régions des ressources de la taxe d’apprentissage

-

200 000 000

200 000 000

 

Contractualisation pour le développement et la modernisation de l’apprentissage

-

386 000 000

386 000 000

 

Incitations financières en direction des entreprises respectant les quotas en alternance

-

15 000 000

15 000 000

 

Pensions

52 603 704 392

169 000 000

52 772 704 392

+ 0,32 %

Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité

48 222 000 000

169 000 000

48 391 000 000

+ 0,35 %

Ouvriers des établissements industriels de l'État

1 835 911 292

0

1 835 911 292

0

Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions

2 545 793 100

0

2 545 793 100

0

Au total, le solde des comptes d’affectation spéciale n’est pas affecté par ces mouvements sur la dépense car ceux-ci sont équilibrés par une augmentation à due concurrence des recettes de ces mêmes comptes à l’état A.

c) Les ouvertures de crédits de paiement au titre du prêt à la Grèce financées par des recettes exceptionnelles

Le présent projet de loi de finances rectificative procède à une ouverture de crédits de paiement d’un montant de 1,5 milliard d’euros sur le compte de concours financiers Prêts à des États étrangers.

Cette augmentation de 25 % des dépenses du compte par rapport à la loi de finances initiale retrace le décalage de décembre 2010 à janvier 2011 de la troisième tranche du prêt accordé par la France à la Grèce (1,4 milliard d’euros) et l’augmentation de la part de la France suite au retrait de l’Irlande (0,1 milliard d’euros). Il faut ici rappeler que le report de décembre 2010 à janvier 2011 de ces dépenses a contribué au redressement de la trajectoire de déficit en 2010.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT
DES COMPTES DE CONCOURS FINANCIERS EN 2011

CCF

CP en LFI

Ouvertures du PLFR
en CP

CP révisés

Variation en %

Prêts à des États étrangers

       

Prêts à des États étrangers, de la Réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d'infrastructure

350 000 000

0

350 000 000

0

Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France

156 000 000

0

156 000 000

0

Prêts à l'AFD en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers

232 000 000

0

232 000 000

0

Prêts aux États membres de l'Union européenne

0

1 511 743 337

1 511 743 337

-

Total

6 881 000 000

1 511 743 337

8 392 743 337

+ 25 %

Cette ouverture de crédits de paiement en 2011 est financée par des recettes exceptionnelles d’un montant de 2 milliards d’euros sur le compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés compte tenu du remboursement anticipé des prêts accordés aux constructeurs automobiles dans le cadre du plan de relance.

En effet, les prêts accordés en 2009 aux constructeurs automobiles dans le cadre du plan de relance se sont élevés à 6,25 milliards d’euros, dont 6 milliards d’euros répartis à parité entre Renault et PSA et 250 millions d’euros pour Renault Trucks.

Les prêts accordés par l'État sont des prêts non subordonnés à cinq ans, n’ayant pas le caractère de fonds propres et dont le remboursement du principal devait intervenir à l’échéance du prêt. Une possibilité de rachat anticipé était toutefois offerte aux constructeurs à partir du début de la troisième année du prêt, l’objectif étant d’inciter les constructeurs à rembourser l’État dès que les marchés permettraient à nouveau de les financer. Une majoration du taux de rendement actuariel garanti était ensuite prévue, afin d’inciter à une sortie rapide. Le mécanisme de paiement des intérêts était annuel, à terme échu à la date anniversaire du prêt.

Renault Trucks a remboursé courant novembre 2010 l’intégralité de sa créance (principal, coupon couru et indemnité de sortie anticipée).

Renault et PSA ont procédé à des remboursements partiels anticipés par tiers (1 milliard d’euros chacun) en septembre 2010 et en février 2011. Le dernier tiers restant dû, majoré du coupon couru, a été remboursé fin avril 2011.

Au final, l’ensemble des comptes spéciaux afficherait donc un déficit de 2,9 milliards d’euros, soit une amélioration de 0,5 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale.

II.– UNE RÉVISION À LA BAISSE DES RECETTES DU BUDGET GÉNÉRAL QUI EXPLIQUE LA DÉGRADATION DE SON SOLDE

Le montant des recettes du budget général est revu à la baisse à hauteur de 498 millions d’euros, décomposés en 236 millions d’euros sur les recettes fiscales nettes liés principalement au rebasage de la prévision et 262 millions d’euros sur les recettes non fiscales intégralement dus aux versements de la Caisse des dépôts.

Il s’en suit une dégradation du solde du budget général estimée à 495 millions d’euros, compensée par une révision à la hausse, de 488 millions d’euros, du solde des comptes spéciaux.

A.– UNE RÉVISION DES RECETTES FISCALES NETTES PRINCIPALEMENT DUE AU REBASAGE DE LEUR PRÉVISION

La révision à la baisse de la prévision des recettes fiscales nettes s’explique par quatre éléments.

En premier lieu, et à titre principal, la prise en compte des écarts entre l’exécution constatée en 2010 et les prévisions faites dans le dernier collectif budgétaire conduit à « rebaser » les principales recettes fiscales nettes, à hauteur de 1,26 milliard d’euros. Comme l’indique le tableau ci-dessous, le calibrage de ce rebasage des recettes reprend largement les écarts constatés en exécution – à l’exception de l’impôt sur les sociétés pour des raisons exposées plus bas – et semble donc sincère.

LE « REBASAGE » DES RECETTES FISCALES NETTES

(en milliards d’euros)

 

Écart exécution 2010/ LFR 4 2010

Révision dans le présent PLFR due au rebasage

Impôt sur le revenu net

– 0,4

– 0,4

Impôt sur les sociétés net

– 2,1

– 1,7

Taxe sur la valeur ajoutée nette

0,5

0,5

Donations

0,2

0,14

Successions

0,1

0,2

TOTAL

– 1,7

– 1,26

En deuxième lieu, un surplus des ressources tirées de la « cellule de régularisation » serait constaté, principalement sur l’impôt de solidarité sur la fortune, pour plus de 400 millions d’euros. Le tableau suivant illustre la répartition de ce montant entre les différentes impositions concernées.

LE SURPLUS DE RECETTES TIRÉES DE LA CELLULE
DE RÉGULARISATION

(en milliards d’euros)

Impôt de solidarité sur la fortune

0,27

Successions

0,08

Impôt sur le revenu

0,06

TOTAL

0,41

En troisième lieu, la révision de la prévision de recettes fiscales est également liée à l’impact des mesures prévues dans le présent projet de loi, qui, comme le montre le tableau ci-dessous, vient globalement diminuer les ressources de l’État. Le montant cumulé de ces mesures, de l’ordre de – 100 millions d’euros, reste marginal.

IMPACT DES MESURES NOUVELLES DU PRÉSENT PROJET DE LOI
SUR LES RECETTES FISCALES NETTES EN 2011

(en millions d’euros)

Suppression de la première tranche du barème de l'ISF (art. 1er)

– 400

Mesures relatives aux donations (art. 2, 3 et 4)

171

Taxation exceptionnelle des entreprises du secteur pétrolier (art. 7)

120

TOTAL

– 109

Enfin, en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée nette, un surplus par rapport à la prévision initiale, évalué à un milliard d’euros, serait constaté en raison d’une consommation des ménages plus soutenue que prévu.

L’impôt sur le revenu net voit sa prévision révisée à la baisse de 500 millions d’euros en raison du rebasage lié à l’exécution 2010 (- 0,4 milliard d’euros) et de la revalorisation des barèmes kilométriques (- 0,1 milliard d’euros) – celle-ci étant financée par la contribution exceptionnelle des entreprises du secteur pétrolier.

L’exécution de 2010 étant fondée sur les revenus de 2009, elle reste marquée par les effets de la crise et la révision à la baisse du produit de l’IR en 2010 ne paraît pas surprenante.

L’impôt sur les sociétés net est également revu à la baisse de 1,7 milliard d’euros en raison de l’exécution 2010 inférieure à la prévision. L’intégralité des 2,1 milliards d’euros d’écart constaté l’an dernier n’est pas reprise pour deux raisons. D’une part, cet écart était notamment dû, pour 0,2 million d’euros, à un coût plus important que prévu de la mesure exceptionnelle de prorogation de remboursement anticipé de créances de crédit d’impôt recherche, laquelle n’a plus d’impact en 2011. D’autre part, l’écart de 2,1 milliards d’euros constaté en exécution 2010 serait lié, pour 0,2 million d’euros, à un moindre contrecoup positif des mesures fiscales de relance. Rappelons que les mesures fiscales de relance, en particulier le remboursement anticipé des créances de carry-back, ont eu pour effet de faire diminuer le stock des dettes de l’État au titre de l’IS et tendent à accroître, en contrecoup, le rendement de l’IS les années suivant leur mise en œuvre – les créances qui auraient dû être réglées en 2010 et les années suivantes l’ayant été en 2009. Le Gouvernement estime que le moindre ressaut d’IS constaté en 2010 devrait conduire, en miroir, à un rebond plus important en 2011, à hauteur de 0,2 million d’euros.

Calculés sur les revenus de l’année 2010, l’IR et l’IS resteraient, en 2011, encore marqués par les effets de la crise. L’IR retrouverait à peine son niveau de 2008, à 51,9 milliards d’euros, et l’IS s’établirait à 43,1 milliards d’euros, soit 6,2 milliards d’euros de moins que le niveau constaté en 2008.

Il convient néanmoins de remarquer que, même si la prévision est revue à la baisse, ces deux impositions croîtraient de manière significative en 2011 par rapport à 2010 – l’impôt sur le revenu augmentant de 4,4 milliards d’euros, soit + 9 %, et l’impôt sur les sociétés de plus de 10 milliards d’euros, soit de près d’un tiers.

Les présentes réévaluations se comprennent donc davantage comme les ajustements habituels, en cours d’exécution, de la prévision initiale que comme le signe d’une langueur prolongée de ces deux impositions.

La taxe sur la valeur ajoutée nette est revue à la hausse de 1,4 milliard d’euros en raison du rebasage de l’exécution 2010, pour 0,45 milliard d’euros, et de l’anticipation d’un dynamisme plus important que prévu de la consommation des ménages, conduisant à un surplus de recettes de 0,95 milliard d’euros. Le Rapporteur général n’a pu obtenir d’éléments plus précis sur ce dernier point.

Avec cette révision à la hausse, la taxe sur la valeur ajoutée nette s’établirait à 132,3 milliards d’euros et dépasserait le montant de 129,9 milliards d’euros atteint en 2008. En d’autres termes, la forte chute de recettes constatée en 2009 serait comblée. Il convient de remarquer néanmoins que le manque à gagner dû à la crise, calculé comme l’écart entre le montant prévu en 2011 et le montant qui aurait été prévu en 2011 en l’absence de crise, reste supérieur à 10 milliards d’euros (19). Il est donc possible que le mouvement de rattrapage de cette imposition ne soit pas terminé.

L’impôt de solidarité sur la fortune est revu à la hausse de 0,27 milliard d’euros en raison des recettes non anticipées tirées de la cellule de régularisation et atteindrait, hors effet de la réforme, 4,3 milliards d’euros.

En revanche, la suppression de la première tranche de cet impôt entraînerait un manque à gagner de l’ordre de 400 millions d’euros et conduit à constater une diminution nette de son produit de 132 millions d’euros.

La prévision de produit des donations est revue à la hausse de 307 millions d’euros, en raison du rebasage pour 0,14 milliard d’euros et de l’impact des mesures du présent projet de loi, pour 0,17 milliard d’euros. Elles atteindraient 1,1 milliard d’euros en 2011.

Les successions sont également revues à la hausse de 0,2 milliard d’euros en raison du rebasage et leur produit s’établirait à 7,2 milliards d’euros en 2011.

Enfin, l’article 7 du présent projet de loi, qui prévoit la création d’une contribution exceptionnelle à la charge des compagnies pétrolières, explique la comptabilisation en recettes diverses du produit, estimé à 120 millions d’euros, de cette nouvelle imposition qui finance la revalorisation des barèmes kilométriques.

B.– DE MOINDRES VERSEMENTS DE LA CAISSE DES DÉPÔTS

En raison de moindres versements de la Caisse des dépôts, les recettes non fiscales sont revues à la baisse de 262 millions d’euros. Du fait de cette révision à la baisse, les prélèvements effectués sur la Caisse des dépôts resteraient, comme le montre le tableau suivant, inférieurs à leur niveau de 2007.

LES PRÉLÈVEMENTS SUR LA CAISSE DES DÉPÔTS

(en millions d’euros)

 

2007

2008

2009

2010

LFI 2011

PLFR 1 2011

Dividendes

1 383

937

0

660 *

1 300

1 169

CRIS

516

383

59

511

372

506

Prélèvement sur le fonds d'épargne

923

743

0

742

1 230

965

TOTAL

2 822

2 063

59

1 913

2 902

2 640

* Montant estimé dans le dernier collectif budgétaire de 2010.

Cette révision à la baisse provient principalement d’un prélèvement sur le fonds d’épargne inférieur de 265 millions d’euros à la prévision « en raison d’une réévaluation à la hausse du besoin en fonds propres, principalement due à une augmentation prévisionnelle des risques sur les marchés et à des dépréciations d’actifs obligataires ».

Rappelons qu’au moment du dernier collectif budgétaire pour 2010, un prélèvement de 742 millions d’euros avait été décidé alors qu’il avait été initialement prévu de ne pas en effectuer pour assurer la reconstitution des capitaux propres du fonds. Le Rapporteur général avait alors indiqué qu’une telle ponction conduisait à accroître la vulnérabilité du fonds aux fluctuations des marchés financiers. La présente révision à la baisse du prélèvement vient confirmer cette analyse.

Au final, on peut estimer que le prélèvement de 2011 est réduit pour faire face aux conséquences induites par celui de 2010 – celui-ci constituant, à hauteur de 265 millions d’euros, une simple avance de trésorerie au profit de l’État.

Il convient de remarquer qu’à 965 millions d’euros, le prélèvement sur le fonds d’épargne reste élevé et qu’un tel niveau laisse penser que sa rentabilité est revenue à un seuil satisfaisant.

Le montant de la contribution représentative de l’impôt sur les sociétés (CRIS) est revu à la hausse à hauteur de 134 millions d’euros. Les acomptes versés en 2010 ayant été inférieurs au montant de l’impôt dû, une régularisation est opérée au printemps et conduit à un versement complémentaire de la Caisse plus important que prévu.

Ce surplus de recettes est compensé par un moindre dividende, qui serait inférieur de 131 millions d’euros à la prévision. Cette baisse s’expliquerait par une baisse du résultat social de la Caisse « en raison, d'une part, d'une dépréciation des titres et d'autre part, d'événements dont la réalisation aurait dû permettre une augmentation du résultat social mais qui n'ont finalement pas eu lieu (plus-value de fusion liée au rapprochement entre Veolia Transport et Transdev) ». Rappelons que les nouvelles règles de répartition du bénéfice de la Caisse (20) s’appliquent à compter de 2011 pour le bénéfice de l’année 2010 et, de manière rétroactive, pour l’année 2009. Ce dernier élément contribue à expliquer le haut niveau du dividende, à près de 1,2 milliard d’euros.

C.– UNE DÉGRADATION DU SOLDE DU BUDGET GÉNÉRAL

Le solde de l’État se dégraderait de 10 millions d’euros, l’accroissement du déficit du budget général étant compensé par une recette exceptionnelle sur les comptes spéciaux.

Les mouvements de recettes décrits ci-dessous expliquent une révision à la baisse, de 495 millions d’euros, de la prévision de solde du budget général. Une telle réévaluation se comprend largement comme la conséquence des résultats de l’exécution de l’année 2010, déjà connus au mois de janvier dernier.

Limitée à 0,02 % de PIB, une telle dégradation ne semble pas de nature à remettre en cause, à elle seule, l’objectif de déficit public de 5,7 % de PIB. Rappelons que les recettes tirées du remboursement des prêts aux constructeurs automobiles permettent d’équilibrer le solde en comptabilité budgétaire mais sont sans impact sur le déficit public en comptabilité nationale.

Il convient d’ailleurs de remarquer que le dernier programme de stabilité a revu à la hausse la prévision de déficit de l’État en 2011 de 0,1 % de PIB, soit entre 1 et 3 milliards d’euros, par rapport à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 votée concomitamment au projet de loi de finances initiale. L’ajustement prévu par le présent projet de loi était donc annoncé dès les mois d’avril et il pourrait s’approfondir en cours d’année, par exemple au moment du dépôt du projet de loi de finances pour 2012, sans remettre en cause la trajectoire de déficit public.

Le solde des comptes spéciaux serait positif de 488 millions d’euros. Le remboursement des derniers prêts aux constructeurs automobiles, pour 2 milliards d’euros, permet de financer un versement de prêts à la Grèce initialement prévu en 2010 et reporté en 2011. Ce dernier mouvement est dû, pour 1,4 milliard d’euros, au décalage du mois de décembre 2010 au mois de janvier 2011 du versement de l’une des tranches du programme d’aide – et non à un accroissement de l’effort financier envers ce pays. Par ailleurs, le retrait de l’Irlande du programme, en raison de ses propres difficultés financières, conduit à un accroissement de l’effort de autres contributeurs – pour 0,1 million d’euros dans le cas de la France.

Rappelons que, considérés comme des opérations financières, ni le remboursement ni l’octroi de ces deux types de prêts ne sont comptabilisés en comptabilité nationale. La révision du solde des comptes spéciaux n’a donc aucun impact sur la prévision de déficit public.

*

* *

AUDITION DE M. FRANCOIS BAROIN, MINISTRE DU BUDGET,
DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE
ET DE LA RÉFORME DE L’ÉTAT

Lors de sa deuxième séance du mercredi 11 mai 2011, la Commission entend M. François Baroin, ministre du Budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État sur le présent projet de loi.

M. le président Jérôme Cahuzac. Nous accueillons M. François Baroin, ministre du budget et des comptes publics, venu nous présenter le projet de loi de finances rectificative pour 2011. Mme Christine Lagarde, retenue par des obligations relatives à la zone euro, ne peut être parmi nous aujourd’hui.

Ce projet de loi de finances rectificative comporte à titre principal des dispositions tendant à alléger l’imposition au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune – ISF – dès 2011 et à substituer au bouclier fiscal un système de plafonnement de la taxe foncière sur l’habitation principale en fonction du revenu. La suppression du bouclier fiscal dans ses modalités actuelles n’aura un effet en année pleine qu’à partir de 2013, voire de 2014.

Notre commission a mené une série d’auditions sur le sujet en s’efforçant de recueillir les appréciations d’économistes, de fiscalistes, de gestionnaires de patrimoines, sans oublier les spécialistes de la fiscalité des pays de l’OCDE.

Les questions centrales qui sont à l’origine de ce projet sont celles du bouclier fiscal qui, dans sa version de 2007, a suscité des critiques de plus en plus fortes – tant sur la nature des prélèvements pris en compte que sur le mode de calcul des revenus retenus – et de l’impôt sur la fortune.

Dans son projet, le Gouvernement propose un aménagement de l’ISF qui conduit à diminuer son produit d’un montant supérieur à l’allégement que procurait le bouclier fiscal. Le Gouvernement s’est toutefois engagé, en ces temps de difficultés budgétaires, à ce que la réforme n’entraîne pas de perte de recettes pour l’État, ce pour quoi il propose de nouvelles mesures de recettes censées équilibrer le dispositif.

L’évaluation de ces recettes et leur solidité juridique posent d’ores et déjà question. Notamment, quel sera le champ réel d’application des mesures d’exit tax et de taxe sur les résidences secondaires ? Le modèle allemand, souvent cité, ne trouve pas à s’appliquer lorsqu’une convention avec le pays d’accueil des non-résidents inclut des clauses d’élimination des doubles impositions. Qu’en sera-t-il des dispositifs proposés ? Dépendront-ils d’une éventuelle renégociation des conventions fiscales signées avec les principaux pays concernés, la Belgique et la Confédération helvétique ? Plus largement, monsieur le ministre, avez-vous consulté les services communautaires sur ces dispositifs ? Sont-ils réellement eurocompatibles ?

D’autre part, le bouclage financier de la réforme laisse perplexe, notamment pour l’année 2012, puisque la réforme de l’ISF s’appliquera pleinement alors que les remboursements au titre du bouclier fiscal persisteront cette année-là.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État. Ce collectif marque une étape significative dans la poursuite des engagements du Gouvernement.

Le projet de loi de finances rectificative que nous vous soumettons aujourd’hui procède à un certain nombre d’ajustements en matière de recettes et de redéploiements entre dépenses, notamment pour la mise en œuvre du plan de soutien à l’emploi et à l’alternance annoncé par le Président de la République.

Ces mouvements ont un effet globalement neutre sur le plafond de dépenses autorisé et le solde budgétaire, ce dernier restant inchangé par rapport à la loi de finances initiale, avec un déficit de 91,6 milliards d’euros.

Je vais donc, si vous le permettez, concentrer ma présentation sur la réforme de la fiscalité du patrimoine. Pour beaucoup d’entre vous, cette réforme n’est pas totalement une surprise, notamment parce que nous avons pu associer un grand nombre de parlementaires à son élaboration.

Le Gouvernement souhaite tout d’abord construire un impôt de solidarité sur la fortune plus juste et mieux adapté aux réalités économiques.

L’impôt de solidarité sur la fortune est souvent considéré comme une « exception française » qui pénalise l’attractivité de la France. Il présente essentiellement trois difficultés : un seuil d’entrée décalé par rapport à l’évolution des prix de l’immobilier au cours des dix dernières années, qui a fait entrer artificiellement dans l’ISF des contribuables qui n’ont pourtant jamais quitté leur résidence principale ; des taux d’imposition fixés à d’autres époques et aujourd’hui déconnectés du rendement réel des actifs, de sorte que l’impôt est devenu dans de nombreux cas confiscatoire ; des modalités déclaratives trop pesantes ou trop inquisitoriales pour les contribuables.

Dans ce contexte, le Gouvernement souhaite agir sur la structure de notre fiscalité, afin de la rendre plus simple, plus juste et plus compétitive. Après la réforme du crédit d’impôt recherche et celle de la taxe professionnelle, la réforme de la fiscalité du patrimoine s’inscrit logiquement dans cette ambition.

Le premier acte de cette réforme est la suppression du bouclier fiscal et, avec lui, de toute forme de plafonnement de l’impôt de solidarité sur la fortune. Cette suppression répond à une exigence de justice, car le bouclier avait trop souvent conduit à des situations d’optimisation qui ont, à juste titre, choqué les Français.

L’exigence de justice, c’est prendre en compte la situation des bénéficiaires actuels du bouclier fiscal de condition modeste, dont je rappelle qu’ils sont majoritaires. Un dispositif de plafonnement de la taxe foncière en fonction des revenus serait donc maintenu à leur profit.

L’exigence de justice, c’est aussi s’attaquer aux raisons qui ont rendu le bouclier fiscal nécessaire. Car la suppression du bouclier ne peut s’envisager sans une réforme en profondeur du barème de l’ISF, à moins de redonner à cet impôt un caractère confiscatoire que même ceux qui l’ont instauré en 1989 ni leurs prédécesseurs de 1982 n’auraient voulu lui conférer.

Le Gouvernement vous suggère donc – c’est le deuxième acte – de simplifier l’ISF et de l’adapter aux réalités économiques.

Nous vous proposons de supprimer tout d’abord la première tranche de l’impôt, celle qui concerne les ménages possédant un patrimoine net d’une valeur comprise entre 800 000 euros et 1,3 million d’euros. Dès 2011, le seuil d’entrée à l’imposition sur la fortune serait fixé à 1,3 million d’euros de patrimoine, ce qui permettrait de faire sortir de l’ISF 300 000 foyers qui n’en sont redevables que sous le seul effet de la bulle immobilière. Avec cette mesure, nous éviterons aussi à 200 000 autres ménages, aujourd’hui au bord de l’ISF, d’y entrer dans les prochaines années. Au total, ce sont 500 000 ménages qui bénéficieront de la suppression de la première tranche.

Nous proposons ensuite de corriger le barème de l’ISF, devenu non seulement une incongruité en Europe, mais aussi un vrai encouragement à l’expatriation. Le projet de loi qui vous est soumis prévoit donc un système simple.

En premier lieu, les patrimoines dont la valeur se situe entre 1,3 et 3 millions d’euros seraient soumis à un taux de 0,25 %. Les redevables n’auraient plus besoin de fournir de déclaration spécifique, mais devraient indiquer la valeur totale de leur patrimoine sur la déclaration d’impôt sur le revenu. Le paiement de l’ISF se ferait donc en même temps que celui de l’impôt sur le revenu.

En deuxième lieu, pour les patrimoines d’une valeur supérieure à 3 millions d’euros – c’est-à-dire pour moins de 30 000 contribuables –, le taux d’imposition serait de 0,5 %, et les assujettis concernés devraient continuer à effectuer une déclaration.

Afin de lisser les effets de seuil, un dispositif de décote serait instauré pour les patrimoines compris entre 1,3 et 1,4 million d’euros ainsi que pour ceux compris entre 3 et 3,2 millions d’euros. Les modalités déclaratives seraient également simplifiées pour la majorité des redevables à compter de 2012.

Enfin, nous avons été attentifs à corriger les effets économiques les plus néfastes de l’ISF. Ainsi, pour préserver le développement de nos PME, nous vous proposons de redéfinir le régime d’exonération des biens professionnels pour les entrepreneurs qui dirigent plus d’une entreprise ou qui diluent leur participation à l’occasion d’une augmentation de capital.

De même, nous voulons encourager le développement d’un capitalisme familial par des assouplissements des « pactes Dutreil », dont nombre d’entre vous savent combien ils sont essentiels pour assurer la pérennité des entreprises sur plusieurs générations.

Suppression du bouclier fiscal, protection de la résidence principale avec le relèvement du seuil d’entrée dans l’ISF, retour à des taux cohérents avec le rendement des actifs et aménagement des régimes d’assiette pour tenir compte de la vie des entreprises : comme vous le voyez, cette réforme porte la marque d’un juste équilibre entre équité et efficacité économique.

Mais la réforme ne peut se concevoir que dans sa globalité. Dès lors qu’il était essentiel pour le Gouvernement de présenter un projet équilibré pour les finances publiques et faisant peser l’impôt sur la population même qui profite de l’allégement de l’ISF, le projet qui vous est soumis prévoit aussi quelques mesures de financement.

Le financement de la réforme repose sur une taxation plus importante des donations et successions des hauts patrimoines, sur une contribution des non-résidents et sur l’instauration de dispositifs de lutte contre l’évasion fiscale internationale.

Conformément au souhait du Président de la République, nous avons opté pour un financement simple, qui pèse sur les flux du patrimoine davantage que sur le stock, et sur la transmission plutôt que sur la détention.

Tout d’abord, la taxation des donations et successions sera réévaluée. Toutefois, et j’insiste sur ce point, ce volet de la réforme ne concerne que les hauts patrimoines. Les acquis essentiels de la loi TEPA – qui a permis d’exonérer 97 % des successions en ligne directe et de faciliter les transmissions anticipées de patrimoine – seront donc intégralement préservés, et même confortés.

Au contraire, nous proposons de financer la réforme de l’ISF en mettant à contribution les détenteurs de hauts patrimoines, et en revenant sur des dispositions antérieures à la loi TEPA qui – du fait notamment du triplement des abattements décidé dans le cadre de cette loi – ont perdu de leur pertinence.

Cette stratégie se décline en trois axes. Tout d’abord, les taux d’imposition correspondant aux deux dernières tranches du barème applicable aux successions et aux donations consenties en ligne directe, ainsi qu’aux donations entre époux et titulaires d’un PACS, sont augmentés de cinq points. En pratique, cette hausse ne frappera que 2 000 successions par an, preuve que seules les très grosses successions sont ainsi visées.

Ensuite, les réductions de droits de donation accordés en fonction de l’âge du donateur sont supprimées. Je rappelle que ces droits ne sont dus qu’à hauteur des donations dépassant l’abattement de 159 000 euros, soit bien plus que la totalité du patrimoine de la majorité des Français. La mesure frappe donc, là encore, un nombre très limité de personnes fortunées.

Enfin, le délai de rappel des donations sera porté de six à dix ans. Compte tenu de la réduction de ce délai intervenue en 2006, toutes les donations qui pourraient profiter aujourd’hui du délai de six ans sont intervenues alors que la loi prévoyait un délai de dix ans. Nous privons peut-être certains d’un effet d’aubaine mais, en réalité, personne ne sera pris au dépourvu.

Mais réformer la fiscalité du patrimoine, c’est aussi taxer de nouvelles capacités contributives, adapter le droit pour limiter les possibilités d’optimisation et renforcer les outils permettant de lutter contre l’évasion fiscale. Trois mesures permettront d’améliorer l’efficacité de notre fiscalité sur ce point.

Ainsi, une taxation des résidences secondaires permettra d’associer les non-résidents au financement des services publics nationaux dont ils bénéficient. Ce dispositif ne concerne que les personnes dont les revenus de source française ne représentent qu’une faible part de leurs revenus totaux. Il institue une participation proportionnelle aux capacités contributives conférées par le patrimoine immobilier dont elles ont la jouissance sur le territoire français, et au titre duquel elles n’acquittent actuellement que des impositions à caractère local. Les personnes qui s’expatrient temporairement, notamment pour des raisons professionnelles, en seront exonérées.

Ensuite, le projet de loi de finances rectificative prévoit l’introduction d’une exit tax sur les plus-values latentes. Ce dispositif a été conçu pour être parfaitement conforme au droit communautaire et aux engagements internationaux de la France. Il s’inspire de ceux adoptés par certains de nos partenaires européens tels que l’Allemagne, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas.

Cette taxe sera assise sur les plus-values sur titres constatées lors du transfert de la résidence fiscale hors de France et exigible en cas de cession des titres dans les huit années qui suivent. C’est une mesure dissuasive qui permet de priver l’exilé du bénéfice fiscal de son expatriation, en le taxant de la même manière que s’il n’avait jamais quitté la France.

Enfin, plusieurs mesures sont destinées à mettre fin à des schémas d’optimisation et d’évasion fiscales, comme celui par lequel des non-résidents échappent à l’ISF en plaçant leurs biens immobiliers dans une SCI criblée de dettes. Nous proposons également de donner à l’administration la capacité d’appréhender fiscalement les biens et droits placés dans des trusts. Le trust est, je le rappelle, une institution de droit anglo-saxon qui n’a pas d’équivalent en droit français. Son régime fiscal est incertain, ce qui facilite l’utilisation de cet instrument à des fins d’évasion fiscale. Nous souhaitons naturellement mettre un terme à cette pratique.

Ces deux dernières mesures s’inscrivent dans le prolongement d’autres opérations fortes que nous menons pour lutter contre la localisation d’actifs ou de revenus sur des comptes bancaires offshore. La cellule de régularisation, l’exploitation de listings étrangers ont ainsi permis de rapatrier des recettes importantes au cours des années 2010 puis 2011. D’autres initiatives en cours généreront des ressources importantes et exceptionnelles en 2012 et 2013. Elles viendront compléter le financement de la réforme au titre de ces années. Au total, en régime de croisière et indépendamment de toute ressource exceptionnelle, la réforme dégagera un surcroît de recettes d’environ 200 millions d’euros par an.

Au-delà de la réforme de la fiscalité du patrimoine, le projet de loi de finances rectificative comprend un nombre limité de dispositions qui reflètent notamment la priorité donnée à l’emploi et au pouvoir d’achat. Je tiens tout de suite à préciser que ces mesures, en nombre réduit, ne modifient ni le plafond de dépenses autorisé, ni le solde budgétaire pour 2011.

Elles visent tout d’abord à soutenir l’emploi et le pouvoir d’achat des ménages.

En matière d’emploi, conformément à l’engagement du Président de la République, le Gouvernement souhaite orienter son action vers quatre priorités : l’emploi des jeunes, le soutien aux demandeurs d’emploi de longue durée, la formation des demandeurs d’emploi et la sécurisation des parcours professionnels.

Le projet de loi de finances rectificative procède à plusieurs ouvertures ciblées de crédits, dont les principales ont vocation à financer la formation en alternance, les contrats aidés du secteur marchand, diverses actions de formation pour les chômeurs de longue durée, ainsi que la mise en œuvre du nouveau contrat de sécurisation professionnelle.

En matière de pouvoir d’achat, au regard des fortes hausses du prix des carburants, le Gouvernement a revalorisé de 4,6 % les barèmes kilométriques utilisés par les salariés qui optent pour les frais réels et par certains non-salariés pour évaluer forfaitairement leurs frais de transport. Cette revalorisation entrera en vigueur dès cette année. Nous proposons de financer cette décision par une contribution exceptionnelle à la charge des entreprises du secteur pétrolier. Son rendement – 120 millions d’euros en 2011 – permettra de couvrir le coût de la revalorisation du barème.

Par ailleurs, afin de mieux maîtriser la hausse du coût de l’électricité et son impact sur les consommateurs, une disposition du projet de loi prévoit de lisser la revalorisation de la contribution au service public de l’électricité.

J’en viens rapidement aux autres mesures présentées dans le projet de loi de finances rectificative.

Tout d’abord, plusieurs dispositions concernent le financement de la réforme de la garde à vue, via la création d’une contribution pour l’aide juridique et l’ouverture de moyens supplémentaires sur les programmes du ministère de la justice et de l’intérieur concernés.

Ensuite, le projet instaure un dispositif d’indemnisation spécifique des victimes du Mediator et de ses génériques. Je rappelle qu’il ne s’agit pas de se substituer aux responsables, qui devront indemniser les victimes, mais de mettre rapidement en place les structures qui permettront l’examen des dossiers, le règlement amiable des litiges et, dans certains cas, de faire l’avance des sommes.

Il est en outre procédé, comme chaque année, à des ajustements de crédits ciblés, visant à couvrir les insuffisances en gestion anticipées sur certains programmes.

L’ensemble de ces mesures, je le répète, ne modifie pas le solde budgétaire, qui reste inchangé à moins 91,6 milliards d’euros.

Comme vous pouvez le constater, le Gouvernement est déterminé à poursuivre l’adaptation de notre fiscalité pour la rendre plus simple, plus juste et plus efficace. Nous engageons ces réformes en maintenant le cap que nous nous sommes fixé, celui de la réduction des déficits et d’une maîtrise accrue de nos finances publiques. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas souhaité modifier le montant global des dépenses autorisées par la loi de finance initiale. Je souhaite à présent que nos travaux s’inscrivent dans le même esprit de responsabilité vis-à-vis de nos concitoyens.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pour qualifier la réforme de la fiscalité du patrimoine que porte ce projet de loi de finances rectificative, j’emploierai les mêmes mots que le ministre : elle est équilibrée, cohérente et juste.

Elle est juste fiscalement parce qu’elle fait sortir du champ de l’ISF environ 300 000 contribuables qui n’ont rien à y faire. Ils ne sont redevables de cet impôt qu’en raison de l’envolée des prix immobiliers depuis dix ans et de ses effets sur la valeur du logement qu’ils occupent. Or la résidence principale, on le sait, ne procure aucun revenu.

Elle est juste en raison de la suppression conjointe du « plafonnement Rocard » et du bouclier fiscal. L’expérience montre que ces deux dispositions, à mesure qu’elles s’implantaient dans le paysage fiscal, ont conduit à des optimisations insupportables. Le système de plafonnement n’est toutefois conservé – et à juste titre – que dans un seul cas, celui de la taxe foncière. En effet, à la différence du plafonnement Rocard, le bouclier fiscal prenait en compte les impôts locaux. La taxe d’habitation était déjà plafonnée par rapport aux revenus ; ce sera désormais aussi le cas de l’impôt foncier.

Cette réforme est économiquement adaptée. Le problème de l’ISF, depuis sa création, est que les taux applicables n’ont jamais tenu compte de l’évolution du rendement des actifs composant son assiette : l’imposition peut atteindre 1,8 % alors que les rendements, compte tenu de la baisse de l’inflation, ne dépassent pas 4 %. Des taux de 0,25 % et 0,5 % sont beaucoup plus conformes aux réalités économiques.

Un autre aspect très important de ces propositions est leur respect de l’équilibre budgétaire. L’argent public est rare, les déficits sont très élevés : il était donc impensable de conduire une telle réforme en faisant l’impasse sur son financement. Ce n’est pas le cas, puisque le manque à gagner – environ 1 milliard d’euros – sera intégralement compensé grâce aux quatre mesures prises à cet effet, qui ont en outre l’avantage de ne concerner que les contribuables les plus aisés. À elle seule, la disposition sur les successions devrait rapporter 500 millions d’euros, et il convient d’y ajouter le produit de la mesure concernant les donations. De son côté, l’exit tax, qui avait été condamnée par Bruxelles en 1999, est désormais bien calibrée d’un point de vue juridique et parfaitement eurocompatible.

Enfin, je trouve justifié de soumettre la résidence secondaire de personnes ne résidant pas en France à une taxe supplémentaire. En effet, si ces personnes contribuent aux services publics locaux avec la taxe d’habitation et la taxe foncière, elles ne participent pas, jusqu’à présent, au financement des services nationaux. Non seulement le produit additionné de ces quatre mesures compensera le manque à gagner de 1 milliard d’euros, mais il offrira même une certaine marge de sécurité en année pleine.

L’attention portée aux PME et à l’emploi me paraît également capitale. En effet, une des faiblesses de notre fiscalité, ces trente dernières années – en particulier les mesures prises dans les années 1980 sur les successions ou l’ISF – est d’avoir découragé l’épanouissement des petites et moyennes entreprises au détriment de l’emploi, ce qui explique les évolutions différentes de ces entreprises en France et en Allemagne. On le voit d’ailleurs très bien dans le rapport récent de la Cour des comptes. C’est pourquoi la disposition proposée en matière d’engagement de conservation des titres est aussi importante. Notre fiscalité ne doit pas jouer contre la pérennité des entreprises familiales ni contre l’emploi. L’époque où les PME étaient vendues pour des raisons fiscales doit être révolue.

Des mesures très fortes, à hauteur de 500 millions d’euros, sont également prises en matière d’emploi : contrats aidés, meilleur accès des jeunes sur le marché de l’emploi, réforme de la taxe d’apprentissage et incitation à la signature de contrats de formation en alternance.

L’association d’une réforme de la fiscalité du patrimoine et de mesures en faveur des PME et de l’emploi montre la cohérence du dispositif porté par le projet de loi de finances rectificative.

Vous prévoyez en 2011 une augmentation du produit de l’ISF à hauteur de 270 millions d’euros. Mais, si j’ai bien compris, la somme nécessaire pour compenser la suppression de la première tranche a été calculée à partir d’estimations de 2010. Pouvez-vous préciser quelles ont été les bases de référence pour parvenir au résultat de 1 milliard d’euros ?

Par ailleurs, le dispositif de réduction de l’ISF pour investissement dans les PME est maintenu, ce qui est une bonne chose. Quel impact cette décision a-t-elle sur le montant du manque à gagner qu’il faut compenser pour parvenir à l’équilibre ? En effet, si les assujettis à l’ISF investissent en moyenne 600 millions d’euros dans les PME, l’investissement correspondant à la première tranche, désormais supprimée, n’est que de 45 millions d’euros, ce qui induit que la plus grande partie des contribuables ayant recours au dispositif restera soumise à l’impôt sur la fortune.

Il me semblait qu’aucun contribuable assujetti à l’ISF ne devrait voir son imposition augmenter. Or, compte tenu des mesures de lissage des effets de seuil, on s’aperçoit que le contribuable dont le patrimoine vaut 1,4 million d’euros paiera plus qu’auparavant. Certes, cette augmentation est symbolique : quelques dizaines d’euros. Mais il serait tout de même préférable que l’évolution se fasse dans l’autre sens.

Enfin, vous avez jugé que l’allongement du délai de rappel des donations n’avait pas de caractère rétroactif dans la mesure où les premières donations qui auraient pu bénéficier du délai de six ans ont été effectuées avant 2006, soit à une époque où ce délai était de dix ans. Il n’en demeure pas moins que la succession sera moins favorable pour les héritiers d’une personne décédant aujourd’hui après avoir effectué une donation il y a six ans. Ne pourrait-on pas prévoir une disposition pour corriger cette situation ?

M. Jérôme Chartier. J’ajouterai un qualificatif à ceux employés par le rapporteur général : cette réforme a été très concertée. Dès le début de la législature, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2008, des questions comme celle de la place de la résidence principale dans l’assiette de l’ISF ou du rôle joué par le bouclier fiscal ont fait l’objet de très larges débats dans l’hémicycle. Cette réforme, les parlementaires l’appelaient de leurs vœux depuis fort longtemps.

La concertation s’est intensifiée depuis le mois de décembre : un groupe de travail sur le sujet, constitué au sein de la majorité, a bénéficié d’informations très complètes de la part des services du ministère des comptes publics et a pu conduire de nombreuses réflexions. Un colloque de grande qualité s’est également déroulé pendant une journée au ministère de l’économie. Quant aux propositions que vous mettez sur la table, monsieur le ministre, elles ont été également abondamment commentées dans la presse depuis quelques semaines.

Comme l’a dit justement le rapporteur général, cette réforme est équilibrée : aucune des mesures qui la composent n’a de caractère excessif, ce qui est important pour la façon dont elle sera perçue. De plus, c’est la première fois qu’une réforme fiscale est compensée à l’euro près. Dans la mesure où elle n’affectera pas les ressources indirectes comme la TVA, cette réforme ne pèsera pas sur l’équilibre des finances publiques. Par ailleurs, le choix d’un ensemble cohérent de mesures complémentaires garantit la crédibilité des calculs destinés à en évaluer l’impact.

Nous avons tous entendu parler de personnes désireuses de s’expatrier quelques mois à l’étranger pour céder leurs participations tout en échappant aux prélèvements sociaux et fiscaux. Un tel phénomène ne manquait pas de nous préoccuper, et c’est pourquoi je me réjouis de la création d’une exit tax, la première tentative en ce domaine étant restée sans lendemain. Cette mesure est non seulement favorable à l’équilibre des finances publiques, mais aussi à la morale, une morale que l’on souhaite voir triompher dans le monde économique. On ne peut accepter que des personnes s’expatrient pour payer moins d’impôts : ces derniers ne constituent pas seulement une ressource pour le versement des prestations offertes par l’État, mais ils servent également à financer l’organisation des services publics dont bénéficient tous les Français, ainsi que les personnes résidant occasionnellement sur le territoire national.

Cela m’amène à la deuxième mesure que je souhaitais souligner : la taxation des résidences secondaires pour les non-résidents. Elle concerne les Français établis hors de France, mais surtout les étrangers possédant une résidence secondaire dans notre pays. Il est en effet légitime que ces derniers contribuent à l’effort de financement des services publics nationaux. La taxe, dont le
montant – 20 % de la valeur locative – est mesuré, me paraît adapté à un phénomène que l’on observe à un niveau mondial : la transhumance fréquente de personnes à haut potentiel financier, qui ont établi leur résidence fiscale dans un pays à fiscalité attractive, mais qui possèdent par ailleurs des résidences dans de nombreux territoires.

En résumé, toutes ces mesures sont à la fois très utiles et complémentaires entre elles. Il en résulte une réforme équilibrée et efficace.

M. Henri Emmanuelli. Ce qui ressort des déclarations du ministre, du rapporteur général et de M. Chartier, c’est que la majorité, en voulant sortir d’une chausse-trape, trébuche de nouveau.

Je n’entrerai pas dans les détails, le groupe socialiste s’étant exprimé à plusieurs reprises sur le sujet. Je ne peux que rappeler notre stupéfaction et notre consternation à voir une injustice encore plus grande succéder à une injustice déjà patente.

Tout d’abord, seule la loi de règlement nous dira si le solde budgétaire aura été affecté par la réforme. Je crains pour ma part qu’il ne le soit, et lourdement. C’est là que se situe tout l’aspect pernicieux du projet de loi : non seulement vous réduisez fortement le nombre de personnes assujetties à l’ISF, mais vous faites un énorme cadeau à ceux qui en resteront redevables.

Nous ferons valoir nos arguments en séance publique ou à l’extérieur de l’Assemblée. Mais je peux d’ores et déjà affirmer qu’avec cette série de dispositions, vous passez les bornes. Au train où vont les choses, nous risquons d’avoir des difficultés à percevoir l’impôt ! Votre politique est si discordante, si dissonante, qu’elle laissera pantois tous les contribuables français.

J’espère, monsieur le ministre, que votre intervention a été filmée, car elle fera figure de cas d’école.

M. le ministre. Je vous remercie, monsieur Emmanuelli, d’avoir fait preuve d’un tel sens de la nuance…

L’exit tax, monsieur le président, s’appliquera sans qu’il soit besoin de renégocier les conventions fiscales. En effet, il ne s’agit pas d’une double imposition, dans la mesure où l’impôt éventuellement versé à l’étranger s’impute sur l’impôt français. En outre, le dispositif est juridiquement stable et conforme au droit communautaire : tirant les leçons de l’expérience malheureuse vécue par la gauche, nous l’avons en effet soumis au Conseil d’État.

Je remercie le rapporteur général pour sa contribution précieuse au groupe de travail que j’ai animé. Je suis sensible aux mots qu’il a utilisés pour qualifier cette réforme. Oui, monsieur Emmanuelli, cette réforme est juste. Vous ne pourrez pas nier éternellement l’évolution confiscatoire et spoliatrice de l’impôt que vous avez mis en place en 1982.

M. Henri Emmanuelli. Alors, supprimez-le !

M. le ministre. Il correspond à un monde révolu, celui des emprunts d’État au rendement de 17 % ou de l’inflation à deux chiffres. Cette politique vous a d’ailleurs coûté trois dévaluations et un plan de rigueur.

M. Henri Emmanuelli. Faut-il vous rappeler le montant des déficits à l’époque ?

M. le ministre. Veuillez ne pas m’interrompre.

M. Henri Emmanuelli. Vous me prenez à partie !

M. le ministre. Vous-même m’avez montré du doigt en évoquant l’enregistrement de mon intervention. Ceux qui nous regarderont dans trente ans comprendront que nous ne sommes pas tout à fait d’accord sur le sujet…

M. Henri Emmanuelli. Ils seront stupéfaits !

M. le ministre. …et qu’en tant qu’ancien membre du gouvernement, vous avez une part de responsabilité dans la politique menée lors du premier septennat de François Mitterrand.

M. Henri Emmanuelli. Remontez à 1936 pendant que vous y êtes !

M. le ministre. Le rapporteur général s’est demandé quel serait l’impact de la réforme sur la réduction de l’ISF pour investissement dans les PME. Aujourd’hui, le coût de cette mesure est évalué à 500 millions d’euros, compte tenu des modifications intervenues dans le projet de loi de finances pour 2011. Je rappelle que le Gouvernement et le Parlement s’étaient alors mis d’accord pour faire passer l’abattement de 75 à 50 %. Je ne souhaite pas que l’on remette en cause cet équilibre, sachant que nous proposerons d’autres avancées en matière de protection des entreprises familiales. Après la suppression de la première tranche de l’ISF, le coût de la mesure devrait être de 450 millions d’euros. L’économie sera donc de 50 millions d’euros.

En ce qui concerne l’assiette, la révision du montant de l’ISF tient compte de l’impact de la cellule de régularisation fiscale et de la mise en œuvre de la réforme. Ainsi, sur les 500 millions d’ISF récupérés grâce aux opérations de la cellule, 168 millions seront encaissés en 2011, auxquels il faut ajouter 100 millions supplémentaires correspondant à l’impôt payé chaque année en France par les anciens exilés fiscaux.

J’en viens aux donations. Il est vrai que les personnes ayant effectué une donation il y a plus de six ans pourraient juger l’application du nouveau régime un peu brutale. Mais différer son entrée en vigueur aurait un coût budgétaire et pourrait compromettre le financement de la réforme. Le Gouvernement n’est pas hostile à un débat sur le sujet, mais en cas de modification de la mesure il conviendra de trouver des modalités de compensation pour respecter le principe de l’équilibre budgétaire.

M. Alain Joyandet. Tout en souscrivant à l’appréciation du rapporteur général et de Jérôme Chartier sur l’équilibre général de la réforme, je ferai porter mon propos sur les biens professionnels et, plus particulièrement, sur les entreprises familiales.

Certes, l’abaissement de 25 à 12,5 % du seuil de détention des droits pour bénéficier d’une exonération d’ISF sur les biens professionnels va dans le bon sens. S’agissant toutefois d’entreprises familiales employant peu de salariés ou dont le chiffre d’affaires est modeste, la réforme ne va pas assez loin. Ces PMI-PME dont on sait qu’elles sont trop peu développées en France subiront toujours une forme d’insécurité fiscale. Une entreprise familiale constituée en une ou plusieurs sociétés continuera de se heurter à l’administration fiscale. Elle devra lui faire la démonstration que la holding est bien la holding animatrice de l’ensemble des sociétés, que plus de 50 % des revenus du dirigeant proviennent de l’entreprise concernée, et ainsi de suite. On en vient même à soupçonner ces PME-PMI de disposer de trop de fonds propres et l’on réintègre une partie des montants dans les biens privés des dirigeants !

La plupart des entreprises familiales conservent leurs excédents dans les réserves et ne distribuent pas de dividendes. Si elles en avaient distribué comme les fonds de pensions, comment auraient-elles compensé leurs pertes ces trois dernières années ? C’est grâce aux réserves issues des excédents des années antérieures que ces petites entreprises, dans leur majorité, ont fait face à la crise sans rien demander aux banques. Or l’administration fiscale trouve ces réserves trop importantes par rapport au volume d’activité et demande qu’elles soient comptabilisées comme biens privés.

Bref, la réforme me semble insuffisante à cet égard. Ne pourrait-on établir, comme pour les autres dispositifs, un plancher – par exemple cinquante salariés ou un montant donné de chiffre d’affaires – au-dessous duquel les PMI-PME familiales n’entreraient pas dans le calcul de l’ISF et se verraient ainsi épargner d’interminables justifications ? Seule une mesure claire est susceptible de préserver ces entreprises des tracas administratifs et fiscaux, étant entendu qu’il ne s’agit pas de très grandes entreprises familiales.

M. Hervé Mariton. J’approuve l’idée d’une réforme, mais je regrette que celle-ci ne soit pas plus vigoureuse. Sans doute aurait-il été possible de supprimer l’ISF, mais il fallait alors des financements de substitution qui supposaient des projets plus ambitieux devant lesquels le Gouvernement a malheureusement « calé ».

Premièrement, cette réforme pose un problème en ce qu’elle est plus avantageuse en valeur absolue et en pourcentage pour les très grosses fortunes que pour les fortunes de la nouvelle première tranche, celle qui est immédiatement au-delà de 1,3 million d’euros. Si l’avantage en valeur absolue peut se comprendre, l’importance de l’avantage en pourcentage n’est pas acceptable.

M. le rapporteur général. C’est faux ! Vous devez intégrer la suppression du bouclier dans votre raisonnement.

M. Hervé Mariton. Tout le monde n’est pas concerné par le bouclier fiscal !

M. le rapporteur général. Les trois quarts de la dernière tranche le sont !

M. Hervé Mariton. Je ne parle pas seulement de la dernière tranche. Au demeurant, c’est la structure actuelle de l’ISF et le décalage entre les tranches – indépendamment de la dernière – qui me semble constituer le nœud du problème. Comme vous l’avez reconnu vous-même, il existe indubitablement une difficulté pour la première. Cette difficulté est intrinsèque à tout impôt déclenché à partir d’un certain seuil mais prélevé dès le premier euro. Si les mesures de lissage proposées permettent d’éviter les aberrations les plus graves, il n’en est pas moins vrai que la réforme a des effets inacceptables.

Deuxièmement, je prends acte de la suppression du bouclier fiscal bien que je n’en sois pas le partisan le plus ardent. Un des principes du bouclier étant la mesure de la charge pesant sur le contribuable, je regrette que la réforme du Gouvernement ne traite pas de la question de la conjugalité – dans ses modalités actuelles, l’ISF pénalise les couples mariés, les personnes unies pas un PACS et l’union déclarée – ni de celle des charges de famille, qui sont insuffisamment prises en compte dans le calcul de l’ISF.

Troisièmement, si vous avez estimé à 2 000 le nombre des contribuables concernés par l’augmentation du barème des droits de succession pour les deux dernières tranches, vous n’avez pas donné de chiffre pour ce qui est de la suppression des mesures d’âge en matière de donations. Selon mes calculs, un contribuable de soixante-neuf ans disposant d’un patrimoine de 700 000 euros – donc échappant à l’ISF – et faisant une donation de 400 000 euros à son enfant unique doit aujourd'hui acquitter des droits s’élevant à 24 000 euros. Ces droits passeront, après la réforme, à 48 000 euros. Quel sera, selon vous, le nombre de contribuables qui seront touchés ?

Mme Chantal Brunel. Pour quelles raisons a-t-on fixé à 1,3 million d’euros le nouveau seuil d’assujettissement à l’ISF ? Ce montant me semble particulièrement élevé, d’autant qu’il peut être porté à 1,6, à 1,7 ou à 1,8 million si l’on prend en compte l’abattement de 30 % sur la valeur vénale de la résidence principale.

Je ne partage pas l’enthousiasme du rapporteur général au sujet de cette réforme de la fiscalité du patrimoine. Les quatre mesures proposées pour compenser les 4 milliards d’euros de manque à gagner sont certes positives et astucieuses, mais elles ne sont guère compréhensibles et concernent peu de Français. Ce dont les Français se souviendront, c’est que le seuil est passé de 800 000 euros à 1,3 million d’euros .

Mme Aurélie Filippetti. Quel contraste avec le débat qui s’est déroulé la semaine dernière dans l’hémicycle au sujet de l’inscription de l’équilibre des finances publiques dans la Constitution ! Une telle réforme pourrait à la limite se justifier dans une période faste. Mais, dans une période de vaches maigres où l’on demande des efforts à tous les Français, elle me semble tout à fait incongrue.

Premièrement, elle n’est pas financée. Contrairement à ce que vous affirmez, vous n’avez aucun moyen de garantir la fiabilité des données censées justifier son équilibre. Alors que la suppression du bouclier fiscal rapportera 700 millions d’euros, le coût de la diminution de l’ISF sera de 1,7 milliard d’euros au minimum. La différence sera financée, une fois de plus, par la dette, donc par l’ensemble de la collectivité. La droite renie ainsi tous les arguments qu’elle s’efforce d’apporter à l’appui du bouclier fiscal depuis quatre ans.

Ce changement de pied aurait de quoi nous satisfaire s’il ne s’accompagnait d’un cadeau encore plus important aux gros patrimoines, en particulier à ceux qui dépassent les 16 millions d’euros. Pourquoi, en pleine crise des finances publiques, réduire à ce point le taux qui leur est applicable en le faisant passer de 1,8 à 0,5 % ? C’est une chose très choquante pour nos concitoyens et qui vous privera du gain politique que vous comptez tirer de la suppression du bouclier fiscal.

En outre, vous ne pouvez pas non plus garantir quel sera le coût des mesures de lissage.

Enfin, quel sera le financement de la réforme en 2011 ? Le bouclier fiscal continuera d’être dû aux contribuables qui en bénéficiaient alors que la baisse des taux leur sera d’ores et déjà appliquée, du moins pour la première tranche.

J’en viens maintenant à l’esprit de la réforme. Une fois encore, un très petit nombre de contribuables sont concernés. Le coup très fort que vous portez à l’ISF est un coup porté à un impôt extrêmement moderne. L’ISF n’est nullement « l’exception française » que vous dénoncez ou, s’il l’est, c’est par sa modernité même. L’impôt sur le patrimoine existe en effet dans d’autres pays européens et aux États-Unis, mais en général sous la forme d’un impôt foncier assis sur des valeurs cadastrales. En France, on sait que ces valeurs sont sujettes à caution. L’assiette de l’ISF, à la foi mobilière et immobilière, est calculée sur des valeurs de marché.

Bref, alors que nous avons besoin de recettes fiscales, vous portez un coup à un impôt moderne qui rapportait 4 milliards d’euros par an, et vous le justifiez par la nécessité de compenser l’erreur que vous avez commise avec le bouclier fiscal. Mais l’impôt de solidarité sur la fortune existait en 2007 ! Votre calcul visant à compenser la suppression de l’un par la réforme de l’autre ne tient pas. Nous n’avons pas les moyens de nous priver des recettes de l’ISF en faisant, une fois de plus, un cadeau aux patrimoines les plus importants !

Lorsque mes collègues de la majorité s’inquiètent de la santé des entreprises françaises, ils commettent une certaine confusion. Le parti socialiste, lui, défend les entreprises, mais il ne confond pas leur patrimoine avec celui des chefs d’entreprise ou de leur famille. La question de l’ISF se pose la plupart du temps au moment où l’entrepreneur part à la retraite et cède son entreprise. Donc cet impôt ne pénalise pas du tout l’activité en France. S’il avait fallu le réformer, ç’aurait dû être pour réduire les niches qui permettent à certains d’y échapper.

Dans mon département, les assujettis à l’ISF sont très peu nombreux. Or, lorsque vous expliquez le passage du seuil à 1,3 million d’euros par la nécessité de répondre à la bulle immobilière, vous omettez de préciser, d’une part, que ce montant est hors dettes et, d’autre part, qu’un abattement de 30 % s’applique à la résidence principale. Les personnes qui se sont endettées pour acheter une résidence principale n’étaient de toute façon pas concernées par l’ISF.

La diminution des taux n’est pas une mesure de justice fiscale, mais un simple moyen de faire passer auprès de votre électorat votre retour en arrière sur une erreur majeure du début du quinquennat.

Mme Arlette Grosskost. S’agissant du régime fiscal simplifié des pactes d’actionnaires – les « pactes Dutreil » –, la réforme propose d’autoriser l’entrée de nouveaux actionnaires à condition que l’engagement collectif soit reconduit pour une durée minimale de deux ans. Sauf erreur de ma part, cette reconduction suppose un avenant aux pactes. Que se passe-t-il si les autres partenaires le refusent ?

M. Jean-Yves Cousin. Ayant appelé de mes vœux la suppression du bouclier fiscal, je me réjouis de cette réforme équilibrée et juste qui apporte 200 millions d’euros de recettes supplémentaires.

Pour ce qui est de la collecte de l’ISF via les sociétés d’investissement, le report du délai au 15 septembre ne pose-t-il pas un problème technique ? Certaines sociétés ont déjà commencé à collecter et à investir. Comme la collecte se fait en grande partie sur des montants qui n’atteignent plus, avec la réforme, le seuil de 1,3 million d’euros, quel est le mécanisme de correction qui est envisagé ?

M. le ministre. Certaines questions qui viennent d’être posées reprennent celles du président et du rapporteur général, auxquelles j’ai déjà répondu.

La définition des holdings, monsieur Joyandet, relève d’une instruction fiscale. Je suis ouvert à la discussion si des problèmes se posent : il convient en effet d’éviter des divergences d’interprétation.

La réintégration des liquidités dans le patrimoine privé est une mesure anti-abus. Bien entendu, nous sommes tout disposés à discuter des moyens de renforcer la sécurité juridique des entrepreneurs de bonne foi.

Je ne partage pas l’analyse de M. Mariton. De même, je ne suis pas vaincu par les arguments de Mme Filippetti, qui commet, je crois, une erreur d’interprétation et que j’invite à se rapprocher de mes services ou du rapporteur général pour la dissiper.

Pour ce qui est des décotes, on commencerait à 1 500 euros au seuil de 1,3 million d’euros et on atteindrait linéairement 3 500 euros à 1,4 million d’euros. Le même dispositif intervient entre 3 millions et 3,2 millions d’euros afin d’éviter le ressaut. Nos calculs nous permettent d’affirmer avec sérénité que la modification des tranches et des pourcentages ne fait pas de perdants.

Il est faux d’affirmer que la réforme avantage les grandes fortunes. Celles qui bénéficiaient du bouclier passeront d’un taux réel de 0,22 % – par le fait de stratégies d’optimisation du bouclier – à un taux de 0,5 %.

Par ailleurs, la suppression des mesures d’âge ne concerne que les successions et donations de plus de 150 000 euros, alors que la fortune moyenne des Français se situe entre 130 000 et 140 000 euros.

M. Hervé Mariton. Combien de personnes cela concerne-t-il ?

M. le ministre. Environ 25 000 contribuables.

Le seuil de 1,3 million d’euros, madame Brunel, a été revalorisé en fonction de l’évolution du prix de l’immobilier depuis 1982. Il permet de revenir au nombre de 250 000 redevables à l’ISF, comme c’était le cas en 2001. Le doublement de cet effectif en dix ans correspond bien à l’évolution des prix de l’immobilier et non à une évolution significative des revenus, puisque les nouveaux assujettis sont restés en deçà du seuil de la deuxième tranche. La réforme revient à l’idée initiale d’une contribution des plus fortunés des Français, en période de disette budgétaire, au financement des politiques publiques, dans un esprit de justice sociale – suppression du bouclier – et fiscale – correction des effets très négatifs que l’ISF a produits au fil du temps et adaptation de cet impôt aux réalités économiques.

Je suis à votre disposition, madame Filippetti, pour vous démontrer que tous les éléments que vous avancez sont faux. Il vous faudra bien reconnaître, lors du débat en séance publique, qu’il y a réllement une anomalie française et que même vos amis socialistes ont voulu y mettre un terme. Le plafonnement Rocard est une préfiguration du bouclier : la gauche au pouvoir s’est alors rendu compte que l’ISF était spoliateur et confiscatoire.

J’ai pour ma part appartenu à un gouvernement qui a plafonné le plafonnement. Je reconnais que c’était une erreur, corrigée depuis lors. Mais le bouclier n’est pas l’enfant de cette législature : il a été défini par le gouvernement Villepin. Quant au choix du taux de 50 %, il est lié à l’évolution des emprunts obligataires. Le dispositif n’est que l’application logique de la réalité de l’effort que l’on peut demander à un contribuable certes fortuné, mais qui ne peut s’appuyer sur le rendement moyen des obligations d’État, quand celui-ci diminue.

Bref, il vous faudra beaucoup d’art oratoire et de références historiques pour faire croire que cette réforme est un cadeau à quiconque et qu’elle fait des perdants. La vérité est qu’elle ne concerne que ceux qui sont actuellement assujettis à l’ISF et que nous essayons simplement de trouver un dispositif équilibré à l’intérieur de cette population. Si nous vous avions offert sur un plateau d’argent la suppression de l’ISF, j’aurais accordé un plus grand intérêt à vos arguments !

Le coût des mesures de décote est de 43 millions d’euros.

Pour le reste, les droits d’auteur des arguments relatifs au bouclier reviennent à son principal inventeur, le Premier ministre de gauche Michel Rocard.

M. le président Jérôme Cahuzac. Monsieur le ministre, nous vous remercions.

*

* *

EXAMEN DES ARTICLES

Au cours de ses séances du mercredi 1er juin 2011, la Commission examine le présent projet de loi de finances rectificative.

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

I.– ImpÔts et ressources autorisÉs

Article premier

Réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune

Texte du projet de loi :

I.– Le code général des impôts est ainsi modifié :

A. Aux premier et second alinéas du f de l’article 885 I bis, les mots : « à l’article 885 W » sont remplacés par les mots : « au 1 du I de l’article 885 W ».

B. Au cinquième alinéa du I de l’article 885 I quater, les mots : « à l’article 885 W » sont remplacés par les mots : « au 1 du I de l’article 885 W ».

C. L’article 885 U est ainsi rédigé :

« Art. 885 U.– I.– 1. L’impôt est calculé sur l’ensemble de la valeur nette taxable du patrimoine (P) selon le tarif suivant :

Valeur nette taxable du patrimoine

Tarif applicable (%)

Égale ou supérieure à 1 300 000 € et inférieure à 3 000 000 €

Égale ou supérieure à 3 000 000 €

0,25

0,50

« Le montant de l’impôt calculé selon le tarif prévu au I est réduit à 1 500 € pour les redevables dont le patrimoine net taxable est égal à 1 300 000 € et de moitié pour les redevables dont le patrimoine net taxable est égal à 3 000 000 €.

« 2. Pour les redevables dont le patrimoine a une valeur nette taxable (P) mentionnée aux deuxième et troisième lignes de la première colonne du tableau ci-dessous, le montant de l’impôt calculé selon le tarif prévu au tableau du 1 est réduit d’une somme calculée en appliquant, respectivement, les formules mentionnées aux deuxième et troisième lignes de la seconde colonne de ce tableau.

Valeur nette taxable du patrimoine

Réduction du montant de l'imposition

Égale ou supérieure à 1 300 000 € et inférieure à 1 400 000 €

24 500 € – (7 x 0,25 % P)

Égale ou supérieure à 3 000 000 € et inférieure à 3 200 000 €

120 000 € – (7,5 x 0,50 % P)

« II.– Pour l’application du I, chaque année, successivement :

a) Le premier montant d’impôt après réduction mentionné au dernier alinéa du 1, les limites de valeurs nettes taxables du patrimoine figurant au tableau du 1 ainsi que les limites inférieures figurant au tableau du 2 sont actualisées dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu ;

b) Le montant de l’impôt réduit ainsi actualisé est arrondi à l’euro le plus proche. Les limites de valeurs nettes taxables du patrimoine actualisées le sont à la dizaine de milliers d’euros la plus proche ;

c) Les constantes en euro, puis les limites supérieures de valeurs nettes taxables du patrimoine figurant au tableau du 2 sont ajustées de manière à égaliser l’impôt calculé en application des règles fixées au 1 et au 2 pour chacune des limites inférieures et supérieures mentionnées au tableau du 2. »

D. L’article 885 V bis est abrogé.

E. À l’article 885 W :

1° Au I, l’alinéa existant est précédé de la mention : « 1 » et il est ajouté deux alinéas ainsi rédigés :

« 2. Par exception au 1, les redevables dont le patrimoine a une valeur nette taxable inférieure à la valeur mentionnée à la deuxième ligne du tableau du 1 du I de l’article 885 U et qui sont tenus à l’obligation de déposer la déclaration annuelle prévue à l’article 170 mentionnent la valeur nette taxable de leur patrimoine seulement sur cette déclaration.

« La valeur nette taxable du patrimoine des concubins notoires et de celui des enfants mineurs lorsque les concubins ont l’administration légale de leurs biens est portée sur la déclaration de l’un ou l’autre des concubins. »

2° Au II et au III, les mots : « au I » sont remplacés par les mots : « au 1 du F ».

F. À l’article 885 Z, après les mots : « la déclaration d’impôt de solidarité sur la fortune » sont insérés les mots : « mentionnée au 1 du I de l’article 885 W ».

G. À l’article 1723 ter-00 A :

1° Le premier alinéa est précédé de la mention « I » et il est inséré, après cet alinéa, un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, l’impôt de solidarité sur la fortune dû par les redevables mentionnés au 2 du I de l'article 885 W est recouvré en vertu d’un rôle rendu exécutoire selon les modalités prévues à l'article 1658. Cet impôt peut être payé, sur demande du redevable, dans les conditions prévues à l'article 1681 A. Ces dispositions ne sont pas applicables aux impositions résultant de la mise en œuvre d’une rectification ou d’une procédure d’imposition d’office. » ;

2° Le deuxième alinéa, devenu le troisième, est ainsi rédigé :

« II.– Ne sont pas applicables aux redevables mentionnés au I : ».

H. À l’article 1730 :

1° Au 1, les mots : « et des impositions recouvrées comme les impositions précitées » sont remplacés par les mots : « , des impositions recouvrées comme les impositions précitées et de l’impôt de solidarité sur la fortune » ;

2° Au 2, après le b), il est inséré un c) ainsi rédigé :

« c) Aux sommes dues au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune par les redevables mentionnés au 1 du I de l’article 885 W. »

II.– Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :

A. À l’article L. 23 A :

1° Le premier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« En vue du contrôle de l'impôt de solidarité sur la fortune, l'administration peut demander :

« a) Aux redevables mentionnés au 2 du I de l’article 885 W : la composition et l’évaluation détaillée de l’actif et du passif de leur patrimoine ;

b) À tous les redevables : des éclaircissements et, sur les éléments mentionnés au a, des justifications. » ;

2° Au troisième alinéa, devenu le cinquième, les mots : « ou si les justifications prévues à l'article 885 Z du code général des impôts ou demandées en application du premier alinéa sont estimées insuffisantes » sont remplacés par les mots : « aux demandes mentionnées aux a) et b) ou si les éclaircissements ou justifications sont estimés insuffisants ».

B. Le 4° de l’article L. 66 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cette disposition s’applique aux personnes mentionnées au 2 du I de l’article 885 W du code général des impôts qui n’ont pas indiqué la valeur nette taxable de leur patrimoine dans la déclaration prévue à l'article 170 de ce code. »

C. L’article L. 180 est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par les mots : « ou, pour l’impôt de solidarité sur la fortune des redevables ayant respecté l’obligation prévue au 2 du I de l’article 885 W du code général des impôts, jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due » ;

2° Au second alinéa, après le mot : « formalité » sont ajoutés les mots : « ou, pour l’impôt de solidarité sur la fortune des redevables mentionnés au 2 du I de l’article 885 W du code général des impôts, par la réponse du redevable à la demande de l’administration prévue au a de l’article L. 23 A » ;

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune mentionnés au 2 du I de l’article 885 W du code général des impôts, lorsque les obligations déclaratives incombant au redevable en application des articles 1649 A et 1649 AA du même code n’ont pas été respectées par le redevable, le délai prévu au premier alinéa n’est pas non plus opposable à l’administration pour les biens ou droits afférents aux obligations déclaratives qui n’ont pas été respectées. »

D. Au premier alinéa de l’article L. 253, après les mots : « inscrit au rôle des impôts directs » sont insérés les mots : « ou, pour les redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune relevant des dispositions du 2 du I de l'article 885 W du code général des impôts, au rôle de cet impôt. »

III.– Les dispositions des I et II s’appliquent à l’impôt de solidarité sur la fortune dû à compter de l’année 2012, à l’exception de l’option de paiement par prélèvements mensuels prévue au deuxième alinéa du 1 de l’article 1723 ter-00 A du code général des impôts dans sa rédaction issue du G du I, qui s’applique à l’impôt dû à compter de l’année 2013.

IV.– Au titre de l’année 2011 :

1° L’impôt de solidarité sur la fortune est assis et liquidé dans les conditions prévues aux articles 885 A et suivants du code général des impôts et dû par les seules personnes physiques dont la valeur nette taxable du patrimoine est supérieure ou égale à 1 300 000 € ;

2° La déclaration prévue à l’article 885 W du code général des impôts peut être souscrite jusqu’au 30 septembre 2011 ;

3° Les redevables dont le patrimoine a une valeur nette taxable inférieure à 3 000 000 € sont dispensés du respect des obligations déclaratives prévues au VII de l’article 885-0 V bis, au V de l’article 885-0 V bis A et à l’article 885 Z du code général des impôts.

Exposé des motifs du projet de loi :

L’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) singularise la France par rapport à ses partenaires. De plus en plus mal accepté par les redevables, il constitue un handicap de compétitivité préjudiciable au développement de nos entreprises et de l'emploi. Dans sa forme actuelle, il pose notamment trois grandes difficultés.

Tout d’abord, l’augmentation régulière des prix de l’immobilier en France a depuis dix ans entraîné l’augmentation du nombre de redevables de l’ISF, notamment à raison de leur résidence principale. Malgré l’abattement de 30 % appliqué sur la valeur vénale réelle de l’immeuble occupé à titre de résidence principale par son propriétaire, de nombreux propriétaires résidant dans des zones où le marché de l’immobilier est tendu se trouvent assujettis à l’ISF à raison de celui-ci.

Ensuite, ses taux d’imposition, progressifs de 0,55 % à 1,80 %, ont été fixés à une époque où le rendement des actifs était beaucoup plus élevé qu’aujourd’hui. Compte tenu de l’évolution du rendement réel des actifs, ces taux, notamment les taux les plus élevés, sont devenus confiscatoires.

Enfin, les modalités déclaratives sont trop complexes donc mal acceptées par la plupart des redevables.

Pour tenter de résoudre certaines de ces difficultés, des mécanismes de plafonnement ont été adoptés. Le premier, un plafonnement propre à l’ISF, a été mis en place en 1989, au moment où l’ISF était rétabli. Le second, le bouclier fiscal, est de portée plus large. Mis en place en 2005, puis très sensiblement aménagé en 2007, il visait à plafonner le poids des impôts directs et accroître l’attractivité fiscale de la France.

Ces dispositifs ont toutefois montré leurs limites, conduisant le Gouvernement à en proposer la suppression. Cette suppression ne peut toutefois être envisagée sans une réforme profonde de l’ISF.

Le Gouvernement propose donc de reconstruire un ISF plus simple, plus juste et économiquement plus efficace, qui rendrait les mécanismes de plafonnement et de bouclier superflus.

Ainsi, il est proposé de simplifier et de modifier le barème d’imposition en réduisant le nombre et le niveau des taux : les redevables ayant un patrimoine net taxable compris entre 1 300 000 € et 3 000 000 € seraient imposés au taux de 0,25 % sur la totalité de leur patrimoine net taxable, et les redevables ayant un patrimoine net taxable supérieur ou égal à 3 000 000 € seraient imposés au taux de 0,50 % sur la totalité de leur patrimoine net taxable. Les redevables détenant un patrimoine compris entre 800 000 € et 1 300 000 € seraient désormais hors du champ de l’ISF. Cette dernière mesure s'appliquerait dès l'ISF dû au titre de 2011.

Pour éviter les effets de seuils liés à la taxation au premier euro résultant de la réforme du barème, un dispositif de décote serait instauré. Ainsi, un lissage serait opéré pour les patrimoines nets taxables compris entre 1 300 000 € et 1 400 000 €, ainsi que pour les patrimoines nets taxables compris entre 3 000 000 € et 3 200 000 €.

Il est également proposé de simplifier les modalités déclaratives pour les redevables détenant un patrimoine imposable inférieur à 3 000 000 €. Dès 2011, ces derniers seraient dispensés du dépôt des annexes et des justificatifs de réduction d’ISF. À compter de 2012, ils n’auraient plus qu'à porter la valeur de leur patrimoine net taxable sur la déclaration annuelle d’ensemble de leurs revenus (n° 2042).

Observations et décision de la Commission :

Le présent article a pour objet de réformer l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), en instaurant un seuil de taxation plus élevé (à compter de 1,3 million d’euros de patrimoine net taxable), un barème d’imposition plus modéré, compensant la suppression du bouclier fiscal et du mécanisme de plafonnement de l’ISF, ainsi que des formalités déclaratives significativement simplifiées pour les foyers dont le patrimoine est compris entre 1,3 et 3 millions d’euros.

L’impôt de solidarité sur la fortune occupe une place particulière dans le champ de la fiscalité du patrimoine. Impôt relativement récent, qui n’existe, sous sa forme actuelle, que depuis 1989, après avoir connu une première période d’application sous la forme d’un impôt sur les grandes fortunes (IGF) entre 1982 et 1986 (21), cet impôt annuel est assis sur la valeur nette du patrimoine des personnes physiques résidentes en France et sur la valeur du patrimoine localisé en France des résidents étrangers.

Son assiette bénéficie d’un certain nombre de mesures d’exonération partielle (à hauteur de 75 % pour les parts et de groupements forestiers ainsi que pour les biens ruraux donnés en bail à long terme et les parts de groupements fonciers agricoles (22) , à hauteur de 75 % pour les titres de société soumis à un engagement collectif de conservation (23) et pour les titres détenus par les salariés et mandataires sociaux, à hauteur de 30 % pour la résidence principale (24)) ou même d’exonération totale (pour les objets d’antiquité, d’art ou de collection, les biens professionnels, les droits de la propriété industrielle, littéraire ou artistique, la valeur de capitalisation des rentes viagères ou indemnités en réparation de dommages corporels).

L’ISF, qui repose sur une base déclarative, doit être acquitté au 15 juin de chaque année en fonction de la valeur nette du patrimoine au 1er janvier de l’année.

Le barème applicable au calcul de cet impôt, qui n’avait pas été révisé entre 1997 et 2004, l’est depuis lors sur une base annuelle et en appliquant le taux d’évolution de la première tranche d’imposition à l’impôt sur le revenu (25). Ce barème est tel qu’il assure en 2011 une exonération pour les patrimoines d’une valeur nette inférieure ou égale à 800 000 euros.

BARÈME DE L’ISF 2011

Fraction de la valeur nette taxable du patrimoine (en euros)

Taux

N’excédant pas 800 000

0

Supérieure à 800 000 et inférieure ou égale à 1 310 000

0,55 %

Supérieure à 1 310 000 et inférieure ou égale à 2 570 000

0,75 %

Supérieure à 2 570 000 et inférieure ou égale à 4 040 000

1 %

Supérieure à 4 040 000 et inférieure ou égale à 7 710 000

1,3 %

Supérieure à 7 710 000 et inférieure ou égale à 16 790 000

1,65 %

Supérieure à 16 790 000

1,8 %

À l'instar du barème applicable à l’impôt sur le revenu, le barème prévoit des taux marginaux croissants. En 1989, l’ISF comportait seulement cinq tranches. La sixième tranche a été introduite dès la loi de finances pour 1990, pour les patrimoines supérieurs à 40 millions de francs. La loi de finances rectificative pour 1995 a prévu une majoration forfaitaire temporaire de 10 % du montant des cotisations d’ISF dues. La loi de finances pour 1999 a intégré cette majoration forfaitaire dans le barème, en procédant à une augmentation de 10 % des taux du barème (de 0,5 % à 0,55 % ; de 0,7 % à 0,75 % ; de 0,9 % à 1 % ; de 1,2 % à 1,3 % ; de 1,5 % à 1,65 %). La loi de finances pour 1999 a également créé une nouvelle dernière tranche, au taux de 1,8 %, pour les patrimoines alors supérieurs à 100 millions de francs.

Le barème de l’ISF lui confère une progressivité prononcée, qui lui assure une capacité redistributive significative (26). L’essentiel de son produit provient de la taxation des redevables les plus fortunés : 10 % des foyers assujettis à cet impôt acquittent 75 % de son produit.

Une fois l’impôt brut calculé par l’application du barème au patrimoine net taxable, les contribuables assujettis peuvent bénéficier de dispositifs de réduction d’impôt ainsi que d’un mécanisme de plafonnement du montant de l’impôt dû.

Le montant de l’impôt à acquitter fait l’objet de réductions :

– à hauteur de 150 euros par personne à charge ;

– à hauteur de 50 % des versements au capital de PME éligibles (dans la limite annuelle de 45 000 euros) ;

– à hauteur de 50 % des versements pour souscrire des parts de certains fonds d’investissement dédiés à l’investissement dans les PME (dans la limite annuelle de 18 000 euros, au sein du plafond global de 45 000 euros cumulant ces versements et les versements directs au capital de PME) ;

– à hauteur de 75 % des dons consentis à certains organismes d’intérêt général (dans la limite annuelle de 50 000 euros, ou de 45 000 euros si cette réduction et la réduction pour investissement dans les PME sont cumulées).

Dès l’origine, le plafonnement de l’ISF a été introduit par le législateur, pour apporter une réponse à un barème inadapté. Ce dispositif a connu des évolutions successives, et le bouclier fiscal en est un héritage.

Le mécanisme de plafonnement, prévu à l’article 885 V du code général des impôts, permet, lorsque le montant cumulé de l’ISF et de l’impôt sur le revenu ainsi que des prélèvements sociaux sur les revenus d’activité et de remplacement, du patrimoine et de placement acquittés en France et à l’étranger dépasse 85 % de l’ensemble des revenus, de limiter le montant d’ISF à acquitter en en déduisant le montant de l’excédent d’imposition ainsi constaté.

Le législateur avait d’abord fixé la proportion de l’ensemble des revenus servant de référence pour le calcul du plafonnement à 70 %, puis la loi de finances pour 1991 l’avait portée à 85 %.

Le législateur a par la suite souhaité modifier ce mécanisme de plafonnement, qui était détourné de son objet par certains contribuables susceptibles de faire baisser artificiellement leurs revenus, pour maximiser ainsi le montant de l’imposition plafonné. Aussi, la loi de finances pour 1996 a introduit un plafonnement du plafonnement, pour les assujettis dont le patrimoine dépasse la limite supérieure de la troisième tranche du barème d’imposition à l’ISF (aujourd’hui 2 570 000 euros). En vertu de ce mécanisme, la réduction pouvant être opérée sur la cotisation d’ISF ne peut être supérieure, soit à 50 % du montant de la cotisation d’ISF brute à acquitter, soit au montant de l’impôt correspondant à un patrimoine taxable égal à la limite supérieure de la troisième tranche du barème (soit 12 255 euros pour le barème 2011) si ce montant est supérieur à 50 % de la cotisation d’ISF brute.

Enfin, l’assiette des impositions à prendre en compte au titre du plafonnement a été élargie en y incluant les prélèvements sociaux sur les revenus d’activité et de remplacement, du patrimoine et de placement. Cet élargissement de l’assiette a été effectif à partir de la fin des années 1990, d’abord par un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 15 novembre 1996 (27) qui admettait cette inclusion, ensuite par une instruction fiscale du 10 mai 1999 admettant cette prise en compte (28).

Avec l’introduction du bouclier fiscal, à compter de 2006, un nouveau plafonnement global des impôts directs en proportion des revenus a été créé, d’abord fixé à 60 %, puis abaissé à 50 % par la loi relative au travail, à l’emploi et au pouvoir d’achat (29). L’impôt sur le revenu ne pouvant pas dépasser 50 % des revenus acquittés, en vertu du barème applicable, ce dispositif du bouclier fiscal a de facto eu pour effet d’instituer un plafonnement des autres impôts inclus dans le calcul des impôts acquittés, c’est-à-dire l’impôt sur la fortune, l’impôt foncier et, après qu’ils ont été ajoutés à la base de calcul du bouclier fiscal, les prélèvements sociaux - dans la droite ligne de ce qui avait été fait au titre du plafonnement par la précédente majorité.

L’analyse des premières années d’application du bouclier fiscal a clairement fait apparaître deux types de bénéficiaires : les personnes ayant un très faible revenu fiscal de référence et non assujetties à l’ISF, qui acquittent une taxe foncière élevée en proportion de leurs revenus (pour le bouclier fiscal 2009, 9 789 contribuables ayant un patrimoine inférieur à 770 000 euros et un revenu fiscal de référence inférieur à 3 428 euros ont ainsi bénéficié d’une restitution moyenne de l’ordre de 559 euros) ; les personnes assujetties à l’ISF et ayant un revenu fiscal de référence certes significatif, mais faible au regard de l’importance de leur patrimoine, qui bénéficient d’une restitution moyenne élevée au titre du bouclier, correspondant en pratique à une réduction significative du montant de l’ISF acquitté (pour le bouclier fiscal 2009, 5 188 contribuables ayant un patrimoine supérieur à 3,85 millions d’euros et un revenu fiscal de référence supérieur à 43 761 euros ont ainsi bénéficié d’une restitution moyenne de 117 757 euros).

LA RÉPARTITION DES BÉNÉFICIAIRES DU BOUCLIER FISCAL

 

2008

2009

2010

Nombre de bénéficiaires

15 446

18 764

14 443

Bénéficiaires au patrimoine inférieur au seuil d’assujettissement à l’ISF

8 702

10 090

3 672

Bénéficiaires assujettis à l’ISF

6 744

8 674

10 771

Parmi les assujettis à l’ISF, part des assujettis à la 1ère tranche

3,81 %

5,81 %

17,58 %

Parmi les assujettis à l’ISF, part des assujettis à la 2ème tranche

10,16 %

12,45 %

18,75 %

Parmi les assujettis à l’ISF, part des assujettis à la 3ème tranche

12,35 %

12,79 %

12,97 %

Parmi les assujettis à l’ISF, part des assujettis à la 4ème tranche

31,69 %

28,46 %

23,03 %

Parmi les assujettis à l’ISF, part des assujettis à la 5ème tranche

26,6 %

26 %

18,25 %

Parmi les assujettis à l’ISF, part des assujettis à la 6ème tranche

15,39 %

14,49 %

9,42 %

N.B. Pour le bouclier fiscal 2010, les données sont encore provisoires, en raison des demandes de restitution effectuées en fin d’année qui sont traitées au cours des premiers mois de l’année suivante.

Comme le résume le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires de mai 2011, « les taux marginaux de l’ISF sont donc facialement élevés alors que les taux effectifs sont substantiellement moins élevés », du fait de l’application de ces différents mécanismes de réduction ainsi que de plafonnement.

1.– Un ISF plus juste et plus équilibré

La réforme proposée par le présent article n’a pas pour objet de modifier l’assiette de l’ISF. En revanche, elle révise le barème de cet impôt, pour atténuer le caractère confiscatoire des taux marginaux supérieurs et pour placer le seuil d’exonération à un niveau plus conforme à l’évolution des patrimoines.

a) La révision du barème

Le nouveau barème proposé par la nouvelle rédaction du 1. du I l’article 885 U du code général des impôts, introduite par le C du I du présent article, est un barème simple.

L’ensemble des contribuables dont le patrimoine net au 1er janvier a une valeur inférieure à 1,3 million d’euros sont exonérés d’ISF. Ce sont ainsi plus de 300 000 personnes aujourd’hui assujetties à l’ISF, et qui ne participaient pour autant que faiblement au rendement de cet impôt, avec moins de 10 % de ses recettes, qui n’en seront plus redevables. Les contribuables de la première tranche d’imposition avaient toujours représenté numériquement une part importante des assujettis, mais l’évolution récente du marché immobilier avait eu pour effet de faire entrer dans cette tranche d’imposition un grand nombre de contribuables, certes aisés mais dont il serait difficile de démontrer qu’ils possèdent une fortune. Entre 2000 et 2010, le nombre des assujettis de la première tranche est ainsi passé de 113 209 à 310 707.

L’EFFET DE LA HAUSSE DE L’IMMOBILIER SUR L’ASSUJETTISSEMENT À L’ISF

Soit un couple ayant acquis l’appartement qui constitue sa résidence principale à Paris fin 1997, pour un montant de 2,5 millions de francs (381 123 euros). À l’époque, le seuil d’assujettissement à l’ISF se situait à 4,7 millions de francs.

Ce couple achève le remboursement de son emprunt pour cette résidence en 2010. Il ne possède aucun autre actif taxable à l’ISF.

Entre le quatrième trimestre 1997 et le quatrième trimestre 2010, l’indice des notaires pour les logements anciens à Paris est passé de 76,4 à 246,1. Au 1er janvier 2011, la valeur de l’appartement acquis fin 1997 s’élève par conséquent à 1,227 million d’euros. L’application de l’abattement de 30 % sur la valeur de cet appartement réduit sa valeur au titre de l’ISF 2011 à 859 371 euros. Ce couple doit donc acquitter l’ISF au titre de 2011 en raison de la seule détention de cette résidence principale.

Il est donc justifié de remonter le seuil d’exonération de 800 000 euros à 1,3 million d’euros. En moyenne, le patrimoine net taxable des assujettis à la première tranche d’imposition du barème de l’ISF est de 1,025 million d’euros en 2010. La part de la résidence principale dans l’actif net taxable s’élève à 24,89 %, soit une valeur moyenne après application de l’abattement de 30 % de 255 000 euros. Une exonération complète de cette résidence principale aurait pour effet, dans un raisonnement en moyenne, de porter le patrimoine net taxable à l’ISF à 770 000 euros, soit en deçà du seuil inférieur d’imposition à l’ISF en 2010, qui s’élève à 790 000 euros.

LA VALEUR MOYENNE ET LA PART DE LA RÉSIDENCE PRINCIPALE DANS LES ACTIFS ASSUJETTIS À L’ISF

(en euros)

Tranche de patrimoine imposable

Valeur moyenne de la résidence principale (reconstituée avant abattement)

Part dans les actifs nets assujettis à l’ISF

Supérieure à 790 000 et inférieure ou égale à 1 290 000

364 445

24,89 %

Supérieure à 1 310 000 et inférieure ou égale à 2 570 000

417 642

17,09 %

Supérieure à 2 570 000 et inférieure ou égale à 4 040 000

544 684

12,36 %

Supérieure à 4 040 000 et inférieure ou égale à 7 710 000

696 238

9,38 %

Supérieure à 7 710 000 et inférieure ou égale à 16 790 000

949 069

6,35 %

Supérieure à 16 790 000

1 437 908

2,67 %

Données ISF 2010

Cette remontée du seuil est ainsi une solution plus juste que celle qui aurait consisté à transformer l’abattement actuel de 30 % sur la valeur de la résidence principale en une exonération totale de cette résidence de l’assiette de l’ISF – solution qui aurait avantagé les patrimoines importants pour lesquels la valeur de la résidence principale est très élevée, même si elle ne représente qu’une faible part de l’ensemble des actifs assujettis à l’ISF, et qui aurait également avantagé les foyers ayant leur résidence principale dans les espaces géographiques à l’immobilier fortement valorisé.

Les contribuables, à compter de l’ISF 2012, acquitteront un impôt à un taux unique applicable à l’ensemble de la valeur de leur patrimoine. Ce taux sera de 0,25 % pour les patrimoines d’une valeur égale ou supérieure à 1,3 million d’euros et inférieure à 3 millions d’euros, et de 0,5 % pour les patrimoines d’une valeur égale ou supérieure à 3 millions d’euros.

L’intérêt de ce nouveau barème, outre le rehaussement du seuil d’entrée, est de supprimer l’existence de taux d’imposition confiscatoires au regard du rendement réel des actifs. En effet, dans une période d’inflation faible, et avec des taux de rendement des placements financiers souvent inférieurs à 4 %, le taux marginal supérieur de l’ISF, fixé à 1,8 % dans un contexte tout autre, devenait excessif.

Le corollaire de ce barème révisé est la suppression des deux mécanismes qui avaient été conçus pour atténuer le caractère confiscatoire de cet impôt :

– le plafonnement, qui figurait à l’article 885 V bis du code général des impôts et qui est abrogé par le D du I du présent article ;

– le bouclier fiscal, dont la suppression est prévue par l’article 13 du présent projet de loi de finances rectificative.

On peut à ce propos souligner que le plafonnement de l’ISF avait été un mécanisme mis en place par le législateur dès l’instauration de cet impôt, et valait ainsi dès l’origine reconnaissance implicite du caractère excessif des taux marginaux d’imposition (alors même que le taux de la tranche supérieure d’imposition ne s’élevait qu’à 1,5 %).

LE PLAFONNEMENT DE L’ISF ET LE BOUCLIER FISCAL

Dispositif

2009

2010

Nombre de contribuables plafonnés

5 644

6 526

Coût du plafonnement en millions d’euros

367,73

473,37

Nombre de contribuables bénéficiant du bouclier

8 674

10 771

Coût du bouclier des contribuables assujettis à l’ISF en millions d’euros

671,55

651

N.B. Pour le bouclier fiscal 2010, les données sont encore provisoires, en raison des demandes de restitution effectuées en fin d’année qui sont traitées au cours des premiers mois de l’année suivante.

Ainsi, la suppression de ces deux dispositifs permet de prévoir un taux moyen d’imposition significativement réduit, dans la mesure où le taux net d’ISF sera beaucoup plus proche du taux brut (les seules diminutions provenant des dispositifs de réduction d’impôt).

Malgré la réduction très sensible du taux d’imposition des biens entrant dans l’assiette de l’ISF, est-il possible de supprimer tout mécanisme d’écrêtement ou de plafonnement de l’impôt à acquitter au regard des revenus du contribuable ?

Le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de rappeler récemment « qu’en instituant [l’impôt de solidarité sur la fortune], le législateur a entendu frapper la capacité contributive que confère la détention d’un ensemble de biens et de droits ; que la prise en compte de cette capacité contributive n’implique pas que seuls les biens productifs de revenus entrent dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune » (30). La question de l’éventuel caractère confiscatoire de l’ISF est à examiner au regard des caractéristiques de cette imposition, qui n’est pas une imposition assise sur le revenu des contribuables : la charge que fait peser cette imposition sur les assujettis est à apprécier en fonction de leur patrimoine. Dès lors, l’éventuel maintien d’un mécanisme de plafonnement de l’ISF ne semble pas être une nécessité, au regard des caractéristiques de cet impôt après la révision de ses taux et le maintien des exonérations et abattements applicables à son assiette. Dans l’hypothèse où l’on souhaiterait éviter à des contribuables qui auraient hérité d’un patrimoine peu liquide et peu producteur de revenus d’avoir un niveau d’imposition pouvant les conduire à aliéner une partie de leurs actifs ou à s’endetter, il conviendrait de prendre en considération le fait que les éléments du patrimoine non productifs de revenus (résidence principale, œuvres d’art) ou peu productifs de revenus (terres agricoles) bénéficient de dispositifs d’exonération ou d’abattement.

La recette nette espérée de l’application du nouveau barème en 2012, à des actifs net taxés pour lesquels a été retenue une hypothèse de progression moyenne de l’ordre de 5 % en 2010 et de 10 % en 2011, devrait être de l’ordre de 2,28 milliards d’euros (après imputation des réductions d’impôt liées aux dons et aux investissements dans les PME, lesquelles sont chiffrées à 511 millions d’euros). L’ISF non réformé aurait pour sa part produit en 2012 des recettes nettes de l’ordre de 4,14 milliards d’euros.

Le coût d’une telle réforme du barème de l’ISF est en partie compensé par la suppression du plafonnement de l’ISF – dont le coût, imputé sur les recettes brutes de l’ISF, atteint 470 millions d’euros – et du bouclier fiscal – dont le coût annuel est de l’ordre de 720 millions d’euros. Par conséquent, la réforme se traduit dans les faits par une perte de recettes devant être compensée qui n’est, en régime de croisière, que de l’ordre de 1,14 milliard d’euros. Les recettes doivent provenir des mesures portant sur les droits de mutation à titre gratuit (de l’ordre de 915 millions d’euros à compter de 2012), ainsi que de la création d’une taxe sur les résidences secondaires des non-résidents (de l’ordre de 176 millions d’euros à compter de 2012) et d’une taxe sur les plus-values de valeurs mobilières des personnes s’expatriant (de l’ordre de 87 millions en 2012 puis 189 millions à compter de 2013).

La réforme devrait donc être surfinancée en régime de croisière. Néanmoins, il convient de relever que la chronique budgétaire de la suppression du bouclier fiscal sera décalée par rapport à celle relative à l’ISF réformé : les effets budgétaires de la disparition du bouclier fiscal ne seront que progressifs, 2012 étant encore une année au cours de laquelle le droit à restitution s’appliquera (mais s’imputera uniquement par la voie de l’autoliquidation sur l’ISF pour les redevables de cet impôt) et au cours de laquelle une fraction du coût du bouclier fiscal 2011 sera remboursée (31), et 2013 étant une année au cours de laquelle les reliquats des droits à restitution au titre du bouclier fiscal 2012 seront autoliquidés sur l’ISF. Le surfinancement à compter de 2014 viendra donc compenser un sous-financement en 2012 et 2013.

Il convient également d’ajouter que l’exonération des redevables assujettis à la première tranche du barème de l’ISF dès 2011 aura un coût, de l’ordre de 400 millions d’euros, lequel devrait être compensé, d’une part, par le rendement des mesures relatives aux droits de mutation à titre gratuit dès l’entrée en vigueur du présent projet de loi, et d’autre part, par les recettes exceptionnelles de la cellule de régularisation.

Au niveau microéconomique, il est important de voir que si l’ISF moyen des assujettis de chacune des tranches d’imposition du barème actuel sera réduit, cette moyenne est à relativiser, car elle correspond à deux types de situation très différentes, selon que les assujettis font jouer ou non le dispositif du bouclier fiscal.

Pour les contribuables assujettis à l’ISF et bénéficiant d’une restitution ou d’une autoliquidation au titre du bouclier fiscal, la facture nette d’ISF (après déduction de la restitution ou prise en compte de l’autoliquidation) sera sensiblement accrue par la réforme.

En revanche, les contribuables assujettis à l’ISF qui ne bénéficiaient pas du bouclier fiscal devraient a priori voir leur taxation réduite.

LES EFFETS CONTRASTÉS DE LA RÉFORME DU BARÈME SUR L’ISF À ACQUITTER

(Données ISF 2008 et bouclier fiscal 2009)

Tranche de patrimoine imposable
(en milliers d’euros)

Nombre de redevables

ISF moyen par foyer avant la réforme
(en euros)

ISF moyen par foyer après la réforme
(en euros)

770 à 1 240

280 723

1 097

0

dont non bénéficiaires du bouclier

280 219

1 097

dont bénéficiaires du bouclier

504

1 202

   

0 (après bouclier)

1 240 à 2 450

215 793

4 791

3 880

dont non bénéficiaires du bouclier

214 713

4 785

dont bénéficiaires du bouclier

1 080

5 845

   

0 (après bouclier)

2 450 à 3 850

42 537

13 259

9 806

dont non bénéficiaires du bouclier

41 428

13 171

dont bénéficiaires du bouclier

1 109

16 538

   

4 917 (après bouclier)

3 850 à 7 360

19 417

29 613

20 797

dont non bénéficiaires du bouclier

16 948

27 949

dont bénéficiaires du bouclier

2 469

41 032

   

17 733 (après bouclier)

7 360 à 16 020

5 576

90 925

50 041

dont non bénéficiaires du bouclier

3 321

84 184

dont bénéficiaires du bouclier

2 255

100 853

   

33 682 (après bouclier)

16 020 et plus

1 920

428 125

211 323

dont non bénéficiaires du bouclier

663

399 485

dont bénéficiaires du bouclier

1 257

443 231

   

91 760 (après bouclier)

(Données ISF 2009 et bouclier fiscal 2010)

Tranche de patrimoine imposable
(en milliers d’euros)

Nombre de redevables

ISF moyen par foyer avant la réforme
(en euros)

ISF moyen par foyer après la réforme
(en euros)

790 à 1 280

303 547

1 057

0

dont non bénéficiaires du bouclier

301 654

1 056

dont bénéficiaires du bouclier

1 893

1 091

   

0 (après bouclier)

1 280 à 2 520

196 198

4 660

3 880

dont non bénéficiaires du bouclier

194 179

4 651

dont bénéficiaires du bouclier

2 019

5 572

   

1 852 (après bouclier)

2 520 à 3 960

37 106

12 525

9 806

dont non bénéficiaires du bouclier

35 709

12 376

dont bénéficiaires du bouclier

1 397

16 337

   

7 537 (après bouclier)

3 960 à 7 570

16 526

28 112

20 797

dont non bénéficiaires du bouclier

14 045

25 754

dont bénéficiaires du bouclier

2 481

41 460

   

18 090 (après bouclier)

7 570 à 16 480

4 743

92 265

50 041

dont non bénéficiaires du bouclier

2 777

86 375

dont bénéficiaires du bouclier

1 966

100 584

   

31 678 (après bouclier)

16 480 et plus

1 607

413 316

211 323

dont non bénéficiaires du bouclier

592

386 327

dont bénéficiaires du bouclier

1 015

429 057

   

64 164 (après bouclier)

N.B. L’ISF moyen par foyer après la réforme est calculé en appliquant le nouveau barème aux actifs actualisés à leur valeur 2012.

Pour les contribuables dont le patrimoine est supérieur au seuil de l’avant-dernière tranche du barème de l’ISF, la proportion de ceux qui font jouer le mécanisme du bouclier est très significative (près de la moitié de l’ensemble des assujettis). Ainsi, l’ISF moyen acquitté par foyer augmentera pour les bénéficiaires du bouclier fiscal situés dans ces deux dernières tranches de patrimoine : calculé sur la base des données relatives à l’ISF 2009 et au bouclier fiscal 2010, leur ISF moyen passera de 31 678 à 50 041 euros pour l’avant-dernière tranche, et de 64 164 à 211 323 euros pour la dernière tranche. Par conséquent, pour ces contribuables, la réforme se traduira bien par un surcroît d’imposition par rapport au système actuel.

Cela est encore plus vrai si l’on analyse en détail la dernière tranche de patrimoine, au sein de laquelle la réduction d’ISF par application du droit à restitution au titre du bouclier fiscal est croissante.

L’OPTIMISATION DU BOUCLIER FISCAL POUR LES ASSUJETTIS À L’ISF DONT LE PATRIMOINE EST SUPÉRIEUR À 16,02 MILLIONS D’EUROS

(en milliers d’euros)

 

Non bénéficiaires du bouclier fiscal

Bénéficiaires du bouclier fiscal

Décile de patrimoine

Nombre de redevables

ISF 2008 moyen

Nombre de redevables

ISF 2008 moyen

Montant moyen du droit à restitution

ISF moyen après bouclier fiscal

Inférieur à 17,08 millions d’euros

79

188

113

169

118

51

Inférieur à 18,23 millions d’euros

67

190

125

182

123

59

Inférieur à 19,76 millions d’euros

85

215

106

192

196

- 4

Inférieur à 21,73 millions d’euros

72

241

120

212

140

72

Inférieur à 24,15 millions d’euros

73

268

118

237

172

65

Inférieur à 26,99 millions d’euros

70

313

122

256

197

59

Inférieur à 31,72 millions d’euros

64

364

128

321

239

82

Inférieur à 39,56 millions d’euros

67

467

124

370

280

90

Inférieur à 65,09 millions d’euros

61

682

131

552

419

133

Supérieur à 65,09 millions d’euros

48

1 528

143

1 676

1 401

275

Source : ministère du Budget

LES COMPORTEMENTS D’OPTIMISATION DU PLAFONNEMENT
DE L’ISF ET DU BOUCLIER FISCAL

Exemple d’un patrimoine de 18 millions d’euros d’actif net imposable à l’ISF :

Soit un célibataire disposant d’un actif net imposable à l’ISF de 18 millions d’euros, dont les revenus annuels s’élèvent à 900 000 euros (300 000 euros au titre du salaire, 500 000 euros au titre des revenus de capitaux mobiliers et 100 000 euros au titre des plus-values mobilières).

Son impôt sur le revenu s’élève à 211 838 euros (dont 103 838 euros au titre des revenus soumis au barème, les revenus mobiliers étant soumis au prélèvement forfaitaire libératoire), ses prélèvements sociaux sur les revenus de placement et du patrimoine à 72 800 euros. Sa taxe foncière et sa taxe d’habitation afférentes à sa résidence principale s’élèvent respectivement à 4 000 euros et à 3 000 euros. Son ISF s’élève à 246 265 euros. Il ne peut prétendre au bénéfice du plafonnement de l’ISF.

Au titre du bouclier fiscal, ce contribuable, qui acquitte 537 903 euros d’impôts directs (dont il convient de déduire 2 150 euros au titre de l’IR et 100 euros au titre des prélèvements sociaux non pris en compte au numérateur du bouclier fiscal) bénéficie d’un droit à restitution à hauteur de 92 731 euros. Ainsi, après application du bouclier fiscal, l’ISF qu’il acquitte s’élève à 153 534 euros.

Soit la même personne, dont les placements financiers sont effectués de telle sorte qu’ils effacent les produits des capitaux mobiliers pris en compte au dénominateur du bouclier et du plafonnement de l’ISF et rendent plus efficace ces mécanismes.

Ses revenus annuels pris en compte au titre du dénominateur, tant pour le plafonnement que pour le bouclier fiscal, s’élèvent à 385 843 euros (revenus salariaux après déduction des frais professionnels et plus-values mobilières). Son impôt sur le revenu s’élève à 121 838 euros et ses prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine à 12 300 euros. Sa taxe foncière et sa taxe d’habitation afférentes à sa résidence principale demeurent inchangées. Son ISF devrait, par l’application du barème, s’élever à 246 265 euros. Par l’effet du plafonnement, il est toutefois limité à 193 828 euros.

Par l’application du bouclier fiscal, ce contribuable, qui acquitte 327 967 euros d’impôts directs (dont il convient de déduire 2 150 euros au titre de l’IR et 100 euros au titre des prélèvements sociaux non pris en compte au numérateur du bouclier fiscal), bénéficie d’un droit à restitution à hauteur de 132 795 euros. Ainsi, après imputation de ce droit à restitution sur l’ISF à acquitter, ce contribuable n’acquitte un ISF qu’à hauteur de 61 033 euros.

Demain, avec l’application du nouveau barème, l’ISF à acquitter s’élèvera à 90 000 euros pour l’un comme pour l’autre contribuable. Il y aura un gain net pour le contribuable qui acquittait un ISF de 153 534 euros, et une perte nette pour le contribuable qui optimisait le bouclier fiscal et n’acquittait que 61 033 euros d’ISF.

Exemple d’un patrimoine de 4 millions d’euros d’actif net imposable à l’ISF :

Soit un célibataire dont les revenus annuels s’élèvent à 220 000 euros (120 000 euros de salaire, 20 000 euros de revenus fonciers et 80 000 euros de revenus de capitaux mobiliers).

Son impôt sur le revenu s’élève à 53 522 euros (dont 39 122 euros au titre des revenus soumis au barème), ses prélèvements sociaux sur les revenus de placement et du patrimoine à 12 140 euros et son ISF à 26 555 euros. Sa taxe foncière et sa taxe d’habitation afférentes à sa résidence principale s’élèvent respectivement à 2 500 euros et à 2 000 euros.

Ce contribuable, qui acquitte 96 717 euros d’impôts directs ne peut pas bénéficier d’un droit à restitution au titre du bouclier fiscal, dans la mesure où ses revenus pris en compte au dénominateur s’élèvent à 208 000 euros (après déduction des frais professionnels).

Soit la même personne, dont les placements financiers sont effectués en assurance-vie, en SICAV de capitalisation, en obligations zéro coupon. Par le biais de ces placements, il efface les produits de ses capitaux financiers soumis à la fiscalité des revenus de capitaux mobiliers et il active le mécanisme du bouclier fiscal.

Ses revenus annuels pris en compte au dénominateur du bouclier s’élèvent à 128 000 euros. Son impôt sur le revenu s’élève à 39 122 euros, ses prélèvements sociaux sur les revenus fonciers à 2 460 euros. Son ISF et ses impôts locaux demeurent inchangés.

Par l’application du bouclier fiscal, ce contribuable, qui acquitte 72 637 euros d’impôts directs (dont il convient de déduire 572 euros au titre de la majoration d’IR et 40 euros au titre de la majoration des prélèvements sociaux non prises en compte pour le calcul du bouclier), bénéficie d’un droit à restitution à hauteur 8 025 euros. Ainsi, le montant de l’ISF à acquitter après imputation du droit à restitution n’est plus que de 18 530 euros pour ce contribuable.

Après la réforme proposée par le présent article, l’ISF à acquitter par l’un comme par l’autre contribuable s’élèvera à 20 000 euros. Il y aura un gain net pour le contribuable qui acquittait un ISF de 26 555 euros, et une perte nette pour le contribuable qui optimisait le bouclier fiscal et n’acquittait que 18 530 euros d’ISF.

La réforme permet donc de mettre un terme aux stratégies d’optimisation mises en œuvre par certains, afin de minorer le montant des revenus perçus et de pouvoir ainsi maximiser le montant de leur droit à restitution au titre du bouclier fiscal. Dans le même temps, elle incite les agents à valoriser leur patrimoine, afin qu’il soit productif de revenus, l’absence ou la faiblesse des revenus dégagés par le patrimoine ne se traduisant plus par un ISF à acquitter diminué, que ce soit par le biais du mécanisme du plafonnement ou par celui du bouclier fiscal.

b) Le lissage de l’impôt dû pour éviter les effets de seuil

Le nouveau barème appliqué sans modulation pourrait conduire certains assujettis à l’ISF à acquitter un montant d’impôt supérieur à celui qu’ils doivent acquitter en 2011 en vertu du barème actuel : ceux dont le patrimoine est compris entre 1,3 et 1,404 million d’euros.

De même, en raison de l’application d’un taux moyen d’imposition doublant à compter de 3 millions d’euros de patrimoine, le ressaut fiscal lié au franchissement de ce seuil serait considérable.

Afin d’éviter ces deux effets pervers, la rédaction du 2. du I de l’article 885 U instaure un mécanisme de lissage du montant de l’impôt à acquitter, d’une part pour les patrimoines compris entre 1,3 et 1,4 million d’euros, d’autre part pour les patrimoines compris entre 3 et 3,2 millions d’euros.

La formule de lissage retenue pour l’entrée dans la première tranche du barème porte sur la réduction à appliquer au montant brut d’impôt à acquitter en appliquant le taux proportionnel de 0,25 % dès le premier euro de patrimoine. La réduction est égale à 24 500 euros moins 7 fois le montant brut d’impôt à acquitter. Cette formule garantit ainsi une neutralisation du lissage à 1,4 million d’euros de patrimoine, car le montant brut d’ISF s’élève alors à 3 500 euros
(3 500 x 7 = 24 500).

Cette formule a pour effet de réduire l’ISF à acquitter dans des proportions décroissantes entre 1,3 et 1,4 million d’euros. L’impôt à acquitter serait ainsi inférieur de près de 1 250 euros à l’ISF actuel pour un patrimoine de 1,3 million d’euros. La différence serait encore de l’ordre de 605 euros pour un patrimoine de 1,35 million d’euros.

Le seul défaut, mineur, de ce lissage, est de maintenir une légère frange de contribuables, entre 1 398 500 euros et 1 404 000 euros de patrimoine, dont l’ISF selon le nouveau barème sera supérieur à l’ISF actuel (dans des proportions très réduites, par exemple avec un nouvel ISF à 3 500 euros contre 3 480 euros pour l’ISF actuel pour 1,4 million de patrimoine).

La formule de lissage retenue pour l’entrée dans la deuxième tranche du barème porte sur la réduction à appliquer au montant brut d’impôt à acquitter en appliquant le taux proportionnel de 0,50 % dès le premier euro de patrimoine. La réduction est égale à 120 000 euros moins 7,5 fois le montant brut d’impôt à acquitter. Cette formule permet de diviser par deux le montant d’impôt à acquitter pour un patrimoine de 3 millions d’euros (l’impôt brut s’élevant à 15 000 euros, 15 000 x 7,5 = 112 500, ce qui permet ainsi d’obtenir une réduction de 7 500 euros). Cette formule conduit à une neutralisation du lissage à 3,2 millions d’euros de patrimoine, car le montant brut d’ISF s’élève alors à 16 000 euros (16 000 x 7,5 = 120 000).

La formule retenue pour l’entrée dans la deuxième tranche du barème, de même que la première formule, garantit ainsi une progression arithmétique du lissage. Le franchissement du seuil de 3 millions d’euros ne se caractériserait plus par un ressaut, puisque l’impôt à acquitter pour un patrimoine de 3 millions d’euros ne serait supérieur que de 25 euros à celui à acquitter pour un patrimoine de 2,99 millions d’euros. La différence entre le nouvel ISF à acquitter après lissage et l’ISF actuel demeurerait ainsi significative, de l’ordre de 9 055 euros à 3 millions d’euros de patrimoine, de 5 805 euros à 3,1 millions d’euros de patrimoine et de 2 880 euros à 3,2 millions d’euros de patrimoine.

D’après les chiffrages communiqués par le Gouvernement, le coût de ce lissage devrait être de l’ordre de 40 millions d’euros.

c) Le maintien de la règle de l’actualisation annuelle

Le II de l’article 885 U dans sa nouvelle rédaction prévoit une actualisation annuelle du barème, dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu. Depuis 2004, le barème est actualisé chaque année selon cette règle.

Afin de prendre en compte l’existence de formules de lissage, l’actualisation fera l’objet d’un calcul en trois temps :

– les seuils d’imposition inférieurs (soit 1,3 et 3 millions d’euros) seront actualisés, en arrondissant à la dizaine de milliers d’euros la plus proche, et le montant de l’impôt à acquitter pour les redevables se situant au seuil inférieur de la première tranche d’imposition (soit 1 500 euros) sera actualisé, en arrondissant à l’euro le plus proche ;

– une fois ces seuils et ce montant actualisé, les constantes en euro utilisées pour le calcul de la réduction d’ISF (respectivement 24 500 et 120 000 euros) seront ajustées (32) ;

– enfin, les limites correspondant aux seuils supérieurs d’application des formules de lissage (soit 1,4 et 3,2 millions d’euros) seront ajustées en fonction de l’application de la formule de lissage avec les constantes en euro révisées (un lissage nul correspondant à cette limite supérieure), et cela sans que soit alors pratiqué un arrondissement à la dizaine de milliers d’euros la plus proche (33).

Ainsi, ces règles d’actualisation devraient garantir une amplitude de la fourchette de patrimoine conduisant à l’application de la formule de lissage qui ne variera qu’à la marge, en fonction des arrondis appliqués.

Le Rapporteur général attire votre attention sur le fait que la rédaction retenue laissera ouverte la possibilité d’appliquer une première actualisation dès 2012, en fonction de l’actualisation qui sera décidée en loi de finances pour 2012 pour la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu. Par conséquent, le seuil d’entrée dans l’ISF en 2012 ne sera sans doute pas à 1,3 million d’euros, mais sans doute plus vraisemblablement aux alentours de 1,32 ou 1,33 million d’euros.

2.– La simplification des modalités de déclaration et d’acquittement de l’impôt

Dans un souci de simplification, il est proposé, pour les foyers dont le patrimoine est inférieur à 3 millions d’euros, une intégration de la déclaration d’ISF dans la déclaration annuelle des revenus. Cette intégration s’accompagne d’une transformation partielle de l’ISF en un impôt recouvrable par voie de rôle, d’une majoration des pénalités pour retard de paiement de l’ISF ainsi que d’une adaptation des modalités de contrôle des redevables.

a) L’intégration dans la déclaration d’impôt sur le revenu pour les patrimoines inférieurs à 3 millions d’euros

Le E du I du présent article prévoit de modifier l’article 885 W du code général des impôts, afin de distinguer les redevables devant déposer une déclaration de leur fortune au service des impôts de leur domicile, accompagnée du paiement de l’impôt (1. du I de l’article 885 W) (soit les redevables dont le patrimoine est égal ou supérieur à 3 millions d’euros et ceux n’effectuant aucune déclaration d’impôt sur le revenu), des redevables dont le patrimoine a une valeur nette correspondant à la première tranche du barème, qui devront mentionner la valeur nette taxable de leur patrimoine sur leur déclaration d’impôt sur le revenu (2. du I de l’article 885 W). Ces derniers ne seront pas tenus de mentionner la composition et l’évolution détaillée de l’actif et du passif de leur patrimoine. Les concubins notoires, qui, au titre de l’ISF, sont considérés comme un seul foyer fiscal, seront tenus de porter la déclaration de la valeur de leur patrimoine sur la déclaration de revenus de l’un ou l’autre des concubins.

D’un point de vue pratique, la déclaration d’ISF ainsi adossée à la déclaration d’impôt sur le revenu devrait figurer sur un feuillet distinct. Elle ne comportera qu’un nombre limité de lignes, correspondant à la valeur de l’actif net taxable au 1er janvier de l’année de la déclaration, aux montants ouvrant droit aux réductions d’ISF au titre de l’article 885-0 V bis et de l’article 885-0 V bis A du code général des impôts, aux personnes à charge et aux montants déjà acquittés au titre d’un impôt sur la fortune à l’étranger.

Dans la mesure où la déclaration d’impôt sur le revenu peut être télédéclarée en vertu de l’article 1649 quater B ter du code général des impôts, il en ira de même pour la déclaration d’ISF ainsi adossée à la déclaration d’impôt sur le revenu.

Par coordination, le présent article prévoit de restreindre aux seuls redevables tenus de déposer une déclaration de leur fortune distincte de leur déclaration d’impôt sur le revenu :

– l’obligation de fournir une attestation de la société dont les parts ou actions font l’objet d’un engagement collectif de conservation conduisant à une exonération partielle de la valeur des parts ou actions détenues dans la société (f de l’article 885 I bis du code général des impôts, modifié par le A du I du présent article) ;

– l’obligation de fournir une attestation du fonds commun de placement d’entreprise ou de la société d’investissement à capital variable d’actionnariat salarié dans lequel le redevable a investi, relative à la valeur de l’investissement éligible à l’exonération partielle d’ISF (cinquième alinéa du I de l’article 885 I quater du code général des impôts, modifié par le B du I du présent article) ;

– l’obligation de joindre à la déclaration d’ISF les éléments justifiant de l’existence, de l’objet et du montant des dettes dont la déduction est opérée (article 885 Z du code général des impôts, modifié par le F du I du présent article).

En revanche, l’éventuelle modification des décrets qui fixent aujourd’hui les obligations déclaratives des redevables de l’ISF au titre des souscriptions au capital de PME ou de fonds d’investissement et des dons à des organismes d’intérêt général ouvrant droit à réduction d’ISF (respectivement prévus par le VII de l’article 885-0 V bis et les IV et V de l’article 885-0 V bis A du code général des impôts) n’appelle a priori pas de modification législative (34).

b) Des modalités de recouvrement rapprochées de celles de l’impôt sur le revenu

Le regroupement des deux déclarations s’accompagne d’un recouvrement et d’un acquittement de l’ISF par les redevables concernés selon les mêmes règles et sous les mêmes sanctions que l’impôt sur le revenu. C’est l’objet de l’introduction d’un nouveau deuxième alinéa dans l’article 1723 ter-00 A du code général des impôts (G du I du présent article). Le recouvrement sera ainsi assuré en vertu d’un rôle, distinct de celui de l’impôt sur le revenu mais rendu exécutoire.

Par coordination avec la création de ce nouveau rôle, le D du II du présent article prévoit de modifier le premier alinéa de l’article L. 253 du livre des procédures fiscales, relatif aux avis d’imposition adressés aux contribuables inscrits au rôle des impôts directs, pour y mentionner le fait qu’un avis d’imposition sera également adressé aux redevables de l’ISF inscrits au rôle de cet impôt.

L’alinéa introduit dans l’article 1723 ter-00 A prévoit qu’aucun versement provisionnel ne sera dû par le redevable et que l’impôt sera acquitté en une fois. Il sera toutefois loisible au redevable de demander un recouvrement par mensualités, dans les conditions prévues pour le paiement mensuel de l’impôt sur le revenu, excepté lorsque l’imposition résultera de la mise en œuvre d’une rectification ou d’une procédure d’imposition d’office.

L’entrée en vigueur de cette dernière disposition, relative à la mensualisation de l’ISF des assujettis dont le patrimoine est compris entre 1,3 et 3 millions d’euros, est toutefois reportée, en vertu du III du présent article, à l’ISF dû à compter de l’année 2013. La mensualisation suppose en effet que l’on dispose dès le début de l’année d’une référence correspondant aux contribuables concernés et à l’impôt acquitté l’année précédente. Or, du fait de la réforme du barème applicable à compter de 2012, l’on ne disposera pas de telles informations pour l’année 2012. Il est donc logique de reporter la mise en œuvre la mensualisation à l’année 2013.

Pour les redevables de l’ISF déposant une déclaration spécifique, le recouvrement et l’acquittement continueront à obéir aux règles applicables en matière de droits de mutation par décès. Les restrictions déjà prévues quant aux moyens de paiement utilisables pour s’acquitter de l’ISF par rapport aux moyens utilisables pour payer les droits de mutation par décès sont toutefois maintenues (35). De même, la faculté de recourir à un paiement fractionné ou différé des droits ne sera pas ouverte. Le Trésor ne peut pas non plus constituer une hypothèque légale pour la garantie du paiement de l’ISF.

Pour l’ensemble des redevables, il sera toujours possible d’effectuer un paiement par remise d’œuvres d’art, d’objets de collection ou d’immeubles, conformément à ce que permet l’article 1716 bis du code général des impôts en matière de paiement des droits de succession.

Compte tenu de la relative faiblesse des montants d’ISF à acquitter par les contribuables qui seront assujettis à un paiement par voie de rôle, il serait sans doute pertinent de limiter cette faculté alternative de paiement aux seuls contribuables tenus de déposer une déclaration. Il s’agit en effet d’une procédure exceptionnelle de règlement des droits, subordonnée à un agrément, et qui ne présente un intérêt que dans les cas où le montant des droits à acquitter est élevé.

c) Une augmentation des pénalités pour retard de paiement de l’ISF

En vertu de l’article 1731 du code général des impôts, le retard dans le paiement des sommes dues au titre de l’ISF conduit à une majoration de 5 % du montant dû. En outre, un intérêt de retard, à raison de 0,40 % par mois, est également dû en application de l’article 1727 du même code.

Or, en vertu du 1. de l’article 1730, le retard de paiement des impôts recouvrés par voie de rôle est sanctionné par une majoration de 10 % - cette majoration étant exclusive du décompte d’un intérêt de retard.

Dès lors qu’une partie de l’ISF sera recouvrée par voie de rôle, il est souhaitable de lui appliquer le taux de majoration applicable aux impôts recouvrés par voie de rôle. Par conséquent, il est cohérent de procéder à une harmonisation de la majoration applicable, quel que soit le mode de recouvrement mis en œuvre.

Aussi, il est proposé, par le 1° du H du I du présent article, de compléter la rédaction du 1. de l’article 1730 en mentionnant explicitement dans l’énumération des impôts auxquels est applicable la majoration de 10 % pour retard de paiement l’impôt de solidarité sur la fortune. Cette nouvelle rédaction, qui augmente le taux de la majoration applicable, en le faisant passer de 5 % à 10 %, a également pour effet de supprimer l’ajout des intérêts de retard à l’application de la majoration, en vertu du 2. du IV de l’article 1727.

Par ailleurs, le 2. du même article 1730 prévoit que la majoration s’applique aux sommes comprises dans un rôle qui n’ont pas été acquittées dans les 45 jours suivant la date de mise en recouvrement du rôle et aux acomptes qui n’ont pas été versés le 15 du mois suivant celui au cours duquel ils sont devenus exigibles. Cette disposition permettra d’appliquer la majoration à l’ISF recouvré par voie de rôle auprès des contribuables dont le patrimoine est inférieur à 3 millions d’euros. En revanche, pour l’ISF qui continuera à être directement acquitté par les assujettis, en vertu du 1. du I de l’article 885 W du code général des impôts, il est nécessaire, par coordination (2° du H du I du présent article), de modifier le 2. de l’article 1730, afin de préciser que la majoration est également applicable aux sommes dues par ces redevables lors du dépôt de leur déclaration.

Les assujettis dont le patrimoine est inférieur à 3 millions d’euros seront tenus à un paiement de l’ISF au 15 septembre s’ils n’optent pas pour un prélèvement mensuel, en vertu du 2. de l’article 1730 du code général des impôts, tandis que les assujettis dont le patrimoine est supérieur ou égal à 3 millions d’euros demeureront redevables de cet impôt au 15 juin, en vertu du 1. du I de l’article 885 W du code général des impôts.

Ce décalage dans le temps est à relativiser, puisqu’il existe déjà aujourd’hui des dates différentes pour la déclaration, et donc l’acquittement de l’ISF : les résidents de Monaco et des autres pays d’Europe sont tenus de déposer leur déclaration au 15 juillet, les autres résidents étrangers sont tenus de déposer leur déclaration au 31 août, et les héritiers d’une personne décédée disposent d’un délai de six mois suivant la date du décès pour déposer la déclaration de la personne décédée.

d) Des modalités de contrôles et de taxation d’office adaptées

L’article L. 23 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction actuelle, prévoit qu’en vue du contrôle de l’ISF, l’administration peut demander au contribuable des éclaircissements ainsi que des justifications sur la composition de l’actif et du passif de son patrimoine. Le contribuable dispose d’un délai de réponse, qui ne peut être inférieur à deux mois. En l’absence de réponse ou si les justifications sont estimées insuffisantes, l’administration peut procéder à une rectification contradictoire.

Il est nécessaire d’adapter ces modalités de contrôle aux deux types de déclaration d’ISF qui coexisteront désormais. La nouvelle rédaction se substituant au premier alinéa de l’article L. 23 A, en vertu du 1° du A du II du présent article, distingue ainsi :

– les redevables mentionnant la valeur nette de leur patrimoine taxable à l’ISF sur leur déclaration d’impôt sur le revenu, auxquels l’administration pourra demander la composition et l’évaluation détaillée de l’actif et du passif de ce patrimoine ;

– l’ensemble des redevables, auxquels pourront être demandés, comme à l’heure actuelle, des éclaircissements et des justifications sur la composition et l’évolution détaillée de l’actif et du passif de leur patrimoine.

La rédaction du troisième alinéa de l’article L. 23 A du livre des procédures fiscales est également modifiée, par le 2° du A du II du présent article, afin de prévoir que la procédure de rectification contradictoire pourra être engagée par l’administration en l’absence de réponse aux demandes adressées aux redevables mentionnant la valeur de leur patrimoine taxable sur leur déclaration d’impôt sur le revenu ou si les éclaircissements ou justifications fournis par le contribuable sont estimés insuffisants.

L’article L. 66 du livre des procédures fiscales comporte un 4° en vertu duquel les personnes qui n’ont pas déposé une déclaration d’ISF peuvent être taxées d’office. Dans la mesure où, pour certains redevables, il ne sera plus exigé de déposer une déclaration d’ISF, le B du II du présent article prévoit de modifier le 4° de l’article L. 66, afin de préciser que la taxation d’office sera également applicable aux personnes tenues de mentionner la valeur de leur patrimoine taxable sur leur déclaration de revenus.

e) Des délais de reprise confirmés

Alors que, en l’absence de déclaration d’ISF, le droit de reprise de l’administration était de dix ans à compter du jour du fait générateur de l’impôt, ce droit a été réduit à l’expiration de la sixième année suivant celle du fait générateur de l’impôt par la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat. En revanche, lorsqu’une déclaration d’ISF a été effectuée, le droit de reprise est limité à l’expiration de la troisième année suivant celle de la déclaration.

Le C du II du présent article propose, en modifiant l’article L. 180 du livre des procédures fiscales, de confirmer l’application respective de ces deux délais, quel que soit le mode de déclaration de l’ISF.

Le complément apporté au premier alinéa de l’article L. 180 prévoit que le droit de reprise de l’administration s’exercera, pour les redevables de l’ISF tenus de déclarer le montant de leur patrimoine sur leur déclaration de revenus, jusqu’à l’expiration de la troisième année suivant celle de la déclaration.

Le complément apporté au deuxième alinéa de l’article L. 180 précise que ce délai de reprise de trois ans ne sera opposable à l’administration que si l’exigibilité de l’impôt a été suffisamment révélée par la réponse du redevable à l’administration, dans l’hypothèse où cette dernière lui demanderait de préciser la composition et l’évolution détaillée de l’actif et du passif de son patrimoine.

3.– Un calendrier de la réforme en deux temps

Le calendrier qui est proposé pour la réforme de l’ISF s’échelonne sur l’année 2011 et l’année 2012.

Compte tenu du calendrier d’examen du présent projet de loi de finances rectificative, il serait en effet difficile d’appliquer l’ensemble des nouvelles dispositions à l’ISF à acquitter au titre du patrimoine détenu au 1er janvier 2011. Néanmoins, par anticipation, il est proposé, dès l’ISF 2011, de faire bénéficier les assujettis des principales innovations que sont le relèvement du seuil d’imposition à 1,3 million d’euros et, pour les patrimoines inférieurs à 3 millions d’euros, des formalités allégées.

a) Pour l’année 2011, une exonération des patrimoines inférieurs à 1,3 million d’euros et certaines formalités allégées

Le 1° du IV du présent article prévoit que les redevables dont la valeur nette taxable du patrimoine est inférieure à 1,3 million d’euros ne seront pas tenus au paiement de l’impôt de solidarité sur la fortune au titre de l’année 2011.

Pour les redevables dont le patrimoine au 1er janvier 2011 est égal ou supérieur à 1,3 million d’euros, il est prévu que la déclaration puisse être souscrite jusqu’au 30 septembre 2011, en vertu du 2° du IV du présent article. Le paiement de l’impôt intervenant lors du dépôt de la déclaration, ce paiement est donc reporté pour l’année 2011, du 15 juin au 30 septembre.

Ce report de la date de déclaration s’impose, dès lors que certaines modifications applicables dès l’année 2011 aux assujettis à l’ISF sont introduites par le présent collectif budgétaire, qui ne pourra être définitivement adopté avant le 15 juin.

Les redevables tenus au paiement de l’ISF pour 2011 continueront à l’acquitter par les moyens de paiement habituels, en appliquant le barème actuel, y compris sur la tranche de leur patrimoine comprise entre 800 000 euros et 1,3 million d’euros de patrimoine et en effectuant le paiement le jour de la déclaration.

Anticipant sur l’allègement des formalités dont bénéficieront à compter de 2012 les assujettis dont le patrimoine a une valeur nette taxable inférieure à 3 millions d’euros, le 3° du IV du présent article les exonère dès la déclaration d’ISF pour 2011 de la production des différents justificatifs exigés lors de déclaration pour le bénéfice des réductions liées aux investissements dans les PME et aux dons paiement lors du dépôt de la déclaration.

b) Une application complète de la réforme à compter de l’ISF 2012

Le III du présent article prévoit d’appliquer les nouvelles rédactions des articles du code général des impôts et du livre des procédures fiscales, telles qu’elles résultent des I et II du présent article, à compter de l’ISF dû en 2012.

Il est néanmoins prévu une dérogation à cette entrée en vigueur des nouvelles dispositions, en ce qui concerne la possibilité, pour les assujettis à l’ISF déclarant la valeur nette de leur patrimoine taxable sur leur déclaration d’impôt sur le revenu, d’opter pour un paiement de l’ISF par prélèvements mensuels, cette possibilité n’étant ouverte qu’à compter de l’impôt dû en 2013.

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La Commission est saisie de l'amendement CF 127 de M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. La réforme qui nous est proposée constitue un formidable cadeau fiscal pour les contribuables les plus fortunés. Vous enlevez toute progressivité à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et réduisez de moitié son montant en supprimant la première tranche du barème. La disposition est présentée comme une contrepartie de la suppression du bouclier fiscal mais, dans cette première tranche, 1 % seulement des contribuables bénéficient aujourd’hui de ce bouclier.

De même, vous justifiez ce cadeau par l’augmentation de la valeur des résidences principales. Mais, toujours dans la première tranche, la résidence principale ne représente que 30 % de la valeur du patrimoine !

Enfin, toujours en vous abritant derrière la suppression du bouclier fiscal, vous réduisez fortement le taux applicable aux tranches supérieures de l’ISF. Or, dans la tranche la plus élevée, seulement 40 % des contribuables font appel au bouclier. Cela prouve bien que l’ensemble de cette réforme est effectué au profit de millionnaires en euros. Non seulement les bénéficiaires du bouclier fiscal retrouveront ce qu’ils ont perdu, en payant moins d’ISF, mais certains pourront continuer de se voir appliquer le bouclier au titre d’années antérieures. Pour résumer, vous avez commencé la législature en offrant un cadeau fiscal aux plus fortunés, et vous la terminez de même.

J’en viens à la question du financement. Le Gouvernement évalue le rendement de l’ISF à 3,7 milliards d’euros, alors que toutes les évaluations antérieures aboutissaient à un résultat de 4 milliards. Vous prétendez, monsieur le rapporteur général, que l’ISF rapportera 2,3 milliards d’euros après la réforme, mais ce chiffre tient-il compte du dispositif ISF-PME ?

S’agissant des recettes de substitution – exit tax, taxe sur les résidences secondaires, modification des droits de mutation –, les chiffrages présentés ne sont pas fiables. Je note par ailleurs que le nombre de taxes que vous avez instituées atteint presque la trentaine : quel bilan pour un gouvernement qui prétend réduire les impôts !

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 1er.

M. le rapporteur général. L’analyse de M. Muet est totalement inexacte.

On peut affirmer sans aucune réserve que cette réforme fiscale est profondément juste. Elle l’est tout d’abord pour les contribuables qui, dès cette année, ne paieront plus l’ISF. En effet, pour 95 % d’entre eux, l’assujettissement à l’impôt sur la fortune était la conséquence de l’évolution du prix de leur résidence principale. M. Muet en a lui-même apporté la démonstration en rappelant que la résidence principale représentait en moyenne 30 % du patrimoine de la première tranche. Porter de 800 000 à 1 300 000 euros le seuil d’imposition à l’ISF, c’est le relever de 30 %, et donc exclure de fait la résidence principale de l’assiette, au nom de la justice fiscale.

À l’autre extrémité du barème, la justice vient de la suppression du plafonnement Rocard, que vous avez institué en 1989, et du bouclier fiscal. Je les mets sur un strict pied d’égalité, d’une part parce que le bouclier est l’héritier du plafonnement, et d’autre part parce qu’ils peuvent s’appliquer conjointement. C’est un rasoir à deux lames : la première, le plafonnement, entraîne en moyenne une diminution de 300 à 400 millions d’euros ; la seconde représente 650 à 700 millions d’euros de réduction. Or la réforme propose de supprimer les deux, tout en adoptant un barème réaliste du point de vue économique.

Cette réforme est le contraire d’un cadeau fait aux riches. Il est inexact d’affirmer que 40 % des contribuables soumis à la dernière tranche de l’ISF bénéficient du bouclier : en réalité, ils sont 77 % dans ce cas. Et ce taux se rapproche de 90 % si l’on y ajoute les contribuables qui se voient appliquer le plafonnement.

Ce qui compte, c’est la situation, avant et après la réforme, du contribuable bénéficiant du bouclier fiscal. Or aujourd’hui, le pourcentage de contribuables sous bouclier ne fait que croître à mesure que le patrimoine augmente : moins de 10 % des petits patrimoines en bénéficient, contre presque 77 % des patrimoines supérieurs à 16 millions d’euros. Compte tenu du bouclier fiscal et du plafonnement Rocard, le taux réel d’imposition pour la dernière tranche est de 0,22 %, à comparer avec le taux marginal applicable à cette tranche – 1,8 % – et avec le taux réel après réforme, soit 0,5 %. Autrement dit, la suppression du bouclier fiscal entraînera un doublement de l’ISF pour les plus gros patrimoines.

Dans mon rapport figure une analyse, décile par décile, de la situation des 1 900 contribuables dont le patrimoine est supérieur à 16 millions d’euros. Elle montre qu’aujourd’hui, le pourcentage de bénéficiaires du bouclier augmente avec l’ampleur du patrimoine. C’est pourquoi la réforme proposée dans ce projet de loi est juste.

En ce qui concerne le financement, le dispositif ISF-PME est pris en compte à hauteur de 510 millions d’euros, ce qui me paraît tout à fait raisonnable. La réforme est donc financée en régime de croisière. Le seul problème vient de l’application décalée de la suppression du bouclier fiscal ; nous en tiendrons compte dans la loi de finances pour 2012.

Avis défavorable.

M. Charles de Courson. M. Muet nous a habitués à de meilleurs arguments. Ses propos sont faux : que l’on soit pour ou contre, le projet ne fait que redéployer entre riches le poids de l’imposition. Les « petits riches » sont exonérés de l’impôt sur la fortune, tandis qu’une partie des plus riches finance la réforme. Les plus pénalisés sont ceux qui ont pratiqué l’optimisation fiscale et utilisé le bouclier fiscal à rebours. On ne va pas pleurer sur leur cas ! Je pense notamment aux grandes fortunes mobilières qui ne distribuaient plus de dividendes et faisaient payer aux contribuables, grâce au bouclier fiscal, les impôts locaux, la contribution sociale généralisée et l’impôt sur le revenu. M. Muet, qui a tant combattu ce bouclier fiscal, devrait être satisfait de sa suppression.

M. Jean-Michel Fourgous. Nous nous réjouissons tous à l’idée que notre économie bénéficie de deux points de croissance. Mais elle pourrait en gagner un troisième si nous nous décidions à acquérir une culture économique équivalente à celle de nos concurrents.

Comment peut-on encore parler de « cadeau » alors que nous sommes le seul pays à appliquer cet impôt catastrophique qu’est l’impôt sur la fortune ? Son inventeur, Michel Charasse, me l’a d’ailleurs dit lui-même : « J’ai fait la plus belle connerie de ma vie ! ». Dans les couloirs de l’Assemblée, les socialistes admettent également qu’il faudrait placer l’ISF au musée. La sincérité a-t-elle toujours une place dans le débat politique français ?

Demain, avec les accords Bâle III, les banques ne pourront plus financer l’économie. Les États ne le peuvent déjà pas. Ce n’est donc pas le moment de se fâcher avec les détenteurs de capitaux. Pourquoi persister à effrayer et stigmatiser des gens dont la qualité essentielle est de créer la richesse et l’emploi ?

M. le président Jérôme Cahuzac. Si j’en crois le rapporteur général, cette réforme, loin de supprimer l’ISF, reviendrait à demander davantage aux titulaires de gros patrimoines. Votre plaidoyer en faveur des détenteurs de gros capitaux, monsieur Fourgous, ne semble donc pas avoir été entendu.

M. Christian Eckert. La création de richesse n’est pas seulement le fait des détenteurs de capitaux, mais aussi de ceux qui les font fructifier grâce à la valeur travail – une expression que la majorité a toujours à la bouche.

Le rapporteur général a tendance à mélanger le nombre de contribuables concernés par l’impôt sur la fortune et le montant de ce qu’ils paient. En affirmant que les trois quarts d’entre eux ne paieront plus un impôt auquel ils n’étaient soumis qu’en raison de l’augmentation de la valeur de leur résidence principale, il oublie de dire que ces contribuables ne procurent qu’une très faible part du produit de l’ISF.

Par ailleurs, parer cette réforme de tant de vertus de justice fiscale est un aveu : j’en déduis que le système actuel est profondément injuste.

M. le rapporteur général. Oui, à cause du plafonnement.

M. Christian Eckert. Je trouve surprenant de nous renvoyer à une décision aussi ancienne alors que votre majorité est au pouvoir depuis une dizaine d’années. Il n’était peut-être pas opportun de mettre en place la « première lame », mais c’est bien vous qui avez ajouté la deuxième ! Si la première était injuste, comment qualifier l’autre ?

Vous avez instauré le paquet fiscal, en 2007, à une époque où, selon vous, on ne s’attendait pas à ce que la crise survienne. Mais il aurait été possible de le corriger bien plus rapidement. J’entends déjà vos arguments : voter contre ce collectif, c’est voter contre la suppression du bouclier fiscal. Pourquoi ne pas l’avoir supprimé bien plus tôt, quand vous pouviez mettre en avant la juste répartition des efforts nécessaires pour sortir de la crise ?

Le ministre prétend que cette réforme sera financée par les actuels bénéficiaires du bouclier fiscal. C’est faux : les contribuables concernés par l’allongement du délai de rappel des donations, par exemple, n’étaient pas nécessairement redevables de l’ISF.

Enfin, j’en ai assez d’entendre que la France serait le seul pays au monde à appliquer l’impôt sur la fortune. La France est aussi la seule à produire du Roquefort, et l’on vient du monde entier pour savourer sa baguette : n’en êtes-vous pas fier, monsieur Fourgous ? Plus sérieusement, je me réjouis que notre pays ait été le premier à adopter certaines mesures sociales. Il n’y a pas de mal à être le seul à bien faire.

Mme Aurélie Filippetti. Comme elle a fini par le faire pour le bouclier fiscal, peut-être la majorité reconnaîtra-t-elle dans quelques mois que la réforme aujourd’hui proposée est injuste. Comment pouvez-vous prétendre, d’ailleurs, qu’elle alourdira l’impôt des plus riches quand le produit de l’ISF va diminuer de 2 milliards d’euros ?

Sachant que le patrimoine médian des Français est de 200 000 euros, les personnes dont le patrimoine s’élève à 1,3 million d’euros hors dettes et après abattement de 30 % sur la résidence principale ne sont pas des « petits riches », monsieur de Courson, mais bien des riches, tout simplement !

Les grands gagnants de cette réforme seront les contribuables qui payaient précédemment l’ISF sans bénéficier du bouclier fiscal, mais aussi ceux auxquels ce bouclier s’applique, car ils bénéficieront de restitutions jusqu’à la fin de 2013. Dans un contexte de crise majeure des finances publiques, c’est irresponsable !

M. Michel Bouvard. Cette réforme a le grand mérite d’être financée par les catégories mêmes qui vont en bénéficier, et d’être financée de manière vertueuse car, au lieu de taxer un capital illiquide composé de biens immobiliers, au premier chef desquels la résidence principale, elle taxera les mutations, c’est-à-dire l’enrichissement des générations suivantes.

Je rappelle en outre que la franchise de 159 000 euros sur les donations est maintenue : l’allongement du délai entre deux donations exonérées ne touchera donc pas la très grande majorité de nos concitoyens, compte tenu des chiffres rappelés par Mme Filippetti. Quant aux exonérations relatives aux droits de succession entre conjoints, au revenu du travail des étudiants ou aux heures supplémentaires, elles aussi maintenues, je n’ai entendu personne en demander la suppression.

Je n’ai donc pas d’état d’âme face au texte qui nous est proposé, a fortiori après avoir entendu le rapporteur général démontrer que cette réforme mettra davantage à contribution les patrimoines supérieurs à 16 millions d’euros.

La Commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CF 15 de M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Les œuvres d’art, devenues objets de spéculation, devraient figurer dans l’assiette de l’impôt sur le patrimoine. Je propose donc la création, dans la loi de finances pour 2012, d’un impôt déclaratif annuel sur l’ensemble du patrimoine, impôt dont le rendement ne pourra pas être inférieur à celui de l’actuel impôt sur la fortune.

M. Pierre-Alain Muet. Nous défendrons cet excellent amendement. Contrairement à ce que l’on entend dire, l’ISF est un impôt moderne. Tous les impôts sur le patrimoine qui ont été supprimés dans d’autres pays reposaient sur des bases différentes – ils n’étaient pas déclaratifs et portaient sur le patrimoine brut. En Allemagne, la Cour constitutionnelle a demandé au gouvernement de réviser les bases foncières sur lesquelles était fondé l’impôt sur la fortune, qui remontaient à 1970. Le gouvernement a reculé et a « mis de côté » cet impôt, mais certains partis, comme le SPD, s’interrogent sur l’instauration d’un impôt moderne sur le capital, inspiré de notre ISF. L’amendement de M. Garrigue a l’avantage de définir ce que pourrait être une réforme juste et intelligente de cet impôt.

M. le rapporteur général. Sans aller jusqu’à prétendre que nos voisins allemands vont s’inspirer de cette réforme, je me réjouis que M. Muet en démontre l’excellence : elle maintient en effet le caractère déclaratif de l’ISF et fixe un barème en rapport avec le rendement attendu du patrimoine, apprécié en valeur nette.

M. Jean-Pierre Brard. L’amendement de M. Garrigue est excellent. Je tiens cependant à préciser qu’en Allemagne, l’impôt sur le patrimoine n’a pas été supprimé par la Cour constitutionnelle, mais seulement suspendu, et que cet impôt existe toujours au Luxembourg, pays d’une grande moralité fiscale.

Quant aux œuvres d’art, elles sont un support, non seulement de spéculation, mais aussi de blanchiment. Le plafonnement à 3 000 euros des paiements en espèces ne s’appliquant pas aux étrangers, rien n’empêche, par exemple, la mafia russe de transformer l’argent de la prostitution et des trafics d’armes en œuvres d’art, ensuite monnayées en argent ordinaire. Il faut donc adopter cet amendement.

M. Daniel Garrigue. Comme je le préciserai dans un amendement qui sera soumis à l’Assemblée, le patrimoine visé s’entend de l’ensemble du patrimoine à l’exception de l’outil de travail.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

La Commission rejette cet amendement.

Elle est alors saisie des amendements CF 141 et CF 142 de M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. L’amendement tend à intégrer dans l’assiette de l’ISF les parts détenues dans les groupements forestiers et les groupements fonciers agricoles.

Quant à l’amendement CF 142, il vise à revenir sur l’exonération des œuvres d’art.

M. Michel Bouvard. Compte tenu des difficultés que rencontre la politique forestière dans notre pays, l’amendement CF 141 est étonnant. En effet, hormis celles qui sont la propriété d’« institutionnels », les forêts ont un rendement très faible et sont soumises à des aléas climatiques qui peuvent anéantir d’un instant à l’autre ce patrimoine, et notre balance commerciale est déficitaire pour le bois. Adopter cet amendement serait le meilleur signal que nous puissions donner pour décourager les propriétaires forestiers. La disposition irait d’ailleurs à l’encontre de la loi sur la forêt adoptée à l’unanimité par la représentation nationale sur le rapport de M. François Brottes.

M. Charles de Courson. L’amendement CF 141 pose un problème économique, car la rentabilité des biens ruraux, dont le loyer est fixé par arrêté préfectoral, est de l’ordre de 1 à 1,2 %, soit des taux inférieurs aux dernières tranches de l’ISF. Une telle disposition ferait s’effondrer le marché foncier : les propriétaires vendraient et les fermiers se trouveraient dans l’obligation d’acheter, s’endettant à vie. L’effet serait encore pire pour les forêts.

Pour ce qui est de l’amendement CF 142 – qu’on pourrait qualifier d’« antifabiusien », par référence au mythe qui prête à tort à Laurent Fabius l’initiative de l’exonération des œuvres d’art –, le problème que pose cette disposition est celui de son application : l’auteur de l’amendement s’est-il demandé comment on paierait les milliers de fonctionnaires qui procéderaient aux inventaires dans toutes les maisons ? Cela ferait aussi la fortune des experts en art.

Enfin, les œuvres d’art ne sont pas exonérées de l’ISF, comme on le soutient souvent, mais font l’objet, comme pour les droits de succession, d’un forfait de 5 %.

Mme Aurélie Filippetti. Les sérieuses difficultés que la filière bois connaît dans les Vosges ne tiennent pas à la propriété des forêts, mais à un problème industriel : faute d’industries de transformation, la France exporte du bois brut, notamment vers la Chine, et importe des meubles.

M. Henri Emmanuelli. Il n’est pas besoin de faire tant de bruit : la forêt est sinistrée et on constatera vite que les propriétaires sont souvent non imposables. Puisque M. Bouvard a évoqué les propriétaires institutionnels, je lui rappellerai que, dans les Landes, le plus gros propriétaire forestier est la Caisse des dépôts et consignations…

Pour ce qui est des œuvres d’art, l’ISF ayant un caractère déclaratif, il serait inutile d’employer des milliers de fonctionnaires au contrôle. Mais on peut aussi s’interroger sur l’existence de plus-values dans ce domaine…

Quant à la théorie de M. Fourgous, selon laquelle la baisse des prélèvements obligatoires serait favorable à l’investissement, et donc à l’emploi, elle valait peut-être pour les années 2000 mais, dix ans plus tard, après la suppression par la gauche comme par la droite de 40 à 45 milliards d’euros de recettes fiscales, on constate que l’investissement public et privé s’est effondré, cependant que la France devenait n° 1 mondial pour l’épargne. La théorie de M. Fourgous ne mène pas au développement économique, mais à la régression.

M. Richard dell’Agnola. On ne peut à la fois critiquer la hausse des prélèvements obligatoires et se plaindre qu’ils aient diminué !

L’ISF étant un impôt déclaratif, on peut concevoir d’intégrer les œuvres d’art dans son assiette sur ce même fondement déclaratif et cela n’exigerait donc pas de multiplier les fonctionnaires, monsieur de Courson. Du reste, au-delà d’un certain montant, le paiement des œuvres d’art se fait par chèque et donne lieu à facture, ce qui permet un contrôle.

M. le président Jérôme Cahuzac. Les prélèvements obligatoires rapportés au PIB ont augmenté, mais, en valeur absolue, ce sont une centaine de milliards d’euros en année pleine qui ont été abandonnés ces dernières années, tous gouvernements confondus.

La Commission rejette l’amendement CF 141.

Puis elle rejette également l’amendement CF 142.

Elle examine ensuite l’amendement CF 50 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. L’assiette de l’impôt sur la fortune doit être la plus large possible et les seules dérogations concevables sont celles qui tiennent à l’emploi, ce qui n’est pas le cas des œuvres d’art. Quant à l’argument selon lequel les œuvres d’art ne rapportent pas, je rappelle que la résidence principale, qui ne rapporte pas davantage, entre tout de même dans la base d’imposition. Il faut donc en revenir, pour les œuvres d’art, à la règle générale.

M. le président Jérôme Cahuzac. Les œuvres d’art étant généralement assurées, il ne serait pas difficile de calculer l’assiette.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Ce débat revient chaque année. La réforme consiste à ajuster les barèmes, et non à revenir sur le détail des exonérations.

La Commission adopte cet amendement (amendement n° 1233).

Elle est ensuite saisie de l’amendement CF 89 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Lorsqu’ils vendent leur petite ou moyenne entreprise, notamment au moment de prendre leur retraite, nombre de patrons partent vers la Belgique, où ils ne sont imposés ni sur la plus-value, ni sur la fortune.

La première partie du problème a été résolue par l’adoption de l’exonération des plus-values, qui s’appliquera progressivement à partir de 2013. L’amendement CF 89 tend à instaurer une exonération d’assiette de 75 % lorsque le chef d’entreprise réinvestit dans une PME le produit de la vente de son entreprise.

M. le rapporteur général. Avis défavorable, car cet amendement est très largement satisfait par une disposition de la loi Dutreil pour l’initiative économique, de 2003 : aux termes de ce texte, lorsque le patron d’une PME réinvestit le produit de la vente de celle-ci dans une autre PME au titre d’une souscription au capital initial ou d’une augmentation de capital, ce réinvestissement est entièrement exonéré d’ISF, sans les conditions de pourcentage de détention ou d’exercice d’une fonction dirigeante dans l’entreprise.

M. Charles de Courson. Ce dispositif est-il utilisé ?

M. le rapporteur général. Oui. Il s’agit de l’article 885 I ter du code général des impôts.

M. Charles de Courson. Je retire donc mon amendement.

L’amendement CF 89 est retiré.

M. Henri Emmanuelli. Ne vous inquiétez pas pour les chefs d’entreprise, monsieur de Courson, car ils sont bien conseillés. Lorsqu’un chef d’entreprise avisé veut vendre son entreprise, il recourt à un leveraged buy-out (LBO) pour vendre à ses fils, puis c’est l’entreprise qui paie une deuxième fois. Certaines entreprises ont ainsi été déjà vendues deux fois de suite.

La Commission examine les amendements CF 143 à CF 146 de M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Ces amendements tendent à l’élargissement de l’assiette de l’ISF.

M. le rapporteur général. Avis défavorable à tous ces amendements.

La Commission rejette successivement les amendements CF 143 à CF 146.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CF 147 de M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. L’amendement tend à supprimer l’article du code général des impôts disposant que les personnes physiques n’ayant pas leur domicile fiscal en France ne sont pas imposables à l’ISF.

M. le rapporteur général. Un résident fiscal français est imposé à l’ISF sur la totalité de son patrimoine, y compris sur les biens qu’il possède hors de France, mais, pour un non-résident, l’assiette de l’ISF se limite aux biens immobiliers possédés en France. La disposition proposée par M. Muet est contraire à toutes les conventions fiscales internationales !

La Commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CF 26 du président Jérôme Cahuzac.

M. le président Jérôme Cahuzac. Dans le souci de justice qui, selon la majorité, préside à la réforme que nous examinons, cet amendement tend à plafonner l’abattement de 30 % applicable à la résidence principale.

La suppression de la première tranche, qui conduit à placer le seuil d’imposition à 1,3 million d’euros, ne change pas grand-chose dans la mesure où l’abattement de 30 % revenait à exonérer de cotisation les patrimoines inférieurs à 1,2 million d’euros. Dans la mesure où cet abattement est lié à la résidence principale, son maintien est justifié. Cependant, il procure un avantage qui croît avec le patrimoine. Puisque vous voulez une réforme qui soit juste, je ne doute pas que vous adopterez cet amendement.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Selon une jurisprudence désormais ancienne de la Cour de cassation, la valeur vénale d’un bien immobilier occupé doit faire l’objet d’un abattement de 20 %. Afin d’alléger la facture en zone urbaine dense, Jean-François Copé et moi avons proposé, en 2007, de relever ce taux à 30 %, ce qui a été fait, mais, en tout état de cause, il serait difficile de descendre en dessous du seuil de 20 % arrêté par la Cour.

D’autre part, l’amendement aurait un sens à Villeneuve-sur-Lot, où le prix des maisons avoisine les 300 000 euros, mais pas au Perreux-sur-Marne, où les pavillons valent en moyenne 1 million d’euros : il défavoriserait les habitants des zones urbaines denses.

M. le président Jérôme Cahuzac. Vos chiffres me semblent peu convaincants. En premier lieu, le propriétaire d’un pavillon d’une valeur d’1 million d’euros serait couvert par l’exonération jusqu’à 1,3 million : l’amendement ne change donc rien pour lui. J’ajoute qu’il ne s’agit pas de supprimer l’abattement, mais de le plafonner à 300 000 euros. Le niveau des patrimoines fonciers concernés est tout de même très élevé, y compris pour la banlieue parisienne. L’amendement va donc dans le sens de la justice fiscale.

Quant à la jurisprudence de la Cour de cassation à laquelle vous faites allusion, elle ne s’applique que si la loi reste muette : elle ne saurait évidemment être opposée à la volonté explicite du législateur.

M. Charles de Courson. Lorsque M. le rapporteur général avait proposé un abattement de 30 %, j’avais défendu, pour ma part, le principe d’un abattement à la base – en l’occurrence, de 300 000 euros, soit deux fois la valeur moyenne d’un logement en France. Cette solution me semble beaucoup plus juste : je ne vois pas pourquoi les propriétaires d’un hôtel particulier valant 10 ou 15 millions d’euros pourraient bénéficier de l’abattement de 30 %.

Par ailleurs, le rapporteur général a rappelé que, selon la Cour de cassation, l’abattement ne peut être inférieur à 20 %...

M. le président Jérôme Cahuzac. L’autorité de la loi prime sur celle de la jurisprudence !

M. Charles de Courson. Selon la Cour, cet abattement est fondé en droit pour les logements occupés ; c’est pourquoi, d’ailleurs, la gauche l’avait prévu à ce niveau en instituant l’ISF.

Quoi qu’il en soit, un abattement à la base est préférable à un taux.

M. le rapporteur général. Je suis totalement opposé à cette idée : la lisibilité de la réforme tient également au traitement de la résidence principale. Rien n’est pire qu’une réforme fiscale qui donne le sentiment qu’on reprend d’une main ce qu’on a donné de l’autre.

Mme Aurélie Filippetti. Rien n’est pire qu’une réforme fiscale qui donne le sentiment qu’on reprend d’une main ce qu’on a donné de l’autre, dites-vous. Mais le ministre du budget ne soutient-il pas, lui, que la réforme sera payée par les contribuables assujettis à l’ISF ?

Les taux proportionnels sont injustes fiscalement et socialement. Il faut donc compenser cette injustice, si votre objectif est réellement la justice, par le plafonnement proposé. À moins de disposer d’un patrimoine important, un jeune couple avec enfants doit évidemment s’endetter pour acheter un pavillon dans la belle commune du Perreux-sur-Marne ; or le montant de cette dette est déductible de la base imposable de l’ISF. L’amendement ne pénaliserait pas les propriétaires victimes de la bulle immobilière, et il favoriserait les jeunes générations, qui ont du mal à accéder à la propriété compte tenu de l’explosion des prix.

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas à la Cour de cassation, mais au législateur, de déterminer le niveau des abattements fiscaux.

Il devient pénible d’entendre que la mesure aurait un sens en province mais pas au Perreux : nous parlions quand même d’un pavillon d’un million d’euros ! Lorsque les propriétaires de tels biens partent en retraite, en général, ils vendent et déménagent – par exemple dans le Sud-Ouest, où ils font exploser les prix de l’immobilier.

M. le rapporteur général. Mais non ! Ils sont tellement bien au Perreux qu’ils y restent !

M. Henri Emmanuelli. Les évolutions démographiques sont très claires sur ce point. Votre théorie n’a donc pas de sens. À tout prendre, si le propriétaire d’un bien d’un million d’euros ne veut pas vendre, il faut lui dire qu’il gère mal ses avoirs et qu’il n’a qu’à payer.

M. Jean-Pierre Brard. On ne doit pas reprendre d’une main ce que l’on donne de l’autre, disiez-vous ; mais vous avez fait preuve d’une grande prodigalité avec l’argent des contribuables. Puisque vous proposez de rétablir un certain équilibre, il faut aller jusqu’au bout – à moins que vous ne soyez dans le faux-semblant.

Un abattement de 20 % sur un hôtel particulier d’une valeur de 15 millions d’euros – celui de M. Tapie ou de Mme Bettencourt, en somme –, représente 3 millions : il ne me semblerait pas anormal de supprimer cette disposition, sans nous laisser dicter notre conduite par la Cour de cassation.

M. Carrez semble oublier qu’il est non seulement rapporteur général du budget, mais aussi député de la nation tout entière : il me fait penser à la poule qui protège ses poussins, des poussins de race perreuxienne, qui vendent souvent la Marne avec leur maison. Mieux vaudrait, en l’occurrence, se référer à la valeur moyenne d’un pavillon à Champigny-sur-Marne. Je suis d’accord avec mes collègues de l’opposition : les Perreuxiens eux-mêmes doivent être mis à contribution, même s’il faudra leur dire qu’ils ont été défendus avec affection par leur député-maire.

M. Richard Dell’Agnola. Même si cela dérange M. Emmanuelli, la région parisienne comprend des millions d’habitants, et le prix du foncier n’y est pas le même qu’en province.

Dans le Val-de-Marne, et à Choisy-le-Roi en particulier, le prix des logements est très élevé. Or les gens sont très attachés à leurs racines locales. À Montreuil même, monsieur Brard, le nombre d’assujettis à l’ISF a considérablement augmenté en raison de l’explosion des prix.

M. le président Jérôme Cahuzac. L’abattement de 30 %, à l’origine jurisprudentiel, est désormais inscrit dans la loi. Compte tenu du nouveau seuil d’entrée dans l’ISF – 1,3 million d’euros –, il entraîne une exonération jusqu’à 1,7 million. Le nombre de biens immobiliers dépassant cette valeur ne me semble pas très élevé, puisque le patrimoine médian, en France, est de 100 000 euros – contre 200 000 euros pour le patrimoine moyen. Dans ces conditions, un plafonnement de 300 000 euros ne serait pas choquant.

M. Christian Eckert. Voici trois exemples d’annonces immobilières au Perreux-sur-Marne : un pavillon de neuf pièces et 250 mètres carrés est proposé à 1,1 million d’euros, un autre de sept pièces et 400 mètres carrés, à 1,3 million, et un troisième de dix pièces et 225 mètres carrés, à 1 135 000 euros. Nous sommes donc loin du chiffre de 1,7 million calculé par le président de la Commission. Dans quel monde vivez-vous, mes chers collègues ? Que l’immobilier ait flambé, y compris en province et notamment dans certaines zones frontalières, nul ne le conteste. Mais comment parler de justice et refuser de plafonner l’abattement à 300 000 euros ?

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CF 148 de M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Nous proposons la suppression d’une autre niche fiscale de l’ISF, dont le Gouvernement diminue les taux sans élargir l’assiette. L’amendement vise à ramener le taux de l’incitation à l’investissement en fonds propres dans les PME de 50 à 25 %, soit un alignement de l’avantage sur ce qui est pratiqué s’agissant de l’impôt sur le revenu. La majorité, consciente du problème, avait d’ailleurs déjà réduit ce taux de 75 à 50 %.

M. le rapporteur général. Avis défavorable, pour cette raison précisément : la règle fiscale doit garder une certaine stabilité.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CF 149 de M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Il s’agit d’un amendement de repli.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CF 77 et CF 78 de M. Jean-Claude Sandrier, CF 150 et CF 151 de M. Pierre-Alain Muet, CF 7 de M. Jean-François Lamour, et CF 43 rectifié et CF 44 rectifié de Mme Chantal Brunel.

M. Jean-Claude Sandrier. Il est étonnant de voir la constance avec laquelle la majorité cherche à alléger l’impôt des plus riches. Le bouclier fiscal étant devenu indéfendable, on a décidé de le supprimer ; mais comme il n’était pas possible, politiquement, d’en faire de même avec l’ISF, il a fallu l’alléger : les alinéas 5 à 9, qui concernent non les « petits » mais les « gros » riches, le montrent bien.

L’exposé des motifs de l’article, selon lequel il faudrait alléger l’ISF parce qu’il est « de plus en plus mal accepté par les redevables », est d’un simplisme quelque peu affolant. Existe-t-il un seul impôt accepté par les redevables ? En tout état de cause, la seule question que le législateur doit se poser est celle de la justice et de l’utilité de l’impôt.

L’argument du handicap de compétitivité n’est guère moins simpliste, car il présuppose que tout prélèvement fiscal est économiquement inutile, ce que contestent des économistes américains favorables au développement des services publics. Chacun s’accorde à dire que l’attractivité de la France est liée à la qualité de ses infrastructures, de ses services de santé et de son système de formation, toutes choses financées par l’impôt.

Enfin, contrairement à ce qui a été dit, l’ISF existe dans plusieurs pays, et le taux marginal de notre impôt sur le revenu est, avec celui de la Grande-Bretagne, le plus bas d’Europe ; de surcroît, il ne s’applique guère, puisque les plus riches parviennent à le ramener de 40 % à 18 % en moyenne.

M. Pierre-Alain Muet. L’amendement CF 150 propose de maintenir le barème actuel de l’ISF, dans la mesure où le texte ne prévoit aucun élargissement de l’assiette.

M. Jean-Michel Fourgous. Vous proposez donc d’élargir l’assiette.

M. Pierre-Alain Muet. Nous formulerons nos propositions ; je dis seulement que ce collectif n’engage aucune vraie réforme de la fiscalité.

M. Michel Vergnier. Je veux, en défendant l’amendement CF 151, redire notre opposition à cette réforme. Le problème n’est pas celui de l’existence même de l’ISF, mais l’injustice fiscale que le Gouvernement masque par une pseudo-réforme. Vous traînez comme un boulet une décision prise il y a quatre ans, et cherchez à vous débarrasser de l’entrave à un an d’une grande échéance électorale. Le rapporteur général a parlé d’une réforme « totalement juste » : pourquoi donc avoir attendu neuf ans pour la faire ? Si nous comprenons vos intentions politiques, comprenez aussi que, sur le fond, nous exprimions notre désaccord.

M. Jean-François Lamour. Je faisais partie des parlementaires qui, en juillet 2007, souhaitaient exclure la résidence principale de l’assiette de l’ISF. Le seuil de déclenchement proposé aujourd’hui, 1,3 million, ne me semble pas assez élevé pour les propriétaires parisiens.

On a cité Le Perreux et les Landes, les propriétaires de forêts, d’œuvres d’art et de PME ; en l’occurrence, il ne s’agit que de cibler les familles qui souhaitent devenir propriétaires à Paris intra-muros. Je propose donc de relever le seuil à 1,4 million, tout en prévoyant un lissage, puisque, ne l’oublions pas, ceux qui dépassent le seuil seront taxés au premier euro.

Dans certaines zones géographiques, monsieur Muet, la résidence principale représente plus de 50 % de la valeur du patrimoine pour la première tranche de l’ISF. L’autre solution serait d’appliquer des taux différenciés selon les zones urbaines, mais c’est évidemment anticonstitutionnel.

Mme Chantal Brunel. Je suis d’accord pour aménager l’ISF en fonction de la hausse des prix de l’immobilier. Rappelons tout de même que le seuil de déclenchement est passé de 732 000 euros en 2005 à 790 000 euros en 2009. L’amendement CF 43 rectifié vise à ramener ce seuil de 1,3 à 1 million.

Compte tenu de l’abattement de 30 %, le seuil proposé revient en effet, comme on l’a montré, à exonérer la résidence principale jusqu’à 1,7 million – dès lors qu’elle est entièrement payée –, et même au-delà si l’on inclut le lissage. Les catégories concernées sont donc très fortunées.

Mon amendement CF 43 rectifié présente le double avantage de n’exclure que 120 000 contribuables de la première tranche, contre 300 000 dans le texte du Gouvernement, et de permettre une économie de 240 millions d’euros pour les finances publiques.

Il m’a par ailleurs été indiqué que la résidence principale ne représentait, dans le barème actuel, que 30 % de la valeur du patrimoine pour la première tranche. Si ce chiffre est faux, Bercy doit nous donner d’autres informations.

Quant au dispositif d’ISF-PME, s’il coûte environ 590 millions à l’État, il a rapporté environ 1 milliard aux PME. On m’objectera que 45 millions d’euros seulement ont été investis par les contribuables assujettis à la première tranche, soit un manque à gagner relativement faible pour l’État. Au total, la réforme représenterait tout de même 100 millions de moins pour les PME, au détriment de la création d’emplois.

Dans un contexte économique difficile, cet amendement permettrait donc d’aménager l’ISF sans envoyer de signe négatif aux Français et sans trop affecter les recettes de l’État.

L’amendement CF 44 rectifié est un amendement de repli, qui fixe le seuil d’imposition à 1,1 million d’euros, ce qui permettrait encore d’exonérer d’ISF 180 000 contribuables et d’économiser, pour les caisses de l’État, 160 millions d’euros par rapport à la proposition du Gouvernement.

M. le rapporteur général. Je suis défavorable à l’ensemble de ces amendements, la proposition du Gouvernement me semblant la réponse la plus équilibrée aux deux questions qu’ils abordent : celle de la résidence principale et celle du barème.

J’étais à l’origine plutôt favorable à l’exonération totale de la résidence principale, qui était encore envisagée il y a quelques mois, mais je me suis rendu aux deux arguments invoqués à l’appui du relèvement du seuil d’imposition, solution finalement retenue par le Gouvernement.

Il y a d’abord l’argument de justice, qui impose de ne pas traiter de la même manière l’hôtel particulier à quinze millions d’euros et la résidence principale à 300 000 euros. Deuxièmement, la solution de l’exonération totale aurait été excessivement favorable aux propriétaires dont le bien est situé en zone urbaine tendue, au détriment des autres. Dans ces conditions, le relèvement du seuil d’imposition me paraît la solution la plus équitable.

Quant au seuil d’entrée de 1,3 million d’euros, il est préférable aux solutions proposées par M. Lamour et par Mme Brunel, quoique pour des raisons opposées.

Dans l’hypothèse, monsieur Lamour, où la résidence principale constitue l’unique patrimoine du redevable, un seuil de déclenchement de l’imposition à 1,3 million représente, compte tenu de l’abattement de 30 %, un patrimoine d’un montant de 1 857 000 euros, soit la propriété d’un bien de plus de 200 mètres carrés à Paris, libre de tout passif. C’est un calibrage raisonnable.

En réponse à votre argumentation, madame Brunel, je prendrai l’exemple d’un jeune ménage qui aurait acquis en 1997 un logement à Paris d’une valeur d’environ 380 000 euros, ce qui n’est pas énorme. Si on applique à cette valeur vénale l’indice d’évolution des prix retenu par la chambre des notaires, cet appartement vaut aujourd’hui 1 227 000 euros ; une fois appliqué l’abattement de 30 %, on arrive à 859 000 euros : ce ménage est aujourd’hui redevable de l’ISF !

Le barème est l’autre point en débat. Le barème actuel est complètement déconnecté de la réalité financière d’aujourd’hui. En 1982, un patrimoine totalement investi en emprunt Delors offrait un rendement de 17 % ; investi aujourd’hui en obligations d’État, son rendement est situé entre 3,5 et 4,5 % alors que le taux marginal est à 1,8 %. Le nouveau barème proposé par le Gouvernement est un barème réaliste en ce qu’il tient compte de la rentabilité actuelle du patrimoine.

En un mot, tous les curseurs tels qu’ils ont été placés par le Gouvernement au terme d’études approfondies me paraissent parfaitement raisonnables.

M. le président Jérôme Cahuzac. Je vous ferai observer, monsieur le rapporteur général, que l’argumentation que vous venez d’opposer à M. Lamour est celle que j’avais avancée à l’appui de mon amendement plafonnant l’abattement à 300 000 euros, que vous avez pourtant rejeté.

M. Christian Eckert. Vous ne pouvez pas, monsieur le rapporteur général, actualiser la valeur d’un bien acheté en 1997 sans tenir compte de l’évolution de la monnaie, notamment du passage à l’euro : une valeur vénale de 380 000 euros en 1997 est comparable à un investissement de 500 000 euros aujourd’hui, ce qui n’est pas rien.

M. le rapporteur général. Cet argument, monsieur Eckert, plaide en faveur d’une actualisation du barème de l’ISF, que la majorité d’hier a pourtant toujours refusée, nous contraignant à la proposer aujourd’hui.

M. Jean-Pierre Brard. La proposition de M. Lamour de remonter le seuil d’imposition de 100 000 euros est quand même assez choquante : décidément il n’y a pas de petit profit pour les riches. Le plus choquant est peut-être de l’entendre prétendre que sa proposition concerne 50 % de la population !

La belle affaire, monsieur Carrez, si le ménage dont vous parlez tombe sous le coup de l’ISF du fait de l’évolution des prix immobiliers ! Après tout, ils sont toujours libres de vendre leur bien. Ce genre d’argument frise l’immoralité, et je vous mets au défi de le répéter à Montreuil, et même au Perreux.

M. Jean-Michel Fourgous. Dois-je vous rappeler que l’Autriche a abandonné l’impôt sur la fortune en 1994, le Danemark en 1996, l’Allemagne en 1997, les Pays-Bas en 2001, la Finlande et le Luxembourg en 2006, la Suède en 2007, l’Espagne en 2009 ?

L’ISF, ce sont 500 milliards d’euros d’actifs financiers qui quittent notre pays. La société Bic est partie, ainsi que Seb, Carrefour, Auchan, Darty, Décathlon, Promodès, Célio, Nicolas, Damart, Taittinger, Van Cleef, Hermès, Guerlain, Peugeot, sans parler des artistes et des sportifs.

Au cours des vingt dernières années, la part des entreprises françaises détenue par des capitaux étrangers est passée de 9 % à 22 %. Le CAC 40 appartient à 47 % à des étrangers. Et l’on entend encore un député de la République s’attaquer à la première variable de la croissance !

Mme Chantal Brunel. Monsieur Fourgous, les Français s’intéressent aussi à ce qui se passe dans leur pays, et pas seulement à ce qui se passe à l’étranger.

M. Marc Le Fur. Il faut distinguer entre les deux questions soulevées par ces amendements : celui du seuil de déclenchement de l’impôt et celui du barème, qui est d’une tout autre nature. Pour ma part, je n’adhère pas aux propositions d’abaissement du seuil de l’imposition, puisque la réforme a pour but d’épargner les petits patrimoines. En revanche, on ne peut qu’être sensible aux arguments qui plaident en faveur d’un relèvement des taux frappant les patrimoines les plus élevés.

La Commission rejette successivement ces amendements.

Elle examine ensuite l’amendement CF 45 de Mme Chantal Brunel.

Mme Chantal Brunel. Cet amendement vise à créer pour les patrimoines dépassant les 16 millions d’euros une nouvelle tranche d’imposition, soumise à un taux de 0,75. Cette solution permettrait de ramener à des proportions raisonnables les économies réalisées par ces contribuables immensément riches – soit de 143 265 euros à 100 765 pour qui serait exactement au seuil de 16 millions. J’entends vos explications, monsieur le rapporteur général, mais vous ne pouvez pas demander à l’ensemble des Français d’être sensibles à ce genre d’argumentation très technique dans la période de difficultés économiques que nous traversons : nos concitoyens ne comprendraient pas qu’on ne demande pas aux plus riches de consentir un petit effort supplémentaire pour aider les moins fortunés.

M. le rapporteur général. Mon opposition à un relèvement des taux est éclairée par les chiffres. Des 1 900 contribuables dont le patrimoine dépasse les seize millions d’euros, les 190 du décile supérieur ont un patrimoine dépassant 65 millions d’euros. Quarante-huit d’entre eux, ne bénéficiant pas du bouclier fiscal, paient en moyenne 1 528 000 euros d’ISF ; les 143 d’entre eux qui sont protégés par le bouclier paient 275 000 euros d’ISF, au lieu des 1 676 000 qu’ils devraient verser sans ce bouclier. Pour ces derniers, la réforme se traduira par un doublement de la fiscalité du patrimoine, puisqu’ils paieront désormais 500 000 euros en moyenne au titre de l’ISF.

En outre, un taux de 0,5 me paraît plus compatible avec le rendement de ce type de patrimoine que le taux de 0,75.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la Commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CF 8 rectifié, CF 9 rectifié et CF 10 rectifié de M. Hervé Mariton.

M. Marc Le Fur. Cette série d’amendements vise à appliquer à l’ISF les règles de familialisation qui valent pour l’impôt sur le revenu, notamment en étendant le nombre des hypothèses d’abattement pour personne à charge.

M. le rapporteur général. Étant donné mon inclination en faveur de tout ce qui contribue à la politique familiale, je ne peux qu’être favorable à l’augmentation de l’abattement et à son application dans tous les cas de prise en charge d’enfants, même quand ils ont plus de dix-huit ans. Cette solution présente en outre l’avantage de rester dans une enveloppe budgétaire raisonnable, la présence d’enfants à charge concernant surtout les ménages relevant de la première tranche d’imposition, supprimée par la réforme. Je suis plus réservé quant à l’abattement pour le conjoint à charge, car il faut raison budgétaire garder. Pour ces raisons, je suis favorable au seul amendement CF 10 rectifié.

M. Jean-Pierre Brard. Voir ainsi des assujettis à l’ISF en être à 150 euros près, c’est complètement indécent. Je veux bien les leur donner de ma poche, mais qu’on ne change pas la loi !

Mme Aurélie Filippetti. Je suis frappée qu’on n’ait pas encore rappelé depuis le début de cette discussion le contexte budgétaire contraint dans lequel s’inscrit cette réforme, alors qu’elle va encore aggraver nos déficits, au bénéfice des plus fortunés, ce juste après qu’on nous a proposé d’inscrire dans la Constitution le principe de l’équilibre des finances publiques.

Les amendements qui visent à alourdir encore le coût de la réforme, notamment ceux par lesquels vous proposez de familialiser l’ISF sur le modèle de l’impôt sur le revenu, sont, dans ces conditions, totalement hors de propos, d’autant que cette familialisation de l’IR est déjà une injustice au profit des familles les plus favorisées. Il y a bien d’autres impôts, tels que la CSG ou la TVA, qui ne sont pas familialisés.

Enfin, à un moment où les jeunes générations peinent à entrer dans la vie active et où le système fiscal devrait au contraire favoriser une redistribution en faveur des plus jeunes, cette réforme sert les intérêts des générations les plus anciennes, comme vous l’avez implicitement reconnu, monsieur le rapporteur général.

Mme Chantal Brunel. Alors que l’on relève le seuil d’imposition à l’ISF de quelque 500 000 euros, que l’on en exonère de ce fait 300 000 familles et que cela coûtera beaucoup d’argent, nous voilà en train de discuter d’une réduction supplémentaire de 150 euros par enfant. Cela confine à la démagogie !

Je voterai contre l’amendement.

M. le président Jérôme Cahuzac. Les familles dont le patrimoine excède 16 millions d’euros seraient donc à 150 euros près par an...

M. le rapporteur général. S’agissant de la familialisation de l’impôt sur le revenu, je suis en total désaccord avec M. Thomas Piketty, qui considère que cette familialisation est injuste. À la différence des autres pays, la France accorde une prime à la famille tant en matière d’impôt sur le revenu qu’en matière de successions, d’imposition du patrimoine et d’impôts locaux. Les 150 euros supplémentaires ici proposés font partie de ces mesures qui contribuent au succès de notre politique de natalité, laquelle est sans doute le principal atout de notre pays aujourd'hui.

Je souhaite donc l’adoption de l’amendement de M. Le Fur.

M. Marc Le Fur. La politique familiale fait partie des acquis du Conseil national de la Résistance, dont la gauche, par ailleurs, nous rebat les oreilles. Alors que tous les gouvernements de la IVe et de la Ve République l’ont maintenue, le programme socialiste la remet en cause, notamment en ce qui concerne le quotient familial.

Étant tout à fait d’accord avec les propos du rapporteur général, je retire les amendements CF 8 rectifié et CF 9 rectifié au bénéfice du CF 10 rectifié, qui a sa préférence.

Les amendements CF 8 rectifié et CF 9 rectifié sont retirés.

M. Henri Emmanuelli. Plus la discussion avance, plus j’aime cette réforme qui vous amène à faire publiquement de telles démonstrations !

La politique familiale est une bonne chose. M. Le Fur et M. le rapporteur général ne sont pas les seuls à ne pas être d’accord avec M. Piketty s’agissant du quotient familial. Certes, l’application de ce quotient est injuste, mais l’analyse de M. Piketty omet d’intégrer le facteur démographique.

Il reste quand même à prouver que c’est le quotient familial qui détermine le désir d’avoir des enfants en France. Pensez-vous que c’est pour 150 euros que les plus hautes instances de l’État s’inscrivent dans une perspective de reproduction ?

M. Éric Berdoati. Quelle médiocrité !

Mme Chantal Brunel. Le vrai sujet, beaucoup plus important que cette réduction de l’impôt sur la fortune de 150 euros, c’est la paupérisation des femmes et le nombre des enfants qui sont à la seule charge de leur mère.

La Commission adopte l’amendement CF 10 rectifié (amendement n° 1234).

Elle examine ensuite l’amendement CF 92 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Nous soutenons l’abrogation du bouclier, que nous recommandions depuis longtemps. Cela étant, l’absence de dispositif de plafonnement pose un problème constitutionnel. Dans sa décision du 16 août 2007, le Conseil constitutionnel, interprétant l’article 13 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen – « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » –, estime que le « plafonnement de la part des revenus d’un foyer fiscal affectée au paiement d’impôts directs, loin de méconnaître l’égalité devant l’impôt, tend à éviter une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ».

Peut-on à la fois abroger à la fois le bouclier et le plafonnement ? Pour ma part, j’estime que le maintien de l’ISF nous oblige à un plafonnement. Contrairement à ce que l’on m’objecte, l’abaissement des taux du barème ne résout pas la question : le contribuable recevant en héritage, par exemple, 2 % d’une société familiale qui ne distribue pas de dividendes devra payer un impôt sur le revenu et un ISF supérieurs à son revenu.

Je suggère que l’on en revienne au plafonnement de 70 %, instauré à l’époque par un amendement cosigné par Dominique Strauss-Kahn – le projet de loi du gouvernement Rocard proposait un taux de 80 % et ce n’est que quelques années plus tard que l’on est passé au taux toujours en vigueur de 85 %. J’aimerais connaître la position du rapporteur général sur le principe du maintien du plafonnement et sur la fixation de son taux en fonction de son coût.

M. Pierre-Alain Muet. Nous avons toujours précisé, en défendant nos propositions de loi visant à supprimer le bouclier fiscal, que l’on s’en tiendrait au plafonnement existant, dont les défauts ont été en partie corrigés. En tout état de cause, nous nous opposons à la réforme du Gouvernement. L’élargissement de l’assiette de l’ISF, que j’avais proposé, aurait pu conduire à s’interroger sur les taux. Il est en revanche scandaleux d’abaisser les taux sans rien changer à l’assiette. C’est pourquoi, bien que nous soyons favorables au maintien du plafonnement, nous nous abstiendrons sur cet amendement.

M. le rapporteur général. Je ne partage pas la position de M. de Courson pour trois raisons.

Premièrement, avec des taux abaissés à 0,25 ou 0,50 %, l’impôt n’est plus confiscatoire. Dans l’exemple de l’héritage de parts dans une société familiale, le contribuable a la possibilité de souscrire un engagement de conservation qui réduira la valeur des parts entrant dans l’assiette de l’ISF des trois quarts.

Deuxièmement, le Conseil constitutionnel a récemment statué à deux reprises sur cet aspect de la question. Il a en particulier estimé qu’« en instituant l’impôt de solidarité sur la fortune, le législateur a entendu frapper la capacité contributive que confère la détention d’un ensemble de biens et de droits » et que « la prise en compte de cette capacité contributive n’implique pas que seuls les biens productifs de revenus entrent dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune ». Le Conseil admet donc que l’on paie l’impôt sur la fortune même si le patrimoine ne procure pas de revenus. À titre de comparaison, la réforme de l’impôt sur la fortune menée aux Pays-Bas a introduit une taxation sur la base d’un rendement notionnel par catégories d’actifs.

Troisièmement, je mets en garde contre tout retour d’un plafonnement car on se trouvera de nouveau confronté au problème de la détermination du dénominateur, à savoir les revenus. Si, en 1989, les contribuables n’ont pas maîtrisé immédiatement les subtilités du plafonnement, on a vu apparaître dès le début des années 1990 des comportements d’optimisation. On s’est aperçu que certains contribuables très fortunés ne payaient plus aucun ISF : c’est ce qui a conduit au plafonnement du plafonnement institué en 1995, qui oblige le contribuable à payer après plafonnement au moins la moitié de ce qu’il devrait payer avant application du plafonnement.

Quelque subtile que soit la mécanique, elle sera inéluctablement utilisée par le contribuable pour faire de l’optimisation. C’est un problème commun au bouclier et au plafonnement de l’ISF.

M. Charles de Courson. Quand bien même le taux marginal supérieur sera ramené à 0,5 %, le problème continuera de se poser. Dans le système actuel, le cumul de l’IR, de l’ISF, de la CSG et de la CRDS aboutirait à la confiscation de la totalité du revenu, en deçà d’une rentabilité de 3,5 % du capital, s’il n’y avait ni bouclier ni plafonnement. Avec un taux de 0,5 %, on se retrouvera dans cette situation pour une rentabilité du capital inférieure à 1 % environ. Dans l’exemple que j’ai pris tout à l’heure, le problème peut se poser même avec l’abattement des trois quarts mentionné par le rapporteur général.

Par ailleurs, les considérants du Conseil constitutionnel cités par le rapporteur général ne contredisent nullement mes arguments, au contraire. Le Conseil valide le fait que l’on puisse inclure dans l’assiette de l’ISF des éléments du patrimoine non productifs de revenus, mais il ne traite pas du respect de l’article 13 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, tel que la décision de 2007 l’interprète. Le problème est le suivant : a-t-on le droit de créer un système fiscal dans lequel le cumul des impositions peut structurellement dépasser le montant des revenus du contribuable ?

Enfin, s’il est exact qu’il y aura toujours de l’optimisation – à charge pour nous d’améliorer les dispositifs –, nous n’en sommes pas moins condamnés à un système de plafonnement.

Je vous mets donc en garde. En cas de recours, le Conseil constitutionnel peut faire tomber l’ensemble de la réforme.

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF 79 de M. Jean-Pierre Brard.

Puis elle adopte l’article 1er ainsi modifié.

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Articles additionnels après l’article premier

Aménagements de la réduction d’impôt de solidarité sur la fortune pour investissement dans les PME

La Commission est saisie de l’amendement CF 41 rectifié de Mme Chantal Brunel.

Mme Chantal Brunel. Le relèvement du seuil d’entrée à l’ISF de 800 000 à 1,3 million d’euros aura un impact négatif sur le dispositif ISF-PME. Bercy évalue à 45 millions d’euros le coût qu’aura à cet égard la suppression de la première tranche, mais cette analyse ignore les effets de la baisse du taux des tranches supérieures et oublie l’effet de levier qui résulte de la hausse des fonds propres de très nombreuses entreprises permise par le dispositif ISF-PME. Les banques, on le sait, sont particulièrement frileuses quand il s’agit de prêter aux PME.

Il est aujourd'hui possible d’investir jusqu’à 90 000 euros dans un dispositif ISF-PME, pour un avantage de 50 %. Je propose que l’on porte ce plafond à 120 000 euros tout en laissant le taux inchangé, afin de compenser l’inconvénient que cette réforme représente pour les entreprises.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Près de 95 % de l’investissement au titre du dispositif ISF-PME est réalisé à partir de la deuxième tranche. L’impact de la suppression de la première tranche est donc très faible.

Le Gouvernement estime que ce dispositif aura un coût de 511 millions d’euros après la réforme. Compte tenu du taux de réduction d’impôt fixé à 50 %, le flux en direction des PME restera d’environ un milliard d’euros.

Par ailleurs, la réduction du plafond d’investissement ouvrant droit à la réduction de 100 000 à 90 000 euros s’inscrit dans le cadre général des réductions de 10 % de certaines niches fiscales, votées en loi de finances pour 2011. Nous ne pouvons défaire aujourd'hui ce que nous avons adopté il y a quelques mois.

Il est probable qu’une partie des contribuables de la première tranche actuelle se tournera vers le dispositif Madelin. S’il y a un effort à faire, c’est dans cette direction qu’il faut regarder.

La plupart des membres du groupe de travail constitué en janvier ont plaidé pour le maintien de l’ISF-PME alors que la première intention du Gouvernement était de le supprimer. Le Gouvernement nous a donc entendus. Le dispositif actuel me semble équilibré et je ne souhaite pas qu’il soit remis en cause.

Mme Chantal Brunel. Il est notoire que l’ISF-PME est beaucoup plus efficace que le dispositif Madelin.

M. le rapporteur général. Pas du tout !

Mme Chantal Brunel. De plus, on n’a pas évalué les effets de la réduction de l’ISF dans les tranches supérieures. En tout état de cause, le relèvement du plafond est une mesure peu coûteuse et constitue un signe positif adressé aux PME, dont l’inquiétude est réelle.

Je remarque enfin qu’intervenir sur le dispositif Madelin revient également à intervenir sur une niche fiscale, monsieur le rapporteur général.

M. Jean-Pierre Brard. Alors que Mme Brunel semblait évoluer dans le bon sens, voilà un amendement qui trahit une rechute fâcheuse !

Je précise également que l’application de Bâle III, mentionnée dans l’exposé sommaire, est reportée à la Saint-Glinglin. Les banques ne peuvent invoquer ce prétexte pour refuser d’accorder des crédits aux PME.

M. Daniel Garrigue. Si l’extension de l’ISF aux œuvres d’art est confirmée, l’optimisation conduira les détenteurs d’œuvres à s’orienter vers le dispositif ISF-PME.

M. François de Rugy. Je voterai contre l’amendement. Sans être opposé à ce que l’on oriente une partie de l’épargne vers les PME, je constate que le dispositif comportait dès le départ un facteur de dérive : alors que les biens professionnels étaient déjà exonérés, il peut s’appliquer aux fonds investis par le contribuable dans sa propre PME, et qui rapportent déjà de l’argent sous forme de dividendes ou de plus-values. Arrêtons de penser que seule la fiscalité permet d’orienter l’épargne vers l’investissement ! Pour notre part, nous sommes en faveur de la suppression d’autant de niches fiscales que possible. Le « coup de rabot » n’aura été, comme cela a été dit, qu’un coup de lime à ongle. Ne rajoutons pas aux avantages existants !

M. Olivier Carré. Les investisseurs utilisant l’ISF-PME cherchent avant tout à optimiser le montant de l’impôt qu’ils acquittent. Après la réforme, ils seront aussi nombreux – même si ce ne seront pas forcément les mêmes – à avoir intérêt à le faire. D’ailleurs, les professionnels qui craignaient une importante décollecte reviennent eux-mêmes sur cette analyse.

M. Nicolas Forissier. Quand on investit dans sa propre entreprise, c’est pour la développer et pour créer de l’emploi, monsieur de Rugy. Au rebours d’un certain discours idéologique, je préfère que ceux qui ont de l’argent investissent dans cet esprit.

Le système actuel est assez équilibré, mais il faudrait sans doute aligner autant que possible les efforts faits en matière d’impôt sur le revenu sur les dispositions applicables au titre de l’ISF. Une clarification et une unification sont préférables à la création de disparités supplémentaires.

En ce qui concerne l’ISF-PME, mieux vaut laisser les choses en l’état car le risque de décollecte est faible.

M. le rapporteur général. Avis défavorable, pour les raisons que j’ai déjà exposées.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CF 169 de M. Nicolas Forissier.

M. Nicolas Forissier. Pour bénéficier de l’avantage fiscal lié au financement de la création d’entreprise, la loi TEPA impose de conserver ses parts pendant cinq ans. Si l’on est pour une raison ou une autre obligé de vendre plus tôt, il faut réinvestir la totalité du prix de cession. Le hic, c’est qu’en cas de plus-value, il faut aussi acquitter l’impôt correspondant ! Cela peut faire problème, notamment, pour les holdings d’investisseurs providentiels qui ne disposent pas des liquidités nécessaires. Je propose donc de corriger cet effet pervers, sans remettre en cause bien sûr ni la nécessité de payer l’impôt, ni celle de réinvestir.

M. le rapporteur général. Il y a deux volets dans cet amendement. Le premier consiste à assouplir la condition de réinvestissement : le redevable de l’ISF qui a investi dans une PME pourrait se retirer à tout moment, quelle qu’en soit la raison, du moment qu’il se reporte sur une autre PME… C’est M. Forissier qui avait proposé, quelques mois après la loi TEPA, d’assouplir le régime de l’actionnaire minoritaire mis dans l’obligation de sortir de la PME : cela se justifiait pleinement. Mais alors que tous ses amendements ont toujours eu pour objectif, depuis des années, de conforter le noyau dur d’actionnaires de la PME, celui-ci serait contreproductif puisqu’il permet aux investisseurs de papillonner d’une PME à l’autre ! Je ne peux pas y être favorable. En revanche, je suis d’accord pour déduire des fonds réinvestis le montant de l’impôt sur les plus-values acquitté. Cela fera l’objet d’un amendement d’Olivier Carré.

M. Nicolas Forissier. Je reconnais que la rédaction de cet amendement doit être revue. Je le retire, en demandant à M. Carré de m’associer au sien. Mais sur l’autre volet, il ne s’agit pas de pouvoir papillonner mais de corriger les effets pervers que connaissent les investisseurs providentiels lorsqu’ils sont contraints de quitter leur premier investissement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine les amendements CF 110, CF 112 et CF 113 de M. Olivier Carré.

M. Olivier Carré. En cas de cession obligatoire, l’avantage fiscal est conservé si le montant de l’ensemble de la vente est réinvesti dans une autre PME, plus-value incluse le cas échéant. Cela va dans la logique du dispositif. Mais la transaction a un coût fiscal, puisque 31,3 % des plus-values vont à l’État. Il est normal que ce coût soit déduit du montant global réinvesti. C’est ce à quoi tend cet amendement, qui améliorera la fluidité des investissements.

Je vous propose deux autres amendements sur le même sujet. Une des conditions posées à l’avantage fiscal est que l’entreprise emploie au moins deux salariés à la clôture de son premier exercice. Mais les trois quarts des souscriptions ne se font pas dans une entreprise nouvelle et, dès lors, il ne sert à rien de vérifier la présence de deux salariés à l’origine de la société ! Ce dont le législateur veut s’assurer, c’est que la société n’est pas fictive au moment de la souscription. L’amendement CF 112 propose donc que la vérification se fasse à la fin de l’exercice qui suit la souscription. Quant au CF 113, il vise à ouvrir les sociétés de capital risque aux business angels. En effet, les SCR, les sociétés de capital-risque, créées en 1985, ont des caractéristiques assez proches de celles des sociétés qui peuvent bénéficier de l’ISF-PME et répondent parfaitement à l’objectif poursuivi en créant ce dispositif. Il est souhaitable que les investisseurs providentiels bénéficient de la souplesse de leur statut. Ce que demandent les professionnels, c’est un outil bien adapté. Nous craignons toujours que les dispositifs que nous créons n’engendrent des pratiques d’optimisation. Mieux vaut donc se raccrocher à quelque chose qui fonctionne depuis 1985.

M. le rapporteur général. Je suis favorable à l’amendement qui vise à déduire du montant à réinvestir en ISF-PME l’impôt acquitté sur la plus-value, ainsi qu’à celui qui repousse la date de vérification du nombre de salariés. Cette dernière condition, qui date de la loi de finances pour 2011, pose déjà de nombreux problèmes et il faudra peut-être même demander au ministre, en séance, si elle ne doit pas être purement et simplement abandonnée.

En revanche, nous avons déjà eu de très longs débats lors de l’examen de la loi TEPA sur l’ouverture du dispositif de l’ISF-PME aux sociétés de capital-risque. Les SCR bénéficiant d’un régime fiscal spécifique, nous n’avions pas voulu y ajouter d’autres avantages. À l’époque, nous avions même envisagé de n’ouvrir l’ISF-PME, comme le dispositif Madelin, qu’à l’investissement en direct. En raison de la forte pression des intermédiaires, nous l’avons étendu aux FIP et aux FCPI, mais il faut s’en tenir là.

M. Marc Goua. Ce serait en effet cumuler les avantages de deux régimes, celui des sociétés de capital-risque et celui de l’ISF.

M. Nicolas Forissier. S’agissant de la condition liée au nombre de salariés, j’avais déposé un amendement qui allait dans le même sens. Elle doit être supprimée, à tout le moins pour les investissements directs ou en holding. Elle pourrait perdurer en revanche pour les FCPI et les FIP.

M. le président Jérôme Cahuzac. Votre amendement n’a pas été jugé recevable parce qu’il n’était pas gagé. Par ailleurs, je comprends bien la motivation de l’amendement CF 110 mais il faut bien voir qu’il va réduire le financement des PME, puisque le montant réinvesti sera diminué des impôts.

M. Olivier Carré. Certes, mais ce montant est par définition supérieur au montant initial, puisqu’il y a eu plus-value. Dans la dynamique économique que nous recherchons, cela reste vertueux.

Quant aux SCR, j’admets parfaitement qu’il faille éviter le cumul des avantages à la souscription initiale. C’est pour la suite que le mode de fonctionnement de la SCR serait intéressant : c’est à ce stade qu’il manque quelque chose pour ceux qui veulent investir en dehors des intermédiaires – justement les investisseurs qu’on cherchait à « appâter » par l’ISF-PME initial. En tout état de cause, je retire l’amendement CF 113.

La Commission adopte l’amendement CF 110 de M. Olivier Carré (amendement n° 1235), puis l’amendement CF 112 du même auteur (amendement n° 1236).

L’amendement CF 113, également de M. Olivier Carré, est retiré.

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Article additionnel après l’article premier

Simplification des délais de production des justificatifs des dons ouvrant droit à réduction d’impôt de solidarité sur la fortune

La Commission examine en discussion commune les amendements CF 174 du rapporteur général, CF 40 de M. Louis Giscard d’Estaing, CF 90 de M. Charles de Courson, et CF 58 de M. Michel Bouvard.

M. le rapporteur général. Dans le cadre du coup de rabot donné aux niches fiscales, nous avons abaissé de 50 000 à 45 000 euros le plafond pour l’investissement dans les PME. En revanche, il est resté à 50 000 euros pour les dons. Et, lorsque le redevable cumule les deux dispositifs, c’est le plafond de 45 000 euros qui s’applique… Je voulais simplifier le tout en ramenant le plafond pour les dons à 45 000 euros, mais comme d’autres amendements visent à le relever, je vous propose finalement d’en rester au statu quo.

M. Louis Giscard d'Estaing. Le relèvement du barème de l’ISF risque d’avoir un impact négatif sur les dons en faveur des fondations d’utilité publique. L’amendement CF 40 vise à compenser cet effet en portant le plafond des dons de 50 000 à 100 000 euros.

M. Charles de Courson. Le dispositif actuel a engendré 80 millions de dons au profit de bénéficiaires très divers : universités, associations humanitaires… Mais cette incitation va disparaître pour tous ceux qui ne seront plus redevables de l’ISF après la réforme. L’amendement CF 90 vise donc aussi à relever le plafond des dons, mais seulement à 75 000 euros. Cela devrait coûter environ 20 millions.

M. Michel Bouvard. L’amendement CF 58 fixe le plafond à 60 000 euros. Il est difficile d’évaluer le montant des pertes de dons ainsi que le coût de cette mesure. Des travaux fixent la moyenne globale des dons « ISF » entre 1 000 et 2 500 euros. Mais, 80 % des dons étant très en dessous, l’impact de la suppression de la première tranche de redevables peut être assez important. Le rapporteur général dispose-t-il de davantage de données ?

M. le rapporteur général. Il semble que les Français n’aiment pas trop donner. Le volet « dons » des réductions d’ISF, malgré quelque progrès, reste décevant. En 2009, 27 400 redevables seulement, soit moins de 5 %, ont utilisé cette faculté, pour un montant total de 54 millions. C’est peu. Dans la première tranche, qui va être supprimée, le don moyen n’a été que de 839 euros. Cela représente 8 millions sur les 54. Et, en tout, seulement 76 redevables, sur plus de 500 000, ont atteint le plafond ! Dans la tranche des très gros patrimoines, au-delà de 16 millions, le don moyen est très inférieur au plafond actuel, puisqu’il s’élève à 30 758 euros… La sagesse serait donc de conserver le plafond actuel. En effet, nous donnerions un mauvais signal en augmentant un plafond de niche fiscale. En revanche, je retire ma proposition visant à l’aligner sur celui de l’ISF-PME parce que le contribuable qui n’investit pas dans une PME, mais qui donne uniquement à des associations caritatives mérite de conserver un petit avantage.

M. Jean-Pierre Brard. Il semble que les riches soient réfractaires aux cadeaux… Mais on n’a pas à encourager les dons avec l’argent du contribuable. L’altruisme doit être gratuit.

L’amendement CF 174 est retiré.

La Commission rejette l’amendement CF 40, ainsi que le CF 90.

L’amendement CF 58 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CF 121 de M. Olivier Carré.

M. Olivier Carré. Il s’agit d’une simplification des délais de production des justificatifs des dons ouvrant droit à la réduction d’ISF.

Après avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement (amendement n° 1237).

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Article 2

Augmentation des taux applicables aux deux dernières tranches d’imposition pour les transmissions à titre gratuit en ligne directe

Texte du projet de loi :

Dans les tableaux I et II de l’article 777 du code général des impôts, les taux : « 35 % » et « 40 % » sont remplacés respectivement par les taux : « 40 % » et « 45 % ».

Exposé des motifs du projet de loi :

Afin d’aboutir à l’équilibre budgétaire de la réforme de la fiscalité du patrimoine auquel s’est engagé le Gouvernement, il est proposé d’augmenter de cinq points le tarif des deux dernières tranches du barème d’imposition applicable aux successions et aux donations consenties en ligne directe ainsi qu’aux donations entre époux ou entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité (PACS).

Ainsi, les taux applicables seraient relevés :

– de 35 à 40 % pour la fraction de la part nette taxable comprise entre 902 838 € et 1 805 677 € (bornes de la tranche en 2011) ;

– de 40 à 45 % pour la fraction de la part nette taxable au-delà de 1 805 677 € (bornes de la tranche la même année).

Cette disposition serait applicable aux successions ouvertes et aux donations consenties à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article a pour objet de relever de 5 % les taux applicables aux deux tranches supérieures du barème des droits de mutation à titre gratuit applicable lors d’une transmission en ligne directe ou à un conjoint ou partenaire lié par un PACS.

En l’état actuel du droit, le barème applicable aux donations et successions en ligne directe comporte sept tranches. Le seuil de chacune des tranches du barème fait l’objet d’une révision annuelle, selon la même indexation que celle appliquée à la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu.

BARÈME APPLICABLE AUX TRANSMISSIONS EN LIGNE DIRECTE

Fraction de part nette taxable (après application d’un abattement de 159 325 euros)

Tarif applicable

N’excédant pas 8 072 euros

5 %

Entre 8 072 et 12 109 euros

10 %

Entre 12 109 et 15 932 euros

15 %

Entre 15 932 et 552 324 euros

20 %

Entre 552 324 et 902 838 euros

30 %

Entre 902 838 et 1 805 677 euros

35 %

Au-delà de 1 805 677 euros

40 %

Depuis la loi relative au travail à l’emploi et au pouvoir d’achat, qui en a significativement relevé le montant et prévu son actualisation annuelle, un abattement de 159 325 euros est applicable sur la part de chacun des enfants vivants ou représentés, de même qu’un abattement de 31 865 euros sur la part de chacun des petits-enfants et un abattement de 5 310 euros sur la part de chacun des arrières petits-enfants.

De la même manière, le barème applicable aux donations aux conjoints et partenaires liés par un pacte civil de solidarité comporte sept tranches, auxquelles s’appliquent les mêmes taux.

Ce barème se différencie toutefois du précédent en ce qui concerne les seuils entre la deuxième et la troisième tranche (fixé à 15 932 euros au lieu de 12 109 euros) et entre la troisième et la quatrième tranche (fixé à 31 865 euros au lieu de 15 932 euros).

Un abattement de 80 724 euros est appliqué au conjoint ou au partenaire lié par un PACS au donateur.

BARÈME APPLICABLE AUX DONATIONS AU CONJOINT OU PARTENAIRE

Fraction de part nette taxable (après application d’un abattement de 159 325 euros)

Tarif applicable

N’excédant pas 8 072 euros

5 %

Entre 8 072 et 15 932 euros

10 %

Entre 15 932 et 31 865 euros

15 %

Entre 31 865 et 552 324 euros

20 %

Entre 552 324 et 902 838 euros

30 %

Entre 902 838 et 1 805 677 euros

35 %

Au-delà de 1 805 677 euros

40 %

Par ailleurs, le conjoint survivant et le partenaire lié par un PACS sont exonérés de droits de mutation par décès.

Par le présent article, il est proposé de modifier le taux des deux dernières tranches de ces deux barèmes, en les portant respectivement de 35 % à 40 % et de 40 % à 45 %. Dans le même temps, les abattements et exonérations applicables demeurent inchangés. À titre de comparaison, on peut signaler que le taux de 45 % est appliqué aux donations en ligne collatérale au-delà des 40 362 premiers euros par part (en raison de l’application d’un abattement à hauteur de 15 932 euros, soit un dixième de l’abattement applicable en ligne directe, et de l’application d’un taux de 35 % sur la fraction de l’actif taxé n’excédant pas 24 430 euros).

Ainsi, pour un héritage transmis directement d’un parent à ses enfants, le taux de 40 % sera applicable en ligne directe, pour chaque enfant, pour la fraction de l’actif net hérité comprise entre 1 062 163 euros et 1 965 002 euros, et le taux de 45 % sera applicable en ligne directe, pour chaque héritier, pour la fraction de l’actif net hérité excédant 1 965 002 euros.

Par conséquent, le relèvement des taux portera à titre presque exclusif sur des patrimoines qui sont aujourd’hui assujettis à l’ISF.

L’exemple donné par l’étude d’impact est celui d’un couple ayant un actif net successoral de 8 millions d’euros et d’un décès concomitant des conjoints. Deux enfants sont appelés à hériter. Pour chaque enfant, en l’état actuel du barème, les droits à acquitter sur sa part de 4 millions d’euros s’élèvent à 543 806 euros ; après la réforme, ces droits s’élèveront à 590 698 euros. Au total, le surplus d’imposition lié à la hausse des taux du barème pour un patrimoine de 8 millions d’euros transmis à deux enfants st de 93 784 euros.

En pratique, cette modification des taux des tranches supérieures peut se traduire, pour un patrimoine transmis d’un montant équivalent, par des variations de droit à acquitter plus ou moins significatives selon la composition de ce patrimoine et les choix de répartition successorale.

Si l’on reprend l’exemple de l’étude d’impact en le faisant quelque peu varier, avec un patrimoine composé à hauteur de 2 millions d’euros de biens communs et de 6 millions d’euros de biens propres à l’époux A, lequel décéderait avant l’époux B (qui serait âgé de moins de 81 ans et opterait pour l’usufruit), les droits à acquitter porteraient :

– lors du décès de l’époux A, sur la valeur en nue-propriété (soit par exemple 70 % de la valeur en pleine propriété, si l’époux B est alors âgé de moins de 81 ans) de 7 millions d’euros. Avant la réforme, les droits s’élèvent pour chaque part à 723 806 euros. Ils sont portés à 793 198 euros par le présent article ;

– lors du décès de l’époux B, sur la pleine propriété de l’époux B, soit 1 million d’euros. Les droits sont alors inchangés, avant comme après la réforme, s’élevant pour chaque part à 66 330 euros.

Dans cette variante, le surplus d’imposition lié à la hausse des taux du barème pour un patrimoine transmis de 8 millions d’euros serait de 138 784 euros.

Si, lors du décès de l’époux A, l’époux B opte pour le quart en pleine propriété, alors les droits à acquitter porteraient :

– lors du décès de l’époux A, sur 5,25 millions d’euros. Avant la réforme, les droits s’élèvent pour chaque part à 793 806 euros. Ils sont portés à 871 947 euros par le présent article ;

– lors du décès de l’époux B, sur 2,75 millions d’euros. Avant la réforme, les droits s’élèvent pour chaque part à 323 306 euros. Ils sont portés à 338 948 euros par le présent article.

Dans cette autre variante, le surplus d’imposition lié à la hausse des taux du barème pour un patrimoine de 8 millions d’euros transmis à deux enfants serait de 187 566 euros.

Ce nouveau barème sera applicable aux successions ouvertes et aux donations consenties à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.

Ainsi, cette disposition fiscale aura des conséquences sur les recettes budgétaires dès 2011. D’après les chiffrages du Gouvernement, le rendement de la mesure sera limité en 2011 à un rendement provenant des donations, pour un montant de l’ordre de 23 millions d’euros. En effet, pour les successions, les droits sont acquittés au plus tôt six mois après la date d’ouverture de la succession. Dès lors que la loi sera promulguée après le 30 juin 2011, la mesure ne produira un rendement pour les droits de succession qu’à compter de 2012.

À compter de l’année 2012, le rendement espéré par le Gouvernement est de l’ordre de 134 millions d’euros pour les successions et de l’ordre de 51 millions d’euros pour les donations.

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Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CF 70 de M. Jean-Claude Sandrier.

La Commission adopte l’article 2 sans modification.

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Article 3

Augmentation de six à dix ans du délai de rappel des donations

Texte du projet de loi :

I.– Au deuxième alinéa de l’article 784 du code général des impôts, le nombre : « six » est remplacé par le nombre : « dix ».

II.– Après l’article L. 186 du livre des procédures fiscales, il est inséré un article L. 186 bis ainsi rédigé :

« Art. L. 186 bis.– La valeur des biens faisant l'objet des donations antérieures ajoutées à une donation ou une déclaration de succession en vertu des dispositions du deuxième alinéa de l'article 784 du code général des impôts peut, pour l’application de ce seul alinéa, être rectifiée. »

Exposé des motifs du projet de loi :

Il est proposé de porter le délai de rappel fiscal des donations de six à dix ans.

Cette mesure contribuerait à l’équilibre financier de la réforme de la fiscalité du patrimoine en matérialisant le transfert d’une taxation de la détention du patrimoine vers une taxation de sa transmission.

En effet, le fort relèvement des abattements sur les droits de mutation à titre gratuit (DMTG) issu de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat – singulièrement le triplement des abattements personnels pour les transmissions en ligne directe – permet d’effectuer des donations pour des montants significatifs en franchise d’impôt. L’entrée en vigueur de ces mesures justifie donc de revenir sur la prolongation du délai de rappel fiscal de six à dix ans qui avait été adoptée antérieurement, dans le cadre de la loi de finances pour 2006. Compte tenu des évolutions intervenues dans la loi du 21 août 2007, la mesure proposée ne mettrait à contribution que le petit nombre des redevables recevant par donation ou succession un patrimoine important.

Pour que la mesure donne son plein effet dès 2012, il est proposé de l’appliquer aux successions ouvertes et donations consenties à compter de l’entrée en vigueur de la loi.

Par cohérence avec l’allongement du délai de rappel fiscal, il est également précisé que, pour l’application des droits de mutation à titre gratuit dus à raison d’une succession ou d’une donation, l’administration sera en droit de rectifier la valeur des biens ayant fait l’objet d’une donation antérieure mais pour les besoins du seul rappel fiscal. Le délai de reprise de l’administration ne sera pas pour autant allongé à raison des donations concernées.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article a pour objet de porter de six à dix ans la durée pendant laquelle des donations antérieures doivent être rapportées pour calculer le montant des droits de mutation à titre gratuit à acquitter lors d’une nouvelle donation ou en cas de transmission par décès.

1.– Le mécanisme du rapport fiscal

Les donations successives effectuées par une même personne à un même donataire et les biens hérités lors du décès du donateur sont normalement agrégés pour liquider le montant des droits de mutation à titre gratuit à acquitter lors d’une donation ultérieure ou de la succession du donateur. Ce mécanisme, désigné par le terme de rapport fiscal, s’applique distinctement pour chacun des donataires ou des héritiers. Il convient de distinguer cette règle de celle du rappel civil, en vertu de laquelle l’ensemble des biens précédemment donnés sont réintégrés lors de la succession, à seule fin de vérifier que ces donations n’ont pas pour conséquence de transmettre à un héritier ou à toute autre personne une fraction de l’actif successoral qui porterait atteinte à la réserve héréditaire.

Le législateur n’avait d’abord posé aucune condition de durée pour l’application de ce rapport. Puis l’article 15 de la loi de finances pour 1992 a posé une limite décennale à ce rapport. Par la suite, la loi de finances pour 2006 a réduit de dix à six ans la durée du rapport fiscal.

Ainsi, lors d’un décès, les biens qui ont été donnés par le défunt à l’un de ses héritiers au cours des six années précédant le décès sont pris en compte pour calculer les droits à acquitter sur l’actif transmis dans le cadre du règlement de la succession. Ces biens réintégrés sont pris en compte à leur valeur au jour de la donation. Les abattements auxquels peut prétendre l’héritier sont appliqués après déduction de ceux dont il a déjà bénéficié au titre des donations effectuées depuis moins de six ans. En cas d’application d’un tarif progressif, les tranches les plus basses sont considérées comme ayant déjà été utilisées par les donations effectuées depuis moins de six ans.

Si un père a transmis en pleine propriété à l’un de ses héritiers en ligne directe un bien d’une valeur de 80 000 euros en avril 2004, des droits ont alors été acquittés sur la fraction de l’actif transmis imposable, après abattement de 46 000 euros, soit sur 34 000 euros. Selon l’application du barème alors en vigueur, les droits acquittés lors de cette donation devaient s’élever à 5 100 euros. Si ce père était âgé de 64 ans au jour de la donation, ces droits ont été réduits de moitié, en vertu de l’article 790 du code général des impôts, et se sont donc élevés à 2 550 euros.

Ce père décède en janvier 2010. L’actif transmis à son héritier en ligne directe qui a bénéficié de la donation s’élève alors à 180 000 euros. La règle du rapport fiscal joue, le décès intervenant moins de six ans révolus après la donation. L’abattement applicable à la date du décès est de 156 974 euros. L’héritier a toutefois déjà consommé 46 000 euros de cet abattement, et l’abattement applicable aux 180 000 euros transmis lors de la succession n’est plus que de 116 974 euros. Les actifs sur lesquels des droits de mutation à titre gratuit doivent être acquittés s’élèvent par conséquent à 63 026 euros. Les premières tranches du barème d’imposition en ligne directe ont par ailleurs déjà été saturées par les 34 000 euros soumis à droits de mutation en avril 2004. Le taux d’imposition applicable aux actifs transmis est donc de 20 % et les droits à acquitter s’élèvent alors à 12 605 euros.

Dans ce même exemple, si le père était décédé en mai 2010, le rapport fiscal ne jouerait pas. Pour un actif transmis au décès de 180 000 euros, les droits à acquitter porteraient sur 23 025 euros, et, par l’application des premières tranches du barème d’imposition, s’élèveraient à 2 826 euros.

L’exemple précédemment exposé vaut également dans le cas où sont effectuées des donations successives.

Ainsi, selon que le délai entre une donation et un décès ou entre deux donations successives est supérieur ou inférieur à six ans, les abattements sont ou ne sont pas reconstitués et les taux inférieurs sont ou ne sont pas à nouveau applicables. Par conséquent, les droits à acquitter peuvent être réduits de manière significative (dans l’exemple présenté ci-dessus, 15 155 euros de droit à acquitter dans le premier cas et 5 376 euros dans le second cas).

La règle du rapport fiscal souffre une exception. Les dons de sommes d’argent consentis en pleine propriété au profit d’un descendant en ligne directe ou, à défaut d’une telle descendance, d’un neveu ou d’un petit-neveu, qui sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit en vertu de l’article 790 G du code général des impôts, ne sont pas pris en compte au titre du rapport fiscal, quelle que soit la date du don. Ces dons sont limités à un montant actualisé chaque année, et qui s’élève en 2011 à 31 865 euros. Ils ne peuvent être effectués que par un donateur âgé de moins de 80 ans ou, lorsque le don est consenti à un enfant ou à un neveu ou une nièce, de moins de 65 ans, et le donataire doit être âgé de 18 ans révolus au jour de la transmission.

2.– Le retour au rapport fiscal décennal

Le I du présent article propose de rétablir la durée décennale du rapport fiscal, qui était celle appliquée avant le 1er janvier 2006, en modifiant en ce sens l’article 784 du code général des impôts.

Cette modification devrait avoir pour conséquence un surcroît de recettes pour plusieurs raisons. À titre principal, les héritiers d’une personne décédant entre six et dix ans après avoir procédé à une donation verront les droits de mutation à acquitter lors de la succession augmentés. De manière subsidiaire, le fait de ne pouvoir reconstituer les abattements sur les donations que par période de dix ans et non de six ans diminuera la capacité à transmettre au cours de la vie son patrimoine en franchise de droits de mutation, et garantira ainsi, au décès, que le patrimoine assujetti sera plus conséquent et les droits acquittés plus élevés. Enfin, en cas de donations successives dans un délai supérieur à six ans mais inférieur à dix ans, il faudra, au-delà de l’abattement applicable, acquitter des droits sur ces donations plus élevés.

L’exemple exposé ci-dessus des effets du rapport fiscal montre que l’augmentation de la durée du rapport fiscal est susceptible d’avoir des conséquences sur des patrimoines de contribuables non assujettis à l’ISF. De manière plus générale, pour un défunt ayant effectué une donation entre six et dix ans avant son décès à un ou plusieurs de ses enfants, il suffira que l’actif successoral transmis lors du décès s’élève à 175 257 euros par part pour que chaque euro transmis en franchise de droit lors de la donation soit taxé au taux de 20 %.

Toutefois, il convient de souligner que l’ensemble des donations qui auront été effectuées entre six et dix ans avant la date d’entrée en vigueur de la présente disposition (soit entre juillet 2001 et juillet 2005) l’auront été à une époque où le droit en vigueur prévoyait un rapport fiscal décennal.

Plus encore, les conséquences de ce rapport fiscal décennal concerneront à titre principal, sinon quasi-exclusif, les contribuables ayant les patrimoines les plus importants, le plus souvent assujettis à l’ISF. En effet, dans de nombreux cas, le relèvement important de l’abattement applicable à chaque héritier ou donataire, combiné à l’existence d’une donation en numéraire non rapportable, peut neutraliser l’effet de l’allongement de la durée du rapport fiscal.

Il est possible d’illustrer cela en reprenant un exemple que le Rapporteur général avait développé à l’occasion de l’examen des dispositions du projet de loi relatif au travail, à l’emploi et au pouvoir d’achat réduisant l’assiette des droits de mutation à titre gratuit (36).

Soit un couple marié sous le régime de la communauté légale, avec deux enfants, ayant un patrimoine composé d’un bien immobilier, d’une valeur de 800 000 euros, de 20 % des parts d’une société, d’une valeur de 400 000 euros, d’une résidence secondaire, d’une valeur de 200 000 euros, et de divers biens et participations représentant un actif de 100 000 euros. Son patrimoine total s’élève à 1,5 million d’euros.

Avec le régime actuel, les époux peuvent :

– effectuer une donation en nue-propriété de leur résidence principale, avant 61 ans. La valeur de la nue-propriété est alors de 400 000 euros (50 % de la valeur du bien). Chaque enfant recueille ainsi de chaque parent un actif d’une valeur de 100 000 euros. L’abattement de 159 325 euros permet à la donation d’être exonérée de droits ;

– au bout de sept ans, effectuer une donation du portefeuille de titres aux enfants. Les abattements étant reconstitués, la part taxable de chaque enfant est nulle (100 000 euros par parent et par enfant) ;

– huit ans après, le décès d’un des conjoints donne lieu à une répartition de 150 000 euros entre les héritiers (l’époux survivant opte pour le ¼ en pleine propriété), en franchise de droits ;

– cinq ans plus tard, le décès du deuxième conjoint donne lieu à la transmission de 187 500 euros d’actifs, également en franchise de droits.

Cet exemple d’un patrimoine de 1,5 million d’euros transmis en l’espace de vingt ans en franchise de droits dans le régime actuel peut être analysé à l’aune des modifications proposées par le présent article.

Pour prendre en compte la règle du report fiscal décennal, le couple pourrait faire le choix de ne procéder à la donation de son portefeuille qu’au bout de dix ans. Dans ce cas, il n’y a toujours pas de droits à acquitter lors de cette deuxième donation. Lors du décès du premier des conjoints, la donation de titres du portefeuille à hauteur de 100 000 euros par enfant doit être réintégrée car la durée entre donation et décès est inférieure à 10 ans. Chaque enfant héritant à ce moment de 56 250 euros, l’abattement de 159 325 euros permet de ne pas avoir à acquitter de droits. De même, lors du décès du conjoint, cet abattement joue à nouveau.

Si la donation du portefeuille est effectuée au bout de sept ans, en revanche, les nouvelles dispositions ont pour conséquence de fiscaliser une fraction de cette donation : celle au-dessus de 159 325 euros, soit 40 675 euros pour chaque enfant de la part de chaque parent. Les droits à acquitter s’élèvent par conséquent au total à 25 312 euros (6 328 euros pour la part donnée par chaque parent à chaque enfant) lors de cette deuxième donation. Par la suite, le décès du premier conjoint donne également lieu à un calcul avec réintégration, qui n’appelle toutefois l’acquittement d’aucun droit supplémentaire.

Ainsi, à comportement inchangé, un patrimoine de 1,5 million d’euros qui aurait été transmis en franchise de droits ferait l’objet de droits à hauteur de 25 312 euros. En adaptant le comportement à la modification des règles, le même couple serait toutefois à même de transmettre ce patrimoine à ses enfants sans avoir à acquitter de droits.

3.– La rectification décennale des donations antérieures

Le II du présent article a pour objet d’introduire dans le livre des procédures fiscales un nouvel article L. 186 bis, en vertu duquel les donations antérieures ajoutées à une donation ou à une déclaration de succession pourraient voir leur valeur rectifiée par l’administration, à seule fin de calculer les droits à acquitter au titre de la nouvelle donation ou de la succession.

En l’état actuel du droit, le délai de reprise de l’administration en matière de droits d’enregistrement est l’expiration de la troisième année suivant celle de l’enregistrement, ou, à défaut de révélation suffisante de l’exigibilité des droits, à l’expiration de la sixième année (en vertu de l’article L. 180 du livre des procédures fiscales). Ce délai de reprise coïncide avec le délai actuel du rapport fiscal des donations.

Ainsi, une donation effectuée cinq ans avant une nouvelle donation et qui aurait été sous-évaluée peut voir son montant rectifié. Cette rectification a deux conséquences : elle entraîne l’acquittement de nouveaux droits de mutation sur la donation antérieure ; elle a pour conséquence un calcul des droits à acquitter lors de la nouvelle donation effectué en prenant en compte la valeur rectifiée de la donation antérieure fiscalement rapportée.

L’objet de l’introduction du nouvel article L. 186 bis est d’éviter que le rapport fiscal décennal s’applique sans donner dans le même temps la possibilité à l’administration de pouvoir modifier l’évaluation des biens transmis entre six et dix ans avant la nouvelle donation ou le décès du donateur.

En revanche, le délai de reprise de l’administration demeure inchangé, et, par conséquent, le fait qu’une donation de plus de six ans soit réévaluée n’aura pas de conséquences sur les droits acquittés au titre de cette donation, mais uniquement au titre du calcul des droits à acquitter sur une nouvelle donation ou sur l’actif transmis lors du décès du donateur.

Par ailleurs, le Rapporteur général attire votre attention sur le fait que le présent article ne procède pas à trois coordinations avec le passage de six à dix ans du délai de rapport fiscal qui auraient pu sembler s’imposer et qui concernent respectivement :

– le dernier alinéa de l’article 776 A du code général des impôts, lequel prévoit que, lors de la réattribution à un petit-enfant, à l’occasion d’une donation-partage, d’un bien initialement transmis à un enfant lors d’une donation antérieure, les droits acquittés lors de la première donation sont imputés sur les droits dus à raison du même bien lors de la donation-partage dès lors que la première donation est intervenue moins de dix ans avant la donation-partage ;

– l’article 776 ter du code général des impôts, lequel prévoit que les donations-partage transgénérationnelles au profit des petits-enfants ne sont pas rapportés fiscalement dans la succession des enfants si elles ont eu lieu depuis moins de six ans ;

– le troisième alinéa de l’article 793 bis du code général des impôts, lequel prévoit que, pour l’appréciation de la limite de l’exonération à 75 % de la valeur des biens ruraux donnés en bail à long terme ou en bail cessible, il est tenu compte des donations de biens ruraux passées depuis moins de six ans.

Le paradoxe de cette absence de coordination tiendra au fait que les donations en question ne bénéficieront d’un traitement fiscal plus avantageux pendant les six premières années suivant la donation, puis moins avantageux de la sixième à la dixième année.

4.– Une entrée en vigueur immédiate

Les nouvelles dispositions relatives au rappel fiscal seront applicables aux successions ouvertes à compter de l’entrée en vigueur de la loi.

Elles seront de la même manière applicables aux donations enregistrées ou effectuées à compter de l’entrée en vigueur de la loi.

Elles seront également applicables aux donations antérieures à l’entrée en vigueur de la loi. En effet, les personnes ayant effectué, à la date d’entrée en vigueur de la loi, des donations entre la dixième et la sixième année précédant cette date, seront susceptibles de se voir appliquer le rappel fiscal si leur décès intervient avant l’échéance du délai décennal ou si elles procèdent à de nouvelles donations au profit des mêmes donataires avant l’échéance de ce délai décennal.

Ainsi, la mesure devrait se traduire par des recettes dès l’année 2011, pour un montant réduit, de l’ordre de 18 millions d’euros (car ne concernant que les donations), puis par des recettes annuelles à hauteur de 450 millions d’euros par an.

L’essentiel de ces recettes, à hauteur de 410 millions d’euros, devrait provenir des donations antérieures de moins de dix ans et de plus de six ans rapportées à la succession. Ces donations représentaient, d’après une enquête de 2000, 2,6 % de l’actif successoral transmis. Compte tenu du montant moyen de l’actif transmis pour les successions en question, la réintégration des donations antérieures de moins de dix ans et de plus de six ans devrait conduire à une taxation marginale supplémentaire au taux de 20 %. Ce taux marginal de taxation des donations de six à dix ans rapportées est assez hypothétique, dans la mesure où il repose sur un montant moyen transmis qui ne tient compte ni du degré de parenté entre donateur et donataire ni du nombre d’héritiers du donateur. Appliqué à un montant supplémentaire rapporté évalué à 1,593 milliard d’euros, le produit de ce rapport fiscal devrait être, par l’application du taux de 20 %, de l’ordre de 319 millions d’euros, sur la base des données 2007. L’actualisation des données 2007 conduit à un chiffrage à 410 millions d’euros.

Par ailleurs, le chiffrage de la recette annuelle supplémentaire concernant les donations a été fixé forfaitairement à 10 % du rendement de la recette concernant les successions par le Gouvernement. Il s’agit là d’une hypothèse incertaine (37).

La Commission est saisie en discussion commune des amendements CF 29, CF 27 et CF 28 du président Jérôme Cahuzac, de l’amendement CF 175 du rapporteur général et de l’amendement CF 16 de M. Louis Giscard d’Estaing.

M. le président Jérôme Cahuzac. L’amendement CF 29 vise à supprimer le délai de rappel des donations, que la loi de finances 2006 avait abaissé de dix à six ans – l’actuelle réforme proposant de rétablir les dix ans. Le patrimoine médian des Français est de 100 000 euros : la moitié des foyers ont donc moins. Or, le régime actuel autorise un don de presque 160 000 euros par enfant et par parent en franchise d’impôt tous les six ans ! Il me semble qu’une seule donation en franchise d’impôt suffit pour toute la vie.

M. le rapporteur général. En proposant de rétablir le délai de dix ans entre deux donations exonérées d’impôt, le Gouvernement opère un retour aux sources : le rapporteur général de la loi de finances pour 1992, Alain Richard, avait soutenu cette disposition en soulignant qu’elle stimulerait les donations anticipées dans un contexte de vieillissement de la population.

M. le président Jérôme Cahuzac. Depuis, la situation de nos finances publiques s’est considérablement dégradée ! Lors de la discussion en séance publique, nous nous inquiéterons d’ailleurs des gains que la majorité espère retirer de cet allongement du délai.

M. Charles de Courson. Comment vont se comporter nos concitoyens après cette modification ? Je suis très dubitatif sur l’estimation gouvernementale.

M. le rapporteur général. Elle est faite à comportement constant.

M. Charles de Courson. Mais il n’est pas du tout sûr que ceux qui utilisaient le dispositif vont tout simplement attendre dix ans au lieu de six, puis reprendre comme avant ! Quoi qu’il en soit, la proposition du Gouvernement est raisonnable. On ne peut pas porter le délai à quinze ans, comme le propose un amendement de M. Cahuzac, pour la simple raison que nous avons tous, à gauche comme à droite, le souci de favoriser les donations face au vieillissement de la population. En revanche, le délai n’aurait jamais dû être abaissé à six ans : cela veut dire qu’à 24 ans, un enfant peut avoir reçu sans droits 600 000 euros de chacun de ses parents ! Revenons-en donc à dix ans. Reste le problème de la rétroactivité.

M. le rapporteur général. Il y a un amendement à ce sujet.

M. Jean-Pierre Brard. J’espère bien que cela va être rétroactif, puisqu’il s’agit de corriger une injustice ! Je soutiens l’amendement CF 29. Mais remonter en 1992, c’est aussi rappeler la dérouillée qui s’ensuivit pour la gauche en 1993…

M. le président Jérôme Cahuzac. L’amendement CF 27 est un amendement de repli : il vise à porter le délai à quinze ans. Enfin, le CF 28 concerne la rétroactivité. Depuis l’annonce par le Gouvernement de l’allongement du délai de reprise, les donateurs et les donataires affluent dans les études notariales pour profiter du régime actuel. Je suggère donc, sauf à créer un considérable effet d’aubaine, que le nouveau délai entre en vigueur à la date de l’annonce, soit le 1er mars, plutôt qu’à celle de la promulgation de la loi. Je comprends les problèmes de rétroactivité qui se posent, mais une telle décision a déjà été prise pour la déductibilité des intérêts d’emprunt pour l’achat de la résidence principale par exemple, ou pour certaines mesures relatives à l’assurance vie. La préservation des recettes publiques espérées de cette mesure le commande.

M. le rapporteur général. Je suis défavorable à ces trois amendements, le dernier soulevant en effet un problème de rétroactivité.

Le rendement annuel de cette mesure budgétaire, estimé à plus de 400 millions d’euros, tiendra moins aux donations qu’aux successions : on dénombre quelque 800 000 décès par an, dont seulement 30 000 seront concernés par l’allongement du rapport fiscal. Dans l’état actuel du droit, les donations ne sont pas rapportées à la succession lorsqu’elles datent de plus de six ans. Autant je suis favorable à ce qu’on porte ce délai à dix ans pour les donations à venir, autant il me paraîtrait anormal de modifier brutalement les règles du jeu pour les personnes qui ont effectué une donation en pensant que celle-ci ne serait pas rapportée à leur succession si elles venaient à mourir plus de six ans après. L’amendement CF 28 aggraverait encore la situation. Je propose, pour ma part, par l’amendement CF 175 de lisser les effets du retour à un délai de reprise de dix ans grâce à un abattement progressif en fonction de l’ancienneté de la donation entre la sixième et la dixième année, comme l’a suggéré le conseil supérieur du notariat. C’est une solution intermédiaire par rapport à l’amendement CF 16 de notre collègue Louis Giscard d’Estaing. Le mien évite tout effet de couperet en s’appliquant à toutes les donations datant de moins de dix ans, quelle que soit la date à laquelle elles ont été consenties.

Monsieur de Courson, les recettes escomptées sont incertaines. En effet, on a, encore une fois, raisonné à comportement constant. Or, en matière de donations, le contribuable adapte son comportement en fonction des règles. Avec le dispositif d’abattement progressif que je propose, la mesure ne rapporterait plus qu’environ 200 millions d’euros par an pendant ses six premières années d’application. Les 200 millions restants seraient en revanche, eux, financés de manière plus sûre par le relèvement à 2,2 % du droit de partage, lequel a été considérablement abaissé ces vingt dernières années, pour n’être plus aujourd’hui que de 1,1 %.

Lorsque vous dites que nous n’aurions pas dû ramener le délai de dix à six ans, vous avez à la fois tort et raison. Le délai de reprise avait été abaissé alors que l’abattement en ligne directe était maintenu à 50 000 euros. Dès lors que celui-ci était porté à 150 000 euros dans la loi TEPA, il aurait fallu revenir à un délai de dix ans. Nous prenons aujourd’hui la mesure équilibrée qui aurait dû être prise alors. Un couple avec deux enfants peut aujourd’hui donner en franchise de droits 600 000 euros tous les six ans, ce qui est beaucoup.

M. le président Jérôme Cahuzac. Ces arguments avaient été avancés lors du débat sur la loi TEPA.

Lorsqu’en 2006, le délai de reprise avait été ramené de dix à six ans, la mesure ne devait coûter que 40 millions d’euros. Je comprends donc mal comment la mesure inverse aujourd’hui proposée pourrait rapporter 450 millions d’euros, comme l’assure le ministère – ou même seulement la moitié, si l’amendement du rapporteur général est adopté. La recette me paraît très aléatoire, alors même que c’est elle qui doit, pour l’essentiel, si l’on excepte la suppression du bouclier fiscal, financer la réforme de l’ISF.

M. le rapporteur général. En 2006, le chiffrage avait été réalisé sur la base d’un abattement de 50 000 euros par part. Par ailleurs, en matière de donations, la modification des règles influe sur les comportements : il y a eu plus de donations que prévu. C’est d’ailleurs ce qui doit inviter à la prudence et m’amène à proposer de substituer pour moitié à cette recette incertaine, une recette, elle, totalement sécurisée.

M. Charles de Courson. C’est la suppression des réductions de droits de donation liées à l’âge du donateur prévue à l’article 4 qui risque de modifier le plus les comportements. Cette très mauvaise mesure non seulement ne rapportera rien mais coûtera même dans un premier temps. Si les donateurs ne sont plus incités par des abattements sur les droits à faire plus tôt une donation
– l’abattement est aujourd’hui de 30 % s’ils ont moins de 80 ans et de 40 % s’ils ont moins de 70 ans –, le nombre des donations va s’effondrer. Chacun sait comment on persuade les personnes âgées de transmettre de façon anticipée une partie de leurs biens…

M. Christian Eckert. J’entends bien, monsieur le rapporteur général, qu’en 2006, le chiffrage avait été réalisé sur la base d’un abattement de 50 000 euros, lequel a été par la suite triplé. Il n’en reste pas moins que la recette aujourd’hui espérée est dix fois supérieure, et non pas trois fois seulement, au coût de la mesure annoncé alors.

J’entends bien également que les règles influencent les comportements. Mais pour faire une donation, encore faut-il en avoir les moyens et une personne qui pouvait donner 50 000 euros tous les dix ou six ans ne peut pas nécessairement en donner 150 000 au même rythme. La plupart des donations possibles ont donc eu lieu et leur nombre va nécessairement diminuer. Cent cinquante mille euros, c’est plutôt un plafond qu’un plancher.

M. le rapporteur général. L’essentiel de ce que rapportera la mesure tient aux successions qui ne sont pas, elles, susceptibles d’être « programmées ». Les gains escomptés proviendront de celles intervenant alors que la personne décédée aura fait une donation entre six et dix ans avant son décès.

M. Louis Giscard d'Estaing. Je proposais par mon amendement CF 16 que les nouvelles dispositions ne soient pas applicables aux donations consenties entre le 28 septembre 2005 et le 11 mai 2011. En effet, le contribuable prend une décision éclairée en fonction des règles fiscales en vigueur au moment de sa décision. Si l’on modifie de manière rétroactive les règles du jeu, on remet en question les conditions dans lesquelles il a pris sa décision. Or, la bonne information du contribuable est un principe de notre droit fiscal. D’un autre côté, je rejoins la préoccupation du président de la commission d’éviter tout effet d’aubaine. D’où ma proposition.

M. le rapporteur général. Je vous suivrais volontiers pour ce qui est des donations. Le raisonnement serait en revanche très difficile à tenir dans le cas des successions, desquelles on attend pourtant l’essentiel des recettes.

M. Louis Giscard d'Estaing. Mon amendement ne concerne que les donations.

M. le rapporteur général. On est contraint de traiter des deux ensemble, les donations étant rapportées à la succession. Et dès lors que l’on traite des successions, il serait très délicat d’instituer deux régimes différents selon le régime sous lequel auraient été faites d’éventuelles donations antérieures.

M. le président Jérôme Cahuzac. J’entends l’argument de la rétroactivité. Mais que je sache, le délai de reprise des donations ne préjuge en rien de la durée de survie des donateurs après leur donation ! Invoquer l’argument de la rétroactivité, ce serait supposer qu’au moment où la donation est effectuée, la survie est également programmée !

M. Louis Giscard d'Estaing. Le moment auquel interviendra une succession est par nature imprévisible.

M. le président Jérôme Cahuzac. Il est pour moi très important que les dispositions prises soient applicables aux donations consenties à compter du 1er mars 2011. Il risque sinon d’y avoir un considérable effet d’aubaine : des données objectives en attestent d’ailleurs déjà. Nos concitoyens ont parfaitement compris de quoi il retournait. Les recettes escomptées, déjà surévaluées parce qu’on a raisonné à comportement constant, risquent bien de n’être pas au rendez-vous. Il nuirait à la majorité de laisser penser que la réforme n’est pas financée et il serait dommageable pour tous que celle-ci ne le soit pas, car il faudrait que l’État s’endette encore.

M. le rapporteur général. Je l’ai dit, je suis défavorable à vos trois amendements, monsieur le président, en particulier au CF 28. Une donation ne s’improvise pas. Je souhaitais même initialement déposer un amendement prévoyant que les nouvelles mesures ne s’appliquent qu’au 1er octobre, afin de laisser aux donateurs le temps de la réflexion. J’y ai finalement renoncé. Mais en tout état de cause, il ne me paraît pas possible de faire remonter l’application des mesures jusqu’à mars. Ce que nos concitoyens détestent le plus en matière fiscale, c’est la rétroactivité.

Pour le reste, j’apprécie que notre collègue Giscard d’Estaing se soit associé à mon amendement CF 175.

La Commission rejette successivement les amendements CF 29, CF 27 et CF 28. Puis elle adopte l’amendement CF 175 (amendement n° 1238), en conséquence de quoi l’amendement CF 16 tombe.

La Commission adopte l’article 3 ainsi modifié.

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* *

Article 4

Suppression des réductions de droits de donation liées
à l’âge du donateur

Texte du projet de loi :

I.– L’article 790 du code général des impôts est abrogé.

II.– La seconde phrase du second alinéa du i de l'article 787 B et le second alinéa du d de l'article 787 C du même code sont supprimés.

Exposé des motifs du projet de loi :

L’article 790 du code général des impôts (CGI) prévoit en faveur des donations des réductions des droits de mutation à titre gratuit exigibles qui sont variables en fonction de l’âge du donateur et de la nature des droits transmis, sans considération du lien de parenté entre le donateur et le donataire.

Or, ces dernières années, les transmissions de patrimoine entre vifs ont bénéficié de nombreux allègements de droits qui ont permis d’exonérer un grand nombre d’entre elles. Ainsi, les abattements d’assiette applicables aux donations, notamment en ligne directe, ont été fortement relevés.

Le présent article propose de supprimer les réductions de droits applicables aux donations, devenues inutiles pour encourager les donations, compte tenu de la présence d’autres mesures soutenant déjà une transmission anticipée du patrimoine.

Cette mesure vise à assurer l’équilibre financier de la réforme de la fiscalité du patrimoine.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article vise à supprimer les dispositions ayant pour objet de réduire le montant des droits à acquitter lors d’une donation, en fonction de l’âge du donateur.

1.– La construction progressive du régime des réductions de droit sous condition d’âge du donateur

Les dispositions législatives visant à réduire les droits à acquitter lors d’une donation selon l’âge du donateur ont été introduites par le législateur afin de favoriser une transmission anticipée du patrimoine.

Dans un premier temps, dès 1976, le législateur avait introduit une mesure de réduction de droits limitée aux donations-partages : ces dernières étaient susceptibles de bénéficier d’une réduction de droit, de 25 % si le donateur était âgé de moins de 65 ans et de 15 % lorsqu’il avait de 65 à moins de 75 ans.

Par la suite, la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier avait étendu le bénéfice de ce régime à l’ensemble des donations, en prévoyant des taux de réduction différenciés selon la nature de la donation ainsi que selon l’âge du donateur (respectivement 35 % en-deçà de 65 ans et 25 % de 65 à 75 ans pour les donations-partages et celles en faveur d’un enfant unique ; 25 % en-deçà de 65 ans et 15 % de 65 à 75 ans pour les autres donations). Elle avait également prévu des mesures transitoires appliquant le régime des donations avant 65 ans aux donations effectuées entre 65 et 75 ans. Lors de la discussion parlementaire, il avait été envisagé, à l’Assemblée nationale, d’instaurer une mesure de réduction de droits de mutation à titre gratuit pour les seules transmissions d’entreprise. L’examen au Sénat du projet de loi avait conduit le législateur à choisir de préférence une mesure générale de réduction de droits, sans distinguer selon la nature des biens. Comme l’avait expliqué M. Alain Lambert, rapporteur au Sénat : « Il s’agit de faciliter la transmission anticipée du patrimoine, avec un double objectif : apporter au problème de la transmission des entreprises une réponse […] et inciter à une nouvelle répartition du patrimoine entre les générations » (38).

La loi de finances pour 1999 a supprimé les distinctions selon la nature des donations et élevé les taux de réduction des droits à 50 % lorsque le donateur a moins de 65 ans et à 30 % lorsqu’il est âgé de 65 à moins de 75 ans et prévu des mesures transitoires pour les personnes de 75 ans et plus.

La loi de finances pour 2004 a introduit une nouvelle distinction relative aux taux applicables, selon que la donation est en pleine propriété, en usufruit ou en nue-propriété. Elle a également prévu un dispositif temporaire de réduction de 50 % des droits en matière de donations consenties en pleine propriété, quel que soit l’âge du donateur, dispositif temporaire prolongé jusqu’au 31 décembre 2005 par la loi de finances pour 2005.

Enfin, la loi de finances pour 2006 a porté les limites d’âge rendant applicables la réduction de 65 à 70 ans et de 75 à 80 ans.

Ainsi, l’article 790 du code général des impôts, dans sa rédaction actuelle, prévoit que les droits de mutation à titre gratuit qui doivent être acquittés lors d’une donation peuvent être réduits à hauteur de :

– de 50 % en deçà de soixante-dix ans et de 30 % entre soixante-dix et quatre-vingts ans pour une donation en pleine propriété ou une donation d’usufruit ;

– de 35 % en deçà de soixante-dix ans et 10 % entre soixante-dix et quatre-vingts ans pour une donation avec réserve d’usufruit.

2.– L’abrogation de la réduction de droits

En vertu du I, il est proposé d’abroger les dispositions figurant à l’article 790 du code général des impôts.

Au II du présent article, il est prévu, par coordination, de supprimer les références aux dispositions de cet article qui figurent au second alinéa du i de l’article 787 B et au second alinéa du d de l’article 787 C du code précité.

D’après les informations figurant dans l’évaluation préalable, le bénéfice de la disposition abrogée concerne chaque année environ 10 000 donateurs de moins de 70 ans (pour un peu moins de 15 000 bénéficiaires) et 6 300 donateurs de 70 à 80 ans (pour un peu plus de 8 300 bénéficiaires).

Ces dispositions ont eu un effet incitatif certain sur les donations entre vifs. L’argument avancé pour justifier la suppression de ce type de réductions est que de telles dispositions n’ont plus la même nécessité depuis que le montant des abattements d’assiette applicables aux donations comme aux transmissions par décès a été significativement relevé (et est actualisé chaque année) par la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat.

Le Rapporteur général tient toutefois à souligner que le dispositif général de réduction sur les droits de donation lié à l’âge du donateur avait été conçu, en 1996, pour répondre spécifiquement à la problématique de la transmission d’entreprise.

Par la suite, la transmission d’entreprise a été facilitée par les engagements collectifs de conservation (articles 787 B et 787 C du code général des impôts), institués par l’article 11 de la loi de finances pour 2000, qui permettent une exonération de droits de mutation à titre gratuit à concurrence d’une fraction de la valeur des parts ou actions transmises dès lors que les critères de l’engagement collectif de conservation sont respectés. Le dispositif, d’abord limité aux successions, a été étendu aux donations en pleine propriété par la loi du 1er août 2003 sur l’initiative économique. La fraction exonérée, d’abord fixée à 50 % de la valeur des parts, a été portée à 75 % de leur valeur par la loi du 2 août 2005 en faveur des PME. Dans le même temps, la loi du 2 août 2005 a élargi le bénéfice de l’exonération, d’abord réservée aux transmissions par décès ou en pleine propriété entre vifs, aux transmissions démembrées. L’exonération n’est toutefois pas cumulable avec la disposition relative aux réductions de droits pour conditions d’âge du donateur lorsqu’il s’agit d’une donation avec réserve d’usufruit.

Si l’engagement collectif de conservation demeure, et s’il est même proposé d’en améliorer le fonctionnement à l’article 5 du présent projet de loi, en revanche, il ne sera plus possible de cumuler le bénéfice de l’exonération liée à cet engagement de conservation et le bénéfice de la réduction des droits pour donation sous condition d’âge. Le coût de la transmission d’entreprise en sera dans certains cas significativement alourdi.

Soit un chef d’entreprise, dont la valeur des parts détenues dans l’entreprise s’élève à 15 millions d’euros, sous forme de biens propres, et qui souhaite les transmettre à ses deux héritiers directs par une donation en pleine propriété avant 70 ans.

Ce chef d’entreprise peut aujourd’hui, en concluant un pacte de conservation avec ses deux enfants, réduire la valeur sur laquelle les droits de donation sont assis. Les droits à acquitter sont assis sur une valeur de 3,75 millions d’euros (25 % de la valeur des titres transmis). Les droits à acquitter étant réduits de moitié, en raison de l’âge du donateur, l’ensemble des droits acquittés lors de la donation aux deux enfants s’élèvent alors à 498 306 euros (en l’état actuel des taux du barème de la transmission en ligne directe). Après l’entrée en vigueur du présent article, les droits à acquitter pour une telle donation s’élèveront à 996 612 euros.

En revanche, si le chef d’entreprise procède à une donation en nue-propriété avant 70 ans, en concluant un pacte de conservation, ces droits sont assis sur une valeur de 2,25 millions d’euros (60 % de la valeur en pleine propriété de 25 % de la valeur des titres transmis). Ils s’élèvent donc à 471 612 euros, et ils ne peuvent être réduits du fait de l’âge du donateur car la mesure de réduction liée à l’engagement de conservation est exclusive de la réduction de droits sous condition d’âge. Après l’entrée en vigueur du présent article, leur montant demeurera inchangé.

Par conséquent, il est possible qu’un effet indirect de l’abrogation de l’article 790 du code général des impôts soit une incitation plus forte à procéder à des donations en nue-propriété des entreprises.

Cette abrogation serait applicable aux donations consenties à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi. Il ne serait guère opportun de supprimer rétroactivement cet avantage fiscal.

Les recettes attendues de cette nouvelle disposition sont évaluées par le Gouvernement à 130 millions d’euros en 2011 puis à 290 millions d’euros à compter de 2012. Ces évaluations sont en ligne avec le chiffrage du coût de la disposition qui figurait, jusqu’en 2008, dans les Voies et moyens annexés aux projets de loi de finance initiale.

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La Commission est saisie de l'amendement de suppression CF 98 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le Gouvernement évalue à 290 millions d’euros le montant des recettes fiscales qui seraient générées en année pleine par la suppression des réductions de droits de donation liées à l’âge du donateur. Mais c’est faux : on n’aura pas un sou de plus, car les personnes âgées vont différer leurs donations. Dans un premier temps, les recettes vont donc chuter, avant d’augmenter à nouveau.

Par ailleurs, face au vieillissement de la population, il convient d’encourager les personnes âgées à transmettre leur patrimoine avant l’âge de 90 ans. C’est l’équilibre de la société qui est en jeu.

Il ne s’agit donc pas d’une bonne mesure. La suppression des réductions de droits liées à l’âge serait une double erreur, d’un point de vue sociétal et d’un point de vue budgétaire.

En outre, le gain escompté n’est pas celui indiqué par le Gouvernement. Chaque année, environ 10 000 personnes de moins de 70 ans et 6 000 personnes âgées de 70 à 80 ans font une donation. Le coût des abattements dont elles bénéficient est respectivement de 160 millions et de 33 millions d’euros. Même en supposant que leur suppression entraînerait un surcroît de recettes équivalent, nous sommes bien éloignés des 290 millions d’euros annoncés.

Enfin, cette mesure risque d’inciter les chefs d’entreprise à différer la transmission de leur patrimoine. Or chacun sait qu’on est moins dynamique à mesure que l’on prend de l’âge. C’est pourquoi des organismes comme la CGPME et le patronat nous mettent en garde : cette disposition est antiéconomique.

Il convient donc de supprimer l’article 4 et de rechercher une recette de substitution pour compléter le financement de la réforme.

M. Pierre-Alain Muet. Ce qu’il aurait mieux valu supprimer, ce sont toutes les autres sources d’optimisation fiscale liées aux donations, ainsi que la possibilité d’en effectuer de manière répétée, jusqu’à s’exonérer du paiement de tout droit sur la transmission de son patrimoine. Les réductions des droits de donation liées à l’âge constituent la seule mesure qu’il aurait fallu conserver : elles ont un sens, car elles favorisent une transmission anticipée. Bref, il ne paraît pas souhaitable de conserver à la fois le bénéfice de ces abattements et la possibilité d’effectuer une donation tous les dix ans.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Le raisonnement tenu par M. Charles de Courson aurait été valable avant 2007. Mais, même compte tenu de l’allongement du délai du rapport fiscal de six à dix ans, l’existence d’un abattement de 159 000 euros par part est une incitation suffisante à effectuer des donations de façon relativement précoce.

Les mesures d’âge ont été introduites en 1996 à l’initiative de mon prédécesseur, Philippe Auberger. Mais à l’origine, son amendement ne concernait que les transmissions d’entreprise. C’est au Sénat, à l’initiative d’Alain Lambert, que le dispositif a été étendu à toutes les donations. Or les donations les plus importantes, celles qui excèdent le montant très généreux des abattements applicables, concernent presque toujours la transmission d’entreprise, que nous devons continuer à favoriser. C’est pourquoi je propose un amendement – le CF 176 – réservant les réductions de droits liées à l’âge à un seul cas, celui de la transmission en pleine propriété d’une entreprise. Cette disposition devrait vous donner satisfaction.

M. Charles de Courson. La transmission en nue-propriété n’est pas concernée ?

M. le rapporteur général. Non, parce qu’elle bénéficie d’un abattement sur la valeur lié au démembrement de la propriété, dont le barème a d’ailleurs été révisé à l’initiative d’Alain Lambert – cette fois-ci ministre du budget – pour tenir compte de l’allongement de la durée de vie.

M. Charles de Courson. Sur le fond, nous n’avons pas de divergence fondamentale avec le rapporteur général, qui voit bien le caractère intenable de la position radicale du Gouvernement. Peut-être compte-t-il sur les sénateurs pour refaire le coup de 1996 et étendre à nouveau les mesures d’âge à l’ensemble des donations… C’est en tout cas ce qui risque d’arriver, car il est difficile de n’appliquer le dispositif qu’à une partie du patrimoine seulement, celle composée de la propriété d’une entreprise.

Par ailleurs, sur les 10 000 donations effectuées chaque année par un donateur de moins de 70 ans, 6 500 sont en pleine propriété et 3 500 en nue-propriété. Lorsque le donateur a entre 70 et 80 ans, elles sont respectivement 3 200 et 3 100. Compte tenu de la multiplicité des situations, il me paraîtrait préférable d’appliquer la réduction des droits dans les deux cas, afin de permettre aux donateurs de choisir entre nue et pleine propriété. Cela étant, je maintiens que la meilleure solution consiste en la suppression de l’article 4 : votre amendement, monsieur le rapporteur général, n’est qu’une solution de repli.

M. le rapporteur général. Il est au contraire très logique et suit un des fils directeurs de notre travail, celui qui consiste à favoriser la transmission d’entreprise.

Aujourd’hui, lorsque seule la nue-propriété d’une entreprise est transmise, il n’est pas possible de cumuler l’engagement de conservation permettant une réduction de l’assiette – c’est-à-dire le pacte Dutreil – et les mesures d’âge. Dès lors, il est normal que mon amendement ne prévoie qu’un seul cas, celui de la transmission en pleine propriété.

M. Charles de Courson. On peut cependant cumuler le bénéfice des deux mesures en transmettant en pleine propriété.

M. le rapporteur général. Oui : le pacte Dutreil et la réduction due à l’âge prévue en cas de transmission en pleine propriété.

M. Charles de Courson. Quoi qu’il en soit, le compromis que vous proposez ne me semble pas tenable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l'amendement CF 176 du rapporteur général (amendement n° 1239).

Elle adopte enfin l’article 4 ainsi modifié.

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Article additionnel après l’article 4

Obligation de révéler les dons manuels et imposition de ces dons sur leur valeur au jour de leur déclaration

La Commission examine l'amendement CF 177 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Les dons manuels qui ne sont pas révélés échappent à toute fiscalisation. Et quand ils le sont, leur révélation au moment de la succession peut provoquer la zizanie dans la famille. Une difficulté peut par exemple survenir quand le don a bénéficié aux petits-enfants du donateur, car ces derniers ne sont pas partie prenante à la succession. Enfin, les dons manuels peuvent constituer un moyen d’évasion fiscale.

Cet amendement, issu d’une audition de représentants du Conseil supérieur du notariat, a pour objectif d’inciter à une révélation précoce des dons manuels. Le paiement des droits serait calculé en prenant pour base la valeur du don, non pas au moment où il est effectué, mais au moment où il est révélé. Si la révélation a lieu au moment de la succession – parfois plusieurs décennies après le don lui-même –, le montant des droits sera calculé à partir de la valeur acquise à ce moment par le bien résultant du don.

M. Richard Dell’Agnola. Il s’agit bien de ne réévaluer que les dons qui n’auront pas été déjà taxés ?

M. le rapporteur général. En effet. Prenons l’exemple d’une succession au bénéfice de deux enfants, dont l’un a reçu il y a vingt ans un don manuel d’un million de francs qui lui a permis d’acheter un appartement à Paris et qui n’a pas été révélé. Alors que l’appartement vaut désormais beaucoup plus cher, au moment du règlement de la succession ce don ne sera, en l’état du droit, taxé qu’à hauteur de sa valeur initiale. Cet amendement est donc destiné à limiter une forme d’évasion fiscale.

M. le président Jérôme Cahuzac. L’exemple donné par les notaires lors de leur audition ne concernait pas l’achat d’un appartement, mais la transmission d’une entreprise, et portait sur des sommes beaucoup plus élevées. Les notaires nous ont clairement indiqué que de telles pratiques revenaient à faire s’évaporer une part considérable de l’assiette des droits de mutation à titre gratuit. Ils ont beaucoup insisté sur la nécessité de corriger ce problème. L’amendement proposé par le rapporteur général paraît de nature à répondre à leur préoccupation.

M. le rapporteur général. Il convient de préciser un point essentiel : la mesure relative à la valeur du don manuel révélé prise en compte pour le paiement des droits de mutation ne sera pas rétroactive, mais s’appliquera aux dons effectués à compter de l’entrée en vigueur de la loi.

M. le président Jérôme Cahuzac. Il serait dommage, en effet, d’empêcher la bonne conclusion d’un acte évident de dissimulation fiscale pratiquée dans le passé…

M. le rapporteur général. La non-rétroactivité me semble constituer un principe majeur, et nos concitoyens ne comprendraient pas que l’on y déroge.

M. le président Jérôme Cahuzac. Mais ceux qui ont recours à de telles pratiques savent parfaitement ce qu’ils font.

M. Jean-Yves Cousin. Je sais, pour l’avoir vécu professionnellement, que les dons manuels peuvent être à l’origine de situations dramatiques. Nous devons absolument inciter les personnes concernées à les déclarer. C’est pourquoi cet amendement constitue une excellente initiative.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 1240).

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Après l’article 4

La Commission examine les amendements identiques CF 37 de M. Jean-Marie Binetruy et CF 91 de M. Charles de Courson.

M. Jean-Marie Binetruy. L’allégement de l’ISF résultant du présent projet de loi est principalement compensé par un alourdissement des droits de mutation à titre gratuit, une évolution qui porte préjudice à la transmission familiale des exploitations agricoles. En effet, le patrimoine composant ces entreprises se situe généralement hors du champ de l’ISF, puisqu’il s’agit de biens professionnels, alors que la transmission à titre gratuit est soumise aux droits de mutation. De plus, en application de l’article 793 bis du code général des impôts, le dispositif instituant une exonération de 75 % sur la valeur taxable des biens professionnels ne s’applique, dans le cas des biens ruraux loués à long terme, que dans la limite de 101 897 euros qui, compte tenu du prix du foncier, peut être facilement atteinte. Au-delà, l’abattement n’est plus que de 50 %. Je propose donc d’aligner le régime applicable à ces biens sur celui prévu pour les transmissions d’entreprises, en ne plafonnant pas l’abattement de 75 %.

M. le rapporteur général. Je suis défavorable à cet amendement. L’abattement sur les biens ruraux donnés à bail à long terme fait bénéficier chaque année 40 000 contribuables d’un allégement d’ISF de 28 millions d’euros, pour une base de 3,5 milliards d’euros. Pour ce qui est des droits de mutation, 1 600 ménages bénéficient chaque année d’un avantage fiscal d’un coût de 25 millions d’euros. Les biens ruraux exonérés à 75 % de l’ISF pour 2010 représentent plus de la moitié de la valeur des biens ruraux des contribuables intéressés.

La suppression du plafonnement de l’abattement de 75 % sur la valeur des biens ruraux que propose M. Binetruy n’avantagerait que les très gros patrimoines. Aujourd’hui, la part de biens exonérés à 75 % est d’autant plus élevée que le patrimoine est peu élevé. L’exonération à 75 % concerne en effet 61,3 % de la valeur des biens ruraux des 16 491 bénéficiaires qui se situent dans la première tranche de l’ISF, contre 26 % pour les 212 qui se situent dans la dernière tranche.

M. Charles de Courson. Mon amendement est identique.

Une autre manière de résoudre le problème de la transmission des patrimoines fonciers, qui génèrent peu de rentabilité, consiste à relever le seuil de 101 897 euros, qui n’a pas été réactualisé depuis très longtemps. Dans ma circonscription, par exemple, où la valeur du terrain est de l’ordre de 8 000 à 10 000 euros à l’hectare, 12 hectares suffisent pour atteindre le plafond de l’abattement à 75 %.

M. le rapporteur général. Ce seuil est actualisé dans la même proportion que la première tranche de l’impôt sur le revenu mais seulement depuis la loi de finances rectificative pour 2008. L’actualisation est ainsi liée à l’inflation, et non à la valeur des terres, laquelle est du reste très variable selon les régions. Je suggère ainsi aux auteurs des amendements de proposer, dans le cadre de l’article 88, un réhaussement du seuil.

M. Jean-Marie Binetruy. Je retire donc l’amendement CF 37, au profit d’un amendement sur lequel je suis tout disposé à travailler avec M. de Courson et que je suis prêt à cosigner avec lui.

M. Charles de Courson. Dans le même esprit, je retire également l’amendement CF 91.

Les amendements CF 37 et CF 91 sont retirés.

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Article additionnel après l’article 4

Modification de l’imposition des produits d’assurance-vie transmis au décès du souscripteur

La Commission est saisie des amendements CF 178 du rapporteur général, CF 23 du président, CF 130 de M. Pierre-Alain Muet et CF 120 de M. Olivier Carré, qui peuvent faire l’objet d’une discussion commune.

M. le rapporteur général. Mon amendement tend à assurer une meilleure cohérence entre les droits de succession pesant sur l’assurance-vie et la majoration de 5 % des droits appliqués aux grosses successions. De fait, le groupe de travail que nous avons constitué envisageait, au début de sa réflexion, de faire peser sur l’assurance-vie l’essentiel du financement de la réforme de l’ISF, mais le texte que nous examinons aujourd’hui ne lui demande plus aucun effort. Alors que les taux des deux tranches supérieures d’imposition aux droits de mutation à titre gratuit en ligne directe vont passer de 35 % et 40 % à 40 % et 45 %, l’assurance-vie bénéficie, en sus de l’abattement de droit commun applicable aux successions, d’un abattement spécifique de 152 500 euros par bénéficiaire, avant de se voir appliquer un taux d’imposition de 20 %. L’augmentation des droits de succession a donc pour effet d’accroître l’avantage relatif, déjà considérable, de l’assurance-vie. L’amendement propose une modeste correction à cette dissymétrie, en portant le taux de 20 % à 25 %.

M. le président Jérôme Cahuzac. L’assurance-vie a la double finalité de financer les entreprises sur le long terme et la dette de l’État sur le court, le moyen et le long terme – ce qui explique que l’idée, envisagée un temps, de taxer les « plus-values latentes » de l’assurance-vie ait été abandonnée à juste titre. Les avantages fiscaux des produits d’assurance-vie demeurent acquis au terme d’une certaine durée de détention – que je proposerai du reste d’allonger dans un amendement ultérieur.

L’amendement CF 23 tend à banaliser le barème des droits de mutation à titre gratuit en l’appliquant aux produits d’assurance-vie. En quoi en effet un taux spécifique encouragerait-il la collecte et permettrait-il aux produits d’assurance-vie de mieux répondre aux deux finalités que je viens d’évoquer ?

L’effort supplémentaire de 5 points que propose l’amendement CF 178 du rapporteur général est mineur. De fait, l’objectif devrait être d’encourager plutôt la détention des produits d’assurance-vie que leur transmission, laquelle n’a aucun effet sur l’économie.

M. le rapporteur général. Pour paraphraser ce que l’on disait jadis de l’emprunt Pinay, on met en assurance-vie avant de mettre en bière !

M. Charles de Courson. La réforme de la fiscalité de l’assurance-vie a fait l’objet de débats au sein du groupe de travail. En particulier, il n’est pas cohérent de réformer les taux de l’impôt sur le revenu si on laisse inchangé le prélèvement forfaitaire.

Par ailleurs, le rapporteur général peut-il aussi nous éclairer sur la deuxième partie, assez technique, de son amendement, qui évoque notamment le cas de la nue-propriété et de l’usufruit ?

M. le rapporteur général. L’assurance-vie est un concentré d’avantages fiscaux. Ainsi, un contrat d’assurance-vie ouvert par un résident fiscal étranger à sa date d’ouverture n’est soumis à aucune fiscalité lors de son dénouement. C’est un véritable angle mort de la fiscalité de l’assurance-vie.

M. le président Jérôme Cahuzac. En effet, lorsque le contrat d’assurance-vie est souscrit depuis l’étranger, parce que celui qui l’ouvre y est résident fiscal, le bénéficiaire, même s’il réside en France, bénéficie d’une fiscalité nulle.

M. le rapporteur général. Il faut donc conseiller à tous nos expatriés d’ouvrir des contrats d’assurance-vie dans des établissements français !

M. Charles de Courson. Pourquoi y a-t-il encore des gens assez bêtes pour ouvrir des contrats d’assurance-vie en France ?

M. le président Jérôme Cahuzac. Même sans réformer intégralement la fiscalité de l’assurance-vie, il peut être utile de supprimer cet angle mort en banalisant les droits de succession sur ces contrats.

M. Pierre-Alain Muet. Peut-être peut-on défendre l’assurance-vie en ce qu’elle favorise l’épargne longue, mais à quel titre échapperait-elle au barème des droits de succession ? Ce détournement des droits de mutation n’a en effet aucune justification économique. Il est donc parfaitement légitime de lui appliquer le barème. À défaut, l’amendement CF 130 propose d’abaisser à 100 000 euros l’abattement au-delà duquel s’applique la taxation de 20 %.

Une réflexion sérieuse s’impose sur la défiscalisation de l’épargne. La majorité, qui est plutôt favorable au fonctionnement des marchés, devrait laisser les épargnants choisir.

M. Olivier Carré. Mon amendement CF 120, dont le dispositif est inclus dans celui que propose l’amendement CF 178 que j’ai cosigné avec le rapporteur général, serait sans objet si ce dernier était adopté.

Les observations de M. Muet devraient s’inscrire dans un vrai débat. En tout cas, si 90 % de l’épargne liquide convergent vers ce type de produits, c’est sans doute en raison de l’avantage fiscal lié à leur détention et à leur transmission. En principe, la détention longue d’un produit d’épargne devrait être rémunérée par un rendement supérieur à celui d’une détention courte, et non pas par des avantages fiscaux. Or, en France, c’est l’inverse qui se produit.

Le contrat d’assurance-vie couvre aussi le risque de décès. Cet aspect de prévoyance est précisément ce qui a justifié, lors de la création de ce dispositif, la dérogation aux règles du droit commun lors de la transmission. Aujourd’hui cependant, cette logique de transmission a été rattrapée par la logique d’épargne et ce produit représente désormais près de la moitié de l’épargne mobilière.

En termes de finances publiques se pose aussi, au-delà de la question de la transmission, celle de la fiscalité des revenus. En effet, sur la partie fiscale, l’État encaisse, au titre du prélèvement de 7,5 % opéré lors des achats ou des cessions, 90 millions d’euros environ sur une masse de dépôts de l’ordre de 53 milliards d’euros en 2010.

L’assurance-vie est un problème complexe, car on ne peut y toucher sans poser la question de la rétroactivité. De fait, il est très difficile de détacher l’assurance-vie du dossier global de la fiscalité de l’épargne – ce qui n’est pas le sujet dont nous traitons aujourd’hui.

M. Louis Giscard d’Estaing. L’amendement CF 178 pose une question de principe sur la fiscalité du patrimoine. Il propose en effet la fiscalisation en sortie des contrats d’assurance-vie, alors que la réforme de l’ISF s’équilibre sans qu’il soit nécessaire de toucher à ce dispositif.

Deux aspects de l’assurance-vie peuvent poser problème : les avantages fiscaux acquis au bout de huit ans lors d’une sortie sans décès, et les avantages successoraux. À la différence de l’emprunt Pinay, emprunt d’État assorti d’une défiscalisation totale lors de la succession, l’assurance-vie est soumise à des droits de succession, que l’amendement propose de porter de 20 % à 25 % au-delà de l’abattement de 152 500 euros. C’est là une décision qui ne serait pas sans conséquences pour les Français qui recourent à ce produit. Peut-être aurions-nous dû évoquer plutôt les montants auxquels ce dispositif pourrait être applicable, afin d’en éviter un usage abusif.

M. Michel Bouvard. Tel que le propose le rapporteur général, le relèvement marginal du taux d’imposition en sortie du contrat d’assurance-vie, à l’occasion du décès, modifie relativement peu le différentiel avec la fiscalité d’autres produits d’épargne. Cependant, les choix des épargnants ne sont pas toujours pleinement rationnels, et il n’est peut-être pas opportun de créer un précédent en modifiant les règles de l’assurance-vie – a fortiori dans le contexte du débat sur la fiscalité du patrimoine, qui s’est accompagné d’un ralentissement considérable des ouvertures de contrats. Indépendamment de la concurrence d’autres produits d’épargne, le fait de modifier les règles du jeu est susceptible d’avoir un effet amplificateur sur le comportement des épargnants.

L’assurance-vie est en outre le seul produit d’épargne longue, qui permet de mobiliser de la ressource longue au bénéfice de la dette publique et du financement de l’économie. Bien que les banquiers nous aient souvent expliqué qu’il appartenait aux banques de mobiliser la ressource pour prêter aux entreprises et que les assureurs étaient moins performants, il faut constater qu’une grosse partie de l’épargne est mobilisée par des assureurs pour de l’investissement de long terme – je ne citerai à ce propos que l’exemple des investissements à long terme engagés pour les réseaux de transport gazier, dont l’un des principaux acteurs sera la CNP, l’un des principaux distributeurs de l’assurance-vie dans notre pays.

Bien que peu spectaculaire, avec un rendement de l’ordre de 40 millions d’euros, la mesure proposée par l’amendement du rapporteur général peut produire des effets systémiques considérables, y compris indirectement en affectant les substantielles recettes non budgétaires que perçoit l’État sur les profits réalisés sur l’assurance-vie par certains collecteurs.

M. Charles de Courson. La solution de compromis ne serait-elle pas de limiter l’augmentation de 5 points du taux du prélèvement sur les produits des contrats d’assurance-vie aux successions dont l’actif net taxable est supérieur à 902 000 euros ? En ce cas l’amendement serait de coordination.

M. le rapporteur général. Cette proposition peut être intéressante, mais je veux faire quelques rappels.

L’assurance-vie représente une épargne de 1 400 milliards d’euros, soit les trois quarts du PIB français annuel.

M. Michel Bouvard. Curieuse symétrie avec la dette publique !

M. le rapporteur général. La CSG sur l’assurance-vie est passée, en quelques années, de 8 à 12,3 %, sans ralentir la progression de la collecte.

Aujourd’hui on constate, non une diminution, mais un ralentissement de la progression de cette collecte.

M. Michel Bouvard. Un fort ralentissement.

M. le rapporteur général. Ce phénomène peut avoir d’autres causes, notamment, vous le savez bien, le relèvement du taux du Livret A.

Le problème est d’harmoniser la fiscalité de l’assurance-vie avec le régime des droits de succession. N’oublions pas que l’assurance-vie bénéficie d’un régime successoral particulièrement favorable, puisque l’abattement de 152 000 euros est applicable à chaque bénéficiaire. Certes, ce système se justifie par l’absence de produits d’épargne retraite, mais veillons à ne pas conférer à l’assurance-vie des avantages si exorbitants qu’elle drainerait toute l’épargne. Il faut agir de manière coordonnée.

Je comprends les réticences exprimées sur l’amendement CF 178, et suis prêt à une harmonisation, ce qui reviendrait à aller dans le sens préconisé par le président de la Commission qui veut soumettre au barème de droit commun des droits de mutation à titre gratuit les sommes versées à un bénéficiaire de l’assurance-vie, à l’occasion d’une succession. Songeons que, pour un contrat d’assurance-vie de 250 millions d’euros transmis à un ami de la famille, le taux n’est que de 20 %, et devient même nul si l’assuré a souscrit le contrat lorsqu’il n’était pas résident fiscal français. Il faut remettre un peu d’ordre dans tout cela. Je suis donc prêt à accepter un sous-amendement qui harmoniserait l’augmentation du taux applicable aux produits d’assurance-vie et celle prévue pour les actifs soumis aux droits de mutation à titre gratuit ; peut-être pourrions-nous l’examiner dans le cadre de la procédure prévue par l’article 88, après avoir adopté mon amendement CF 178.

M. Pierre-Alain Muet. M. le rapporteur général arrive aux mêmes conclusions que nous : rien n’est plus simple, en fin de compte, que l’amendement CF 83 du président. Par ailleurs, si l’abattement de 152 000 euros par part est, comme je le crois, excessif, ramenons-le à 100 000 euros. Nous aurions ainsi une réforme cohérente.

La Commission adopte l’amendement CF 178 (amendement n° 1241).

En conséquence, les amendements CF 23 et CF 120 n’ont plus d’objet.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la Commission rejette l’amendement CF 130.

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Article additionnel après l’article 4

Suppression des commissions chargées de donner un avis sur l’agrément d’une dation en paiement

L’article 1716 bis du code général des impôts permet, pour acquitter les droits de mutation à titre gratuit et le droit de partage, d’effectuer un paiement par la remise d’œuvres d’art, de livres, d’objets de collection, de documents, de haute valeur artistique ou historique, ou d’immeubles situés dans les zones d’intervention du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, ou d’immeubles en nature de bois, forêts ou espaces naturels pouvant être incorporés au domaine forestier de l’État, ou d’immeubles pouvant être cédés à une collectivité ou à un organisme d’habitations à loyer modéré, ou par la remise de blocs de titres de sociétés cotées, d’OPCVM ou d’obligations négociables.

Cette procédure exceptionnelle est subordonnée à une décision d’agrément, laquelle fixe la valeur libératoire des biens offerts en paiement. Or, la procédure d’agrément est précisément encadrée par des dispositions règlementaires, lesquelles prévoient l’avis préalable d’une commission, qui est distincte selon que la dation en paiement concerne des immeubles remis au Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, des espaces naturels pouvant être incorporés au domaine forestier de l’État ou des œuvres, livres, objets de collection ou documents de haute valeur artistique ou historique.

Le présent article additionnel propose de supprimer, dans l’article 1716 bis du code général des impôts, les conditions définies par décret en Conseil d’État qui encadrent la procédure d’agrément de la dation en paiement, afin de permettre ainsi la suppression des commissions chargées de donner leur avis sur l’agrément de la dation.

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La Commission examine l’amendement CF 57 de M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je propose de modifier l’article 1716 bis du Code général des impôts afin de supprimer, dans l’optique d’un futur regroupement, trois commissions relatives à la procédure de dation.

Après que le rapporteur général a donné un avis favorable, la Commission adopte l’amendement (amendement n° 1242).

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Article additionnel après l’article 4

Allongement du délai de transformation des sociétés civiles de placement immobilier en organismes de placement collectif immobilier

La Commission est saisie de l’amendement CF 108 de M. Olivier Carré.

M. Olivier Carré. Cet amendement, technique, répond à une demande des opérateurs de placements immobiliers, qui souhaitent un rallongement d’un an ou un an et demi des délais légaux pour que les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) puissent se transformer en organismes de placement collectif immobilier (OPCI). La parution des textes réglementaires a en effet pris plus de temps que prévu.

M. le rapporteur général. Je suis favorable sur le fond, mais je me demande si cette mesure ne relève pas plutôt du collectif de fin d’année ou du projet de loi de finances pour 2012.

M. Olivier Carré. L’idée était de régler les problèmes liés à l’épargne.

M. Charles de Courson. Est-il vrai que l’administration a bloqué la plupart des transferts pour des raisons fiscales ?

M. Olivier Carré. L’administration a fait diligence pour la publication des décrets prévus par la loi ; mais ceux-ci appelaient des dispositions réglementaires de l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui, eux, ont été publiés plus tard que prévu, notamment parce qu’il a fallu analyser certains effets de levier liés aux OPCI. C’est l’attente de cette seconde vague réglementaire qui a bloqué la transformation des SCPI en OPCI.

M. Marc Goua. Effectivement, ces retards n’ont pas permis aux OPCI de régulariser leur situation à temps.

Suivant l’avis favorable du rapporteur général, la Commission adopte l’amendement (amendement n° 1243).

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Article 5

Simplification du régime fiscal des pactes d’actionnaires
(« Pactes Dutreil »)

Texte du projet de loi :

I.– L’article 787 B du code général des impôts est ainsi modifié :

A. Le deuxième alinéa du b est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ils peuvent également admettre un nouvel associé dans l’engagement collectif à condition que l’engagement soit reconduit pour une durée minimale de deux ans. »

B. Après le e, Il est inséré un e bis ainsi rédigé :

« e bis. En cas de non-respect de la condition prévue au a par l’un des signataires, l’exonération partielle n’est pas remise en cause à l’égard des signataires autres que le cédant si :

« – soit les titres que ces autres signataires détiennent ensemble respectent la condition prévue au b et ceux-ci les conservent jusqu’au terme initialement prévu ;

« – soit le cessionnaire s’associe à l’engagement collectif à raison des titres cédés afin que le pourcentage prévu au b demeure respecté. Dans ce cas, l’engagement collectif est reconduit pour une durée minimale de deux ans pour l’ensemble des signataires. »

II.– L’article 885 I bis du même code est ainsi modifié :

A. Le deuxième alinéa du b est complété par la phrase : « Ils peuvent également admettre un nouvel associé dans l’engagement collectif à condition que l’engagement soit reconduit pour une durée minimale de deux ans. »

B. Au g :

1°. La première phrase est remplacée par trois alinéas ainsi rédigés :

« En cas de non-respect de la condition prévue au a par l’un des signataires, l’exonération partielle n’est pas remise en cause à l’égard des signataires autres que le cédant si :

« – soit les titres que ces autres signataires détiennent ensemble respectent la condition prévue au b et ceux-ci les conservent jusqu’au terme initialement prévu ;

« – soit le cessionnaire s’associe à l’engagement collectif à raison des titres cédés afin que le pourcentage prévu au b demeure respecté. Dans ce cas, l’engagement collectif est reconduit pour une durée minimale de deux ans pour l’ensemble des signataires. 

2° La seconde phrase devient un quatrième alinéa.

Exposé des motifs du projet de loi :

Il est proposé d’assouplir les conditions de l’exonération partielle de droits de mutation applicable à la transmission par décès ou entre vifs de parts ou actions d’une société soumises à engagement de conservation, ainsi que de celle applicable en matière d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) aux parts et actions de société soumises à un même engagement :

– l’engagement collectif initial pourrait être ouvert à un nouvel associé sans que la signature d’un nouveau « pacte » soit nécessaire, à condition que l’engagement collectif soit reconduit pour une durée minimale de deux ans ;

– en cas de cession de ses parts ou actions par l’un des associés parties à l’engagement collectif, l’exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) et d’ISF ne serait pas remise en cause pour les autres signataires, si ces derniers conservent leurs titres jusqu’au terme de l’engagement et que les droits attachés à ces titres respectent le seuil, selon le cas, de 20 % ou 34 %, ou si le cessionnaire souscrit à l’engagement collectif de manière à ce que le pourcentage de droits demeure respecté et à la condition que l’engagement collectif soit reconduit pour une durée minimale de deux ans.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article a pour objet d’introduire de nouveaux aménagements dans les règles applicables aux engagements collectifs de conservation. La conclusion de tels engagements permet d’obtenir une exonération à hauteur de 75 % de la valeur des parts ou actions de société incluses dans l’engagement pour l’acquittement des droits de mutation à titre gratuit et de l’impôt de solidarité sur la fortune.

1.– Des engagements de conservation favorables à la transmission des entreprises

À l’origine, l’article 11 de la loi de finances pour 2000 avait instauré une exonération partielle des droits de succession, correspondant à la moitié de la valeur des parts ou actions transmises, en cas de mutation par décès assortie de la conclusion d’un engagement collectif de conservation. Cet engagement collectif de conservation devait avoir une durée minimale de huit ans et porter sur une fraction des droits financiers et des droits de vote (25 % pour les sociétés cotées, 34 % pour les sociétés non cotées). L’un des associés de l’engagement collectif devait exercer dans la société, dans les cinq années suivant la date de la transmission par décès, son activité professionnelle principale. Les héritiers, donataires ou légataires devaient prendre l’engagement de conserver les parts ou actions transmises pendant une durée de huit ans à compter de la date d’expiration de l’engagement collectif. La loi de finances pour 2001 avait réduit le délai minimal de l’engagement collectif à deux ans et celui de l’engagement de conservation des titres faisant suite à l’engagement collectif à six ans.

La loi pour l’initiative économique du 1er août 2003 (dite loi Dutreil) avait étendu le bénéfice de cette exonération partielle aux donations d’entreprises consenties en pleine propriété. Dans le même temps, le seuil des droits financiers et des droits de vote devant être réunis pour conclure un engagement collectif avait été abaissé, dans le cas des sociétés cotées, de 25 % à 20 %. La possibilité pour les associés de l’engagement collectif de procéder entre eux à des cessions ou à des donations de titres soumis à l’engagement était explicitement prévue par le législateur. La distinction entre une période d’engagement collectif, d’une durée minimale de deux ans, et une période de conservation individuelle des titres, de six ans, était maintenue.

Par la suite, la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises avait étendu le bénéfice de cette exonération aux donations consenties avec réserve d’usufruit, et également porté le taux de l’exonération de 50 % à 75 % de la valeur des parts ou actions transmises.

Dans le prolongement de ces assouplissements du régime de l’engagement de conservation, la loi de finances pour 2008 avait limité à quatre ans la durée de l’engagement individuel succédant à l’engagement collectif d’au moins deux ans. Elle avait permis que les titres faisant l’objet de l’engagement de conservation puissent être transmis par les donateurs pendant la durée de l’engagement individuel. Elle avait également abaissé de cinq à trois ans après la transmission de l’entreprise la durée d’exercice de l’activité professionnelle principale au sein de l’entreprise par l’un des associés.

Ce régime applicable aux droits de mutation à titre gratuit, favorable à la transmission des entreprises, avait été étendu au calcul de l’assiette de l’ISF par la loi pour l’initiative économique du 1er août 2003, afin de garantir la pérennité de l’actionnariat familial et de répondre au problème de la taxation des héritiers d’une entreprise n’y exerçant aucune fonction et ne pouvant bénéficier de l’exonération de leurs titres de l’assiette de l’ISF au titre des biens professionnels. Ainsi, un engagement collectif de conservation d’une durée minimale de six ans permettait d’obtenir une exonération de l’assiette de l’ISF à hauteur de 50 % de la valeur des titres détenus, dès lors que l’engagement réunissait au moins 20 % des titres d’une société cotée ou 34 % des titres d’une société non cotée et que l’un des associés exerçait au sein de la société son activité professionnelle principale. Le fait pour l’un des signataires de ne pas respecter la durée de l’engagement n’avait pas de conséquence pour l’exonération dont bénéficiaient les autres signataires dès lors que l’engagement ainsi amputé respectait toujours les seuils de détention exigés.

La loi de finances pour 2006 avait ensuite porté le taux de cette exonération à 75 %, à l’instar de ce qui avait été fait l’année précédente pour l’assujettissement aux droits de mutation à titre gratuit.

Enfin, la loi de finances pour 2008 avait modifié la durée de l’engagement, en prévoyant un engagement collectif de deux ans suivi d’un engagement individuel de quatre ans, et permis que l’exonération partielle ne soit pas remise en cause en cas de transmission des parts ou actions à un descendant de l’un des associés pendant la période d’engagement individuel. Elle avait également prévu que l’exigence d’exercice de l’activité professionnelle principale au sein de l’entreprise par l’un des associés soit limitée aux cinq années suivant la date de conclusion de l’engagement.

En 2010, on a dénombré 14 383 bénéficiaires des engagements collectifs de conservation au titre de l’assujettissement à l’ISF, pour un coût de l’exonération partielle chiffré à 157 millions d’euros.

Dans le même temps, l’application de cette disposition aux droits de mutation à titre gratuit a été chiffrée à hauteur de 470 millions d’euros, pour un nombre de bénéficiaires de l’ordre de 2 000 à 2 500 par an.

2.– Des aménagements destinés à permettre une meilleure « respiration » des engagements collectifs de conservation

Les deux nouveaux types d’aménagements qu’il est proposé d’apporter aux engagements de conservation ont pour objet de faciliter la sortie éventuelle de l’un des signataires de l’engagement et de permettre une entrée plus aisée d’un nouvel associé dans l’engagement. En ce sens, il ne s’agit pas tant d’assouplir les conditions de l’engagement – puisque les seuils de détention et la durée de détention demeurent inchangés – que de lui permettre de vivre, y compris pendant la période d’engagement collectif.

a) Des engagements collectifs reconduits en cas d’admission d’un nouvel associé

Le premier des aménagements proposés par le présent article a pour objet de permettre l’admission de nouveaux associés dans l’engagement collectif de conservation sans qu’il soit nécessaire de conclure un nouvel engagement.

La possibilité d’admettre un nouvel associé dans l’engagement collectif est effectuée :

– pour l’engagement de conservation relatif au paiement des droits de successions, en complétant le deuxième alinéa du b de l’article 787 B du code général des impôts (A du I du présent article) ;

– pour l’engagement de conservation relatif au paiement de l’impôt de solidarité sur la fortune, en complétant le deuxième alinéa du b de l’article 885 I bis du code général des impôts (A du II du présent article).

La disposition introduite prévoit que l’admission d’un nouvel associé aura pour conséquence une reconduction de l’engagement collectif pour une durée minimale de deux ans.

L’admission d’un nouvel associé devra par conséquent obligatoirement avoir lieu au cours du délai d’engagement collectif initial.

Dans l’hypothèse où la phase d’engagement collectif serait échue, l’admission d’un nouvel associé ne sera toujours possible que par la conclusion d’un nouvel engagement collectif.

L’intérêt de l’assouplissement proposé n’en est pas moins réel. En effet, en l’état actuel du droit, toute admission d’un nouvel associé au sein d’un engagement collectif de conservation prend la forme de la conclusion d’un nouvel engagement, qui suppose des formalités lourdes (signature de tous les associés, enregistrement de l’engagement). Désormais, les personnes déjà engagées seront dispensées de ces formalités.

Cette disposition produira des effets non seulement en ce qui concerne les contraintes pesant sur la durée de détention des titres, mais également en ce qui concerne les contraintes pesant sur l’exercice de fonctions de direction au sein de la société par l’un des associés.

Dans le cas d’un engagement collectif de conservation conclu pour bénéficier de l’exonération au titre de l’assiette de l’ISF, le e de l’article 885 I bis du code général des impôts prévoit que des fonctions de direction doivent être exercées au sein de l’entreprise par l’un des associés pendant les cinq années suivant la conclusion de l’engagement. Avec la nouvelle disposition, le décompte de ce délai de cinq années ne sera pas interrompu par l’arrivée d’un nouvel associé. Ce nouvel associé pourra même être, le cas échéant, la personne exerçant les fonctions de direction et permettant ainsi de respecter l’ensemble des exigences de l’engagement de conservation.

Dans le cas d’un engagement collectif de conservation conclu pour bénéficier de l’exonération au titre des droits de mutation à titre gratuit, la rédaction du d de l’article 787 B est plus problématique, car elle prévoit que l’exercice effectif de fonctions de direction doit être assuré pendant la durée de l’engagement collectif et pendant les trois années suivant la date de la transmission. Or, le fait que l’engagement collectif soit reconduit pour une durée minimale de deux ans peut avoir pour effet de prolonger la durée d’exercice de fonctions de direction nécessaire pour respecter l’engagement. En outre, si le nouvel associé entre dans l’engagement car il est un nouveau donataire, il s’agit d’une nouvelle transmission, qui a également pour effet d’allonger le délai d’exercice de fonctions de direction, voire de le faire courir à nouveau.

b) Des engagements collectifs maintenus en cas de cession des parts

Le second aménagement apporté par le présent article est relatif à l’éventuelle rupture de l’engagement collectif de conservation par l’un de ses signataires.

Le traitement actuel qui est réservé à une telle rupture est différent pour l’engagement de conservation relatif à une transmission et pour l’engagement de conservation conclu au titre de l’ISF. Dans le premier cas, la rupture de l’engagement collectif a des conséquences en termes d’assujettissement aux droits de mutation pour l’ensemble des signataires. Dans le second cas, si les signataires qui demeurent dans l’engagement représentent toujours plus de 20 % des droits financiers et de vote (ou 34 % dans le cas d’une société non cotée), le bénéfice de l’engagement est préservé pour eux.

L’objectif poursuivi par la nouvelle disposition est de ne pas pénaliser les anciens associés qui souhaitent respecter l’engagement collectif de conservation malgré le départ de l’un d’entre eux. Le législateur avait déjà souhaité apporter une réponse en ce sens, en prévoyant de scinder la durée d’engagement en une durée collective suivie d’une durée individuelle. Dans le prolongement de cette démarche, il est proposé d’assouplir la contrainte de l’engagement collectif :

– en permettant de considérer que l’engagement collectif n’est pas remis en cause en cas de départ de l’un des signataires pendant les deux premières années si les titres détenus par l’ensemble des associés restants représentent toujours une fraction des droits financiers et des droits de vote supérieure au seuil exigé (34 % pour les sociétés non cotées, 20 % pour les sociétés cotées) ;

– en permettant au cessionnaire de s’associer à l’engagement collectif à raison des titres cédés, l’engagement collectif étant alors reconduit pour une durée minimale de deux ans pour l’ensemble des signataires.

Dans cette seconde hypothèse, les conditions de durée de l’engagement reconduit seront les mêmes qu’en cas d’admission d’un nouvel associé dans un engagement en cours. Le délai global de conservation au terme duquel l’exonération partielle est acquise sera prolongé par la reconduction d’un nouveau délai de deux ans. Par ailleurs, le cessionnaire devenant l’un des signataires de l’engagement, il sera possible que la condition relative à l’exercice de fonctions de direction au sein de la société soit remplie par lui.

En ce qui concerne les engagements conclus au titre des droits de mutation, cette nouvelle disposition est introduite sous la forme d’un nouveau e bis dans l’article 787 B du code général des impôts (B du I du présent article).

En ce qui concerne les engagements conclus au titre de l’ISF, cette nouvelle disposition prend la forme d’une nouvelle rédaction du g de l’article 885 I bis du code général des impôts (B du II du présent article). En effet, la possibilité de respecter l’engagement collectif en cas de départ d’un associé était déjà ouverte par la rédaction actuelle du g, dans la seule hypothèse d’un respect des conditions de seuil de détention après départ de l’associé.

On peut faire observer que le second assouplissement introduit par le présent article pourra éventuellement se combiner avec le premier assouplissement introduit par le présent article. En effet, alors même qu’un associé souhaiterait se désengager de l’engagement collectif et que le cessionnaire ne souhaiterait pas rejoindre l’engagement collectif, il sera possible qu’un nouvel associé, distinct du cessionnaire, rejoigne l’engagement collectif, de telle sorte que le seuil de détention demeure respecté malgré l’absence d’adhésion du cessionnaire à l’engagement collectif.

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* *

La Commission examine l’amendement CF 152 de M. Pierre-Alain Muet.

M. Michel Vergnier. Lors de la discussion du projet de loi Dutreil, notre groupe avait déjà exprimé son opposition au régime fiscal des pactes d’actionnaires, notamment par la voix d’Éric Besson, qui disait alors tout le mal qu’il pensait du Gouvernement.

L’article 5, loin d’améliorer ce régime, le rend plus injuste encore ; de surcroît, le financement n’est pas assuré.

M. le rapporteur général. Je désapprouve totalement cette analyse. Si notre tissu de PME n’a pu se développer, c’est à cause d’une fiscalité confiscatoire, notamment en matière de transmission. La voie fut d’abord ouverte par l’excellent dispositif « Migaud-Gattaz » : des abattements avaient alors été créés en matière de droits de transmission à titre gratuit au décès. Grâce au dispositif actuel, nous commençons à protéger nos entreprises familiales. Nous avons tout intérêt à protéger nos entreprises patrimoniales, dont l’affectio societatis est bien plus grand que pour certaines entreprises internationalisées du CAC 40.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie des amendements CF 116 et CF 117 de M. Olivier Carré.

M. Olivier Carré. L’entreprise n’est pas un actif ordinaire. Je rappelle que l’ISF est un impôt périodique, et que la transmission est susceptible de modifier sensiblement la composition du capital, donc l’évolution d’une entreprise.

Le relèvement de 40 à 45 % de la tranche la plus élevée des droits de mutation augmente les droits de succession d’environ 11 % pour la plupart des entreprises. Il me semble donc logique de relever le taux d’exonération de 75 % à 85 % de leur valeur : tel est l’objet de l’amendement CF 116.

Le raisonnement vaut aussi pour l’ISF, qui joue un rôle important dans certaines décisions des chefs d’entreprise. Sanctionner les entreprises et leur développement à travers l’ISF n’est pas, me semble-t-il, le but poursuivi. L’amendement CF 117 vise donc à exclure les entreprises de l’assiette de l’ISF, dans le cadre d’un pacte Dutreil.

M. le rapporteur général. Avis défavorable à ces deux amendements. Au premier, nous avons répondu en conservant l’abattement lié à l’âge pour les donations en pleine propriété des parts d’entreprise faisant l’objet d’un engagement collectif de conservation.

S’agissant de l’amendement CF 117, une exonération de 100 % s’exposerait au risque d’inconstitutionnalité. Nous avons fait les choses de façon très progressive, étendant le dispositif Migaud aux donations et à l’ISF, avant de porter l’abattement à 75 % et de l’ouvrir aux donations avec démembrement. Le Conseil constitutionnel, qui a une jurisprudence très précise, avait d’ailleurs annulé, en 1995, une mesure fiscale de cette nature pour rupture d’égalité.

La Commission rejette successivement les amendements CF 116 et CF 117.

Puis elle adopte l’article 5 sans modification.

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Après l’article 5

La Commission est saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 5.

Elle examine d’abord l’amendement CF 22 du président.

M. le président Jérôme Cahuzac. Cet amendement a pour objet d’allonger la durée de détention des contrats d’assurance-vie ouvrant droit à certains avantages fiscaux, afin d’assurer le financement sur le long terme des entreprises comme de la puissance publique.

Le rapporteur général ayant donné un avis défavorable, la Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CF 24 du président.

M. le président Jérôme Cahuzac. Passé un délai de cinq ans, les plus-values de cessions de valeurs mobilières et de droits sociaux font l’objet d’un abattement annuel d’un tiers, de sorte que l’assiette disparaît au bout de huit ans. Il serait sage de revenir sur cette mesure, en premier lieu parce que la réforme des retraites est partiellement financée par un alourdissement de cette fiscalité, alourdissement qui n’aura guère d’effet si l’assiette s’est évaporée.

L’amendement vise aussi à supprimer une dépense fiscale importante. M. Giscard d’Estaing affirmait que la réforme de l’ISF était équilibrée financièrement mais, après examen des délais du rappel fiscal, nous savons tous que le compte n’y est pas. Récupérer quelques subsides ne me semble pas inutile si nous voulons éviter de financer la réforme des retraites, même partiellement, par l’endettement.

M. le rapporteur général. Le président a hélas raison sur un point : la réforme des retraites est en partie financée par les recettes des plus-values mobilières. C’est tout le problème, d’ailleurs, d’une mesure fiscale qui ne produit ses effets que des années plus tard. Ce débat est si important qu’il mérite mieux que le présent collectif : je propose que nous l’examinions dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CF 140 de M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. L’amendement vise à ramener de 40 à 20 % l’abattement sur le montant des dividendes perçus. Cette mesure se justifie d’autant plus que le taux effectif de l’impôt sur les sociétés est très inférieur à 33 %.

Après que le rapporteur général a donné un avis défavorable, la Commission rejette l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement CF 131 de M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Nous proposons de plafonner les niches à 10 000 euros, sans ajout d’une fraction du revenu imposable. Cet amendement poursuit l’évolution déjà engagée, puisque, dans la loi de finances pour 2011, le plafond a été ramené de 25 000 euros plus 10 % du revenu imposable à 18 000 euros plus 6 %.

M. le rapporteur général. Ce débat concerne plutôt le projet de loi de finances pour 2012.

La Commission rejette l’amendement.

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Article 6

Imposition des biens ou droits composant un trust à l’impôt de solidarité sur la fortune et aux droits de mutation à titre gratuit

Texte du projet de loi :

I.– Le code général des impôts est ainsi modifié :

A. Le 9° de l’article 120 est ainsi rédigé :

« 9° les produits distribués par un trust défini à l’article 792-0 bis, quelle que soit la consistance des biens ou droits placés dans le trust ; »

B. À l’article 750 ter :

1° Aux 1°, 2° et 3°, après les mots : « parts d'intérêts, » sont insérés les mots : « biens ou droits composant un trust défini à l’article 792-0 bis et produits qui y sont capitalisés, » ;

2° Au 3°, à la première phrase, les mots : « ou le légataire » sont remplacés par les mots : «, le légataire ou le bénéficiaire d’un trust défini à l’article 792-0 bis » ; à la seconde phrase, les mots : « ou le légataire » sont remplacés par les mots : « ou le bénéficiaire d’un trust ».

C. À l’article 752, après les mots : « fondateur ou bénéficiaires », sont insérés les mots : « biens ou droits placés dans un trust défini à l’article 792-0 bis ».

D. Après l’article 792, il est inséré un article 792-0 bis ainsi rédigé :

« Art. 792-0 bis.– I. – 1. Pour l’application du présent code, on entend par trust l’ensemble des relations juridiques créées, dans le droit d’un État autre que la France, par une personne, qui a la qualité de constituant, par acte entre vifs ou à cause de mort, en vue d’y placer des biens ou droits, sous le contrôle d’un administrateur, dans l’intérêt d’un ou de plusieurs bénéficiaires ou pour la réalisation d’un objectif déterminé.

« 2. On entend par constituant du trust, soit la personne physique qui l’a constitué soit, lorsqu’il a été constitué par une personne morale, la personne physique qui y a placé des biens ou des droits.

« II.– 1. La transmission par donation ou succession de biens ou droits placés dans un trust ainsi que des produits qui y sont capitalisés est, pour la valeur vénale nette des biens, droits ou produits concernés à la date de la transmission, soumise aux droits de mutation à titre gratuit en fonction du lien de parenté existant entre le constituant et le bénéficiaire.

« 2. Dans les cas où la qualification de donation et celle de succession ne s’appliquent pas, les biens, droits ou produits capitalisés placés dans un trust, qui sont transmis aux bénéficiaires au décès du constituant sans être intégrés à sa succession ou qui restent dans le trust après le décès du constituant, sont soumis aux droits de mutation par décès dans les conditions suivantes :

« a) Si, à la date du décès, la part des biens, droits ou produits capitalisés qui est due à un bénéficiaire est déterminée, cette part est soumise aux droits de mutation par décès selon le lien de parenté entre le constituant et le bénéficiaire ;

« b) Si, à la date du décès, une part déterminée des biens, droits ou produits capitalisés est due globalement à des descendants du constituant, cette part, nette de la part ou des parts mentionnées au a), est soumise à des droits de mutation à titre gratuit par décès au taux applicable à la dernière tranche du tableau I annexé à l’article 777 ;

« c) La valeur des biens, droits ou produits capitalisés placés dans le trust, nette des parts mentionnées aux a et b, est soumise à des droits de mutation à titre gratuit par décès au taux applicable à la dernière tranche du tableau III annexé à l’article 777.

« Les droits de mutation à titre gratuit mentionnés aux b) et c) sont acquittés et versés au comptable public compétent par l’administrateur du trust dans les délais prévus à l’article 641, à compter du décès du constituant.

« Par exception, lorsque l’administrateur du trust est soumis à la loi d’un État ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A ou lorsque, au moment de la constitution du trust, le constituant était fiscalement domicilié en France au sens de l’article 4 B, les droits de donation et les droits de mutation par décès sont dus au taux applicable à la dernière tranche du tableau III annexé à l’article 777.

« 3. Le bénéficiaire est réputé être un constituant du trust pour l’application du présent II, à raison des biens, droits et produits capitalisés placés dans un trust dont le constituant est décédé à la date de l’entrée en vigueur de la loi n° … du … de finances rectificative pour 2011 et à raison de ceux qui sont imposés dans les conditions prévues au 1 et au 2 ».

E. Après l’article 885 G bis, il est inséré un article 885 G ter ainsi rédigé :

« Art. 885 G ter.- Les biens ou droits placés dans un trust défini à l’article 792-0 bis ainsi que les produits qui y sont capitalisés sont compris, pour leur valeur vénale nette au 1er janvier de l’année d’imposition, selon le cas, dans le patrimoine du constituant ou dans celui du bénéficiaire qui est réputé être un constituant en application du II de l’article 792-0 bis : ».

F. L’article 990 J est ainsi rétabli :

« Art990 J.- I. – Les personnes physiques, constituants et bénéficiaires d’un trust défini à l’article 792-0 bis sont soumises à un prélèvement fixé au taux maximum du tarif prévu à l’article 885 U.

« II.– Le prélèvement ne s’applique pas aux trusts constitués en vue de gérer les droits à pension acquis, au titre de leur activité professionnelle, par les bénéficiaires dans le cadre d’un régime de retraite mis en place par une entreprise ou un groupe d‘entreprises.

« III.– Le prélèvement est dû :

« 1° Pour les personnes qui ont en France leur domicile fiscal au sens de l’article 4 B,  à raison des biens et droits situés en France ou hors de France et des produits capitalisés placés dans le trust ;

« 2° Pour les autres personnes, à raison des seuls biens et droits, autres que les placements financiers mentionnés à l’article 885 L, situés en France et des produits capitalisés placés dans le trust.

« Toutefois, le prélèvement n’est pas dû à raison des biens, droits et produits capitalisés lorsqu’ils ont été :

« a) Inclus dans le patrimoine, selon le cas, du constituant ou d’un bénéficiaire pour l’application des dispositions de l’article 885 G ter ;

« b) Déclarés en application de l’article 1649 AB, dans le patrimoine d’un constituant ou d’un bénéficiaire réputé être un constituant en application du 2 du I de l'article 792-0 bis, dans les cas où le constituant, ou le bénéficiaire, n’est pas redevable de l’impôt de solidarité sur la fortune compte tenu de la valeur nette taxable de son patrimoine, celui-ci incluant les biens, droits et produits capitalisés placés dans le trust.

« Le prélèvement est assis sur la valeur vénale nette au 1er janvier de l’année d’imposition des biens et droits et produits capitalisés composant le trust.

« La consistance et la valeur des biens, droits et produits capitalisés placés dans le trust sont déclarées et le prélèvement est acquitté et versé au comptable public compétent par l’administrateur du trust au plus tard le 15 juin de chaque année. À défaut, le constituant et les bénéficiaires, autres que ceux mentionnés aux a) et b) du présent article, ou leurs héritiers, sont solidairement responsables du paiement du prélèvement.

« Le prélèvement est assis et recouvré selon les règles et sous les sanctions et garanties applicables aux droits de mutation par décès. »

G. Après l’article 1649 AA, il est inséré un article 1649 AB ainsi rédigé :

« Art. 1649 AB.- L’administrateur d’un trust défini à l’article 792-0 bis dont le constituant ou l’un au moins des bénéficiaires a son domicile fiscal en France, ou qui comprend un bien ou un droit qui y est situé, est tenu d'en déclarer la constitution, la modification ou l'extinction, ainsi que le contenu de ses termes.

« Il déclare également la valeur vénale au 1er janvier de l’année des biens, droits et produits entrant dans le champ du prélèvement mentionné à l’article 990 J.

« Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret. »

H. Après le IV de l'article 1736, il est inséré un IV bis ainsi rédigé :

« IV bis. Les infractions aux dispositions de l'article 1649 AB sont passibles d'une amende de 10 000 € ou, s'il est plus élevé, d'un montant égal à 5 % des biens ou droits placés dans le trust ainsi que des produits qui y sont capitalisés. »

I.– Le V de l’article 1754 est complété par un 8 ainsi rédigé :

« 8. Le constituant et les bénéficiaires qui sont dans le champ du prélèvement de l’article 990 J sont solidairement responsables avec l’administrateur du trust du paiement de l'amende prévue au IV bis de l'article 1736. »

II.– À l’article L. 19 du livre des procédures fiscales, après le mot : « créances », sont insérés les mots : « ainsi que des biens ou droits placés dans un trust défini à l’article 792-0 bis et des produits qui y sont capitalisés. »

III.– Les B, C et D du I et le II s’appliquent aux donations consenties et pour des décès intervenus à compter de la publication de la présente loi.

Exposé des motifs du projet de loi :

Le présent article vise à confirmer et compléter le régime fiscal des trusts et des institutions juridiques de droit étranger comparables en matière de droits de mutation à titre gratuit et d’impôt de solidarité sur la fortune.

Compte tenu de la singularité des concepts mis en œuvre par les droits étrangers qui connaissent le trust, le régime fiscal de ce dernier n’est pas toujours clair. Certes, la jurisprudence reconnaît la validité de trusts constitués à l’étranger, mais il n’est pas toujours possible de qualifier les relations juridiques caractéristiques du trust au regard des catégories juridiques de droit interne pour en déduire la fiscalité applicable.

Cette situation est source d’insécurité juridique pour les personnes qui ont constitué un trust et / ou qui en sont bénéficiaires, notamment pour celles qui souhaitent s’installer en France et qui ont eu recours à un trust pour organiser la gestion ou la transmission de leur patrimoine.

Par ailleurs, les éléments d’incertitude sur le régime fiscal des trusts sont de nature à faciliter les usages de cet instrument à des fins d’évasion fiscale. Il en résulte un traitement inéquitable des contribuables selon le mode de gestion de leur patrimoine.

La situation actuelle est donc très insatisfaisante, tant du point de vue du contribuable que de l’effectivité de l’imposition du patrimoine.

Au vu de ces constats, le présent article propose de :

1° préciser le régime fiscal des transmissions à titre gratuit réalisées via un trust, d’une part en confirmant les règles de taxation actuellement applicables, d’autre part en créant des règles de taxation pour certaines situations spécifiques.

Ainsi, le présent article :

– confirme que les transmissions à titre gratuit réalisées via un trust et qui peuvent être qualifiées de donation ou succession sont soumises aux droits de mutation existants (selon le cas : droits de donation ou de succession) compte tenu du lien de parenté existant entre le constituant et le bénéficiaire. Cette règle de taxation s’applique aux biens et droits ainsi qu’aux produits capitalisés dans le trust et transmis par donation ou succession ;

La présomption de propriété posée par l’article 752 du code général des impôts est complétée pour tenir compte des actifs détenus dans un trust.

– crée une règle de taxation aux droits de mutation par décès, applicable au décès du constituant. Lorsque la qualification de donation ou succession ne peut pas être retenue et qu’en conséquence les droits de mutation à titre gratuit ne peuvent pas être appliqués selon les règles de droit commun, des droits de mutation par décès spécifiques seraient désormais appliqués, que les biens, droits ou produits capitalisés soient transmis au décès du constituant ou à une date postérieure.

Il s’agirait d’une règle fiscale sans incidence sur la qualification de la transmission intervenant au décès ou à une date postérieure et dont les modalités dépendraient de la part revenant aux bénéficiaires vivants ou futurs du trust :

– lorsqu’à la date du décès, la part d’un bénéficiaire est déterminée, elle serait taxée aux droits de mutation par décès en fonction de son lien de parenté avec le constituant défunt ;

– dans le cas où la part revenant aux bénéficiaires ne peut pas être déterminée pour chacun d’entre eux à la date du décès, des droits de mutation à titre gratuit sui generis seraient dus au décès du constituant, au taux maximum applicable en ligne directe sur la part des biens, droits et produits capitalisés qui a vocation à être transmise à des descendants du constituant et au taux de 60 % sur les autres biens, droits et produits restant dans le trust. Dans ce cas, les droits de mutation par décès seraient acquittés par le trustee.

En application de l’article 750 ter du CGI, ces droits seraient dus soit lorsque le défunt a son domicile fiscal en France au sens de l’article 4 B, soit lorsque les biens mis en trust sont situés en France.

Par la suite, si les biens et droits restent dans le trust de génération en génération, la taxation est opérée selon les mêmes modalités entre les bénéficiaires successifs.

Enfin, dans le cas particulier de trusts constitués selon le régime juridique prévu par la loi d’un État ou territoire non coopératif, ou lorsque le constituant était domicilié en France lors de la constitution du trust, le tarif applicable aux donations et au titre des droits de mutation par décès serait un taux unique de 60 %.

2° concernant l’imposition de la détention du patrimoine :

– créer une règle de taxation sui generis du constituant et des bénéficiaires sur l’ensemble des biens, droits ou produits capitalisés composant le trust.

Ce prélèvement serait dû, au taux de 0,50 % prévu pour l’ISF, par les bénéficiaires du trust et le constituant et il serait acquitté et versé au comptable public compétent par le trustee. En cas de défaillance du trustee, le constituant et les bénéficiaires seraient solidairement responsables du paiement de l’impôt ;

– prévoir que ce prélèvement sui generis n’est pas applicable à raison des biens, droits ou produits capitalisés placés dans le trust qui ont été inclus dans le patrimoine du constituant ou d’un bénéficiaire pour l’imposition à l’ISF, quand le constituant ou le bénéficiaire est redevable de l’ISF, ou ont été régulièrement déclarés, quand le constituant ou le bénéficiaire n’est pas redevable de l’ISF, y compris après que les biens, droits et produits capitalisés concernés ont été intégrés dans le patrimoine.

Il est précisé que, dans ce cas, le constituant du trust bénéficie des régimes de faveur prévus en matière d'ISF, notamment celui prévu pour les nouveaux résidents de France qui n’ont pas été domiciliés en France pendant les cinq années précédant leur installation. Ces derniers sont imposables à raison de leurs seuls biens situés en France pendant les cinq années suivant celle de leur installation en France.

Observations et décision de la Commission :

Né, d’après certaines sources, afin d’organiser la gestion du patrimoine des chevaliers britanniques partis à la croisade et inspiré d’une institution du droit islamique, le waqf, elle-même héritière du droit romain, le trust est une institution juridique constituée par l’ensemble des relations juridiques résultant de la décision (irrévocable ou pas) d’une personne créant le trust (le constituant ou settlor) de confier des biens à un tiers (le gestionnaire ou trustee) qui les contrôle (de manière discrétionnaire ou encadrée) dans l’intérêt d’un bénéficiaire (ou dans un but déterminé, par exemple caritatif) éventuellement avant d’en transférer la propriété, et éventuellement sous conditions, à un attributaire (une même personne pouvant être constituant, bénéficiaire et/ou attributaire).

Le trust n’est pas une entité juridique et n’a pas de personnalité morale. Il ne s’agit pas non plus d’un contrat dont il diffère notamment parce qu’il ne suppose pas d’acceptation du bénéficiaire et parce qu’il ne permet, en principe, pas au constituant d’agir en justice contre le gestionnaire, possibilité dont bénéficie, en revanche, le bénéficiaire.

Le trust est fréquemment utilisé, dans le monde anglo-saxon, non seulement pour raisons fiscales, mais également pour transmettre un patrimoine, notamment des parts d’une entreprise familiale, en en assurant le maintien dans le cercle familial sur plusieurs générations (alors qu’un « vrai » legs permettrait notamment aux légataires d’aliéner les biens). Outre ces trusts dits familiaux ou dynastiques, une autre utilisation traditionnelle est le trust caritatif qui se distingue de la fondation (qui suppose une donation classique) notamment parce qu’il permet au constituant de conserver à son profit (ou à celui d’un tiers qu’il choisit) des revenus issus des biens placés dans le trust.

Reconnus par de nombreux droits étrangers, les trusts n’ont pas d’équivalent réel dans notre droit. La fiducie du droit français, créée en 2007 et inspirée des trusts, se distingue, en effet, fondamentalement de ceux-ci par le fait qu’il s’agit, en principe, d’un contrat, accepté par le bénéficiaire et par l’interdiction, qui est d’ordre public, des contrats de fiducie procédant d’une intention libérale au profit du bénéficiaire (article 2013 du code civil). Les trusts étrangers n’ont, au surplus, pas de reconnaissance légale en droit français (39).

Pour autant, les trusts existent, détiennent des biens et versent des revenus et le droit fiscal français ne pouvait donc pas ne pas en tenir compte.

Le législateur fiscal s’est donc saisi à plusieurs reprises de la question. Outre des dispositions de portée générale visant toute forme d’entité et notamment les trusts (par exemple, la règle d’imposition en transparence de bénéfices de certaines entités soumise à un régime fiscal privilégié figurant à l’article 123 bis du code général des impôts ainsi que la règle comparable s’agissant des entreprises figurant à l’article 209 B), les trusts sont spécifiquement visés par deux dispositions du code général des impôts :

– l’article 238 bis-0 I qui concerne la fiscalité des entreprises et prévoit, sous certaines conditions, d’intégrer dans le résultat imposable les résultats provenant de la gestion ou de la disposition d’actifs transférés hors de France et notamment ceux placés dans un trust,

– l’article 120 qui qualifie de revenus de capitaux mobiliers de source étrangère les « produits des " trusts " quelle que soit la consistance des biens composant ces trusts ».

Ces dispositions concernent donc l’imposition des revenus ou des bénéfices. En revanche, il n’existe pas de disposition législative spécifique s’agissant de l’imposition de la propriété. Pourtant, c’est notamment à cet égard que l’existence des trusts, dont le propre est justement de ne pas rentrer dans nos catégories juridiques en matière de droit de propriété, crée une difficulté pour notre droit fiscal qui taxe la détention (au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune) et le transfert (au titre des droits de mutation à titre gratuit) de la propriété.

Jusqu’à présent, l’administration a cherché à résoudre cette difficulté de manière pragmatique en recherchant, sous le contrôle du juge, dans quelle mesure des opérations faisant intervenir un trust pouvaient être considérées comme des opérations taxables au regard des catégories traditionnelles de notre droit.

Le présent article vise, d’une part, à conforter les solutions ainsi dégagées s’agissant de ce que l’on peut appeler les cas « simples » où la présence du trust ne fait pas obstacle à l’application des règles actuelles de notre droit fiscal et, d’autre part et surtout, à traiter les cas plus complexes par la création de régimes d’imposition spécifiques au titre de la détention et de la transmission des patrimoines placés dans des trusts.

À cette fin, il comprend principalement trois ensembles de dispositions :

– des dispositions relatives aux mutations à titre gratuit (alinéas 4 à 18),

– des dispositions relatives à l’imposition de la détention des biens placés dans un trust, au titre, d’une part, de l’impôt sur la fortune et, d’autre part, d’un prélèvement ad hoc nouveau (alinéas 19 à 32),

– des obligations déclaratives nouvelles (alinéas 33 à 38).

I.– L’IMPOSITION DES MUTATIONS À TITRE GRATUIT

Le présent article propose, d’une part, de créer, au sein du code général des impôts, un nouvel article 792-0 bis créant un régime de taxation spécifique des mutations à titre gratuit concernant des biens placés dans un trust et, d’autre part, de modifier les règles générales de territorialité et de présomption de propriété en matière de droits de mutation à titre gratuit (DMTG).

A.– LE NOUVEAU RÉGIME SPÉCIFIQUE AUX TRUSTS

Les alinéas 8 à 18 du présent article créent un nouvel article 792-0 bis comprenant deux paragraphes, le premier définissant les trusts et leur constituant et le second réglant l’imposition des biens ou droits qui sont placés au titre des DMTG.

1.– La définition des trusts et de leurs constituants

L’alinéa 9 propose de définir le trust au sens du droit fiscal français. Le trust est défini comme « l’ensemble des relations juridiques créées, dans le droit d’un État autre que la France, par une personne, qui a la qualité de constituant, par acte entre vifs ou à cause de mort, en vue d’y placer des biens ou droits, sous le contrôle d’un administrateur, dans l’intérêt d’un ou de plusieurs bénéficiaires ou pour la réalisation d’un objectif déterminé ».

La définition proposée reprend celle figurant à l’article 2 de la convention de La Haye du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance, qui n’a pas été ratifiée par la France et n’appelle pas de commentaire particulier.

L’alinéa 10 définit, pour sa part, le constituant du trust. Il s’agit de la personne physique ou, lorsqu’il a été constitué par une personne morale, de la personne physique qui a placé dans le trust des biens ou des droits.

L’objet de cet alinéa, et le seul intérêt de la définition qu’il propose, est de permettre à l’administration d’appréhender la réalité économique d’un trust sans qu’une apparence juridique puisse lui être opposée. En pratique, il s’agit de viser le cas où le constituant d’un trust, seul à apparaître dans l’acte de trust, est une personne morale, par exemple une société de gestion de patrimoine, et où celle-ci agit, en réalité, comme mandataire d’une personne physique du patrimoine de laquelle sont issus les biens placés, directement ou indirectement, dans le trust.

2.– L’imposition des transmissions des biens et droits placés dans un trust

Les alinéas 11 à 18 organisent la taxation des actifs placés dans un trust au décès de son constituant.

L’alinéa 11 rappelle l’état du droit dans les cas où la transmission des biens et droits placés dans un trust constitue, au regard du droit fiscal français, une donation ou une mutation par décès.

Dans ce cas, le patrimoine transmis, incluant les produits capitalisés des biens initialement placés dans le trust, sera taxé à sa valeur vénale nette à la date de la transmission dans les conditions de droit commun, à un taux dépendant du lien de parenté liant le constituant et le bénéficiaire.

Dans le cas où le bénéficiaire serait, par ailleurs, un héritier ou un légataire du constituant du trust, il conviendrait, pour éviter tout effet d’aubaine, que cette disposition soit interprétée comme organisant le rapport fiscal de l’actif du trust transmis à la part taxable « de droit commun » de l’héritier (afin de maintenir la progressivité du barème et de ne pas faire jouer à deux reprises les abattements personnels).

Les alinéas 12 à 17 règlent les autres cas, à savoir ceux où la donation ou la transmission par décès ne peut être établie. Ces alinéas établissent le décès du constituant comme le fait générateur d’une nouvelle imposition ad hoc qui vise, en quelque sorte, à « approximer » le droit commun des successions. Il convient de noter que cette solution écarte implicitement une voie alternative qui aurait été de présumer une donation à la constitution.

Trois cas sont distingués.

a) la transmission d’une part déterminée à un bénéficiaire unique

Est visé le cas où la part due à un bénéficiaire est déterminée à la date du décès. L’alinéa 13 prévoit alors l’imposition aux droits de mutation par décès applicables au regard du lien de parenté entre le constituant et le bénéficiaire.

Comme dans le cas précédent, il conviendrait également, dans un souci d’équité, de comprendre ce renvoi aux droits de mutation par décès comme ayant pour effet d’ajouter les sommes concernées à l’éventuelle part taxable du bénéficiaire héritier.

b) la transmission d’une part indivise à plusieurs bénéficiaires du constituant

Le deuxième cas est celui dans lequel une part déterminée à la date du décès est due « collectivement » à des descendants sans qu’elle soit individualisée (et donc sans qu’il soit possible de la répartir entre eux pour l’application du barème), cas dans lequel l’alinéa 13 prévoit l’imposition au taux marginal du barème en ligne directe (que le présent projet de loi propose de porter à 45 %).

Il convient de noter que la rédaction ne couvre que le cas où les bénéficiaires seraient des descendants du constituant. Les autres hypothèses, y compris celles où le bénéficiaire serait un époux ou ascendant du constituant, seront donc couvertes par le troisième cas.

c) la taxation par défaut du solde de l’actif

Ce troisième cas, qui est, en quelque sorte, l’hypothèse « balai » de taxation par défaut de l’actif net du trust correspondra, en pratique :

– soit à l’hypothèse où il n’y a pas de transmission et où les biens restent dans le trust au décès du constituant,

– soit à l’hypothèse où il y a transmission sans part individuelle déterminée (cas 1) à des bénéficiaires autres que des descendants du constituant (cas 2).

Il est alors prévu la taxation au taux marginal des droits de succession applicables en ligne collatérale et entre non-parents (soit 60 %).

Ces règles sont présentées de manière synthétique dans le tableau ci-après.

Sort des actifs au décès du constituant

Taxation

Actif transmis

Part déterminée d’un bénéficiaire

Constituant une donation ou une succession

DMTG de droit commun

Ne constituant pas une donation ou une succession

DM par décès de droit commun

Part déterminée « collective » de plusieurs descendants

45 %

Autres cas

60 %

Actif demeurant le trust

 

60 %

Un exemple permettra d’illustrer le fonctionnement de ces nouvelles règles. Soit un trust dont l’actif net (biens, droits et capitalisés qui y sont placés) vaut 1 000 à la date du décès de son constituant :

– un bénéficiaire A enfant du constituant reçoit 100. Il est, par ailleurs, héritier du constituant et les biens reçus du trust s’ajoutent à sa part successorale. La taxation dépend du montant de celle-ci (application de l’alinéa 11 – règles normales de succession),

– un bénéficiaire B sans lien de parenté avec le constituant et qui n’en est pas héritier reçoit 100. Cette somme, minorée de l’abattement de 1 594 euros, est taxée à 60 % (application de l’alinéa 13 – taxation ad hoc selon les règles des droits de mutation applicables en fonction du lien de parenté),

– le bénéficiaire A et sa soeur bénéficiaire C reçoivent, de manière indivise, 200. Cette somme est taxée à 45 % (application de l’alinéa 14 – part déterminée due globalement à des descendants),

– les bénéficiaires A et C et leur mère, épouse du constituant, bénéficiaire D, reçoivent de manière indivise, 200. Cette somme est taxée à 60 % (application de l’alinéa 15 – taxation par défaut en l’absence d’autre règle applicable),

– le solde de l’actif, soit 400, demeure dans le trust ou est transmis à un bénéficiaire indéterminé. Cette somme est taxée à 60 % (application de l’alinéa 15 – taxation par défaut en l’absence d’autre règle applicable).

L’alinéa 16 précise que les droits de mutation ad hoc créés par le présent article codifié (dans les cas où il n’y a pas transmission d’une part déterminée au profit d’un bénéficiaire) doivent être acquittés par l’administrateur du trust dans les délais déclaratifs de droit commun des droits de mutation par décès (six mois en cas de décès en France métropolitaine, un an dans les autres cas).

À la différence des dispositions du présent article relatives à l’amende en cas de défaut de déclaration des trusts et au paiement du nouveau prélèvement sur les trusts, il n’est pas prévu de responsabilité solidaire des bénéficiaires pour le paiement de ces droits alors même que l’administrateur sera, par construction, résident d’un État étranger et que cet État ne sera pas nécessairement lié à la France par une convention d’assistance en matière de recouvrement.

L’alinéa 17 prévoit que, par dérogation aux dispositions précédentes, le taux marginal des droits de succession applicables en ligne collatérale et entre non-parents (soit 60 %) s’applique, dans tous les cas, si :

– soit le trust est administré depuis un État ou territoire non coopératif ;

– soit le constituant du trust était, au moment de la constitution, fiscalement domicilié en France.

3.– La détermination légale d’un « constituant fiscal »

Comme on l’a vu, il est prévu de taxer au décès du constituant l’actif restant dans le trust. Dans l’hypothèse d’un trust « dynastique », cette taxation, qui se substitue aux DMTG de droit commun, doit intervenir à chaque génération. Afin de le garantir, l’alinéa 18 prévoit de considérer, pour l’application de la taxation proposée, le bénéficiaire d’un trust dont le constituant originel est décédé comme le « nouveau » constituant.

Deux cas de figure sont envisagés.

Pour l’avenir, il est prévu de considérer le bénéficiaire d’un trust dont les produits auront été imposés en application du nouveau dispositif proposé (ce qui, par construction, suppose le décès du constituant) comme devenant « constituant à la place du constituant ».

Pour le stock, c’est-à-dire les trusts dont le constituant est déjà décédé (à la date d’entrée en vigueur de la présente loi de finances rectificative), il est également prévu d’assimiler le bénéficiaire au constituant. Il convient de noter qu’il en résulte que la transmission dont a, par construction, bénéficié cet actuel bénéficiaire au décès du « vrai » constituant et qui n’a, en principe, pas été taxée puisque l’actif est demeuré dans le trust, ne le sera donc jamais. En d’autres termes, il n’est pas prévu de taxer rétroactivement les transmissions résultant du décès de constituants de trusts intervenus avant l’entrée en vigueur de la loi.

Sur le plan pratique, on peut s’interroger sur le fonctionnement de cette règle dans l’hypothèse, probablement fréquente, d’une pluralité de bénéficiaires dont découlera une pluralité de « constituants par détermination de la loi » et, à la lettre du texte, une taxation à 60 % de l’actif demeurant dans le trust au décès de chacun d’entre eux, décès qui provoquera, au surplus, la création de « constituants par détermination de la loi » supplémentaires.

B.– LES MODIFICATIONS DES RÈGLES COMMUNES

1.– Les règles de territorialité

Les alinéas 4 à 6 adaptent aux trusts les règles de territorialité applicables en matière de DMTG qui figurent à l’article 750 ter du code général des impôts.

Il est rappelé que les DMTG s’appliquent, sous réserve des conventions fiscales :

– sur les biens français et étrangers des donateurs ou défunts domiciliés fiscalement en France,

– sur les biens français des donateurs ou défunts non-résidents,

– sur les biens français et étrangers reçus par les héritiers, donataires ou légataires domiciliés fiscalement en France à la condition qu’ils l’aient été pendant au moins six des dix années précédant celle au cours de laquelle ils reçoivent les biens.

Le présent article propose deux modifications.

La première, prévue par l’alinéa 5, précise que les biens et droits composant un trust (y compris les produits capitalisés) font partie des biens auxquels s’appliquent ces règles de territorialité.

La seconde, opérée par l’alinéa 6, rend les DMTG applicables à raison de la résidence fiscale en France du bénéficiaire d’un trust, y compris donc quand il ne peut être considéré comme un héritier ou un donataire. Cette disposition conditionne l’application des nouvelles règles de taxation des actifs maintenus dans les trusts ou transmis selon des modalités qui ne peuvent être assimilées à une donation ou à une succession.

2.– La présomption de propriété

L’alinéa 7 vise à étendre la présomption de propriété posée par l’article 752 du code général des impôts aux biens ou droits placés dans un trust.

En l’état du droit, cet article dispose que les valeurs mobilières dont le défunt « a eu la propriété ou a perçu les revenus ou à raison desquelles il a effectué une opération quelconque moins d’un an avant son décès » sont présumées faire partie de sa succession jusqu’à preuve contraire.

Par coordination, l’alinéa 41 modifie l’article L. 19 du livre des procédures fiscales pour étendre symétriquement le champ du contrôle des actes de succession par l’administration.

II.– L’IMPOSITION DE LA DÉTENTION DU PATRIMOINE

En matière d’impôt sur la fortune, les trusts posent des difficultés juridiques substantielles compte tenu des incertitudes qu’ils créent sur le propriétaire des biens, droits et produits capitalisés qui y sont placés.

L’état du droit, qui résulte des solutions dégagées par des jurisprudences récentes (40), aboutit à :

– exclure le rattachement des biens placés dans le trust au patrimoine du bénéficiaire lorsque l’administration n’est pas en mesure d’apporter la preuve qu’il détient des droits réels sur ces biens,

– rattacher les biens placés dans le trust au patrimoine du constituant lorsqu’il s’agit d’un trust révocable et que l’acte de trust permet au constituant de rentrer en possession de biens placés dans le trust à tout moment.

En pratique et a contrario, ces solutions jurisprudentielles, dont la logique n’est pas contestable à l’égard de notre droit, conduisent à ne rattacher les actifs ni au patrimoine du bénéficiaire, ni à celui du constituant dans le cas d’un trust irrévocable et discrétionnaire.

Il en résulte un état du droit ouvrant des possibilités importantes d’évasion fiscale, y compris au titre de biens dont le constituant ne se dessaisit en réalité pas mais conserve la propriété réelle au travers de conventions avec l’administrateur du trust dissimulées à l’administration.

Le présent article propose, en conséquence, trois modifications :

– le rattachement des biens placés dans un trust au patrimoine du constituant par détermination de la loi,

– la création d’une nouvelle obligation de déclaration des trusts,

– la création d’une taxation ad hoc ayant, de fait, vocation à constituer une incitation à la déclaration régulière des biens placés dans un trust.

A.– L’INCLUSION DANS L’ASSIETTE DE L’ISF DU CONSTITUANT

L’alinéa 20 crée un nouvel article 885 G ter au sein du code général des impôts, prévoyant que les biens placés dans un trust, y compris les produits capitalisés, sont compris dans le patrimoine du constituant (et, le cas échéant, du bénéficiaire « constituant par détermination de la loi ») pour leur valeur vénale nette au 1er janvier de l’année d’imposition.

Cette règle, très similaire à celle prévue par l’article 885 G bis s’agissant des biens transférés dans un patrimoine fiduciaire, a le mérite d’une grande simplicité, notamment parce qu’elle rend l’assiette de l’impôt totalement indépendante du contenu de l’acte de trust. Il ne s’agit, en effet, pas d’une présomption de propriété simple, qui pourrait, le cas échéant, être combattue notamment au regard de l’acte de trust, mais d’une présomption irréfragable (ou plus précisément d’une détermination légale de l’assiette).

Il convient de noter que cette disposition aura, en revanche, pour conséquence a contrario de ne jamais permettre le rattachement des biens placés dans un trust au patrimoine du bénéficiaire (sauf lorsqu’il sera, au décès du constituant originel, assimilé à un constituant), y compris dans les circonstances où la réalité de la gestion du trust conduirait à pouvoir établir la propriété du bénéficiaire.

Compte tenu des règles de territorialité applicables en matière d’ISF et sous réserve des conventions fiscales, il en résultera :

– la taxation à l’ISF des biens placés dans un trust dont le constituant est résident fiscal français, quel que soit le lieu de situation de ces biens ou des actifs sous-jacents,

– la taxation à l’ISF des biens (à l’exception des placements financiers) situés en France et placés dans un trust dont le constituant n’est pas résident fiscal français.

B.– L’OBLIGATION DE DÉCLARATION DES TRUSTS

Les alinéas 33 à 36 créent une nouvelle obligation fiscale de déclaration des trusts, codifiée dans un nouvel article 1649 AB et sanctionnée par les alinéas 37 à 38 qui créent une amende en cas de défaut ou d’omission de déclaration.

L’obligation déclarative pèse sur l’administrateur d’un trust dès lors que les biens qui y sont placés peuvent être taxables par la France, ce qui est possible dans trois cas :

– la résidence fiscale en France du constituant (au titre de l’année de déclaration) ;

– la résidence fiscale en France de l’un des bénéficiaires (également au titre de l’année de déclaration) ;

– l’existence dans son actif de biens ou droits situés en France.

La déclaration porte sur :

– la constitution, la modification ou l’extinction du trust ;

– le contenu de ses termes (qu’il convient de comprendre comme le contenu de l’acte de trust et, le cas échéant, des éventuelles stipulations complémentaires régissant le fonctionnement du trust) ;

– la valeur vénale au 1er janvier de l’année de certains des biens et droits placés et de leurs produits capitalisés.

Les biens et droits devant être déclarés sont ceux entrant dans le champ du nouveau prélèvement sur les trusts (lequel exclut paradoxalement de son assiette certains biens déclarés dans le cadre de la présente obligation déclarative, l’articulation entre les deux dispositifs apparaissant donc perfectible).

L’alinéa 38 sanctionne les infractions aux dispositions régissant cette obligation déclarative (donc le défaut de déclaration ou les omissions déclaratives) d’une amende égale à 10 000 euros ou, si ce montant est plus élevé, à 5 % de l’actif du trust.

L’alinéa 40 dispose que cette amende est due solidairement par l’administrateur et par le constituant et les bénéficiaires du trust.

Cette amende constitue une incitation extrêmement forte à la révélation complète à l’administration des trusts, compte tenu de son niveau (le taux de 5 % étant le décuple du taux marginal de l’ISF) et de son assiette (l’intégralité de l’actif du trust, indépendamment de toute considération quant à la nature et à la situation des biens – notamment sur leur caractère taxable ou non à l’ISF du point de vue de la territorialité ou des règles d’exonération propres à cet impôt – et quant à la répartition éventuelle des droits sur le trust entre les personnes intéressées).

C.– LE PRÉLÈVEMENT SUR LES TRUSTS

Les alinéas 21 à 36 créent, au sein du code général des impôts, un nouvel article 990 J instituant une taxation spécifique sur les biens placés dans des trusts.

Ce nouvel impôt est qualifié de prélèvement mais n’est pas davantage nommé. Dans un souci de précision, le présent rapport le qualifie de prélèvement sur les trusts.

Le prélèvement sur les trusts a pour objet de principal de se substituer à l’ISF en sanctionnant (comme une majoration spécifique de droits aurait pu également le faire) le défaut de révélation au titre de l’ISF des biens placés dans un trust. Il en résulte une assiette originale définie pour l’essentiel « en creux » de l’assiette régulièrement déclarée au titre de l’ISF.

1.– L’assiette : l’assiette « brute » de l’ISF minorée des actifs imposables à l’ISF régulièrement déclarés

a) L’assiette théorique

L’assiette du prélèvement sur les trusts sera :

– l’ensemble des biens (situés en France et hors de France), y compris les produits capitalisés placés dans le trust pour les constituants et bénéficiaires résidents fiscaux français,

– les biens placés dans le trust (autres que les placements financiers au sens de l’assiette de l’ISF) situés en France et les produits capitalisés pour les constituants et bénéficiaires non-résidents.

Cette assiette correspond à celle résultant des règles de territorialité de l’ISF. Les exonérations applicables en matière d’assiette de l’ISF (en particulier, les exonérations dépendant de la nature des biens) ne seront, en revanche, pas applicables s’agissant du prélèvement sur les trusts dont l’assiette s’apparente à une assiette ISF « brute ».

Une exonération spécifique est toutefois introduite par l’alinéa 23 au titre des trusts constitués en vue de gérer les droits à pension acquis dans le cadre de leur activité professionnelle par des bénéficiaires. Cette hypothèse correspond aux trusts créés par des entreprises au bénéfice de leurs dirigeants et salariés et de leurs anciens dirigeants et salariés. Il convient de noter que les biens et droits correspondants demeurent naturellement imposables à l’ISF.

L’assiette du prélèvement sur les trusts sera évaluée comme en matière d’ISF, à la valeur vénale nette des biens au 1er janvier.

b) L’exonération des biens taxables à l’ISF régulièrement déclarés

Le prélèvement sur les trusts ne sera pas dû à raison de la fraction de l’assiette :

– retenue dans l’assiette de l’ISF d’un constituant ;

– déclarée (dans le cadre de la nouvelle déclaration spécifique des trusts dont la création est proposée par le présent article, cf. ci-dessus) et non taxable à l’ISF.

En d’autres termes, le prélèvement n’a vocation à frapper que des biens qui n’auront pas été régulièrement déclarés à l’administration.

Compte tenu de cette intention, il conviendra d’interpréter les dispositions proposées :

– d’une part, comme n’excluant de l’assiette que les biens inclus dans le patrimoine taxable au titre de l’ISF déclaré spontanément par lui (à l’exclusion, donc, des cas où la taxation résulte de la révélation postérieure de l’existence du trust) ;

– d’autre part, comme excluant de l’assiette les biens des trusts régulièrement déclarés et non taxables à l’ISF, y compris lorsqu’ils ne seraient pas soumis à cet impôt à raison de ses règles de territorialité (c’est-à-dire dans le cas de biens situés hors de France d’un trust dont le constituant n’est pas résident fiscal français).

2.– Un taux aligné sur le taux marginal de l’ISF

Le taux sera le taux marginal de l’ISF, que le projet de loi propose de ramener à 0,5 % à compter de 2012 qui sera la première année au titre de laquelle le prélèvement sur les trusts sera dû.

S’agissant d’un prélèvement ayant vocation, pour les raisons précédemment indiquées, à frapper des contribuables dissimulant des biens à l’administration, le taux retenu peut être comparé à celui qui sera applicable au titre de l’ISF en cas de manquement aux obligations déclaratives au titre de cet impôt. Compte tenu des majorations prévues par l’article 1729 en cas d’insuffisance de déclaration – soit 40 % en cas de manquement délibéré de droit commun et 80 % en cas de manœuvre frauduleuse –, il peut être appliqué, au titre de l’ISF, un taux pouvant aller jusqu’à 0,9 %.

3.– Les redevables et les modalités déclaratives et de recouvrement

Les redevables du prélèvement sur les trusts seront les constituants et les bénéficiaires d’un trust.

Le prélèvement devra toutefois être, en principe, liquidé et acquitté par l’administrateur du trust.

À cet effet, l’alinéa 31 introduit une obligation spécifique de déclaration et de liquidation à la charge de l’administrateur dans les conditions applicables en matière d’ISF (auto-liquidation avant le 15 juin).

Cette obligation déclarative sera, sans doute, souvent théorique. Dans la grande généralité des cas, la déclaration « normale » (soit au titre de l’ISF, soit au titre de la nouvelle déclaration des trusts) sera, en effet, plus favorable (puisqu’elle permettra de bénéficier des règles d’exonération de l’assiette de l’ISF et, éventuellement, de la première tranche de son barème) de sorte que l’on voit mal pourquoi il serait procédé à la déclaration au titre du prélèvement sur les trusts s’il n’est pas procédé à la déclaration du trust et de l’actif correspondant au titre de l’ISF.

Il convient de noter qu’il est prévu, pour le paiement du prélèvement sur les trusts, une responsabilité solidaire de l’administrateur, des constituants et des bénéficiaires autres que ceux ayant satisfait à leurs obligations déclaratives propres.

Le prélèvement sur les trusts sera assis et recouvré, comme l’ISF, selon les règles et sous les sanctions et garanties applicables aux droits de mutation par décès.

III.– L’EXONÉRATION DES PRODUITS RÉINVESTIS

Comme cela a été rappelé, l’article 120 du code général des impôts qualifie de revenus de capitaux mobiliers de source étrangère les « produits des " trusts " quelle que soit la consistance des biens composant ces trusts ».

Les alinéas 2 et 3 proposent de modifier cette disposition. Outre des modifications de coordination, il est proposé de limiter l’imposition aux produits distribués, donc d’exonérer les produits réinvestis, dont la rédaction actuelle (qui, selon les informations apportées au Rapporteur général par le Gouvernement, n’est pas appliquée sur ce point) prévoit la taxation.

Du point de vue de l’imposition de leurs revenus, les trusts seraient ainsi assimilables, en quelque sorte, à des SICAV ou à des fonds communs de capitalisation (ou des contrats d’assurance-vie) dont les produits capitalisés ne sont pas imposables.

Sur le plan pratique, cette disposition pose toutefois la question de la distinction, au sein des versements provenant d’un trust, entre la part éventuellement prélevée sur l’actif (qu’il serait cohérent de ne pas taxer puisque sa transmission à titre gratuit l’a, en principe, été) et celle issue des produits (qu’il est prévu de taxer). On peut craindre que l’identification de ces parts soit, s’agissant de trusts, délicate et que l’exonération des produits capitalisés aboutisse, en pratique, au moins dans certains cas, à une exonération pure et simple des produits.

Il convient toutefois de noter que l’imposition des produits capitalisés resterait possible dans un cas particulier. Cette imposition en transparence est, en effet, prévue de manière générale, au titre des bénéfices des entités soumises à une fiscalité privilégiée, rédaction de portée générale comprenant les trusts. Cependant, l’article 123 bis suppose que la personne physique imposée en transparence détienne au moins 10  % de l’entité, disposition qui, en pratique, s’applique mal (voire pas) aux trusts.

Seul le cas particulier des constituants des trusts implantés dans un État ou territoire non coopératif (ETNC) pourrait donc être couvert par l’article 123 bis dans la mesure où celui-ci prévoit, pour les entités implantées dans ces États, que la condition de détention de droits précédemment exposée est présumée satisfaite lorsqu’un contribuable a transféré des biens et droits à l’entité (c’est-à-dire, en pratique, pour le constituant d’un trust installé dans un tel État ou territoire).

IV.– L’ENTRÉE EN VIGUEUR

L’alinéa 42 prévoit d’appliquer les dispositions du présent article relatives aux droits de mutation à titre gratuit aux donations consenties et aux décès intervenus à compter de la publication de la présente loi de finances.

Il n’est pas prévu de disposition particulière d’entrée en vigueur pour les autres dispositions.

S’agissant des dispositions relatives à l’imposition de la détention du patrimoine (ISF et prélèvement sur les trusts) et à l’obligation déclarative nouvelle des trusts, il en résulte que l’application effective interviendra en 2012 puisque ces dispositions

– soit doivent être appliquées au 1er janvier (prélèvement sur les trusts, obligation déclarative),

– soit concernent l’assiette de l’ISF qui est appréciée à la même date.

S’agissant de la disposition relative à l’imposition des produits des trusts, l’entrée en vigueur sera immédiate et concernera donc les produits perçus ou distribués à compter de la publication de la loi.

V.– LE RENDEMENT DE LA MESURE

L’évaluation préalable du présent article estime son rendement attendu à 30 millions d’euros par an, à compter de 2012, « au vu des dossiers dont a eu connaissance l’administration fiscale ».

*

* *

La Commission est saisie des amendements CF 179, CF 180 et CF 181 du rapporteur général, et de l’amendement CF 13 de M. Daniel Garrigue.

M. le rapporteur général. L’article 6 vise à compléter le régime fiscal des trusts en matière de droits de mutation à titre gratuit et d’ISF. Entre le constituant du trust, le bénéficiaire et l’administrateur, on ne sait pas toujours, en l’état du droit, qui est redevable de l’impôt.

Mon amendement CF 179 vise à permettre d’appréhender le trust en transparence lorsque son constituant est une personne physique agissant à titre professionnel comme le projet le prévoit lorsqu’il s’agit d’une personne morale.

L’amendement CF 180 propose de rendre solidaires les bénéficiaires, non seulement pour l’ISF, mais aussi pour les droits de mutation en cas de décès du constituant du trust.

L’amendement CF 181 est de précision.

M. Daniel Garrigue. Les trusts sont difficiles à cerner, d’autant qu’ils sont constitués à l’étranger. Les dispositions de l’article s’appliqueront-elles aux trusts détenus par des résidents, aux personnes fiscalement domiciliées en France ? Concernent-elles les seuls biens situés sur le territoire français ? Quelles sont les opérations visées ? Lors de notre rencontre avec le Premier ministre de Jersey, hier soir, on a pu voir combien l’institution des trusts nous était étrangère. De fait, l’article reste muet sur la manière d’obtenir les informations nécessaires à sa mise en œuvre.

J’en viens à mon amendement CF 13, qui vise à supprimer deux articles du code général des impôts, relatifs aux fiducies. Lorsque la fiducie est entrée dans notre droit, en 2006, on prétendait la limiter aux personnes morales, et plus précisément aux établissements financiers afin de contrôler l’origine des fonds. Vous avez d’ailleurs, monsieur le rapporteur général, déposé un amendement pour clarifier ce point. La loi de modernisation de l’économie a étendu les fiducies aux personnes physiques et permis aux avocats d’intervenir dans leur gestion.

Le dispositif proposé aujourd’hui me semble très flou. Ne vise-t-il pas, au fond, à régulariser un certain nombre d’opérations qui échappent à notre droit ? N’y a-t-il pas une volonté de banaliser les fiducies, pour en faire des outils comparables aux trusts ?

M. Marc Goua. Une fiducie sert souvent, d’une part, à placer des fonds d’origine douteuse et, d’autre part, à atteindre une situation de monopole sans que cela n’apparaisse. Il ne faut pas que des monopoles puissent se créer à notre insu.

M. le rapporteur général. Permettez-moi un bref rappel historique qui devrait vous rassurer. Le trust trouve son origine dans le droit arabe et ce sont les Croisés qui s’en sont les premiers inspirés, afin de protéger leurs biens qu’ils abandonnaient pour de longues années lorsqu’ils partaient en croisade avec un risque non négligeable de ne jamais revenir. La trace de cet outil juridique a été soigneusement conservée à Jersey, demeurée de droit normand, et depuis des siècles, l’île s’est spécialisée dans la gestion des trusts.

L’article 6 – lequel traite exclusivement des trusts, en aucun cas des fiducies – va dans le bon sens, précisant le régime d’imposition à l’ISF et aux droits de mutation à titre gratuit des biens composant un trust, que son constituant ou son bénéficiaire soit ou non résident fiscal français – les résidents étant redevables au titre des biens du trust en France. Cet article instaure une obligation de déclaration et prévoit, en cas de non-respect de cette obligation, des sanctions financières d’un montant pouvant aller jusqu’à 5 % des biens ou droits composant le trust. L’ISF sera dû dans les conditions du droit commun et, à défaut de déclaration, un prélèvement spécifique est prévu au taux de 0,5 %. Les droits de mutation, quant à eux, s’appliqueraient selon le barème en vigueur lorsque le bénéficiaire de la transmission est connu et au taux marginal de 60 % dans le cas contraire.

Il faut distinguer les trusts et les fiducies. La déclaration des fiducies est d’ores et déjà obligatoire et celles-ci sont aujourd’hui imposées à l’ISF. Pour le reste, il est interdit de créer une fiducie pour organiser une donation. Il est vrai que le rapporteur général du Sénat souhaiterait qu’on étende le rôle des fiducies mais nous n’avons pu en CMP surmonter notre désaccord sur ce point. Nous demeurons attachés à des critères très stricts.

M. Daniel Garrigue. Les trusts n’existent pas seulement à Jersey, mais d’une manière générale dans les pays de droit anglo-saxon. Cet outil permet à certaines places financières de s’affranchir de règles normales de gestion, notamment en recourant à des paradis fiscaux. On institue une obligation de déclaration, mais quid si elle n’est pas respectée ? Nous n’aurons aucun moyen d’obtenir des renseignements. Jersey, comme cela nous a été confirmé, ne communique d’informations que si l’on est en mesure de donner l’identité du constituant ou du bénéficiaire d’un trust et si l’on sait auprès de quel établissement celui-ci a été constitué.

Je ne peux me défaire de l’impression qu’on cherche à régulariser certaines opérations irrégulières et plus généralement, avec les fiducies, à développer un outil comparable aux trusts. Souhaite-t-on concurrencer les pays anglo-saxons ?

M. le président Jérôme Cahuzac. Reconnaissez que cet article, même s’il n’est pas parfait, tente d’améliorer notre législation nationale.

La Commission adopte successivement les amendements CF 179, CF 180 et CF 181 (amendements n°s 1244, 1245, 1246).

Sur avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF 13.

La Commission adopte l’article 6 ainsi modifié.

*

* *

Après l’article 6

La Commission est saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 6.

Elle examine d’abord l’amendement CF 129 de M. Pierre-Alain Muet.

M. Jean Launay. Nul n’a oublié que, lors de la crise financière qui a précédé la crise économique, l’État est venu au secours des banques, les recapitalisant largement, selon des modalités que nous avions d’ailleurs en leur temps critiquées. En effet, les contribuables, bien que mis à contribution, n’ont pas pu retirer les bénéfices de ces opérations comme ils l’auraient dû.

Par souci à la fois de justice sociale et de responsabilité financière, nous proposons aujourd’hui d’instituer une taxe additionnelle à l’impôt sur les sociétés de 15 % sur les établissements de crédit, qui ont pour le moins rétabli leurs résultats.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CF 139 de M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Cet amendement propose de supprimer le régime du bénéfice mondial consolidé, comme l’a lui-même proposé le Conseil des prélèvements obligatoires, jugeant que l’utilité économique du dispositif n’avait pas été démontrée.

M. le président Jérôme Cahuzac. Cherchant à me renseigner sur les entreprises bénéficiant de cet avantage fiscal, j’ai appris que l’une d’entre elles avait fait état dans un document officiel présenté en assemblée générale d’un avantage à son seul profit supérieur au coût pour l’État de cet avantage fiscal pour l’ensemble des entreprises bénéficiaires. Il faudrait vraiment savoir ce qu’il en est.

M. le rapporteur général. Nous aurons ce débat lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012. Je ne cherche nullement à l’esquiver. J’aborderai d’ailleurs la question dans un prochain rapport mais nous ne disposons pas pour l’heure de toutes les données nécessaires. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CF 134 de M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Cet amendement vise à moduler le taux de l’impôt sur les sociétés en fonction de l’affectation des bénéfices, afin de favoriser les investissements.

Sur avis défavorable du rapporteur général, la Commission rejette l’amendement.

*

* *

Article 7

Création d’une contribution exceptionnelle sur la provision pour hausse des prix mise à la charge des entreprises du secteur pétrolier

Texte du projet de loi :

I.– Les entreprises dont l’objet est d’effectuer la première transformation du pétrole brut ou de distribuer les carburants issus de cette transformation, acquittent une contribution exceptionnelle assise sur la fraction excédant cent mille euros du montant de la provision pour hausse des prix prévue au onzième alinéa du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts et inscrite au bilan à la clôture de l’exercice ou à la clôture de l’exercice précédent si le montant correspondant est supérieur.

Le taux de la contribution est fixé à 15 %.

La contribution est acquittée dans les sept mois de la clôture de l'exercice. Elle est liquidée, déclarée, recouvrée et contrôlée comme en matière de taxe sur le chiffre d'affaires et sous les mêmes garanties et sanctions.

II.– Les dispositions du I s’appliquent au titre du premier exercice clos à compter du 31 décembre 2010.

Exposé des motifs du projet de loi :

Le présent article met à la charge des entreprises du secteur pétrolier une contribution exceptionnelle assise sur la provision pour hausse des prix. Cette contribution permettra de financer le coût de la revalorisation de 4,6 % des barèmes kilométriques applicables, au titre de l’année 2010, aux salariés et à certains titulaires de bénéfices industriels et commerciaux et de bénéfices non commerciaux. Un abattement de 100 000 € est prévu sur le montant de la provision servant de base au calcul de la contribution, ce qui permet d’exclure de son champ d’application les petites entreprises indépendantes.

La contribution s’applique au montant de la provision pour hausse des prix qui figure au bilan des entreprises concernées au titre du premier exercice clos à compter du 31 décembre 2010 ou au bilan de l’exercice précédent si le montant de cette provision s’avère être supérieur.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article met à la charge des entreprises du secteur pétrolier une contribution exceptionnelle assise sur la provision pour hausse des prix.

Elle permettra de financer le coût de la revalorisation de 4,6 % des barèmes kilométriques applicables, au titre de l’année 2010, aux salariés et à certains titulaires de BIC et BNC.

I.– LA REVALORISATION DU BARÈME KILOMÉTRIQUE POUR FAIRE FACE À LA HAUSSE DU PRIX DES CARBURANTS

A.– LA HAUSSE DU PRIX DES CARBURANTS

Les cours du pétrole brut atteignaient 123 dollars/baril et 85 euros/baril en avril 2011, soit une hausse respective sur un an de 55 % et 42,5 %, l’euro ayant en partie amorti la hausse des prix du baril de brent et des cotations internationales de produits pétroliers. La facture pétrolière de la France a ainsi retrouvé en 2010 son niveau de 2008 à 46,4 milliards d’euros, contre 28,9 milliards en 2009.

Les prix du carburant atteignaient 1,533 euro/litre pour le SP 95 et 1,364 euro/litre pour le gazole en avril, contre une moyenne de 1,345 et 1,145 euro/litre en 2010.

B.– LA REVALORISATION DU BARÈME KILOMÉTRIQUE

Afin de limiter l'impact du prix de l'énergie sur le pouvoir d'achat des Français, le Gouvernement a décidé de revaloriser de 4,6 % le barème forfaitaire kilométrique des frais de voiture et d’essence, et ce dès cette année, pour la déclaration des impôts sur le revenu 2010.

Le nouveau barème applicable concerne les professionnels qui utilisent leur véhicule dans le cadre de leur travail, soit quelque 5 millions de salariés, 500 000 membres des professions libérales et 600 000 artisans, qui devraient profiter de cette hausse.

Pour utiliser le barème kilométrique, il faut opter, dans sa déclaration d'impôts, pour la déduction des frais réels (en contrepartie, il n'y a pas d'abattement de 10 % pour les contribuables qui choisissent cette solution).

Par exemple, un contribuable qui utilise une voiture de 7 CV, et parcourt 15 000 kilomètres par an à titre professionnel, pourra déclarer en frais réels la somme de 6 258 euros pour 2010 (calcul : 15 000 x 0,332 + 1 278), soit 270 euros de plus.

Les nouvelles évaluations kilométriques ont été confirmées par l'instruction 5 F-8-11 du 13 avril 2011 qui annule et remplace l'instruction 5 F-6-11 : les contribuables sont invités à ne pas tenir compte des barèmes indiqués sur les notices jointes aux déclarations, obsolètes.

II.– LE RÉGIME DE LA PROVISION POUR HAUSSE DES PRIX

Les industries qui transforment des matières premières sont exposées aux fluctuations permanentes des cours de ces matières qui affectent le coût de renouvellement des stocks nécessaires à leur exploitation. Or, la différence entre la valeur comptabilisée du stock à la clôture d'un exercice et la valeur du même stock à l'ouverture de l'exercice fait partie intégrante du résultat imposable. En effet, aux termes du 3 de l'article 38 du code général des impôts, « les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice si ce cours est inférieur au prix de revient ». Un profit sur stock est donc soumis à imposition alors même qu’il est affecté d’une obligation de remploi.

Pour neutraliser les effets fiscaux des variations de prix affectant les stocks de base indispensables à la poursuite de l'exploitation, les entreprises peuvent utiliser le mécanisme de la provision pour hausse des prix. Aux termes du 5° du I de l’article 39 du code général des impôts, les entreprises soumises à l’impôt sur le revenu d’après leur bénéfice réel ou à l’impôt sur les sociétés peuvent en effet, lorsque pour une matière ou un prix donné il est constaté au cours d’une période ne pouvant excéder deux exercices successifs une hausse de prix supérieure à 10 %, pratiquer une provision correspondant à la fraction de cette hausse excédant 10 %. Peuvent faire l'objet de provisions pour hausse des prix les matières, produits et approvisionnements de toute nature existant en stock à la clôture de l'exercice, à l'exclusion des travaux en cours. Les dotations à cette provision facultative sont calculées distinctement pour chaque produit présentant une nature différente.

L’exonération d’impôt qui résulte d’une provision pratiquée à la clôture d’un exercice n’est pas définitive : la provision est rapportée de plein droit aux bénéfices imposables de l’exercice en cours à l’expiration de la sixième année suivant la date de cette clôture. Toutefois, dans le cas des entreprises dont la durée normale de rotation des stocks est supérieure à trois ans, la réintégration est seulement effectuée dans un délai correspondant au double de cette durée.

L’article 36 de la loi de finances pour 2005 a plafonné la dotation à la provision pour hausse des prix, pour la détermination des exercices clos à compter du 22 septembre 2004, à un montant égal, pour chaque exercice, à 15 millions d’euros majorés, le cas échéant, de 10 % de la dotation qui aurait été permise en l’absence de ce plafonnement. Il s’agissait alors de limiter un mécanisme qui s’était révélé excessivement favorable à certaines entreprises qui, compte tenu des variations de cours de certaines matières premières (comme le pétrole), avaient pu provisionner sur une courte période d’importants montants alors même qu’elles réalisaient des marges élevées du fait de la hausse des cours. Toutefois pour les entreprises dont la durée moyenne de rotation des stocks, pondérée par matières et par produits, est supérieure à un an, le plafond fixé à la phrase précédente est multiplié par cette durée moyenne, exprimée en mois, divisé par douze.

Concrètement, les dotations pour hausse de prix sont partiellement plafonnées à partir d’un seuil de 16 666 666,67 euros par an. Une entreprise qui aurait eu l’intention de provisionner pour 100 millions d’euros ne peut plus constituer que 25 millions d’euros de provisions.

Conformément à l’article 10 terdecies de l’annexe III du code général des impôts, les entreprises qui pratiquent des provisions pour hausse des prix sont tenues de fournir, à l'appui de la déclaration des résultats de chaque exercice, tous les éléments de calcul de la provision. Elles doivent indiquer notamment :

– les quantités de chacune des matières et de chacun des produits et approvisionnements existant à la clôture de l'exercice considéré et à raison desquels l'entreprise entend pratiquer une provision ;

– la valeur unitaire d'inventaire de chacun des éléments à la clôture dudit exercice et ses valeurs unitaires d'inventaire à l'ouverture et à la clôture de l'exercice précédent ;

– le montant de la dotation au compte « Provision » pouvant être pratiquée à la clôture de l'exercice considéré ;

– le montant de la dotation effectivement pratiquée ;

– et, le cas échéant, le montant de la dotation antérieure qui a été rapportée au bénéfice imposable.

En outre, la provision doit être inscrite au passif du bilan sous une rubrique spéciale faisant ressortir séparément le montant des dotations de chaque exercice. Elle doit être effectivement comptabilisée et figurer sur le relevé spécial des provisions, joint à la déclaration des résultats.

Elle doit être rapportée au plus tard aux résultats imposables du sixième exercice suivant celui au titre duquel elle a été constituée.

III.– LA CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE SUR LA PROVISION

La taxe instituée est une contribution exceptionnelle, due au titre du premier exercice clos à compter du 31 décembre 2010. Elle est assise sur la fraction excédant 100 000 euros de la provision pour hausse des prix inscrite au bilan à la clôture du premier exercice clos à compter du 31 décembre 2010, ou à la clôture de l'exercice précédent si le montant de provision est supérieur. Son taux est de 15 %.

Ainsi, pour les entreprises dont l’exercice coïncide avec l’année civile, la contribution est calculée sur la base du montant de la provision qui figure au bilan de l’exercice clos le 31 décembre 2010 ou de celui clos le 31 décembre 2009 si le montant est supérieur. Elles devront donc acquitter la contribution au plus tard en juillet 2011.

Pour les entreprises dont l’exercice ne coïncide pas avec l’année civile, la contribution est calculée sur la base du montant de la provision qui figure au bilan du premier exercice clos en 2011 ou de l’exercice clos en 2010 si ce montant est supérieur. La contribution doit alors être acquittée dans les sept mois de la clôture.

Les entreprises assujetties à la taxe exceptionnelle sont celles qui ont pour objet (et pas seulement à titre principal) d'effectuer la première transformation du pétrole brut, c'est-à-dire son raffinage, ou de distribuer les carburants issus de cette transformation. Sont donc passibles de cette taxe les entreprises qui exercent l'une ou l'autre de ces deux activités, ainsi que celles qui les exercent conjointement.

Un abattement de 100 000 euros est prévu sur le montant de la provision servant de base au calcul de la contribution, afin d’exclure de son champ d’application les petites entreprises indépendantes.

Le seuil de 100 000 euros est apprécié en tenant compte du montant total de la provision inscrite au bilan de l'exercice concerné, quels que soient les matières ou les produits à raison desquels elle a été constituée ou la nature de l'activité pour laquelle ces matières ou produits sont utilisés. La taxe s’applique dès lors que le seuil est dépassé à l’ouverture ou à la clôture de l’exercice.

Secteur(s) d’activité principalement concerné(s)

Préciser le nombre d’entreprises du secteur

Commerce de gros de combustibles et de produits annexes

30

Entreprises de raffinage du pétrole

6

Commerce de détail de carburants en magasin spécialisé

6

Centrales d’achat non alimentaires

2

Par catégorie, nombre d’entreprises concernées :

TPE (très petites entreprises)

dont auto-entrepreneurs

PME (petites et moyennes entreprises)

ETI (entreprises de taille intermédiaire)

Grandes
entreprises

TOTAL

0

12

31

1

44

Pour les entreprises redevables, la contribution exceptionnelle entraîne un coût égal au taux de la contribution, fixé à 15 %, multiplié par le montant de la provision pour hausse des prix, déduction faite du gain futur d’impôt lié à la déductibilité de la contribution pour la détermination du résultat imposable.

Le chiffrage du rendement en 2011 de la contribution exceptionnelle sur la provision pour hausse des prix mise à la charge des entreprises du secteur pétrolier a été réalisé à partir des éléments déclarés au titre de la provision pour hausse des prix par les entreprises du secteur au titre des exercices clos en 2009-2010. Sur la base d’un taux de 15 %, il est estimé à 120 millions de recettes pour l’État en 2011 et 5 millions de diminution de recettes (effet IS) en 2012, soit un total net de 115 millions d’euros.

Le groupe Total, qui a dégagé en 2010 un bénéfice net de 10,3 milliards d’euros, en hausse de 32 %, notamment du fait de la hausse des cours du pétrole, a indiqué que sa contribution, avant impôt, serait de 70 millions d’euros.

Tranche de valeur de la contribution exceptionnelle sur la PHP

Effectif des redevables de la contribution exceptionnelle
sur la PHP

Masse totale
de la contribution

Poids de la tranche en terme
de contribution

moins de 40 k€

10

101 321 €

0,08 %

compris entre 40 k€ et 240 k€

10

1 588 400 €

1,30 %

compris entre 240 k€ et 450 k€

10

3 563 393 €

2,92 %

compris entre 450 k€ et 2 200 k€

11

13 925 856 €

11,42 %

supérieur à 2 200 k€

12

102 784 072 €

84,27 %

Ensemble des redevables

53

121 963 042 €

100 %

La taxe est liquidée, déclarée, recouvrée et contrôlée comme en matière de taxe sur le chiffre d'affaires et sous les mêmes garanties et sanctions. Elle doit être acquittée spontanément par l'entreprise au service des impôts des entreprises du lieu de dépôt de sa déclaration de résultats, dans un délai de sept mois décompté à partir de la clôture du premier exercice clos à compter du 31 décembre 2010. Son paiement doit être accompagné d'une déclaration établie sur papier libre mentionnant, outre l'ensemble des indications nécessaires à l'identification de l'entreprise, les éléments suivants :

– l'exercice de référence retenu pour la détermination de l'assiette de la taxe ;

– le montant de la taxe à acquitter et ses modalités de calcul.

La taxe exceptionnelle étant un prélèvement distinct de l'impôt sur les sociétés, les entreprises ne peuvent pas s'en acquitter par imputation de crédits d'impôts ou autres créances d'impôt sur les sociétés tels que la créance née du report en arrière des déficits. De même, si l'entreprise assujettie à la taxe exceptionnelle est une société filiale d'un groupe au sens de l'article 223 A, la société mère ne peut se substituer à elle pour le paiement de cette taxe.

En l’absence de dispositions particulières, la taxe est déductible des résultats imposables mais elle ne pourra pas s’imputer sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice au cours duquel la provision sur laquelle elle est assise est réintégrée, ni des deux suivants. Cette contribution exceptionnelle constitue un prélèvement définitif.

Les principales différences avec la taxe instituée en 2007 et 2008 pour le financement de la prime à la cuve sont les suivantes :

– le nombre d’entreprises concernées est plus important : 44 au lieu de 9 ;

– l’abattement était alors fixé à 15 millions d’euros et le taux était de 25 % ;

– le produit de la taxe précédente était un peu supérieur, à 163 millions d’euros ;

– la taxe n’était pas déductible des résultats imposables, mais imputable sur l’IS dû au titre de l’exercice au cours duquel la provision sur laquelle elle était assise est réintégrée.

*

* *

La Commission examine l’amendement CF 156 de M. Pierre-Alain Muet.

M. Michel Vergnier. Cet amendement vise à pérenniser la contribution sur la provision pour hausse des prix sollicitée des entreprises du secteur pétrolier. Des mesures ont été prises qui ne sont pas suffisantes. Il nous semblerait juste de faire contribuer davantage les compagnies, en les distinguant bien des distributeurs, lesquels ont pour l’instant supporté la plus lourde part des mesures prises.

M. le rapporteur général. Le Gouvernement a très largement repris le dispositif qui avait été mis en place en 2000. Par ailleurs, une taxe sur provisions ne peut pas par nature être pérenne.

La Commission rejette l’amendement.

Puis suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF 157 de M. Pierre-Alain Muet.

La Commission adopte l’article 7 sans modification.

*

* *

Après l’article 7

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la Commission rejette successivement les amendements CF 158, CF 159 et CF 128 de M. Pierre-Alain Muet, portant articles additionnels après l’article 7.

Elle examine ensuite l’amendement CF 5 de M. Olivier Carré.

M. Patrice Martin-Lalande. Cet amendement propose de supprimer la taxe sur l’achat de services de publicité en ligne, instaurée par le Sénat dans le projet de loi de finances pour 2011. En effet, celle-ci fait fuir à l’étranger toutes les entreprises achetant de la publicité en ligne, ce qui nous prive de recettes de TVA. Le Conseil national du numérique et le Gouvernement ont eux aussi demandé cette suppression.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Toutefois, je vous suggère de déposer un amendement de report, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 88.

M. Patrice Martin-Lalande. Il y a déjà eu deux reports. De toute façon, une solution ne pourra être trouvée qu’au niveau européen. Bref, l’horizon paraît lointain.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CF 39 de M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Je retire également cet amendement, de repli par rapport au précédent.

L’amendement CF 39 est retiré.

La Commission examine l’amendement CF 59 de M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Cet amendement vise à remédier à une imprécision d’un article du code des douanes qui aboutit à une distorsion de concurrence au détriment des industriels exploitant des installations de cogénération. Déjà présenté l’an dernier lors du collectif, il avait reçu l’aval de la Commission des finances sans toutefois pouvoir être défendu en séance.

M. le rapporteur général. Il faudrait le préciser. Tel que rédigé, il concernerait aussi les installations de cogénération d’électricité bénéficiant de l’obligation d’achat. Or, dans ce cas, aucune exonération de taxe ne se justifie.

M. Michel Bouvard. Je le redéposerai dans une nouvelle rédaction dans le cadre de la procédure prévue à l’article 88.

L’amendement est retiré.

II.– ressources affectÉes

Article 8

Instauration d’un « bonus-malus » sur la taxe d’apprentissage et création du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage »

Texte du projet de loi :

I.– Il est ouvert un compte d’affectation spéciale intitulé : « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage ». Ce compte retrace :

1° En recettes :

a) La part du quota mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 6241-2 du code du travail ;

b) Les versements opérés au Trésor public en application des articles L. 6252-10 et L. 6252-12 du même code ;

c) Le produit de la contribution supplémentaire prévue à l'article 230 H du code général des impôts ;

d) Les fonds de concours.

2º En dépenses :

a) Le financement des centres de formation d'apprentis et des sections d'apprentissage pour lesquels la région a conclu une convention et des centres de formation d'apprentis pour lesquels a été conclue une convention avec l'État en application de l'article L. 6232-1 du code du travail ;

b) Le financement des actions arrêtées en application des contrats d'objectifs et de moyens mentionnés à l'article L. 6211-3 du même code ou, dans le cas des centres de formation d'apprentis pour lesquels a été conclue une convention avec l'État, des actions de développement et de modernisation arrêtées dans le cadre de cette convention ;

c) Le financement d’actions nationales de communication et de promotion de l’apprentissage ;

d) Le versement aux entreprises de 250 salariés et plus dépassant le seuil prévu au I de l’article 230 H du code général des impôts d’aides en faveur de l’emploi des personnes mentionnées à ce même I, dans des conditions prévues par décret.

Les sommes affectées aux financements mentionnés aux a et b du 2º sont versées aux fonds régionaux de l'apprentissage et de la formation professionnelle continue prévus par l’article L. 4332-1 du code général des collectivités territoriales ou aux centres de formation d'apprentis pour lesquels une convention a été conclue avec l'État en application de l’article L. 6232-1 du code du travail.

II.– Le solde du Fonds national de développement et de modernisation de l’apprentissage prévu à l’article L. 6241-3 du code de travail, tel que constaté à la date de la création du compte d’affectation spéciale mentionné au I, est porté en recettes de ce même compte.

Il est autorisé un découvert de 320 millions d’euros durant les trois mois suivant la création de ce même compte.

III.– Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Les I et II de l’article 230 H sont ainsi rédigés :

« I.– Il est institué une contribution supplémentaire à l’apprentissage.

« Cette contribution est due par les entreprises de 250 salariés et plus qui sont redevables de la taxe d'apprentissage en application de l'article 224 et dont l’effectif annuel moyen, pour l’ensemble des catégories suivantes, est inférieur à un seuil :

« 1° Les salariés sous contrat de professionnalisation ou d'apprentissage ;

« 2° Les jeunes accomplissant un volontariat international en entreprise régi par les articles L. 122-1 et suivants du code du service national ou bénéficiant d'une convention industrielle de formation par la recherche.

« Ce seuil est égal à 4 % de l'effectif annuel moyen de l'entreprise, calculé dans les conditions définies à l'article L. 1111-2 du code du travail, au cours de l'année de référence. Le pourcentage résultant du calcul permettant d’apprécier le respect de ce seuil est arrondi à l’entier inférieur.

« II.– Cette contribution est assise sur les rémunérations retenues pour l'assiette de la taxe d'apprentissage en application des articles 225 et 225 A.

« Elle est calculée aux taux suivants :

« 1°  0,2 %, lorsque le pourcentage mentionné à la dernière phrase du I est inférieur à 1 %. Le taux de la contribution est porté à 0,3 % lorsque l’effectif annuel moyen de l’entreprise excède 2 000 salariés ;

« 2°  0,1 %, lorsque ce pourcentage est au moins égal à 1 % et inférieur à 3 % ;

« 3°  0,05 %, lorsque ce pourcentage est au moins égal à 3 % et inférieur à 4 %. » ;

2° Au 1 de l’article 224, les mots : « est versé au Fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage mentionné à l'article L. 6241-3 du code du travail » sont remplacés par les mots : « favorise l’égal accès à l’apprentissage sur le territoire national et contribue au financement d’actions visant au développement de l’apprentissage dans les conditions prévues à l’article L. 6241-2 du code du travail » ;

3° Au c du V de l’article 1647, les mots : « sur les montants de la taxe d’apprentissage versés au Fonds national de développement et de modernisation de l’apprentissage en application du 1 de l’article 224 et de l’article 226 B, ainsi que » sont supprimés.

IV.– Le code du travail est ainsi modifié :

1° À l’article L. 6241-10, les mots : « en application du 1° de l’article L. 6241-8 sont destinées en priorité aux centres de formation d'apprentis et aux sections d'apprentissage » sont remplacés par les mots : « aux centres de formation d'apprentis et des sections d'apprentissage pour lesquels la région a conclu une convention et des centres de formation d'apprentis pour lesquels a été conclue une convention avec l'État en application de l'article L. 6232-1, sont destinées en priorité aux centres et aux sections » ;

2° À l’article L. 6241-11, les mots : « mentionnés au 1° de l’article L. 6241-8 » sont remplacés par les mots : « mentionnés au premier alinéa de l’article L. 6241-10 » ;

3° Les articles L. 6241-3, L. 6241-8 et L. 6241-9 sont abrogés.

V.– L’article 34 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale est abrogé.

VI.– Le III est applicable à la contribution due en 2012 au titre des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2011.

Exposé des motifs du projet de loi :

Le présent article vise à développer le nombre de salariés employés en alternance en modifiant les règles relatives à l’obligation d’embauche de ces salariés, aujourd’hui applicables aux entreprises de plus de 250 salariés conformément à l’article 230 H du code général des impôts. À cet effet est créé un système de « bonus-malus ».

Trois modifications sont introduites par le présent article.

Premièrement, il porte le seuil minimal de salariés en alternance en deçà duquel la contribution supplémentaire est due par l’entreprise de 3 à 4 % de l'effectif annuel moyen de l'entreprise.

Deuxièmement, il introduit un barème de la contribution supplémentaire due par l’entreprise ne respectant pas son quota d’embauche, modulable en fonction de l’écart au nouveau seuil. Ainsi, le nouveau barème distingue un taux d’alternants inférieur à 1 % (contribution supplémentaire égale à 0,2 %, ou 0,3 % si l’entreprise compte plus de 2 000 salariés), compris entre 1 et 3 % (contribution égale à 0,1 %) ou compris entre 3 et 4 % (contribution égale à 0,05 %).

Troisièmement, il modifie le mode de gestion de l’utilisation des fonds recouvrés en créant un compte d’affectation spéciale (CAS) intitulé « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage ». Ce compte retracera désormais les recettes et les dépenses du Fonds national de développement et de modernisation de l’apprentissage (FNDMA). Les ressources supplémentaires générées par la modification de la contribution supplémentaire seront quant à elles affectées, au sein du compte, au versement d’aides aux entreprises de 250 salariés dont les salariés en contrat d’alternance représentent plus de 4 % de leur effectif salarié.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article a pour objet de créer un système de bonus-malus incitant les entreprises de plus de 250 salariés à recourir à l’apprentissage. Il vise également à substituer au Fonds national de développement et de modernisation de l’apprentissage un compte d’affectation spéciale retraçant, au sein du budget de l’État, les dépenses et recettes relevant actuellement de ce fonds.

Le dispositif de bonus-malus s’inscrit dans le plan du Gouvernement visant à développer l’apprentissage, relayé par la proposition de loi n° 3369 déposée le 13 avril dernier par MM. Cherpion, Perrut et Taugourdeau et dont l’article 6 prévoit une refonte du barème de la cotisation supplémentaire à l’apprentissage identique à celle proposée par le présent article.

Rappelons que, à la suite du discours du Président de la République à Bobigny le 1er mars dernier, le Gouvernement s’est fixé comme objectif d’atteindre, en 2015, un stock de 800 000 contrats d’apprentissage et de professionnalisation, contre 600 000 aujourd’hui. Outre la présente mesure, le plan mis en œuvre comprend également une exonération de charges à destination des entreprises de moins de 250 salariés – cette mesure étant financée sur crédits budgétaires.

I.– INCITER DAVANTAGE LES ENTREPRISES DE PLUS DE 250 SALARIÉS À RECOURIR À L’APPRENTISSAGE

Sur la base du constat que les entreprises de plus de 250 salariés recourent à l’apprentissage nettement moins que les petites entreprises (41), le dispositif proposé tend à concentrer les efforts menés par l’État en faveur de l’apprentissage sur ce public particulier d’entreprises. À cet effet, il instaure un système de bonus-malus reposant sur la contribution supplémentaire à l’apprentissage.

A.– LES INTERVENTIONS FINANCIÈRES DE L’ÉTAT EN FAVEUR DE L’APPRENTISSAGE

En matière d’apprentissage, les régions disposent d’une compétence de droit commun. L’État joue néanmoins un rôle d’accompagnateur de l’action publique dans ce domaine en mobilisant les moyens financiers du Fonds national de développement et de modernisation de l’apprentissage ainsi que ceux du budget général.

 Le fonds national de développement et de modernisation de l’apprentissage (FNDMA), que le présent article remplace par un compte d’affectation spéciale, et la cotisation supplémentaire à l’apprentissage, dont le barème est modifié par le présent article, constituent deux outils mis récemment au service de l’intervention de l’État en matière d’apprentissage.

Créé par la loi de cohésion sociale de 2005 (42), le Fonds national de développement et de modernisation de l’apprentissage est un fonds dépourvu de personnalité juridique et géré en compte de tiers par l’État. Il reprend les missions du Fonds de péréquation de la taxe d’apprentissage, créé en 1997, et se voit confier de nouvelles missions (43) tendant à renforcer la capacité d’intervention de l’État dans ce champ, par le biais du financement :

– des contrats d’objectifs et de moyens pour le développement de l’apprentissage, conclus entre le préfet de région et le président du conseil régional ;

– des centres de formation des apprentis à recrutement national ;

– d’actions nationales de communication et de promotion de l’apprentissage.

Son financement est assuré par l’affectation de trois recettes fiscales :

– la fraction du quota de taxe d’apprentissage, soit 22 % du produit de cette taxe ;

– les versements au Trésor public en application des articles L. 6252-10 et L. 6252-12 du code du travail – sommes indûment versées, prises en charge non justifiées... ;

– et, depuis 2009, la contribution supplémentaire à l’apprentissage.

Le fonds comprend deux sections. La première, dotée de 195 millions d’euros par an, assure une péréquation entre les centres de formation des apprentis et les sections d’apprentissage de chaque région, qui peuvent percevoir des montants différents de taxe d’apprentissage. La seconde est destinée aux interventions de l’État en faveur de l’apprentissage, à savoir le co-financement des contrats d’objectifs et de moyens passés avec les régions ainsi que le financement des centres de formations d’apprentis à recrutement national et les actions de communication.

Le tableau suivant offre une vision synthétique du budget du fonds en 2009 et 2010.

LE BUDGET DU FONDS NATIONAL DE DÉVELOPPEMENT ET DE MODERNISATION DE L’APPRENTISSAGE

(en millions d’euros)

   

2009

2010

Section de péréquation

Recettes (quota de taxe d'apprentissage, reliquat)

196

203

Dépenses

195

200

Seconde section

Recettes

337

358

dont quota de taxe d'apprentissage

270

276

dont reliquat

67

15

dont contribution supplémentaire à l'apprentissage

0

67

Dépenses

322

289

dont contrats d'objectifs et de moyens

314

282

dont CFA à recrutement national

4

2

dont communication

4

5

Source : ministère du Budget, des comptes publics et de la réforme de l’État

 Le programme 103 Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi de la mission Travail et emploi constitue l’autre vecteur d’action de l’État en matière d’apprentissage. Il retrace principalement les crédits destinés à compenser le coût supporté par la sécurité sociale du fait des exonérations de charges sur les contrats d’apprentissage et de professionnalisation, pour 1,3 milliard d’euros en 2011. Ce programme finance également, à hauteur de 1,7 milliard d’euros, la dotation générale de décentralisation destinée à compenser les charges résultant du transfert aux régions des compétences qui leur ont été transférées en matière d’apprentissage et de formation professionnelle.

B.– L’INSTAURATION D’UN SYSTÈME DE « BONUS-MALUS » REPOSANT SUR LA CONTRIBUTION SUPPLÉMENTAIRE À L’APPRENTISSAGE

En instaurant un système de « bonus-malus » reposant sur la contribution supplémentaire à l’apprentissage, le présent article tend à renforcer l’action de l’État en matière d’apprentissage.

1.– La contribution supplémentaire à l’apprentissage

Instaurée en 2009 (44), la contribution supplémentaire à l’apprentissage (CSA), prévue à l’article 230 H du code général des impôts, a remplacé la contribution additionnelle de 0,1 % à la taxe d’apprentissage créée en 2006 (45). Elle vise à assurer le financement du FNDMA et à créer des incitations fiscales tendant au développement de l’apprentissage.

En l’état du droit, la CSA est due par les entreprises de plus de 250 salariés dès lors que l’effectif annuel moyen des salariés en contrat de professionnalisation ou en contrat d’apprentissage et des jeunes accomplissant un volontariat international en entreprise ou bénéficiant d’une convention industrielle de formation par la recherche est inférieur au seuil de 3 % de l’effectif annuel moyen total (« critère d’effectif »).

L’assiette de cette imposition de toute nature, dont le recouvrement est assuré par les organismes collecteurs de taxe d’apprentissage, est définie comme les rémunérations retenues pour l’assiette de la taxe d’apprentissage.

Son taux est fixé à 3 %.

Son rendement est prévu à 67 millions d’euros en 2011.

2.– Le dispositif proposé

Le III du présent article vise à renforcer le caractère incitatif de la contribution supplémentaire à l’apprentissage par deux biais.

D’une part, il élève, de 3 % à 4 %, le seuil en-deça duquel les entreprises sont redevables de la cotisation (alinéa 21). Les entreprises de plus de 250 salariés dont le critère d’effectif est compris entre 3 % et 4 % seraient donc désormais soumises à l’imposition.

D’autre part, le barème de l’imposition serait rendu progressif (alinéas 23 à 26) :

– quand le critère d’effectif est inférieur à 1 %, le taux serait fixé à 0,2 % ou 0,3 % si l’entreprise a plus de 2 000 salariés ;

– quand le critère d’effectif est compris entre 1 % et 3 %, le taux resterait inchangé, à 3 % ;

– quand le critère d’effectif est compris entre 3 % et 4 %, le taux serait fixé à 0,05 %.

Pour compenser cet alourdissement de la fiscalité sur les entreprises et renforcer l’incitation, le dispositif est complété, à l’alinéa 11, par l’inscription en dépenses du nouveau compte d’affectation spéciale d’aides versées aux entreprises de plus de 250 salariés, dont le nombre des personnes mentionnées plus haut est supérieur à 4 % de l’effectif annuel moyen. Les conditions de versement de ces aides seraient déterminées par décret, le Gouvernement ayant annoncé que les aides profiteraient aux entreprises dont le nombre d’apprentis est compris entre 4 % et 6 % de l’effectif.

Au final, le présent article met en place un système de « bonus-malus » en faveur de l’apprentissage, résumé par le tableau suivant.

COMPARAISON DE L’ÉTAT DU DROIT ET DU DISPOSITIF PROPOSÉ

Critère d’effectif (46)

État du droit

Dispositif proposé

0 % à 1 %

Taux de CSA de 0,1 %



Taux de CSA de 0,2 % (0,3 % pour les entreprises de plus de 2000 salariés)

1 % à 2 %

Taux de CSA de 0,1 %

2 % à 3 %

3 % à 4 %

 

Taux de CSA de 0,05 %

4 % à 5 %



Subventions budgétaires

5 % à 6 %

Au-delà de 6 %

 

Le surplus de recettes fiscales lié à l’instauration du malus devrait générer, selon les évaluations du Gouvernement, un produit compris entre 5 et 10 millions d’euros, destiné à financer le bonus – environ 8 000 contrats pouvant être éligibles au bonus la première année. L’administration ne disposant pas de la répartition de l’assiette taxable par tranche d’imposition, une telle évaluation demeure relativement approximative. Elle est réalisée à partir de l’estimation du taux moyen d’apprentis dans l’effectif des entreprises de plus 250 salariés, duquel est déduit le rendement du « malus ».

Aux termes du VI du présent article, le nouveau barème de contribution supplémentaire à l’apprentissage entrerait en vigueur au 1er janvier 2011. La CSA étant payée avant le 1er mars de l’année suivant celle du versement des salaires, il est nécessaire de prévoir une « petite rétroactivité » pour que le dispositif monte en charge dès 2012.

II.– LE REMPLACEMENT DU FONDS NATIONAL DE DÉVELOPPEMENT ET DE MODERNISATION DE L’APPRENTISSAGE PAR UN COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE

A.– LA CRÉATION D’UN COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE POUR BUDGÉTISER LE FNDMA

En l’état du droit, la contribution supplémentaire à l’apprentissage est affectée au Fonds national du développement et de la modernisation de l’apprentissage, que l’État gère en compte de tiers.

Le I du présent article réaffecte cette recette fiscale, ainsi que l’ensemble des recettes et dépenses du fonds, à un nouveau compte d’affectation spéciale. Conformément au I de l’article 21 de la LOLF, les opérations budgétaires retracées sur le nouveau CAS seraient bien « financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées » puisque des impositions destinées au financement de l’apprentissage – taxe d’apprentissage et contribution supplémentaire à l’apprentissage – seraient affectées au financement de dépenses relevant de ce domaine.

Le CAS reprendrait l’intégralité des missions du FNDMA, mentionnées plus haut. Il assurerait la péréquation entre centres de formation d’apprentis et financerait les interventions de l’État, notamment les co-financements de contrats d’objectifs et de moyens. S’y ajouterait, pour un montant compris entre 5 et 10 millions d’euros, le versement des « bonus » aux entreprises, institués par le présent article.

Pour financer ces missions, les trois recettes actuellement perçues par le fonds et mentionnées plus haut seraient affectées au compte. Des fonds de concours pourraient s’y ajouter.

Reprenant une disposition prévue à l’article L. 6241-9 du code du travail, l’alinéa 12 encadre les modalités de mise en œuvre de la dépense en la fléchant vers les centres ayant passé une convention avec l’État.

Par ailleurs, le II du présent article prévoit que le solde de l’actuel fonds est logiquement transféré au CAS et que, comme l’autorise le deuxième alinéa du II de l’article 21 de la LOLF, un déficit temporaire durant les trois mois suivant la création du CAS est autorisé et fixé à un maximum de 320 millions d’euros.

Les IV à V du présent article prévoient enfin des dispositions de coordination rendues nécessaires par la création du CAS. Il convient de noter que la suppression de l’article 34 de la loi de cohésion sociale de 2005, prévue par l’avant-dernier alinéa, va au-delà de la simple coordination. Cet article prévoit en effet l’obligation pour le Gouvernement de transmettre annuellement un rapport au Parlement relatif à la mise en œuvre des contrats d’objectifs et de moyens et du crédit d’impôt en faveur de l’apprentissage.

B.– UNE BUDGÉTISATION QUI S’ARRÊTE À MI-CHEMIN

La budgétisation du FNDMA sous la forme d’un compte d’affectation spéciale constitue une évolution bienvenue pour une double raison.

D’une part, l’information du Parlement sera désormais assurée par les documents budgétaires – projets et rapports annuels de performance – et cette information plus accessible devrait renforcer le contrôle. D’autre part, le deuxième alinéa du II de l’article 21 de la LOLF prévoit que, hormis pendant les trois premiers mois suivant sa création, un compte d’affectation spéciale ne peut être à aucun moment en déficit. Une telle disposition est une garantie pour la protection des intérêts financiers de l’État. Les déficits récurrents du système de bonus-malus automobile, qui relève d’un compte de concours financier, ne sauraient donc être constatés sur l’apprentissage (47).

Le présent dispositif apparaît donc préférable à l’hypothèse du maintien d’un fonds, qui n’aurait pas été acceptable.

Toutefois, l’application dans toute leur rigueur des principes d’universalité budgétaire – garant de la bonne information du Parlement – et de maîtrise des charges par la norme de dépense aurait commandé d’affecter les dépenses et recettes du fonds au budget général.

Le programme Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi de la mission Travail et emploi retrace déjà des crédits ayant pour objet de soutenir l’apprentissage pour plus de 3 milliards d’euros – principalement le financement des exonérations de charges au profit des contrats de qualification et de professionnalisation et la dotation générale de décentralisation. Il aurait donc pu accueillir ces nouvelles dépenses alors que le présent dispositif conduit à ce qu’une même politique publique soit financée par deux missions du budget de l’État – Travail et emploi et le nouveau compte d’affectation spéciale. Il reste vrai que la mission et le compte devraient être examinés conjointement par l’Assemblée lors de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances de l’année, ce qui facilitera la vision consolidée du Parlement sur ce sujet.

L’intégration des opérations budgétaires retracées au sein du FNDMA au sein du budget général aurait été, par ailleurs, plus respectueuse des principes de maîtrise de la dépense. En effet, sur le compte d’affectation spéciale, la dépense pourra croître au même rythme que la recette – et donc que la masse salariale sur laquelle elle est assise (48) – sans que cela n’emporte aucune conséquence sur les autres dépenses de l’État (49). En revanche, compte tenu de la norme de dépense, une intégration au sein du budget général aurait nécessité que la croissance des dépenses soit compensée par des économies sur les autres missions. On peut néanmoins estimer que, compte tenu de la forte contrainte imposée par la loi de programmation des finances publiques, une telle solution aurait pu être trop ambitieuse.

S’il admet le recours, dans le cas d’espèce, à un compte spécial du Trésor, le Rapporteur général rappelle que le principe est le maintien des dépenses au sein du budget général et l’exception leur affectation hors du budget général. Une telle pratique est nécessaire pour assurer la bonne information du Parlement et limiter les lignes de fuite de la norme de dépense.

Trois nouveaux comptes d’affectation spéciale ont été créés en moins de six mois (50). Si de telles modalités d’affectation de la recette restent préférables à l’affectation d’une imposition de toute nature à un opérateur, il conviendrait désormais de modérer les exceptions aux grands principes budgétaires qui garantissent l’information et le contrôle du Parlement.

*

* *

La Commission adopte l’article 8 sans modification.

*

* *

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES À L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES

Article 9

Équilibre général du budget, trésorerie
et plafond d’autorisation des emplois

Texte du projet de loi :

I.– Pour 2011, l’ajustement des ressources tel qu’il résulte des évaluations révisées figurant à l’état A annexé à la présente loi et des charges du budget de l’État sont fixés aux montants suivants :

(en millions d’euros)

 

RESSOURCES

CHARGES

SOLDES

       

Budget général

     

Recettes fiscales brutes / dépenses brutes

230

463

 

À déduire : Remboursements et dégrèvements

466

466

 

Recettes fiscales nettes / dépenses nettes

- 236

- 3

 

Recettes non fiscales

- 262

   

Recettes totales nettes / dépenses nettes

- 498

   

À déduire : Prélèvements sur recettes au profit des
collectivités territoriales et des Communautés européennes

     

Montants nets pour le budget général

- 498

- 3

- 495

Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants

     

Montants nets pour le budget général, y compris
fonds de concours

- 498

- 3

 
       
       

Budgets annexes

     

Contrôle et exploitation aériens

 

3

- 3

Publications officielles et information administrative

     

Totaux pour les budgets annexes

 

3

- 3

Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants :

     

Contrôle et exploitation aériens

     

Publications officielles et information administrative

     

Totaux pour les budgets annexes, y compris fonds de concours

 

3

- 3

       
       

Comptes spéciaux

     

Comptes d’affectation spéciale

770

770

0

Comptes de concours financiers

2 000

1 512

488

Comptes de commerce (solde)

     

Comptes d’opérations monétaires (solde)

     

Solde pour les comptes spéciaux

   

488

       
       

Solde général

   

- 10

II.– Pour 2011 :

1° L’évaluation des ressources et des charges de trésorerie qui concourent à la réalisation de l’équilibre financier demeure inchangée.

2° Le plafond de la variation nette, appréciée en fin d’année, de la dette négociable de l’État d’une durée supérieure à un an demeure inchangé.

III.– Pour 2011, le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État demeure inchangé.

Exposé des motifs du projet de loi :

Le présent article traduit l’incidence sur l’équilibre budgétaire pour 2011 des dispositions proposées par le présent projet de loi.

Le déficit prévisionnel de l’État pour 2011 est maintenu au niveau arrêté en loi de finances initiale, soit 91,6 Md€.

Cette stabilité s’explique, d’une part, par une dégradation de 0,5 Md€ des recettes nettes du budget général et, d’autre part, par une amélioration de 0,5 Md€ du solde des comptes spéciaux (remboursement anticipé des prêts au secteur automobile pour 2,0 Md€ et révision des décaissements des prêts à la Grèce, notamment décalage du prêt initialement prévu fin 2010, pour 1,5 Md€).

En conséquence, le tableau de financement demeure inchangé.

Le tableau ci-après présente la situation du budget de 2011 après prise en compte des dispositions proposées dans le présent projet de loi de finances rectificative.

(en millions d’euros)

 

Loi de finances initiale

 

Décrets
d’avance
ou
d’annul. (soldes)

Modifications proposées dans le présent projet de loi

Total
des
mouv.

Situation
nouvelle

       

Ouvert.

Annul.

Net

   
 

(1)

 

(2)

   

(3)

(4)=(2)+(3)

=(1)+(4)

                 

Budget général : charges

               

Dépenses brutes

368 543

   

950

487

463

463

369 006

À déduire : Remboursements et dégrèvements

82 153

   

466

 

466

466

82 619

Dépenses nettes du budget général (a)

286 390

   

484

487

- 3

- 3

286 387

Évaluation des fonds de concours (b)

3 226

           

3 226

Montant net des dépenses du budget général,
y compris les fonds de concours [(C) = (a) + (b)]

289 616

   

484

487

- 3

- 3

289 613

Budget général : ressources

               

Recettes fiscales brutes

337 034

       

230

230

337 264

À déduire : Remboursements et dégrèvements

82 153

       

466

466

82 619

Recettes fiscales nettes (d)

254 881

       

- 236

- 236

254 645

Recettes non fiscales (e)

16 873

       

- 262

- 262

16 611

Recettes nettes des remboursements et dégrèvements [(f) = (d) + (e)]

271 754

       

- 498

- 498

271 256

À déduire : Prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et
des Communautés européennes (g)

73 578

           

73 578

Recettes nettes du budget général [(h) = (f) - (g)]

198 176

       

- 498

- 498

197 678

Évaluation des fonds de concours (b)

3 226

           

3 226

Montant net des recettes du budget général,
y compris les fonds de concours [(I) = (h) + (b)]

201 402

       

- 498

- 498

200 904

   Solde du budget général [(J) = (I) – (C)]

- 88 214

       

- 495

- 495

- 88 709

                 

Budgets annexes

               

Contrôle et exploitation aériens

               

Dépenses

1 999

   

5

2

3

3

2 002

Recettes

1 999

       

0

0

1 999

Solde

0

       

- 3

- 3

- 3

Publications officielles et information administrative

               

Dépenses

193

           

193

Recettes

204

           

204

Solde

11

           

11

Dépenses totales des budgets annexes

2 192

   

5

2

3

3

2 195

Recettes totales des budgets annexes

2 203

       

0

 

2 203

Solde pour l’ensemble des budgets annexes [T]

11

       

- 3

- 3

8

Évaluation des fonds de concours des budgets annexes :

               

Contrôle et exploitation aériens

23

           

23

Publications officielles et information administrative

0

           

0

Dépenses des budgets annexes, y c. fonds de concours

2 215

   

5

2

3

3

2 218

Recettes des budgets annexes, y c. fonds de concours

2 226

           

2 226

                 

Comptes spéciaux

               

Dépenses des comptes d’affectation spéciale (k)

60 570

   

770

 

770

770

61 340

Dépenses des comptes de concours financiers (l)

105 044

   

1 512

 

1 512

1 512

106 556

Total des dépenses des comptes-missions
[(m) = (k) + (l)]

165 614

   

2 282

 

2 282

2 282

167 896

Recettes des comptes d’affectation spéciale (n)

60 370

       

770

770

61 140

Recettes des comptes de concours financiers (o)

101 794

       

2 000

2 000

103 794

Comptes de commerce [solde] (p)

- 32

           

-32

Comptes d’opérations monétaires [solde] (q)

57

           

57

Total des recettes des comptes-missions
et des soldes excédentaires des autres spéciaux
[(r) = (n) + (o) + (p) + (q)]

162 189

       

2 770

2 770

164 959

   Solde des comptes spéciaux
[(S) = (r) - (m)]

- 3 425

       

488

488

-2 937

                 

     Solde général [= (J) + (T) + (S)]

- 91 628

       

- 10

- 10

- 91 638

Le plafond d’autorisation des emplois de l’État demeure quant à lui inchangé à 1 974 461 équivalents temps plein travaillé.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article fixe les montants de ressources et de dépenses découlant des différents mouvements décrits dans l’exposé général du présent rapport.

L’évaluation des ressources et des charges de trésorerie, le plafond de la variation nette de la dette négociable de l’État d’une durée supérieure à un an et le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État demeurent inchangés par rapport à la loi de finances initiale pour 2011.

*

* *

La Commission adopte l’article 9 sans modification.

Puis elle adopte l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative ainsi modifiée.

SECONDE PARTIE

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

TITRE PREMIER

AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2011 – CRÉDITS

CRÉDITS DES MISSIONS

Article 10

Budget général : ouvertures et annulations de crédits

Texte du projet de loi :

I.– Il est ouvert aux ministres, pour 2011, au titre du budget général, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement supplémentaires s’élevant respectivement aux montants de 968 862 458 € et de 949 822 955 €, conformément à la répartition donnée à l’état B annexé à la présente loi.

II.– Il est annulé, au titre du budget général, pour 2011, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’élevant respectivement aux montants de 506 342 458 € et de 487 302 955 €, conformément à la répartition donnée à l’état B annexé à la présente loi.

Exposé des motifs du projet de loi :

Les ouvertures et annulations de crédits proposées au titre du budget général sont analysées et justifiées dans la cinquième partie (« Analyse par mission des modifications de crédits proposées »), au I (« Budget général : programmes porteurs d’ouvertures nettes de crédits proposées à l’état B ») et au II (« Budget général : programmes porteurs d’annulations nettes de crédits proposées à l’état B »).

Observations et décision de la Commission :

Le présent article tend à ouvrir et à annuler des crédits sur le budget général, selon la répartition donnée à l’état B annexé au présent projet de loi de finances rectificative. Ces ouvertures et annulations sont commentées dans l’exposé général du présent rapport.

*

* *

La Commission adopte l’article 10 sans modification.

*

* *

Article 11

Budgets annexes : ouvertures et annulations de crédits

Texte du projet de loi :

I.– Il est ouvert au ministre chargé des transports, pour 2011, au titre du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » des autorisations d’engagement et des crédits de paiement supplémentaires s’élevant à 5 000 000 €, conformément à la répartition donnée à l’état C annexé à la présente loi.

II.– Il est annulé, au titre du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’élevant à 2 000 000 €, conformément à la répartition donnée à l’état C annexé à la présente loi.

Exposé des motifs du projet de loi :

Les ouvertures et annulations de crédits proposée au titre du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » sont analysées et justifiées dans la cinquième partie (« Analyse par mission des modifications de crédits proposées »), au III (« Budgets annexes : programmes porteurs d’ouvertures nettes de crédits proposées à l’état C ») et au IV (« Budgets annexes : programmes porteurs d’annulations nettes de crédits proposées à l’état C »).

Observations et décision de la Commission :

Le présent article tend à ouvrir et à annuler des crédits sur le budget annexe Contrôle et exploitation aériens, selon la répartition donnée à l’état C annexé au présent projet de loi de finances rectificative. Ces ouvertures et annulations sont commentées dans l’exposé général du présent rapport.

*

* *

La Commission adopte l’article 11 sans modification.

*

* *

Article 12

Comptes spéciaux : ouvertures de crédits

Texte du projet de loi :

I.– Il est ouvert aux ministres, pour 2011, au titre des comptes d’affectation spéciale, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement supplémentaires s’élevant à 770 000 000 €, conformément à la répartition donnée à l’état D annexé à la présente loi.

II.– Il est ouvert à la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, pour 2011, au titre du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », un crédit de paiement supplémentaire s’élevant à 1 511 743 337 €, conformément à la répartition donnée à l’état D annexé à la présente loi.

Exposé des motifs du projet de loi :

Les ouvertures de crédits proposées au titre des comptes d’affectation spéciale et au titre du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » sont analysées et justifiées dans la cinquième partie (« Analyse par mission des modifications de crédits proposées »), au V (« Comptes spéciaux : programmes porteurs d’ouvertures nettes de crédits proposées à l’état D »).

Observations et décision de la Commission :

Le présent article tend à ouvrir et à annuler des crédits sur les comptes spéciaux, selon la répartition donnée à l’état D annexé au présent projet de loi de finances rectificative. Ces ouvertures et annulations sont commentées dans l’exposé général du présent rapport.

*

* *

La Commission adopte l’article 12 sans modification.

*

* *

TITRE II

DISPOSITIONS PERMANENTES

I.– MESURES FISCALES NON RATTACHÉES

Article 13

Abrogation du droit à restitution des impositions directes
en fonction du revenu (« Bouclier fiscal »)

Texte du projet de loi :

I.– Les articles 1 et 1649-0 A du code général des impôts s'appliquent pour la dernière fois pour la détermination du plafonnement des impositions afférentes aux revenus réalisés en 2010.

II.– Les contribuables qui sont redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune au titre de l’année 2012 exercent le droit à restitution acquis au 1er janvier de la même année, en application de l'article 1649-0 A du code général des impôts, selon les modalités prévues au 9 de cet article, en imputant le montant correspondant à ce droit exclusivement sur celui de la cotisation d'impôt de solidarité sur la fortune due au titre de cette année.

La part du droit à restitution non imputée sur la cotisation d'impôt de solidarité sur la fortune due par les contribuables, en application du premier alinéa, constitue une créance sur l’État imputable exclusivement sur les cotisations d'impôt de solidarité sur la fortune dues au titre des années suivantes.

Par exception au deuxième alinéa, la restitution du reliquat de la créance née du droit à restitution acquis en 2012 peut être demandée, par le contribuable ou ses ayants droit, avant le 31 décembre de l’année au titre de laquelle :

– le contribuable titulaire de la créance n’est plus redevable de l'impôt de solidarité sur la fortune ;

– les membres du foyer fiscal titulaire de la créance font l’objet d’une d’imposition distincte à l'impôt de solidarité sur la fortune ;

– l’un des membres du foyer fiscal titulaire de la créance décède.

III.– L’article 1783 sexies du même code est abrogé à compter du 1er janvier 2016.

Exposé des motifs du projet de loi :

En allégeant le poids de la fiscalité qui pèse sur la détention du patrimoine, la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et le plafonnement de la taxe foncière en fonction des revenus du redevable permettent de prévenir les situations de sur-taxation au regard des revenus et font disparaître les raisons ayant justifié la création d’un droit à restitution des impositions directes en fonction du revenu (« bouclier fiscal »).

Le présent article supprime ce droit à restitution (« bouclier fiscal ») à compter des impôts directs payés en 2011 et  2012 au titre des revenus réalisés en 2011.

Il est par ailleurs proposé que le droit à restitution acquis par des redevables de l’ISF en 2012 ne puisse être exercé que par auto-liquidation sur la cotisation d’ISF due au titre de cette même année et, en cas de reliquat, sur celles des années suivantes.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article a pour objet d’abroger le droit à restitution des impositions directes en fonction du revenu qui avait été introduit par la loi de finances pour 2006. Le II du présent article prévoit que ce droit à restitution pourra s’appliquer pour la dernière fois au titre du plafonnement des impositions afférentes aux revenus perçus en 2010. Le I du présent article organise, pour les droits à restitution liés aux revenus perçus en 2010 et qui pourront être exercés en 2012, un mécanisme unique d’auto-liquidation sur la cotisation d’impôt de solidarité sur la fortune pour les contribuables redevables de cet impôt.

1.– Le mécanisme du bouclier fiscal

La loi n° 2005-1719 de finances pour 2006 a créé un droit à restitution des impositions en fonction du revenu, couramment désigné par le terme de « bouclier fiscal ». Selon le principe qui avait alors été posé dans un nouvel article 1er introduit dans le code général des impôts, « les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 60 % de ses revenus ».

Les modalités d’application de ce principe ont été précisées dans un nouvel article 1649-0 A dudit code. Ainsi, à compter des revenus perçus en 2005, les contribuables ont pu formuler des demandes de restitution (ces demandes étant formulées dans l’année suivant celle d’acquittement des impôts, soit, pour les revenus 2005, en 2007).

Pour apprécier le droit à restitution, les impôts à prendre en compte au numérateur sont l’impôt sur le revenu, l’impôt de solidarité sur la fortune et les taxes foncière et d’habitation afférentes à l’habitation principale. Au dénominateur, les revenus pris en compte sont les revenus nets de frais professionnels (y compris les revenus soumis au prélèvement libératoire), les plus-values immobilières et mobilières imposables, desquels sont retranchés les déficits catégoriels imputables sur le revenu global et les pensions alimentaires et cotisations ou primes de retraite déductibles du revenu global.

La loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat a accru la portée du dispositif, en abaissant de 60 % à 50 % le seuil maximal au-delà duquel les impôts payés par un contribuable ouvrent droit à restitution, et en incluant dans les impositions figurant au numérateur les contributions et prélèvements sociaux portant tant sur les revenus du patrimoine que sur les revenus d’activité et de remplacement et les produits de placement. Pour le dénominateur, il a été prévu que les plus-values mobilières imposables soient majorées de l’abattement pour durée de détention.

Ces nouvelles règles se sont appliquées à compter du bouclier fiscal afférent aux revenus réalisés en 2006 (ouvrant droit à restitution en 2008).

Des lois de finances ultérieures ont introduit certaines adaptations mineures au dispositif.

La loi de finances pour 2009 a ouvert la possibilité de procéder à une auto-liquidation du droit à restitution, en procédant à une imputation de la créance détenue à raison du droit à restitution sur l’ISF, les taxes foncières et taxes d’habitation afférentes à l’habitation principale ou les contributions et prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine.

La loi de finances pour 2011 a exclu de la prise en compte au numérateur des suppléments d’imposition résultant de la hausse du taux marginal supérieur d’impôt sur le revenu, de la hausse des taux forfaitaires applicables à certaines catégories de revenus et de la hausse du taux des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placement.

Comme le Rapporteur général avait eu l’occasion de l’exposer dans son rapport sur l’application de la loi fiscale de juillet 2009 (51), les premières années d’application de la mesure ont fait apparaître qu’un petit nombre de contribuables ont concentré une part très importante du coût de cette mesure. En analysant les restitutions accordées au titre du bouclier fiscal en 2007 et en 2008, il avait été possible de constater un lien structurel entre ISF et bouclier fiscal.

Depuis lors, les données disponibles au titre des restitutions accordées en 2009 et en 2010 confirment les tendances des toutes premières années d’application. Au titre des restitutions de l’année 2009, afférentes aux revenus de l’année 2007, 10 090 contribuables non assujettis à l’ISF ont bénéficié de restitutions, pour un montant moyen de 738 euros, et un coût budgétaire total de l’ordre de 7,45 millions d’euros. 8 674 contribuables assujettis à l’ISF ont bénéficié de restitutions, pour un montant moyen de 77 420 euros et un coût budgétaire total de l’ordre de 671,545 millions d’euros.

2.– La suppression du bouclier fiscal à compter des impositions afférentes aux revenus réalisés en 2011

Dès lors que l’on allège la fiscalité qui pèse sur le patrimoine et que l’on prévoit, pour les foyers modestes, un mécanisme de plafonnement de la taxe foncière en fonction des revenus, le bouclier fiscal n’a plus de raison d’être.

Le I du présent article prévoit que les dispositions des articles 1er et 1649-0 A du code général des impôts seront applicables pour la dernière fois pour la détermination du plafonnement des impositions afférentes aux revenus réalisés en 2010.

Par conséquent, cela revient à mettre un terme au bouclier à compter de l’année 2013. En effet, en 2012, les demandes formulées et l’autoliquidation pratiquées correspondront à des revenus réalisés en 2010 et des impositions (notamment l’ISF) acquittées, pour l’essentiel, en 2011.

Cette abrogation à compter du bouclier 2013 est cohérente avec le fait qu’elle est une conséquence de la réforme de l’ISF. En effet, la réforme prévue par l’article 1er du présent projet de loi de finances rectificative n’entrera en vigueur qu’à compter de l’ISF acquitté en 2012. L’ISF acquitté en 2011 demeurera soumis au barème actuel, qui justifie que soit appliqué un mécanisme de bouclier fiscal en 2012.

3.– La restriction des modalités du droit à restitution pour le bouclier 2012

Le II du présent article organise les conditions dans lesquelles le droit à restitution acquis au 1er janvier 2012 pourra être exercé par les contribuables redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune.

Alors que, en l’état actuel du droit, il leur est loisible soit de formuler une demande de restitution à l’administration fiscale, soit d’auto-liquider ce droit lors de la liquidation de leur cotisation d’ISF, les contribuables redevables de l’ISF au titre de l’année 2012 devront exercer le droit à restitution acquis à raison des revenus perçus en 2010 et des impôts payés en 2011 en imputant leur créance sur le montant de l’ISF dû au titre de l’année 2012. Les modalités selon lesquelles cette imputation doit avoir lieu sont prévues par le 9. de l’article 1649-0 A du code général des impôts. Toutefois, par dérogation aux dispositions de ce 9., il ne sera pas loisible au contribuable d’imputer sa créance sur d’autres impositions, telles que les impôts locaux ou les prélèvements sociaux, non plus que de déposer une demande de restitution pour la fraction de leur créance qui n’aurait pu être imputée sur l’ISF.

Compte tenu du fait que les contribuables ont déjà à l’auto-liquidation du bouclier fiscal dans une proportion non négligeable (52), la généralisation de cette procédure pour les redevables de l’ISF ne devrait pas poser de difficulté particulière.

Le deuxième alinéa du présent I prévoit l’hypothèse dans laquelle le montant de l’ISF serait insuffisant pour imputer l’ensemble de la créance, en exigeant dans ce cas une imputation exclusive sur les cotisations d’ISF dues au titre des années suivantes.

Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa, la restitution du reliquat pourra être demandée au cours de l’année correspondant au changement de situation du contribuable dans les cas suivants :

– si le contribuable n’est plus redevable de l’ISF ;

– si les membres du foyer fiscal titulaire de la créance font l’objet d’une imposition distincte à l’ISF ;

– si l’un des membres du foyer fiscal titulaire de la créance décède.

En ce qui concerne les contribuables non redevables de l’ISF au titre de l’année 2012 et néanmoins bénéficiaires d’une créance au titre du bouclier fiscal concernant les revenus 2010, le droit actuel relatif aux restitutions demeurera applicable : ils pourront faire le choix d’une demande de restitution ou d’une imputation sur les impôts locaux ou les prélèvements sociaux, assortie le cas échéant d’une demande de restitution complémentaire.

L’article 1783 sexies du code général des impôts prévoit une sanction lorsque les imputations pratiquées par un contribuable bénéficiaire du droit à restitution excèdent de plus d’un vingtième le montant du droit à restitution. Cette sanction permet d’éviter des imputations excessives en cas d’auto-liquidation du bouclier fiscal. Le III du présent article prévoit une abrogation de cet article à compter du 1er janvier 2016.

Dans la mesure où la dernière année au cours de laquelle des contribuables pourront établir leur droit à restitution au titre du bouclier fiscal sera l’année 2012, l’administration doit pouvoir disposer de son délai de rappel de droit commun, de trois ans, pour rectifier le cas échéant un droit à restitution qui aurait été mal calculé. Il est donc nécessaire de prévoir une abrogation différée de trois ans de cette disposition particulière.

*

* *

La Commission examine les amendements CF 31, CF 30 et CF 32 du président.

M. le président Jérôme Cahuzac. Je souhaiterais que nous puissions aujourd’hui confirmer la décision que nous avions prise tendant à intégrer dans le revenu fiscal de référence retenu pour le calcul du bouclier fiscal des éléments de revenus réels qui en sont aujourd’hui exclus – décision qui avait été modifiée en CMP par un amendement du sénateur Fourcade. Pourquoi ne pas retenir la totalité des dividendes perçus, de même que des plus-values immobilières, y compris celles exonérées d’impôt sur le revenu, et des revenus tirés de contrats d’assurance-vie, avant abattement ? L’abattement n’est qu’une libéralité fiscale. Même si le bouclier fiscal n’est pas appelé à produire encore longtemps ses effets néfastes, rien ne justifie que le revenu de référence pris en compte ne reflète pas fidèlement les revenus perçus.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Ces amendements seraient presque mesquins, vu que le bouclier fiscal vit ses dernières heures !

M. le président Jérôme Cahuzac. Leur adoption ne devrait donc au contraire soulever aucun problème.

La Commission rejette successivement les trois amendements.

Elle en vient à l’amendement CF 153 de M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Visant à supprimer le bouclier fiscal le plus rapidement possible, cet amendement propose que celui-ci ne s’applique plus que sur les impositions afférentes aux revenus de 2009, et non de 2010.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CF 182 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Cet amendement a pour objet de généraliser l’auto-liquidation du bouclier fiscal pour les redevables de l’ISF dès le bouclier 2011.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 1247).

La Commission adopte l’article 13 ainsi modifié.

*

* *

Article 14

Plafonnement de la taxe foncière afférente à l’habitation principale
en fonction du revenu

Texte du projet de loi :

I.– Après l’article 1391 B bis du code général des impôts, il est inséré un article 1391 B ter ainsi rédigé :

« Art. 1391 B ter.– I. Il est accordé sur la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties afférente à l’habitation principale des contribuables un dégrèvement égal à la fraction de la cotisation supérieure à 50 % du montant total de leurs revenus définis aux II et III.

« II.– Pour l’application du I, les revenus pris en compte s’entendent des revenus définis au IV de l’article 1417, sans qu’il soit fait application des règles de quotient définies à l’article 163-0 A, diminués du montant des cotisations ou des primes et du montant des abattements mentionnés respectivement aux a et a bis du 1° du même IV et majorés du montant :

« a) Des sommes mentionnées au a du 18° et au 18° bis de l’article 81 et des sommes revenant aux salariés mentionnées à l’article 163 bis AA, sous réserve de la disponibilité de ces sommes ;

« b) Des gains net réalisés depuis l’ouverture d’un plan d’épargne en actions mentionné à l’article 163 quinquies D en cas de retrait ou de rachat après l’expiration de la cinquième année ;

« c) Des moins-values constatées les années antérieures à l’année précédant celle au titre de laquelle la taxe foncière est établie, imputées en application du 11 de l’article 150-0 D ;

« d) Des abattements mentionnés au I de l’article 125-0 A, à l’article 150-0 D bis et aux 2° et 5° du 3 de l’article 158 ;

« e) Des déficits mentionnés au I de l’article 156 constatés les années antérieures à l’année précédant celle au titre de laquelle la taxe foncière est établie ;

« f) Des rentes, rémunérations, intérêts et produits divers mentionnés aux 5° ter à 23° de l’article 157, sous réserve de la disponibilité de ces sommes ;

« g) Des abattements sur le revenu global prévus aux articles 157 bis et 196 B.

« III.– Pour l’application des I et II, les revenus s’entendent :

« a) Des revenus du foyer fiscal du contribuable au nom duquel la taxe est établie ;

« b) Lorsque la taxe foncière est établie au nom de plusieurs personnes appartenant à des foyers fiscaux distincts : de la somme des revenus de chacun des foyers fiscaux de ces personnes ;

« c) Lorsque les personnes mentionnées aux a et b cohabitent avec des personnes qui ne font pas partie de leur foyer fiscal et pour lesquelles la propriété bâtie constitue leur habitation principale : de la somme des revenus de chacun des foyers fiscaux des personnes au nom desquelles l’imposition est établie ainsi que des revenus de chacun des foyers fiscaux des cohabitants.

« IV.– Le dégrèvement est accordé sur réclamation présentée dans le délai indiqué à l’article R*. 196-2 du livre des procédures fiscales et dans les formes prévues par ce même livre. »

II.– Au deuxième alinéa de l’article L. 173 du livre des procédures fiscales, les mots : « le revenu fiscal de référence » sont remplacés par les mots : « les revenus » et après les mots : « 1391 B bis » sont insérés les mots : « , 1391 B ter ».

III.– Le I s’applique à compter des impositions établies au titre de l’année 2012.

Exposé des motifs du projet de loi :

Afin de tenir compte de la situation des contribuables propriétaires de leur résidence principale pour lesquels elle peut représenter une charge excessive au regard de leurs capacités contributives, il est proposé de plafonner la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties afférente à l’habitation principale à 50 % des revenus.

Dès lors que le revenu fiscal de référence (RFR) défini à l’article 1417 du code général des impôts (CGI) ne constitue qu’une approche imparfaite de la situation réelle du foyer fiscal considéré, les revenus pris en compte pour la détermination du droit au plafonnement correspondraient au RFR augmenté notamment des déficits antérieurs et de certains revenus exonérés d’impôt sur le revenu.

Toutefois, le RFR n’est majoré que des revenus effectivement disponibles afin de correspondre aux moyens dont le contribuable dispose effectivement.

Ce plafonnement s’appliquerait à compter des impositions établies au titre de 2012, dès lors que pour les cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties établies au titre de 2011, le droit à restitution des impositions directes (bouclier fiscal) permettra de traiter indirectement les situations visées par le présent article.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article a pour objet de créer, au bénéfice des contribuables dont la taxe foncière sur les propriétés bâties afférente à leur habitation principale représente une charge fiscale excessive, un dégrèvement correspondant à la fraction du montant de cette taxe qui excède la moitié de leurs revenus.

Ce dispositif présente donc un lien direct avec la suppression du bouclier fiscal, prévue par l’article 13 du présent projet de loi, en tendant à limiter les effets de cette suppression à l’égard de ses bénéficiaires les plus modestes.

D’une manière plus générale, il vise à améliorer la prise en compte de la capacité contributive des redevables dans la fiscalité locale.

I.– LE BOUCLIER FISCAL A PERMIS D’ATTÉNUER LE POIDS EXCESSIF DE LA FISCALITÉ LOCALE À L’ÉGARD DE CERTAINS CONTRIBUABLES

A.– L’INSUFFISANTE PRISE EN COMPTE DE LA CAPACITÉ CONTRIBUTIVE DES REDEVABLES AU NIVEAU LOCAL

1.– Une insuffisance qui touche l’ensemble des impôts directs locaux

La fiscalité locale, en particulier celle pesant sur les ménages, prend insuffisamment en compte la capacité contributive des redevables.

Cette réalité, pointée du doigt par un nombre important de rapports depuis près d’une trentaine d’année, vient encore d’être mise en lumière par un récent rapport du Conseil des prélèvements obligatoires consacré à la fiscalité locale et ses effets en termes d’équité et de redistribution (53).

Si l’on analyse la progressivité de chaque impôt local en fonction du revenu, il apparaît en effet que :

– la taxe d’habitation est progressive jusqu’au quatrième décile puis devient nettement régressive à partir du sixième ;

– s’agissant des taxes foncières, le rapport précité indique que « les taxes foncières sont également largement insensibles aux capacités contributives des redevables », notamment parce que ces taxes, dont l’assiette est proche de celle de la taxe d’habitation, ne comportent pas de dispositif favorables aux contribuables modestes.

À ce défaut structurel s’ajoute le fait que l’absence de revalorisation des bases depuis le début des années 1970 a induit des transferts de charges importants entre contribuables. Le rapport précité rappelle notamment que « les biens de faible valeur paraissent largement surestimés par les valeurs locatives cadastrales ».

Ainsi, les immeubles de construction récente, notamment ceux abritant des habitations à loyer modéré, présentent de nombreux éléments de confort pris en compte dans l’assiette de la taxe. À l’inverse, la rénovation des logements anciens n’a pas été intégralement prise en compte, ni la désaffection de certaines zones économiques, notamment industrielles, depuis les années 1970.

Au total, ce rapport en conclut que la fiscalité locale dans son ensemble n’est ni proportionnelle, ni progressive mais régressive en fonction du revenu.

2.– Les nombreux dispositifs personnalisant les impôts locaux ne pallient pas assez cette insuffisance

Afin d’améliorer la progressivité des trois impôts directs locaux ou d’atténuer leur rigueur à l’égard de telle ou telle catégorie de redevables, ceux-ci ont été assortis de dispositifs d’allègement qui, répondant à des logiques différentes, ont rendu l’architecture d’ensemble plus complexe sans améliorer son efficience fiscale.

a) La taxe d’habitation : un plafonnement en fonction du revenu et de la situation personnelle du contribuable

– La taxe d’habitation est assortie d’un dispositif de plafonnement, adossé au revenu fiscal de référence, qui constitue d’une certaine manière le modèle du dispositif prévu par le présent article.

D’après l’article 1414 A du code général des impôts, les contribuables dont les revenus de référence sont inférieurs à 23 224 euros pour la première part de quotient familial, majorés de 5 426 euros pour la première demi-part et de 4 270 euros à compter de la deuxième demi-part, voient le montant de la taxe d’habitation plafonné à 3,44 % de ces revenus(54).

Conformément à l’article 1413 bis du CGI – et contrairement au présent dispositif – les contribuables passibles de l’ISF ne peuvent pas bénéficier de ce plafonnement.

– La taxe d’habitation est en outre assortie de plusieurs abattements permettant la prise en compte de la situation personnelle du contribuable :

● Un abattement obligatoire pour charges de famille (correspondant à 10 % de la valeur locative pour les deux premières personnes et 15 % pour les personnes suivantes). Ces taux peuvent être majorés jusqu’à 10 points par le conseil municipal ;

● Un abattement facultatif à la base entre 1 et 15 % de cette valeur locative qui peut être décidé par le conseil municipal ;

● Un abattement supplémentaire de 1 à 15 % que le conseil municipal peut prévoir au profit des personnes dont les revenus sont inférieurs à 9 876 euros et dont l’habitation principale a une valeur locative inférieure à 130 % de la moyenne communale. Il peut être augmenté de 10 points par personne à charge ;

● Un abattement de 10 % de la valeur locative pour les titulaires de l’allocation supplémentaire d’invalidité, de l’allocation adulte handicapé, pour les personnes atteintes d’une infirmité ou d’une invalidité significative ou pour les titulaires de la carte d’invalidité.

– En plus de ces dispositifs à portée relativement large, le code général des impôts prévoit en outre des allègements plus ciblés :

● Une exonération de TH pour les titulaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées ou de l’allocation supplémentaire d’invalidité, de l’allocation adulte handicapé (pour les personnes dont les revenus sont inférieurs à 9 876 euros pour une personne seule) ;

● Une exonération pour les personnes de plus de 60 ans dont les revenus sont inférieurs au même plafond, pour les personnes atteintes d’une infirmité ou d’une invalidité les empêchant de subvenir à leurs besoins ;

● Une exonération au bénéficie des personnes qui sont hébergées en établissement social, médico-social ou de santé à raison de la taxe d’habitation dont elles étaient auparavant exonérées au titre de leur habitation principale.

L’ensemble de ces dispositifs, s’ils ne semblent pas suffisants pour assurer une progressivité globale de la TH, permettent toutefois de cibler avec une certaine efficacité les personnes dont les capacités contributives sont faibles, en allégeant ainsi le poids de cet impôt local.

b) La taxe foncière sur les propriétés non bâties : une prise en compte de la destination du terrain

La taxe foncière sur les propriétés non bâties comporte, pour sa part, peu de dispositifs propres à alléger le poids de cet impôt sur les contribuables aux revenus modestes.

En revanche, elle prend en compte la spécificité d’une part de certaines terres agricoles et d’autre part des terrains qui méritent une protection environnementale particulière :

– plusieurs types de terrains et terres agricoles (55) bénéficient d’une exonération permanente, totale en Corse et plafonnée à 20 % sur le reste du territoire ;

– les terrains plantés en bois ou en futaies bénéficient en outre d’une exonération totale pendant 30 ans, sauf pour les peupleraies (10 ans), et les feuillus (50 ans) ;

– une exonération permanente et totale peut en outre être décidée par les communes ou leurs groupements au profit des terrains, agricoles ou non, plantés en oliviers (ou pendant 8 ans pour les noyers, les vergers et les cultures fruitières) ;

– certains terrains agricoles situés en zone humide bénéficient d’une exonération de 50 % pendant 5 ans, cette exonération pouvant être portée à 100 % dans certaines zones naturelles telles que les parcs nationaux et les sites protégés ;

– enfin, une exonération de 5 ans peut être votée par le conseil municipal au profit de l’agriculture biologique.

Ces dispositifs sont en outre assortis de dégrèvements spéciaux en cas de perte de récolte sur pied par suite de grêle, de gelée, d’inondation ou d’autres événements extraordinaires, ou de perte de bétail par suite d’épizootie.

c) La taxe foncière sur les propriétés bâties : des dispositifs très ciblés en faveur des contribuables fragiles

La taxe foncière sur les propriétés bâties comporte plusieurs dispositifs très ciblés sur les personnes modestes ou en difficulté :

– les titulaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées ou de l’allocation supplémentaire d’invalidité bénéficient d’une exonération pour leur habitation principale ;

– les personnes de plus de 75 ans sont exonérées de TFB sur leur habitation principale lorsque leurs revenus ne dépassent pas 9 876 euros (plus 2 637 euros pour chaque demi-part supplémentaire) ;

– les personnes âgées de plus de 65 ans autres que celles visées ci-dessus dont les revenus ne dépassent pas le même plafond bénéficient d’un dégrèvement de 100 euros ;

– les personnes hébergées en établissement social, médico-social ou de santé et qui conservent la jouissance de leur habitation principale continuent à bénéficier d’une exonération ou d’un dégrèvement de 100 euros lorsqu’elles sont prises en charge par ces établissements pour une longue durée.

B.– LE BOUCLIER FISCAL EST DONC VENU ALLÉGER LE POIDS DE L’IMPÔT LOCAL POUR SES BÉNÉFICIAIRES LES PLUS MODESTES

1.– Le bouclier fiscal n’a pas profité qu’aux contribuables les plus aisés

Le débat politique a eu tendance, ces dernières années, à se polariser sur les bénéficiaires les plus fortunés du bouclier fiscal et surtout sur le montant du droit à restitution dont certains d’entre eux ont bénéficié.

Cette polarisation a bien souvent conduit à passer sous silence le fait que près de 54 % des bénéficiaires du bouclier en 2010, soit 10 090 personnes sur 18 764, disposaient d’un patrimoine inférieur à 770 000 euros et n’étaient, à ce titre, pas assujettis à l’impôt sur la fortune.

Le montant de la restitution dont ont bénéficié ces 10 090 personnes s’est élevé en 2010 à près de 7,5 millions d’euros, ce qui représente environ 1 % du coût total du bouclier. En moyenne, la restitution s’est élevée à 738 euros.

En outre, 98 % de cette partie des bénéficiaires du bouclier, soit près de 9 900 personnes, n’avaient pas de revenus suffisants pour être imposables à l’impôt sur le revenu. Le montant de leur restitution est en moyenne de 559 euros.

Les montants reçus par cette catégorie des bénéficiaires du bouclier ainsi que le coût global du bouclier qui leur est lié peuvent paraître faibles dans l’ensemble du dispositif.

Encore faut-il mettre en relation le montant restitué à l’impôt initialement dû : pour les contribuables du premier décile en revenu (moins de 3 428 euros) dont le patrimoine est inférieur à 770 000 euros, le montant restitué en moyenne de 559 euros se rapporte à un montant dû s’élevant en moyenne à 674 euros. En proportion, la restitution – qui s’élève à 83 % de l’impôt initialement exigible – est donc beaucoup plus importante que pour l’ensemble des bénéficiaires du bouclier fiscal (environ 34 %).

Pour les bénéficiaires les plus modestes du bouclier, celui-ci constituait par conséquent un dispositif efficace de protection contre un montant total d’impôt qui pourrait être considéré comme confiscatoire.

2.– Les bénéficiaires les plus modestes du bouclier fiscal protégés contre les montants excessifs de taxes foncières

Par construction, les bénéficiaires les plus modestes du bouclier y ont été éligibles uniquement en raison des impôts locaux :

– en raison de leur patrimoine, ils ne sont pas assujettis à l’ISF ;

– en raison de leurs revenus, ils sont exonérés d’IR.

En outre, compte tenu du mécanisme de plafonnement de la taxe d’habitation en fonction du revenu fiscal de référence mentionné précédemment, ces contribuables acquittent un montant de TH limité.

En effet, pour le premier décile des bénéficiaires du bouclier de l’année 2010 (revenus inférieurs à 3 428 euros), le montant de la taxe d’habitation dû est proche de zéro compte tenu de l’abattement de 5 038 euros du revenu fiscal de référence mentionné précédemment.

Pour le second décile de revenus (inférieurs à 7 630 euros), le montant de TH dû est très faible pour les mêmes raisons.

Le poids excessif des impositions locales ayant actionné le bouclier fiscal provient par conséquent uniquement des deux taxes foncières. Cet état de fait est rappelé par le Conseil des prélèvements obligatoires dans son rapport précité.

Entre 2008 et 2010, le nombre des bénéficiaires du bouclier entrant dans cette catégorie a continué à augmenter, passant de 8 715 à 9 900 personnes, le plafond du bouclier fiscal ayant été abaissé de 60 % à 50 % des revenus.

II.– LA SUPPRESSION DU BOUCLIER FISCAL DOIT ỆTRE ASSORTIE D’UN PLAFONNEMENT DE LA TAXE FONCIÈRE SUR LES PROPRIÉTÉS BÂTIES

Afin de maintenir un dispositif permettant d’alléger la charge que représentent les taxes foncières pour les contribuables dont les revenus sont peu élevés, le présent article prévoit donc un dégrèvement de la fraction de TFB afférente à l’habitation principale excédant 50 % du revenu de référence du contribuable.

Ce dégrèvement sera déterminé à partir du rapport entre :

– au numérateur, le seul montant de la taxe foncière sur les propriétés bâties de l’habitation principale. Contrairement au bouclier fiscal, les taxes additionnelles à la TFB perçues au profit de la région Ile-de-France et d’autres établissements et organismes habilités à percevoir ces taxes additionnelles (comme les établissements publics fonciers) ne sont pas prises en compte ;

– au dénominateur, l’ensemble des revenus définis par rapport au revenu fiscal de référence (RFR).

A.– UN DISPOSITIF CIBLÉ SUR LA SEULE TAXE SUR LE FONCIER BÂTI DE L’HABITATION PRINCIPALE

1.– La prise en compte de la seule TFB s’explique par des considérations budgétaires et pratiques

Compte tenu du fait que les bénéficiaires les plus modestes du bouclier fiscal ont bénéficié d’un droit à restitution déterminé à partir des deux taxes foncières, la question du ciblage du présent dispositif sur la seule TFB mérite d’être posée.

D’après les informations fournies au Rapporteur général, ce ciblage vise en premier lieu, évidemment, à limiter le coût total du dispositif, évalué à 7 millions d’euros. Son extension au foncier non bâti pourrait en augmenter sensiblement le coût total, ce qui pèserait d’autant sur l’équilibre financier global de la présente réforme.

Outre cette considération budgétaire, le ciblage de ce dégrèvement sur la seule TFB s’explique également par des considérations pratiques liées à l’articulation de la TFB et la TFNB pesant sur l’habitation principale du contribuable.

Lorsqu’un terrain est considéré comme une dépendance indispensable et immédiate d’une propriété bâtie, celui est automatiquement intégré dans l’assiette de la TFB pesant sur cette propriété bâtie. Les terrains sont considérés comme entrant dans cette catégorie lorsqu’ils ont une superficie inférieure à 5 ares (56).

Au-delà, les terrains attenants à l’habitation font l’objet d’une imposition distincte à la TFNB. Faut-il par conséquent considérer que le montant de cette seconde imposition doit être prise en compte dans le dégrèvement ?

Le Rapporteur général considère au contraire que les terrains de plus de 5 ares attenants à une habitation principale doivent être considérés comme des éléments de patrimoine justifiant que le redevable soit exclu du bénéfice du dégrèvement.

La seule catégorie de redevables pour lesquels un traitement particulier pourrait être envisagé est celle des agriculteurs compte tenu du fait que la terre représente, pour eux, une source de revenu – et qu’à cet égard, il peut être problématique de s’en séparer ; toutefois, ainsi que le Rapporteur général vient de le rappeler, les trois impositions directes locales, notamment la TFNB, sont déjà assorties de nombreux dispositifs permettant d’alléger considérablement le poids des impôts locaux pesant sur les propriétés agricoles.

Pour l’ensemble de ces raisons, il semble opportun, comme le prévoit le projet de loi, de se limiter à un dégrèvement ciblé sur la TFB.

2.– Un dispositif applicable à compter de 2012 dont le coût est évalué à 7 millions d’euros

a) Une évaluation approximative du coût du dégrèvement

D’après l’étude d’impact de cet article, le coût de ce dégrèvement serait de 7 millions d’euros à compter de 2012, ce coût devant être stable dans le temps (57).

Cette évaluation appelle trois réserves :

– en premier lieu, cette incidence budgétaire sera probablement limitée en 2012, compte tenu du fait que les réclamations relatives à ce dégrèvement pourront être présentées jusqu’à la fin de l’année 2013.

– en second lieu, le chiffre même de 7 millions d’euros est à considérer avec circonspection.

Au titre des explications sur la méthode d’évaluation utilisée, l’étude d’impact mentionne en effet « le coût du bouclier fiscal relatif aux 10 000 personnes non redevable de l’ISF » qui s’élève à 7,5 millions d’euros.

Cette évaluation mériterait évidemment d’être considérablement affinée, tant s’agissant du coût total du dégrèvement que des bénéficiaires.

S’agissant du coût total, l’étude d’impact n’a pas pris en compte deux éléments importants, l’un pouvant minorer et l’autre majorer le coût d’ensemble du dispositif.

En premier lieu, le chiffre de 7,5 millions se rapporte à un bouclier nettement plus large que la seule TFB : pour les bénéficiaires des deux premiers déciles (en revenus), le bouclier joue également à l’égard de la TFNB et pour les autres, à l’égard de la TH et de l’IR.

À l’inverse, ce chiffre de 7,5 millions d’euros se rapporte aux 10 000 personnes qui sont concernées par le bouclier sans être assujetties à l’ISF ; or, dans le présent dispositif, le bénéfice du dégrèvement n’est en aucune manière liée à une condition de patrimoine – ou même de revenu – comme c’est le cas pour le plafonnement de la TH.

Par conséquent, pourront entrer dans la catégorie des bénéficiaires du dégrèvement des personnes qui sont actuellement bénéficiaires du bouclier sans appartenir à la catégorie des 10 000 personnes assujetties à l’ISF.

D’après le tableau des bénéficiaires du bouclier en 2010, il faudrait y ajouter environ 1 000 personnes dont le patrimoine se situe entre 1,2 million et plus de 16 millions d’euros, dont les revenus sont inférieurs à la première tranche de l’IR.

– enfin, ce chiffrage global mériterait de prendre en compte des éléments dynamiques liés à la suppression de la taxe professionnelle et à la réforme de la fiscalité locale, ainsi qu’à la réforme des collectivités locales et notamment à l’achèvement de la carte intercommunale ainsi qu’à la situation financière des départements qui perçoivent une fraction de la TFB.

L’ensemble de ces éléments laisse penser que les impôts locaux pesant sur les ménages devraient augmenter dans une proportion qui aurait pu être intégrée dans le coût global de la mesure.

b) Les modalités d’application dans le temps sont liées à la suppression du bouclier fiscal

D’après le dernier alinéa du présent article, le dégrèvement sera applicable à compter des impositions établies au titre de l’année 2012. Cette entrée en vigueur est donc parfaitement ajustée avec la suppression du bouclier fiscal en 2013, permettant la restitution éventuelle des impôts, y compris locaux, au titre de l’année 2011.

Conformément au IV de l’article 1417 du CGI, les revenus pris en compte pour le calcul du présent dégrèvement sont ceux de l’année précédant celle au titre de laquelle le dégrèvement est calculé.

Ainsi, pour la première application du dispositif en 2012, les revenus pris en compte au titre du dégrèvement sont ceux de 2011. Ils sont rapportés au montant de TFB exigible à l’automne 2012.

D’après les informations fournies au Rapporteur général, le contribuable pourra bénéficier du présent dégrèvement de deux manières :

– soit il pourra en bénéficier au moment même du paiement du montant de TFB de l’année N en se rendant à son centre des impôts pour justifier sa situation fiscale ;

– soit il pourra acquitter normalement sa TFB pour une année N et demander un remboursement jusqu’au 31 décembre de l’année N+1.

Il n’y aura pas « d’année blanche » pour le contribuable dans la mesure où celui-ci bénéficiera du bouclier en 2012 et du dégrèvement en 2012 ou 2013. Certains bénéficiaires pourront, le cas échéant, cumuler en 2012 le bouclier et le dégrèvement mais au titre de deux années d’impositions différentes.

L’alinéa 16 de cet article précise par ailleurs, par dérogation au principe selon lequel les impôts directs locaux pesant sur les ménages sont assortis d’un droit de reprise de l’administration jusqu’à la fin de l’année qui suit celle au titre de laquelle ces impôts sont dus, que le présent dispositif fait l’objet du même délai de reprise que l’impôt sur le revenu – c’est-à-dire trois ans.

3.– Quel impact sur les finances des collectivités locales concernées ?

a) Un dispositif neutre pour les collectivités locales à court terme

D’après les informations fournies au Rapporteur général, l’impact direct du présent dispositif sur les finances des collectivités locales concernées – les communes et leurs EPCI ainsi que les départements – sera très limité.

En effet, les montants dégrevés seront automatiquement intégrés aux montants de TFB qui sont reversés à la collectivité concernée par l’État, le montant total étant ajusté en fin d’année. Du point de vue de l’État, ils feront l’objet d’un financement complémentaire dans le cadre du programme 201 « Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux ».

b) La question de son effet de plus long terme sur la politique fiscale des collectivités concernées

La mise en place de ce dégrèvement pose la question de son impact de plus long terme sur la politique fiscale des collectivités.

En effet, si une augmentation des taux – ou une suppression des abattements et autres exonérations décidées par la collectivité – peut augmenter leurs ressources fiscales, tandis que l’impact sur le contribuable se trouve en quelque sorte « neutralisé » par le mécanisme du dégrèvement, on peut craindre que ce dispositif pousse certaines d’entre elles à accroître leur pression fiscale.

Cette considération avait d’ailleurs conduit le législateur à assortir de mécanisme du plafonnement de la TH d’un « gel des abattements » dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2003 (58).

Afin de limiter l’impact du plafonnement sur les abattements de taux de TH décidé au niveau communal ou intercommunal, ce dispositif prévoit que lorsque ces collectivités suppriment un abattement en vigueur en 2003 ou en réduisent le taux, le montant du dégrèvement est réduit d’un montant correspondant à la différence (lorsqu’elle est positive) entre le nouveau dégrèvement et celui calculé à partir des abattements en vigueur en 2003.

Une telle approche est-elle transposable pour le présent dégrèvement applicable à la TFB ?

Le Rapporteur général note que l’intérêt d’un tel dispositif aurait une portée plus limitée s’agissant de la TFB.

En effet, si la loi offre aux collectivités la possibilité d’instaurer de nombreux abattements de TH pour tenir compte de la situation particulière du contribuable (charge de familles, ressources, titulaires de certaines allocations), tel n’est pas le cas pour la TFB.

La possibilité d’instaurer des exonérations ou des abattements de TFB pesant sur l’habitation principale à l’initiative des collectivités se limite en effet à des situations très particulières :

– exonération facultative de 50 % ou 100 % pour les logements anciens qui ont fait l’objet de travaux d’amélioration thermique (article 1383-0 B du CGI) ;

– exonération similaire pour les logements neufs dont la performance énergétique dépasse les seuils fixés par la réglementation thermique (article 1383-0 B bis du CGI) ;

– exonération facultative de 25 ou 50 % pour les habitations situées à proximité d’une installation classée pour la protection de l’environnement ou d’un plan de prévention des risques miniers (articles 1383 G bis et ter du CGI) ;

– exonération totale ou partielle d’un logement faisant l’objet d’un bail à réhabilitation.

Compte tenu de la très grande particularité de ces dispositifs d’exonération, on peut douter qu’une commune ou un EPCI soient, en pratique, incités à les supprimer par le biais du présent dégrèvement.

Outre ce mécanisme de gel des abattements, le plafonnement de la TH est assorti d’un dispositif visant à neutraliser les éventuelles augmentations de taux votées depuis la mise en place du dégrèvement en 2000.

Ce dispositif prévoit que le montant du dégrèvement d’une année N est automatiquement réduit d’un montant égal au produit de la base nette imposable au profit des collectivités locales cette même année par la différence entre le taux voté pour l’année N et ce même taux constaté en 2000.

À l’occasion de la réforme de la fiscalité locale opérée dans la loi de finances pour 2010, ce mécanisme a été renforcé dans la mesure où le montant ainsi déduit est affecté d’un coefficient de 1,034.

Un tel mécanisme mériterait sans doute d’être transposé au présent dispositif.

B.– UN DÉGRÈVEMENT ADOSSÉ À UNE DÉFINITION EXHAUSTIVE DU REVENU DE RÉFÉRENCE

Pour être le plus juste et le plus efficace possible, le présent dégrèvement doit s’appliquer à un revenu défini de manière exhaustive. À cet effet, il est adossé au revenu fiscal de référence (RFR) utilisé, notamment, pour définir les revenus pris en compte au titre du plafonnement de la taxe d’habitation décrit plus haut.

1.– Le revenu fiscal de référence constitue la définition la plus précise du revenu du contribuable

a) Une définition large du revenu de référence

Codifié à l’article 1417 du code général des impôts, le RFR recouvre en réalité deux volets qu’il ne faut pas confondre :

– les trois premiers paragraphes prévoient deux seuils de revenus utilisés pour conditionner le bénéficie de plusieurs avantages fiscaux. Le premier seuil est fixé à 9 876 euros (plus 2 637 euros par part supplémentaire), tandis que le second seuil est fixé à 23 224 euros (plus 5 426 euros puis 4 270 euros pour les parts supplémentaires) ;

– le quatrième paragraphe définit les revenus à prendre en compte en proposant une assiette de revenus large, regroupant différentes catégories de revenus (activité et patrimoine) et neutralisant une partie des niches minorant le montant des impositions.

Contrairement à l’abattement de TH, le présent dispositif est uniquement adossé à ce second volet du RFR, ce qui signifie que son bénéfice n’est pas assorti d’une condition de revenu.

Le tableau suivant présente les revenus, ainsi que les déficits, les charges et abattement pris en compte dans le calcul du RFR :

Revenus composant le RFR

– les traitements et salaires (après déduction des frais professionnels forfaitaires ou réels) ;

– les rémunérations nettes des gérants et associés de certaines sociétés / art. 62 du CGI (après déduction des frais professionnels) ;

– les pensions et retraites nettes (après l’abattement de 10 %)

– les revenus professionnels nets imposés à l’IR au barème progressif (BIC, BNC, BA)

– les revenus professionnels nets imposés à l’IR selon le régime dit des « auto-entrepreneurs » ;

– les plus-values professionnelles nettes soumises à l’impôt au taux proportionnel ;

– les revenus de capitaux mobiliers (RCM) nets soumis au barème progressif de l’IR (pour leur montant avant abattement de 40 % mais après l’abattement forfaitaire) ;

– les revenus de capitaux mobiliers (RCM) nets soumis au prélèvement forfaitaire libératoire (pas d’abattement ;

– les revenus fonciers nets

– les revenus exceptionnels ou différés soumis à l’IR selon le système du quotient

– les revenus soumis à l’IR selon une base moyenne ou fractionnée

– les plus-values et gains divers nets sur cessions de valeurs mobilières soumis à l’impôt au taux proportionnel (PVM)

– les plus-values et gains nets exonérés (JEI, SCR, FCPR, régime des impatriés, ou du fait de l’abattement pour durée de détention)

– les plus-values immobilières (PVI) imposables

– les plus-values immobilières (PVI) exonérées du fait de l’abattement pour durée de détention

– les plus-values immobilières (PVI) exonérées sous conditions (résidence principale, cession à un bailleur social…)

– les revenus professionnels nets exonérés (BIC, BNC, BA)

– les plus-values professionnelles exonérées (BA, BNC, BIC)

– les traitements et salaires afférents aux heures supplémentaires ou complémentaires exonérés d’IR

– les droits tirés d’un compte-épargne temps (CET) versés sur un plan d’épargne retraite collectif (PERCO)

– l’indemnité de fonction perçue par les élus locaux soumise à la retenue à la source prévue par l’article 204-0 bis du CGI

– l’indemnité de fonction perçue par les élus locaux imposée à l’IR selon les règles des traitements et salaires

– les revenus exonérés d’IR en France (fonctionnaire des organisations internationales ou application d’une convention fiscale internationale)

– les revenus exonérés d’IR en France (régimes des impatriés et des expatriés)

– les revenus de capitaux mobiliers exonérés (FCPR, SUIR, SCR, régime des impatriés)

– les produits tirés des contrats d’assurance-vie en euros imposés à l’IR au barème progressif

– les produits tirés des contrats d’assurance-vie en unités de compte imposés à l’IR au barème progressif

– les produits tirés des contrats d’assurance-vie en euros imposés au prélèvement forfaitaire libératoire

– les produits tirés des contrats d’assurance-vie en unités de compte imposés au prélèvement forfaitaire libératoire

Déficits imputables

– les déficits globaux imputables des années antérieures

– les déficits professionnels imputables (BIC, BNC, BA)

– le déficit foncier imputable

Charges et abattements

– les pensions alimentaires versées aux ascendants et descendants (sous certaines conditions et limites)

– l’abattement en faveur des personnes de condition modeste âgées ou invalides

– l’abattement en faveur des enfants majeurs mariés rattachés au foyer

– les charges foncières des monuments historiques ou assimilés qui ne produisent pas de recettes

– les prestations compensatoires (versement en capital ou en rente) et contributions aux charges du mariage

– les frais d’accueil des personnes âgées de plus de 75 ans

– les dépenses supportées par le nu-propriétaire au titre des grosses réparations (sous certaines conditions)

– les versements effectués à titre de cotisations de sécurité sociale, à l'exception de ceux effectués pour les gens de maison

– les versements en vue de la retraite mutualiste du combattant

– les cotisations mentionnées aux articles L612-2 et L612-13 du code de la sécurité sociale, lorsqu’elles n’ont pas été déduites d’un revenu catégoriel

– les primes ou cotisations des contrats d'assurances conclus en application des articles L. 752-1 à L. 752-21 du code rural relatifs à l'assurance obligatoire contre les accidents de la vie privée, les accidents du travail et les maladies professionnelles des non salariés des professions agricoles

– les cotisations versées par les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole au titre des contrats d'assurance de groupe mentionnés au 2° de l'article L. 144-1 du code des assurances, dans les limites prévues par l'article 154 bis-0 A du CGI (déduction des cotisations facultatives d’épargne retraite « Madelin agricole du revenu global à titre supplétif)

Charges réintégrées dans le RFR

– les cotisations ou primes d’épargne-retraite versées à titre facultatif aux plans d’épargne retraite populaire (PERP), au volet facultatif des plans d’épargne retraite d’entreprise (PERP d’entreprise ou « PERE »), aux régimes PREFON, COREM et CRH (article 163 quatervicies du CGI) ;

– souscriptions en numéraire au capital des Sofica

– acquisition de parts de copropriété de navires civils

– souscription de parts de copropriétés de navires de commerce

– souscription au numéraire au capital des Sofipêche

b) Le RFR conditionne le bénéfice de nombreux allègements fiscaux

Le RFR est utilisé pour conditionner le bénéfice de nombreux allègements fiscaux.

Il est utilisé dans sa totalité (définition du revenu à prendre en compte et montant maximal de revenus) dans plusieurs dispositifs relatifs aux impôts locaux :

– exonération de TFB pour les personnes âgées de plus de 75 ans (article 1391 du CGI) ;

– dégrèvement de 100 euros de TFB pour les personnes de plus de 65 ans (article 1391 B du CGI) ;

– abattement de TH de 15 % maximum sur décision du conseil municipal (article 1411 du CGI) ;

– plafonnement de la TH en fonction du revenu (article 1414 A du CGI) ;

– exonération de TH pour les titulaires de l’AAH, pour les personnes de plus de 60 ans, les veuves, les veufs, et les personnes atteintes d’une infirmité ou d’une invalidité les empêchant de subvenir à leurs besoins (article 1414 du CGI) ;

– exonération de taxe annuelle sur les résidences mobiles terrestres pour les titulaires de l’AAH (article 1013 du CGI).

Il est en outre utilisé dans plusieurs dispositifs relatifs à l’impôt sur le revenu, tel que la prime pour l’emploi, le crédit d’impôt en faveur des jeunes salariés exerçant un métier connaissant des difficultés de recrutement ou le crédit d’impôt relatif aux intérêts d’emprunt liés à l’acquisition d’une résidence principale.

2.– Le présent article ajuste le dispositif du RFR au dégrèvement à mettre en oeuvre

Même s’il représente la définition la plus juste du revenu du contribuable, le RFR présente toutefois des pistes d’amélioration. À cet effet, les alinéas 3 à 10 du présent article, tout en reprenant la définition du RFR prévue au IV de l’article 1417 du CGI, le corrigent de manière à améliorer la photographie annuelle du revenu du contribuable à prendre en compte pour le calcul du dégrèvement.

Compte tenu du nombre important de dispositifs fiscaux adossés au RFR, le Gouvernement a prévu d’appliquer ces correctifs uniquement au présent dégrèvement de manière à ne pas bouleverser la mise en oeuvre des autres dispositifs existants.

a) Des corrections permettant d’améliorer l’annualité des revenus pris en compte

L’alinéa 3 prévoit que le RFR, tel que défini au IV de l’article 1417, sera corrigé de manière à mieux prendre en compte les revenus du contribuable au cours d’une année donnée ; à cet effet, il ne sera pas fait application des règles de quotient relatives aux revenus exceptionnels ou aux revenus différés
(article 163-0 A du CGI).

Compte tenu de la nature particulière de ces revenus, il est en effet prévu que le contribuable peut diviser ces revenus par un certain nombre d’années (quatre pour les revenus exceptionnels, le nombre d’années correspondant aux échéances normales de versement pour les revenus différés), ajouter cette fraction au revenu imposable et multiplier le surcroît d’impôt ainsi obtenu par le nombre d’années retenues.

Cette exclusion permet d’améliorer l’annualité des revenus pris en compte pour le dégrèvement et peut permettre, éventuellement, d’en bénéficier avant ou après avoir eu des revenus anormalement élevés.

Dans la même logique, l’alinéa 6 vise les moins-values réalisées lors des cessions de valeurs mobilières qui, conformément au 11 de l’article 150-0 D, peuvent être imputées sur les plus-values de même nature réalisées au cours de la même année ou pendant les dix années suivantes.

Enfin, l’alinéa 8 prévoit que le RFR sera majoré des déficits catégoriels qui, en application du I de l’article 156 du CGI, peuvent être reportés sur le revenu global des six années suivantes.

b) Des catégories de revenus non pris en compte en raison de leur indisponibilité pratique

Ce même alinéa 3 retranche par ailleurs du RFR des catégories de revenus en raison de leur indisponibilité : à ce titre, ils ne peuvent en effet pas être considérés comme constituant une richesse du contribuable à un moment donné.

Sont ainsi exclues :

– les sommes versées au titre de la souscription de parts de copropriété de navire de commerce déductibles du revenu imposable (article 163 unvicies du CGI) ainsi que les souscriptions en numéraire au capital des sociétés de financement de la pêche artisanale (article 163 duovicies du CGI) ;

– les cotisations ou primes versées aux PERP ou dans le cadre de régimes de retraite supplémentaire obligatoire (article 163 quatervicies du CGI).

c) Une meilleure prise en compte des produits d’épargne

Le RFR est par ailleurs augmenté de plusieurs autres catégories de revenus qui méritent d’être pris en compte dans le cadre du présent dispositif :

– l’alinéa 4 vise les sommes versées au titre d’un plan d’épargne salariale (PEE, plan d’épargne inter-entreprises, PERCO). Sont également visées les sommes versées au titre de la participation aux résultats de l’entreprise et de l’intéressement. Cet alinéa précise que ces sommes augmentent le RFR « sous réserve de leur disponibilité » dans la mesure où les avantages fiscaux liés à certains de ces dispositifs sont conditionnés par une durée de détention ;

– l’alinéa 5 vise les gains réalisés dans le cadre d’un PEA. Dans le même esprit, cet alinéa prévoit de limiter cette prise en compte aux retraits ou rachats opérés à l’expiration de la cinquième année ;

– l’alinéa 7 prévoit par ailleurs de réintégrer au RFR plusieurs abattements liés à la détention de valeurs mobilières : l’abattement de 4 600 euros (9 200 euros pour les couples mariés) appliqué au produit tiré des bons ou contrats de capitalisation d’une durée supérieure à six ans, l’abattement d’un tiers appliqué aux plus-values opérées sur les actions, parts de sociétés ou droits démembrés détenus plus de cinq ans.

En outre, cet alinéa prévoit de réintégrer au RFR les deux abattements opérés sur les revenus de capitaux mobiliers (l’abattement de 40 % appliqués aux revenus de capitaux mobiliers distribués par les sociétés ainsi que l’abattement forfaitaire annuel de 1 525 euros – 3 050 euros pour un couple marié – opéré sur ces mêmes revenus).

Le RFR tel que prévu au IV de l’article 1417 du CGI prévoit, pour sa part, que le montant de l’abattement de 40 % est pris en compte uniquement pour sa fraction excédant l’abattement forfaitaire mentionné ci-dessus dans le cas où celui-ci n’a pas été utilisé.

– l’alinéa 9 réintègre au RFR les diverses rentes, rémunérations et produits tirés livrets d’épargne réglementés (livret A, livret d’épargne populaire, livret jeune, compte d’épargne logement, plans d’épargne-logement, livret de développement durable, livrets d’épargne-entreprise, plan d’épargne populaire) ainsi que les produits tirés de valeurs mobilières faisant l’objet d’un engagement d’épargne de long terme.

Sont également pris en compte :

– les intérêts perçus à l’occasion d’un prêt à un enfant ou arrière-petit-enfant pour l’acquisition d’une habitation principale ;

– les intérêts des sommes déposées sur un compte épargne d’assurance pour la forêt ;

– les rentes viagères lorsque le PEA se dénoue sous cette forme au-delà de huit ans.

d) Une appréhension plus stricte de la situation fiscale du contribuable

Afin d’appréhender au mieux les revenus du contribuable, l’alinéa 10 prévoit de réintégrer dans le RFR :

– la déduction du revenu net global dont peut bénéficier un
contribuable âgé de plus de 65 ans ou invalide (de 2 276 euros si son revenu est inférieur à 14 010 euros et de 1 138 euros si ce revenu est compris entre 14 010 et 22 590 euros) ;

– la demi-part supplémentaire dont peut bénéficier le contribuable au titre des enfants majeurs de moins de 21 ans rattachés à sa déclaration de revenu.

Les alinéas 11 à 14 reprennent enfin des précisions en vigueur s’agissant du plafonnement de la TH permettant de clarifier le lien entre le redevable de la TFB et la personne dont on calcule le RFR :

– en règle générale, le RFR s’entend des revenus de l’ensemble du foyer fiscal de la personne au nom de laquelle la taxe est établie ;

– lorsque la TFB est établie au nom de plusieurs personnes (notamment en cas d’indivision), le dégrèvement est calculé à partir de la somme des revenus des différents foyers fiscaux ;

– lorsque ces personnes cohabitent avec des personnes ne faisant pas partie de leur foyer fiscal mais dont la propriété bâtie constitue leur habitation principale, le revenu de référence est calculé en ajoutant ceux des cohabitants.

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La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CF 183 du rapporteur général et l’amendement CF 14 de M. Daniel Garrigue.

M. le rapporteur général. L’amendement CF 183 vise à ce que seules puissent bénéficier du dégrèvement accordé sur la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties afférente à l’habitation principale les personnes dont les revenus n’excèdent pas un certain montant.

La Commission adopte l’amendement CF 183 (amendement n° 1248). En conséquence, l’amendement CF 14 tombe.

La Commission est saisie de l’amendement CF 184 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Cet amendement vise à interdire le bénéfice des dégrèvements de taxe sur le foncier bâti aux contribuables assujettis à l’ISF. Il s’inspire de la logique d’un excellent amendement socialiste adopté en son temps, qui avait interdit que des personnes assujetties à l’ISF puissent toucher le RMI.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 1249).

Elle examine l’amendement CF 185 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Sur le modèle du plafonnement de la taxe d’habitation en fonction du revenu, institué en 2000 à taux gelé, cet amendement plafonne la taxe sur le foncier bâti à taux gelé 2011.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 1250).

Elle examine enfin l’amendement CF 186 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Cet amendement vise à ce que soit prise en compte dans le calcul du dégrèvement la totalité de la taxe sur le foncier bâti, majorée par exemple en Île-de-France des taxes d’équipement perçues au profit des établissements publics fonciers.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 1251).

Puis elle adopte l’article 14 ainsi modifié.

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Article additionnel après l’article 14

Rétablissement des exonérations de taxes foncières sur les propriétés
des régions

Le présent article additionnel vise à rétablir l’exonération dont les régions bénéficiaient au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, perçues au profit des départements et des communes.

Cette exonération a été supprimée par l’article 108 de la loi de finances pour 2011. Considérant que la région ne percevait plus de TFB ou de TFNB à l’issue de la réforme de la fiscalité, le législateur a considéré que cette exonération n’avait plus lieu d’être, en oubliant qu’elle valait également à l’égard des impositions perçues au profit d’autres collectivités. Le présent article additionnel vise à donc à corriger cette erreur.

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Suivant l’avis favorable du rapporteur général, la Commission adopte l’amendement CF 118 de M. Olivier Carré, portant article additionnel après l’article 14, visant à rétablir les exonérations de taxes foncières sur les propriétés des régions (amendement n° 1252).

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Après l’article 14

La Commission examine l’amendement CF 1 de M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Depuis plusieurs années, le marché du disque s’est effondré, si bien que les investissements en matière musicale incombent désormais davantage aux producteurs de spectacles qu’aux producteurs phonographiques. Les spectacles sont désormais le premier outil pour faire émerger de nouveaux talents. Dans un souci d’équité fiscale, cet amendement vise donc à inclure le spectacle vivant musical et de variétés dans les activités culturelles que les collectivités peuvent faire bénéficier d’exonérations de cotisation foncière sur les entreprises (CFE).

M. le rapporteur général. Votre ténacité, cher collègue, à proposer des niches fiscales dans le domaine culturel et à vouloir les étendre une fois qu’elles sont créées force le respect. Sur cet amendement, je m’en remets à la sagesse de la Commission.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CF 46 de Mme Chantal Brunel.

M. Nicolas Forissier. Cet amendement vise à atténuer le renchérissement du coût du travail qui a résulté de la réforme de la taxe professionnelle pour les entreprises ayant des coûts de personnel élevés. Il limite l’incidence de la contribution économique territoriale (CET) pour les PME dont le chiffre d’affaires est inférieur ou égal à 7,6 millions d’euros ou dont les frais de personnel représentent plus de 80 % de leur valeur ajoutée, en plafonnant le montant de la part taxée à 70 % de leur chiffre d’affaires.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Cet amendement serait extrêmement coûteux, non pour l’État d’ailleurs mais pour les collectivités car la perte de recettes en résultant pour elles ne serait pas compensée.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CF 167 de M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean Launay. La loi de finances pour 2011 dispose que lorsqu’une entreprise est composée de plusieurs établissements implantés sur différents territoires, la valeur ajoutée, qui constitue l’assiette de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, est répartie selon l’effectif salarié et la valeur locative de chacun des établissements. Elle prévoit par ailleurs que lorsque la valeur locative d’un établissement est composée à plus de 20 % d’immobilisations industrielles, ces deux critères sont pondérés par un coefficient 2. Cet amendement propose de porter ce coefficient à 5 pour les établissements classés Seveso.

M. le rapporteur général. Avis défavorable pour l’heure. Attendons l’automne où nous aurons communication des premiers chiffres concernant les répartitions de la CVAE. Ce n’est qu’ensuite que nous pourrons procéder à des ajustements comme celui que vous proposez. Pour l’heure, nous naviguons dans le brouillard total.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CF 42 de Mme Chantal Brunel.

M. Nicolas Forissier. La loi de finances pour 2010 a prévu un lissage sur cinq ans pour les entreprises dont les prélèvements ont augmenté du fait du remplacement de la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale. Dans le même souci que l’amendement CF 46, celui-ci propose d’allonger la durée de lissage à dix ans pour les entreprises à forte intensité de main-d’œuvre.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Le coût serait excessif. Nous n’en avons tout simplement pas les moyens. J’avais proposé une disposition moins coûteuse que la vôtre en loi de finances initiale pour 2011, que le Gouvernement a refusée pour des raisons budgétaires. Je me suis incliné.

La Commission rejette l’amendement.

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Article additionnel après l’article 14

Transmission aux collectivités territoriales de la composition de la compensation relais

La Commission examine les amendements CF 53, CF 54 de M. Michel Bouvard ainsi que les amendements identiques CF 55 de M. Michel Bouvard et CF 168 de M. Jean-Pierre Balligand.

M. Michel Bouvard. Un amendement du rapporteur général du Sénat en loi de finances pour 2011 prévoyait une correction de la compensation relais dans les trois ans suivant 2009 afin d’intégrer dans son calcul le montant des rôles supplémentaires notifiés jusqu’au 31 décembre 2012 ainsi que les corrections de bases éventuellement nécessaires en 2010 si la taxe professionnelle était conservée.

Quelques adaptations sont aujourd’hui nécessaires pour rendre le dispositif parfaitement opérationnel.

L’amendement CF 53 prévoit, en cas de corrections rétroactives de la compensation relais dûes au manquement par une entreprise créée en 2009 à ses obligations déclaratives, un recalcul des allocations compensatrices consécutives à la réduction des bases d’imposition à la TP bénéficiant à l’établissement créé.

Le CF 54 dispose que l’administration fiscale notifie le montant corrigé de la compensation relais dans les mêmes délais que ceux prévus pour son actualisation.

Le CF 55, comme le CF 168 de M. Balligand, prévoit que les collectivités aient communication par les services fiscaux du détail des compensations relais, de façon qu’elles puissent effectuer les contrôles comme ceux qu’elles opéraient habituellement sur les rôles généraux de taxe professionnelle.

M. le rapporteur général. Avis défavorable aux CF 53 et CF 54. Ne rouvrons pas de délais sur les rôles complémentaires, au risque de rencontrer le même type de problèmes que ceux soulevés dans le fameux arrêt Pantin. Il est sage d’en rester au délai fixé du 30 juin 2011. En revanche, il est normal que les collectivités disposent d’explications sur le calcul de leur compensation relais, dans la mesure où elles ont eu le choix entre des modalités différentes. C’est pourquoi je suis favorable à l’adoption des amendements identiques CF 55 et CF 168.

M. Michel Bouvard. Qu’en est-il de l’harmonisation des rôles ?

M. le rapporteur général. Il y a deux sujets distincts : d’une part, la question des rôles complémentaires, pour laquelle on s’arrête au 30 juin ; d’autre part, celle des réajustements auxquels nous devrons probablement soumettre la compensation relais : celle-ci n’est pas seulement impactée par les rôles complémentaires, elle peut l’être aussi par de mauvaises estimations en matière de CVAE. Au sein du comité des finances locales, Charles-Éric Lemaignen et moi-même plaidons en faveur du maintien de la possibilité d’un ajustement de cette compensation. À cet égard, je souscris pleinement à l’amendement que mon homologue Philippe Marini a soutenu en ce sens au Sénat.

Après avoir rejeté successivement les amendements CF 53 et CF 54, la Commission adopte les amendements identiques CF 55 et CF 168 (amendement n° 1253).

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Article additionnel après l’article 14

Lissage de l’augmentation des tarifs de la redevance sur les bureaux

Le présent article additionnel prévoit un lissage de l’augmentation de la redevance pesant sur la construction des bureaux, des locaux commerciaux et des locaux de stockage dans la région d’Ile-de-France (RSB).

À l’occasion de la dernière loi de finances rectificative, plusieurs dispositions visant à financer la mise en œuvre du Grand Paris ont été discutées, au nombre desquelles la modernisation de la taxe annuelle sur les bureaux. Afin de garantir un financement adéquat pour la région, l’Assemblée nationale avait voté une modernisation de la RSB reprenant l’esprit de celle de la taxe annuelle :

– une augmentation générale des tarifs de l’ordre de 40 % ;

– une mise à jour du zonage, avec la création d’une zone 2 correspondant à l’unité urbaine de Paris ;

– un élargissement du champ de la RSB aux locaux commerciaux et de stockage, de manière à rapprocher son assiette de la taxe annuelle.

Cette modernisation n’a toutefois pas été assortie d’un dispositif de lissage alors que la combinaison de l’augmentation des tarifs et d’un changement de zone peut entraîner des augmentations de plus de 300% du tarif.

Le Rapporteur général a en particulier identifié plusieurs cas précis d’augmentation très importante de la RSB :

– dans les communes qui n’étaient pas dans le champ de la RSB en 2010 et sont passées en zone 2 (150 communes de la grande couronne) ;

– dans les communes qui étaient en zone 3 en 2010 et sont passées en zone 1 (une dizaine de communes) ;

– plus généralement, l’extension du champ de la RSB aux locaux commerciaux et de stockage crée, par définition, un sursaut fiscal très important.

Le présent article additionnel prévoit donc un lissage spécifique pour éviter les augmentations les plus violentes de la RSB, par le biais d’un abattement dégressif sur trois années (75%, 50% et 25%).

À l’occasion de ce travail sur le lissage, le Rapporteur général en a profité pour continuer à moderniser cette redevance, en la rapprochant du régime de la taxe annuelle ou, pour l’assiette, de la taxe d’aménagement. Sa rédaction confirme, comme en 2010, l’exonération des aires de stationnement.

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La Commission est saisie de l’amendement CF 187 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Cet amendement vise à ajuster la redevance perçue sur les créations de bureaux et de locaux commerciaux et de stockage en Île-de-France. La mesure que nous avions votée dans le collectif de 2010 était destinée à faciliter l’accord historique entre l’État et la région sur le Grand Paris. C’était un signe de bonne volonté envers la région, qui est destinataire du produit cette taxe, mais l’augmentation des tarifs est parfois excessive. Après avoir reçu l’ensemble des aménageurs, je propose un dispositif de lissage sur trois ans applicable dès le 1er janvier 2011.

M. Michel Bouvard. En l’état, le dispositif voté en 2010 aurait bouleversé l’équilibre des opérations.

M. Patrice Calméjane. Je suis d’autant plus favorable à cet amendement que le dispositif actuel est lié à l’égilibilité au fonds de solidarité de la région Île-de-France. Certaines communes se sont retrouvées pénalisées sans même avoir eu le temps d’en informer les acteurs économiques de leur territoire, la perte de l’accès au fonds de solidarité s’accompagnant, parfois, du quadruplement des taxes locales sur les entreprises.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 1254).

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Article 15

Impôt de solidarité sur la fortune - Aménagements du régime
des biens professionnels

Texte du projet de loi :

I.– L’article 885 N du code général des impôts est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Sont présumées constituer une seule profession les différentes activités professionnelles exercées par une même personne et qui sont soit similaires, soit connexes et complémentaires.

« Sont également considérées comme des biens professionnels les parts ou actions détenues par une personne mentionnée au premier alinéa dans une ou plusieurs sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés lorsque chaque participation, prise isolément, satisfait aux conditions prévues à l’article 885 O bis pour avoir la qualité de biens professionnels. »

II.– L’article 885 O du même code est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les parts détenues par le redevable dans plusieurs sociétés de personnes constituent un seul bien professionnel lorsque les sociétés ont des activités soit similaires, soit connexes et complémentaires.

« Sont également considérées comme des biens professionnels les parts ou actions détenues par une personne mentionnée au premier alinéa dans une société soumise à l'impôt sur les sociétés si chaque participation, prise isolément, satisfait aux conditions prévues à l’article 885 O bis pour avoir la qualité de biens professionnels. »

III.– L’article 885 O bis du même code est ainsi modifié :

a) La dernière phrase du premier alinéa du 2° est supprimée ;

b) Après le premier alinéa du 2°, sont insérés six alinéas ainsi rédigés :

« Sont considérées comme des biens professionnels les parts ou actions détenues par une même personne dans plusieurs sociétés lorsque chaque participation, prise isolément, satisfait aux conditions prévues par le présent article pour avoir la qualité de biens professionnels. Toutefois, la condition de rémunération prévue à la seconde phrase du second alinéa du 1° est respectée si la somme des rémunérations perçues au titre des fonctions énumérées au premier alinéa du 1° dans les sociétés dont le redevable possède des parts ou actions représente plus de la moitié des revenus mentionnés à la même phrase.

« Lorsque les sociétés mentionnées à l’alinéa précédent ont des activités soit similaires, soit connexes et complémentaires, la condition de rémunération normale s’apprécie au regard des fonctions exercées dans l’ensemble des sociétés dont les parts ou actions constituent un bien professionnel.

« Le respect de la condition de possession de 25 % au moins du capital de la société prévue au premier alinéa n'est pas exigé après une augmentation de capital si le redevable remplit les trois conditions suivantes :

« a) Il a respecté cette condition au cours des cinq années ayant précédé l’augmentation de capital ;

« b) À l’issue de l’augmentation de capital, il possède 12,5 % au moins des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la société, directement ou par l'intermédiaire de son conjoint, de leurs ascendants ou descendants ou de leurs frères et sœurs ;

« c) Il est partie à un pacte conclu avec d’autres associés ou actionnaires représentant au total 25 % au moins des droits financiers et des droits de vote et exerçant un pouvoir d’orientation dans la société. »

IV.– Le présent article s’applique à compter du 1er janvier 2012.

Exposé des motifs du projet de loi :

Il est proposé d’assouplir sur deux points le régime d’exonération des biens professionnels applicable à l’activité économique des redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) afin de lever un frein à l’entreprenariat.

D’une part, l’exonération d’ISF des biens professionnels ne porte actuellement que sur les biens nécessaires à l’exercice à titre principal d’une profession et, dans le cas des sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés, sur les parts ou actions détenues dans une société où le contribuable exerce effectivement une fonction de direction.

Le régime d’exonération de ces biens ne reconnaît que partiellement l’exercice de plusieurs activités par un même redevable, que ces dernières soient exercées sous la forme individuelle ou en société : en effet, en présence d’activités multiples, l’exonération des biens ou parts de sociétés détenus par le contribuable est subordonnée au caractère soit similaire, soit connexe et complémentaire des différentes activités qu’il exerce. En conséquence, un chef d’entreprise qui a la capacité d’investir dans une activité différente de celle qu’il a d’abord développée et qui souhaite exercer des fonctions de direction dans cette nouvelle activité, ne peut pas bénéficier de l’exonération, sauf à diversifier son activité au sein d’un même groupe d’entreprises dirigé par une holding animatrice.

Il est donc proposé d’élargir le champ d’application du régime des biens professionnels afin de mieux tenir compte de l’exercice d’activités professionnelles multiples par le redevable et ainsi d’inciter à la création d’entreprises. Le contribuable pourrait détenir plusieurs biens professionnels sous forme de parts ou actions de sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés ou cumuler avec l’exonération de son entreprise individuelle celle des parts d’une société dans laquelle il exerce une fonction de direction.

Pour bénéficier de l’exonération des parts ou actions, le contribuable devrait, pour chaque participation, respecter l’ensemble des critères actuellement retenus pour caractériser un bien professionnel. Toutefois, les rémunérations tirées de l’exercice des fonctions de direction seraient globalisées pour apprécier si elles représentent plus de la moitié des revenus professionnels.

D’autre part, afin que le seuil de détention actuellement fixé à 25 % pour bénéficier du régime des biens professionnels ne soit pas un obstacle à la croissance des entreprises, il est proposé de réduire, sous certaines conditions, à 12,5 % ce seuil lorsque la participation du redevable se trouve diluée du fait d’une augmentation de capital. Ainsi, le bénéfice du régime des biens professionnels ne serait pas remis en cause lorsque, par suite d’une augmentation de capital, le redevable possèderait seulement 12,5 % au moins des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la société à condition qu’il soit partie à un pacte conclu avec d’autres associés ou actionnaires représentant 25 % au moins des droits financiers et des droits de vote et exerçant un pouvoir d’orientation dans la société et qu’il ait possédé 25 % au moins du capital de la société au cours des cinq années ayant précédé l’augmentation de capital.

Observations et décision de la Commission :

I.– LE RÉGIME ACTUEL D’EXONÉRATION D’ISF DES BIENS PROFESSIONNELS

L'article 885 E du code général des impôts (CGI) définit l'assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) comme la valeur nette, au 1er janvier de l'année d'imposition, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant au foyer fiscal soumis à cet impôt conformément à l’article 885 A du même code. Par exception, l’article 885 A dispose que les biens professionnels ne sont pas pris en compte pour l’assiette de l’ISF.

A.– LES BIENS PROFESSIONNELS EXCLUS DE L’ASSIETTE DE L’ISF PEUVENT ÊTRE CLASSÉS EN DEUX CATÉGORIES PRINCIPALES

1.– Les biens dépendants d’une exploitation individuelle (article 885 N du CGI)

Il s’agit des biens nécessaires à l’exercice à titre principal, par leur propriétaire, d’une profession industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, c'est-à-dire d’une activité, effectivement exercée, dont les résultats sont classés dans la catégorie des BIC, BA ou BNC.

Les activités purement patrimoniales (gestion de portefeuille de valeurs mobilières, ou de biens immobiliers) sont exclues, de même qu’en principe, la location d’immeubles nus ou de fonds de commerce.

Ces biens doivent être nécessaires à l’exercice de la profession : ils doivent avoir un lien direct, qu’ils soient utilisés effectivement pour les besoins de l’activité professionnelle, ou ne puissent être utilisés à un autre usage. Ces biens peuvent être situés en France ou à l’étranger. Les biens professionnels ne coïncident pas nécessairement avec les biens inscrits au bilan. Enfin, la valeur des actifs professionnels est diminuée des dettes professionnelles, ce qui réduit le montant des sommes exonérées.

Les titres de sociétés sont la propriété personnelle de l’exploitant, et leur caractère professionnel s’apprécie selon les règles de droit commun. Toutefois, l’administration considère comme biens professionnels trois catégories de participations : les parts dans des sociétés de personnes constituées pour donner un cadre juridique à l’exercice de l’activité de l’entreprise, les parts des sociétés immobilières transparentes assurant à l’entreprise la jouissance d’immeubles en exploitation et les parts de sociétés de personnes ayant pour objet exclusif la location ou mise à disposition de moyens d’exploitation au profit de l’entreprise.

La profession exercée à titre principal est celle qui :

– constitue l’essentiel des activités économiques du contribuable, compte tenu du temps consacré à chaque activité, de l’importance des responsabilités, de la taille des exploitations, etc. ;

– ou qui procure la part la plus importante des revenus, si plusieurs activités sont d’égale importance.

Si les biens sont affectés à plusieurs professions, ils ne peuvent être retenus que pour la part correspondant à l’activité principale.

Plusieurs activités peuvent être considérées comme formant une seule profession, si elles sont :

– similaires

Selon la documentation de base, la similitude s'apprécie en comparant la nature des activités exercées et l'objet auquel elles se rapportent. Ainsi, le fait d'exercer son activité dans deux sociétés commerciales (achat - revente) ne suffit pas pour qu'il s'agisse d'activités similaires. Il faut également que les biens vendus soient similaires ;

– ou connexes et complémentaires

Les deux conditions doivent être réunies. La connexité implique des rapports de dépendance étroits. Le fait qu'une société détienne au moins 50 % du capital d'une autre société permet de présumer que cette condition est remplie entre les deux sociétés en cause. La complémentarité s'entend de l'activité qui s'inscrit dans le prolongement en amont ou en aval d'une autre activité. Sont ainsi complémentaires les activités d'élevage et de marchands de bestiaux. Il en est de même de l'activité de fabrication et de vente de meubles.

Compte tenu de la définition du foyer fiscal, les biens peuvent être détenus et utilisés par n’importe lequel de ses membres, conjoint, partenaire d’un PACS, concubin notoire et enfants mineurs.

2.– Les parts ou actions de sociétés (articles 885 O et 885 O bis du CGI)

Comme précédemment, l’activité de la société doit être de nature industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

Seule la fraction de la valeur des droits sociaux correspondant aux éléments du patrimoine social nécessaires à l’exercice de l’activité professionnelle est prise en compte pour l’exonération.

Les parts ou actions qui ne peuvent être qualifiées de biens professionnels peuvent être exonérées si elles ont fait l’objet d’un engagement collectif de conservation, si elles appartiennent aux salariés ou mandataires sociaux ou si elles ont été reçues en contrepartie de la souscription au capital de PME.

Les titres de sociétés étrangères peuvent être qualifiés de biens professionnels dans les mêmes conditions que les valeurs françaises.

Les comptes courants d’associés, même bloqués pendant plusieurs années, ne sont pas considérés comme des biens professionnels, sauf trois exceptions pour les coopératives et sociétés d’intérêt collectif agricole, les sociétés civiles de construction-vente et les entreprises individuelles.

Les liquidités et placements financiers assimilés, lorsqu’ils représentent des montants très élevés, peuvent voir leur qualification de biens professionnels mise en cause par l’administration, qui doit alors démontrer que les liquidités et titres de placement ne sont pas nécessaires à l’accomplissement de l’objet social de la société (car hors de proportion avec le volume d’activité de la société, pas utilisés pour couvrir des besoins de trésorerie, ou parce que la nature de l’activité de la société ne nécessite pas la mobilisation d’un actif important). Dans ce cas, l’exonération est limitée à la fraction de la valeur des parts ou actions de la société correspondant aux éléments du patrimoine social autres que les liquidités et titres de placement.

a) Les parts de sociétés de personnes relevant de l’impôt sur le revenu

Les sociétés concernées sont celles, visées aux articles 8 et 8 ter du code général des impôts, dont les bénéfices sont imposés au nom des associés dans la catégorie des BIC, BA ou BNC.

Les parts de ces sociétés constituent des biens professionnels lorsque leur détenteur exerce dans la société son activité professionnelle à titre principal et de manière effective.

Aucune condition n’est fixée s’agissant du pourcentage de participation détenue.

Le caractère principal de l’activité professionnelle est apprécié dans les mêmes conditions que ceux retenus pour les exploitants individuels.

Les parts détenues dans plusieurs sociétés peuvent constituer un bien professionnel unique, si les différentes sociétés ont des activités similaires, ou connexes et complémentaires (DB 7 S 3323).

b) Les parts ou actions de sociétés assujetties à l’IS détenues par les associés dirigeants

Les parts et actions de sociétés soumises à l’IS sont considérées comme des biens professionnels si leur propriétaire remplit les deux grandes conditions suivantes : exercer des fonctions de direction et détenir 25 % des droits financiers et droits de vote.

● l’exercice de fonctions de direction

Le redevable doit être soit gérant nommé conformément aux statuts d'une société à responsabilité limitée ou en commandite par actions, soit associé en nom d'une société de personnes, soit président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d'une société par actions.

L’exercice de ces fonctions doit être effectif et il doit donner lieu à une rémunération normale.

Selon la documentation de base, une rémunération est considérée comme normale lorsque son montant est en rapport avec la rémunération courante des personnes exerçant pleinement une des fonctions considérées, compte tenu de la nature et de l’importance de l’activité de l’entreprise et de ses résultats. Sont anormales des rémunérations notablement insuffisantes compte tenu des caractéristiques de l’entreprise. Les dividendes peuvent être retenus pour apprécier ce caractère normal, sous réserve que leur importance compense la faiblesse de la rémunération, et que cette situation résulte de motifs économiques. Si le redevable exerce par ailleurs dans la société une fonction autre que celle de direction, la rémunération de cette fonction est prise en compte.

Cette rémunération doit représenter plus de la moitié des revenus professionnels du dirigeant. Le seuil est apprécié sur l’année précédant le 1er janvier de l’année d’imposition, ou sur l’année au titre de laquelle l’ISF est dû.

Les conditions de rémunération sont appréciées avec souplesse, pendant deux ans pour les entreprises nouvellement créées, et en cas de difficultés économiques, commerciales ou financières.

Dans la situation où chacun des époux exerce une activité professionnelle, l’administration admet que la proportion de 50 % s’apprécie distinctement pour chacun d’eux. Les titres d’une société donnent droit au régime des biens professionnels même s’ils appartiennent à un autre membre du foyer fiscal que le dirigeant.

La doctrine administrative admet que des participations dans plusieurs sociétés constituent un bien professionnel unique si :

– le redevable exerce des fonctions de direction dans ces sociétés ;

– les sociétés ont des activités similaires ou connexes et complémentaires ; à défaut, l’administration considère comme biens professionnels les titres de la société dans laquelle le redevable exerce la fonction dont la rémunération est prépondérante, s’il ne dispose pas, à un autre titre, d’une rémunération professionnelle plus importante ;

– le total des rémunérations perçues de ces sociétés représente plus de 50 % de ses revenus professionnels.

● le seuil minimum de détention du capital de 25 %

Lorsqu’elle s’applique, cette condition porte d’une part sur les droits à dividendes, et d’autre part sur les droits de vote.

Cette condition pèse sur les gérants minoritaires de SARL et des associés dirigeants des sociétés anonymes, mais pas sur les gérants et associés visés à l’article 62 du CGI.

Deux autres dispositifs sont à prendre en compte pour l’appréciation du seuil de 25 % :

– le groupe familial : outre la participation directe du redevable, entrent dans ce calcul celles de son conjoint, partenaire lié par un PACS ou concubin notoire, ses ascendants, descendants, frères et sœurs, et ceux de son conjoint, partenaire ou concubin, ainsi que celles appartenant à la communauté conjugale des descendants et frères et sœurs ;

– les groupes de sociétés : les titres détenus dans une société possédant une participation dans la société dans laquelle le redevable exerce ses fonctions sont pris en compte dans la proportion de cette participation ; la valeur de ces titres qui sont la propriété personnelle du redevable est exonérée à concurrence de la valeur réelle de l'actif brut de la société qui correspond à la participation dans la société dans laquelle le redevable exerce ses fonctions. Les sous-filiales sont exclues et les FCPE ne sont pas pris en compte.

Les gérants minoritaires de SARL et les associés dirigeants des sociétés anonymes sont également dispensés de cette condition si la valeur brute de leur participation, appréciée au 1er janvier de l’année d’imposition, excède 50 % de la valeur brute de leurs biens imposables.

Dans ce cas, l’administration admet également la prise en compte des parts appartenant aux membres du foyer fiscal du redevable, des participations détenues indirectement par l’intermédiaire d’une ou plusieurs sociétés, et admet que des participations dans plusieurs sociétés peuvent constituer un bien professionnel unique, dans les mêmes conditions que précédemment.

II.– LA MESURE PROPOSÉE

Le présent article propose un assouplissement du régime des biens professionnels sur deux points, consistant à élargir le champ d’application du régime des biens professionnels afin de mieux tenir compte de l’exercice d’activités professionnelles multiples par le redevable et ainsi d’inciter à la création d’entreprises, et à abaisser de 25 à 12,5 % le seuil de détention actuellement fixé à 25 % pour bénéficier du régime des biens professionnels, après une augmentation de capital.

Ces dispositions s’appliquent à l’ISF dû à compter de l’année 2012.

A.– LA PRISE EN COMPTE DE L’EXERCICE DE PLUSIEURS ACTIVITÉS PAR UN MÊME REDEVABLE

● Les conditions prévues à l’article 885 O bis du CGI pour avoir la qualité de biens professionnels sont modifiées, s’agissant des parts et actions de sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés.

Sont maintenus les critères suivants :

– exercice effectif d’une fonction de direction ;

– possession d’un pourcentage minimal des droits financiers et droits de vote ;

– pour constituer un bien professionnel unique, chaque participation doit remplir les critères d’identification des biens professionnels fixés par l’article 885 O bis.

Sont modifiés les critères suivants :

– le caractère majoritaire de la rémunération est apprécié sur l’ensemble des parts, et non plus pour chaque participation, que les activités soient ou non similaires ou connexes et complémentaires : cette dernière condition est donc supprimée (alinéa 10) ;

– le caractère normal de la rémunération est apprécié globalement, si les sociétés en cause ont des activités soit similaires, soit connexes et complémentaires. Sinon, ce caractère normal reste apprécié pour chaque part (alinéa 11).

Le critère d’activité similaire ou connexe et complémentaire est supprimé pour l’agrégation de plusieurs participations.

Des références à cette nouvelle définition des biens professionnels sont introduites aux articles 885 N et 885 O, permettant le cumul de deux types de biens professionnels, ce qui n’est actuellement pas possible.

Les biens ou parts de sociétés détenus à titre purement patrimonial restent naturellement exclus du dispositif, mais un contribuable exerçant une activité professionnelle dans plusieurs sociétés pourra bénéficier de l’exonération d’ISF sans que ces sociétés aient nécessairement une activité similaire, ou connexe et complémentaire.

L’alinéa 3 permet le cumul d’exonération d’ISF de biens professionnels au titre d’une exploitation individuelle et du fait de la détention de parts et actions de sociétés soumises à l’IS.

L’alinéa 6 permet le cumul d’exonération d’ISF de biens professionnels au titre du fait de la détention de parts et actions de sociétés soumises à l’IS et de sociétés de personnes soumises à l’IR.

● Par ailleurs, les critères de similitude, ou connexité et complémentarité, actuellement exigés par la doctrine administrative pour la définition d’une seule profession dans le cas d’une exploitation individuelle, et pour celle d’un bien professionnel unique dans le cas de la détention de parts et actions de sociétés soumises à l’IS et de sociétés de personnes soumises à l’IR, seraient désormais inscrits dans la loi (alinéas 2 et 5).

L’assouplissement de ces critères pour la prise en compte de situations d’activité multiples ne concerne donc pas les sociétés de personnes soumises à l’IR : la diversification doit se faire via la détention de parts de sociétés assujetties à l’IS.

B.– L’ABAISSEMENT DU SEUIL DE DÉTENTION DE 25 À 12,5 %

Le deuxième assouplissement du régime des biens professionnels prévu par le présent article vise à maintenir le régime des biens professionnels pour la participation du dirigeant qui se trouve diluée après une augmentation de capital.

Trois conditions sont prévues pour le bénéfice du maintien de ce régime. Le dirigeant devra :

– avoir bénéficié du régime des biens professionnels au cours des cinq années ayant précédé l’augmentation de capital ;

– détenir après l’opération au moins 12,5 % des droits financiers et des droits de vote. Ce seuil, comme celui de 25 % actuellement prévu, s’apprécie en tenant compte des participations directes du redevable, mais aussi de celles de son conjoint, de leurs ascendants ou descendants ou de leurs frères et sœurs ;

– conclure un pacte d’actionnaire portant sur 25 % au moins des droits financiers et des droits de vote. Il est utile de préciser que la signature du pacte doit être effective dès l'opération d’augmentation du capital, de sorte qu'il n'y ait pas de solution de continuité, ni sur le plan économique (maintien de la capacité d'orientation du dirigeant via sa participation), ni sur le plan fiscal, en conséquence.

L’impact de ces deux modifications ne fait l’objet d’aucune évaluation chiffrée, pas plus que la mesure actuelle d’exonération des biens professionnels, dont le coût et le nombre de bénéficiaire ne sont pas indiqués par l’annexe Voies et moyens.

EXEMPLES DE TRAITEMENT AU REGARD DES BIENS PROFESSIONNELS
DE SOCIÉTÉS À L’IS

Conséquences de la possibilité de considérer comme biens professionnels des activités non similaires, connexes ou complémentaires

Soit une personne ayant :

– 50 % des parts de la société A, de distribution alimentaire, dans laquelle elle exerce des fonctions de direction, et qui la rémunère à hauteur de 55 % de ses revenus professionnels de l’année ;

– 25 % des parts de la société B, de menuiserie, dans laquelle elle exerce des fonctions de direction, et qui la rémunère à hauteur de 20 % de ses revenus professionnels de l’année

– 25 % des parts de la société C, librairie, dans laquelle elle exerce des fonctions de direction, et qui ne la rémunère pas.

Actuellement, A est un bien professionnel (fonctions de direction, rémunération majoritaire) B et C ne le sont pas.

Avec l’article 15, B devient également un bien professionnel (car possibilité d’additionner des activités non similaires, connexes ou complémentaires), mais C demeure en revanche exclu, faute de rémunération normale de cette dernière activité.

Conséquences de la possibilité de globaliser l’appréciation du caractère majoritaire des rémunérations à l’échelle de sociétés non similaires, connexes ou complémentaires

Soit une personne ayant :

– 50 % des parts de la société A, de distribution alimentaire, dans laquelle elle exerce des fonctions de direction, et qui la rémunère à hauteur de 35 % de ses revenus professionnels de l’année ;

– 25 % des parts de la société B, de menuiserie, dans laquelle elle exerce des fonctions de direction, et qui la rémunère à hauteur de 20 % de ses revenus professionnels de l’année

– 25 % des parts de la société C, librairie, dans laquelle elle exerce des fonctions de direction, et qui ne la rémunère pas.

Actuellement, A B et C ne sont pas des biens professionnels, car aucune des rémunérations ne dépasse 50 %.

Avec l’article 15, A et B deviennent un bien professionnel, mais C demeure en revanche exclu, faute de rémunération normale et faute d’avoir une activité similaire, connexe ou complémentaire.

Conséquences de la possibilité de globaliser l’appréciation du caractère normal de la rémunération à l’échelle de sociétés similaires ou connexes et complémentaires

Soit une personne ayant :

– 50 % des parts de la société A, de distribution alimentaire, dans laquelle elle exerce des fonctions de direction, et qui la rémunère à hauteur de 35 % de ses revenus professionnels de l’année ;

– 25 % des parts de la société B, de menuiserie, dans laquelle elle exerce des fonctions de direction, et qui la rémunère à hauteur de 20 % de ses revenus professionnels de l’année

– 25 % des parts de la société C, de scierie, dans laquelle elle exerce des fonctions de direction, et qui ne la rémunère pas.

Actuellement, A B et C ne sont pas des biens professionnels, car aucune des rémunérations ne dépasse 50 %.

Avec l’article 15, A et B deviennent un bien professionnel car la rémunération est normale pour les deux sociétés et dépasse, en cumulé, 50 %. C devient également un bien professionnel, car la rémunération est normale à l’échelle de l’ensemble des sociétés qui sont similaires, connexes ou complémentaires (B et C).

Alors que l’on rend possible la globalisation du critère de la rémunération majoritaire que les sociétés aient ou non des activités similaires, ou connexes et complémentaires, la globalisation du critère de la rémunération normale est réservée au seul cas des activités similaires ou connexes et complémentaires.

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Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la Commission rejette l’amendement CF 154 de M. Pierre-Alain Muet.

M. Michel Bouvard retire son amendement CF 56.

La Commission examine ensuite l’amendement CF 11 de M. Alain Joyandet.

M. Nicolas Forissier. Il s’agit d’assouplir les conditions de fonction exigées pour la qualification de biens personnels en biens professionnels, s’agissant des parts ou actions détenues dans une entreprise.

Beaucoup de chefs d’entreprise détiennent des parts dans d’autres entreprises que la leur, sans pour autant y exercer de fonctions de gérance. Si ces parts ont bien été acquises au titre de l’usage professionnel, il conviendrait de les exonérer de l’impôt de solidarité sur la fortune.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Mieux vaut s’en tenir à des définitions précises et à une liste limitative des fonctions de direction.

Je vous suggère néanmoins de présenter un amendement assouplissant les conditions de rémunération, car celles-ci posent effectivement un problème. Mais nous devons conserver les critères fixes que sont les fonctions de direction effective et la détention de plus de 25 % de parts – étant entendu qu’en cas de dilution du capital, ce seuil peut être ramené à 12,5 %.

M. Olivier Carré. On pourrait également prévoir un assouplissement concernant la fonction de président de conseil de surveillance.

L’amendement est retiré.

Puis la Commission adopte l’article 15 sans modification.

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Article 16

Impôt de solidarité sur la fortune - Absence de prise en compte des créances détenues par des personnes non résidentes à l’égard des sociétés à prépondérance immobilière dans la valorisation des parts

Texte du projet de loi :

I.– Après l’article 885 T bis du code général des impôts, il est inséré un article 885 T ter ainsi rédigé :

« Art. 885 T ter.– Les créances détenues, directement ou par l’intermédiaire d’une ou plusieurs sociétés interposées, par des personnes n'ayant pas leur domicile fiscal en France, sur une société à prépondérance immobilière mentionnée au 2° du I de l’article 726, ne sont pas déduites pour la détermination de la valeur des parts que ces personnes détiennent dans la société. »

II.– Le I s’applique à l’impôt de solidarité sur la fortune dû à compter de l’année 2012.

Exposé des motifs du projet de loi :

Les personnes physiques non résidentes sont imposables à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) sur les parts qu’elles détiennent dans des sociétés à prépondérance immobilière, telles que des sociétés civiles immobilières (SCI), à proportion du rapport entre la valeur des biens détenus en France par la société et l’actif total de la société, mais pas sur leurs placements financiers.

En conséquence, en finançant une société à prépondérance immobilière dont ils détiennent des parts par le biais d’apports en compte courant, des associés non-résidents peuvent réduire la valeur de leurs parts dans la société, qui sont imposables à l’ISF, dès lors que ces apports figurent au passif, sans que les créances ainsi détenues ne soient incluses dans leur patrimoine taxable, puisqu’elles constituent des placements financiers.

Pour mettre un terme à de tels schémas d’optimisation, il est proposé d’exclure les dettes contractées à l’égard des associés non-résidents pour la valorisation des parts qu’ils détiennent dans une société à prépondérance immobilière.

Observations et décision de la Commission :

Cet article tend à limiter les possibilités d’optimisation du montant de l’impôt de solidarité sur la fortune dont sont redevables les contribuables non-résidents en excluant les créances qu’ils détiennent dans des sociétés à prépondérance immobilière de la valorisation de leurs parts dans ces mêmes sociétés.

Cette modification du droit en vigueur devrait permettre d’imposer les contribuables qui en bénéficiaient à hauteur de 20 millions d’euros supplémentaires par an.

I.– L’IMPOSITION DES CONTRIBUABLES NON-RÉSIDENTS À L’IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE

La qualité de contribuable non-résident s’apprécie au regard des dispositions présentées à l’article 4 B du code général des impôts relatif à l’impôt sur le revenu. Selon ces dispositions, sont en effet considérées comme domiciliées fiscalement en France les personnes :

– qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ;

– qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ;

– qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques.

En outre, sont également considérés comme résidents les agents de l'État qui exercent leurs fonctions ou sont chargés de mission dans un pays étranger et qui ne sont pas soumis dans ce pays à un impôt personnel sur l'ensemble de leurs revenus.

Les contribuables non-résidents constituent donc l’ensemble des foyers fiscaux qui ne remplissent aucun de ces critères. Cette qualité leur est reconnue au titre de l’ensemble des impositions dont ils sont redevables en France.

1.– L’assujettissement des non-résidents à l’impôt de solidarité sur la fortune

L’article 885 A du CGI précise que « sont soumises à l’impôt annuel de solidarité sur la fortune, lorsque la valeur de leurs biens est supérieure à la limite de la première tranche du tarif fixé à l’article 885 U […], les personnes physiques n’ayant pas leur domicile fiscal en France, à raison de leurs biens situés en France ».

En 2010, 8 044 contribuables non-résidents ont ainsi acquitté 65 millions d’euros au titre de l’ISF.

Contrairement aux contribuables domiciliés en France, soumis à une obligation fiscale illimitée portant sur tous les biens dont ils disposent qu’ils soient situés sur le territoire national ou à l’étranger (59), les contribuables non-résidents ne sont donc imposés qu’au titre des biens qu’ils détiennent en France.

Toutefois, ce principe d’imposition est tempéré, à l’article 885 L du CGI, par une exonération générale des placements financiers réalisés par les non-résidents. Cette disposition tend à inciter ces derniers à conserver ou à accroître leurs placements sur le territoire.

Les placements financiers constituent l’ensemble des placements réalisés dont les revenus relèvent ou relèveraient de la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. En pratique, il s’agit des dépôts à vue ou à terme en euros ou en devises, des comptes courants d’associés détenus dans une société ou une personne morale qui a son siège social en France, des bons, obligations, actions ou droits sociaux et des contrats d’assurance-vie ou de capitalisation souscrits auprès de compagnies d’assurance établies en France.

2.– Le régime spécifique des placements financiers réalisés dans des sociétés à prépondérance immobilière

Selon l’article 885 L précité, certains titres n’ont cependant pas le caractère de placements financiers, à l’instar des actions ou parts détenues par des non-résidents dans une société ou une personne morale française ou étrangère, dont l’actif social français est principalement constitué d’immeubles ou de droits réels immobiliers situés sur le territoire français. Cette disposition vise à éviter que la constitution d’une société à prépondérance immobilière par le contribuable non-résident ne fasse obstacle à la perception de l’ISF au titre des biens immobiliers détenus.

Trois conditions doivent être remplies pour que ces titres ne soient pas considérés comme des placements financiers :

 Le patrimoine de la société qui a émis les titres doit être principalement immobilier.

Les trois catégories de biens pouvant être pris en compte pour apprécier la composition de ce patrimoine sont les immeubles bâtis ou non bâtis, les droits réels immobiliers portant sur de tels biens (usufruit, bail à construction…) ou les titres de sociétés elles-mêmes à prépondérance immobilière.

La prépondérance immobilière est par la suite constatée si la valeur de ces biens situés en France (60) représente plus de 50 % de la valeur de l’actif social situé en France.

 Les titres ne doivent pas être admis aux négociations sur un marché réglementé français ou étranger.

Une exception s’applique néanmoins aux titres des SICOMI qui sont considérés comme des placements financiers, que la société soit cotée ou non, afin de ne pas introduire de distorsion de concurrence à l’intérieur de cette catégorie.

 Les actions et les parts sont détenues par des redevables de l’ISF qui n’ont pas leur domicile fiscal en France.

Les actions et parts répondant à ces trois conditions sont alors imposées à proportion de la valeur des biens immobiliers situés en France par rapport à l’actif total de la société en France et à l’étranger.

Par exemple, une société dispose d’un actif social d’une valeur totale de 100 répartie comme suit :

 

Actifs français

Actifs étrangers

Total

Immobilier

30

10

40

Mobilier

10

50

60

Total

40

60

100

Cette société sera considérée comme une société à prépondérance immobilière car son patrimoine immobilier situé en France représente 75 % de son actif social situé en France et ce, alors même que son patrimoine total n’est pas principalement composé de biens immobiliers.

Si la valeur d’une part de cette société est de 10, seule une valeur de 3 sera imposée au titre de l’ISF puisque l’actif immobilier sis en France ne représente que 30 % de l’actif total de la société.

3.– Les pratiques d’optimisation

Les parts de sociétés à prépondérance immobilière ainsi définies sont soumises à l’ISF pour leur valeur vénale qui est obtenue en divisant l’actif net comptable par le nombre de parts.

L’actif net comptable d’une société correspond à la valeur du patrimoine immobilier détenu, augmentée des fonds bancaires dont elle dispose et minorée de toutes les dettes inscrites au passif, à l’instar des apports en compte courant par les associés. Ces comptes courants retracent le montant des sommes prêtées temporairement à la société par le contribuable. En théorie, cette possibilité permet à la société de bénéficier, en cas de besoin, d’une source de financement interne et moins coûteuse que les autres formes de financement. Ces comptes constituent un élément de souplesse très important pour les sociétés et l’acceptation d’un risque pour les associés qui détiennent cette créance.

Les apports en compte courant sont considérés comme des placements financiers et sont donc exonérés d’ISF si le contribuable est non-résident. Cette exonération vise ainsi à renforcer l’attractivité des sociétés situées en France, qui pourraient bénéficier de placements étrangers et à protéger celles dont certains des associés sont non-résidents. Toutefois, elle permet également des montages d’optimisation de l’impôt dû au titre de l’ISF que cet article se propose d’encadrer.

En effet, les apports en compte courant d’un contribuable non-résident figurant au passif des comptes de la société diminuent le montant de l’actif net comptable de cette société et par conséquent, la valeur de la part détenue par ce même contribuable. Si ce contribuable avait été résident, ce schéma d’optimisation n’aurait pas été possible puisque ces placements financiers auraient été imposés.

Dans le cas d’une société dont l’actif est de 20 et à laquelle un associé résident et un associé non-résident ont apporté chacun 10 sur des comptes courants d’associés, l’actif comptable net est nul et, par conséquent, la valeur des parts l’est également. Aucun des associés ne sera donc soumis à l’ISF au titre de ces parts. Cependant, le contribuable résident sera imposé à l’ISF au titre de son placement financier de 10, alors que le contribuable non-résident n’est pas imposable sur cette assiette.

On constate donc que le contribuable non-résident peut annuler ainsi son imposition au titre de l’ISF, tout en réduisant de moitié celle du contribuable résident, bénéficiaire indirecte de l’exonération.

II.– LA NEUTRALISATION DES CRÉANCES DES NON-RÉSIDENTS POUR LA VALORISATION DES PARTS DE SOCIÉTÉS À PRÉPONDÉRANCE IMMOBILIÈRE

1.– L’effet anti-abus de la mesure

Le présent article introduit un nouvel article 885 ter bis dans le CGI qui prévoit, qu’à compter de l’ISF acquitté au titre de l’année 2012, les créances détenues directement ou indirectement par les contribuables non-résidents dans des sociétés à prépondérance immobilière (61) ne sont plus prises en compte pour la détermination de la valeur des parts. Ces placements financiers ne sont donc pas imposés à l’ISF, mais simplement neutralisés au regard de la détermination de l’actif net comptable.

Dans l’hypothèse d’un tel mode de valorisation des parts, une société dont l’actif est de 20 et à laquelle un associé résident et un associé non-résident ont apporté chacun 10 sur des comptes courants d’associés, possède un actif comptable net de 10 puisque seul l’apport en compte courant du contribuable résident est porté au passif. Dans un premier temps, la valeur des parts détenues par les deux associés est déterminée par rapport à cet actif comptable net de 10. Ils sont donc chacun imposable à ce titre à l’ISF. Dans un deuxième temps, le contribuable résident est imposé à l’ISF au titre de son placement financier de 10, alors que le contribuable non-résident demeure non imposable sur cette assiette. Par conséquent, le contribuable résident ne bénéficie plus indirectement de l’exonération, tandis que le contribuable non-résident ne peut plus annuler son imposition à l’ISF.

2.– Rendement de la mesure

Bien qu’il soit très difficile de chiffrer cette mesure, son rendement attendu est 20 millions d’euros par an. Aucune indication n’a pu être présentée sur le nombre de contribuables concernés et sur le ressaut d’imposition généré. Ce chiffrage qui repose sur la reconstitution d’une assiette de logements pouvant entrer dans la composition d’un patrimoine taxable à l’ISF, se fonde sur l’hypothèse non vérifiable que les contribuables non-résidents ont systématiquement optimisé leur imposition et que cette optimisation a permis de neutraliser entièrement l’imposition due. Par conséquent, le montant d’impôt supplémentaire résultant de la mesure devrait vraisemblablement être inférieur au montant présenté.

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Le rapporteur général retire son amendement CF 188, puis la Commission adopte l’article 16 sans modification.

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Article 17

Taxe sur les résidences secondaires des non-résidents

Texte du projet de loi :

I. – L’article 164 C du code général des impôts est abrogé et le b de l'article 197 A de ce code est supprimé.

II. – Après la section V bis du chapitre III du titre premier de la première partie du livre premier du même code, il est inséré une section V ter ainsi rédigée :

« Section V ter :

« Taxe sur les résidences secondaires des non-résidents

« Art. 234 sexdecies.– I. – 1. Les personnes physiques directement ou indirectement propriétaires d’un ou plusieurs locaux affectés à l’habitation dont elles ont la libre disposition, qui n’ont pas leur domicile fiscal en France au sens de l’article 4 B et dont les revenus de source française représentent, au titre de l’année d’imposition, moins de 75 % de l’ensemble de leurs revenus de source française et étrangère, sont assujetties à une taxe annuelle sur ce ou ces locaux.

« 2. L’assiette de la taxe est constituée de la valeur locative mentionnée à l’article 1409. Le taux est de 20 %.

« Lorsque le local est indivis, la taxe est due par le ou les co-indivisaires remplissant les conditions prévues au 1, à proportion de leur part.

« Lorsque le local est détenu par l’intermédiaire d’une société à prépondérance immobilière mentionnée au 2° du I de l'article 726, la taxe est due par le ou les associés remplissant les conditions prévues au 1, à proportion de leur quote-part dans la société.

« 3. La taxe est établie pour l’année entière d’après les faits existants au 1er janvier de l’année d’imposition.

« II. – Les dispositions du I ne s’appliquent pas l’année du transfert du domicile fiscal hors de France et les cinq années suivantes aux redevables qui justifient avoir été fiscalement domiciliés en France de manière continue au titre d’au moins trois années consécutives dans les dix années précédant celle de ce transfert.

« Pour l’application du premier alinéa, les cinq années qui suivent celles du transfert du domicile fiscal hors de France sont décomptées à compter de 2007 pour les impositions établies au titre de 2012, de 2008 pour les impositions établies au titre de 2013, de 2009 pour les impositions établies au titre de 2014, de 2010 et des années suivantes pour les impositions établies au titre de 2015 et des années suivantes.

« III. – Pour l’application du I :

« 1. Les personnes physiques qui remplissent les conditions prévues au 1 du I et sont directement propriétaires d’un local affecté à l’habitation sont tenues de déposer une déclaration auprès du service des impôts des particuliers du lieu de situation du local au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai de l’année au titre de laquelle elles deviennent redevables de la taxe au titre de ce local.

« La déclaration comporte leurs coordonnées à l’étranger ou celles de leur représentant prévu à l'article 164 D, celles du local ainsi que, le cas échéant, l’indication de la fraction de l’immeuble qu’elles détiennent en indivision.

« 2. Les sociétés à prépondérance immobilière mentionnées au 2° du I de l'article 726 par l’intermédiaire desquelles des personnes physiques qui remplissent les conditions prévues au 1 du I sont propriétaires d’un local affecté à l’habitation sont tenues de déposer une déclaration auprès du service des impôts des particuliers du lieu de situation du local au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai de l’année au titre de laquelle un associé devient redevable de la taxe au titre de ce local.

« La déclaration comporte les noms, prénoms et coordonnées à l’étranger de ceux de leurs associés qui remplissent les conditions prévues au 1 du I, les coordonnées du local ainsi que la mention des droits de ces associés dans la société.

« 3. Pour les personnes physiques qui, le 1er janvier 2012, remplissent les conditions prévues au 1 du I, les déclarations mentionnées aux 1 et 2 doivent être déposées au plus tard le 3 mai 2012.

« IV. – Le contrôle, le recouvrement, les garanties, les sanctions et le contentieux de la taxe sont régis comme en matière de taxe d’habitation. »

III. – Au deuxième alinéa du 1 de l'article 1729 B du code général des impôts, les mots : « de la déclaration prévue à l'article 242 sexies » sont remplacés par les mots : « des déclarations prévues aux articles 234 sexdecies et 242 sexies ».

IV. – Le présent article s’applique à compter du 1er janvier 2012.

Exposé des motifs du projet de loi :

Les personnes physiques qui sont propriétaires d’un logement situé en France bénéficient de services publics nationaux au financement desquels ils doivent normalement participer à proportion de leurs capacités contributives par le biais du paiement d’impôts d’État.

Tel n’est cependant pas le cas des personnes physiques qui ont la libre disposition de ce logement, mais qui n’ont pas leur domicile fiscal en France et dont les revenus de source française ne représentent qu’une petite partie de leurs revenus mondiaux.

En effet, si elles seront imposées à la taxe foncière sur les propriétés bâties et à la taxe d’habitation, qui concourent au financement des services publics locaux, ces personnes ne percevront pas de revenus fonciers, imposables en France et ne seront pas imposées en France à l’impôt sur le revenu au titre de leurs autres revenus.

Afin de remédier à cette situation, peu conforme au principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques, il est proposé de créer une nouvelle taxe sui generis sur les résidences secondaires détenues par ces personnes.

Elle serait due par toute personne physique :

– qui est directement ou indirectement propriétaire d’un logement dont elle a la libre disposition ;

– et qui n’a pas son domicile fiscal en France et dont les revenus de source française représentent moins de 75 % des revenus totaux.

L’assiette de cette taxe serait la valeur locative cadastrale du logement et son taux serait de 20 %.

Afin de ne pas désinciter à la mobilité des personnes, les redevables pouvant justifier qu’elles ont résidé de manière continue pendant au moins trois ans en France dans les dix ans précédant leur expatriation seraient exonérées de la taxe au titre de l’année de l’expatriation et des cinq années suivantes.

Corrélativement, l’article 164 C du code général des impôts, qui prévoit que les personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal en France mais qui y détiennent un logement sont assujetties à l’impôt sur le revenu sur une base forfaitaire égale au triple de la valeur locative réelle de cette habitation, serait abrogé.

Cette taxe entrerait en vigueur à compter du 1er janvier 2012.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article tend à introduire une nouvelle taxation assise sur la valeur locative cadastrale des résidences secondaires détenues en France par les contribuables qui n’ont pas leur domicile fiscal en France. L’objectif poursuivi par cette mesure est de faire participer davantage ces contribuables au financement des services publics nationaux dont ils bénéficient directement ou indirectement au titre de leur propriété et ce, à proportion de leurs capacités contributives.

En contrepartie, la taxation forfaitaire à l’impôt sur le revenu prévue à l’article 164 C du code général des impôts et assise sur la valeur locative réelle des habitations dont disposent ces mêmes contribuables serait supprimée. En effet, si cette taxation forfaitaire poursuit la même finalité que celle de la nouvelle taxe proposée, ses effets sont en grande partie neutralisés par les dispositions des conventions fiscales internationales. En proposant une nouvelle taxe dissociée des modalités d’imposition à l’impôt sur le revenu spécifiques aux contribuables non domiciliés fiscalement en France, le Gouvernement souhaite ainsi rétablir l’effectivité de leur imposition.

I.– LA CONTRIBUTION ACTUELLE DES CONTRIBUABLES NON DOMICILIÉS FISCALEMENT EN FRANCE

Les contribuables concernés par la nouvelle taxation sont l’ensemble des contribuables qui ne remplissent aucune des conditions mentionnées à l’article 4 B du CGI permettant d’établir la domiciliation fiscale en France, soit :

– avoir en France son foyer ou le lieu de séjour principal ;

– exercer en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins de justifier que cette activité y est exercée à titre accessoire ;

– avoir en France le centre de ses intérêts économiques ;

– être un agent de l'État exerçant ses fonctions dans un pays étranger et ne pas être soumis dans ce pays à un impôt personnel sur l'ensemble de ses revenus.

Les contribuables qui n’ont pas leur domicile fiscal en France sont dans la plupart des cas également considérés comme des non-résidents par les conventions fiscales internationales. Celles-ci définissent en effet les résidents comme l’ensemble des personnes qui, en vertu de la législation de l’État, sont assujetties à l'impôt en raison de leur domicile. Les personnes qui ne sont assujetties à l'impôt que pour les revenus de sources situées dans cet État ne sont donc pas concernées. Afin de déterminer si le critère de résidence est rempli, il convient d’examiner si le contribuable dispose d’un foyer d’habitation permanent dans l’État. Cette condition l’emporte sur les autres conditions retenues en droit interne, comme la justification que le centre de ses intérêts vitaux se trouve dans ce même État. Ainsi, un contribuable qui a le centre de ses intérêts économiques en France et qui répond à cette condition de domiciliation de droit interne tout en étant reconnu comme résidant dans un État tiers au titre des conventions fiscales sera soumis aux règles d’imposition des contribuables non domiciliés.

Les contribuables ainsi définis comme non résidents sont soumis à un régime d’imposition souvent proche du droit commun applicable aux résidents et participent d’ores et déjà au financement des services publics nationaux et locaux au travers de l’imposition de leurs revenus et de leur patrimoine. Ils sont ainsi imposables au titre des résidences secondaires qu’ils détiennent en France aux taxes foncières locales et le cas échéant, à l’impôt sur le revenu et à l’impôt de solidarité sur la fortune. Cependant, toutes les impositions ne sont pas aussi effectives selon que les dispositions des conventions internationales restreignent ou non le droit de la France à imposer ces contribuables.

A.– LA CONTRIBUTION AUX SERVICES NATIONAUX AU TRAVERS DE L’IMPOSITION AUX IMPÔTS SUR LE REVENU ET SUR LE PATRIMOINE

1.– L’imposition à l’impôt sur le revenu

L’article 4 A du CGI pose le principe de l’imposition des contribuables non domiciliés en France à l’impôt sur le revenu à raison de leurs seuls revenus de source française. Afin de ne pas renoncer à l’imposition en cas d’absence de revenus imposables ou de revenus faibles, le législateur a introduit une exception à ce principe d’imposition en prévoyant l’application d’une taxation forfaitaire alternative. En vertu de l’article 164 C du CGI, cette taxation forfaitaire repose sur la détermination d’un revenu fictif égal à trois fois la valeur locative réelle des habitations dont ces contribuables disposent. Cette assiette n’est retenue pour le calcul de l’impôt que si le montant ainsi obtenu est supérieur à celui des revenus de source française. Dans le cas contraire, ce dernier montant sert de base à l’impôt.

Quelle que soit la modalité d’imposition à l’impôt sur le revenu applicable, les contribuables non domiciliés en France doivent souscrire à la déclaration annuelle de leurs revenus prévue à l’article 170 du CGI. La valeur des biens immobiliers concernés doit ainsi être actualisée chaque année pour déterminer quelle assiette retenir.

a) La taxation des revenus de source française

 Le principe de taxation de tous les revenus de source française

Sont imposables au titre de leurs revenus de source française les contribuables non domiciliés en France qui n’y disposent pas d’habitation ou dont la valeur locative réelle de leurs habitations sises en France multipliée par trois demeure inférieure au montant de leurs revenus de source française. L’article 164 A du CGI dispose que ces revenus sont alors déterminés selon les règles applicables aux revenus de même nature perçus par les contribuables résidents.

Cette imposition porte sur tous les revenus de source française (62), dont notamment les revenus d'immeubles sis en France ou les droits relatifs à ces immeubles, les revenus de valeurs mobilières françaises, les revenus d'exploitations sises en France, les revenus tirés d'activités professionnelles ou les plus-values réalisées de source française.

 Un régime d’imposition spécifique tenant compte de la capacité contributive du contribuable non-résident.

Si l’assiette de l’impôt sur le revenu est déterminée dans les mêmes conditions que le contribuable soit domicilié ou non en France (l’ensemble des contribuables bénéficient ainsi des règles de détermination des revenus catégoriels formant leur revenu global imposable), des règles particulières s’appliquent par la suite afin d’encadrer plus fortement l’imposition et le recouvrement des contribuables non domiciliés.

Afin de prendre en compte le fait que les revenus imposés de ces contribuables ne représentent qu’une partie des revenus dont ils disposent, ceux-ci ne peuvent imputer aucune charge sur leur revenu global, ni bénéficier d’aucune réduction d’impôt (63).

L’impôt dû est ensuite calculé en appliquant au revenu imposable déclaré le barème progressif et le système de quotient familial. Le montant d’impôt obtenu ne peut néanmoins être inférieur à 20 % du revenu net imposable (ce taux est de 14,4 % pour les revenus ayant leur source dans les départements d’outre-mer), sauf si le contribuable justifie que le taux moyen qui résulterait en France de l’imposition de l’ensemble de ses revenus de source française et étrangère serait inférieur à ce taux minimum. Dans ce cas, le taux moyen ainsi défini est retenu. Lorsque le montant d’impôt obtenu est inférieur ou égal à 305 euros, il n’est pas mis en recouvrement.

Le taux moyen d’imposition des revenus au barème étant de 8,7 % pour les seuls contribuables imposés en France, le taux moyen minimum d’imposition des revenus de source française est donc bien plus important. Toutefois, la possibilité d’une révision à la baisse de ce taux sur demande justifiée du contribuable permet de garantir que celui-ci ne soit pas soumis à une imposition supérieure à celle que l’État d’activité aurait établie s’il y avait été domicilié fiscalement. Cette disposition permet de respecter les recommandations de la Commission européenne visant à garantir un traitement fiscal aux contribuables non-résidents équitable au regard de leurs capacités contributives et par rapport à celui appliqué aux résidents, même si cela suppose de leur part des démarches supplémentaires auprès de l’administration fiscale. Cette disposition reprend également la méthode dite du taux effectif utilisée par les conventions fiscales visant à éviter la double imposition des contribuables, sans remettre en cause la progressivité de l’impôt en fonction de leurs revenus.

 Les garanties sécurisant le recouvrement de la créance

De nombreuses mesures visant à limiter les possibilités de fraude sont prévues pour donner toute leur force aux principes d’imposition des redevables non domiciliés en France. Le versement de l’impôt dû est sécurisé par l’application d’une retenue à la source notamment sur les revenus de capitaux mobiliers, les plus values immobilières et, sous certaines conditions, sur les traitements, salaires, pensions et rentes viagères de source française. Cette retenue n’est jamais restituable, sauf dans le cas, présenté précédemment, où le contribuable justifie que son imposition aurait dû être inférieure au montant obtenu au regard du taux moyen qui aurait été appliqué à l’ensemble de ses revenus s’il avait été domicilié en France.

Le service des impôts peut également inviter le contribuable à désigner, dans les 90 jours à compter de la réception de la demande, un représentant en France autorisé à recevoir les communications relatives à l’assiette, au recouvrement et au contentieux de l’impôt. En cas de refus de la part du contribuable, celui-ci est susceptible d’être taxé d’office à l’impôt sur le revenu (64). Enfin, une disposition spécifique de la loi n° 2009-1674 de finances rectificative pour 2009 prévoit par ailleurs une retenue à la source de 50 % des revenus, sommes ou produits versés à des personnes domiciliés dans des États non coopératifs qui refusent les standards internationaux d’échange des informations fiscales.

Par conséquent, si les principes d’imposition à l’impôt sur le revenu diffèrent peu selon que le critère de domiciliation fiscale en France est rempli ou non, dans la pratique le traitement fiscal des contribuables non domiciliés demeure très spécifique.

b) La taxation des habitations détenues en France

Le principe de taxation des non-résidents au titre de résidences possédées sur le territoire national est ancien. Il a été introduit pour la première fois en droit interne dans la loi du 31 décembre 1936 définissant le budget général de 1937. L’assiette retenue était alors égale à cinq fois la valeur locative des biens. Toutefois, prenant acte que l’assiette retenue conduisait dans certains cas à des impositions excessives, la loi du 29 décembre 1976 a réformé la taxation forfaitaire en abaissant le coefficient multiplicateur de 5 à 3. La motivation du législateur de l’époque reposait principalement sur le souci de lutter contre toute forme d’évasion fiscale que constitue le déplacement par le contribuable d’une partie de son patrimoine dans un pays où celui-ci ne sera pas ou peu imposé.

 Une taxation forfaitaire de portée limitée

En application de l’article 164 C précité, les contribuables domiciliés hors de France sont soumis à l’impôt sur le revenu s’ils disposent d’une habitation ou de plusieurs habitations, à quel que titre que ce soit, directement ou sous le couvert d’un tiers.

Tout local en état d’être habité constitue une habitation. Celle-ci doit être à la disposition du contribuable soit en droit (propriété, usufruit, droit d’habitation ou location), soit en fait (habitation louée fictivement à un proche parent par exemple). La propriété peut également résulter de la détention de parts dans une société à prépondérance immobilière dont le patrimoine serait constitué d’immeubles à la disposition des associés. L’ensemble des résidences secondaires détenues par ces contribuables participe donc à la détermination de l’assiette de l’imposition.

Toutefois, ce régime d’imposition forfaitaire ne s’applique pas aux contribuables qui remplissent l’une des quatre conditions suivantes :

– disposer de revenus de source française dont le montant est supérieur à une base forfaitaire d’imposition égale à trois fois la valeur locative réelle de ces habitations ;

– être domicilié dans un pays ayant conclu avec la France une convention relative aux doubles impositions ;

– être de nationalité française et domicilié dans un pays ayant conclu avec la France un accord de réciprocité, à la condition supplémentaire de justifier être redevable d’un impôt personnel sur l’ensemble de leurs revenus d’un montant au moins égal aux deux tiers de celui qu’ils auraient à supporter en France sur la même base d’imposition ;

– être de nationalité française et justifier que le motif de l’expatriation est d’ordre professionnel, sous condition que le domicile fiscal ait été situé en France de manière continue pendant les quatre années précédant celle du transfert. L’exonération sera alors valable l’année du transfert et les deux années suivantes.

Par conséquent, le champ des contribuables soumis à cette taxation forfaitaire est bien plus limité que celui des contribuables imposés sur leurs revenus de source française.

 Une base forfaitaire reconstituant un revenu foncier fictif

La base forfaitaire est égale à la valeur locative réelle et actuelle du bien multipliée par trois. Si le contribuable est locataire de ce bien, la valeur locative est en principe égale au loyer. Lorsque le contribuable est propriétaire, la valeur locative est déterminée par comparaison avec celles des habitations similaires louées dans des conditions normales.

L’impôt dû correspond alors à l’application à la base forfaitaire du barème progressif et du système de quotient familial, sans qu’aucun taux minimum d’imposition ne soit prévu comme c’est le cas en matière de taxation des revenus de source française.

2.– L’imposition à l’impôt de solidarité sur la fortune

L’article 885 A du CGI précise que « sont soumises à l’impôt annuel de solidarité sur la fortune, lorsque la valeur de leurs biens est supérieure à la limite de la première tranche du tarif fixé à l’article 885 U […], les personnes physiques n’ayant pas leur domicile fiscal en France, à raison de leurs biens situés en France ».

Contrairement aux contribuables domiciliés en France, soumis à une obligation fiscale illimitée portant sur tous les biens dont ils disposent qu’ils soient situés sur le territoire national ou à l’étranger (65), les contribuables non-résidents ne sont donc imposés qu’au titre des biens qu’ils détiennent en France. Le cas échéant, les habitations dont ils disposent en France sont donc soumises à cette imposition.

Dans le cas où le contribuable non-résident serait également imposable au titre d’un impôt sur la fortune ou sur le capital à l’étranger, des mécanismes d’imputation sont prévus par les conventions fiscales internationales (par le biais de la déduction d’un crédit d’impôt représentatif de l’impôt payé) afin d’éviter toute double imposition.

B.– LA CONTRIBUTION AUX SERVICES LOCAUX AU TRAVERS DE L’IMPOSITION AUX TAXES FONCIÈRES LOCALES

Les contribuables non résidents sont également imposables aux taxes foncières et taxes annexes ou assimilées au titre des services locaux dont ils bénéficient. Ainsi, un contribuable qui a eu, au cours d'une année, son domicile à l'étranger mais qui a conservé la disposition d'une habitation en France au 1er janvier de ladite année, est imposable au titre des taxes foncières. Par ailleurs, les contribuables non domiciliés fiscalement en France sont en principe imposables dans les mêmes conditions que les contribuables domiciliés au titre de leurs résidences secondaires.

L’imposition aux impôts directs locaux n’est généralement pas prise en compte par les conventions fiscales internationales (quelques exceptions existent en matière de patentes ou de taxe professionnelle). Les contribuables ne peuvent donc pas être exonérés du versement des taxes foncières.

c.– l’insuffisante contribution des non-rÉsidents

Plusieurs éléments de bilan de ces différentes impositions permettent d’éclairer les motivations qui sous-tendent la nouvelle taxation proposée par le présent article. Si l’imposition des revenus de source française à l’impôt sur le revenu et des résidences secondaires au titre de l’ISF et des taxes foncières semble effective malgré les restrictions qui peuvent exister du fait des conventions fiscales internationales, l’imposition forfaitaire à l’impôt sur le revenu est dans la grande majorité des cas complètement neutralisée par ces mêmes conventions. Par conséquent, les contribuables non domiciliés en France qui ne disposent que d’habitations dont ils ont la libre disposition peuvent échapper à toute imposition à l’impôt sur le revenu, alors même qu’ils bénéficient de services publics nationaux (comme la justice ou la sécurité) qui assurent indirectement ou directement le maintien de leur droit à la propriété.

Ainsi, les dispositions conventionnelles visant à éviter les doubles impositions prévues notamment dans les conventions liant la France au Bahreïn, au Canada, aux Émirats Arabes Unis, aux États-Unis, au Koweït, au Qatar, au Maroc, à la Nouvelle-Calédonie, au Québec, à la Suisse, au Venezuela, à l’Arabie Saoudite, à Saint-Pierre et Miquelon et Oman refusent tout droit à la France d’imposer leurs ressortissants à un impôt sur le revenu sur une base forfaitaire déterminée d’après la valeur locative des résidences dont ils disposent sur le territoire de l’autre État contractant. De la même façon, ces États ne pourraient imposer des résidents français sur cette assiette.

Par ailleurs, de nombreux nationaux échappent à cette taxation, comme rappelé précédemment, sur le fondement d’une convention de réciprocité lorsqu’ils s’acquittent d’un impôt sur le revenu dans leur pays de domiciliation proche de celui qu’ils auraient eu à acquitter en France ou s’ils se sont expatriés pour des raisons professionnelles dans le respect de certaines conditions.

L’application de l’article 164 C se heurte aussi aux conventions fiscales contenant des clauses de non-discrimination si le contribuable démontre qu’il aurait bénéficié de conditions d’imposition plus favorables s’il avait été de nationalité française, notamment au regard des exonérations réservées aux nationaux.

Il découle de ces fortes restrictions que peu de contribuables sont imposables à l’impôt sur le revenu au titre de la possession d’habitations sises en France. Le rendement de la mesure, qui n’est que de 2 millions d’euros, illustre la modestie du champ de ses redevables. Cependant, ce constat n’est pas injustifié puisqu’il s’agit bien d’une taxation alternative qui, si elle n’était pas couverte par les conventions précitées, conduirait à des situations de double imposition excessives ou à l’établissement de taxations semblables pour les résidents français disposant de biens immobiliers à l’étranger. La faiblesse du rendement de cette imposition très spécifique résulte donc d’un système de conventions complexe mais équilibré, visant à répartir entre les États les assiettes sur lesquelles les contribuables peuvent être imposés.

La nouvelle taxation proposée vise le même objectif que la taxation forfaitaire à l’impôt sur le revenu : rendre imposables les contribuables non-résidents au titre des résidences secondaires qu’ils détiennent en France au regard des revenus de source française qu’ils perçoivent par ailleurs. Cependant, si l’objectif de la juste répartition de l’effort contributif entre résidents et non-résidents est louable, les dispositions présentées dans le présent article tendent principalement à assurer que le champ des contribuables concernés soit le plus large possible. En l’absence de précédents au sein de l’Union européenne ou dans des pays tiers, il est difficile d’appréhender les conséquences d’une telle taxation au regard des conventions fiscales internationales et du droit communautaire. Cependant, il est envisageable que les conventions internationales qui visaient expressément la taxation forfaitaire à l’impôt sur le revenu soient modifiées à moyen terme pour couvrir désormais cette nouvelle taxation, à la condition qu’elle soit reconnue comme entrant dans le champ de compétence de ces conventions.

II.– L’INTRODUCTION D’UNE NOUVELLE TAXE SUR LES RÉSIDENCES SECONDAIRES

Selon la Direction de la législation fiscale, le projet de taxation proposé par cet article ne connaît pas de précédents étrangers. Certains pays, à l’instar de la Suisse, disposent d’une taxation spécifique sur les résidences secondaires sans que ces dispositifs ne visent particulièrement les contribuables non résidents. Dans ce cas, la possession d’une résidence secondaire est associée à la possession d’un revenu en nature justifiant l’imposition.

Cette nouvelle taxation s’inscrit dans une démarche particulière visant à ne plus imposer les résidences secondaires des contribuables non-résidents à l’impôt sur le revenu, tout en maintenant une disposition conditionnant la taxation à un niveau de revenu de source française. Codifiée dans un chapitre du CGI réservé aux taxes diverses, la taxe proposée conserve néanmoins les traits de la taxation forfaitaire de l’article 164 C à laquelle elle se substitue, tout en empruntant aux taxes foncières leurs modalités de déclaration, de recouvrement et de contrôle. Cette démarche permet de sortir la nouvelle taxe du champ d’application des conventions internationales qui visent principalement, en matière d’imposition des personnes physiques, l’impôt sur le revenu.

1.– Les dispositions de la nouvelle taxe

a) Les contribuables imposables

 Une taxation fondée sur la propriété de résidences secondaires dont le contribuable a la libre disposition

Le nouvel article 234 sexdecies dispose que sont redevables de la nouvelle taxe les personnes physiques qui n’ont pas leur domicile fiscal en France et qui sont propriétaires directement ou indirectement (par exemple, du fait de la détention de titres d’une société civile immobilière) d’une ou plusieurs habitations dont elles ont la libre disposition. Cette définition du champ des contribuables concernés ne reprend que pour partie celle proposée à l’article 164 C abrogé par le présent article. En effet, contrairement à ce que prévoit ce dernier article, la nouvelle taxe ne sera pas applicable au titre des résidences secondaires louées.

Si le local est indivis, la taxe est due par chacun des indivisaires remplissant les critères de domiciliation et de revenus conditionnant l’assujettissement à la taxe, à proportion de leur part.

Si l’habitation est détenue par l’intermédiaire d’une société à prépondérance immobilière, la taxe est due par les associés remplissant ces mêmes conditions, à proportion de la quote-part qu’ils détiennent dans la société.

Le propriétaire est alors réputé avoir la libre disposition de son habitation lorsqu'il est susceptible de l'occuper à tout moment. Cette condition est remplie en l'absence de titre d'occupation et de versement de loyer ou d'indemnité d'occupation. Par conséquent, l'occupation gratuite d'une résidence par une personne autre que son propriétaire ou son conjoint n'a pas pour effet de priver le propriétaire du droit d’en disposer librement. Dans un tel cas, le contribuable sera donc imposable à la nouvelle taxe. En revanche, si l'immeuble est donné en location au cours de l’année d’imposition, le contribuable ne sera pas imposable au titre de la nouvelle taxation.

Lorsque le bien cédé est détenu en indivision et peut donc être en jouissance partagée, la condition de libre disposition s'apprécie au regard de la situation de chaque indivisaire. La circonstance que le coïndivisaire d'une personne non résidente de France occupe le logement est sans incidence en l'absence de titre d'occupation et de versement de loyer ou d'indemnité d'occupation.

 Une taxation conditionnée à une part de revenu de source française dans l’ensemble des revenus dont dispose le contribuable

Le présent article prévoit que seuls les contribuables dont les revenus de source française représentent, au titre de l’année d’imposition, moins de 75 % de l’ensemble de leurs revenus de source française et étrangère sont assujettis à la taxe.

La part des revenus de source française retenue dans le total des revenus du contribuable repose sur les dispositions de la recommandation de la Commission européenne du 31 décembre 1993 relative à l’imposition de certains revenus obtenus par des non-résidents dans un État membre autre que celui de leur résidence (94/79/CE), qui prévoient que le principe de l’égalité de traitement entre contribuables résidents et contribuables non résidents doit s’appliquer lorsque les contribuables non résidents obtiennent une partie prépondérante de leur revenu dans le pays d’activité. Cette partie est raisonnablement considérée comme telle si elle atteint 75 % de leur revenu total. Cependant, cette recommandation vise uniquement à clarifier dans quelles circonstances les États membres devraient permettre aux contribuables non résidents de bénéficier des mêmes avantages en impôt que ceux ouverts aux contribuables résidents. Elle ne permet donc pas de justifier a priori qu’un tel niveau de revenu obtenu dans le pays d’activité puisse donner lieu à une taxation supplémentaire qui leur serait spécifique. Par conséquent, le seuil de 75 % constitue la proportion maximale que pouvait proposer l’article, au-delà de laquelle la disposition serait contraire au droit communautaire.

Il est ainsi considéré qu’un contribuable imposé sur 70 % de son revenu total en France et participant à hauteur de cette imposition à l’entretien des services publics doit être redevable au titre de sa résidence secondaire possédée en France à la nouvelle taxe au motif qu’il ne participe pas à mesure de la partie prépondérante de son revenu à l’entretien des charges publiques.

Dans le cas où un résident et un non résident, tous deux propriétaires d’une résidence secondaire, reçoivent chacun un revenu de 100 de source française, ce revenu représentant pour ce dernier 70 % de son revenu total, seul le contribuable non résident est soumis à la taxation au titre de la propriété détenue au motif que la totalité de sa capacité contributive n’est pas prise en compte pour déterminer sa participation aux charges publiques. Cette imposition supplémentaire n’est cependant pas calculée en fonction de cette capacité contributive totale puisqu’elle repose sur une assiette forfaitaire, imposée à un taux unique et ne prend en compte ni le montant des revenus dont dispose le contribuable, ni le montant d’imposition total dont il s’acquitte en France et à l’étranger, ni enfin ses charges familiales. Il est donc possible que le contribuable non résident s’acquitte au total d’un montant d’imposition supérieur à celui d’un contribuable résident disposant d’un même revenu et d’une résidence secondaire, et ce d’autant plus, si l’on prend en compte le montant de l’imposition qu’il lui reste à acquitter dans son pays de résidence.

Dans certains cas, le contribuable n’aura qu’à justifier qu’il dispose en France du centre de ses intérêts économiques, manifesté notamment par la perception de la majeure partie de ses revenus dans le pays d’activité, pour être reconnu comme domicilié en France (conformément aux dispositions de l’article 4 B du CGI précité). Par conséquent, il ne sera pas imposable à la nouvelle taxe si ses revenus de source française sont supérieurs à 50 % de ses revenus totaux. Seuls les contribuables qui disposent d’un lieu d’habitation permanent dans un autre État et reconnus de ce fait comme des résidents de cet État verront primer cette condition sur celle relative à la répartition de leurs revenus et, par conséquent, seront imposables à la nouvelle taxe à la condition que leurs revenus de source française ne dépassent pas 75 % de la totalité de leurs revenus.

b) Une assiette relativement faible et un taux élevé

L’assiette de la nouvelle taxe est égale à la valeur locative cadastrale retenue en matière de taxe d’habitation et de taxe foncière. L’abandon du principe d’une taxation assise sur la valeur locative réelle et actuelle du bien telle qu’elle était prévue par l’article 164 C précité repose sur plusieurs arguments.

Alors que la prise en compte de la valeur locative réelle suppose une déclaration régulière de la part des contribuables concernés afin de tenir compte de l’évolution des prix du marché locatif, l’introduction d’une taxe fondée sur la valeur locative cadastrale des biens permet aux contribuables concernés de se reposer sur la valorisation légale de cette assiette.

Le recours à la valeur locative cadastrale permet également de contrôler plus aisément les sommes déclarées à l’administration.

Un taux de 20 % est appliqué à cette assiette. Ce taux a été choisi de façon à approcher les taux de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe d’enlèvement des ordures ménagères. Dans l’hypothèse retenue par l’administration fiscale où le taux moyen de TFPB serait de 30 % et le taux moyen de la TEOM de 10 %, le taux moyen d’imposition au titre de ces deux taxes serait de 40 %. Afin de neutraliser l’abattement de droit commun de 50 % pour frais (66) de la valeur locative cadastrale prise en compte au titre de la TFPB et par conséquent au titre de ces deux impôts, ce taux moyen global a été divisé par deux pour obtenir le taux de la nouvelle taxe.

Par conséquent, les contribuables assujettis seront imposés sur la même assiette à un taux semblable à celui de ces deux taxes locales.

c) Une mesure d’exonération en faveur des contribuables auparavant résidents

Les contribuables non domiciliés en France sont exonérés de cette imposition supplémentaire l’année du transfert de leur domicile fiscal hors de France et les cinq années suivantes s’ils justifient avoir été fiscalement domiciliés en France de manière continue pendant trois années consécutives dans les dix années précédant celle du transfert.

Par conséquent, un contribuable domicilié fiscalement en France depuis 2009, qui déciderait de s’expatrier en 2012 tout en conservant sa résidence secondaire, ne commencera s’acquitter de cette taxe qu’à partir de 2018.

Par ailleurs, l’article prévoit que cette mesure bénéficiera aux contribuables qui se sont expatriés depuis 2007. À condition d’avoir été résidents en France trois années au cours des dix années précédentes, ceux-ci ne commenceront à payer la nouvelle taxation qu’à compter de 2013.

Cette exonération est plus favorable que celle qui prévalait dans le cadre de la taxation forfaitaire à l’impôt sur le revenu en termes de champ des contribuables concernés (seuls les contribuables de nationalité française pouvaient en bénéficier), de période de résidence fiscale (quatre années avant l’expatriation) et de durée de l’exonération (année du transfert et les deux années suivantes).

On notera également que les exonérations spécifiques aux résidents français domiciliés à Monaco prévues pour l’application de l’article 164 C devraient être maintenues par voie d’instruction fiscale. Au contraire, les ressortissants français non soumis à l’impôt sur le revenu en France dans les conditions de droit commun, ainsi que les ressortissants étrangers domiciliés à Monaco seront imposables à la nouvelle taxe à condition que toutes les conditions d’assujettissement soient remplies.

d) Règles en matière de déclaration, de contrôle et de sanction

 Les règles déclaratives

L’article prévoit que la taxe est établie pour l’année entière d’après les faits existants au 1er janvier de l’année d’imposition.

Une déclaration doit être déposée au service des impôts du lieu où se trouve l’habitation au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai (67) de l’année au titre de laquelle les contribuables concernés deviennent redevables de la taxe. La déclaration comporte leurs coordonnées à l’étranger ou celles de leur représentant en France. Sont également renseignées les coordonnées du local et, le cas échéant, l’indication de la fraction de l’immeuble détenu en indivision.

Il en va de même pour les contribuables qui disposent de parts dans des sociétés à prépondérance immobilière. La déclaration doit alors comporter les noms, prénoms et coordonnées des associés non résidents, les coordonnées de l’habitation, ainsi que les droits de ces associés dans la société.

Par la suite, une nouvelle déclaration devra être adressée au service des impôts à l’occasion d’un changement de propriété, de la modification de la fraction du bien qu’ils détiennent en indivision ou de leurs droits dans la société.

 Les règles assurant l’effectivité de l’imposition

Le présent article prévoit que le contrôle, le recouvrement, les garanties, les sanctions et le contentieux de la taxe sont régis comme en matière de taxe d’habitation.

Par ailleurs, en cas de défaut de production dans les délais prescrits de la déclaration, une amende de 1 500 euros est prévue. Ce montant correspondant à un montant majoré au regard du montant de l’amende de droit commun fixé à 150 euros qui ne s’applique qu’en matière de déclaration des investissements réalisés en outre-mer ou de déclaration au titre du crédit d’impôt pour dépenses de recherche effectuées par les entreprises industrielles, commerciales ou agricoles.

Cette disposition vise ainsi à inciter davantage les contribuables non-résidents à s’acquitter dans les délais de leur imposition. Elle traduit en cela le souci de l’administration de disposer de règles spécifiques à ces contribuables dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale.

2.– La compatibilité de la nouvelle taxe au regard du droit communautaire

La nouvelle taxe sur les résidences secondaires proposée soulève des interrogations au regard de sa compatibilité avec le droit communautaire, dont certaines étaient déjà posées par l’application de l’article 164 C du CGI, mais qui, en l’absence de précédent, ne permettent pas de présumer de l’incompatibilité de la mesure.

L’article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) interdit les restrictions aux mouvements de capitaux qui ont lieu entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers. Les investissements immobiliers effectués sur le territoire d’un État membre par un non résident, même à des fins personnelles, constituent de tels mouvements de capitaux. En application de cette règle, si les impôts directs ne relèvent pas en tant que tels du domaine de compétence de la communauté européenne, les États membres doivent exercer leur compétence en la matière dans le respect du droit communautaire. La liberté de circulation des capitaux peut néanmoins être restreinte sur le fondement de l’article 65 du TFUE. Les États membres ont ainsi le droit d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre des contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis, à la condition que cette distinction ne soit pas un moyen de discrimination arbitraire, ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux. De la même façon, des restrictions sont tolérées lorsqu’elles permettent de faire échec aux pratiques de fraude fiscale.

La présente taxe a pour effet de restreindre la libre circulation des capitaux puisque l’investissement dans une résidence secondaire en France sera taxé uniquement si le contribuable n’est pas domicilié en France. Cependant, une telle restriction est acceptable à la condition de ne pas constituer une mesure discriminatoire et de demeurer proportionnelle à l’objectif poursuivi.

La Cour de justice des communautés européennes (CJCE) dispose dans l’arrêt Schumacker (68) du 14 février 1995 que, si une discrimination consiste soit à traiter différemment des contribuables dans une situation identique, soit à traiter de la même manière des contribuables dans des situations différentes, il revient au contribuable contestant la différence objective de traitement d’apporter la preuve de la similarité des situations. L’article 164 C prévoyait à cet effet, pour les seuls contribuables de nationalité française non domiciliés en France, la possibilité de s’exonérer de la taxation forfaitaire au motif qu’ils s’acquittaient sur l’ensemble de leur revenu d’une imposition au moins égale aux deux tiers de l’impôt qu’ils auraient eu à acquitter en France. Cette disposition établissait ainsi qu’à partir de ce seuil d’imposition totale, il pouvait être considéré que les contribuables s’acquittaient d’ores et déjà d’une imposition suffisamment proche de celle qu’ils auraient eue à acquitter s’ils avaient été résidents et que, par conséquent, il n’était pas nécessaire de les imposer davantage. Dans le cadre du présent article, aucune disposition légale n’est prévue pour apprécier la similarité de l’imposition totale acquittée par les contribuables résidents et les contribuables non résidents. Toutefois, une telle disposition n’est pas nécessaire a priori pour assurer la compatibilité de l’article au droit communautaire.

En effet, l’arrêt Schumacker dispose également qu’une différence de traitement entre contribuables domiciliés et non domiciliés n’est en principe pas discriminatoire car ils sont généralement placés dans des situations différentes au regard de l’impôt sur le revenu. La compatibilité de cette taxe avec le droit communautaire repose donc sur la constatation d’une différence objective d’imposition au regard des capacités contributives des résidents et des non-résidents.

L’administration fiscale présente pour justifier cette différence objective les mêmes arguments que ceux qui prévalaient dans le cadre de l’application de l’article 164 C : les résidents sont assujettis en France sur la totalité de leur revenu (sauf disposition contraire prévue par une convention internationale), tandis que les contribuables non-résidents ne le sont qu’au titre d’une partie de leur revenu. Cette différence de traitement légitime le recours à l’imposition d’un revenu fictif au travers d’une assiette de taxation spécifique constituée des habitations dont ces contribuables disposent en France.

Il semble toutefois que, dans le respect de l’objectif poursuivi par la présente taxe, il aurait été possible de ne pas prendre le risque d’imposer trop fortement certains contribuables non résidents qui participent d’ores et déjà au financement des services publics dont ils bénéficient au titre de l’impôt sur le revenu qu’ils acquittent, en réservant la nouvelle taxation aux seuls contribuables disposant de moins de 50 % ou 25 % de revenus de source française sur la totalité de leurs revenus. Ainsi, seules les personnes ne s’acquittant que d’un faible montant d’impôt sur le revenu ou ne disposant pas de revenus de source française auraient été concernées.

3.– Le rendement attendu de la mesure et l’incidence des conventions fiscales internationales

 Un rendement apprécié de façon approximative en l’absence de données fiables

Le rendement de la nouvelle taxation est estimé à 176 millions d’euros par an. Ce montant est reconstitué à partir de la valeur locative des locaux d’habitation pour lesquels la taxe foncière est adressée à l’étranger et par l’extrapolation d’un nombre de résidences secondaires détenues par des contribuables non domiciliés en France fondée sur des données datant de 2005 valorisées en appliquant l’évolution du nombre des acquisitions entre 1999 et 2005 à la période 2006-2011. Cette évaluation du rendement de la mesure ne prend donc pas en compte la non imposition des contribuables qui n’ont pas leur domicile fiscal en France mais qui disposent de plus de 75 % de revenus de source française sur la totalité de leurs revenus, ni les effets de l’exonération prévue pour les contribuables pouvant justifier qu’ils ont été résidents en France de façon continue dans un passé proche. Le montant présenté est donc probablement surévalué.

 L’incidence des conventions fiscales

L’intérêt principal de la nouvelle taxation est qu’elle échappe aux dispositions des conventions fiscales relatives à la double imposition puisqu’elle ne relève plus de l’impôt sur le revenu. Toutefois, dans le cadre des conventions visant de façon presque explicite la taxation forfaitaire de l’article 164 C (69), il est envisageable que des avenants soient proposés à moyen terme pour neutraliser la nouvelle imposition dont l’objectif est semblable, à la condition que cette taxe soit considérée comme couverte par le champ des conventions ou que des taxations de même nature soient mises en place par les États tiers. En conséquence, le rendement de la taxation serait bien inférieur à celui présenté.

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La Commission est saisie de l’amendement CF 189 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Il s’agit d’un amendement de précaution. Dans la rédaction du Gouvernement, la taxe sur les résidences secondaires s’applique aux non-résidents dont les revenus de source française représentent moins de 75 % de l’ensemble des revenus. Ce plafond très élevé risque de poser un problème au regard du droit communautaire. Je propose de l’abaisser à 50 %.

M. Daniel Garrigue. L’article 17 pose un problème. S’il est normal d’exiger des non-résidents qu’ils paient la totalité des impôts qui leur sont applicables, cette nouvelle disposition, même amendée, ne me semble pas « euro-compatible ». En outre, ces investissements représentent un apport considérable pour certaines régions. Alors que la situation économique de la Grande-Bretagne provoque déjà une crise importante, est-ce bien le moment d’envoyer ce message aux investisseurs britanniques ?

M. le rapporteur général. Mon amendement va un peu dans ce sens.

M. le président Jérôme Cahuzac. Même en abaissant le plafond à 50 %, on peut nourrir quelque crainte quant à la compatibilité du dispositif avec le droit communautaire.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 1255).

Elle est ensuite saisie de l’amendement CF 33 du président.

M. le président Jérôme Cahuzac. Le code général des impôts prévoit déjà une taxe sur les résidences secondaires des non-résidents mais il pose des conditions d’éligibilité différentes. Alors que l’article 17 prévoit que les contribuables ayant résidé en France de manière continue pendant trois ans au cours des dix dernières années seront exonérés pendant six ans, le dispositif en vigueur fixe la durée de l’exonération à trois ans et la réserve aux Français ayant résidé en France de manière continue pendant les quatre années précédant leur transfert fiscal. Autrement dit, le projet tend à assouplir les conditions d’exonération d’une taxe dont le produit actuel ne s’élève pourtant qu’à 2 millions d’euros en année pleine. Comment arriver alors aux 176 millions annoncés par le Gouvernement ?

Je propose donc d’en rester aux conditions en vigueur, afin de garantir, autant que faire se peut, le produit attendu de cette taxe.

M. le rapporteur général. C’est bien cette préoccupation qui me conduit à rendre un avis défavorable. Il est exact que le dispositif en vigueur ne rapporte presque rien. Étant adossé à l’impôt sur le revenu, il est vidé de sa substance par les conventions fiscales d’élimination des doubles impositions. Le nouveau dispositif, au contraire, prend la forme d’une nouvelle taxe foncière puisqu’il prévoit une taxe de 20 % sur la valeur locative cadastrale. Il n’entre donc pas dans le champ de ces conventions. Au contraire, si cet amendement était adopté, les clauses conventionnelles de non-discrimination s’appliqueraient et il existerait un réel risque que la nouvelle taxe soit assimilée à celle qui prévalait en matière d’impôt sur le revenu. Le rendement anticipé de la mesure serait alors fortement réduit.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 17 ainsi modifié.

Après l’article 17

La Commission est saisie de l’amendement CF 25 du président.

M. le président Jérôme Cahuzac. Je propose une contribution de solidarité nationale à laquelle seraient assujettis les ressortissants français ayant leur résidence fiscale à l’étranger. Cette disposition, que j’avais déjà présentée lors de la discussion du PLF, avait fait l’objet d’un accord de principe de nombreux collègues, tant de l’opposition que de la majorité, et le représentant du Gouvernement s’était dit lui-même intéressé. Elle repose sur l’idée que la plupart des personnes concernées ont bénéficié des services publics français et qu’elles en bénéficieront de nouveau après la fin de leur séjour à l’étranger.

M. le rapporteur général. À ce stade, je reste défavorable. L’article 17 vise déjà à taxer les expatriés.

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette également l’amendement CF 133 de M. Pierre-Alain Muet.

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Article additionnel après l’article 17

Aménagement du régime de la réduction d’impôt sur le revenu
pour investissement dans les PME

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la Commission rejette l’amendement CF 114 de M. Olivier Carré.

La Commission est saisie des amendements CF 123, CF 124, CF 125 et CF 122 de M. Nicolas Forissier.

M. Nicolas Forissier. Ces amendements visent à renforcer le financement des petites entreprises en amorçage, celles dont le chiffre d’affaires ou le total du bilan ne dépasse pas 10 millions d’euros et qui emploient moins de 50 salariés.

Aujourd'hui, le dispositif Madelin permet une réduction d’impôt sur le revenu de 22 % pour les investissements réalisés dans la limite de 20 000 euros pour une personne seule ou de 40 000 euros pour un couple. Pour les petites entreprises, un amendement que j’avais fait adopter en 2008 a porté ces plafonds à 50 000 et 100 000 euros.

Je propose aujourd’hui de réserver cet avantage fiscal aux petites entreprises. Ce sont elles qui ont le plus besoin d’investissements pour leur première expansion et l’expérience prouve que les seuls à pouvoir apporter cet argent sont les « investisseurs providentiels », les business angels. En d’autres termes, je propose de supprimer le dispositif Madelin classique pour réserver l’avantage aux petites entreprises.

Les quatre amendements proposent des taux différents. L’un d’entre eux prévoit en outre la possibilité d’exonération des plus-values après la période de cinq ans. Je propose de donner la priorité à l’amendement déjà adopté en séance lors de la discussion du PLF, qui tend à porter à 200 000 euros pour une personne seule et 400 000 euros pour un couple les plafonds donnant droit à la réduction d’impôt de 22 %. Le Gouvernement, à ma connaissance, n’est pas défavorable à une évolution dans ce domaine.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Vous restreignez trop fortement le dispositif Madelin en réservant l’avantage aux entreprises de moins de 50 salariés en amorçage. Quant aux plafonds, ils me semblent démesurés.

Je vous suggère plutôt de proposer, au titre de l’article 88, une prime supplémentaire pour cette catégorie d’entreprises. Mais, en l’état, la proposition n’est pas acceptable.

M. Nicolas Forissier. Je voulais provoquer le débat. Il ne s’agit pas de « tuer » le dispositif Madelin mais de concentrer l’effort là où il est indispensable. L’argent collecté dans le cadre actuel va souvent à des PME qui n’en ont pas vraiment besoin.

Par ailleurs, je ne crois pas que les plafonds soient démesurés. Le dispositif serait sans conséquences sur le budget de l’État, il s’inscrirait dans le plafonnement global des niches et il permettrait d’augmenter le montant des « tickets » d’investissement. La difficulté, pour les chefs d’entreprises, c’est de lever des sommes de 300 000 ou 400 000 euros sans avoir à solliciter plusieurs dizaines de personnes ou à passer par un intermédiaire.

Mais je retiens votre proposition de revoir cela en article 88.

Les amendements CF 123, CF 124, CF 125 et CF 122 sont retirés.

Puis, la Commission examine l’amendement CF 111 de M. Olivier Carré.

M. Olivier Carré. Cet amendement tend à assouplir la règle des deux salariés appliquée au dispositif Madelin.

M. le rapporteur général. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 1256).

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Après l’article 17

La Commission examine ensuite l’amendement CF 6 de M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Je propose de créer un fonds d’investissement de proximité dans les DOM – FIP DOM –, conformément à l’engagement solennel pris par le Président de la République en 2009. Ce dispositif, déjà présenté par amendement au Sénat la même année mais repoussé en CMP, est destiné à drainer l’épargne locale vers les PME. Il faut savoir que 95 % de nos entreprises ont moins de 50 salariés et un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros. Les financements de l’État et de l’Europe ont baissé, l’impôt est au taquet : il ne reste, pour d’éventuels investissements, que l’épargne locale.

M. le rapporteur général. Si cette idée est restée sans suite, c’est qu’un FIP n’apportera rien à l’outre-mer. En métropole, la défiscalisation totale au titre des FIP s’élève à 70 millions d’euros. En Corse, où cet avantage fiscal n’est pas de 25 % mais de 50 % des sommes investies, elle n’atteint que 13 millions d’euros. À titre de comparaison, la réduction d’impôt prévue à l’article 199 undecies B du code général des impôts, qui n’existe que pour l’outre-mer, représente 700 millions d’euros. Un FIP DOM serait beaucoup moins intéressant et n’attirerait pas le moindre euro !

M. Victorin Lurel. Je parle du haut de bilan, pas forcément des investissements. Je conviens que le dispositif « Girardin industriel », bien qu’atténué, reste productif – encore faudrait-il, d’ailleurs, en examiner le véritable rendement. Mais l’amendement sénatorial résultait d’une très large consultation, y compris auprès des banquiers qui, dans les DOM, ne financent plus les PME. L’ISF-PME et le dispositif Madelin n’ont aucune efficacité chez nous. Il ne reste plus que le moyen que je vous propose. Je ne demande que le respect d’un engagement qui répond à un vrai besoin.

M. le rapporteur général. Mon avis demeure défavorable. Je veux bien que l’on réexamine le problème dans le cadre du PLF pour 2012 mais je ne vois pas comment cela pourrait fonctionner. Mieux vaut s’arc-bouter pour préserver l’article 199 undecies B.

M. Michel Diefenbacher. M. Lurel soulève une vraie question. Il serait intéressant de la poser en séance publique pour recueillir l’avis du ministre.

M. le rapporteur général. Nous demanderons une évaluation des FIP qui nous permettra d’y voir plus clair. Je ne conteste pas qu’il y ait eu promesse, mais acceptez que l’on renvoie le débat au prochain projet de loi de finances.

M. Victorin Lurel. Je maintiens l’amendement afin que le débat ait lieu en séance publique dès maintenant.

M. Jean-Michel Fourgous. Je partage l’analyse de M. Lurel. Plus généralement, les accords de Bâle III auront-ils un impact direct sur le système de financement de nos PME ? Tout le dispositif de capital-risque dépend des décisions prises. L’urgence est peut-être de trouver des produits fiscaux pour anticiper un éventuel retrait des banques du financement des entreprises.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CF 132 de M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Il vise à majorer de 50 % la prime pour l’emploi.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

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Article 18

Imposition des plus-values latentes lors du transfert par les contribuables de leur domicile fiscal hors de France (« Exit tax »)

Texte du projet de loi :

I.– Après l’article 167 bis du code général des impôts, il est inséré un article 167 ter ainsi rédigé :

« Art. 167 ter.– I.– 1. Les contribuables fiscalement domiciliés en France pendant les six années précédant le transfert de leur domicile fiscal hors de France sont imposables lors de ce transfert au titre des plus-values latentes constatées sur les droits sociaux ou valeurs mobilières mentionnés au I de l'article 150-0 A lorsque les membres de leur foyer fiscal détiennent une participation directe ou indirecte d'au moins 1 % dans les bénéfices sociaux d'une société passible de l'impôt sur les sociétés ou d'un impôt équivalent, à l'exception des sociétés visées au 1° bis A de l'article 208, ou une participation directe ou indirecte dans ces mêmes sociétés dont la valeur, définie selon les conditions prévues au 2, excède 1,3 million d’euros lors de ce transfert.

Le transfert hors de France du domicile fiscal d'un contribuable est réputé intervenir le jour précédant celui à compter duquel ce contribuable cesse d'être soumis en France à une obligation fiscale sur l'ensemble de ses revenus.

« 2. La plus-value constatée dans les conditions du 1 est déterminée par différence entre la valeur des droits sociaux ou valeurs mobilières lors du transfert du domicile fiscal hors de France, déterminée selon les règles prévues aux articles 758 et 885 T bis, et leur prix d'acquisition par le contribuable ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation.

« Lorsque les titres mentionnés au 1 ont été reçus lors d'une opération d'échange bénéficiant du sursis d'imposition prévu à l'article 150-0 B avant le transfert de domicile fiscal du contribuable, la plus-value constatée est calculée à partir du prix ou de la valeur d'acquisition des titres remis à l'échange diminué de la soulte reçue ou majoré de la soulte versée lors de l'échange.

« 3. La plus-value calculée dans les conditions prévues au 2 est réduite de l’abattement pour durée de détention prévu selon le cas aux articles 150-0 D bis et 150-0 D ter lorsque les conditions mentionnées à ces articles sont remplies. Pour l’application de l’abattement prévu à l’article 150-0 D bis, le transfert du domicile fiscal est assimilé à une cession à titre onéreux.

« Pour l’application du premier alinéa à l'abattement prévu à l'article 150-0 D ter, le transfert du domicile fiscal est assimilé à une cession à titre onéreux si les conditions suivantes sont cumulativement remplies :

« a) Le contribuable a fait valoir ses droits à la retraite avant le transfert de son domicile fiscal ;

« b) Le contribuable domicilié fiscalement hors de France cède les titres mentionnés au 1 dans les deux ans suivant son départ à la retraite.

« 4. La plus-value ainsi déterminée est imposée au taux prévu au 2 de l'article 200 A en vigueur lors du changement de domicile fiscal.

« 5. Les moins-values calculées selon les modalités prévues au 2 ne sont pas imputables sur les plus-values calculées selon les mêmes modalités, ni sur celles réalisées lors de la cession de titres imposées à l’impôt sur le revenu en application de l’article 150-0 A.

« II.– Lorsque le contribuable transfère son domicile fiscal hors de France, les plus-values de cession ou d'échange de droits sociaux ou de valeurs mobilières mentionnés au 1 du I dont l'imposition a été reportée en application du II de l'article 92 B, de l'article 92 B decies et des I ter et II de l'article 160 dans leur rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2000, de l'article 150-0 C dans sa rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2006 et de l’article 150-0 B bis sont également imposables lors de ce transfert au taux d’imposition mentionné au 4 du I.

« III.– Lorsque le contribuable transfère son domicile fiscal hors de France dans un État membre de l'Union européenne, ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ainsi qu'une convention d'assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures, il est sursis au paiement de l'impôt afférent aux plus-values constatées dans les conditions prévues aux I et II.

« IV.– 1. Sur demande expresse du contribuable, il peut également être sursis au paiement de l'impôt afférent aux plus-values constatées dans les conditions prévues aux I et II, lorsque le contribuable :

« a) Transfère son domicile fiscal hors de France dans un État autre que ceux visés au III ;

« b) Après avoir transféré son domicile fiscal hors de France dans un État membre de l'Union européenne, ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ainsi qu'une convention d'assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures, le transfère à nouveau dans un État autre que ceux mentionnés précédemment.

« Dans les cas mentionnés aux a) et b), le sursis de paiement est subordonné à la condition que le contribuable déclare le montant des plus-values constatées dans les conditions du I et du II, désigne un représentant établi en France autorisé à recevoir les communications relatives à l'assiette, au recouvrement et au contentieux de l'impôt et constitue auprès du comptable public compétent, préalablement à son départ, des garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor.

« 2. Lorsque le contribuable justifie que son transfert de domicile fiscal dans un État ou territoire qui n'est pas partie à l'accord sur l'Espace économique européen, mais qui a conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ainsi qu'une convention d'assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures, et qu'il justifie que ce transfert obéit à des raisons professionnelles, aucune garantie n'est exigée pour l'application du sursis de paiement prévu au 1.

« V.– Les sursis de paiement prévus aux III et IV ont pour effet de suspendre la prescription de l'action en recouvrement jusqu'à la date de l'événement entraînant leur expiration. Ils sont assimilés au sursis de paiement mentionné à l'article L. 277 du livre des procédures fiscales pour l'application des articles L. 208 et L. 279 du même livre.

« VI.– 1. Les sursis de paiement prévus aux III et IV expirent au moment où intervient l'un des événements suivants :

« a) La cession, le rachat, le remboursement ou l'annulation des titres. La cession s'entend des transmissions à titre onéreux, à l'exception des opérations d'échange entrant dans le champ d'application de l'article 150-0 B ;

« b) La donation de titres pour lesquels des plus-values ont été constatées dans les conditions du 1 du I, sauf si le donateur démontre que la donation n'est pas faite à seule fin d'éluder l'impôt calculé en application du I ou celle de titres pour lesquels des plus-values de cession ou d’échange ont été reportées en application de l'article 92 B decies, du troisième alinéa du 1 du I ter et du II de l'article 160 dans leur rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2000, de l'article 150-0 C dans sa rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2006 ou de l'article 150-0 B bis ;

« c) Le décès du contribuable, pour les plus-values mentionnées à l'article 92 B decies, au troisième alinéa du 1 du I ter et au II de l'article 160 dans leur rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2000, à l'article 150-0 C dans sa rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2006 ou à l'article 150-0 B bis.

« 2. À l'expiration d'un délai de huit ans suivant le transfert de domicile fiscal hors de France, ou lorsque le contribuable transfère de nouveau son domicile fiscal en France si cet événement est antérieur, l'impôt établi dans les conditions du I est dégrevé d'office ou restitué s'il avait fait l'objet d'un paiement immédiat lors du transfert de domicile fiscal hors de France, pour la fraction se rapportant à des titres qui, à cette date, demeurent dans le patrimoine du contribuable.

« L'impôt établi dans les conditions du I est également dégrevé, ou restitué s'il avait fait l'objet d'un paiement immédiat lors du transfert de domicile fiscal hors de France, en cas de décès du contribuable ou en cas de donation, si le donateur démontre que cette opération n'est pas faite à seule fin d'éluder l'impôt établi dans les conditions du I.

« 3. Lorsque le contribuable transfère de nouveau son domicile fiscal en France et que les titres auxquels se rapporte la plus-value imposable dans les conditions prévues au II figurent dans son patrimoine, il est replacé dans la même situation fiscale que s'il n'avait jamais quitté le territoire français.

« Lorsque le contribuable transmet des titres mentionnés au II à titre gratuit alors qu'il est domicilié hors de France, l'impôt établi dans les conditions du II est dégrevé ou restitué lorsqu'il se rapporte aux plus-values mentionnées au II de l'article 92 B et au premier alinéa du 1 et au 4 du I ter de l'article 160 dans leur rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2000.

« VII. – 1. Si, à la survenance de l'un des événements mentionnés aux a) et b) du 1 du VI, le montant de la plus-value de cession ou, en cas d’acquisition à titre gratuit, l’accroissement de valeur des titres depuis leur entrée dans le patrimoine du contribuable, est inférieur au montant de plus-value déterminé dans les conditions du I, l'impôt calculé en application du I est retenu dans la limite de son montant recalculé sur la base de la différence entre le prix, en cas de cession ou de rachat, ou la valeur, dans les autres cas, des titres concernés à la date de l'événement mentionné aux a) ou b) du 1 du VI, d'une part, et leur prix ou valeur d'acquisition retenu pour l'application du 2 du I, d’autre part.

« Le surplus d'impôt est dégrevé d'office, ou restitué s'il avait fait l'objet d'un paiement immédiat lors du transfert de domicile fiscal hors de France. Dans ce cas, le contribuable fournit, à l'appui de la déclaration mentionnée au VIII, les éléments de calcul retenus.

« 2. Si, à la survenance de l'un des événements mentionnés aux a) et b) du 1 du VI, le contribuable réalise une perte ou constate que les titres ont une valeur moindre que leur valeur d’entrée dans son patrimoine, l'impôt calculé en application du I est dégrevé, ou restitué s'il avait fait l'objet d'un paiement immédiat lors du transfert de domicile fiscal hors de France.

« 3. Si, lors de la survenance de la cession à titre onéreux des titres, l'abattement prévu aux articles 150-0 D bis et 150-0 D ter est supérieur à l'abattement appliqué conformément au 3 du I, l'impôt calculé en application du I est retenu dans la limite de son montant assis sur l'assiette réduite de ce nouvel abattement.

« La moins-value réalisée lors de l'un des événements mentionnés aux a) et b) du 1 du VI et relative à des titres pour lesquels une plus-value avait été constatée conformément au I lors du transfert de domicile fiscal du contribuable hors de France est également réduite, le cas échéant, du montant de l'abattement prévu aux articles 150-0 D bis et 150-0 D ter.

« 4. Si, lors de la survenance de l'un des événements prévus au a du 1 du VI, le contribuable réalise une plus-value imposable en France conformément aux dispositions de l'article 244 bis B, l'impôt sur la plus-value latente établi dans les conditions du I est dégrevé.

« La moins-value mentionnée au deuxième alinéa du 3 est imputable, dans les conditions du 11 de l'article 150-0 D, sur les plus-values imposables en application de l'article 244 bis B ou, lorsque le contribuable transfère de nouveau son domicile fiscal en France, sur les plus-values imposables conformément aux dispositions de l'article 150-0 A.

« 5. L’impôt éventuellement acquitté par le contribuable dans son État de résidence dans les cas prévus au a) du 1 du VI est imputable sur l’impôt définitif dû en application du I et des 1 et 3 du présent VII, à proportion du rapport entre l’assiette définitive de l’impôt calculée en application du I et des 1 et 3 du présent VII, d’une part, et l’assiette de l’impôt acquitté hors de France, d’autre part, et dans la limite de l’impôt définitif dû en France.

« VIII.– 1. Le contribuable qui transfère son domicile fiscal hors de France est tenu de déclarer les plus-values imposables en application des I et II sur la déclaration mentionnée au 1 de l'article 170 l'année suivant celle du transfert dans le délai prévu à l'article 175.

« 2. Lorsqu'il bénéficie du sursis de paiement, il déclare chaque année sur la déclaration mentionnée au 1 le montant cumulé des impôts en sursis de paiement et indique sur un formulaire établi par l'administration, joint en annexe, le montant des plus-values constatées conformément aux I et II et l'impôt afférent aux titres pour lesquels le sursis de paiement n'est pas expiré.

« 3. Dans le délai prévu à l'article 175, il déclare, l'année suivant celle de l'expiration du sursis de paiement, sur le même formulaire joint à la déclaration prévue au 1 de l'article 170, la nature et la date de l'événement entraînant l'expiration du sursis de paiement, ainsi que le montant de l'impôt exigible afférent aux plus-values constatées dans les conditions du I et modifiées, le cas échéant, dans les conditions du VII, ou déterminé en application du II. Il fournit, à l'appui de cette déclaration les éléments de calcul retenus. L'impôt définitif est dû au moment du dépôt de ce formulaire.

« Lorsque le contribuable n'a pas bénéficié d’un sursis de paiement en application des III et IV, il demande, lors de la survenance de l'un des événements prévus aux a et b du VI et lorsqu'il se trouve dans l'un des cas prévus au 1 et 2 du VII, la restitution de l'impôt payé en application du I lors de son transfert de domicile fiscal hors de France.

« Lors de la survenance de l'un des événements prévus aux 2 et 3 du VI, il déclare la nature et la date de ces événements et demande le dégrèvement ou la restitution de l'impôt établi dans les conditions des I et II.

« 4. Le défaut de production de la déclaration et du formulaire mentionnés au 2 ou l'omission de tout ou partie des renseignements qui doivent y figurer entraînent l'exigibilité immédiate de l'impôt en sursis de paiement.

« 5. Dans les deux mois suivant chaque transfert de domicile fiscal, les contribuables sont tenus d'informer l'administration fiscale de l'adresse du nouveau domicile fiscal.

« IX.– Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article, notamment les obligations déclaratives des contribuables. »

II.– Au premier alinéa de l'article 150-0 B bis du code général des impôts, après les mots : « des titres reçus en contrepartie de cet apport », sont insérés les mots : « ou, lors du transfert par le contribuable de son domicile fiscal hors de France en vertu des dispositions de l'article 167 ter si cet événement est antérieur ».

III.– Le I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1. Après le e), il est inséré un e bis ainsi rédigé : « e bis. Des plus-values mentionnées au I de l’article 167 ter du code général des impôts. »

2. Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il n'est pas fait application à la contribution du dégrèvement ou de la restitution prévus à l’expiration d’un délai de huit ans au 2 du VI de l'article 167 ter du code général des impôts. »

IV.– Les dispositions du présent article sont applicables aux transferts du domicile fiscal hors de France intervenus à compter du 3 mars 2011.

Exposé des motifs du projet de loi :

Dans le cadre de la réforme de la fiscalité sur le patrimoine, il est proposé de réformer le régime fiscal des plus-values de cession des valeurs mobilières et de droits sociaux dans l’objectif de limiter l'évasion fiscale.

À cet égard, il est proposé d’instaurer un dispositif visant à taxer à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux les plus-values latentes sur les valeurs mobilières et droits sociaux constatées avant le changement de domicile des personnes physiques (exit tax).

Les personnes assujetties au dispositif proposé sont les contribuables qui transfèrent hors de France leur domicile fiscal et qui détiennent lors de ce transfert, avec les autres membres de leur foyer fiscal, une participation directe ou indirecte d’au moins 1 % dans le capital d'une société ou une participation directe ou indirecte dans une société d’une valeur supérieure à 1,3 million d’euros lors de ce transfert. Sont concernées par ce dispositif les plus-values latentes sur droits sociaux de sociétés françaises ou étrangères passibles de plein droit ou sur option à l'impôt sur les sociétés ou un impôt équivalent, à l'exception des SICAV. Sont également imposables lors de ce transfert de domicile fiscal les plus-values répondant aux mêmes conditions qui ont précédemment été placées en report d'imposition.

Le principe de l'imposition, son champ d'application, les modalités et la base d'imposition sont définis lors du transfert hors de France.

L'assiette de la plus-value latente est définie par la différence entre la valeur des titres à cette date et leur valeur d'acquisition.

Un sursis de paiement sans prise de garanties est accordé lorsque le contribuable transfère son domicile dans un État de l'Union européenne ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ainsi qu'une convention d'assistance mutuelle en matière de recouvrement.

Lorsque le contribuable transfère son domicile dans un autre État, le paiement de l'impôt est en principe immédiat mais, sur demande du contribuable et sous réserve de prise de garanties adéquates, un sursis de paiement peut également être accordé. Cette prise de garanties n'est pas exigée en cas de changement de domicile fiscal pour des raisons professionnelles.

Le sursis de paiement, de droit ou sur option, prend fin lors de la cession, du rachat, du remboursement ou de l’annulation des titres ou lors de la donation de ces titres. Cependant, si le contribuable justifie que la donation n'avait pas pour seule fin d'éluder l'impôt, l'impôt sur la plus-value latente peut être dégrevé.

L'impôt sur le revenu afférent à la plus-value latente n'est plus exigible à l'expiration d'un délai de huit ans suivant le transfert du domicile fiscal hors de France, ou à la date à laquelle le contribuable transfère de nouveau son domicile en France si cet événement est antérieur, si le contribuable détient toujours les titres dans son patrimoine à cette date. L'impôt afférent à la plus-value latente est également dégrevé ou restitué en cas de décès du contribuable.

Ce dégrèvement à l'expiration d'un délai de huit ans est appliqué seulement à l'impôt sur le revenu. Les prélèvements sociaux restent dus mais continuent à bénéficier du sursis de paiement.

De même, lorsqu'un contribuable transfère de nouveau son domicile en France sans avoir auparavant cédé ses titres, l'impôt calculé sur la plus-value d'échange ou de cession est dégrevé ou restitué et le report d'imposition est rétabli de plein droit.

L’impôt relatif à la plus-value latente ainsi déterminé est diminué si la plus-value effectivement réalisée est inférieure à la plus-value constatée au moment du transfert du domicile fiscal hors de France ou effacé si une moins-value est constatée.

L'impôt calculé sur la plus-value latente lors du transfert de domicile est réduit, le cas échéant, pour tenir compte des abattements pour durée de détention.

Afin d’éviter une double imposition, l’impôt éventuellement acquitté dans le pays de résidence est imputable sur l’impôt dû en France dans la limite de ce dernier et à proportion de la part d’assiette taxée par la France.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article vise à lutter contre l’évasion fiscale en matière de plus-values sur valeurs mobilières des particuliers lorsque celle-ci s’organise par le transfert hors de France de la résidence fiscale du contribuable. Il garantit que les contribuables soumis à ses dispositions ne paieront, en aucun cas, un impôt sur leurs plus-values latentes et sur leurs plus-values en report d’imposition moindre que s’ils étaient restés en France.

À la différence d’autres revenus, les plus-values sont, par nature, exceptionnelles et résultent de la décision du contribuable d’aliéner un bien. La règle fiscale généralement prévue par les conventions fiscales est qu’une plus-value est, en principe, imposée dans l’État de résidence du cédant. Pour soumettre à la fiscalité d’un État étranger une plus-value éventuellement accumulée au cours de nombreuses années, il suffit donc d’être résident dans cet État au titre de l’année de la cession ce qui n’interdit nullement de revenir immédiatement ensuite en France. Or, notre fiscalité sur les plus-values est, en ajoutant à l’impôt, dû au taux forfaitaire de 19 %, les prélèvements sociaux, dont la somme est de 12,3 %, plus élevée que dans la plupart des États et, en particulier, que celle de la Belgique, qui n’impose purement et simplement pas les plus-values mobilières réalisées dans la gestion normale d’un patrimoine privé.

Il ne fait donc pas de doute que l’évasion fiscale en la matière constitue un enjeu budgétaire et d’équité majeur auquel le législateur français a d’ailleurs déjà tenté de répondre.

Le dispositif proposé succède, en effet, à un mécanisme créé par la loi de finances pour 1999 et abrogé par la loi de finances pour 2005 et par la loi de finances rectificative pour 2004 en raison de l’incompatibilité de certaines de ces dispositions avec le droit communautaire, établie par la Cour de justice des communautés européennes dans une décision de mars 2004 dite de Lasteyrie du Saillant. La première difficulté qui devait être résolue était donc d’élaborer une solution compatible avec le droit communautaire, c’est-à-dire assurant, pour simplifier, un traitement identique aux contribuables quittant leur territoire et à ceux demeurant résidents fiscaux français.

Une seconde difficulté était de tenir compte des contraintes résultant des conventions fiscales bilatérales qui s’imposent à la loi et qui prévoient généralement l’imposition de la plus-value réalisée dans l’État de résidence au moment de l’aliénation du bien. La solution apportée, simple dans son principe sinon dans sa mise en œuvre, consiste à imposer le contribuable antérieurement à son départ de France en faisant de celui-ci le fait générateur de l’impôt. L’imposition est donc établie lorsque le contribuable est encore résident fiscal français et donc avant qu’une convention fiscale avec son futur État de résidence ne soit applicable. En cas de départ vers un État européen, il est toutefois sursis au recouvrement de cet impôt jusqu’à l’intervention, postérieurement au départ, d’un événement qui aurait constitué, si le contribuable était resté en France, un fait générateur d’imposition et qui constitue, dans le dispositif, une cause d’expiration du sursis rendant l’impôt exigible.

Une solution voisine avait été retenue en 1998. A l’époque, toutefois, le sursis de paiement accordé au contribuable était notamment conditionné par la constitution systématique par celui-ci de garanties assurant le recouvrement de la créance du Trésor. C’est principalement cette contrainte que la CJCE avait jugée, pour l’opération dont elle était saisie et qui concernait une participation substantielle dans une entreprise, non conforme avec le droit communautaire s’agissant de contribuables s’installant dans un État couvert par la liberté d’établissement reconnu par le traité de Rome et par l’accord sur l’espace économique européen.

Dans le dispositif proposé par le présent article, cette constitution de garanties n’est plus exigible que si le contribuable élit son domicile dans un État tiers. La portée concrète de cet assouplissement semble toutefois limitée. Les garanties ne pouvant jouer qu’à la condition d’avoir été constituées, elles concernent, par construction, des contribuables se soumettant à leurs obligations fiscales à l’occasion de leur départ (en déclarant celui-ci ainsi qu’à cette occasion, le montant de leurs plus-values latentes et en constituant alors les garanties correspondantes) avant de décider de frauder lorsqu’ils cèdent des titres (en n’acquittant pas l’impôt dû à raison de cette cession ce qui justifierait le recouvrement des sommes consignées). Si le mécanisme peut donc utilement prévenir ce qui relèverait d’une sorte de « fraude de second tour », il est clair que le contribuable déterminé à frauder dès sa décision de quitter le territoire ne peut en être dissuadé par une obligation de constitution de garanties reposant, en pratique, sur le fait qu’il respecte la loi. L’adaptation proposée au droit communautaire affaiblit donc probablement peu l’effectivité d’ensemble du dispositif.

Une même préoccupation de non-discrimination, qui conditionne la compatibilité du dispositif au droit communautaire pour son application aux (futurs) résidents des États couverts par la liberté d’établissement, conduit également à prévoir :

– un nouveau calcul de l’impôt au regard de la plus-value effectivement réalisée permettant de le réduire ou de l’annuler en cas de perte de valeur depuis le départ de France (mais pas de l’augmenter, l’éventuel supplément de plus-value étant taxable par l’État de résidence),

– l’imputation de la moins-value réalisée à l’étranger sur des plus-values taxables en France,

– l’imputation de l’impôt étranger sur l’impôt (et les prélèvements sociaux) français au titre de la plus-value latente au départ qui, bien qu’elle ait été taxée en France, peut également l’être à l’étranger,

– la prise en compte de la durée de détention lors de la résidence à l’étranger pour l’appréciation des droits aux abattements liés à la durée de détention,

– le dégrèvement de l’impôt en sursis de paiement en cas de survenance à l’étranger d’un événement qui aurait purgé la plus-value si le contribuable était resté en France (décès, donation).

Il est également prévu un dégrèvement systématique de l’impôt (mais pas des prélèvements sociaux) au terme d’une durée de détention de huit ans à l’étranger (et ayant donc vocation à couvrir des plus-values sur des titres n’ouvrant pas droit, au terme de cette période, à l’exonération de droit commun en fonction de la durée de détention prévue par l’article 150-0 D bis).

Si l’articulation de ces règles visant à garantir la non-discrimination en tenant compte d’événements survenus à l’étranger (dans un souci de respect de droit communautaire) avec les contraintes conventionnelles supposant d’anticiper le fait générateur de l’impôt au moment du départ de France (pour préserver à la France le droit d’imposer) constitue une difficulté technique aboutissant à une relative complexité, il en résulte un dispositif dont il n’est pas douteux, d’une part, qu’il respecte la liberté d’établissement et, d’autre part, qu’il permet effectivement de supprimer tout intérêt fiscal à un départ de France en matière d’imposition des plus-values latentes au moment de celui-ci.

Il convient de noter que le choix a été fait d’imposer à l’identique les contribuables quel que soit leur nouvel État de résidence (les modalités de recouvrement pouvant toutefois différer selon celui-ci) et donc d’assurer aux contribuables s’installant dans un État de résidence non couvert par la liberté d’établissement un traitement identique à celui des contribuables s’installant dans des États couverts par la liberté d’établissement et donc aux contribuables demeurés en France.

Il convient également de noter que le dispositif proposé concerne non seulement l’impôt sur le revenu (au taux forfaitaire de 19 %) mais également les prélèvements sociaux, ce qui n’était pas le cas en 1998.

L’évaluation préalable du présent article estime le rendement de l’imposition proposée à 189 millions d’euros en année pleine (dont 115 millions d’euros au titre de l’impôt sur le revenu et 74 millions d’euros au titre des prélèvements sociaux) et à 87 millions d’euros en 2012 (dont 53 millions d’euros au titre de l’impôt sur le revenu et 34 millions d’euros au titre des prélèvements sociaux). Cette estimation repose sur l’application du taux d’imposition à une estimation de l’assiette des plus-values latentes au départ de France.

Cette méthode de chiffrage peut rendre compte, sous réserve de la fiabilité de ses hypothèses, de l’effet budgétaire de l’article au titre des contribuables dont le départ est, en l’état du droit, motivé par une volonté d’évasion fiscale, cet effet budgétaire se traduisant toutefois non par un rendement de la taxation proposée mais par une moindre perte de recettes au titre de l’imposition en France de contribuables renonçant au transfert de leur domicile, lequel a perdu de son intérêt du point de vue fiscal.

En revanche, pour des contribuables dont le départ du territoire répond à d’autres motivations et notamment ceux s’installant dans des États taxant les plus-values mobilières, la méthode retenue ne peut rendre compte de l’effet budgétaire du dispositif puisqu’elle néglige, d’une part, l’impact de l’imputation de l’impôt étranger et, d’autre part, parce qu’elle postule une cession à titre onéreux des titres dans la période où cette cession serait taxable.

I.– L’ÉTAT DU DROIT

A.– LE DISPOSITIF ADOPTÉ EN 1998

Afin de lutter contre l’évasion fiscale, l’article 24 de la loi n° 98-1266, du 30 décembre 1998, portant loi de finances pour 1999 prévoyait l’imposition immédiate à l’occasion du transfert du domicile fiscal hors de France :

– des plus-values antérieurement placées en report d’imposition dans le cadre d’opérations d’échanges de titres ou de régimes de faveur dont le bénéfice était notamment conditionné par une obligation de réinvestissement des gains réalisés,

– de certaines plus-values mobilières latentes au titre de participations substantielles.

Il convient de noter que le dispositif était purement fiscal. Il n’était pas prévu de soumettre les gains (éventuellement latents) concernés aux prélèvements sociaux.

Pour les plus-values en report, l’imposition au départ de France était prévue pour tous les contribuables, sans condition de durée de résidence fiscale en France. Pour les plus-values latentes, l’imposition ne concernait, en revanche, que les contribuables résidents fiscaux français au titre d’au moins six des dix années précédant leur départ de France.

Dans les deux cas, le contribuable pouvait bénéficier d’un sursis de paiement de l’impôt dû à la condition notamment de constituer, préalablement à son départ, des garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor (consignation de liquidités, nantissement de titres ou hypothèque immobilière, par exemple).

L’expiration du sursis était prévue en cas de cession ou de transmission à titre gratuit des titres. Dans l’hypothèse d’une dépréciation des titres postérieurement au départ de France (c’est-à-dire d’une plus-value réelle inférieure à la plus-value latente), l’impôt afférent au surplus de plus-value latente était dégrevé d’office. Il était également prévu une imputation de l’impôt acquitté localement par le contribuable et afférent à la plus-value effectivement réalisée hors de France sur l'impôt sur le revenu établi en France.

Enfin, l’impôt en sursis de paiement était dégrevé en cas de retour de France et, pour les plus-values latentes, au terme d’un délai de cinq ans suivant la date du départ.

B.– L’ÉTAT DU DROIT COMMUNAUTAIRE

Comme on le sait, la Cour des justices des communautés européennes (CJCE), devenue depuis Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), a jugé contraire au droit communautaire le volet de ce dispositif concernant l’imposition immédiate de plus-values latentes sur des participations substantielles.

C’est sur le fondement juridique de la liberté d’établissement que la Cour a jugé, dans un arrêt du 11 mars 2004, que ce volet du dispositif créé par la loi de finances pour 1999 conduisait à « un traitement désavantageux par rapport à une personne qui maintient sa résidence en France » du contribuable désireux de quitter le territoire dans la mesure où :

– « ce contribuable devient redevable, du seul fait d’un tel transfert, d’un impôt sur un revenu qui n’est pas encore réalisé et dont il ne dispose donc pas, alors que, s’il demeurait en France, les plus-values ne seraient imposables que lorsque et dans la mesure où elles ont été effectivement réalisées » (point 46)

– « bien qu’il soit possible de bénéficier d’un sursis de paiement, celui-ci n’est pas automatique et il est soumis à des conditions strictes (...) au nombre desquelles figure notamment la constitution de garanties » qui « comportent par elles-mêmes un effet restrictif, dans la mesure où elles privent le contribuable de la jouissance du patrimoine donné en garantie » (point 47).

La Cour précise ensuite « qu’une mesure qui est susceptible d’entraver la liberté d’établissement consacrée par l’article 52 du traité ne saurait être admise que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le traité et est justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général » et « que son application soit propre à garantir la réalisation de l’objectif ainsi poursuivi et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre celui-ci » (point 49).

Au cas d’espèce, la Cour refuse de retenir un argument budgétaire (point 60 : « la réduction de recettes fiscales ne saurait être considérée comme une raison impérieuse d’intérêt général pouvant être invoquée pour justifier une mesure en principe contraire à une liberté fondamentale ») et écarte également une justification liée à la lutte contre l’évasion fiscale en jugeant que le dispositif « ne saurait, sans excéder largement ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif qu’il poursuit, présumer l’intention de contourner la loi fiscale française de tout contribuable qui transfère son domicile hors de France » (point 52) puisque « l’objectif envisagé, à savoir empêcher qu’un redevable ne transfère temporairement son domicile fiscal avant de céder des titres mobiliers dans le seul but d’éluder le paiement de l’impôt sur les plus-values dû en France, peut être atteint par des mesures moins contraignantes ou moins restrictives de la liberté d’établissement, ayant trait spécifiquement au risque d’un tel transfert temporaire » (point 54).

Cette jurisprudence appelle deux commentaires, l’un d’ordre général et l’autre propre au cas d’espèce.

En premier lieu, et d’une manière générale, on peut souligner que le raisonnement de la Cour est caractéristique de sa propension à encadrer la souveraineté fiscale des États membres au nom d’une interprétation particulièrement extensive des traités. En effet, la base juridique de la décision de la CJCE est l’article 52 du traité de Rome interdisant « les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre ». Or, il ne fait pas de doute que ces dispositions ont été conçues pour interdire les dispositions entravant l’installation d’un ressortissant communautaire étranger dans un État membre (restrictions à l’entrée) comme l’illustrent les articles suivants du traité, notamment l’article 55 prévoyant une dérogation pour « les activités participant dans cet État, même à titre occasionnel, à l'exercice de l'autorité publique » et l’article 57 relatif à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres.

La CJCE en fait donc une interprétation audacieuse en estimant que si « l’article 52 du traité vise notamment, selon son libellé, à assurer le bénéfice du traitement national dans l’État membre d’accueil, il s’oppose également à ce que l’État membre d’origine entrave l’établissement dans un autre État membre de l’un de ses ressortissants ». C’est cette création, purement jurisprudentielle, d’une interdiction des « restrictions à la sortie » qui permet d’attraire dans le champ de la liberté d’établissement de nombreuses dispositions fiscales et, en particulier, les dispositifs de taxation « à la sortie ».

Or, et probablement parce que la liberté d’établissement n’a justement pas été conçue par les rédacteurs du traité comme ayant vocation à avoir la portée que lui donne aujourd’hui la CJCE, aucune disposition particulière ne limite cette liberté pour préserver les intérêts budgétaires des États membres. La liberté d’établissement se distingue en cela fondamentalement de la liberté de circulation des capitaux, également affirmée par le traité (article 56) pour laquelle il a été expressément prévu – parce que la question était posée d’évidence – une sorte de clause générale de « sauvegarde fiscale », l’article 57 stipulant que cette liberté « ne porte pas atteinte au droit qu'ont les États membres (...) d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis ».

En second lieu, il convient de noter que la base juridique retenue par la Cour emporte deux conséquences significatives.

La première est que le champ géographique couvert par la liberté d’établissement est restreint aux États de l’Union et aux États parties à l’Espace économique européen alors que la liberté de circulation des capitaux, par exemple, s’applique également aux États tiers. Il n’y a donc, par définition, pas de contrainte juridique résultant de la liberté d’établissement en matière de traitement des contribuables quittant la France pour s’installer dans un État tiers.

La seconde est que la liberté d’établissement ne concerne, par définition, que des contribuables désireux de s’établir dans un nouvel État pour y exercer une activité économique. Son application à des contribuables ayant cessé leur activité professionnelle ou cessant celle-ci à l’occasion de leur départ pourrait donc être discutée.

C.– LES DISPOSITIFS COMPARABLES EN VIGUEUR DANS D’AUTRES ÉTATS MEMBRES DE L’UNION

Selon les informations apportées au Rapporteur général par le Gouvernement, trois États membres de l’Union, les Pays-Bas, l’Allemagne et le Royaume-Uni, appliquent des mécanismes visant à lutter contre l’évasion fiscale en matière de plus-values par le transfert du domicile.

Les Pays-Bas prévoient une taxation de l’accroissement de la valeur des actifs constatée au moment du transfert de domicile. L’imposition effective est reportée jusqu’à la réalisation d’un fait générateur, généralement la cession. À cette occasion, la plus-value initialement corrigée est, le cas échéant, réduite au regard de la plus-value réelle. En l’absence de fait générateur au terme d’une période de dix ans, les Pays-Bas renoncent à l’impôt.

En Allemagne, les personnes résidant au moins depuis dix ans à la date de leur départ sont redevables d’un impôt au titre des plus-values constatées sur certaines participations dans des sociétés allemandes. Le paiement de l’impôt peut être échelonné pendant une période maximale de cinq ans et un report d’imposition est accordé aux contribuables s’installant dans un État partie à l’Espace économique européen et lié à l’Allemagne par un accord d’assistance administrative en matière de recouvrement. Ce report expire au terme d’un délai de cinq ans sauf si le contribuable montre que son séjour à l’étranger est motivé par des raisons professionnelles et que son intention est de revenir s’installer en Allemagne.

Au Royaume-Uni, il n’y a pas d’imposition au départ du contribuable mais il peut y avoir une imposition à l’occasion du retour sur le sol britannique après un séjour de moins de cinq ans à l’étranger (régime dit des non-résidents temporaires). L’imposition est subordonnée au fait que le contribuable ait été durablement résident fiscal britannique avant son départ (au moins quatre des sept années précédentes) et peut concerner l’ensemble des revenus « rapatriés » (notamment les plus-values mais pas exclusivement) qui n’ont pas été imposés au Royaume-Uni.

D.– L’ÉTAT DU DROIT CONVENTIONNEL

Les conventions fiscales sont des traités internationaux bilatéraux qui :

– soit organisent la coopération entre les États contractants en matière de recouvrement et/ou de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales,

– soit régissent l’articulation des souverainetés fiscales des États contractants en répartissant entre eux le droit d’imposer et en définissant des méthodes d’élimination des doubles impositions.

Le fait que les conventions fiscales constituent des traités emporte deux conséquences. La première est que leurs stipulations ont, dans notre ordre juridique interne, une autorité supérieure à la loi. La seconde est qu’elles comprennent des stipulations négociées de manière bilatérale de sorte que leur contenu varie.

S’agissant des plus-values sur des valeurs mobilières, le principe général retenu par l’ensemble des conventions conclues par la France est l’imposition par l’État de résidence du cédant du gain réalisé à l’occasion de l’aliénation de titres.

Ce principe général connaît toutefois, aux termes de certaines conventions, des exceptions.

Une première exception concerne les gains tirés par un résident de l’un des États contractants de la cession de titres faisant partie d’une participation substantielle dans une société qui est un résident de l’autre État contractant. Par dérogation au principe général d’imposition dans l’État de résidence du cédant, certaines conventions prévoient, dans ce cas, un droit d’imposer pour l’État de résidence de la société dans laquelle la participation substantielle est détenue.

L’évaluation préalable du présent article indique qu’« une trentaine de conventions seulement » prévoient une stipulation de ce type. Il convient de noter que la définition de la participation substantielle et le champ des contribuables concernés varient selon les conventions. Ainsi, par exemple, la convention avec les Pays-Bas limite le droit d’imposer de l’État de résidence de la société dans laquelle la participation substantielle est détenue aux opérations réalisées par un cédant ayant la nationalité de cet État et en ayant été résident fiscal pendant une période quelconque au cours des cinq années précédant l'aliénation.

Une seconde exception concerne les conventions avec le Royaume-Uni, d’une part, et avec les États-Unis. Ces deux conventions autorisent une forme de « droit de suite » pour l’imposition de contribuables ayant transféré leur domicile de l’un à l’autre des États contractants.

Le point 6 de l’article 14 de la convention franco-britannique réserve ainsi « le droit d’un État contractant de prélever, conformément à sa législation, un impôt sur les gains tirés de l’aliénation de tout bien par une personne qui est, et qui a été à un moment quelconque pendant les six années fiscales précédentes, un résident de cet État contractant ou par une personne qui est un résident de cet État contractant à un moment quelconque de l’année fiscale au cours de laquelle le bien est aliéné ».

De manière similaire, la convention franco-américaine prévoit qu’un « ancien citoyen ou un ancien résident de longue durée d’un État contractant peut, pendant une période de dix ans suivant la perte de ce statut, être imposé conformément à la législation fiscale de cet État concernant les revenus qui ont leur source dans cet État contractant, ou considérés comme tels » en précisant que l’expression « résident de longue durée » désigne « toute personne physique (autre qu’un citoyen de cet État contractant) qui a le statut légal de résident permanent de cet État contractant pendant une durée d’au moins huit années au cours des quinze dernières années imposables ».

E.– LE CAS DES PLUS-VALUES SUR DES PARTICIPATIONS SUBSTANTIELLES : L’ARTICLE 244 BIS B

Depuis 1979, le droit français prévoit, en application des dispositions de l’article 244 bis B du code général des impôts, la taxation des plus-values réalisées par des non-résidents lorsque ceux-ci ont détenu plus de 25 % des droits des bénéfices dans l’entité dont les titres sont cédés à un moment quelconque au cours des cinq dernières années, ce seuil de détention étant apprécié en prenant en compte les droits détenus par d’autres membres de la famille du cédant (conjoint, ascendants et descendants).

L’impôt est dû au taux de droit commun, sauf si le cédant est domicilié dans un État ou territoire non coopératif dans quel cas le taux est porté à 50 %. Il est acquitté lors de l’enregistrement de l’acte ou, à défaut, dans le mois suivant la cession.

Ce dispositif s’applique naturellement sous réserve des stipulations des conventions fiscales et donc, en pratique, lorsque le cédant est résident d’un État avec laquelle la convention fiscale n’y fait pas obstacle ou lorsqu’il est résident d’un État avec lequel la France n’a pas de convention fiscale en matière d’imposition des revenus.

II.– LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose la création d’un nouvel article 167 ter au sein du code général des impôts (I), des mesures de coordination en matière fiscale et sociale (II et III) et des dispositions réglant l’entrée en vigueur (IV).

L’articulation générale du dispositif, dont le détail est présenté ci-après, est la suivante :

– pour des contribuables détenant des titres répondant à certains critères, le transfert hors de France du domicile devient un fait générateur d’imposition,

– cette imposition, dont le montant est calculé au départ de France, pèse sur les plus-values latentes constatées sur les valeurs mobilières qu’ils détiennent et sur leurs plus-values en report d’imposition,

– elle produit un impôt qui est, s’agissant des plus-values latentes, provisoire,

– le paiement de cet impôt peut ne pas être exigé au moment du départ de France (notamment si le contribuable quitte le territoire national vers un État membre de l’Union), dans quel cas le contribuable bénéficie d’un sursis de paiement,

– en cas de retour en France, le contribuable ayant conservé les titres sur lesquels une plus-value a été imposée à son départ est replacé dans la même situation que s’il n’était jamais parti, l’impôt éventuellement acquitté lui étant restitué,

– en cas de survenue à l’étranger d’un événement qui aurait purgé la plus-value s’il était intervenu en France (une donation ou un décès), il est procédé à un dégrèvement de l’impôt en sursis de paiement ou à une restitution de l’impôt déjà payé,

– enfin, en cas de cession à l’étranger, l’impôt sur la plus-value latente, établi à titre provisoire au départ de France, fait l’objet d’un nouveau calcul tenant compte de la plus-value réelle qui en plafonne l’assiette et, pour le bénéfice des abattements, de la durée de détention incluant la période de séjour à l’étranger. La fraction de l’impôt étranger réputée taxer la même assiette s’impute sur l’impôt français tandis que l’éventuelle moins-value peut devenir imputable sur d’autres plus-values taxables par la France.

A.– LE CHAMP DES REDEVABLES

L’alinéa 2, qui ouvre les dispositions relatives à l’imposition des plus-values latentes rassemblées dans le I du nouvel article codifié et auquel renvoie implicitement l’alinéa 12 qui concerne les plus-values en report d’imposition, détermine les contribuables concernés par le présent article.

Deux conditions, l’une relative à leur résidence fiscale et l’autre à leur patrimoine, doivent être cumulativement réunies.

En premier lieu, ne seront concernés par le dispositif que les contribuables fiscalement domiciliés en France pendant les six années précédant le transfert de leur domicile fiscal hors de France.

Cette disposition vise à exclure du champ du dispositif des contribuables, notamment étrangers et/ou bénéficiant du régime de faveur des impatriés (applicable jusqu’à la fin de la cinquième année suivant celle de la venue en France), dont la domiciliation fiscale en France serait temporaire.

Cette exclusion peut se justifier par la logique de lutte contre l’évasion fiscale du dispositif. Elle présume, en quelque sorte, que le départ de France d’un contribuable qui n’y a séjourné que pendant une durée relativement limitée n’est pas motivé par des raisons fiscales et qu’il n’est donc pas nécessaire de le taxer à cette occasion.

Indépendamment de cette justification d’opportunité, il convient également de noter qu’une telle exclusion permet d’éviter de créer une sorte de « barrière à l’entrée » dissuadant la venue (ou le retour) en France. En l’état du dispositif, l’assiette taxable est, en effet, l’accroissement de la valeur des titres depuis leur acquisition, y compris lorsque celle-ci était antérieure à la venue en France. Un contribuable dont la plus-value latente a été acquise à l’étranger et dont la valeur des titres reste constante pendant son séjour en France (voire diminue mais sans annuler totalement la plus-value antérieure) sera, en effet, taxé à son départ de France. Il est bien évident qu’une telle éventualité ne serait pas de nature à inciter des contribuables peu (ou pas) taxés dans leur actuel État de résidence à venir s’installer sur notre sol. Sans exclure totalement cette hypothèse, la condition d’une durée minimale de résidence fiscale en France apparaît donc comme un élément de souplesse limitant significativement ce risque.

En l’état de la rédaction, la condition proposée pourrait toutefois ouvrir des possibilités d’optimisation substantielles, un contribuable domicilié en France pouvant transférer sa résidence fiscale à l’étranger pendant une brève période (au cours de laquelle il serait soumis au présent article mais ne procéderait à aucune cession) avant de revenir en France puis de repartir et de procéder à une cession en étant alors hors du champ de l’article (puisque ce contribuable n’aura pas été résident fiscal français durant les six années précédant son second départ).

Il convient de noter que ce critère de durée du domicile fiscal en France ne sera pas apprécié sur la base du foyer fiscal mais au regard de la situation de chaque personne physique, le cas échéant dans une succession de foyers fiscaux. Ainsi, par exemple, un contribuable constituant un nouveau foyer fiscal depuis moins de six ans en raison de l’évolution de sa situation familiale (par exemple, un divorce) pourra néanmoins avoir été domicilié fiscalement en France plus de six ans s’il était alors établi qu’il était membre d’un autre foyer fiscal (dans l’exemple précédent, celui constitué préalablement avec son conjoint lorsqu’ils étaient soumis à imposition commune).

En second lieu, ne seront concernés par le dispositif que les contribuables détenant une participation de plus de 1 % dans une société ou une participation dont la valeur excède 1,3 million d’euros.

Ne seront prises en compte que les participations dans des sociétés passibles de l’IS ou d’un impôt étranger équivalent à l’exclusion des parts de SICAV qui bénéficient d’une exception spécifique.

Outre que le fondement de l’exclusion des SICAV mériterait d’être établi, l’opportunité technique de la prise en compte des titres des seules sociétés passibles de l’IS peut être discutée. Elle aboutit, en effet, à restreindre significativement le champ du dispositif notamment par l’exclusion, d’une part, des sociétés de capitaux ayant opté pour le régime des sociétés de personnes et, d’autre part, des sociétés civiles professionnelles, des sociétés en nom collectif, des sociétés en commandite simple et des sociétés en participation qui ne sont, en principe et sauf option (70), pas passibles de l’IS. Cette exclusion apparaît, en outre, un facteur de complexité à plusieurs titres puisqu’elle suppose, notamment, de définir une période au titre de laquelle l’assujettissement à l’IS doit être apprécié et de déterminer le traitement retenu pour des titres de sociétés exonérées d’IS sous conditions ou partiellement (cas, par exemple, des sociétés de capital-risque).

Il convient de noter que les participations retenues pourront être directes ou indirectes. Il en résulte notamment que les titres de sociétés passibles de l’IS détenus par l’intermédiaire d’une société dont les titres sont exclus du champ (par exemple, une société de personnes) devront être pris en compte par transparence, cette transparence ayant, en l’état de la rédaction, vocation à jouer indépendamment du nombre d’entités interposées. Le dispositif reposant sur une déclaration spontanée des contribuables, cette solution risque de faire peser sur eux une complexité difficile à gérer en pratique.

Le seuil de valeur (1,3 million d’euros) est, aux termes de la rédaction proposée, apprécié par société détenue (sous réserve des éventuelles détentions indirectes). Un contribuable dont le patrimoine sera constitué de dix participations d’une valeur unitaire d’un million d’euros dans dix sociétés dépourvues de liens capitalistiques ne sera donc pas dans le champ du dispositif (sauf naturellement si l’une des participations représente plus de 1 % des droits aux bénéfices sociaux de l’une de ces sociétés).

Le fait que le niveau de ce seuil soit fixé à un montant identique à celui retenu pour l’assujettissement à l’ISF n’emporte donc pas de correspondance entre les champs des redevables de cet impôt et de celui des contribuables auxquels le présent dispositif est applicable puisqu’un contribuable dont le patrimoine excède le seuil d’assujettissement à l’ISF peut ne pas détenir une participation répondant aux critères du présent article tandis qu’à l’inverse, des participations n’entrant pas dans l’assiette de l’ISF à raison de leur qualification de bien professionnel au sens de cet impôt peuvent être prises en compte.

Il convient de noter que ce critère patrimonial détermine le champ des redevables mais non l’assiette à laquelle le dispositif s’appliquera. Autrement dit, un contribuable détenant une participation d’une valeur de 1,5 million d’euros et quatre participations d’une valeur d’un million d’euros sera soumis au dispositif à raison des plus-values latentes constatées des cinq sociétés (à la condition naturellement que ces participations entrent dans l’assiette du dispositif, déterminée par renvoi aux dispositions régissant l’imposition de certaines plus-values mobilières des particuliers réalisées en France).

Enfin, ce critère sera apprécié sur le périmètre du foyer fiscal qui ne peut être entendu que comme le foyer fiscal au sens du droit interne. Ainsi, si l’un des époux d’un couple marié soumis à imposition commune transfère son domicile fiscal hors de France, les dispositions du présent article lui seront applicables dès lors que ce couple détient, par exemple, plus de 1 % des droits aux bénéfices d’une société imposable à l’IS, y compris lorsque seule la réunion des biens propres des chacun des époux et de leurs biens communs conduit à atteindre ce seuil ou si les titres correspondants sont un bien propre de celui des époux demeurant en France.

B.– LE FAIT GÉNÉRATEUR DE L’IMPOSITION

Les alinéas 2 et 12 prévoient l’imposition lors du transfert de domicile fiscal hors de France, celui-ci constituant donc le fait générateur de l’imposition.

L’alinéa 3 précise que ce transfert est réputé intervenir le jour précédant celui à compter duquel le contribuable cesse d’être soumis en France à une obligation fiscale sur l’ensemble de ses revenus.

Cet alinéa ne renvoie pas aux critères de la domiciliation fiscale au sens du droit français qui sont énumérés par l’article 4 B du code général des impôts (lieu du foyer ou lieu de séjour principal en France, exercice en France d’une activité professionnelle ou centre des intérêts économiques en France). Il en résulte qu’un contribuable qui répondrait à l’un des critères de cet article mais qui ne serait pas soumis à une obligation fiscale en France sur l’ensemble de ses revenus à raison de dispositions conventionnelles définissant la résidence fiscale de manière différente de la définition de droit interne du domicile fiscal, sera bien dans le champ du présent article.

Cette disposition est déterminante pour permettre au dispositif d’être compatible avec nos conventions fiscales. Il en résulte, en effet, que le contribuable est imposé au titre des dispositions du présent article alors qu’il est encore résident fiscal en France et donc avant qu’une convention fiscale lui soit applicable. Du point de vue conventionnel, on pourrait d’ailleurs assimiler le dispositif à une taxation d’une forme de patrimoine (les plus-values latentes) de certains des résidents fiscaux français. Une telle taxation manifestement strictement interne ne soulève pas de questions au regard des conventions.

Il convient également de noter que cette disposition commande également l’assujettissement aux prélèvements sociaux qui ne sont pas dus par les non-résidents.

En pratique, cette date sera déclarée par le contribuable postérieurement à son départ à l’occasion du dépôt, dans le délai de droit commun, de la déclaration d’impôt sur le revenu de l’année de son départ (donc au milieu de l’année civile suivant celle du départ).

C.– LES DEUX ASSIETTES IMPOSABLES

Le dispositif proposé prévoit l’imposition de deux assiettes distinctes.

La première, définie au I de l’article codifié, est constituée par des plus-values latentes, constatées par détermination de la loi mais n’ayant pas été réalisées.

La seconde, à laquelle le II du même article codifié est consacré, correspond à des plus-values antérieurement réalisées mais en report d’imposition.

Dans les deux cas, il s’agira, aux termes des alinéas 2 et 12, de plus-values sur des droits sociaux ou des valeurs mobilières mentionnés au I de l’article 150-0 A, c’est-à-dire dont les gains de cession relèvent, en principe, du régime des plus-values mobilières des particuliers.

Il convient de noter que les dispositions de l’article 150-0 A s’appliquent aux gains nets retirés des cessions à titre onéreux de valeurs mobilières et de droits sociaux mais aussi de certains autres titres ou droits et, par extension législative (notamment en application du II de cet article), à d’autres gains.

En évoquant les seuls droits sociaux et valeurs mobilières, la rédaction proposée parait donc exonérer de l’imposition un certain nombre de gains dont la réalisation, en France, serait taxée sous le régime des plus-values mobilières des particuliers.

En suivant la typologie retenue par l’administration dans
l’instruction 5-C-1-01, il apparaît notamment que figurent parmi les biens et droits imposables sous le régime des plus-values mobilières des particuliers sans constituer des valeurs mobilières ou des droits sociaux au sens de cet article :

– les droits résultant d’un démembrement de la propriété de titres (usufruit ou nue-propriété) ;

– les titres représentatifs de valeurs mobilières, parmi lesquels l’instruction place les titres de sociétés de portefeuille, de SICAV, de fonds communs de placement et, plus généralement, les titres des sociétés de personnes interposées ;

– les obligations et titres d’emprunt négociables ;

– les droits de souscription ou d’attribution de droits sociaux ou de valeurs mobilières.

Enfin, il convient de souligner que la question des plus-values exonérées mobilières par détermination de la loi n’est pas directement réglée par la rédaction proposée. Si le régime d’exonération des plus-values en cas de cession de participation substantielle au sein du groupe familial peut être considéré comme visé par le présent article (il se trouve qu’il figure au I de l’article 150-0 A), d’autres régimes d’exonération ne semblent pas l’être au regard de leur insertion dans le code (par exemple, l’exonération sous conditions de plus-values sur des titres de jeunes entreprises innovantes prévue au III du même article) tandis que l’application au présent dispositif d’exonérations placées sous des conditions ayant vocation à être appréciées au moment de la cession pourrait, en tout état de cause, être utilement précisée.

2.– La définition des plus-values latentes

Les alinéas 4 et 5 définissent le montant des plus-values latentes qui constitue l’assiette de l’imposition.

Ce montant correspond à la différence entre la valeur des titres au moment du départ et leur valeur d’acquisition.

La valeur au moment du départ sera calculée :

– pour les titres cotés, comme en matière d’impôt sur la fortune, c’est-à-dire au dernier cours connu ou, sur option du contribuable, selon la moyenne des trente derniers cours précédant la veille de la date du départ (conformément aux dispositions de l’article 885 T bis) ;

– pour les autres droits et titres, comme en matière de droits de mutation à titre gratuit, c’est-à-dire sur la base d’une déclaration estimative du contribuable (conformément aux dispositions de l’article 758).

La valeur d’acquisition sera le prix d’acquisition, lorsque l’acquisition a été réalisée à titre onéreux, ou la valeur retenue pour la détermination des droits de mutation, pour les droits et titres donnés ou légués au contribuable. Comme cela a été précédemment indiqué, la circonstance que les titres aient été acquis à l’étranger n’est pas prise en compte au stade de l’évaluation de leur prix d’acquisition. L’assiette taxée d’un contribuable ayant acquis à l’étranger au prix de 50 un titre valant 100 au moment du départ de France sera donc de 50, même si ce titre valait 150 à la date de l’arrivée en France de ce contribuable.

Lorsque les droits ou titres cédés proviennent d’une opération intercalaire à l’occasion de laquelle il a été sursis à l’imposition de la plus-value en application de l’article 150-0 B, il est prévu, comme cela est traditionnellement le cas, de retenir comme valeur d’acquisition la valeur des titres remis à l’échange, corrigée de l’éventuelle soulte versée ou perçue.

3.– La définition des plus-values en report

L’alinéa 12 prévoit l’imposition au moment du départ de plus-values mobilières en report d’imposition.

Cinq des régimes de report concernés correspondent à des dispositifs au titre desquels des plus-values restent en report d’imposition mais qui sont désormais abrogés. Il s’agit des dispositifs figurant antérieurement :

– au II de l’article 92 B (dispositif applicable à des opérations réalisées avant le 1er janvier 2000 et prévoyant que l'imposition de la plus-value réalisée en cas d'échange de titres résultant d'une opération d'offre publique, de fusion, de scission, d'absorption d'un fonds commun de placement par une SICAV réalisée conformément à la réglementation en vigueur ou d'un apport de titres à une société soumise à l'IS, peut être reportée au moment où s'opérera la cession ou le rachat des titres reçus lors de l'échange) ;

– à l’article 92 B decies et à l’article 150-0 C qui organisaient (au titre de gains réalisés avant le 1er janvier 2000, pour le premier de ces articles, et entre cette date et le 31 décembre 2005, pour le second) un report d’imposition de certains des gains réalisés par des dirigeants ou salariés de sociétés sous condition de leur réinvestissement dans une société nouvelle non cotée ;

– aux I ter et II de l’article 160 (régime, abrogé depuis 2000, de report en cas d’échange de droits sociaux à l’occasion d’une fusion, d’une scission ou d’apports).

Seront également taxées les plus-values en report au titre du régime optionnel, toujours en vigueur et régi par l’article 150-0 B bis, de gains réalisés à l’occasion de l’apport à une société par l’un de ses dirigeants de créances de complément de prix.

Quatre régimes de report ne sont pas visés, soit compte tenu de l’ancienneté de leur extinction (pour les deux premiers), soit en raison de leur imbrication avec le régime des plus-values immobilières (pour les deux derniers). Il s’agit des régimes prévus :

– à l’article 160 A (report, sous certaines conditions, de plus-values d’apport dans le cadre d’un rachat de société par des salariés) ;

– à l’article 248 G (report de plus-values d’échange sur certaines opérations de privatisation) ;

– à l’article 150 A bis dans sa rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2004 et aux II et III de l’article 150 UB (plus-values d’échange sur des sociétés à prépondérance immobilière).

D.– LA LIQUIDATION D’UN IMPÔT PROVISOIRE S’AGISSANT DES PLUS-VALUES LATENTES

Les alinéas 6 à 10 déterminent l’impôt dû au titre des plus-values latentes. Il s’agit de « geler » un montant d’impôt qui sera généralement provisoire avant une seconde computation de l’impôt à l’occasion de la cession effective des titres.

Le bénéfice des abattements pour durée de détention (l’abattement de droit commun d’un tiers par année de détention à compter de la sixième, prévu par l’article 150-0 D bis et qui n’est pas encore entré en vigueur, ainsi que l’abattement spécifique aux dirigeants partant à la retraite régi par
l’article 150-0 D ter qui est déjà appliqué) est ouvert aux contribuables.

La durée de détention est appréciée au moment du départ, l’intention étant toutefois qu’elle continue à courir postérieurement à celui-ci et que la durée réelle de détention soit prise en compte à l’occasion de la seconde computation de l’impôt.

L’abattement au bénéfice des dirigeants partant à la retraite est notamment subordonné au fait que ceux-ci fassent valoir leurs droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession. Pour en bénéficier à l’occasion d’un départ à l’étranger, les contribuables devront, en outre, en application des alinéas 7 à 9, avoir fait valoir leurs droits à la retraite avant leur départ de France et céder leurs titres dans les deux années suivant leur retraite.

Les alinéas 10 et 12 prévoient le calcul de l’impôt sur la base du taux en vigueur à la date du transfert de domicile fiscal. Cette disposition n’emporte pas de conséquence directe et peut même apparaître superfétatoire dans la mesure où l’on voit mal comment l’impôt pourrait être calculé à un taux différent de celui-ci applicable au moment de son calcul. Elle n’est toutefois pas dépourvue d’utilité dans la mesure où, au stade de la seconde computation de l’impôt à l’occasion de la cession, par exemple, il n’est pas prévu de correction du taux. L’impôt sera donc, de fait, calculé à taux gelé à la date du départ même si l’assiette pourra être corrigée (et, de fait, seulement réduite au bénéfice du contribuable) postérieurement.

Dans le silence du texte, il devra être considéré qu’il en sera de même s’agissant des prélèvements sociaux.

L’alinéa 11 interdit l’imputation de ces moins-values latentes sur des plus-values latentes (71) ainsi que sur les plus-values réelles de droit commun (qui peuvent être constatées au titre d’une période de résidence fiscale en France du contribuable, par exemple les premiers mois de l’année de son départ).

Cette règle de non-imputation peut paraître rigoureuse mais il convient de noter qu’elle n’interdira pas l’imputation des moins-values effectivement réalisées, comme on le verra ci-après. Il n’est donc, en quelque sorte, que sursis à l’imputation des moins-values (qui ne sont que virtuelles) jusqu’à leur réalisation effective, comme il pourra être sursis au recouvrement de l’impôt sur la plus-value.

E.– UN IMPÔT AU PAIEMENT DUQUEL IL POURRA ÊTRE SURSIS

En droit, le principe, implicite dans la rédaction proposée, sera le paiement immédiat de l’impôt dû à l’occasion du départ de France et l’exception, le sursis au paiement. En pratique, le sursis au paiement sera, toutefois, fréquemment possible.

Il convient de noter que les règles relatives au sursis, comme d’ailleurs l’ensemble des règles relatives au paiement de l’impôt (72), s’appliqueront également aux prélèvements sociaux dans les mêmes conditions compte tenu du renvoi de portée générale des dispositions les régissant aux règles de recouvrement de l’impôt sur le revenu.

1.– Les cas de sursis au paiement

Le sursis sera ainsi accordé de droit et sans conditions particulières lorsque le contribuable part dans un État de l’Union ou, si cet État présente des garanties de coopération suffisantes en matière fiscale (73) (disposition excluant le Liechtenstein), dans un autre État partie à l’Espace économique européen (alinéa 13).

En cas de départ vers tout autre État, y compris si ce départ intervient dans un second temps (c’est-à-dire dans l’hypothèse d’un contribuable quittant la France pour un État membre de l’Union puis celui-ci pour un État tiers), le sursis ne sera, en principe, possible, sur demande du contribuable, que si celui-ci désigne un représentant et constitue auprès du comptable public des garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor (alinéas 14 à 17). Il convient de noter, d’une part, que les garanties devront être constituées par le contribuable préalablement à son départ et, d’autre part, que la demande devra également comporter une déclaration de l’assiette (déclaration qui sera donc anticipée par la déclaration de droit commun des contribuables ne demandant pas à bénéficier du sursis qui sera, comme le verra ci-après, leur déclaration d’impôt sur le revenu de droit commun, souscrite au cours de l’année suivant leur départ).

Le représentant du contribuable n’est qu’un intermédiaire entre lui et l’administration fiscale. Il s’agit d’une personne désignée à l’administration par le contribuable comme autorisée par lui à recevoir, en ses lieu et place, les communications relatives à l’impôt. Cette personne ne peut être mise en cause pour les paiements des impôts dus.

Le fonctionnement de l’éventuelle garantie est présenté ci-après.

Par exception (alinéa 18), la constitution des garanties ne sera toutefois pas exigée d’un contribuable transférant son domicile fiscal vers un État tiers lorsque :

– cet État présente des garanties de coopération suffisantes en matière fiscale,

– et que ce transfert de domicile obéit à des raisons professionnelles.

Les différentes hypothèses sont présentées de manière synthétique dans le tableau ci-après :

État de destination

Garanties de coopération fiscale

Justification professionnelle au transfert de domicile

Bénéfice du sursis au paiement

Conditions au bénéfice du sursis

État membre de l’UE

-

-

Automatique

-

Autre État partie à l’EEE

Oui

-

Automatique

-

Non

-

Sur demande

Désignation d’un représentant en France + constitution de garanties

État tiers

Oui

Oui

Sur demande

Désignation d’un représentant en France

Non

Sur demande

Désignation d’un représentant en France + constitution de garanties

Non

-

Sur demande

Désignation d’un représentant en France + constitution de garanties

En d’autres termes, la constitution de garanties conditionnera le bénéfice du sursis au paiement sauf si le contribuable :

– reste dans l’Union européenne,

– part vers un État partie à l’EEE présentant des garanties en matière coopération fiscale ou

– part, pour des raisons fiscales, vers un autre État présentant des garanties en matière coopération fiscale.

2.– Le fonctionnement et les effets du sursis au paiement

L’alinéa 19 précise que l’éventuel sursis au paiement interrompt la prescription, ce qui est classiquement prévu pour un mécanisme de ce type, et assimile, pour le règlement des litiges, ce sursis à un sursis au paiement dans le cadre d’une réclamation contentieuse par renvoi aux dispositions correspondantes du livre des procédures fiscales.

Dans le cas où la constitution de garanties est exigée, celles-ci seront donc soumises au régime actuellement applicable en cas de sursis au paiement dans le cadre d’une réclamation contentieuse. Il en résulte, aux termes des dispositions des articles R. 277-1 et suivants du livre des procédures fiscales, que ces garanties pourront « être constituées par un versement en espèces qui sera effectué à un compte d'attente au Trésor, par des créances sur le Trésor, par la présentation d'une caution, par des valeurs mobilières, des marchandises déposées dans des magasins agréés par l'État et faisant l'objet d'un warrant endossé à l'ordre du Trésor, par des affectations hypothécaires, par des nantissements de fonds de commerce ». L’instruction fiscale du 24 septembre 2009 (BOI n° 12-A-2-09) précise que cette énumération n’est pas exhaustive, d’autres garanties pouvant être acceptées par le comptable public sur la proposition du contribuable si elles sont propres à assurer le recouvrement de l’impôt.

Il convient de noter qu’en application de l’article L. 208 du livre des procédures fiscales, le coût de la constitution des garanties sera remboursé au contribuable si les sommes correspondantes lui sont, en définitive, restituées. Les conditions du remboursement sont précisées aux articles R. 208-4 et R. 208-5 du même livre. Pour un versement en espèces, le remboursement est calculé au taux de l’intérêt de retard – soit, en l’état, 0,4 % par mois – tandis que, pour un nantissement ou une hypothèque, il correspondra aux frais d’actes et, pour une caution, à la rémunération payée à la caution (dans la limite d’un plafond).

F.– LE DÉNOUEMENT DE L’IMPOSITION

Au départ de France, le contribuable entrant dans le champ du présent article est redevable d’un impôt qu’il acquitte ou au titre duquel il bénéficie d’un sursis au paiement. Dans les deux cas, il n’est toutefois que dans une situation provisoire. Son obligation fiscale définitive dépendra, en effet, des événements intervenant postérieurement à son départ.

On peut présenter l’articulation générale selon quatre grandes hypothèses.

 Premier cas de figure : le contribuable conserve les titres et reste à l’étranger plus de huit ans. L’impôt (au sens strict, pas les prélèvements sociaux) au titre des plus-values latentes est alors dégrevé (s’il est en sursis de paiement) ou restitué (s’il a été acquitté).

 Deuxième cas de figure : le contribuable a conservé les titres et revient en France. L’impôt (y compris les prélèvements sociaux) est également dégrevé ou restitué et tout se passe comme si le contribuable n’était jamais parti, que l’imposition ait été établie au titre de plus-values latentes ou de plus-values en report.

 Troisième cas de figure : le contribuable cède ses titres à l’étranger. Une nouvelle computation de l’impôt au terme de laquelle celui-ci ne peut être que réduit est opérée. Elle permet d’établir l’impôt définitif réellement dû qui doit être acquitté. Cet impôt se substitue à l’impôt provisoire en sursis de paiement (qui est dégrevé) ou à l’impôt acquitté au départ de France (dont l’éventuel surplus est restitué).

 Quatrième cas de figure : le décès du contribuable ou une donation des titres intervient antérieurement aux événements précédemment envisagés. Si la mutation à titre gratuit qui en résulte aurait été de nature à purger la plus-value si elle s’était produite en France, l’impôt (provisoire) est dégrevé ou restitué.

Ces différentes hypothèses sont présentées de manière détaillée ci-après.

1.– En cas de conservation des titres plus de huit ans

Pour le seul impôt établi au titre des plus-values latentes (et non pour l’imposition immédiate des plus-values en report), il est prévu un dégrèvement d’office ou, dans le cas où l’impôt a été payé lors du départ, sa restitution à l’expiration d’un délai de huit ans (alinéa 24).

Ce dégrèvement ou cette restitution porte sur la fraction de l’impôt se rapportant à des titres détenus par le contribuable à l’expiration de ce délai. Un contribuable entrant dans le champ du présent article et détenant, à son départ de France, début 2012, deux participations, l’une – la participation A – au titre de laquelle la plus-value latente (PVL) calculée au départ de France est de 100 (et l’impôt de 19) et l’autre – la participation B – au titre de laquelle la PVL est de 200 (et l’impôt de 25, à raison du bénéfice d’un abattement pour durée de détention du tiers) et qui, en 2020, serait toujours détenteur de la participation A sera donc dégrevé à hauteur de 19.

La condition relative au maintien des titres dans le patrimoine du contribuable nécessite d’être interprétée dans deux cas particuliers. Le premier est celui dans lequel les titres détenus au départ de France ont été échangés avec d’autres titres dans le cadre d’une opération intercalaire ne faisant pas expirer le sursis (régime de l’article 150-0 B). Dans ce cas, cette condition doit être réputée satisfaite dès lors que le contribuable détient, à l’expiration d’un délai de huit ans suivant son départ, les titres acquis à l’occasion de cet échange. Le second cas particulier est celui d’un démembrement de la propriété des titres postérieurement au départ de France. Dans ce cas, le contribuable doit également être réputé avoir conservé dans son patrimoine les titres dont il conserve effectivement soit l’usufruit soit la nue-propriété. Le dégrèvement ou la restitution de l’impôt ne portera toutefois alors que sur sa fraction afférente aux droits effectivement conservés par le contribuable.

Dans la mesure où l’abattement pour durée de détention prévu par
l’article 150-0 D bis s’appliquera aux contribuables ayant quitté le territoire et que la fraction de la durée de détention correspondant au séjour à l’étranger sera prise en compte pour son calcul (alinéas 31 et 32), la portée concrète de cette disposition sera limitée. En pratique, son effet principal sera donc d’exonérer d’impôt des plus-values sur des titres n’entrant pas dans le champ d’application de l’abattement de durée de détention (lequel ne concerne que les parts de société opérationnelle européenne imposée à l’IS ou à un impôt équivalent).

Il convient de noter qu’une disposition similaire avait été prévue en 1998, la durée de séjour à l’étranger au terme de laquelle le dégrèvement de l’impôt était acquis étant alors fixée à cinq ans.

Ce dégrèvement à l'expiration d'un délai de huit ans est appliqué seulement à l'impôt sur le revenu. L’alinéa 48, qui modifie l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, prévoit qu’il n’est pas applicable aux prélèvements sociaux (l’article L. 136-6 ne concerne directement que la seule contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine mais détermine, par le jeu des renvois des dispositions qui leur sont propres, l’assiette de l’ensemble des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine).

On notera que cette disposition prévoyant que le dégrèvement ou la restitution jouant en matière fiscale après huit ans de séjour à l’étranger n’est pas applicable en matière de prélèvements sociaux constitue la seule disposition du présent article régissant le paiement de ceux-ci. A contrario, elle impliquerait, selon l’intention du Gouvernement, l’application implicite aux prélèvements sociaux de l’ensemble des règles de paiement prévues explicitement en matière fiscale (sursis, garanties, dégrèvements et restitutions).

2.– En cas de retour en France

En cas de retour en France du contribuable, il est prévu :

– le dégrèvement d’office de l’impôt en sursis de paiement ou la restitution de l’impôt payé au départ de France s’agissant de l’impôt établi au titre de plus-values latentes (alinéa 24) ;

– le « replacement » du contribuable « dans la même situation fiscale que s’il n’avait jamais quitté le territoire français » s’agissant de l’impôt établi au titre des plus-values en report (alinéa 26), cette rédaction devant être comprise comme produisant le même effet que le cas précédent.

Dans les deux hypothèses, comme pour le dégrèvement ou la restitution au terme d’un délai de huit ans, ces dispositions ne joueront que sur la fraction afférente aux titres encore détenus par le contribuable à son retour en France.

3.– En cas de mutation à titre onéreux

En cas de mutation à titre onéreux au sens large, c’est-à-dire de cession mais aussi de rachat, de remboursement ou d’annulation des titres, l’éventuel sursis au paiement expire (alinéa 21).

Afin de traiter le contribuable de la même façon que s’il était resté en France, le même alinéa permet toutefois le maintien du sursis dans l’hypothèse d’une opération intercalaire entrant dans le champ de l’application de
l’article 150-0 B, c’est-à-dire d’une opération d’échange de titres réalisée en France, dans un État de l’Union ou dans un autre État avec lequel la France a conclu une convention en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, y compris lorsque cette opération donne lieu au versement d’une soulte mais à la condition que la soulte éventuellement reçue n’excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus.

4.– En cas de mutation à titre gratuit

L’alinéa 25 dispose que l’impôt sur les plus-values latentes est dégrevé d’office ou restitué s’il a été payé au départ de France en cas de décès du contribuable ou en cas de donation des titres sur lesquels la plus-value a été calculée.

Une mutation à titre gratuit purgerait la plus-value, en effet, si elle était réalisée en France. Le présent article ne modifiant pas les règles de territorialité appliquées en matière de droits de mutation à titre gratuit, le legs ou la donation pourront être imposables en France dans les conditions de droit commun (c’est-à-dire, en application de l’article 750 ter et sous réserve des conventions fiscales applicables, lorsqu’il s’agit de valeurs mobilières françaises et/ou lorsque l’héritier, le légataire ou le donataire a son domicile fiscal en France (74)).

Toutefois, cette règle ne jouera, en cas de donation, que si le donateur démontre que cette donation n’est pas faite à seule fin d’éluder l’impôt au titre des plus-values latentes. En pratique, cette démonstration ne devrait pas être difficile, toute donation produisant des effets autres que fiscaux (et, subsidiairement, au titre des droits de mutation à titre gratuit, des effets fiscaux portant sur d’autres impôts que ceux prévus par le présent article) de sorte qu’il faudrait une donation véritablement fictive (organisant, par exemple, un retour de propriété total ou partiel) et sans conséquence en matière de droits de mutation pour que cette disposition joue. Il est néanmoins prévu que, dans le cas où le contribuable ne parvient pas à procéder à cette démonstration, la donation fait expirer le sursis dans les mêmes conditions qu’une cession (alinéa 22).

Pour les plus-values en report, deux cas sont distingués selon le régime applicable à ces mêmes plus-values en cas de transmission à titre gratuit des titres dans lesquels elles ont été réinvesties.

Généralement, et notamment pour le seul dispositif de report encore ouvert au titre d’opérations nouvelles (l’article 150-0 B bis organisant le report de l’imposition de gains réalisés à l’occasion de l’apport à une société de créances en complément de prix par l’un de ses dirigeants), il est prévu l’expiration du report en cas de transmission des titres acquis. Cette rédaction couvre donc notamment les transmissions à titre gratuit. Toutefois, pour certains dispositifs qui ne sont plus en vigueur, seuls les cas de cession à titre onéreux font expirer le report. Dans le souci constant de l’égalité de traitement qui conditionne la compatibilité du dispositif avec le droit communautaire, il est proposé de reprendre à l’identique ces règles pour les mutations réalisées par un contribuable ayant quitté le territoire.

Pour les plus-values en report en application du II de l’article 92 ainsi que du premier alinéa du 1 et du 4 du I ter de l’article 160 dans leur rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2000, la mutation à titre gratuit (qu’il s’agisse d’une donation ou qu’elle résulte du décès du contribuable) purge la plus-value. L’alinéa 27 prévoit donc que l’impôt provisoire est dégrevé d’office ou restitué s’il a été acquitté au départ.

Pour les autres plus-values en report, la donation (alinéa 22) ou le décès du contribuable (alinéa 23) font expirer le sursis au paiement et l’impôt est dû, le cas échéant, par les héritiers, dans les mêmes conditions que si les titres étaient cédés à titre onéreux.

Il convient de noter que l’ensemble des dispositions relatives aux transmissions à titre gratuit ne visent explicitement que les opérations portant directement sur les titres pour lesquels une plus-value latente a été constatée au départ de France ou était en report à cette date. Elles doivent toutefois être entendues comme s’appliquant également en cas d’opération portant sur des titres échangés avec ceux-ci dans le cadre d’une opération intercalaire postérieure au départ de France entrant dans le champ d’application du dispositif prévu par l’article 150-0 B.

L’ensemble des règles sont présentées de manière synthétique ci-après sous la forme d’un tableau.

Nature de la plus-value

Événement

Conséquence fiscale

PV latentes (I du nouvel article 167 ter)

Cession, rachat, remboursement ou annulation

Expiration du sursis (sauf opération intercalaire)

Donation

Sauf si but fiscal exclusif

Dégrèvement/Restitution

Expiration du sursis

Décès

Dégrèvement/Restitution

Expiration d’un délai de 8 ans

Dégrèvement/Restitution

PV en report purgées par une mutation en France à titre gratuit (1)

Cession, rachat, remboursement ou annulation

Expiration du sursis (sauf opération intercalaire)

Donation

Dégrèvement/Restitution

Décès

Dégrèvement/Restitution

Autres PV en report

Cession, rachat, remboursement ou annulation

Expiration du sursis (sauf opération intercalaire)

Donation

Expiration du sursis

Décès

Expiration du sursis

(1) Plus values en report en application du II de l’article 92 ainsi que du premier alinéa du 1 et du 4 du I ter de l’article 160 dans leur rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2000.

G.– LA CORRECTION DE L’IMPÔT SUR LA PLUS-VALUE LATENTE AU REGARD DU MONTANT RÉEL DE PLUS-VALUE RÉALISÉE

1.– La prise en compte de la valeur réelle de cession

Alors que l’impôt dû au titre des plus-values en report est définitivement établi au départ de France (ce qui n’exclut pas qu’il puisse être dégrevé ou restitué dans certaines des hypothèses précédemment décrites), l’impôt dû au titre des plus-values latentes calculé au départ de France est, en réalité, provisoire. Plus précisément, il s’agit d’un impôt maximal qui ne peut être ensuite que réduit au regard de la plus-value réelle.

L’alinéa 28 prévoit ainsi que, dans l’hypothèse où les titres perdent de la valeur entre le départ de France et leur transmission, la valeur constatée au moment de la transmission réelle (qu’il s’agisse d’une transmission à titre onéreux ou d’une donation) est substituée à la valeur retenue au départ de France pour le calcul de la plus-value.

Il s’agit d’un mécanisme asymétrique qui ne peut jouer qu’en réduction de l’assiette, l’accroissement éventuel de valeur ne pouvant être taxé, conformément aux conventions, que par l’État de résidence.

Ainsi, par exemple, un contribuable quittant la France en 2012 avec une plus-value latente d’un million d’euros sur des titres valant, à la date de son départ, deux millions d’euros et acquis, en 2010, pour un million d’euros qui cède ces titres, à l’étranger, en 2014, au prix de 1,5 million d’euros ne sera imposé que sur une plus-value de 500 000 euros.

L’alinéa 29 prévoit le dégrèvement du supplément éventuel d’impôt (s’il était en sursis de paiement) ou la restitution du supplément payé au départ de France tandis que l’alinéa 30 organise l’annulation complète de l’impôt en cas de perte nette.

Il convient de noter qu’à la différence des règles applicables aux opérations réalisées en France, il n’est pas prévu de corriger la valeur d’acquisition du montant des soultes reçues à l’occasion d’opérations intercalaires d’échange. Il en résulte, en reprenant l’exemple précédent, que si le contribuable parti de France avec des titres valant deux millions d’euros échange à l’étranger ces titres dans une opération intercalaire à l’occasion de laquelle il perçoit une soulte de 190 000 euros puis vend les titres obtenus à l’occasion de l’échange pour 1,81 million d’euros, il serait, en application du dispositif, considéré comme n’ayant réalisé qu’une plus-value réelle de 810 000 euros. Des opérations successives d’échange étant possibles, il en résulte d’évidentes possibilités d’optimisation. Or, il est difficilement envisageable de les encadrer sans prévoir expressément la minoration du prix d’acquisition du montant des soultes reçues, ce qui revient à taxer celles-ci. Or, le fait générateur de la soulte est une aliénation de titres à l’étranger à l’occasion de l’échange qui n’est donc taxable, selon le principe généralement retenu par les conventions fiscales, que dans l’État de résidence.

Plus généralement, il convient de souligner les difficultés significatives qui peuvent se poser en termes de contrôle quant à l’appréciation de la réalité du prix perçu à l’étranger (comment s’assurer que le contribuable ne perçoit pas un complément de prix dissimulé ?) et, a fortiori, quant à la valeur de biens transmis à titre gratuit à l’étranger et dont la transmission ne sera pas systématiquement le fait générateur d’un impôt étranger.

2.– Le bénéfice des abattements pour durée de détention

Les alinéas 31 et 32 prévoient, respectivement au titre des plus-values et des moins-values, l’application des abattements pour durée de détention à la date de la cession à titre onéreux des titres (75).

Cette cession intervenant, par construction, après le départ de France, cette disposition ne vise que le cas où ces abattements seraient supérieurs à ceux calculés au départ de France, la durée de détention, qui continue à courir à l’étranger, étant accrue de la durée séparant la date du départ de celle de la cession.

Concrètement, un contribuable quittant la France avec une plus-value latente (imposable en application du présent article) sur des titres (d’une société opérationnelle européenne éligible à l’abattement pour durée de détention) qu’il détient depuis quatre ans au moment de ce départ et les cédant cinq après celui-ci se verra dégrevé de l’intégralité de l’impôt sur la plus-value latente (ou cet impôt lui sera restitué s’il l’a acquitté au départ) puisque l’on constatera, au moment de la cession réelle, qu’il a détenu les titres neuf ans (dont quatre en France et cinq à l’étranger).

Il convient de noter que l’alinéa 32 prévoit l’application des abattements pour durée de détention aux moins-values constatées à l’occasion d’une donation « fictive » faisant expirer le sursis d’imposition.

3.– Les conditions d’imputation des moins-values réelles

L’alinéa 34 prévoit que les éventuelles moins-values constatées au moment de la cession réelle (ou de la donation fictive qui lui est assimilable) sur des titres en plus-value latente au départ de France peuvent être imputées sur d’autres catégories de plus-values.

La première correspond aux plus-values réalisées par des non-résidents à raison de participations substantielles dans une société française (taxation sur le fondement de l’article 244 bis B).

La seconde correspond aux plus-values de droit commun qui seraient réalisées après le retour en France du contribuable.

L’imputation intervient dans les conditions de droit commun, les moins-values étant « tunnelisées » sur des plus-values mobilières et reportables pendant les dix années suivant l’année au cours de laquelle elles ont été supportées.

Cette disposition permet de traiter dans les mêmes conditions un contribuable ayant quitté la France et un contribuable qui y est resté (ou qui y est revenu). Elle pose néanmoins trois difficultés.

La première est qu’elle aboutit, paradoxalement, à traiter plus favorablement un contribuable entrant dans le champ du présent article (parce qu’il détient suffisamment de titres pour que cet article lui soit applicable) et un contribuable dont le patrimoine est inférieur et qui, tous deux, enregistreraient une moins-value à l’occasion d’une cession à l’étranger avant de revenir en France.

On notera également qu’un même contribuable réalisant sur des participations différentes des opérations réelles identiques pourra être traité différemment selon la situation virtuelle constatée au départ de France. Ainsi, par exemple, un contribuable qui part à l’étranger en détenant deux participations A et B, chacune acquise pour un même montant de dix millions d’euros mais dont l’une, A, vaut huit millions d’euros à son départ quand l’autre, B, vaut à cette date vingt millions d’euros, et qui, une fois l’étranger, cède les deux participations pour un même montant de cinq millions d’euros ne bénéficiera de moins-value reportable qu’au titre de la participation B (celle-ci ayant été à l’instant de raison de son départ en plus-value latente) et non de la participation A (qui « échappe » au présent article puisqu’elle était en moins-value latente au départ).

La seconde difficulté, pratique, est que le dispositif aboutit, comme on vient de l’indiquer, à permettre d’imputer sur de l’impôt français « traditionnel » des moins-values réalisées à l’étranger dont le contrôle (qui suppose la connaissance du vrai prix des cessions) peut être délicat. En d’autres termes, la volonté de taxer « à la sortie » des plus-values latentes contraint à laisser « rentrer » des moins-values dont, d’une part, il sera bien difficile de s’assurer de la réalité et dont, d’autre part, l’intégralité du montant éventuel de la moins-value s’imputera sur de l’impôt français alors que la taxation des plus-values correspondantes ne dégagera qu’un produit net limité au différentiel de taux avec l’impôt étranger (qui s’imputera, dans les conditions précisées ci-après, sur l’impôt français).

Enfin, une troisième difficulté est que le dispositif peut ouvrir aux contribuables concernés le bénéfice d’une double imputation de la moins-value réelle, d’une part, au regard du droit de l’État de résidence sur d’autres revenus taxés par celui-ci et, d’autre part, au regard du droit français.

4.– L’imputation de l’impôt étranger

L’alinéa 35 prévoit, de manière générale, l’imputation de l’impôt étranger dû à raison d’une cession (réelle) sur l’impôt dû à la France au titre de la plus-value latente afférente aux mêmes titres (corrigé en fonction du prix effectif de cession et, le cas échéant, de la durée totale de détention des titres). Cette imputation ne concerne donc pas l’impôt sur les plus-values en report d’imposition, ces plus-values ayant, par définition, été intégralement réalisées avant le départ de France.

Pour organiser l’imputation, il est proposé d’établir le rapport entre l’assiette de l’impôt étranger et l’assiette de l’impôt français et de retenir l’impôt étranger dans la même proportion. La rédaction proposée évoquant l’assiette de l’impôt (français) définitif calculée notamment compte tenu de l’effet de l’éventuel abattement pour durée de détention, elle ne peut être comprise que comme renvoyant à l’assiette fiscale française (le cas échéant, abattue à raison de la durée de détention) indépendamment de l’assiette sociale.

Ainsi, par exemple, pour un contribuable ayant acquis un titre 50, quittant la France alors qu’il vaut 150 et le cédant 250 dans un État taxant les plus-values à 25 %, le calcul serait le suivant :

– l’impôt « provisoire » au départ de France est assis sur 100 et s’établit donc à 31,3,

– l’impôt étranger est assis sur 200 et s’établit donc à 50,

– l’assiette de l’impôt français étant la moitié de l’assiette de l’impôt étranger, la moitié de l’impôt étranger (soit 25) est donc imputable sur l’impôt français et le contribuable est donc redevable à la France d’un impôt net s’élevant à 6,3.

En d’autres termes, le dispositif vise à prélever sur le contribuable un supplément d’imposition par rapport à ce qu’il paierait à l’étranger correspondant à l’application de la différence entre le taux français et le taux étranger (soit, dans l’exemple, 6,3 %) à la seule assiette constatée au départ de France (soit 100, d’où un impôt net français de 6,3). La « double imposition » économique de la fraction d’assiette qui est taxée à la fois par la France et par l’État étranger est donc intégralement prise en charge par la France de sorte que le dispositif est neutre pour l’État étranger.

Comme cela a été indiqué, il est tenu compte dans le mécanisme des corrections apportées à l’impôt initialement calculé. Ainsi, par exemple, si le même contribuable ayant acquis un titre 50, quittant le territoire alors qu’il vaut 150 et le cédant 100 dans le même État (taxant les plus-values à 25 %) au terme d’un délai le rendant éligible à un abattement d’un tiers pour durée de détention, le calcul sera la suivant :

– l’impôt « provisoire » au départ de France est assis sur 100 et s’établit donc à 31,3,

– l’impôt étranger est assis sur 50 et s’établit donc à 12,5,

– l’impôt français est doublement minoré, d’une part, au regard de l’assiette réelle et, d’autre part, au regard de l’abattement pour durée de détention. Il en résulte une assiette sociale de 50 (l’abattement pour durée de détention ne jouant pas au titre des prélèvements sociaux) et une assiette fiscale de 33,33 (les deux tiers de l’assiette réelle compte tenu de l’abattement pour durée de détention) d’où un impôt total de 12,42 (12,3 % de 50 + 19 % de 33,33),

– l’assiette de l’impôt français (33,33) représente les deux tiers de l’assiette de l’impôt étranger (50) de sorte que les deux tiers de l’impôt étranger (soit 8,33) sont imputables sur l’impôt français,

– le contribuable doit acquitter à la France la différence entre 12,42 (impôt français « définitif ») et l’impôt étranger imputable (8,33) soit 4,09.

Il convient de noter qu’en toute hypothèse, l’impôt étranger s’impute dans la limite de l’impôt français définitif. Il n’est donc pas restituable par la France.

Comme les exemples le reflètent, il convient également de noter que l’intention est d’autoriser l’imputation de l’impôt étranger sur l’impôt français au sens le plus large, c’est-à-dire incluant les prélèvements sociaux, conformément à l’application traditionnelle des conventions fiscales.

5.– L’articulation avec le régime de taxation des plus-values sur des participations substantielles

Comme cela a été rappelé, l’article 244 bis B permet, sous réserve des conventions fiscales, de taxer les gains réalisés par des non-résidents à l’occasion de cessions de droits sociaux de sociétés ayant leur siège en France lorsque ces non-résidents ont détenu, à un moment quelconque au cours des cinq années précédant la cession, directement ou indirectement, avec leur groupe familial (conjoint, ascendants et descendants), plus de 25 % des droits aux bénéfices sociaux de la société.

Conséquemment, une même opération pourra entrer dans le champ du présent article et dans celui de l’article 244 bis B. Il n’est pas abusif de dire que l’un des principaux objectifs du présent article est de préserver l’assiette dont la taxation est prévue par l’article 244 bis B mais que la quasi-totalité des conventions fiscales interdit.

L’alinéa 33 prévoit donc d’articuler les deux dispositifs en donnant, en quelque sorte, une priorité à la taxation sur le fondement de l’article 244 bis B (priorité qui trouve notamment sa justification dans le fait que cet article prévoit un taux de taxation majoré à 50 % lorsque la cession est réalisée par le résident d’un État ou territoire non coopératif). À cet effet, il prévoit de dégrever l’impôt sur la plus-value latente établi en application du présent article quand (implicitement, sur les mêmes titres) une plus-value imposable sur le fondement de l’article 244 bis B est réalisée à l’occasion d’une cession ou d’un rachat de titres.

Compte tenu des difficultés conventionnelles que rencontre l’application de l’article 244 bis B, il importe évidemment que cette rédaction ne puisse être comprise comme prévoyant le dégrèvement lorsque l’opération serait imposable (en application du 244 bis B) mais n’est pas imposée (en raison d’une convention fiscale).

Par ailleurs, il convient de noter que les contribuables imposés sur le fondement de l’article 244 bis B sont, par construction, des non-résidents qui ne sont donc pas redevables des prélèvements sociaux. Le « basculement » proposé de l’imposition de la plus-value latente (y compris par les prélèvements sociaux) à l’imposition de la plus-value réelle au titre de l’article 244 bis B aboutit donc, de fait, à exonérer de prélèvements sociaux les plus-values latentes constatées au départ de France sur des titres constituant des participations substantielles.

H.– LES OBLIGATIONS DÉCLARATIVES

1.– La déclaration initiale

L’alinéa 36 dispose que le contribuable quittant la France doit déclarer les plus-values latentes ou en report d’imposition sur sa déclaration d’impôt sur le revenu au titre des revenus de l’année de son départ.

Cette déclaration sera souscrite dans les conditions de droit commun donc au milieu de l’année suivant celle du départ. Sa date limite dépendra du nouveau lieu de résidence. Au titre des revenus de 2010, elle est ainsi fixée au 30 juin 2011 pour les contribuables domiciliés en Europe, dans le pourtour méditerranéen, en Amérique du Nord ou en Afrique et au 15 juillet 2011 pour les contribuables domiciliés dans d’autres régions du monde.

Les premières déclarations comprenant les éléments nécessaires à l’application du présent article seront donc déposées à l’été 2012.

Comme cela a été précédemment indiqué, les contribuables astreints à la constitution de garanties pour bénéficier d’un sursis au paiement de l’impôt devront constituer ces garanties préalablement à leur départ (en application de l’alinéa 17). Pour ces contribuables, il est rappelé qu’une déclaration spécifique de l’assiette imposable est prévue (par le même alinéa 17) dans le cadre de la demande de sursis.

2.– Les déclarations ultérieures

Postérieurement à leur départ à l’étranger, les contribuables seront astreints à des obligations déclaratives différentes selon leur situation au départ de France.

Les contribuables ayant bénéficié d’un sursis de paiement devront, chaque année, aux termes de l’alinéa 37, rappeler à l’administration le montant cumulé des impôts en sursis de paiement et l’assiette initiale sur la base de laquelle ce montant a été calculé à l’occasion de leur déclaration annuelle de revenus (dont ces informations pourront constituer le seul contenu en l’absence de revenus taxables en France). Cette déclaration annuelle indépendante de tout événement ne sera, en revanche, pas exigée des contribuables ayant acquitté l’impôt lors de leur départ de France.

En revanche, l’ensemble des contribuables concernés par le dispositif devront, en application de l’alinéa 42, informer l’administration de leurs éventuels changements de domicile fiscal dans les deux mois suivant ceux-ci.

Par ailleurs, l’alinéa 38 impose la déclaration des événements entraînant l’expiration du sursis de paiement. Cette déclaration sera, en pratique, la déclaration de revenus de l’année au cours de laquelle le sursis expire, souscrite l’année suivante. L’impôt correspondant sera liquidé par le contribuable lui-même qui corrigera, le cas échéant, l’assiette par rapport à celle retenue au départ de France et qui devra fournir à l’administration « les éléments de calcul retenus ». L’impôt sera dû au moment du dépôt de cette déclaration.

L’alinéa 39 autorise le contribuable ayant acquitté l’impôt lors de son départ de France à demander la restitution de l’éventuel surplus constaté à l’occasion du calcul de l’impôt définitif résultant d’une cession (ou d’une donation fictive). Cette disposition ne vise que la minoration de l’impôt résultant de la révision de l’assiette au regard de la plus-value réellement dégagée mais non sa minoration par l’effet des abattements pour durée de détention.

Les modalités de cette demande, qui doit intervenir « lors de » la cession, ne sont pas précisées.

L’alinéa 40 – qui vise implicitement l’ensemble des contribuables concernés par le présent article – prévoit la déclaration du retour en France, de l’expiration du délai de huit ans à l’étranger, des donations et des décès selon des modalités qui ne sont pas précisées.

Enfin, l’alinéa 41 sanctionne le défaut de la déclaration annuelle des contribuables bénéficiant d’un sursis de paiement ou de la déclaration des événements faisant expirer le sursis ainsi que l’omission de renseignements dans ces déclarations par l’exigibilité immédiate de l’impôt en sursis de paiement.

I.– LES DISPOSITIONS DE COORDINATION ET D’APPLICATION

L’alinéa 43 prévoit qu’un décret en Conseil d’État fixera les conditions d’application du nouvel article 167 ter créé par le présent article, notamment les obligations déclaratives des contribuables.

L’alinéa 44 est de coordination.

Les alinéas 45 à 48 modifient l’article L. 136-6 du code de sécurité sociale qui détermine l’assiette de la contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine et, indirectement, des autres prélèvements sociaux sur les mêmes revenus.

Ils élargissent cette assiette aux plus-values latentes que le présent article vise à imposer en précisant que le dégrèvement ou la restitution de l’impôt au terme d’un séjour de huit ans à l’étranger ne s’applique pas en matière de CSG (et, par extension, de prélèvements sociaux en général).

J.– L’ENTRÉE EN VIGUEUR

L’alinéa 49 dispose que les dispositions du présent article sont applicables aux transferts de domicile fiscal intervenus à compter du 3 mars 2011.

La date retenue correspond à celle à laquelle une première publicité a été donnée à la mesure. Il s’agirait donc, selon les informations apportées par le Gouvernement, de lutter contre l’évasion fiscale en rendant le dispositif applicable à des transferts de domicile intervenus entre cette date et l’entrée en vigueur de la loi.

Cette intention est tout à fait louable. En pratique, il convient toutefois de noter (outre l’impossibilité pratique d’imposer à des contribuables déjà partis de constituer des garanties préalablement à leur départ comme le prévoit le présent article) que les transferts de domicile seront déclarés par les contribuables eux-mêmes à l’été prochain. Il leur appartiendra de préciser la date de leur départ à l’occasion de la déclaration de leurs revenus de 2011. La capacité de l’administration à apprécier, seize mois après les faits, qu’un départ est effectivement survenu en mars plutôt qu’en février sera donc probablement contrainte.

IV.– LES INCERTITUDES ENTOURANT LE CHIFFRAGE DU RENDEMENT DE LA MESURE

Le produit attendu est estimé par le Gouvernement à 87 millions d’euros en 2012 et, à compter de 2013, à 189 millions d’euros en année pleine. Ce produit se décompose en 115 millions d’euros de recettes pour l’État au titre de l’impôt sur le revenu en année pleine (53 millions d’euros en 2012) et en 74 millions de recettes sociales en année pleine (74 millions d’euros en 2012).

Cette estimation résulte de 8 étapes de calcul qui visent à estimer successivement la valeur du patrimoine financier des contribuables concernés par la mesure (étapes 1 à 4), la part des plus-values latentes dans ce patrimoine (étape 5) et l’impôt résultant de la taxation de ces plus-values (étapes 6 à 8). Ces étapes sont les suivantes :

1. Le patrimoine financier déclaré par les redevables de l’ISF en 2008 et ayant déplacé leur domicile fiscal hors de France était de 896 millions d’euros,

2. L’enquête « patrimoine 2004 » réalisée par l’INSEE en 2003 par sondage auprès de 9 692 ménages, conduit à estimer, pour le dernier décile de patrimoine, un ratio entre les actifs professionnels et les valeurs mobilières,

3. Le ratio entre les actifs professionnels et les valeurs mobilières (au sens de l’enquête de l’INSEE) constaté parmi les répondants à l’enquête appartenant au dernier décile de patrimoine est utilisé pour évaluer la valeur des biens professionnels (au sens de l’ISF) de la population de référence,

4. La somme de la fraction du patrimoine financier déclaré par les redevables de l’ISF en 2008 ayant déplacé leur domicile fiscal hors de France constitué de titres non cotés et de l’estimation de la valeur de leurs biens professionnels ainsi établie, soit 1 944 millions d’euros, est supposée égale à la valeur des titres et droits sociaux qu’ils détiennent (improprement qualifiée d’ « assiette taxable »),

5. Dans la mesure où, en ne tenant pas compte des années 2008 et 2009, le CAC40 a progressé de 10 % par an en moyenne entre 2002 et 2010, les contribuables concernés sont supposés avoir réalisé, en moyenne, une plus-value de 60 % sur leur patrimoine mobilier de sorte que la plus-value latente constitue 37,5 % de celui-ci (soit 729 millions d’euros),

6. Le produit attendu est évalué par application à cette assiette du taux d’imposition (31,3 % en cumulant IR et prélèvements sociaux) d’où un rendement « brut » de 228 millions d’euros,

7. Le « coût des retours dans le délai de huit ans lorsque les titres ont été conservés » est estimé par l’application au produit d’un abattement de 30 % d’où un rendement « net » de 160 millions d’euros,

8. Ce montant est actualisé « en valeur 2011 » en le majorant dans une proportion égale à l’évolution du CAC en 2009 et 2010 (soit 18 %) d’où l’évaluation finalement retenue de 189 millions d’euros.

Il convient de noter que ce chiffrage semble mal rendre compte de plusieurs paramètres importants. Les quatre principales limites du chiffrage sont, à cet égard :

– l’absence de prise en compte des événements purgeant la plus-value (donations, décès, expiration d’un délai de huit ans),

– l’absence de prise en compte des abattements pour durée de détention,

– l’absence de prise en compte de l’imputation de moins-values réalisées à l’étranger,

– enfin et surtout, l’absence de prise en compte de l’imputation de l’impôt étranger, imputation qui minorera, parfois très fortement, le produit réel au titre des cessions réalisées dans des États taxant la plus-value par rapport au produit théorique résultant de la simple application du taux français.

En sens inverse, il convient de noter que l’évaluation préalable du présent article ne chiffre aucun produit afférent à l’imposition des plus-values en report. Au titre du dispositif appliqué de septembre 1998 à janvier 2005, le montant des droits correspondants, dégrevés lors de la suppression définitive du dispositif par la loi de finances rectificative pour 2005, avait été estimé par le Gouvernement à la demande du Rapporteur général à 73 millions d’euros (hors prélèvements sociaux) soit un peu moins de 11,7 millions d’euros par année d’application au seul titre de l’impôt sur le revenu et au taux de 2006.

La taxation au taux actuellement applicable d’une même assiette produirait une recette fiscale et sociale d’un peu moins de 23 millions d’euros mais le Rapporteur général ne dispose d’aucun élément lui permettant de juger dans quelle mesure l’assiette concernée a évolué. Cette assiette comprend en effet des dispositifs en extinction depuis 2000 de sorte que l’on peut supposer que les montants des plus-values encore en report sur leur fondement est moindre qu’il ne l’était entre 1998 et 2005.

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La Commission examine l’amendement CF 190 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Dans la rédaction du Gouvernement, sont soumis à l’exit tax les contribuables qui ont passé les six dernières années en France. Il suffirait donc d’interrompre ces six années par un bref séjour à l’étranger pour l’éviter. Cet amendement précise qu’il s’agit de six ans parmi les dix dernières années.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 1257).

Elle est saisie de l’amendement CF 35 du président.

M. le président Jérôme Cahuzac. L’article 18 soumet à l’exit tax les contribuables détenant une participation de plus de 1 % dans les bénéfices d’une société, ou d’une valeur de plus de 1,3 million d’euros, mais ne dit rien de ceux qui détiendraient plusieurs participations dont le total dépasserait ce montant. Ils doivent être soumis à la même imposition, sans quoi on assistera à un détournement du dispositif.

M. le rapporteur général. L’exit tax ne vise pas les gens qui s’expatrient avec un petit patrimoine, correspondant à la première tranche de l’ISF. Elle est faite pour ceux qui veulent vendre une entreprise, dont ils sont souvent un fondateur, avec une exonération totale de la plus-value, ce qui est possible par exemple en Belgique ou dans certains cantons suisses. C’est pourquoi il faut apprécier les participations séparément. Le montant de 1,3 million correspond au seuil d’assujettissement à l’ISF dans sa version à venir. Cela introduit, c’est vrai, une confusion. On aurait pu retenir 3 millions, le seuil de la seconde tranche. Mais le dispositif ne vise en aucun cas un patrimoine d’ensemble.

L’exit tax existe dans d’autres pays, à commencer par l’Allemagne. Je suis d’ailleurs étonné que le dispositif allemand n’ait pas fait l’objet d’un recours, sur la base de l’arrêt Lasteyrie. En effet, les Allemands sont imposés dès lors qu’ils sont expatriés depuis plus de cinq ans, même s’ils n’ont pas vendu leur entreprise – autrement dit si la plus-value reste latente. Dans l’article 18 en revanche, et contrairement à l’exit tax Strauss-Kahn de 1999, l’imposition n’est réellement payée que si la plus-value latente est réalisée. Le fait générateur est le départ pour l’étranger, mais la taxe n’est effectivement payée qu’après la réalisation. Nous ne devrions donc pas avoir de problème de compatibilité avec le droit européen.

M. le président Jérôme Cahuzac. Vous partez de l’hypothèse que les Français qui s’expatrient n’ont de participation que dans une entreprise, mais vous ne pouvez exclure le départ de quelqu’un détenant plusieurs participations, pour un montant total éventuellement plus élevé que le seuil de 1,3 million. Mon amendement ne remet pas en cause le principe de l’exit tax, mais il permet d’éviter une absurdité.

M. le rapporteur général. Nous n’avons pas voulu viser des contribuables qui auraient plusieurs participations, même importantes en cumul, dans différentes sociétés, mais ceux qui voudraient céder une grosse participation dans une entreprise. Cet article doit s’entendre de façon analytique, non synthétique.

M. le président Jérôme Cahuzac. Au nom de quoi le patron qui décide de vendre son entreprise serait-il pénalisé, alors que le détenteur de plusieurs participations serait exonéré ? C’est indéfendable.

M. le rapporteur général. Je ne suis pas complètement insensible à votre argumentaire. Je déposerai d’ailleurs un amendement sur les plus-values en report : celles-ci, qui sont dues, ne doivent pas être oubliées, même si elles sont inférieures à 1,3 million. En revanche, pour les plus-values latentes, je ne vais pas aussi loin que vous.

M. le président Jérôme Cahuzac. La question n’est pas que la plus-value soit latente ou effective ! Il s’agit de deux investisseurs, ayant des participations l’un dans une entreprise, l’autre dans plusieurs – avec un patrimoine sans doute supérieur au premier. Mais seul le premier est visé par l’exit tax, le second en est exonéré. C’est absurde !

De surcroît, le rendement de la taxe serait affecté, car le Gouvernement, en faisant son chiffrage, n’a sans doute pas fait cette distinction.

Mme Chantal Brunel. En tout cas, si cet amendement n’est pas adopté, la fortune des conseillers fiscaux est faite !

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 1258).

Elle examine l’amendement CF 191 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Le Gouvernement ne retient dans l’assiette que les droits sociaux et valeurs mobilières. Je l’élargis aux titres, aux droits portant sur ces valeurs, droits ou titres et aux titres représentatifs de valeurs, droits ou titres.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 1259).

Elle est saisie de l’amendement CF 36 du président.

M. le président Jérôme Cahuzac. L’article 18 soumet les non résidents aux mêmes règles fiscales que les résidents. Non seulement l’abattement pour durée de détention leur est applicable, mais cette durée elle-même continue de courir pendant leur séjour à l’étranger ! Vous m’avez déjà dit que nous en traiterions dans le PLF pour 2012, mais le problème se pose dès maintenant car des événements qui auraient purgé la plus-value, intervenus en France, donneraient lieu à l’étranger à un dégrèvement ou à une restitution de l’impôt, ce qui contrevient à l’esprit de l’article.

M. le rapporteur général. L’article 18 prend en compte le dispositif de la loi de finances pour 2006 sur la purge des plus-values au bout de huit ans de détention. Nous en reparlerons lors du projet de loi finances pour 2012.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CF 192 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Un contribuable parti à l’étranger et qui réaliserait des opérations intercalaires d’échange de titres peut à cette occasion toucher des soultes qui le feraient échapper complètement à l’exit tax. C’est ce qu’il faut éviter.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 1260).

Elle est saisie de l’amendement CF 34 du président.

M. le président Jérôme Cahuzac. On ne voit pas pourquoi une donation faite à l’étranger assurerait au contribuable un dégrèvement d’impôt, ou une restitution si l’impôt était déjà acquitté. En outre, le dispositif est inapplicable, puisque l’article 18 précise qu’il ne bénéficie pas aux donations faites aux seules fins d’éluder l’impôt : comment le contribuable pourra-t-il prouver que ce n’est pas le cas ? Je propose donc de supprimer ce dégrèvement.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Il n’y a pas de raison, le contribuable étant parti depuis quelques années, de lui faire subir un sort différent en matière de succession ou de donation que s’il était resté en France.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CF 193 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Comme l’amendement CF 192, cet amendement vise à éviter des optimisations mais pour ce qui est de l’imputation des moins-values. Reconnaissez que mes amendements tendent plutôt à élargir la taxe !

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 1261).

Elle est saisie de l’amendement CF 194, toujours du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Il s’agit de maintenir les prélèvements sociaux en cas de dégrèvement de l’impôt sur la plus-value latente à raison d’une opération taxable en application de l’article 244 bis.B.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 1262).

Elle adopte l’article 18 ainsi modifié.

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Article additionnel après l’article 18

Contrôle de l’achat au détail de métaux

Le présent article additionnel vise à faciliter le contrôle de l’achat au détail de métaux et ainsi renforcer la lutte contre les trafics.

Selon les estimations d’Eco-systèmes, des particuliers qui dérobent occasionnellement des métaux peuvent gagner jusqu’à 50 000 euros par an en échappant à toute imposition. Les sommes sont encore plus conséquentes pour les réseaux organisés. Les ferrailleurs eux-mêmes ont intérêt au paiement du métal en liquide.

Plus de 500 sites sont concernés en France : 80 % des transactions y sont effectuées en liquide, pour des montants qui peuvent représenter jusqu’à 15 000 euros par jour, soit plus d’un milliard d’euros par an. Si ces transactions en liquide doivent être enregistrées par le ferrailleur sur son registre de police – cette obligation a été renforcée par la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI 2) n° 2011-267 du 14 mars 2011 –, et limitées à 500 euros l’unité, les recoupements et les contrôles des forces de l’ordre sont difficiles.

L’activité de cette filière frauduleuse est aujourd’hui évaluée à plus d’un milliard d’euros, ce qui équivaut à une perte nette de recettes fiscales pour l’Etat de l’ordre de 50 millions d’euros par an.

1.– Les acheteurs de métaux ferreux et non ferreux deviennent tiers déclarants pour le fisc

À compter du 30 juin 2012, toute personne physique ou morale se livrant à l’achat au détail de métaux ferreux et non ferreux devra remettre avant le 31 janvier de chaque année à la direction des services fiscaux de son domicile ou du siège de l’établissement une déclaration faisant notamment apparaître l’identité et l’adresse des vendeurs et le cumul annuel des achats effectués auprès de chacun d’eux. Le paragraphe I du présent article additionnel insère en conséquence un nouvel article 88 A dans le code général des impôts.

2.– Interdiction du paiement en numéraire

Le paiement en numéraire pour l’achat au détail de métaux ferreux et non ferreux est actuellement autorisé jusqu’à 500 euros conformément au décret n° 2011-114 du 27 janvier 2011. Cette possibilité donne toutefois lieu à de nombreux contournements, notamment à travers la multiplication des transactions. Seules les transactions effectuées par chèque barré, virement bancaire ou postal ou par carte de paiement seraient désormais autorisées.

Le II du présent article additionnel modifie l’article L. 112-6 du code monétaire et financier pour supprimer toute possibilité de paiement en numéraire pour les transactions relatives à l’achat au détail de métaux.

Il maintient le plafonnement, fixé à 500 euros par le décret précité, du montant total autorisé pour chaque transaction, prévu par la LOPPSI 2.

Le non-respect de ces dispositions est puni par une contravention de cinquième classe (peine d'amende pouvant aller jusqu'à 1 500 euros et 3 000 euros en cas de récidive, peines restrictives ou privatives de droits, comme la suspension du permis de conduire ou l’interdiction de vote).

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La Commission examine l’amendement CF 68 de M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Il s’agit d’améliorer la transparence sur les marchés des métaux.

Après avis favorable du rapporteur général, la Commission adopte l’amendement (amendement n° 1263).

L’amendement CF 67 de M. Michel Bouvard est retiré.

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Après l’article 18

La Commission est saisie des amendements CF 135, CF 136, CF 137 et CF 138 de M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Nous proposons une simplification radicale de l’imposition sur le revenu. Notre impôt sur le revenu étant progressif, pourquoi ne pas y soumettre tous les revenus, quelle que soit leur origine ? L’amendement CF 135 supprime donc le prélèvement forfaitaire libératoire, et le CF 136 l’imposition proportionnelle sur les plus-values de cessions. Les CF 137 et CF 138 sont de repli : ils portent le taux de ces deux prélèvements de 19 % à 35 %, ce qui est suffisamment élevé pour que les contribuables préfèrent passer par l’impôt sur le revenu. En tout état de cause, il est aberrant que les revenus du capital soient moins taxés que les revenus du travail.

M. le rapporteur général. Ce sont des amendements bien connus, nous tiendrons le débat en séance.

La Commission rejette successivement les quatre amendements.

Puis elle examine l’amendement CF 115 de M. Olivier Carré.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Le sujet nécessite une étude approfondie de la part du ministère du logement. Ne traiter que de la taxe générale sur les plus-values immobilières nous ferait entrer en contradiction avec des taxes sur les plus-values des ventes de terrains constructibles instituées par la loi Grenelle II, la loi de modernisation de l’agriculture et la loi dite Boutin sur le logement. La réflexion doit embrasser toutes les taxes dont la fiscalité s’allège en fonction de la durée de détention. Cela fait quarante ans qu’on en parle, sans trouver de solution !

M. Olivier Carré. Il faut un signal pour dynamiser la construction. J’y reviendrai au titre de l’article 88.

L’amendement est retiré.

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II.– AUTRES MESURES

Article 19

Financement du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS)

Texte du projet de loi :

Après la section XII du chapitre I bis du titre III de la deuxième partie du livre premier du code général des impôts, il est ajouté une section XIII ainsi rédigée :

« SECTION XIII

« Contribution perçue au profit du Conseil national des activités privées de sécurité

« Art. 1609 quatertricies. I.– Il est institué une contribution au profit du Centre national des activités privées de sécurité mentionné au titre II bis de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité. Le produit de cette taxe est affecté à cet organisme dans la limite de 16,8 millions d’euros par an.

« II.– Sont redevables de la contribution mentionnée au I :

« 1° Les personnes morales et les personnes physiques qui effectuent en France à titre onéreux des activités privées de sécurité mentionnées aux titres I et II de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 ;

« 2° Les personnes morales mentionnées à l’article 11 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 qui, agissant pour leur propre compte, font exécuter en France par certains de leurs salariés une ou plusieurs de ces activités. Le lieu des prestations concernées est réputé se situer en France lorsque le preneur de l’opération est établi ou domicilié en France.

« III.– Pour les personnes physiques ou morales mentionnées au 1° du II, la contribution est calculée au taux de 0,5 % sur le montant hors taxe des ventes de prestations de service d’activités privées de sécurité assurées en France par ces personnes.

« Le fait générateur et l’exigibilité de la contribution interviennent dans les mêmes conditions que celles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée. La contribution est constatée, liquidée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous le même régime de sanctions, de garanties, de sûretés et de privilèges. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe.

« IV.– Pour les personnes mentionnées au 2° du II, la contribution est assise sur les sommes payées à ces salariés à titre de rémunération. Le taux de la contribution est dans ce cas fixé à 0,7 % du montant de ces rémunérations, évalué selon les règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale.

« Le fait générateur et l’exigibilité de la contribution interviennent au moment des versements des sommes mentionnées au précédent alinéa.

« V.– 1. Les redevables déclarent les éléments nécessaires à l’établissement de la contribution auprès du service des impôts chargé du recouvrement dont elles dépendent :

« a) sur l'annexe à la déclaration mentionnée au 1 de l'article 287 déposée au titre du mois de mars ou du premier trimestre de l'année qui suit celle au cours de laquelle la contribution est due ;

« b) sur la déclaration annuelle mentionnée au 3 de l'article 287 déposée dans le courant de l'année qui suit celle au cours de laquelle la contribution est due, pour les redevables imposés à la taxe sur la valeur ajoutée selon les modalités simplifiées d'imposition.

« 2. Les personnes mentionnées au II, assujetties et non redevables de la taxe sur la valeur ajoutée, sont tenues de déposer auprès du service chargé du recouvrement dont relève leur siège ou principal établissement l'annexe à la déclaration prévue au 1 de l'article 287, au plus tard le 25 avril de l'année qui suit celle au cours de laquelle la contribution est due, sur laquelle elles déclarent la contribution mentionnée au I.

« 3. Le paiement de la contribution est effectué auprès du service des impôts compétent au plus tard à la date limite de dépôt des déclarations mentionnées aux 1 et 2.

« VI.– Lorsqu'une personne, non établie dans un État membre de l'Union européenne ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen et ayant conclu une convention fiscale qui contient une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale, est redevable de la contribution mentionnée au I, elle est tenue de faire accréditer auprès de l'administration fiscale un représentant établi en France, qui s'engage à remplir les formalités lui incombant et à acquitter la contribution à sa place. Il tient à la disposition de l'administration fiscale la comptabilité afférente aux prestations de services rendues et les données relatives aux rémunérations mentionnées au deuxième alinéa du III. À défaut de désignation de représentant, la contribution et, le cas échéant, les pénalités qui s’y rapportent, sont dues par le destinataire de la prestation imposable.

« VII.– Le montant de la contribution s'ajoute au prix acquitté par le client. Il est signalé par une mention particulière figurant au bas de la facture relative à la prestation servie. »

Exposé des motifs du projet de loi :

Les activités privées de sécurité visées aux titres Ier et II de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 doivent être mieux encadrées afin de poursuivre la professionnalisation et la régulation de ce secteur professionnel.

L’État est attentif aux missions de sécurité prises en charge par ces entreprises, comme le gardiennage, la surveillance, la protection physique des personnes ou le transport de fonds. Avec plus de 160 000 salariés, les professionnels de cette branche expriment le même besoin de voir la profession progresser du point de vue de la qualité du service rendu, sous un contrôle de l’État rendu plus efficace.

Il appartient en conséquence à l’État de réguler ces activités qui concourent elles aussi au respect de l’ordre public. Il s’agit de faire émerger une collaboration efficace entre tous les acteurs de la sécurité, qu’ils soient publics ou privés.

L’encadrement de la profession doit ainsi être renforcé dans trois domaines :

– le conseil, la valorisation et l’assistance à la profession, en vue d’adapter aux besoins les métiers de la sécurité privée et les politiques publiques qui leur sont applicables ;

– la police administrative, par le biais de la délivrance, la suspension ou le retrait des différents agréments, autorisations et cartes professionnelles ;

– la discipline, notamment à travers la préparation d’un code de déontologie de la profession.

Il est prévu de confier ces missions au conseil national des activités privées de sécurité, personne morale de droit public représentant l’autorité de contrôle et de régulation de la profession créée par la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI) du 14 mars 2011, qui insère un titre II bis dans la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983.

Chargé de certaines fonctions de police administrative jusqu’alors assurées par les préfectures, auxquelles s’ajouteront des missions nouvelles de conseil, de contrôle et de discipline, le conseil sera assisté, dans chaque région, par des commissions régionales d’agrément et de contrôle. Cet organisme doit prendre en charge son installation matérielle et disposer d’un budget de fonctionnement annuel estimé à 16,8 M€.

Aux termes de l’article 33-4 de la LOPPSI, le financement du conseil est assuré par une contribution dont le taux et l’assiette sont fixés par la loi de finances. Le présent article répond à cette disposition en prévoyant de financer les missions de conseil et d’encadrement des activités privées de sécurité sur la base :

– d’une taxe sur la facture, calculée au taux de 0,5 % sur le montant hors taxe des ventes de prestations de service assurées par des entreprises exerçant une activité privée de sécurité ;

– d’une taxe versée par les personnes morales disposant d’un service interne de sécurité, à hauteur de 0,7 % de la masse salariale de ce service.

Le produit de cette taxe, estimé à 16,8 M€ en année pleine, est affecté dès sa création au CNAPS. Si le produit devait être supérieur à ce montant, l’excédent serait porté en recette du budget de l’État.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article a pour objet d’assurer le financement du Conseil national des activités privées de sécurité, créé par la LOPPSI (76). À cet effet, il prévoit la création et l’affectation à ce conseil de deux nouvelles impositions de toute nature.

Le contenu de cet article est très proche de celui d’un amendement au quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2010, présenté par les sénateurs Courtois et Gautier, adopté au Sénat contre l’avis de la Commission des finances et finalement écarté par la commission mixte paritaire.

La présence d’une telle disposition dans le présent projet de loi résulte de l’application du monopole des textes financiers en matière fiscale, prévu par la circulaire du Premier ministre du 4 juin 2010 (77).

I.– ASSURER LE FINANCEMENT DU CONSEIL NATIONAL DES ACTIVITÉS PRIVÉES DE SÉCURITÉ

A.– LE CONSEIL NATIONAL DES ACTIVITÉS PRIVÉES DE SÉCURITÉ

La loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglemente les activités privées de sécurité – surveillance, gardiennage, transport de fonds, protection physique des personnes. Son titre II bis, inséré par la LOPPSI, crée une autorité de régulation et de contrôle de cette profession, le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS). Son article 33-2 prévoit que ce conseil est une personne morale de droit public et qu’il est chargé :

– d’une mission de police administrative, relative notamment à l’octroi des agréments prévus par la loi ;

– d’une mission disciplinaire, à savoir le respect du code de déontologie dont la préparation lui est confiée ;

– d’une mission de conseil et d’assistance à la profession.

B.– UN FINANCEMENT ASSURÉ PAR L’AFFECTATION DU PRODUIT DE DEUX NOUVELLES IMPOSITIONS

Le présent article a pour objet d’assurer le financement des trois missions décrites ci-dessus par l’affectation, au CNAPS, du produit de deux nouvelles impositions pesant sur les bénéficiaires de ce service public. Le dispositif apparaît conforme à l’article 2 de la loi organique relative aux lois de finances, qui prévoit que « les impositions de toute nature ne peuvent être directement affectées à un tiers qu’à raison des missions de service public confiées à lui (...) ».

1.– Les besoins de financement du conseil

Pour 2012, le budget prévisionnel du CNAPS est estimé à 16,8 millions d’euros.

Ce budget financerait, à hauteur de 11 millions d’euros, des dépenses de personnel. 214 ETP seraient en effet nécessaires au conseil pour exercer ses missions, dont 14 affectés à des fonctions « d’état-major », 100 affectés à des fonctions administratives (conseil, instruction des dossiers, discipline...) et 100 chargés du contrôle, sur le terrain, des entreprises du secteur. Il est probable qu’une grande partie de ces effectifs provienne des préfectures qui étaient jusqu’à présent chargées de la mission de police administrative du CNAPS.

Le solde du budget, soit 5,8 millions d’euros, serait principalement affecté à des dépenses d’informatique (1,5 million d’euros), de formation (1,4 million d’euros), d’immobilier (1,1 million d’euros de loyers) et de fonctionnement courant (1,3 million d’euros).

Il semble que, sur le plan budgétaire, la création du CNAPS puisse être analysée comme un transfert de dépenses relevant du budget général – qui rémunère les fonctionnaires aujourd’hui affectées aux préfectures – mais aussi comme la création d’une nouvelle dépense liée, d’une part, aux nouvelles missions qu’il assume – et qui impliquent un besoin supplémentaire d’agents publics – et, d’autre part, à la création d’un nouvel organisme public – qui implique notamment des dépenses immobilières.

2.– La cotisation pour les missions de conseil et d’encadrement des activités privées de sécurité

Le présent article créé deux nouvelles impositions dont le produit serait affecté, dans la limite de 16,8 millions d’euros, au CNAPS pour couvrir l’intégralité de son besoin de financement.

Contrairement à ce que sa dénomination pourrait laisser penser, la cotisation pour les missions de conseil et d’encadrement des activités privées de sécurité recoupe deux impositions de toute nature dont les taux et les assiettes sont distincts.

D’une part, les personnes morales et physiques qui effectuent en France à titre onéreux une ou plusieurs activités mentionnées par la loi de 1983 sont soumises à une cotisation dont l’assiette est le montant hors taxes des ventes de prestations de service de telles activités et le taux 0,5 %.

D’autre part, les personnes morales qui font exécuter, pour leur compte propre, de telles activités à certains de leurs salariés – c’est-à-dire les entreprises disposant d’un service interne de sécurité – sont soumises à une cotisation dont l’assiette est la rémunération de ces salariés telle que définie par le code de la sécurité sociale et le taux 0,7 %.

Le fait générateur, l’exigibilité et les modalités de recouvrement de ces deux impositions (alinéas 9 et 11 à 16) sont identiques à celles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée.

Le rendement en année pleine de la nouvelle cotisation est estimé à 16,8 millions d’euros, ce qui correspondrait très exactement au budget prévisionnel du CNAPS pour 2012. Si le produit de la taxe dépassait le seuil de 16,8 millions d’euros, le surplus ainsi constaté serait affecté au budget de l’État.

L’entrée en vigueur du dispositif serait immédiate. Du fait de son assiette qui n’est connue qu’une fois l’exercice clos, la taxation sur le chiffre d’affaires ne produirait de rendement qu’en 2012. Dans l’intervalle, les dépenses de préfiguration du CNAPS engagées en 2011 et le besoin de trésorerie qui serait constaté en 2012 jusqu’à la perception de la cotisation seraient financés sur les crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’État.

II.– UN DISPOSITIF QUI SUSCITE QUELQUES INTERROGATIONS

A.– DES QUESTIONS SUR LE VOLET FISCAL

En premier lieu, le volet fiscal tend à l’instauration de deux impositions différentes pesant sur des contribuables apparemment placés dans une situation identique vis-à-vis du service public qu’ils financent, ce qui suscite une interrogation quant à la conformité du dispositif au principe d’égalité devant l’impôt.

Le dédoublement de la nouvelle cotisation se justifie par la nécessité de mettre à contribution l’ensemble du secteur des activités privées de sécurité que le CNAPS est appelé à réguler, que ces activités soient internalisées par les entreprises ou confiées à des sous-traitants. Un tel but aurait pu être atteint par une cotisation assise sur les rémunérations des salariés et commune à l’ensemble des entreprises du secteur. Toutefois, la cotisation assise sur les ventes de prestations présente l’avantage, d’une part, d’éviter une taxation directe du travail et, d’autre part, pour la profession, de faciliter la possibilité de répercuter l’ensemble du poids de l’imposition sur les clients. Le dernier alinéa du présent article, précise d’ailleurs que le montant de la cotisation s’ajoute au prix acquitté par le client et est signalé explicitement sur la facture.

Or, un tel dispositif semble conduire à ce que des contribuables placés dans une situation similaire – que la prestation soit internalisée ou externalisée, les entreprises bénéficient du même service public fourni par le CNAPS – seraient soumis à deux types d’impositions différents – les taux et les assiettes étant distincts.

Néanmoins, si les dispositifs diffèrent, la charge fiscale pesant effectivement sur les contribuables devrait être à peu près égale quelle que soit la situation de ceux-ci (78) et, à ce titre, le principe d’égalité devant l’impôt serait respecté.

En second lieu, le présent dispositif suscite une interrogation quant à la conformité du dispositif à la directive « TVA » (79) dont l’article 401 interdit la création de « taxes sur le chiffre d’affaires ». Toutefois, la taxation sur le chiffre d’affaires prévue par le présent article ne semble pas devoir être considérée comme telle. Pour qualifier ainsi une imposition, la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (80) prévoit en effet plusieurs critères, dont deux sont absents du présent dispositif :

– la perception de l’imposition à chaque stade du processus de production et de distribution ;

– le fait que l’imposition s’applique sur la valeur ajoutée du service, ce qui implique la possibilité de déduire celle qui a été payée sur la transaction précédente.

B.– DES QUESTIONS SUR LE VOLET BUDGÉTAIRE

En premier lieu, le caractère de charge déductible de la nouvelle cotisation tend à ce que son rendement net soit inférieur d’environ un quart (81) au rendement brut de 16 millions d’euros. En conséquence, le rendement net de l’imposition s’établirait à 12 millions d’euros, laissant un manque à gagner, pour les administrations publiques, de l’ordre de 4 millions d’euros.

En second lieu, la technique du financement de dépenses par une affectation de recettes présente certes, en l’espèce, l’avantage de faciliter le consentement à l’impôt puisque les contribuables peuvent suivre précisément l’utilisation de leur contribution – qui finance leur régulateur. Une telle technique peut toutefois faire l’objet d’une double critique.

D’une part, la présente affectation de recettes n’est pas prise en compte dans le périmètre de la norme de dépense (82). Cette ligne de fuite au sein de la norme tend à faciliter son respect alors que la contrainte budgétaire devrait peser de tout son poids sur les charges de l’État.

D’autre part, non seulement le Parlement voit son information réduite – la dépense n’émargeant plus sur la mission Administration générale et territoriale de l’État – mais surtout l’État perd une partie de la maîtrise de cette dépense. Le financement sur crédits budgétaires des dépenses des opérateurs constitue, en effet, un bon moyen pour régler finement ces charges et, le cas échéant, peut constituer un outil pour inciter ces organismes à réaliser les efforts budgétaires partagés par l’ensemble des administrations publiques.

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La Commission adopte l’article 19 sans modification.

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Article 20

Réforme du financement de l’aide juridictionnelle

Texte du projet de loi :

I.– Le chapitre III du titre III de la deuxième partie du livre premier du code général des impôts est complété par une section XIII intitulée : « Contribution pour l’aide juridique » et comprend un article 1635 bis Q ainsi rédigé :

« Art. 1635 bis Q. I.– Par dérogation aux dispositions des articles 1089 A et 1089 B, une contribution pour l’aide juridique de 35 € est perçue par instance introduite en matière civile, commerciale, prud’homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire, ou par instance introduite devant une juridiction administrative. »

« II.– La contribution pour l’aide juridique est exigible lors de l’introduction de l’instance. Elle est due par la partie qui introduit une instance.

« III.– Toutefois, la contribution pour l’aide juridique n’est pas due :

« 1. Par les personnes bénéficiaires de l’aide juridictionnelle ; 

« 2. Par l’État ;

« 3. Pour les procédures introduites devant la commission d’indemnisation des victimes d’infraction, devant le juge des enfants, devant le juge des libertés et de la détention et devant le juge des tutelles ;

« 4. Pour les procédures de traitement des situations de surendettement des particuliers et les procédures de redressement et de liquidation judiciaire ;

« 5. Pour les recours introduits devant une juridiction administrative à l’encontre de toute décision individuelle relative à l’entrée, au séjour et à l’éloignement d’un étranger sur le territoire français, ainsi qu’au droit d’asile ;

« 6. Pour les procédures de référé-liberté.

« IV.– Lorsqu’une même instance donne lieu à plusieurs procédures successives devant la même juridiction, la contribution n’est due qu’au titre de la première des procédures intentées.

« V.– Lorsque la procédure est introduite par un auxiliaire de justice, ce dernier acquitte pour le compte de son client la contribution par voie électronique.

« Lorsque la procédure est introduite sans auxiliaire de justice, la partie acquitte cette contribution par voie de timbre mobile ou par voie électronique.

« Les conséquences sur l’instance du défaut de paiement de la contribution pour l’aide juridique sont fixées par voie réglementaire.

« VI.– La contribution pour l’aide juridique est affectée à l’Union nationale des caisses des règlements pécuniaires des avocats (UNCA), association de la loi 1901 fédérant l’ensemble des caisses des règlements pécuniaires des avocats (CARPA). Cette contribution est répartie entre les CARPA par l’UNCA. Elle est intégralement affectée au paiement des avocats effectuant des missions d’aide juridique, par l’intermédiaire des CARPA.

« VII.– L’Union nationale des caisses des règlements pécuniaires des avocats et les CARPA participent à la bonne exécution du service public de l’aide juridique. À ce titre, l’UNCA assiste le ministre de la justice pour veiller à ce que les CARPA, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables, notamment en matière de rétribution des avocats qui prêtent leur concours aux bénéficiaires de l’aide juridique, utilisent à juste titre les fonds qui leur sont alloués.

« VIII.– Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article, notamment ses conditions d’application aux instances introduites par les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation. »

II.– Les dispositions du I sont applicables aux instances introduites à compter du 1er octobre 2011.

III.– Il est inséré dans la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique un article 64-1 bis ainsi rédigé :

« Article 64-1 bis.– La personne qui a bénéficié de l’intervention d’un avocat commis d’office dans les conditions prévues à l’article 63-4 du code de procédure pénale et qui n’est pas éligible à l’aide juridictionnelle est tenue de rembourser au Trésor public les sommes exposées par l’État. Le recouvrement des sommes dues à l’État a lieu comme en matière de créances étrangères à l’impôt et au domaine.

« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. ».

Exposé des motifs du projet de loi :

La réforme de la garde à vue récemment approuvée par le Parlement (loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue) va entraîner une augmentation importante des rémunérations versées aux avocats au titre de l’aide juridique. Afin de financer cette nouvelle dépense dans une période budgétaire contrainte, le présent article institue une contribution pour l’aide juridique, destinée à assurer une solidarité financière entre l’ensemble les justiciables.

Cette contribution sera exigée pour toute procédure intentée en matière civile, commerciale, prud’homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire ou par instance administrative introduite devant les juridictions administratives. L’acquittement de cette contribution deviendra une condition de recevabilité de la requête. Son tarif est fixé à 35 €.

Cette contribution n’est pas due lorsque la partie est bénéficiaire de l’aide juridictionnelle et pour certaines procédures dans lesquelles le versement de la contribution apparaîtrait comme une entrave disproportionnée au droit d’accès à la justice ou ne répondrait pas à l’objectif de solidarité de la contribution. Elle n’est pas non plus exigible pour les affaires pénales.

Elle est acquittée sous forme de droit de timbre mobile ou dématérialisé, soit par le justiciable soit par l’avocat pour le compte de son client, et est affectée à l’Union nationale des caisses des règlements pécuniaires des avocats (CARPA) afin de financer les dépenses d’aide juridique.

Enfin, le III de l’article permet la récupération par l’État des sommes exposées au titre de l’aide à l’intervention de l’avocat dès lors que la personne ne remplissait pas les conditions pour bénéficier de l’aide juridictionnelle.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article a pour objet d’assurer le financement de la réforme de la garde à vue (83). À cet effet, il institue un droit de timbre dont le produit serait affecté à l’union nationale des caisses de règlements pécuniaires des avocats (UNCA).

La fixation de la grille de rémunération des avocats commis d’office au cours de la garde à vue relève du domaine réglementaire. Le présent article porte donc uniquement sur les modalités de financement des modifications qui seraient apportées à cette grille du fait de la réforme.

Le présent dispositif n’a pas non plus vocation à répondre au besoin de financement généré par les coûts associés à la réforme – modernisation des locaux, développement de la visioconférence.

Précisons enfin que le financement des avocats commis d’office au cours de la garde à vue doit être distingué du financement de l’aide juridictionnelle, assuré sur crédits budgétaires pour 309,6 millions d’euros en 2010.

I.– UN BESOIN DE FINANCEMENT DE 86 MILLIONS D’EUROS

La réforme de la garde à vue entraînerait un surcoût de l’ordre de 86 millions d’euros. S’il n’est pas négligeable, un tel montant, qui représente 1 % des crédits de paiement de la mission Justice, doit être relativisé.

Le besoin de financement ainsi anticipé est la conséquence de la révision des conditions de rémunération des avocats commis d’office. Cette augmentation des charges publiques serait tempérée par plusieurs éléments, en particulier la baisse anticipée du nombre de gardes à vue.

A.– LA RÉVISION PAR DÉCRET DES CONDITIONS DE RÉMUNÉRATION DES AVOCATS COMMIS D’OFFICE EN GARDE À VUE

La rémunération sur ressources publiques des avocats commis d’office au cours de la garde à vue – les autres avocats étant rémunérés par leurs clients – serait revue à la hausse pour répondre à la charge de travail supplémentaire impliquée par la réforme. Rappelons que cette question relève du pouvoir réglementaire (84).

Le forfait de 61 euros hors taxes pour l’entretien préalable en début de garde à vue resterait inchangé. La possibilité désormais ouverte pour l’avocat d’assister son client au-delà de cet entretien s’accompagnerait d’un nouveau forfait de 300 euros hors taxes, auquel s’adjoindrait, en cas de prolongation de la garde à vue, un complément de rémunération de 150 euros hors taxes. Enfin, l’avocat commis d’office à la victime serait, en cas de confrontation de celle-ci avec la personne gardée à vue, rémunéré à hauteur de 150 euros hors taxes. Le cumul de l’ensemble de ces rémunérations serait plafonné à 900 euros hors taxes pour une permanence de 24 heures.

Par ailleurs, les majorations de 31 euros hors taxes lorsque l’intervention a lieu de nuit et de 23 euros hors taxes lorsqu’elle a lieu hors des limites de la commune du siège du tribunal de grande instance seraient supprimées.

La modification de la rémunération des avocats commis d’office conduirait à ce que le montant brut de la dépense au titre de son financement atteigne 158 millions d’euros.

B.– UN COÛT TEMPÉRÉ PAR PLUSIEURS ÉLÉMENTS

La maîtrise du coût de la réforme passerait par la diminution attendue du nombre de gardes à vue et par une mesure discrétionnaire d’économie.

D’une part, le coût de la réforme serait contenu en raison de la diminution anticipée du nombre de gardes à vue – et donc du nombre d’interventions d’avocats commis d’office. Après 800 000 en 2009, le nombre de gardes à vue aurait atteint 700 000 en 2010. Or, le calcul du coût de la réforme est fondé sur une hypothèse de 400 000 gardes à vue de 24 heures. La part des prolongations et des confrontations entre victimes et personnes gardées à vue par rapport au nombre total de gardes à vue resterait stable et, sur cette base, leur nombre atteindrait respectivement 100 000 et 90 000.

Cette baisse du nombre de gardes à vue s’expliquerait d’abord par l’évolution de la législation en la matière. L’obligation de mettre en garde à vue une personne en état d’ébriété a été assouplie (85), ce qui devrait conduire à une chute du nombre de gardes à vue « routières ». Par ailleurs, le recours à la garde à vue serait conditionné au fait que l’infraction reprochée à la personne soit punie d’une peine d’emprisonnement (86) et sa prolongation au fait que l’infraction soit punie d’une peine d’un an, au moins, d’emprisonnement (87).

Le reflux du nombre de gardes à vue serait également lié, selon les informations recueillies par le Rapporteur général, à la modification de la composition de la part variable de la rémunération des chefs de service – le nombre de gardes à vue n’entrant plus dans le calcul des primes.

D’autre part, comme le prévoit le III du présent article, l’État pourrait demander le remboursement des sommes engagées aux personnes ayant bénéficié, en garde à vue, d’un avocat commis d’office alors qu’elles ne sont pas éligibles à l’aide juridictionnelle.

Une telle mesure, dont le rendement est évalué à 12 millions d’euros, est calquée sur une disposition prévue à l’article 74 de la loi de finances pour 2011 (88) et tendant à faciliter le recouvrement des créances de l’État en matière d’aide juridictionnelle. Le régime de recouvrement applicable aux créances de l’État serait celui applicable au recouvrement des créances étrangères à l’impôt et au domaine, mentionnées aux articles 80 et suivants du décret du 29 décembre 1962 (89).

C.– L’ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA RÉFORME

Comme l’explicite le tableau ci-après, le besoin de financement estimé à 86 millions d’euros se décompose de la manière suivante :

– sur la base d’un nombre annuel de 400 000 gardes à vue, la dépense brute s’établirait à 158 millions d’euros ;

– sur cette base, le Gouvernement estime qu’un quart des personnes en garde à vue auraient recours à leur propre avocat, payé par elles, et non à un avocat commis d’office payé sur fonds publics ;

– la mesure de remboursement par les personnes ne bénéficiant pas de l’aide juridictionnelle permettrait une économie de 12 millions d’euros.

Au final, la dépense au titre du financement des avocats commis d’office au cours de la garde à vue atteindrait 104 millions d’euros. Elle serait financée à hauteur de 18 millions d’euros par les crédits budgétaires déjà affectés à une telle utilisation. Le solde, soit 86 millions d’euros, reste à financer.

LE FINANCEMENT DE LA RÉFORME DE LA GARDE À VUE

(en millions d’euros)

Coût brut (hypothèse de 400 000 gardes à vue annuelles)

158

Remboursement des sommes dues par les personnes non éligibles à l’aide juridictionnelle

– 12

Non recours à un avocat commis d’office (hypothèse de 25 % des personnes gardées à vue)

– 42

Coût net

104

Financement sur crédits budgétaires existants

– 18

Besoin de financement

86

Source : d’après l’étude d’impact annexée au projet de loi.

II.– UN DROIT DE TIMBRE DE 35 EUROS CONDITIONNANT LA RECEVABILITÉ DE LA MAJORITÉ DES REQUÊTES

Le I du présent article introduit, dans le code général des impôts, un article 1635 bis Q instituant une « contribution pour l’aide juridique » destinée à financer la réforme de la garde à vue.

Cette contribution serait un droit de timbre, d’un montant de 35 euros, payable par voie électronique – obligatoire quand la procédure est introduite par un auxiliaire de justice – ou par voie de timbre mobile.

Les articles 1089 A et 1089 B du code général des impôts posent le principe de l’interdiction de tout droit d’enregistrement sur les décisions des juridictions judiciaires et les actes des secrétariats des juridictions judiciaires et administratives. Comme le prévoit le premier alinéa du futur article 1635 bis Q, le présent dispositif constitue une exception à ce principe.

Le droit effectif à l’accès à un tribunal n’exclut pas que, dans les intérêts d’une bonne administration de la justice, l’on puisse imposer une restriction financière, dès lors que celle-ci n’est pas prohibitive compte tenu de la capacité contributive du justiciable (90). Dans le cas présent, les nombreuses exceptions détaillées plus bas semblent être de nature à garantir le respect de ce principe. En particulier, le fait que les personnes à faibles revenus soient, en tant que bénéficiaires de l’aide juridictionnelle, exonérées du droit de timbre montre que la capacité contributive des justiciables est bien prise en compte.

La contribution pour l’aide juridique serait, en principe, exigible lors de l’introduction d’une instance en matière civile, commerciale, prud’homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire ou d’une instance devant une juridiction administrative. Le champ ainsi défini exclut les constitutions de partie civile dans les affaires pénales. Les victimes d’une infraction pénale supposée sont considérées comme étant dans une situation différente des autres demandeurs, ce qui justifierait la différence de traitement. Par exception, dans le souci d’éviter de porter une atteinte disproportionnée au principe d’accès à la justice, la contribution ne serait pas due pour l’ouverture des procédures suivantes :

– saisine de la commission d’indemnisation des victimes d’infraction, du juge des enfants, du juge de la liberté et de la détention, du juge des tutelles ;

– traitement des situations de surendettement des particuliers, redressement et liquidation judiciaire ;

– recours introduits devant une juridiction administrative à l’encontre de toute décision individuelle relative à l’entrée, au séjour et à l’éloignement d’un étranger sur le territoire français ainsi qu’au droit d’asile ;

– référé-liberté.

Contrairement au droit de plaidoirie, qui pèse sur les seuls défendeurs prenant un avocat, la contribution serait due par la partie qui introduit l’instance. Les personnes bénéficiant de l’aide juridictionnelle ainsi que l’État en seraient exonérés.

Lorsqu’une même instance donne lieu à plusieurs procédures devant la même juridiction, la contribution ne serait due qu’au titre de la première des procédures intentées (91).

Enfin, les conséquences d’un défaut de paiement du droit de timbre seraient fixées par voie réglementaire. L’esprit du dispositif voudrait que, en principe, le paiement du droit conditionne la recevabilité de la requête.

Aux termes du II du présent article, le dispositif entrerait en vigueur au 1er octobre 2011 pour que l’administration dispose du temps nécessaire à l’adoption des actes réglementaires pris en application du présent article et à la mise en place de la plateforme électronique de paiement. La dépense serait, dans l’intervalle, couverte par des crédits du budget général et pourrait atteindre, jusqu’au 1er octobre, une quarantaine de millions d’euros. Le présent projet de loi ouvre 23 millions d’euros de crédits supplémentaires à cet effet, le solde pouvant être couvert ultérieurement par décret d’avance.

La contribution concernerait près de 3 millions de procédures par an. Après déduction des procédures introduites par des bénéficiaires de l’aide juridictionnelle et dont le nombre est estimé à 450 000 par an, la base taxable est estimée à environ 2,5 millions d’affaires – à comparer aux 900 000 affaires donnant lieu à la perception du droit de plaidoirie. Le rendement de la taxe est donc estimé à 87,5 millions d’euros.

Au final, tout en préservant le droit à l’accès à un tribunal, la contribution paraît adaptée pour desserrer la contrainte budgétaire pesant sur la mission Justice, et limiter les coûts de gestion du dispositif évalués à 2,6 millions d’euros, soit 3 % du produit attendu de la nouvelle imposition.

III.– LA GESTION FINANCIÈRE DU DISPOSITIF CONFIÉE À L’UNION NATIONALE DES CAISSES DES RÈGLEMENTS PÉCUNIAIRES DES AVOCATS

Le I du présent article a également pour objet d’affecter la recette ainsi créée à l’Union nationale des caisses des règlements pécuniaires des avocats (UNCA), qui assumerait la gestion financière du dispositif, et de la flécher vers le financement des avocats commis d’office au cours de la garde à vue.

Le recours au réseau des CARPA est logique dans la mesure où celles-ci occupent déjà une place centrale dans le circuit de la dépense d’aide juridictionnelle. Le coût de leur gestion s’établit à un niveau satisfaisant, à 3,2 % du montant total de la dépense. Ce réseau tient le même rôle dans la gestion financière de l’actuelle rémunération des avocats commis d’office au cours de la garde à vue.

Le présent dispositif s’appuie sur cet acquis et le complète en incluant dans le circuit de la dépense l’UNCA (92), qui se voit confier le rôle de répartir les dotations destinées financement des avocats commis d’office en garde à vue en fonction des besoins des CARPA. Le rôle ainsi dévolu à l’UNCA facilitera les rapports entre l’État et la profession, désormais représentée par un interlocuteur unique.

L’affectation de la recette à l’UNCA est indissociable de l’attribution à celle-ci d’une mission de service public. Rappelons que l’article 2 de la LOLF prévoit que « les impositions de toute nature ne peuvent être directement affectées à un tiers qu’à raison des missions de service public confiées à lui (...). » L’UNCA et les CARPA se voient ainsi confier la mission de service public consistant à participer à la « bonne exécution du service public de l’aide juridique ». À ce titre, l’UNCA veillerait, pour le compte de l’État, à la bonne utilisation des fonds ainsi collectés.

En visant l’aide juridique, la définition de la mission de service public inclut l’aide juridictionnelle et pourrait permettre à l’UNCA d’être intégrée, pour ce type d’aide, au circuit de la dépense.

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La Commission adopte l’article 20 sans modification.

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Article 21

Modifications des règles régissant la contribution
au service public de l’électricité

Texte du projet de loi :

I.– Par dérogation aux dispositions de l’article L. 121-13 du code de l’énergie, le montant de la contribution due par les consommateurs finals d’électricité applicable à chaque kilowattheure est fixée à 0,009 € jusqu’au 30 juin 2012, puis à 0,0105 € du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2012.

II.– Le code de l’énergie mentionné au I est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l’article L. 121-9 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« À défaut d’un arrêté fixant le montant des charges avant le 31 décembre de l’année précédente, le montant proposé par la Commission de régulation de l’énergie entre en vigueur le 1er janvier. » ;

2° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 121-13, les mots : « sur proposition » sont remplacés par les mots : « compte tenu de la proposition » ;

3° À la seconde phrase de l’article L. 134-11, les mots : « Lorsque l’autorité administrative prend sa décision après avis, ou sur proposition de la commission, elle doit procéder » sont remplacés par les mots : « Lorsque ces avis ou propositions sont adressés à l’autorité administrative pour décision, celle-ci procède ».

Exposé des motifs du projet de loi :

Le présent article vise à lisser l’augmentation inéluctable de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) et à adapter les règles d’évolution de cette contribution.

Le I a pour objet de lisser l’effet du relèvement de 0,3 centime d’euros par kilowattheure de la contribution, initialement prévu le 1er janvier 2012, en prévoyant qu’il ait lieu pour moitié à l’entrée en vigueur de la présente loi et pour moitié le 1er juillet 2012.

Le 1° du II clarifie la procédure d’évaluation du montant des charges supportées par les opérateurs en prévoyant que, à défaut d’arrêté du ministre chargé de l’énergie fixant le montant prévisionnel des charges de service public, le montant proposé par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) entre en vigueur.

Le 2° du II a pour objet de laisser à la libre appréciation du ministre chargé de l’énergie la fixation du montant de la contribution unitaire, tout en se fondant sur la proposition formulée par la CRE.

Enfin, le 3º du II adapte la disposition du code de l’énergie relative à l’obligation de publication des avis et propositions de la CRE, et ce afin de tenir compte de la modification introduite par le 2º du II.

Observations et décision de la Commission :

I.– LA CONTRIBUTION AU SERVICE PUBLIC DE L’ÉLECTRICITÉ (CSPE)

Les articles L. 121-7 et L. 121-8 du code de l’énergie (93) définissent les charges de service public en matière de production et de fourniture d’électricité, dont l’article L. 121-6 prévoit qu’elles sont intégralement compensées aux opérateurs qui les supportent.

A.– LES CHARGES DE SERVICE PUBLIC

1.– Les différentes charges doivent être intégralement compensées

Dans le cadre des directives européennes de libéralisation des marchés de l’électricité et du gaz, la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité a défini en son article 2 les missions du service public de l’électricité, tandis que l’article 5 instituait la contribution au service public de l’électricité (CSPE), dont le montant est répercuté sur l’ensemble des consommateurs. S’ajoutant au tarif commercial, le tarif de la CSPE est inclus dans leur facture d’électricité, afin de compenser « intégralement » aux fournisseurs les obligations de service public qui leur sont imposées. Ces dispositions sont désormais codifiées dans le code de l’énergie.

a) Les surcoûts résultant de l'obligation d'achat de l'électricité d’origine renouvelable

Les objectifs de production d’électricité d’origine renouvelable, ont été fixés, conformément au « Grenelle de l’environnement », par la programmation pluriannuelle des investissements de production d’électricité (PPI), jusqu’en 2020.

Du fait de leur coût de production supérieur aux tarifs réglementés comme au prix du marché (de deux fois pour l’éolien à dix fois pour le photovoltaïque intégré au bâti), ces objectifs ne pourraient être atteints sans l’obligation faite à EDF, aux termes de l’article 10 de la loi n° 2000-108 (devenu article L. 314-1 du code de l’énergie), de conclure avec les producteurs, sur leur demande, un contrat d’achat de l’électricité d’origine renouvelable produite sur le territoire français (à condition que la puissance de l’installation ne dépasse pas 12 MW).

Dans le cas général de l’achat par EDF de l’électricité d’origine renouvelable produite dans des zones interconnectées au réseau métropolitain continental, la charge de service public représente la différence entre le prix payé aux producteurs en application du contrat qui les lie à EDF (lequel est déterminé par arrêté) et le prix du marché de l’électricité.

b) Les surcoûts de production dans les zones non interconnectées

Les départements et territoires d’outre-mer et les îles d’Ouessant, Molène et Sein doivent disposer d’un parc de production autonome, puisqu’ils ne peuvent être raccordés au réseau métropolitain continental. Cette production d’électricité entraîne un coût spécifique (transport des énergies fossiles, importants stockages de sécurité), qui doit être compensé dans le cadre de l’obligation de péréquation tarifaire géographique. Ces surcoûts de production sont ainsi calculés par rapport à la différence entre les coûts de production constatés dans les zones non interconnectées et les recettes qui auraient résulté de l’application du tarif réglementé de l’électricité.

c) Les coûts de la politique sociale en matière de fourniture d’électricité

Le tarif électrique « produit de première nécessité » (TPN) a été mis en œuvre par le décret n° 2004-325 du 8 avril 2004. Le bénéfice de cette tarification est ouvert aux personnes physiques dont les ressources annuelles du foyer ouvrent droit à la CMU. Ce tarif social consiste en un pourcentage de réduction – variant de 40 à 60 % selon la composition du foyer – sur les 100 premiers kilowattheures consommés chaque mois. Le rabais moyen annuel en 2011 sera d’environ 95 euros TTC. Le nombre de foyers ayant droit au TPN est estimé à 2 millions mais seuls 650 000 foyers en bénéficiaient fin 2010. Afin que l’ensemble des ayants droit bénéficie de ce tarif, le Gouvernement s’est engagé à en automatiser la procédure d’attribution, aujourd’hui basée sur une attestation à remplir par le client. Cette aide s’élève à environ 40 millions d’euros en 2010. Dans l’hypothèse d’un doublement des bénéficiaires, le coût du TPN serait alors de 0,28 euro/MWh.

Le tarif, accordé pour un an renouvelable, se cumule avec le tarif spécial de solidarité accordé aux personnes disposant de faibles ressources pour réduire leur facture de gaz naturel et les aides proposées par le Fonds de solidarité pour le logement (FSL) et notamment avec l'aide accordée en cas de factures impayées (décret n° 2008-780 du 13 août 2008 relatif à la procédure applicable en cas d'impayés des factures d'électricité, de gaz, de chaleur et d'eau).

S’agissant du TPN, les coûts que les fournisseurs d’électricité supportent correspondent, d'une part, au montant des réductions consenties en application de cette tarification spéciale et, d'autre part, aux coûts de gestion supplémentaires. Les coûts supportés par les fournisseurs d’électricité du fait du dispositif d’aide aux personnes et familles en situation de précarité sont pris en compte dans la limite de 20 % de la charge supportée par le fournisseur au titre du TPN.

d) Le budget du Médiateur national de l'énergie

Le médiateur national de l’énergie a été créé par l’article 7 de la loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie. Autorité administrative indépendante, sa mission est de « recommander des solutions aux litiges entre les consommateurs et les fournisseurs d'électricité ou de gaz naturel et de participer à l'information des consommateurs d'électricité ou de gaz naturel sur leurs droits ».

Son budget, arrêté par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie a été fixé à 6,620 millions d’euros pour 2011 par l’arrêté du 23 décembre 2010.

La Commission de régulation de l’énergie (CRE) évalue chaque année le montant des charges imputables aux missions de service public incombant aux opérateurs, à partir des informations comptables que ceux-ci lui fournissent. Ce montant est augmenté ou diminué des écarts constatés les années précédentes entre le montant des charges et les contributions effectivement recouvrées.

Le montant des charges est arrêté chaque année par le ministre chargé de l’énergie, sur proposition de la CRE.

La CRE notifie ensuite à chaque opérateur le montant prévisionnel des charges imputables aux missions de service public qu’il aura à supporter l'année suivante.

2.– La CSPE, un mode de financement longtemps plafonné

a) Le régime de la CSPE

Aux termes de l’article 5 de la loi du 10 février 2000 (devenu l’article L. 121-10 du code de l’énergie), la compensation des charges de service public est assurée, au profit des opérateurs qui les supportent, « par des contributions dues par les consommateurs finals d’électricité installés sur le territoire national ». Ces contributions forment la contribution au service public de l’électricité (ou CSPE). Qualifiée d’impôt par le Conseil d’État (décision Eurodif, 13 mars 2006), la CSPE est assise sur la consommation d’électricité telle qu’elle figure sur la facture.

Jusqu’en 2010, son tarif était fixé par un arrêté du ministre chargé de l’énergie dans la limite d’un plafond fixé par l’article 5 de la loi du 10 février 2000 à « 7 % du tarif de vente du kilowattheure, hors abonnement et hors taxes, correspondant à une souscription d’une puissance de 6 kVA sans effacement ni horosaisonnalité », soit en pratique 5,48 euros/MWh.

Le tarif de la contribution doit couvrir non seulement l'ensemble des charges de service public mais aussi les frais de gestion exposés par le médiateur national de l’énergie et par la Caisse des dépôts et consignations. Le ministre chargé de l'énergie arrête ce tarif sur proposition de la CRE, transmise chaque année avant le 15 octobre. Le tarif de la contribution annuelle, fixé pour une année donnée, est applicable aux exercices suivants à défaut d'entrée en vigueur d'un nouvel arrêté. Le tarif est resté fixé à 4,5 euros/MWh de 2004 à 2010, soit un montant inférieur de plus d’un euro au plafond légal.

Près de 20 % de la consommation électrique française, notamment industrielle, est exonérée de CSPE :

– l’électricité produite par une entreprise pour sa propre consommation est exonérée dans la limite de 240 millions de KWh par an et par site de production ;

– le montant de la CSPE est plafonné à 500 000 euros par site et par an pour toute consommation au-delà de 111 millions de KWh par site ;

– enfin, le montant de CSPE ne peut dépasser 0,5 % de la valeur ajoutée d’un redevable, ce plafond en valeur relative ayant été institué en faveur des PME électro-intensives qui ne pouvaient bénéficier du plafond en valeur absolue.

b) Le recouvrement de la CSPE et son reversement aux opérateurs

La CSPE est recouvrée auprès des clients éligibles sous la forme d’un prélèvement additionnel aux tarifs d’utilisation des réseaux et auprès des clients qui n’ont pas exercé leur éligibilité, sous la forme d’un prélèvement additionnel sur la facture d’électricité. Un système déclaratif est toutefois conservé pour les autoproducteurs d’électricité et pour les consommateurs finals qui ne sont pas alimentés par l’intermédiaire des réseaux publics d’électricité.

La CSPE ainsi recouvrée par les gestionnaires de réseaux ou par les organismes de fourniture d’électricité est reversée sur un compte spécifique tenu par la Caisse des dépôts et consignations qui reverse les sommes concernées quatre fois par an aux opérateurs supportant les charges de service public.

Les frais de gestion sont arrêtés annuellement par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie et augmentent à due concurrence les charges de service public de l’année considérée. Ils s’élevaient à environ 130 000 euros en 2010.

B.– LA RÉFORME PRÉVUE PAR LA LOI DE FINANCES POUR 2011 ET SON CONTEXTE

1.– La révision des règles de détermination de la CSPE pour garantir un minimum de recettes

L’article 37 de la loi de finances pour 2011 résulte d’un amendement de M. Michel Diefenbacher adopté par l'Assemblée nationale à la suite du rapport d’information qu’il avait déposé avec M. Jean Launay le 28 septembre 2010, sur les enjeux et perspectives de la contribution au service public de l’électricité.

a) L'évolution de la CSPE en cas de carence du ministre chargé de l'énergie

La disposition aux termes de laquelle le montant de la contribution annuelle, fixé pour une année donnée, est applicable aux exercices suivants à défaut d'entrée en vigueur d'un nouvel arrêté pour l'année considérée, a été supprimée.

Si le ministre chargé de l'énergie ne prend pas d'arrêté fixant le montant de la contribution due pour une année donnée avant le 31 décembre de l'année précédente, le montant proposé par la CRE entre en vigueur le 1er janvier, la hausse étant limitée à 3 euros par Mwh par rapport au montant applicable avant cette date. Cette hausse progressive apparaissait pertinente compte tenu des déficits accumulés.

b) La suppression du plafonnement de la CSPE

L’article 37 de la LFI 2011 a également supprimé le plafonnement de la CSPE à 7 % du prix de vente de l'électricité applicable à l'ensemble des consommateurs.

Le plafonnement, de 500 000 euros par site de consommation concernant plus particulièrement certains industriels, a été porté à 550 000 euros. Il n’avait pas varié depuis son instauration en 2003. Cet élargissement de l'assiette de la CSPE permet de limiter l'augmentation qui s'appliquera aux autres consommateurs. Son évolution est désormais indexée sur l'évolution de l'indice des prix hors tabac.

Ces dispositions ont été appliquées à la fixation du montant de la contribution pour l'année 2011.

2.– L’encadrement du solaire photovoltaïque, pour limiter les dépenses

a) La multiplication par dix en deux ans du solaire photovoltaïque

Le déploiement des installations photovoltaïques s’est accéléré au point que la puissance totale des demandes déposées en 2009 représentait 90 % de l’objectif 2020 de la PPI (5 400 MW). Si rien n’avait été fait, la trajectoire tendancielle aurait pu conduire à un parc installé de 17 GW en 2020, l’objectif de la PPI étant atteint dès 2013. Une telle trajectoire ne serait pas soutenable, car la charge pour la CSPE serait sans rapport avec les enjeux énergétiques, et plus les rachats ont lieu plus tôt, plus ils sont chers. Le surcoût de la trajectoire vers 17 GW en 2020 serait de 3 milliards d’euros par an en 2020, selon le rapport de MM. Charpin et Trink publié en septembre 2010. L’objectif ne peut être énergétique : en effet, l’énergie solaire ne représenterait que 0,4 % de l’objectif de 23 % d’ENR dans la consommation d’énergie finale brute en 2020. Il doit donc être industriel et prospectif, en anticipant le développement à venir de cette filière dans le monde.

Malgré les baisses successives des tarifs d’achat intervenues avec les arrêtés du 12 janvier et du 31 août 2010, le rythme de développement des projets était resté trop élevé pour être soutenable dans la durée, et ne répondait pas aux objectifs du Grenelle de l’environnement en matière de développement industriel et de performances environnementales. L’arrêté du 9 décembre 2010 a donc suspendu partiellement et pour trois mois le mécanisme d’obligation d’achat pour les installations photovoltaïques non résidentielles.

b) Le nouveau dispositif de soutien résultant de l’arrêté du 4 mars 2011

Il vise un équilibre entre le développement d’une filière industrielle compétitive, notamment à l’export, l’amélioration des performances énergétiques et environnementales et la hausse du coût pour les consommateurs d’électricité. Il prévoit une cible de nouveaux projets de 500 MW par an pour les prochaines années. Compte tenu des projets entrés en file d’attente avant la suspension, les perspectives de développement pour 2011 et 2012 restent soutenues et sont évaluées entre 1 000 et 1 500 MW par an, soit davantage que la quantité installée en 2009 et 2010. La cible annuelle de 500 MW sera réexaminée au milieu de l’année 2012, après révision de la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité, et pourra être revue à la hausse jusqu’à 800 MW.

Des tarifs d’achat, ajustés chaque trimestre, sont prévus pour les installations sur bâtiments de moins de 100 kWc (soit une surface de 1 000 mètres carrés de panneaux photovoltaïques) ; les installations sur bâtiments de plus de 100 kWc et les centrales au sol feront l’objet d’appels d’offres. Si le nombre de projets déposés est conforme à la trajectoire de 25 MW/trimestre (250 millions de m² de panneaux), la baisse des tarifs d’achat sera de 2,6 % soit 10 % en base annuelle. Cette baisse correspond à la baisse prévue des coûts de fabrication. À défaut, la baisse des tarifs d’achat sera accentuée ou diminuée.

D’autres mesures prévues par la LFI 2011 encadrent le développement du solaire photovoltaïque, et devraient diminuer en conséquence les charges de CSPE : le crédit d’impôt développement durable (CIDD) a vu son taux réduit de moitié, de 50 % à 25 % la première année. Les installations photovoltaïques sont désormais exclues du champ d’application de la défiscalisation à l’impôt sur le revenu et à l’impôt sur les sociétés des investissements réalisés outre-mer, comme du champ des dispositifs de réduction de l’impôt sur le revenu (dit « Madelin ») et de l’impôt sur la fortune au titre de l’investissement en fonds propres dans les PME.

II.– LA MESURE PROPOSÉE

A.– UNE HAUSSE DE LA CSPE RESTE INÉLUCTABLE

1.– Les charges prévisionnelles pour 2011

D’après les chiffres publiés par la CRE en février 2011, la répartition des contributions en 2011 sera la suivante : 1,45 milliard d’euros (51 % du total) payé par les moyennes et grandes entreprises, 1,06 milliard d’euros (37 % du total) payé par les consommateurs résidentiels, et 337 millions (12 %) par les petits professionnels.

Les clients résidentiels paieront en moyenne 42 euros TTC de CSPE, soit 8 % de la facture moyenne, qui augmentera, du fait de la hausse de CSPE décidée fin 2010, de 3 %.

Parmi les clients professionnels, 140 sites ont bénéficié du plafond de 500 000 euros par site en 2009, soit 48 TWh exonérés. 400 sociétés devraient bénéficier du plafonnement de la CSPE à 0,5 % de leur valeur ajoutée au titre de 2009, soit 13,6 TWh exonérés.

Du fait du maintien de la valeur unitaire de CSPE à 4,5 euros/MWh de 2004 à 2010, EDF subit un défaut de compensation de ses charges (les autres fournisseurs historiques représentent moins de 5 % des charges de service public et sont intégralement compensés). Les charges effectivement supportées par EDF et calculées par la CRE en octobre 2010 ne lui ont pas été intégralement compensées par la CSPE 2009, d’où un déficit de 1,4 milliard d’euros, qui s’ajoute aux charges 2011. Pour 2010, le défaut de compensation d’EDF, estimé par la CRE à un milliard, s’ajoutera aux charges 2012.

La CSPE 2011 s’élève à 7,5 euros/MWh, ce qui devrait générer un déficit de compensation prévisionnel sur 2011 de 2 milliards d’euros, auquel s’ajoute celui de 2010, estimé à 1 milliard d’euros.

EDF évalue à un milliard d'euros les frais financiers de gestion de ce déficit.

Les charges prévisionnelles 2011 à couvrir par la CSPE, s’élèvent, selon les calculs de la CRE en octobre 2010, à 3,4 milliards au titre de 2011 et 1,4 milliard au titre de la régularisation pour 2009, soit un total de 4,8 milliards. Pour pouvoir compenser intégralement ces charges, la CSPE devrait s’élever à 12,9 euros/MWh (soit 9,3 euros/MWh au titre de 2011 et 3,6 euros/MWh au titre de la régularisation 2009).

Au titre de 2011, elles sont dues :

– pour 42,4 % aux ENR en métropole continentale ;

– pour 35 %, à la péréquation tarifaire dans les ZNI (intégrant le coût des ENR dans ces zones) ;

– pour 21,2 %, à la cogénération ;

– pour 1,4 % aux charges de solidarité.

Alors qu’en 2010, le premier poste était celui de la péréquation tarifaire, les ENR sont désormais prépondérantes, avant tout du fait du développement du solaire photovoltaïque.

Les charges liées au solaire photovoltaïque devraient représenter, selon la CRE, 30 % des charges pour 2011, soit 1 milliard d’euros (915 millions d’euros en métropole continentale, et 83 millions d’euros en ZNI), et 2,7 euros/MWh.

En métropole, ces calculs sont fondés sur l’hypothèse du raccordement de 1 300 MW en 2011 (qui porterait la puissance installée fin 2011 à 2 300 MW), c'est-à-dire la moitié de la « file d’attente » à l’instauration du moratoire de décembre 2010, qui pourrait bénéficier du tarif en vigueur avant le moratoire.

Les mesures adoptées en loi de finance initiale 2011 qui restreignent les avantages fiscaux sur le PV dans les DOM auront éventuellement un impact sur les demandes de raccordement, mais il ne se fera sentir qu'après 2011 du fait du stock des projets en file d'attente qui ont droit aux avantages fiscaux anciens et seront raccordés en priorité en 2011. De même, le nouveau tarif n'aura pas d'impact sur les charges 2011, essentiellement dues aux projets en file d'attente bénéficiant des anciens tarifs. Les mesures adoptées en LFI et le nouveau dispositif tarifaire ne modifient donc pas les charges prévisionnelles annexées à la délibération de la CRE du 7 octobre 2010.

2.– La hausse des prix de l’énergie et de la précarité énergétique

Si les tarifs de l’électricité restent en France inférieurs à la moyenne européenne, ils connaissent une hausse continue depuis 2008. La refonte de la grille tarifaire en août 2010 a entraîné une hausse moyenne de 3 % pour les ménages et de 4 à 5,5 % pour les entreprises. S’y est ajoutée la revalorisation de la CSPE au 1er janvier 2011. Des contraintes fortes pèsent sur le prix de l’électricité, qu’il s’agisse de la prolongation et du renouvellement des centrales nucléaires, de la mise en place de l’ARENH (94) ou du développement des réseaux.

À la suite du rapport relatif à la précarité énergétique rédigé par M. Philippe Pelletier et remis le 6 janvier 2010 au Gouvernement, la loi portant engagement national pour l’environnement du 10 juillet 2010 en donne une définition juridique : sont considérés en situation de précarité énergétique celles et ceux qui consacrent plus de 10 % de leurs ressources à payer leurs factures d’énergie. 3,4 millions de ménages seraient concernés.

B.– AJUSTER LE PILOTAGE DE LA CSPE

1.– Lisser le relèvement de la CSPE en 2011 et 2012

Le I du présent article prévoit une hausse en deux temps du montant de la CSPE, actuellement fixé à 7.5euros/MWh :

– 1,5 euro/MWh à partir de la publication de la présente loi, ce qui porterait la CSPE à 9 euros/MWh jusqu’au 30 juin 2012 ;

– 1,5 euro/MWh au 1er juillet 2012, ce qui porterait la CSPE à 10,5 euros/MWh jusqu’au 31 décembre 2012.

Cette mesure a deux effets :

– elle lisse effectivement le relèvement de 3 euros/MWh, par rapport à une hausse équivalente en une seule fois, au 1er janvier 2012.

Le relèvement de 3 euros par MWh de la CSPE prévu le 1er janvier 2012, en application des dispositions législatives actuelles, sera réparti sur deux ans : à 50 % le 1er juillet 2011 et à 50 % le 1er juillet 2012. Cette initiative permet de contenir l’augmentation à 1,2 % de la facture des ménages à chacune de ces échéances, soit une hausse moyenne de 8,5 euros/an, et une augmentation des ressources de la CSPE de 560 millions d’euros par an sur la base de la consommation prévue en 2011.

– cela signifie que le Gouvernement décide, dès maintenant, de limiter la hausse du montant de la CSPE et renonce à la possibilité de décider, par arrêté, et sur proposition de la CRE, d’un montant supérieur, alors que si la CRE n’a pas encore été amenée à proposer un montant pour 2012, et ne sera pas amenée à le faire, il est probable que le niveau de contribution nécessaire pour couvrir les charges 2012 et compenser le déficit de couverture des années 2010 et antérieures soit supérieur à 12 euros/MWh », selon l’évaluation préalable, ce qui appellerait une hausse supérieure à 3 euros/MWh, puisque le montant actuel de la CSPE est de 7,5 euros/MWh. Il s’agit donc clairement d’une mesure favorable au pouvoir d’achat des ménages, plus qu’à la résorption du déficit de compensation.

Si la CSPE augmentait de 3 euros/MWh chaque année jusqu'à apurement du défaut de compensation, celui-ci serait effectif entre 2015 et 2016 selon le rythme de développement des ENR.

Au total, d'ici à juin 2012, le prix de l’électricité n'augmentera que de 2,9 % : 1,2 % du fait de la hausse de la CSPE et 1,7 % du fait de la hausse des tarifs réglementés, applicable au 1er juillet 2011. Cette hausse sera inférieure à l'inflation et ne répercute que les coûts liés aux réseaux de transport et de distribution d’électricité.

Dérogatoire et ponctuelle, cette mesure n’est pas codifiée.

2.– Clarifier la procédure d’évaluation du montant des charges

Le 1° du II du présent article clarifie la procédure d’évaluation du montant des charges supportées par les opérateurs, définies par l’article L. 121-9 du code de l’énergie, en prévoyant que, à défaut d’arrêté du ministre chargé de l’énergie fixant le montant prévisionnel des charges de service public, le montant proposé par la Commission de régulation de l’énergie entre en vigueur. Pour 2011, ce montant a été fixé par arrêté du 23 mars 2011, et s’élève au total à 4,8 milliards d’euros, dont 4,6 milliards pour EDF.

Même si elle ne proposera pas de montant pour la CSPE en 2012, la CRE procédera à une évaluation du montant des charges de service public pour 2012.

3.– Revenir sur la répartition des rôles respectifs du ministre et de la CRE prévus par la LFI 2011

Le 2° du II du présent article a pour objet de laisser à la libre appréciation du ministre chargé de l’énergie la fixation du montant de la contribution unitaire, tout en se fondant sur la proposition formulée par la CRE. Depuis les dispositions adoptées dans la loi de finances pour 2011, à l’initiative de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, le ministre n’a d’autre alternative que de suivre la proposition de la CRE, ou de ne pas prendre d’arrêté : dans ce dernier cas, soit la proposition de la CRE s’applique directement, si la hausse proposée est inférieure à 3 euros/MWh, hypothèse exclue actuellement compte tenu du montant des charges, soit si la proposition est supérieure, la hausse est plafonnée à 3 euros/MWh.

La seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 121-13 est modifiée afin que le ministre n’ait qu’à « tenir compte » de la proposition de la CRE. Par rapport au droit actuel, cette modification permet au ministre de décider d’une hausse de la CSPE supérieure à la proposition de la CRE, ou comprise entre cette proposition et 3 euros/MWh, ou inférieure à 3 euros/MWh, alors que les dispositions adoptées dans la loi de finances pour 2011 visaient à exclure cette dernière hypothèse.

4.– Coordination

Enfin, le 3º du II adapte la disposition de l’article L. 134-11 du code de l’énergie relative à l’obligation de publication des avis et propositions de la CRE, afin de tenir compte de la modification introduite par le 2º du II.

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La Commission examine l’amendement CF 170 rectifié de M. Michel Diefenbacher.

M. Michel Diefenbacher. Il s’agit des tarifs de l’électricité. Nous avions fixé, dans la loi de finances pour 2011, la procédure d’ajustement du montant de la CSPE (contribution au service public de l’électricité), en prévoyant l’intervention de la Commission de régulation de l’énergie et du ministre. Le Gouvernement voudrait pouvoir s’affranchir de la proposition de la CRE. Je propose plutôt de réaffirmer que le ministre est tenu par la proposition, tout en l’autorisant à étaler l’augmentation sur les douze mois de l’année.

M. le rapporteur général. Avis favorable. Nous avions voté un excellent dispositif, sur lequel le Gouvernement veut revenir.

M. le président Jérôme Cahuzac. Je suis d’accord sur le principe, mais j’aimerais être sûr que cet amendement ne remet pas en cause l’arbitrage du Président de la République sur le tarif de rachat par les concurrents d’EDF de l’électricité nucléaire.

M. le rapporteur général. À ma connaissance, non.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 1264).

La Commission adopte l’article 21 ainsi modifié.

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Article 22

Indemnisation des victimes du benfluorex

Texte du projet de loi :

I.– L’article L. 1142-22 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « L. 1142-15 et L. 1142-18 » sont remplacés par les mots : « L. 1142-15, L. 1142-18 et L. 1142-24-6 » ;

2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’office est, en outre, chargé, dans les conditions définies à la section 4 bis, de faciliter le règlement amiable des litiges relatifs aux dommages causés par l’administration du benfluorex. »

II.– L’article L. 1142-23 du même code est ainsi modifié :

1° Il est inséré, après le sixième alinéa, un alinéa ainsi rédigé :

« ter. Le versement d’indemnités en application des dispositions de l’article L. 1142-24-6 ; »

2° Au neuvième alinéa, après les mots : « l’application des articles » sont insérés les mots : « L. 1142-24-3, » ;

3° Au douzième alinéa, après les mots : « frais d’expertise prévus aux articles » sont insérés les mots : « L. 1142-24-3, » ;

4° Au treizième alinéa, les mots : « aux articles L. 1142-14 et L. 1142-15 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 1142-14, L. 1142-15 et L. 1142-24-6 » ;

5° Au quatorzième alinéa, après les mots : « L. 1142-17, » sont insérés les mots : « L. 1142-24-6, » ;

6° Après le dix-septième alinéa, il est inséré un 8° ainsi rédigé :

«  Une dotation versée par l’État en application des articles L. 1142-24-1 à L. 1142-24-7 ».

III.– Au chapitre II du titre IV du livre premier de la première partie du même code, il est inséré une section 4 bis rédigée comme suit :

« Section IV bis.– Indemnisation des victimes du benfluorex.

« Art. L. 1142-24-1.– Sans préjudice des actions qui peuvent être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices imputables au benfluorex est assurée dans les conditions prévues par la présente section.

« Art. L. 1142-24-2.– Toute personne s'estimant victime d’un déficit fonctionnel imputable au benfluorex ou, le cas échéant, son représentant légal ou ses ayants droit peuvent saisir l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales en vue d’obtenir la réparation des préjudices en résultant.

« La demande comporte les informations mentionnées aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 1142-7. Elle précise, en outre, le nom du ou des médicaments qui ont étés administrés et les éléments de nature à établir l’administration de benfluorex. L’auteur de la demande apporte tous éléments d’information utiles, notamment sur toute personne, autre que le ou les exploitants du médicament, mentionnée à l’article L. 1142-2 à qui il souhaite rendre la procédure opposable. Il en va de même du ou des exploitants du médicament concernés, informés de la demande dès sa réception par l’office.

« Le dernier alinéa de l’article L. 1142-7 est applicable à la saisine de l’office dans les conditions du présent article.

« Art. L. 1142-24-3.– Un collège d’experts placé auprès de l’office procède à toute investigation utile à l’instruction de la demande et diligente le cas échéant une expertise, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel.

« Le collège est présidé par un médecin et comprend en outre, notamment, une personne compétente dans le domaine de la réparation du dommage corporel ainsi que des médecins proposés par des associations de personnes malades et d’usagers du système de santé ayant fait l’objet d’un agrément au niveau national dans les conditions prévues à l’article L. 1114-1, par le ou les exploitants concernés ou leurs assureurs et par l’office.

« La composition du collège d’experts et ses règles de fonctionnement, propres à garantir son indépendance et son impartialité, ainsi que la procédure suivie devant lui sont déterminées par décret en Conseil d'État.

« Les membres du collège et les personnes qui ont à connaître des documents et informations détenus par celui-ci sont tenus au secret professionnel, dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.

« Art. L. 1142-24-4.– S’il constate l’existence d’un déficit fonctionnel imputable au benfluorex, le collège émet un avis sur les circonstances, les causes, la nature et l’étendue des dommages, ainsi que sur la responsabilité du ou des exploitants du médicament et, le cas échéant, des autres personnes mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 1142-24-2.

« L'avis du collège est émis dans un délai de six mois à compter de la saisine de l’office. Il est transmis à la personne qui l'a saisi et à toutes les personnes intéressées par le litige.

« Cet avis ne peut être contesté qu'à l'occasion de l'action en indemnisation introduite devant la juridiction compétente par la victime ou des actions subrogatoires prévues aux articles L. 1142-14
et L. 1142-24-6.

« Art. L. 1142-24-5.– Les personnes considérées comme responsables par le collège d’experts ou les assureurs qui garantissent la responsabilité civile ou administrative de ces personnes adressent à la victime ou à ses ayants droit, dans un délai de trois mois suivant la réception de l'avis, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis dans la limite, pour les assureurs, des plafonds de garantie des contrats d'assurance. Sont applicables à cette offre les dispositions des deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième et huitième alinéas de l’article L. 1142-14.

« Si le juge compétent, saisi par la victime qui refuse l'offre de la personne responsable ou de l'assureur, estime que cette offre était manifestement insuffisante, il condamne la personne responsable ou l'assureur à verser à l'office une somme au plus égale à 30 % de l'indemnité qu'il alloue, sans préjudice des dommages et intérêts dus de ce fait à la victime.

« Art. L. 1142-24-6.– En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur ou de la personne responsable mentionnés à l’article L. 1142-24-5 de faire une offre, ou en cas d’offre manifestement insuffisante, l'office est substitué à l'assureur ou à la personne responsable.

« L’office adresse à la victime ou à ses ayants droit une offre d’indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis. Dans ce cas, les dispositions des troisième, quatrième, et sixième alinéas de L. 1142-15 s’appliquent à l’offre de l’office, de même que celles des deuxième, troisième, quatrième et sixième alinéas de l’article L. 1142-17, de l’article L. 1142-19 et du second alinéa de l’article L. 1142-20.

« Lorsque la victime n’a pas informé l’office des prestations reçues ou à recevoir des tiers payeurs autres que les caisses de sécurité sociale, les dispositions de l’article L. 1142-16 s’appliquent.

« Dans le cas prévu au premier alinéa ci-dessus, le juge, saisi à la demande de l’office subrogé dans les droits de la victime, condamne, le cas échéant, l'assureur ou la personne responsable à verser à l’office une somme au plus égale à 30 % de l'indemnité qu’il alloue.

« Art. L. 1142-24-7.– Les indemnisations accordées en application de la présente section ne peuvent se cumuler avec celles accordées, le cas échéant, en application des articles L. 1142-14, L. 1142-15, L. 1142-17, L. 1142-20 et L. 1142-21 et plus généralement avec les indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du chef des mêmes préjudices.

IV.– Les dispositions du présent article entrent en vigueur le premier jour du mois suivant la publication du décret mentionné à l’article L. 1142-24-3 du code de la santé publique dans sa rédaction issue du III ci-dessus et au plus tard le 1er septembre 2011.

À compter de cette entrée en vigueur, les commissions mentionnées à l’article L. 1142-5 du même code renvoient les demandes dont elles sont saisies et qui relèvent de la section 4 bis du chapitre II du titre IV du livre premier de la première partie de ce code à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, si elles n’ont pas encore émis leur avis en application de l'article L. 1142-8 du même code. Le délai prévu à son article L. 1142-24-4 ne court qu’à compter de la date à laquelle l’office accuse réception de cette transmission.

Dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État, si, à la date d’entrée en vigueur du présent article, une personne mentionnée à l’article L. 1142-24-2 du code de la santé publique a intenté une action en justice tendant à la réparation de dommages relevant de la section 4 bis du chapitre II du titre IV du livre premier de la première partie de ce code, elle peut saisir l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des maladies nosocomiales en vue d’obtenir la réparation de ses préjudices. Elle informe la juridiction de cette saisine.

Exposé des motifs du projet de loi :

Le présent article a pour objet d’instituer un dispositif d’indemnisation des dommages subis par les personnes qui ont été exposées au benfluorex.

Le I modifie l’article L. 1142-22 du code de la santé publique pour compléter les missions de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam), qui sera chargé de mettre en œuvre ce nouveau dispositif. L’office jouera un rôle de facilitateur dans le cadre du règlement amiable des litiges.

Le II modifie l’article L. 1142-23 pour inclure, dans les dépenses de l’office, les indemnités versées à ces victimes et les frais d’expertise y afférents et, dans ses recettes, les remboursements des indemnités et des frais d’expertise, les majorations dont les indemnités peuvent être assorties ainsi que la dotation versée par l’État.

Le III crée une section 4 bis, au chapitre 2 du titre IV du livre premier de la première partie du code de la santé publique, intitulée « Indemnisation des victimes du benfluorex ».

L’article L. 1142-24-2 précise que le demandeur indique le ou les exploitant(s) dont il entend rechercher la responsabilité. Le demandeur et les exploitants indiquent les autres acteurs de santé visés à l’article L. 1142-2 du code de la santé publique à qui ils entendent rendre la procédure opposable. L’Oniam instruit la demande à ses frais.

Les articles L. 1142-24-3 et L. 1142-24-4 instituent un collège d’experts. Le collège émet un avis sur les circonstances, les causes, la nature et l’étendue des dommages, ainsi que sur la responsabilité de l’exploitant et, le cas échéant, du ou des acteurs auxquels la procédure aura été rendue opposable, dans un délai de six mois à compter de la réception du dossier complet. Le collège adresse son avis à l’exploitant et aux autres personnes auxquelles la procédure a été rendue opposable.

L’article L. 1142-24-5 prévoit que les personnes dont la responsabilité est reconnue ont trois mois pour faire une offre au demandeur. L’accompagnement des demandeurs à la procédure est par ailleurs organisé par le dispositif.

L’article L. 1142-24-6 dispose que si le responsable sollicité n’a pas donné suite ou y a donné une suite insuffisante, le demandeur peut se retourner vers l’Oniam qui dispose de trois mois pour faire une offre au nom du responsable et en régler le montant. Dans ce cas, l’Oniam exerce un recours contre le responsable défaillant pour obtenir le remboursement des sommes qu’il a versées en son nom, assorti éventuellement par le juge d’une pénalité au plus égale à 30 % de ce montant, pénalité versée à l’office.

Enfin, l’article L. 1142-24-7 pose le principe de non-cumul des indemnités.

Le IV prévoit que le dispositif entre en vigueur le 1er jour du mois suivant la publication du décret fixant la composition du collège d’experts et au plus tard le 1er septembre 2011. À compter de cette entrée en vigueur, les commissions régionales de concertation et d’indemnisation (CRCI) transmettront à l’Oniam toutes les demandes dont elles auront pu être saisies à ce sujet. En outre, il est prévu la possibilité pour les personnes ayant déjà intenté une action en justice de saisir l’Oniam afin de s’inscrire dans le cadre de la procédure nouvellement créée.

Observations et décision de la Commission :

Le Médiator est un médicament à base de chlorhydrate de benfluorex, pour lequel les laboratoires Servier ont obtenu en 1974 une autorisation de mise sur le marché (AMM) au titre d’adjuvant d’un régime adapté dans les hypertriglycéridémies ou dans le diabète asymptomatique avec surcharge pondérale. Ce médicament a toutefois été régulièrement prescrit comme anorexigène, c'est-à-dire comme un médicament destiné à faire perdre du poids, en dehors de son AMM.

Commercialisé entre le 13 août 1976 et le 30 novembre 2009, le Médiator est le 44ème médicament le plus demandé en officine en 2006 (5 millions de personnes en auraient consommé en France). Son AMM a été retirée par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) le 30 novembre 2009 compte tenu de la mise en évidence, chez de nombreux patients sous traitement, de valvulopathies (dysfonctionnement des valves cardiaques) et, plus rarement, d’hypertensions artérielles pulmonaires.

Accusé d’être la cause de près de 500 décès et 3 500 hospitalisations de patients en France pour des lésions des valves cardiaques, le Médiator a fait l’objet d’une enquête menée par l’Inspection générale des affaires sociales saisie par le ministre du travail, de l’emploi et de la santé le 29 novembre 2010. Cette mission, a rendu son rapport en janvier 2011 (95) et considère que les principaux responsables de cette situation sont : « 1) les laboratoires Servier qui dès l’origine du médicament ont poursuivi un positionnement du Mediator en décalage avec sa réalité pharmacologique ; 2) l’Agence chargée du médicament, inexplicablement tolérante à l’égard d’un médicament sans efficacité thérapeutique réelle ; 3) le système de pharmacovigilance, incapable d’analyser les graves risques apparus en termes de cardiotoxicité du Mediator ; 4) enfin, les ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé gérant avec lenteur les déremboursements de médicaments à service médical rendu insuffisant, aboutissant dans le cas du Mediator à des résultats inverses de ceux recherchés ».

Dans ce contexte, le Gouvernement a souhaité la mise en place d’un mécanisme d’indemnisation des victimes du Médiator rapide et intégral afin d’éviter un contentieux de masse dont l’issue finale ne pourra intervenir qu’après de longues procédures judiciaires.

Le 24 janvier 2011, les Laboratoires Servier se sont dits prêts à participer à l’indemnisation des victimes du Médiator, en complément des dispositifs existants. Le 1er février, les ministres de la santé et de la justice ont demandé à Mme Claire Favre, présidente de la chambre commerciale de la Cour de cassation, de prendre contact avec les représentants des Laboratoires afin de recueillir leurs propositions en matière d’indemnisation des victimes. Cependant, la dernière proposition des Laboratoires Servier, en date du 7 avril 2011, a été jugée par les ministres et les associations de victimes, comme étant « inacceptable. En effet, leur proposition maintient une indemnisation partielle pour chaque victime, sans couvrir l’ensemble des préjudices qui sont pourtant reconnus et acceptés par tous » (96).

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement propose de créer, par le présent article du projet de loi de finances rectificative, un dispositif ad hoc d’indemnisation des victimes du Médiator dont l’accès est gratuit.

I.– LES DISPOSITIFS D’INDEMNISATION DES VICTIMES D’UN ACCIDENT MÉDICAL OU D’UN PRODUIT DE SANTÉ

La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a introduit dans le droit français un nouveau mécanisme de réparation des conséquences des risques sanitaires résultant du fonctionnement du système de soins codifié aux articles L. 1142-1 à L. 1143-1 du code de la santé publique.

Cette nouvelle réglementation comporte deux avancées significatives pour les victimes d'accidents médicaux, à savoir :

– d'une part la création d'un droit à l'indemnisation au titre de la solidarité nationale, des dommages graves résultant d'un accident grave non fautif (souvent appelé « aléa thérapeutique ») ;

– d'autre part l'accélération des procédures d'indemnisation des préjudices de nature médicale résultant soit de la responsabilité d’un professionnel de santé, soit d’un aléa thérapeutique. Elle instaure donc une procédure de règlement amiable en cas de préjudice d’une certaine gravité, et dans les autres cas une procédure de conciliation.

A.– LES PRINCIPES DE LA RESPONSABILITÉ MÉDICALE

À titre liminaire, la section 1 du chapitre II du titre 4 du livre Ier de la première partie du code de la santé publique (CSP), créés par la loi du 4 mars 2002, consacre le principe de la responsabilité médicale fondé sur la faute, mais définit également un nouveau droit à l’indemnisation des victimes en cas d’accidents médicaux graves pour lesquels la responsabilité d’un professionnel ne peut être engagée.

1.– La responsabilité des professionnels et des établissements de santé

Le I de l’article L. 1142-1 CSP dispose notamment que la responsabilité des professionnels de santé et des établissements de santé est encourue soit en raison d’un défaut d’un produit de santé, soit en raison des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins pour lesquels la faute est démontrée.

L’on distingue donc deux régimes de responsabilité civile, qui ne sont pas exclusifs l’un de l’autre : le régime de la responsabilité civile classique fondé sur la faute et un régime de responsabilité sans faute du fait de la mise en circulation d’un produit de santé défectueux (médicaments, matériels et dispositifs médicaux, réactifs de laboratoire, principes actifs, échantillons médicaux…).

 La responsabilité civile de droit commun fondée sur la faute

La notion de responsabilité est primordiale en droit : elle conditionne tout le système juridique, civil, administratif et pénal. En matière médicale, s’il n’est pas admissible que le médecin soit tenu pour responsable de toutes les conséquences de ses actes professionnels en dehors de toute faute, il n’est pas acceptable qu’une faute médicale aboutisse à abandonner une victime sans aucune reconnaissance et compensation. C’est la raison pour laquelle la loi du 4 mars 2002 a confirmé le principe de la responsabilité médicale fondée sur la faute.

La responsabilité médicale se traduit donc par la nécessité cumulative d’une faute, d’un préjudice causé au patient et du lien de causalité entre la faute et le préjudice. Le patient ou ses ayants droit peuvent alors obtenir une indemnisation et la condamnation du professionnel de santé soit sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil (responsabilité délictuelle), soit sur le fondement de l’article 1147 du code civil (responsabilité contractuelle).

Il convient de préciser que les victimes qui font le choix d’intenter une action pénale peuvent néanmoins demander la réparation du préjudice subi au titre de la responsabilité civile à l’occasion du procès pénal. En effet, dès lors que l'infraction est commise au préjudice d'une victime et cause ainsi un dommage, responsabilité pénale et responsabilité civile coexistent : fréquemment, le juge répressif, après avoir prononcé la peine (c'est-à-dire s'être prononcé sur l'action publique), alloue des dommages et intérêts à la victime (autrement dit, se prononce sur l'action civile de celle-ci).

 La responsabilité « sans faute » du fait d’un produit défectueux

Depuis que la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 a transposé dans notre droit la directive n° 85/374/CEE du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, le code civil s'est enrichi d'un nouveau titre spécialement consacré à la responsabilité du fait des produits défectueux aux termes des articles 1386-1 à 1386-18.

Par un arrêt du 10 mai 2001 rendu sur renvoi préjudiciel de la Cour suprême du Danemark en interprétation de la directive du 25 juillet 1985, la Cour de justice des Communautés européennes a considéré que le régime de responsabilité du fait des produits défectueux s'applique à ceux qui ont été fabriqués et utilisés dans le cadre d'une prestation médicale (97), leur « mise en circulation », notion présente dans l'article 1386-5 du code civil, pouvant s'entendre d'un usage interne à l'établissement de santé (98) . Par conséquent, les produits tels que les médicaments, les matériels et dispositifs médicaux, les réactifs de laboratoire, les principes actifs, les échantillons médicaux, les médicaments utilisés dans le cadre d'une recherche de phase IV de la loi Huriet, les implants et les organismes génétiquement modifiés sont soumis au nouveau régime légal.

Il faut néanmoins rappeler que selon l'article 21 de la loi, celle-ci ne s'applique qu'aux produits mis en circulation à compter du 21 mai 1998. À cet égard, l’article 1386-5 du code civil dispose qu’ « un produit est mis en circulation lorsque le producteur s'en est dessaisi volontairement. Un produit ne fait l'objet que d'une seule mise en circulation ». La mise en circulation se définit donc comme le fait de mettre le produit sur le marché de la distribution. Par conséquent, le producteur engage sa responsabilité à partir du moment où il procède volontairement à la distribution du produit. Ainsi, dans l’hypothèse de produits fabriqués en série, tels que le Médiator, il y a autant de mises en circulation du produit que de commercialisations de lots de produits (99).

Il n’en demeure pas moins qu’en vertu de cet article les médicaments mis en circulation avant le 21 mai 1998 demeurent régis par le droit commun de la responsabilité. Cependant, la Cour de justice de l’Union européenne impose aux États membres de faire application par anticipation des directives non transposées dans les délais impartis de sorte que le régime de la responsabilité civile doit être interprété à la lumière de la directive pour les produits mis en circulation à compter du 30 juillet 1988, date limite de transposition de la directive.

En tout état de cause, les délais de recours sur le fondement de la responsabilité du fait d’un produit défectueux sont assez contraignants car l’action ne peut plus être introduite dix ans après la mise en circulation du produit, et doit l’être obligatoirement dans les trois ans à compter de la date à laquelle la victime a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l’identité du producteur.

2.– Le droit à l’indemnisation au titre de la solidarité nationale

Il existe plusieurs hypothèses dans lesquelles les victimes d’un préjudice de nature médicale bénéficient d’un droit à l’indemnisation au titre de la solidarité nationale, c'est-à-dire lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé (ou assimilés) ou encore d’un producteur de produit n’est pas engagée. Dans ces cas-là, l’État, et in fine le contribuable, prennent en charge la réparation de ces préjudices.

Sont ainsi concernés les préjudices résultant :

– d’un accident médical, d’une affection iatrogène ou d’une infection nosocomiale sous certaines conditions (II de l’article L. 1142-1 CSP) ;

– d'infections nosocomiales dans les établissements de santé et assimilés (article L. 1142-1-1 1° CSP) ;

– de l'intervention, en cas de circonstances exceptionnelles, d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme en dehors du champ de son activité de prévention, de diagnostic ou de soins (article L. 1142-1-1 2° CSP).

Dans les trois cas mentionnés ci-dessus, il faut toutefois préciser que le droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale n’est ouvert que lorsqu’il est démontré un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 %.

Par la suite, l’indemnisation au titre de la solidarité nationale a été étendue aux victimes de vaccinations obligatoires (article L. 3111-4 CSP), aux victimes de contaminations par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et par le virus de l’hépatite C (VHC) d’origine sanguine (transfusions de sang, produits dérivés du sang), aux victimes des accidents dus à la vaccination contre la grippe A (H1N1) et enfin aux victimes de contamination par l’hormone de croissance extractive (maladie de Creutzfeldt-Jakob).

B.– LES PROCÉDURES D’INDEMNISATION AMIABLE DES VICTIMES

Il convient de distinguer deux types de procédure d’indemnisation amiable des victimes dans le domaine médical dont l’accès est gratuit :

– la procédure de règlement amiable créée par la loi du 4 mars 2002 fondée principalement sur les commissions régionales de conciliation et d’indemnisation (CRCI) compétentes en cas d’accidents médicaux qu’ils résultent de la responsabilité d’un professionnel de santé ou d’un aléa thérapeutique ;

– les procédures d’indemnisation gérées directement par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) au titre de la solidarité nationale créées postérieurement à la loi du 4 mars 2002.

1.– La procédure de règlement amiable des litiges relatifs à l’indemnisation des préjudices d’accidents médicaux fondée sur les CRCI

Le nouveau système d'indemnisation des accidents médicaux créé par la loi du 4 mars 2002 est organisé autour de trois nouvelles instances : les commissions régionales de conciliation et d'indemnisation (CRCI) ; la Commission nationale des accidents médicaux (CNAM) et l’ONIAM.

a) Le rôle des commissions régionales de conciliation et d'indemnisation (CRCI)

L'article L. 1142-5 du code de la santé publique instaure une commission régionale de conciliation et d'indemnisation (ou une commission interrégionale), dont la mission consiste à « faciliter le règlement amiable des litiges relatifs aux accidents médicaux, aux affections iatrogènes et aux infections nosocomiales, ainsi que des autres litiges entre usagers et professionnels de santé, établissements de santé, services de santé ou organismes ou producteurs de produits de santé mentionnés aux articles L. 1142-1 et L. 1142-2 ».

 Composition des CRCI

En application de l'article L. 1142-6 du Code de la santé publique, les commissions sont constituées de vingt membres répartis au sein de diverses catégories de la manière suivante :

– six représentants des usagers du système de santé ;

– trois représentants de professionnels de santé dont deux issus du secteur libéral et un praticien hospitalier ;

– trois représentants d'établissements de santé dont un responsable d'établissement public et deux responsables d'établissements privés ;

– deux représentants de l'ONIAM à savoir le président du conseil d'administration et le directeur ;

– deux représentants des entreprises d'assurances ;

– quatre personnalités qualifiées dans le domaine de la réparation des préjudices corporels.

Les CRCI sont présidées soit par un magistrat de l'ordre administratif, soit par un magistrat de l'ordre judiciaire, en activité ou honoraire ce qui doit permettre de garantir la qualité juridique de leur travail (article L. 1142-6, alinéa 1er du même code). Un même magistrat peut présider plusieurs commissions régionales en qualité de président ou de président adjoint.

 Modalités de saisine des CRCI

L'article L. 1142-7 du code de la santé publique prévoit que la commission régionale peut être saisie par « toute personne s'estimant victime d'un dommage imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins ou le cas échéant par son représentant légal. Elle peut également être saisie par les ayants droit d'une personne décédée à la suite d'un acte de prévention, de diagnostic ou de soins ».

La loi du 4 mars 2002 a néanmoins précisé que les CRCI ne peuvent être saisies que pour les accidents médicaux consécutifs à des activités de prévention, de diagnostic ou de soin réalisées à compter du 5 septembre 2001.

Les modalités procédurales de saisine des commissions régionales ou interrégionales et la liste les pièces à fournir sont précisées par les articles R. 1142-13 et suivants du CSP. Le décret du 29 juillet 2004 indique que la demande d'indemnisation doit notamment inclure un certificat médical attestant la consistance précise des dommages dont le demandeur a été ou s'estime victime ainsi que tout document de nature à établir que les dommages subis satisfont les critères de gravité requis pour ouvrir droit à réparation au titre de la solidarité nationale.

En outre, en vertu de l'article L. 1142-7 alinéa 3 du code de la santé publique le demandeur doit informer la CRCI des procédures juridictionnelles éventuellement en cours pour les mêmes faits et, réciproquement, tenir informé le juge de la saisine de la commission. La saisine de la commission régionale ou interrégionale suspend les délais de prescription et de recours contentieux.

 La compétence des CRCI au-delà d’un certain seuil de gravité

En vertu de l'article L. 1142-8 du code de la santé publique, la commission n'est compétente pour rendre un avis sur les causes, la nature et l'étendue de dommages résultant d'un accident médical, ainsi que sur le régime d'indemnisation applicable, qu'à la condition que les dommages subis remplissent les critères de gravité prévus aux articles L. 1142-1 II et D. 1142-1 du code précité.

L'article L. 1142-1 II précise, d'une part, que ces critères de gravité doivent être appréciés au regard des pertes de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle et, d'autre part, que l'étendue de ces critères est fixée par voie décrétale.

Le décret n° 2003-314 du 4 avril 2003 a ainsi instauré un nouvel article D. 1142-1 qui retient comme critères de gravité, donnant compétence à la commission pour rendre un avis :

– soit un taux d'incapacité permanente partielle fixé à 24 % et plus ;

– soit une incapacité temporaire de travail au moins égale à douze mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois.

À titre exceptionnel, et en vertu de ce même article D. 1142-1, les dommages présentent également le caractère de gravité requis :

– soit lorsque la victime est déclarée « définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait » avant la survenue de l'incident ;

– soit lorsque l'incident a occasionné « des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence ».

Le décret du 4 avril 2003 a intégré en annexe XI-2 du code de la santé publique un barème d'évaluation des taux d'incapacité, censé garantir une évaluation uniforme des dommages subis par les victimes d'accidents à caractère sanitaire. Afin d'apprécier si les dommages subis par la victime présentent les caractères de gravité définis ci-dessus, la CRCI peut demander une expertise préalable. Les parties concernées doivent alors être informées de l'identité et des titres des experts ainsi désignés, mais l'intervention de l'avocat de la victime, ou de son médecin conseil, n'est en revanche pas prévue.

Au terme de cette expertise préalable facultative, la commission décide, en fonction de la gravité des dommages, si elle s'estime compétente ou non pour rendre un avis « sur les circonstances, les causes, la nature et l’étendue des dommages, ainsi que sur le régime d'indemnisation applicable ».

Si la commission s'estime incompétente en raison de la faiblesse des dommages, elle en informe les parties et leur précise qu'elle peut dans ce cas être saisie, non pas en vue d'une indemnisation, mais dans le seul but d'une conciliation (100).

 L’expertise obligatoire sur le fond du dossier

Si le seuil de gravité est atteint, l'article L. 1142-9 prévoit qu'avant d'émettre un avis, la CRCI diligente obligatoirement une expertise qui ne vise plus à vérifier les seuls critères de gravité, mais tend à apprécier le fond du litige, c'est-à-dire à déterminer l'existence d'une faute ou d'un aléa, et à évaluer le préjudice, notamment corporel, subi par le patient (voir infra).

L'article L. 1142-12 du code de la santé publique prévoit que la CRCI peut désigner aux fins d'expertise soit un collège d'experts, soit un seul expert, si elle l'estime suffisant. Le texte précise que la CRCI devra s'assurer de l'indépendance du ou des experts désignés vis-à-vis des parties en présence.

Il résulte de l'application combinée des articles L 1142-12 et R. 1142-15-1 du même code que lorsqu'un collège d'experts est désigné par la commission, l'un d'entre eux au moins doit être inscrit sur la liste nationale des experts en accidents médicaux établi par la Commission nationale des accidents médicaux (CNAM). L’inscription d’un expert sur cette liste résulte soit de ses compétences, soit de ses connaissances, dans le domaine de la réparation du dommage corporel. Les autres membres du collège peuvent n'être inscrits que sur l'une des listes d'experts judiciaires ou, à titre exceptionnel, choisis en dehors de ces listes.

S'agissant du déroulement de l'expertise, la procédure suivie est similaire à celle en vigueur devant les juridictions civiles et administratives. L'expertise a en effet un caractère contradictoire, l'article L. 1142-12 disposant que « le collège d'experts ou l'expert s'assure du caractère contradictoire des opérations d'expertise ». À cet effet les opérations d'expertise se déroulent en présence des parties, avec la faculté de se faire assister d'une ou de plusieurs personnes de leur choix (avocat, médecins conseils), sans toutefois pouvoir se faire représenter par elles. Le ou les experts doivent prendre en considération les observations des parties et joindre au rapport, sur leur demande, tous documents y afférents. Ils peuvent également effectuer toute investigation utile à la réalisation de leur mission et notamment demander aux parties et aux tiers la communication de tout document sans que puisse leur être opposé le secret médical ou professionnel. En cas de carence des parties dans la transmission des documents demandés, la CRCI peut autoriser le collège d'experts ou l'expert à déposer son rapport en l'état, la commission pouvant tirer toutes conséquences du défaut de communication de ces pièces. Les experts peuvent également, sur leur initiative, recueillir l'avis d'un autre professionnel.

En vertu de l’article L. 1142-12 dernier alinéa du CSP, le coût de l’expertise est pris en charge par l’ONIAM. Cette solution est particulièrement favorable aux patients qui, en cas de saisine des juridictions civiles, doivent faire l'avance des provisions pour expertise. En cas de faute médicale les frais d'expertise seront remboursés à l’ONIAM par le professionnel de santé responsable ou par son assurance.

 L’avis de la CRCI et le processus d’indemnisation

Après réception de cette expertise, l'avis de la commission régionale doit être émis dans un délai de six mois à compter de sa saisine. Cet avis est transmis au demandeur, à toutes les personnes intéressées par le litige ainsi qu'à l'Office national d'indemnisation.

Dans cet avis, la CRCI précise, pour chaque chef de préjudice, les circonstances, les causes, la nature et l'étendue des dommages subis ainsi que son appréciation sur les responsabilités encourues.

Dès lors, trois possibilités sont envisageables.

– Responsabilité pour faute (article L. 1142-14 CSP) : la commission pourra tout d'abord constater un cas de responsabilité médicale pour faute. Dans ce cas, le responsable qui a une obligation de s'assurer verra son assurance adresser soit à la victime, soit à ses ayants droit, ou soit à son représentant légal dans un délai de quatre mois suivant la réception de l'avis, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale du préjudice subi dans la limite des plafonds de garantie des contrats d'assurance.

Si la victime refuse l’offre et saisit le juge compétent et que celui-ci constate que cette offre était manifestement insuffisante, il condamne l’assureur à verser une pénalité au plus égale à 15 % de l’indemnité qu’il alloue, sans préjudice des dommages et intérêts dus de ce fait à la victime. Cette pénalité sera versée en pratique à l’ONIAM.

En revanche, l'acceptation de l'offre par la victime, par son représentant légal ou par ses ayants droit vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil. Le paiement de l'indemnité doit se faire dans le délai d'un mois à compter de la réception par l'assureur de son offre par la victime. Si l'assureur estime que la responsabilité de son assuré n'est pas engagée, il dispose, une fois la victime indemnisée, d'un recours subrogatoire contre le tiers responsable ou l'Office.

– Absence de faute : la commission peut ne relever aucune faute. Dans cette hypothèse, elle peut être conduite soit à rejeter purement et simplement la demande si elle estime que le dommage est la suite de l'état antérieur du patient, soit à considérer que le dommage entre dans le cadre d'un aléa médical. Dans ce cas, l'ONIAM prendra le relais et adressera à la victime, à son représentant légal ou à ses ayants droit, dans un délai de quatre mois suivant la réception de l'avis de la commission, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis. Comme précédemment, l'acceptation de l'offre vaudra transaction. Le paiement de l'indemnité s'effectuera dans le mois de l'acceptation de l'offre par la victime. La victime ou son représentant légal ou ses ayants droit pourront toujours agir en justice en l'absence d'offre d'indemnisation ou en cas de refus de l'offre. De son côté, l'Office disposera d'une action subrogatoire contre les personnes qu'il estimera être les vrais responsables du dommage.

– Concours de responsabilité : Dans cette hypothèse, il faut combiner les deux procédures envisagées ci-dessus.

En tout état de cause, l’avis de la CRCI ne peut être contesté qu'à l'occasion d'une éventuelle action en indemnisation introduite devant les juridictions compétentes par la victime ou par les titulaires des actions subrogatoires prévues au bénéfice des assureurs et de l’ONIAM (articles L. 1142-14, L. 1142-15 et L. 1142-17).

c) L’intervention de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM)

Aux termes de l’alinéa 1er de l’article L. 1142-22, l’ONIAM est chargé de procéder à l’indemnisation intégrale :

– des dommages résultant de la survenue d'un accident médical, d'une affection iatrogène ou d'une infection nosocomiale au titre de la solidarité nationale ;

– des dommages causés par la faute d’un professionnel de santé, d’un établissement de santé, d’un service de santé, du producteur d’un produit de santé ou d’un organisme mentionné à l’article L.1142-1 du code de la santé publique, dans trois cas : lorsque le responsable n’est pas assuré ; lorsque les plafonds d’assurance du responsable sont dépassés par le montant de l’indemnisation ; ou en cas de silence ou de refus explicite de l’assureur du responsable de faire une offre d’indemnisation ou d’offre manifestement insuffisante. Dans ces deux derniers cas, l'Office dispose toujours d'un recours subrogatoire à l'encontre de l'assureur ou du responsable des dommages qui pourront être condamnés par le juge à une amende civile correspondant à une somme au plus égale à 15 % des indemnités que ce dernier alloue.

2.– Les fonds d’indemnisation directement gérés par l’ONIAM

Postérieurement à la loi du 4 mars 2002, l’ONIAM s’est vu confier la mission de gérer directement plusieurs procédures d’indemnisation au titre de la solidarité nationale en faveur des victimes de vaccinations obligatoires (101), de contaminations par le VIH et le VHC d’origine sanguine (102), des accidents dus à la vaccination contre la grippe A (H1N1) (103) et de contamination par l’hormone de croissance extractive (maladie de Creutzfeldt-Jakob) (104).

II.– L’INSTAURATION D’UN DISPOSITIF AD HOC D’INDEMNISATION DES VICTIMES DU BENFLUOREX

Le présent article propose de créer un dispositif de facilitation de l’indemnisation, par la mise en place, par l’État et dans l’intérêt des victimes du Médiator ou benfluorex, d’une procédure simple, rapide et gratuite, distincte de la procédure fondée sur l’intervention des CRCI. Pour autant, cet article ne crée pas un fonds d’indemnisation au bénéfice des victimes fondé sur la solidarité nationale à l’image des dispositifs d’indemnisation directement gérés par l’ONIAM.

A.– UNE INDEMNISATION UNIVERSELLE ET INTÉGRALE PAR L’INTERMÉDIAIRE DE L’ONIAM

1.– Une nouvelle mission de facilitation du règlement amiable des litiges confiée à l’ONIAM

Le I du présent article ajoute à l’article L. 1142-22 du code de la santé publique une nouvelle mission confiée à l’ONIAM visant à « faciliter le règlement amiable des litiges relatifs aux dommages causés par l’administration du benfluorex ».

Il faut noter que cette mission est d’ores et déjà confiée aux CRCI en cas d’accidents médicaux fautifs ou non fautifs en vertu de l’article L. 1142-5 du même code.

Toutefois, le Gouvernement justifie le fait de confier à l’ONIAM une telle mission dans le cas des litiges relatifs au benfluorex pour les raisons suivantes :

– d’une part, les CRCI accusent d’ores et déjà un retard de traitement des demandes qui ne leur permet pas de respecter le délai légal de 6 mois (en pratique ce délai est porté à 8,5 mois). Le volume annoncé de dossiers benfluorex pourrait déstabiliser plus encore le dispositif consacré aux accidents médicaux ;

– d’autre part, les CRCI étant divisées en 7 pôles, les moyens humains à allouer en renfort devraient être multipliés dans chacune de ces CRCI, alors que la rationalisation commande de centraliser les demandes correspondant à des situations assez analogues. Au surplus, le Gouvernement estime que le risque de disparité des solutions susceptibles d’être émises par les différentes CRCI ne doit pas être négligé ;

– enfin et surtout, l’objectif visé par le présent article est d’offrir une indemnisation universelle et intégrale que ne permet pas le dispositif en vigueur pour les raisons exprimées ci-après.

2.– Une indemnisation universelle et intégrale en cas de déficit fonctionnel

Le III du présent article crée une section 4 bis au sein du chapitre II du titre IV du livre premier de la première partie du même code ayant pour objet, aux termes de l’article L. 1142-24-1, « la réparation intégrale des préjudices imputables au benfluorex ».

L’article L. 1142-24-2 alinéa 1 prévoit donc que « toute personne victime d’un déficit fonctionnel imputable au benfluorex ou, le cas échéant son représentant légal ou ses ayants droit, peuvent saisir l’ONIAM en vue d’obtenir la réparation des préjudices en résultant ».

Il faut ici souligner deux spécificités par rapport au dispositif de règlement amiable des litiges fondé sur les CRCI :

– le présent article est ouvert à toute personne s’estimant victime indépendamment de la période pendant laquelle elle aurait consommé du benfluorex et indépendamment d’un seuil de gravité exprimé en termes d’incapacité temporaire. Le dispositif de règlement des litiges par l’intermédiaire des CRCI ne bénéficie en effet qu’aux victimes d’accidents médicaux postérieurs au 5 septembre 2001 et pour lesquels le seuil de gravité atteint un taux d’incapacité supérieur à 25 % dans la plupart des cas. Ceci signifie que les victimes d’un accident médical présentant un taux d’incapacité inférieur ne peuvent prétendre qu’à une procédure de conciliation dont les résultats en pratique sont décevants et celles victimes d’un accident antérieur au 5 septembre 2001 ne peuvent qu’obtenir réparation de leurs préjudices devant les tribunaux ;

– le présent article vise les victimes « d’un déficit fonctionnel » contrairement à l’article L. 1142-4 qui offre la possibilité d’une indemnisation amiable par le biais des CRCI en cas de « dommage ». Or, la notion de déficit fonctionnel ne constitue qu’une catégorie de dommages au sens de la nomenclature Dintillhac reprise dans le référentiel indicatif de l’ONIAM.

La nomenclature dite Dintilhac, référence en matière de dommages corporels, définit le déficit fonctionnel temporaire comme le poste de préjudice cherchant « à indemniser l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c’est-à-dire jusqu’à sa consolidation. Cette invalidité par nature temporaire est dégagée de toute incidence sur la rémunération professionnelle de la victime, laquelle est d’ailleurs déjà réparée au titre du poste “ Pertes de gains professionnels actuels ”. À l’inverse, elle va traduire l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle que va subir la victime jusqu’à sa consolidation. Elle correspond aux périodes d’hospitalisation de la victime, mais aussi à la “perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante” que rencontre la victime pendant la maladie traumatique (séparation de la victime de son environnement familial et amical durant les hospitalisations, privation temporaire des activités privées ou des agréments auxquels se livre habituellement ou spécifiquement la victime, préjudice sexuel pendant la maladie traumatique, etc.) ».

Le déficit fonctionnel permanent est défini comme le poste de préjudice cherchant « à indemniser un préjudice extrapatrimonial découlant d’une incapacité constatée médicalement qui établit que le dommage subi a une incidence sur les fonctions du corps humain de la victime. Il s’agit ici de réparer les incidences du dommage qui touchent exclusivement à la sphère personnelle de la victime. Il convient d’indemniser, à ce titre, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, mais aussi la douleur permanente qu’elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien après sa consolidation. Ce poste peut être défini, selon la Commission européenne à la suite des travaux de Trèves de juin 2000, comme correspondant à “la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable donc appréciable par un examen clinique approprié complété par l’étude des examens complémentaires produits, à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l’atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours ».

En outre, ce poste de préjudice doit réparer la perte d’autonomie personnelle que vit la victime dans ses activités journalières, ainsi que tous les déficits fonctionnels spécifiques qui demeurent même après la consolidation. En raison de son caractère général, ce déficit fonctionnel permanent ne se confond pas avec le préjudice d’agrément, lequel a pour sa part un objet spécifique en ce qu’il porte sur la privation d’une activité déterminée de loisirs ».

Ainsi, si le dispositif proposé est par principe ouvert à toute victime d’un préjudice imputable au benfluorex sans condition de seuil d’incapacité au sens du II de l’article L. 1142-1, l’exigence d’un « déficit fonctionnel » pour déclencher une procédure d’indemnisation constituera en soi une forme de seuil de gravité. En effet, le dispositif proposé s’opposera par exemple à indemniser la victime d’un préjudice d’angoisse lié à la consommation du benfluorex en l’absence de déficit fonctionnel.

Il faut toutefois préciser que la reconnaissance d’un déficit fonctionnel permettra ensuite l’indemnisation sur la base de la réparation intégrale des préjudices.

B.– UNE INDEMNISATION FONDÉE SUR LA FAUTE OU LE DÉFAUT DU PRODUIT

L’article L. 1142-24-2 alinéa 2 aligne les modalités de saisine de l’ONIAM sur celle des CRCI prévues aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 1142-7 mentionné précédemment. Il prévoit en outre l’obligation pour le demandeur d’établir la preuve de l’administration de benfluorex.

Il prévoit enfin que le demandeur précise les personnes, autres que les exploitants, à qui il souhaite rendre la procédure opposable et qui sont mentionnées à l’article L. 1142-2. Il en va de même pour les exploitants. En pratique, cette disposition vise à mettre dans la cause toutes les personnes qui pourraient être responsables du « déficit fonctionnel » imputable au benfluorex.

1.– La responsabilité de l’exploitant

À titre principal, l’objectif du présent article est de mettre en jeu la responsabilité civile des exploitants, c'est-à-dire celle des seuls Laboratoires Servier. En effet, bien qu’une autorisation de mise sur le marché (AMM) de deux génériques du benfluorex ait été accordée par l’AFSSAPS le 7 octobre 2009 aux laboratoires Mylan et Qualimed, ces derniers n’ont pas eu le temps de les mettre en circulation avant le retrait de l’AMM le 30 novembre 2009.

Sur le plan juridique, la question se pose de savoir sur quel fondement la responsabilité civile des Laboratoires Servier pourrait être recherchée : responsabilité pour faute ou responsabilité du fait d’un produit défectueux. Il ressort en effet de la jurisprudence de la Cour de cassation précitée que, selon la date de mise en circulation des lots de Médiator, les victimes du benfluorex disposeront de voies de recours en responsabilité différentes à l’encontre des laboratoires Servier :

– pour les lots commercialisés entre le 20 mai 1998 et le 30 novembre 1999, la responsabilité des Laboratoires Servier pourra être engagée sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux prévus par les articles 1386 et suivants du code civil (sous réserve de respecter les délais de recours mentionnés précédemment) et sur celui de la responsabilité civile de droit commun fondé sur la faute ;

– pour les lots commercialisés entre le 31 juillet 1988 et le 20 mai 1998, la responsabilité des Laboratoires Servier pourra être engagée sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun interprétée à la lumière des objectifs de la directive n° 85/374/CEE du 25 juillet 1985, ce qui signifie en pratique l’existence d’une obligation de sécurité de résultat dispensant de faire la preuve d’une faute ;

– pour les lots commercialisés entre le 13 août 1976 (date de première mise en circulation du benfluorex) et le 31 juillet 1988, la responsabilité des Laboratoires Servier ne pourra être engagée que sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun fondé sur la faute.

2.– La responsabilité d’autres acteurs de santé visés à l’article L. 1142-2

L’article L. 1142-2 vise les professionnels de santé exerçant à titre libéral, les établissements de santé, services de santé et organismes mentionnés à l'article L. 1142-1, et toute autre personne morale, autre que l'État, exerçant des activités de prévention, de diagnostic ou de soins, ainsi que les producteurs, exploitants et fournisseurs de produits de santé, à l'état de produits finis, et qui sont dans l’obligation d’être assurés.

Les victimes, à l’initiative d’une demande d’indemnisation, mais aussi les Laboratoires Servier dont la responsabilité sera recherchée, pourraient éventuellement rechercher la responsabilité des prescripteurs (les médecins) ou des pharmaciens qui auraient délivré le produit. Il faut néanmoins rappeler que, dans le cadre de procédures d'indemnisation des dommages résultant de la prise d’Isoméride, un autre médicament produit par les Laboratoires Servier, ces derniers ont déjà appelé dans la cause certains médecins prescripteurs, mais ces médecins ont été mis hors de cause (105). Cet appel en la cause des personnes visées à l’article L. 1142-2 du code de la santé publique permet de rendre la procédure, et en particulier l’expertise éventuelle, contradictoire, chaque partie devenant destinataire de tous les éléments de la procédure.

En revanche, la procédure ne prévoit pas d’appel en la cause desdits acteurs par l’ONIAM. En l’absence d’une telle mise en cause ou si aucune faute des acteurs de santé n’est retenue, les préjudices imputables au benfluorex seront mis à la charge du seul exploitant si le demandeur justifie d’un déficit fonctionnel.

Enfin, le présent dispositif de règlement amiable des litiges exclut de la cause l’État, et notamment l’AFSSAPS. Le Gouvernement précise néanmoins que « ce dispositif n’entend en rien modifier les responsabilités qui pourront être reconnues par la justice, y compris celle de l’État s’il y a lieu. À ce titre si des juridictions devaient regarder l’État comme responsable au titre de ses compétences de police sanitaire, les frais de justice seraient imputés directement sur le budget de l’État et non sur le budget de l’ONIAM ».

C– L’INSTRUCTION DES DEMANDES D’INDEMNISATION DES VICTIMES DU BENFLUOREX PAR UN COLLÈGE D’EXPERTS

Le dernier alinéa de l’article L. 1142-24-2 prévoit que la saisine de l’ONIAM suspend les délais de prescription et de recours contentieux.

Les articles L. 1142-24-3 et L. 1142-24-4 instaurent un collège d’experts placé auprès de l’ONIAM et précisent sa composition et ses missions.

1.– La composition du collège d’experts

L’article L. 1142-24-3 prévoit que « le collège est présidé par un médecin et comprend en outre, notamment, une personne compétente dans le domaine de la réparation du dommage corporel ainsi que des médecins proposés par des associations de personnes malades et d’usagers du système de santé ayant fait l’objet d’un agrément au niveau national dans les conditions prévues à l’article L. 1114-1, par le ou les exploitants concernés ou leurs assureurs et par l’office ».

La composition du collège d’experts et ses règles de fonctionnement, propres à garantir son indépendance et son impartialité, ainsi que la procédure suivie devant lui, seront déterminées par décret en Conseil d'État.

Selon le projet de décret en préparation, le collège devrait comprendre six membres, dont un médecin, président, un juriste, un médecin compétent dans la réparation du dommage corporel, un médecin proposé par les associations de patients ayant fait l’objet d’un agrément au niveau national dans les conditions prévues par l’article L. 1141-1 du code de la santé publique, un médecin proposé par les exploitants et éventuellement leurs assureurs et un médecin désigné par l’office. Chaque membre aura un suppléant.

La notion de « personne compétente dans le domaine de la réparation du dommage corporel » a été précisée par le Gouvernement comme étant un médecin légiste ou un universitaire.

Comme les experts désignés par les CRCI, les membres de ce collège seront tenus au secret professionnel.

On peut toutefois s’étonner que, contrairement aux collèges d’experts désignés par les CRCI, le président ne soit pas un magistrat, et qu’à tout le moins le collège ne comprenne pas un magistrat propre à garantir le respect des droits de la défense.

2.– Le rôle central du collège d’experts

L’article L. 1142-24-4 précise le rôle central du collège : s’il constate un déficit fonctionnel, il émet un avis « sur les circonstances, les causes, la nature et l’étendue des dommages ainsi que sur la responsabilité » des exploitants et le cas échéant des autres personnes mises en cause.

Cet avis doit être rendu, comme l’avis des CRCI, dans un délai de six mois suivant la saisine de l’ONIAM et être transmis à la personne qui a saisi l’office et à toutes les personnes intéressées.

De la même manière, comme l’avis des CRCI, cet avis ne pourra être contesté qu’à l’occasion d’une action en indemnisation introduite devant la juridiction compétente par la victime ou des actions subrogatoires.

Dans cette procédure simplifiée, le collège d’experts émet lui-même un avis (en lieu et place des CRCI dans le dispositif actuel) dans lequel il devra préciser, pour chaque chef de préjudice, les circonstances, les causes, la nature et l’étendue des dommages ainsi que son appréciation sur les responsabilités encourues. Cet avis emporte donc les mêmes conséquences en termes de responsabilité que celui des CRCI (responsabilité pour faute, sans faute, absence de responsabilité ou concours de responsabilité).

On notera que, dans la rédaction proposée par le Gouvernement, n’est pas prévu explicitement un dispositif analogue à celui prévu par le dernier alinéa de l’article L. 1142-12 pour s’assurer du respect des droits de la défense dans le cadre d’un débat contradictoire devant le collège d’experts.

D.– LES MODALITÉS D’INDEMNISATION DES VICTIMES

La procédure d’indemnisation des victimes prévue par le présent article est très proche de celle mise en œuvre à l’issue d’un avis d’une CRCI constatant une responsabilité médicale pour faute. Deux différences doivent néanmoins être notées : la procédure proposée est plus rapide et la pénalité susceptible d’être imposé en cas de refus implicite ou explicite est deux fois plus élevée que dans le dispositif d’indemnisation d’un accident médical sous l’égide d’une CRCI.

1.– En cas d’offre d’indemnisation par l’assureur ou le responsable

L’article L. 1142-24-5 prévoit que la personne considérée comme responsable par le collège d’expert ou son assureur adresse à la victime une offre d’indemnisation visant la réparation intégrale des préjudices subis, dans la limite, pour les assureurs, des plafonds de garanties. Il faut ici relever que la limite des plafonds de garanties n’est pas opposable à l’exploitant désigné responsable, en l’espèce les Laboratoires Servier. Or, d’après les informations publiques transmises par le Gouvernement, la compagnie AXA déclinerait sa garantie aux Laboratoires SERVIER au titre d’une clause d’exclusion de garantie relative aux anorexigènes. Ceci signifie que les Laboratoires Servie ne seraient pas assurés pour les préjudices imputables au benfluorex administré en dehors de l’AMM et pourront donc être amenés à prendre en charge une offre d’indemnisation intégrale, et ce même si celle-ci dépassait les plafonds de garantie traditionnels des assureurs (soit 6 millions d’euros en pratique).

L’article L. 1142-24-5 prévoit également que l’offre d’indemnisation doit intervenir dans un délai de trois mois (au lieu de quatre dans le processus CRCI) suivant la réception de l’avis.

Cet article prévoit aussi que sont applicables à cette offre les dispositions des deuxième à huitième alinéas de l’article L. 1142-14 relatives aux conséquences de l’acceptation de l’offre par la victime d’un accident médical dans le cadre de la procédure menée sous l’égide des CRCI.

En revanche, si la victime refuse l’offre et saisit le juge compétent et que celui-ci constate que cette offre était manifestement insuffisante, il peut condamner l’assureur à verser une pénalité au plus égale à 30 % de l’indemnité qu’il alloue (au lieu de 15 % dans le processus CRCI), sans préjudice des dommages et intérêts dus de ce fait à la victime. Cette pénalité sera versée en pratique à l’ONIAM.

À cet égard, dans un arrêt rendu le 7 avril 2010, la Cour d’appel d’Angers, pour admettre la légalité de la substitution de l’ONIAM en application de l’article L. 1142-14 du CSP, a précisé que « non-conforme à l’avis de la commission, cette offre d’indemnisation ne répond pas aux prescriptions de l’article L. 1142-14 du code de la santé publique, selon laquelle cette offre doit viser à la réparation intégrale des préjudices ». L’interprétation de la notion serait donc extensive. En pratique, l’ONIAM accepte de se substituer aux assureurs réalisant une offre manifestement insuffisante susceptible d’être qualifiée de refus déguisé, dans différentes hypothèses : lorsque l’offre émise par l’assureur est forfaitaire et dérisoire au regard de la gravité du dommage retenue par la CRCI ou lorsque l’offre ne correspond pas à l’avis de la CRCI dans la liste des préjudices, dans le quantum des préjudices, dans la part de responsabilité de l’acteur concerné, ou dans la part d’imputabilité du dommage.

Le doublement de la pénalité actuellement prévue à l’égard des Laboratoires Servier par rapport à celle prévue par les articles L. 1142-14 et L. 1142-15 est justifié, selon le Gouvernement, par la volonté d’éviter que les responsables adoptent un comportement dilatoire à l’égard des victimes.

2.– En cas de silence ou de refus d’offre ou d’offre manifestement insuffisante de la part de l’assureur ou du responsable

L’article L. 1142-24-6 prévoit en cas de silence ou de refus explicite de la part de l’assureur ou de la personne responsable, ou en cas d’offre manifestement insuffisante, l’ONIAM est substitué à l’assureur ou la personne responsable et adresse une offre d’indemnisation à la victime visant à la réparation intégrale de ses préjudices, dans des conditions très similaires à celles prévues pour l’indemnisation des victimes d’accidents médicaux.

Si cette offre est acceptée, l’ONIAM dispose d’un recours subrogatoire contre les personnes désignées comme responsables devant la juridiction compétente. Là encore, cette dernière peut condamner ces personnes, et en priorité les Laboratoires Servier, à verser à l’ONIAM une pénalité au plus égale à 30 % de l’indemnité allouée.

Il est néanmoins précisé que l’indemnisation accordée ne peut se cumuler avec celles accordées, le cas échéant, en cas de demande d’indemnisation directement adressée à une CRCI et plus généralement avec les indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du chef des mêmes préjudices.

E.– L’entrée en vigueur du dispositif au plus tard le 1er septembre 2011

Le IV du présent article prévoit que le dispositif entre en vigueur le premier jour du mois suivant la publication du décret fixant la composition du collège d’experts et au plus tard le 1er septembre 2011. À compter de cette entrée en vigueur, les commissions régionales de concertation et d’indemnisation (CRCI) transmettront à l’Oniam toutes les demandes dont elles auront pu être saisies à ce sujet. En outre, il est prévu la possibilité pour les personnes ayant déjà intenté une action en justice de saisir l’Oniam afin de s’inscrire dans le cadre de la procédure nouvellement créée.

III.– L’AJUSTEMENT DES RESSOURCES ET DES DÉPENSES DE L’ONIAM EN RAISON DU NOUVEAU DISPOSITIF D’INDEMNISATION

Le II du présent article modifie l’article L. 1142-23 du code de la santé publique pour inclure, dans les dépenses de l’office, les indemnités versées aux victimes du benfluorex et les frais d’expertise y afférents et, dans ses recettes, les remboursements des indemnités et des frais d’expertise, les majorations dont les indemnités peuvent être assorties, le produit des recours subrogatoires ainsi que la nouvelle dotation de l’État versée en application des articles L. 1142-24-1 à L. 1142-24-7 ainsi créés.

Sur le plan strictement budgétaire, l’article 10 du projet de loi de finances rectificative et l’état B annexé procèdent à une ouverture de 5 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement au bénéfice de l’ONIAM sur le programme Protection maladie de la mission Santé pour couvrir de nouvelles dépenses de personnel, des frais de fonctionnement supplémentaires associés à cette équipe et les dépenses d’indemnisation éventuelles.

S’agissant des dépenses d’indemnisation, au regard des délais d’instruction, le Gouvernement escompte quelques dizaines d’engagements d’indemnisation en toute fin d’exercice 2011 et anticipe donc une dépense de l’ordre de 2,7 millions d’euros à ce titre. À ces dépenses il faudrait ajouter le dédommagement des membres du collège d’experts pour leurs frais de déplacements et leurs pertes de revenus le cas échéant, pour un montant de 200 000 euros. Quant aux frais d’avocats, la mise en place du dispositif va certainement se traduire par la multiplication des actions directes contre les responsables avec appel en la cause de l’ONIAM. Le Gouvernement prévoit donc, pour 2011, un coût d’environ 100 000 euros.

Enfin, des investissements (achats d’ordinateurs notamment) ainsi que l’acquisition de locaux supplémentaires et le recrutement de personnels dédiés à cette activité devraient impliquer une dépense d’environ deux millions d’euros.

À cet égard, afin de ne pas perturber le fonctionnement de l’ONIAM dans le cadre de ses missions habituelles, et compte tenu de l’entrée en vigueur du dispositif au plus tard le 1er septembre 2011, il est prévu d’installer une équipe provisoire de juin à août 2011 composée comme suit : 1 coordonateur, 1 juriste, 1 assistant, 1 assistant ressources humaines et 1 logisticien. À compter du 1er septembre 2011, l’équipe devra être composée des personnes suivantes : 1 médecin, 3 juristes, 5 instructeurs, 3 assistants (un pour le collège d’experts et la préparation des conseils d’orientation de l’ONIAM, deux pour l’assistance des instructeurs et juristes), un renforcement de l’agence comptable dès octobre. Au sein de l’équipe actuelle, la directrice juridique et la responsable du service accidents médicaux seront également mobilisées pour piloter cette nouvelle mission.

Il peut ici être utile de rappeler que, pour la prise en charge de l’indemnisation des victimes de la contamination par le virus de l’hépatite C d’origine sanguine à compter du 1er juin 2010 (en lieu et place de l’établissement français du sang), l’ONIAM a bénéficié de la création de 10 emplois. Un an après, il apparaît que cette équipe est capable de traiter 20 à 30 demandes d’indemnisation par semaine. Or, à ce jour, l’on dénombre 1 349 procédures judiciaires dont l’objet concerne le Mediator et plus d’une centaine de demandes d’indemnisation envoyées auprès de la direction générale de la santé ou des CRCI. À ce stade, l’ouverture de crédits apparaît donc raisonnable.

En revanche, au-delà de 2011, la prévision du coût budgétaire lié à la mise en place de cette nouvelle procédure de règlement amiable en faveur des victimes du Médiator est très incertaine. Elle pourrait sensiblement accroître les difficultés de l’État à respecter le plafond de dépenses de la mission Santé prévu par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 en cas de dossiers d’indemnisation très importantes.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CF 162 de M. Pierre-Alain Muet visant à ce que le secret industriel ne puisse être opposé au collège d’experts chargé d’apprécier le bien fondé de l’indemnisation.

M. Jean Launay. Cet amendement ne devrait pas faire difficulté. Mais je m’étonne que six autres, portant sur le même sujet, aient été écartés au titre de l’article 40 de la Constitution. Ils ne créaient pourtant pas de charge fiscale pour l’État. La commission des affaires sociales a semblé moins sévère dans son appréciation.

M. le président Jérôme Cahuzac. Ces amendements n’auraient pas causé une aggravation de la charge fiscale de l’État, mais de sa charge tout court ! Ils visaient notamment à étendre le dispositif d’indemnisation à d’autres molécules que le benfluorex – la molécule du Médiator. C’est pourquoi le président Méhaignerie a pris sur lui de censurer des amendements comparables dans sa commission.

Après avis favorable du rapporteur général, la Commission adopte l’amendement CF 162 (amendement n° 1265).

Elle est saisie de l’amendement CF 163 de M. Pierre-Alain Muet.

M. le rapporteur général. Avis défavorable, pour des raisons de forme. La bonne rédaction a été adoptée ce matin en commission des affaires sociales. Il en sera de même pour l’amendement suivant.

L’amendement est retiré, ainsi que l’amendement CF 165 du même auteur.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CF 166 de M. Pierre-Alain Muet.

Puis elle adopte l’article 22 ainsi modifié.

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* *

Article 23

Augmentation de la quote-part de la France
au Fonds monétaire international (FMI)

Texte du projet de loi :

Le Gouvernement est autorisé à participer à la révision générale des quotes-parts des pays membres du Fonds monétaire international qui a été approuvée par la résolution du conseil des gouverneurs de cette institution en date du 15 décembre 2010, et dont la traduction est annexée à la présente loi.

Le montant de la quote-part de la France dans le Fonds monétaire international est porté de 10 738,5 millions de droits de tirage spéciaux à 20 155,1 millions de droits de tirage spéciaux.

Exposé des motifs du projet de loi :

Le présent article vise à autoriser l’augmentation de la quote-part de la France au Fonds mondial international (FMI). La quote-part française s’élève actuellement à 10 738 millions de droits de tirage spéciaux (environ 12 Md€). Ce montant sera porté à 20 155 millions de droits de tirage spéciaux (environ 22 Md€).

Les quotes-parts du FMI sont les ressources apportées au fonds par chacun des pays membres, en fonction notamment de la taille de leur économie, et sur lesquelles est fondée l’activité régulière du fonds. Prise sous l’impulsion du G20, la décision de doubler ces quotes-parts a été adoptée par les Gouverneurs du FMI le 15 décembre 2010. Cette augmentation significative vise à renforcer la capacité du FMI à prévenir les situations de crises et à apporter son soutien aux pays confrontés à des difficultés de financement. La taille relative des quotes-parts du FMI par rapport aux principales variables de l’économie mondiale, qui avait diminué au cours des quinze dernières années, sera ainsi ramenée aux niveaux qui prévalaient au cours des périodes antérieures. Ainsi, la taille relative du FMI, mesurée par rapport au produit intérieur brut (PIB) mondial, retrouvera son niveau de 1998 (1,2 %), alors qu’elle ne représentait plus que 0,7 % du PIB mondial en 2009.

La France, dont la nouvelle quote-part relative (4,23 %) est conforme à son poids dans l’économie mondiale, reste le 5e actionnaire du FMI, à égalité avec le Royaume-Uni. Cette révision a par ailleurs permis d’augmenter la représentation des pays émergents dynamiques, tout en protégeant la quote-part des pays les plus pauvres.

Observations et décision de la Commission :

Le Fonds monétaire international (FMI) est une institution intergouvernementale créée en 1945 autour de 45 États fondateurs, en application des conclusions de la conférence de Bretton Woods. Le FMI compte 187 États membres au 30 avril 2011.

Selon l’article premier de ses statuts, le FMI a pour mission d'encourager la coopération monétaire internationale, de veiller à la stabilité financière et des changes, de faciliter le commerce international, d'œuvrer en faveur d'un emploi élevé et d'une croissance économique durable, et de faire reculer la pauvreté dans le monde.

Pour ce faire, le FMI dispose de diverses ressources au premier rang desquelles figure le système de quotes-parts prévu par l’article 3 de ses statuts. En effet, lors de son adhésion au Fonds, chaque pays membre se voit attribuer une quote-part, en principe proportionnelle à son poids dans l’économie mondiale, qui détermine sa contribution maximale au capital du FMI, le nombre de voix qui lui est attribué, et le montant de l’aide financière qu’il peut obtenir du FMI.

Le présent article vise à autoriser la participation de la France à la quatorzième révision générale des quotes-parts des États membres du FMI qui prévoit d’une part un doublement des quotes-parts versées au Fonds, d’autre part une redistribution majeure des pouvoirs de vote entre les États membres afin de mieux refléter l’évolution de l’économie mondiale. Cette réforme est présentée par le directeur général du Fonds comme « la réforme la plus fondamentale de la gouvernance du FMI depuis sa création il y a 65 ans et du plus grand transfert d'influence jamais opéré en faveur des pays émergents et des pays en développement en reconnaissance de leur rôle croissant dans l'économie mondiale (106) ».

I.– LE SYSTÈME DES QUOTES-PARTS : CLÉ DE VOÛTE DU FINANCEMENT DU FMI

A.– LES DIFFÉRENTES RESSOURCES DU FMI (107)

1.– Les participations des États au capital du Fonds : les quotes-parts

Chaque État membre se voit assigner une quote-part, ou quota, exprimée en droits de tirage spéciaux (DTS) (108), qui constitue le fondement de ses relations administratives et financières avec le Fonds.

Les souscriptions constituent la principale ressource du Fonds : on peut les considérer comme les " fonds propres " du FMI. La souscription doit être libérée à hauteur de 25 % en avoirs de réserve spécifiés par le Fonds : DTS ou devises « utilisables », c’est-à-dire les monnaies émises par des États membres dont la balance des paiements est jugée structurellement solide ou qui disposent d’avoirs de réserve internationaux en quantité significative (tels que le dollar américain, l’euro, le yen ou la livre sterling). Le solde (75 %) peut être réglé dans la monnaie nationale de l’État souscripteur.

Actuellement, la quote-part de la France auprès du FMI s’élève à 10 738 millions de DTS, soit 12 milliards d’euros environ ; elle représente 4,23 % d’un montant total de 238,4 milliards de DTS (environ 262 milliards d’euros).

Le système de quotes-parts constitue la clé de voûte du financement du FMI : les quotes-parts représentent 58,3 % de ses ressources brutes au 31 décembre 2010. Ils ont deux avantages majeurs : leur disponibilité permanente et leur facilité de tirage. En effet, une fois que le FMI a désigné des pays membres dont la situation extérieure est suffisamment solide pour participer à une opération de financement, ceux-ci sont tenus de répondre aux appels, dans la limite de leur quote-part.

2.– Les avoirs en or

L’or a été l’élément central du système monétaire international jusqu’à l’effondrement du système de parités fixes de Bretton Woods en 1973. Depuis cette date, l’importance de l’or a progressivement diminué. L’or demeure toutefois un avoir de réserve de premier plan pour de nombreux pays et le FMI est le troisième plus grand détenteur officiel d’or au monde. Le FMI détenait 90,5 millions d’onces (2 814,1 tonnes) d’or, confiées à des dépositaires désignés, à la fin de mars 2011. La valeur totale de cet or, comptabilisée au bilan et calculée sur la base du coût rétrospectif, s’élève à 3,8 milliards de DTS (plus de 5 milliards de dollars). Au 31 mars 2011, les avoirs en or du FMI se chiffraient à 130,2 milliards de dollars (aux prix courants du marché à cette date).

3.– Le solde des flux de recettes et de dépenses du FMI

L’activité du FMI génère un flux de recettes et dépenses dont le solde non distribué aux États membres vient accroître les réserves propres du Fonds. La plus grande partie du revenu d’exploitation du FMI provient des redevances périodiques perçues sur les États membres qui font appel aux ressources du Fonds. Une faible part découle de la perception d’intérêts sur les avoirs en DTS détenus dans le compte des ressources générales – le principal compte utilisé pour les transactions du FMI – et par les charges perçues au titre des achats de devises effectués par les États membres auprès du Fonds. En contrepoint, les dépenses d’exploitation du Fonds résultent de la rémunération de certains avoirs de réserve déposés par les États membres, du paiement d’intérêts sur les ressources empruntées, ainsi que des dépenses administratives courantes.

4.– Les accords d’emprunts

L’article 8 des statuts du FMI prévoit la possibilité de recourir à l’emprunt, afin de couvrir les besoins résultant d’une expansion importante mais temporaire des financements accordés par le Fonds, qui ne justifieraient pas un accroissement permanent des ressources par le biais d’une augmentation des quotes-parts.

Le FMI peut contracter :

– des accords d’emprunt multilatéraux, auprès de groupes de pays membres : les Accords généraux d’emprunt (AGE) et les Nouveaux Accords d’emprunt (NAE), qui représentent au total 367,5 milliards de DTS, soit 588 milliards de dollars. Les NAE ont été activés en 2011 ;

– des accords d’emprunt bilatéraux avec des États membres, qui constituent une ressource totale de 280 milliards de dollars (soit 175 milliards de DTS). En fait notamment partie le prêt bilatéral de 11,06 milliards d’euros conclu avec la France en 2009 (109).

Le Conseil d’administration du FMI a également approuvé le 1er juillet 2009 un cadre pour l’émission d’obligations à l’intention du secteur public. Cette émission obligataire permet aux pays membres de faire un placement de premier ordre et contribue à faire en sorte que le FMI continue d’offrir aux États membres une assistance ponctuelle et effective à leur balance des paiements. À ce jour, le FMI a signé trois accords bilatéraux d’achat d’obligations pour un montant d’environ 52 milliards de DTS (110).

5.– Les prêts concessionnels et les allégements de dette accordés par le FMI

Le FMI accorde deux types essentiels d’assistance financière aux pays à faible revenu, financés par des contributions des pays membres et par le FMI même, qui se distinguent des souscriptions de quotes-parts. Elles sont administrées par le compte de fiducie FRPC et par les fonds fiduciaires FRPC-PPTE, IADM-I et IADM-II pour lesquels le FMI agit en qualité de mandataire. Il s’agit :

– d’une part, des prêts à faible taux d’intérêt dans le cadre de la facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC) réformés en 2009. Ces réformes, lorsqu’elles seront toutes entrées en vigueur, porteront les ressources à la disposition des pays à faible revenu à 17 milliards de dollars jusqu'à la fin de 2014, dont environ 8 milliards de dollars américains en 2009 et 2010 ;

– d’autre part d’un allégement de dette au titre de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (Initiative PPTE) et de l’Initiative d’allègement de la dette multilatérale (IADM).

Aux dispositifs décrits plus haut s’ajoute un compte administré distinct, financé par un groupe de pays membres pour la bonification du taux d’intérêt de l’aide d’urgence accordée aux pays admis à bénéficier de la FRPC sortant d’un conflit ou touchés par une catastrophe naturelle.

B.– FONCTIONS ET MODE DE CALCUL DES QUOTES-PARTS

1.– Les différentes fonctions des quotes-parts

Les quotes-parts remplissent différentes fonctions :

– le pouvoir de vote relatif : la quote-part détermine en grande partie l’influence qu’exerce le pays membre dans les décisions du FMI. Chaque membre du FMI dispose de voix de base, auxquelles s’ajoute une voix supplémentaire pour chaque fraction de la quote-part équivalant à 100 000 DTS. À la suite de la réforme de 2008, le nombre de voix de base a été fixé à 5,502 % du total des voix, ce qui a initialement porté le nombre de voix de base de chaque pays de 250 à 677 ;

– l’accès au financement : la quote-part définit aussi le montant de l’aide financière qu’un pays membre peut obtenir du FMI (limite d’accès). Par exemple, dans le cadre des accords de confirmation et des accords élargis, chaque pays membre peut emprunter jusqu’à 200 % de sa quote-part annuellement et 600 % au total. Cependant, les limites d’accès peuvent être plus élevées dans des circonstances exceptionnelles ;

– les allocations de DTS : la quote-part constitue l’une des bases de calcul utilisées pour procéder à des allocations de DTS. Ces allocations fournissent à chaque pays membre des actifs (avoirs en DTS) et des passifs équivalents (allocation de DTS). Toutefois, si les avoirs en DTS détenus par un pays membre dépassent son allocation, cet excédent est porteur d’intérêts ; à l’inverse, s’il détient un montant de DTS inférieur à son allocation, il verse des intérêts sur la différence.

Il existe deux sortes d’allocations :

 Les allocations générales de DTS : elles doivent correspondre à un besoin global à long terme de compléter les avoirs de réserve existants. Les décisions d’allouer des DTS sont intervenues à trois reprises. La dernière allocation générale a été approuvée le 7 août 2009 pour un montant de 161,2 milliards et est entrée en vigueur le 28 août 2009. L'allocation a eu pour effet d'accroître simultanément les avoirs en DTS des pays membres et leurs allocations cumulatives de DTS d'environ 74,13 % de leur quote-part ;

 Les allocations spéciales de DTS : une proposition visant à effectuer une allocation spéciale ponctuelle a reçu l’aval du Conseil des gouverneurs du FMI en septembre 1997, dans le cadre du projet de quatrième amendement des Statuts. L'objectif visé était de permettre à tous les pays membres du FMI de participer équitablement au système des DTS et de corriger les disparités envers les pays qui, ayant adhéré au FMI après 1981 – soit plus du cinquième des membres actuels du FMI –, n'avaient jamais reçu d'allocation de DTS. Le quatrième amendement a pris effet pour tous les pays membres le 10 août 2009 lorsque le FMI a certifié que la majorité requise était atteinte et a permis d’augmenter les allocations cumulatives des pays membres de 21,5 milliards de DTS.

2.– Mode de calcul des quotes-parts

Dès l’origine, le FMI a entendu déterminer des règles précises qui permettraient de fixer de façon mathématique les quotes-parts des États membres.

La formule de calcul des quotes-parts en vigueur est une moyenne pondérée en fonction du PIB (à 50 %), du degré d’ouverture de l’économie (à 30 %), des variations économiques (à 15 %) et des réserves officielles de change (à 5 %). À cet effet, le PIB est constitué par des éléments composites basés sur les taux de change du marché (pondération de 60 %) et sur les taux de change en parité de pouvoir d’achat (pondération de 40 %). La formule de calcul comprend aussi un « facteur de compression » qui réduit la dispersion des quotes-parts calculées pour l’ensemble des États membres. La plus forte quote-part au FMI est celle des États-Unis, avec 37,1 milliards de DTS (environ 56 milliards de dollars américains), la moins élevée étant celle de Tuvalu, avec 1,8 million de DTS (environ 2,7 millions de dollars américains).

Les statuts du FMI prévoient que le conseil des gouverneurs, l’instance dirigeante du Fonds, doit conduire une révision générale des quotes-parts au moins tous les cinq ans. Toute modification des quotes-parts doit être approuvée par une majorité de 85 % du total des voix attribuées, et la quote-part d’un pays membre ne peut être modifiée sans son consentement.

Une révision générale des quotes-parts permet au FMI d’évaluer l’adéquation des quotes-parts en regard des besoins de financement de la balance des paiements des pays membres et de sa propre capacité de répondre à ces besoins. Elle permet également d’accroître les quotes-parts des pays membres pour tenir compte de l’évolution de leur position relative dans l’économie mondiale.

Le présent article vise d’ailleurs à autoriser le Gouvernement à augmenter la quote-part de la France pour mettre en œuvre l’engagement qu’il a pris dans le cadre du G 20 et du FMI à participer à la 14ème révision générale des quotes-parts.

Toutefois, une révision générale ne se conclut pas nécessairement par une modification des quotes-parts comme le montre le tableau récapitulatif ci-après.

RÉVISIONS GÉNÉRALES DES QUOTES-PARTS

Révision

Date d’adoption

de la résolution

Augmentation globale

des quotes-parts (%)

Première révision quinquennale

Pas de proposition d’augmentation

---

Deuxième révision quinquennale

Pas de proposition d’augmentation

---

1958/591 1

Février et avril 1959

60,7

Troisième révision quinquennale

Pas de proposition d’augmentation

---

Quatrième révision quinquennale

Mars 1965

30,7

Cinquième révision générale

Février 1970

35,4

Sixième révision générale

Mars 1976

33,6

Septième révision générale

Décembre 1978

50,9

Huitième révision générale

Mars 1983

47,5

Neuvième révision générale

Juin 1990

50,0

Dixième révision générale

Pas de proposition d’augmentation

---

Onzième révision générale

Janvier 1998

45,0

Douzième révision générale

Pas de proposition d’augmentation

---

Treizième révision générale

Pas de proposition d’augmentation

---

Quatorzième révision générale

Mars 2011

100,0

II.– LA PARTICIPATION DE LA FRANCE À LA PLUS GRANDE RÉFORME DE LA GOUVERNANCE DU FMI DEPUIS SA CRÉATION

A.– LA 14ÈME RÉVISION GÉNÉRALE DES QUOTES-PARTS RENOUVELLE LA LÉGITIMITÉ ET L’EFFICACITÉ DU FMI

1.– Une réforme de la gouvernance du FMI imposée par la crise

La crise mondiale, ouverte en 2007, a révélé les déséquilibres latents du système monétaire international et remis à l’ordre du jour du G 20, sous les présidences coréenne puis française, la question de sa réforme. L’évolution de la gouvernance et, plus particulièrement, de l’organisation et du rôle du Fonds monétaire international est donc apparue indispensable.

Le 28 avril 2008, le Conseil des Gouverneurs du FMI a donc adopté à une très large majorité une réforme de grande envergure de la gouvernance de l'institution. Les Gouverneurs de 180 des 185 pays membres ont pris part au vote. Sur ce total, 175 pays représentant 92,93 % des voix attribuées au FMI ont accepté que des modifications soient apportées à la structure des quotes-parts et des parts des voix attribuées pour renforcer la participation et la représentation des marchés émergents et des pays en développement, tout en réalignant les quotes-parts relatives des membres sur le poids et le rôle de chacun d'eux dans l'économie mondiale.

Le 4 octobre 2009, le Comité monétaire et financier international, organe directeur du FMI, a approuvé cette proposition de modifier la répartition des quotes-parts en faveur des pays émergents et en développement, en proposant un transfert d’au moins 5 % entre les pays surreprésentés et les pays sous-représentés, en utilisant la formule de calcul des quotes-parts en vigueur comme base de travail. En outre, un engagement a été pris de préserver le pouvoir de vote relatif des pays membres les plus pauvres.

Le 5 novembre 2010, le Conseil d'administration du FMI, responsable de la conduite générale du FMI, a proposé d’achever la quatorzième révision générale des quotes-parts en doublant les quotes-parts et en procédant à une redistribution majeure des quotes-parts relatives entre les pays membres pour renforcer la légitimité et l'efficacité du FMI. Il a également recommandé au Conseil des gouverneurs d’adopter un amendement aux Statuts pour ouvrir la voie à une participation accrue des pays émergents et en développement dynamiques à la prise de décision du FMI et éliminer la catégorie des administrateurs nommés.

Le 15 décembre 2010, le Conseil des gouverneurs a donc approuvé la résolution n° 66-2 relative à la quatorzième révision générale des quotes-parts qui permet un transfert de plus de 6 % des quotes-parts au profit des pays émergents et des pays en développement dynamiques et de plus de 6 % des pays surreprésentés vers les pays sous-représentés, tout en protégeant les quotes-parts relatives des pays membres les plus pauvres et le nombre de voix qui leur est attribué. Il a également confirmé l’amendement aux statuts aux termes duquel le nombre d'administrateurs restera fixé à vingt-quatre mais les pays européens auront deux sièges de moins et tous les administrateurs seront élus.

2.– Un doublement des quotes-parts versées par chaque État membre, condition du renforcement de l’efficacité du FMI

Par leur décision du 15 décembre 2010, les Gouverneurs du FMI se sont donc accordés pour doubler le montant des quotes-parts, qui devra ainsi atteindre un total de 477 milliards de DTS (environ 525 milliards d’euros). Cette augmentation doit renforcer significativement la capacité financière du FMI et lui permettre d’améliorer sa capacité de prévention des crises et de soutien aux pays confrontés à des besoins de financement de leur balance des paiements. Comme le montre le tableau ci-après, cette réforme devrait permettre au FMI de retrouver une taille relative par rapport au PIB mondial presque équivalente à celle qui était la sienne en 1990.

TAILLE DU FMI RAPPORTÉE AU PIB MONDIAL, DEPUIS 1990

(en milliards de DTS)

 

9ème
Revue des quotes-parts (1990)

10ème Revue (1995)

11ème Revue (1998)

12ème Revue (2003)

13ème Revue (2008)

Réforme des quotas et des droits de vote de 2008

14ème Revue (2010)

Taille du FMI (1)

(total des quotes-parts)

135,2

146,1

212

213,7

217,6

238,4

476,8

PIB mondial (2)

11 083

15 744

17 884

22 442

29 912

35 771

39 310

Ratio (3) = (1) / (2)

1,22 %

0,93 %

1,19 %

0,95 %

0,73 %

0,67 %

1,21 %

Ratio (3) = (1) / (2)

(base 100 en 1998)

102,9

78,3

100

80,3

61,3

56,2

101,9

Source : FMI

Le présent article traduit donc l’engagement de la France à porter sa quote-part de droits de tirage spéciaux de 10 738 millions (soit 12 milliards d’euros environ) à 20 155 millions de droits de tirage spéciaux (soit 22 milliards d’euros environ).

La France, dont la nouvelle quote-part relative (4,23 %) est conforme à son poids dans l’économie mondiale, restera le cinquième actionnaire du FMI à égalité avec le Royaume-Uni.

3.– Une redistribution des quotes-parts en faveur des pays en développement, condition du renforcement de la légitimité du FMI

La réforme des quotes-parts et de la représentation se traduit par :

 la hausse de la représentation de 54 pays émergents et en développement, qui voient leur part dans le total des quotes-parts passer de 39,5 % à 42,3 % et dans le total des droits de vote de 42,1 % à 44,7 % au détriment des économies avancées dont le total des quotes-parts passe de 60,5 % à 57,7 % et le total des droits de vote passe de 43 % à 41,2 %. Cette réforme prendra effet pour ceux de ces pays qui ont accepté l’augmentation qui les concerne, une fois que la souscription du montant correspondant aura été versée. La Chine deviendra alors le troisième plus grand membre du FMI, et il y aura quatre PED (Brésil, Chine, Inde et Russie) parmi les dix plus gros actionnaires du FMI ;

– le maintien à un niveau constant de la part des pays à bas revenus (111), qui représentent 3,2 % des quotes-parts et 4,5 % des droits de vote, avant comme après la réforme. Ces pays sont définis comme étant les pays qui sont admissibles au fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC) et dont le revenu par habitant se situe en deçà de 1 135 dollars (seuil établi par l’Association internationale de développement) ;

RÉPARTITION DES QUOTES-PARTS ET DES DROITS DE VOTE
AVANT ET APRÈS LA RÉFORME DE 2010

 

Pourcentage des quotes-parts

Pourcentage des droits de vote

Avant réforme

Après réforme

Avant réforme

Après réforme

Économies avancées

60,5 %

57,7 %

57,9 %

55,3 %

dont G7

45,3 %

43,4 %

43,0 %

41,2 %

dont États-Unis

17,7 %

17,4 %

16,7 %

16,5 %

UE 27

31,9 %

30,2 %

30,9 %

29,4 %

Pays émergents et en développement

39,5 %

42,3 %

42,1 %

44,7 %

dont pays à bas revenu*

3,2 %

3,2 %

4,5 %

4,5 %

Total

100,0 %

100,0 %

100,0 %

100,0 %

Source : FMI.

– la modification de la composition du conseil d’administration : celui-ci deviendra un organe entièrement composé de membres élus ; à cet égard, les pays européens concernés ont accepté de ramener leur représentation à deux sièges d’administrateurs. Il est néanmoins prévu de donner aux administrateurs représentant 7 pays membres ou plus la capacité de désigner un second administrateur-suppléant, après l’élection ordinaire des administrateurs prévue en 2012.

4.– Une réforme à concrétiser avant 2012

L’article 3 de la résolution n° 66-2 du Conseil des gouverneurs subordonne l’entrée en vigueur de l’augmentation des quotes-parts à trois conditions :

– l’augmentation doit avoir été ratifiée par des États membres représentant au moins 70 % du total des quotes-parts avant réforme. Le présent article vise donc à autoriser le Gouvernement à augmenter la quote-part de la France ;

– la réforme de la gouvernance du Fonds, comprenant en particulier le principe d’élection de l’ensemble des administrateurs, doit elle-même être entrée en vigueur. Ce sera le cas lorsque 60 % des États membres du Fonds, représentant 85 % des droits de vote, l’auront approuvée. La France a procédé à cette approbation, par un courrier du ministre des affaires étrangères et européennes au directeur général du FMI en date du 15 mars 2011 ;

– l’amendement relatif aux voix et à la représentation, décidé en 2008, doit lui aussi être entré en vigueur. C’est le cas depuis le 3 mars 2011, date à laquelle le Fonds a constaté que 60 % des États membres, représentant 85 % du total des droits de vote, avaient approuvé l’amendement.

Les États membres du Fonds ont pris l’engagement, dans la résolution n° 66-2 (article 3, dernier alinéa), de tout mettre en œuvre pour que ces trois conditions soient remplies d’ici la réunion annuelle du Conseil des gouverneurs d’octobre 2012.

B.– L’AUGMENTATION DES QUOTES PARTS DE LA FRANCE EST NEUTRE DU POINT DE VUE BUDGÉTAIRE ET COMPTABLE

Dès la création du Fonds monétaire international (FMI) par les accords de Bretton Woods en 1944 et leur ratification par la France en 1945, a été mis en place un ensemble de procédures assurant la neutralité pour le budget et la trésorerie de l’État des opérations financières entre la France et le Fonds.

Cette neutralité est assurée par plusieurs moyens.

Tout d’abord, les contributions de la France au FMI – dont l’augmentation de quote-part aujourd’hui proposée au Parlement – ne sont pas des dons ou des contributions sans contrepartie directe, comme peuvent l’être les contributions versées à d’autres organisations internationales, qui financent les actions de ces dernières mais ne donnent pas lieu à un retour des sommes versées. Par simplification, l’on peut considérer que les contributions au FMI s’assimilent à des prêts, de sorte qu’il existe toujours une contrepartie comptable, représentant une créance sur le Fonds. Ce dernier peut en effet s’apparenter à une forme de coopérative, dans laquelle les États membres mutualisent des moyens d’intervention et sur laquelle chacun d’entre eux peut effectuer des tirages en cas de difficultés – tirages qu’il doit ensuite rembourser.

Par ailleurs, comme pour d’autres institutions financières internationales (Banque mondiale, banques multilatérales de développement notamment), ces ressources consenties par les États ne sont effectivement mobilisées sous forme de liquidités que lorsque le FMI a effectivement besoin de ces sommes sous forme liquide, en particulier pour accorder un prêt à un État membre. Lorsque ce n’est pas le cas, elles prennent la forme d’engagements des États à mettre les ressources à disposition du Fonds. Ce principe est notamment posé par l’article III, section 4, des statuts du Fonds, qui prévoit la possibilité pour les États membres de verser la part de leur quote-part due en monnaie nationale sous forme non de liquidités mais de « bons ou obligations », encaissables à tout moment par le Fonds.

En France vient s’ajouter une intervention de la Banque de France, qui dans la plus grande partie des cas rachète à l’État les créances que celui-ci acquiert sur le FMI. Cette intervention évite à l’État de devoir effectivement débourser le montant des contributions dues.

Enfin, lorsque le FMI apporte son aide à un État, à partir des ressources que lui fournissent ses États membres, c’est sous la forme de prêts, qui donnent donc lieu à remboursement et au versement d’intérêts. Il ne s’agit pas de dons.

*

* *

La Commission adopte l’article 23 sans modification.

La Commission adopte l’ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2011 ainsi modifié.

*

* *

RESSOURCES FINANCIÈRES ET NIVEAU DE LIQUIDITÉ DU FMI, DE 2000 À 2010

En milliards de droits de tirage spéciaux (DTS)

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

(A) Ressources totales

215,2

217,1

218,1

219,1

220,6

221,1

224,2

224,6

224,1

374,3

405,5

Monnaies des États membres

206,3

209

210,3

211,3

213,1

213,4

209

209,6

209,8

218,5

233

Avoirs en DTS

2,4

1,5

1,2

1,1

0,8

1,1

2,8

2,6

2

2,5

3,8

Avoirs en or

5,9

5,9

5,9

5,9

5,9

5,9

5,9

5,9

5,9

4,4

3,2

Autres avoirs

0,6

0,7

0,8

0,9

0,8

0,8

6,6

6,6

6,5

6,5

6,6

Ressources disponibles dans le cadre de l'activation des Accords généraux d'emprunt (AGE) et des Nouveaux Accords d'emprunt (NAE)

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

Autres accords d'emprunt (112)

-

-

-

-

-

-

-

-

-

142,4

158,9

(B) Ressources non utilisables (113)

105,5

114,7

117,9

118,4

109,2

75,9

63

59,3

71,7

84,2

100,7

(C) = (A) - (B) Ressources utilisables

109,7

102,5

100,2

100,7

111,3

145,2

161,2

165,4

152,5

290,1

304,8

(D) Montants engagés dans le cadre d'accords de prêts mais non encore déboursés (prêts réalisés à parti du Compte de ressources générales, CGR, du FMI)

ND

25,8

31,9

22,8

19,4

12,7

3,9

3,1

20,3

77,1

103,8

(E) = (C) - (D) Ressources utilisables non engagées

ND

76,7

68,3

77,9

91,9

132,5

157,3

162,3

132,1

213


201

(F) Remboursements de prêts par des États membres, devant intervenir au cours de l'année à venir

ND

15,2

19

9,2

12,9

8

2,8

0,3

0,1

1,5

2

(G) Marge de précaution (prudential balance)

ND

30,9

32,6

32,8

32,8

34,1

34,8

34,9

34,7

65,3

70,8

(H) = (E) + (F) - (G) Capacité d'engagement pour l'année à venir

(Forward Commitment Capacity, FCC) (114)

ND

61

54,7

54,2

71,9

106,4

125,4

127,7

97,6

149,3

132,1

(I) Engagements liquides

47,4

56,9

66,1

66,5

55,7

28,6

17,5

13,7

25,1

40,4

54,6

(J) Ancien "ratio de liquidité" (utilisé jusqu'en 2002, calculé jusqu'en 2005)

163,7 %

115,0 %

83,8 %

104,2 %

149,5 %

411,3 %

 

 

 

 

 

Source : FMI

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© Assemblée nationale

1 () M. Didier Migaud a ainsi résumé la contradiction inhérente à l’impôt de solidarité sur la fortune : « La gauche n’est nullement en faveur d’un impôt confiscatoire. C’est bien pour cette raison qu’elle a adopté, en son temps, le principe du plafonnement ». Rapport n° 1595 de M. Pierre-Alain Muet sur la proposition de loi relative aux hauts revenus et à la solidarité, compte-rendu des travaux de la Commission, page 20.

2 () Personnes dont le patrimoine net taxable est inférieur à 1,3 million d'euros et dont les héritiers ou donataires sont imposables au titre des droits de succession ou de donation.

3 () On peut supposer que l’analyse du transfert de charges s’applique également aux bénéficiaires du plafonnement.

4 () Il convient également de noter qu’un troisième type de contribuables entre dans cette catégorie, les contribuables ayant imputé d’importants déficits.

5 () Audition devant la commission des Finances sur les résultats de la cellule de régularisation et sur la campagne 2010 du bouclier fiscal, 17 mai 2011.

6 () Pour plus de précisions sur le mode de comptabilisation des mesures nouvelles en recettes, se référer aux observations du Rapporteur général sous l’article 9 du projet de loi de programmation des finances pour les années 2011 à 2014 (rapport n° 2840).

(7 ) Formellement, le coût du bouclier fiscal à partir de 2012 est lié à un moindre produit d’ISF (imputation des créances sur la cotisation due), et non à une dépense du budget général.

8 () Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

9 () Selon les évaluations du Gouvernement, déjà 2,4 milliards d’euros de recettes supplémentaires seraient constatées du fait de mesures antérieures. Il convient donc de couvrir les 600 millions d’euros restant ainsi que le besoin de trésorerie d’un montant semblable entraîné par la présente réforme.

10 () Une grande partie des recettes tirées de la cellule de régularisation s’expliquent par des recouvrements sur titres antérieurs, qui, par définition, sont exceptionnels. En revanche, le montant des droits sur l’année en cours peut être considéré comme l’élément pérenne de la recette.

11 () Montant estimé par le Gouvernement pour 2011.

12 () À noter que le montant de référence en 2011 diffère de la prévision d’impôt de solidarité sur la fortune pour 2011, qui s’élève, dans le présent projet de loi, à 4 293 millions d’euros hors impact de la suppression de la première tranche du barème. Ce montant doit être minoré des montants afférents au contrôle fiscal – 368 millions d’euros – et aux recettes non pérennes de la cellule de régularisation – 168 millions d’euros. Au regard des considérations développées ci-dessus, il est probable que cette prévision soit révisée à la hausse en exécution.

13 () La principale étant la réforme du dispositif de soutien aux PME, dont le rendement est évalué à 125 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2011. Évaluation du « Voies et moyens » annexé au PLF 2011, complétée par la modification de l’état A réalisée par le Gouvernement à la suite de l’adoption d’amendements parlementaires.

14 () Tous les montants mentionnés dans ce tableau s’entendent nets des remboursements et dégrèvements. Sauf mention contraire, ils sont exprimés en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP). Les comptes spéciaux considérés sont les comptes dotés de crédits en loi de finances (comptes d’affectation spéciale et comptes de concours financiers).

15 () Sont donc exclues du périmètre les dépenses de la mission Remboursements et Dégrèvements.

16 () Soit 61 euros hors taxe lorsque la mission d’assistance se traduit par un simple entretien préalable d’une demi-heure, 300 euros hors taxe lorsque l’avocat assiste la personne au cours des auditions, 150 euros hors taxe complémentaires en cas de prolongation, et 150 euros hors taxe en cas de confrontation entre la victime et la personne gardée à vue.

17 () Il s’agit de tenir compte de la capacité « contributive » effective de ces subventions, compte tenu de la rigidité des budgets des opérateurs qu’elles contribuent à financer. La réduction de la mise en réserve vise donc à traiter de manière identique les dépenses de personnel, qu’elles apparaissent sur le budget de l’État ou sur celui d’un opérateur. Les responsables de programme peuvent répartir librement cette réduction au sein du programme, ce qui permet de moduler le taux de mise en réserve soit entre les différents opérateurs, soit entre les crédits destinés aux opérateurs et les autres crédits hors titre 2 du programme.

18 () Ces programmes, au nombre de 13, sont énumérés dans la circulaire budgétaire du 6 décembre 2010 relative à la mise en œuvre des mesures visant à assurer le respect en gestion du plafond de dépenses de la loi de finances pour 2011.

19 () Sur la base d’une croissance en valeur de 4 % par an.

20 () Le dividende est calculé sur la base de 50 % du résultat social de la Caisse, plafonné à 75 % du résultat consolidé. Auparavant, le bénéfice était réparti en trois tiers, à destination de l’État, des fonds propres de la Caisse et du financement des missions d’intérêt général.

21 () L’article 24 de la loi de finances rectificative du 12 juillet 1986 avait abrogé les dispositions relatives à l’IGF à compter du 1er janvier 1987.

22 () Dans ce cas, l’exonération est à concurrence des trois quarts de la valeur lorsqu’elle n’excède pas 101 897 euros, puis à hauteur de la moitié de la valeur au-delà de cette limite.

23 () Le bénéfice de l’exonération partielle des titres de société en cas d’engagement collectif de conservation a été introduit par la loi pour l’initiative économique du 1er août 2003. Il a été porté de 50 % à 75 % de la valeur des titres par la loi de finances pour 2006.

24 () L’abattement sur la valeur vénale afférent à la résidence principale a été prévu explicitement par la loi de finances pour 1999, tirant les conséquences de la jurisprudence relative à l’appréciation de la valeur d’un bien occupé. Cet abattement a été porté de 20 % à 30 % par la loi relative au travail, à l’emploi et au pouvoir d’achat du 21 août 2007.

25 () Le seuil de patrimoine conduisant à un assujettissement à l’ISF, initialement fixé à 4 millions de francs, en loi de finances pour 1989, avait été porté à 4,13 millions pour l’ISF 1990, 4,26 millions de francs pour l’ISF 1991, 4,39 millions de francs pour l’ISF 1992, 4,47 millions de francs pour l’ISF 1994, 4,53 millions de francs pour l’ISF 1995, 4,61 millions de francs pour l’ISF 1996 et 4,7 millions de francs pour l’ISF 1997. Après être demeuré à 4,7 millions de francs (puis 720 000 euros après application de la conversion) de l’ISF 1997 à l’ISF 2004, le seuil, a été porté à 732 000 euros pour l’ISF 2005, 750 000 euros pour l’ISF 2006, 760 000 euros pour l’ISF 2007, 770 000 euros pour l’ISF 2008, 790 000 euros pour l’ISF 2009 et 800 000 euros pour l’ISF 2011.

26 () D’après les simulations annexées au dernier rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (Prélèvements obligatoires sur les ménages : progressivité et effets redistributifs, mai 2011), l’ISF, dont les recettes sont dans un rapport de 1 à plus de 15 avec les recettes de l’impôt sur le revenu, contribue à hauteur de 10 % à la réduction des écarts de niveaux de vie opérée par ces deux prélèvements.

27 () Arrêt Leven du tribunal de grande instance de Paris du 15 novembre 1996 (affaire n° 95-22638).

28 () Instruction 7 S-4-99 au BOI n° 87.

29 () Voir infra le commentaire de l’article 13 pour une présentation plus détaillée de ce mécanisme.

30 () Conseil constitutionnel, décision n° 2010-44 QPC du 29 septembre 2010, Epoux M., considérant 11 ; décision n° 2010-99 QPC du 11 février 2011, Mme Laurence N., considérant 5.

31 () Ainsi, une fraction de l’ordre de 28 % du total restitué (y compris par autoliquidation) au titre du bouclier fiscal 2009 a été remboursée au cours de l’année 2010, pour un montant de l’ordre de 204 millions d’euros.

32 () Si les constantes en euro faisaient l’objet de l’actualisation, et non d’un ajustement en fonction du montant d’impôt à acquitter au seuil inférieur de chacune des tranches d’imposition, cela aurait pour effet de conduire à une variation du montant d’impôt à acquitter après application de la formule de lissage qui ne serait pas proportionnée à l’actualisation. Par exemple, avec une actualisation de l’ordre de 2 %, le nouveau seuil d’assujettissement est porté à 1,33 million d’euros. La même actualisation appliquée à 1 500 euros conduit à un montant d’impôt à acquitter de 1 530 euros. On déduit de ces montants actualisés que la nouvelle constante de la formule de lissage est 25 070 euros. Si, à l’inverse, l’on applique le taux d’actualisation à la constante de la formule de lissage, elle s’élèverait à 24 990 euros. Cela aurait pour effet de porter le montant d’impôt à acquitter au seuil inférieur d’imposition à l’ISF à 1 610 euros, ce qui correspondrait à une progression du montant de l’impôt sensiblement plus élevée. L’objectif recherché est au contraire d’actualiser la valeur la plus basse de l’impôt réduit.

33 () Ainsi, dans l’hypothèse d’une actualisation de l’ordre de 2 %, une fois fixé le nouveau seuil d’assujettissement à 1,33 million d’euros, le nouvel impôt à acquitter à ce seuil à 1 530 euros, la constante actualisée étant de 25 070 euros, le seuil supérieur d’application de la formule de décote avec la constante actualisée est la valeur P pour laquelle 25 070 – 7 x 0,25 % x P = 0. Soit 1 432 571 euros.

34 () En ce qui concerne les justificatifs concernant les dons, le texte du IV de l’article 885-0 V bis A impose en fait de les joindre à la déclaration d’ISF. Toutefois, par une instruction administrative du 9 juin 2008 (instruction 7 S-5-08), l’administration fiscale a admis que cette obligation soit satisfaite dans les trois mois suivant la date limite de dépôt de la déclaration. Cette mesure est depuis lors reconduite par rescrit fiscal chaque année (voir le rescrit n° 2011/3 ENR).

35 () Ainsi, le paiement en valeur du Trésor ou en créances sur l’Etat, de même que le paiement par remise de blocs de titres de sociétés cotées ou de titres d’OPCVM seront interdits.

36 () Voir Gilles Carrez, Rapport au nom de la commission des Finances sur le projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, Assemblée nationale ; XIIIe législature, 5 juillet 2007, n° 62, page 182.

37 () En conclusion de son article « Transmission du patrimoine et impôt successoral » (Informations sociales, 2006/6, n° 134, pp. 42-53), M. Luc Arrondel observait : « Aucun système légal ou fiscal ne peut déterminer complètement les transferts entre les générations. Mais les individus, en fonction de leurs motivations et désirs, adaptent leurs pratiques à la législation. Même si on constate qu’ils sont loin de profiter au maximum de ces mesures, on observe une forte réactivité des comportements de donation à la taxation. »

38 () Compte rendu de la séance du 20 mars 1996, J.O. Débats, Sénat.

39 () La France ayant signé mais n’ayant pas ratifié la convention de La Haye du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance.

40 () Jugement du TGI de Nanterre du 4 mai 2004 s’agissant du bénéficiaire et arrêt de la Cour de Cassation du 31 mars 2009 s’agissant du constituant.

41 () Les entreprises de plus de 250 salariés comptent 1,7 % de leur effectif en alternance contre 11 % pour les entreprises de moins de 11 salariés.

42 () Loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.

43 () Définies à l’article L. 6241-8 du code du travail.

44 () Loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.

45 () Loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances.

46 () Part, dans l’effectif annuel moyen total, des salariés en contrat de professionnalisation ou en contrat d’apprentissage et des jeunes accomplissant un volontariat international en entreprise ou bénéficiant d’une convention industrielle de formation par la recherche dans l'effectif annuel moyen de l'entreprise

47 () Il convient, par ailleurs, de noter que la dépense au titre du « bonus » apprentissage (entre 5 et 10 millions d’euros) relève d’un ordre de grandeur très différent de celui de la dépense au titre du « bonus » automobile (372 millions d’euros prévus en 2011).

48 () En moyenne, + 4 % par an environ sur l’ensemble d’un cycle économique.

49 () Rappelons que le solde des comptes spéciaux n’est pas intégré à la norme de dépense.

50 () La loi de finances pour 2011 a créé les comptes Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique et Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs.

51 () M. Gilles Carrez, Rapport d’information de la commission des Finances sur l’application des mesures fiscales contenues dans les lois de finances et dans la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, Assemblée nationale, XIIIe législature, 2 juillet 2009, n° 1794, pp. 30-62.

52 ()  3 395 des 10 771 foyers assujettis à l’ISF et bénéficiaires du droit à restitution au titre du bouclier fiscal 2010 ont procédé à une autoliquidation sur l’ISF. Pour le bouclier fiscal 2009, ce nombre était de 2 820, pour un total de 8 674 foyers assujettis à l’ISF ayant exercé leur droit à restitution.

53 () « La fiscalité locale », Conseil des prélèvements obligatoires, mai 2010, 641 pages.

54 () Ce revenu de référence est toutefois diminué d’un abattement de 5 038 euros pour la première part, majoré de 1 456 euros pour les quatre premières demi-parts suivantes et de 2 575 euros ensuite.

55 () D’après l’instruction fiscale du 31 décembre 1908, il s’agit des prés et prairies naturels, herbages et pâturages, vergers et cultures fruitières, d’arbres et arbustes, vignes, bois, landes, lacs et étangs, jardins autre que les jardins d’agrément et terrains affectés à la culture maraîchère, florale et d’ornementation et les pépinières.

56 () CE, 20 janvier 1988.

57 () L’étude d’impact prévoit un chiffrage jusqu’à 2014.

58 () Article 45 de la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003.

59 () Sauf dispositions contraires prévues par des conventions internationales.

60 () Autres que les immeubles affectés par la société à sa propre exploitation industrielle, commerciale industrielle, commerciale, agricole ou non commerciale.

61 () Celles-ci sont désormais définies par référence à l’article 726 du CGI qui reprend la définition doctrinaire présentée à la DB 7 S 346.

62 () L’article 164 B du CGI dresse la liste exhaustive des revenus concernés. Par ailleurs, on notera qu’il existe quelques exceptions dont notamment les plus-values réalisées lors de la cession d’un bien meuble.

63 () À l’exception des réductions d’impôt en faveur de l’investissement dans des résidences de tourisme, presque toutes éteintes à ce jour.

64 () Cette disposition est néanmoins fragilisée dans son application aux résidents d’États membres de l’UE par la condamnation récente par la CJUE du régime portugais de représentation fiscale au motif que la restriction portée à libre circulation des capitaux n’était pas justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général liée à la lutte contre la fraude fiscale. En effet, la Cour a jugé que les mécanismes d’assistance mutuelle entre les États membres dans le domaine des impôts directs permettaient d’ores et déjà de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux.

65 () Sauf dispositions contraires prévues par des conventions internationales.

66 () Cet abattement, prévu à l’article 1388 du CGI, vise les frais de gestion, d'assurances, d'amortissement et de réparation.

67 () La date ainsi retenue correspond à la date retenue pour les obligations déclaratives des sociétés.

68 () C-279/93

69 () Par exemple, l’article 25 de la convention franco-américaine prévoit qu’ « un résident d'un État contractant qui dispose d'une ou plusieurs résidences sur le territoire de l'autre état contractant ne peut être soumis dans cet autre État à un impôt sur le revenu sur une base forfaitaire déterminée d'après la valeur locative de cette ou ces résidence ».

70 () La portée de la rédaction restant, par ailleurs, incertaine quant à celles de ces sociétés ayant opté pour l’IS. L’absence de leur mention expresse (par opposition par exemple à la rédaction retenue à l’article 150-0 D bis) semblant plutôt tendre à ce qu’elles ne soient pas retenues.

71 () Il résulte de cette disposition que le calcul de l’assiette sera opéré ligne de titres par ligne de titres, sans quoi les moins-values latentes d’une ligne s’imputeraient évidemment sur la « masse » des plus-values latentes. La solution proposée est donc plus rigoureuse que celle retenue en 1998, le dispositif permettant alors la compensation des plus-values et moins-values entre des participations différentes pour ne taxer que la plus-value nette (2 du I de l’article 167 bis du code général des impôts et BOI 5 B-20-99 nos 15 à 17).

72 () À la seule exception explicitement prévue par la rédaction proposée du bénéfice d’un dégrèvement d’office de l’impôt (ou de sa restitution) au terme d’un délai de détention de huit ans.

73 () Il devra s’agir, plus précisément, d’un Etat ayant conclu avec la France une convention d’assistance en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales ainsi qu’une convention d’assistance en matière de recouvrement comprenant des stipulations de portée similaire à celle de la directive du 16 mars 2010 organisant la coopération en ce domaine au sein de l’Union.

74 () Et à la condition qu’il ait eu son domicile fiscal en France pendant au moins six des dix années précédant celle au cours de laquelle il reçoit les biens.

75 () S’agissant de la plus-value, les hypothèses, au demeurant relativement complexes, de rachat de titres pouvant ouvrir droit à cet abattement ne sont, en revanche, pas couvertes de sorte que l’abattement restera « gelé » à son niveau constaté au départ de France.

76 () Loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

77 () En l’absence de la circulaire, une telle disposition aurait pu, en effet, être prévue par la LOPPSI puisque l’article 36 de la LOLF réserve aux lois de finances uniquement les affectations de ressources « établies au profit de l’État », c’est-à-dire déjà existantes et jusqu’alors affectées au budget de l’État. Il convient, par ailleurs, de remarquer que, en application du monopole, le nouvel article 33-4 de la loi du 12 juillet 1984, créé par la LOPPSI, renvoie à la loi de finances la détermination du taux et de l’assiette de la cotisation destinée à assurer le financement du conseil.

78 () Une prestation externalisée facturée 100 comprendrait 70 de rémunération des salariés. Imposer le chiffre d’affaires à 0,5 % (100*0,5 = 0,5) entraînerait une charge fiscale très proche de celle découlant d’une imposition de 0,7 % de la masse salariale (70*0,7 = 0,49). Un tel raisonnement tend toutefois à ne taxer que le coût marginal de la prestation internalisée, et non son coût complet (qui inclut la part des coûts fixes que la comptabilité analytique imputerait sur le coût de la prestation).

79 () Directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

80 () 17 septembre 1997, aff. 28/96, 5ème chambre, Fricarnes.

81 () Le taux effectif d’impôt sur les sociétés est généralement estimé à 25 %. En l’absence d’informations précises sur le secteur de la sécurité privée, un tel chiffre est retenu.

82 () En effet, la recette affectée suit une logique de service rendu, les bénéficiaires de la mission de service public contribuant directement à son financement.

83 () Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue.

84 () Article 132-2 du décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

85 () Article L. 3341-1 du code de la santé publique.

86 () Article 62-2 du code de procédure pénale.

87 () Article 63 du code de procédure pénale.

88 () Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

89 () Sur la justification d’un tel régime de recouvrement, se référer aux observations du Rapporteur général sous l’article 41 du projet de loi de finances initiale pour 2011 (rapport n° 2857, tome 2, page 510).

90 () Jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’Homme, rappelée dans un arrêt récent du 3 novembre 2009, n° 45890/05, Adam contre Roumanie.

91 () Une disposition similaire s’applique pour les droits de plaidoirie (art. 3 du décret n° 65-379 du 19 mai 1965 portant règlement d’administration publique relatif aux droits de plaidoirie d’avocats).

92 () L’UNCA est une association de la loi de 1901 qui fédère la totalité des caisses des règlements pécuniaires des avocats (CARPA).

93 () Les lois relatives à l’énergie sont désormais codifiées, conformément à l'ordonnance n° 2011-504 du 9 mai 2011 portant codification de la partie législative du code de l'énergie, conformément à l’habilitation accordée par l'article 92 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allégement des procédures, prolongée par l'article 28 de la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité. L'ordonnance entre en vigueur le 1er juin 2011. Jusqu’à sa ratification, qui doit intervenir explicitement, elle demeure un acte administratif dont la légalité peut être contestée devant le juge administratif par voie d'action ou d'exception. L'expiration du délai de trois mois à compter de sa publication, fixé par la loi d'habilitation, interdit au Gouvernement de modifier ou d'abroger celles des dispositions, qui relèvent du domaine de la loi, sauf à obtenir du Parlement une nouvelle habilitation ou en soumettant au Parlement un projet de loi. Cette codification doit se faire à droit constant

Le livre Ier du nouveau code est consacré à l'organisation générale du secteur de l'énergie et constitue un livre « horizontal ». Le titre II porte sur les obligations de service public et sur la protection des consommateurs et concerne uniquement l'électricité et le gaz.

94 () Accès régulé à l’électricité nucléaire historique, mis en place par la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité.

95 () Enquête sur le MEDIATOR®, Dr Anne-Carole BENSADON, Étienne MARIE et Dr Aquilino MORELLE, membres de l’Inspection générale des affaires sociales, janvier 2011, La documentation française, page 3.

96 () Communiqué de presse du ministère de la Santé, 7 avril 2011.

97 () CJCE, 10 mai 2001, aff. C-203/99, Henning Veedfald c/ Arhus Amtskommune, D. 2001, p. 3065, note Kayser P.

98 () Selon l'article 1386-5 du Code civil, la mise en circulation correspond au moment où le producteur s'est dessaisi volontairement du produit, chaque produit faisant l'objet d'une unique mise en circulation. La loi opte pour un critère matériel. Peu importe que le transfert de propriété n'ait pas eu lieu à ce moment. La mise en circulation s'opère dès que le produit incorpore la chaîne de distribution, c'est-à-dire dès que le premier intermédiaire en acquiert la détention.

99 () Voir notamment Cour de cassation, Civ. 1ère, 24 janvier 2006, Bull. civ. I, n°33 : « la date de mise en circulation correspond à la date de dessaisissement de chaque exemplaire dans le circuit de production-vente ».

100 () Dans cette hypothèse, l’usager peut saisir la CRCI en formation de conciliation selon la procédure prévue aux articles R. 1142-19 à R. 1142-23 du code de la santé publique. L’objectif de la commission, qui entend les personnes intéressées, est de faire homologuer un protocole d’accord assorti d’une indemnité. En cas d’accord partiel ou total, la CRCI établit un document de conciliation qui fait apparaître, le cas échéant, les points de désaccord, et qui est signé par les parties intéressées et le président de la commission.

101 () La loi n° 2004-806 du 9 août 2004 a également confié à l'ONIAM la mission d'assurer la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire alors que l'indemnisation était antérieurement assurée par le ministère de la Santé.

102 () La loi du 17 décembre 2008 a confié à l'ONIAM la mise en place d'un nouveau dispositif de règlement amiable des préjudices résultant de la contamination par le VIH et le VHC. Ainsi, à compter du 1er juin 2010, l'ONIAM se substitue à l'Établissement français du sang dans les contentieux en cours.

103 () La loi n° 2007-294 du 5 mars 2007.

104 () La loi n° 2002-1577 du 30 décembre 2002 transfère à l’ONIAM « la prise en charge financière des obligations de l'association France-Hypophyse résultant des contentieux civils relatifs à l'indemnisation des victimes de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) transmise par recours à l'hormone de croissance d'origine humaine ».

105 () Cour de cassation, Civ. 4 janv. 2005, n° 03-14206. Voir également Cour de cassation, Civ, 1re, 18 sept. 2008, n° 07-15427 ou Civ. 1re, 11 déc. 2008, n° 08-10255 ; Paris 27 oct. 2006, n° 04/17194.

106 () Discours prononcé par M. Dominique Strauss-Kahn à l’issue du Conseil d’administration du 5 novembre 2010, voir le communiqué de presse du FMI n° 10/418.

107 () Le montant des ressources financières et le niveau de liquidité du FMI depuis 2000 sont présentés dans un tableau en annexe.

108 () Le DTS est un actif de réserve international, créé en 1969 par le FMI pour compléter les réserves de change officielles de ses pays membres. Sa valeur est basée sur un panier de quatre grandes devises. Les DTS peuvent être échangés contre des devises librement utilisables. Avec l'entrée en vigueur d'une allocation générale de DTS le 28 août et d'une allocation spéciale le 9 septembre 2009, le montant de DTS a augmenté de 21,4 milliards à 204 milliards (soit l'équivalent de quelque 308 milliards de dollars américains), converti au taux au 31 août 2010.

109 () 14 emprunts bilatéraux ont été conclus avec les pays suivants : Japon (100 Md$), Canada (10 Md$), Norvège (3 Md de DTS), Royaume-Uni (9,92 Md de DTS), Allemagne (15 Md€), Pays-Bas (5,31 Md€), Danemark (1,95 Md€), Portugal (1,06 Md€), France (11,06 Md€), Belgique (4,74 Md€), Malte (120 M€), Slovaquie (440 M€), République tchèque (1,03 Md€).

110 () Accords conclus avec la Chine (32 Md de DTS), le Brésil (10 Md$), et l'Inde (10 Md$).

111 () Définis comme les États éligibles au Fonds de réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC) ayant un revenu par tête inférieur au seuil fixé par l’International Development Association (IDA), soit 1 135 $ en 2008. Pour les États classés dans la catégorie « petits pays » dans le cadre du FRPC, le seuil est égal à deux fois le seuil IDA.

112 () Ces autres accords comprennent les accords bilatéraux d'emprunt avec des États membres : Japon (100 Md$), Canada (10 Md$), Norvège (3 Md de DTS), Royaume-Uni (9,92 Md de DTS), Allemagne (15 Md€), Pays-Bas (5,31 Md€), Danemark (1,95 Md€), Portugal (1,06 Md€), France (11,06 Md€), Belgique (4,74 Md€), Malte (120 M€), Slovaquie (440 M€), République tchèque (1,03 Md€), Ils comprennent également les accords de souscription d'obligations conclus avec la Chine (32 Md de DTS), le Brésil (10 Md$), et l'Inde (10 Md$).

113 () Ressources considérées comme ne pouvant être utilisées pour financer les actions du FMI. Elles comprennent : les avoirs en or ; les avoirs dans les monnaies d’États qui font appel à des prêts du FMI et se trouvent donc dans une situation fragile de leur balance des paiements ou de leurs réserves ; les avoirs dans des monnaies d’autres États qui, sans faire appel à des prêts du Fonds, se trouvent néanmoins dans une telle situation de fragilité ; les « autres actifs » (comprenant par exemple les bâtiments du FMI).

114 (3) Le « ratio de liquidité » que calculait le FMI a été remplacé en 2002 par un nouvel indicateur, la Forward Commitment Capacity ou FCC, qui désigne la capacité d’engagement – c’est-à-dire d’octroyer de nouveaux prêts – au cours de l’année à venir. Cet indicateur prend la forme d’un montant en droits de tirage spéciaux ou en dollars, alors que le ratio de liquidité était exprimé en pourcentage.