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APRÈS ART. 16N°296

ASSEMBLÉE NATIONALE
29 novembre 2012

LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2012 - (N° 403)

Commission
 
Gouvernement
 

Adopté

AMENDEMENT N°296

présenté par

M. Muet, M. Bloche et M. Guillaume Bachelay

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ARTICLE ADDITIONNEL

APRÈS L'ARTICLE 16, insérer l'article suivant:

I – L’article 220 sexies du code général des impôts est ainsi modifié :

A. – Le II est ainsi modifié :

1° À la première phrase du 1, les mots : « et de l’animation » sont remplacés par les mots : « , de l’animation et, en ce qui concerne les œuvres audiovisuelles, de la captation ou recréation de spectacle vivant » ;

2° Le 3 est ainsi rédigé :

« 3. Les œuvres audiovisuelles documentaires et les œuvres audiovisuelles appartenant au genre de la captation ou recréation de spectacle vivant peuvent bénéficier du crédit d’impôt lorsque le montant des dépenses éligibles mentionnées au III est supérieur ou égal à 2000 € par minute produite. »

B. – Le 1 du III est ainsi modifié :

Au b) après le mot : « précité » sont insérés les mots : « et aux artistes de complément » ;

Il est complété par deux alinéas ainsi rédigés : 

« e) Les dépenses de transport, de restauration et d’hébergement occasionnées par la production de l’œuvre sur le territoire français ;

« f) Pour les œuvres audiovisuelles documentaires, les dépenses relatives à l’acquisition de droits d’exploitation d’images d’archives pour une durée minimale de quatre ans, effectuées auprès d’une personne morale établie en France, dès lors qu’il n’existe pas de lien de dépendance, au sens du 12 de l’article 39, entre cette personne et l’entreprise de production bénéficiaire du crédit d’impôt. »

C. – Le VI est ainsi modifié :

1° Au 1. le chiffre : « 1 » est remplacé par le chiffre : « 4 ».

2° Le 2 est ainsi rédigé :

« 2. La somme des crédits d’impôt calculés au titre d’une même œuvre audiovisuelle ne peut excéder 1 250 € par minute produite et livrée pour une œuvre de fiction, 1 150 € par minute produite et livrée pour une œuvre documentaire ou pour une œuvre appartenant au genre de la captation ou recréation de spectacle vivant et 1 300 € par minute produite et livrée pour une œuvre d’animation.

La somme des crédits d’impôt est portée à 5 000 euros maximum par minute produite et livrée pour les œuvres audiovisuelles de fiction qui répondent aux conditions suivantes :

a)Être produites dans le cadre d’une coproduction internationale dont le coût de production est couvert au moins à hauteur de 30 % par des financements étrangers ;

b) Avoir un coût de production supérieur ou égal à 35 000 € par minute produite.

Par dérogation au a du 1 du II ces œuvres peuvent être réalisées en langue étrangère. Dans ce cas, elles doivent faire l’objet d’une version livrée en langue française. »

II. - Le présent article entre en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2014.

III. – Les dispositions mentionnées au I ne sont applicables qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.

IV. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par l’instauration d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

Le présent amendement a pour objet de renforcer la compétitivité du crédit d’impôt cinéma et audiovisuel au regard des avantages fiscaux existant dans les autres pays européens et de favoriser le maintien en France de productions d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles. Les effets bénéfiques de ces crédits d’impôts sur l’emploi et la croissance sont très clairs : l’étude menée par l’institut indépendant Greenwich, publiée en septembre 2010, a montré que la part de tournages réalisés sur le territoire avait progressé de 10 points grâce à la mise en place de ces mécanismes. Par ailleurs, la même étude avait souligné l’impact positif des crédits d’impôts sur les finances publiques : l’étude a ainsi estimé les recettes fiscales et sociales produites par ces crédits d’impôt à 437 M€ en 2009, soit 4 fois le coût fiscal des crédits d’impôt accordés[1] (108 M€). Pour un euro de crédit d’impôt cinéma, 11,3 euros de dépenses sont réalisées dans la filière et 3,6 euros de recettes fiscales et sociales sont perçues par la puissance publique. Un euro de crédit d’impôt audiovisuel engendre 13,8 euros de dépenses dans la filière et 4,8 euros de recettes fiscales et sociales[2].

Or, aujourd’hui, ces dispositifs ont perdu en compétitivité du fait de la mise en place de mécanismes plus performants chez nos voisins, notamment en Allemagne et en Belgique. L’étude Hamac-Mazars publiée en 2011 avait ainsi montré que le « taux réel » du crédit d’impôt cinéma français (crédit obtenu / devis total) est de 7 - 8 % contre 13 % en Allemagne et 18 % en Belgique. Cette perte de compétitivité se traduit déjà dans l’emploi : au premier semestre 2012, la part des tournages réalisés en France a ainsi diminué de 10 points part rapport à son niveau à la même période de l’année en 2011.

C’est pourquoi le pacte de compétitivité présenté par le Gouvernement prévoit d’adpater les crédits d’impôts cinéma et audiovisuel, afin de maintenir « l’excellence des filières françaises dans l’industrie audiovisuelle et du cinéma, renforcer l’attractvité du territoire et stimuler les filières techniques concernées ».. Cette exigence est aujourd’hui urgente, comme en témoignent les graves difficultés rencontrées par les industries techniques.

Ainsi, le présent amendement propose de porter le plafond du crédit d’impôt pour dépenses de production déléguée d’œuvres cinématographiques à 4 millions d’euros, contre 1 M€ par œuvre actuellement. Une telle mesure assurerait ainsi une meilleure compétitivité du mécanisme du crédit d’impôt dont le plafond serait équivalent à celui des mécanismes similaires existant dans des pays voisins comme l’Allemagne.

Par ailleurs, le présent amendement vise à prendre en compte, au titre des dépenses artistiques, les rémunérations versées aux artistes de complément. Il est en effet cohérent de les inclure dans la mesure où ils sont considérés, de la même manière que les artistes interprètes, comme artistes du spectacle. En 2010, la figuration a représenté près de 15 % des dépenses d’interprétation des films agréés.

Concernant toujours les dépenses éligibles, le présent amendement ajoute dans la base de calcul du crédit d’impôt les dépenses de transport, de restauration et d’hébergement occasionnées par la production de l’œuvre sur le territoire français. Dans la mesure où le crédit d’impôt pour dépenses de production exécutive d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles prend en compte des dépenses de même nature au titre des dépenses éligibles, il convient en effet d’assurer une cohérence entre le mécanisme de crédit d’impôt « national » et celui « international » en harmonisant l’assiette de ces crédits d’impôt.

Il est également prévu d’inclure dans la base de calcul du crédit d’impôt les dépenses relatives à l’acquisition d’images d’archives. En effet, l’objectif poursuivi est de renforcer la qualité des productions documentaires pour les rendre plus compétitives, face notamment à la concurrence de la BBC, et d’inciter à l’acquisition de documents d’archives auprès de détenteurs de droits français (notamment l’INA, Gaumont…).

En outre, en ce qui concerne plus particulièrement le secteur audiovisuel, le crédit d’impôt est aujourd’hui seulement ouvert à la fiction, au documentaire et à l’animation. Ainsi, la captation ou recréation de spectacle vivant demeure le seul genre d’œuvres patrimoniales qui ne peut bénéficier de ce dispositif malgré un financement fragile et une forte valeur culturelle. Le présent amendement vise donc à inclure la captation ou recréation de spectacle vivant dans le champ du crédit d’impôt en permettant de traiter équitablement l’ensemble des genres audiovisuels qui concourent à la création, pour un coût fiscal limité (quelques productions par an).

Par ailleurs, il est proposé d’ouvrir, sous certaines conditions, le crédit d’impôt aux œuvres audiovisuelles de fictions produites dans le cadre de coproductions internationales.

En effet, à la suite de la renégociation des accords entre les organisations professionnelles et les chaînes de télévision, la réglementation relative aux obligations des diffuseurs en matière de production d’œuvres audiovisuelles a été modifiée en 2010 afin d’intégrer un « couloir européen », qui ouvre la possibilité aux chaînes de consacrer une proportion limitée de leurs obligations à des œuvres européennes qui ne sont pas d’expression originale française. Cette proportion s’élève à 10 % pour les chaînes historiques et à 15 % pour Canal+. Cette réforme a pour objectif de favoriser l’internationalisation de la production française de fiction et de permettre aux diffuseurs français de s’engager sur des œuvres de valeur internationale.

Les chaînes ont progressivement utilisé ce « couloir européen » en prenant l’initiative de lancer, avec des producteurs délégués français, des séries ambitieuses (XIII, Transporteur, Les Borgia,etc.). Ces œuvres ont cependant été tournées à l’étranger, faute d’un outil fiscal suffisamment efficace pour compenser le différentiel de compétitivité avec des territoires où le coût du travail est plus réduit et/ou proposant des dispositifs de soutien public plus incitatifs. Certaines de ces productions ont pu bénéficier des aides du CNC (XIII, Transporteur) mais pas du crédit d’impôt. D’autres ont été montées sans même faire appel à ces aides (Les Borgia), faute d’atteindre le seuil minimal de dépenses en France. Les producteurs de projets en cours de développement, dont Versailles (projet de série de 12 épisodes développée par Capa Drama pour Canal +), seront amenés dans les prochains mois à prendre des décisions lourdes de localisation de leur tournage.

L’objectif de la mesure est de renforcer la compétitivité du territoire français pour ces coproductions internationales d’envergure. Il est ainsi proposé d’instaurer un mécanisme ciblant les productions intégrant une proportion significative - supérieure ou égale à 30 % - de financements étrangers et atteignant un niveau de budget très élevé (35 000 € de coût de production d’une minute) afin de toucher les œuvres susceptibles d’entraîner les retombées économiques les plus fortes. Ces œuvres bénéficieraient d’un plafond de crédit d’impôt par minute produite et livrée de 5 000 €. Compte tenu de l’encadrement strict du « couloir européen », environ quatre ou cinq séries d’envergure seraient concernées chaque année, générant des investissements supplémentaires en France de l’ordre de 62 à 84 M€, pour une dépense fiscale évaluée dans une fourchette de 8 à 11 M€.

Ces œuvres devront en tout état de cause être livrées au diffuseur dans une version française. La souplesse introduite dans l’application du critère de la langue est cohérente avec l’ouverture du régime des obligations de production à la fiction tournée en langue étrangère. Elle constitue une adaptation limitée de la condition relative à la langue, strictement encadrée mais structurante sur le plan économique.

Enfin, les plafonds du crédit d’impôt pour les autres œuvres audiovisuelles, qui n’ont jamais évolué depuis 2006 , sont revalorisés afin de tenir partiellement compte de l’augmentation des coûts de production (+ 14 % en fiction par exemple depuis 2006 – il est proposé d’actualiser à hauteur de 9 % pour la fiction et de 8 % pour l’animation).

Au total, cette mesure, dont le coût fiscal s’élève à environ 70 M€, permettra de générer entre 210 et 230 M€ d’investissements supplémentaires chaque année en France, en parfaite cohérence avec les objectifs du pacte de compétitivité.

[1] Y compris crédit d’impôt international

[2] Source : Evaluation des dispositifs de crédit d’impôt (Greenwich – septembre 2010)